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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Thursday, June 12, 1980 - Vol. 21 N° 112

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je dépose le rapport d'activité pour l'année 1979 de la Sûreté du Québec.

Le Président: Merci, rapport déposé.

M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Décret et contrat d'achat par la SNA

des mines d'amiante Bell, Atlas Turner et Turner Building Products

M. Bérubé: M. le Président, conformément à l'article 16 de la loi 70, constituant la Société nationale de l'amiante, il me fait plaisir de déposer le décret portant le no 1355-80 du 11 mai 1980, décret ayant trait à l'acquisition par la Société nationale de l'amiante de trois entreprises, soit les mines d'amiante Bell, Atlas Turner Inc., et Turner Building Products.

De plus, conformément à l'engagement qu'avait pris le gouvernement, il me fait plaisir de déposer deux autres documents, soit le contrat d'achat par la Société nationale de l'amiante des trois entreprises que je viens de nommer et l'étude réalisée conjointement avec la société Turner & Newall pour établir la valeur de ces trois entreprises.

Le Président: Documents déposés. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Répertoire des produits fabriqués au Québec

M. Duhaime: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le répertoire des produits fabriqués au Québec, préparé par le Centre de recherche industrielle du Québec, 1980.

Le Président: Document déposé. M. le ministre d'Etat à l'Aménagement. M. le leader parlementaire-Dépôt de rapports de commissions élues. M. le député de Châteauguay.

Rapport de commissions élues

Règlements découlant de la Loi électorale 79, chapitre 56

M. Dussault: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue de l'Assemblée nationale qui a siégé le 10 juin 1980 aux fins d'étudier les règlements découlant de la Loi électorale, 1979, chapitre 56, lesquels ont été adoptés avec des amendements. Merci, M. le Président.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôts de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Rapport du greffier en loi sur les projets de loi privés

M. Charron: M. le Président, j'en ai deux dont je devrai saisir la Chambre ce matin. Tout d'abord, voici le rapport du greffier en loi sur un projet de loi qui porterait le numéro 261, Loi modifiant la charte du Crédit foncier franco-canadien. On dit que le projet est conforme à l'avis et que l'avis est suffisant en nombre. Toutefois, il a été déposé au secrétariat des commissions après le jour d'ouverture de la session.

Je sollicite donc de l'Assemblée cette dérogation pour pouvoir déposer le projet de loi, M. le Président. J'en fais motion.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Chevrette: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: De même, M. le Président, le greffier me fait rapport sur un projet de loi qui porterait le numéro 263 qui concerne la municipalité de Notre-Dame-de-la-Merci. Le projet a également été déposé après l'ouverture de la session. C'est une première dérogation que je sollicite. Deuxièmement, la publication des avis paraîtra dans la Gazette officielle le 14 juin et dans la Presse et le Journal de Joliette à compter du 11 juin 1980.

Je sollicite donc cette dérogation pour pouvoir le déposer quand même.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Le Président: Adopté. Les rapports seront déposés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, le ministre de la Justice a un nouveau projet de loi à présenter ce matin à l'article... il est en appendice et je sollicite le consentement de la Chambre pour pouvoir déposer ce projet de loi.

Une Voix: Consentement.

Projets de loi au nom du gouvernement

Projet de loi no 183 Première lecture

Le Président: II semble qu'il y ait consentement. M. le ministre de la Justice propose la première lecture du projet de loi no 183, Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires.

M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: Ce projet de loi propose diverses modifications au Code de procédure civile, au Code civil et à la Loi sur l'aide sociale. Les modifications au Code de procédure civile ont pour objet l'établissement de mesures visant à favoriser la perception des pensions alimentaires. Ainsi, le protonotaire de la Cour supérieure pourra procéder à des saisies mobilières ou immobilières et agir pour le créancier dans diverses procédures visant à favoriser cette perception. On prévoit également que les saisies-arrêts de traitement, salaire ou gage demeurent tenantes non seulement pour les arrérages, mais aussi pour les versements à venir de la pension et ce durant un an. On introduit également la possibilité, dans certaines circonstances, de suspendre la saisie.

Le projet de loi prévoit aussi que le tribunal pourra ordonner à une personne de fournir au créancier d'une pension alimentaire accordée par jugement des renseignements sur le lieu de résidence ou de travail de son débiteur. Il prévoit, en outre, malgré toute autre loi au contraire, la sai-sissabilité jusqu'à concurrence de 50% des revenus du débiteur d'une pension alimentaire et la possibilité pour le créancier d'être payé par préférence sur la moitié des sommes saisies.

Les modifications au Code civil permettent l'indexation des pensions alimentaires. Elles fixent la prescription des arrérages de pension à trois ans tout en permettant au débiteur qui désire être libéré en tout ou en partie du paiement de la pension d'invoquer, dans certaines circonstances exceptionnelles, des changements survenus dans sa condition ou celle de son créancier depuis le jugement.

Enfin, la Loi sur l'aide sociale est modifiée afin d'assouplir les règles relatives à la subrogation prévue en faveur du ministre des Affaires sociales.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je sollicite le consentement également pour qu'un projet de loi qui apparaît en appendice au nom du ministre d'Etat à la Réforme électorale puisse également être déposé ce matin. (10 h 20)

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Levesque (Bonaventure): Consentement.

M. Chevrette: Ils n'ont rien à dire de l'autre bord.

Projet de loi no 111 Première lecture

Le Président: M. le ministre de la Justice propose la première lecture du projet de loi no 111, Loi modifiant diverses dispositions électorales.

M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, l'article 1 de ce projet de loi vise à modifier la Loi électorale pour permettre l'inscription de l'électeur sur la liste électorale, le jour de l'émission du décret. L'article 2 permet au directeur général des élections de tenir un recensement à l'époque qu'il détermine. L'article 3 permettra de tenir des élections partielles en se servant des listes électorales faites pour le scrutin du 20 mai dernier.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. Charron: L'article d) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 261 Première lecture

Le Président: M. le député de Laprairie propose la première lecture du projet de loi privé no 261, Loi modifiant la charte du Crédit foncier franco-canadien.

Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté.

Motion de renvoi

à la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières

M. Charron: M. le Président, je voudrais proposer que ce projet de loi soit déféré à la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières.

Le Président: Est-ce que cette motion de déférence sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: L'article c) du feuilleton, M. le Président, s'il vous plaît.

Projet de loi no 263 Première lecture

Le Président: M. le député de Joliette-Montcalm propose la première lecture du projet de loi privé no 263, Loi concernant la municipalité de Notre-Dame-de-la-Merci. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Motion de renvoi à la commission des affaires municipales

M. Charron: Je voudrais proposer que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires municipales, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président: Est-ce que cette motion de déférence sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Temps des questions orales.

M. le député de Mont-Royal.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Ciaccia: Ma question s'adressait au ministre de l'Energie et des Ressources; il était ici il y a quelques instants; est-il dans l'Assemblée?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources?

L'adjoint parlementaire est présent, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je préfère le ministre.

M. Charron: Commencez par la deuxième question.

Le Président: Pourrais-je solliciter votre concours pour commencer par la deuxième question?

M. Forget: M. le Président, la deuxième question s'adresse au ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Scowen: Ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des Ressources.

Le Président: Comme le ministre de l'Energie et des Ressources n'est pas là, je vais passer à l'Union Nationale.

M. Forget: Le ministre de l'Energie et des Ressources était ici, il a fait un dépôt.

Le Président: Je comprends que le ministre de l'Energie et des Ressources était là tout à l'heure, on me dit qu'il est au téléphone. Je pense qu'on ne peut pas perdre la période des questions parce qu'un ministre est absent. Cela arrive tous les jours.

M. Fontaine: J'en ai une au premier ministre. Où est-il?

M. Cordeau: M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe, en attendant.

Subventions pour chemins municipaux

M. Cordeau: M. le Président, je suis plus chanceux, le ministre à qui je veux adresser ma question est présent en cette Chambre. M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. La semaine passée, je lui avais adressé une question concernant les subventions pour les chemins municipaux et, dans sa réponse, il nous informait que le cabinet des ministres et le Conseil du trésor prendraient une décision incessamment et qu'il en ferait part à cette Assemblée. Aujourd'hui, M. le Président, je voudrais savoir du ministre si la décision a été prise et quelles seront les modalités de ce programme.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: M. le Président, j'avais indiqué la semaine dernière au député de Saint-Hyacinthe que le dossier était actuellement à l'étude au Conseil du trésor et que je devais rencontrer le ministre des Finances et le président du Conseil du trésor pour arrêter les modalités de ce programme. Je dois effectivement rencontrer mon collègue ce midi et une décision sera vraisemblablement prise dans le courant de la journée. Je pourrai donc annoncer les résultats de ces conversations à cette Assemblée la semaine prochaine.

M. Cordeau: M. le Président...

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: ... étant donné que la décision devrait se prendre vers l'heure du midi, est-ce que le ministre pourrait revenir en cette Chambre cet après-midi et, à 15 heures, faire une déclaration à cet effet afin d'informer tous les maires qui attendent avec impatience la réponse du ministre? Je crois que la plupart des députés en cette Chambre sont aussi intéressés à connaître la décision qui sera prise. Je demande donc au ministre s'il lui serait possible, dès que la décision sera prise, de revenir à cette Assemblée afin de faire part aux membres de cette Assemblée de la décision qui sera prise.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. de Belleval: M. le Président, je comprends l'importance du sujet. Cependant, on m'a informé que la réunion qui permettrait de ratifier les propositions conjointes du ministre des Finances et du ministre des Transports n'aura lieu que durant la soirée. C'est ce qui explique que je ne pourrai, malheureusement pas, vous faire part de ces décisions cet après-midi.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud, une question additionnelle.

M. Mathieu: Une question additionnelle, M. le Président. Etant donné que c'est un sujet très important pour les comtés ruraux, est-ce que le ministre pourrait nous certifier que les montants qui seront alloués aux municipalités le seront assez tôt pour que les travaux puissent être effectués dans les municipalités au cours de l'année en cours 1980?

Le Président: M. le ministre des Transports. M. de Belleval: Oui, M. le Président.

Le Président: Une question additionnelle, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Le ministre des Transports peut-il nous assurer dès maintenant que ce programme d'aide aux municipalités sera différent de celui du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a permis à certains députés péquistes, au cours de la campagne référendaire, de distribuer des subventions à des organismes de loisir? Peut-il nous donner l'assurance que ce programme d'aide financière aux municipalités s'appliquera à tous les comtés, incluant ceux représentés par des députés de l'Opposition, contrairement au programme du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche?

M. Lessard: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lessard: Tous les députés en cette Cham- bre ont reçu une lettre leur indiquant qu'il y avait des disponibilités financières dans le secteur des loisirs, et tous les députés libéraux et de l'Union Nationale ont reçu des subventions selon les recommandations qui m'ont été données par les députés.

M. Gratton: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je mets en cause ce que vient de dire le ministre et je lui donne un cas spécifique. Les personnes âgées du secteur de Parc de la Colline, à Maniwaki, après que le ministre m'eut refusé une subvention, ont reçu des mains de la ministre des Travaux publics, députée de Hull, une subvention de $750, une semaine avant la tenue du référendum, ce qui n'a pas changé...

Des Voix: Ah, ah!

M. Gratton: Ce patronage n'a rien changé puisqu'à cet endroit, le oui n'a eu qu'un seul vote!

Une Voix: $750 le vote! M. Gratton: $750 le vote!

Le Président: Mme la ministre des Travaux publics.

Mme Ouellette: Effectivement, M. le Président, j'étais allée rendre visite aux gens de Place de la colline qui me connaissent bien, étant donné qu'ils résident présentement dans un édifice qui a été construit par le gouvernement du Québec. Ces gens, parce qu'ils avaient déjà fait la demande au député de Gatineau et n'avaient pas eu de réponse, m'avaient demandé de véhiculer une demande auprès de mon collègue...

M. Gratton: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau, on n'intervient pas sur une question de privilège avant que la question de privilège ne soit terminée.

Mme le ministre des Travaux publics.

M. Gratton: M. le Président, je m'excuse. Une question de règlement. (10 h 30)

Le Président: Non, ni sur une question de règlement. Je vais vous céder la parole immédiatement après, M. le député de Gatineau.

Mme Ouellette: Donc, ces gens résidant dans le comté de Gatineau n'avaient toujours pas eu de réponse. On a dû s'adresser à moi et j'ai effectivement transmis la demande à mon collègue, qui s'est empressé de répondre et de leur offrir ce qu'ils réclamaient; c'était entre autres une table de

billard que ces personnes du troisième âge réclamaient pour leurs loisirs. Elles l'ont donc reçue parce que le député de Gatineau ne s'en occupait pas, voilà!

Le Président: M. le député de Gatineau, en espérant qu'on va mettre fin à la partie de billard.

M. Gratton: M. le Président, je veux bien mettre fin à l'échange.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Mme la ministre vient d'avouer qu'elle a fait du patronage au cours de la campagne référendaire. Elle prétend que je n'ai pas répondu à la demande des citoyens de la Place de la colline; au contraire, je leur ai répondu en leur fournissant copie d'une lettre du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche dans laquelle il me disait qu'il n'y avait aucun fonds disponible pour le comté de Gatineau. Je termine en remerciant la ministre des Travaux publics de s'être occupée de ce dossier; je suis tout à fait heureux du résultat du référendum à la Place de la colline comme dans l'ensemble du comté de Gatineau et je suis sûr que le député de Hull aimerait bien en dire autant du sien!

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des Ressources.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

L'exploitation de la mine Belmoral

M. Ciaccia: Malgré que la situation de la mine Belmoral ne soit pas encore sous contrôle, on a toujours espoir pour les personnes concernées; cependant, il y a certains éléments, portés à l'attention du public au cours des dernières semaines, qui portent à croire que le gouvernement n'a pas pris toutes les mesures qui s'imposent dans une activité qui comporte tant de risques. Même si éventuellement il va y avoir une enquête et que certaines recommandations seront faites, peut-être y aurait-il lieu maintenant que le gouvernement prenne certaines mesures ou révise ses procédures pour éviter d'autres situations ou d'autres accidents semblables.

Ma première question au ministre de l'Energie — je l'aurais posée également au ministre de l'Environnement mais je ne le vois pas à son siège — est la suivante; Est-ce que la compagnie Belmoral avait tous les permis nécessaires?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: La réponse à cette question, M. le Président, c'est non; elle n'avait ni son bail minier, ni son permis des Services de protection de l'environnement.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Alors, M. le Président, en question supplémentaire, je pourrais demander, si la compagnie n'avait pas son permis, son bail minier, pourquoi le ministère a laissé continuer les travaux. Je voudrais porter aussi à l'attention du ministre l'article 281, alinéa 4, de la Loi sur les mines qui prévoit que le ministre peut exiger d'un exploitant, ainsi que de tout détenteur de droits de mine engagé dans des travaux d'exploration, tout plan nécessaire à une meilleure connaissance des gisements et des travaux faits dans la mine pour la protection des ouvriers.

Je demande alors au ministre s'il peut nous dire s'il a exigé de tels plans pour la protection des ouvriers.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Je peux dire que si la compagnie n'a pas de bail minier, il faut quand même se référer à l'article de loi 84, ou 94, de la Loi des mines, qui est explicite et qui dit que le détenteur d'un claim minier a droit à un bail minier s'il démontre la rentabilité de la mine. Or, je dois dire que dès octobre 1978, la compagnie avait fait, à la satisfaction des fonctionnaires du ministère, la démonstration que la mine était économiquement exploitable compte tenu des prix de l'or.

En d'autres termes, on peut dire que la compagnie minière avait droit à son bail minier. Ce qui explique en même temps pourquoi, du côté du ministère, on a donc accepté l'exploitation comme telle, d'une part. D'autre part, soulignons qu'effectivement il y a eu une inspection générale avant même qu'il y ait exploitation de la mine, une inspection générale de la mine, une analyse des plans d'exploitation par la compagnie, de manière à déterminer les problèmes généraux de sécurité. Les fonctionnaires qui ont fait cette inspection n'ont pas relevé, à ce moment-là, d'indice leur permettant de présumer qu'il y aurait des problèmes concernant la sécurité dans la mine.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: II y a un autre article, M. le Président, que je voudrais porter à l'attention du ministre, c'est l'article 295 de la Loi sur les mines, qui prévoit que le ministre a le droit d'ordonner, par écrit, à un exploitant ou à ses agents, de remédier, dans le temps qu'il fixe, à tout état de choses ou pratiques jugées dangereuses. Il peut, en ce cas, ordonner l'arrêt de travail et l'évacuation de la mine jusqu'à l'application des mesures qu'il juge satisfaisantes pour la protection des ouvriers.

Il y a eu plusieurs rapports dans les journaux, par exemple, dans la Presse de samedi, savoir qu'à la fin de janvier, un des chantiers de la mine avait été fermé à la demande des mineurs parce que le plafond leur tombait sur la tête morceau par morceau. De plus, une semaine avant la tragédie, un contremaître dans la mine informait l'un des

mineurs qu'un premier affaissement survenu au niveau 1 pouvait entraîner une réaction en chaîne aux niveaux inférieurs. Apparemment, les mineurs auraient déclaré que la sécurité et la prévention étaient à toutes fins utiles inexistantes.

Est-ce que les inspecteurs du ministère ont constaté que ces conditions existaient ou n'existaient pas. Ces affirmations sont-elles exactes ou si le ministre les contredit? Si ces affirmations sont exactes, il y avait la question du bail minier pour lequel le ministre aurait pu exiger certaines conditions. Pourquoi le ministre ne s'est-il pas prévalu de l'article 295 et ordonné l'arrêt du travail jusqu'à ce que ces conditions soient respectées? Pourquoi a-t-il permis que la compagnie continue l'exploitation sans avoir reçu son permis? Le ministre vient d'avouer qu'elle ne l'avait pas reçu. Le ministre peut-il nous dire aussi si la compagnie avait son permis du ministère de l'Environnement? Ce permis avait-il été refusé lui aussi?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: A poser mille et une questions à l'intérieur de la même question, il devient quasiment impossible de répondre à toutes, parce qu'on finit par ne pas être capable de les noter toutes. Je vais essayer de répondre tant bien que mal à certaines qui m'ont frappé.

Le député de Mont-Royal dit que le ministre a le pouvoir de faire des inspections et d'ordonner des correctifs à l'exploitation de la mine. Effectivement, il y a eu quinze visites de la mine en question et à chacune de ces visites, il y a eu un certain nombre d'anomalies, soit dans le fonctionnement de certains appareils mécaniques, soit dans le système électrique ou autre, soit au niveau, par exemple, de bétonhage de galeries qui, comme j'ai cru le compendre, avaient été observées et, à chaque fois, l'inspecteur des mines, dans son rapport, a exigé de la compagnie des correctifs. Ces correctifs ont été portés chaque fois, à ma connaissance. Par conséquent, je n'ai pas pu voir, d'après l'analyse des rapports que l'on m'a fournis, qu'il y ait eu des observations faites par les inspecteurs des mines qui n'auraient pas été corrigées et qui auraient amené le ministre a demander la fermeture de la mine à la recommandation de l'inspecteur des mines. (10 h 40)

Je réponds donc négativement à la question que vous venez de poser. Il n'y a pas eu d'indication à savoir qu'on devait exiger la fermeture.

Quant aux faits allégués par le député de Mont-Royal, je dois lui souligner que ces faits ont été soulevés lors d'une enquête qui est présentement en cours, menée par mon ministère, par l'inspecteur des mines et par la Sûreté du Québec, enquête qui doit nous amener à identifier les causes et également nous permettre de savoir si, effectivement, on aurait pu prévoir les circonstances qui se sont produites à la mine. Donc, les faits allégués par le député de Mont-Royal sont des résultats d'une enquête par mon ministère. Il est bien évident que si nous nous convainquons que ces faits démontrent clairement que l'accident était prévisible et que des mesures auraient dû être prises, nous prendrons les moyens pour qu'un tel accident ne se reproduise pas.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le ministre pourrait-il nous expliquer s'il y a une condition dans la loi à savoir que la compagnie doit avoir un permis d'exploitation? Ce permis peut être assujetti à des conditions, parce que la loi vous donne le droit d'exiger des plans, des mesures de sécurité. Comment se fait-il qu'une compagnie puisse exploiter une mine ici sans avoir reçu un permis par écrit du ministère incluant les conditions de fonctionnement et les mesures qui devaient être prises pour la protection des ouvriers, d'après la loi? Pouvez-vous expliquer ce fait?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: L'affirmation que le député de Mont-Royal vient de faire est erronée. Effectivement, la mine a dû soumettre un plan à l'inspecteur des mines dans le domaine de la sécurité et ce plan, de même que toutes les visites faites par l'inspecteur des mines, a comme objectif de vérifier la sécurité de la mine. C'est une partie de la Loi sur les mines concernant l'opération sécuritaire.

Il y a une autre partie de la Loi des mines qui est le bail minier. Or, le bail minier veut simplement dire que l'exploitant a l'autorisation d'exploiter un gisement commercial. Le seul critère qui est permis dans la loi, c'est le critère de rentabilité économique, c'est-à-dire que le détenteur du bail minier doit me faire la preuve que cette mine est commercialement exploitable. Or, j'ai reçu, dès le mois d'octobre 1978, un rapport, une étude, une demande de la compagnie démontrant qu'effectivement cette mine était économiquement exploitable et, la loi étant explicite à ce sujet, elle a donc droit à son bail minier.

Les recommandations de mes fonctionnaires sont d'octroyer, étaient d'octroyer le bail minier. La seule et unique raison pour laquelle le bail minier n'a pas été émis est très simple, c'est que, tant et aussi longtemps que le permis du ministère de l'Environnement n'a pas été émis, il y a une entente tacite entre nos ministères, à savoir qu'on s'assure, au moment où on émet le bail, que tous les papiers sont émis en même temps. Ce qui fait que le bail minier que j'aurais pu délivrer il y a maintenant deux ans n'a pas été délivré parce qu'on attend que le ministère de l'Environnement ait eu le temps de faire les études appropriées.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, à trois occasions on a parlé du ministère de l'Environnement. J'aime-

rais donc compléter les explications du ministre de l'Energie et des Ressources concernant le secteur de l'environnement.

Il est exact que le 20 mars 1980 le ministère de l'Environnement a demandé à la mine des explications précises concernant la façon dont les exploitants de la mine entendaient protéger l'environnement, c'est-à-dire s'ils vont s'assurer qu'il n'y aura pas de déversement dans les rivières, s'ils vont faire connaître la façon dont ils ont l'intention de faire leur stockage des déchets et la façon dont ils vont s'assurer la restauration après l'exploitation. Ce sont des informations régulières que le ministère de l'Environnement exige à celui qui demande un certificat d'autorisation pour s'assurer qu'on ne détériorera pas l'environnement en exploitant le gisement. Donc, cette demande a été faite le 20 mars 1980 et, jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucune réponse. Le ministère, après deux ou trois mois, quand il voit que la mine ne réagit pas, écrit à nouveau pour dire que cela prend absolument ces renseignements avant d'émettre un certificat.

Donc, je peux dire que nous n'avions eu aucune réponse des propriétaires de la mine concernant ces renseignements. Il n'y avait rien qui prouvait qu'ils n'auraient pas respecté la qualité de l'environnement. Donc, il n'y a rien qui nous disait qu'il fallait leur enlever ou leur refuser le permis, on attendait ces renseignements. Finalement, je dois dire quand même qu'au niveau du permis délivré par le ministère de l'Environnement, il n'y a aucun lien avec la sécurité et la qualité de l'environnement, le lien porte uniquement sur la façon dont se comportera un exploitant quant à la façon de gérer ses déchets.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Ciaccia: M. le Président, une courte question additionnelle.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, rapidement, brièvement.

M. Ciaccia: Brièvement. Est-ce que le ministre de l'Environnement et le ministre de l'Energie et des Ressources nous disent que, malgré le fait qu'on ne respecte pas les lois et qu'on fait des demandes, on n'accorde pas le permis et on permet à ces compagnies d'être en activités?

Est-ce que le ministre de l'Energie et des Ressources nous dit que, automatiquement, il est obligé de donner un bail minier sans respecter les autres termes de la loi, à savoir exiger des plans pour la sécurité des travailleurs. Est-ce que c'est cela que les deux ministres nous disent, que les compagnies du Québec, dans ce domaine, peuvent, sans respecter la loi, tout en n'ayant pas de permis, continuer leurs activités; cela fait deux ans que se poursuit ce travail, le ministre ne l'arrête pas et ne fait pas respecter les termes de la loi? C'est cela que vous dites?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, le député de Mont-Royal n'a jamais lu la loi que son parti a rédigée concernant l'exploitation des mines. Si jamais il se donne la peine de lire la loi, il va voir que l'exploitant...

M. Ciaccia: M. le Président, question de privilège.

J'ai lu la loi, je l'ai devant moi. L'article 84, auquel se réfère le ministre, prévoit qu'on donnera un bail si la mine est économiquement rentable; cependant, la même loi, à l'article 294, impose l'obligation au ministre, avant d'accorder un permis, d'exiger certains plans. Je l'ai lue, cette loi, c'est le ministre qui...

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources, rapidement, s'il vous plaît!

M. Bérubé: M. le Président, dans l'article que le député de Mont-Royal a lu, il est indéniable que le ministre, un fonctionnaire, l'inspecteur des mines peut demander la fermeture d'une mine qu'il ne juge pas sécuritaire; cela s'applique à n'importe quelle mine, qu'elle ait un bail ou non. En d'autres termes, toute mine au Québec jugée non sécuritaire peut être fermée sur l'ordre du ministre lorsqu'elle est jugée non sécuritaire. Cela, c'est un aspect de la loi.

Le bail minier est prévu à l'article 84, et tout ce que dit l'article 84, c'est que le détenteur d'un "claim" qui fait la preuve que la mine est économiquement rentable a droit à son bail. Par conséquent, l'exploitant qui a fait la démonstration que la mine est économiquement rentable a droit à son bail; c'est tel quel le texte de la loi.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, ma question est sur le même sujet, mais j'aimerais la poser au premier ministre, s'il vous plaît. Evidemment, je sais que le ministre de l'Energie et des Ressources suit la chose de près, d'une façon administrative, mais cette histoire prend une ampleur qui doit dépasser l'administration du ministère.

En effet, à la même mine, il y a six mois, M. Gaston Morin, un mineur de 25 ans d'expérience, a été tué. Dans les mines, il y a eu dans le passé beaucoup d'accidents mortels. Il y a une trentaine d'années, par exemple, à la East Malartic, douze mineurs ont péri du même coup; là, on se retrouve avec huit. Je pense que cela dépasse les enquêtes administratives et que cela doit aller plus loin maintenant.

Je demande au premier ministre s'il a l'intention de répondre aux demandes faites par les Métallos unis d'Amérique, par Mgr Jean-Guy Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda, par Mgr Gérard Drainville, évêque d'Amos, réclamant l'institution d'une commission d'enquête sur la sécurité dans les mines.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il n'est pas possible de minimiser le côté tragique de ce qui est arrivé. Il y a pour l'instant — en attendant que ça aille plus loin, forcément on n'a pas besoin de se faire de dessin, quand on sera rendu au bout de ce qui est désormais presque incontestablement une tragédie, on pourra aller plus loin — comme l'a dit le ministre, une enquête est en cours. Je crois que c'est la façon normale de procéder. Pour ce qui est d'instituer une commission d'enquête, si cela paraît indiqué, certainement, ça peut se faire. D'autre part, je ferais remarquer au député de Rouyn-Noranda qu'on est en même temps, après Dieu sait pas mal d'études et pas mal de discussions, en train de mettre sur pied la commission qui va régir la Loi sur la santé et la sécurité des travailleurs et qui doit intensifier la coordination des inspections, la coordination de toutes les questions qui concernent la sécurité et la santé, et en particulier, je n'ai pas besoin non plus de le souligner, dans des domaines particulièrement exposés comme peut l'être le domaine minier. (10 h 50)

Au point où on en est, j'aimerais mieux garder en suspens la réponse finale que je pourrais faire à la question du député de Rouyn-Noranda, et en même temps aux métallos et aux autres intervenants, parce qu'on est dans un contexte où peut-être ce ne sera pas nécessaire, mais il est fort possible que cela le devienne. Je ne le sais pas encore.

M. Samson: M. le Président, une dernière question supplémentaire, s'il vous plaît.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda, très brièvement.

M. Samson: Le sujet étant très important, je demanderais au premier ministre s'il ne veut pas considérer l'à-propos d'instituer cette commission d'enquête spécifiquement sur le problème minier. J'aurais peur que, dans l'autre contexte que le premier ministre vient d'évoquer, cela soit noyé. Pour le moment, il y a un problème grave et surtout on doit prendre en considération qu'il y a d'autres mines qui vont ouvrir, parce que la course aux mines d'or est entreprise et Dieu sait s'il y a du monde qui est pressé d'aller faire de l'argent! Cela ne me réconforte pas tellement et je voudrais ajouter, à ceux que j'ai nommés, que je demande aussi, en tant que député représentant de la population, cette enquête, cette commission d'enquête sur cette question spécifique. Je suis pas mal sûr d'avoir l'appui de mes collègues d'Abitibi-Est, d'Abitibi-Ouest et de Pontiac-Témiscamingue sur ce sujet. Est-ce qu'on peut avoir une réponse, M. le Président?

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Quand même que le député ajouterait sa voix et tout le poids qu'il peut avoir à ce qu'il a dit avant à propos des intervenants, la réponse doit être la même jusqu'à nouvel ordre. Ce n'est pas exclu.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

Articles confidentiels dans le contrat d'achat d'amiante Bell

M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des Ressources, M. le Président. Le ministre vient de déposer, conformément à la loi, l'arrêté ministériel ainsi que le contrat par lequel le gouvernement ou plutôt la Société nationale de l'amiante se porte acquéreur de la société Bell Asbestos. On se demande un peu pourquoi le gouvernement, qui a si peu de succès à surveiller les activités d'une mine privée, se porte lui-même acquéreur d'une mine, mais les documents qui viennent de nous être remis, M. le Président, ne disent pas, malgré tout, toute la réalité relativement à cette transaction. J'aimerais demander au ministre les questions suivantes: Premièrement, comment expliquer que, dans un contrat remis à l'Assemblée nationale, pour une transaction qui est déjà effectuée — donc, il ne s'agit pas de bouleverser, d'aucune façon — il y ait deux longues clauses qui demeurent secrètes? Ne pourrait-il pas nous éclairer sur la teneur de ces clauses secrètes.

Deuxièmement, ne serait-il pas convenable que la lettre d'intention qui a été échangée le 8 mai dernier, seulement onze jours avant le document final, soit aussi l'objet d'un dépôt et quelle en est la teneur?

Troisièmement, n'est-il pas vrai que le gouvernement, dans le but de financer cette acquisition, a fait une opération financière, un emprunt qui se chiffre à plus que le montant de $35 000 000 nécessaire pour compléter l'achat et que le montant additionnel qui aurait été obtenu par le gouvernement auprès des institutions financières privées aurait pour but, en particulier, de combler le déficit du fonds de roulement de cette société, déficit d'ailleurs qui apparaît aux états financiers qui ont été déposés et qui est relaté à la page 15, entre autres, et dans les annexes qui nous ont été remises?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, concernant la remarque liminaire du député de Saint-Laurent qui, avec sa mesquinerie habituelle, a profité de l'occasion pour lancer une petite attaque un peu basse, en parlant du peu de succès à surveiller les mines, je dois souligner, M. le Président, en réponse à cette attaque, que l'Opposition libérale a voté contre la Loi sur la santé et la sécurité dans le monde du travail, une loi essentielle pour régler justement des problèmes comme ceux qu'il décrit. Ils sont dans le genre pompier.

M. Forget: Question de règlement. La question ne porte pas là-dessus. Si le ministre veut

reprendre ce débat, nous le ferons avec un grand plaisir.

Le Président: Très bien.

M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, c'est le genre pompier qui s'excite et qui s'énerve quand le feu est pris, mais...

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources, s'il vous plaît. M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: ... quand il s'agit de prévoir pour l'avenir, à ce moment-là on est contre la prévision, mais on est bon pour s'exciter dans le genre pompier. C'est un très bel exemple. Si le député de Saint-Laurent n'avait pas fait de remarques liminaires mesquines, je n'aurais pas cherché à lui répondre. Mais seulement, là, il s'est attiré la claque dans la figure.

M. Forget: C'est un succès!

M. Bérubé: Concernant les nos 3.28 et 3.8 du contrat...

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Concernant ces deux articles du contrat, nous avons effectivement décidé de ne pas les divulguer pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'ils mettaient en cause la capacité concurrentielle de la compagnie mère Atlas Turner qui se serait trouvée à livrer à des concurrents certaines clauses leur permettant d'avoir accès à de l'information privilégiée concernant les opérations de la compagnie. Egalement, cela aurait pu mettre en cause la capacité concurrentielle de notre propre société, les mines d'amiante Bell, dans la mesure où également nos concurrents auraient pu y trouver des éléments leur permettant de mieux comprendre la situation financière de l'entreprise. Aussi, nous les avons donc éliminés.

Nous n'avons jamais dit, d'ailleurs, même si nous nous sommes engagés à dévoiler tous les documents à l'Assemblée nationale, que nous dévoilerions des documents susceptibles de miner la rentabilité de nos sociétés d'Etat. Je pense que même les députés de l'Opposition reconnaîtront que c'était la pratique courante lorsqu'ils étaient au pouvoir. Il s'agit quand même de garder une certaine capacité concurrentielle à nos sociétés. Donc, nous donnons tous les renseignements que nous sommes capables de fournir dans la mesure où cela ne peut pas donner aux concurrents un avantage particulier.

Concernant le montant emprunté, je ne suis pas en mesure de vérifier si, effectivement, la Société nationale de l'amiante a emprunté plus que le montant en question. Je sais, cependant, qu'il y a une opération assez complexe reliée à un problème de liquidités que possédait la compagnie Amiante Bell, que le gouvernement ne voulait pas récupérer et qu'il fallait trouver moyen de transférer à la société mère dont nous ne voulions pas acheter le coffre-fort, en d'autres termes. Ceci nous amenait à prévoir dans la transaction un montant supérieur au prix payé pour la compagnie que nous retrouvions sous forme de liquidités. Mais cela n'a rien à voir avec un problème de déficience de fonds de roulement; au contraire, c'est un problème de surplus de fonds de roulement accumulé dans les coffres de l'entreprise.

Quant au troisième point, malheureusement, je n'ai pas pu le noter.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, les arguments du ministre — je ne peux pas les qualifier de réponses — ne sont pas tellement convaincants. Relativement à l'une des clauses secrètes au sujet de laquelle il dit que ce serait dévoiler la position concurrentielle, il faut qu'il tienne compte du fait qu'elle est placée à la fin totalement du document où on parle des engagements réciproques à la date de clôture, moment de paiement, etc. Je ne vois pas comment il serait imaginable de conclure que, dans cette disposition placée à la fin du contrat, on révèle quoi que ce soit. Le ministre fait une affirmation formelle. J'espère qu'il fait une affirmation véridique, parce que nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir.

Pour ce qui est de la troisième question qu'il a oubliée, il s'agissait d'avoir la copie également de l'échange, de la lettre d'intention du gouvernement pour pouvoir en vérifier le contenu. Finalement, le ministre prétend qu'il n'a pas voulu acheter le coffre-fort de la compagnie. Bien, le coffre-fort de la compagnie était passablement vide. Je le réfère au début de la page 16 du document qu'il a déposé ce matin où l'on dit que non seulement il y a un déficit du fonds de roulement de $2 015 000, mais qu'il y a aussi des avances bancaires se chiffrant par $8 746 000. L'avoir des actionnaires — c'est ce que l'on a acheté, en définitive — se chiffrait par $16 000 000 et on l'a payé $35 000 000.

M. Bérubé: Quel bon comptable!

M. Forget: II est remarquable, ce jugement du ministre, et j'aimerais bien qu'il nous concilie ces chiffres.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, dois-je vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'une période de débat? Je vous demanderais de formuler votre question. (11 heures)

M. Forget: Ma question est la suivante: N'est-il pas vrai qu'il y a effectivement un déficit aux états financiers et que le déficit a dû être comblé au moment de l'achat, par le gouvernement, en plus du prix d'achat? Deuxièmement, n'est-il pas vrai que pour ce qui est des perspectives immédiates de rentabilité de cette entreprise, elle dirige actuel-

lement une chaîne de production de panneaux de refroidissement qu'elle livre à des centrales nucléaires américaines à l'intérieur d'un moratoire de trois mois et qu'à l'issue de ce moratoire, elle devra stopper la production et sacrifier la mise de fonds considérable — dont on parle également dans les états financiers — qu'elle a dû faire pour mettre en route cette production en 1979? Ceci à cause des règlements de l'environnement américain qui lui interdisent de continuer la production de ces panneaux.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Comme il s'agit de plusieurs questions fort techniques, je m'assurerai d'avoir tous les éléments en main de manière à pouvoir répondre...

M. Lalonde: Vous ne connaissez pas les réponses?

M. Bérubé: ... sans la moindre erreur ou défaillance de mémoire de ma part. Il y avait au moins sept points différents; si le député de Saint-Laurent voulait limiter ses questions à un ou deux points, je serais peut-être en mesure d'y répondre.

M. Forget: Je vais clarifier au maximum. Il y a deux choses. On a acheté une compagnie qui avait un déficit de fonds de roulement, premièrement.

M. Lalonde: Vous ne pouvez pas répondre?

M. Forget: Deuxièmement, on achète une compagnie dont les perspectives commerciales sont pour le moins assombries par les règlements de l'environnement qui la forceront à interrompre la production de sa plus importante ligne actuellement.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Si on examinait soigneusement les documents qui sont là, on verrait que le prix payé pour Atlas Asbestos — c'est l'usine à laquelle fait allusion le député de Saint-Laurent — est très faible. En effet, nous payons un montant de l'ordre d'environ $3 000 000 pour une usine employant 500 travailleurs, alors que pour une mine, Bell Asbestos, qui emploie essentiellement le même nombre de travailleurs, nous payons tout près de $30 000 000 ou un peu plus. En d'autres termes, ce que cela veut dire, c'est que pour deux entreprises employant essentiellement le même personnel, on s'aperçoit que dans un cas on paie dix fois moins. Pourquoi?

Nous payons dix fois moins parce que cela apporte beaucoup moins de profits. En d'autres termes, dans le cas d'Atlas Asbestos, nous avons payé l'entreprise très bon marché parce que c'est une entreprise — et c'est indéniable — qui est marginalement rentable.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

L'option constitutionnelle du premier ministre

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Dans un journal de samedi dernier, le ministre des Finances donnait trois conditions pour prévenir un divorce entre le PQ et le premier ministre lui-même. Ces trois conditions étaient les suivantes: La première, que le vote du 20 mai soit considéré comme un signal de la part de la population appelée à se prononcer démocratiquement; la dernière était que conformément au vote qui a été exprimé, si le Québec peut obtenir de la part d'Ottawa de meilleurs arrangements, il ne serait pas raisonnable de ne pas chercher à les obtenir, et la deuxième, que le parti soit convaincu que, sur le plan des convictions, les convictions du gouvernement n'ont pas changé.

Cette exigence vient en contradiction directe avec une affirmation faite ici même la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, alors que le premier ministre disait que l'option du Parti québécois n'était pas un absolu. Dans un premier temps, est-ce que le premier ministre peut nous affirmer que l'option de la souveraineté-association n'est plus l'objectif poursuivi par le gouvernement du Québec à cause de la décision démocratique des Québécois et par respect pour cette décision? Dans un deuxième temps, est-ce que le premier ministre, qui est en conflit idéologique ouvert en cumulant à la fois le poste de président du Parti québécois et de chef du gouvernement, profitera du conseil national de son parti, qui a lieu en fin de semaine, soit pour annoncer sa démission comme président du parti ou pour démissionner comme premier ministre du Québec? C'est le choix!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Quand j'écoute le député gratter pour voir s'il ne trouverait pas beaucoup de choses dans notre plomberie, j'ai l'impression qu'il court des risques à son congrès, qui a lieu le même jour, en fin de semaine. Il devrait s'occuper de sa cuisine et laisser tranquille celle des autres.

Pour ce qui est, je pense, du seul aspect clé de la question — enfin, le député me corrigera si je me trompe — je n'ai pas l'intention de démissionner comme président du Parti québécois, pour la bonne et simple raison...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Expliquez-la moi que je rie aussi, je ne l'ai pas entendue.

M. Rivest: On n'a pas applaudi fort derrière vous.

M. Lévesque (Taillon): C'est peut-être une des raisons pour lesquelles j'hésite, à l'occasion, à reposer ma candidature, si vous voulez, au moment des congrès du parti. Parce que c'est évident que cela me force, si vous voulez, à tenir deux rôles en même temps, qui deviennent très lourds quand on est au gouvernement. C'est la seule chose que je voulais dire spécifiquement quand j'en ai parlé à des journalistes qui m'ont posé cette question. Réflexion faite, il est normal, cela fait partie d'un devoir d'Etat, je pense, de continuer jusqu'au prochain congrès régulier du parti, alors que la question se posera de nouveau, ce qui, également, est logique.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Le premier ministre n'a pas répondu à la question de fond, à savoir que le ministre des Finances dit: La souveraineté-association est encore un objectif du gouvernement, alors que le premier ministre, en Chambre, a déclaré que ce n'en était plus un.

Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, étant donné qu'il désire conserver son poste de président du parti et celui de premier ministre, si lui-même ou ses fidèles militants, peut-être plus conservateurs que d'autres, vont proposer des amendements au programme du Parti québécois pour enlever le principe à l'accession à l'indépendance?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, cela appartient, dans un parti démocratique — je pense que c'est comme cela, sûrement, qu'on devrait fonctionner aussi dans l'Union Nationale en fin de semaine — aux militants, aux délégués à un congrès du parti.

Maintenant, pour ce qui est de ce pseudoproblème de fond que voit le député, ce que j'ai dit à propos de notre option — et je l'ai répété à Ottawa, il n'y a pas de mystère là-dedans — c'est qu'à mon opinion personnelle elle devrait demeurer ce qu'elle est parce que c'est non seulement une option légitime — dans l'action politique, tout le monde a des options et doit avoir des perspectives — mais cela peut devenir éventuellement — on n'est pas plus prophète l'un que l'autre — une direction non seulement souhaitable pour le Québec mais peut-être souhaitable pour le Canada. Cela reste à voir. On s'en va dans des négociations qui, comme on le sait, sont déjà complexes en commençant, et ce n'est pas nouveau. On ne sait pas où cela va nous mener.

Tout ce que je peux dire, et je le répète aussi, c'est que cette option politique d'un parti, le gouvernement qui représente ce parti, après le vote du 20 mai et sûrement jusqu'à nouvel ordre, n'a pas le droit ni de la pousser activement, ni de s'en servir comme arrière-plan dans des négociations qui doivent se faire de bonne foi.

M. Fontaine: Est-ce que vous allez demander à M. le ministre des Finances d'adopter cette attitude également?

M. Lévesque (Taillon): On réglera nos problèmes; réglez les vôtres!

Le Président: Je vous signale qu'il reste une minute.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Au sujet d'un document sur le sel des Iles-de-la-Madeleine

M. Scowen: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Richesses naturelles. Avant-hier, en réponse à une question sur les mines de sel des Iles-de-la-Madeleine, le ministre a dit, et je cite: "Le fédéral avait signé une entente avec le gouvernement du Québec dans laquelle un montant d'environ $33 800 000 a été prévu pour un projet et explicitement un projet aux Iles-de-la-Madeleine. Il s'agissait de financer l'implantation de l'infrastructure portuaire à Leslie ou, du moins, dans l'environnement immédiat de la mine de sel." Je cite encore: "En dépit du fait que cette subvention avait été approuvée dans le cadre de l'entente — que j'ai ici sous les yeux et cette entente a été signée par MM. Marcel Lessard et Marc Lalonde — et explicitement prévoyait les montants pour les travaux en question, effectivement le gouvernement fédéral a décidé qu'il ne subventionnerait pas ce dossier." Je cite encore: "Je ne sais pas ce que valent les signatures de deux ministres du gouvernement d'Ottawa." (11 h 10)

Le député de Rouyn-Noranda a demandé au ministre de déposer ce document en Chambre, ce qu'il a fait. On a étudié ce document signé par MM. Lessard et Lalonde et il ne fait aucune allusion à un projet à Leslie ou aux Iles-de-la-Madeleine en dépit du fait qu'il y ait une liste de 46 projets dans l'entente. On a pris la peine de communiquer avec le MEER pour savoir s'il existait une entente signée dans le cadre de cette entente auxiliaire, et cela a été nié par le fédéral.

M. le Président, vu que le document déposé, que le ministre a cité, ne contient pas une référence à l'entente qu'il a décrite, et tenant compte du fait que le fédéral a nié hier l'existence de cette entente, le ministre peut-il nous dire si le fédéral a menti ou le ministre peut-il admettre qu'il a lui-même induit la Chambre en erreur et déposer le document dûment signé par le fédéral pour le projet à Leslie?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il faut lire les documents soigneusement et en comprendre tout le sens. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que je les ai déposés à l'Assemblée nationale de manière à permettre à l'Opposition d'en prendre connaissance. Elle aura vu, d'une part, dans l'entente, au volet 3, un montant de $35 800 000. Elle aura vu également dans l'arrêté ministériel qui a été adopté par le gouvernement du Québec, que les $35 800 000 ont été décomposés ainsi: $20 000 000 pour Leslie — en passant, Leslie est le

port qui était envisagé à l'époque du côté de la mer, alors qu'on a finalement choisi d'aborder le déchargement par la lagune — et elle verra que le gouvernement prévoyait $20 000 000, spécifiquement pour les infrastructures aux Iles-de-la-Madeleine en rapport avec le projet des Iles-de-la-Madeleine. Elle aura vu également que ce que le gouvernement du Québec prévoyait dans l'arrêté ministériel, soit $35 800 000, on le retrouve textuellement comme montant — c'est ce que j'ai voulu dire — prévu au volet 3. Il est donc indiqué là. J'ai également déposé un rapport des fonctionnaires qui indique que dans toutes les discussions qui ont eu cours entre les fonctionnaires des deux gouvernements, il était toujours explicitement entendu que l'on négociait sur un certain nombre de projets dont le projet des Iles-de-la-Madeleine et que dans l'esprit des fonctionnaires qui faisaient la recommandation à leur ministre, le projet des Iles-de-la-Madeleine était inclus.

Troisièmement, je n'ai pas déposé, mais j'aurais également pu déposer une lettre de M. Lasalle, fonctionnaire du MEER, à nos propres fonctionnaires, dans laquelle il fait très explicitement allusion à ce dossier, demande certains renseignements concernant le projet et indique l'intention du gouvernement fédéral d'y participer. En d'autres termes, les négociations au niveau de nos fonctionnaires concernant ce projet avaient prévu $20 000 000 pour le projet de Leslie. Nos fonctionnaires ont demandé au Conseil des ministres d'inclure $20 000 000 dans le cadre de l'entente et les fonctionnaires du MEER indiquent à leur propre ministre que chaque fois qu'il y a eu une négociation de l'entente, il y a toujours eu encore entre les deux niveaux de gouvernement, entre les deux paliers au niveau de l'administration concernant ce projet... Sauf que ce que le député remarquera, c'est que dans les projets, dans les montants, on s'entend sur les enveloppes, mais il n'est pas spécifiquement dit qu'on va faire tel et tel petit bout de tuyau. On s'entend sur une enveloppe. C'est une entente globale.

Le Président: Fin de la période des questions. Nous en sommes aux motions...

M. Scowen: M. le Président, question de privilège, s'il vous plaît!

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous signale qu'il y a une motion de votre parti et je ne voudrais pas qu'on prenne trop de temps parce que c'est une matière importante. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, cette réponse est nettement insuffisante.

Des Voix: Oh!

M. Scowen: Le député a dit qu'il existait une entente. Peut-il dire aujourd'hui s'il existe une entente signée...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous réfère au règlement de l'Assemblée nationale qui dit explicitement et très clairement qu'on ne peut pas commenter la réponse d'un ministre. Il y a des dispositions de notre règlement qui vous permettent de procéder différemment si vous voulez pousser plus loin l'interrogatoire.

Aux motions non annoncées.

M. Scowen: M. le Président, c'est une question de privilège.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sur votre question de privilège, en vous demandant de ne pas abuser de la question de privilège.

M. Scowen: Je veux simplement dire, M. le Président, qu'il est très clair que le ministre a induit la Chambre en erreur.

Des Voix: Ah!

Motions non annoncées

Le Président: Motions non annoncées. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, je pense qu'il est souhaitable que, de temps à autre, ici même, se manifeste une volonté unanime de tous les membres de cette Chambre. Je suis convaincu que c'est ce qui va se produire à propos de cette motion.

Je fais motion, M. le Président, pour que cette Assemblée demande au chef de l'Opposition officielle de remettre au Trésor public les sommes d'argent que son parti politique a recueillies dans sa caisse électorale à partir des contrats publics obtenus par certaines firmes...

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean, il n'y a pas consentement.

M. Brassard: M. le Président, il n'y a pas consentement.

Des Voix: Non.

Une Voix: II n'a pas fini.

M. Brassard: Ah bon!

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: A l'enregistrement des noms...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, un instant.

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Même si c'est l'anniversaire de naissance du député de Lac-

Saint-Jean, je pense bien qu'il vient, à ce moment-ci, d'abuser des privilèges de la Chambre. On aimerait lui souhaiter un bon anniversaire.

Des Voix: Ah!

Le Président: Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président. M. Brochu: En vertu de l'article 34.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, en vertu de l'article 34.

M. Charron: Le tout premier avis que je voudrais indiquer à l'Assemblée...

M. Brochu: En vertu de l'article 34.

M. Charron: Excusez-moi. Il y a une question en vertu de l'article 34.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Brochu: Simplement pour bien organiser le reste de nos travaux. En ce qui concerne les projets de loi privés inscrits, le leader du gouvernement est-il en mesure de nous dire combien de ces projets de loi et, si possible, lesquels, pourront être appelés d'ici la fin de la session de sorte qu'on puisse organiser les travaux de ce côté-ci de la Chambre?

M. Charron: C'est une consultation que je voudrais mener tout à l'heure auprès du député de Richmond et du député de Bonaventure, avant de me faire une idée finale sur les projets de loi privés qui risqueraient de recevoir notre assentiment avant la prorogation de la session.

M. O'Gallagher: En vertu de l'article 34.

Des Voix: Oh boy!

Le Président: M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: M. le Président, le gouvernement a-t-il l'intention de présenter un projet de loi d'ici la fin de la session concernant une modification à la Loi de la Communauté urbaine de Montréal afin de permettre l'intégration des employés des deux compagnies de transport de l'ouest de la ville de Montréal à la CTCUM?

M. Charron: M. le Président, je suis non seulement au courant du problème, mais le Conseil des ministres en a été saisi également. Si le député pouvait me dire que sa formation politique serait prête, avec les consentements nécessaires en cette fin de session, à faire rapidement de cette décision une loi, nul doute qu'on pourrait s'y adonner avant la prorogation de la session. C'est aussi une chose dont je veux discuter avec mes collègues.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, hier, le Conseil consultatif, en vertu de la loi no 2, a siégé une bonne partie de la journée. J'ai remarqué un consensus relativement à certains amendements qui pourraient être apportés à cette loi. Il y a également une loi qui est devant l'Assemblée nationale, la loi no 99. Le leader du gouvernement peut-il nous dire s'il a l'intention de faire adopter cette loi no 99, ainsi que d'autres amendements qui pourraient y être ajoutés, d'ici la fin de la session?

M. Charron: Non, M. le Président, ce n'est pas notre intention.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Le leader est probablement conscient du grave problème de l'industrie du cidre et de la nécessité d'amender la Loi sur la Commission de contrôle des permis d'alcool, quant aux apéritifs.

Le ministre a-t-il l'intention d'apporter un amendement à cette loi avant la fin de la session?

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je ne voudrais pas qu'on abuse de l'article 34. Ce n'est pas une question à proprement parler en vertu de l'article 34. Si le leader veut vous répondre, je n'ai pas d'objection.

M. Charron: Non, M. le Président. Je suis d'accord avec vous qu'il ne s'agit pas d'une question qui devrait m'être adressée, mais plutôt au ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Pêcheries, au cours d'une séance régulière. (11 h 20)

Le premier avis que je veux donner à l'Assemblée, à l'intention de tout le monde, c'est qu'il y aura un vote ce matin, avant l'ajournement de la séance, sur la motion de blâme présentée par l'Opposition officielle. Je voudrais donc rappeler à tous les députés, même à ceux qui seront en commission, de ne pas se surprendre d'entendre les cloches les appelant au vote dix ou quinze minutes avant 13 heures aujourd'hui.

De même, M. le Président, par suite de consultations et d'une collaboration remarquable qui nous a été offerte dans l'organisation de l'étude des crédits en cette fin de session, j'annonce tout de suite que, lorsque l'Assemblée aura adopté cet après-midi, en deuxième lecture, le projet de loi no

105 au nom du ministre des Affaires municipales, la Chambre pourra ajourner ses travaux jusqu'à lundi, 15 heures. Demain, toutefois, avec le consentement de tous, nous allons sinon achever, du moins faire un bon pas vers l'achèvement de l'étude des crédits en permettant à trois commissions de fonctionner à la fois toute la journée demain, jusqu'à 18 heures, donc de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures demain. Il y a même une commission — c'est là que la collaboration a été encore plus remarquable — dont chaque année l'étude des crédits est plus compliquée, c'est celle de la présidence du conseil du fait qu'elle regroupe plusieurs ministres d'Etat, et évidemment le premier ministre, qui sont tous rattachés au Conseil exécutif. Comme ce ne sont pas les mêmes ministres et que, d'autre part, les oppositions s'organisent pour ne pas avoir nécessairement les mêmes critiques à l'égard de chacun de ces ministres, il nous a été possible, en nous consultant mutuellement, d'organiser l'étude des crédits de la présidence du conseil deux commissions à la fois, c'est-à-dire que deux ministres relevant du même ministère pourront vaquer à l'étude de leurs crédits en même temps, puisque l'Opposition y consent et que ce ne sont pas les mêmes personnes qui font cette étude.

Je donne en conséquence les avis suivants, M. le Président, pour la journée de demain: de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures —il n'y aura pas de commission demain soir — au salon rouge, ce sera la commission de la présidence du conseil et c'est Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine qui verra ses crédits étudiés entre 10 heures et 13 heures.

Au cas où la rumeur aurait déjà circulé, j'annule la réunion de la commission de la présidence du conseil, secteur du développement social, qui était prévue demain. Nous nous sommes entendus pour la tenir à un autre moment au début de la semaine prochaine.

Donc, avis qu'au salon rouge ce sera la condition féminine; à la salle 81-A, c'est la commission de l'environnement qui va se réunir aux heures que j'ai indiquées à deux fins: celle, d'abord, d'entendre les gens qui ont déjà été invités, qui avaient demandé à être entendus avant l'étude article par article — j'en avais informé l'Opposition — et tout de suite après d'entamer l'étude article par article du projet de loi no 92 que la Chambre a adopté la semaine dernière. A la salle 91-A, aux mêmes heures, demain, ce sera la commission de la justice qui étudiera ses crédits. Dès que l'étude des crédits du ministère de la Justice sera terminée, on pourra du même souffle — on m'a informé que ce ne serait pas très long — étudier au besoin les crédits de la réforme électorale, puisqu'il s'agit du même ministre.

Puisqu'il s'agit des travaux de demain et que la Chambre, lorsqu'elle ajournera ses travaux, ce sera jusqu'à lundi, 15 heures, je donne avis que demain, au salon rouge, de 10 heures à 13 heures, condition féminine, et de 15 heures à 18 heures développement culturel. A la salle 81-A, toute la journée jusqu'à 18 heures, environnement, et à la salle 91-A justice et réforme électorale, une à la suite de l'autre, aux mêmes heures, de 10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures.

Ce soir, également, de 20 heures à 24 heures, les commissions suivantes seront appelées à se réunir: la commission de la justice pour l'étude des crédits de ce ministère; l'agriculture, pour l'étude des crédits de ce ministère; les travaux publics, pour l'étude des crédits de ce ministère. La commission de la justice au salon rouge, celle de l'agriculture à la salle 81-A et celle des travaux publics à la salle 91-A.

Je fais motion, M. le Président, pour que, cet après-midi, pendant que l'Assemblée étudiera la loi 105, puissent se réunir la commission de la justice au salon rouge pour commencer l'étude de ses crédits et celle de l'agriculture pour poursuivre l'étude de ses crédits à la salle 81-A.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Vote enregistré.

Le Président: Qu'on appelle les députés, mais, avant, j'aimerais convoquer les leaders des différentes formations politiques pour faire le partage du temps sur la motion qui sera appelée aux affaires du jour.

A l'ordre, s'il vous plaît! Vote! A l'ordre, s'il vous plaît!

J'appelle maintenant la mise aux voix de la motion du leader parlementaire du gouvernement pour permettre aux commissions parlementaires de siéger.

Je demande à ceux et celles qui sont pour cette motion de bien vouloir se lever.

M. Charron: M. le Président, si vous me permettez, j'aurais une modification à faire. La motion, je la rappelle, c'est que les commissions de la justice et de l'agriculture puissent siéger cet après-midi. J'ajouterais que la commission de l'agriculture puisse siéger aussi ce matin. C'était convenu. Je l'ai oublié dans la motion.

Le Président: D'accord.

M. Charron: D'accord?

M. Levesque (Bonaventure): D'accord.

Le Président: Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Charron, Mmes Cuerrier, Payette, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sau- -vé), Léonard, Couture, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Guay, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Beausé-

jour, Mercier, Ouellette, Perron, Jolivet, Brassard, Godin, Marquis, Lavigne, Boucher, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Ryan, Levesque (Bonaventure), Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank, Saint-Germain, Picotte, Ciaccia, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme Chaput-Rolland, MM. O'Gallagher, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Marx, Lalande, Le Moignan, Brochu, Goulet, Fontaine, Cordeau, Samson, Tremblay.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Les abstentions.

Le Secrétaire: Pour: 86 — Contre: 0 — Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée. Les commissions pourront siéger. A l'ordre, s'il vous plaît!

Motion privilégiée

Motion de blâme au gouvernement pour son attitude envers le pouvoir judiciaire

J'appelle maintenant la motion privilégiée de M. le député de Saint-Laurent, que je lis: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement pour son attitude désinvolte et répréhensible envers le pouvoir judiciaire."

Avant de vous céder la parole, M. le député de Saint-Laurent, j'aimerais indiquer comment le partage du temps a été fait. Le parti ministériel disposera de 37 minutes, l'Opposition officielle de 33 minutes, l'Union Nationale de 16 minutes et M. le député de Rouyn-Noranda de 5 minutes.

Je voudrais, toutefois, solliciter un consentement pour que le vote ait lieu un peu plus tard que prévu par notre règlement, pour nous permettre de terminer à 13 heures quand même; au lieu d'appeler le vote à 12 h 45, je pense qu'il faudra l'appeler à 12 h 55. Je voudrais le consentement pour déborder un peu.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous sommes d'accord pour donner notre consentement. Même si cela débordait 13 heures, je pense important que chaque formation ait pleinement l'utilisation des minutes que vous venez d'évoquer.

Le Président: Y a-t-il consentement? M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, vous avez la parole.

M. Claude Forget

M. Forget: Si l'Opposition arrive aujourd'hui avec cette motion dont vous venez de faire la lec- ture, c'est parce que des faits très importants se sont produits au Québec depuis un certain nombre de mois et un certain nombre d'années. C'est sur des faits, des événements connus de tous que nous allons nous baser pour appuyer cette motion de blâme et non pas sur un procès d'intention.

Les faits que nous allons alléguer sont des faits sans précédent dans l'histoire de nos institutions judiciaires et de nos institutions politiques; ce sont des actes que le gouvernement a commis, des paroles qu'il a prononcées, des attitudes qu'il a adoptées qui n'ont pas, encore une fois, de précédent dans notre histoire et qui ont créé, à cause de cela, une inquiétude qui dépasse de loin le cercle relativement étroit des députés qui forment l'Opposition officielle.

Plusieurs milieux qui sont soucieux du respect dû aux institutions judiciaires, à nos tribunaux, au principe même de la légalité dans la société, s'inquiètent d'une démarche, d'attitudes et de paroles qui sont contraires au principe qui devrait inspirer n'importe quel gouvernement légitime. Je procéderai donc, M. le Président, par l'étude un par un de ces événements ou de ces faits, ou de ces catégories de faits.

Le premier qui doit retenir notre attention est l'ensemble des déclarations qu'ont faites plusieurs membres du gouvernement lorsque, l'automne dernier, la Cour suprême du Canada a rendu son verdict célèbre dans la cause de la loi 101. A ce moment-là, à l'Assemblée nationale elle-même, nous avons été témoins de déclarations incendiaires — il n'y a pas d'autre façon de les qualifier — déclarations où des ministres du gouvernement ont pris à partie les juges et les tribunaux.

Je cite immédiatement ce que M. Camille Laurin, ministre d'Etat au Développement culturel, disait ce jour-là, mettant en cause, je le répète, directement les tribunaux et leur attitude face au gouvernement au pouvoir. Il disait: "Le jugement de la Cour suprême qui interdit aujourd'hui, au Québec, de faire du français la langue de la législation et de la justice, n'est certes pas inattendu — souvenons-nous de cet aveu du ministre. Il aurait été étonnant que la Cour suprême donne au BNA Act une interprétation qui reconnaisse les droits et la réalité d'un Québec essentiellement français depuis sa naissance et qui l'est demeuré. Mais le jugement étonne par sa sévérité, sa dureté et son absolutisme." Il continue: "Par ce jugement, le régime fédéral resserre davantage encore son étreinte sur le Québec; il est confirmé dans son statut d'héritier des conquérants de 1763, ainsi de suite."

Un peu plus loin, il déclare: "L'immense majorité des Québécois aura bien raison de considérer comme un jour sombre, un jour de deuil, un moment tragique de son histoire collective ce jeudi 13 décembre où ils auront dû accepter cette humiliation suprême, courber la tête sous un diktat." Un autre terme, M. le Président, qui a circulé dans les milieux du gouvernement puisque, le même jour, dans son allocution, le premier ministre le reprenait à son compte.

Voici qu'un jugement de la Cour suprême, rendu conformément aux lois, conformément à la

constitution de ce pays — jusqu'à ce qu'elle soit changée, c'est malgré tout la constitution de ce pays, n'en déplaise aux messieurs du gouvernement — voici qu'un jugement d'une Cour suprême, qui confirme les jugements des cours du Québec, de la Cour supérieure et de la Cour d'appel, des jugements unanimes dans tous les cas, voici que ce jugement devient un diktat, devient une imposition, le symbole d'un pouvoir oppresseur étranger. C'étaient là les mots qui étaient utilisés par le ministre d'Etat au Développement culturel.

Il a continué, parce que son discours comprenait plusieurs pages, pour affirmer que la Cour suprême aurait certes pu accorder au Québec le droit d'amender en matière de langue sa propre constitution interne. Voici qu'il fait reproche à la Cour suprême de ne pas avoir amendé elle-même la constitution de son propre mouvement, comme si c'était là le rôle des tribunaux. Il accuse finalement la Cour suprême, conformément à une pente maintenant acquise, de partialité dans ses décisions, en contradiction d'une étude patronnée par son collègue des Affaires intergouvernementales qui a conclu qu'effectivement la Cour suprême n'avait pas affiché, au cours des années antérieures, de penchant ou de partialité quelconque. Elle n'avait fait qu'interpréter une constitution avec laquelle, bien sûr, on peut ne pas être d'accord, mais il faut, malgré tout, être d'accord avec l'interprétation, somme toute, impartiale, juste, équilibrée que la Cour suprême a utilisée pour interpréter cette constitution, de l'aveu de ceux mêmes qui, au nom du gouvernement, ont jeté un regard critique sur ces arrêts rendus dans le passé.

M. le Président, ce n'est pas tout. Ce ne sont pas ces deux seuls ministres, le ministre d'Etat au Développement culturel et le premier ministre, qui se sont exprimés ainsi. Le célèbre ministre de l'Energie et des Ressources a également commis un article, non plus sous le couvert de l'immunité parlementaire, mais dans la Voix gaspésienne du mercredi 19 décembre, dans les jours qui ont suivi ce fameux arrêt. Il a déclaré: "II y a un proverbe qui dit que la justice est aveugle — c'est d'ailleurs le titre de son article — mais le peuple, lui, ne l'est pas. Les Québécois ont compris que les lois fédérales servent d'autres intérêts." Voici une lecture très sombre de la législation fédérale. Elles servent d'autres intérêts que les leurs. Pourtant, me semble-t-il, nos institutions sont aussi démocratiques à Ottawa qu'elles le sont à Québec. Cependant, il continue: "C'est le peuple qui décidera en dernier lieu et, lors du référendum, il devra voter oui pour changer ces lois et ces tribunaux dépassés qui l'empêchent de s'épanouir librement dans sa langue et ses intérêts."

Ce genre de propos émanant de ministres membres d'un gouvernement sont un premier geste sans précédent qui devait leur attirer d'ailleurs, dans les semaines qui ont suivi, de la part du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, l'honorable juge Deschênes, une réprimande qui est elle-même un précédent, puisqu'on voit que le pouvoir judiciaire, se sentant attaqué directement par les membres du gouvernement, n'avait plus de choix autre de quitter sa réserve habituelle et de passer lui-même à l'attaque. Dans ce discours qui était prononcé le 23 janvier de cette année devant la Chambre de commerce française du Canada, le juge Deschênes a non seulement critiqué sévèrement des propos irresponsables qui constituent une incitation à la désobéissance envers les lois et envers les ordonnances des tribunaux, mais il s'est intéressé à faire un contraste fort instructif entre l'attitude du gouvernement du Québec et l'attitude qu'ont adoptée, durant les douze mois qui précédaient sa conférence, le gouvernement de la Grande-Bretagne et le gouvernement de la France. Ceux-ci, contrairement à ce qu'on veut nous laisser croire de l'autre côté, ont eux aussi eu à faire face à des arrêts des tribunaux qui défavorisaient des politiques gouvernementales, et de façon beaucoup plus grave quant à l'administration courante des affaires publiques dans le cas de la France puisque c'est par une ordonnance du Conseil d'Etat, qui est l'équivalent de notre Cour suprême relativement aux matières constitutionnelles en France... Le Conseil d'Etat français, en décembre dernier, a rendu nulle l'adoption du budget du gouvernement français pour l'année 1980, ce qui a forcé le Parlement français à siéger entre Noël et le jour de l'An le 27 décembre pour adopter d'urgence une mesure remédiatrice. Cependant, le juge Deschênes cite abondamment les réactions des gouvernants français, du président de la République comme du premier ministre, qui se sont rangés d'emblée du côté du Conseil d'Etat pour dire: Nous allons corriger la situation. Nous acceptons cette décision. Ils ne se sont pas lancés dans une diatribe contre les institutions de la Ve République pour dire qu'il s'agissait là manifestement d'une constitution qui ignorait la légitimité des élus, qu'il fallait renverser ce régime qui était oppresseur et inique. Au contraire, ils se sont dits immédiatement disposés à modifier les lois conformément aux arrêts rendus par le tribunal en question. (11 h 50)

Donc, deux attitudes, deux comportements, deux philosophies du pouvoir qui s'opposent de façon flagrante. Les exemples du juge Deschênes, que je ne peux malheureusement pas citer au long, sont abondants puisqu'ils portent non seulement sur la France et sur la Grande-Bretagne, mais aussi sur les Etats-Unis.

Cet événement était-il un événement isolé, M. le Président? Malheureusement pas. C'est un événement qui s'est reproduit à nouveau quelques semaines ou quelques mois plus tard lorsque la Cour suprême ou d'autres tribunaux ont eu le malheur de se prononcer, encore une fois, à l'encontre des souhaits ou des désirs, des velléités du gouvernement actuel. Lorsque la Cour supérieure a émis une injonction empêchant le gouvernement d'exproprier la société Asbestos, on a eu droit à un déchaînement — c'est le mot qui convient — du ministre de l'Energie et des Ressources en commission parlementaire. Je cite ses

propos: "Là, je me permettrai une intervention du politique dans le judiciaire— c'est lui qui le dit, ce n'est pas moi — car il m'apparaît — fort heureusement, nous sommes à l'Assemblée nationale et je jouis justement de l'immunité dont jouissent les juges, ce qui leur permet de s'immiscer dans la politique — donc, on accuse des juges de faire de la politique aussi simplement que cela sans avoir à craindre qui que ce soit — ... Je crois personnellement — c'est le ministre Bérubé qui parle — que l'émission d'une injonction contre le Parlement, contre la Couronne, représente un défi aux lois du Québec. Qu'un juge émette une injonction sur la base d'une réglementation en vue de protéger le Parlement — en vue de protéger l'autorité, donc — qui a adopté des lois et que le juge est chargé de protéger, cela me paraît tout à fait défendable." Autrement dit, tant que les juges sont d'accord avec le gouvernement, M. Bérubé, lui, est complètement d'accord avec les juges. "Mais qu'un juge émette une injonction à l'encontre d'une loi du Québec alors qu'il n'a pas été élu par les citoyens, personnellement, je trouve cela disgracieux", dit-il. Et cela dure pendant une page et demie.

M. le Président, invité à rétracter ses propos, ses collègues, y compris le premier ministre, invités à nuancer ou à contredire ses propos à l'Assemblée nationale, au cours du mois d'avril, la journée qui a suivi, et encore plus récemment, à la suite d'une intervention d'un autre juge — je reviendrai là-dessus — le ministre n'a pas bronché; il a continué d'affirmer les mêmes propos et ses collègues du gouvernement ont continué à l'appuyer. Ils se sont défendus pour cela sur une excuse qui est cousue de fil blanc. Ils ont dit: Nous respectons les jugements. Dieu merci, oui, quant au fait, le gouvernement s'est plié à ces jugements, mais il n'y a pas simplement le fait brutal d'accepter une décision. Le gouvernement, à cause de la position qu'il occupe dans la société, doit également donner l'exemple d'une acceptation de bonne foi, d'une acceptation empressée, même, des ordonnances des tribunaux. Or, c'est à un tout autre spectacle qu'il nous a été donné d'assister. Nous avons assisté au spectacle d'un respect dans les faits, mais d'une protestation de grincements de dents quant à ce qui est de toutes les interventions publiques, de jugements négatifs sur les cours, d'imputation de motifs envers les juges, d'imputation même aux tribunaux d'avoir agi au-delà de la loi, d'avoir agi illégalement, d'avoir ignoré la loi.

C'est une attitude, M. le Président, qui n'est pas tolérable et, dans ce cas comme dans le premier, nous avons eu droit aux protestations publiques du juge en chef de la Cour d'appel, cette fois-là — la première fois, c'était le juge en chef de la Cour supérieure — qui, prenant sa retraite à la mi-mai, a fait connaître, dans les jours qui ont suivi, c'est-à-dire le mois précédent, ses protestations privément au ministre Bérubé qui en était l'auteur, en lui demandant de rétracter des paroles qui n'avaient pour effet que de miner sérieusement la confiance que les citoyens doi- vent avoir en l'appareil judiciaire, dans les tribunaux. Il n'en est rien résulté, encore une fois, je le répète. Mais c'était là non pas un écart de langage, non pas un éclat de mauvaise humeur, on se rend compte qu'il s'agit là d'une attitude systématique.

Les tribunaux, pour les membres du gouvernement actuel, ce sont des serviteurs de l'Etat, ce qui veut dire des serviteurs du gouvernement, selon leur conception. Dans la mesure où les juges sont d'accord avec eux, les juges ont bien fait. Ils mériteraient peut-être des félicitations, quoi qu'on n'en entende jamais de l'autre côté. Mais si jamais les juges se trompent, selon les ministres, alors là ils ont droit à toutes les insultes. Ils ont droit à toutes les condamnations et à tous les procès d'intention.

C'est un système, M. le Président, et c'est particulièrement ironique quand on voit que c'est appliqué par le ministre de l'Energie et des Ressources dans le cas de l'industrie de l'amiante. Malheureusement, le temps qui nous est donné pour ce débat m'empêche de citer au long les avertissements que nous avions donnés, nous de l'Opposition officielle, il y a exactement un an, lors du débat de prise en considération de la loi donnant à la Société nationale de l'amiante des pouvoirs d'expropriation. Il y a là, dé la page 2239 jusqu'à la page 2241, une description que j'ai faite d'un certain nombre de difficultés juridiques que ne manquerait pas de soulever la société General Dynamics, difficultés qui, pour une large part, étaient déjà connues du gouvernement, mais qui n'ont pas été prises en considération dans la rédaction de ce projet de loi. Le gouvernement est allé les yeux ouverts.

Voici ce que je disais, je cite un bref passage: "M. le Président, il existe une difficulté majeure à cet égard, c'est que nous sommes en face d'une loi qui, essentiellement, décrète non pas l'expropriation, mais un pouvoir pour le gouvernement de faire l'expropriation au moment où il le voudra bien..." Il y a des difficultés juridiques qui sont envisagées dans ce texte qui, justement, pour une part, ont déjà fait l'objet de procès devant les tribunaux, que le gouvernement a gagnés, finalement, mais avec de nombreuses difficultés. Mais il réside tout un trésor d'autres difficultés juridiques qui pourraient très bien être soulevées si la première manche est perdue par la société General Dynamics. C'est donc les yeux ouverts que le gouvernement s'est lancé là-dedans et ces éclats, ces écarts de langage vis-à-vis des tribunaux, pour avoir fait ce qui était exactement prévisible dans ce cas, sont d'autant moins excusables.

Mais, M. le Président, il y a d'autres exemples sur lesquels je veux malgré tout faire porter l'attention de l'Assemblée nationale, d'autres exemples du mépris — le mot n'est pas trop fort — que portent les membres du gouvernement face aux tribunaux. Nous avons eu tout récemment un exemple de cela lorsque le premier ministre, en anticipant même la publication du rapport Malouf — M. Malouf étant un juge, ne l'oublions pas, que le gouvernement a choisi lui-même pour mener

une enquête, avec des intentions politiques évidentes qui crèvent les yeux de tout le monde — a demandé à un juge de devenir, à son corps défendant et malgré lui, l'instrument d'une démonstration politique et partisane. Le malheur veut, pour le gouvernement, que cette démonstration partisane ait échoué parce que, malgré tout, on s'est adressé à un juge d'une intégrité irréprochable, d'une droiture bien connue. Or, ce juge a jugé comme il devait juger et il n'a pas prononcé les condamnations partisanes que le gouvernement en attendait. Malheur au juge Malouf, M. le Président, de s'être trompé, comme ses collègues des autres cours, de n'avoir pas su percer l'intention gouvernementale, de n'avoir pas su placer dans son rapport les condamnations que le Parti québécois voulait y voir. Mais qu'à cela ne tienne, on va le faire à sa place; avant même de publier son rapport, on va rédiger les conclusions qu'on aurait voulu y voir.

C'est là le genre d'attitude que nous offre le gouvernement, mais il s'agit là d'un épisode, d'un incident qui, dans le fond, est désormais clos, au grand désenchantement du gouvernement, mais il y en a d'autres qui se rapprochent plus directement de l'administration des lois et qui ont, pour le citoyen ordinaire, et qui continuent d'avoir une signification permanente.

Il y a, dans l'application des lois en général, une attitude au gouvernement qui veut que ce soit une question d'opportunité politique que d'appliquer une loi ou de ne pas l'appliquer. Je vais vous citer plusieurs exemples. Nous avons eu, dès l'entrée en fonction du gouvernement actuel, une décision qui n'a pas manqué d'étonner, et même de scandaliser, mais c'était dans la période d'euphorie et ça a été largement oublié; c'était l'oubli ou l'abandon des poursuites intentées en vertu de la Loi sur les services essentiels. Trois ans après, le gouvernement s'est senti un peu gêné d'avoir fait cela, peut-être parce que cela le plaçait lui-même dans une position de faiblesse. Néanmoins, il a jugé politiquement opportun, en 1977, d'oublier des centaines et des milliers de poursuites qui avaient été intentées en vertu des lois de l'Assemblée nationale et qui étaient déjà devant les tribunaux, dont les tribunaux étaient déjà saisis.

Mais il ne s'est pas limité à cela. Relativement aux réclamations qui étaient dirigées contre la FTQ et relativement au saccage de la Baie James, des centaines de milliers de dollars, pour ne pas dire des millions, probablement, de réclamations, on a tout effacé. On a jugé que là aussi il n'était pas politiquement opportun de poursuivre l'application des lois adoptées par l'Assemblée nationale. (12 heures)

Lorsque l'on considère d'autres réglementations pourtant importantes, par exemple, celles qui portent sur la loi no 101, y a-t-il eu une seule poursuite depuis 1977 en vertu de la loi no 101? Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'amendes qui sont prévues, ce n'est pas qu'il n'y a pas de système d'inspection, ce n'est pas qu'il n'y a pas de violations, elles éclatent au grand jour pour que tout le monde puisse les constater. Cependant, on a jugé là aussi politiquement opportun de ne pas poursuivre, certainement pas avant le référendum. Je ne sais pas si on changera d'attitude, mais si on change d'attitude ce sera pour des raisons partisanes et politiques, pas parce que l'administration de la justice le commande. C'est donc là un autre exemple, M. le Président, qui s'ajoute à tous les autres, qui montre très bien que pour ce gouvernement l'administration de la justice n'est qu'un instrument parmi d'autres. Il y a la publicité, il y a le budget, il y a le patronage et il y a aussi le fonctionnement des cours. C'est exactement sur le même pied tout cela. Cela a exactement la même signification et la même valeur. Si on peut utiliser un juge, on l'utilise, si on veut le condamner, on le condamne, si on veut appliquer une loi, on l'applique et, si on ne veut pas l'appliquer, on ne l'applique pas. Quel est le critère? L'intérêt du parti au pouvoir. Dans tout cela, l'intérêt du parti au pouvoir, la poursuite de ses objectifs partisans. Il ne peut plus nous servir la salade des objectifs nationaux, il a eu une réponse le 20 mai qui montre très bien la différence entre les deux.

M. le Président, il y a dans tout cela un système, ce que le Parti québécois aime qualifier de projet de société, son projet de société pour sa société. On sait de quoi il retourne maintenant parce que nous avons devant nous non pas des intentions, nous avons des faits, des comportements qu'on peut constater, qui sont enregistrés, qui ont été vus par nos concitoyens. C'est cela ce bon gouvernement qui réalise son projet de société. On voit quel genre de société ce serait. Ce serait une société où il n'y aurait pas de tribunaux dans la mesure où les tribunaux peuvent se tenir debout devant l'Etat, devant l'autorité. C'est un régime autoritaire qu'on cherche à imposer où l'excuse d'avoir été élu avec une majorité même de 41% est une justification suffisante pour faire n'importe quoi, sans obstacle, sans empêchement, sans contestation possible. C'est cela ce projet de société.

M. le Président, je ne veux pas être injuste envers le ministre qui va nous dire dans quelques minutes que l'on interprète de façon excessive des propos isolés. Ce ne sont pas des propos isolés, il y a là tout un système. Cela remonte à plusieurs années, dès la prise du pouvoir. Je peux bien reconnaître que le ministre a fait des efforts dans un domaine en particulier, la nomination des juges. Mais comment même accorder de l'importance à un processus de nomination des juges, qui peut être valable en soi, quand les juges eux-mêmes sont l'objet du mépris gouvernemental? S'ils ont fait cette réforme, il faut bien nous douter maintenant, avec la rétrospective que l'on peut faire de leur comportement, qu'ils l'ont fait non pas parce qu'ils croyaient à une meilleure administration de la justice, mais pour se défendre eux-mêmes comme parti politique. C'était devenu connu qu'il y avait un problème dans la nomination des juges. On l'a donc faite cette réforme de façon défensive pour ne pas s'exposer aux criti-

ques, sans y croire, sans croire aux juges, sans croire au système judiciaire, simplement pour avoir la paix.

Si c'est seulement cela que le ministre de la Justice peut nous dire pour sa défense, pour la défense de ses collègues, ce ne sera pas suffisant et tous les membres de l'Assemblée nationale, même ceux de l'autre côté qui croient encore aux institutions démocratiques et à la règle du droit dans la société devraient voter pour cette motion de blâme, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos du député de Saint-Laurent qui s'est gardé de dire au début de son intervention qu'il ne voulait pas faire un procès d'intention. On a quand même été à même de constater que, fidèle à son habitude, il s'est livré en grande partie au cours de son intervention à un tel procès d'intention. Je n'ai pas l'intention de suivre le député de Saint-Laurent dans la voie des insinuations ou de la suspicion de motifs politiques aux fins de prises de décision. Je crois que le sujet est trop important et j'emploierai mon temps à discuter essentiellement du fond de la motion. Je suis heureux que cette motion présentée par le député de Saint-Laurent nous donne ouverture à une discussion de fond sur un sujet qui est de toute première importance pour une société.

Nous savons que, dans la tradition constitutionnelle britannique, qui est à l'origine de notre propre système québécois, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont en principe distincts et incarnés par des institutions propres à chaque secteur.

Entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, les institutions que sont le gouvernement, l'Assemblée nationale et la magistrature illustrent bien cette distinction. Le système veut que l'Assemblée nationale adopte des lois, que l'exécutif les applique et que le judiciaire contrôle la constitution-nalité des lois dans un régime fédéral et la légalité de leur application.

La formule classique de la distinction entre le législatif et le judiciaire exprimée par le grand juriste anglais Blackstone est que les juges ne font pas la loi, ils ont pour fonction de déclarer ce qu'elle est. En pratique, les décisions judiciaires établissent de façon définitive l'interprétation qu'il faut donner des lois.

Dans ce processus d'interprétation des lois, certaines difficultés peuvent évidemment survenir. L'une d'entre elles — et je cite l'honorable juge Louis-Philippe Pigeon, jusqu'à récemment juge à la Cour suprême du Canada: "C'est qu'en même temps que, d'un côté, les rédacteurs de lois s'efforcent par des textes sans cesse plus élaborés de réduire au minimum la latitude laissée aux interprètes de la loi, de l'autre côté, une tendance se fait jour pour donner à ces derniers — les tribunaux — le pouvoir de faire la loi en s'écartant au besoin du texte législatif, de façon à faire prévaloir, sans égard à la volonté du législateur, la politique jugée la plus désirable."

Le juge Pigeon disait aussi: "II est vrai que le rôle des tribunaux n'est pas uniquement d'appliquer la loi. Ils sont aussi appelés à la faire eux-mêmes dans une certaine mesure. C'est une partie du pouvoir législatif que le Parlement leur délègue chaque fois qu'il leur confère une discrétion. Cette difficulté est donc de savoir jusqu'où et quand le juge doit demeurer interprète de la loi, jusqu'où et quand peut-il user de discrétion pour, en quelque sorte, faire la loi. Cette question et la discussion qui s'ensuit inévitablement est saine et capitale dans une société car, non seulement est-elle fondamentale à la définition du rôle du pouvoir judiciaire, mais, par voie de conséquence, la réponse qu'on y apporte affecte le rôle du pouvoir législatif et même du pouvoir exécutif dans certains cas."

Pour sa part, le juge Pigeon optait pour une attitude prudente de la part des juges, attitude qu'il a exprimée de la façon suivante: "Tout compte fait, j'estime donc que la règle fondamentale d'interprétation doit rester la recherche de l'intention législative par l'étude du sens des mots dont le législateur s'est servi sans s'en écarter autrement qu'il est nécessaire et sans aller au-delà de ce qu'exige la solution du litige dont le tribunal est saisi. "La réponse qu'on y apporte, ou plus précisément la réponse que chaque juge y donne est également déterminante du degré de discussion et de critique dont les décisions judiciaires peuvent faire l'objet. Il paraît relativement clair qu'une interprétation stricte de la loi suscite moins de discussion qu'une décision où le juge, dans une mesure plus grande, fait la loi. (12 h 10) "Plus le juge se limite à interpréter la loi, plus on critiquera le législateur pour une décision qui révèle l'état de la loi. A l'inverse, plus le juge use de la discrétion qui lui est laissée pour faire la loi, plus il doit répondre lui-même de l'état du droit qu'il crée et plus il doit s'attendre que sa décision, créatrice de droit, fasse l'objet de discussions et même, à l'occasion, de profonds désaccords. Cela est normal car, si un jugement tranche un débat déterminé, le pouvoir législatif, conformément à nos principes démocratiques, demeure souverain et peut, s'il s'agit d'une question constitutionnelle, modifier cette constitution ou, dans l'ordre législatif général, modifier la loi pour refaire le droit ou exprimer plus clairement la volonté du législateur. Un jugement peut donc produire une action législative ou exécutive qui soit intimement liée au contenu même du jugement et la discussion à propos de cette action sera indissociable de la discussion du jugement lui-même."

Les décisions des tribunaux contribuent, nous le savons, M. le Président, à faire évoluer constamment le droit et ont souvent des impacts majeurs sur l'administration de l'Etat. Ainsi, l'arrêt

Duquet vs la ville de Sainte-Agathe-des-Monts a facilité le recours en requête pour jugement déclaratoire, ce qui peut faciliter le contrôle de la légalité des actes de l'administration. L'arrêt Nicholson a établi une règle de traitement équitable de l'administré assujetti au contrôle judiciaire dans un vaste champ d'actes administratifs qui en étaient exempts jusque-là. L'arrêt Verreault vs le Procureur général du Québec, en 1977, a assoupli le formalisme exigé jusque-là dans la signature de certains contrats par des ministres, encore là, au bénéfice des citoyens.

Dans le domaine du recours à l'injonction, pour empêcher l'application d'une loi, il est généralement reconnu, et clairement reconnu par les tribunaux, et la doctrine qu'il ne peut y avoir d'injonction à l'encontre de la couronne. Le Code de procédure civile, à son article 94.2, dit également, et je cite: "II n'y a lieu à aucun recours extraordinaire, ni mesure provisionnelle contre la couronne, ce qui inclut l'injonction". Or, si, à propos de cet état reconnu du droit et de la lettre expresse de la loi, il survient des décisions judiciaires qui tendent à modifier de façon importante l'état du droit, il est normal que, sur un sujet si fondamental, un débat public puisse avoir lieu, impliquant non seulement les juristes dans des ouvrages spécialisés, mais, comme c'est d'ailleurs le cas, les éditorislistes, les citoyens ou juristes qui publient des articles de revues ou de journaux et aussi les représentants du gouvernement et des divers partis politiques.

Dans ce cas de l'injonction, par exemple, auquel se référait manifestement le député de Saint-Laurent, en parlant du ministre des Richesses naturelles, il faut concilier la procédure de l'injonction avec la règle fondamentale de la présomption de validité des lois. Pour ma part, je crois que la disparition de la règle de la présomption de la validité des lois est susceptible de créer des problèmes majeurs, au détriment non pas d'abord du pouvoir législatif ou exécutif, mais au détriment des citoyens au bénéfice de qui les lois sont faites. Cela me conduit à deux remarques concernant les propos que certains ont reproché — entre autres le député de Saint-Laurent — au ministre de l'Energie et des Ressources.

J'aimerais d'abord rappeler un extrait d'une allocution de l'honorable juge Edouard Rinfret, alors juge en chef du Québec, à l'occasion de l'ouverture des tribunaux le 7 septembre 1977. Le juge en chef, traitant de l'apport de chacun dans la qualité de la justice, disait ceci, concernant les media d'information, et je cite: "Les media d'information ont aussi leur part de responsabilités non pas dans l'élaboration du jugement comme tel, mais dans le reportage qu'ils en font. J'avoue, continuait-il, ne pas reconnaître parfois ma décision, quand je la lis dans les journaux ou l'entend à la radio ou à la télévision", ajoutait le juge Rinfret.

Cela, M. le Président, est parfois vrai et également valable pour d'autres intervenants sur la place publique. Je pense que, dans le cas des propos tenus par mon collègue en commission et à l'Assemblée nationale, ceux qui l'ont critiqué auraient eu avantage à lire le texte exact de ses propos. Ils y auraient constaté que ses propos constituaient une analyse fort valable des importants problèmes d'ordre et d'intérêt publics qui ont alors été abordés. Certains diront peut-être que, dans l'ensemble d'une déclaration faite de façon impromptue, il se trouve toujours des expressions qui auraient pu être améliorées; cela est sûrement vrai des propos de mon collègue, mais cela pourrait être vrai même des propos que je tiens actuellement, M. le Président. Mais, nulle part dans ses déclarations, on ne trouvera de termes inconvenants de nature à diminuer la confiance du public dans l'intégrité du système judiciaire et l'autorité des tribunaux.

J'ai déjà dit que, sans avoir fait un inventaire des déclarations des membres du gouvernement sur les décisions judiciaires importantes qui ont affecté l'action de l'Etat et du gouvernement, je suis bien prêt à admettre qu'il ait pu y avoir l'emploi de mots inappropriés, en quelques occasions, et je le regrette volontiers. Mais, par ailleurs, contrairement à certains membres de l'Opposition officielle qui, régulièrement, dans cette Assemblée, font fi de principes aussi fondamentaux que la présomption d'innocence, le droit à une défense pleine et entière, le droit à la vie privée et à la réputation, jamais un membre du gouvernement n'a agi de façon irrespectueuse des tribunaux ou de façon à ce qu'on conclue à un dédain du pouvoir exécutif envers le pouvoir judiciaire. Tous les membres de ce côté-ci de la Chambre ont toujours été très respectueux de ces principes fondamentaux du droit que sont le respect de la présomption d'innocence, le droit à la réputation des citoyens et, également, le droit de protection du domicile.

M. le Président, on ne peut pas en dire autant de l'autre côté de la Chambre, surtout du député de Saint-Laurent qui, à maintes occasions, au cours de ses interventions ou des périodes de questions, a trouvé le moyen de faire fi de ces éléments fondamentaux pour l'administration de la justice dont l'un est le respect de la présomption d'innocence; et les exemples sont nombreux. La crédibilité du député de Saint-Laurent sur le respect du processus judiciaire est loin d'être très bien assise au niveau du public. Ce n'est pas la première fois que la population du Québec a l'occasion de porter un jugement sur son comportement lorsqu'il exerce la responsabilité de critique de l'Opposition officielle en matière de justice.

Il y a quelques mois à peine, le député de Saint-Laurent a attaqué la commission Keable, organisme quasi judiciaire, d'une façon irresponsable et préjudiciable à la justice. Deux éditorialistes lui ont, d'ailleurs, reproché vivement son comportement. Entre autres, M. Jean-Claude Le-clerc, éditorialiste au Devoir, dont la compétence en matière de justice, je pense, n'est plus à faire, commentait ainsi l'attitude du député de Saint-Laurent, entre autres le 23 novembre dernier, et je cite: (12 h 20) "Mais la palme — il parlait du député de Saint-Laurent — de l'irresponsabilité, sinon de l'incompétence, doit revenir cette semaine au critique

libéral en matière de justice à l'Assemblée nationale, M. Claude Forget. Mis au parfum par des sources sur lesquelles il aurait plutôt dû faire enquête avant de leur prêter foi, le député de Saint-Laurent a laissé entendre que la commission Keable avait préparé une mise en scène et cuisiné des témoins, accordant même à l'un d'eux un traitement aux petits oignons. Or, s'il s'était donné la peine sinon de réfléchir, du moins de s'informer des révélations faites le même jour au Palais de justice de Montréal, le député libéral aurait compris l'importance extrême des mesures particulières prises à l'endroit des témoins par la commission d'enquête." Et il continuait en disant ceci de M. Forget: "Ce n'est pas seulement des papiers qui risquaient de disparaître à l'approche de révélations aussi explosives, mais surtout certains témoins essentiels. En s'assurant que l'une ou l'autre personne soit protégée contre de possibles accidents, la commission Keable n'aura pas seulement agi en conformité avec son mandat, elle aura pris, à l'endroit de sources visiblement bien informées, des mesures dictées par la plus élémentaire humanité et le plus grand respect de la justice. L'ancien ministre des Affaires sociales, M. Forget, n'a pas fait montre de jugement en s'alignant sur la thèse de nos communistes. S'il devait continuer dans cette voie, son chef ferait mieux de lui confier un autre ministère plus approprié à ses talents et à sa partisanerie, dont il a fait éloquemment preuve sur bien des points au cours de son intervention."

Un autre éditorialiste, M. Jacques Dumais, du Soleil, y allait également d'un jugement non moins sévère en disant ceci, le même jour d'ailleurs, et je cite: "M. Claude Forget, député libéral de Saint-Laurent et critique officiel de l'Opposition en matière constitutionnelle et de justice, est très certainement un technocrate chevronné, mais un politicien imprévisible. Depuis qu'il siège en qualité d'oppositionniste à l'Assemblée nationale, ses excès de langage ainsi que sa partisanerie un peu basse, lorsqu'il aborde des dossiers extrêmement délicats, en font un parlementaire dangereux."

Plus récemment, M. le Président, le député de Saint-Laurent, se servant de son immunité parlementaire, a causé, je crois, des torts irréparables à des citoyens du Québec ainsi qu'à leur famille en faisant fi d'un principe fondamental, celui de la présomption d'innocence.

M. le Président, pour ce qui est du respect du processus judiciaire, du respect qui est nécessaire envers nos institutions concernant l'ensemble de l'administration de la justice, je pense bien que nous n'avons pas de leçon à recevoir, surtout du député de Saint-Laurent.

M. le Président, on a évoqué, comme l'a fait le député de Saint-Laurent, plusieurs déclarations qui ont été faites par certains ministres à la suite de jugements qui ont été rendus. Je l'ai dit, il y a souvent des termes inappropriés qu'on pourrait déplorer mais, sur le fond, je pense qu'on ne peut pas ne pas laisser de latitude autant aux éditorialistes qu'aux hommes politiques d'analyser le fond d'un jugement, surtout lorsque ces jugements sont de nature à changer la nature de la loi ou la situation légale existante jusqu'à ce qu'un jugement ait été rendu et qui est peut-être de nature à modifier cette légalité, telle que conçue et acceptée par la jurisprudence jusqu'à ce moment.

Il arrive cependant, M. le Président, que depuis une dizaine d'années au moins, le gouvernement du Québec livre de nombreuses batailles juridiques dans le domaine constitutionnel. Tous les membres de cette Assemblée savent que le gouvernement a dû aller devant les tribunaux pour défendre des lois adoptées par cette Assemblée et attaquées pour des motifs constitutionnels. Les échecs subis à l'occasion ne sont pas et n'ont pas été imputés au pouvoir judiciaire, mais ils sont nettement et franchement imputés à une constitution dépassée et inadéquate, une constitution dont tous les membres de cette Assemblée s'entendent pour dire qu'elle doit être transformée.

Puis-je, M. le Président, eu égard aux différentes lacunes du système fédéral actuel, en rappeler une qui est néfaste non seulement pour les justiciables en général, mais pour le pouvoir judiciaire et la magistrature elle-même? Je le fais d'autant plus volontiers que je ne connais pas de membre dans cette Assemblée qui soit dissident sur cette position. Je vais la résumer en me servant d'un extrait d'une allocution de l'actuel chef de l'Opposition officielle prononcée devant les membres de la magistrature et du Barreau, en septembre 1977, à l'occasion de la rentrée des tribunaux judiciaires. Le chef de l'Opposition officielle disait ceci: "L'Acte de l'Amérique du Nord britannique prévoit que le gouvernement fédéral nomme les juges des Cours supérieures, ainsi que les magistrats des Cours de district et de comté dans chaque province. Il laisse, par ailleurs, aux provinces la liberté de nommer elle-mêmes les juges des autres cours qui peuvent exister dans leur territoire respectif. Il y a là une anomalie qui tend à créer deux classes de magistrats à l'intérieur d'une même province et qui rend difficile la réalisation d'une véritable unité au sein du système judiciaire. Le double système de nomination favorise peut-être, entre les deux ordres de gouvernement, une certaine émulation — disait-il — mais la division permanente qu'il crée au sein même de la magistrature est un mal plus grand que les grands avantages qu'il peut comporter. Il faudrait y remédier à l'occasion d'une révision constitutionnelle. Ce double système donne lieu à des modes de recrutement et de nomination différents, à un partage souvent discutable des responsabilités entre les deux niveaux de compétence et aussi à des rivalités inutiles et irrationnelles en matière de rémunération et d'avantages matériels. Dans le contexte très délicat où nous évoluons ces années-ci, il pourrait également prêter le flanc à des soupçons de partialité — c'est l'actuel chef de l'Opposition officielle qui disait cela lors d'une conférence à l'occasion de la rentrée des tribunaux judiciaires — les juges nommés par Ottawa étant soupçonnés, à tort ou à raison, de pencher davantage vers les thèses fédéralistes et les magistrats nommés par Québec étant soupçonnés de verser dans une inclination contraire". Fin de la citation du chef de l'Opposition.

M. le Président, aucun membre de cette Assemblée ne croit que le fait de la nomination par Québec ou Ottawa puisse influencer la décision d'un juge. Mais tous s'entendent pour accorder, pour des motifs nombreux, une grande importance au pouvoir de nomination et, en conséquence, à l'organisation rationnelle des tribunaux. J'ose espérer que les membres de cette Assemblée appuieront solidement le gouvernement sur cette question, ce qui sera à l'avantage et des justiciables et des tribunaux.

Au chapitre du respect des décisions des tribunaux, le gouvernement du Québec est irréprochable. M. le juge en chef Deschênes, dans une causerie qu'il prononçait à Montréal en janvier dernier, a cité en exemple le gouvernement et le Parlement français qui ont vu, la veille de Noël 1979, leur loi sur les finances pour 1980 déclarée non conforme à la constitution. Le Parlement français, faisait-il remarquer, fut alors convoqué quelques jours plus tard, soit le 27 décembre, pour adopter une loi remédiatrice. A la même époque, M. le Président, soit le 13 décembre 1979, le leader parlementaire du gouvernement du Québec se levait, en cette Assemblée, et sollicitait le consentement des membres de l'Assemblée pour suspendre tous nos travaux en cours ainsi que nos règles habituelles de procédure dans les termes suivants: "Parce qu'il nous faut être les premiers à donner l'exemple du respect sans tarder d'une décision du tribunal, je propose qu'en vue de l'adoption du projet de loi no 82, Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 — la même journée — portant sur la langue de la législation et de la justice au Québec conformément à l'article 84, paragraphe 2, que j'invoquais tout à l'heure, je propose — disait le leader du gouvernement du Québec — que nous suspendions les articles suivants de notre règlement, l'article 30..." ce qui amorçait, dans la même journée presque, immédiatement le processus de correction que nous indiquait le jugement de la Cour suprême. On se rappelle que, après étude d'un dossier par la Cour suprême du Canada concernant ce jugement, la Cour suprême a accepté de rouvrir celui-ci à la requête du procureur général du Québec. Alors, on se rappelle que ce jugement avait été rendu la journée même et que quelques heures plus tard, grâce à la collaboration de tous les membres de cette Assemblée, une loi remédiatrice était adoptée à la suite de ce jugement. Ce n'est que quelques mois plus tard que le Manitoba faisait de même, et le gouvernement du Canada, dans les matières qui pouvaient l'affecter, n'a pas encore bougé pour donner suite à ce jugement de la Cour suprême alors que nous, le gouvernement du Québec, nous l'avons fait la journée même. Cela, c'est le respect des tribunaux et des décisions qu'ils rendent. (12 h 30)

Dans toutes les matières, le gouvernement du Québec obéit avec diligence aux ordonnances des tribunaux et il agit toujours en conformité et en conséquence de leurs décisions. C'est là la première et la principale règle du respect du pouvoir judiciaire; il faut accepter et obéir à l'autorité de ses décisions, ce qu'a fait le gouvernement du Québec.

Mais, M. le Président, on peut reconnaître à beaucoup d'autres signes l'importance et le respect qu'un gouvernement et une Assemblée nationale accordent au pouvoir judiciaire. Comme le disait le juge en chef Deschênes dans une allocution prononcée le 2 décembre 1977 devant l'Académie des lettres et des sciences humaines de la Société royale du Canada et portant sur les divers processus de choix des juges: "D'une meilleure justice dépend sans doute en grande partie le bonheur du peuple et de la qualité de la magistrature dépend à son tour en grande partie celle de la justice." Cette qualité de la magistrature commence par un sain procédé de nomination. A cet égard, le gouvernement du Québec a instauré lui-même, au début de 1977, un processus de nomination, puis cette Assemblée l'a consacré dans une loi, un processus de sélection des juges dont l'honorable juge Deschênes a dit à la même occasion que ce processus de nomination répondait aux espoirs que les meilleurs esprits ont longtemps exprimés. Je ne croirais pas tronquer l'opinion des juges en chef qui ont été associés à ce processus en disant que cette opinion est de plus en plus partagée.

L'instauration de cette dépolitisation maximale dans la nomination des juges provinciaux est l'une des grandes réalisations dont ce gouvernement et cette Assemblée qui y a concouru peuvent être fiers parce que l'un des meilleurs moyens d'assurer le respect du pouvoir judiciaire, c'est d'y nommer les personnes les plus qualifiées et que le mécanisme pour y parvenir soit suffisamment fort, vrai et crédible pour les citoyens.

C'est le gouvernement actuel, également, Mme la Présidente, qui a créé un Conseil de la magistrature attendu depuis des dizaines d'années au Québec. Ce Conseil de la magistrature est la pierre angulaire d'une réorganisation rationnelle de nos tribunaux, qui n'attend que le règlement des problèmes constitutionnels pour prendre toute son ampleur. Il est déjà la pierre d'assise de l'indépendance de la magistrature. A elle seule, la constitution d'un tel conseil suffirait à dire l'importance qu'on accorde au pouvoir judiciaire car il constitue non seulement un lien de coordination du pouvoir judiciaire, particulièrement des magistrats qui assument des fonctions additionnelles comme juges en chef ou juges en chef associés, mais, aussi, il est un instrument indispensable à la crédibilité et au respect de la magistrature en se chargeant de l'éthique, de l'intégrité et de l'impartialité des juges.

Le regret que nous devons formuler à l'égard du Conseil de la magistrature, c'est qu'il ne regroupe pas encore, et ne pourra regrouper tous les juges des cours supérieures tant et aussi longtemps que certains problèmes constitutionnels n'auront pas été réglés.

Mme la Présidente, dans un autre ordre d'idées, notre gouvernement a aussi instauré un mécanisme d'établissement du traitement des ju-

ges et de leur pension qui soit efficace et respectueux de leurs fonctions. Il n'était pas respectueux du pouvoir judiciaire de soumettre la question de leur traitement et de leur pension aux aléas de la vie politique et parlementaire, aux aléas des calendriers sessionnels ou de changements ministériels. Aujourd'hui, grâce à des dispositions prises par le présent gouvernement, les juges nommés par le Québec n'ont plus à quémander ou à s'inquiéter des répercussions des événements politiques sur leur juste traitement. Ils suivent automatiquement le rythme de croisière de la société dans laquelle et pour laquelle ils oeuvrent. On peut constater l'importance que notre gouvernement a accordée au pouvoir judiciaire par les mesures qui sont prises pour l'amélioration des conditions nécessaires à un travail de qualité. Que ce soit l'accroissement du nombre de juges, que ce soit la création des postes de juges adjoints et coordonnateurs pour soulager quelque peu les juges en chef de leur fardeau administratif, que ce soit l'implication des juges en chef dans les questions administratives qui affectent le fonctionnement des tribunaux, que ce soit la création de postes de recherchistes pour les aider dans la collecte des matériaux nécessaires à la rédaction de leurs jugements, M. le Président, je n'ai aucune hésitation à dire que notre gouvernement n'a pas d'attitude désinvolte et répréhensible envers le pouvoir judiciaire.

Son attitude en est une de respect, de confiance et de franchise. Il peut surgir, à l'occasion, des heurts passagers entre les différents pouvoirs législatif, judiciaire, exécutif, mais cela ne change en rien du côté gouvernemental, en tout cas, le respect et l'importance que nous accordons au pouvoir judiciaire. D'une façon générale, d'ailleurs, j'estime que les relations entre les différents pouvoirs sont normales et que la qualité de ces relations repose et doit reposer sur le respect mutuel entre ces pouvoirs et sur une juste compréhension de leur rôle respectif.

Mme la Présidente, il ne m'apparaît pas juste de laisser entendre ou de donner l'impression qu'au Québec le gouvernement ou les citoyens sont particulièrement irrespectueux des tribunaux ou de leurs décisions. Les Québécois sont certes, comme tous les peuples, où la liberté d'expression est respectée, critiques à l'égard de leurs institutions, mais cette critique est généralement saine et si les tribunaux n'y échappent pas, non plus d'ailleurs que l'Assemblée nationale et le gouvernement, ce n'est sans doute pas sans raison car, comme toutes les institutions humaines, ils sont susceptibles d'amélioration.

La discussion de ces problèmes aide certainement — ce débat nous l'a permis — à améliorer la compréhension réciproque du rôle de chacun. Du côté des hommes publics, en tout cas, je suis assuré que cela permet à tous et chacun de mieux percevoir l'importance majeure dans une société du plus grand respect pour le pouvoir judiciaire et pour ceux qui l'exercent. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour disposer de la motion privilégiée concernant l'attitude désinvolte et répréhensible du gouvernement envers le pouvoir judiciaire. Ce sujet en est un qui refait surface de façon régulière depuis que l'actuel gouvernement est au pouvoir. Ainsi, depuis quelques années, il n'est plus rare de voir dans les journaux des titres semblables aux suivants: Comment garantir aux juges l'indépendance face à l'exécutif. Ou encore: Le pouvoir civil dédaigne la justice. Ou plus récemment encore: Ministre contre juge. Encore là, ce ne sont que quelques exemples. D'autre part, Mme la Présidente, le 17 novembre 1978, ce n'est donc pas d'hier, la commission permanente de la justice s'est réunie pour discuter d'une question avec débat que j'avais alors soumise au ministre de la Justice et dont le sujet était: L'application du principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire et ses conséquences sur le rôle des juges dans la société québécoise.

Il faut dire que ce n'était pas la première occasion pour moi d'aborder cette question. Le ministre se rappellera que lors de l'étude du projet de loi no 40, en juin 1978, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires et créant le Conseil de la magistrature, proposant également un nouveau mode de rémunération des juges et un réaménagement complet du régime de pension, l'Union Nationale avait abordé l'étude de ce projet de loi en s'interrogeant notamment sur les conséquences que pourrait avoir ce projet de loi, sur le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire. (12 h 40)

Maintenant, si vous me le permettez, j'aimerais citer un extrait d'article publié dans la revue du Barreau du Québec en 1968. Bien que cette citation date déjà de douze ans, malheureusement elle est encore d'une grande actualité. J'aimerais donc vous citer le passage d'un article de l'honorable juge Trudel dans la revue du Barreau.

Il disait ceci: "Une observation scientifique s'avère indispensable au préalable. Un étonnement est irrépressible devant une première constatation. L'appareil judiciaire n'a aucune ossature qui permette à ceux qui ont exclusivement la responsabilité de rendre la justice d'oeuvrer dans l'établissement de moyens d'en assurer l'efficacité. Le corps judiciaire n'a même pas dans la constitution un rôle consultatif reconnu et nanti des organes normaux pour chercher et exprimer une suggestion sur les structures du pouvoir qu'on lui a confié. Tout ceci est dévolu à l'exécutif et au législatif, parfois au Barreau, comme dans le cas particulier de la capacité des sténographes judiciaires. "Le pouvoir judiciaire canadien se caractérise, s'il ne se définit pas, par un ensemble de juges isolés dans divers tribunaux rendant des décisions

sous leur nom et n'ayant sur l'appareil judiciaire, fondé pour assurer l'efficacité de leur décision, aucune autorité valable et efficace. Le budget, la nomination des aides et officiers de justice, la logistique, l'établissement des tribunaux, tout leur échappe pour se reporter sur l'exécutif. '

On voit que, même si le ministre de la Justice se vantait à bon droit d'avoir établi le Conseil de la magistrature lors de l'adoption d'un projet de loi à l'Assemblée nationale, il n'en reste pas moins que tous ces problèmes soulevés par le juge Trudel sont toujours d'actualité.

Le juge Trudel continuait: "La justice est trop importante pour lui continuer de telles entraves qui diminuent son efficacité et sa productivité. D'autres services de l'Etat existent avec des facilités administratives qui ont décuplé et assoupli le rendement — il donnait comme exemple HydroQuébec ou la Régie des alcools — il suffit de n'en nommer que quelques-unes. Elles doivent beaucoup à l'absence des traditions anciennes ou d'origine noblement incertaine et reculée. La raison ne saurait refuser au pouvoir judiciaire ce qui est essentiel à la bonne marche de tout service public."

Je pense que cette citation est toujours d'une grande actualité. Bien sûr, depuis cette date, il y a eu des changements, et en particulier le projet de loi no 40. Mais là n'est pas la question, car le problème reste entier et se situe dans l'esprit même de cette citation qui conserve ainsi tout son sens. Parmi les facteurs qui restreignent l'indépendance du pouvoir judiciaire, mentionnons la multiplication des offices, des régies et commissions à qui on confie certaines juridictions qui devraient appartenir aux tribunaux judiciaires.

Mentionnons aussi les décisions judiciaires révisées par des fonctionnaires, par exemple, au Bureau des véhicules automobiles où, au sujet des permis de conduire, des fonctionnaires rendent des décisions judiciaires. Mentionnons encore la transformation des juges en fonctionnaires et également le manque de personnel au service de l'administration de la Justice, ce qui a pour effet de causer des retards que doivent subir les justiciables.

En résumé, l'indépendance des juges face au pouvoir politique sous toutes ces facettes, c'est cela qu'il faut protéger. En pratique, ceci veut dire que le gouvernement devrait prendre des mesures draconiennes en vue de faire disparaître le plus possible les tracasseries administratives, les obstacles matériels, les pressions sociales et politiques, qui ne facilitent pas le travail des juges. De plus en plus, l'érosion de la protection du justiciable se fait de façon subtile et donc également de façon dangereuse.

Par exemple, parlons des lois-cadres et de la législation déléguée. Les conséquences pour le justiciable ne se comptent plus quand on assiste impuissant à la multiplication des tribunaux quasi judiciaires ou administratifs, comme les régies, les offices et les commissions, bien souvent sans droit d'appel ou encore avec des droits d'appel à eux-mêmes, comme, par exemple, la Régie de l'assu- rance-automobile, la Commission de protection du territoire agricole, la Régie des rentes du Québec. Quelle garantie que justice paraisse avoir été rendue pouvons-nous avoir lorsque les organismes en question révisent eux-mêmes leurs propres décisions?

Je veux maintenant aborder une autre facette du problème qui est encore plus grave. Ici, je fais allusion à cette fâcheuse manie qu'ont certains ministres de critiquer les jugements qui ne font pas l'affaire du gouvernement. Dans certains cas, on pousse même l'audace jusqu'à blâmer publiquement le juge qui a rendu le jugement et même le premier ministre semble entériner les prises de position des ministres concernés. Ainsi, dans l'affaire de la société Asbestos, un ministre a déclaré: II est humiliant — parce que la société Asbestos Corporation a fait appel aux tribunaux pour se défendre face à une loi qui était adoptée par l'Assemblée nationale — de devoir attendre une décision judiciaire d'un tribunal avant de pouvoir procéder à la nationalisation d'Asbestos. Pis encore, il a même menacé la société en question de représailles devant la juridiction pénale, devant les tribunaux pénaux.

Un autre exemple. Des justiciables attaquent un chapitre de la loi 101 qui concerne la langue de la législation et de la justice. Quand la Cour d'appel confirme le jugement de la Cour supérieure, qui avait prononcé l'inconstitutionnalité de cette loi, un ministre du gouvernement déclare à l'Assemblée nationale que la volonté politique du Québec ne passera pas par des avis de la cour. Et puis la tempête éclate quand, à son tour, la Cour suprême du Canada confirme les conclusions des deux tribunaux du Québec le 13 décembre 1979.

Le même soir, au moins trois membres du gouvernement expriment l'attitude officielle du gouvernement. L'un qualifie le jugement d'injure suprême; un autre se réfère à l'humiliation suprême, à un diktat, à une insulte; enfin, un troisième, qui n'est pas le moindre, parle d'une injustice cruelle et d'implication proprement insultante.

Le gouvernement, lorsqu'il a adopté cette loi 101, savait fort bien qu'il allait à l'encontre de l'une des prescriptions de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et que, ce faisant, il risquait de voir un ou plusieurs de ces articles de la loi déclarés inconstitutionnels. Il l'a fait délibérément, dans le but de se faire du capital politique référendaire. C'est pour cette raison qu'on s'est dépêché, et non pas pour les raisons invoquées par le ministre de la Justice tout à l'heure; c'est pour cette raison purement politique que le gouvernement s'est empressé, immédiatement, lorsque le jugement a été rendu, de proposer un projet de loi à l'Assemblée nationale pour faire en sorte, encore une fois, de se faire du capital politique référendaire, à cause de la décision qui était rendue.

Soulignons que, parmi les ministres concernés, se trouvent en particulier les ministres Laurin et Bérubé. Ce dernier a, de plus, dénaturé la pensée du juge Montgomery en lui faisant dire que la loi était arbitraire et repoussante. Ce que le juge Montgomery a écrit, comme le souligne le juge

Edouard Rinfret, ancien juge en chef de la Cour d'appel, est que la loi est "repugnant to the provision of the British North America Act". Dans ce contexte, ajoute le juge Rinfret, la seule traduction possible du mot "repugnant" est "incompatible" avec les dispositions de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ce n'est pas ce que le ministre a dit. Le juge n'avait pas dit que la loi était arbitraire et repoussante, mais plutôt "repugnant", dont la traduction française doit être "incompatible".

Comme l'écrivait Marc Laurendeau, il est normal que, dans une société moderne où il existe un équilibre des pouvoirs, l'autorité, l'Assemblée nationale en l'occurrence ici, se heurte aux décisions des tribunaux. Roosevelt, dans les années trente, a ainsi vu invalidées par la Cour suprême des Etats-Unis ses lois du "New Deal". Maurice Duplessis a souvent eu des démêlés avec l'appareil judiciaire. Même Robert Bourassa eut ses ennuis judiciaires avec les Amérindiens de la Baie James et avec la loi 22 qui fut attaquée devant les tribunaux. Mais aucun d'eux n'a adopté l'attitude du gouvernement actuel du Québec.

Les problèmes de l'actuel gouvernement du Québec, face aux décisions des tribunaux, ne constituent donc pas un cas unique. Cependant, on ne peut pas dire la même chose de la réaction de certains ministres et du premier ministre concernant certaines décisions de nos tribunaux. Comme l'écrivait l'honorable juge Deschênes, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, il faut réagir avec vigueur contre une situation propre au Québec, où le dédain que le pouvoir civil affiche envers le judiciaire menace d'une dégradation graduelle nos institutions les plus précieuses et, à travers elles, la liberté de chaque citoyen. Les ministres doivent donc cesser de tenir des propos outrageants à l'Assemblée nationale à l'endroit du pouvoir judiciaire et des juges qui le composent.

Enfin, pour terminer, Mme la Présidente, comme la question constitutionnelle, abordée d'ailleurs par le ministre, est présente partout, au nom de ma formation politique, je me permets de faire une suggestion au gouvernement. Ainsi, comme il y aura des pourparlers durant tout l'été dans le but de régler la question constitutionnelle, nous croyons qu'il est essentiel qu'il y ait dans la nouvelle constitution canadienne une définition claire et nette de la nature et du rôle du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs exécutif et législatif. Nous croyons que ce sujet peut très bien être abordé dans le cadre des discussions qui auront lieu au cours des mois à venir. Je vous souligne aussi que cette prise de position de l'Union Nationale est contenue dans notre programme constitutionnel de février 1979 et qu'elle se lit comme suit: "L'inscription dans la nouvelle constitution candienne d'une définition claire et nette de la nature et du rôle du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs exécutif et législatif."

Mme la Présidente, je termine dans quelques secondes, j'aimerais maintenant que le ministre nous indique quelle est sa position, à lui, face à cette question des déclarations ministérielles, que le ministre puisse nous donner son opinion personnelle concernant les propos tenus par le ministre Bérubé à l'égard du juge Montgomery. Enfin, le ministre de la Justice a-t-il l'intention de plaider la cause de l'indépendance judiciaire auprès de ses collègues du cabinet dans le but de faire cesser leurs attaques vis-à-vis du pouvoir judiciaire? Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: Mme la Présidente, conformément à la tradition qui s'établit de plus en plus, j'ai encore cinq minutes à ma disposition. Je vous dirai, Mme la Présidente, que j'appuierai cette motion présentée par le député de Saint-Laurent qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement pour son attitude désinvolteet répréhensible envers le pouvoir judiciaire."

En effet, il me semble que dans une société bien organisée, dans une société où on veut vivre en paix, ou on veut vivre dans le respect des uns et des autres, il y a au moins un minimum de choses qu'il faut respecter. Parmi ces choses à respecter, il faut d'abord se respecter, en tant que citoyens, les uns les autres, et respecter également les institutions. Si on ne peut pas en arriver à comprendre cela, on se retrouve dans une société en désordre. C'est pourquoi nous avons un pouvoir législatif, un pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire.

Il me semble que le moins que l'on puisse espérer, c'est que les citoyens formant cette société respectent ces trois pouvoirs. Mais on peut davantage, Mme la Présidente, espérer que les pouvoirs entre eux, soit le législatif, l'exécutif et le judiciaire, se respectent également. Je trouve très malheureux que cela se soit produit. Nous avons été témoins que des membres du pouvoir exécutif ont critiqué, de façon ouverte, le pouvoir judiciaire. Nous savons tous que le pouvoir judiciaire ou encore, si l'on veut, la magistrature doit pouvoir jouir de l'indépendance la plus totale, sinon il y a des risques très graves que la société tombe dans un désordre épouvantable. Le pouvoir judiciaire étant celui qui, en définitive, doit interpréter les lois qui sont faites par le pouvoir législatif, il doit pouvoir rendre justice. Quand on dit rendre justice, Mme la Présidente, il me semble que cela veut dire envers tous les justiciables, quels qu'ils soient.

C'est sûr que, lorsque le pouvoir judiciaire ou un magistrat doit rendre un jugement, doit trancher une question en vertu de la loi, des témoignages et des faits qui sont présentés devant lui, il y a une partie gagnante et une partie perdante; c'est régulier. Si chaque fois que cela se produit, cette partie perdante en profite pour critiquer magistralement le pouvoir judiciaire, à ce moment-là, le bon exemple que le pouvoir exécutif doit donner à l'ensemble de la population n'existe pas.

C'est un mauvais exemple qui est donné à la population et c'est le même pouvoir exécutif qui, en d'autres circonstances, demandera à la population, par exemple, d'opter pour telle ou telle autre option qui est issue de son programme parce que l'exemple est à suivre.

Or, Mme la Présidente, on ne peut pas avoir deux poids deux mesures. Si le pouvoir exécutif, un jour, demande qu'on le suive dans tel programme qui lui semble valable et si ce même pouvoir exécutif arrive le lendemain et tente de détruire la crédibilité de la magistrature, c'est une chose inconcevable. Je sais que dans ce gouvernement — je ne dis pas le ministre de la Justice — il y a eu malheureusement des membres du Conseil exécutif qui ont critiqué la magistrature, et cette attitude est à blâmer. Je ne voudrais pas que ça se reproduise et c'est pour cela que nous avons aujourd'hui — je le dis en terminant; malheureusement, cinq minutes, ça ne permet pas de dire tout ce que je voudrais dire, mais je le dis en terminant — une motion de censure et j'espère que le gouvernement tiendra compte de cette motion de censure et la prendra comme une leçon à retenir pour l'avenir. Si cela se reproduit nous devrons revenir à la charge et, à ce moment-là, dans d'autres temps où nous aurons plus de minutes à notre disposition, le débat pourra durer plus longtemps et nous pourrons faire connaître nos points de vue de façon plus détaillée.

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Laurent, pour votre réplique. (13 heures)

M. Claude Forget

M. Forget: Mme la Présidente, ce qu'il faut retenir des propos du ministre me semble une bien piètre justification pour des comportements que j'ai condamnés tout à l'heure, condamnation sur laquelle je ne reviendrai pas maintenant. Cependant, lorsque le ministre concède qu'il a pu y avoir parmi ce qu'on dit ses collègues des propos inappropriés, il me semble qu'il confesse lui-même qu'il y a eu là des choses dont on peut valablement se plaindre.

Comment se fait-il que le ministre, lorsqu'il était partie à des débats à l'Assemblée nationale, n'a jamais jugé à propos d'intervenir et de mettre les choses au point? Il a laissé faire sans s'inquiéter que des mots inappropriés soient utilisés par ses collègues. Il va plus loin. Ayant fait cet aveu que des mots inappropriés avaient été utilisés, il nous dit un peu plus tôt que finalement, dans ce que M. Bérubé, M. le ministre de l'Energie et des Ressources a dit en commission parlementaire, il faut voir une contribution valable à un important débat. Cela, Mme la Présidente, c'est de l'impé-nitence. J'ai cité dans mon intervention principale les propos de M. Bérubé en commission parlementaire. Ce sont des propos qui sont absolument inadmissibles et c'est se moquer du monde que d'appeler cela une contribution valable à un important débat public.

Selon le ministre de la Justice, quel est-il ce débat? Il porterait, selon lui, sur là-propos pour les juges de décerner une injonction, pour empêcher qu'une situation irréversible ne soit créée par le gouvernement en vertu d'une loi qui sera peut-être déclarée inconstitutionnelle. On ne peut présumer de rien tant qu'un jugement final n'est pas porté. Il s'agit là d'une utilisation connue, d'une utilisation voulue par le législateur de l'injonction, et la défense qu'il fait à savoir que dans le Code de procédure du Québec on exclut l'utilisation de ces recours en injonction et autres recours analogues de prérogatives contre la couronne, ce n'est pas une excuse valable. Il devrait savoir aussi bien que n'importe qui et mieux que n'importe qui en cette Chambre que les tribunaux ont interprété cette clause restrictive quant à l'utilisation de l'injonction de manière à ne pas lui donner une extension plus grande qu'il ne fallait, d'une manière à ne pas protéger la couronne contre l'intervention des tribunaux. Lorsqu'un gouvernement, utilisant un pouvoir discrétionnaire, dépasse l'intention du législateur, s'apprête à poser un geste qui enfreint de façon grave les droits d'un particulier, d'un individu ou d'une société, les tribunaux ont reconnu, grâce au ciel, qu'il était possible d'intervenir, même par voie d'injonction.

N'oublions pas que c'est un pouvoir gouvernemental qui est en question. Ce n'est pas la loi elle-même qui a été l'objet d'une injonction, c'est l'utilisation discrétionnaire que le gouvernement peut en faire en vertu d'un pouvoir très large qu'il s'est donné pour définir de façon absolument arbitraire à la fois les biens qui feront l'objet de l'expropriation, le moment où l'expropriation va intervenir et même les mécanismes de compensation financière qui sont prévus par la loi. C'est donc pour empêcher qu'une situation irréversible ne soit posée que l'injonction a été accordée. Si c'est cela le débat de fond, les ministres qui y ont participé n'ont pas été à la hauteur de ce débat, puisqu'ils n'ont pas fait valoir les arguments en droit qui pourraient être avancés, ils n'ont pas tenu compte de précédents nombreux d'une jurisprudence qui donne de plus en plus aux tribunaux un rôle pour juger de l'à-propos, du bien-fondé d'actions administratives.

C'est là une libération du citoyen face au gouvernement, face au gigantisme de la bureaucratie de l'administration publique et au lieu de le condamner, le ministre de la Justice devrait applaudir à cette évolution et même prendre des engagements qu'il va faire évoluer notre droit administratif de manière à mieux protéger les droits des citoyens plutôt qu'à condamner les tribunaux dans une action absolument justifiable, et d'ailleurs, prévisible.

Le ministre s'est livré à des attaques personnelles. Je ne répondrai pas à ces attaques personnelles. Les événements vont répondre par eux-mêmes à toutes ces insinuations qu'il a faites. Il devra peut-être avec certains des critiques qu'il a cités ravaler les propos disgracieux qu'il a eus à mon égard. Pour ce qui est de ces allusions semi-voilées à l'utilisation de la Loi des mesures de guerre, je pourrais dire que je n'étais pas membre du gouvernement qui a pris cette décision, mais je ne me réfugierai pas derrière une excuse aussi

facile. Il faut bien savoir que ce gouvernement a eu la bonne fortune de ne pas se trouver dans des circonstances mettant en péril la sécurité publique et qu'il n'a donc pas eu à faire preuve ni de magnanimité ni de courage. Mais il reste que ces instruments sont là pour être utilisés et c'est la responsabilité des gouvernements de le faire, et à l'occasion, d'être condamnés pour les avoir utilisés à mauvais escient.

C'est une attaque basse que de laisser soupçonner que parce qu'ils ont été utilisés à mauvais escient une fois — et cela on l'a su seulement de nombreuses années après — que le parti auquel j'appartiens s'est à tout jamais déclassé, s'est à tout jamais discrédité par l'utilisation de ses pouvoirs. Ils sont là pour protéger la collectivité, la sécurité publique. S'il y a d'autres circonstances dans l'avenir qui imposent leur utilisation, il faudra qu'un gouvernement ait le courage politique de le faire à nouveau.

Le ministre de la Justice exagère quand il affirme que son gouvernement a toujours respecté les ordonnances des tribunaux. N'oublions pas que nous avons eu, la semaine dernière, un débat assez orageux au sujet d'une ordonnance qui prend le nom d'un mandat de perquisition que le gouvernement n'a pas respectée.

C'est cela, c'est tout autant une ordonnance d'un tribunal qu'un jugement de la Cour.

Je pense que ce gouvernement s'est largement vanté. Il ne s'agit pas seulement de respecter dans les faits les ordonnances des tribunaux, il s'agit aussi de le faire sans maugréer, sans accuser personne, sans se prêter d'intention, sans faire de querelle aux juges qui le font dans le respect de leurs fonctions, dans le respect de la légalité, dans le respect de la constitution. S'ils veulent s'attaquer à la constitution, qu'ils s'attaquent à la constitution, mais encore une fois, qu'ils respectent les jugements des tribunaux sans maugréer, sans miner leur crédibilité, sans miner leur autorité.

Je pense que la conclusion de tout ce débat est que le gouvernement, au lieu de plaider, au lieu de continuer à se défendre ou d'attaquer pour se défendre devrait au contraire faire amende honorable. Avant que nous ayons à voter sur cette motion de blâme à l'égard du gouvernement, qui a affiché envers nos institutions judiciaires une attitude et un comportement inadmissible, il faut peut-être donner une dernière chance au gouvernement et au premier ministre lui-même qui est présent ici, et j'en suis fort aise. Je le remercie de sa présence et de son intérêt. Il faut peut-être lui donner une dernière chance de se rétracter et d'offrir des excuses aux membres de nos cours de justice de manière que ce dossier soit fermé dans l'unanimité. Autrement, nous allons assister à un vote qui va nous opposer les uns les autres. Le gouvernement, si le nombre y est — on n'en est pas absolument sûr encore — va peut-être gagner formellement par la procédure, mais aux yeux de l'opinion publique il se sera montré non repentant, non persuadé que l'attitude qu'il a affichée et qui a étonné beaucoup de nos concitoyens... c'est une attitude qu'il continue à épouser.

Les effets nocifs d'une telle attitude, de la part de ceux qui détiennent aujourd'hui l'autorité, va se faire sentir pendant de nombreux mois, de nombreuses années et sera peut-être un jour un élément qui va jouer contre le parti qui occupe actuellement les fauteuils ministériels parce que c'est là une chose qui risque de devenir une marque de commerce.

En terminant, M. le Président, je réitère ma demande au premier ministre et à ses collègues de se rétracter et de faire des excuses aux juges qui ont été blessés sérieusement par des propos disgracieux de ses collègues: A défaut d'obtenir safisfaction — je ne suis pas très encouragé par l'attitude de ceux qui sont devant moi — j'inviterai nos collègues à voter sur cette motion, et à voter positivement, à l'adopter comme étant le seul jugement qu'on puisse porter ici à l'Assemblée nationale sur l'attitude gouvernementale.

Le Président: Je demande maintenant qu'on procède à la mise aux voix et pour ce faire je demande qu'on appelle les députés!

Mise aux voix de la motion

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre de la Justice, M. le chef de l'Opposition.

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion privilégiée de M. le député de Saint-Laurent, pour que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement pour son attitude désinvolte et répréhensible envers le pouvoir judiciaire.

Je demande à ceux et à celles qui sont pour cette motion de bien vouloir se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank, Saint-Germain, Picotte, Ciaccia, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme Chaput-Rolland, MM. O'Gallagher, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Springate, Marx, Lalande, Brochu, Goulet, Fontaine, Cordeau, Samson.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Mmes Cuerrier, Payette, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Landry, Léonard, Couture, Vaugeois, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Beauséjour, Mercier, Ouellette, Perron, Jolivet, Brassard, Godin, Marquis, Lavigne, Boucher, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Témiscouata-Kamouraska).

Le Président: Que ceux et celles qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétare: Pour: 31 — Contre: 55 — Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion est rejetée. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, en rappelant qu'à 15 heures, c'est le débat sur la loi 105 qui débutera, je propose la suspension des travaux jusqu'à 15 heures.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée? Adopté.

L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 22

Reprise de la séance à 15 h 20

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous pouvez vous asseoir.

Présence d'un ministre de la Colombie-Britannique

Avant de céder la parole au leader adjoint du gouvernement, je voudrais souligner la présence dans nos galeries du ministre des Affaires intergouvernementales de la Colombie-Britannique, M. Gardom.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le ministre des Affaires municipales en aurait une petite vite à passer à l'article 10) du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 105 Deuxième lecture

Le Vice-Président: J'appelle donc la deuxième lecture du projet de loi no 105, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant la démocratie et la rémunération des élus dans les municipalités. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie:... avant d'entendre le ministre des Affaires municipales sur la deuxième lecture du projet de loi no 105, le ministre est sans doute au courant qu'un télégramme a été envoyé au ministre et au leader parlementaire de l'Opposition officielle ainsi — je l'imagine — qu'à l'Union Nationale de la part de l'Union des municipalités du Québec qui est en session d'étude de la nouvelle rédaction du projet de loi qui a été déposée mardi de cette semaine, demandant le report de la deuxième lecture à 24 heures, demain; au lieu d'amorcer, en somme, le débat de la deuxième lecture aujourd'hui, ce serait remis à demain. Quelle est la position du ministre à la suite de cette demande?

M. Bertrand: Question de règlement.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je comprends très bien le pourquoi de la demande du député de Laval. Il a sans doute reçu ce télégramme après les questions normalement posées au leader du gouvernement, au moment de l'article 34. A-t-il reçu le télégramme après cela?

M. Lavoie: Oui, M. le Président.

M. Bertrand: Dans les circonstances, M. le Président...

M. Lavoie: Le télégramme a été envoyé à l'heure du dîner. D'ailleurs, on m'a prévenu par téléphone, vers 12 h 30 ou 13 heures, je crois, que le télégramme était en route.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'aimerais simplement indiquer qu'indépendamment de la réponse du ministre des Affaires municipales, il n'est certainement pas dans l'intention du gouvernement de modifier son horaire cet après-midi, mais peut-être que le ministre, relativement à certaines des informations qui lui sont parvenues, pourrait indiquer dans quelle mesure il pense en tenir compte au moment où les travaux de la commission parlementaire pourront être tenus la semaine prochaine.

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, avant de commencer l'exposé des motifs, des principes de ce projet de loi, je voudrais, en réponse à la question du député de Laval, lui dire qu'on m'a également informé, vers 13 heures, qu'un télégramme serait envoyé dans le courant de l'après-midi, demandant le report de la deuxième lecture en attendant l'étude.

M. le Président, quand on sait qu'il s'agit d'un projet de loi — on le verra dans l'historique que je vais donner — qui chemine depuis deux ans, ce n'est pas 24 heures qui vont apporter une modification au niveau des principes. C'est bien, je pense, l'objet de la deuxième lecture que de se prononcer sur le principe d'un projet de loi.

Cependant, compte tenu que, d'après le calendrier des travaux de la Chambre nous devrions normalement procéder mardi, à l'étude article par

article de ce projet de loi, s'il s'avérait, entretemps, que l'Union des municipalités ait des représentations à faire sur certains articles, il me fera très certainement plaisir d'en tenir compte — ma porte leur sera ouverte toute la fin de semaine, samedi et dimanche inclus — et d'intégrer certains amendements qui pourraient modifier la forme, mais certainement pas le fond, M. le Président.

M. Lavoie: Avec votre permission, j'aurais une question additionnelle. J'ai la réponse du ministre en ce qui concerne l'étude cet après-midi; cela me satisfait pour le moment, même si cela ne semble pas satisfaire l'Union des municipalités.

La deuxième question que j'ai à poser au ministre est la suivante: Serait-il possible que, mardi, avant de commencer l'étude du projet de loi article par article à la commission parlementaire des affaires municipales, on entende, au début de la séance, pendant une heure, l'Union des municipalités et, possiblement, l'Union des conseils de comté, si ces deux organismes désirent être entendus, ou d'autres municipalités, par exemple une grande municipalité comme Montréal, Québec ou Laval? Serait-il possible d'entendre, mardi, avant de commencer l'étude article par article, ces organismes qui représentent les 1500 ou 1600 municipalités du Québec?

M. Cordeau: M. le Président, avant la réponse...

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Je trouve souhaitable la suggestion du député de Laval que nous entendions, mardi prochain, les intervenants concernant ce projet de loi. Etant donné qu'ici nous avons pour but de bonifier les projets de loi qui nous sont présentés, c'est peut-être l'occasion souhaitée pour l'Opposition de connaître les désirs de ceux qui veulent apporter des amendements au projet de loi que nous étudions présentement. J'appuie la proposition du député de Laval d'entendre les intervenants mardi prochain, pendant une heure, si c'est possible.

Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, disons que je n'ai pas reçu, de la part du monde municipal, une telle requête. Deuxièmement, si une telle demande était formulée, il me ferait très certainement plaisir d'en discuter avec mon collègue, le leader du gouvernement, afin de voir s'il est possible d'aménager cela à l'intérieur de nos travaux. Personnellement, j'ai eu de multiples rencontres avec l'exécutif des deux unions. Si les partis d'opposition n'ont pas eu ce genre de rencontres et qu'ils voudraient en avoir privément, libre à eux, mais je pense qu'au niveau des principes, tout a été dit. A tout événement, si je recevais une telle requête, je la transmettrais volontiers au leader.

M. Guy Tardif

M. le Président, ce projet de loi no 105 sur la démocratie municipale s'inscrit dans une série de mesures visant à apporter, dans le monde municipal, des réformes que les grandes réformes des années soixante et soixante-dix avaient plus ou moins laissées de côté. On se souviendra en effet que le monde de l'éducation a connu, je pense, des changements profonds au cours de la décennie soixante. Subséquemment, au cours de la décennie soixante-dix, ce fut le tour du domaine de la santé et des affaires sociales où le législateur est venu apporter une série de mesures qui ont mené, à toutes fins pratiques, à la prise en charge totale par l'Etat de ces deux domaines importants que sont l'éducation et la santé.

Pendant tout ce temps, le monde municipal est resté plus ou moins à l'écart de ce grand courant de réformes, si bien qu'en arrivant au ministère, en 1976, se posait la question, face aux nombreuses revendications des élus municipaux depuis 20 ans, depuis 30 ans, à savoir à quand les réformes dans le monde municipal. Remarquez que différentes commissions avaient été créées, la commission Castonguay sur l'urbanisme, la commission Hébert sur la refonte des lois municipales, c'était une commission de refonte, et non pas de réforme à qui on avait donné le mandat de voir si elle ne pouvait pas intégrer les diverses lois existantes. Mais de réforme, aucune à l'horizon.

Il s'est donc posé pour celui qui vous parle, en arrivant en 1976 au ministère, cette question d'opérer ces réformes et, deuxièmement, du sens à donner à ces réformes. Est-ce que l'Etat devait, dans le domaine des affaires municipales, procéder comme il avait fait dans le domaine de l'éducation et de la santé, c'est-à-dire une prise en charge totale? Nous avons, M. le Président, dans le domaine des affaires municipales, opté pour le point de vue contraire, c'est-à-dire non pas pour un contrôle de l'Etat de la vie municipale, mais bien pour un contrôle plus grand des citoyens de ce qui se passe dans leurs municipalités, un contrôle plus grand des citoyens du niveau des services qu'ils veulent bien se donner, ce qui implique donc une fiscalité plus autonome, moins dépendante des volontés gouvernementales et, troisièmement, une autonomie plus grande, un contrôle plus grand des citoyens de l'aménagement de leur espace urbain.

Cette conception, M. le Président, c'est celle que je livrais à la conférence Québec-municipalités que nous avions convoquée au printemps de 1978 et qu'il ne serait peut-être pas inutile de lire ici.

M. Marchand: Je m'excuse auprès du ministre, mais j'invoque le règlement. Je crois que nous n'avons pas quorum.

Le Vice-Président: Vous avez raison, il n'y a pas quorum. Qu'on appelle les députés.

M. le ministre des Affaires municipales, nous aurons maintenant quorum.

M. Tardif: M. le Président, sans vouloir être désobligeant à l'endroit du député de Laurier, je lui fais remarquer qu'il y a présentement, si je ne m'abuse, des commissions qui siègent pour l'étude des crédits, ce qui fait sans doute que de ses collègues de l'Opposition et des nôtres sont présentement dans une autre pièce à étudier les crédits.

M. le Président, je disais, à la conférence Québec-municipalités, ceci: Pour la première fois, le gouvernement présente à ses partenaires municipaux de même qu'à la population, non seulement un projet sectoriel touchant nos institutions municipales, mais, ce qui est plus important, il livre en même temps une conception, une vision de la chose municipale. Je continuais à l'époque: Cette vision tient en trois volets: Premièrement, elle porte sur les finances municipales, non pas sur un replâtrage ou des cataplasmes, mais sur une véritable réforme du système de taxation.

Deuxièmement, elle propose une réforme des mécanismes démocratiques à l'intérieur de la vie politique municipale. Dans notre esprit, je le disais à l'époque, ces deux perspectives sont inséparables. Elles constituent le côté pile et le côté face d'une même intention de revalorisation du pouvoir municipal. Plus d'argent, certes, de façon plus claire et plus simple, mais, en même temps, des possibilités accrues pour les citoyens d'exprimer leurs besoins et d'assumer leurs responsabilités à travers des institutions démocratiques rénovées.

Enfin, M. le Président, j'ajoutais: Elle fait, comme il se doit, une part à une troisième et dernière dimension, cette vision que je livrais à l'époque, soit le partage des compétences entre le gouvernement et les municipalités. C'est le dossier de la décentralisation, de l'aménagement et de l'urbanisme. Laquelle, cette troisième dimension, constitue, disais-je, si on pousse l'analogie avec la pièce de monnaie, l'espace compris entre les côtés pile et face.

Or, M. le Président, depuis cette date où je livrais cette conception du monde municipal, je pense pouvoir affirmer que nous avons livré le gros de la marchandise. En effet, la loi 57 est venue, sur le plan de la fiscalité, apporter une réforme souhaitée depuis 30 ans par le monde municipal. La loi 125, pilotée par mon collègue, le ministre d'Etat à l'aménagement, est venue, sur le plan de l'aménagement et de l'urbanisme, qui sont les seules compétences immédiates données à des municipalités régionales de comté, est venue — dis-je — à la fois prévoir comment allait se faire, si vous voulez, l'aménagement du territoire, mais ce qui est plus important encore, qui allait le faire et à l'intérieur de quel cadre géographique, c'est-à-dire celui des municipalités régionales de comté.

Et, M. le Président, la loi 44, par deux fois votée par cette Assemblée, est venue introduire certains jalons sur le plan de la démocratie municipale.

La loi 105, dont nous devons parler aujourd'hui, vient compléter la série de mesures visant à promouvoir la démocratie, c'est-à-dire ce contrôle des citoyens sur ce qui se passe dans leur municipalité. Cependant, il n'est peut-être pas inutile, et cela répondra peut-être aux questions du député de Laval et du député de Saint-Hyacinthe, de refaire brièvement l'historique de ce projet de loi qui, même s'il arrive — c'est le hasard du calendrier sessionnel qui le veut — en fin de session, est un projet connu du monde municipal depuis plus de deux ans. En effet, en juillet 1977, un comité interministériel ad hoc était formé de représentants du ministère des Affaires municipales et du ministre d'Etat à la Réforme électorale et parlementaire en vue d'examiner cette question de l'application des réformes électorales et parlementaires au niveau municipal.

En janvier 1978, un document de travail était remis aux deux ministres, celui qui vous parle et celui qui était responsable du ministère d'Etat à la Réforme électorale et parlementaire, et la décision était prise d'en soumettre le contenu aux élus municipaux. Dès le mois de février et mars 1978, les deux ministres ont fait le tour des conseils municipaux des municipalités de plus de 50 000 habitants en les réunissant soit ici à Québec, soit à Montréal, soit à l'intérieur même de leur municipalité. Nous avons discuté également avec les deux unions de ce que pourraient comporter certaines réformes sur le plan démocratique.

En avril 1978, il y a eu une décision du Conseil des ministres, à la suite de cette consultation, d'aller de l'avant avec un projet de loi concernant les grandes villes, soit le projet de loi no 44, à l'époque, et de soumettre l'ensemble des propositions à la conférence Québec-municipalités. Ces propositions ont effectivement été soumises à la conférence Québec-municipalités sous forme de deux plaquettes qui ont été distribuées à l'époque: La revalorisation du pouvoir municipal, premier volet, Mécanismes électoraux, et deuxième volet, Mécanismes de décision. Il s'agit donc, encore une fois — on retrouvera là l'essentiel des mesures contenues dans le projet de loi no 105 — de documents distribués au monde municipal il y a plus de deux ans.

Cinquièmement, il y a eu la réception d'un mémoire de l'Union des municipalités du Québec sur chacune de ces deux plaquettes, c'est-à-dire sur les mécanismes de prise de décision et sur les mécanismes électoraux. En juin 1979, la Chambre procédait à la sanction du projet de loi no 39 dont certaines dispositions touchaient la démocratie municipale, par exemple, l'obligation pour une municipalité d'accorder un congé de quatre heures pour les fins de vote au municipal, l'accès aux archives et au livre de compte, l'illustration des avis de règlement. Et déjà dois-je dire aussi que les projets de loi nos 54 et 55 avaient éliminé la pratique de la cooptation dans les cas de vacances au conseil, ce qui faisait que, dès lors qu'un poste devenait vacant, les membres du conseil pouvaient choisir quelqu'un à l'extérieur pour le nommer. Nous avions déjà, dans les lois nos 54 et 55, éliminé ces pratiques dans les cités et villes et les municipalités régies par le Code municipal.

Subséquemment, le 22 juin 1979 arrivait la sanction de la loi no 44, deuxième version, qui

s'appliquait cette fois aux municipalités de plus de 20 000 habitants qui allaient en élections en novembre 1979. Le 21 décembre 1979 survenait la sanction de la loi no 57 sur la fiscalité municipale dont un article donne au ministre le pouvoir de réglementer la forme et le contenu des comptes de taxes ainsi que de prescrire l'envoi de documents explicatifs du budget.

Il y a eu par la suite de nombreuses rencontres avec les unions municipales sur la démocratie, plus précisément sur l'espèce de préparation de projet de loi que nous avons le 13 février 1980 et le 1er avril 1980. Le 15 avril 1980, le projet de loi no 105 fut déposé en première lecture. Il avait essentiellement comme objectif de rendre permanentes les dispositions de la loi no 44, en plus, comme nous le verrons tantôt, de convenir de certaines dispositions nouvelles.

Le 18 avril 1980, l'Union des conseils de comté soumet par lettre des propositions sur la démocratie. Le 3 juin 1980, l'Union des municipalités soumet au gouvernement des notes sur la loi no 105 et dans la même semaine je reçois l'exécutif des deux unions et nous passons plusieurs heures à l'examen du projet. (15 h 40)

La conclusion à tirer de cet historique, c'est qu'il s'agit de mesures, comme je le mentionnais, qui n'arrivent pas à la dernière minute même si nous nous trouvons en fin de session. Deuxièmement, il s'agit de mesures qui ont été largement discutées par le monde municipal et l'Assemblée nationale ici même, étant donné que la loi no 105 reconduit la loi no 44 deux fois votée. Troisièmement, il s'agit d'un projet de loi qui concrétise un long processus éminemment démocratique commencé il y a plus de trois ans.

Evidemment, on peut trouver long ce processus, mais je pense, M. le Président, qu'il n'a pas été inutile. Il nous a servi à tous. D'abord, les élus locaux ont d'une part aidé le gouvernement à aménager les mesures envisagées de façon plus réaliste et, d'autre part, je pense que les élus locaux ont aussi compris les intentions du gouvernement et ont évolué au point d'endosser les principes qui sous-tendent le projet de loi 105.

Voilà, M. le Président, pour l'historique. Voyons le contenu. Que contient le projet de loi 105? Ce projet de loi, M. le Président, si on tente de résumer les quatre séries de mesures qu'il contient, traite d'abord de la reconduction et de l'amélioration de certaines dispositions de la loi 44; deuxièmement, de mesures visant à l'information des citoyens; troisièmement, de déontologie et, quatrièmement, de rémunération des élus.

Sur le plan des mesures électorales comme telles et de la reconduction de la loi 44 avec plus ou moins de modifications, que fait la loi no 105? M. le Président, la loi 105 fait ceci. D'abord, elle étend à toute municipalité de plus de 20 000 habitants la règle du système uninominal, c'est-à-dire du découpage de la municipalité en quartiers, chaque quartier élisant un conseiller. Deuxièmement, M. le Président, cette loi permet à ces municipalités de 20 000 âmes de dresser elles- mêmes leur carte électorale en tenant compte de trois critères: d'abord, un écart maximal de 15% en plus ou en moins entre les districts; ensuite, un souci d'homogénéité socioculturelle et socio-économique à l'intérieur d'un même district et, enfin, un nombre flexible de quartiers avec un plancher et un plafond définis par la loi avec évidemment une procédure de consultation des citoyens quant au découpage. Troisièmement, M. le Président, la loi 105 prévoit une procédure d'appel au directeur à la représentation en ce qui concerne le découpage de la carte.

Une autre mesure que contient la loi 105 en rapport avec les élections municipales, c'est celle de permettre — et ce, à leur demande même — aux municipalités de moins de 20 000 habitants qui voudraient se découper en quartiers de pouvoir le faire à leur demande. En plus, M. le Président, la loi prévoit l'instauration d'une relation mathématique qui n'est pas purement arithmétique entre la taille d'une municipalité et la taille d'un conseil.

On sait que la règle générale au Québec pour les petites municipalités, c'est celle d'avoir un maire et six conseillers, ce qui peut, dans une municipalité de 1000 ou 2000 habitants, aller de soi, sauf qu'on retrouve à l'heure actuelle des municipalités de plus de 100 000 habitants qui ont encore un maire et six conseillers. Or, cette loi 44 garde la règle d'un maire et six conseillers jusqu'à 20 000 de population — c'est inchangé — mais, au-delà de 20 000, il y a une table de relation qui est contenue dans la loi 44 et qui est d'ailleurs reconduite dans la loi 105.

Une autre mesure, M. le Président, que contient la loi 105 et qui était déjà dans la loi 44, c'est que la loi, dans les municipalités de plus de 20 000 habitants, reconnaît les partis politiques municipaux si et lorsqu'ils existent et n'en crée pas pour autant. Lorsqu'il y en a, la loi les reconnaît.

Autre mesure également très importante. On sait que la loi no 44 avait transposé, sur le plan local, les dispositions de la loi no 2 sur le financement des partis politiques. Quelles sont ces dispositions? Ce sont les dispositions qui font que, premièrement, seules peuvent contribuer aux caisses électorales des personnes physiques — donc, on élimine les compagnies — deuxièmement, les contributions sont plafonnées à un certain montant; troisièmement, les contributions de plus de $100 doivent être rendues publiques et, quatrièmement, on vient plafonner le montant maximal permis pour des fins de propagande électorale.

Enfin, cinquième mesure, M. le Président: on permet au candidat de se faire rembourser jusqu'à concurrence de 50% des dépenses permises, sur production de pièces, par la municipalité comme telle.

Voilà donc essentiellement la transposition au plan local des dispositions de la loi no 2 sur le financement des partis politiques qui sont incluses dans la loi no 105 et qui s'appliqueront dorénavant à toute municipalité de plus de 20 000 habitants.

En plus de cela, évidemment, toute la partie reliée au contrôle des dépenses électorales qui

implique la production de rapports publics, de rapports financiers, est également transposée.

Autre série de mesures visant à faciliter l'exercice de la démocratie et, jusqu'à un certain point même, l'occupation d'une charge publique. La loi no 105 vient ajouter — ce n'était pas dans la loi no 44 — un certain nombre de mesures. Par exemple, dorénavant, un employeur sera tenu de donner un congé sans solde à un candidat à une élection municipale ou à une personne qui, ayant brigué les suffrages, est élue. Ce congé pourra être total ou partiel et, nous comptons le préciser, il devra être pour les fins de l'exercice de la charge. Il va de soi que, dans une municipalité de 1000 habitants, qui ne requiert pas un maire et des conseillers à temps plein, une personne qui exigerait un congé à temps plein aux fins d'exercer sa charge, ce serait une interprétation abusive de ce qu'a voulu faire le législateur. Mais nous donnons, de cette façon, une chance aux personnes qui sont salariées de pouvoir occuper une charge municipale sans subir de pressions de la part de l'employeur ou encore se sentir mal à l'aise si elles désirent participer à la vie municipale.

Autre mesure contenue dans le projet de loi: c'est celle qui vise à interdire aux fonctionnaires municipaux de se livrer à des activités partisanes pendant une élection municipale. Il s'agit, en fait, encore là, d'une transposition que les lois québécoises prévoient déjà pour les fonctionnaires québécois et qui est transposée au plan local.

Troisième série de mesures nouvelles. C'est de rendre universelle la tenue d'élections partielles en cas de vacance au conseil. On sait que nous l'avions fait déjà pour — j'allais dire — 99,9% des municipalités. Il y en a deux qui, parce qu'elles étaient régies par une charte spéciale et non par la Loi des cités et villes ou le Code municipal, c'est-à-dire les villes de Montréal et de Québec, échappaient à cette règle; dorénavant, elles seront également assujetties à cette règle de l'élection si la vacance survient plus de douze mois avant la date prévue pour la tenue des prochaines élections générales. Si elle survient à moins de douze mois, le poste demeurera vacant pour le cas d'un conseiller. Dans le cas du maire, un des conseillers sera élu maire par ses pairs.

Voilà, M. le Président, quant aux dispositions de la loi no 105 qui généralise, tout en les complétant et en les assouplissant à plusieurs égards, les dispositions de la loi no 44. (15 h 50)

Voyons maintenant ce qui concerne l'information. La politique d'information est drôlement importante et je pense l'avoir située au tout début de mon exposé lorsque j'ai dit que le gouvernement avait décidé, dans le domaine des affaires municipales, de ne pas procéder comme il avait été fait dans les domaines de la santé et de l'éducation. Lorsque je dis cela, ce n'est pas pour m'inscrire en faux contre ce qui s'est fait dans ces domaines. Je pense que cela s'imposait de procéder comme on l'a fait dans les domaines de l'éducation et de la santé, à savoir que l'Etat, qui est financé à même les deniers de tous, prenne en charge ces services essentiels puisque, lorsqu'on a besoin de se faire soigner ou lorsqu'il est question d'éducation, il s'agit là de services qui ne doivent pas être fonction de la richesse individuelle ou même d'une municipalité.

Dans le domaine des affaires municipales, la même normalisation des services ne s'imposant pas, le contrôle de l'Etat n'est pas nécessaire, la prise en charge par l'Etat n'est pas nécessaire et même, je pense, serait dommageable. A la place, cependant, il est important d'instaurer un contrôle des citoyens locaux. Evidemment, on ne peut contrôler véritablement qu'un citoyen qui est bien informé. Pour ce faire, la loi 105 prévoit une série de mesures qui elles-mêmes s'inscrivent à la suite d'une série d'autres. Je pense à la loi 39, à la loi 57, à la loi 107, à la loi 125 qui, chacune, contenaient des mesures.

Je vais en énumérer quelques-unes seulement. Prenons la loi 39, par exemple, où, pour rendre plus facile l'accès des citoyens à l'information, le ministre des Affaires municipales s'est fait donner un pouvoir, que d'aucuns auraient peut-être pu juger exorbitant à l'époque, qui consistait à plafonner le tarif que certaines municipalités pouvaient exiger pour délivrer des documents. On m'a informé à l'époque que, dans certaines municipalités, il en coûtait $3 la page pour avoir une copie de règlement municipal. Mais ceci peut constituer une espèce de déni du droit à l'information. Le ministre des Affaires municipales a fixé une tarification, ce qui fait que c'est à peu près $0.25 la page, soit à peu près ce que ça coûte, normalement, lorsqu'on veut faire faire une photocopie au magasin du coin.

Une autre mesure, M. le Président: dorénavant, tous les documents du conseil et du trésorier seront accessibles au citoyen qui voudra les consulter. Egalement, la loi 39, mine de rien, a introduit une mesure qui exige que, dans les cas de changement de règlement de zonage, il y ait un croquis qui accompagne l'avis de règlement. Mme la Présidente, à moins d'être un initié, il est à peu près impossible à un citoyen de s'y retrouver lorsque tel règlement municipal amende l'article untel de tel autre règlement qui modifie le zonage du lot untel du cadastre untel de la paroisse unetelle, alors qu'un petit croquis qui donne les quatre rues limites permet au citoyen de dire: Quand même, c'est à côté de chez moi, cela m'intéresse de savoir ce qui se fait là. C'est une autre mesure qui est venue, dans la loi 39, faciliter l'accès à l'information.

Il y a eu d'autres mesures, aussi, qui ont permis aux municipalités d'instaurer une espèce de journal des Débats comme celui que nous avons ici, une espèce de feuilleton, de publication et, également, de faire ce que nous faisons ici à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire instituer un système d'abonnement aux publications municipales. Cela, c'était dans la loi 39.

Subséquemment, dans la loi 57, d'autres mesures sont venues s'ajouter: l'obligation d'avoir un contenu minimal au compte de taxes. Finie l'époque où on disait: Votre propriété vaut tant et vous

nous devez tant en taxes. Cela suppose un minimum de renseignements pour le citoyen, un contenu minimal sur lequel je veux m'entendre avec le monde municipal. Il y avait des municipalités qui avaient des formules très détaillées, très bien faites. Je compte, d'ailleurs, si ce n'était de blesser la modestie de certains, proposer certains modèles utilisés dans les municipalités puisque ce sont vraiment des choses bien faites. Il y a également d'autres mesures contenues dans la loi 57 quant à l'envoi d'un document explicatif du budget, contenant des données quant aux dépenses de l'année précédente et à celles de l'année en cours.

Il y a également la loi 125 qui contient une série de mesures visant à la consultation des citoyens à diverses étapes, lors du dépôt des propositions préliminaires du schéma d'aménagement, lors de l'adoption de la version définitive du schéma d'aménagement et, finalement, après l'adoption du schéma, non seulement séance de consultation tantôt facultative, tantôt obligatoire, mais également l'envoi à chaque citoyen, à chaque adresse civique dans la municipalité, d'un résumé des propositions de schéma. Egalement, la publication préalable d'un résumé de la version définitive et même procédure, à toutes fins utiles, transposée en ce qui concerne l'adoption d'un plan directeur d'urbanisme au niveau municipal.

Mme la Présidente, cette série de mesures contenue dans la loi 125, déjà très élaborée, devra néanmoins être corrigée et je tiens immédiatement à en informer les membres de cette Chambre, puisque l'intention du législateur, lorsque la loi 125 a été votée ici, sur l'aménagement et l'urbanisme, était justement de permettre la participation maximale des citoyens.

Il semble, à la lecture, que la question, à savoir si les locataires dans une municipalité avaient ou pouvaient voter sur une question reliée à l'adoption des schémas d'aménagement, cette question, dis-je, ayant été soulevée et des doutes subsistant quant aux droits des locataires de pouvoir se prononcer sur des questions découlant de la loi 125, il nous apparaît essentiel, dans le projet de loi no 105 qui vise, encore une fois, à promouvoir la démocratie, d'apporter ces clarifications qui permettront de nous assurer qu'effectivement les locataires ont droit de vote en matière d'aménagement et d'urbanisme.

Découlant aussi de ces modifications, un autre article sera requis en ce qui concerne les délais de confection et de révision des listes électorales devant servir à l'exercice du droit de vote lors d'une consultation prévue dans la loi 125.

Il y avait également, Mme la Présidente, très rapidement, une autre loi, que j'ai eu l'honneur de parrainer devant cette Chambre, qui prévoyait aussi des mesures de consultation, je pense à la loi 107 créant la Régie du logement et qui entrera en vigueur le 1er octobre. Le monde municipal avait dit: — ce n'était pas dans le projet de loi initial — l'on devrait, nous le monde municipal, nous qui avons le pouvoir d'émettre des permis de construction, des règlements de zonage et autres, avoir le pouvoir de contrôler les démolitions, les changements d'affectation et les subdivisions affectant un immeuble résidentiel. Nous avons accueilli ces représentations du monde municipal. Nous leur avons effectivement dit: Très bien, vous devez les contrôler, mais vous devrez le faire exactement comme la commission, dont la création avait été prévue, l'aurait fait elle-même, c'est-à-dire après consultation avec vos citoyens.

Là encore, donc, processus d'information du citoyen intéressé par ce qui se passe dans sa municipalité. Evidemment, Mme la Présidente, dans la loi 105, nous venons ajouter des éléments additionnels à ces mesures visant à mieux informer les citoyens. Quelles sont ces mesures? Elles sont les suivantes: La première, c'est l'instauration d'une période de questions orales par les personnes présentes aux réunions, soit par les personnes présentes dans la plupart des municipalités, soit au moyen d'un feuilleton écrit et ce pour les très grandes villes où la première formule serait plus difficilement applicable.

Egalement, autre mesure visant à tenir les citoyens informés, c'est lors du processus de la confection de la carte électorale, prévue dans la loi 105, où des audiences publiques devront être tenues, encore là à la demande des élus municipaux qui nous ont dit: Si des citoyens étaient insatisfaits du découpage de la carte électorale que nous aurions effectué avant qu'ils puissent en appeler au directeur à la représentation, vous devriez, dans votre projet de loi, exiger qu'ils en appellent d'abord auprès de la municipalité. Et s'ils ne sont pas satisfaits, alors, ils pourront aller chez le directeur. (16 heures)

Mme la Présidente, il me fait plaisir d'informer cette Chambre que nous allons intégrer ces représentations du monde municipal, ce qui permet en quelque sorte une représentation à un double palier au citoyen.

Egalement, autre mesure liée à la politique d'information dans le projet de loi no 105, c'est celle qui vise à permettre au citoyen d'être informé à deux moments importants de la vie municipale locale. Ces deux moments importants sont, premièrement, à la suite du dépôt des états financiers de la municipalité et, deuxièmement, à l'occasion du budget. L'Union des municipalités nous dit que nous devrions clarifier ces procédures. Le projet de loi — j'en informe immédiatement cette Chambre — prévoyait la tenue d'une séance d'information quatre semaines avant la date prévue pour le dépôt du budget.

Le monde municipal a fait valoir qu'il préférait que cette séance d'information se tienne après le dépôt du budget pour que la commission s'amorce sur un budget réel plutôt que sur une proposition. Je n'ai aucune espèce d'objection et nous allons donc arranger les textes en conséquence. Personnellement, si j'avais été un élu local, j'aurais préféré de beaucoup tenir une réunion un mois avant le budget, après avoir reçu les requêtes de tous mes directeurs de services; on sait que les directeurs de services demandent plus de budget,

c'est normal, le service des parcs, le service de la police, le service d'incendie. Moi, l'élu, pris à faire mon budget, j'aurais peut-être aimé, un mois avant la date prévue pour le dépôt de mon budget, recevoir les gens et leur dire: Voici, pour les parcs on me demande tant, pour la police on me demande tant, pour ci on me demande tant, qu'est-ce que vous en pensez? Où sont les priorités? Voilà que les élus préfèrent faire cette réunion après le dépôt du budget, ce qui ne nous empêcherait pas d'ailleurs d'en faire une quand même avant s'ils le voulaient. Mais la séance obligatoire prévue dans la loi, ils préfèrent l'avoir après le dépôt. Cela me paraît normal, cela me paraît défendable, raisonnable. J'avais un autre point de vue, mais cela n'exclut pas — cette séance obligatoire d'après le dépôt — une séance préalable qui permettrait quand même à un homme politique de flairer un peu où sont les priorités dans la population.

Finalement, dernière série de mesures reliées à l'information que contient le projet de loi, c'est celle qui prévoit la transmission au ministre des Affaires municipales de diverses statistiques sur les candidats, sur les élus, sur le taux de participation aux élections, bref toutes les données qui paraissent dans le rapport que fait le directeur général des élections pour les élections québécoises, mais qu'on n'a pas au plan local.

Il s'agit simplement pour le greffier de faire une espèce de rapport qui dit: II y a eu tant de candidats, il y a eu tant de personnes qui avaient droit de vote, il y a eu tant de personnes qui ont exercé leur droit de vote et chacune a eu tant de votes. On pourra avoir et mettre à la disposition du monde municipal, des membres de cette Chambre et du public en général ces statistiques.

Voilà pour la deuxième série de mesures contenues dans le projt de loi no 105 et qui sont venues sur le plan de l'information s'ajouter à ce que les lois 39, 57, 125 et 107 avaient déjà introduit et qui sont des mesures d'ordre général. Evidemment, il importait, non seulement de permettre aux citoyens d'être mieux informés par des mesures d'ordre aussi général, mais également d'avoir à l'intention des élus locaux, des gens qui exercent une charge publique élective ou nominative des exigences plus grandes encore. C'est évidemment la troisième série de mesures contenues dans la loi 105, c'est-à-dire les mesures reliées à l'éthique et à la déontologie.

En effet, comme ministre des Affaires municipales, il m'arrive régulièrement de recevoir des demandes d'enquête qui, à leur face même, peuvent paraître plus ou moins justifiées, évidemment, lorsque des faits sont relatés. La première chose que doit faire le ministre, c'est évidemment de s'assurer qu'il y a ce qu'on appelle communément apparence de droit.

Lorsque, de toute évidence, il y a apparence de droit, la décision doit être prise de faire une enquête publique ou une préenquête, suivie ou pas d'une enquête publique. Or, à la suite de nombreuses demandes d'enquête que j'ai eues, à la suite de l'étude des multiples rapports d'enquête que m'a remis la Commission municipale ou les services compétents du ministère, et surtout peut-être aussi à la lumière du tout récent rapport Malouf, il me paraissait important de prévoir dans la loi certaines mesures reliées à la déontologie.

Quelles sont ces mesures? Elles sont au nombre de trois. Premièrement, interdire aux hauts fonctionnaires du gouvernement d'occuper des charges municipales lorsque ces personnes ont à poser des gestes décisionnels envers les municipalités, et cela implique évidemment les municipalités du comté de Deux-Montagnes et du comté de Matane qui seraient, évidemment, des plus intéressés à ces mesures que leur transmettront leur député respectif.

Deuxièmement, cela vise tous les membres d'un conseil qui devront déposer publiquement au conseil la liste de leurs intérêts de façon à permettre aux citoyens d'une ville de juger eux-mêmes si des situations de conflits d'intérêts se développent. Nous avons tenté, avec l'aide de deux unions, de circonscrire le plus possible cette déclaration d'intérêts pour qu'elle ne devienne pas un étalement indue de la condition financière de chacun.

Troisièmement, des mesures sont prévues dans la loi qui font que le Procureur général du Québec pourra dorénavant intenter des poursuites en cas d'infractions à des lois municipales importantes. Ceci pourra surprendre beaucoup de gens, beaucoup de citoyens qui pensaient peut-être que le gouvernement avait déjà le pouvoir de faire respecter les lois municipales. Mais non, il fallait — et jusqu'à ce que la loi 105 soit adoptée, c'est la règle — que des citoyens de la municipalité aillent en cour à leurs frais pour faire condamner un membre du conseil municipal. Ceci demeurera; il n'est pas question d'enlever aux citoyens le droit de faire une requête en disqualification contre un membre du conseil, mais en plus, le Procureur général sera réputé une personne intéressée au sens de la loi lors d'un manquement grave à ces mêmes lois.

Ces mesures sont importantes, mais partielles. Le rapport Malouf recommande qu'un code complet de déontologie soit créé pour les élus municipaux; ceci fera donc l'objet de lois futures. Toutefois, je pense que la loi 105 bouche les trous les plus importants.

Enfin, la quatrième et dernière série de mesures contenues dans la loi 105 touche la rémunération des élus. Il s'agit là d'un autre point majeur de cette loi qui comporte deux choses. Premièrement, ces mesures impliquent un changement dans le système de fixation du salaire des élus et, deuxièmement, amène un relèvement du plancher du salaire minimum des maires et des conseillers. En effet, jusqu'à maintenant, le salaire de base d'un élu local était déterminé par une loi de l'Assemblée nationale et toute modification, tout ajout à ce salaire de base que pouvait vouloir se voter le conseil était soumis à la procédure du référendum.

Or, avec tout le respect que j'ai pour les procédures référendaires, il me paraît que celle reliée au salaire d'un élu n'est peut-être pas le

sujet de prédilection qui devrait être soumis à la consultation populaire. Pour employer l'image qu'utilisait un maire à un moment donné, ayant vécu cette expérience, il avait l'impression d'être comme un esclave sur le marché des esclaves qu'on évaluait selon ce qu'il valait, selon ce qu'il pesait, selon la force de ses muscles, selon l'influence qu'il avait. Et disait-il, il avait l'impression d'être jaugé, mesuré, évalué sur la place publique. Nous avons fait disparaître cette procédure. (16 h 10)

Mme la Présidente, nous avons fait disparaître cette procédure, à partir du principe que les élus locaux qui peuvent gérer des millions, parfois des centaines de millions, qui peuvent déterminer eux-mêmes le salaire de leurs directeurs de services, devaient avoir à l'égard de leurs propres émoluments une marge de manoeuvre, si bien qu'au-delà du plancher prévu dans la loi, les élus pourront dorénavant ajouter un supplément qu'ils devront eux-mêmes plaider à la salle du conseil, localement, justifier, et on pourrait concevoir très bien que dans une municipalité où, par exemple, le maire se consacre à plein temps à sa tâche, il puisse ajuster son salaire en conséquence alors que, dans une municipalité de même taille, un autre maire décidant de n'occuper sa charge qu'à temps partiel ne requerrait pas les mêmes émoluments.

La loi, je l'ai dit, modifie le système et, deuxièmement, vient rehausser le plancher qui était ridiculement bas et qui faisait qu'un maire d'une petite municipalité de 500 à 1000 habitants, et je voudrais préciser, à l'intention des membres de cette Chambre et du public en général, que nous avons au Québec à peu près 1600 municipalités; sur ces 1600, près de 800, c'est-à-dire 50%, ont moins de 1000 de population; donc ces 800 maires de moins de 1000 de population, dis-je, avaient comme traitement, pour exercer la charge de maire dans leur municipalité — et parfois, cette charge de maire se doublait de celle de chef de voirie, chef de pompier, de chef de ci et de chef de ça — ces maires recevaient le tiers du salaire d'un commissaire d'école, c'est-à-dire à peu près moins de $500 par année. Il nous a semblé que nous devions fixer un plancher et nous l'avons fixé à $1500 pour l'ensemble des maires, c'est-à-dire l'équivalent des émoluments d'un commissaire d'école actuellement, en plus de prévoir un per capita variable selon la taille et dont l'échelle apparaît dans le projet de loi.

Ces mesures, qui font qu'un maire aura les émoluments de base qui sont prévus dans la loi, qu'un conseiller municipal se verra octroyer des émoluments équivalents au tiers de ceux du maire, vont dans le même sens et font en sorte qu'un minimum de rémunération soit présent, et reconnaissent en quelque sorte les services rendus à la collectivité par les élus.

Autre mesure importante et qui n'était pas le cas auparavant, c'est que, dorénavant, les salaires des élus locaux, ainsi que les suppléments qu'ils auraient pu se donner, seront indexés annuelle- ment par la loi qui nous régit ici, à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire selon l'indice des salaires moyens, des salaires industriels au Canada, le tout plafonné à 6%. Ce sont les mêmes règles qui s'appliquent; nous avons transposé intégralement l'article de la Législature.

Autre mesure également importante, nous avons fait en sorte qu'il y ait un plafond prévu dans la loi et qui avait été, à l'origine, prévu pour tous les types de fonction mais que, finalement, nous avons préféré, pour ce qui est d'un certain nombre de fonctions supramunicipales, en revenir à la pratique actuelle. Quand je parle de fonctions supramunicipales, je pense à quelqu'un qui, en plus de sa fonction de maire, dans sa municipalité, ou de membre de son conseil municipal, siège au conseil de la Communauté urbaine de Montréal, siège au comité exécutif de la communauté urbaine, siège à la commission de transports, bref à différents organismes supramunicipaux semblables. Nous avons dans ces cas permis certains ajustements qui, comme c'est le cas présentement, seront déterminés par décret.

Il y a cependant une exception pour ce qui est du plafond pour une charge d'élu local qui, lui, est contenu dans la loi avec la formule d'indexation. Enfin, pour ce qui est de l'ordre de grandeur du réajustement, au-delà du plancher, il est de l'ordre de 2% tout simplement parce que la dernière augmentation des élus locaux remonte à 1977. Cela fait trois ans qu'il n'y a pas eu de réajustement des salaires. Il nous a semblé qu'un réajustement de l'ordre de 8% par année pour les trois ans où il n'y en avait pas eu et applicable à compter du 1er janvier 1980 — ce qui est indexé, on ne paie pas rétroactivement 25%, mais bien à compter du 1er janvier 1980; ce qui est indexé, c'est le barème applicable — nous paraissait une façon équitable de tenir compte des augmentations qui se sont produites dans le coût de la vie tout simplement.

Bref, Mme la Présidente, sur le plan de la rémunération, nous avons tenté d'élaborer un système clair, cohérent, ayant certains rapports avec ce que nous vivons ici à l'Assemblée nationale. Par exemple, il y a une autre mesure. Il y avait une règle qui voulait que les salaires des élus soient exempts d'impôt dans une proportion d'un tiers. Il pouvait aller de soi, lorsque les salaires étaient relativement bas et qu'on gagnait $3000 ou $9000 par année, qu'il y ait une exemption d'impôt d'un tiers parce qu'on encourait des dépenses dans l'exercice de sa charge; cela pouvait sembler raisonnable. Cependant, lorsque le salaire est rendu, dans le cas des plus grandes villes, à $50 000 ou $60 000 par année, un tiers d'exemption d'impôt, ce sont là des privilèges que les membres de cette Chambre n'ont pas. Mme la Présidente, le projet de loi no 105 fait en sorte que tout en conservant les droits acquis, c'est-à-dire qu'une personne, un élu dont les émoluments exempts d'impôt excéderaient le montant de $7500 qui est celui dont bénéficient les membres de cette Chambre, continuera de jouir de ces exemptions... Cependant, à l'avenir, il y aura un plafond à la partie non imposable, lequel plafond

sera identique à celui des membres de l'Assemblée nationale.

Ceci termine, Mme la Présidente, avec ces commentaires sur un groupe de citoyens qui s'occupent des affaires municipales qui étaient, je pense, comparativement souspayés pour les services qu'ils rendaient à la population, cette vue d'ensemble quant au contenu de la loi no105 dont j'avais d'abord tenté de faire l'historique, lequel contenu, comme on l'a vu, généralise en les améliorant et en les assouplissant les dispositions de la loi no 44 sur le contrôle des dépenses électorales locales et sur le découpage des cartes municipales, deuxièmement, sur une politique d'information, troisièmement, sur des mesures visant à promouvoir une certaine — n'ayons pas peur du mot — moralité dans les affaires publiques et, quatrièmement, des mesures touchant la rémunération.

De plus, Mme la Présidente, ce projet de loi complète, pour l'essentiel, le triptyque dont j'avais esquissé les grandes lignes à la conférence du Québec et des municipalités et que j'évoquais dans la citation du début, à savoir l'action que je comptais entreprendre à l'époque sur le plan de la fiscalité, de l'aménagement et de l'urbanisme et sur le plan de la démocratie.

Certes, Mme la Présidente, en terminant, l'ouvrage n'est pas parfait parce qu'énorme et réalisé — et je pense que le monde municipal ne me contredira pas sur ce plan — en un temps record. Il faudra polir tout cela dans l'avenir, faire des ajustements, regarder l'application des lois en question pour en corriger les déficiences, mais je pense que l'essentiel est fait. L'avenir immédiat consistera donc à informer, à compléter, à ajuster, à raffiner et à préciser ce train de réformes.

Quant à l'avenir à moyen terme, Mme la Présidente, il devra ouvrir de nouveaux dossiers dont je voudrais risquer une énumération: premièrement, ce code complet de déontologie pour les élus et les fonctionnaires municipaux, comme le suggère le rapport Malouf ; deuxièmement, la mise au point d'un nouveau processus de décision lorsqu'une municipalité se lance dans des travaux d'une ampleur exceptionnelle — ceci encore est contenu dans le rapport Malouf — troisièmement, la révision complète de toutes les lois municipales régissant le processus électoral, la période électorale, le personnel électoral, le fonctionnement des bureaux de scrutin et, évidemment, le problème maintes fois soulevé par les élus locaux de la confection d'une liste électorale permanente qui les dégage de la confection de ces listes partielles. (16 h 20)

Autre mesure également, Mme la Présidente. Il faudra aussi concevoir et légiférer sur l'usage des commissions du conseil municipal, surtout dans les grandes villes, quant à leur composition et à leurs pouvoirs. Cinquièmement, il faudra voir dans quelle mesure, au-delà de la période des questions qui a été introduite, nous pouvons introduire un processus de consultation des citoyens dans les très grandes villes, et je pense en particulier à Montréal.

Nous avons donc du pain sur la planche, mais je suis personnellement heureux de regarder en arrière pour constater que les lois municipales se sont plus améliorées depuis les trois dernières années que durant les 20 ans auparavant. A l'instar de ce qui s'est produit dans le monde de la santé et de l'éducation, le monde municipal a connu, lui aussi, une mutation, bien qu'inachevée et ce monde municipal s'est néanmoins suffisamment métamorphosé pour qu'il ne soit plus jamais tout à fait le même et qu'il soit impossible de retourner en arrière. Merci, Mme la Présidente.

Des Voix: BravoI

La Vice-Présidente: M. le député de Laval. M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: Mme la Présidente, avant de commencer mon intervention, le ministre me permettrait-il une question? Durant son intervention, il nous a donné un avis, il nous a informés de deux amendements, l'un sur la carte électorale, les districts électoraux dans les municipalités de 20 000 âmes ou plus, et même de moins de 20 000 âmes, et l'autre concernant l'information aux citoyens lors d'une séance spéciale pour leur permettre d'étudier le budget. Je demande au ministre s'il y a d'autres amendements et s'il y aurait possibilité d'avoir ces amendements aujourd'hui peut-être, s'ils sont prêts. Avec l'expérience que j'ai eue dans le passé, je trouve que le ministre est très prolifique souvent dans ses amendements. Je me rappelle la loi no 57 que nous avons étudiée presque jour et nuit au mois de décembre; sur un projet de loi de 500 articles, il y en a eu au-delà de 200 d'amendés. Cela veut dire qu'il y avait des volées de papillons. Je voudrais savoir, avec l'expérience que nous avons eue, s'il y a beaucoup d'amendements au projet de loi, en plus des deux qu'il vient d'annoncer. Ce serait utile de les avoir et cela aurait été même utile de les avoir aujourd'hui.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Mme la Présidente, c'est la première fois, je pense, que je vois un député de l'Opposition tenir grief à un ministre de s'amender aussi facilement. J'espère qu'il n'y en aura pas beaucoup. Mais c'est précisément le député de Laval qui nous disait tantôt: Vous devriez entendre le monde municipal peut-être une heure lundi, peut-être qu'il a des choses à dire et qu'on pourrait changer ou modifier le projet de loi. J'ai dit que je vais apporter un certain nombre d'amendements, certains d'entre eux pour tenir compte de représentations qui nous sont entrées de façon assez récente.

Maintenant, je voudrais dire un mot, sans méchanceté, au député de Laval. C'est vrai que parfois il y a beaucoup d'amendements, mais il devra admettre avec moi que, parfois, il y a des amendements que j'appelle à répétition, des

amendements carbones. Par exemple, il nous fallait, à l'égard d'un certain point du budget, amender huit lois: la Loi des cités et villes, le Code municipal, la Charte de Montréal, la Charte de Québec, la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, la Loi de la Communauté urbaine de Québec, la Loi de la CRO et j'en passe. Donc, dès qu'on voulait modifier un article, II nous fallait amender huit lois et donc avoir huit papillons, parce que c'étaient huit articles différents.

Je vais rassurer le député de Laval. Dans ce cas-là, ce n'est pas huit lois qu'on a à modifier d'un coup, c'est quatre seulement: la Loi des cités et villes, le Code municipal, la Charte de Montréal et la Charte de Québec. Même là, j'espère minimiser cela au maximum et faire en sorte que les amendements, s'ils étaient disponibles tantôt, lui seront remis le plus tôt possible.

La Vice-Présidente: M. le député de Laval.

M. Lavoie: Voyez-vous, vous nous avez annoncé — je commence mon intervention, Mme la Présidente, mais je vais ouvrir une parenthèse au début — des amendements de la sorte. Je n'en tiens pas rigueur au ministre, mais cela pourrait faciliter l'étude des projets de loi et cela pourrait même limiter ou raccourcir nos interventions.

Entre autres, j'avais l'intention d'intervenir sur un des points sur lesquels le ministre nous annonce un amendement futur, entre autres le diktat que se réservait la Commission de la représentation. Si un citoyen n'était pas satisfait du découpage des districts électoraux, tel que la loi est rédigée, il n'avait pas de recours à la municipalité, il devait aller directement au directeur de la représentation qui imposait le district électoral au-dessus de la tête de la municipalité. Je voulais en parler dans mon intervention, mais je n'en parlerai plus, du fait que le ministre entend bonifier ce projet de loi sur ce sujet.

C'est la raison pour laquelle je demande au ministre s'il a l'intention de nous soumettre des amendements dès aujourd'hui; cela nous permettrait de les étudier d'ici mardi, lorsque la commission parlementaire sera appelée à étudier le projet de loi article par article

Mme la Présidente, il s'agit d'un projet de loi, le projet de loi no 105 — tout dépend de l'interprétation que chaque député peut en faire — où je ne vois pas beaucoup de principes. Il s'agit d'un projet de loi plutôt technique qui touche, comme le ministre le mentionnait, certains points, une dizaine de points, soit la division des municipalités en districts électoraux, soumettre les partis politiques municipaux et les candidats aux différentes élections municipales à la divulgation des dépenses et des souscriptions, soit la Loi du financement des partis politiques à laquelle sont soumis les partis politiques provinciaux.

Une autre disposition de la loi touche la rémunération des élus municipaux, le sujet d'accès aux fonctions municipales, l'information des citoyens; ce sont plusieurs détails, plusieurs modalités qu'on modifie dans l'administration de la chose municipale. Le seul principe qu'on pourrait y voir, c'est le grand principe de la démocratie. J'y reviendrai tout à l'heure, parce que je pense que le ministre se gargarise un peu trop facilement dans ses grands projets d'autonomie, de décentralisation administrative; je ferai certains commentaires tout à l'heure.

Le ministre s'était fixé, je crois, il y a quatre ans, lors de la prise du pouvoir par le Parti québécois, certains objectifs, je dirais peut-être deux objectifs majeurs, importants: soit le soulagement du fardeau fiscal des contribuables au niveau municipal; deuxièmement, une autonomie accrue aux administrations municipales, et peut-être un troisième objectif qui ne relève pas directement du ministre des Affaires municipales, l'aménagement du territoire qui relève de plusieurs chapeaux et qui peut relever en partie du ministre des Affaires municipales. Il ne faut pas oublier qu'il y a aussi un superministre d'Etat à l'aménagement, le député de Laurentides-Labelle; troisièmement, il y a un autre ministre qui s'est occupé de cela et qui a également beaucoup d'autorité sur cela, à cause de la loi sur le zonage agricole, c'est le ministre de l'Agriculture. On reviendra là-dessus tout à l'heure.

C'est normal, je pense, et le monde tournait avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. J'ai connu plusieurs ministres des Affaires municipales depuis dix ou quinze ans et chacun a apporté, soit sous les gouvernements libéraux ou celui de l'Union Nationale, une contribution à l'amélioration de notre système d'administration au niveau local. Je reconnais également que le ministre actuel, qui termine bientôt son mandat, étant donné que ce gouvernement doit, en vertu de nos traditions, faire face à une décision populaire — cela fera quatre ans dans quelques mois — présente, comme il l'a mentionné, une des dernières pièces législatives des objectifs qu'il s'était tracés. (16 h 30)

II est fort possible, Mme la Présidente, d'ailleurs, que nous soyons aujourd'hui à une dernière journée, que ce soit une des dernières occasions que les députés actuels ont de discuter, parce qu'il est fort possible qu'une fois que la session sera prorogée, on dit mercredi prochain, comme c'est arrivé dans des circonstances semblables en 1976. on ne se revoie plus avant des élections générales qui sont fort possibles et prévisibles même cet automne. C'est peut-être la dernière fois que je peux saluer le député de Chauveau ou le député de Beauce-Nord ou le député de Deux-Montagnes. Il y aura en cours de route, de quelque côté que ce soit de la Chambre, des victimes. Je vois mon voisin, le député de Deux-Montagnes qui m'envoie des "bye-bye" avec son mouchoir. Je ne voudrais pas être méchant, je ne voudrais pas lui rappeler le résultat du référendum dans sa propre circonscription au mois de mai, le 20 mai dernier; ce n'est pas de très bon augure pour le député de Deux-Montagnes. J'ai connu beaucoup de gens qui m'ont envoyé, comme lui, des gestes de mouchoir, mais je pourrais dire au député de Deux-

Montagnes que, depuis que je suis dans la vie politique, j'ai connu au moins quatre ou cinq députés de Deux-Montagnes, entre autres, M. L'Allier qui était le prédécesseur de M. de Bellefeuille.

La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît.

M. Lavoie: Je dis donc qu'à la fin de ce mandat du député de Crémazie en tant que ministre des Affaires municipales — on ne connaît pas l'avenir — je voudrais peut-être brièvement parler des grands objectifs qu'il s'était tracés. Soulagement du fardeau fiscal des contribuables au niveau local; il n'a rien inventé. Tous les ministres que j'ai connus aux Affaires municipales depuis plusieurs années sont venus ici remplis de bonne volonté pour tenter — et, d'ailleurs, tous les gouvernements à quelque niveau que ce soit l'ont tenté — de réduire le fardeau fiscal des contribuables. On ne peut pas dire que tous ces gouvernements, à commencer par le gouvernement du Parti québécois, ont réussi à soulager le fardeau fiscal, tant au niveau provincial qu'au niveau local.

Brièvement, car je préviens le ministre que je n'ouvrirai pas un débat de fond sur une pièce législative qui était très pesante, très lourde, près de 600 articles, la loi 57 que nous avons étudiée, je dis même à la vapeur, jour et nuit, au mois de décembre, pendant des heures et des heures. Je ne porterai pas de jugement sur les effets de la réforme de la fiscalité municipale. Par contre, je conserve toujours mes réserves, mes interrogations, les mêmes réserves et les mêmes interrogations que nous avions au mois de décembre lorsque l'Opposition officielle a voté contre la réforme de la fiscalité municipale à cause de la multitude de réserves que nous avions à ce moment et que nous avons encore.

Je crois qu'on ne pourra pas porter un jugement final sur cette réforme de la fiscalité municipale avant le printemps prochain au moins pour laisser aux municipalités du Québec cette période de rodage et d'application, d'ajustement. Je dis un an et c'est un strict minimum parce que, comme le dit mon collègue le député-maire de Verdun, il faudra attendre au moins deux budgets municipaux complets avant de connaître toutes les conséquences de cette réforme de la fiscalité municipale. Rapidement, on se rappelle les simulations qui avaient été faites autant par le gouvernement, le ministre des Finances, le ministre des Affaires municipales que par le comité conjoint Québec-municipalités sur les transferts de fonds, sur le transfert de l'impôt foncier aux municipalités, sur le transfert des 25%, la quote-part des municipalités dans la taxe de vente, ce transfert des sommes importantes d'environ $1 000 000 000, ce brassage de fonds annuel, fonds qui changeaient de direction, entre autres la taxe de vente, qui est réservée maintenant en totalité au gouvernement, au ministre des Finances, alors qu'auparavant, les municipalités pouvaient s'en partager 25%.

Sur l'abolition des subventions que le ministère des Affaires municipales versait aux municipalités, les subventions per capita, il faudra attendre les conséquences et les montants des paiements des "en-lieu" de taxes que le gouvernement paie maintenant aux municipalités dans le domaine de taxes municipales sur les édifices gouvernementaux, et les proportions également des "en-lieu" de taxes sur les réseaux de l'éducation et des affaires sociales. Il faudra attendre.

Mais encore là — moi je diminue les effets — le battage de publicité du ministre, lorsqu'il a présenté le projet de loi no 57, selon lequel on épargnait les municipalités, on soulageait les contribuables du fardeau d'impôts fonciers, on sait, nous l'avons connu depuis quelques mois, que les municipalités ont déposé leur budget pour cette année à la suite de la réforme. Il semble — je n'ai pas le détail des 1600 municipalités du Québec — que plusieurs municipalités du Québec, après avoir occupé le champ d'impôt scolaire, soit en totalité ou en partie, un certain nombre de municipalités ont pu boucler leur budget cette année sans augmentation de taxe. D'autres, en occupant tout le champ d'impôt scolaire, n'ont pas pu boucler et ont été obligées d'augmenter même leur taxe foncière. D'autres municipalités ont accordé aux contribuables des rabais de 5%, 10%. Je prends la parole du ministre qui, en commission parlementaire, lors de l'étude de ses crédits, l'autre jour, nous disait qu'il y avait eu une réduction d'environ 10% si je me rappelle bien, du fardeau de l'impôt foncier au niveau municipal.

Ce n'est pas la fin du monde, surtout si l'on sait que cette année le ministre de Revenu et le ministre des Finances ont gratté les tiroirs pour le dernier paiement qui revenait aux municipalités de leur quote-part de la taxe de vente pour l'année 1979. On a fermé les livres, j'imagine, au début de cette année, et on a fait un état de tout ce qui revenait aux municipalités comme résidu, comme paiement final qui leur revenait sur la taxe de vente perçue en 1979. Mais c'est un dernier paiement que reçoivent, certaines municipalités, comme Québec, Montréal et Laval, autant en taxe de vente que sur les repas. Cela a permis — je connais bien la municipalité de Laval, c'est un montant assez substantiel, $1 500 000, Québec cela doit être très important, Verdun et d'autres municipalités — aux municipalités, cette année, de boucler, tant bien que mal, leur budget pour 1980. Mais elles n'auront plus ce paiement l'année prochaine. Si, effectivement, il y a eu une baisse de 10% cette année, j'aimerais savoir quelle aurait été la baisse effective s'il n'y avait pas eu ce grattage de tiroirs et ce dernier paiement des dernières sommes qui leur revenaient sur la taxe de vente ou la taxe des repas.

De toute façon, une autre réserve que nous avions, on sait que rien ne se crée de rien. Lorsque le ministre des Affaires municipales dit: Le gouvernement provincial apporte une contribution de $300 000 000 ou de $400 000 000 aux municipalités, mais oui, mais quand même, on connaît les

contraintes du ministre des Finances. Il ne peut pas en imprimer de l'argent. (16 h 40)

On connaît sa marge de manoeuvre. Il nous l'a dit en commission parlementaire lorsqu'on a étudié la loi 57; il nous a dit que la marge de manoeuvre du ministre des Finances, lorsqu'il fait son budget au début de l'année, sur un budget de $17 000 000 000, est à peu près de $200 000 000 à $300 000 000. C'est uniquement la marge de manoeuvre qu'il a à cause des obligations: le service de la dette, les traitements, les indexations de salaire, etc.

M. Bérubé: Votre salaire!

M. Lavoie: On va en parler, tout à l'heure, du salaire des ministres, M. le député de Matane et ministre de l'Energie et des Ressources. On va en parler, j'ai justement un petit passage là-dessus. Si je me rappelle bien, le ministre des Finances m'avait dit que la marge de manoeuvre était de 3% sur $15 000 000 000. Je ne peux pas m'entrer dans la tête comment le ministre des Finances peut dire qu'il nous donne $400 000 000 aux municipalités lorsque ça couvre toute sa marge de manoeuvre à peu près à 100%. On connaît les contraintes auxquelles doit faire face le ministre des Finances. Le dernier déficit est de $2 300 000 000. La population ne réalise pas que c'est ce bon gouvernement avec un déficit de $2 300 000 000. C'est $2 300 000 000 de déficit! Est-ce qu'on peut y penser deux minutes au taux d'intérêt courant actuel?

Je ne prendrai pas les 14% du dernier emprunt, du genre Household Finance, que le ministre des Finances a souscrit sous la forme d'obligations d'épargne, mais prenons une moyenne d'à peu près 12% ou 13%. Savez-vous qu'un déficit de $2 300 000 000 représente en intérêts $300 000 000 par année, soit $1 000 000 par jour ouvrable, disons 300 jours par année? Le déficit courant. On a beau parler du déficit olympique de $1 000 000 000 — vous savez, le rapport Malouf, etc. — il y a quand même un stade, il reste quelque chose qui fait la fierté des Québécois et des Montréalais; il y a quand même quelque chose! Mais $2 300 000 000...

Des Voix: ...

M. Lavoie: Je sais que ça fait mal au bon gouvernement, mais je ne voudrais pas...

M. Caron: M. le Président...

M. Lavoie: ... qu'on m'interrompe.

M. Caron: ... je m'excuse auprès de mon collègue, mais si de notre côté nous ne demandons pas le quorum — et on ne le demandera pas — j'espère au moins que vous allez laisser mon collègue le député de Laval faire son exposé sans être dérangé, s'il vous plaît.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lavoie: Je reviens aux objectifs du ministère des Affaires municipales et je dis que c'est de la poudre aux yeux, ce soulagement de l'impôt local lorsqu'on connaît les contraintes du ministre des Finances. Je parlais justement de ces contraintes, du déficit de $2 300 000 000 du budget actuel. On sait qu'il n'y a pas une prolifération des travaux au Québec, de travaux de grandes routes, de CEGEP ou d'hôpitaux; il n'y a pratiquement rien de cela. Mais il y a $2 300 000 000 qui représentent uniquement en intérêts $1 000 000 par jour. C'est pour cela qu'il ne faut pas se faire leurrer lorsqu'on dit vouloir soulager le contribuable local.

Dans la réforme de la fiscalité, l'Union des municipalités et les maires se sont fait endormir. Je le dis ici, ils se sont fait endormir dans cette réforme de la fiscalité municipale par le ministre des Finances et par le ministre des Affaires municipales lorsqu'ils ont échangé une taxe progressive qu'ils avaient auparavant comme la taxe de vente qui augmente normalement avec le produit national ou la richesse ou l'inflation; c'est une taxe progressive que le gouvernement a prise alors que 25% allaient aux municipalités auparavant. Les municipalités ont perdu cette source de revenus et je dis que la réforme municipale, à la longue, va profiter beaucoup plus au ministre des Finances qu'aux municipalités du Québec parce qu'on a laissé aux municipalités des taxes statiques, des taxes qui ne bougent plus, des taxes foncières.

Par expérience personnelle, dans une ville que je connais bien, dans les dix dernières années, la taxe de vente augmentait graduellement de 15% par année alors que ce n'est pas le cas de l'évaluation foncière d'une ville, qui ne bouge pratiquement pas ou qui augmente à peine de 2% ou 3% par année.

M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander à ces députés d'intervenir en deuxième lecture? Je vais tous vous donner l'occasion voulue d'intervenir. Vous direz ce que vous avez à dire au lieu de marmotter de votre siège, comme vous le faites actuellement, M. le député de Laprairie. Vous aurez tous l'occasion...

M. Michaud: Est-ce que le député, M. le Président...

M. Lavoie: ... le droit d'intervenir vingt minutes en deuxième lecture de ce projet de loi.

M. Michaud: M. le Président, est-ce que le député me permettrait une question?

M. Lavoie: M. le Président, je n'aime pas me faire déranger pendant mon intervention.

Le Vice-Président: Autrement dit, votre réponse c'est non?

M. Lavoie: C'est non et plus j'y pense, plus c'est non, M. le Président. Au lieu de me poser une question, il prendra son droit de parole de vingt minutes après moi ou après le député de Saint-Hyacinthe.

Je vous dis donc toutes les réserves que j'ai sur la réforme de la fiscalité municipale. Deuxième volet sur l'autonomie municipale: la décentralisation. On se gargarise facilement, depuis deux ou trois ans, d'accorder une décentralisation administrative maximale et de respecter l'autonomie des entités locales et autres.

Il y a des paradoxes dans cela et j'aimerais d'ailleurs que le ministre puisse me répondre, lors de sa réplique.

J'aborde brièvement la question de l'aménagement du territoire, un des objectifs du gouvernement en vertu de la loi 125. D'ailleurs, à la suite d'une discussion qu'on a eue en commission parlementaire, lorsqu'on veut créer des municipalités de comté qui auront comme seul pouvoir l'aménagement du territoire, avec les difficultés que nous avons dans le paysage avec l'imposition du zonage agricole, il va falloir qu'on détermine un bon matin qui sera l'autorité suprême. Si c'est toujours la commission du zonage agricole qui peut imposer ces zones vertes un peu partout au Québec, qu'est-ce que viennent faire les municipalités de comté qui ont comme mandat de préparer l'aménagement du territoire si c'est toujours soumis à l'autorité de la Commission de protection du territoire agricole?

Autrement, mettez votre loi 125 de côté. Il sera impossible de faire de l'aménagement de territoire si la loi de la protection des terres agricoles est aussi draconienne et continue de trancher en voulant préserver sous cette couleur verte une grande superficie du territoire du Québec. Il va falloir qu'il y ait un arbitre à un certain moment; autrement, la loi 125 n'aura plus aucune application.

On parle d'autonomie municipale lorsqu'on a — c'est mon dernier propos sur cette question — devant la Chambre actuellement un projet de loi pour créer la Société québécoise d'assainissement des eaux, qui vient d'un autre ministre, le ministre de l'Environnement. J'aimerais bien que, brièvement, possiblement, le ministre des Affaires municipales nous donne son point de vue. Comment veut-on respecter l'autonomie des municipalités lorsqu'on crée une Société québécoise d'assainissement des eaux qui aura comme pouvoir de concevoir, de construire, d'améliorer, d'agrandir et de mettre en marche des ouvrages d'assainissement des eaux pour les besoins dés municipalités et d'exécuter des travaux de réfection des réseaux d'égouts municipaux. Ce ne sont plus les municipalités qui vont faire leurs travaux d'assainissement des eaux ou de réfection des égouts municipaux. Cela va être une société relevant du ministre de l'Environnement, une société provinciale qui va s'occuper, à travers le Québec, de faire les travaux d'assainissement pour les municipalités et même des travaux de réfection d'égouts. (16 h 50)

Qu'on arrête de parler de décentralisation et qu'on arrête de parler d'autonomie municipale lorsqu'on crée des régies et des organismes de la sorte, un peu comme on parle de décentralisation et d'autonomie lorsque, dans la loi de protection du territoire agricole, les municipalités n'ont pas un mot à dire, les municipalités de comté n'ont rien à dire, les élus locaux n'ont rien à dire. C'est décidé par une commission qui siège à Québec ou à Montréal, et qui décide de l'aménagement du territoire de pratiquement tout le Québec. Qu'on arrête de nous parler de décentralisation et d'autonomie municipale lorsqu'on a deux exemples que je viens de mentionner, l'application du zonage agricole qui se fait par une commission formée de technocrates qui décident pratiquement sans consulter les élus locaux et cette société d'assainissement qui va faire des travaux d'égout et d'assainissement pour les municipalités. Je pense que l'autonomie et la décentralisation, cela n'a pas la même définition pour le ministre ou pour le gouvernement que celle que nous trouvons dans le Petit Robert ou dans le Larousse. Il va falloir qu'on nous l'explique.

M. le Président, j'arrive aux détails et aux modalités de la loi que nous avons devant nous, la loi 105, sur la division en districts électoraux. M. le Président, je ne suis pas convaincu et même, je suis contre le principe d'avoir des districts électoraux où il n'y a qu'un seul conseiller par district ce qui est la politique uniforme que le ministre veut imposer à toutes les municipalités de 20 000 âmes et plus, tout simplement par l'expérience. Mon expérience me dit que ce n'est pas une formule idéale et que vous devriez laisser aux municipalités l'option. Ce sont les municipalités qui connaissent... Les municipalités du Québec ne sont pas stéréotypées. Les municipalités du Québec ne sont pas uniformes. Les municipalités du Québec ont chacune leurs traditions, leur personnalité, leur mentalité et leurs coutumes. Il n'y en a pas une qui a la même topographie. Il n'y en a pas une qui a la même forme. Pourquoi vouloir leur imposer des modes administratifs uniformes? Ce qui existe dans les municipalités actuellement, c'est qu'il peut y avoir des districts électoraux où il y a un seul conseiller municipal. Il y a d'autres municipalités qui ont opté pour des districts électoraux où il y a deux échevins, deux conseillers municipaux. Il y en a même qui ont des districts où il peut y avoir trois conseillers municipaux. Or, je dis que cette formule a fait l'affaire et je n'ai jamais vu de problèmes. Je n'en ai pas connus. Le ministre en a peut-être connus, cela a pu lui créer des problèmes, mais je vous dis que les problèmes sont beaucoup plus graves et les dangers sont beaucoup plus graves en nommant un seul conseiller pour un petit district. Vous allez créer la mentalité des "boss" de quartier. Je connais cela. Il y en a qui sont plus présents que d'autres. Des conseillers municipaux sont plus "boss" que les autres et veulent tout mener dans leur petit district. Là, ils vont voir les fonctionnaires et ils diront: Vous allez me mettre au courant des travaux, des programmes de parc, d'égout. Mettez-moi donc au courant. Qui demande des permis municipaux dans le district? Je veux que vous m'avisiez s'il y en a qui... Pour les permis...

M. Giasson: II y en a qui donnent des ordres, à part cela.

M. Lavoie: Ah! des ordres et tout. Cela va faire des mini-maires dans chacun des districts municipaux. C'est humain. Cela développe également l'esprit chauvin et l'esprit de quartier à un point — je ne dis pas que c'est mauvais — extrême et cela ouvre la porte à du marchandage et à du "bargaining". Cela enlève souvent de l'esprit des conseillers municipaux le bien commun de toute la communauté, de toute la municipalité. Ils disent: Oui, on va voter pour ton parc dans tel bout. Il parle à l'autre échevin d'un autre quartier et dit: Oui, je vais voter pour ton parc ou l'élargissement du boulevard dans ton quartier, mais par contre, tu vas voter. Moi aussi, je veux un parc ou l'élargissement du boulevard. Tu vas voter pour le changement de zonage dans mon quartier, etc. Cela va devenir du "bargaining" entre les échevins, alors que si vous laissez...

Si cela fonctionne dans certaines municipalités, si la municipalité le décide, laissez donc cela à la discrétion des municipalités. Elles connaissent le milieu beaucoup plus que vous qui êtes ici à Québec et qui avez un droit de regard sur les 1600 municipalités du Québec. Lorsqu'il y a deux ou trois conseillers municipaux par quartier, il y a justement plus d'équilibre et moins de danger de création d'une autorité, d'un "boss" de quartier, d'un conseiller municipal, d'un mini-maire du district électoral. Pensez-y, M. le ministre. Vous l'avez fait en vertu de la loi no 44 depuis une couple d'années. Je crois que vous allez trop loin actuellement en l'imposant à toutes les municipalités de 20 000 âmes et plus du Québec. Laissez-en des pouvoirs aux municipalités. Vous n'êtes pas là pour imposer des contraintes et des diktats uniformes à toutes les municipalités du Québec parce qu'il n'y en a pas deux qui sont pareilles. Laissez donc — c'est cela l'autonomie municipale — les élus locaux, s'ils le désirent, avoir deux ou trois conseillers municipaux par quartier et avoir des quartiers plus grands, c'est leur affaire, ce n'est pas à vous d'imposer cela.

Egalement, vous avez décidé d'augmenter, d'établir un barème pour une municipalité. Prenons l'exemple qui me vient à l'esprit: LaSalle. LaSalle a six conseillers municipaux actuellement; ce n'est peut-être pas suffisant. Mais, en vertu de la loi, vous lui en imposez de 12 à 16. Vous faites doubler le conseil municipal. C'est vous qui le décidez, ce n'est même pas la population ou le conseil municipal de LaSalle, c'est vous qui décidez qu'à l'avenir cette municipalité aura entre 12 et 16 conseillers municipaux au lieu de 6. Je préfère le jugement et la décision de la population locale et même du conseil municipal local que la décision du ministre. On pourrait avoir un mécanisme qui pourrait facilement se faire.selon lequel la municipalité pourrait décider, peut-être lors des élections prochaines, par un référendum ou autrement qui serait greffé à l'élection, du nombre de conseillers municipaux que les municipalités doivent avoir en déterminant un nombre absolu, mais ce sont des détails que je vous donne. Je pense que vous êtes trop porté sur le diktat et sur l'uniformité que vous voulez donner à toutes les municipalités du Québec.

Il y a de bonnes choses dans votre projet de loi. Je le reconnais et je félicite le ministre de soumettre... c'est une évolution d'ailleurs comme tout gouvernement en a suscité. Dans tout bilan de gouvernement, il y a un actif et un passif. C'est la population qui décide de ce bilan, comme elle décidera prochainement du gouvernement actuel. Exiger une surveillance des dépenses des fonds électoraux dans les municipalités et adapter cela au système que nous avons d'ailleurs à Québec, je pense que c'est une très bonne chose.

Nous allons apporter un amendement sur les districts électoraux. Sur le même article, nous aurons d'autres amendements qui laisseront à la discrétion des conseils municipaux s'ils désirent avoir un, deux ou trois... C'est un amendement qu'on vous annonce. Egalement, si vous l'emportez sur cet amendement, si vous vous en tenez à ce qu'il y ait effectivement un seul conseiller municipal par quartier, je pense que, comme étape... Au lieu de soumettre les municipalités de 20 000 âmes et plus à ce mode administratif, vous pourriez peut-être, commencer cette année, par les municipalités de 30 000 âmes et plus. Je pense que le changement serait moins radical et qu'il serait possible lors des élections de cette année, de faire une autre période de rodage en ne demandant qu'aux municipalités de 30 000 âmes et plus d'avoir ce système que vous voulez leur imposer. Par contre, nous considérons beaucoup plus important de laisser tout le système aux élus locaux, à eux-mêmes, avant de leur imposer ce système d'un conseiller municipal par quartier. (17 heures)

Concernant la rémunération des élus locaux, j'ai fait un calcul assez sommaire. Je pense que tout le monde est d'accord pour accorder aux élus municipaux une rémunération juste, raisonnable, convenable, surtout que lorsqu'on reconnaît aujourd'hui, surtout pour les villes importantes, que les obligations de l'administration municipale sont très polyvalentes dans notre société, qui exige de plus en plus de ces administrations dans le domaine de la protection de la propriété et des personnes, le transport en commun, le loisir, l'épuration, l'habitation et tout. On reconnaît que, pour des municipalités de 30 000 âmes et plus, c'est devenu aujourd'hui pour les maires un travail pratiquement à plein temps. Est-ce que les barèmes que vous leur accordez suffisent? Quant à moi, ils me paraissent un peu faibles.

Je prends des exemples un peu au hasard. Prenons la ville de Lasalle, qui a 76 000 habitants. En vertu des barèmes de votre loi — j'imagine que, pour le maire de la ville de Lasalle, 75 000 habitants, ça doit être pratiquement du temps complet, et vous lui permettez un traitement de $28 000 par année. Il administre un budget de près de $40 000 000 par année, et cela ne comprend certainement pas les dépenses capitales, qui s'ajoutent à cela. Le maire de Montréal-Nord, avec

97 000 habitants, j'imagine que ça doit être à temps plein, vous lui permettez une rémunération de $31 000 en vertu de la nouvelle loi. La ville de Saint-Laurent a 65 000 habitants et un budget de près de $100 000 000, et vous prévoyez un traitement de $26 000 pour le maire.

On voit que beaucoup de ces municipalités ont des responsabilités financières de beaucoup supérieures à beaucoup de ministères — c'est là un petit passage qui s'adresse au ministère de l'Energie et des Ressources. Si on regarde le budget des Affaires intergouvernementales, il est de $46 000 000, cette année. On considère l'Assemblée nationale un peu comme un ministère; or, son budget est de $28 000 000. Le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières à un budget de $26 000 000; le ministère de l'Immigration en a un de $23 000 000. Toutes les municipalités que j'ai mentionnées qui ont 40 000 âmes et plus ont des responsabilités financières de beaucoup supérieures...

M. Bérubé: Est-ce que le député de Lavai me permettrait une question?

M. Lavoie: Non, vous interviendrez à votre tour. Le ministre de l'Energie et des Ressources a la langue trop bien pendue. Mais, pour intervenir, je l'invite à intervenir dans le débat.

Je disais donc que la plupart de ces maires ont des responsabilités administratives fort supérieures à beaucoup de ministres. Si on compare la rémunération qu'on leur donne en vertu de cette loi, de $27 000, $25 000, $28 000, c'est loin — et si on considère que c'est à temps complet — du traitement des ministres actuels. Si je connais bien les lois et les règlements de l'Assemblée nationale, les ministres ont des traitements d'environ $70 000 par année.

M. Bérubé: Selon le budget du ministère.

M. Lavoie: C'est $70 000 par année pour un ministre, alors qu'on accorde des salaires de $25 000 ou $27 000 aux maires des municipalités qui ont des responsabilités souvent supérieures. Je dis donc que ce serait à réviser; le ministre pourrait se pencher sur cette question.

Il y a un autre point de déontologie: on veut exiger des élus municipaux, maires et conseillers, une déclaration de leurs intérêts financiers. Il ne faudrait pas pousser trop loin ces exigences parce que, en somme, on va exiger plus en vertu de votre loi que vous n'exigez des députés actuels. Les députés n'ont pas à déclarer leurs biens, leurs intérêts dans des actifs et dans des immeubles alors que, maintenant, dans toutes les municipalités, pas seulement celles de 20 000 âmes et plus, mais dans toutes, les élus municipaux vont être obligés de déclarer leurs intérêts dans des sociétés, des compagnies et dans les immeubles de la municipalité.

Je pense que c'est pousser un peu loin parce que, de la sorte, souvent, vous allez vous priver possiblement, dans les petites et moyennes municipalités, de très bons administrateurs, des gens de l'entreprise libre, de l'entreprise privée, des hommes d'affaires qui administrent de très grosses sociétés et tout, des hommes d'affaires reconnus et qui pourraient offrir 15%, 20% ou 25% de leur temps dans des petites ou des moyennes municipalités. Ils vont dire: Au diable, si je suis obligé d'étaler mon bilan sur la place publique pour aller administrer une municipalité de 5000, 10 000 ou 15 000 habitants à temps partiel; ils vont dire: Ecoutez, j'ai le droit à ma vie privée et j'ai des choses personnelles que je ne veux pas répandre sur la place publique.

Vous allez vous priver possiblement, dans plusieurs petites et moyennes municipalités, de très bons administrateurs municipaux qui le feraient non pas pour le salaire de $3000, $4000 ou $5000 ou $7000, mais à cause de leur expérience et de leur contribution, un peu leur sens philanthropique de mettre leur expérience au service de leurs citoyens. Là, j'ai des réserves.

En passant, je crois qu'on devrait lancer une invitation aux femmes du Québec et inviter également la population du Québec à accorder, dans l'administration de la chose publique, un rôle accru aux femmes de notre province. D'ailleurs, on les félicite du rôle important qu'elles ont joué dans le dernier référendum sur la décision de l'avenir du Québec au sein de la fédération canadienne. Ce sont des femmes de bon jugement, des femmes de décision et d'expérience. Si vous faites des campagnes de propagande, de publicité au gouvernement, faites-en donc une pour inviter la population du Québec, l'inciter à donner un rôle accru aux femmes du Québec dans l'administration de la chose publique, non pas seulement au niveau provincial, mais également au niveau local.

M. le Président, il y a d'autres points. Je crois que l'information au public, donner un accès accru à la population sur les budgets, les états financiers des municipalités, la période de questions... Votre registre de questions écrites que vous voulez instaurer dans certaines municipalités, on pourra en parler.

En général, M. le Président, sur ces modalités, parce qu'il n'y a pas tellement de grands principes dans cette loi, nous allons voter pour en deuxième lecture. L'Opposition officielle va voter pour ce projet de loi; nous avons certaines réserves. Par contre, nous allons apporter notre contribution en commission parlementaire. Avec l'expérience qu'on a et la contribution entre autres du député-maire de Verdun et du député de Saint-Hyacinthe, qui sont deux élus municipaux, nous allons tenter d'améliorer votre projet de loi, si nous atteignons les oreilles et la conscience du ministre pour l'améliorer; sinon, il est possible qu'on vote contre en troisième lecture, si le ministre reste sur ses positions et ne veut pas broncher pour amender ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président. J'aurais un petit mot.

M. Cordeau: Oui, certainement.

M. Lavoie: Un mot, une question. Lorsqu'on a étudié la charte de la ville de Québec, j'avais fait

une proposition au ministre et il nous avait même laissé entendre que c'était possible. J'avais proposé qu'on applique aux grandes municipalités du Québec, qu'on accorde aux citoyens des grandes municipalités du Québec, j'avais dit, comme première étape, les villes de 100 000 âmes et plus — je crois qu'il y en a quatre au Québec, si je ne me trompe pas: Montréal, Laval, Québec et Longueuil — l'accès au recours au Protecteur du citoyen dans ces administrations. Si les citoyens, en commençant par les villes de 100 000 âmes et plus, avaient des plaintes à faire, s'ils se sentaient lésés par les administrations locales, tant au point de vue de la taxation ou quoi que ce soit, ils pourraient avoir un appel à l'"ombudsman", au Protecteur du citoyen. Je pense que ce serait un geste qu'on pourrait poser pour humaniser davantage l'administration de la chose publique et donner une protection accrue aux citoyens du Québec. Je ne vois pas cette ouverture dans le projet de loi. Je pense qu'il serait encore temps de le faire en commission parlementaire pour ouvrir les portes du bureau du Protecteur du citoyen aux citoyens des municipalités de 100 000 âmes et plus comme première phase. Je vous remercie. (17 h 10)

M. Bérubé: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Hyacinthe normalement aurait le droit de parole.

M. Bérubé: Une minute tout au plus, M. le Président, pour reprendre quelques remarques du député de Laval.

Le Vice-Président: M. le député de Matane, je ne peux pas vous reconnaître. Je vous reconnaîtrai, si vous vous levez, après le député de Saint-Hyacinthe qui a maintenant le droit de parole.

M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole sur le projet de loi no 105, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant la démocratie et la rémunération des élus dans les municipalités.

Le projet de loi que nous avons à étudier aujourd'hui n'est pas tout à fait ce que l'on peut appeler une nouveauté. En effet, on attendait depuis longtemps ou du moins depuis un bon moment la présentation de ce projet de loi. Rappelez-vous le projet de loi no 44 concernant les élections de 1978 dans certaines municipalités et modifiant la Loi des cités et villes. On sait qu'à ce moment le ministre avait déclaré que cette loi serait reprise plus tard en englobant d'autres principes et modalités que la loi 44 ne prévoyait pas à ce moment.

Si ma mémoire est bonne, je crois que, lors de la discussion du projet de loi no 44 en 1978, on nous avait dit qu'une loi plus complète englobant tous les aspects de la vie démocratique des municipalités devait être présentée à l'automne.

Force est de constater que ce projet de loi qui devait venir en 1978 nous est présenté actuellement. Bien sûr, il est le bienvenu. Ici, je ne sais pas si le ministre des Affaires municipales est le ministre le plus patient de tout le cabinet, mais force est de constater que les projets de loi qu'il nous présente arrivent presque toujours à la fin des sessions.

On doit se rappeler, au mois de décembre dernier, que l'Assemblée a dû attendre que la commission qui étudiait le projet de loi no 57 ait terminé son étude afin de procéder à l'ajournement. Egalement aujourd'hui, le projet de loi que nous présente le ministre des Affaires municipales vient presque en dernier lieu et nous serons obligés d'étudier article par article ce projet de loi mardi prochain, soit le dernier jour de la session. Espérons que tout ira bien et que l'Assemblée nationale n'aura pas à retarder son ajournement.

En effet, depuis que je représente les citoyens du district électoral de Saint-Hyacinthe dans cette Assemblée, je ne peux malheureusement que constater un certain illogisme dans la façon dont nous procédons. Peut-être bien que sous d'autres gouvernements nous aurions pu constater la même carence, mais, en ce qui me concerne, je suis en mesure de vous dire qu'il est tout à fait aberrant et illogique de procéder à l'adoption de projets de loi de cette importance presque à la fin de la session. En tant que parlementaire de cette Assemblée, je trouve tout à fait inconcevable et inadmissible que des lois aussi importantes et qui touchent le fonctionnement vital d'une société démocratique soient étudiées en si peu de temps.

D'ailleurs, nous n'avons qu'à constater, encore une fois, la demande de l'Union des municipalités au ministre et à cette Assemblée de se faire entendre mardi prochain en commission parlementaire. Si on faisait le décompte des lois majeures adoptées en cette Chambre dans le rythme d'une fin de session comparativement à celles adoptées au cours du déroulement normal de nos travaux, nous aurions certainement des surprises.

Maintenant, revenons à des considérations plus particulières au projet de loi no 105. En effet, vous savez, quand le ministre a déposé son projet de loi réimprimé, il a dit: II n'y a que des modifications mineures de nature technique. Je dis immédiatement que le ministre a raison, ce ne sont que des changements de nature technique qui n'affectent en rien le principe de l'ancienne version du projet de loi. Cependant, il reste un fait, malgré toutes les rencontres et les discussions que le ministre ait pu avoir avec les organismes concernés, soit l'Union des municipalités du Québec et l'Union des conseils de comté, il reste une chose, la nouvelle version du projet de loi no 105 ne répond que très partiellement au désir des gens du milieu. En effet, je sais personnellement que l'Union des municipalités du Québec a émis plusieurs revendications face à l'ancienne version du projet de loi no 105; malheureusement, je me dois de constater que plusieurs de ces revendications ne sont pas contenues dans l'actuel projet de loi.

Pour les municipalités et nos élus municipaux, deux principes sont, à leurs yeux, d'une extrême importance, soit le principe de l'autonomie municipale et celui de la démocratie. En ce qui concerne l'autonomie municipale, les municipalités, depuis janvier, ont vu s'élargir leur assiette fiscale; par contre, sous-jacentes à l'autonomie financière des municipalités, il y a également pour elles les prérogatives de la non-ingérence dans le processus administratif municipal quel qu'il soit. Je puis vous dire, en tant que conseiller municipal et comme personne qui vit dans le monde municipal depuis plusieurs années, qu'on désire le moins possible s'embarrasser d'un processus décisionnel lourd et de tracasseries administratives inutiles.

Je crois fermement que le gouvernement, et le ministre des Affaires municipales en particulier, par ce projet de loi tel que déposé et réimprimé, manque au respect de l'autonomie décisionnelle des municipalités. En effet, ici, je veux faire référence au rôle et pouvoirs conférés au directeur général de la représentation qui place les municipalités dans une position inconfortable puisqu'elles auront constamment à se soumettre à des directives du directeur général de la représentation. Qui plus est, celui-ci peut forcer les municipalités à apporter des modifications au règlement divisant les municipalités en districts électoraux pour donner suite, en tout ou en partie, à ces recommandations.

Je suis convaincu que vous comprenez aisément qu'une telle disposition de la loi n'a rien à voir avec le caractère autonomiste des municipalités dont le ministre se veut le défenseur. En effet, sur ce sujet bien précis du rôle et des pouvoirs du directeur général de la représentation, en ce qui concerne le découpage de la carte électorale, je crois qu'il aurait été plus logique et plus dans les règles que le citoyen s'adresse, dans un premier temps, directement à son conseil municipal s'il a des revendications ou s'il veut voir des modifications apportées au règlement divisant la municipalité en districts électoraux.

Ici, je dois reconnaître que le ministre, dans son allocution, nous a fait part qu'il apporterait des amendements concernant cet article de loi, mais étant donné que nous devons actuellement étudier le projet de loi tel que réimprimé, je me dois de dénoncer les lacunes qui y sont contenues Je ne mets pas en doute le poste du directeur général de la représentation, loin de là; cependant, il eut été plus convenable d'agir de façon à laisser plus de latitude au conseil municipal et, ainsi, envisager que le processus d'intervention des citoyens auprès du directeur de la représentation n'en soit qu'un appel. (17 h 20)

Je respecte le directeur général de la représentation mais nous n'avons qu'à regarder le découpage du territoire de la province de Québec qui sera en vigueur lors des prochaines élections, et nous décelons là aussi des lacunes. On a donné ce découpage à une commission ou une direction parce qu'on avait peur qu'il y ait de l'ingérence de la part des députés. J'ose croire qu'il n'y a pas eu d'ingérence mais l'on constate que, dans des districts électoraux de Montréal, il n'y a que 28 000 30 000 ou 31 000 électeurs, tandis que, dans des districts électoraux ruraux, il y a des comtés avec des populations de 30 000 et 40 000 habitants; les distances à parcourir pour le député sont peut-être de 125 à 150 milles, il y a dans ces comtés peut-être 30, 35 municipalités, et, lorsqu'un citoyen veut aller voir son député, il doit parcourir 35 ou 40 milles. Je me demande où est l'équité dans cette distribution.

Lors de l'acceptation de cette carte, j'ai fait valoir ce point de vue et, aujourd'hui, je le réitère; il peut y avoir des erreurs lorsque les députés prennent des décisions mais il peut y avoir des erreurs aussi lorsque des commissions ou des directions en prennent. Je n'ai qu'à vous rappeler ce qui est arrivé; dans un certain comté urbain il n'y a que 28 000 ou 30 000 électeurs, et le citoyen n'a qu'à parcourir quelques coins de rues pour voir son député; il y a là toute une marge et c'est ce que cette direction générale de la représentation a décidé. Je suis contre cette décision et l'inéquité qui existe dans cette distribution de la carte électorale.

M. le Président, le ministre conviendra avec moi qu'un tel processus respecte beaucoup plus l'autonomie municipale que celui qu'il propose dans le projet de loi no 105. Celui qui est proposé par le ministre aura comme conséquences des lourdeurs et chinoiseries administratives tout à fait inutiles. Par contre, étant donné que le ministre nous a dit qu'il apporterait des amendements, nous allons voir ce que les amendements seront exactement avant de nous prononcer.

Pour confirmer ces dires, j'aurais pu vous lire ce que dit l'Union des municipalités de comté dans son mémoire, aux pages 6 et 7. Etant donné le bon vouloir du ministre, je vous ferai grâce de la lecture de trois paragraphes. Egalement, parlant d'autonomie et d'équité, le ministre demande dans ce projet de loi qu'il y ait plus ou moins 15% d'électeurs par district électoral. Je me demande comment il se fait qu'il soit arrivé à ce pourcentage de 15% lorsque, dans la Loi électorale de la province de Québec, le barème est de plus ou moins 25% dans les districts électoraux. Il y a là deux mesures, deux lois ou deux directions que nous devons accepter, une de 25% pour les députés et l'autre de 15% pour les conseillers municipaux. Dans sa réplique, j'aimerais que le ministre nous fasse part de la façon dont il est arrivé au taux de 15%.

Par ailleurs, j'aborde le deuxième point qui est la démocratie municipale. En effet, lorsqu'on parle de démocratie, cela implique nécessairement que la population participe et peut se prononcer librement sur tous les aspects de la vie municipale ou provinciale, ou encore canadienne. Cependant, je crois qu'il est impérieux, surtout au niveau municipal, que la population participe et ait une liberté complète de choix dans l'accomplissement

de sa vie municipale. Pour cette raison, M. le Président, il est essentiel que le ministre révise un autre aspect de son projet.de loi.

En effet, le ministre prétend être le défenseur de la démocratie municipale au Québec. Par contre, il est loin de pratiquer ce qu'il prêche. A partir du moment où on ne laisse plus aux populations locales la possibilité de choisir le système de représentation qui leur est propre, qui leur est spécifique, c'est-à-dire si on ne laisse pas aux populations locales l'occasion de choisir soit la représentation par quartier, par district ou par siège, dès ce moment, on sape littéralement le principe de la démocratie, ce principe qui est fondamental dans l'organiation municipale. Oui, M. le Président, je vous le dis, le ministre des Affaires municipales ne donne pas aux municipalités, contrairement à ce qu'il veut nous faire croire, des bases vraiment démocratiques. Y a-t-il quelque chose de plus antidémocratique que d'uniformiser pour tous un système de représentation sans tenir compte de l'organisation naturelle de chacune des populations locales et de tout un ensemble de facteurs spécifiques à chacune des régions du Québec? Cela me fait penser, M. le Président, à ce dont quelqu'un me faisait part en disant du ministre qu'il a voulu imposer les mêmes chaussures de la même pointure pour tous. Drôle de conception démocratique.

M. le Président, force est de constater que le ministre des Affaires municipales a une conception bien à lui de la démocratie municipale. Malgré les revendications répétées des municipalités quant à leur conception de la démocratie, le ministre a jugé bon, quant à lui, que c'est sa conception qui est la bonne.

En terminant, M. le Président, je suis malheureusement obligé de vous dire que le projet de loi 105, même dans sa version nouvelle, doit être modifié en commission parlementaire, et cela de façon substantielle. Je puis dire à mes amis d'en face que ce projet de loi est loin d'enchanter tout le monde municipal. Si cette loi devrait être adoptée telle que rédigée, si cette loi devait être adoptée sans que le ministre n'accepte des changements majeurs touchant le principe de l'autonomie et de la démocratie, eh bien, ce gouvernement aurait fait la preuve noir sur blanc qu'il n'a pas respecté et qu'il ne respecte pas l'autonomie municipale.

M. le Président, je ne peux concevoir, en tant que conseiller municipal et député en cette Chambre, que l'on escamote carrément des principes fondamentaux au bon fonctionnement de la. vie municipale. Personnellement, je ne peux comprendre que le ministre, qui a rencontré nos dirigeants municipaux et discuté avec eux n'ait pas réussi à saisir ce que ceux-ci demandaient. Je serais même tenté de dire que cela frise l'irresponsabilité ou l'affrontement...

Des Voix: Oh!

M. Cordeau: ... car le télégramme que les municipalités ont envoyé aujourd'hui au ministre et aux partis d'Opposition témoigne que le projet de loi 105, même réimprimé, ne leur donne pas satisfaction. Autrement, elles ne voudraient pas faire encore des représentations après avoir reçu cedit projet de loi.

Ici, M. le Président, je voudrais demander au ministre... Je sais pertinemment qu'une municipalité procède actuellement, en vertu de l'article 31 de la Loi des cités et villes, au découpage de son territoire en s'inspirant des principes contenus dans le projet de loi 105. J'aimerais savoir si ces municipalités qui, actuellement, procèdent en vertu de l'article 31 de la Loi des cités et villes... Si ces municipalités procèdent en vertu de cet article, les règlements qu'elles ont adoptés ou qu'elles adoptent présentement seront-ils valables pour l'élection de novembre prochain dans ces municipalités? (17 h 30)

Bien sûr, il y a plusieurs mesures dans ce projet de loi qui donneront satisfaction d'un côté à la population, surtout en ce qui regarde la démocratisation de la période des questions au conseil de ville. Je suis bien mal placé pour parler de la rémunération des conseillers municipaux, mais, par contre, je crois sincèrement que le pouvoir qu'accorde le ministre, le gouvernement, par ce projet de loi, aux conseils municipaux afin d'augmenter le salaire d'un maire qui occupe sa charge à temps plein, est tout à fait logique et raisonnable.

M. le député de Laval a parlé des barèmes établis par le ministre, tandis que dans l'autre article, les barèmes du projet de loi sont contenus dans le projet de loi. Il trouvait que les barèmes n'étaient pas assez élevés, si j'ai bien compris l'intervention du député de Laval.

Alors, M. le Président, en terminant, il me fera plaisir de participer à la commission parlementaire qui étudiera ce projet de loi article par article. Quant à nous, en ce qui regarde le principe de ce projet de loi nous voterons en sa faveur, en deuxième lecture, tout en espérant que le ministre apportera des amendements valables lors de l'étude en commission parlementaire. Je vous remercie.

M. Guay: M. le Président.

Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Richard Guay

M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. Je veux simplement prendre quelques minutes du temps de cette Assemblée pour faire quelques remarques sur les interventions que j'ai entendues de la part de l'Opposition.

Les deux représentants de l'Opposition, tant l'Opposition officielle que l'Union Nationale, ont parlé beaucoup de choses qui ne concernent pas le projet de loi no 105. La loi no 57, que le député de Laval affectionne est revenue souvent dans son intervention. Quant au député de Saint-Hyacinthe,

on a longtemps entendu parler du découpage de la carte électorale provinciale, ce qui n'était pas tout à fait l'objet du projet de loi no 105. Celui-ci, j'en conviens, parle du découpage des municipalités, mais non pas du découpage des comtés représentés à l'Assemblée nationale.

Il y a quelques éléments, dans ce projet de loi, qui m'apparaissent extrêmement intéressants et, en tant que député d'un comté tout entier situé à l'intérieur de la ville de Québec, qui m'apparaissent favoriser effectivement ces dispositions, favoriser l'exercice de la démocratie à Québec, comme dans d'autres municipalités de même taille. Quand on parle de la taille de la ville de Québec, il faut bien se rappeler, M. le Président, que l'on parle d'une municipalité, d'une ville, qui a plus de population — cela vaut aussi pour la ville de Laval, cela vaut pour la ville de Longueuil, cela vaut évidemment pour la ville de Montréal — que l'une des provinces du Canada. En effet, les trois ou quatre municipalités que j'ai mentionnées et, notamment, la ville de Québec, administrent la chose publique pour un ensemble d'électeurs qui représentent un nombre plus grand que celui qu'on retrouve à l'Ile-du-Prince-Edouard qui a pourtant le statut d'une province canadienne. Je ne mets pas en cause le statut de l'Ile-du-Prince-Edouard. Je souligne la chose pour indiquer combien il est important, combien il est fondamental que lorsqu'on administre la chose publique, dans des municipalités de cette proportion, le tout se fasse de la manière la plus efficace, certes, mais la plus démocratique possible.

Or, il y a un principe, dans ce projet de loi, qui m'apparaît éminemment valable. Ce principe a été critiqué par le député de Laval, celui du découpage de la carte électorale de la municipalité, de toute municipalité de 20 000 habitants et plus, pour qu'on en arrive au principe d'un conseiller municipal, un quartier. Le député de Laval nous a dit que l'on devrait laisser la possibilité aux municipalités de décider si elles veulent un, deux ou trois conseillers municipaux par quartier, que l'on ne devrait pas imposer ce mode de représentation démocratique aux municipalités, qu'en définitive, d'une municipalité à l'autre, nous pourrions assister à des situations tout à fait différentes quant à l'exercice de la démocratie. On pourrait, dans une municipalité, avoir un conseiller municipal par x milliers d'habitants et, dans la municipalité voisine, avoir un conseiller municipal pour la moitié de ce nombre d'électeurs, pour des municipalités de même dimension. On pourrait, dans une municipalité, avoir un conseiller municipal pour un quartier et avoir, dans une autre municipalité, trois ou quatre conseillers municipaux pour le même quartier, plus grand. Effectivement, ça fait de plus grands quartiers. C'est précisément là où le problème se pose et c'est précisément pour cela, quant à moi, que je trouve la démarche du projet de loi no 105 éminemment valable.

Prenons le cas de la ville de Québec — c'est un cas que je connais bien — elle est divisée à l'heure actuelle en trois grands quartiers électoraux et un quatrième qui est le fruit d'annexions de municipalités de banlieue. Il y a, ici dans la haute ville, le quartier Champlain. Quatre conseillers représentent ce qui est, en fait, quatre quartiers distincts: le Vieux-Québec, le quartier Saint-Jean-Baptiste, le quartier Montcalm et le quartier Saint-Sacrement. Tout cela est mis ensemble et on retrouve quatre conseillers pour un vaste ensemble de quatre quartiers, mais il n'y en a pas un là-dedans qui représente spécifiquement et en titre le Vieux-Québec ou spécifiquement le quartier Saint-Jean-Baptiste ou encore le quartier Montcalm.

Dans la partie basse de la ville de Québec, on retrouve le grand quartier Saint-Sauveur-Saint-Roch où il y a à tout le moins deux quartiers bien connus, parce que ce sont des quartiers qui ont leur propre personnalité, le quartier Saint-Roch et le quartier Saint-Sauveur. Pourtant, on noie le tout dans un plus vaste ensemble. C'est la même chose pour le quartier Limoilou, quatre conseillers pour un plus grand quartier.

Lorsqu'on arrive aux villes qui ont été annexées, Duberger, Neufchatel, Les Saules et Charlesbourg-Ouest, on arrive à un conseiller par ancienne municipalité. Il m'apparaît préférable, quant à moi, qu'il en soit ainsi, qu'il y ait un conseiller par quartier. Combien de fois m'est-il arrivé, en faisant du bureau de comté, lorsque des gens sont venus me voir avec un problème qui, en fait, était un problème d'ordre municipal, de leur dire: Ecoutez, c'est davantage à votre échevin ou à votre conseiller municipal que vous devriez vous adresser. Combien de fois m'a-t-on dit: Je ne sais pas très bien qui c'est.

Effectivement, le fait d'avoir quatre conseillers pour un vaste quartier entraîne une certaine confusion parmi la population. On ne sait plus à qui s'adresser, qui nous représente au conseil municipal. Certains — c'est le fait du parti de l'Opposition de la ville de Québec, le Rassemblement populaire — auraient souhaité non pas un conseiller, un quartier, mais que la ville, au fond, soit un vaste quartier et qu'on élise les gens selon la représentation proportionnelle au conseil municipal. Pour ma part, je ne souscris pas à cette hypothèse. Il m'apparaît même essentiel qu'un élu du peuple ait un rapport direct avec ceux qui l'ont élu, que ce rapport soit pour lui le fruit d'une réalité à laquelle il doit toujours se rattacher, ce qui n'est pas le cas, à mon avis, dans un système de représentation proportionnelle. Il faut qu'il puisse affirmer représenter un nombre précis d'électeurs et un territoire bien délimité avec ses problèmes, ses aspirations, ses ambitions et qu'il soit le reflet de cette population.

Or, lorsqu'on a trois ou quatre conseillers par grand quartier, on revient au problème que j'illustrais tantôt à savoir qui représente Saint-Roch, qui représente Saint-Sauveur, qui représente le Vieux-Québec. Il y en a quatre, mais il n'y en a pas un comme tel. Il m'apparaît important, compte tenu de la personnalité de chacun de ces quartiers... la ville de Québec en est un bon exemple parce que les quartiers de la ville de Québec sont particulièrement bien délimités dans certains cas, naturellement bien délimités. Il est important que les gens de Saint-Sacrement, par exemple, sachent que c'est M. ou Mme Unetelle qui est leur

représentant à eux et à eux seuls au conseil municipal et que s'ils ont un problème, s'ils ont des représentations à faire, c'est à cette personne qu'ils doivent s'adresser.

Le député de Laval a fait valoir que ça ferait des mini-maires, des petits potentats locaux. Je ne vois pas en quoi cela est le cas. Le fait que nous ayons ici en cette Assemblée un député par comté ne fait pas du député de Laval un potentat local. Je ne pense pas que le député de Saint-Hyacinthe, nonobstant le fait qu'il cumule aussi les fonctions de conseiller municipal, se perçoive comme un potentat local, comme un mini-premier ministre, pas du tout. Par contre, je suis sûr que, tout comme le député de Laval et moi, le député de Matane, le député de Châteauguay, le député de Crémazie, savent qu'il représente une portion bien identifiée de la population du Québec et une partie bien précise du territoire québécois et que c'est ce qui permet d'être en mesure de répondre aux problèmes et aux ambitions de la population que nous représentons et d'essayer de régler les problèmes que cette population peut avoir, à un moment donné. (17 h 40)

Je pense qu'on est un meilleur représentant, qu'on est un meilleur reflet de la réalité des gens que l'on représente quand on peut se dire qu'il y a une partie bien précise de la population dont nous sommes l'unique représentant au conseil municipal, à l'Assemblée nationale, au Parlement fédéral, plutôt que d'avoir une espèce de savane curieuse où il y a trois ou quatre personnes qui s'en occupent avec le résultat, enfin, en définitive, qu'il n'y a parfois personne qui s'en occupe. Cela ferait un drôle de système, si l'on transposait l'hypothèse du député de Laval à l'Assemblée nationale.

Cela existe dans certains endroits, je pense même qu'à l'Ile-du-Prince-Edouard il y a deux députés par circonscription. Mais prenons ce principe de deux ou trois députés dans une circonscription. Qui est en fait le député de la circonscription? L'un, l'autre, le troisième? Qui va régler le problème des électeurs de la circonscription? Un tel peut toujours refiler le problème à l'autre, il va le refiler à l'autre et il ne va finalement y avoir personne pour le régler. La population va à bon droit se demander: Auquel des trois dois-je m'adresser, parce que les choses ne sont pas claires, les choses ne sont pas bien identifiées? Dans le monde où nous vivons et plus particulièrement dans un monde urbanisé, il est important que la population sache très bien qui est son représentant. Elle en a un, elle en a un seul et c'est à lui qu'elle doit s'adresser si elle a des représentations à faire valoir sur le plan municipal, sur le plan provincial ou sur le plan fédéral. En ce sens, la démarche du projet de loi no 105 m'apparaît une démarche éminemment salutaire. Je pense que les vastes quartiers de trois ou de quatre échevins sont malsains pour la démocratie, même si les échevins font peut-être un excellent travail ou essaient de faire un excellent travail.

Je pense qu'eux-mêmes sont handicapés dans l'exercice de leurs fonctions par le fait qu'un en représente un bout, un autre en représente une partie, ils ne sont pas tous seuls et il y en a d'autres et qui finalement fait quoi? Ils sont eux-mêmes handicapés dans l'exercice de cette fonction de représentation. Du fait de donner par le projet de loi no 105 un conseiller par quartier, les électeurs savent que c'est lui, que c'est elle, et si on n'est pas content au bout du mandat, on sait que c'est à M. Untel ou à Mme Unetelle que l'on peut reprocher la performance. On enlève l'espèce de caractère flou du système actuel de représentation.

On nous dit: Oh! Scandale! Vous touchez à l'autonomie municipale. C'est curieux que lorsque l'on dit dans le projet de loi que les municipalités et les conseils municipaux pourront décider du salaire des élus en sus des barèmes qui sont établis dans la loi, c'est merveilleux, excellent, parfait. On reconnaît là l'autonomie des municipalités. En fait, ce qu'on se trouve à faire, Mme la Présidente, c'est de délimiter au départ le rôle de l'Assemblée nationale, les règles du jeu de la démocratie.

Peut-on s'imaginer que la démocratie est bien servie si, d'une municipalité à l'autre, cela se promène, parfois c'est un conseiller un quartier, parfois ce sont des représentations proportionnelles, parfois c'est un conseiller par 15 000 habitants, parfois un conseiller par 7000 habitants dans une municipalité de même taille. Il y a quelque chose qui cloche dans l'exercice de la démocratie. L'autonomie municipale, c'est le fait pour les municipalités, à l'intérieur des pouvoirs qui leur sont conférés, d'avoir l'aptitude de les exercer, mais les règles du jeu, les grandes règles du jeu sont forcément établies par le Parlement.

Les municipalités, ne l'oublions jamais, sont des délégations de pouvoir de l'Assemblée nationale. Ce ne sont pas des entités qui existent par elles-mêmes. Demain matin, le Parlement déciderait: il n'y a plus de municipalité au Québec, on abolit les municipalités; demain matin, on déciderait que ce n'est pas 1600 municipalités, c'est 800, il y en aurait 800. On déciderait: c'est 3200 au lieu de 1600... C'est le Parlement, c'est l'Assemblée nationale qui délègue des pouvoirs qui lui sont conférés à des entités administratives locales que sont les municipalités. Par le fait même, c'est aussi au Parlement, à l'Assemblée nationale à déterminer quelles vont être les règles du jeu, et comment va s'exercer la démocratie dans chaque municipalité, dans chaque conseil municipal; sans devenir "tataouineux", sans aller jusque dans le détail, il faut que les grandes règles soient connues, qu'elles soient les mêmes dans tout le territoire.

Pourquoi des électeurs auraient-ils un système plus démocratique dans une municipalité et moins démocratique dans d'autres, si on laisse cela à la fantaisie locale? La démocratie n'est pas une fantaisie, c'est un droit fondamental des citoyens d'être bien représentés. C'est le devoir de l'Assemblée nationale d'édicter les règles selon lesquelles ces citoyens seront représentés.

Le projet de loi no 105, au surplus, énonce, parmi les règles de fonctionnement de la démo-

cratie, que les partis politiques municipaux dorénavant seront régis de manière analogue aux partis politiques québécois. Voilà une initiative que, j'espère, tous les partis d'Opposition applaudiront.

On a eu récemment, par le rapport Malouf, l'exemple frappant de la nécessité qu'il y avait, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, de modifier ces règles du jeu pour les partis politiques provinciaux. Fini les caisses électorales occultes! Fini les $700 000 ou $800 000 donnés au Parti libéral, lors des Olympiques, vraisemblablement en échange de contrats obtenus! Dorénavant, à partir du moment où la loi 2 sur le financement des partis politiques a été adoptée par ce gouvernement-ci, les partis politiques ont dû se financer démocratiquement, ouvertement, par des électeurs, non pas par des compagies. Le Parti libéral qui s'engraissait richement de l'ancien système s'est transformé, s'est adapté à la nouvelle loi. Il a fait des campagnes de financement aussi bonnes que celle du Parti québécois. Cela prouve qu'on peut fort bien s'adapter à ce système.

Il y a l'avantage d'être ouvert, d'être honnête, d'être intègre et de ne laisser planer aucun soupçon sur les partis politiques et la provenance de l'argent qui les finance. Cette règle du jeu qui est valable sur le plan québécois me paraît tout aussi valable sur le plan municipal, car, je le rappelle, certaines municipalités du Québec sont plus grandes ou ont plus de population à desservir que la plus petite province du Canada.

Il est donc essentiel que les règles du jeu qui sont valables sur le plan national, sur le plan québécois, soient tout aussi valables sur le plan local, de sorte qu'on ne retrouve pas, sur le plan local, des situations comme celle que l'enquête Malouf a révélée en ce qui a trait à la caisse électorale du Parti libéral. C'était légal, paraît-il, à l'époque. Le chef de l'Opposition fait des gorges chaudes pour dire que c'était légal. Bien sûr que c'était légal. Peut-être. De là à ce que ce soit moral, là, vous savez, ce grand moralisateur qu'était le député d'Argenteuil quand il était au Devoir est devenu bien légaliste, ces derniers temps.

Enfin, c'est un autre problème. L'important, c'est que, sur le plan municipal, les règles du jeu qui sont valables à ce point de vue, qui sont démocratiques, qui sont honnêtes, qui sont ouvertes, s'appliquent tout autant sur le plan municipal et c'est ce que le projet de loi no 105 vise à faire.

Il en est de même du financement des élections de manière à favoriser la participation des citoyens à la chose municipale, ce que vise ce projet de loi. Il en est de même également — et cela, le député de Saint-Hyacinthe l'a souligné à bon droit — du salaire des élus. Trop souvent, le salaire des élus, que ce soit en ce Parlement, au Parlement fédéral ou dans un conseil municipal, fait l'objet de débats démagogiques et d'arguments démagogiques dans tous les milieux. Un élu du peuple qui consacre à sa fonction la totalité de son temps, cela peut aller — tous les députés en cette Chambre le savent — jusqu'à 60 et 70 heures facilement par semaine. Aucune sécurité d'emploi, sauf peut-être pour le député de Laval car il a un comté qui a une certaine tendance à rester libéral.

M. Lavoie: Ils sont bien servis.

M. Guay: Ils sont bien servis, mais il y a aussi une autre raison. Vous la savez, mais on n'épilo-guera pas là-dessus. Que des gens qui consacrent du temps à la chose publique soient rémunérés adéquatement, cela nie semble être la chose la plus élémentaire. C'est bien beau, le bénévolat. Il y a bien du monde qui fait beaucoup de bénévolat et, d'une certaine façon, les élus en font eux-mêmes parce que, s'ils étaient payés selon un salaire horaire, il y a de fortes chances que ce serait encore bien plus élevé que ce qu'ils gagnent déjà.

Qu'on puisse attirer dans le domaine municipal, comme on a voulu le faire avec la Loi de la Législature et les salaires payés à l'Assemblée nationale, les meilleurs éléments des municipalités et de notre société qui, en consacrant autant de temps à la chose municipale ne subiront pas une perte de salaire épouvantable, cela me semble une chose éminemment souhaitée, éminemment désirable. La possibilité qu'on donne maintenant, dans le plein respect de l'autonomie municipale, aux conseils municipaux d'ajuster les choses en dessus des barèmes fixés par la loi est un signe éloquent de la volonté de ce gouvernement de consacrer là encore, comme dans la loi 57, l'autonomie des municipalités à l'intérieur des règles élémentaires de la démocratie qu'il est normal que ce Parlement fixe. (17 h 50)

Enfin, ce projet de loi contient une autre disposition qui me paraît tout aussi importante, disposition que nous avons appliquée ici, à Québec, et qu'il est normal, je pense, qu'on applique aussi au niveau municipal, comme d'ailleurs au niveau scolaire et ailleurs: la divulgation des intérêts financiers. Si on veut que la chose publique soit administrée de la manière la plus transparente possible, si on veut que les électeurs aient une confiance aussi grande que possible dans les personnes qu'ils ont élues, non seulement faut-il abolir les caisses électorales occultes comme nous l'avons fait sur le plan provincial, comme nous le faisons dans lé projet de loi no 105 sur le plan des municipalités, mais encore faut-il que les électeurs sachent que leurs administrateurs, que leurs élus ont des intérêts financiers, ce qui est normal, mais quels sont ces intérêts financiers, de manière que, lorsqu'un élu municipal se retrouve dans un débat au conseil municipal, dans un comité exécutif où il est en conflit d'intérêts, ce soit connu et vu de tous et de toutes parce que ces choses sont publiques.

En ce sens, le projet de loi no 105 franchit un pas en avant utile, nécessaire et j'ai tout lieu de croire que, tant du côté de l'Union des municipalités que de celui de l'Union des conseils de comté, cette disposition normale, fondamentale de l'exercice de la démocratie sera non seulement acceptée, mais applaudie chaleureusement. C'est le contraire qui serait inquiétant parce que cela voudrait dire, à ce moment-là, qu'on a peut-être des choses à cacher. Je doute fort que les élus municipaux à l'heure actuelle — le député de

Saint-Hyacinthe le premier — aient des choses à cacher. Quand on n'a rien à cacher, mon Dieu, on accepte de bon gré d'en faire état. Ce sont les règles du jeu du projet de loi no 105, les règles du jeu plus claires, plus démocratiques, au grand jour, la transparence au niveau municipal. Je pense que, dans l'ensemble, les municipalités du Québec vont y souscrire abondamment; il y va de leur intérêt comme celui des électeurs québécois.

La Vice-Présidente: M. le député de Verdun. M. Lucien Caron

M. Caron: Mme la Présidente, j'aimerais à mon tour émettre certains commentaires sur le projet de loi no 105, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant la démocratie, la rémunération des élus dans les municipalités. Je ne voudrais pas répéter tout ce qui s'est dit dans l'intervention du ministre des Affaires municipales, celle de mon collègue, le député de Laval, aussi bien que celle de mon autre collègue, le député de Saint-Hyacinthe, mais je voudrais émettre l'opinion qu'on pourrait, à la commission des affaires municipales, la semaine prochaine, peut-être à un certain moment, apporter des amendements pour essayer d'être le plus juste possible.

J'aimerais, à mon tour, soulever certaines critiques que le député de Taschereau a faites envers mon collègue de Laval et mon collègue de Saint-Hyacinthe. Premièrement, le gouvernement du Québec doit donner l'exemple. Je pense que si on exige des municipalités certaines choses, le gouvernement du Québec doit être l'exemple. C'est vrai que le découpage de la carte électorale, la population ne s'est pas présentée malgré toute la publicité et les dépenses énormes qui se sont faites, $800 000. Je me demande si ces $800 000 n'auraient pas pu en partie servir dans les hôpitaux ou ailleurs, pour les gens qui en ont le plus besoin. Surtout dans les grandes villes du Québec, les gens ne se présentent pas.

Si on parle de découpage, on devrait aussi, dans les municipalités, essayer de découper les quartiers de la façon la plus juste possible. Il ne faudrait pas non plus, entre le greffier qui devient la majorité du temps président d'élection et le président, le responsable du gouvernement du Québec, que cela devienne, le greffier de la municipalité, un genre d'intermédiaire aussi. Je pense que jusqu'à maintenant, à moins de preuve contraire, les gens qui ont eu un rôle de président d'élection ont toujours fait un travail excellent. Cela veut dire que la municipalité décide de découper d'une façon, quelques personnes... Vous savez que cela va arriver à la question et je veux dire, Mme la Présidente, que je ne veux pas critiquer le projet de loi 105 dans son ensemble. Loin de là. Il y a de bonnes choses et j'en suis fier. Je vais voter en faveur moi aussi en deuxième lecture, mais il ne faut pas non plus aller à l'extrême.

Quant à la question des quartiers, c'est vrai — je pense que, s'il y en a un qui a l'expérience, c'est bien moi, Mme la Présidente — il y a un danger d'avoir plusieurs quartiers dans une municipalité et, comme mon collègue de Laval disait, il y a un danger. Vous savez qu'il y a des choses qui se font. Ici même à Québec, je ne sais pas si cela se fait encore, mais jusqu'à tout récemment aussi, à un certain moment, on voulait passer certaines choses, un mini-conseil de ministres. En partant de là, s'il n'y a pas de mini-conseil de ministres, si les renseignements que j'ai ne sont pas bons, je veux que le ministre, dans sa réplique, me dise si c'est vrai que c'est fini, qu'il n'y a même plus de mini-conseil de ministres. Quand on parle de quartiers, il y a un danger à un certain moment qu'on veuille avoir plus dans un secteur d'une ville que dans un autre. Il faut faire attention à cela. Je pense que vous savez — le ministre est un député de l'île de Montréal — qu'il y a une municipalité où le maire n'a pas la majorité au conseil et à plusieurs reprises, on apporte des propositions qui sont adoptées, parce que les conseillers ont la majorité.

Il y a là un danger. Je pense qu'il faudrait que ce soit étudié. C'est vrai que six conseillers municipaux dans une municipalité qui compte 80 000 à 85 000 de population, ce n'est pas assez; je suis bien d'accord avec le ministre. Mais il ne faudrait pas non plus porter le nombre de 6 à 14. Dans la loi no 44, on en avait discuté et le ministre, à un certain moment, a accepté qu'on porte le nombre de 6 à 8 ou 10. Il y aurait lieu d'apporter un amendement.

Parfois, dans des conseils de ville, comme cela se fait au Conseil des ministres, ce n'est pas toujours facile de s'entendre. C'est pour cette raison que porter le nombre de 6 à 12 ou 14 ou 16... Je pense que le ministre sera compréhensif à ce sujet. Je pense que l'Union des municipalités aussi semble vouloir demander qu'on ne double pas le nombre: augmenter mais sans doubler.

Le salaire des élus. Encore là, Mme la Présidente, peut-être que dans mon cas, il est assez délicat de parler de salaire, mais je pense qu'il est de mon devoir d'en parler. Je ne le fais pas pour moi. Je peux dire au ministre, ici en cette Chambre, que si j'étais seulement maire de la municipalité de Verdun, je ne travaillerais pas pour $23 000 par année, actuellement. (18 heures)

Je pense que la majorité des maires et des conseillers municipaux travaillent, comme ici nous avons la majorité des membres de cette Chambre qui travaillent. Par contre, on en a qui travaillent moins et qui font moins de bureau. Je peux même dire que certaines personnes, dans les grandes villes, aussi bien à Québec qu'à Montréal, ne connaissent pas leur député, comme elles ne connaissent pas non plus leur conseiller municipal. Encore là, personne en cette Chambre ne pourra me dire que j'ai tort en avançant cela, quand vous savez qu'un maire est payé $20 000 ou $18 000 et que vous savez que le gérant de la municipalité ou que le directeur d'un service est payé $50 000 ou $55 000 et, dans certains cas, $60 000, automobile fournie, qu'ils travaillent tant de jours par semaine, qu'ils peuvent partir sans avoir à faire de rapport,

avec compte de dépenses. Je pense que, encore là, dans certaines municipalités, le ministre devra faire une révision pour donner justice. On a parlé de la ville de Saint-Laurent qui a un budget entre $90 000 000 et $100 000 000 et dont le maire a une rémunération de $26 000 ou à peu près, et je pourrais en citer d'autres.

Je pense que c'est assez difficile de faire une règle générale. Encore là, il y aurait lieu d'apporter des amendements pour pouvoir rémunérer ces gens, surtout par le nouveau projet de loi. Je pense que le maire, qui est toujours le grand responsable dans sa municipalité, a à travailler beaucoup plus que tous les autres, il doit donner de l'information. Encore là, je suis bien heureux que, dans ce projet de loi, on donne toute l'information voulue à la population. Il est normal que la population soit au courant de tout ce qui se passe. Je me rappelle, au début, en 1970, quand nous sommes arrivés au pouvoir, les ministres des Affaires municipales du temps avaient commencé — M. Victor Goldbloom et M. Tessier — à apporter des suggestions pour améliorer le système des municipalités.

J'aimerais aussi que le ministre puisse nous dire, à un certain moment... A l'article 19: "Le directeur général des élections peut, sur demande du président d'élections, fournir à ce dernier, toute l'aide dont il peut avoir besoin pour exercer ses fonctions et lui donner des instructions", j'aimerais que ce soit clarifié. Encore là, sans prêter d'intention au directeur général, il y a un danger d'ingérence. Il serait bien important qu'on clarifie le projet de loi pour qu'il n'y ait pas d'ingérence.

Aussi à l'article 32, il est interdit à un fonctionnaire ou employé d'une municipalité de se livrer à un travail partisan relativement à une élection dans la municipalité. Il faudrait définir le terme, jusqu'où on peut aller. On l'a vu au référendum, certains fonctionnaires veulent participer, d'autres ne le veulent pas. S'il y a des pénalités, je pense que dans le projet de loi cela devrait être clair.

Déclaration des intérêts. Je pense que c'est tout à fait normal. On en a une preuve avec le rapport Malouf, c'est tout à fait normal. Je pense bien qu'il n'y a pas personne ici dans cette Chambre — moi, j'en suis heureux personnellement, mais je l'avais mentionné à plusieurs reprises au ministre des Affaires municipales, Mme la Présidente...

Il y a aussi le fonctionnarisme auquel il faudrait penser. Souvent, on essaie de prêter des intentions aux élus du peuple, à quelque niveau que ce soit. Je pense aussi qu'il y aurait lieu de voir et de se pencher sur le cas du fonctionnarisme. J'ai pu, à certains moments, souffler au ministre certains cas... Encore là, je sais qu'il ne peut pas dans le peu de temps qu'on a... Il est surtout regrettable que des projets de cette importance nous arrivent toujours à la dernière minute.

Je me rappelle des gens d'en face — ils ne sont pas ici — les six qui étaient de ce côté-ci reprochaient cela au gouvernement du temps. J'ai entendu cela toutes les fins de session que c'était bien effrayant et je peux vous dire, Mme la Présidente, que cela n'a pas changé. Ce gouvernement n'est pas là à vie. Il y aura des élections. Peut-être qu'il y aura des changements, Dieu sait, nous le verrons avec le temps. J'espère que ceux qui iront de l'autre côté essaieront aussi, quand il y aura de grands changements de ne pas nous apporter cela à la dernière minute.

Je voudrais aussi demander au ministre des Affaires municipales s'il est question d'une liste permanente que les commissions scolaires paient? On sait combien cela a coûté pour un petit nombre, pour une liste électorale. Les commissions scolaires l'ont faite. Les municipalités sont obligées de le faire, le gouvernement du Québec aussi. Cela presse qu'on essaie de trouver un mécanisme pour épargner de l'argent, parce qu'à la fin, quel que soit le palier de gouvernement, c'est toujours le contribuable qui en reçoit la note.

Vous savez combien coûtent ces listes électorales et combien de gens sont malheureux parce que leur nom n'est pas sur la liste. Ils n'ont pas reçu la documentation pour aller vérifier la liste à temps, même s'il s'est fait de la publicité sur le référendum. Je peux dire que, dans mon comté, beaucoup de gens, au moment où ils se sont aperçus qu'ils n'étaient pas sur la liste, ont constaté qu'il était trop tard. Ce sont là des choses qu'on pourrait essayer de régler.

Si on n'avait pas eu le projet de loi no 105 à la dernière minute, vu que c'est une fin de session, il pourrait être meilleur.

En terminant, je vois que l'heure avance, le ministre pense qu'il est bien que les élus soient appelés à dévoiler leurs biens, leurs intérêts, mais je me demande s'il n'y aurait pas lieu aussi de changer un peu la formule et que ce soit fait avant l'élection. Ce serait une bonne chose. Je pourrais dire au ministre que parfois, à la dernière minute, pour essayer de nuire à un candidat plus qu'en favoriser un autre, on va amener à la dernière minute, cinq minutes avant la clôture, un nom pour dire: On lui amène de l'Opposition. On prend quelqu'un sur la rue. Cela s'est vu. On a amené le nom de M. Lacroix parce qu'un monsieur Lacroix était candidat. Je pense qu'en commission parlementaire, il y aurait lieu de se pencher sur cela pour essayer d'être juste envers ceux qui se présentent pour être élus à un poste et éviter qu'ils se fassent mettre des bâtons dans les roues, d'une façon ou d'une autre, par des petits groupes qui peuvent se former. (18 h 10)

Vous savez que les partis politiques qui sont déjà formés et qui vont se former, cela devient un peu des clans, qu'on le veuille ou pas; il faut le dire, il faut être franc, d'un côté et de l'autre de la Chambre. Parfois, certaines personnes, dans l'enthousiasme, dépassent les bornes dans les gestes qu'elles posent.

Je demanderais, durant les jours qui viennent et puisqu'on doit revenir en commission parlementaire mardi, que, d'ici là, on essaie de trouver

des mécanismes découlant des suggestions que j'ai faites au ministre.

Mme la Présidente, je vous remercie.

La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires municipales, votre réplique.

M. Guy Tardif

M. Tardif: Mme la Présidente, je remercie l'Opposition de son obligeance et les membres de cette Assemblée de nous permettre de dépasser de quelques minutes l'heure de tombée habituelle pour qu'on puisse compléter l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture. Je vais tenter d'être très bref, me bornant à répondre aux questions posées. A un moment donné, je me demandais si le député de Laval — il a passé tellement de temps à nous parler de la loi 57 — était resté marqué de ce séjour de travail commun que nous avons eu ensemble à la commission parlementaire.

M. Lavoie: Traumatisél

M. Tardif: Traumatisé; le mot est de lui. Je me disais quand même: 10% de diminution de taxes, cela valait bien cet effort qu'il a fait et que j'ai fait aussi pour l'ensemble des contribuables québécois. Dans le cas des citoyens de la Communauté urbaine de Montréal, que représente d'ailleurs le député-maire de Verdun... En un sens, le député de Laval a raison quand il dit que la réforme n'a pas rapporté $400 000 000, cette année, aux citoyens du Québec ou aux municipalités du Québec; il y a $12 000 000 de moins, c'est vrai, parce que, dans le cas de la Communauté urbaine de Montréal, il y a $12 000 000 qui vont directement aux contribuables avec la carte d'autobus-métro. Quand un citoyen achète cela — c'est une idée originale du gouvernement du Québec, de mon collègue des Transports — à $16 le laissez-passer, il reçoit une subvention de l'Etat de $7.70; cela veut donc dire qu'à la fin de l'année, c'est $84.84 que l'Etat a versés à monsieur ou à madame qui a acheté un laissez-passer. S'il s'agit d'un étudiant ou d'une personne âgée, c'est $36.36 de subvention à l'achat du laissez-passer. C'est important et le député de Laval a raison, en un sens, de dire que tout n'apparaît pas dans les livres de comptes des municipalités. Il y a une partie directement dans les poches du contribuable.

Mme la Présidente, on parle de paradoxe entre l'autonomie des municipalités qu'on veut conférer par les mesures qu'on a énoncées là et, par ailleurs, certaines mesures — le député de Laval l'a dit — comme la loi 125 et la loi 90. On m'en a parlé en commission parlementaire lors de l'étude de mes crédits. Je lui dis qu'effectivement le gouvernement a décidé, lui, de protéger l'agriculture, puisque les municipalités nous ont dit clairement: Ce n'est pas notre rôle; ce n'est pas à nous de protéger l'agriculture. Si vous, comme gouvernement, vous voulez le faire, faites-le, mais, de grâce, veuillez nous dédommager. C'est ce que le gouvernement fait. Avec la loi 90, il rembourse aux agriculteurs 70% de leur taxe foncière et, à la municipalité, il rembourse l'écart pour le manque à gagner entre ce qu'on appellerait la valeur plafonnée des terres, des fermes et des boisés, et la valeur réelle.

Donc, le gouvernement prend sur lui de promouvoir, de protéger l'agriculture et compense et les agriculteurs et les municipalités. Il me semble qu'il ne s'agit pas là d'un accroc bien grand à l'autonomie des municipalités et, qui plus est, on laisse aux municipalités une marge de développement. Je ne voudrais pas personnaliser le cas pour ce qui est de Laval, Mme la Présidente, mais on sait pertinemment qu'à Laval, l'île Jésus représente 60 000 acres et qu'il y en a 33 000 de zonées agricoles. Il y en a 27 000 qui ne sont pas zonées. Des 27 000 qui ne sont pas zonées, il y en a 17 000 de bâties; donc, 10 000 acres disponibles pour fins de développement résidentiel ou autre.

Mais, 10 000 acres, Mme la Présidente, selon les normes actuelles de développement qu'on observe à Laval depuis dix ans, cela permettrait d'accueillir 100 000 habitants. Qu'on ne vienne pas me parler de mesures contraignantes, d'un corset.

Le député de Laval nous dit: II faudra attendre de voir les effets de la réforme. Je lui dis: Moi aussi, je vais souhaiter les voir au cours de quelques années. Mais son gouvernement, les gouvernements antérieurs, bon an, mal an — M. Garneau et d'autres avant lui — canalisaient vers les coffres des municipalités à peu près entre $40 000 000 et $80 000 000 par année. On ajoutait un petit "guidi" ici, un petit montant là et on leur donnait entre $40 000 000 et $80 000 000. La réforme, d'une claque, leur en donne $400 000 000. La taxe de vente . une fois enlevée, il reste $400 000 000 additionnels. Que les municipalités aient décidé de n'en refiler à leurs contribuables que 10% sous forme de rabais de taxe, c'est une chose, parce que beaucoup d'entre elles ont décidé de faire des dépenses non récurrentes et de les payer d'un coup. Exemple, un seul. La ville de Montréal a décidé de payer comptant son déficit de la Commission de transport de la CUM, d'un coup, $37 000 000 comptant, Mme la Présidente. Le député-maire de Verdun a décidé de faire la même chose et cela représente quelques millions chez lui aussi. C'est bien évident que la ville de Verdun... Il est là et il hoche de la tête affirmativement. Il aurait pu décider de baisser plus ses taxes encore, mais c'est un bon calcul qu'il a fait. Je ne le blâme pas. Il a décidé de payer comptant des choses comme cela. Ce sont ses citoyens qui en profiteront l'an prochain puisqu'ils n'auront à payer ni cette dette ni des taux d'intérêt de 14% ou de 15% qu'on connaissait il y a quelque temps.

Mme la Présidente, je l'ai dit au député de Laval, je suis prêt à m'asseoir avec lui et à revoir chacun des articles du budget de cette municipalité, puisqu'il l'a évoqué. Je n'en aurais pas parlé s'il n'en avait pas parlé, mais... Pardon?

M. Lavoie: Quelle municipalité?

M. Tardif: De Laval. Je n'en aurais pas parlé s'il n'en avait pas parlé, Mme la Présidente, mais il m'a ouvert une porte.

M. Lavoie: Je n'en ai pas parlé.

M. Tardif: II n'en a pas parlé, Mme la Présidente. En deux mots, je résume. Pardon, M. le Président. En deux mots, nous disons que la réforme rapporte $9 500 000 à Laval. Le maire de Laval dit qu'elle lui rapporte $550 000. D'accord? Ce sont les positions. Je dis aux citoyens: Oubliez nos prétentions— les miennes — et oubliez celles des autorités de Laval. Mettez une croix sur les deux. Prenez le budget de la ville de Laval et constatez ceci. La municipalité augmente ses dépenses, cette année, de $25 000 000, elle augmente ses taxes de $15 500 000 et elle réussit à boucler son budget. M. le Président, je vous pose la question. Si vous augmentez vos dépenses de $25 000 000 cet année et n'augmentez vos revenus que de $15 500 000 et néanmoins, vous bouclez votre budget, il faut donc qu'il y ait une réforme qui soit passée par là pour laisser tomber $9 500 000. C'est cela, la démonstration très simple, M. le Président. Je ferme la parenthèse.

On dit que la loi de mon collègue, le ministre de l'Environnement, vient contraindre les municipalités à faire de l'épuration. Je dis: Pas tout à fait. C'est un organisme, une société qui va pouvoir agir en lieu et place des municipalités si celles-ci le désirent, premièrement. Deuxièmement, ce que le député de Laval n'a pas dit...

M. Lavoie: ... comme d'habitude.

M. Tardif: Ce que le député de Laval n'a pas dit, c'est que le gouvernement va assumer 90% des coûts de l'épuration.

Je vais lui poser la question suivante au député de Laval: Ne serait-il pas d'accord pour qu'une telle société puisse dépolluer si, par exemple, des cinq municipalités sises en amont de Laval, il y en avait quatre qui dépolluaient, qui épuraient leurs eaux et une qui n'épurait pas?

Le député de Laval serait le premier à me dire: Cela n'a pas d'allure, on a gaspillé, on a dépensé l'argent des contribuables pour épurer les eaux. Le député de Saint-Hyacinthe, le long de la rivière Yamaska, en sait quelque chose. S'il fallait que, parmi toutes les municipalités le long de la rivière Yamaska, il y en ait cinq qui dépolluent, qui épurent leurs eaux usées, et qu'il y en ait une qui dise: Moi, je continue à envoyer mes eaux usées dans la rivière, les autres gaspilleraient de l'argent. Que le gouvernement ait, à l'égard de cette municipalité, alors que l'ensemble des autres ont décidé de faire un effort pour dépolluer, un pouvoir contraignant, cela m'apparaît le gros bon sens, en l'occurrence. M. le Président, on a parlé... (18 h 20)

M. Lavoie: M. le Président, le ministre m'a posé une question.

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je suis prêt à répondre, très brièvement. Les mécanismes existent pour les municipalités pour réaliser des travaux conjoints, ils existent dans une loi que vous avez présentée il n'y a pas tellement longtemps. C'est un système supra-municipal entre les villes et ce n'est pas à des officines, à des régies, à des sociétés d'Etat — on en a assez, vous en avez créé 30 depuis quatre ans, des nouvelles régies, des sociétés d'Etat; il y en a déjà trop... Les municipalités elles-même sont capables de faire leurs propres travaux. Elles n'ont pas besoin de sociétés qui viennent de Québec pour faire les travaux.

M. Tardif: M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: J'espère que le civisme est à ce point avancé dans toutes les municipalités au Québec qu'on n'ait pas à utiliser ce pouvoir de contrainte. Mais l'ancien gouvernement, par les Services de protection de l'environnement, avait, de toute façon, jugé utile parfois d'émettre des ordonnances à l'endroit de municipalités qui ne se conformaient pas à ces règles minimales.

M. le Président, le député de Laval a dit, surtout en parlant de la réforme fiscale, parce qu'il a beaucoup parlé de cela au début, pendant presque tout son exposé: Tous les ministres des Affaires municipales que j'ai connus — j'en ai connu beaucoup — avaient comme objectif d'apporter de telles réformes. Je lui dis: C'est vrai; je ne mets pas sa parole en doute. Mais je dis qu'un seul a livré la marchandise et c'est celui qui vous parle.

Des Voix: Bravo!

M. Tardif: M. le Président.

M. Lavoie: On appelle cela de l'auto-encensement.

M. Tardif: Non, un sain réalisme, M. le Président.

Le député de Laval nous dit maintenant: II y a des bonnes choses dans cette loi et c'est pour cela qu'on va voter en faveur du principe du projet de loi, sauf qu'il dit: Les salaires ne sont pas assez augmentés. Je voudrais lui rappeler une chose. Ce que la loi prévoit, ce sont des petits salaires "planchers" qui permettent à un conseil de se voter une rémunération supplémentaire, compte tenu du temps que chacun peut consacrer à l'exercice de sa charge. Par exemple, il y a deux municipalités identiques de 75 000 âmes chacune; dans un cas le maire va décider d'oeuvrer à temps plein, de se consacrer à temps plein à sa charge; dans une autre municipalité de même population, le maire va continuer de garder son bureau de notaire et il est satisfait des émoluments "planchers " prévus dans la loi.

Si le conseil veut se voter une rémunération accrue en raison, justement, de l'effort qu'il fait, il pourra le faire sans aller au référendum, cette procédure qui donnait lieu à toutes sortes de discours démagogiques.

Autre mesure, M. le Président. Le député de Laval a fait des suggestions intéressantes, il dit: II ne faudrait quand même pas exiger des élus locaux plus que ce qu'on exige des députés sur le plan des déclarations d'intérêts. Je lui dirai ceci. D'abord, ce n'est pas pareil pour les élus locaux et les députés. Les députés n'administrent pas un rond; aucun des députés de cette Chambre n'administre un sou comme tel. On légifère, on ne dépense pas d'argent, alors que les élus locaux, eux, administrent des deniers publics. La deuxième distinction, c'est que, quant à nous, malgré cela, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous sommes donné des règles relativement aux déclarations d'intérêts. Tous les ministres, tous les députés, tous les candidats, tous les présidents d'exécutif du Parti québécois partout au Québec ont produit une déclaration d'intérêts.

Je vous dis, M. le Président, que cette initiative est ouverte à tous. Le député de Laval a fait un appel aux femmes, il a encouragé le ministre des Affaires municipales à faire de même. Je lui dirai que j'ai fait cela au dernier congrès de l'Union des municipalités et au dernier congrès de l'Union des conseils de comté l'automne dernier. Cela a produit les résultats suivants; sur 20 pages de discours, j'en avais huit consacrées à la condition féminine. On a dit: Le ministre charrie, il exagère. Néanmoins, l'appel a été entendu. Après les élections du mois de novembre, le nombre de femmes maires est passé de douze à dix-huit, au Québec, et celui des conseillères, de 250 à 313. Ce n'est pas une progression phénoménale, mais c'est quand même un progrès.

Le député de Laval nous dit: II faudrait aussi songer à introduire dans la loi quelque chose pour permettre du moins dans les plus grandes municipalités un appel à un "ombudsman" ou à une "ombudswoman", après ces remarques sur les femmes. M. le Président, je lui dirai, entre autres choses, que lors de mon voyage récent pour voir les projets d'habitations en Angleterre, je suis allé visiter l'ombudsman municipal, puisque cette institution existe là-bas. Je ne peux pas dire que je suis revenu particulièrement émerveillé de cette institution. Nous avons ici, au Québec, une foule d'organismes qui remplissent des fonctions d'appel qui peuvent entendre les griefs des citoyens et nous devrions les adapter. Cependant, je retiens sa suggestion quant à utiliser l'ombudsman provincial actuel. Parce que je pense qu'il y a quelque chose effectivement à gratter et à regarder à cet égard.

Le député de Laval a dit — avant de passer aux questions du député de Saint-Hyacinthe — que la taxe de vente rapportait beaucoup aux municipalités. Je lui dis ceci: II n'y en a plus sur les vêtements, les chaussures, le textile, les meubles, les plantes, les prothèses et sur un paquet d'autres affaires. Quand tu reçois 2% de taxe de vente qui n'existe plus, 2% de zéro, c'est zéro, de sorte que quand on a aboli la taxe de vente, un peu partout au Québec, bien oui, mais les municipalités auraient perdu des revenus et c'est cela que le député de Laval ne semble pas comprendre...

J'arrive au député de Saint-Hyacinthe qui nous dit que cette loi n'est pas une nouveauté, et, du même souffle, il nous dit: Le ministre nous arrive en pleine fin de session avec son projet de loi, côte à côte. Je dis au député de Saint-Hyacinthe... admettons que ce n'était pas dans le même paragraphe, et que c'était une phrase après l'autre. M. le Président, c'est vrai que tous les principes qui sont là étaient vus, connus. Le député de Saint-Hyacinthe, si ma mémoire est bonne, était présent à la conférence Québec-municipalités au mois de juin 1978 et je lui ai remis personnellement les jeux de plaquettes qui contenaient l'essentiel du projet de loi.

S'il y a une personne qui est mal placée pour dire que c'est du nouveau, c'est lui. En un sens, il l'a dit, ce n'est pas nouveau, mais d'un autre côté, il ne faudrait pas qu'il s'étonne qu'on l'étudie maintenant, parce qu'il y a eu un long processus de consultation et il y a eu, comme je dis, une évolution. Le député de Saint-Hyacinthe nous dit: Dans la loi 44 reprise par 105, on parle d'un découpage de la carte électorale avec des écarts de plus ou moins 15% d'un district à l'autre, alors que dans la Loi électorale du Québec, on parle d'écarts de plus ou moins 25%. Pourquoi ce manque de consistance, demande-t-il? C'est cela? M. le Président, il n'y a pas d'inconsistance de la part du législateur, au contraire, il y a prise de contact avec une réalité. C'est que dans une municipalité, comme pour faire des écarts entre les quartiers, il suffit parfois de déplacer d'une rue la démarcation entre un quartier et un autre, alors que pour la carte électorale du Québec, on ne découpe pas sur la base — sauf dans de très grands centres comme Montréal — une rue. C'est une municipalité en entier qu'on passe dans un district électoral ou dans un autre. Et parce qu'on déplace toute une ville, tout un village, toute une paroisse, on a besoin de marge de manoeuvre plus grande que celle des plus ou moins 15%. C'est la seule raison, parce qu'on ne coupe pas une ville en deux. Toute une municipalité appartient à un district électoral.

Evidemment, le député de Saint-Hyacinthe a posé une autre question en disant: Nous qui voulons à Saint-Hyacinthe être une ville modèle et nous conformer au projet de loi no 105 — il ne l'a pas dit comme cela, mais cela revenait à cela, d'après ce que j'ai cru comprendre — dans les plus brefs délais, est-ce qu'on devra respecter les délais prévus à l'article 3? Je lui ai dit non, pas dans son cas. Pour les années de transition que sont les années 1980-1981, c'est aux articles 121 et 121.1 qu'il faut aller. Le député se rendra compte à ce moment que des délais raccourcis sont prévus afin de permettre le découpage de la carte électorale et de se prévaloir des dispositions de la loi dès les prochaines élections.

Le député et maire de Verdun dit: II y a un problème de conflit entre le greffier et le président d'élection. Je dis: II n'y en a pas. Si précisément on a permis au greffier de se rapporter au président d'élection, c'était dans les cas possibles de conflits au cas où cette personne voulait des directives. A qui pouvait-elle s'adresser? Probablement au président d'élection. C'est lui, le greffier, qui pourrait décider, devant une situation conflictuelle, de demander des directives au président de sa propre initiative. (18 h 30)

Le député de Verdun a aussi parlé de la loi no 125 et je pense qu'il a glissé à un moment donné sur la question du vote des locataires, ou c'est le député de Saint-Hyacinthe qui a parlé de cela. De toute façon, je voudrais souligner que sur cette question on modifiera la loi no 125, et c'est très important. Et pour ceux qui auraient été tentés de remettre en question le rôle des locataires dans la prise de décision au niveau municipal, je voudrais simplement qu'ils demandent à leurs locataires dans leur municipalité respective s'ils ont regardé la formule TP-6 qu'ils ont reçue de leur propriétaire quant au montant des taxes qu'ils ont payées. Il y a tout à coup des locataires qui se sont rendu compte qu'ils avaient payé l'année dernière $300, $400 et $500 en taxes municipales, alors qu'ils s'imaginaient qu'ils n'en payaient pas. Comme par hasard, d'autres personnes s'imaginaient qu'elles n'en payaient pas et donc qu'elles n'avaient pas le droit de vote.

M. le Président, cette formule TP-6 a une valeur pédagogique considérable pour ce qui est de faire prendre conscience au citoyen, au locataire, qu'il est membre à part entière de cette communauté municipale et qu'il doit donc s'intéresser aux choses... Le député-maire de Verdun nous parle du cas de Saint-Léonard. Là, par un drôle de raisonnement, dont lui seul, j'imagine, connaît la clé, il nous dit: A cause du découpage en quartiers, le maire est en minorité. Est-ce que j'ai compris votre raisonnement?

M. Caron: Non.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Caron: Je m'excuse, ce n'est pas de cette façon que je l'ai dit. Je n'ai pas mentionné de ville, vous mentionnez Saint-Léonard; il y a d'autres municipalités.

M. Tardif: Le député-maire de Verdun a parlé d'une municipalité de l'île de Montréal où le maire est en minorité et c'est la seule.

M. Caron: J'aurais dû ajouter les banlieues aussi. Vous savez qu'à certains endroits le maire aussi a des problèmes. Ce n'est pas tout à fait la façon dont j'ai voulu le dire au ministre.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: Ce qu'il est important de souligner, c'est que selon la situation décrite, quand je dis "une municipalité de l'île de Montréal où le maire est en minorité", il n'y en a qu'une et c'est Saint-Léonard. L'autre, un peu plus loin, s'il veut être précis, c'est Longueuil. La situation est la suivante. Ce n'est pas dû à la loi 44, c'est dû au régime présidentiel d'un maire élu au suffrage universel et d'un conseil élu de la façon qu'on sait. Aux Etats-Unis, cela s'est déjà vu, un président démocrate et un congrès républicain ou l'inverse; c'est le propre du régime présidentiel et cela n'a rien à faire avec la loi 44 et le découpage en quartiers.

Dernier point relié au député-maire de Verdun, qui nous parle de la liste électorale permanente et d'un moyen d'identifier les électeurs, je ne sais pas si c'est par hasard que le député de Laval semblait perdu dans une rêverie, il ne regardait même pas du côté du député de Verdun à cette occasion...

M. Lavoie: Question de privilège, M. le Président.

Des Voix: Oh!

M. Lavoie: Le ministre m'accuse d'être rêveur, M. le Président, et vous connaissez trop mon côté réaliste pour cela!

Le Président: Ce n'est pas antiparlementaire.

M. Lavoie: Non, mais je vois venir le ministre. Si nous sommes en faveur d'une liste permanente, comme le député de Verdun l'a mentionné — il est vrai que nous sommes en faveur d'une liste permanente des électeurs qui pourrait servir à tous les niveaux — nous avons quand même apporté une opposition farouche à la loi 3 qui ne parlait pas d'une liste des électeurs, mais d'un fichier cumulatif de tous les citoyens du Québec. Nous sommes contre le fichage des citoyens. Nous avons d'ailleurs invité le ministre responsable à la Réforme électorale à apporter une formule de liste électorale permanente sans établir un fichier sur tous les citoyens du Québec, qui serait à la disposition des organismes gouvernementaux.

M. Tardif: M. le Président, je suis bien heureux de ces précisions du député de Laval qui nous a dit, premièrement, être d'accord avec une liste électorale permanente et, deuxièmement, je pense, d'accord avec des moyens d'identité qui ne seraient pas nouveaux ou ajoutés à ceux existants. C'est ce que le député de Laval nous dit? Enfin, d'identifier les électeurs — c'est cela — autrement, et qui ne soient pas des moyens nouveaux autres que ceux dont disposent les gens présentement. Je le comprends et moi non plus je ne suis pas intéressé à un système de fiches. Il reste néanmoins que cette question de la liste électorale, si elle était réglée, aiderait beaucoup le gouvernement du Québec, lors de ses propres élections ou

consultations, les municipalités et le monde scolaire.

En terminant, le député-maire de Verdun va plus loin que le projet de loi en nous disant: Vous devriez exiger une déclaration d'intérêts non seulement des élus, mais également des candidats aux élections. Je lui dis que rien n'interdit à une municipalité d'exiger des candidats... Qu'elle fasse un règlement local, qu'elle fasse une déclaration, qu'elle se donne des normes d'éthique, ce n'est pas interdit. La preuve, c'est que nous nous en sommes donné, nous, comme parti. Alors, les parties pourraient s'en donner.

Alors, M. le Président, voilà pour l'essentiel. Je constate avec beaucoup de plaisir, quoique l'Opposition soit très réduite, qu'elle est néanmoins là et d'accord pour approuver le principe de ce projet de loi qui, j'en suis convaincu, contribuera à l'avancement de la chose municipale au Québec.

Le Président: Merci, M. le ministre des Affaires municipales.

J'appelle maintenant la mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 105, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant la démocratie et la rémunération des élus dans les municipalités.

Je demande si cette motion de deuxième lecture sera adoptée.

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté. La troisième lecture...

M. Caron: A moins que le leader ne veuille avoir un vote enregistré. C'est à votre goût. C'est pour vous rendre service...

Renvoi à la commission des affaires municipales

M. Bertrand: Non, on n'y tient pas. Alors, M. le Président, je ferais maintenant motion pour que nous déférions ce projet de loi no 105 à la commission parlementaire permanente des affaires municipales.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Bertrand: M. le Président, avant de demander l'ajournement du débat, je voudrais dire au député de Laval qu'à la suite de la demande qu'il nous a faite, nous voulons confirmer une modification aux avis qui ont été donnés à la Chambre, à savoir que demain après-midi, à cinq heures la commission de la présidence du conseil et de la constitution ne se réunira pas pour étudier les crédits du ministre d'Etat à la Réforme électorale, mais bien lundi prochain, de six heures à six heures et demie environ ou sept heures; enfin, six heures, lundi, c'est confirmé. Alors, il y a une modification aux avis donnés à la Chambre. Pour le reste, M. le Président, je fais motion pour ajourner les travaux.

M. Caron: M. le Président...

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Caron:... avant que la motion soit adoptée, si j'ai bien compris, nous allons aller en commission parlementaire seulement mardi.

M. Tardif: Mardi.

M. Caron: Mardi. Bon, merci.

Le Président: M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux jusqu'à lundi prochain, quinze heures.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Vote. Adopté.

Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux à lundi, quinze heures.

Fin de la séance à 18 h 38

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