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(Dix heures douze minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je dépose le
rapport d'activité pour l'année 1979 de la Sûreté du
Québec.
Le Président: Merci, rapport déposé.
M. le ministre de l'Energie et des Ressources.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Décret et contrat d'achat par la SNA
des mines d'amiante Bell, Atlas Turner et Turner
Building Products
M. Bérubé: M. le Président,
conformément à l'article 16 de la loi 70, constituant la
Société nationale de l'amiante, il me fait plaisir de
déposer le décret portant le no 1355-80 du 11 mai 1980,
décret ayant trait à l'acquisition par la Société
nationale de l'amiante de trois entreprises, soit les mines d'amiante Bell,
Atlas Turner Inc., et Turner Building Products.
De plus, conformément à l'engagement qu'avait pris le
gouvernement, il me fait plaisir de déposer deux autres documents, soit
le contrat d'achat par la Société nationale de l'amiante des
trois entreprises que je viens de nommer et l'étude
réalisée conjointement avec la société Turner &
Newall pour établir la valeur de ces trois entreprises.
Le Président: Documents déposés. M. le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Répertoire des produits fabriqués au
Québec
M. Duhaime: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le répertoire des produits fabriqués au
Québec, préparé par le Centre de recherche industrielle du
Québec, 1980.
Le Président: Document déposé. M. le
ministre d'Etat à l'Aménagement. M. le leader
parlementaire-Dépôt de rapports de commissions élues. M. le
député de Châteauguay.
Rapport de commissions élues
Règlements découlant de la Loi
électorale 79, chapitre 56
M. Dussault: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue de l'Assemblée
nationale qui a siégé le 10 juin 1980 aux fins d'étudier
les règlements découlant de la Loi électorale, 1979,
chapitre 56, lesquels ont été adoptés avec des
amendements. Merci, M. le Président.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôts de rapports du greffier en loi sur les projets de
loi privés.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Rapport du greffier en loi sur les projets de loi
privés
M. Charron: M. le Président, j'en ai deux dont je devrai
saisir la Chambre ce matin. Tout d'abord, voici le rapport du greffier en loi
sur un projet de loi qui porterait le numéro 261, Loi modifiant la
charte du Crédit foncier franco-canadien. On dit que le projet est
conforme à l'avis et que l'avis est suffisant en nombre. Toutefois, il a
été déposé au secrétariat des commissions
après le jour d'ouverture de la session.
Je sollicite donc de l'Assemblée cette dérogation pour
pouvoir déposer le projet de loi, M. le Président. J'en fais
motion.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Chevrette: Adopté. Le Président:
Adopté.
M. Charron: De même, M. le Président, le greffier me
fait rapport sur un projet de loi qui porterait le numéro 263 qui
concerne la municipalité de Notre-Dame-de-la-Merci. Le projet a
également été déposé après
l'ouverture de la session. C'est une première dérogation que je
sollicite. Deuxièmement, la publication des avis paraîtra dans la
Gazette officielle le 14 juin et dans la Presse et le Journal de Joliette
à compter du 11 juin 1980.
Je sollicite donc cette dérogation pour pouvoir le déposer
quand même.
Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté. Les rapports seront
déposés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, le ministre de la Justice a
un nouveau projet de loi à présenter ce matin à
l'article... il est en appendice et je sollicite le consentement de la Chambre
pour pouvoir déposer ce projet de loi.
Une Voix: Consentement.
Projets de loi au nom du gouvernement
Projet de loi no 183 Première lecture
Le Président: II semble qu'il y ait consentement. M. le
ministre de la Justice propose la première lecture du projet de loi no
183, Loi pour favoriser la perception des pensions alimentaires.
M. le ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: Ce projet de loi propose diverses modifications
au Code de procédure civile, au Code civil et à la Loi sur l'aide
sociale. Les modifications au Code de procédure civile ont pour objet
l'établissement de mesures visant à favoriser la perception des
pensions alimentaires. Ainsi, le protonotaire de la Cour supérieure
pourra procéder à des saisies mobilières ou
immobilières et agir pour le créancier dans diverses
procédures visant à favoriser cette perception. On prévoit
également que les saisies-arrêts de traitement, salaire ou gage
demeurent tenantes non seulement pour les arrérages, mais aussi pour les
versements à venir de la pension et ce durant un an. On introduit
également la possibilité, dans certaines circonstances, de
suspendre la saisie.
Le projet de loi prévoit aussi que le tribunal pourra ordonner
à une personne de fournir au créancier d'une pension alimentaire
accordée par jugement des renseignements sur le lieu de résidence
ou de travail de son débiteur. Il prévoit, en outre,
malgré toute autre loi au contraire, la sai-sissabilité
jusqu'à concurrence de 50% des revenus du débiteur d'une pension
alimentaire et la possibilité pour le créancier d'être
payé par préférence sur la moitié des sommes
saisies.
Les modifications au Code civil permettent l'indexation des pensions
alimentaires. Elles fixent la prescription des arrérages de pension
à trois ans tout en permettant au débiteur qui désire
être libéré en tout ou en partie du paiement de la pension
d'invoquer, dans certaines circonstances exceptionnelles, des changements
survenus dans sa condition ou celle de son créancier depuis le
jugement.
Enfin, la Loi sur l'aide sociale est modifiée afin d'assouplir
les règles relatives à la subrogation prévue en faveur du
ministre des Affaires sociales.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je sollicite le consentement
également pour qu'un projet de loi qui apparaît en appendice au
nom du ministre d'Etat à la Réforme électorale puisse
également être déposé ce matin. (10 h 20)
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?
M. Levesque (Bonaventure): Consentement.
M. Chevrette: Ils n'ont rien à dire de l'autre bord.
Projet de loi no 111 Première lecture
Le Président: M. le ministre de la Justice propose la
première lecture du projet de loi no 111, Loi modifiant diverses
dispositions électorales.
M. le ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, l'article 1 de ce
projet de loi vise à modifier la Loi électorale pour permettre
l'inscription de l'électeur sur la liste électorale, le jour de
l'émission du décret. L'article 2 permet au directeur
général des élections de tenir un recensement à
l'époque qu'il détermine. L'article 3 permettra de tenir des
élections partielles en se servant des listes électorales faites
pour le scrutin du 20 mai dernier.
Le Président: Est-ce que cette motion de première
lecture sera adoptée?
Une Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. Charron: L'article d) du feuilleton, M. le
Président.
Projet de loi no 261 Première lecture
Le Président: M. le député de Laprairie
propose la première lecture du projet de loi privé no 261, Loi
modifiant la charte du Crédit foncier franco-canadien.
Est-ce que cette motion de première lecture sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Motion de renvoi
à la commission des consommateurs,
coopératives et institutions financières
M. Charron: M. le Président, je voudrais proposer que ce
projet de loi soit déféré à la commission des
consommateurs, coopératives et institutions financières.
Le Président: Est-ce que cette motion de
déférence sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président:
Adopté.
M. Charron: L'article c) du feuilleton, M. le Président,
s'il vous plaît.
Projet de loi no 263 Première lecture
Le Président: M. le député de
Joliette-Montcalm propose la première lecture du projet de loi
privé no 263, Loi concernant la municipalité de
Notre-Dame-de-la-Merci. Est-ce que cette motion de première lecture sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Motion de renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Charron: Je voudrais proposer que ce projet de loi soit
déféré à la commission des affaires municipales,
s'il vous plaît, M. le Président.
Le Président: Est-ce que cette motion de
déférence sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Temps des questions
orales.
M. le député de Mont-Royal.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
M. Ciaccia: Ma question s'adressait au ministre de l'Energie et
des Ressources; il était ici il y a quelques instants; est-il dans
l'Assemblée?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources?
L'adjoint parlementaire est présent, M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je préfère le ministre.
M. Charron: Commencez par la deuxième question.
Le Président: Pourrais-je solliciter votre concours pour
commencer par la deuxième question?
M. Forget: M. le Président, la deuxième question
s'adresse au ministre de l'Energie et des Ressources.
M. Scowen: Ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des
Ressources.
Le Président: Comme le ministre de l'Energie et des
Ressources n'est pas là, je vais passer à l'Union Nationale.
M. Forget: Le ministre de l'Energie et des Ressources
était ici, il a fait un dépôt.
Le Président: Je comprends que le ministre de l'Energie et
des Ressources était là tout à l'heure, on me dit qu'il
est au téléphone. Je pense qu'on ne peut pas perdre la
période des questions parce qu'un ministre est absent. Cela arrive tous
les jours.
M. Fontaine: J'en ai une au premier ministre. Où
est-il?
M. Cordeau: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe, en attendant.
Subventions pour chemins municipaux
M. Cordeau: M. le Président, je suis plus chanceux, le
ministre à qui je veux adresser ma question est présent en cette
Chambre. M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Transports. La semaine passée, je lui avais adressé une question
concernant les subventions pour les chemins municipaux et, dans sa
réponse, il nous informait que le cabinet des ministres et le Conseil du
trésor prendraient une décision incessamment et qu'il en ferait
part à cette Assemblée. Aujourd'hui, M. le Président, je
voudrais savoir du ministre si la décision a été prise et
quelles seront les modalités de ce programme.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: M. le Président, j'avais indiqué la
semaine dernière au député de Saint-Hyacinthe que le
dossier était actuellement à l'étude au Conseil du
trésor et que je devais rencontrer le ministre des Finances et le
président du Conseil du trésor pour arrêter les
modalités de ce programme. Je dois effectivement rencontrer mon
collègue ce midi et une décision sera vraisemblablement prise
dans le courant de la journée. Je pourrai donc annoncer les
résultats de ces conversations à cette Assemblée la
semaine prochaine.
M. Cordeau: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: ... étant donné que la décision
devrait se prendre vers l'heure du midi, est-ce que le ministre pourrait
revenir en cette Chambre cet après-midi et, à 15 heures, faire
une déclaration à cet effet afin d'informer tous les maires qui
attendent avec impatience la réponse du ministre? Je crois que la
plupart des députés en cette Chambre sont aussi
intéressés à connaître la décision qui sera
prise. Je demande donc au ministre s'il lui serait possible, dès que la
décision sera prise, de revenir à cette Assemblée afin de
faire part aux membres de cette Assemblée de la décision qui sera
prise.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: M. le Président, je comprends l'importance
du sujet. Cependant, on m'a informé que la réunion qui
permettrait de ratifier les propositions conjointes du ministre des Finances et
du ministre des Transports n'aura lieu que durant la soirée. C'est ce
qui explique que je ne pourrai, malheureusement pas, vous faire part de ces
décisions cet après-midi.
Le Président: M. le député de Beauce-Sud,
une question additionnelle.
M. Mathieu: Une question additionnelle, M. le Président.
Etant donné que c'est un sujet très important pour les
comtés ruraux, est-ce que le ministre pourrait nous certifier que les
montants qui seront alloués aux municipalités le seront assez
tôt pour que les travaux puissent être effectués dans les
municipalités au cours de l'année en cours 1980?
Le Président: M. le ministre des Transports. M. de
Belleval: Oui, M. le Président.
Le Président: Une question additionnelle, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Le ministre des Transports peut-il nous assurer
dès maintenant que ce programme d'aide aux municipalités sera
différent de celui du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche qui a permis à certains députés
péquistes, au cours de la campagne référendaire, de
distribuer des subventions à des organismes de loisir? Peut-il nous
donner l'assurance que ce programme d'aide financière aux
municipalités s'appliquera à tous les comtés, incluant
ceux représentés par des députés de l'Opposition,
contrairement au programme du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche?
M. Lessard: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Lessard: Tous les députés en cette Cham- bre ont
reçu une lettre leur indiquant qu'il y avait des disponibilités
financières dans le secteur des loisirs, et tous les
députés libéraux et de l'Union Nationale ont reçu
des subventions selon les recommandations qui m'ont été
données par les députés.
M. Gratton: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je mets en cause ce que vient de dire le ministre et
je lui donne un cas spécifique. Les personnes âgées du
secteur de Parc de la Colline, à Maniwaki, après que le ministre
m'eut refusé une subvention, ont reçu des mains de la ministre
des Travaux publics, députée de Hull, une subvention de $750, une
semaine avant la tenue du référendum, ce qui n'a pas
changé...
Des Voix: Ah, ah!
M. Gratton: Ce patronage n'a rien changé puisqu'à
cet endroit, le oui n'a eu qu'un seul vote!
Une Voix: $750 le vote! M. Gratton: $750 le vote!
Le Président: Mme la ministre des Travaux publics.
Mme Ouellette: Effectivement, M. le Président,
j'étais allée rendre visite aux gens de Place de la colline qui
me connaissent bien, étant donné qu'ils résident
présentement dans un édifice qui a été construit
par le gouvernement du Québec. Ces gens, parce qu'ils avaient
déjà fait la demande au député de Gatineau et
n'avaient pas eu de réponse, m'avaient demandé de
véhiculer une demande auprès de mon collègue...
M. Gratton: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Gatineau, on
n'intervient pas sur une question de privilège avant que la question de
privilège ne soit terminée.
Mme le ministre des Travaux publics.
M. Gratton: M. le Président, je m'excuse. Une question de
règlement. (10 h 30)
Le Président: Non, ni sur une question de
règlement. Je vais vous céder la parole immédiatement
après, M. le député de Gatineau.
Mme Ouellette: Donc, ces gens résidant dans le
comté de Gatineau n'avaient toujours pas eu de réponse. On a
dû s'adresser à moi et j'ai effectivement transmis la demande
à mon collègue, qui s'est empressé de répondre et
de leur offrir ce qu'ils réclamaient; c'était entre autres une
table de
billard que ces personnes du troisième âge
réclamaient pour leurs loisirs. Elles l'ont donc reçue parce que
le député de Gatineau ne s'en occupait pas, voilà!
Le Président: M. le député de Gatineau, en
espérant qu'on va mettre fin à la partie de billard.
M. Gratton: M. le Président, je veux bien mettre fin
à l'échange.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Mme la ministre vient d'avouer qu'elle a fait du
patronage au cours de la campagne référendaire. Elle
prétend que je n'ai pas répondu à la demande des citoyens
de la Place de la colline; au contraire, je leur ai répondu en leur
fournissant copie d'une lettre du ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche dans laquelle il me disait qu'il n'y avait aucun fonds disponible
pour le comté de Gatineau. Je termine en remerciant la ministre des
Travaux publics de s'être occupée de ce dossier; je suis tout
à fait heureux du résultat du référendum à
la Place de la colline comme dans l'ensemble du comté de Gatineau et je
suis sûr que le député de Hull aimerait bien en dire autant
du sien!
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des
Ressources.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
L'exploitation de la mine Belmoral
M. Ciaccia: Malgré que la situation de la mine Belmoral ne
soit pas encore sous contrôle, on a toujours espoir pour les personnes
concernées; cependant, il y a certains éléments,
portés à l'attention du public au cours des dernières
semaines, qui portent à croire que le gouvernement n'a pas pris toutes
les mesures qui s'imposent dans une activité qui comporte tant de
risques. Même si éventuellement il va y avoir une enquête et
que certaines recommandations seront faites, peut-être y aurait-il lieu
maintenant que le gouvernement prenne certaines mesures ou révise ses
procédures pour éviter d'autres situations ou d'autres accidents
semblables.
Ma première question au ministre de l'Energie je l'aurais
posée également au ministre de l'Environnement mais je ne le vois
pas à son siège est la suivante; Est-ce que la compagnie
Belmoral avait tous les permis nécessaires?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: La réponse à cette
question, M. le Président, c'est non; elle n'avait ni son bail minier,
ni son permis des Services de protection de l'environnement.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Alors, M. le Président, en question
supplémentaire, je pourrais demander, si la compagnie n'avait pas son
permis, son bail minier, pourquoi le ministère a laissé continuer
les travaux. Je voudrais porter aussi à l'attention du ministre
l'article 281, alinéa 4, de la Loi sur les mines qui prévoit que
le ministre peut exiger d'un exploitant, ainsi que de tout détenteur de
droits de mine engagé dans des travaux d'exploration, tout plan
nécessaire à une meilleure connaissance des gisements et des
travaux faits dans la mine pour la protection des ouvriers.
Je demande alors au ministre s'il peut nous dire s'il a exigé de
tels plans pour la protection des ouvriers.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Je peux dire que si la compagnie n'a pas
de bail minier, il faut quand même se référer à
l'article de loi 84, ou 94, de la Loi des mines, qui est explicite et qui dit
que le détenteur d'un claim minier a droit à un bail minier s'il
démontre la rentabilité de la mine. Or, je dois dire que
dès octobre 1978, la compagnie avait fait, à la satisfaction des
fonctionnaires du ministère, la démonstration que la mine
était économiquement exploitable compte tenu des prix de
l'or.
En d'autres termes, on peut dire que la compagnie minière avait
droit à son bail minier. Ce qui explique en même temps pourquoi,
du côté du ministère, on a donc accepté
l'exploitation comme telle, d'une part. D'autre part, soulignons
qu'effectivement il y a eu une inspection générale avant
même qu'il y ait exploitation de la mine, une inspection
générale de la mine, une analyse des plans d'exploitation par la
compagnie, de manière à déterminer les problèmes
généraux de sécurité. Les fonctionnaires qui ont
fait cette inspection n'ont pas relevé, à ce moment-là,
d'indice leur permettant de présumer qu'il y aurait des problèmes
concernant la sécurité dans la mine.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: II y a un autre article, M. le Président, que
je voudrais porter à l'attention du ministre, c'est l'article 295 de la
Loi sur les mines, qui prévoit que le ministre a le droit d'ordonner,
par écrit, à un exploitant ou à ses agents, de
remédier, dans le temps qu'il fixe, à tout état de choses
ou pratiques jugées dangereuses. Il peut, en ce cas, ordonner
l'arrêt de travail et l'évacuation de la mine jusqu'à
l'application des mesures qu'il juge satisfaisantes pour la protection des
ouvriers.
Il y a eu plusieurs rapports dans les journaux, par exemple, dans la
Presse de samedi, savoir qu'à la fin de janvier, un des chantiers de la
mine avait été fermé à la demande des mineurs parce
que le plafond leur tombait sur la tête morceau par morceau. De plus, une
semaine avant la tragédie, un contremaître dans la mine informait
l'un des
mineurs qu'un premier affaissement survenu au niveau 1 pouvait
entraîner une réaction en chaîne aux niveaux
inférieurs. Apparemment, les mineurs auraient déclaré que
la sécurité et la prévention étaient à
toutes fins utiles inexistantes.
Est-ce que les inspecteurs du ministère ont constaté que
ces conditions existaient ou n'existaient pas. Ces affirmations sont-elles
exactes ou si le ministre les contredit? Si ces affirmations sont exactes, il y
avait la question du bail minier pour lequel le ministre aurait pu exiger
certaines conditions. Pourquoi le ministre ne s'est-il pas prévalu de
l'article 295 et ordonné l'arrêt du travail jusqu'à ce que
ces conditions soient respectées? Pourquoi a-t-il permis que la
compagnie continue l'exploitation sans avoir reçu son permis? Le
ministre vient d'avouer qu'elle ne l'avait pas reçu. Le ministre peut-il
nous dire aussi si la compagnie avait son permis du ministère de
l'Environnement? Ce permis avait-il été refusé lui
aussi?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: A poser mille et une questions à
l'intérieur de la même question, il devient quasiment impossible
de répondre à toutes, parce qu'on finit par ne pas être
capable de les noter toutes. Je vais essayer de répondre tant bien que
mal à certaines qui m'ont frappé.
Le député de Mont-Royal dit que le ministre a le pouvoir
de faire des inspections et d'ordonner des correctifs à l'exploitation
de la mine. Effectivement, il y a eu quinze visites de la mine en question et
à chacune de ces visites, il y a eu un certain nombre d'anomalies, soit
dans le fonctionnement de certains appareils mécaniques, soit dans le
système électrique ou autre, soit au niveau, par exemple, de
bétonhage de galeries qui, comme j'ai cru le compendre, avaient
été observées et, à chaque fois, l'inspecteur des
mines, dans son rapport, a exigé de la compagnie des correctifs. Ces
correctifs ont été portés chaque fois, à ma
connaissance. Par conséquent, je n'ai pas pu voir, d'après
l'analyse des rapports que l'on m'a fournis, qu'il y ait eu des observations
faites par les inspecteurs des mines qui n'auraient pas été
corrigées et qui auraient amené le ministre a demander la
fermeture de la mine à la recommandation de l'inspecteur des mines. (10
h 40)
Je réponds donc négativement à la question que vous
venez de poser. Il n'y a pas eu d'indication à savoir qu'on devait
exiger la fermeture.
Quant aux faits allégués par le député de
Mont-Royal, je dois lui souligner que ces faits ont été
soulevés lors d'une enquête qui est présentement en cours,
menée par mon ministère, par l'inspecteur des mines et par la
Sûreté du Québec, enquête qui doit nous amener
à identifier les causes et également nous permettre de savoir si,
effectivement, on aurait pu prévoir les circonstances qui se sont
produites à la mine. Donc, les faits allégués par le
député de Mont-Royal sont des résultats d'une
enquête par mon ministère. Il est bien évident que si nous
nous convainquons que ces faits démontrent clairement que l'accident
était prévisible et que des mesures auraient dû être
prises, nous prendrons les moyens pour qu'un tel accident ne se reproduise
pas.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le ministre pourrait-il nous expliquer s'il y a une
condition dans la loi à savoir que la compagnie doit avoir un permis
d'exploitation? Ce permis peut être assujetti à des conditions,
parce que la loi vous donne le droit d'exiger des plans, des mesures de
sécurité. Comment se fait-il qu'une compagnie puisse exploiter
une mine ici sans avoir reçu un permis par écrit du
ministère incluant les conditions de fonctionnement et les mesures qui
devaient être prises pour la protection des ouvriers, d'après la
loi? Pouvez-vous expliquer ce fait?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: L'affirmation que le
député de Mont-Royal vient de faire est erronée.
Effectivement, la mine a dû soumettre un plan à l'inspecteur des
mines dans le domaine de la sécurité et ce plan, de même
que toutes les visites faites par l'inspecteur des mines, a comme objectif de
vérifier la sécurité de la mine. C'est une partie de la
Loi sur les mines concernant l'opération sécuritaire.
Il y a une autre partie de la Loi des mines qui est le bail minier. Or,
le bail minier veut simplement dire que l'exploitant a l'autorisation
d'exploiter un gisement commercial. Le seul critère qui est permis dans
la loi, c'est le critère de rentabilité économique,
c'est-à-dire que le détenteur du bail minier doit me faire la
preuve que cette mine est commercialement exploitable. Or, j'ai reçu,
dès le mois d'octobre 1978, un rapport, une étude, une demande de
la compagnie démontrant qu'effectivement cette mine était
économiquement exploitable et, la loi étant explicite à ce
sujet, elle a donc droit à son bail minier.
Les recommandations de mes fonctionnaires sont d'octroyer,
étaient d'octroyer le bail minier. La seule et unique raison pour
laquelle le bail minier n'a pas été émis est très
simple, c'est que, tant et aussi longtemps que le permis du ministère de
l'Environnement n'a pas été émis, il y a une entente
tacite entre nos ministères, à savoir qu'on s'assure, au moment
où on émet le bail, que tous les papiers sont émis en
même temps. Ce qui fait que le bail minier que j'aurais pu
délivrer il y a maintenant deux ans n'a pas été
délivré parce qu'on attend que le ministère de
l'Environnement ait eu le temps de faire les études
appropriées.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Léger: M. le Président, à trois occasions
on a parlé du ministère de l'Environnement. J'aime-
rais donc compléter les explications du ministre de l'Energie et
des Ressources concernant le secteur de l'environnement.
Il est exact que le 20 mars 1980 le ministère de l'Environnement
a demandé à la mine des explications précises concernant
la façon dont les exploitants de la mine entendaient protéger
l'environnement, c'est-à-dire s'ils vont s'assurer qu'il n'y aura pas de
déversement dans les rivières, s'ils vont faire connaître
la façon dont ils ont l'intention de faire leur stockage des
déchets et la façon dont ils vont s'assurer la restauration
après l'exploitation. Ce sont des informations régulières
que le ministère de l'Environnement exige à celui qui demande un
certificat d'autorisation pour s'assurer qu'on ne détériorera pas
l'environnement en exploitant le gisement. Donc, cette demande a
été faite le 20 mars 1980 et, jusqu'à présent, nous
n'avons reçu aucune réponse. Le ministère, après
deux ou trois mois, quand il voit que la mine ne réagit pas,
écrit à nouveau pour dire que cela prend absolument ces
renseignements avant d'émettre un certificat.
Donc, je peux dire que nous n'avions eu aucune réponse des
propriétaires de la mine concernant ces renseignements. Il n'y avait
rien qui prouvait qu'ils n'auraient pas respecté la qualité de
l'environnement. Donc, il n'y a rien qui nous disait qu'il fallait leur enlever
ou leur refuser le permis, on attendait ces renseignements. Finalement, je dois
dire quand même qu'au niveau du permis délivré par le
ministère de l'Environnement, il n'y a aucun lien avec la
sécurité et la qualité de l'environnement, le lien porte
uniquement sur la façon dont se comportera un exploitant quant à
la façon de gérer ses déchets.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Ciaccia: M. le Président, une courte question
additionnelle.
Le Président: M. le député de Mont-Royal,
rapidement, brièvement.
M. Ciaccia: Brièvement. Est-ce que le ministre de
l'Environnement et le ministre de l'Energie et des Ressources nous disent que,
malgré le fait qu'on ne respecte pas les lois et qu'on fait des
demandes, on n'accorde pas le permis et on permet à ces compagnies
d'être en activités?
Est-ce que le ministre de l'Energie et des Ressources nous dit que,
automatiquement, il est obligé de donner un bail minier sans respecter
les autres termes de la loi, à savoir exiger des plans pour la
sécurité des travailleurs. Est-ce que c'est cela que les deux
ministres nous disent, que les compagnies du Québec, dans ce domaine,
peuvent, sans respecter la loi, tout en n'ayant pas de permis, continuer leurs
activités; cela fait deux ans que se poursuit ce travail, le ministre ne
l'arrête pas et ne fait pas respecter les termes de la loi? C'est cela
que vous dites?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, le
député de Mont-Royal n'a jamais lu la loi que son parti a
rédigée concernant l'exploitation des mines. Si jamais il se
donne la peine de lire la loi, il va voir que l'exploitant...
M. Ciaccia: M. le Président, question de
privilège.
J'ai lu la loi, je l'ai devant moi. L'article 84, auquel se
réfère le ministre, prévoit qu'on donnera un bail si la
mine est économiquement rentable; cependant, la même loi, à
l'article 294, impose l'obligation au ministre, avant d'accorder un permis,
d'exiger certains plans. Je l'ai lue, cette loi, c'est le ministre qui...
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources, rapidement, s'il vous plaît!
M. Bérubé: M. le Président, dans l'article
que le député de Mont-Royal a lu, il est indéniable que le
ministre, un fonctionnaire, l'inspecteur des mines peut demander la fermeture
d'une mine qu'il ne juge pas sécuritaire; cela s'applique à
n'importe quelle mine, qu'elle ait un bail ou non. En d'autres termes, toute
mine au Québec jugée non sécuritaire peut être
fermée sur l'ordre du ministre lorsqu'elle est jugée non
sécuritaire. Cela, c'est un aspect de la loi.
Le bail minier est prévu à l'article 84, et tout ce que
dit l'article 84, c'est que le détenteur d'un "claim" qui fait la preuve
que la mine est économiquement rentable a droit à son bail. Par
conséquent, l'exploitant qui a fait la démonstration que la mine
est économiquement rentable a droit à son bail; c'est tel quel le
texte de la loi.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: M. le Président, ma question est sur le
même sujet, mais j'aimerais la poser au premier ministre, s'il vous
plaît. Evidemment, je sais que le ministre de l'Energie et des Ressources
suit la chose de près, d'une façon administrative, mais cette
histoire prend une ampleur qui doit dépasser l'administration du
ministère.
En effet, à la même mine, il y a six mois, M. Gaston Morin,
un mineur de 25 ans d'expérience, a été tué. Dans
les mines, il y a eu dans le passé beaucoup d'accidents mortels. Il y a
une trentaine d'années, par exemple, à la East Malartic, douze
mineurs ont péri du même coup; là, on se retrouve avec
huit. Je pense que cela dépasse les enquêtes administratives et
que cela doit aller plus loin maintenant.
Je demande au premier ministre s'il a l'intention de répondre aux
demandes faites par les Métallos unis d'Amérique, par Mgr
Jean-Guy Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda, par Mgr Gérard
Drainville, évêque d'Amos, réclamant l'institution d'une
commission d'enquête sur la sécurité dans les mines.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, il n'est
pas possible de minimiser le côté tragique de ce qui est
arrivé. Il y a pour l'instant en attendant que ça aille
plus loin, forcément on n'a pas besoin de se faire de dessin, quand on
sera rendu au bout de ce qui est désormais presque incontestablement une
tragédie, on pourra aller plus loin comme l'a dit le ministre,
une enquête est en cours. Je crois que c'est la façon normale de
procéder. Pour ce qui est d'instituer une commission d'enquête, si
cela paraît indiqué, certainement, ça peut se faire.
D'autre part, je ferais remarquer au député de Rouyn-Noranda
qu'on est en même temps, après Dieu sait pas mal d'études
et pas mal de discussions, en train de mettre sur pied la commission qui va
régir la Loi sur la santé et la sécurité des
travailleurs et qui doit intensifier la coordination des inspections, la
coordination de toutes les questions qui concernent la sécurité
et la santé, et en particulier, je n'ai pas besoin non plus de le
souligner, dans des domaines particulièrement exposés comme peut
l'être le domaine minier. (10 h 50)
Au point où on en est, j'aimerais mieux garder en suspens la
réponse finale que je pourrais faire à la question du
député de Rouyn-Noranda, et en même temps aux
métallos et aux autres intervenants, parce qu'on est dans un contexte
où peut-être ce ne sera pas nécessaire, mais il est fort
possible que cela le devienne. Je ne le sais pas encore.
M. Samson: M. le Président, une dernière question
supplémentaire, s'il vous plaît.
Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda,
très brièvement.
M. Samson: Le sujet étant très important, je
demanderais au premier ministre s'il ne veut pas considérer
l'à-propos d'instituer cette commission d'enquête
spécifiquement sur le problème minier. J'aurais peur que, dans
l'autre contexte que le premier ministre vient d'évoquer, cela soit
noyé. Pour le moment, il y a un problème grave et surtout on doit
prendre en considération qu'il y a d'autres mines qui vont ouvrir, parce
que la course aux mines d'or est entreprise et Dieu sait s'il y a du monde qui
est pressé d'aller faire de l'argent! Cela ne me réconforte pas
tellement et je voudrais ajouter, à ceux que j'ai nommés, que je
demande aussi, en tant que député représentant de la
population, cette enquête, cette commission d'enquête sur cette
question spécifique. Je suis pas mal sûr d'avoir l'appui de mes
collègues d'Abitibi-Est, d'Abitibi-Ouest et de
Pontiac-Témiscamingue sur ce sujet. Est-ce qu'on peut avoir une
réponse, M. le Président?
Le Président: M. le député de Saint-Laurent.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Quand même que le
député ajouterait sa voix et tout le poids qu'il peut avoir
à ce qu'il a dit avant à propos des intervenants, la
réponse doit être la même jusqu'à nouvel ordre. Ce
n'est pas exclu.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
Articles confidentiels dans le contrat d'achat
d'amiante Bell
M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des
Ressources, M. le Président. Le ministre vient de déposer,
conformément à la loi, l'arrêté ministériel
ainsi que le contrat par lequel le gouvernement ou plutôt la
Société nationale de l'amiante se porte acquéreur de la
société Bell Asbestos. On se demande un peu pourquoi le
gouvernement, qui a si peu de succès à surveiller les
activités d'une mine privée, se porte lui-même
acquéreur d'une mine, mais les documents qui viennent de nous être
remis, M. le Président, ne disent pas, malgré tout, toute la
réalité relativement à cette transaction. J'aimerais
demander au ministre les questions suivantes: Premièrement, comment
expliquer que, dans un contrat remis à l'Assemblée nationale,
pour une transaction qui est déjà effectuée donc,
il ne s'agit pas de bouleverser, d'aucune façon il y ait deux
longues clauses qui demeurent secrètes? Ne pourrait-il pas nous
éclairer sur la teneur de ces clauses secrètes.
Deuxièmement, ne serait-il pas convenable que la lettre
d'intention qui a été échangée le 8 mai dernier,
seulement onze jours avant le document final, soit aussi l'objet d'un
dépôt et quelle en est la teneur?
Troisièmement, n'est-il pas vrai que le gouvernement, dans le but
de financer cette acquisition, a fait une opération financière,
un emprunt qui se chiffre à plus que le montant de $35 000 000
nécessaire pour compléter l'achat et que le montant additionnel
qui aurait été obtenu par le gouvernement auprès des
institutions financières privées aurait pour but, en particulier,
de combler le déficit du fonds de roulement de cette
société, déficit d'ailleurs qui apparaît aux
états financiers qui ont été déposés et qui
est relaté à la page 15, entre autres, et dans les annexes qui
nous ont été remises?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, concernant la
remarque liminaire du député de Saint-Laurent qui, avec sa
mesquinerie habituelle, a profité de l'occasion pour lancer une petite
attaque un peu basse, en parlant du peu de succès à surveiller
les mines, je dois souligner, M. le Président, en réponse
à cette attaque, que l'Opposition libérale a voté contre
la Loi sur la santé et la sécurité dans le monde du
travail, une loi essentielle pour régler justement des problèmes
comme ceux qu'il décrit. Ils sont dans le genre pompier.
M. Forget: Question de règlement. La question ne porte pas
là-dessus. Si le ministre veut
reprendre ce débat, nous le ferons avec un grand plaisir.
Le Président: Très bien.
M. le ministre de l'Energie et des Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, c'est le genre
pompier qui s'excite et qui s'énerve quand le feu est pris, mais...
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources, s'il vous plaît. M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: ... quand il s'agit de prévoir
pour l'avenir, à ce moment-là on est contre la prévision,
mais on est bon pour s'exciter dans le genre pompier. C'est un très bel
exemple. Si le député de Saint-Laurent n'avait pas fait de
remarques liminaires mesquines, je n'aurais pas cherché à lui
répondre. Mais seulement, là, il s'est attiré la claque
dans la figure.
M. Forget: C'est un succès!
M. Bérubé: Concernant les nos 3.28 et 3.8 du
contrat...
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Concernant ces deux articles du contrat,
nous avons effectivement décidé de ne pas les divulguer pour
plusieurs raisons. La première, c'est qu'ils mettaient en cause la
capacité concurrentielle de la compagnie mère Atlas Turner qui se
serait trouvée à livrer à des concurrents certaines
clauses leur permettant d'avoir accès à de l'information
privilégiée concernant les opérations de la compagnie.
Egalement, cela aurait pu mettre en cause la capacité concurrentielle de
notre propre société, les mines d'amiante Bell, dans la mesure
où également nos concurrents auraient pu y trouver des
éléments leur permettant de mieux comprendre la situation
financière de l'entreprise. Aussi, nous les avons donc
éliminés.
Nous n'avons jamais dit, d'ailleurs, même si nous nous sommes
engagés à dévoiler tous les documents à
l'Assemblée nationale, que nous dévoilerions des documents
susceptibles de miner la rentabilité de nos sociétés
d'Etat. Je pense que même les députés de l'Opposition
reconnaîtront que c'était la pratique courante lorsqu'ils
étaient au pouvoir. Il s'agit quand même de garder une certaine
capacité concurrentielle à nos sociétés. Donc, nous
donnons tous les renseignements que nous sommes capables de fournir dans la
mesure où cela ne peut pas donner aux concurrents un avantage
particulier.
Concernant le montant emprunté, je ne suis pas en mesure de
vérifier si, effectivement, la Société nationale de
l'amiante a emprunté plus que le montant en question. Je sais,
cependant, qu'il y a une opération assez complexe reliée à
un problème de liquidités que possédait la compagnie
Amiante Bell, que le gouvernement ne voulait pas récupérer et
qu'il fallait trouver moyen de transférer à la
société mère dont nous ne voulions pas acheter le
coffre-fort, en d'autres termes. Ceci nous amenait à prévoir dans
la transaction un montant supérieur au prix payé pour la
compagnie que nous retrouvions sous forme de liquidités. Mais cela n'a
rien à voir avec un problème de déficience de fonds de
roulement; au contraire, c'est un problème de surplus de fonds de
roulement accumulé dans les coffres de l'entreprise.
Quant au troisième point, malheureusement, je n'ai pas pu le
noter.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, les arguments du ministre
je ne peux pas les qualifier de réponses ne sont pas
tellement convaincants. Relativement à l'une des clauses secrètes
au sujet de laquelle il dit que ce serait dévoiler la position
concurrentielle, il faut qu'il tienne compte du fait qu'elle est placée
à la fin totalement du document où on parle des engagements
réciproques à la date de clôture, moment de paiement, etc.
Je ne vois pas comment il serait imaginable de conclure que, dans cette
disposition placée à la fin du contrat, on révèle
quoi que ce soit. Le ministre fait une affirmation formelle. J'espère
qu'il fait une affirmation véridique, parce que nous aurons
peut-être l'occasion d'y revenir.
Pour ce qui est de la troisième question qu'il a oubliée,
il s'agissait d'avoir la copie également de l'échange, de la
lettre d'intention du gouvernement pour pouvoir en vérifier le contenu.
Finalement, le ministre prétend qu'il n'a pas voulu acheter le
coffre-fort de la compagnie. Bien, le coffre-fort de la compagnie était
passablement vide. Je le réfère au début de la page 16 du
document qu'il a déposé ce matin où l'on dit que non
seulement il y a un déficit du fonds de roulement de $2 015 000, mais
qu'il y a aussi des avances bancaires se chiffrant par $8 746 000. L'avoir des
actionnaires c'est ce que l'on a acheté, en définitive
se chiffrait par $16 000 000 et on l'a payé $35 000 000.
M. Bérubé: Quel bon comptable!
M. Forget: II est remarquable, ce jugement du ministre, et
j'aimerais bien qu'il nous concilie ces chiffres.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
dois-je vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'une période de débat?
Je vous demanderais de formuler votre question. (11 heures)
M. Forget: Ma question est la suivante: N'est-il pas vrai qu'il y
a effectivement un déficit aux états financiers et que le
déficit a dû être comblé au moment de l'achat, par le
gouvernement, en plus du prix d'achat? Deuxièmement, n'est-il pas vrai
que pour ce qui est des perspectives immédiates de rentabilité de
cette entreprise, elle dirige actuel-
lement une chaîne de production de panneaux de refroidissement
qu'elle livre à des centrales nucléaires américaines
à l'intérieur d'un moratoire de trois mois et qu'à l'issue
de ce moratoire, elle devra stopper la production et sacrifier la mise de fonds
considérable dont on parle également dans les états
financiers qu'elle a dû faire pour mettre en route cette
production en 1979? Ceci à cause des règlements de
l'environnement américain qui lui interdisent de continuer la production
de ces panneaux.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Comme il s'agit de plusieurs questions
fort techniques, je m'assurerai d'avoir tous les éléments en main
de manière à pouvoir répondre...
M. Lalonde: Vous ne connaissez pas les réponses?
M. Bérubé: ... sans la moindre erreur ou
défaillance de mémoire de ma part. Il y avait au moins sept
points différents; si le député de Saint-Laurent voulait
limiter ses questions à un ou deux points, je serais peut-être en
mesure d'y répondre.
M. Forget: Je vais clarifier au maximum. Il y a deux choses. On a
acheté une compagnie qui avait un déficit de fonds de roulement,
premièrement.
M. Lalonde: Vous ne pouvez pas répondre?
M. Forget: Deuxièmement, on achète une compagnie
dont les perspectives commerciales sont pour le moins assombries par les
règlements de l'environnement qui la forceront à interrompre la
production de sa plus importante ligne actuellement.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Si on examinait soigneusement les
documents qui sont là, on verrait que le prix payé pour Atlas
Asbestos c'est l'usine à laquelle fait allusion le
député de Saint-Laurent est très faible. En effet,
nous payons un montant de l'ordre d'environ $3 000 000 pour une usine employant
500 travailleurs, alors que pour une mine, Bell Asbestos, qui emploie
essentiellement le même nombre de travailleurs, nous payons tout
près de $30 000 000 ou un peu plus. En d'autres termes, ce que cela veut
dire, c'est que pour deux entreprises employant essentiellement le même
personnel, on s'aperçoit que dans un cas on paie dix fois moins.
Pourquoi?
Nous payons dix fois moins parce que cela apporte beaucoup moins de
profits. En d'autres termes, dans le cas d'Atlas Asbestos, nous avons
payé l'entreprise très bon marché parce que c'est une
entreprise et c'est indéniable qui est marginalement
rentable.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
L'option constitutionnelle du premier ministre
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au premier ministre. Dans un journal de samedi dernier, le ministre des
Finances donnait trois conditions pour prévenir un divorce entre le PQ
et le premier ministre lui-même. Ces trois conditions étaient les
suivantes: La première, que le vote du 20 mai soit
considéré comme un signal de la part de la population
appelée à se prononcer démocratiquement; la
dernière était que conformément au vote qui a
été exprimé, si le Québec peut obtenir de la part
d'Ottawa de meilleurs arrangements, il ne serait pas raisonnable de ne pas
chercher à les obtenir, et la deuxième, que le parti soit
convaincu que, sur le plan des convictions, les convictions du gouvernement
n'ont pas changé.
Cette exigence vient en contradiction directe avec une affirmation faite
ici même la semaine dernière, à l'Assemblée
nationale, alors que le premier ministre disait que l'option du Parti
québécois n'était pas un absolu. Dans un premier temps,
est-ce que le premier ministre peut nous affirmer que l'option de la
souveraineté-association n'est plus l'objectif poursuivi par le
gouvernement du Québec à cause de la décision
démocratique des Québécois et par respect pour cette
décision? Dans un deuxième temps, est-ce que le premier ministre,
qui est en conflit idéologique ouvert en cumulant à la fois le
poste de président du Parti québécois et de chef du
gouvernement, profitera du conseil national de son parti, qui a lieu en fin de
semaine, soit pour annoncer sa démission comme président du parti
ou pour démissionner comme premier ministre du Québec? C'est le
choix!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Quand j'écoute le
député gratter pour voir s'il ne trouverait pas beaucoup de
choses dans notre plomberie, j'ai l'impression qu'il court des risques à
son congrès, qui a lieu le même jour, en fin de semaine. Il
devrait s'occuper de sa cuisine et laisser tranquille celle des autres.
Pour ce qui est, je pense, du seul aspect clé de la question
enfin, le député me corrigera si je me trompe je
n'ai pas l'intention de démissionner comme président du Parti
québécois, pour la bonne et simple raison...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Expliquez-la moi que je rie aussi,
je ne l'ai pas entendue.
M. Rivest: On n'a pas applaudi fort derrière vous.
M. Lévesque (Taillon): C'est peut-être une des
raisons pour lesquelles j'hésite, à l'occasion, à reposer
ma candidature, si vous voulez, au moment des congrès du parti. Parce
que c'est évident que cela me force, si vous voulez, à tenir deux
rôles en même temps, qui deviennent très lourds quand on est
au gouvernement. C'est la seule chose que je voulais dire spécifiquement
quand j'en ai parlé à des journalistes qui m'ont posé
cette question. Réflexion faite, il est normal, cela fait partie d'un
devoir d'Etat, je pense, de continuer jusqu'au prochain congrès
régulier du parti, alors que la question se posera de nouveau, ce qui,
également, est logique.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Le premier ministre n'a pas répondu à
la question de fond, à savoir que le ministre des Finances dit: La
souveraineté-association est encore un objectif du gouvernement, alors
que le premier ministre, en Chambre, a déclaré que ce n'en
était plus un.
Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire,
étant donné qu'il désire conserver son poste de
président du parti et celui de premier ministre, si lui-même ou
ses fidèles militants, peut-être plus conservateurs que d'autres,
vont proposer des amendements au programme du Parti québécois
pour enlever le principe à l'accession à
l'indépendance?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, cela
appartient, dans un parti démocratique je pense que c'est comme
cela, sûrement, qu'on devrait fonctionner aussi dans l'Union Nationale en
fin de semaine aux militants, aux délégués à
un congrès du parti.
Maintenant, pour ce qui est de ce pseudoproblème de fond que voit
le député, ce que j'ai dit à propos de notre option
et je l'ai répété à Ottawa, il n'y a pas de
mystère là-dedans c'est qu'à mon opinion
personnelle elle devrait demeurer ce qu'elle est parce que c'est non seulement
une option légitime dans l'action politique, tout le monde a des
options et doit avoir des perspectives mais cela peut devenir
éventuellement on n'est pas plus prophète l'un que l'autre
une direction non seulement souhaitable pour le Québec mais
peut-être souhaitable pour le Canada. Cela reste à voir. On s'en
va dans des négociations qui, comme on le sait, sont déjà
complexes en commençant, et ce n'est pas nouveau. On ne sait pas
où cela va nous mener.
Tout ce que je peux dire, et je le répète aussi, c'est que
cette option politique d'un parti, le gouvernement qui représente ce
parti, après le vote du 20 mai et sûrement jusqu'à nouvel
ordre, n'a pas le droit ni de la pousser activement, ni de s'en servir comme
arrière-plan dans des négociations qui doivent se faire de bonne
foi.
M. Fontaine: Est-ce que vous allez demander à M. le
ministre des Finances d'adopter cette attitude également?
M. Lévesque (Taillon): On réglera nos
problèmes; réglez les vôtres!
Le Président: Je vous signale qu'il reste une minute.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Au sujet d'un document sur le sel des
Iles-de-la-Madeleine
M. Scowen: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Richesses naturelles. Avant-hier, en réponse à une
question sur les mines de sel des Iles-de-la-Madeleine, le ministre a dit, et
je cite: "Le fédéral avait signé une entente avec le
gouvernement du Québec dans laquelle un montant d'environ $33 800 000 a
été prévu pour un projet et explicitement un projet aux
Iles-de-la-Madeleine. Il s'agissait de financer l'implantation de
l'infrastructure portuaire à Leslie ou, du moins, dans l'environnement
immédiat de la mine de sel." Je cite encore: "En dépit du fait
que cette subvention avait été approuvée dans le cadre de
l'entente que j'ai ici sous les yeux et cette entente a
été signée par MM. Marcel Lessard et Marc Lalonde
et explicitement prévoyait les montants pour les travaux en question,
effectivement le gouvernement fédéral a décidé
qu'il ne subventionnerait pas ce dossier." Je cite encore: "Je ne sais pas ce
que valent les signatures de deux ministres du gouvernement d'Ottawa." (11 h
10)
Le député de Rouyn-Noranda a demandé au ministre de
déposer ce document en Chambre, ce qu'il a fait. On a
étudié ce document signé par MM. Lessard et Lalonde et il
ne fait aucune allusion à un projet à Leslie ou aux
Iles-de-la-Madeleine en dépit du fait qu'il y ait une liste de 46
projets dans l'entente. On a pris la peine de communiquer avec le MEER pour
savoir s'il existait une entente signée dans le cadre de cette entente
auxiliaire, et cela a été nié par le
fédéral.
M. le Président, vu que le document déposé, que le
ministre a cité, ne contient pas une référence à
l'entente qu'il a décrite, et tenant compte du fait que le
fédéral a nié hier l'existence de cette entente, le
ministre peut-il nous dire si le fédéral a menti ou le ministre
peut-il admettre qu'il a lui-même induit la Chambre en erreur et
déposer le document dûment signé par le
fédéral pour le projet à Leslie?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il
faut lire les documents soigneusement et en comprendre tout le sens. C'est pour
cette raison, d'ailleurs, que je les ai déposés à
l'Assemblée nationale de manière à permettre à
l'Opposition d'en prendre connaissance. Elle aura vu, d'une part, dans
l'entente, au volet 3, un montant de $35 800 000. Elle aura vu également
dans l'arrêté ministériel qui a été
adopté par le gouvernement du Québec, que les $35 800 000 ont
été décomposés ainsi: $20 000 000 pour Leslie
en passant, Leslie est le
port qui était envisagé à l'époque du
côté de la mer, alors qu'on a finalement choisi d'aborder le
déchargement par la lagune et elle verra que le gouvernement
prévoyait $20 000 000, spécifiquement pour les infrastructures
aux Iles-de-la-Madeleine en rapport avec le projet des Iles-de-la-Madeleine.
Elle aura vu également que ce que le gouvernement du Québec
prévoyait dans l'arrêté ministériel, soit $35 800
000, on le retrouve textuellement comme montant c'est ce que j'ai voulu
dire prévu au volet 3. Il est donc indiqué là. J'ai
également déposé un rapport des fonctionnaires qui indique
que dans toutes les discussions qui ont eu cours entre les fonctionnaires des
deux gouvernements, il était toujours explicitement entendu que l'on
négociait sur un certain nombre de projets dont le projet des
Iles-de-la-Madeleine et que dans l'esprit des fonctionnaires qui faisaient la
recommandation à leur ministre, le projet des Iles-de-la-Madeleine
était inclus.
Troisièmement, je n'ai pas déposé, mais j'aurais
également pu déposer une lettre de M. Lasalle, fonctionnaire du
MEER, à nos propres fonctionnaires, dans laquelle il fait très
explicitement allusion à ce dossier, demande certains renseignements
concernant le projet et indique l'intention du gouvernement
fédéral d'y participer. En d'autres termes, les
négociations au niveau de nos fonctionnaires concernant ce projet
avaient prévu $20 000 000 pour le projet de Leslie. Nos fonctionnaires
ont demandé au Conseil des ministres d'inclure $20 000 000 dans le cadre
de l'entente et les fonctionnaires du MEER indiquent à leur propre
ministre que chaque fois qu'il y a eu une négociation de l'entente, il y
a toujours eu encore entre les deux niveaux de gouvernement, entre les deux
paliers au niveau de l'administration concernant ce projet... Sauf que ce que
le député remarquera, c'est que dans les projets, dans les
montants, on s'entend sur les enveloppes, mais il n'est pas
spécifiquement dit qu'on va faire tel et tel petit bout de tuyau. On
s'entend sur une enveloppe. C'est une entente globale.
Le Président: Fin de la période des questions. Nous
en sommes aux motions...
M. Scowen: M. le Président, question de privilège,
s'il vous plaît!
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je vous signale qu'il y a une motion de votre parti
et je ne voudrais pas qu'on prenne trop de temps parce que c'est une
matière importante. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, cette réponse est
nettement insuffisante.
Des Voix: Oh!
M. Scowen: Le député a dit qu'il existait une
entente. Peut-il dire aujourd'hui s'il existe une entente signée...
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je vous réfère au règlement de
l'Assemblée nationale qui dit explicitement et très clairement
qu'on ne peut pas commenter la réponse d'un ministre. Il y a des
dispositions de notre règlement qui vous permettent de procéder
différemment si vous voulez pousser plus loin l'interrogatoire.
Aux motions non annoncées.
M. Scowen: M. le Président, c'est une question de
privilège.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, sur votre question de privilège, en vous
demandant de ne pas abuser de la question de privilège.
M. Scowen: Je veux simplement dire, M. le Président, qu'il
est très clair que le ministre a induit la Chambre en erreur.
Des Voix: Ah!
Motions non annoncées
Le Président: Motions non annoncées. M. le
député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, je pense qu'il est
souhaitable que, de temps à autre, ici même, se manifeste une
volonté unanime de tous les membres de cette Chambre. Je suis convaincu
que c'est ce qui va se produire à propos de cette motion.
Je fais motion, M. le Président, pour que cette Assemblée
demande au chef de l'Opposition officielle de remettre au Trésor public
les sommes d'argent que son parti politique a recueillies dans sa caisse
électorale à partir des contrats publics obtenus par certaines
firmes...
Le Président: M. le député de
Lac-Saint-Jean, il n'y a pas consentement.
M. Brassard: M. le Président, il n'y a pas
consentement.
Des Voix: Non.
Une Voix: II n'a pas fini.
M. Brassard: Ah bon!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: A l'enregistrement des noms...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, un
instant.
Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Même si c'est l'anniversaire de
naissance du député de Lac-
Saint-Jean, je pense bien qu'il vient, à ce moment-ci, d'abuser
des privilèges de la Chambre. On aimerait lui souhaiter un bon
anniversaire.
Des Voix: Ah!
Le Président: Enregistrement des noms sur les votes en
suspens.
Avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du
gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: M. le Président. M. Brochu: En vertu de
l'article 34.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, en vertu de l'article 34.
M. Charron: Le tout premier avis que je voudrais indiquer
à l'Assemblée...
M. Brochu: En vertu de l'article 34.
M. Charron: Excusez-moi. Il y a une question en vertu de
l'article 34.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: Simplement pour bien organiser le reste de nos
travaux. En ce qui concerne les projets de loi privés inscrits, le
leader du gouvernement est-il en mesure de nous dire combien de ces projets de
loi et, si possible, lesquels, pourront être appelés d'ici la fin
de la session de sorte qu'on puisse organiser les travaux de ce
côté-ci de la Chambre?
M. Charron: C'est une consultation que je voudrais mener tout
à l'heure auprès du député de Richmond et du
député de Bonaventure, avant de me faire une idée finale
sur les projets de loi privés qui risqueraient de recevoir notre
assentiment avant la prorogation de la session.
M. O'Gallagher: En vertu de l'article 34.
Des Voix: Oh boy!
Le Président: M. le député de Robert
Baldwin.
M. O'Gallagher: M. le Président, le gouvernement a-t-il
l'intention de présenter un projet de loi d'ici la fin de la session
concernant une modification à la Loi de la Communauté urbaine de
Montréal afin de permettre l'intégration des employés des
deux compagnies de transport de l'ouest de la ville de Montréal à
la CTCUM?
M. Charron: M. le Président, je suis non seulement au
courant du problème, mais le Conseil des ministres en a
été saisi également. Si le député pouvait me
dire que sa formation politique serait prête, avec les consentements
nécessaires en cette fin de session, à faire rapidement de cette
décision une loi, nul doute qu'on pourrait s'y adonner avant la
prorogation de la session. C'est aussi une chose dont je veux discuter avec mes
collègues.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, hier, le Conseil
consultatif, en vertu de la loi no 2, a siégé une bonne partie de
la journée. J'ai remarqué un consensus relativement à
certains amendements qui pourraient être apportés à cette
loi. Il y a également une loi qui est devant l'Assemblée
nationale, la loi no 99. Le leader du gouvernement peut-il nous dire s'il a
l'intention de faire adopter cette loi no 99, ainsi que d'autres amendements
qui pourraient y être ajoutés, d'ici la fin de la session?
M. Charron: Non, M. le Président, ce n'est pas notre
intention.
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Le leader est probablement conscient du grave
problème de l'industrie du cidre et de la nécessité
d'amender la Loi sur la Commission de contrôle des permis d'alcool, quant
aux apéritifs.
Le ministre a-t-il l'intention d'apporter un amendement à cette
loi avant la fin de la session?
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je ne voudrais pas qu'on abuse de l'article 34. Ce
n'est pas une question à proprement parler en vertu de l'article 34. Si
le leader veut vous répondre, je n'ai pas d'objection.
M. Charron: Non, M. le Président. Je suis d'accord avec
vous qu'il ne s'agit pas d'une question qui devrait m'être
adressée, mais plutôt au ministre de l'Agriculture, de
l'Alimentation et des Pêcheries, au cours d'une séance
régulière. (11 h 20)
Le premier avis que je veux donner à l'Assemblée, à
l'intention de tout le monde, c'est qu'il y aura un vote ce matin, avant
l'ajournement de la séance, sur la motion de blâme
présentée par l'Opposition officielle. Je voudrais donc rappeler
à tous les députés, même à ceux qui seront en
commission, de ne pas se surprendre d'entendre les cloches les appelant au vote
dix ou quinze minutes avant 13 heures aujourd'hui.
De même, M. le Président, par suite de consultations et
d'une collaboration remarquable qui nous a été offerte dans
l'organisation de l'étude des crédits en cette fin de session,
j'annonce tout de suite que, lorsque l'Assemblée aura adopté cet
après-midi, en deuxième lecture, le projet de loi no
105 au nom du ministre des Affaires municipales, la Chambre pourra
ajourner ses travaux jusqu'à lundi, 15 heures. Demain, toutefois, avec
le consentement de tous, nous allons sinon achever, du moins faire un bon pas
vers l'achèvement de l'étude des crédits en permettant
à trois commissions de fonctionner à la fois toute la
journée demain, jusqu'à 18 heures, donc de 10 heures à 13
heures et de 15 heures à 18 heures demain. Il y a même une
commission c'est là que la collaboration a été
encore plus remarquable dont chaque année l'étude des
crédits est plus compliquée, c'est celle de la présidence
du conseil du fait qu'elle regroupe plusieurs ministres d'Etat, et
évidemment le premier ministre, qui sont tous rattachés au
Conseil exécutif. Comme ce ne sont pas les mêmes ministres et que,
d'autre part, les oppositions s'organisent pour ne pas avoir
nécessairement les mêmes critiques à l'égard de
chacun de ces ministres, il nous a été possible, en nous
consultant mutuellement, d'organiser l'étude des crédits de la
présidence du conseil deux commissions à la fois,
c'est-à-dire que deux ministres relevant du même ministère
pourront vaquer à l'étude de leurs crédits en même
temps, puisque l'Opposition y consent et que ce ne sont pas les mêmes
personnes qui font cette étude.
Je donne en conséquence les avis suivants, M. le
Président, pour la journée de demain: de 10 heures à 13
heures et de 15 heures à 18 heures il n'y aura pas de commission
demain soir au salon rouge, ce sera la commission de la
présidence du conseil et c'est Mme la ministre d'Etat à la
Condition féminine qui verra ses crédits étudiés
entre 10 heures et 13 heures.
Au cas où la rumeur aurait déjà circulé,
j'annule la réunion de la commission de la présidence du conseil,
secteur du développement social, qui était prévue demain.
Nous nous sommes entendus pour la tenir à un autre moment au
début de la semaine prochaine.
Donc, avis qu'au salon rouge ce sera la condition féminine;
à la salle 81-A, c'est la commission de l'environnement qui va se
réunir aux heures que j'ai indiquées à deux fins: celle,
d'abord, d'entendre les gens qui ont déjà été
invités, qui avaient demandé à être entendus avant
l'étude article par article j'en avais informé
l'Opposition et tout de suite après d'entamer l'étude
article par article du projet de loi no 92 que la Chambre a adopté la
semaine dernière. A la salle 91-A, aux mêmes heures, demain, ce
sera la commission de la justice qui étudiera ses crédits.
Dès que l'étude des crédits du ministère de la
Justice sera terminée, on pourra du même souffle on m'a
informé que ce ne serait pas très long étudier au
besoin les crédits de la réforme électorale, puisqu'il
s'agit du même ministre.
Puisqu'il s'agit des travaux de demain et que la Chambre, lorsqu'elle
ajournera ses travaux, ce sera jusqu'à lundi, 15 heures, je donne avis
que demain, au salon rouge, de 10 heures à 13 heures, condition
féminine, et de 15 heures à 18 heures développement
culturel. A la salle 81-A, toute la journée jusqu'à 18 heures,
environnement, et à la salle 91-A justice et réforme
électorale, une à la suite de l'autre, aux mêmes heures, de
10 heures à 13 heures et de 15 heures à 18 heures.
Ce soir, également, de 20 heures à 24 heures, les
commissions suivantes seront appelées à se réunir: la
commission de la justice pour l'étude des crédits de ce
ministère; l'agriculture, pour l'étude des crédits de ce
ministère; les travaux publics, pour l'étude des crédits
de ce ministère. La commission de la justice au salon rouge, celle de
l'agriculture à la salle 81-A et celle des travaux publics à la
salle 91-A.
Je fais motion, M. le Président, pour que, cet après-midi,
pendant que l'Assemblée étudiera la loi 105, puissent se
réunir la commission de la justice au salon rouge pour commencer
l'étude de ses crédits et celle de l'agriculture pour poursuivre
l'étude de ses crédits à la salle 81-A.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Vote enregistré.
Le Président: Qu'on appelle les députés,
mais, avant, j'aimerais convoquer les leaders des différentes formations
politiques pour faire le partage du temps sur la motion qui sera appelée
aux affaires du jour.
A l'ordre, s'il vous plaît! Vote! A l'ordre, s'il vous
plaît!
J'appelle maintenant la mise aux voix de la motion du leader
parlementaire du gouvernement pour permettre aux commissions parlementaires de
siéger.
Je demande à ceux et celles qui sont pour cette motion de bien
vouloir se lever.
M. Charron: M. le Président, si vous me permettez,
j'aurais une modification à faire. La motion, je la rappelle, c'est que
les commissions de la justice et de l'agriculture puissent siéger cet
après-midi. J'ajouterais que la commission de l'agriculture puisse
siéger aussi ce matin. C'était convenu. Je l'ai oublié
dans la motion.
Le Président: D'accord.
M. Charron: D'accord?
M. Levesque (Bonaventure): D'accord.
Le Président: Que ceux et celles qui sont pour cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Charron, Mmes Cuerrier, Payette,
MM. Bédard, Laurin, Morin (Sau- -vé), Léonard, Couture,
Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Joron, de Belleval,
Johnson, Chevrette, Duhaime, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill,
Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx,
Laberge, Grégoire, Guay, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de
Bellefeuille, Dussault, Beausé-
jour, Mercier, Ouellette, Perron, Jolivet, Brassard, Godin, Marquis,
Lavigne, Boucher, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Ryan, Levesque (Bonaventure), Caron,
Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank, Saint-Germain,
Picotte, Ciaccia, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme Chaput-Rolland, MM.
O'Gallagher, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé,
Verreault, Springate, Marx, Lalande, Le Moignan, Brochu, Goulet, Fontaine,
Cordeau, Samson, Tremblay.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Les abstentions.
Le Secrétaire: Pour: 86 Contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: La motion est adoptée. Les
commissions pourront siéger. A l'ordre, s'il vous plaît!
Motion privilégiée
Motion de blâme au gouvernement pour son
attitude envers le pouvoir judiciaire
J'appelle maintenant la motion privilégiée de M. le
député de Saint-Laurent, que je lis: "Que cette Assemblée
blâme sévèrement le gouvernement pour son attitude
désinvolte et répréhensible envers le pouvoir
judiciaire."
Avant de vous céder la parole, M. le député de
Saint-Laurent, j'aimerais indiquer comment le partage du temps a
été fait. Le parti ministériel disposera de 37 minutes,
l'Opposition officielle de 33 minutes, l'Union Nationale de 16 minutes et M. le
député de Rouyn-Noranda de 5 minutes.
Je voudrais, toutefois, solliciter un consentement pour que le vote ait
lieu un peu plus tard que prévu par notre règlement, pour nous
permettre de terminer à 13 heures quand même; au lieu d'appeler le
vote à 12 h 45, je pense qu'il faudra l'appeler à 12 h 55. Je
voudrais le consentement pour déborder un peu.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous sommes
d'accord pour donner notre consentement. Même si cela débordait 13
heures, je pense important que chaque formation ait pleinement l'utilisation
des minutes que vous venez d'évoquer.
Le Président: Y a-t-il consentement? M. Charron:
Oui, M. le Président.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
vous avez la parole.
M. Claude Forget
M. Forget: Si l'Opposition arrive aujourd'hui avec cette motion
dont vous venez de faire la lec- ture, c'est parce que des faits très
importants se sont produits au Québec depuis un certain nombre de mois
et un certain nombre d'années. C'est sur des faits, des
événements connus de tous que nous allons nous baser pour appuyer
cette motion de blâme et non pas sur un procès d'intention.
Les faits que nous allons alléguer sont des faits sans
précédent dans l'histoire de nos institutions judiciaires et de
nos institutions politiques; ce sont des actes que le gouvernement a commis,
des paroles qu'il a prononcées, des attitudes qu'il a adoptées
qui n'ont pas, encore une fois, de précédent dans notre histoire
et qui ont créé, à cause de cela, une inquiétude
qui dépasse de loin le cercle relativement étroit des
députés qui forment l'Opposition officielle.
Plusieurs milieux qui sont soucieux du respect dû aux institutions
judiciaires, à nos tribunaux, au principe même de la
légalité dans la société, s'inquiètent d'une
démarche, d'attitudes et de paroles qui sont contraires au principe qui
devrait inspirer n'importe quel gouvernement légitime. Je
procéderai donc, M. le Président, par l'étude un par un de
ces événements ou de ces faits, ou de ces catégories de
faits.
Le premier qui doit retenir notre attention est l'ensemble des
déclarations qu'ont faites plusieurs membres du gouvernement lorsque,
l'automne dernier, la Cour suprême du Canada a rendu son verdict
célèbre dans la cause de la loi 101. A ce moment-là,
à l'Assemblée nationale elle-même, nous avons
été témoins de déclarations incendiaires il
n'y a pas d'autre façon de les qualifier déclarations
où des ministres du gouvernement ont pris à partie les juges et
les tribunaux.
Je cite immédiatement ce que M. Camille Laurin, ministre d'Etat
au Développement culturel, disait ce jour-là, mettant en cause,
je le répète, directement les tribunaux et leur attitude face au
gouvernement au pouvoir. Il disait: "Le jugement de la Cour suprême qui
interdit aujourd'hui, au Québec, de faire du français la langue
de la législation et de la justice, n'est certes pas inattendu
souvenons-nous de cet aveu du ministre. Il aurait été
étonnant que la Cour suprême donne au BNA Act une
interprétation qui reconnaisse les droits et la réalité
d'un Québec essentiellement français depuis sa naissance et qui
l'est demeuré. Mais le jugement étonne par sa
sévérité, sa dureté et son absolutisme." Il
continue: "Par ce jugement, le régime fédéral resserre
davantage encore son étreinte sur le Québec; il est
confirmé dans son statut d'héritier des conquérants de
1763, ainsi de suite."
Un peu plus loin, il déclare: "L'immense majorité des
Québécois aura bien raison de considérer comme un jour
sombre, un jour de deuil, un moment tragique de son histoire collective ce
jeudi 13 décembre où ils auront dû accepter cette
humiliation suprême, courber la tête sous un diktat." Un autre
terme, M. le Président, qui a circulé dans les milieux du
gouvernement puisque, le même jour, dans son allocution, le premier
ministre le reprenait à son compte.
Voici qu'un jugement de la Cour suprême, rendu conformément
aux lois, conformément à la
constitution de ce pays jusqu'à ce qu'elle soit
changée, c'est malgré tout la constitution de ce pays, n'en
déplaise aux messieurs du gouvernement voici qu'un jugement d'une
Cour suprême, qui confirme les jugements des cours du Québec, de
la Cour supérieure et de la Cour d'appel, des jugements unanimes dans
tous les cas, voici que ce jugement devient un diktat, devient une imposition,
le symbole d'un pouvoir oppresseur étranger. C'étaient là
les mots qui étaient utilisés par le ministre d'Etat au
Développement culturel.
Il a continué, parce que son discours comprenait plusieurs pages,
pour affirmer que la Cour suprême aurait certes pu accorder au
Québec le droit d'amender en matière de langue sa propre
constitution interne. Voici qu'il fait reproche à la Cour suprême
de ne pas avoir amendé elle-même la constitution de son propre
mouvement, comme si c'était là le rôle des tribunaux. Il
accuse finalement la Cour suprême, conformément à une pente
maintenant acquise, de partialité dans ses décisions, en
contradiction d'une étude patronnée par son collègue des
Affaires intergouvernementales qui a conclu qu'effectivement la Cour
suprême n'avait pas affiché, au cours des années
antérieures, de penchant ou de partialité quelconque. Elle
n'avait fait qu'interpréter une constitution avec laquelle, bien
sûr, on peut ne pas être d'accord, mais il faut, malgré
tout, être d'accord avec l'interprétation, somme toute,
impartiale, juste, équilibrée que la Cour suprême a
utilisée pour interpréter cette constitution, de l'aveu de ceux
mêmes qui, au nom du gouvernement, ont jeté un regard critique sur
ces arrêts rendus dans le passé.
M. le Président, ce n'est pas tout. Ce ne sont pas ces deux seuls
ministres, le ministre d'Etat au Développement culturel et le premier
ministre, qui se sont exprimés ainsi. Le célèbre ministre
de l'Energie et des Ressources a également commis un article, non plus
sous le couvert de l'immunité parlementaire, mais dans la Voix
gaspésienne du mercredi 19 décembre, dans les jours qui ont suivi
ce fameux arrêt. Il a déclaré: "II y a un proverbe qui dit
que la justice est aveugle c'est d'ailleurs le titre de son article
mais le peuple, lui, ne l'est pas. Les Québécois ont
compris que les lois fédérales servent d'autres
intérêts." Voici une lecture très sombre de la
législation fédérale. Elles servent d'autres
intérêts que les leurs. Pourtant, me semble-t-il, nos institutions
sont aussi démocratiques à Ottawa qu'elles le sont à
Québec. Cependant, il continue: "C'est le peuple qui décidera en
dernier lieu et, lors du référendum, il devra voter oui pour
changer ces lois et ces tribunaux dépassés qui l'empêchent
de s'épanouir librement dans sa langue et ses
intérêts."
Ce genre de propos émanant de ministres membres d'un gouvernement
sont un premier geste sans précédent qui devait leur attirer
d'ailleurs, dans les semaines qui ont suivi, de la part du juge en chef de la
Cour supérieure du Québec, l'honorable juge Deschênes, une
réprimande qui est elle-même un précédent, puisqu'on
voit que le pouvoir judiciaire, se sentant attaqué directement par les
membres du gouvernement, n'avait plus de choix autre de quitter sa
réserve habituelle et de passer lui-même à l'attaque. Dans
ce discours qui était prononcé le 23 janvier de cette
année devant la Chambre de commerce française du Canada, le juge
Deschênes a non seulement critiqué sévèrement des
propos irresponsables qui constituent une incitation à la
désobéissance envers les lois et envers les ordonnances des
tribunaux, mais il s'est intéressé à faire un contraste
fort instructif entre l'attitude du gouvernement du Québec et l'attitude
qu'ont adoptée, durant les douze mois qui précédaient sa
conférence, le gouvernement de la Grande-Bretagne et le gouvernement de
la France. Ceux-ci, contrairement à ce qu'on veut nous laisser croire de
l'autre côté, ont eux aussi eu à faire face à des
arrêts des tribunaux qui défavorisaient des politiques
gouvernementales, et de façon beaucoup plus grave quant à
l'administration courante des affaires publiques dans le cas de la France
puisque c'est par une ordonnance du Conseil d'Etat, qui est l'équivalent
de notre Cour suprême relativement aux matières constitutionnelles
en France... Le Conseil d'Etat français, en décembre dernier, a
rendu nulle l'adoption du budget du gouvernement français pour
l'année 1980, ce qui a forcé le Parlement français
à siéger entre Noël et le jour de l'An le 27 décembre
pour adopter d'urgence une mesure remédiatrice. Cependant, le juge
Deschênes cite abondamment les réactions des gouvernants
français, du président de la République comme du premier
ministre, qui se sont rangés d'emblée du côté du
Conseil d'Etat pour dire: Nous allons corriger la situation. Nous acceptons
cette décision. Ils ne se sont pas lancés dans une diatribe
contre les institutions de la Ve République pour dire qu'il s'agissait
là manifestement d'une constitution qui ignorait la
légitimité des élus, qu'il fallait renverser ce
régime qui était oppresseur et inique. Au contraire, ils se sont
dits immédiatement disposés à modifier les lois
conformément aux arrêts rendus par le tribunal en question. (11 h
50)
Donc, deux attitudes, deux comportements, deux philosophies du pouvoir
qui s'opposent de façon flagrante. Les exemples du juge Deschênes,
que je ne peux malheureusement pas citer au long, sont abondants puisqu'ils
portent non seulement sur la France et sur la Grande-Bretagne, mais aussi sur
les Etats-Unis.
Cet événement était-il un événement
isolé, M. le Président? Malheureusement pas. C'est un
événement qui s'est reproduit à nouveau quelques semaines
ou quelques mois plus tard lorsque la Cour suprême ou d'autres tribunaux
ont eu le malheur de se prononcer, encore une fois, à l'encontre des
souhaits ou des désirs, des velléités du gouvernement
actuel. Lorsque la Cour supérieure a émis une injonction
empêchant le gouvernement d'exproprier la société Asbestos,
on a eu droit à un déchaînement c'est le mot qui
convient du ministre de l'Energie et des Ressources en commission
parlementaire. Je cite ses
propos: "Là, je me permettrai une intervention du politique dans
le judiciaire c'est lui qui le dit, ce n'est pas moi car il
m'apparaît fort heureusement, nous sommes à
l'Assemblée nationale et je jouis justement de l'immunité dont
jouissent les juges, ce qui leur permet de s'immiscer dans la politique
donc, on accuse des juges de faire de la politique aussi simplement que cela
sans avoir à craindre qui que ce soit ... Je crois
personnellement c'est le ministre Bérubé qui parle
que l'émission d'une injonction contre le Parlement, contre la Couronne,
représente un défi aux lois du Québec. Qu'un juge
émette une injonction sur la base d'une réglementation en vue de
protéger le Parlement en vue de protéger
l'autorité, donc qui a adopté des lois et que le juge est
chargé de protéger, cela me paraît tout à fait
défendable." Autrement dit, tant que les juges sont d'accord avec le
gouvernement, M. Bérubé, lui, est complètement d'accord
avec les juges. "Mais qu'un juge émette une injonction à
l'encontre d'une loi du Québec alors qu'il n'a pas été
élu par les citoyens, personnellement, je trouve cela disgracieux",
dit-il. Et cela dure pendant une page et demie.
M. le Président, invité à rétracter ses
propos, ses collègues, y compris le premier ministre, invités
à nuancer ou à contredire ses propos à l'Assemblée
nationale, au cours du mois d'avril, la journée qui a suivi, et encore
plus récemment, à la suite d'une intervention d'un autre juge
je reviendrai là-dessus le ministre n'a pas
bronché; il a continué d'affirmer les mêmes propos et ses
collègues du gouvernement ont continué à l'appuyer. Ils se
sont défendus pour cela sur une excuse qui est cousue de fil blanc. Ils
ont dit: Nous respectons les jugements. Dieu merci, oui, quant au fait, le
gouvernement s'est plié à ces jugements, mais il n'y a pas
simplement le fait brutal d'accepter une décision. Le gouvernement,
à cause de la position qu'il occupe dans la société, doit
également donner l'exemple d'une acceptation de bonne foi, d'une
acceptation empressée, même, des ordonnances des tribunaux. Or,
c'est à un tout autre spectacle qu'il nous a été
donné d'assister. Nous avons assisté au spectacle d'un respect
dans les faits, mais d'une protestation de grincements de dents quant à
ce qui est de toutes les interventions publiques, de jugements négatifs
sur les cours, d'imputation de motifs envers les juges, d'imputation même
aux tribunaux d'avoir agi au-delà de la loi, d'avoir agi
illégalement, d'avoir ignoré la loi.
C'est une attitude, M. le Président, qui n'est pas
tolérable et, dans ce cas comme dans le premier, nous avons eu droit aux
protestations publiques du juge en chef de la Cour d'appel, cette
fois-là la première fois, c'était le juge en chef
de la Cour supérieure qui, prenant sa retraite à la
mi-mai, a fait connaître, dans les jours qui ont suivi,
c'est-à-dire le mois précédent, ses protestations
privément au ministre Bérubé qui en était l'auteur,
en lui demandant de rétracter des paroles qui n'avaient pour effet que
de miner sérieusement la confiance que les citoyens doi- vent avoir en
l'appareil judiciaire, dans les tribunaux. Il n'en est rien
résulté, encore une fois, je le répète. Mais
c'était là non pas un écart de langage, non pas un
éclat de mauvaise humeur, on se rend compte qu'il s'agit là d'une
attitude systématique.
Les tribunaux, pour les membres du gouvernement actuel, ce sont des
serviteurs de l'Etat, ce qui veut dire des serviteurs du gouvernement, selon
leur conception. Dans la mesure où les juges sont d'accord avec eux, les
juges ont bien fait. Ils mériteraient peut-être des
félicitations, quoi qu'on n'en entende jamais de l'autre
côté. Mais si jamais les juges se trompent, selon les ministres,
alors là ils ont droit à toutes les insultes. Ils ont droit
à toutes les condamnations et à tous les procès
d'intention.
C'est un système, M. le Président, et c'est
particulièrement ironique quand on voit que c'est appliqué par le
ministre de l'Energie et des Ressources dans le cas de l'industrie de
l'amiante. Malheureusement, le temps qui nous est donné pour ce
débat m'empêche de citer au long les avertissements que nous
avions donnés, nous de l'Opposition officielle, il y a exactement un an,
lors du débat de prise en considération de la loi donnant
à la Société nationale de l'amiante des pouvoirs
d'expropriation. Il y a là, dé la page 2239 jusqu'à la
page 2241, une description que j'ai faite d'un certain nombre de
difficultés juridiques que ne manquerait pas de soulever la
société General Dynamics, difficultés qui, pour une large
part, étaient déjà connues du gouvernement, mais qui n'ont
pas été prises en considération dans la rédaction
de ce projet de loi. Le gouvernement est allé les yeux ouverts.
Voici ce que je disais, je cite un bref passage: "M. le
Président, il existe une difficulté majeure à cet
égard, c'est que nous sommes en face d'une loi qui, essentiellement,
décrète non pas l'expropriation, mais un pouvoir pour le
gouvernement de faire l'expropriation au moment où il le voudra bien..."
Il y a des difficultés juridiques qui sont envisagées dans ce
texte qui, justement, pour une part, ont déjà fait l'objet de
procès devant les tribunaux, que le gouvernement a gagnés,
finalement, mais avec de nombreuses difficultés. Mais il réside
tout un trésor d'autres difficultés juridiques qui pourraient
très bien être soulevées si la première manche est
perdue par la société General Dynamics. C'est donc les yeux
ouverts que le gouvernement s'est lancé là-dedans et ces
éclats, ces écarts de langage vis-à-vis des tribunaux,
pour avoir fait ce qui était exactement prévisible dans ce cas,
sont d'autant moins excusables.
Mais, M. le Président, il y a d'autres exemples sur lesquels je
veux malgré tout faire porter l'attention de l'Assemblée
nationale, d'autres exemples du mépris le mot n'est pas trop fort
que portent les membres du gouvernement face aux tribunaux. Nous avons
eu tout récemment un exemple de cela lorsque le premier ministre, en
anticipant même la publication du rapport Malouf M. Malouf
étant un juge, ne l'oublions pas, que le gouvernement a choisi
lui-même pour mener
une enquête, avec des intentions politiques évidentes qui
crèvent les yeux de tout le monde a demandé à un
juge de devenir, à son corps défendant et malgré lui,
l'instrument d'une démonstration politique et partisane. Le malheur
veut, pour le gouvernement, que cette démonstration partisane ait
échoué parce que, malgré tout, on s'est adressé
à un juge d'une intégrité irréprochable, d'une
droiture bien connue. Or, ce juge a jugé comme il devait juger et il n'a
pas prononcé les condamnations partisanes que le gouvernement en
attendait. Malheur au juge Malouf, M. le Président, de s'être
trompé, comme ses collègues des autres cours, de n'avoir pas su
percer l'intention gouvernementale, de n'avoir pas su placer dans son rapport
les condamnations que le Parti québécois voulait y voir. Mais
qu'à cela ne tienne, on va le faire à sa place; avant même
de publier son rapport, on va rédiger les conclusions qu'on aurait voulu
y voir.
C'est là le genre d'attitude que nous offre le gouvernement, mais
il s'agit là d'un épisode, d'un incident qui, dans le fond, est
désormais clos, au grand désenchantement du gouvernement, mais il
y en a d'autres qui se rapprochent plus directement de l'administration des
lois et qui ont, pour le citoyen ordinaire, et qui continuent d'avoir une
signification permanente.
Il y a, dans l'application des lois en général, une
attitude au gouvernement qui veut que ce soit une question d'opportunité
politique que d'appliquer une loi ou de ne pas l'appliquer. Je vais vous citer
plusieurs exemples. Nous avons eu, dès l'entrée en fonction du
gouvernement actuel, une décision qui n'a pas manqué
d'étonner, et même de scandaliser, mais c'était dans la
période d'euphorie et ça a été largement
oublié; c'était l'oubli ou l'abandon des poursuites
intentées en vertu de la Loi sur les services essentiels. Trois ans
après, le gouvernement s'est senti un peu gêné d'avoir fait
cela, peut-être parce que cela le plaçait lui-même dans une
position de faiblesse. Néanmoins, il a jugé politiquement
opportun, en 1977, d'oublier des centaines et des milliers de poursuites qui
avaient été intentées en vertu des lois de
l'Assemblée nationale et qui étaient déjà devant
les tribunaux, dont les tribunaux étaient déjà saisis.
Mais il ne s'est pas limité à cela. Relativement aux
réclamations qui étaient dirigées contre la FTQ et
relativement au saccage de la Baie James, des centaines de milliers de dollars,
pour ne pas dire des millions, probablement, de réclamations, on a tout
effacé. On a jugé que là aussi il n'était pas
politiquement opportun de poursuivre l'application des lois adoptées par
l'Assemblée nationale. (12 heures)
Lorsque l'on considère d'autres réglementations pourtant
importantes, par exemple, celles qui portent sur la loi no 101, y a-t-il eu une
seule poursuite depuis 1977 en vertu de la loi no 101? Ce n'est pas qu'il n'y a
pas d'amendes qui sont prévues, ce n'est pas qu'il n'y a pas de
système d'inspection, ce n'est pas qu'il n'y a pas de violations, elles
éclatent au grand jour pour que tout le monde puisse les constater.
Cependant, on a jugé là aussi politiquement opportun de ne pas
poursuivre, certainement pas avant le référendum. Je ne sais pas
si on changera d'attitude, mais si on change d'attitude ce sera pour des
raisons partisanes et politiques, pas parce que l'administration de la justice
le commande. C'est donc là un autre exemple, M. le Président, qui
s'ajoute à tous les autres, qui montre très bien que pour ce
gouvernement l'administration de la justice n'est qu'un instrument parmi
d'autres. Il y a la publicité, il y a le budget, il y a le patronage et
il y a aussi le fonctionnement des cours. C'est exactement sur le même
pied tout cela. Cela a exactement la même signification et la même
valeur. Si on peut utiliser un juge, on l'utilise, si on veut le condamner, on
le condamne, si on veut appliquer une loi, on l'applique et, si on ne veut pas
l'appliquer, on ne l'applique pas. Quel est le critère?
L'intérêt du parti au pouvoir. Dans tout cela,
l'intérêt du parti au pouvoir, la poursuite de ses objectifs
partisans. Il ne peut plus nous servir la salade des objectifs nationaux, il a
eu une réponse le 20 mai qui montre très bien la
différence entre les deux.
M. le Président, il y a dans tout cela un système, ce que
le Parti québécois aime qualifier de projet de
société, son projet de société pour sa
société. On sait de quoi il retourne maintenant parce que nous
avons devant nous non pas des intentions, nous avons des faits, des
comportements qu'on peut constater, qui sont enregistrés, qui ont
été vus par nos concitoyens. C'est cela ce bon gouvernement qui
réalise son projet de société. On voit quel genre de
société ce serait. Ce serait une société où
il n'y aurait pas de tribunaux dans la mesure où les tribunaux peuvent
se tenir debout devant l'Etat, devant l'autorité. C'est un régime
autoritaire qu'on cherche à imposer où l'excuse d'avoir
été élu avec une majorité même de 41% est une
justification suffisante pour faire n'importe quoi, sans obstacle, sans
empêchement, sans contestation possible. C'est cela ce projet de
société.
M. le Président, je ne veux pas être injuste envers le
ministre qui va nous dire dans quelques minutes que l'on interprète de
façon excessive des propos isolés. Ce ne sont pas des propos
isolés, il y a là tout un système. Cela remonte à
plusieurs années, dès la prise du pouvoir. Je peux bien
reconnaître que le ministre a fait des efforts dans un domaine en
particulier, la nomination des juges. Mais comment même accorder de
l'importance à un processus de nomination des juges, qui peut être
valable en soi, quand les juges eux-mêmes sont l'objet du mépris
gouvernemental? S'ils ont fait cette réforme, il faut bien nous douter
maintenant, avec la rétrospective que l'on peut faire de leur
comportement, qu'ils l'ont fait non pas parce qu'ils croyaient à une
meilleure administration de la justice, mais pour se défendre
eux-mêmes comme parti politique. C'était devenu connu qu'il y
avait un problème dans la nomination des juges. On l'a donc faite cette
réforme de façon défensive pour ne pas s'exposer aux
criti-
ques, sans y croire, sans croire aux juges, sans croire au
système judiciaire, simplement pour avoir la paix.
Si c'est seulement cela que le ministre de la Justice peut nous dire
pour sa défense, pour la défense de ses collègues, ce ne
sera pas suffisant et tous les membres de l'Assemblée nationale,
même ceux de l'autre côté qui croient encore aux
institutions démocratiques et à la règle du droit dans la
société devraient voter pour cette motion de blâme, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention les propos du
député de Saint-Laurent qui s'est gardé de dire au
début de son intervention qu'il ne voulait pas faire un procès
d'intention. On a quand même été à même de
constater que, fidèle à son habitude, il s'est livré en
grande partie au cours de son intervention à un tel procès
d'intention. Je n'ai pas l'intention de suivre le député de
Saint-Laurent dans la voie des insinuations ou de la suspicion de motifs
politiques aux fins de prises de décision. Je crois que le sujet est
trop important et j'emploierai mon temps à discuter essentiellement du
fond de la motion. Je suis heureux que cette motion présentée par
le député de Saint-Laurent nous donne ouverture à une
discussion de fond sur un sujet qui est de toute première importance
pour une société.
Nous savons que, dans la tradition constitutionnelle britannique, qui
est à l'origine de notre propre système québécois,
les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont en principe
distincts et incarnés par des institutions propres à chaque
secteur.
Entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, les
institutions que sont le gouvernement, l'Assemblée nationale et la
magistrature illustrent bien cette distinction. Le système veut que
l'Assemblée nationale adopte des lois, que l'exécutif les
applique et que le judiciaire contrôle la constitution-nalité des
lois dans un régime fédéral et la légalité
de leur application.
La formule classique de la distinction entre le législatif et le
judiciaire exprimée par le grand juriste anglais Blackstone est que les
juges ne font pas la loi, ils ont pour fonction de déclarer ce qu'elle
est. En pratique, les décisions judiciaires établissent de
façon définitive l'interprétation qu'il faut donner des
lois.
Dans ce processus d'interprétation des lois, certaines
difficultés peuvent évidemment survenir. L'une d'entre elles
et je cite l'honorable juge Louis-Philippe Pigeon, jusqu'à
récemment juge à la Cour suprême du Canada: "C'est qu'en
même temps que, d'un côté, les rédacteurs de lois
s'efforcent par des textes sans cesse plus élaborés de
réduire au minimum la latitude laissée aux interprètes de
la loi, de l'autre côté, une tendance se fait jour pour donner
à ces derniers les tribunaux le pouvoir de faire la loi en
s'écartant au besoin du texte législatif, de façon
à faire prévaloir, sans égard à la volonté
du législateur, la politique jugée la plus désirable."
Le juge Pigeon disait aussi: "II est vrai que le rôle des
tribunaux n'est pas uniquement d'appliquer la loi. Ils sont aussi
appelés à la faire eux-mêmes dans une certaine mesure.
C'est une partie du pouvoir législatif que le Parlement leur
délègue chaque fois qu'il leur confère une
discrétion. Cette difficulté est donc de savoir jusqu'où
et quand le juge doit demeurer interprète de la loi, jusqu'où et
quand peut-il user de discrétion pour, en quelque sorte, faire la loi.
Cette question et la discussion qui s'ensuit inévitablement est saine et
capitale dans une société car, non seulement est-elle
fondamentale à la définition du rôle du pouvoir judiciaire,
mais, par voie de conséquence, la réponse qu'on y apporte affecte
le rôle du pouvoir législatif et même du pouvoir
exécutif dans certains cas."
Pour sa part, le juge Pigeon optait pour une attitude prudente de la
part des juges, attitude qu'il a exprimée de la façon suivante:
"Tout compte fait, j'estime donc que la règle fondamentale
d'interprétation doit rester la recherche de l'intention
législative par l'étude du sens des mots dont le
législateur s'est servi sans s'en écarter autrement qu'il est
nécessaire et sans aller au-delà de ce qu'exige la solution du
litige dont le tribunal est saisi. "La réponse qu'on y apporte, ou plus
précisément la réponse que chaque juge y donne est
également déterminante du degré de discussion et de
critique dont les décisions judiciaires peuvent faire l'objet. Il
paraît relativement clair qu'une interprétation stricte de la loi
suscite moins de discussion qu'une décision où le juge, dans une
mesure plus grande, fait la loi. (12 h 10) "Plus le juge se limite à
interpréter la loi, plus on critiquera le législateur pour une
décision qui révèle l'état de la loi. A l'inverse,
plus le juge use de la discrétion qui lui est laissée pour faire
la loi, plus il doit répondre lui-même de l'état du droit
qu'il crée et plus il doit s'attendre que sa décision,
créatrice de droit, fasse l'objet de discussions et même, à
l'occasion, de profonds désaccords. Cela est normal car, si un jugement
tranche un débat déterminé, le pouvoir législatif,
conformément à nos principes démocratiques, demeure
souverain et peut, s'il s'agit d'une question constitutionnelle, modifier cette
constitution ou, dans l'ordre législatif général, modifier
la loi pour refaire le droit ou exprimer plus clairement la volonté du
législateur. Un jugement peut donc produire une action
législative ou exécutive qui soit intimement liée au
contenu même du jugement et la discussion à propos de cette action
sera indissociable de la discussion du jugement lui-même."
Les décisions des tribunaux contribuent, nous le savons, M. le
Président, à faire évoluer constamment le droit et ont
souvent des impacts majeurs sur l'administration de l'Etat. Ainsi,
l'arrêt
Duquet vs la ville de Sainte-Agathe-des-Monts a facilité le
recours en requête pour jugement déclaratoire, ce qui peut
faciliter le contrôle de la légalité des actes de
l'administration. L'arrêt Nicholson a établi une règle de
traitement équitable de l'administré assujetti au contrôle
judiciaire dans un vaste champ d'actes administratifs qui en étaient
exempts jusque-là. L'arrêt Verreault vs le Procureur
général du Québec, en 1977, a assoupli le formalisme
exigé jusque-là dans la signature de certains contrats par des
ministres, encore là, au bénéfice des citoyens.
Dans le domaine du recours à l'injonction, pour empêcher
l'application d'une loi, il est généralement reconnu, et
clairement reconnu par les tribunaux, et la doctrine qu'il ne peut y avoir
d'injonction à l'encontre de la couronne. Le Code de procédure
civile, à son article 94.2, dit également, et je cite: "II n'y a
lieu à aucun recours extraordinaire, ni mesure provisionnelle contre la
couronne, ce qui inclut l'injonction". Or, si, à propos de cet
état reconnu du droit et de la lettre expresse de la loi, il survient
des décisions judiciaires qui tendent à modifier de façon
importante l'état du droit, il est normal que, sur un sujet si
fondamental, un débat public puisse avoir lieu, impliquant non seulement
les juristes dans des ouvrages spécialisés, mais, comme c'est
d'ailleurs le cas, les éditorislistes, les citoyens ou juristes qui
publient des articles de revues ou de journaux et aussi les
représentants du gouvernement et des divers partis politiques.
Dans ce cas de l'injonction, par exemple, auquel se
référait manifestement le député de Saint-Laurent,
en parlant du ministre des Richesses naturelles, il faut concilier la
procédure de l'injonction avec la règle fondamentale de la
présomption de validité des lois. Pour ma part, je crois que la
disparition de la règle de la présomption de la validité
des lois est susceptible de créer des problèmes majeurs, au
détriment non pas d'abord du pouvoir législatif ou
exécutif, mais au détriment des citoyens au
bénéfice de qui les lois sont faites. Cela me conduit à
deux remarques concernant les propos que certains ont reproché
entre autres le député de Saint-Laurent au ministre de
l'Energie et des Ressources.
J'aimerais d'abord rappeler un extrait d'une allocution de l'honorable
juge Edouard Rinfret, alors juge en chef du Québec, à l'occasion
de l'ouverture des tribunaux le 7 septembre 1977. Le juge en chef, traitant de
l'apport de chacun dans la qualité de la justice, disait ceci,
concernant les media d'information, et je cite: "Les media d'information ont
aussi leur part de responsabilités non pas dans l'élaboration du
jugement comme tel, mais dans le reportage qu'ils en font. J'avoue,
continuait-il, ne pas reconnaître parfois ma décision, quand je la
lis dans les journaux ou l'entend à la radio ou à la
télévision", ajoutait le juge Rinfret.
Cela, M. le Président, est parfois vrai et également
valable pour d'autres intervenants sur la place publique. Je pense que, dans le
cas des propos tenus par mon collègue en commission et à
l'Assemblée nationale, ceux qui l'ont critiqué auraient eu
avantage à lire le texte exact de ses propos. Ils y auraient
constaté que ses propos constituaient une analyse fort valable des
importants problèmes d'ordre et d'intérêt publics qui ont
alors été abordés. Certains diront peut-être que,
dans l'ensemble d'une déclaration faite de façon impromptue, il
se trouve toujours des expressions qui auraient pu être
améliorées; cela est sûrement vrai des propos de mon
collègue, mais cela pourrait être vrai même des propos que
je tiens actuellement, M. le Président. Mais, nulle part dans ses
déclarations, on ne trouvera de termes inconvenants de nature à
diminuer la confiance du public dans l'intégrité du
système judiciaire et l'autorité des tribunaux.
J'ai déjà dit que, sans avoir fait un inventaire des
déclarations des membres du gouvernement sur les décisions
judiciaires importantes qui ont affecté l'action de l'Etat et du
gouvernement, je suis bien prêt à admettre qu'il ait pu y avoir
l'emploi de mots inappropriés, en quelques occasions, et je le regrette
volontiers. Mais, par ailleurs, contrairement à certains membres de
l'Opposition officielle qui, régulièrement, dans cette
Assemblée, font fi de principes aussi fondamentaux que la
présomption d'innocence, le droit à une défense pleine et
entière, le droit à la vie privée et à la
réputation, jamais un membre du gouvernement n'a agi de façon
irrespectueuse des tribunaux ou de façon à ce qu'on conclue
à un dédain du pouvoir exécutif envers le pouvoir
judiciaire. Tous les membres de ce côté-ci de la Chambre ont
toujours été très respectueux de ces principes
fondamentaux du droit que sont le respect de la présomption d'innocence,
le droit à la réputation des citoyens et, également, le
droit de protection du domicile.
M. le Président, on ne peut pas en dire autant de l'autre
côté de la Chambre, surtout du député de
Saint-Laurent qui, à maintes occasions, au cours de ses interventions ou
des périodes de questions, a trouvé le moyen de faire fi de ces
éléments fondamentaux pour l'administration de la justice dont
l'un est le respect de la présomption d'innocence; et les exemples sont
nombreux. La crédibilité du député de Saint-Laurent
sur le respect du processus judiciaire est loin d'être très bien
assise au niveau du public. Ce n'est pas la première fois que la
population du Québec a l'occasion de porter un jugement sur son
comportement lorsqu'il exerce la responsabilité de critique de
l'Opposition officielle en matière de justice.
Il y a quelques mois à peine, le député de
Saint-Laurent a attaqué la commission Keable, organisme quasi
judiciaire, d'une façon irresponsable et préjudiciable à
la justice. Deux éditorialistes lui ont, d'ailleurs, reproché
vivement son comportement. Entre autres, M. Jean-Claude Le-clerc,
éditorialiste au Devoir, dont la compétence en matière de
justice, je pense, n'est plus à faire, commentait ainsi l'attitude du
député de Saint-Laurent, entre autres le 23 novembre dernier, et
je cite: (12 h 20) "Mais la palme il parlait du député de
Saint-Laurent de l'irresponsabilité, sinon de
l'incompétence, doit revenir cette semaine au critique
libéral en matière de justice à l'Assemblée
nationale, M. Claude Forget. Mis au parfum par des sources sur lesquelles il
aurait plutôt dû faire enquête avant de leur prêter
foi, le député de Saint-Laurent a laissé entendre que la
commission Keable avait préparé une mise en scène et
cuisiné des témoins, accordant même à l'un d'eux un
traitement aux petits oignons. Or, s'il s'était donné la peine
sinon de réfléchir, du moins de s'informer des
révélations faites le même jour au Palais de justice de
Montréal, le député libéral aurait compris
l'importance extrême des mesures particulières prises à
l'endroit des témoins par la commission d'enquête." Et il
continuait en disant ceci de M. Forget: "Ce n'est pas seulement des papiers qui
risquaient de disparaître à l'approche de
révélations aussi explosives, mais surtout certains
témoins essentiels. En s'assurant que l'une ou l'autre personne soit
protégée contre de possibles accidents, la commission Keable
n'aura pas seulement agi en conformité avec son mandat, elle aura pris,
à l'endroit de sources visiblement bien informées, des mesures
dictées par la plus élémentaire humanité et le plus
grand respect de la justice. L'ancien ministre des Affaires sociales, M.
Forget, n'a pas fait montre de jugement en s'alignant sur la thèse de
nos communistes. S'il devait continuer dans cette voie, son chef ferait mieux
de lui confier un autre ministère plus approprié à ses
talents et à sa partisanerie, dont il a fait éloquemment preuve
sur bien des points au cours de son intervention."
Un autre éditorialiste, M. Jacques Dumais, du Soleil, y allait
également d'un jugement non moins sévère en disant ceci,
le même jour d'ailleurs, et je cite: "M. Claude Forget,
député libéral de Saint-Laurent et critique officiel de
l'Opposition en matière constitutionnelle et de justice, est très
certainement un technocrate chevronné, mais un politicien
imprévisible. Depuis qu'il siège en qualité
d'oppositionniste à l'Assemblée nationale, ses excès de
langage ainsi que sa partisanerie un peu basse, lorsqu'il aborde des dossiers
extrêmement délicats, en font un parlementaire dangereux."
Plus récemment, M. le Président, le député
de Saint-Laurent, se servant de son immunité parlementaire, a
causé, je crois, des torts irréparables à des citoyens du
Québec ainsi qu'à leur famille en faisant fi d'un principe
fondamental, celui de la présomption d'innocence.
M. le Président, pour ce qui est du respect du processus
judiciaire, du respect qui est nécessaire envers nos institutions
concernant l'ensemble de l'administration de la justice, je pense bien que nous
n'avons pas de leçon à recevoir, surtout du député
de Saint-Laurent.
M. le Président, on a évoqué, comme l'a fait le
député de Saint-Laurent, plusieurs déclarations qui ont
été faites par certains ministres à la suite de jugements
qui ont été rendus. Je l'ai dit, il y a souvent des termes
inappropriés qu'on pourrait déplorer mais, sur le fond, je pense
qu'on ne peut pas ne pas laisser de latitude autant aux éditorialistes
qu'aux hommes politiques d'analyser le fond d'un jugement, surtout lorsque ces
jugements sont de nature à changer la nature de la loi ou la situation
légale existante jusqu'à ce qu'un jugement ait été
rendu et qui est peut-être de nature à modifier cette
légalité, telle que conçue et acceptée par la
jurisprudence jusqu'à ce moment.
Il arrive cependant, M. le Président, que depuis une dizaine
d'années au moins, le gouvernement du Québec livre de nombreuses
batailles juridiques dans le domaine constitutionnel. Tous les membres de cette
Assemblée savent que le gouvernement a dû aller devant les
tribunaux pour défendre des lois adoptées par cette
Assemblée et attaquées pour des motifs constitutionnels. Les
échecs subis à l'occasion ne sont pas et n'ont pas
été imputés au pouvoir judiciaire, mais ils sont nettement
et franchement imputés à une constitution dépassée
et inadéquate, une constitution dont tous les membres de cette
Assemblée s'entendent pour dire qu'elle doit être
transformée.
Puis-je, M. le Président, eu égard aux différentes
lacunes du système fédéral actuel, en rappeler une qui est
néfaste non seulement pour les justiciables en général,
mais pour le pouvoir judiciaire et la magistrature elle-même? Je le fais
d'autant plus volontiers que je ne connais pas de membre dans cette
Assemblée qui soit dissident sur cette position. Je vais la
résumer en me servant d'un extrait d'une allocution de l'actuel chef de
l'Opposition officielle prononcée devant les membres de la magistrature
et du Barreau, en septembre 1977, à l'occasion de la rentrée des
tribunaux judiciaires. Le chef de l'Opposition officielle disait ceci: "L'Acte
de l'Amérique du Nord britannique prévoit que le gouvernement
fédéral nomme les juges des Cours supérieures, ainsi que
les magistrats des Cours de district et de comté dans chaque province.
Il laisse, par ailleurs, aux provinces la liberté de nommer
elle-mêmes les juges des autres cours qui peuvent exister dans leur
territoire respectif. Il y a là une anomalie qui tend à
créer deux classes de magistrats à l'intérieur d'une
même province et qui rend difficile la réalisation d'une
véritable unité au sein du système judiciaire. Le double
système de nomination favorise peut-être, entre les deux ordres de
gouvernement, une certaine émulation disait-il mais la
division permanente qu'il crée au sein même de la magistrature est
un mal plus grand que les grands avantages qu'il peut comporter. Il faudrait y
remédier à l'occasion d'une révision constitutionnelle. Ce
double système donne lieu à des modes de recrutement et de
nomination différents, à un partage souvent discutable des
responsabilités entre les deux niveaux de compétence et aussi
à des rivalités inutiles et irrationnelles en matière de
rémunération et d'avantages matériels. Dans le contexte
très délicat où nous évoluons ces années-ci,
il pourrait également prêter le flanc à des soupçons
de partialité c'est l'actuel chef de l'Opposition officielle qui
disait cela lors d'une conférence à l'occasion de la
rentrée des tribunaux judiciaires les juges nommés par
Ottawa étant soupçonnés, à tort ou à raison,
de pencher davantage vers les thèses fédéralistes et les
magistrats nommés par Québec étant
soupçonnés de verser dans une inclination contraire". Fin de la
citation du chef de l'Opposition.
M. le Président, aucun membre de cette Assemblée ne croit
que le fait de la nomination par Québec ou Ottawa puisse influencer la
décision d'un juge. Mais tous s'entendent pour accorder, pour des motifs
nombreux, une grande importance au pouvoir de nomination et, en
conséquence, à l'organisation rationnelle des tribunaux. J'ose
espérer que les membres de cette Assemblée appuieront solidement
le gouvernement sur cette question, ce qui sera à l'avantage et des
justiciables et des tribunaux.
Au chapitre du respect des décisions des tribunaux, le
gouvernement du Québec est irréprochable. M. le juge en chef
Deschênes, dans une causerie qu'il prononçait à
Montréal en janvier dernier, a cité en exemple le gouvernement et
le Parlement français qui ont vu, la veille de Noël 1979, leur loi
sur les finances pour 1980 déclarée non conforme à la
constitution. Le Parlement français, faisait-il remarquer, fut alors
convoqué quelques jours plus tard, soit le 27 décembre, pour
adopter une loi remédiatrice. A la même époque, M. le
Président, soit le 13 décembre 1979, le leader parlementaire du
gouvernement du Québec se levait, en cette Assemblée, et
sollicitait le consentement des membres de l'Assemblée pour suspendre
tous nos travaux en cours ainsi que nos règles habituelles de
procédure dans les termes suivants: "Parce qu'il nous faut être
les premiers à donner l'exemple du respect sans tarder d'une
décision du tribunal, je propose qu'en vue de l'adoption du projet de
loi no 82, Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada
le 13 décembre 1979 la même journée portant
sur la langue de la législation et de la justice au Québec
conformément à l'article 84, paragraphe 2, que j'invoquais tout
à l'heure, je propose disait le leader du gouvernement du
Québec que nous suspendions les articles suivants de notre
règlement, l'article 30..." ce qui amorçait, dans la même
journée presque, immédiatement le processus de correction que
nous indiquait le jugement de la Cour suprême. On se rappelle que,
après étude d'un dossier par la Cour suprême du Canada
concernant ce jugement, la Cour suprême a accepté de rouvrir
celui-ci à la requête du procureur général du
Québec. Alors, on se rappelle que ce jugement avait été
rendu la journée même et que quelques heures plus tard,
grâce à la collaboration de tous les membres de cette
Assemblée, une loi remédiatrice était adoptée
à la suite de ce jugement. Ce n'est que quelques mois plus tard que le
Manitoba faisait de même, et le gouvernement du Canada, dans les
matières qui pouvaient l'affecter, n'a pas encore bougé pour
donner suite à ce jugement de la Cour suprême alors que nous, le
gouvernement du Québec, nous l'avons fait la journée même.
Cela, c'est le respect des tribunaux et des décisions qu'ils rendent.
(12 h 30)
Dans toutes les matières, le gouvernement du Québec
obéit avec diligence aux ordonnances des tribunaux et il agit toujours
en conformité et en conséquence de leurs décisions. C'est
là la première et la principale règle du respect du
pouvoir judiciaire; il faut accepter et obéir à l'autorité
de ses décisions, ce qu'a fait le gouvernement du Québec.
Mais, M. le Président, on peut reconnaître à
beaucoup d'autres signes l'importance et le respect qu'un gouvernement et une
Assemblée nationale accordent au pouvoir judiciaire. Comme le disait le
juge en chef Deschênes dans une allocution prononcée le 2
décembre 1977 devant l'Académie des lettres et des sciences
humaines de la Société royale du Canada et portant sur les divers
processus de choix des juges: "D'une meilleure justice dépend sans doute
en grande partie le bonheur du peuple et de la qualité de la
magistrature dépend à son tour en grande partie celle de la
justice." Cette qualité de la magistrature commence par un sain
procédé de nomination. A cet égard, le gouvernement du
Québec a instauré lui-même, au début de 1977, un
processus de nomination, puis cette Assemblée l'a consacré dans
une loi, un processus de sélection des juges dont l'honorable juge
Deschênes a dit à la même occasion que ce processus de
nomination répondait aux espoirs que les meilleurs esprits ont longtemps
exprimés. Je ne croirais pas tronquer l'opinion des juges en chef qui
ont été associés à ce processus en disant que cette
opinion est de plus en plus partagée.
L'instauration de cette dépolitisation maximale dans la
nomination des juges provinciaux est l'une des grandes réalisations dont
ce gouvernement et cette Assemblée qui y a concouru peuvent être
fiers parce que l'un des meilleurs moyens d'assurer le respect du pouvoir
judiciaire, c'est d'y nommer les personnes les plus qualifiées et que le
mécanisme pour y parvenir soit suffisamment fort, vrai et
crédible pour les citoyens.
C'est le gouvernement actuel, également, Mme la
Présidente, qui a créé un Conseil de la magistrature
attendu depuis des dizaines d'années au Québec. Ce Conseil de la
magistrature est la pierre angulaire d'une réorganisation rationnelle de
nos tribunaux, qui n'attend que le règlement des problèmes
constitutionnels pour prendre toute son ampleur. Il est déjà la
pierre d'assise de l'indépendance de la magistrature. A elle seule, la
constitution d'un tel conseil suffirait à dire l'importance qu'on
accorde au pouvoir judiciaire car il constitue non seulement un lien de
coordination du pouvoir judiciaire, particulièrement des magistrats qui
assument des fonctions additionnelles comme juges en chef ou juges en chef
associés, mais, aussi, il est un instrument indispensable à la
crédibilité et au respect de la magistrature en se chargeant de
l'éthique, de l'intégrité et de l'impartialité des
juges.
Le regret que nous devons formuler à l'égard du Conseil de
la magistrature, c'est qu'il ne regroupe pas encore, et ne pourra regrouper
tous les juges des cours supérieures tant et aussi longtemps que
certains problèmes constitutionnels n'auront pas été
réglés.
Mme la Présidente, dans un autre ordre d'idées, notre
gouvernement a aussi instauré un mécanisme d'établissement
du traitement des ju-
ges et de leur pension qui soit efficace et respectueux de leurs
fonctions. Il n'était pas respectueux du pouvoir judiciaire de soumettre
la question de leur traitement et de leur pension aux aléas de la vie
politique et parlementaire, aux aléas des calendriers sessionnels ou de
changements ministériels. Aujourd'hui, grâce à des
dispositions prises par le présent gouvernement, les juges nommés
par le Québec n'ont plus à quémander ou à
s'inquiéter des répercussions des événements
politiques sur leur juste traitement. Ils suivent automatiquement le rythme de
croisière de la société dans laquelle et pour laquelle ils
oeuvrent. On peut constater l'importance que notre gouvernement a
accordée au pouvoir judiciaire par les mesures qui sont prises pour
l'amélioration des conditions nécessaires à un travail de
qualité. Que ce soit l'accroissement du nombre de juges, que ce soit la
création des postes de juges adjoints et coordonnateurs pour soulager
quelque peu les juges en chef de leur fardeau administratif, que ce soit
l'implication des juges en chef dans les questions administratives qui
affectent le fonctionnement des tribunaux, que ce soit la création de
postes de recherchistes pour les aider dans la collecte des matériaux
nécessaires à la rédaction de leurs jugements, M. le
Président, je n'ai aucune hésitation à dire que notre
gouvernement n'a pas d'attitude désinvolte et
répréhensible envers le pouvoir judiciaire.
Son attitude en est une de respect, de confiance et de franchise. Il
peut surgir, à l'occasion, des heurts passagers entre les
différents pouvoirs législatif, judiciaire, exécutif, mais
cela ne change en rien du côté gouvernemental, en tout cas, le
respect et l'importance que nous accordons au pouvoir judiciaire. D'une
façon générale, d'ailleurs, j'estime que les relations
entre les différents pouvoirs sont normales et que la qualité de
ces relations repose et doit reposer sur le respect mutuel entre ces pouvoirs
et sur une juste compréhension de leur rôle respectif.
Mme la Présidente, il ne m'apparaît pas juste de laisser
entendre ou de donner l'impression qu'au Québec le gouvernement ou les
citoyens sont particulièrement irrespectueux des tribunaux ou de leurs
décisions. Les Québécois sont certes, comme tous les
peuples, où la liberté d'expression est respectée,
critiques à l'égard de leurs institutions, mais cette critique
est généralement saine et si les tribunaux n'y échappent
pas, non plus d'ailleurs que l'Assemblée nationale et le gouvernement,
ce n'est sans doute pas sans raison car, comme toutes les institutions
humaines, ils sont susceptibles d'amélioration.
La discussion de ces problèmes aide certainement ce
débat nous l'a permis à améliorer la
compréhension réciproque du rôle de chacun. Du
côté des hommes publics, en tout cas, je suis assuré que
cela permet à tous et chacun de mieux percevoir l'importance majeure
dans une société du plus grand respect pour le pouvoir judiciaire
et pour ceux qui l'exercent. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente. Nous sommes
réunis ici aujourd'hui pour disposer de la motion
privilégiée concernant l'attitude désinvolte et
répréhensible du gouvernement envers le pouvoir judiciaire. Ce
sujet en est un qui refait surface de façon régulière
depuis que l'actuel gouvernement est au pouvoir. Ainsi, depuis quelques
années, il n'est plus rare de voir dans les journaux des titres
semblables aux suivants: Comment garantir aux juges l'indépendance face
à l'exécutif. Ou encore: Le pouvoir civil dédaigne la
justice. Ou plus récemment encore: Ministre contre juge. Encore
là, ce ne sont que quelques exemples. D'autre part, Mme la
Présidente, le 17 novembre 1978, ce n'est donc pas d'hier, la commission
permanente de la justice s'est réunie pour discuter d'une question avec
débat que j'avais alors soumise au ministre de la Justice et dont le
sujet était: L'application du principe de l'indépendance du
pouvoir judiciaire et ses conséquences sur le rôle des juges dans
la société québécoise.
Il faut dire que ce n'était pas la première occasion pour
moi d'aborder cette question. Le ministre se rappellera que lors de
l'étude du projet de loi no 40, en juin 1978, Loi modifiant la Loi des
tribunaux judiciaires et créant le Conseil de la magistrature, proposant
également un nouveau mode de rémunération des juges et un
réaménagement complet du régime de pension, l'Union
Nationale avait abordé l'étude de ce projet de loi en
s'interrogeant notamment sur les conséquences que pourrait avoir ce
projet de loi, sur le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire.
(12 h 40)
Maintenant, si vous me le permettez, j'aimerais citer un extrait
d'article publié dans la revue du Barreau du Québec en 1968. Bien
que cette citation date déjà de douze ans, malheureusement elle
est encore d'une grande actualité. J'aimerais donc vous citer le passage
d'un article de l'honorable juge Trudel dans la revue du Barreau.
Il disait ceci: "Une observation scientifique s'avère
indispensable au préalable. Un étonnement est
irrépressible devant une première constatation. L'appareil
judiciaire n'a aucune ossature qui permette à ceux qui ont exclusivement
la responsabilité de rendre la justice d'oeuvrer dans
l'établissement de moyens d'en assurer l'efficacité. Le corps
judiciaire n'a même pas dans la constitution un rôle consultatif
reconnu et nanti des organes normaux pour chercher et exprimer une suggestion
sur les structures du pouvoir qu'on lui a confié. Tout ceci est
dévolu à l'exécutif et au législatif, parfois au
Barreau, comme dans le cas particulier de la capacité des
sténographes judiciaires. "Le pouvoir judiciaire canadien se
caractérise, s'il ne se définit pas, par un ensemble de juges
isolés dans divers tribunaux rendant des décisions
sous leur nom et n'ayant sur l'appareil judiciaire, fondé pour
assurer l'efficacité de leur décision, aucune autorité
valable et efficace. Le budget, la nomination des aides et officiers de
justice, la logistique, l'établissement des tribunaux, tout leur
échappe pour se reporter sur l'exécutif. '
On voit que, même si le ministre de la Justice se vantait à
bon droit d'avoir établi le Conseil de la magistrature lors de
l'adoption d'un projet de loi à l'Assemblée nationale, il n'en
reste pas moins que tous ces problèmes soulevés par le juge
Trudel sont toujours d'actualité.
Le juge Trudel continuait: "La justice est trop importante pour lui
continuer de telles entraves qui diminuent son efficacité et sa
productivité. D'autres services de l'Etat existent avec des
facilités administratives qui ont décuplé et assoupli le
rendement il donnait comme exemple HydroQuébec ou la Régie
des alcools il suffit de n'en nommer que quelques-unes. Elles doivent
beaucoup à l'absence des traditions anciennes ou d'origine noblement
incertaine et reculée. La raison ne saurait refuser au pouvoir
judiciaire ce qui est essentiel à la bonne marche de tout service
public."
Je pense que cette citation est toujours d'une grande actualité.
Bien sûr, depuis cette date, il y a eu des changements, et en particulier
le projet de loi no 40. Mais là n'est pas la question, car le
problème reste entier et se situe dans l'esprit même de cette
citation qui conserve ainsi tout son sens. Parmi les facteurs qui restreignent
l'indépendance du pouvoir judiciaire, mentionnons la multiplication des
offices, des régies et commissions à qui on confie certaines
juridictions qui devraient appartenir aux tribunaux judiciaires.
Mentionnons aussi les décisions judiciaires
révisées par des fonctionnaires, par exemple, au Bureau des
véhicules automobiles où, au sujet des permis de conduire, des
fonctionnaires rendent des décisions judiciaires. Mentionnons encore la
transformation des juges en fonctionnaires et également le manque de
personnel au service de l'administration de la Justice, ce qui a pour effet de
causer des retards que doivent subir les justiciables.
En résumé, l'indépendance des juges face au pouvoir
politique sous toutes ces facettes, c'est cela qu'il faut protéger. En
pratique, ceci veut dire que le gouvernement devrait prendre des mesures
draconiennes en vue de faire disparaître le plus possible les
tracasseries administratives, les obstacles matériels, les pressions
sociales et politiques, qui ne facilitent pas le travail des juges. De plus en
plus, l'érosion de la protection du justiciable se fait de façon
subtile et donc également de façon dangereuse.
Par exemple, parlons des lois-cadres et de la législation
déléguée. Les conséquences pour le justiciable ne
se comptent plus quand on assiste impuissant à la multiplication des
tribunaux quasi judiciaires ou administratifs, comme les régies, les
offices et les commissions, bien souvent sans droit d'appel ou encore avec des
droits d'appel à eux-mêmes, comme, par exemple, la Régie de
l'assu- rance-automobile, la Commission de protection du territoire agricole,
la Régie des rentes du Québec. Quelle garantie que justice
paraisse avoir été rendue pouvons-nous avoir lorsque les
organismes en question révisent eux-mêmes leurs propres
décisions?
Je veux maintenant aborder une autre facette du problème qui est
encore plus grave. Ici, je fais allusion à cette fâcheuse manie
qu'ont certains ministres de critiquer les jugements qui ne font pas l'affaire
du gouvernement. Dans certains cas, on pousse même l'audace
jusqu'à blâmer publiquement le juge qui a rendu le jugement et
même le premier ministre semble entériner les prises de position
des ministres concernés. Ainsi, dans l'affaire de la
société Asbestos, un ministre a déclaré: II est
humiliant parce que la société Asbestos Corporation a fait
appel aux tribunaux pour se défendre face à une loi qui
était adoptée par l'Assemblée nationale de devoir
attendre une décision judiciaire d'un tribunal avant de pouvoir
procéder à la nationalisation d'Asbestos. Pis encore, il a
même menacé la société en question de
représailles devant la juridiction pénale, devant les tribunaux
pénaux.
Un autre exemple. Des justiciables attaquent un chapitre de la loi 101
qui concerne la langue de la législation et de la justice. Quand la Cour
d'appel confirme le jugement de la Cour supérieure, qui avait
prononcé l'inconstitutionnalité de cette loi, un ministre du
gouvernement déclare à l'Assemblée nationale que la
volonté politique du Québec ne passera pas par des avis de la
cour. Et puis la tempête éclate quand, à son tour, la Cour
suprême du Canada confirme les conclusions des deux tribunaux du
Québec le 13 décembre 1979.
Le même soir, au moins trois membres du gouvernement expriment
l'attitude officielle du gouvernement. L'un qualifie le jugement d'injure
suprême; un autre se réfère à l'humiliation
suprême, à un diktat, à une insulte; enfin, un
troisième, qui n'est pas le moindre, parle d'une injustice cruelle et
d'implication proprement insultante.
Le gouvernement, lorsqu'il a adopté cette loi 101, savait fort
bien qu'il allait à l'encontre de l'une des prescriptions de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et que, ce faisant, il risquait de voir
un ou plusieurs de ces articles de la loi déclarés
inconstitutionnels. Il l'a fait délibérément, dans le but
de se faire du capital politique référendaire. C'est pour cette
raison qu'on s'est dépêché, et non pas pour les raisons
invoquées par le ministre de la Justice tout à l'heure; c'est
pour cette raison purement politique que le gouvernement s'est empressé,
immédiatement, lorsque le jugement a été rendu, de
proposer un projet de loi à l'Assemblée nationale pour faire en
sorte, encore une fois, de se faire du capital politique
référendaire, à cause de la décision qui
était rendue.
Soulignons que, parmi les ministres concernés, se trouvent en
particulier les ministres Laurin et Bérubé. Ce dernier a, de
plus, dénaturé la pensée du juge Montgomery en lui faisant
dire que la loi était arbitraire et repoussante. Ce que le juge
Montgomery a écrit, comme le souligne le juge
Edouard Rinfret, ancien juge en chef de la Cour d'appel, est que la loi
est "repugnant to the provision of the British North America Act". Dans ce
contexte, ajoute le juge Rinfret, la seule traduction possible du mot
"repugnant" est "incompatible" avec les dispositions de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Ce n'est pas ce que le ministre a dit.
Le juge n'avait pas dit que la loi était arbitraire et repoussante, mais
plutôt "repugnant", dont la traduction française doit être
"incompatible".
Comme l'écrivait Marc Laurendeau, il est normal que, dans une
société moderne où il existe un équilibre des
pouvoirs, l'autorité, l'Assemblée nationale en l'occurrence ici,
se heurte aux décisions des tribunaux. Roosevelt, dans les années
trente, a ainsi vu invalidées par la Cour suprême des Etats-Unis
ses lois du "New Deal". Maurice Duplessis a souvent eu des
démêlés avec l'appareil judiciaire. Même Robert
Bourassa eut ses ennuis judiciaires avec les Amérindiens de la Baie
James et avec la loi 22 qui fut attaquée devant les tribunaux. Mais
aucun d'eux n'a adopté l'attitude du gouvernement actuel du
Québec.
Les problèmes de l'actuel gouvernement du Québec, face aux
décisions des tribunaux, ne constituent donc pas un cas unique.
Cependant, on ne peut pas dire la même chose de la réaction de
certains ministres et du premier ministre concernant certaines décisions
de nos tribunaux. Comme l'écrivait l'honorable juge Deschênes,
juge en chef de la Cour supérieure du Québec, il faut
réagir avec vigueur contre une situation propre au Québec,
où le dédain que le pouvoir civil affiche envers le judiciaire
menace d'une dégradation graduelle nos institutions les plus
précieuses et, à travers elles, la liberté de chaque
citoyen. Les ministres doivent donc cesser de tenir des propos outrageants
à l'Assemblée nationale à l'endroit du pouvoir judiciaire
et des juges qui le composent.
Enfin, pour terminer, Mme la Présidente, comme la question
constitutionnelle, abordée d'ailleurs par le ministre, est
présente partout, au nom de ma formation politique, je me permets de
faire une suggestion au gouvernement. Ainsi, comme il y aura des pourparlers
durant tout l'été dans le but de régler la question
constitutionnelle, nous croyons qu'il est essentiel qu'il y ait dans la
nouvelle constitution canadienne une définition claire et nette de la
nature et du rôle du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs exécutif
et législatif. Nous croyons que ce sujet peut très bien
être abordé dans le cadre des discussions qui auront lieu au cours
des mois à venir. Je vous souligne aussi que cette prise de position de
l'Union Nationale est contenue dans notre programme constitutionnel de
février 1979 et qu'elle se lit comme suit: "L'inscription dans la
nouvelle constitution candienne d'une définition claire et nette de la
nature et du rôle du pouvoir judiciaire face aux pouvoirs exécutif
et législatif."
Mme la Présidente, je termine dans quelques secondes,
j'aimerais maintenant que le ministre nous indique quelle est sa position,
à lui, face à cette question des déclarations
ministérielles, que le ministre puisse nous donner son opinion
personnelle concernant les propos tenus par le ministre Bérubé
à l'égard du juge Montgomery. Enfin, le ministre de la Justice
a-t-il l'intention de plaider la cause de l'indépendance judiciaire
auprès de ses collègues du cabinet dans le but de faire cesser
leurs attaques vis-à-vis du pouvoir judiciaire? Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: Mme la Présidente, conformément à
la tradition qui s'établit de plus en plus, j'ai encore cinq minutes
à ma disposition. Je vous dirai, Mme la Présidente, que
j'appuierai cette motion présentée par le député de
Saint-Laurent qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement pour son attitude désinvolteet
répréhensible envers le pouvoir judiciaire."
En effet, il me semble que dans une société bien
organisée, dans une société où on veut vivre en
paix, ou on veut vivre dans le respect des uns et des autres, il y a au moins
un minimum de choses qu'il faut respecter. Parmi ces choses à respecter,
il faut d'abord se respecter, en tant que citoyens, les uns les autres, et
respecter également les institutions. Si on ne peut pas en arriver
à comprendre cela, on se retrouve dans une société en
désordre. C'est pourquoi nous avons un pouvoir législatif, un
pouvoir exécutif et un pouvoir judiciaire.
Il me semble que le moins que l'on puisse espérer, c'est que les
citoyens formant cette société respectent ces trois pouvoirs.
Mais on peut davantage, Mme la Présidente, espérer que les
pouvoirs entre eux, soit le législatif, l'exécutif et le
judiciaire, se respectent également. Je trouve très malheureux
que cela se soit produit. Nous avons été témoins que des
membres du pouvoir exécutif ont critiqué, de façon
ouverte, le pouvoir judiciaire. Nous savons tous que le pouvoir judiciaire ou
encore, si l'on veut, la magistrature doit pouvoir jouir de
l'indépendance la plus totale, sinon il y a des risques très
graves que la société tombe dans un désordre
épouvantable. Le pouvoir judiciaire étant celui qui, en
définitive, doit interpréter les lois qui sont faites par le
pouvoir législatif, il doit pouvoir rendre justice. Quand on dit rendre
justice, Mme la Présidente, il me semble que cela veut dire envers tous
les justiciables, quels qu'ils soient.
C'est sûr que, lorsque le pouvoir judiciaire ou un magistrat doit
rendre un jugement, doit trancher une question en vertu de la loi, des
témoignages et des faits qui sont présentés devant lui, il
y a une partie gagnante et une partie perdante; c'est régulier. Si
chaque fois que cela se produit, cette partie perdante en profite pour
critiquer magistralement le pouvoir judiciaire, à ce moment-là,
le bon exemple que le pouvoir exécutif doit donner à l'ensemble
de la population n'existe pas.
C'est un mauvais exemple qui est donné à la population et
c'est le même pouvoir exécutif qui, en d'autres circonstances,
demandera à la population, par exemple, d'opter pour telle ou telle
autre option qui est issue de son programme parce que l'exemple est à
suivre.
Or, Mme la Présidente, on ne peut pas avoir deux poids deux
mesures. Si le pouvoir exécutif, un jour, demande qu'on le suive dans
tel programme qui lui semble valable et si ce même pouvoir
exécutif arrive le lendemain et tente de détruire la
crédibilité de la magistrature, c'est une chose inconcevable. Je
sais que dans ce gouvernement je ne dis pas le ministre de la Justice
il y a eu malheureusement des membres du Conseil exécutif qui ont
critiqué la magistrature, et cette attitude est à blâmer.
Je ne voudrais pas que ça se reproduise et c'est pour cela que nous
avons aujourd'hui je le dis en terminant; malheureusement, cinq minutes,
ça ne permet pas de dire tout ce que je voudrais dire, mais je le dis en
terminant une motion de censure et j'espère que le gouvernement
tiendra compte de cette motion de censure et la prendra comme une leçon
à retenir pour l'avenir. Si cela se reproduit nous devrons revenir
à la charge et, à ce moment-là, dans d'autres temps
où nous aurons plus de minutes à notre disposition, le
débat pourra durer plus longtemps et nous pourrons faire connaître
nos points de vue de façon plus détaillée.
La Vice-Présidente: M. le député de
Saint-Laurent, pour votre réplique. (13 heures)
M. Claude Forget
M. Forget: Mme la Présidente, ce qu'il faut retenir des
propos du ministre me semble une bien piètre justification pour des
comportements que j'ai condamnés tout à l'heure, condamnation sur
laquelle je ne reviendrai pas maintenant. Cependant, lorsque le ministre
concède qu'il a pu y avoir parmi ce qu'on dit ses collègues des
propos inappropriés, il me semble qu'il confesse lui-même qu'il y
a eu là des choses dont on peut valablement se plaindre.
Comment se fait-il que le ministre, lorsqu'il était partie
à des débats à l'Assemblée nationale, n'a jamais
jugé à propos d'intervenir et de mettre les choses au point? Il a
laissé faire sans s'inquiéter que des mots inappropriés
soient utilisés par ses collègues. Il va plus loin. Ayant fait
cet aveu que des mots inappropriés avaient été
utilisés, il nous dit un peu plus tôt que finalement, dans ce que
M. Bérubé, M. le ministre de l'Energie et des Ressources a dit en
commission parlementaire, il faut voir une contribution valable à un
important débat. Cela, Mme la Présidente, c'est de
l'impé-nitence. J'ai cité dans mon intervention principale les
propos de M. Bérubé en commission parlementaire. Ce sont des
propos qui sont absolument inadmissibles et c'est se moquer du monde que
d'appeler cela une contribution valable à un important débat
public.
Selon le ministre de la Justice, quel est-il ce débat? Il
porterait, selon lui, sur là-propos pour les juges de décerner
une injonction, pour empêcher qu'une situation irréversible ne
soit créée par le gouvernement en vertu d'une loi qui sera
peut-être déclarée inconstitutionnelle. On ne peut
présumer de rien tant qu'un jugement final n'est pas porté. Il
s'agit là d'une utilisation connue, d'une utilisation voulue par le
législateur de l'injonction, et la défense qu'il fait à
savoir que dans le Code de procédure du Québec on exclut
l'utilisation de ces recours en injonction et autres recours analogues de
prérogatives contre la couronne, ce n'est pas une excuse valable. Il
devrait savoir aussi bien que n'importe qui et mieux que n'importe qui en cette
Chambre que les tribunaux ont interprété cette clause restrictive
quant à l'utilisation de l'injonction de manière à ne pas
lui donner une extension plus grande qu'il ne fallait, d'une manière
à ne pas protéger la couronne contre l'intervention des
tribunaux. Lorsqu'un gouvernement, utilisant un pouvoir discrétionnaire,
dépasse l'intention du législateur, s'apprête à
poser un geste qui enfreint de façon grave les droits d'un particulier,
d'un individu ou d'une société, les tribunaux ont reconnu,
grâce au ciel, qu'il était possible d'intervenir, même par
voie d'injonction.
N'oublions pas que c'est un pouvoir gouvernemental qui est en question.
Ce n'est pas la loi elle-même qui a été l'objet d'une
injonction, c'est l'utilisation discrétionnaire que le gouvernement peut
en faire en vertu d'un pouvoir très large qu'il s'est donné pour
définir de façon absolument arbitraire à la fois les biens
qui feront l'objet de l'expropriation, le moment où l'expropriation va
intervenir et même les mécanismes de compensation
financière qui sont prévus par la loi. C'est donc pour
empêcher qu'une situation irréversible ne soit posée que
l'injonction a été accordée. Si c'est cela le débat
de fond, les ministres qui y ont participé n'ont pas été
à la hauteur de ce débat, puisqu'ils n'ont pas fait valoir les
arguments en droit qui pourraient être avancés, ils n'ont pas tenu
compte de précédents nombreux d'une jurisprudence qui donne de
plus en plus aux tribunaux un rôle pour juger de l'à-propos, du
bien-fondé d'actions administratives.
C'est là une libération du citoyen face au gouvernement,
face au gigantisme de la bureaucratie de l'administration publique et au lieu
de le condamner, le ministre de la Justice devrait applaudir à cette
évolution et même prendre des engagements qu'il va faire
évoluer notre droit administratif de manière à mieux
protéger les droits des citoyens plutôt qu'à condamner les
tribunaux dans une action absolument justifiable, et d'ailleurs,
prévisible.
Le ministre s'est livré à des attaques personnelles. Je ne
répondrai pas à ces attaques personnelles. Les
événements vont répondre par eux-mêmes à
toutes ces insinuations qu'il a faites. Il devra peut-être avec certains
des critiques qu'il a cités ravaler les propos disgracieux qu'il a eus
à mon égard. Pour ce qui est de ces allusions semi-voilées
à l'utilisation de la Loi des mesures de guerre, je pourrais dire que je
n'étais pas membre du gouvernement qui a pris cette décision,
mais je ne me réfugierai pas derrière une excuse aussi
facile. Il faut bien savoir que ce gouvernement a eu la bonne fortune de
ne pas se trouver dans des circonstances mettant en péril la
sécurité publique et qu'il n'a donc pas eu à faire preuve
ni de magnanimité ni de courage. Mais il reste que ces instruments sont
là pour être utilisés et c'est la responsabilité des
gouvernements de le faire, et à l'occasion, d'être
condamnés pour les avoir utilisés à mauvais escient.
C'est une attaque basse que de laisser soupçonner que parce
qu'ils ont été utilisés à mauvais escient une fois
et cela on l'a su seulement de nombreuses années après
que le parti auquel j'appartiens s'est à tout jamais
déclassé, s'est à tout jamais discrédité par
l'utilisation de ses pouvoirs. Ils sont là pour protéger la
collectivité, la sécurité publique. S'il y a d'autres
circonstances dans l'avenir qui imposent leur utilisation, il faudra qu'un
gouvernement ait le courage politique de le faire à nouveau.
Le ministre de la Justice exagère quand il affirme que son
gouvernement a toujours respecté les ordonnances des tribunaux.
N'oublions pas que nous avons eu, la semaine dernière, un débat
assez orageux au sujet d'une ordonnance qui prend le nom d'un mandat de
perquisition que le gouvernement n'a pas respectée.
C'est cela, c'est tout autant une ordonnance d'un tribunal qu'un
jugement de la Cour.
Je pense que ce gouvernement s'est largement vanté. Il ne s'agit
pas seulement de respecter dans les faits les ordonnances des tribunaux, il
s'agit aussi de le faire sans maugréer, sans accuser personne, sans se
prêter d'intention, sans faire de querelle aux juges qui le font dans le
respect de leurs fonctions, dans le respect de la légalité, dans
le respect de la constitution. S'ils veulent s'attaquer à la
constitution, qu'ils s'attaquent à la constitution, mais encore une
fois, qu'ils respectent les jugements des tribunaux sans maugréer, sans
miner leur crédibilité, sans miner leur autorité.
Je pense que la conclusion de tout ce débat est que le
gouvernement, au lieu de plaider, au lieu de continuer à se
défendre ou d'attaquer pour se défendre devrait au contraire
faire amende honorable. Avant que nous ayons à voter sur cette motion de
blâme à l'égard du gouvernement, qui a affiché
envers nos institutions judiciaires une attitude et un comportement
inadmissible, il faut peut-être donner une dernière chance au
gouvernement et au premier ministre lui-même qui est présent ici,
et j'en suis fort aise. Je le remercie de sa présence et de son
intérêt. Il faut peut-être lui donner une dernière
chance de se rétracter et d'offrir des excuses aux membres de nos cours
de justice de manière que ce dossier soit fermé dans
l'unanimité. Autrement, nous allons assister à un vote qui va
nous opposer les uns les autres. Le gouvernement, si le nombre y est on
n'en est pas absolument sûr encore va peut-être gagner
formellement par la procédure, mais aux yeux de l'opinion publique il se
sera montré non repentant, non persuadé que l'attitude qu'il a
affichée et qui a étonné beaucoup de nos concitoyens...
c'est une attitude qu'il continue à épouser.
Les effets nocifs d'une telle attitude, de la part de ceux qui
détiennent aujourd'hui l'autorité, va se faire sentir pendant de
nombreux mois, de nombreuses années et sera peut-être un jour un
élément qui va jouer contre le parti qui occupe actuellement les
fauteuils ministériels parce que c'est là une chose qui risque de
devenir une marque de commerce.
En terminant, M. le Président, je réitère ma
demande au premier ministre et à ses collègues de se
rétracter et de faire des excuses aux juges qui ont été
blessés sérieusement par des propos disgracieux de ses
collègues: A défaut d'obtenir safisfaction je ne suis pas
très encouragé par l'attitude de ceux qui sont devant moi
j'inviterai nos collègues à voter sur cette motion, et à
voter positivement, à l'adopter comme étant le seul jugement
qu'on puisse porter ici à l'Assemblée nationale sur l'attitude
gouvernementale.
Le Président: Je demande maintenant qu'on procède
à la mise aux voix et pour ce faire je demande qu'on appelle les
députés!
Mise aux voix de la motion
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre de la Justice, M. le chef de l'Opposition.
Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la
motion privilégiée de M. le député de
Saint-Laurent, pour que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement pour son attitude désinvolte et
répréhensible envers le pouvoir judiciaire.
Je demande à ceux et à celles qui sont pour cette motion
de bien vouloir se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Lalonde, Blank,
Saint-Germain, Picotte, Ciaccia, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme
Chaput-Rolland, MM. O'Gallagher, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton,
Pagé, Springate, Marx, Lalande, Brochu, Goulet, Fontaine, Cordeau,
Samson.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Mmes Cuerrier, Payette, MM. Bédard, Laurin, Morin
(Sauvé), Landry, Léonard, Couture, Vaugeois,
Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt
(Jonquière), Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard,
Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux,
Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Mme
LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Beauséjour,
Mercier, Ouellette, Perron, Jolivet, Brassard, Godin, Marquis, Lavigne,
Boucher, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque
(Témiscouata-Kamouraska).
Le Président: Que ceux et celles qui désirent
s'abstenir veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétare: Pour: 31 Contre: 55
Abstentions: 0
Le Président: Alors, la motion est rejetée. M. le
leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, en rappelant qu'à 15
heures, c'est le débat sur la loi 105 qui débutera, je propose la
suspension des travaux jusqu'à 15 heures.
Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?
Adopté.
L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 13 h 22
Reprise de la séance à 15 h 20
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Vous
pouvez vous asseoir.
Présence d'un ministre de la
Colombie-Britannique
Avant de céder la parole au leader adjoint du gouvernement, je
voudrais souligner la présence dans nos galeries du ministre des
Affaires intergouvernementales de la Colombie-Britannique, M. Gardom.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le ministre des Affaires
municipales en aurait une petite vite à passer à l'article 10) du
feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 105 Deuxième lecture
Le Vice-Président: J'appelle donc la deuxième
lecture du projet de loi no 105, Loi modifiant certaines dispositions
législatives concernant la démocratie et la
rémunération des élus dans les municipalités. M. le
ministre des Affaires municipales.
M. Lavoie: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Laval.
M. Lavoie:... avant d'entendre le ministre des Affaires
municipales sur la deuxième lecture du projet de loi no 105, le ministre
est sans doute au courant qu'un télégramme a été
envoyé au ministre et au leader parlementaire de l'Opposition officielle
ainsi je l'imagine qu'à l'Union Nationale de la part de
l'Union des municipalités du Québec qui est en session
d'étude de la nouvelle rédaction du projet de loi qui a
été déposée mardi de cette semaine, demandant le
report de la deuxième lecture à 24 heures, demain; au lieu
d'amorcer, en somme, le débat de la deuxième lecture aujourd'hui,
ce serait remis à demain. Quelle est la position du ministre à la
suite de cette demande?
M. Bertrand: Question de règlement.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je comprends très
bien le pourquoi de la demande du député de Laval. Il a sans
doute reçu ce télégramme après les questions
normalement posées au leader du gouvernement, au moment de l'article 34.
A-t-il reçu le télégramme après cela?
M. Lavoie: Oui, M. le Président.
M. Bertrand: Dans les circonstances, M. le
Président...
M. Lavoie: Le télégramme a été
envoyé à l'heure du dîner. D'ailleurs, on m'a
prévenu par téléphone, vers 12 h 30 ou 13 heures, je
crois, que le télégramme était en route.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, j'aimerais simplement
indiquer qu'indépendamment de la réponse du ministre des Affaires
municipales, il n'est certainement pas dans l'intention du gouvernement de
modifier son horaire cet après-midi, mais peut-être que le
ministre, relativement à certaines des informations qui lui sont
parvenues, pourrait indiquer dans quelle mesure il pense en tenir compte au
moment où les travaux de la commission parlementaire pourront être
tenus la semaine prochaine.
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Tardif: M. le Président, avant de commencer
l'exposé des motifs, des principes de ce projet de loi, je voudrais, en
réponse à la question du député de Laval, lui dire
qu'on m'a également informé, vers 13 heures, qu'un
télégramme serait envoyé dans le courant de
l'après-midi, demandant le report de la deuxième lecture en
attendant l'étude.
M. le Président, quand on sait qu'il s'agit d'un projet de loi
on le verra dans l'historique que je vais donner qui chemine
depuis deux ans, ce n'est pas 24 heures qui vont apporter une modification au
niveau des principes. C'est bien, je pense, l'objet de la deuxième
lecture que de se prononcer sur le principe d'un projet de loi.
Cependant, compte tenu que, d'après le calendrier des travaux de
la Chambre nous devrions normalement procéder mardi, à
l'étude article par
article de ce projet de loi, s'il s'avérait, entretemps, que
l'Union des municipalités ait des représentations à faire
sur certains articles, il me fera très certainement plaisir d'en tenir
compte ma porte leur sera ouverte toute la fin de semaine, samedi et
dimanche inclus et d'intégrer certains amendements qui pourraient
modifier la forme, mais certainement pas le fond, M. le Président.
M. Lavoie: Avec votre permission, j'aurais une question
additionnelle. J'ai la réponse du ministre en ce qui concerne
l'étude cet après-midi; cela me satisfait pour le moment,
même si cela ne semble pas satisfaire l'Union des
municipalités.
La deuxième question que j'ai à poser au ministre est la
suivante: Serait-il possible que, mardi, avant de commencer l'étude du
projet de loi article par article à la commission parlementaire des
affaires municipales, on entende, au début de la séance, pendant
une heure, l'Union des municipalités et, possiblement, l'Union des
conseils de comté, si ces deux organismes désirent être
entendus, ou d'autres municipalités, par exemple une grande
municipalité comme Montréal, Québec ou Laval? Serait-il
possible d'entendre, mardi, avant de commencer l'étude article par
article, ces organismes qui représentent les 1500 ou 1600
municipalités du Québec?
M. Cordeau: M. le Président, avant la
réponse...
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Je trouve souhaitable la suggestion du
député de Laval que nous entendions, mardi prochain, les
intervenants concernant ce projet de loi. Etant donné qu'ici nous avons
pour but de bonifier les projets de loi qui nous sont présentés,
c'est peut-être l'occasion souhaitée pour l'Opposition de
connaître les désirs de ceux qui veulent apporter des amendements
au projet de loi que nous étudions présentement. J'appuie la
proposition du député de Laval d'entendre les intervenants mardi
prochain, pendant une heure, si c'est possible.
Le Vice-Président: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Tardif: M. le Président, disons que je n'ai pas
reçu, de la part du monde municipal, une telle requête.
Deuxièmement, si une telle demande était formulée, il me
ferait très certainement plaisir d'en discuter avec mon collègue,
le leader du gouvernement, afin de voir s'il est possible d'aménager
cela à l'intérieur de nos travaux. Personnellement, j'ai eu de
multiples rencontres avec l'exécutif des deux unions. Si les partis
d'opposition n'ont pas eu ce genre de rencontres et qu'ils voudraient en avoir
privément, libre à eux, mais je pense qu'au niveau des principes,
tout a été dit. A tout événement, si je recevais
une telle requête, je la transmettrais volontiers au leader.
M. Guy Tardif
M. le Président, ce projet de loi no 105 sur la démocratie
municipale s'inscrit dans une série de mesures visant à apporter,
dans le monde municipal, des réformes que les grandes réformes
des années soixante et soixante-dix avaient plus ou moins
laissées de côté. On se souviendra en effet que le monde de
l'éducation a connu, je pense, des changements profonds au cours de la
décennie soixante. Subséquemment, au cours de la décennie
soixante-dix, ce fut le tour du domaine de la santé et des affaires
sociales où le législateur est venu apporter une série de
mesures qui ont mené, à toutes fins pratiques, à la prise
en charge totale par l'Etat de ces deux domaines importants que sont
l'éducation et la santé.
Pendant tout ce temps, le monde municipal est resté plus ou moins
à l'écart de ce grand courant de réformes, si bien qu'en
arrivant au ministère, en 1976, se posait la question, face aux
nombreuses revendications des élus municipaux depuis 20 ans, depuis 30
ans, à savoir à quand les réformes dans le monde
municipal. Remarquez que différentes commissions avaient
été créées, la commission Castonguay sur
l'urbanisme, la commission Hébert sur la refonte des lois municipales,
c'était une commission de refonte, et non pas de réforme à
qui on avait donné le mandat de voir si elle ne pouvait pas
intégrer les diverses lois existantes. Mais de réforme, aucune
à l'horizon.
Il s'est donc posé pour celui qui vous parle, en arrivant en 1976
au ministère, cette question d'opérer ces réformes et,
deuxièmement, du sens à donner à ces réformes.
Est-ce que l'Etat devait, dans le domaine des affaires municipales,
procéder comme il avait fait dans le domaine de l'éducation et de
la santé, c'est-à-dire une prise en charge totale? Nous avons, M.
le Président, dans le domaine des affaires municipales, opté pour
le point de vue contraire, c'est-à-dire non pas pour un contrôle
de l'Etat de la vie municipale, mais bien pour un contrôle plus grand des
citoyens de ce qui se passe dans leurs municipalités, un contrôle
plus grand des citoyens du niveau des services qu'ils veulent bien se donner,
ce qui implique donc une fiscalité plus autonome, moins
dépendante des volontés gouvernementales et,
troisièmement, une autonomie plus grande, un contrôle plus grand
des citoyens de l'aménagement de leur espace urbain.
Cette conception, M. le Président, c'est celle que je livrais
à la conférence Québec-municipalités que nous
avions convoquée au printemps de 1978 et qu'il ne serait peut-être
pas inutile de lire ici.
M. Marchand: Je m'excuse auprès du ministre, mais
j'invoque le règlement. Je crois que nous n'avons pas quorum.
Le Vice-Président: Vous avez raison, il n'y a pas quorum.
Qu'on appelle les députés.
M. le ministre des Affaires municipales, nous aurons maintenant
quorum.
M. Tardif: M. le Président, sans vouloir être
désobligeant à l'endroit du député de Laurier, je
lui fais remarquer qu'il y a présentement, si je ne m'abuse, des
commissions qui siègent pour l'étude des crédits, ce qui
fait sans doute que de ses collègues de l'Opposition et des nôtres
sont présentement dans une autre pièce à étudier
les crédits.
M. le Président, je disais, à la conférence
Québec-municipalités, ceci: Pour la première fois, le
gouvernement présente à ses partenaires municipaux de même
qu'à la population, non seulement un projet sectoriel touchant nos
institutions municipales, mais, ce qui est plus important, il livre en
même temps une conception, une vision de la chose municipale. Je
continuais à l'époque: Cette vision tient en trois volets:
Premièrement, elle porte sur les finances municipales, non pas sur un
replâtrage ou des cataplasmes, mais sur une véritable
réforme du système de taxation.
Deuxièmement, elle propose une réforme des
mécanismes démocratiques à l'intérieur de la vie
politique municipale. Dans notre esprit, je le disais à l'époque,
ces deux perspectives sont inséparables. Elles constituent le
côté pile et le côté face d'une même intention
de revalorisation du pouvoir municipal. Plus d'argent, certes, de façon
plus claire et plus simple, mais, en même temps, des possibilités
accrues pour les citoyens d'exprimer leurs besoins et d'assumer leurs
responsabilités à travers des institutions démocratiques
rénovées.
Enfin, M. le Président, j'ajoutais: Elle fait, comme il se doit,
une part à une troisième et dernière dimension, cette
vision que je livrais à l'époque, soit le partage des
compétences entre le gouvernement et les municipalités. C'est le
dossier de la décentralisation, de l'aménagement et de
l'urbanisme. Laquelle, cette troisième dimension, constitue, disais-je,
si on pousse l'analogie avec la pièce de monnaie, l'espace compris entre
les côtés pile et face.
Or, M. le Président, depuis cette date où je livrais cette
conception du monde municipal, je pense pouvoir affirmer que nous avons
livré le gros de la marchandise. En effet, la loi 57 est venue, sur le
plan de la fiscalité, apporter une réforme souhaitée
depuis 30 ans par le monde municipal. La loi 125, pilotée par mon
collègue, le ministre d'Etat à l'aménagement, est venue,
sur le plan de l'aménagement et de l'urbanisme, qui sont les seules
compétences immédiates données à des
municipalités régionales de comté, est venue dis-je
à la fois prévoir comment allait se faire, si vous voulez,
l'aménagement du territoire, mais ce qui est plus important encore, qui
allait le faire et à l'intérieur de quel cadre
géographique, c'est-à-dire celui des municipalités
régionales de comté.
Et, M. le Président, la loi 44, par deux fois votée par
cette Assemblée, est venue introduire certains jalons sur le plan de la
démocratie municipale.
La loi 105, dont nous devons parler aujourd'hui, vient compléter
la série de mesures visant à promouvoir la démocratie,
c'est-à-dire ce contrôle des citoyens sur ce qui se passe dans
leur municipalité. Cependant, il n'est peut-être pas inutile, et
cela répondra peut-être aux questions du député de
Laval et du député de Saint-Hyacinthe, de refaire
brièvement l'historique de ce projet de loi qui, même s'il arrive
c'est le hasard du calendrier sessionnel qui le veut en fin de
session, est un projet connu du monde municipal depuis plus de deux ans. En
effet, en juillet 1977, un comité interministériel ad hoc
était formé de représentants du ministère des
Affaires municipales et du ministre d'Etat à la Réforme
électorale et parlementaire en vue d'examiner cette question de
l'application des réformes électorales et parlementaires au
niveau municipal.
En janvier 1978, un document de travail était remis aux deux
ministres, celui qui vous parle et celui qui était responsable du
ministère d'Etat à la Réforme électorale et
parlementaire, et la décision était prise d'en soumettre le
contenu aux élus municipaux. Dès le mois de février et
mars 1978, les deux ministres ont fait le tour des conseils municipaux des
municipalités de plus de 50 000 habitants en les réunissant soit
ici à Québec, soit à Montréal, soit à
l'intérieur même de leur municipalité. Nous avons
discuté également avec les deux unions de ce que pourraient
comporter certaines réformes sur le plan démocratique.
En avril 1978, il y a eu une décision du Conseil des ministres,
à la suite de cette consultation, d'aller de l'avant avec un projet de
loi concernant les grandes villes, soit le projet de loi no 44, à
l'époque, et de soumettre l'ensemble des propositions à la
conférence Québec-municipalités. Ces propositions ont
effectivement été soumises à la conférence
Québec-municipalités sous forme de deux plaquettes qui ont
été distribuées à l'époque: La
revalorisation du pouvoir municipal, premier volet, Mécanismes
électoraux, et deuxième volet, Mécanismes de
décision. Il s'agit donc, encore une fois on retrouvera là
l'essentiel des mesures contenues dans le projet de loi no 105 de
documents distribués au monde municipal il y a plus de deux ans.
Cinquièmement, il y a eu la réception d'un mémoire
de l'Union des municipalités du Québec sur chacune de ces deux
plaquettes, c'est-à-dire sur les mécanismes de prise de
décision et sur les mécanismes électoraux. En juin 1979,
la Chambre procédait à la sanction du projet de loi no 39 dont
certaines dispositions touchaient la démocratie municipale, par exemple,
l'obligation pour une municipalité d'accorder un congé de quatre
heures pour les fins de vote au municipal, l'accès aux archives et au
livre de compte, l'illustration des avis de règlement. Et
déjà dois-je dire aussi que les projets de loi nos 54 et 55
avaient éliminé la pratique de la cooptation dans les cas de
vacances au conseil, ce qui faisait que, dès lors qu'un poste devenait
vacant, les membres du conseil pouvaient choisir quelqu'un à
l'extérieur pour le nommer. Nous avions déjà, dans les
lois nos 54 et 55, éliminé ces pratiques dans les cités et
villes et les municipalités régies par le Code municipal.
Subséquemment, le 22 juin 1979 arrivait la sanction de la loi no
44, deuxième version, qui
s'appliquait cette fois aux municipalités de plus de 20 000
habitants qui allaient en élections en novembre 1979. Le 21
décembre 1979 survenait la sanction de la loi no 57 sur la
fiscalité municipale dont un article donne au ministre le pouvoir de
réglementer la forme et le contenu des comptes de taxes ainsi que de
prescrire l'envoi de documents explicatifs du budget.
Il y a eu par la suite de nombreuses rencontres avec les unions
municipales sur la démocratie, plus précisément sur
l'espèce de préparation de projet de loi que nous avons le 13
février 1980 et le 1er avril 1980. Le 15 avril 1980, le projet de loi no
105 fut déposé en première lecture. Il avait
essentiellement comme objectif de rendre permanentes les dispositions de la loi
no 44, en plus, comme nous le verrons tantôt, de convenir de certaines
dispositions nouvelles.
Le 18 avril 1980, l'Union des conseils de comté soumet par lettre
des propositions sur la démocratie. Le 3 juin 1980, l'Union des
municipalités soumet au gouvernement des notes sur la loi no 105 et dans
la même semaine je reçois l'exécutif des deux unions et
nous passons plusieurs heures à l'examen du projet. (15 h 40)
La conclusion à tirer de cet historique, c'est qu'il s'agit de
mesures, comme je le mentionnais, qui n'arrivent pas à la
dernière minute même si nous nous trouvons en fin de session.
Deuxièmement, il s'agit de mesures qui ont été largement
discutées par le monde municipal et l'Assemblée nationale ici
même, étant donné que la loi no 105 reconduit la loi no 44
deux fois votée. Troisièmement, il s'agit d'un projet de loi qui
concrétise un long processus éminemment démocratique
commencé il y a plus de trois ans.
Evidemment, on peut trouver long ce processus, mais je pense, M. le
Président, qu'il n'a pas été inutile. Il nous a servi
à tous. D'abord, les élus locaux ont d'une part aidé le
gouvernement à aménager les mesures envisagées de
façon plus réaliste et, d'autre part, je pense que les
élus locaux ont aussi compris les intentions du gouvernement et ont
évolué au point d'endosser les principes qui sous-tendent le
projet de loi 105.
Voilà, M. le Président, pour l'historique. Voyons le
contenu. Que contient le projet de loi 105? Ce projet de loi, M. le
Président, si on tente de résumer les quatre séries de
mesures qu'il contient, traite d'abord de la reconduction et de
l'amélioration de certaines dispositions de la loi 44;
deuxièmement, de mesures visant à l'information des citoyens;
troisièmement, de déontologie et, quatrièmement, de
rémunération des élus.
Sur le plan des mesures électorales comme telles et de la
reconduction de la loi 44 avec plus ou moins de modifications, que fait la loi
no 105? M. le Président, la loi 105 fait ceci. D'abord, elle
étend à toute municipalité de plus de 20 000 habitants la
règle du système uninominal, c'est-à-dire du
découpage de la municipalité en quartiers, chaque quartier
élisant un conseiller. Deuxièmement, M. le Président,
cette loi permet à ces municipalités de 20 000 âmes de
dresser elles- mêmes leur carte électorale en tenant compte de
trois critères: d'abord, un écart maximal de 15% en plus ou en
moins entre les districts; ensuite, un souci d'homogénéité
socioculturelle et socio-économique à l'intérieur d'un
même district et, enfin, un nombre flexible de quartiers avec un plancher
et un plafond définis par la loi avec évidemment une
procédure de consultation des citoyens quant au découpage.
Troisièmement, M. le Président, la loi 105 prévoit une
procédure d'appel au directeur à la représentation en ce
qui concerne le découpage de la carte.
Une autre mesure que contient la loi 105 en rapport avec les
élections municipales, c'est celle de permettre et ce, à
leur demande même aux municipalités de moins de 20 000
habitants qui voudraient se découper en quartiers de pouvoir le faire
à leur demande. En plus, M. le Président, la loi prévoit
l'instauration d'une relation mathématique qui n'est pas purement
arithmétique entre la taille d'une municipalité et la taille d'un
conseil.
On sait que la règle générale au Québec pour
les petites municipalités, c'est celle d'avoir un maire et six
conseillers, ce qui peut, dans une municipalité de 1000 ou 2000
habitants, aller de soi, sauf qu'on retrouve à l'heure actuelle des
municipalités de plus de 100 000 habitants qui ont encore un maire et
six conseillers. Or, cette loi 44 garde la règle d'un maire et six
conseillers jusqu'à 20 000 de population c'est inchangé
mais, au-delà de 20 000, il y a une table de relation qui est
contenue dans la loi 44 et qui est d'ailleurs reconduite dans la loi 105.
Une autre mesure, M. le Président, que contient la loi 105 et qui
était déjà dans la loi 44, c'est que la loi, dans les
municipalités de plus de 20 000 habitants, reconnaît les partis
politiques municipaux si et lorsqu'ils existent et n'en crée pas pour
autant. Lorsqu'il y en a, la loi les reconnaît.
Autre mesure également très importante. On sait que la loi
no 44 avait transposé, sur le plan local, les dispositions de la loi no
2 sur le financement des partis politiques. Quelles sont ces dispositions? Ce
sont les dispositions qui font que, premièrement, seules peuvent
contribuer aux caisses électorales des personnes physiques donc,
on élimine les compagnies deuxièmement, les contributions
sont plafonnées à un certain montant; troisièmement, les
contributions de plus de $100 doivent être rendues publiques et,
quatrièmement, on vient plafonner le montant maximal permis pour des
fins de propagande électorale.
Enfin, cinquième mesure, M. le Président: on permet au
candidat de se faire rembourser jusqu'à concurrence de 50% des
dépenses permises, sur production de pièces, par la
municipalité comme telle.
Voilà donc essentiellement la transposition au plan local des
dispositions de la loi no 2 sur le financement des partis politiques qui sont
incluses dans la loi no 105 et qui s'appliqueront dorénavant à
toute municipalité de plus de 20 000 habitants.
En plus de cela, évidemment, toute la partie reliée au
contrôle des dépenses électorales qui
implique la production de rapports publics, de rapports financiers, est
également transposée.
Autre série de mesures visant à faciliter l'exercice de la
démocratie et, jusqu'à un certain point même, l'occupation
d'une charge publique. La loi no 105 vient ajouter ce n'était pas
dans la loi no 44 un certain nombre de mesures. Par exemple,
dorénavant, un employeur sera tenu de donner un congé sans solde
à un candidat à une élection municipale ou à une
personne qui, ayant brigué les suffrages, est élue. Ce
congé pourra être total ou partiel et, nous comptons le
préciser, il devra être pour les fins de l'exercice de la charge.
Il va de soi que, dans une municipalité de 1000 habitants, qui ne
requiert pas un maire et des conseillers à temps plein, une personne qui
exigerait un congé à temps plein aux fins d'exercer sa charge, ce
serait une interprétation abusive de ce qu'a voulu faire le
législateur. Mais nous donnons, de cette façon, une chance aux
personnes qui sont salariées de pouvoir occuper une charge municipale
sans subir de pressions de la part de l'employeur ou encore se sentir mal
à l'aise si elles désirent participer à la vie
municipale.
Autre mesure contenue dans le projet de loi: c'est celle qui vise
à interdire aux fonctionnaires municipaux de se livrer à des
activités partisanes pendant une élection municipale. Il s'agit,
en fait, encore là, d'une transposition que les lois
québécoises prévoient déjà pour les
fonctionnaires québécois et qui est transposée au plan
local.
Troisième série de mesures nouvelles. C'est de rendre
universelle la tenue d'élections partielles en cas de vacance au
conseil. On sait que nous l'avions fait déjà pour j'allais
dire 99,9% des municipalités. Il y en a deux qui, parce qu'elles
étaient régies par une charte spéciale et non par la Loi
des cités et villes ou le Code municipal, c'est-à-dire les villes
de Montréal et de Québec, échappaient à cette
règle; dorénavant, elles seront également assujetties
à cette règle de l'élection si la vacance survient plus de
douze mois avant la date prévue pour la tenue des prochaines
élections générales. Si elle survient à moins de
douze mois, le poste demeurera vacant pour le cas d'un conseiller. Dans le cas
du maire, un des conseillers sera élu maire par ses pairs.
Voilà, M. le Président, quant aux dispositions de la loi
no 105 qui généralise, tout en les complétant et en les
assouplissant à plusieurs égards, les dispositions de la loi no
44. (15 h 50)
Voyons maintenant ce qui concerne l'information. La politique
d'information est drôlement importante et je pense l'avoir située
au tout début de mon exposé lorsque j'ai dit que le gouvernement
avait décidé, dans le domaine des affaires municipales, de ne pas
procéder comme il avait été fait dans les domaines de la
santé et de l'éducation. Lorsque je dis cela, ce n'est pas pour
m'inscrire en faux contre ce qui s'est fait dans ces domaines. Je pense que
cela s'imposait de procéder comme on l'a fait dans les domaines de
l'éducation et de la santé, à savoir que l'Etat, qui est
financé à même les deniers de tous, prenne en charge ces
services essentiels puisque, lorsqu'on a besoin de se faire soigner ou
lorsqu'il est question d'éducation, il s'agit là de services qui
ne doivent pas être fonction de la richesse individuelle ou même
d'une municipalité.
Dans le domaine des affaires municipales, la même normalisation
des services ne s'imposant pas, le contrôle de l'Etat n'est pas
nécessaire, la prise en charge par l'Etat n'est pas nécessaire et
même, je pense, serait dommageable. A la place, cependant, il est
important d'instaurer un contrôle des citoyens locaux. Evidemment, on ne
peut contrôler véritablement qu'un citoyen qui est bien
informé. Pour ce faire, la loi 105 prévoit une série de
mesures qui elles-mêmes s'inscrivent à la suite d'une série
d'autres. Je pense à la loi 39, à la loi 57, à la loi 107,
à la loi 125 qui, chacune, contenaient des mesures.
Je vais en énumérer quelques-unes seulement. Prenons la
loi 39, par exemple, où, pour rendre plus facile l'accès des
citoyens à l'information, le ministre des Affaires municipales s'est
fait donner un pouvoir, que d'aucuns auraient peut-être pu juger
exorbitant à l'époque, qui consistait à plafonner le tarif
que certaines municipalités pouvaient exiger pour délivrer des
documents. On m'a informé à l'époque que, dans certaines
municipalités, il en coûtait $3 la page pour avoir une copie de
règlement municipal. Mais ceci peut constituer une espèce de
déni du droit à l'information. Le ministre des Affaires
municipales a fixé une tarification, ce qui fait que c'est à peu
près $0.25 la page, soit à peu près ce que ça
coûte, normalement, lorsqu'on veut faire faire une photocopie au magasin
du coin.
Une autre mesure, M. le Président: dorénavant, tous les
documents du conseil et du trésorier seront accessibles au citoyen qui
voudra les consulter. Egalement, la loi 39, mine de rien, a introduit une
mesure qui exige que, dans les cas de changement de règlement de zonage,
il y ait un croquis qui accompagne l'avis de règlement. Mme la
Présidente, à moins d'être un initié, il est
à peu près impossible à un citoyen de s'y retrouver
lorsque tel règlement municipal amende l'article untel de tel autre
règlement qui modifie le zonage du lot untel du cadastre untel de la
paroisse unetelle, alors qu'un petit croquis qui donne les quatre rues limites
permet au citoyen de dire: Quand même, c'est à côté
de chez moi, cela m'intéresse de savoir ce qui se fait là. C'est
une autre mesure qui est venue, dans la loi 39, faciliter l'accès
à l'information.
Il y a eu d'autres mesures, aussi, qui ont permis aux
municipalités d'instaurer une espèce de journal des Débats
comme celui que nous avons ici, une espèce de feuilleton, de publication
et, également, de faire ce que nous faisons ici à
l'Assemblée nationale, c'est-à-dire instituer un système
d'abonnement aux publications municipales. Cela, c'était dans la loi
39.
Subséquemment, dans la loi 57, d'autres mesures sont venues
s'ajouter: l'obligation d'avoir un contenu minimal au compte de taxes. Finie
l'époque où on disait: Votre propriété vaut tant et
vous
nous devez tant en taxes. Cela suppose un minimum de renseignements pour
le citoyen, un contenu minimal sur lequel je veux m'entendre avec le monde
municipal. Il y avait des municipalités qui avaient des formules
très détaillées, très bien faites. Je compte,
d'ailleurs, si ce n'était de blesser la modestie de certains, proposer
certains modèles utilisés dans les municipalités puisque
ce sont vraiment des choses bien faites. Il y a également d'autres
mesures contenues dans la loi 57 quant à l'envoi d'un document
explicatif du budget, contenant des données quant aux dépenses de
l'année précédente et à celles de l'année en
cours.
Il y a également la loi 125 qui contient une série de
mesures visant à la consultation des citoyens à diverses
étapes, lors du dépôt des propositions préliminaires
du schéma d'aménagement, lors de l'adoption de la version
définitive du schéma d'aménagement et, finalement,
après l'adoption du schéma, non seulement séance de
consultation tantôt facultative, tantôt obligatoire, mais
également l'envoi à chaque citoyen, à chaque adresse
civique dans la municipalité, d'un résumé des propositions
de schéma. Egalement, la publication préalable d'un
résumé de la version définitive et même
procédure, à toutes fins utiles, transposée en ce qui
concerne l'adoption d'un plan directeur d'urbanisme au niveau municipal.
Mme la Présidente, cette série de mesures contenue dans la
loi 125, déjà très élaborée, devra
néanmoins être corrigée et je tiens immédiatement
à en informer les membres de cette Chambre, puisque l'intention du
législateur, lorsque la loi 125 a été votée ici,
sur l'aménagement et l'urbanisme, était justement de permettre la
participation maximale des citoyens.
Il semble, à la lecture, que la question, à savoir si les
locataires dans une municipalité avaient ou pouvaient voter sur une
question reliée à l'adoption des schémas
d'aménagement, cette question, dis-je, ayant été
soulevée et des doutes subsistant quant aux droits des locataires de
pouvoir se prononcer sur des questions découlant de la loi 125, il nous
apparaît essentiel, dans le projet de loi no 105 qui vise, encore une
fois, à promouvoir la démocratie, d'apporter ces clarifications
qui permettront de nous assurer qu'effectivement les locataires ont droit de
vote en matière d'aménagement et d'urbanisme.
Découlant aussi de ces modifications, un autre article sera
requis en ce qui concerne les délais de confection et de révision
des listes électorales devant servir à l'exercice du droit de
vote lors d'une consultation prévue dans la loi 125.
Il y avait également, Mme la Présidente, très
rapidement, une autre loi, que j'ai eu l'honneur de parrainer devant cette
Chambre, qui prévoyait aussi des mesures de consultation, je pense
à la loi 107 créant la Régie du logement et qui entrera en
vigueur le 1er octobre. Le monde municipal avait dit: ce n'était
pas dans le projet de loi initial l'on devrait, nous le monde municipal,
nous qui avons le pouvoir d'émettre des permis de construction, des
règlements de zonage et autres, avoir le pouvoir de contrôler les
démolitions, les changements d'affectation et les subdivisions affectant
un immeuble résidentiel. Nous avons accueilli ces représentations
du monde municipal. Nous leur avons effectivement dit: Très bien, vous
devez les contrôler, mais vous devrez le faire exactement comme la
commission, dont la création avait été prévue,
l'aurait fait elle-même, c'est-à-dire après consultation
avec vos citoyens.
Là encore, donc, processus d'information du citoyen
intéressé par ce qui se passe dans sa municipalité.
Evidemment, Mme la Présidente, dans la loi 105, nous venons ajouter des
éléments additionnels à ces mesures visant à mieux
informer les citoyens. Quelles sont ces mesures? Elles sont les suivantes: La
première, c'est l'instauration d'une période de questions orales
par les personnes présentes aux réunions, soit par les personnes
présentes dans la plupart des municipalités, soit au moyen d'un
feuilleton écrit et ce pour les très grandes villes où la
première formule serait plus difficilement applicable.
Egalement, autre mesure visant à tenir les citoyens
informés, c'est lors du processus de la confection de la carte
électorale, prévue dans la loi 105, où des audiences
publiques devront être tenues, encore là à la demande des
élus municipaux qui nous ont dit: Si des citoyens étaient
insatisfaits du découpage de la carte électorale que nous aurions
effectué avant qu'ils puissent en appeler au directeur à la
représentation, vous devriez, dans votre projet de loi, exiger qu'ils en
appellent d'abord auprès de la municipalité. Et s'ils ne sont pas
satisfaits, alors, ils pourront aller chez le directeur. (16 heures)
Mme la Présidente, il me fait plaisir d'informer cette Chambre
que nous allons intégrer ces représentations du monde municipal,
ce qui permet en quelque sorte une représentation à un double
palier au citoyen.
Egalement, autre mesure liée à la politique d'information
dans le projet de loi no 105, c'est celle qui vise à permettre au
citoyen d'être informé à deux moments importants de la vie
municipale locale. Ces deux moments importants sont, premièrement,
à la suite du dépôt des états financiers de la
municipalité et, deuxièmement, à l'occasion du budget.
L'Union des municipalités nous dit que nous devrions clarifier ces
procédures. Le projet de loi j'en informe immédiatement
cette Chambre prévoyait la tenue d'une séance
d'information quatre semaines avant la date prévue pour le
dépôt du budget.
Le monde municipal a fait valoir qu'il préférait que cette
séance d'information se tienne après le dépôt du
budget pour que la commission s'amorce sur un budget réel plutôt
que sur une proposition. Je n'ai aucune espèce d'objection et nous
allons donc arranger les textes en conséquence. Personnellement, si
j'avais été un élu local, j'aurais
préféré de beaucoup tenir une réunion un mois avant
le budget, après avoir reçu les requêtes de tous mes
directeurs de services; on sait que les directeurs de services demandent plus
de budget,
c'est normal, le service des parcs, le service de la police, le service
d'incendie. Moi, l'élu, pris à faire mon budget, j'aurais
peut-être aimé, un mois avant la date prévue pour le
dépôt de mon budget, recevoir les gens et leur dire: Voici, pour
les parcs on me demande tant, pour la police on me demande tant, pour ci on me
demande tant, qu'est-ce que vous en pensez? Où sont les
priorités? Voilà que les élus préfèrent
faire cette réunion après le dépôt du budget, ce qui
ne nous empêcherait pas d'ailleurs d'en faire une quand même avant
s'ils le voulaient. Mais la séance obligatoire prévue dans la
loi, ils préfèrent l'avoir après le dépôt.
Cela me paraît normal, cela me paraît défendable,
raisonnable. J'avais un autre point de vue, mais cela n'exclut pas cette
séance obligatoire d'après le dépôt une
séance préalable qui permettrait quand même à un
homme politique de flairer un peu où sont les priorités dans la
population.
Finalement, dernière série de mesures reliées
à l'information que contient le projet de loi, c'est celle qui
prévoit la transmission au ministre des Affaires municipales de diverses
statistiques sur les candidats, sur les élus, sur le taux de
participation aux élections, bref toutes les données qui
paraissent dans le rapport que fait le directeur général des
élections pour les élections québécoises, mais
qu'on n'a pas au plan local.
Il s'agit simplement pour le greffier de faire une espèce de
rapport qui dit: II y a eu tant de candidats, il y a eu tant de personnes qui
avaient droit de vote, il y a eu tant de personnes qui ont exercé leur
droit de vote et chacune a eu tant de votes. On pourra avoir et mettre à
la disposition du monde municipal, des membres de cette Chambre et du public en
général ces statistiques.
Voilà pour la deuxième série de mesures contenues
dans le projt de loi no 105 et qui sont venues sur le plan de l'information
s'ajouter à ce que les lois 39, 57, 125 et 107 avaient
déjà introduit et qui sont des mesures d'ordre
général. Evidemment, il importait, non seulement de permettre aux
citoyens d'être mieux informés par des mesures d'ordre aussi
général, mais également d'avoir à l'intention des
élus locaux, des gens qui exercent une charge publique élective
ou nominative des exigences plus grandes encore. C'est évidemment la
troisième série de mesures contenues dans la loi 105,
c'est-à-dire les mesures reliées à l'éthique et
à la déontologie.
En effet, comme ministre des Affaires municipales, il m'arrive
régulièrement de recevoir des demandes d'enquête qui,
à leur face même, peuvent paraître plus ou moins
justifiées, évidemment, lorsque des faits sont relatés. La
première chose que doit faire le ministre, c'est évidemment de
s'assurer qu'il y a ce qu'on appelle communément apparence de droit.
Lorsque, de toute évidence, il y a apparence de droit, la
décision doit être prise de faire une enquête publique ou
une préenquête, suivie ou pas d'une enquête publique. Or,
à la suite de nombreuses demandes d'enquête que j'ai eues,
à la suite de l'étude des multiples rapports d'enquête que
m'a remis la Commission municipale ou les services compétents du
ministère, et surtout peut-être aussi à la lumière
du tout récent rapport Malouf, il me paraissait important de
prévoir dans la loi certaines mesures reliées à la
déontologie.
Quelles sont ces mesures? Elles sont au nombre de trois.
Premièrement, interdire aux hauts fonctionnaires du gouvernement
d'occuper des charges municipales lorsque ces personnes ont à poser des
gestes décisionnels envers les municipalités, et cela implique
évidemment les municipalités du comté de Deux-Montagnes et
du comté de Matane qui seraient, évidemment, des plus
intéressés à ces mesures que leur transmettront leur
député respectif.
Deuxièmement, cela vise tous les membres d'un conseil qui devront
déposer publiquement au conseil la liste de leurs intérêts
de façon à permettre aux citoyens d'une ville de juger
eux-mêmes si des situations de conflits d'intérêts se
développent. Nous avons tenté, avec l'aide de deux unions, de
circonscrire le plus possible cette déclaration d'intérêts
pour qu'elle ne devienne pas un étalement indue de la condition
financière de chacun.
Troisièmement, des mesures sont prévues dans la loi qui
font que le Procureur général du Québec pourra
dorénavant intenter des poursuites en cas d'infractions à des
lois municipales importantes. Ceci pourra surprendre beaucoup de gens, beaucoup
de citoyens qui pensaient peut-être que le gouvernement avait
déjà le pouvoir de faire respecter les lois municipales. Mais
non, il fallait et jusqu'à ce que la loi 105 soit adoptée,
c'est la règle que des citoyens de la municipalité aillent
en cour à leurs frais pour faire condamner un membre du conseil
municipal. Ceci demeurera; il n'est pas question d'enlever aux citoyens le
droit de faire une requête en disqualification contre un membre du
conseil, mais en plus, le Procureur général sera
réputé une personne intéressée au sens de la loi
lors d'un manquement grave à ces mêmes lois.
Ces mesures sont importantes, mais partielles. Le rapport Malouf
recommande qu'un code complet de déontologie soit créé
pour les élus municipaux; ceci fera donc l'objet de lois futures.
Toutefois, je pense que la loi 105 bouche les trous les plus importants.
Enfin, la quatrième et dernière série de mesures
contenues dans la loi 105 touche la rémunération des élus.
Il s'agit là d'un autre point majeur de cette loi qui comporte deux
choses. Premièrement, ces mesures impliquent un changement dans le
système de fixation du salaire des élus et, deuxièmement,
amène un relèvement du plancher du salaire minimum des maires et
des conseillers. En effet, jusqu'à maintenant, le salaire de base d'un
élu local était déterminé par une loi de
l'Assemblée nationale et toute modification, tout ajout à ce
salaire de base que pouvait vouloir se voter le conseil était soumis
à la procédure du référendum.
Or, avec tout le respect que j'ai pour les procédures
référendaires, il me paraît que celle reliée au
salaire d'un élu n'est peut-être pas le
sujet de prédilection qui devrait être soumis à la
consultation populaire. Pour employer l'image qu'utilisait un maire à un
moment donné, ayant vécu cette expérience, il avait
l'impression d'être comme un esclave sur le marché des esclaves
qu'on évaluait selon ce qu'il valait, selon ce qu'il pesait, selon la
force de ses muscles, selon l'influence qu'il avait. Et disait-il, il avait
l'impression d'être jaugé, mesuré, évalué sur
la place publique. Nous avons fait disparaître cette procédure.
(16 h 10)
Mme la Présidente, nous avons fait disparaître cette
procédure, à partir du principe que les élus locaux qui
peuvent gérer des millions, parfois des centaines de millions, qui
peuvent déterminer eux-mêmes le salaire de leurs directeurs de
services, devaient avoir à l'égard de leurs propres
émoluments une marge de manoeuvre, si bien qu'au-delà du plancher
prévu dans la loi, les élus pourront dorénavant ajouter un
supplément qu'ils devront eux-mêmes plaider à la salle du
conseil, localement, justifier, et on pourrait concevoir très bien que
dans une municipalité où, par exemple, le maire se consacre
à plein temps à sa tâche, il puisse ajuster son salaire en
conséquence alors que, dans une municipalité de même
taille, un autre maire décidant de n'occuper sa charge qu'à temps
partiel ne requerrait pas les mêmes émoluments.
La loi, je l'ai dit, modifie le système et, deuxièmement,
vient rehausser le plancher qui était ridiculement bas et qui faisait
qu'un maire d'une petite municipalité de 500 à 1000 habitants, et
je voudrais préciser, à l'intention des membres de cette Chambre
et du public en général, que nous avons au Québec à
peu près 1600 municipalités; sur ces 1600, près de 800,
c'est-à-dire 50%, ont moins de 1000 de population; donc ces 800 maires
de moins de 1000 de population, dis-je, avaient comme traitement, pour exercer
la charge de maire dans leur municipalité et parfois, cette
charge de maire se doublait de celle de chef de voirie, chef de pompier, de
chef de ci et de chef de ça ces maires recevaient le tiers du
salaire d'un commissaire d'école, c'est-à-dire à peu
près moins de $500 par année. Il nous a semblé que nous
devions fixer un plancher et nous l'avons fixé à $1500 pour
l'ensemble des maires, c'est-à-dire l'équivalent des
émoluments d'un commissaire d'école actuellement, en plus de
prévoir un per capita variable selon la taille et dont l'échelle
apparaît dans le projet de loi.
Ces mesures, qui font qu'un maire aura les émoluments de base qui
sont prévus dans la loi, qu'un conseiller municipal se verra octroyer
des émoluments équivalents au tiers de ceux du maire, vont dans
le même sens et font en sorte qu'un minimum de rémunération
soit présent, et reconnaissent en quelque sorte les services rendus
à la collectivité par les élus.
Autre mesure importante et qui n'était pas le cas auparavant,
c'est que, dorénavant, les salaires des élus locaux, ainsi que
les suppléments qu'ils auraient pu se donner, seront indexés
annuelle- ment par la loi qui nous régit ici, à
l'Assemblée nationale, c'est-à-dire selon l'indice des salaires
moyens, des salaires industriels au Canada, le tout plafonné à
6%. Ce sont les mêmes règles qui s'appliquent; nous avons
transposé intégralement l'article de la Législature.
Autre mesure également importante, nous avons fait en sorte qu'il
y ait un plafond prévu dans la loi et qui avait été,
à l'origine, prévu pour tous les types de fonction mais que,
finalement, nous avons préféré, pour ce qui est d'un
certain nombre de fonctions supramunicipales, en revenir à la pratique
actuelle. Quand je parle de fonctions supramunicipales, je pense à
quelqu'un qui, en plus de sa fonction de maire, dans sa municipalité, ou
de membre de son conseil municipal, siège au conseil de la
Communauté urbaine de Montréal, siège au comité
exécutif de la communauté urbaine, siège à la
commission de transports, bref à différents organismes
supramunicipaux semblables. Nous avons dans ces cas permis certains ajustements
qui, comme c'est le cas présentement, seront déterminés
par décret.
Il y a cependant une exception pour ce qui est du plafond pour une
charge d'élu local qui, lui, est contenu dans la loi avec la formule
d'indexation. Enfin, pour ce qui est de l'ordre de grandeur du
réajustement, au-delà du plancher, il est de l'ordre de 2% tout
simplement parce que la dernière augmentation des élus locaux
remonte à 1977. Cela fait trois ans qu'il n'y a pas eu de
réajustement des salaires. Il nous a semblé qu'un
réajustement de l'ordre de 8% par année pour les trois ans
où il n'y en avait pas eu et applicable à compter du 1er janvier
1980 ce qui est indexé, on ne paie pas rétroactivement
25%, mais bien à compter du 1er janvier 1980; ce qui est indexé,
c'est le barème applicable nous paraissait une façon
équitable de tenir compte des augmentations qui se sont produites dans
le coût de la vie tout simplement.
Bref, Mme la Présidente, sur le plan de la
rémunération, nous avons tenté d'élaborer un
système clair, cohérent, ayant certains rapports avec ce que nous
vivons ici à l'Assemblée nationale. Par exemple, il y a une autre
mesure. Il y avait une règle qui voulait que les salaires des
élus soient exempts d'impôt dans une proportion d'un tiers. Il
pouvait aller de soi, lorsque les salaires étaient relativement bas et
qu'on gagnait $3000 ou $9000 par année, qu'il y ait une exemption
d'impôt d'un tiers parce qu'on encourait des dépenses dans
l'exercice de sa charge; cela pouvait sembler raisonnable. Cependant, lorsque
le salaire est rendu, dans le cas des plus grandes villes, à $50 000 ou
$60 000 par année, un tiers d'exemption d'impôt, ce sont là
des privilèges que les membres de cette Chambre n'ont pas. Mme la
Présidente, le projet de loi no 105 fait en sorte que tout en conservant
les droits acquis, c'est-à-dire qu'une personne, un élu dont les
émoluments exempts d'impôt excéderaient le montant de $7500
qui est celui dont bénéficient les membres de cette Chambre,
continuera de jouir de ces exemptions... Cependant, à l'avenir, il y
aura un plafond à la partie non imposable, lequel plafond
sera identique à celui des membres de l'Assemblée
nationale.
Ceci termine, Mme la Présidente, avec ces commentaires sur un
groupe de citoyens qui s'occupent des affaires municipales qui étaient,
je pense, comparativement souspayés pour les services qu'ils rendaient
à la population, cette vue d'ensemble quant au contenu de la loi no105
dont j'avais d'abord tenté de faire l'historique, lequel contenu, comme
on l'a vu, généralise en les améliorant et en les
assouplissant les dispositions de la loi no 44 sur le contrôle des
dépenses électorales locales et sur le découpage des
cartes municipales, deuxièmement, sur une politique d'information,
troisièmement, sur des mesures visant à promouvoir une certaine
n'ayons pas peur du mot moralité dans les affaires
publiques et, quatrièmement, des mesures touchant la
rémunération.
De plus, Mme la Présidente, ce projet de loi complète,
pour l'essentiel, le triptyque dont j'avais esquissé les grandes lignes
à la conférence du Québec et des municipalités et
que j'évoquais dans la citation du début, à savoir
l'action que je comptais entreprendre à l'époque sur le plan de
la fiscalité, de l'aménagement et de l'urbanisme et sur le plan
de la démocratie.
Certes, Mme la Présidente, en terminant, l'ouvrage n'est pas
parfait parce qu'énorme et réalisé et je pense que
le monde municipal ne me contredira pas sur ce plan en un temps record.
Il faudra polir tout cela dans l'avenir, faire des ajustements, regarder
l'application des lois en question pour en corriger les déficiences,
mais je pense que l'essentiel est fait. L'avenir immédiat consistera
donc à informer, à compléter, à ajuster, à
raffiner et à préciser ce train de réformes.
Quant à l'avenir à moyen terme, Mme la Présidente,
il devra ouvrir de nouveaux dossiers dont je voudrais risquer une
énumération: premièrement, ce code complet de
déontologie pour les élus et les fonctionnaires municipaux, comme
le suggère le rapport Malouf ; deuxièmement, la mise au point
d'un nouveau processus de décision lorsqu'une municipalité se
lance dans des travaux d'une ampleur exceptionnelle ceci encore est
contenu dans le rapport Malouf troisièmement, la révision
complète de toutes les lois municipales régissant le processus
électoral, la période électorale, le personnel
électoral, le fonctionnement des bureaux de scrutin et,
évidemment, le problème maintes fois soulevé par les
élus locaux de la confection d'une liste électorale permanente
qui les dégage de la confection de ces listes partielles. (16 h 20)
Autre mesure également, Mme la Présidente. Il faudra aussi
concevoir et légiférer sur l'usage des commissions du conseil
municipal, surtout dans les grandes villes, quant à leur composition et
à leurs pouvoirs. Cinquièmement, il faudra voir dans quelle
mesure, au-delà de la période des questions qui a
été introduite, nous pouvons introduire un processus de
consultation des citoyens dans les très grandes villes, et je pense en
particulier à Montréal.
Nous avons donc du pain sur la planche, mais je suis personnellement
heureux de regarder en arrière pour constater que les lois municipales
se sont plus améliorées depuis les trois dernières
années que durant les 20 ans auparavant. A l'instar de ce qui s'est
produit dans le monde de la santé et de l'éducation, le monde
municipal a connu, lui aussi, une mutation, bien qu'inachevée et ce
monde municipal s'est néanmoins suffisamment métamorphosé
pour qu'il ne soit plus jamais tout à fait le même et qu'il soit
impossible de retourner en arrière. Merci, Mme la Présidente.
Des Voix: BravoI
La Vice-Présidente: M. le député de Laval.
M. Jean-Noël Lavoie
M. Lavoie: Mme la Présidente, avant de commencer mon
intervention, le ministre me permettrait-il une question? Durant son
intervention, il nous a donné un avis, il nous a informés de deux
amendements, l'un sur la carte électorale, les districts
électoraux dans les municipalités de 20 000 âmes ou plus,
et même de moins de 20 000 âmes, et l'autre concernant
l'information aux citoyens lors d'une séance spéciale pour leur
permettre d'étudier le budget. Je demande au ministre s'il y a d'autres
amendements et s'il y aurait possibilité d'avoir ces amendements
aujourd'hui peut-être, s'ils sont prêts. Avec l'expérience
que j'ai eue dans le passé, je trouve que le ministre est très
prolifique souvent dans ses amendements. Je me rappelle la loi no 57 que nous
avons étudiée presque jour et nuit au mois de décembre;
sur un projet de loi de 500 articles, il y en a eu au-delà de 200
d'amendés. Cela veut dire qu'il y avait des volées de papillons.
Je voudrais savoir, avec l'expérience que nous avons eue, s'il y a
beaucoup d'amendements au projet de loi, en plus des deux qu'il vient
d'annoncer. Ce serait utile de les avoir et cela aurait été
même utile de les avoir aujourd'hui.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Tardif: Mme la Présidente, c'est la première
fois, je pense, que je vois un député de l'Opposition tenir grief
à un ministre de s'amender aussi facilement. J'espère qu'il n'y
en aura pas beaucoup. Mais c'est précisément le
député de Laval qui nous disait tantôt: Vous devriez
entendre le monde municipal peut-être une heure lundi, peut-être
qu'il a des choses à dire et qu'on pourrait changer ou modifier le
projet de loi. J'ai dit que je vais apporter un certain nombre d'amendements,
certains d'entre eux pour tenir compte de représentations qui nous sont
entrées de façon assez récente.
Maintenant, je voudrais dire un mot, sans méchanceté, au
député de Laval. C'est vrai que parfois il y a beaucoup
d'amendements, mais il devra admettre avec moi que, parfois, il y a des
amendements que j'appelle à répétition, des
amendements carbones. Par exemple, il nous fallait, à
l'égard d'un certain point du budget, amender huit lois: la Loi des
cités et villes, le Code municipal, la Charte de Montréal, la
Charte de Québec, la Loi de la Communauté urbaine de
Montréal, la Loi de la Communauté urbaine de Québec, la
Loi de la CRO et j'en passe. Donc, dès qu'on voulait modifier un
article, II nous fallait amender huit lois et donc avoir huit papillons, parce
que c'étaient huit articles différents.
Je vais rassurer le député de Laval. Dans ce
cas-là, ce n'est pas huit lois qu'on a à modifier d'un coup,
c'est quatre seulement: la Loi des cités et villes, le Code municipal,
la Charte de Montréal et la Charte de Québec. Même
là, j'espère minimiser cela au maximum et faire en sorte que les
amendements, s'ils étaient disponibles tantôt, lui seront remis le
plus tôt possible.
La Vice-Présidente: M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Voyez-vous, vous nous avez annoncé je
commence mon intervention, Mme la Présidente, mais je vais ouvrir une
parenthèse au début des amendements de la sorte. Je n'en
tiens pas rigueur au ministre, mais cela pourrait faciliter l'étude des
projets de loi et cela pourrait même limiter ou raccourcir nos
interventions.
Entre autres, j'avais l'intention d'intervenir sur un des points sur
lesquels le ministre nous annonce un amendement futur, entre autres le diktat
que se réservait la Commission de la représentation. Si un
citoyen n'était pas satisfait du découpage des districts
électoraux, tel que la loi est rédigée, il n'avait pas de
recours à la municipalité, il devait aller directement au
directeur de la représentation qui imposait le district électoral
au-dessus de la tête de la municipalité. Je voulais en parler dans
mon intervention, mais je n'en parlerai plus, du fait que le ministre entend
bonifier ce projet de loi sur ce sujet.
C'est la raison pour laquelle je demande au ministre s'il a l'intention
de nous soumettre des amendements dès aujourd'hui; cela nous permettrait
de les étudier d'ici mardi, lorsque la commission parlementaire sera
appelée à étudier le projet de loi article par article
Mme la Présidente, il s'agit d'un projet de loi, le projet de loi
no 105 tout dépend de l'interprétation que chaque
député peut en faire où je ne vois pas beaucoup de
principes. Il s'agit d'un projet de loi plutôt technique qui touche,
comme le ministre le mentionnait, certains points, une dizaine de points, soit
la division des municipalités en districts électoraux, soumettre
les partis politiques municipaux et les candidats aux différentes
élections municipales à la divulgation des dépenses et des
souscriptions, soit la Loi du financement des partis politiques à
laquelle sont soumis les partis politiques provinciaux.
Une autre disposition de la loi touche la rémunération des
élus municipaux, le sujet d'accès aux fonctions municipales,
l'information des citoyens; ce sont plusieurs détails, plusieurs
modalités qu'on modifie dans l'administration de la chose municipale. Le
seul principe qu'on pourrait y voir, c'est le grand principe de la
démocratie. J'y reviendrai tout à l'heure, parce que je pense que
le ministre se gargarise un peu trop facilement dans ses grands projets
d'autonomie, de décentralisation administrative; je ferai certains
commentaires tout à l'heure.
Le ministre s'était fixé, je crois, il y a quatre ans,
lors de la prise du pouvoir par le Parti québécois, certains
objectifs, je dirais peut-être deux objectifs majeurs, importants: soit
le soulagement du fardeau fiscal des contribuables au niveau municipal;
deuxièmement, une autonomie accrue aux administrations municipales, et
peut-être un troisième objectif qui ne relève pas
directement du ministre des Affaires municipales, l'aménagement du
territoire qui relève de plusieurs chapeaux et qui peut relever en
partie du ministre des Affaires municipales. Il ne faut pas oublier qu'il y a
aussi un superministre d'Etat à l'aménagement, le
député de Laurentides-Labelle; troisièmement, il y a un
autre ministre qui s'est occupé de cela et qui a également
beaucoup d'autorité sur cela, à cause de la loi sur le zonage
agricole, c'est le ministre de l'Agriculture. On reviendra là-dessus
tout à l'heure.
C'est normal, je pense, et le monde tournait avant l'arrivée au
pouvoir du Parti québécois. J'ai connu plusieurs ministres des
Affaires municipales depuis dix ou quinze ans et chacun a apporté, soit
sous les gouvernements libéraux ou celui de l'Union Nationale, une
contribution à l'amélioration de notre système
d'administration au niveau local. Je reconnais également que le ministre
actuel, qui termine bientôt son mandat, étant donné que ce
gouvernement doit, en vertu de nos traditions, faire face à une
décision populaire cela fera quatre ans dans quelques mois
présente, comme il l'a mentionné, une des dernières
pièces législatives des objectifs qu'il s'était
tracés. (16 h 30)
II est fort possible, Mme la Présidente, d'ailleurs, que nous
soyons aujourd'hui à une dernière journée, que ce soit une
des dernières occasions que les députés actuels ont de
discuter, parce qu'il est fort possible qu'une fois que la session sera
prorogée, on dit mercredi prochain, comme c'est arrivé dans des
circonstances semblables en 1976. on ne se revoie plus avant des
élections générales qui sont fort possibles et
prévisibles même cet automne. C'est peut-être la
dernière fois que je peux saluer le député de Chauveau ou
le député de Beauce-Nord ou le député de
Deux-Montagnes. Il y aura en cours de route, de quelque côté que
ce soit de la Chambre, des victimes. Je vois mon voisin, le
député de Deux-Montagnes qui m'envoie des "bye-bye" avec son
mouchoir. Je ne voudrais pas être méchant, je ne voudrais pas lui
rappeler le résultat du référendum dans sa propre
circonscription au mois de mai, le 20 mai dernier; ce n'est pas de très
bon augure pour le député de Deux-Montagnes. J'ai connu beaucoup
de gens qui m'ont envoyé, comme lui, des gestes de mouchoir, mais je
pourrais dire au député de Deux-
Montagnes que, depuis que je suis dans la vie politique, j'ai connu au
moins quatre ou cinq députés de Deux-Montagnes, entre autres, M.
L'Allier qui était le prédécesseur de M. de
Bellefeuille.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît.
M. Lavoie: Je dis donc qu'à la fin de ce mandat du
député de Crémazie en tant que ministre des Affaires
municipales on ne connaît pas l'avenir je voudrais
peut-être brièvement parler des grands objectifs qu'il
s'était tracés. Soulagement du fardeau fiscal des contribuables
au niveau local; il n'a rien inventé. Tous les ministres que j'ai connus
aux Affaires municipales depuis plusieurs années sont venus ici remplis
de bonne volonté pour tenter et, d'ailleurs, tous les
gouvernements à quelque niveau que ce soit l'ont tenté de
réduire le fardeau fiscal des contribuables. On ne peut pas dire que
tous ces gouvernements, à commencer par le gouvernement du Parti
québécois, ont réussi à soulager le fardeau fiscal,
tant au niveau provincial qu'au niveau local.
Brièvement, car je préviens le ministre que je n'ouvrirai
pas un débat de fond sur une pièce législative qui
était très pesante, très lourde, près de 600
articles, la loi 57 que nous avons étudiée, je dis même
à la vapeur, jour et nuit, au mois de décembre, pendant des
heures et des heures. Je ne porterai pas de jugement sur les effets de la
réforme de la fiscalité municipale. Par contre, je conserve
toujours mes réserves, mes interrogations, les mêmes
réserves et les mêmes interrogations que nous avions au mois de
décembre lorsque l'Opposition officielle a voté contre la
réforme de la fiscalité municipale à cause de la multitude
de réserves que nous avions à ce moment et que nous avons
encore.
Je crois qu'on ne pourra pas porter un jugement final sur cette
réforme de la fiscalité municipale avant le printemps prochain au
moins pour laisser aux municipalités du Québec cette
période de rodage et d'application, d'ajustement. Je dis un an et c'est
un strict minimum parce que, comme le dit mon collègue le
député-maire de Verdun, il faudra attendre au moins deux budgets
municipaux complets avant de connaître toutes les conséquences de
cette réforme de la fiscalité municipale. Rapidement, on se
rappelle les simulations qui avaient été faites autant par le
gouvernement, le ministre des Finances, le ministre des Affaires municipales
que par le comité conjoint Québec-municipalités sur les
transferts de fonds, sur le transfert de l'impôt foncier aux
municipalités, sur le transfert des 25%, la quote-part des
municipalités dans la taxe de vente, ce transfert des sommes importantes
d'environ $1 000 000 000, ce brassage de fonds annuel, fonds qui changeaient de
direction, entre autres la taxe de vente, qui est réservée
maintenant en totalité au gouvernement, au ministre des Finances, alors
qu'auparavant, les municipalités pouvaient s'en partager 25%.
Sur l'abolition des subventions que le ministère des Affaires
municipales versait aux municipalités, les subventions per capita, il
faudra attendre les conséquences et les montants des paiements des
"en-lieu" de taxes que le gouvernement paie maintenant aux municipalités
dans le domaine de taxes municipales sur les édifices gouvernementaux,
et les proportions également des "en-lieu" de taxes sur les
réseaux de l'éducation et des affaires sociales. Il faudra
attendre.
Mais encore là moi je diminue les effets le battage
de publicité du ministre, lorsqu'il a présenté le projet
de loi no 57, selon lequel on épargnait les municipalités, on
soulageait les contribuables du fardeau d'impôts fonciers, on sait, nous
l'avons connu depuis quelques mois, que les municipalités ont
déposé leur budget pour cette année à la suite de
la réforme. Il semble je n'ai pas le détail des 1600
municipalités du Québec que plusieurs municipalités
du Québec, après avoir occupé le champ d'impôt
scolaire, soit en totalité ou en partie, un certain nombre de
municipalités ont pu boucler leur budget cette année sans
augmentation de taxe. D'autres, en occupant tout le champ d'impôt
scolaire, n'ont pas pu boucler et ont été obligées
d'augmenter même leur taxe foncière. D'autres municipalités
ont accordé aux contribuables des rabais de 5%, 10%. Je prends la parole
du ministre qui, en commission parlementaire, lors de l'étude de ses
crédits, l'autre jour, nous disait qu'il y avait eu une réduction
d'environ 10% si je me rappelle bien, du fardeau de l'impôt foncier au
niveau municipal.
Ce n'est pas la fin du monde, surtout si l'on sait que cette
année le ministre de Revenu et le ministre des Finances ont
gratté les tiroirs pour le dernier paiement qui revenait aux
municipalités de leur quote-part de la taxe de vente pour l'année
1979. On a fermé les livres, j'imagine, au début de cette
année, et on a fait un état de tout ce qui revenait aux
municipalités comme résidu, comme paiement final qui leur
revenait sur la taxe de vente perçue en 1979. Mais c'est un dernier
paiement que reçoivent, certaines municipalités, comme
Québec, Montréal et Laval, autant en taxe de vente que sur les
repas. Cela a permis je connais bien la municipalité de Laval,
c'est un montant assez substantiel, $1 500 000, Québec cela doit
être très important, Verdun et d'autres municipalités
aux municipalités, cette année, de boucler, tant bien que
mal, leur budget pour 1980. Mais elles n'auront plus ce paiement l'année
prochaine. Si, effectivement, il y a eu une baisse de 10% cette année,
j'aimerais savoir quelle aurait été la baisse effective s'il n'y
avait pas eu ce grattage de tiroirs et ce dernier paiement des dernières
sommes qui leur revenaient sur la taxe de vente ou la taxe des repas.
De toute façon, une autre réserve que nous avions, on sait
que rien ne se crée de rien. Lorsque le ministre des Affaires
municipales dit: Le gouvernement provincial apporte une contribution de $300
000 000 ou de $400 000 000 aux municipalités, mais oui, mais quand
même, on connaît les
contraintes du ministre des Finances. Il ne peut pas en imprimer de
l'argent. (16 h 40)
On connaît sa marge de manoeuvre. Il nous l'a dit en commission
parlementaire lorsqu'on a étudié la loi 57; il nous a dit que la
marge de manoeuvre du ministre des Finances, lorsqu'il fait son budget au
début de l'année, sur un budget de $17 000 000 000, est à
peu près de $200 000 000 à $300 000 000. C'est uniquement la
marge de manoeuvre qu'il a à cause des obligations: le service de la
dette, les traitements, les indexations de salaire, etc.
M. Bérubé: Votre salaire!
M. Lavoie: On va en parler, tout à l'heure, du salaire des
ministres, M. le député de Matane et ministre de l'Energie et des
Ressources. On va en parler, j'ai justement un petit passage là-dessus.
Si je me rappelle bien, le ministre des Finances m'avait dit que la marge de
manoeuvre était de 3% sur $15 000 000 000. Je ne peux pas m'entrer dans
la tête comment le ministre des Finances peut dire qu'il nous donne $400
000 000 aux municipalités lorsque ça couvre toute sa marge de
manoeuvre à peu près à 100%. On connaît les
contraintes auxquelles doit faire face le ministre des Finances. Le dernier
déficit est de $2 300 000 000. La population ne réalise pas que
c'est ce bon gouvernement avec un déficit de $2 300 000 000. C'est $2
300 000 000 de déficit! Est-ce qu'on peut y penser deux minutes au taux
d'intérêt courant actuel?
Je ne prendrai pas les 14% du dernier emprunt, du genre Household
Finance, que le ministre des Finances a souscrit sous la forme d'obligations
d'épargne, mais prenons une moyenne d'à peu près 12% ou
13%. Savez-vous qu'un déficit de $2 300 000 000 représente en
intérêts $300 000 000 par année, soit $1 000 000 par jour
ouvrable, disons 300 jours par année? Le déficit courant. On a
beau parler du déficit olympique de $1 000 000 000 vous savez, le
rapport Malouf, etc. il y a quand même un stade, il reste quelque
chose qui fait la fierté des Québécois et des
Montréalais; il y a quand même quelque chose! Mais $2 300 000
000...
Des Voix: ...
M. Lavoie: Je sais que ça fait mal au bon gouvernement,
mais je ne voudrais pas...
M. Caron: M. le Président...
M. Lavoie: ... qu'on m'interrompe.
M. Caron: ... je m'excuse auprès de mon collègue,
mais si de notre côté nous ne demandons pas le quorum et on
ne le demandera pas j'espère au moins que vous allez laisser mon
collègue le député de Laval faire son exposé sans
être dérangé, s'il vous plaît.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lavoie: Je reviens aux objectifs du ministère des
Affaires municipales et je dis que c'est de la poudre aux yeux, ce soulagement
de l'impôt local lorsqu'on connaît les contraintes du ministre des
Finances. Je parlais justement de ces contraintes, du déficit de $2 300
000 000 du budget actuel. On sait qu'il n'y a pas une prolifération des
travaux au Québec, de travaux de grandes routes, de CEGEP ou
d'hôpitaux; il n'y a pratiquement rien de cela. Mais il y a $2 300 000
000 qui représentent uniquement en intérêts $1 000 000 par
jour. C'est pour cela qu'il ne faut pas se faire leurrer lorsqu'on dit vouloir
soulager le contribuable local.
Dans la réforme de la fiscalité, l'Union des
municipalités et les maires se sont fait endormir. Je le dis ici, ils se
sont fait endormir dans cette réforme de la fiscalité municipale
par le ministre des Finances et par le ministre des Affaires municipales
lorsqu'ils ont échangé une taxe progressive qu'ils avaient
auparavant comme la taxe de vente qui augmente normalement avec le produit
national ou la richesse ou l'inflation; c'est une taxe progressive que le
gouvernement a prise alors que 25% allaient aux municipalités
auparavant. Les municipalités ont perdu cette source de revenus et je
dis que la réforme municipale, à la longue, va profiter beaucoup
plus au ministre des Finances qu'aux municipalités du Québec
parce qu'on a laissé aux municipalités des taxes statiques, des
taxes qui ne bougent plus, des taxes foncières.
Par expérience personnelle, dans une ville que je connais bien,
dans les dix dernières années, la taxe de vente augmentait
graduellement de 15% par année alors que ce n'est pas le cas de
l'évaluation foncière d'une ville, qui ne bouge pratiquement pas
ou qui augmente à peine de 2% ou 3% par année.
M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander à ces
députés d'intervenir en deuxième lecture? Je vais tous
vous donner l'occasion voulue d'intervenir. Vous direz ce que vous avez
à dire au lieu de marmotter de votre siège, comme vous le faites
actuellement, M. le député de Laprairie. Vous aurez tous
l'occasion...
M. Michaud: Est-ce que le député, M. le
Président...
M. Lavoie: ... le droit d'intervenir vingt minutes en
deuxième lecture de ce projet de loi.
M. Michaud: M. le Président, est-ce que le
député me permettrait une question?
M. Lavoie: M. le Président, je n'aime pas me faire
déranger pendant mon intervention.
Le Vice-Président: Autrement dit, votre réponse
c'est non?
M. Lavoie: C'est non et plus j'y pense, plus c'est non, M. le
Président. Au lieu de me poser une question, il prendra son droit de
parole de vingt minutes après moi ou après le
député de Saint-Hyacinthe.
Je vous dis donc toutes les réserves que j'ai sur la
réforme de la fiscalité municipale. Deuxième volet sur
l'autonomie municipale: la décentralisation. On se gargarise facilement,
depuis deux ou trois ans, d'accorder une décentralisation administrative
maximale et de respecter l'autonomie des entités locales et autres.
Il y a des paradoxes dans cela et j'aimerais d'ailleurs que le ministre
puisse me répondre, lors de sa réplique.
J'aborde brièvement la question de l'aménagement du
territoire, un des objectifs du gouvernement en vertu de la loi 125.
D'ailleurs, à la suite d'une discussion qu'on a eue en commission
parlementaire, lorsqu'on veut créer des municipalités de
comté qui auront comme seul pouvoir l'aménagement du territoire,
avec les difficultés que nous avons dans le paysage avec l'imposition du
zonage agricole, il va falloir qu'on détermine un bon matin qui sera
l'autorité suprême. Si c'est toujours la commission du zonage
agricole qui peut imposer ces zones vertes un peu partout au Québec,
qu'est-ce que viennent faire les municipalités de comté qui ont
comme mandat de préparer l'aménagement du territoire si c'est
toujours soumis à l'autorité de la Commission de protection du
territoire agricole?
Autrement, mettez votre loi 125 de côté. Il sera impossible
de faire de l'aménagement de territoire si la loi de la protection des
terres agricoles est aussi draconienne et continue de trancher en voulant
préserver sous cette couleur verte une grande superficie du territoire
du Québec. Il va falloir qu'il y ait un arbitre à un certain
moment; autrement, la loi 125 n'aura plus aucune application.
On parle d'autonomie municipale lorsqu'on a c'est mon dernier
propos sur cette question devant la Chambre actuellement un projet de
loi pour créer la Société québécoise
d'assainissement des eaux, qui vient d'un autre ministre, le ministre de
l'Environnement. J'aimerais bien que, brièvement, possiblement, le
ministre des Affaires municipales nous donne son point de vue. Comment veut-on
respecter l'autonomie des municipalités lorsqu'on crée une
Société québécoise d'assainissement des eaux qui
aura comme pouvoir de concevoir, de construire, d'améliorer, d'agrandir
et de mettre en marche des ouvrages d'assainissement des eaux pour les besoins
dés municipalités et d'exécuter des travaux de
réfection des réseaux d'égouts municipaux. Ce ne sont plus
les municipalités qui vont faire leurs travaux d'assainissement des eaux
ou de réfection des égouts municipaux. Cela va être une
société relevant du ministre de l'Environnement, une
société provinciale qui va s'occuper, à travers le
Québec, de faire les travaux d'assainissement pour les
municipalités et même des travaux de réfection
d'égouts. (16 h 50)
Qu'on arrête de parler de décentralisation et qu'on
arrête de parler d'autonomie municipale lorsqu'on crée des
régies et des organismes de la sorte, un peu comme on parle de
décentralisation et d'autonomie lorsque, dans la loi de protection du
territoire agricole, les municipalités n'ont pas un mot à dire,
les municipalités de comté n'ont rien à dire, les
élus locaux n'ont rien à dire. C'est décidé par une
commission qui siège à Québec ou à Montréal,
et qui décide de l'aménagement du territoire de pratiquement tout
le Québec. Qu'on arrête de nous parler de décentralisation
et d'autonomie municipale lorsqu'on a deux exemples que je viens de mentionner,
l'application du zonage agricole qui se fait par une commission formée
de technocrates qui décident pratiquement sans consulter les élus
locaux et cette société d'assainissement qui va faire des travaux
d'égout et d'assainissement pour les municipalités. Je pense que
l'autonomie et la décentralisation, cela n'a pas la même
définition pour le ministre ou pour le gouvernement que celle que nous
trouvons dans le Petit Robert ou dans le Larousse. Il va falloir qu'on nous
l'explique.
M. le Président, j'arrive aux détails et aux
modalités de la loi que nous avons devant nous, la loi 105, sur la
division en districts électoraux. M. le Président, je ne suis pas
convaincu et même, je suis contre le principe d'avoir des districts
électoraux où il n'y a qu'un seul conseiller par district ce qui
est la politique uniforme que le ministre veut imposer à toutes les
municipalités de 20 000 âmes et plus, tout simplement par
l'expérience. Mon expérience me dit que ce n'est pas une formule
idéale et que vous devriez laisser aux municipalités l'option. Ce
sont les municipalités qui connaissent... Les municipalités du
Québec ne sont pas stéréotypées. Les
municipalités du Québec ne sont pas uniformes. Les
municipalités du Québec ont chacune leurs traditions, leur
personnalité, leur mentalité et leurs coutumes. Il n'y en a pas
une qui a la même topographie. Il n'y en a pas une qui a la même
forme. Pourquoi vouloir leur imposer des modes administratifs uniformes? Ce qui
existe dans les municipalités actuellement, c'est qu'il peut y avoir des
districts électoraux où il y a un seul conseiller municipal. Il y
a d'autres municipalités qui ont opté pour des districts
électoraux où il y a deux échevins, deux conseillers
municipaux. Il y en a même qui ont des districts où il peut y
avoir trois conseillers municipaux. Or, je dis que cette formule a fait
l'affaire et je n'ai jamais vu de problèmes. Je n'en ai pas connus. Le
ministre en a peut-être connus, cela a pu lui créer des
problèmes, mais je vous dis que les problèmes sont beaucoup plus
graves et les dangers sont beaucoup plus graves en nommant un seul conseiller
pour un petit district. Vous allez créer la mentalité des "boss"
de quartier. Je connais cela. Il y en a qui sont plus présents que
d'autres. Des conseillers municipaux sont plus "boss" que les autres et veulent
tout mener dans leur petit district. Là, ils vont voir les
fonctionnaires et ils diront: Vous allez me mettre au courant des travaux, des
programmes de parc, d'égout. Mettez-moi donc au courant. Qui demande des
permis municipaux dans le district? Je veux que vous m'avisiez s'il y en a
qui... Pour les permis...
M. Giasson: II y en a qui donnent des ordres, à part
cela.
M. Lavoie: Ah! des ordres et tout. Cela va faire des mini-maires
dans chacun des districts municipaux. C'est humain. Cela développe
également l'esprit chauvin et l'esprit de quartier à un point
je ne dis pas que c'est mauvais extrême et cela ouvre la
porte à du marchandage et à du "bargaining". Cela enlève
souvent de l'esprit des conseillers municipaux le bien commun de toute la
communauté, de toute la municipalité. Ils disent: Oui, on va
voter pour ton parc dans tel bout. Il parle à l'autre échevin
d'un autre quartier et dit: Oui, je vais voter pour ton parc ou
l'élargissement du boulevard dans ton quartier, mais par contre, tu vas
voter. Moi aussi, je veux un parc ou l'élargissement du boulevard. Tu
vas voter pour le changement de zonage dans mon quartier, etc. Cela va devenir
du "bargaining" entre les échevins, alors que si vous laissez...
Si cela fonctionne dans certaines municipalités, si la
municipalité le décide, laissez donc cela à la
discrétion des municipalités. Elles connaissent le milieu
beaucoup plus que vous qui êtes ici à Québec et qui avez un
droit de regard sur les 1600 municipalités du Québec. Lorsqu'il y
a deux ou trois conseillers municipaux par quartier, il y a justement plus
d'équilibre et moins de danger de création d'une autorité,
d'un "boss" de quartier, d'un conseiller municipal, d'un mini-maire du district
électoral. Pensez-y, M. le ministre. Vous l'avez fait en vertu de la loi
no 44 depuis une couple d'années. Je crois que vous allez trop loin
actuellement en l'imposant à toutes les municipalités de 20 000
âmes et plus du Québec. Laissez-en des pouvoirs aux
municipalités. Vous n'êtes pas là pour imposer des
contraintes et des diktats uniformes à toutes les municipalités
du Québec parce qu'il n'y en a pas deux qui sont pareilles. Laissez donc
c'est cela l'autonomie municipale les élus locaux, s'ils
le désirent, avoir deux ou trois conseillers municipaux par quartier et
avoir des quartiers plus grands, c'est leur affaire, ce n'est pas à vous
d'imposer cela.
Egalement, vous avez décidé d'augmenter, d'établir
un barème pour une municipalité. Prenons l'exemple qui me vient
à l'esprit: LaSalle. LaSalle a six conseillers municipaux actuellement;
ce n'est peut-être pas suffisant. Mais, en vertu de la loi, vous lui en
imposez de 12 à 16. Vous faites doubler le conseil municipal. C'est vous
qui le décidez, ce n'est même pas la population ou le conseil
municipal de LaSalle, c'est vous qui décidez qu'à l'avenir cette
municipalité aura entre 12 et 16 conseillers municipaux au lieu de 6. Je
préfère le jugement et la décision de la population locale
et même du conseil municipal local que la décision du ministre. On
pourrait avoir un mécanisme qui pourrait facilement se faire.selon
lequel la municipalité pourrait décider, peut-être lors des
élections prochaines, par un référendum ou autrement qui
serait greffé à l'élection, du nombre de conseillers
municipaux que les municipalités doivent avoir en déterminant un
nombre absolu, mais ce sont des détails que je vous donne. Je pense que
vous êtes trop porté sur le diktat et sur l'uniformité que
vous voulez donner à toutes les municipalités du
Québec.
Il y a de bonnes choses dans votre projet de loi. Je le reconnais et je
félicite le ministre de soumettre... c'est une évolution
d'ailleurs comme tout gouvernement en a suscité. Dans tout bilan de
gouvernement, il y a un actif et un passif. C'est la population qui
décide de ce bilan, comme elle décidera prochainement du
gouvernement actuel. Exiger une surveillance des dépenses des fonds
électoraux dans les municipalités et adapter cela au
système que nous avons d'ailleurs à Québec, je pense que
c'est une très bonne chose.
Nous allons apporter un amendement sur les districts électoraux.
Sur le même article, nous aurons d'autres amendements qui laisseront
à la discrétion des conseils municipaux s'ils désirent
avoir un, deux ou trois... C'est un amendement qu'on vous annonce. Egalement,
si vous l'emportez sur cet amendement, si vous vous en tenez à ce qu'il
y ait effectivement un seul conseiller municipal par quartier, je pense que,
comme étape... Au lieu de soumettre les municipalités de 20 000
âmes et plus à ce mode administratif, vous pourriez
peut-être, commencer cette année, par les municipalités de
30 000 âmes et plus. Je pense que le changement serait moins radical et
qu'il serait possible lors des élections de cette année, de faire
une autre période de rodage en ne demandant qu'aux municipalités
de 30 000 âmes et plus d'avoir ce système que vous voulez leur
imposer. Par contre, nous considérons beaucoup plus important de laisser
tout le système aux élus locaux, à eux-mêmes, avant
de leur imposer ce système d'un conseiller municipal par quartier. (17
heures)
Concernant la rémunération des élus locaux, j'ai
fait un calcul assez sommaire. Je pense que tout le monde est d'accord pour
accorder aux élus municipaux une rémunération juste,
raisonnable, convenable, surtout que lorsqu'on reconnaît aujourd'hui,
surtout pour les villes importantes, que les obligations de l'administration
municipale sont très polyvalentes dans notre société, qui
exige de plus en plus de ces administrations dans le domaine de la protection
de la propriété et des personnes, le transport en commun, le
loisir, l'épuration, l'habitation et tout. On reconnaît que, pour
des municipalités de 30 000 âmes et plus, c'est devenu aujourd'hui
pour les maires un travail pratiquement à plein temps. Est-ce que les
barèmes que vous leur accordez suffisent? Quant à moi, ils me
paraissent un peu faibles.
Je prends des exemples un peu au hasard. Prenons la ville de Lasalle,
qui a 76 000 habitants. En vertu des barèmes de votre loi
j'imagine que, pour le maire de la ville de Lasalle, 75 000 habitants,
ça doit être pratiquement du temps complet, et vous lui permettez
un traitement de $28 000 par année. Il administre un budget de
près de $40 000 000 par année, et cela ne comprend certainement
pas les dépenses capitales, qui s'ajoutent à cela. Le maire de
Montréal-Nord, avec
97 000 habitants, j'imagine que ça doit être à temps
plein, vous lui permettez une rémunération de $31 000 en vertu de
la nouvelle loi. La ville de Saint-Laurent a 65 000 habitants et un budget de
près de $100 000 000, et vous prévoyez un traitement de $26 000
pour le maire.
On voit que beaucoup de ces municipalités ont des
responsabilités financières de beaucoup supérieures
à beaucoup de ministères c'est là un petit passage
qui s'adresse au ministère de l'Energie et des Ressources. Si on regarde
le budget des Affaires intergouvernementales, il est de $46 000 000, cette
année. On considère l'Assemblée nationale un peu comme un
ministère; or, son budget est de $28 000 000. Le ministère des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières à
un budget de $26 000 000; le ministère de l'Immigration en a un de $23
000 000. Toutes les municipalités que j'ai mentionnées qui ont 40
000 âmes et plus ont des responsabilités financières de
beaucoup supérieures...
M. Bérubé: Est-ce que le député de
Lavai me permettrait une question?
M. Lavoie: Non, vous interviendrez à votre tour. Le
ministre de l'Energie et des Ressources a la langue trop bien pendue. Mais,
pour intervenir, je l'invite à intervenir dans le débat.
Je disais donc que la plupart de ces maires ont des
responsabilités administratives fort supérieures à
beaucoup de ministres. Si on compare la rémunération qu'on leur
donne en vertu de cette loi, de $27 000, $25 000, $28 000, c'est loin et
si on considère que c'est à temps complet du traitement
des ministres actuels. Si je connais bien les lois et les règlements de
l'Assemblée nationale, les ministres ont des traitements d'environ $70
000 par année.
M. Bérubé: Selon le budget du ministère.
M. Lavoie: C'est $70 000 par année pour un ministre, alors
qu'on accorde des salaires de $25 000 ou $27 000 aux maires des
municipalités qui ont des responsabilités souvent
supérieures. Je dis donc que ce serait à réviser; le
ministre pourrait se pencher sur cette question.
Il y a un autre point de déontologie: on veut exiger des
élus municipaux, maires et conseillers, une déclaration de leurs
intérêts financiers. Il ne faudrait pas pousser trop loin ces
exigences parce que, en somme, on va exiger plus en vertu de votre loi que vous
n'exigez des députés actuels. Les députés n'ont pas
à déclarer leurs biens, leurs intérêts dans des
actifs et dans des immeubles alors que, maintenant, dans toutes les
municipalités, pas seulement celles de 20 000 âmes et plus, mais
dans toutes, les élus municipaux vont être obligés de
déclarer leurs intérêts dans des sociétés,
des compagnies et dans les immeubles de la municipalité.
Je pense que c'est pousser un peu loin parce que, de la sorte, souvent,
vous allez vous priver possiblement, dans les petites et moyennes
municipalités, de très bons administrateurs, des gens de
l'entreprise libre, de l'entreprise privée, des hommes d'affaires qui
administrent de très grosses sociétés et tout, des hommes
d'affaires reconnus et qui pourraient offrir 15%, 20% ou 25% de leur temps dans
des petites ou des moyennes municipalités. Ils vont dire: Au diable, si
je suis obligé d'étaler mon bilan sur la place publique pour
aller administrer une municipalité de 5000, 10 000 ou 15 000 habitants
à temps partiel; ils vont dire: Ecoutez, j'ai le droit à ma vie
privée et j'ai des choses personnelles que je ne veux pas
répandre sur la place publique.
Vous allez vous priver possiblement, dans plusieurs petites et moyennes
municipalités, de très bons administrateurs municipaux qui le
feraient non pas pour le salaire de $3000, $4000 ou $5000 ou $7000, mais
à cause de leur expérience et de leur contribution, un peu leur
sens philanthropique de mettre leur expérience au service de leurs
citoyens. Là, j'ai des réserves.
En passant, je crois qu'on devrait lancer une invitation aux femmes du
Québec et inviter également la population du Québec
à accorder, dans l'administration de la chose publique, un rôle
accru aux femmes de notre province. D'ailleurs, on les félicite du
rôle important qu'elles ont joué dans le dernier
référendum sur la décision de l'avenir du Québec au
sein de la fédération canadienne. Ce sont des femmes de bon
jugement, des femmes de décision et d'expérience. Si vous faites
des campagnes de propagande, de publicité au gouvernement, faites-en
donc une pour inviter la population du Québec, l'inciter à donner
un rôle accru aux femmes du Québec dans l'administration de la
chose publique, non pas seulement au niveau provincial, mais également
au niveau local.
M. le Président, il y a d'autres points. Je crois que
l'information au public, donner un accès accru à la population
sur les budgets, les états financiers des municipalités, la
période de questions... Votre registre de questions écrites que
vous voulez instaurer dans certaines municipalités, on pourra en
parler.
En général, M. le Président, sur ces
modalités, parce qu'il n'y a pas tellement de grands principes dans
cette loi, nous allons voter pour en deuxième lecture. L'Opposition
officielle va voter pour ce projet de loi; nous avons certaines
réserves. Par contre, nous allons apporter notre contribution en
commission parlementaire. Avec l'expérience qu'on a et la contribution
entre autres du député-maire de Verdun et du député
de Saint-Hyacinthe, qui sont deux élus municipaux, nous allons tenter
d'améliorer votre projet de loi, si nous atteignons les oreilles et la
conscience du ministre pour l'améliorer; sinon, il est possible qu'on
vote contre en troisième lecture, si le ministre reste sur ses positions
et ne veut pas broncher pour amender ce projet de loi. Je vous remercie, M. le
Président. J'aurais un petit mot.
M. Cordeau: Oui, certainement.
M. Lavoie: Un mot, une question. Lorsqu'on a étudié
la charte de la ville de Québec, j'avais fait
une proposition au ministre et il nous avait même laissé
entendre que c'était possible. J'avais proposé qu'on applique aux
grandes municipalités du Québec, qu'on accorde aux citoyens des
grandes municipalités du Québec, j'avais dit, comme
première étape, les villes de 100 000 âmes et plus
je crois qu'il y en a quatre au Québec, si je ne me trompe pas:
Montréal, Laval, Québec et Longueuil l'accès au
recours au Protecteur du citoyen dans ces administrations. Si les citoyens, en
commençant par les villes de 100 000 âmes et plus, avaient des
plaintes à faire, s'ils se sentaient lésés par les
administrations locales, tant au point de vue de la taxation ou quoi que ce
soit, ils pourraient avoir un appel à l'"ombudsman", au Protecteur du
citoyen. Je pense que ce serait un geste qu'on pourrait poser pour humaniser
davantage l'administration de la chose publique et donner une protection accrue
aux citoyens du Québec. Je ne vois pas cette ouverture dans le projet de
loi. Je pense qu'il serait encore temps de le faire en commission parlementaire
pour ouvrir les portes du bureau du Protecteur du citoyen aux citoyens des
municipalités de 100 000 âmes et plus comme première phase.
Je vous remercie. (17 h 10)
M. Bérubé: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Saint-Hyacinthe normalement aurait le droit de parole.
M. Bérubé: Une minute tout au plus, M. le
Président, pour reprendre quelques remarques du député de
Laval.
Le Vice-Président: M. le député de Matane,
je ne peux pas vous reconnaître. Je vous reconnaîtrai, si vous vous
levez, après le député de Saint-Hyacinthe qui a maintenant
le droit de parole.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Fabien Cordeau
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
aujourd'hui de prendre la parole sur le projet de loi no 105, Loi modifiant
certaines dispositions législatives concernant la démocratie et
la rémunération des élus dans les
municipalités.
Le projet de loi que nous avons à étudier aujourd'hui
n'est pas tout à fait ce que l'on peut appeler une nouveauté. En
effet, on attendait depuis longtemps ou du moins depuis un bon moment la
présentation de ce projet de loi. Rappelez-vous le projet de loi no 44
concernant les élections de 1978 dans certaines municipalités et
modifiant la Loi des cités et villes. On sait qu'à ce moment le
ministre avait déclaré que cette loi serait reprise plus tard en
englobant d'autres principes et modalités que la loi 44 ne
prévoyait pas à ce moment.
Si ma mémoire est bonne, je crois que, lors de la discussion du
projet de loi no 44 en 1978, on nous avait dit qu'une loi plus complète
englobant tous les aspects de la vie démocratique des
municipalités devait être présentée à
l'automne.
Force est de constater que ce projet de loi qui devait venir en 1978
nous est présenté actuellement. Bien sûr, il est le
bienvenu. Ici, je ne sais pas si le ministre des Affaires municipales est le
ministre le plus patient de tout le cabinet, mais force est de constater que
les projets de loi qu'il nous présente arrivent presque toujours
à la fin des sessions.
On doit se rappeler, au mois de décembre dernier, que
l'Assemblée a dû attendre que la commission qui étudiait le
projet de loi no 57 ait terminé son étude afin de procéder
à l'ajournement. Egalement aujourd'hui, le projet de loi que nous
présente le ministre des Affaires municipales vient presque en dernier
lieu et nous serons obligés d'étudier article par article ce
projet de loi mardi prochain, soit le dernier jour de la session.
Espérons que tout ira bien et que l'Assemblée nationale n'aura
pas à retarder son ajournement.
En effet, depuis que je représente les citoyens du district
électoral de Saint-Hyacinthe dans cette Assemblée, je ne peux
malheureusement que constater un certain illogisme dans la façon dont
nous procédons. Peut-être bien que sous d'autres gouvernements
nous aurions pu constater la même carence, mais, en ce qui me concerne,
je suis en mesure de vous dire qu'il est tout à fait aberrant et
illogique de procéder à l'adoption de projets de loi de cette
importance presque à la fin de la session. En tant que parlementaire de
cette Assemblée, je trouve tout à fait inconcevable et
inadmissible que des lois aussi importantes et qui touchent le fonctionnement
vital d'une société démocratique soient
étudiées en si peu de temps.
D'ailleurs, nous n'avons qu'à constater, encore une fois, la
demande de l'Union des municipalités au ministre et à cette
Assemblée de se faire entendre mardi prochain en commission
parlementaire. Si on faisait le décompte des lois majeures
adoptées en cette Chambre dans le rythme d'une fin de session
comparativement à celles adoptées au cours du déroulement
normal de nos travaux, nous aurions certainement des surprises.
Maintenant, revenons à des considérations plus
particulières au projet de loi no 105. En effet, vous savez, quand le
ministre a déposé son projet de loi réimprimé, il a
dit: II n'y a que des modifications mineures de nature technique. Je dis
immédiatement que le ministre a raison, ce ne sont que des changements
de nature technique qui n'affectent en rien le principe de l'ancienne version
du projet de loi. Cependant, il reste un fait, malgré toutes les
rencontres et les discussions que le ministre ait pu avoir avec les organismes
concernés, soit l'Union des municipalités du Québec et
l'Union des conseils de comté, il reste une chose, la nouvelle version
du projet de loi no 105 ne répond que très partiellement au
désir des gens du milieu. En effet, je sais personnellement que l'Union
des municipalités du Québec a émis plusieurs
revendications face à l'ancienne version du projet de loi no 105;
malheureusement, je me dois de constater que plusieurs de ces revendications ne
sont pas contenues dans l'actuel projet de loi.
Pour les municipalités et nos élus municipaux, deux
principes sont, à leurs yeux, d'une extrême importance, soit le
principe de l'autonomie municipale et celui de la démocratie. En ce qui
concerne l'autonomie municipale, les municipalités, depuis janvier, ont
vu s'élargir leur assiette fiscale; par contre, sous-jacentes à
l'autonomie financière des municipalités, il y a également
pour elles les prérogatives de la non-ingérence dans le processus
administratif municipal quel qu'il soit. Je puis vous dire, en tant que
conseiller municipal et comme personne qui vit dans le monde municipal depuis
plusieurs années, qu'on désire le moins possible s'embarrasser
d'un processus décisionnel lourd et de tracasseries administratives
inutiles.
Je crois fermement que le gouvernement, et le ministre des Affaires
municipales en particulier, par ce projet de loi tel que déposé
et réimprimé, manque au respect de l'autonomie
décisionnelle des municipalités. En effet, ici, je veux faire
référence au rôle et pouvoirs conférés au
directeur général de la représentation qui place les
municipalités dans une position inconfortable puisqu'elles auront
constamment à se soumettre à des directives du directeur
général de la représentation. Qui plus est, celui-ci peut
forcer les municipalités à apporter des modifications au
règlement divisant les municipalités en districts
électoraux pour donner suite, en tout ou en partie, à ces
recommandations.
Je suis convaincu que vous comprenez aisément qu'une telle
disposition de la loi n'a rien à voir avec le caractère
autonomiste des municipalités dont le ministre se veut le
défenseur. En effet, sur ce sujet bien précis du rôle et
des pouvoirs du directeur général de la représentation, en
ce qui concerne le découpage de la carte électorale, je crois
qu'il aurait été plus logique et plus dans les règles que
le citoyen s'adresse, dans un premier temps, directement à son conseil
municipal s'il a des revendications ou s'il veut voir des modifications
apportées au règlement divisant la municipalité en
districts électoraux.
Ici, je dois reconnaître que le ministre, dans son allocution,
nous a fait part qu'il apporterait des amendements concernant cet article de
loi, mais étant donné que nous devons actuellement étudier
le projet de loi tel que réimprimé, je me dois de dénoncer
les lacunes qui y sont contenues Je ne mets pas en doute le poste du directeur
général de la représentation, loin de là;
cependant, il eut été plus convenable d'agir de façon
à laisser plus de latitude au conseil municipal et, ainsi, envisager que
le processus d'intervention des citoyens auprès du directeur de la
représentation n'en soit qu'un appel. (17 h 20)
Je respecte le directeur général de la
représentation mais nous n'avons qu'à regarder le
découpage du territoire de la province de Québec qui sera en
vigueur lors des prochaines élections, et nous décelons là
aussi des lacunes. On a donné ce découpage à une
commission ou une direction parce qu'on avait peur qu'il y ait de
l'ingérence de la part des députés. J'ose croire qu'il n'y
a pas eu d'ingérence mais l'on constate que, dans des districts
électoraux de Montréal, il n'y a que 28 000 30 000 ou 31 000
électeurs, tandis que, dans des districts électoraux ruraux, il y
a des comtés avec des populations de 30 000 et 40 000 habitants; les
distances à parcourir pour le député sont peut-être
de 125 à 150 milles, il y a dans ces comtés peut-être 30,
35 municipalités, et, lorsqu'un citoyen veut aller voir son
député, il doit parcourir 35 ou 40 milles. Je me demande
où est l'équité dans cette distribution.
Lors de l'acceptation de cette carte, j'ai fait valoir ce point de vue
et, aujourd'hui, je le réitère; il peut y avoir des erreurs
lorsque les députés prennent des décisions mais il peut y
avoir des erreurs aussi lorsque des commissions ou des directions en prennent.
Je n'ai qu'à vous rappeler ce qui est arrivé; dans un certain
comté urbain il n'y a que 28 000 ou 30 000 électeurs, et le
citoyen n'a qu'à parcourir quelques coins de rues pour voir son
député; il y a là toute une marge et c'est ce que cette
direction générale de la représentation a
décidé. Je suis contre cette décision et
l'inéquité qui existe dans cette distribution de la carte
électorale.
M. le Président, le ministre conviendra avec moi qu'un tel
processus respecte beaucoup plus l'autonomie municipale que celui qu'il propose
dans le projet de loi no 105. Celui qui est proposé par le ministre aura
comme conséquences des lourdeurs et chinoiseries administratives tout
à fait inutiles. Par contre, étant donné que le ministre
nous a dit qu'il apporterait des amendements, nous allons voir ce que les
amendements seront exactement avant de nous prononcer.
Pour confirmer ces dires, j'aurais pu vous lire ce que dit l'Union des
municipalités de comté dans son mémoire, aux pages 6 et 7.
Etant donné le bon vouloir du ministre, je vous ferai grâce de la
lecture de trois paragraphes. Egalement, parlant d'autonomie et
d'équité, le ministre demande dans ce projet de loi qu'il y ait
plus ou moins 15% d'électeurs par district électoral. Je me
demande comment il se fait qu'il soit arrivé à ce pourcentage de
15% lorsque, dans la Loi électorale de la province de Québec, le
barème est de plus ou moins 25% dans les districts électoraux. Il
y a là deux mesures, deux lois ou deux directions que nous devons
accepter, une de 25% pour les députés et l'autre de 15% pour les
conseillers municipaux. Dans sa réplique, j'aimerais que le ministre
nous fasse part de la façon dont il est arrivé au taux de
15%.
Par ailleurs, j'aborde le deuxième point qui est la
démocratie municipale. En effet, lorsqu'on parle de démocratie,
cela implique nécessairement que la population participe et peut se
prononcer librement sur tous les aspects de la vie municipale ou provinciale,
ou encore canadienne. Cependant, je crois qu'il est impérieux, surtout
au niveau municipal, que la population participe et ait une liberté
complète de choix dans l'accomplissement
de sa vie municipale. Pour cette raison, M. le Président, il est
essentiel que le ministre révise un autre aspect de son projet.de
loi.
En effet, le ministre prétend être le défenseur de
la démocratie municipale au Québec. Par contre, il est loin de
pratiquer ce qu'il prêche. A partir du moment où on ne laisse plus
aux populations locales la possibilité de choisir le système de
représentation qui leur est propre, qui leur est spécifique,
c'est-à-dire si on ne laisse pas aux populations locales l'occasion de
choisir soit la représentation par quartier, par district ou par
siège, dès ce moment, on sape littéralement le principe de
la démocratie, ce principe qui est fondamental dans l'organiation
municipale. Oui, M. le Président, je vous le dis, le ministre des
Affaires municipales ne donne pas aux municipalités, contrairement
à ce qu'il veut nous faire croire, des bases vraiment
démocratiques. Y a-t-il quelque chose de plus antidémocratique
que d'uniformiser pour tous un système de représentation sans
tenir compte de l'organisation naturelle de chacune des populations locales et
de tout un ensemble de facteurs spécifiques à chacune des
régions du Québec? Cela me fait penser, M. le Président,
à ce dont quelqu'un me faisait part en disant du ministre qu'il a voulu
imposer les mêmes chaussures de la même pointure pour tous.
Drôle de conception démocratique.
M. le Président, force est de constater que le ministre des
Affaires municipales a une conception bien à lui de la démocratie
municipale. Malgré les revendications répétées des
municipalités quant à leur conception de la démocratie, le
ministre a jugé bon, quant à lui, que c'est sa conception qui est
la bonne.
En terminant, M. le Président, je suis malheureusement
obligé de vous dire que le projet de loi 105, même dans sa version
nouvelle, doit être modifié en commission parlementaire, et cela
de façon substantielle. Je puis dire à mes amis d'en face que ce
projet de loi est loin d'enchanter tout le monde municipal. Si cette loi
devrait être adoptée telle que rédigée, si cette loi
devait être adoptée sans que le ministre n'accepte des changements
majeurs touchant le principe de l'autonomie et de la démocratie, eh
bien, ce gouvernement aurait fait la preuve noir sur blanc qu'il n'a pas
respecté et qu'il ne respecte pas l'autonomie municipale.
M. le Président, je ne peux concevoir, en tant que conseiller
municipal et député en cette Chambre, que l'on escamote
carrément des principes fondamentaux au bon fonctionnement de la. vie
municipale. Personnellement, je ne peux comprendre que le ministre, qui a
rencontré nos dirigeants municipaux et discuté avec eux n'ait pas
réussi à saisir ce que ceux-ci demandaient. Je serais même
tenté de dire que cela frise l'irresponsabilité ou
l'affrontement...
Des Voix: Oh!
M. Cordeau: ... car le télégramme que les
municipalités ont envoyé aujourd'hui au ministre et aux partis
d'Opposition témoigne que le projet de loi 105, même
réimprimé, ne leur donne pas satisfaction. Autrement, elles ne
voudraient pas faire encore des représentations après avoir
reçu cedit projet de loi.
Ici, M. le Président, je voudrais demander au ministre... Je sais
pertinemment qu'une municipalité procède actuellement, en vertu
de l'article 31 de la Loi des cités et villes, au découpage de
son territoire en s'inspirant des principes contenus dans le projet de loi 105.
J'aimerais savoir si ces municipalités qui, actuellement,
procèdent en vertu de l'article 31 de la Loi des cités et
villes... Si ces municipalités procèdent en vertu de cet article,
les règlements qu'elles ont adoptés ou qu'elles adoptent
présentement seront-ils valables pour l'élection de novembre
prochain dans ces municipalités? (17 h 30)
Bien sûr, il y a plusieurs mesures dans ce projet de loi qui
donneront satisfaction d'un côté à la population, surtout
en ce qui regarde la démocratisation de la période des questions
au conseil de ville. Je suis bien mal placé pour parler de la
rémunération des conseillers municipaux, mais, par contre, je
crois sincèrement que le pouvoir qu'accorde le ministre, le
gouvernement, par ce projet de loi, aux conseils municipaux afin d'augmenter le
salaire d'un maire qui occupe sa charge à temps plein, est tout à
fait logique et raisonnable.
M. le député de Laval a parlé des barèmes
établis par le ministre, tandis que dans l'autre article, les
barèmes du projet de loi sont contenus dans le projet de loi. Il
trouvait que les barèmes n'étaient pas assez
élevés, si j'ai bien compris l'intervention du
député de Laval.
Alors, M. le Président, en terminant, il me fera plaisir de
participer à la commission parlementaire qui étudiera ce projet
de loi article par article. Quant à nous, en ce qui regarde le principe
de ce projet de loi nous voterons en sa faveur, en deuxième lecture,
tout en espérant que le ministre apportera des amendements valables lors
de l'étude en commission parlementaire. Je vous remercie.
M. Guay: M. le Président.
Le Président suppléant (M. Jolivet): M. le
député de Taschereau.
M. Richard Guay
M. Guay: Je vous remercie, M. le Président. Je veux
simplement prendre quelques minutes du temps de cette Assemblée pour
faire quelques remarques sur les interventions que j'ai entendues de la part de
l'Opposition.
Les deux représentants de l'Opposition, tant l'Opposition
officielle que l'Union Nationale, ont parlé beaucoup de choses qui ne
concernent pas le projet de loi no 105. La loi no 57, que le
député de Laval affectionne est revenue souvent dans son
intervention. Quant au député de Saint-Hyacinthe,
on a longtemps entendu parler du découpage de la carte
électorale provinciale, ce qui n'était pas tout à fait
l'objet du projet de loi no 105. Celui-ci, j'en conviens, parle du
découpage des municipalités, mais non pas du découpage des
comtés représentés à l'Assemblée
nationale.
Il y a quelques éléments, dans ce projet de loi, qui
m'apparaissent extrêmement intéressants et, en tant que
député d'un comté tout entier situé à
l'intérieur de la ville de Québec, qui m'apparaissent favoriser
effectivement ces dispositions, favoriser l'exercice de la démocratie
à Québec, comme dans d'autres municipalités de même
taille. Quand on parle de la taille de la ville de Québec, il faut bien
se rappeler, M. le Président, que l'on parle d'une municipalité,
d'une ville, qui a plus de population cela vaut aussi pour la ville de
Laval, cela vaut pour la ville de Longueuil, cela vaut évidemment pour
la ville de Montréal que l'une des provinces du Canada. En effet,
les trois ou quatre municipalités que j'ai mentionnées et,
notamment, la ville de Québec, administrent la chose publique pour un
ensemble d'électeurs qui représentent un nombre plus grand que
celui qu'on retrouve à l'Ile-du-Prince-Edouard qui a pourtant le statut
d'une province canadienne. Je ne mets pas en cause le statut de
l'Ile-du-Prince-Edouard. Je souligne la chose pour indiquer combien il est
important, combien il est fondamental que lorsqu'on administre la chose
publique, dans des municipalités de cette proportion, le tout se fasse
de la manière la plus efficace, certes, mais la plus démocratique
possible.
Or, il y a un principe, dans ce projet de loi, qui m'apparaît
éminemment valable. Ce principe a été critiqué par
le député de Laval, celui du découpage de la carte
électorale de la municipalité, de toute municipalité de 20
000 habitants et plus, pour qu'on en arrive au principe d'un conseiller
municipal, un quartier. Le député de Laval nous a dit que l'on
devrait laisser la possibilité aux municipalités de
décider si elles veulent un, deux ou trois conseillers municipaux par
quartier, que l'on ne devrait pas imposer ce mode de représentation
démocratique aux municipalités, qu'en définitive, d'une
municipalité à l'autre, nous pourrions assister à des
situations tout à fait différentes quant à l'exercice de
la démocratie. On pourrait, dans une municipalité, avoir un
conseiller municipal par x milliers d'habitants et, dans la municipalité
voisine, avoir un conseiller municipal pour la moitié de ce nombre
d'électeurs, pour des municipalités de même dimension. On
pourrait, dans une municipalité, avoir un conseiller municipal pour un
quartier et avoir, dans une autre municipalité, trois ou quatre
conseillers municipaux pour le même quartier, plus grand. Effectivement,
ça fait de plus grands quartiers. C'est précisément
là où le problème se pose et c'est
précisément pour cela, quant à moi, que je trouve la
démarche du projet de loi no 105 éminemment valable.
Prenons le cas de la ville de Québec c'est un cas que je
connais bien elle est divisée à l'heure actuelle en trois
grands quartiers électoraux et un quatrième qui est le fruit
d'annexions de municipalités de banlieue. Il y a, ici dans la haute
ville, le quartier Champlain. Quatre conseillers représentent ce qui
est, en fait, quatre quartiers distincts: le Vieux-Québec, le quartier
Saint-Jean-Baptiste, le quartier Montcalm et le quartier Saint-Sacrement. Tout
cela est mis ensemble et on retrouve quatre conseillers pour un vaste ensemble
de quatre quartiers, mais il n'y en a pas un là-dedans qui
représente spécifiquement et en titre le Vieux-Québec ou
spécifiquement le quartier Saint-Jean-Baptiste ou encore le quartier
Montcalm.
Dans la partie basse de la ville de Québec, on retrouve le grand
quartier Saint-Sauveur-Saint-Roch où il y a à tout le moins deux
quartiers bien connus, parce que ce sont des quartiers qui ont leur propre
personnalité, le quartier Saint-Roch et le quartier Saint-Sauveur.
Pourtant, on noie le tout dans un plus vaste ensemble. C'est la même
chose pour le quartier Limoilou, quatre conseillers pour un plus grand
quartier.
Lorsqu'on arrive aux villes qui ont été annexées,
Duberger, Neufchatel, Les Saules et Charlesbourg-Ouest, on arrive à un
conseiller par ancienne municipalité. Il m'apparaît
préférable, quant à moi, qu'il en soit ainsi, qu'il y ait
un conseiller par quartier. Combien de fois m'est-il arrivé, en faisant
du bureau de comté, lorsque des gens sont venus me voir avec un
problème qui, en fait, était un problème d'ordre
municipal, de leur dire: Ecoutez, c'est davantage à votre échevin
ou à votre conseiller municipal que vous devriez vous adresser. Combien
de fois m'a-t-on dit: Je ne sais pas très bien qui c'est.
Effectivement, le fait d'avoir quatre conseillers pour un vaste quartier
entraîne une certaine confusion parmi la population. On ne sait plus
à qui s'adresser, qui nous représente au conseil municipal.
Certains c'est le fait du parti de l'Opposition de la ville de
Québec, le Rassemblement populaire auraient souhaité non
pas un conseiller, un quartier, mais que la ville, au fond, soit un vaste
quartier et qu'on élise les gens selon la représentation
proportionnelle au conseil municipal. Pour ma part, je ne souscris pas à
cette hypothèse. Il m'apparaît même essentiel qu'un
élu du peuple ait un rapport direct avec ceux qui l'ont élu, que
ce rapport soit pour lui le fruit d'une réalité à laquelle
il doit toujours se rattacher, ce qui n'est pas le cas, à mon avis, dans
un système de représentation proportionnelle. Il faut qu'il
puisse affirmer représenter un nombre précis d'électeurs
et un territoire bien délimité avec ses problèmes, ses
aspirations, ses ambitions et qu'il soit le reflet de cette population.
Or, lorsqu'on a trois ou quatre conseillers par grand quartier, on
revient au problème que j'illustrais tantôt à savoir qui
représente Saint-Roch, qui représente Saint-Sauveur, qui
représente le Vieux-Québec. Il y en a quatre, mais il n'y en a
pas un comme tel. Il m'apparaît important, compte tenu de la
personnalité de chacun de ces quartiers... la ville de Québec en
est un bon exemple parce que les quartiers de la ville de Québec sont
particulièrement bien délimités dans certains cas,
naturellement bien délimités. Il est important que les gens de
Saint-Sacrement, par exemple, sachent que c'est M. ou Mme Unetelle qui est
leur
représentant à eux et à eux seuls au conseil
municipal et que s'ils ont un problème, s'ils ont des
représentations à faire, c'est à cette personne qu'ils
doivent s'adresser.
Le député de Laval a fait valoir que ça ferait des
mini-maires, des petits potentats locaux. Je ne vois pas en quoi cela est le
cas. Le fait que nous ayons ici en cette Assemblée un
député par comté ne fait pas du député de
Laval un potentat local. Je ne pense pas que le député de
Saint-Hyacinthe, nonobstant le fait qu'il cumule aussi les fonctions de
conseiller municipal, se perçoive comme un potentat local, comme un
mini-premier ministre, pas du tout. Par contre, je suis sûr que, tout
comme le député de Laval et moi, le député de
Matane, le député de Châteauguay, le député
de Crémazie, savent qu'il représente une portion bien
identifiée de la population du Québec et une partie bien
précise du territoire québécois et que c'est ce qui permet
d'être en mesure de répondre aux problèmes et aux ambitions
de la population que nous représentons et d'essayer de régler les
problèmes que cette population peut avoir, à un moment
donné. (17 h 40)
Je pense qu'on est un meilleur représentant, qu'on est un
meilleur reflet de la réalité des gens que l'on représente
quand on peut se dire qu'il y a une partie bien précise de la population
dont nous sommes l'unique représentant au conseil municipal, à
l'Assemblée nationale, au Parlement fédéral, plutôt
que d'avoir une espèce de savane curieuse où il y a trois ou
quatre personnes qui s'en occupent avec le résultat, enfin, en
définitive, qu'il n'y a parfois personne qui s'en occupe. Cela ferait un
drôle de système, si l'on transposait l'hypothèse du
député de Laval à l'Assemblée nationale.
Cela existe dans certains endroits, je pense même qu'à
l'Ile-du-Prince-Edouard il y a deux députés par circonscription.
Mais prenons ce principe de deux ou trois députés dans une
circonscription. Qui est en fait le député de la circonscription?
L'un, l'autre, le troisième? Qui va régler le problème des
électeurs de la circonscription? Un tel peut toujours refiler le
problème à l'autre, il va le refiler à l'autre et il ne va
finalement y avoir personne pour le régler. La population va à
bon droit se demander: Auquel des trois dois-je m'adresser, parce que les
choses ne sont pas claires, les choses ne sont pas bien identifiées?
Dans le monde où nous vivons et plus particulièrement dans un
monde urbanisé, il est important que la population sache très
bien qui est son représentant. Elle en a un, elle en a un seul et c'est
à lui qu'elle doit s'adresser si elle a des représentations
à faire valoir sur le plan municipal, sur le plan provincial ou sur le
plan fédéral. En ce sens, la démarche du projet de loi no
105 m'apparaît une démarche éminemment salutaire. Je pense
que les vastes quartiers de trois ou de quatre échevins sont malsains
pour la démocratie, même si les échevins font
peut-être un excellent travail ou essaient de faire un excellent
travail.
Je pense qu'eux-mêmes sont handicapés dans l'exercice de
leurs fonctions par le fait qu'un en représente un bout, un autre en
représente une partie, ils ne sont pas tous seuls et il y en a d'autres
et qui finalement fait quoi? Ils sont eux-mêmes handicapés dans
l'exercice de cette fonction de représentation. Du fait de donner par le
projet de loi no 105 un conseiller par quartier, les électeurs savent
que c'est lui, que c'est elle, et si on n'est pas content au bout du mandat, on
sait que c'est à M. Untel ou à Mme Unetelle que l'on peut
reprocher la performance. On enlève l'espèce de caractère
flou du système actuel de représentation.
On nous dit: Oh! Scandale! Vous touchez à l'autonomie municipale.
C'est curieux que lorsque l'on dit dans le projet de loi que les
municipalités et les conseils municipaux pourront décider du
salaire des élus en sus des barèmes qui sont établis dans
la loi, c'est merveilleux, excellent, parfait. On reconnaît là
l'autonomie des municipalités. En fait, ce qu'on se trouve à
faire, Mme la Présidente, c'est de délimiter au départ le
rôle de l'Assemblée nationale, les règles du jeu de la
démocratie.
Peut-on s'imaginer que la démocratie est bien servie si, d'une
municipalité à l'autre, cela se promène, parfois c'est un
conseiller un quartier, parfois ce sont des représentations
proportionnelles, parfois c'est un conseiller par 15 000 habitants, parfois un
conseiller par 7000 habitants dans une municipalité de même
taille. Il y a quelque chose qui cloche dans l'exercice de la
démocratie. L'autonomie municipale, c'est le fait pour les
municipalités, à l'intérieur des pouvoirs qui leur sont
conférés, d'avoir l'aptitude de les exercer, mais les
règles du jeu, les grandes règles du jeu sont forcément
établies par le Parlement.
Les municipalités, ne l'oublions jamais, sont des
délégations de pouvoir de l'Assemblée nationale. Ce ne
sont pas des entités qui existent par elles-mêmes. Demain matin,
le Parlement déciderait: il n'y a plus de municipalité au
Québec, on abolit les municipalités; demain matin, on
déciderait que ce n'est pas 1600 municipalités, c'est 800, il y
en aurait 800. On déciderait: c'est 3200 au lieu de 1600... C'est le
Parlement, c'est l'Assemblée nationale qui délègue des
pouvoirs qui lui sont conférés à des entités
administratives locales que sont les municipalités. Par le fait
même, c'est aussi au Parlement, à l'Assemblée nationale
à déterminer quelles vont être les règles du jeu, et
comment va s'exercer la démocratie dans chaque municipalité, dans
chaque conseil municipal; sans devenir "tataouineux", sans aller jusque dans le
détail, il faut que les grandes règles soient connues, qu'elles
soient les mêmes dans tout le territoire.
Pourquoi des électeurs auraient-ils un système plus
démocratique dans une municipalité et moins démocratique
dans d'autres, si on laisse cela à la fantaisie locale? La
démocratie n'est pas une fantaisie, c'est un droit fondamental des
citoyens d'être bien représentés. C'est le devoir de
l'Assemblée nationale d'édicter les règles selon
lesquelles ces citoyens seront représentés.
Le projet de loi no 105, au surplus, énonce, parmi les
règles de fonctionnement de la démo-
cratie, que les partis politiques municipaux dorénavant seront
régis de manière analogue aux partis politiques
québécois. Voilà une initiative que, j'espère, tous
les partis d'Opposition applaudiront.
On a eu récemment, par le rapport Malouf, l'exemple frappant de
la nécessité qu'il y avait, lorsque nous sommes arrivés au
pouvoir, de modifier ces règles du jeu pour les partis politiques
provinciaux. Fini les caisses électorales occultes! Fini les $700 000 ou
$800 000 donnés au Parti libéral, lors des Olympiques,
vraisemblablement en échange de contrats obtenus! Dorénavant,
à partir du moment où la loi 2 sur le financement des partis
politiques a été adoptée par ce gouvernement-ci, les
partis politiques ont dû se financer démocratiquement,
ouvertement, par des électeurs, non pas par des compagies. Le Parti
libéral qui s'engraissait richement de l'ancien système s'est
transformé, s'est adapté à la nouvelle loi. Il a fait des
campagnes de financement aussi bonnes que celle du Parti
québécois. Cela prouve qu'on peut fort bien s'adapter à ce
système.
Il y a l'avantage d'être ouvert, d'être honnête,
d'être intègre et de ne laisser planer aucun soupçon sur
les partis politiques et la provenance de l'argent qui les finance. Cette
règle du jeu qui est valable sur le plan québécois me
paraît tout aussi valable sur le plan municipal, car, je le rappelle,
certaines municipalités du Québec sont plus grandes ou ont plus
de population à desservir que la plus petite province du Canada.
Il est donc essentiel que les règles du jeu qui sont valables sur
le plan national, sur le plan québécois, soient tout aussi
valables sur le plan local, de sorte qu'on ne retrouve pas, sur le plan local,
des situations comme celle que l'enquête Malouf a
révélée en ce qui a trait à la caisse
électorale du Parti libéral. C'était légal,
paraît-il, à l'époque. Le chef de l'Opposition fait des
gorges chaudes pour dire que c'était légal. Bien sûr que
c'était légal. Peut-être. De là à ce que ce
soit moral, là, vous savez, ce grand moralisateur qu'était le
député d'Argenteuil quand il était au Devoir est devenu
bien légaliste, ces derniers temps.
Enfin, c'est un autre problème. L'important, c'est que, sur le
plan municipal, les règles du jeu qui sont valables à ce point de
vue, qui sont démocratiques, qui sont honnêtes, qui sont ouvertes,
s'appliquent tout autant sur le plan municipal et c'est ce que le projet de loi
no 105 vise à faire.
Il en est de même du financement des élections de
manière à favoriser la participation des citoyens à la
chose municipale, ce que vise ce projet de loi. Il en est de même
également et cela, le député de Saint-Hyacinthe l'a
souligné à bon droit du salaire des élus. Trop
souvent, le salaire des élus, que ce soit en ce Parlement, au Parlement
fédéral ou dans un conseil municipal, fait l'objet de
débats démagogiques et d'arguments démagogiques dans tous
les milieux. Un élu du peuple qui consacre à sa fonction la
totalité de son temps, cela peut aller tous les
députés en cette Chambre le savent jusqu'à 60 et 70
heures facilement par semaine. Aucune sécurité d'emploi, sauf
peut-être pour le député de Laval car il a un comté
qui a une certaine tendance à rester libéral.
M. Lavoie: Ils sont bien servis.
M. Guay: Ils sont bien servis, mais il y a aussi une autre
raison. Vous la savez, mais on n'épilo-guera pas là-dessus. Que
des gens qui consacrent du temps à la chose publique soient
rémunérés adéquatement, cela nie semble être
la chose la plus élémentaire. C'est bien beau, le
bénévolat. Il y a bien du monde qui fait beaucoup de
bénévolat et, d'une certaine façon, les élus en
font eux-mêmes parce que, s'ils étaient payés selon un
salaire horaire, il y a de fortes chances que ce serait encore bien plus
élevé que ce qu'ils gagnent déjà.
Qu'on puisse attirer dans le domaine municipal, comme on a voulu le
faire avec la Loi de la Législature et les salaires payés
à l'Assemblée nationale, les meilleurs éléments des
municipalités et de notre société qui, en consacrant
autant de temps à la chose municipale ne subiront pas une perte de
salaire épouvantable, cela me semble une chose éminemment
souhaitée, éminemment désirable. La possibilité
qu'on donne maintenant, dans le plein respect de l'autonomie municipale, aux
conseils municipaux d'ajuster les choses en dessus des barèmes
fixés par la loi est un signe éloquent de la volonté de ce
gouvernement de consacrer là encore, comme dans la loi 57, l'autonomie
des municipalités à l'intérieur des règles
élémentaires de la démocratie qu'il est normal que ce
Parlement fixe. (17 h 50)
Enfin, ce projet de loi contient une autre disposition qui me
paraît tout aussi importante, disposition que nous avons appliquée
ici, à Québec, et qu'il est normal, je pense, qu'on applique
aussi au niveau municipal, comme d'ailleurs au niveau scolaire et ailleurs: la
divulgation des intérêts financiers. Si on veut que la chose
publique soit administrée de la manière la plus transparente
possible, si on veut que les électeurs aient une confiance aussi grande
que possible dans les personnes qu'ils ont élues, non seulement faut-il
abolir les caisses électorales occultes comme nous l'avons fait sur le
plan provincial, comme nous le faisons dans lé projet de loi no 105 sur
le plan des municipalités, mais encore faut-il que les électeurs
sachent que leurs administrateurs, que leurs élus ont des
intérêts financiers, ce qui est normal, mais quels sont ces
intérêts financiers, de manière que, lorsqu'un élu
municipal se retrouve dans un débat au conseil municipal, dans un
comité exécutif où il est en conflit
d'intérêts, ce soit connu et vu de tous et de toutes parce que ces
choses sont publiques.
En ce sens, le projet de loi no 105 franchit un pas en avant utile,
nécessaire et j'ai tout lieu de croire que, tant du côté de
l'Union des municipalités que de celui de l'Union des conseils de
comté, cette disposition normale, fondamentale de l'exercice de la
démocratie sera non seulement acceptée, mais applaudie
chaleureusement. C'est le contraire qui serait inquiétant parce que cela
voudrait dire, à ce moment-là, qu'on a peut-être des choses
à cacher. Je doute fort que les élus municipaux à l'heure
actuelle le député de
Saint-Hyacinthe le premier aient des choses à cacher.
Quand on n'a rien à cacher, mon Dieu, on accepte de bon gré d'en
faire état. Ce sont les règles du jeu du projet de loi no 105,
les règles du jeu plus claires, plus démocratiques, au grand
jour, la transparence au niveau municipal. Je pense que, dans l'ensemble, les
municipalités du Québec vont y souscrire abondamment; il y va de
leur intérêt comme celui des électeurs
québécois.
La Vice-Présidente: M. le député de Verdun.
M. Lucien Caron
M. Caron: Mme la Présidente, j'aimerais à mon tour
émettre certains commentaires sur le projet de loi no 105, Loi modifiant
certaines dispositions législatives concernant la démocratie, la
rémunération des élus dans les municipalités. Je ne
voudrais pas répéter tout ce qui s'est dit dans l'intervention du
ministre des Affaires municipales, celle de mon collègue, le
député de Laval, aussi bien que celle de mon autre
collègue, le député de Saint-Hyacinthe, mais je voudrais
émettre l'opinion qu'on pourrait, à la commission des affaires
municipales, la semaine prochaine, peut-être à un certain moment,
apporter des amendements pour essayer d'être le plus juste possible.
J'aimerais, à mon tour, soulever certaines critiques que le
député de Taschereau a faites envers mon collègue de Laval
et mon collègue de Saint-Hyacinthe. Premièrement, le gouvernement
du Québec doit donner l'exemple. Je pense que si on exige des
municipalités certaines choses, le gouvernement du Québec doit
être l'exemple. C'est vrai que le découpage de la carte
électorale, la population ne s'est pas présentée
malgré toute la publicité et les dépenses énormes
qui se sont faites, $800 000. Je me demande si ces $800 000 n'auraient pas pu
en partie servir dans les hôpitaux ou ailleurs, pour les gens qui en ont
le plus besoin. Surtout dans les grandes villes du Québec, les gens ne
se présentent pas.
Si on parle de découpage, on devrait aussi, dans les
municipalités, essayer de découper les quartiers de la
façon la plus juste possible. Il ne faudrait pas non plus, entre le
greffier qui devient la majorité du temps président
d'élection et le président, le responsable du gouvernement du
Québec, que cela devienne, le greffier de la municipalité, un
genre d'intermédiaire aussi. Je pense que jusqu'à maintenant,
à moins de preuve contraire, les gens qui ont eu un rôle de
président d'élection ont toujours fait un travail excellent. Cela
veut dire que la municipalité décide de découper d'une
façon, quelques personnes... Vous savez que cela va arriver à la
question et je veux dire, Mme la Présidente, que je ne veux pas
critiquer le projet de loi 105 dans son ensemble. Loin de là. Il y a de
bonnes choses et j'en suis fier. Je vais voter en faveur moi aussi en
deuxième lecture, mais il ne faut pas non plus aller à
l'extrême.
Quant à la question des quartiers, c'est vrai je pense
que, s'il y en a un qui a l'expérience, c'est bien moi, Mme la
Présidente il y a un danger d'avoir plusieurs quartiers dans une
municipalité et, comme mon collègue de Laval disait, il y a un
danger. Vous savez qu'il y a des choses qui se font. Ici même à
Québec, je ne sais pas si cela se fait encore, mais jusqu'à tout
récemment aussi, à un certain moment, on voulait passer certaines
choses, un mini-conseil de ministres. En partant de là, s'il n'y a pas
de mini-conseil de ministres, si les renseignements que j'ai ne sont pas bons,
je veux que le ministre, dans sa réplique, me dise si c'est vrai que
c'est fini, qu'il n'y a même plus de mini-conseil de ministres. Quand on
parle de quartiers, il y a un danger à un certain moment qu'on veuille
avoir plus dans un secteur d'une ville que dans un autre. Il faut faire
attention à cela. Je pense que vous savez le ministre est un
député de l'île de Montréal qu'il y a une
municipalité où le maire n'a pas la majorité au conseil et
à plusieurs reprises, on apporte des propositions qui sont
adoptées, parce que les conseillers ont la majorité.
Il y a là un danger. Je pense qu'il faudrait que ce soit
étudié. C'est vrai que six conseillers municipaux dans une
municipalité qui compte 80 000 à 85 000 de population, ce n'est
pas assez; je suis bien d'accord avec le ministre. Mais il ne faudrait pas non
plus porter le nombre de 6 à 14. Dans la loi no 44, on en avait
discuté et le ministre, à un certain moment, a accepté
qu'on porte le nombre de 6 à 8 ou 10. Il y aurait lieu d'apporter un
amendement.
Parfois, dans des conseils de ville, comme cela se fait au Conseil des
ministres, ce n'est pas toujours facile de s'entendre. C'est pour cette raison
que porter le nombre de 6 à 12 ou 14 ou 16... Je pense que le ministre
sera compréhensif à ce sujet. Je pense que l'Union des
municipalités aussi semble vouloir demander qu'on ne double pas le
nombre: augmenter mais sans doubler.
Le salaire des élus. Encore là, Mme la Présidente,
peut-être que dans mon cas, il est assez délicat de parler de
salaire, mais je pense qu'il est de mon devoir d'en parler. Je ne le fais pas
pour moi. Je peux dire au ministre, ici en cette Chambre, que si j'étais
seulement maire de la municipalité de Verdun, je ne travaillerais pas
pour $23 000 par année, actuellement. (18 heures)
Je pense que la majorité des maires et des conseillers municipaux
travaillent, comme ici nous avons la majorité des membres de cette
Chambre qui travaillent. Par contre, on en a qui travaillent moins et qui font
moins de bureau. Je peux même dire que certaines personnes, dans les
grandes villes, aussi bien à Québec qu'à Montréal,
ne connaissent pas leur député, comme elles ne connaissent pas
non plus leur conseiller municipal. Encore là, personne en cette Chambre
ne pourra me dire que j'ai tort en avançant cela, quand vous savez qu'un
maire est payé $20 000 ou $18 000 et que vous savez que le gérant
de la municipalité ou que le directeur d'un service est payé $50
000 ou $55 000 et, dans certains cas, $60 000, automobile fournie, qu'ils
travaillent tant de jours par semaine, qu'ils peuvent partir sans avoir
à faire de rapport,
avec compte de dépenses. Je pense que, encore là, dans
certaines municipalités, le ministre devra faire une révision
pour donner justice. On a parlé de la ville de Saint-Laurent qui a un
budget entre $90 000 000 et $100 000 000 et dont le maire a une
rémunération de $26 000 ou à peu près, et je
pourrais en citer d'autres.
Je pense que c'est assez difficile de faire une règle
générale. Encore là, il y aurait lieu d'apporter des
amendements pour pouvoir rémunérer ces gens, surtout par le
nouveau projet de loi. Je pense que le maire, qui est toujours le grand
responsable dans sa municipalité, a à travailler beaucoup plus
que tous les autres, il doit donner de l'information. Encore là, je suis
bien heureux que, dans ce projet de loi, on donne toute l'information voulue
à la population. Il est normal que la population soit au courant de tout
ce qui se passe. Je me rappelle, au début, en 1970, quand nous sommes
arrivés au pouvoir, les ministres des Affaires municipales du temps
avaient commencé M. Victor Goldbloom et M. Tessier
à apporter des suggestions pour améliorer le système des
municipalités.
J'aimerais aussi que le ministre puisse nous dire, à un certain
moment... A l'article 19: "Le directeur général des
élections peut, sur demande du président d'élections,
fournir à ce dernier, toute l'aide dont il peut avoir besoin pour
exercer ses fonctions et lui donner des instructions", j'aimerais que ce soit
clarifié. Encore là, sans prêter d'intention au directeur
général, il y a un danger d'ingérence. Il serait bien
important qu'on clarifie le projet de loi pour qu'il n'y ait pas
d'ingérence.
Aussi à l'article 32, il est interdit à un fonctionnaire
ou employé d'une municipalité de se livrer à un travail
partisan relativement à une élection dans la municipalité.
Il faudrait définir le terme, jusqu'où on peut aller. On l'a vu
au référendum, certains fonctionnaires veulent participer,
d'autres ne le veulent pas. S'il y a des pénalités, je pense que
dans le projet de loi cela devrait être clair.
Déclaration des intérêts. Je pense que c'est tout
à fait normal. On en a une preuve avec le rapport Malouf, c'est tout
à fait normal. Je pense bien qu'il n'y a pas personne ici dans cette
Chambre moi, j'en suis heureux personnellement, mais je l'avais
mentionné à plusieurs reprises au ministre des Affaires
municipales, Mme la Présidente...
Il y a aussi le fonctionnarisme auquel il faudrait penser. Souvent, on
essaie de prêter des intentions aux élus du peuple, à
quelque niveau que ce soit. Je pense aussi qu'il y aurait lieu de voir et de se
pencher sur le cas du fonctionnarisme. J'ai pu, à certains moments,
souffler au ministre certains cas... Encore là, je sais qu'il ne peut
pas dans le peu de temps qu'on a... Il est surtout regrettable que des projets
de cette importance nous arrivent toujours à la dernière
minute.
Je me rappelle des gens d'en face ils ne sont pas ici les
six qui étaient de ce côté-ci reprochaient cela au
gouvernement du temps. J'ai entendu cela toutes les fins de session que
c'était bien effrayant et je peux vous dire, Mme la Présidente,
que cela n'a pas changé. Ce gouvernement n'est pas là à
vie. Il y aura des élections. Peut-être qu'il y aura des
changements, Dieu sait, nous le verrons avec le temps. J'espère que ceux
qui iront de l'autre côté essaieront aussi, quand il y aura de
grands changements de ne pas nous apporter cela à la dernière
minute.
Je voudrais aussi demander au ministre des Affaires municipales s'il est
question d'une liste permanente que les commissions scolaires paient? On sait
combien cela a coûté pour un petit nombre, pour une liste
électorale. Les commissions scolaires l'ont faite. Les
municipalités sont obligées de le faire, le gouvernement du
Québec aussi. Cela presse qu'on essaie de trouver un mécanisme
pour épargner de l'argent, parce qu'à la fin, quel que soit le
palier de gouvernement, c'est toujours le contribuable qui en reçoit la
note.
Vous savez combien coûtent ces listes électorales et
combien de gens sont malheureux parce que leur nom n'est pas sur la liste. Ils
n'ont pas reçu la documentation pour aller vérifier la liste
à temps, même s'il s'est fait de la publicité sur le
référendum. Je peux dire que, dans mon comté, beaucoup de
gens, au moment où ils se sont aperçus qu'ils n'étaient
pas sur la liste, ont constaté qu'il était trop tard. Ce sont
là des choses qu'on pourrait essayer de régler.
Si on n'avait pas eu le projet de loi no 105 à la dernière
minute, vu que c'est une fin de session, il pourrait être meilleur.
En terminant, je vois que l'heure avance, le ministre pense qu'il est
bien que les élus soient appelés à dévoiler leurs
biens, leurs intérêts, mais je me demande s'il n'y aurait pas lieu
aussi de changer un peu la formule et que ce soit fait avant l'élection.
Ce serait une bonne chose. Je pourrais dire au ministre que parfois, à
la dernière minute, pour essayer de nuire à un candidat plus
qu'en favoriser un autre, on va amener à la dernière minute, cinq
minutes avant la clôture, un nom pour dire: On lui amène de
l'Opposition. On prend quelqu'un sur la rue. Cela s'est vu. On a amené
le nom de M. Lacroix parce qu'un monsieur Lacroix était candidat. Je
pense qu'en commission parlementaire, il y aurait lieu de se pencher sur cela
pour essayer d'être juste envers ceux qui se présentent pour
être élus à un poste et éviter qu'ils se fassent
mettre des bâtons dans les roues, d'une façon ou d'une autre, par
des petits groupes qui peuvent se former. (18 h 10)
Vous savez que les partis politiques qui sont déjà
formés et qui vont se former, cela devient un peu des clans, qu'on le
veuille ou pas; il faut le dire, il faut être franc, d'un
côté et de l'autre de la Chambre. Parfois, certaines personnes,
dans l'enthousiasme, dépassent les bornes dans les gestes qu'elles
posent.
Je demanderais, durant les jours qui viennent et puisqu'on doit revenir
en commission parlementaire mardi, que, d'ici là, on essaie de
trouver
des mécanismes découlant des suggestions que j'ai faites
au ministre.
Mme la Présidente, je vous remercie.
La Vice-Présidente: M. le ministre des Affaires
municipales, votre réplique.
M. Guy Tardif
M. Tardif: Mme la Présidente, je remercie l'Opposition de
son obligeance et les membres de cette Assemblée de nous permettre de
dépasser de quelques minutes l'heure de tombée habituelle pour
qu'on puisse compléter l'étude de ce projet de loi en
deuxième lecture. Je vais tenter d'être très bref, me
bornant à répondre aux questions posées. A un moment
donné, je me demandais si le député de Laval il a
passé tellement de temps à nous parler de la loi 57
était resté marqué de ce séjour de travail commun
que nous avons eu ensemble à la commission parlementaire.
M. Lavoie: Traumatisél
M. Tardif: Traumatisé; le mot est de lui. Je me disais
quand même: 10% de diminution de taxes, cela valait bien cet effort qu'il
a fait et que j'ai fait aussi pour l'ensemble des contribuables
québécois. Dans le cas des citoyens de la Communauté
urbaine de Montréal, que représente d'ailleurs le
député-maire de Verdun... En un sens, le député de
Laval a raison quand il dit que la réforme n'a pas rapporté $400
000 000, cette année, aux citoyens du Québec ou aux
municipalités du Québec; il y a $12 000 000 de moins, c'est vrai,
parce que, dans le cas de la Communauté urbaine de Montréal, il y
a $12 000 000 qui vont directement aux contribuables avec la carte
d'autobus-métro. Quand un citoyen achète cela c'est une
idée originale du gouvernement du Québec, de mon collègue
des Transports à $16 le laissez-passer, il reçoit une
subvention de l'Etat de $7.70; cela veut donc dire qu'à la fin de
l'année, c'est $84.84 que l'Etat a versés à monsieur ou
à madame qui a acheté un laissez-passer. S'il s'agit d'un
étudiant ou d'une personne âgée, c'est $36.36 de subvention
à l'achat du laissez-passer. C'est important et le député
de Laval a raison, en un sens, de dire que tout n'apparaît pas dans les
livres de comptes des municipalités. Il y a une partie directement dans
les poches du contribuable.
Mme la Présidente, on parle de paradoxe entre l'autonomie des
municipalités qu'on veut conférer par les mesures qu'on a
énoncées là et, par ailleurs, certaines mesures le
député de Laval l'a dit comme la loi 125 et la loi 90. On
m'en a parlé en commission parlementaire lors de l'étude de mes
crédits. Je lui dis qu'effectivement le gouvernement a
décidé, lui, de protéger l'agriculture, puisque les
municipalités nous ont dit clairement: Ce n'est pas notre rôle; ce
n'est pas à nous de protéger l'agriculture. Si vous, comme
gouvernement, vous voulez le faire, faites-le, mais, de grâce, veuillez
nous dédommager. C'est ce que le gouvernement fait. Avec la loi 90, il
rembourse aux agriculteurs 70% de leur taxe foncière et, à la
municipalité, il rembourse l'écart pour le manque à gagner
entre ce qu'on appellerait la valeur plafonnée des terres, des fermes et
des boisés, et la valeur réelle.
Donc, le gouvernement prend sur lui de promouvoir, de protéger
l'agriculture et compense et les agriculteurs et les municipalités. Il
me semble qu'il ne s'agit pas là d'un accroc bien grand à
l'autonomie des municipalités et, qui plus est, on laisse aux
municipalités une marge de développement. Je ne voudrais pas
personnaliser le cas pour ce qui est de Laval, Mme la Présidente, mais
on sait pertinemment qu'à Laval, l'île Jésus
représente 60 000 acres et qu'il y en a 33 000 de zonées
agricoles. Il y en a 27 000 qui ne sont pas zonées. Des 27 000 qui ne
sont pas zonées, il y en a 17 000 de bâties; donc, 10 000 acres
disponibles pour fins de développement résidentiel ou autre.
Mais, 10 000 acres, Mme la Présidente, selon les normes actuelles
de développement qu'on observe à Laval depuis dix ans, cela
permettrait d'accueillir 100 000 habitants. Qu'on ne vienne pas me parler de
mesures contraignantes, d'un corset.
Le député de Laval nous dit: II faudra attendre de voir
les effets de la réforme. Je lui dis: Moi aussi, je vais souhaiter les
voir au cours de quelques années. Mais son gouvernement, les
gouvernements antérieurs, bon an, mal an M. Garneau et d'autres
avant lui canalisaient vers les coffres des municipalités
à peu près entre $40 000 000 et $80 000 000 par année. On
ajoutait un petit "guidi" ici, un petit montant là et on leur donnait
entre $40 000 000 et $80 000 000. La réforme, d'une claque, leur en
donne $400 000 000. La taxe de vente . une fois enlevée, il reste $400
000 000 additionnels. Que les municipalités aient décidé
de n'en refiler à leurs contribuables que 10% sous forme de rabais de
taxe, c'est une chose, parce que beaucoup d'entre elles ont
décidé de faire des dépenses non récurrentes et de
les payer d'un coup. Exemple, un seul. La ville de Montréal a
décidé de payer comptant son déficit de la Commission de
transport de la CUM, d'un coup, $37 000 000 comptant, Mme la Présidente.
Le député-maire de Verdun a décidé de faire la
même chose et cela représente quelques millions chez lui aussi.
C'est bien évident que la ville de Verdun... Il est là et il
hoche de la tête affirmativement. Il aurait pu décider de baisser
plus ses taxes encore, mais c'est un bon calcul qu'il a fait. Je ne le
blâme pas. Il a décidé de payer comptant des choses comme
cela. Ce sont ses citoyens qui en profiteront l'an prochain puisqu'ils n'auront
à payer ni cette dette ni des taux d'intérêt de 14% ou de
15% qu'on connaissait il y a quelque temps.
Mme la Présidente, je l'ai dit au député de Laval,
je suis prêt à m'asseoir avec lui et à revoir chacun des
articles du budget de cette municipalité, puisqu'il l'a
évoqué. Je n'en aurais pas parlé s'il n'en avait pas
parlé, mais... Pardon?
M. Lavoie: Quelle municipalité?
M. Tardif: De Laval. Je n'en aurais pas parlé s'il n'en
avait pas parlé, Mme la Présidente, mais il m'a ouvert une
porte.
M. Lavoie: Je n'en ai pas parlé.
M. Tardif: II n'en a pas parlé, Mme la Présidente.
En deux mots, je résume. Pardon, M. le Président. En deux mots,
nous disons que la réforme rapporte $9 500 000 à Laval. Le maire
de Laval dit qu'elle lui rapporte $550 000. D'accord? Ce sont les positions. Je
dis aux citoyens: Oubliez nos prétentions les miennes et
oubliez celles des autorités de Laval. Mettez une croix sur les deux.
Prenez le budget de la ville de Laval et constatez ceci. La municipalité
augmente ses dépenses, cette année, de $25 000 000, elle augmente
ses taxes de $15 500 000 et elle réussit à boucler son budget. M.
le Président, je vous pose la question. Si vous augmentez vos
dépenses de $25 000 000 cet année et n'augmentez vos revenus que
de $15 500 000 et néanmoins, vous bouclez votre budget, il faut donc
qu'il y ait une réforme qui soit passée par là pour
laisser tomber $9 500 000. C'est cela, la démonstration très
simple, M. le Président. Je ferme la parenthèse.
On dit que la loi de mon collègue, le ministre de
l'Environnement, vient contraindre les municipalités à faire de
l'épuration. Je dis: Pas tout à fait. C'est un organisme, une
société qui va pouvoir agir en lieu et place des
municipalités si celles-ci le désirent, premièrement.
Deuxièmement, ce que le député de Laval n'a pas dit...
M. Lavoie: ... comme d'habitude.
M. Tardif: Ce que le député de Laval n'a pas dit,
c'est que le gouvernement va assumer 90% des coûts de
l'épuration.
Je vais lui poser la question suivante au député de Laval:
Ne serait-il pas d'accord pour qu'une telle société puisse
dépolluer si, par exemple, des cinq municipalités sises en amont
de Laval, il y en avait quatre qui dépolluaient, qui épuraient
leurs eaux et une qui n'épurait pas?
Le député de Laval serait le premier à me dire:
Cela n'a pas d'allure, on a gaspillé, on a dépensé
l'argent des contribuables pour épurer les eaux. Le député
de Saint-Hyacinthe, le long de la rivière Yamaska, en sait quelque
chose. S'il fallait que, parmi toutes les municipalités le long de la
rivière Yamaska, il y en ait cinq qui dépolluent, qui
épurent leurs eaux usées, et qu'il y en ait une qui dise: Moi, je
continue à envoyer mes eaux usées dans la rivière, les
autres gaspilleraient de l'argent. Que le gouvernement ait, à
l'égard de cette municipalité, alors que l'ensemble des autres
ont décidé de faire un effort pour dépolluer, un pouvoir
contraignant, cela m'apparaît le gros bon sens, en l'occurrence. M. le
Président, on a parlé... (18 h 20)
M. Lavoie: M. le Président, le ministre m'a posé
une question.
Le Président: M. le député de Laval.
M. Lavoie: Je suis prêt à répondre,
très brièvement. Les mécanismes existent pour les
municipalités pour réaliser des travaux conjoints, ils existent
dans une loi que vous avez présentée il n'y a pas tellement
longtemps. C'est un système supra-municipal entre les villes et ce n'est
pas à des officines, à des régies, à des
sociétés d'Etat on en a assez, vous en avez
créé 30 depuis quatre ans, des nouvelles régies, des
sociétés d'Etat; il y en a déjà trop... Les
municipalités elles-même sont capables de faire leurs propres
travaux. Elles n'ont pas besoin de sociétés qui viennent de
Québec pour faire les travaux.
M. Tardif: M. le Président.
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Tardif: J'espère que le civisme est à ce point
avancé dans toutes les municipalités au Québec qu'on n'ait
pas à utiliser ce pouvoir de contrainte. Mais l'ancien gouvernement, par
les Services de protection de l'environnement, avait, de toute façon,
jugé utile parfois d'émettre des ordonnances à l'endroit
de municipalités qui ne se conformaient pas à ces règles
minimales.
M. le Président, le député de Laval a dit, surtout
en parlant de la réforme fiscale, parce qu'il a beaucoup parlé de
cela au début, pendant presque tout son exposé: Tous les
ministres des Affaires municipales que j'ai connus j'en ai connu
beaucoup avaient comme objectif d'apporter de telles réformes. Je
lui dis: C'est vrai; je ne mets pas sa parole en doute. Mais je dis qu'un seul
a livré la marchandise et c'est celui qui vous parle.
Des Voix: Bravo!
M. Tardif: M. le Président.
M. Lavoie: On appelle cela de l'auto-encensement.
M. Tardif: Non, un sain réalisme, M. le
Président.
Le député de Laval nous dit maintenant: II y a des bonnes
choses dans cette loi et c'est pour cela qu'on va voter en faveur du principe
du projet de loi, sauf qu'il dit: Les salaires ne sont pas assez
augmentés. Je voudrais lui rappeler une chose. Ce que la loi
prévoit, ce sont des petits salaires "planchers" qui permettent à
un conseil de se voter une rémunération supplémentaire,
compte tenu du temps que chacun peut consacrer à l'exercice de sa
charge. Par exemple, il y a deux municipalités identiques de 75 000
âmes chacune; dans un cas le maire va décider d'oeuvrer à
temps plein, de se consacrer à temps plein à sa charge; dans une
autre municipalité de même population, le maire va continuer de
garder son bureau de notaire et il est satisfait des émoluments
"planchers " prévus dans la loi.
Si le conseil veut se voter une rémunération accrue en
raison, justement, de l'effort qu'il fait, il pourra le faire sans aller au
référendum, cette procédure qui donnait lieu à
toutes sortes de discours démagogiques.
Autre mesure, M. le Président. Le député de Laval a
fait des suggestions intéressantes, il dit: II ne faudrait quand
même pas exiger des élus locaux plus que ce qu'on exige des
députés sur le plan des déclarations
d'intérêts. Je lui dirai ceci. D'abord, ce n'est pas pareil pour
les élus locaux et les députés. Les députés
n'administrent pas un rond; aucun des députés de cette Chambre
n'administre un sou comme tel. On légifère, on ne dépense
pas d'argent, alors que les élus locaux, eux, administrent des deniers
publics. La deuxième distinction, c'est que, quant à nous,
malgré cela, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous sommes
donné des règles relativement aux déclarations
d'intérêts. Tous les ministres, tous les députés,
tous les candidats, tous les présidents d'exécutif du Parti
québécois partout au Québec ont produit une
déclaration d'intérêts.
Je vous dis, M. le Président, que cette initiative est ouverte
à tous. Le député de Laval a fait un appel aux femmes, il
a encouragé le ministre des Affaires municipales à faire de
même. Je lui dirai que j'ai fait cela au dernier congrès de
l'Union des municipalités et au dernier congrès de l'Union des
conseils de comté l'automne dernier. Cela a produit les résultats
suivants; sur 20 pages de discours, j'en avais huit consacrées à
la condition féminine. On a dit: Le ministre charrie, il exagère.
Néanmoins, l'appel a été entendu. Après les
élections du mois de novembre, le nombre de femmes maires est
passé de douze à dix-huit, au Québec, et celui des
conseillères, de 250 à 313. Ce n'est pas une progression
phénoménale, mais c'est quand même un progrès.
Le député de Laval nous dit: II faudrait aussi songer
à introduire dans la loi quelque chose pour permettre du moins dans les
plus grandes municipalités un appel à un "ombudsman" ou à
une "ombudswoman", après ces remarques sur les femmes. M. le
Président, je lui dirai, entre autres choses, que lors de mon voyage
récent pour voir les projets d'habitations en Angleterre, je suis
allé visiter l'ombudsman municipal, puisque cette institution existe
là-bas. Je ne peux pas dire que je suis revenu particulièrement
émerveillé de cette institution. Nous avons ici, au
Québec, une foule d'organismes qui remplissent des fonctions d'appel qui
peuvent entendre les griefs des citoyens et nous devrions les adapter.
Cependant, je retiens sa suggestion quant à utiliser l'ombudsman
provincial actuel. Parce que je pense qu'il y a quelque chose effectivement
à gratter et à regarder à cet égard.
Le député de Laval a dit avant de passer aux
questions du député de Saint-Hyacinthe que la taxe de
vente rapportait beaucoup aux municipalités. Je lui dis ceci: II n'y en
a plus sur les vêtements, les chaussures, le textile, les meubles, les
plantes, les prothèses et sur un paquet d'autres affaires. Quand tu
reçois 2% de taxe de vente qui n'existe plus, 2% de zéro, c'est
zéro, de sorte que quand on a aboli la taxe de vente, un peu partout au
Québec, bien oui, mais les municipalités auraient perdu des
revenus et c'est cela que le député de Laval ne semble pas
comprendre...
J'arrive au député de Saint-Hyacinthe qui nous dit que
cette loi n'est pas une nouveauté, et, du même souffle, il nous
dit: Le ministre nous arrive en pleine fin de session avec son projet de loi,
côte à côte. Je dis au député de
Saint-Hyacinthe... admettons que ce n'était pas dans le même
paragraphe, et que c'était une phrase après l'autre. M. le
Président, c'est vrai que tous les principes qui sont là
étaient vus, connus. Le député de Saint-Hyacinthe, si ma
mémoire est bonne, était présent à la
conférence Québec-municipalités au mois de juin 1978 et je
lui ai remis personnellement les jeux de plaquettes qui contenaient l'essentiel
du projet de loi.
S'il y a une personne qui est mal placée pour dire que c'est du
nouveau, c'est lui. En un sens, il l'a dit, ce n'est pas nouveau, mais d'un
autre côté, il ne faudrait pas qu'il s'étonne qu'on
l'étudie maintenant, parce qu'il y a eu un long processus de
consultation et il y a eu, comme je dis, une évolution. Le
député de Saint-Hyacinthe nous dit: Dans la loi 44 reprise par
105, on parle d'un découpage de la carte électorale avec des
écarts de plus ou moins 15% d'un district à l'autre, alors que
dans la Loi électorale du Québec, on parle d'écarts de
plus ou moins 25%. Pourquoi ce manque de consistance, demande-t-il? C'est cela?
M. le Président, il n'y a pas d'inconsistance de la part du
législateur, au contraire, il y a prise de contact avec une
réalité. C'est que dans une municipalité, comme pour faire
des écarts entre les quartiers, il suffit parfois de déplacer
d'une rue la démarcation entre un quartier et un autre, alors que pour
la carte électorale du Québec, on ne découpe pas sur la
base sauf dans de très grands centres comme Montréal
une rue. C'est une municipalité en entier qu'on passe dans un
district électoral ou dans un autre. Et parce qu'on déplace toute
une ville, tout un village, toute une paroisse, on a besoin de marge de
manoeuvre plus grande que celle des plus ou moins 15%. C'est la seule raison,
parce qu'on ne coupe pas une ville en deux. Toute une municipalité
appartient à un district électoral.
Evidemment, le député de Saint-Hyacinthe a posé une
autre question en disant: Nous qui voulons à Saint-Hyacinthe être
une ville modèle et nous conformer au projet de loi no 105 il ne
l'a pas dit comme cela, mais cela revenait à cela, d'après ce que
j'ai cru comprendre dans les plus brefs délais, est-ce qu'on
devra respecter les délais prévus à l'article 3? Je lui ai
dit non, pas dans son cas. Pour les années de transition que sont les
années 1980-1981, c'est aux articles 121 et 121.1 qu'il faut aller. Le
député se rendra compte à ce moment que des délais
raccourcis sont prévus afin de permettre le découpage de la carte
électorale et de se prévaloir des dispositions de la loi
dès les prochaines élections.
Le député et maire de Verdun dit: II y a un
problème de conflit entre le greffier et le président
d'élection. Je dis: II n'y en a pas. Si précisément on a
permis au greffier de se rapporter au président d'élection,
c'était dans les cas possibles de conflits au cas où cette
personne voulait des directives. A qui pouvait-elle s'adresser? Probablement au
président d'élection. C'est lui, le greffier, qui pourrait
décider, devant une situation conflictuelle, de demander des directives
au président de sa propre initiative. (18 h 30)
Le député de Verdun a aussi parlé de la loi no 125
et je pense qu'il a glissé à un moment donné sur la
question du vote des locataires, ou c'est le député de
Saint-Hyacinthe qui a parlé de cela. De toute façon, je voudrais
souligner que sur cette question on modifiera la loi no 125, et c'est
très important. Et pour ceux qui auraient été
tentés de remettre en question le rôle des locataires dans la
prise de décision au niveau municipal, je voudrais simplement qu'ils
demandent à leurs locataires dans leur municipalité respective
s'ils ont regardé la formule TP-6 qu'ils ont reçue de leur
propriétaire quant au montant des taxes qu'ils ont payées. Il y a
tout à coup des locataires qui se sont rendu compte qu'ils avaient
payé l'année dernière $300, $400 et $500 en taxes
municipales, alors qu'ils s'imaginaient qu'ils n'en payaient pas. Comme par
hasard, d'autres personnes s'imaginaient qu'elles n'en payaient pas et donc
qu'elles n'avaient pas le droit de vote.
M. le Président, cette formule TP-6 a une valeur
pédagogique considérable pour ce qui est de faire prendre
conscience au citoyen, au locataire, qu'il est membre à part
entière de cette communauté municipale et qu'il doit donc
s'intéresser aux choses... Le député-maire de Verdun nous
parle du cas de Saint-Léonard. Là, par un drôle de
raisonnement, dont lui seul, j'imagine, connaît la clé, il nous
dit: A cause du découpage en quartiers, le maire est en minorité.
Est-ce que j'ai compris votre raisonnement?
M. Caron: Non.
Le Président: M. le député de Verdun.
M. Caron: Je m'excuse, ce n'est pas de cette façon que je
l'ai dit. Je n'ai pas mentionné de ville, vous mentionnez
Saint-Léonard; il y a d'autres municipalités.
M. Tardif: Le député-maire de Verdun a parlé
d'une municipalité de l'île de Montréal où le maire
est en minorité et c'est la seule.
M. Caron: J'aurais dû ajouter les banlieues aussi. Vous
savez qu'à certains endroits le maire aussi a des problèmes. Ce
n'est pas tout à fait la façon dont j'ai voulu le dire au
ministre.
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Tardif: Ce qu'il est important de souligner, c'est que selon
la situation décrite, quand je dis "une municipalité de
l'île de Montréal où le maire est en minorité", il
n'y en a qu'une et c'est Saint-Léonard. L'autre, un peu plus loin, s'il
veut être précis, c'est Longueuil. La situation est la suivante.
Ce n'est pas dû à la loi 44, c'est dû au régime
présidentiel d'un maire élu au suffrage universel et d'un conseil
élu de la façon qu'on sait. Aux Etats-Unis, cela s'est
déjà vu, un président démocrate et un
congrès républicain ou l'inverse; c'est le propre du
régime présidentiel et cela n'a rien à faire avec la loi
44 et le découpage en quartiers.
Dernier point relié au député-maire de Verdun, qui
nous parle de la liste électorale permanente et d'un moyen d'identifier
les électeurs, je ne sais pas si c'est par hasard que le
député de Laval semblait perdu dans une rêverie, il ne
regardait même pas du côté du député de Verdun
à cette occasion...
M. Lavoie: Question de privilège, M. le
Président.
Des Voix: Oh!
M. Lavoie: Le ministre m'accuse d'être rêveur, M. le
Président, et vous connaissez trop mon côté réaliste
pour cela!
Le Président: Ce n'est pas antiparlementaire.
M. Lavoie: Non, mais je vois venir le ministre. Si nous sommes en
faveur d'une liste permanente, comme le député de Verdun l'a
mentionné il est vrai que nous sommes en faveur d'une liste
permanente des électeurs qui pourrait servir à tous les niveaux
nous avons quand même apporté une opposition farouche
à la loi 3 qui ne parlait pas d'une liste des électeurs, mais
d'un fichier cumulatif de tous les citoyens du Québec. Nous sommes
contre le fichage des citoyens. Nous avons d'ailleurs invité le ministre
responsable à la Réforme électorale à apporter une
formule de liste électorale permanente sans établir un fichier
sur tous les citoyens du Québec, qui serait à la disposition des
organismes gouvernementaux.
M. Tardif: M. le Président, je suis bien heureux de ces
précisions du député de Laval qui nous a dit,
premièrement, être d'accord avec une liste électorale
permanente et, deuxièmement, je pense, d'accord avec des moyens
d'identité qui ne seraient pas nouveaux ou ajoutés à ceux
existants. C'est ce que le député de Laval nous dit? Enfin,
d'identifier les électeurs c'est cela autrement, et qui ne
soient pas des moyens nouveaux autres que ceux dont disposent les gens
présentement. Je le comprends et moi non plus je ne suis pas
intéressé à un système de fiches. Il reste
néanmoins que cette question de la liste électorale, si elle
était réglée, aiderait beaucoup le gouvernement du
Québec, lors de ses propres élections ou
consultations, les municipalités et le monde scolaire.
En terminant, le député-maire de Verdun va plus loin que
le projet de loi en nous disant: Vous devriez exiger une déclaration
d'intérêts non seulement des élus, mais également
des candidats aux élections. Je lui dis que rien n'interdit à une
municipalité d'exiger des candidats... Qu'elle fasse un règlement
local, qu'elle fasse une déclaration, qu'elle se donne des normes
d'éthique, ce n'est pas interdit. La preuve, c'est que nous nous en
sommes donné, nous, comme parti. Alors, les parties pourraient s'en
donner.
Alors, M. le Président, voilà pour l'essentiel. Je
constate avec beaucoup de plaisir, quoique l'Opposition soit très
réduite, qu'elle est néanmoins là et d'accord pour
approuver le principe de ce projet de loi qui, j'en suis convaincu, contribuera
à l'avancement de la chose municipale au Québec.
Le Président: Merci, M. le ministre des Affaires
municipales.
J'appelle maintenant la mise aux voix de la deuxième lecture du
projet de loi no 105, Loi modifiant certaines dispositions législatives
concernant la démocratie et la rémunération des
élus dans les municipalités.
Je demande si cette motion de deuxième lecture sera
adoptée.
Des Voix: Adopté.
Le Président: Adopté. La troisième
lecture...
M. Caron: A moins que le leader ne veuille avoir un vote
enregistré. C'est à votre goût. C'est pour vous rendre
service...
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Bertrand: Non, on n'y tient pas. Alors, M. le
Président, je ferais maintenant motion pour que nous
déférions ce projet de loi no 105 à la commission
parlementaire permanente des affaires municipales.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Bertrand: M. le Président, avant de demander
l'ajournement du débat, je voudrais dire au député de
Laval qu'à la suite de la demande qu'il nous a faite, nous voulons
confirmer une modification aux avis qui ont été donnés
à la Chambre, à savoir que demain après-midi, à
cinq heures la commission de la présidence du conseil et de la
constitution ne se réunira pas pour étudier les crédits du
ministre d'Etat à la Réforme électorale, mais bien lundi
prochain, de six heures à six heures et demie environ ou sept heures;
enfin, six heures, lundi, c'est confirmé. Alors, il y a une modification
aux avis donnés à la Chambre. Pour le reste, M. le
Président, je fais motion pour ajourner les travaux.
M. Caron: M. le Président...
Le Président: M. le député de Verdun.
M. Caron:... avant que la motion soit adoptée, si j'ai
bien compris, nous allons aller en commission parlementaire seulement
mardi.
M. Tardif: Mardi.
M. Caron: Mardi. Bon, merci.
Le Président: M. le député de Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, je fais motion pour que nous
ajournions nos travaux jusqu'à lundi prochain, quinze heures.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Lavoie: Vote. Adopté.
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à lundi, quinze heures.
Fin de la séance à 18 h 38