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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, June 10, 1980 - Vol. 21 N° 110

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. le ministre des Affaires culturelles.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport concernant la disparition de certains biens culturels

M. Vaugeois: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport concernant la disparition de certains biens culturels. On se souviendra qu'un commissaire-enquêteur avait été désigné en décembre 1978, M. Georges-Emile Lapalme, avec deux adjoints, Me Côté et le professeur Jacques Mathieu. Vous me permettrez, M. le Président, de les féliciter pour leur travail absolument remarquable.

Le Président: Document déposé. M. le premier ministre.

Projet de déclaration de principe

constitutionnelle, notes d'intervention du

premier ministre et liste des sujets de

la prochaine conférence constitutionnelle

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais déposer en deux exemplaires chacun, premièrement, la version anglaise et la traduction française — parce qu'il y a certaines nuances qui ne sont pas tout à fait correspondantes dans les deux textes — du projet de déclaration de principe constitutionnelle présentée hier par le premier ministre fédéral. Voici la version française. Deuxièmement, deux exemplaires des notes d'intervention que nous avions préparées en réplique et que j'avais fait connaître à mes collègues du reste du Canada pendant la séance. Troisièmement, la nouvelle liste de sujets qui est en fait l'ancienne liste de 1979 plus ou moins amendée...

Une Voix: Renouvelée.

M. Lévesque (Taillon): ... — oui, plus ou moins renouvelée — sur laquelle tout le monde a accepté de travailler jusqu'à la conférence publique qui aura lieu entre le 8 et le 12 septembre, deux exemplaires aussi, et finalement deux exemplaires du calendrier de travail qui est proposé entre-temps pour les ministres qui se réunissent régulièrement là-dessus.

Le Président: Merci. Documents déposés. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Rapport annuel de la Société de développement industriel du Québec

M. Duhaime: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel, au 31 mars, de la Société de développement industriel du Québec.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Projets de loi au nom du gouvernement

Dépôt du projet de loi no 105 réimprimé

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, en vertu de l'article 124 de notre règlement, je voudrais déposer, au nom du ministre des Affaires municipales, le projet de loi no 105 réimprimé, tel que je l'avais annoncé à mes collègues de l'Opposition la semaine dernière.

M. Caron: M. le Président.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Caron: Je pense que c'est au moment présent que je peux demander au leader du gouvernement, vu que le projet de loi no 105 est réimprimé, si le ministre des Affaires municipales a l'intention de convoquer une commission parlementaire pour le monde des municipalités.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Non, M. le Président. Si le projet de loi est réimprimé, c'est pour des raisons techniques et non politiques. Un grand nombre d'amendements techniques, à la suite des représentations de l'Union des municipalités du Québec et de l'Union des conseils de comté, ont été apportés. Cela nous aurait amenés, lors de l'étude du projet de loi qui doit être appelé demain, à un grand nombre d'amendements, de papillons — comme on dit dans notre langage parlementaire — qui auraient rendu à peu près incompréhensible le texte. On a préféré le réimprimer et le présenter comme tel. Mais le député sera à même de vérifier — j'en avais fait l'annonce la semaine dernière — qu'aucun amendement majeur n'est apporté au projet de loi no 105 que le député a entre les mains depuis le mois d'avril.

Le Président: Alors, la réimpression du projet de loi no 105 est déposée.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le processus de réforme constitutionnelle

M. Ryan: M. le Président, la question que je vais poser au premier ministre comporte plusieurs volets et gravite naturellement autour de la réunion qui a eu lieu hier à Ottawa et du processus de réforme constitutionnelle qui a été amorcée pour la nième fois...

Une Voix: On ne comprend pas. (15 h 20)

M. Ryan: Cela s'en vient.... à la rencontre des chefs de gouvernements tenue à Ottawa, hier.

Beaucoup d'éléments étonnent dans l'approche que l'on a définie à l'issue de la réunion, hier. D'abord, le programme qu'on s'est tracé. L'ordre du jour des sujets qui seront abordés, au cours des prochaines semaines, a quelque chose d'étonnant parce que, en même temps qu'il découle des travaux antérieurs, il est assez limité dans sa portée. Il y a des sujets très importants qui ne sont pas inclus. Je voudrais demander au premier ministre, à ce sujet, comment on en est arrivé à tracer cet ordre du jour des prochaines semaines. Est-ce que cela a été une proposition du gouvernement fédéral déposé sur la table au début des discussions? Est-ce que le Québec a fait des propositions en ce qui touche l'ordre du jour? Est-ce que cet ordre du jour est vraiment satisfaisant pour nous? Cela, c'est le premier volet.

Une question supplémentaire s'ajoute à ceci; j'aime autant vous la poser tout de suite, M. le premier ministre. Est-ce que, pour chacun de ces sujets, le gouvernement fédéral qui apparaît être l'auteur de l'ordre du jour accepté de tous a déposé des documents de travail ou si c'est simplement une nomenclature qu'on a actuellement? Le seul document que nous ayons eu de la conférence, c'est le projet de déclaration préliminaire déposé par le premier ministre Trudeau. Est-ce qu'il y a eu autre chose de déposé ou d'annoncé par le chef du gouvernement fédéral?

Deuxièmement, l'échéancier est quelque peu étonnant, également, dans sa brièveté. Est-ce qu'on pense sérieusement que sur des sujets comme ceux-là, qui ont donné lieu à d'immenses difficultés dans le passé, on va faire un test valable en l'espace de deux ou trois mois? On a l'impression, de part et d'autre, qu'on veut peut-être aller vers une espèce de désastre anticipé. Je voudrais savoir si c'est vraiment le sentiment de cette conférence, si on a des chances d'arriver à un accord sur tous ces points?

Troisième volet, de quelle manière le chef du gouvernement entend-il associer cette Chambre à l'élaboration des positions que le Québec défendra en notre nom à tous? Le quatrième volet, en cas d'échec à la conférence qui aura lieu les 8 et 9 septembre, ou autour de ces dates, qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'on peut honnêtement et sérieusement conclure que le test a été fait et que, maintenant, on revient à la période d'avant le 20 mai 1980? Est-ce que c'est cela, l'esprit du gouvernement? Est-ce que c'est l'esprit dans lequel le gouvernement aborde cette entreprise très importante? Si on ne réussit pas à s'entendre à la faveur d'un travail d'été qui aura duré deux ou trois mois, on dit: Bonsoir la visite, on a fait le test, maintenant on se précipite dans je ne sais pas quoi que j'aimerais bien connaître.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): En effet, c'était la nième fois, comme le dit le chef de l'Opposition, qu'on se réunissait; même pour le gouvernement actuel, cela commence à être la nième fois. Si le chef de l'Opposition trouve que l'approche, en particulier en ce qui concerne la liste des sujets qui sont proposés pour étude pendant deux mois et quelques semaines, lui paraît surprenante, il faudrait probablement qu'il parle à son interlocuteur fédéral parce que la première partie de ma réponse qui, je pense, est le premier volet de sa question, c'est que cette liste à été apportée, pour l'essentiel. Il y a des corrections qui ont été suggérées, elles ne sont pas toutes indiquées, ce ne sont pas des corrections majeures, d'ailleurs, dans la liste que j'ai déposée parce que, apparement, pour autant qu'on a pu le savoir, M. Trudeau est parti avec sa liste et on ne l'avait pas retrouvée, ce matin. Les annotations, les changements, qui sont mineurs d'ailleurs, ne se trouvent pas dans le texte. Je pourrai les indiquer au besoin. Cela a donc été apporté par le gouvernement fédéral pour l'essentiel, sur la lancée des sujets de 1979, mais élagués, c'est-à-dire en laissant simplement ce qui paraissait être les morceaux les plus substantiels. Et cela a été apporté à quel moment, cela a été mis devant la conférence à quel moment, demande le chef de l'Opposition? A la toute fin, après même l'échéancier, c'est-à-dire au moment où, très évidemment, il restait peut-être 20 minutes, une demi-heure, parce que beaucoup de discussions étaient intervenues avant sur d'autres sujets.

C'est pour la première partie de la question du chef de l'Opposition. Dans son deuxième volet, il demandait si, ah oui! le Québec avait proposé quelque chose. Nous n'avons simplement fait que regarder la liste, l'examiner, constater qu'il y avait une possible déclaration de principe qui, quant à nous, parce que tout le monde a accepté, enfin, avec plus ou moins d'enthousiasme, de travailler là-dessus, pourrait impliquer le droit, entre autres, à l'autodétermination pour le Québec sur lequel, je pense, il y a unanimité normalement dans cette Chambre comme dans la population.

Cela peut impliquer aussi, forcément, les droits linguistiques sur lesquels, je suppose aussi, il devrait y avoir unanimité dans cette Chambre et, je crois, dans l'ensemble de la population du Québec. Cela implique les richesses naturelles où je crois que les positions du Québec sont bien con-

nues. Cela implique des pouvoirs économiques et comme, je pense, le ministre des Finances le soulignait la semaine dernière, les pouvoirs économiques, cela sous-tend à peu près partout toutes les grandes questions constitutionnelles, parce que le nerf de la guerre, cela va avec les pouvoirs quand on en discute.

Il est question de communications. Je crois que cela fait partie des dossiers parmi les plus importants à la fois au point de vue culturel et au point de vue des longueurs d'onde communes de la société québécoise. Il est question des droits miniers sous-marins et des pêcheries, sur lesquels je crois que je n'ai pas besoin de faire de longs rappels pour évoquer le fait qu'on a toujours, je pense, été d'accord sur le fond. Cela évoque le droit de la famille, ce qui est une première partie importante qui avait déjà été discutée de ce qu'on peut appeler l'ensemble des politiques sociales.

Cela évoque également la réforme éventuelle, Dieu sait, toujours éventuelle, du Sénat sous la forme d'une Chambre fédérale, d'un conseil fédéral ou de qui Dieu sait quoi, mais, enfin, la réforme éventuelle du Sénat et des discussions qui devront se poursuivre sur le rôle de la Cour suprême, c'est-à-dire, deux des institutions qui ont toujours été considérées comme les clés ou des clés dans toute perspective de renouvellement du régime fédéral. Il semble qu'il y en ait suffisamment — en tout cas, c'était notre opinion — pour que les deux mois qui viennent puissent être un test assez valable pour tout le monde sur cette perspective à partir de laquelle on nous a dit que le non référendaire était québécois, c'est-à-dire cette perspective d'un renouvellement du régime dans lequel ne seraient pas noyées les aspirations du Québec.

Pour ce qui est de l'échéancier et de sa brièveté — je suppose que le chef de l'Opposition veut dire que les délais sont très courts — étonnante, il nous mène en effet du 8 au 12 septembre. Il nous mène à ce début de septembre à travers des réunions que l'échéancier décrit comme devant être assez copieuses, mais surtout il nous mène sur un ensemble de sujets qui ont fait l'objet de discussions approfondies sur lesquelles tout le monde a des documents de travail — le chef de l'Opposition évoquait les documents de travail — le fédéral et toutes les provinces ont des documents de travail retravaillés, réapprofondis à quelques reprises déjà et dont les dernières versions publiques ont été employées, dans la plupart des cas, en 1979.

Alors, il ne s'agit pas de labourer du terrain nouveau. A moins qu'on ne veuille s'éterniser. Je dois dire que, là-dessus, je trouve un peu curieuse la partie de la question du chef de l'Opposition qui dit: Est-ce que ce serait quasiment comme si on avait conclu de part et d'autre qu'on s'en allait à un désastre au mois de septembre? En tout cas, le chef de l'Opposition pourra poser la question à son interlocuteur fédéral et son récent allié référendaire, M. Trudeau, mais une chose certaine, c'est que nous, ce n'est pas comme cela qu'on l'a abordée. On l'a abordée avec le sain scepticisme, qui est d'ailleurs une expression qui a été employée au moins deux fois par mes collègues des autres provinces hier, qui accompagne toujours cette démarche de renouvellement, de rafistolage du régime; on s'y essaie de bonne foi. S'il y en a d'autres qui veulent s'en aller à un certain désastre, peut-être que le chef de l'Opposition serait mieux informé que moi. Il a de meilleurs contacts de ce côté.

Le Président: M. le leader parlementaire... M. Ryan: Excusez.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle. (15 h 30)

M. Ryan: D'abord, je constate que, sur la liste des sujets, il y en a plusieurs auxquels le Québec a toujours accordé une importance majeure et qui ne sont pas inscrits sur la liste, comme la politique culturelle, l'immigration, la politique sociale. Il y a eu de grands développements là-dessus ces temps derniers, mais là, apparemment, aucune intervention n'a été faite par le chef du gouvernement du Québec, à la rencontre, pour que des sujets comme ceux-là, qui sont d'importance majeure, soient inscrits au programme des travaux. J'aimerais que le premier ministre nous dise quand il pense les aborder: la taxation, par exemple, les relations internationales, tous des sujets qui ont fait l'objet de litiges importants ces dernières années.

Je vais continuer, si vous me le permettez, et vous prendrez tout en même temps. Deuxièmement, vous dites que sur les sujets inscrits à l'ordre du jour il existe des documents de travail qui ont fait l'objet de discussions à la dernière conférence, je pense, de février 1979. J'ai demandé au chef du gouvernement l'autre jour — il ne m'a pas répondu là-dessus et je le lui demande encore aujourd'hui — si le gouvernement, dans la politique de transparence à laquelle il veut apparemment revenir après l'avoir oubliée pendant des mois avant le référendum, avec d'autres documents non moins importants, est prêt à prendre l'engagement aujourd'hui de donner l'égalité d'information aux partis de l'Opposition pour qu'ils sachent ce qui se passe. Est-il prêt à communiquer aux partis d'Opposition les documents et les dossiers qu'il a en main sur chacun de ces sujets?

J'ai également demandé au premier ministre ce qu'il entendait faire pour associer les partis d'Opposition à la mise au point des positions que défendra le gouvernement aux rencontres qui auront lieu tout au cours de l'été; je n'ai pas eu de réponse là-dessus. Je serais très intéressé à connaître les réponses du premier ministre à ce sujet.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. Sur les autres sujets, je m'en excuse auprès de la Chambre parce que je n'ai pas eu l'occasion de le faire, mais je pourrais faire parvenir au chef de

l'Opposition et aux Oppositions un autre document que j'avais passé à mes homologues des autres provinces, ainsi qu'à M. Trudeau lui-même et qui constitue tout simplement un sommaire, mais quand même très complet, du discours que j'ai eu l'honneur de prononcer à la suite d'une motion du chef de l'Opposition, la semaine dernière, et où on ouvrait une perspective beaucoup plus complète sur les sujets qu'il vient de mentionner. Je leur ai souligné, en leur distribuant ce document, que c'était quand même une des bases additionnelles, forcément, des positions du Québec qui étaient bien connues, d'ailleurs.

Je n'ai pas tenu — et là, je rejoins le terme brièveté qu'a employé le chef de l'Opposition — à l'ajouter spécifiquement ou je n'ai pas demandé qu'on l'ajoute spécifiquement à la liste pour la bonne et simple raison que la brièveté de deux mois et quelques jours est évidente. Même si ces sujets ont été travaillés d'arrache-pied, approfondis jusqu'en février 1979, en particulier, il y en a quand même assez, il y a à boire et à manger pour faire un test qui nous dira si ça vaut vraiment la peine — c'est ce que M. Trudeau lui-même a dit — d'aller plus loin. Bon, mais les autres sujets ont été évoqués.

Pour ce qui est des documents de travail, c'est évident qu'on va essayer de répondre à toutes les demandes, même spontanément, on va essayer d'envoyer sur tous ces sujets tout ce qu'il y a de disponible, de façon que chacun puisse se faire son opinion et approfondir sa réflexion pendant les semaines qui viennent.

D'autre part, il est bien entendu, conformément à l'engagement qu'on a pris, que périodiquement, comme on a essayé de le faire sur la journée d'hier — cela ne peut pas être tous les jours mais, enfin — après chaque ronde essentielle, disons, de rencontres, l'Opposition sera tenue au courant et aura un rapport le plus détaillé possible.

Troisièmement, pour ce qui est d'associer l'Assemblée nationale à la préparation de ce qui peut venir au mois de septembre, je suis parfaitement d'accord. J'en ai parlé déjà au leader parlementaire. Il s'agira de trouver, pendant l'intersession, peut-être par discussions entre les partis, quelle serait la façon de voir comment on pourrait arriver à des positions communes de l'Assemblée nationale, autant que possible avant la première des rencontres clés qui serait celle des premiers ministres provinciaux, vers le 21 ou le 22 août, donc, peut-être, le plus tôt possible au mois d'août, après la période normale de vacances. Mais, enfin, on essaiera de s'entendre entre les partis là-dessus.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Je voudrais comprendre bien clairement ce que dit le premier ministre au sujet de ce qui peut suivre la prochaine conférence du mois de septembre. Le premier ministre nous dit, si j'ai bien compris, que cette période de deux mois et demi va nous fournir un test valable sur la possi- bilité de réformer le fédéralisme canadien. Dois-je comprendre que, dans l'hypothèse où on arriverait à l'impossibilité de s'entendre autour du 8 septembre, la preuve aura été faite de manière définitive, dans l'esprit du premier ministre — je pose la question de manière un peu artificielle parce qu'on a l'impression, en l'écoutant, qu'elle est déjà faite avant de commencer — dois-je comprendre qu'on va partir et dire à tout le public au Québec: C'est fini, on a essayé, la preuve est faite, c'est impossible, passons à autre chose. Et à quoi passerons-nous?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le chef de l'Opposition, qui a eu l'occasion de rencontrer dans l'intimité le premier ministre fédéral l'avant-veille, je crois, de la rencontre d'Ottawa, aurait peut-être pu lui faire part de ses appréhensions. Ce que je sais, c'est ceci: Nous, on est allé là de bonne foi. Et je pense que mes collègues des autres provinces, très courtoisement et très honnêtement, l'ont reconnu dans leurs commentaires. On a fait tout notre possible hier pour voir comment il y avait moyen de s'approcher à travers cette liste qui comprend des sujets d'une importance fondamentale et sur lesquels les discussions ont déjà duré des années. Alors, le maximum qu'on pouvait faire pour qu'on puisse mettre sur la table, pendant ces deux mois, ce qui nous paraît essentiel pour le Québec, comme nos collègues des autres provinces vont mettre ce qui leur paraît essentiel.

Il y avait un sursis au fédéralisme que représentait le vote référendaire, tout le monde l'admet, M. Trudeau a été le premier à l'admettre. A partir de là, on s'est donné un délai à l'intérieur d'un sursis, comme je l'ai dit hier, et un délai de deux mois pour faire un test. Si le test ne réussit pas, je répète ce que j'ai dit, ce n'est pas pour l'instant le Québec qui a conclu. Je n'ai pas voulu conclure. J'ai dit: Ce sera un test et on jugera à ce moment-là, sauf qu'on m'a dit — et cela correspondrait à ce qu'il a dit quand on était là ensemble — que, dans sa propre conférence de presse hier, le premier ministre fédéral n'a pas caché que cela pourrait le mener à des actions unilatérales dont on imagine assez le caractère. A ce moment-là, comme dirait l'autre, le diable est aux vaches.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: J'ai une question additionnelle, M. le Président. Le premier ministre vient d'évoquer, je crois, la possibilité de la tenue d'une commission parlementaire au cours de l'été. Je remarque que la période du 26 juillet au 24 août pourrait s'y prêter. Si jamais le premier ministre voulait obtenir ce bloc québécois, un accord de tous les partis politiques en cette Chambre sur le plus grand nombre de points possible — c'est ce que nous aimerions évidemment faire au sein du gouvernement — le premier ministre, avant de convoquer cette commission parlementaire, a-t-il

l'intention de déposer des énoncés de principe sur les points qui ont été fournis là-bas, hier, à Ottawa et sur des points aussi que le Québec voudrait ajouter — peut-être que le Québec ne s'entend pas sur certaines grandes déclarations — afin que nous ayons le temps nous aussi de les étudier et qu'on puisse faire ce travail en commun?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Le chef de l'Union Nationale aura sans doute remarqué, je ne sais pas s'il a eu le temps d'avoir ses copies, mais il remarquera, dans la liste des sujets qui sont proposés pour discussion d'ici au mois de septembre et pour solution éventuelle au mois de septembre, qu'il y a cette fameuse déclaration de principe dont le texte proposé par le fédéral est déposé — je pense que le chef de l'Opposition s'est arrangé pour l'avoir avant — depuis tout à l'heure qui, ensuite, a été, on peut le dire, unanimement ou presque unanimement envoyé, disons, sur les tablettes par les premiers ministres d'à peu près toutes les provinces, mais sur lequel le premier ministre fédéral a insisté de nouveau pour que, quand même, un travail se fasse. Autrement dit, il y aurait une nouvelle forme de déclaration de principe qui serait discutée, pour autant que ce soit indiqué, au mois de septembre.

Que ce soit là-dessus — parce que nous aurons notre travail à faire ici du côté québécois — ou que ce soit sur l'ensemble des autres sujets, je répète ce que j'ai dit: Sûrement qu'avant, si tout le monde peut s'entendre, la réunion de Winnipeg des premiers ministres provinciaux, au mois d'août, il devrait y avoir moyen de fournir d'abord tous les documents, toute l'information et ensuite d'établir entre les leaders des partis le moment d'une propre commission parlementaire où tout cela serait sur la table et où on essaierait, j'espère, de faire l'unanimité sur le plus grand nombre de sujets possible.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Une dernière question. Cette commission parlementaire est naturellement ouverte aux membres de l'Assemblée nationale. Selon une suggestion que j'entendais hier de la part de M. Léon Dion, le public pourrait-il aussi être invité à faire des représentations?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Là-dessus, M. le Président, je veux dire que les modalités du fonctionnement de cette commission, autant ses heures et que ses dates de séance, seront à discuter entre les leaders des différents partis et je retiens la suggestion du chef de l'Union Nationale. (15 h 40)

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Suivant les rapports que nous avons eus, soit de la conférence de presse ou d'autres déclarations faites par le premier ministre, il semble que le premier ministre du Québec n'accepterait pas que soit enchâssée dans une future constitution une charte des droits, tel que mentionné au cours de la fin de semaine. Cependant, j'ai suivi une partie de sa conférence de presse hier soir et le chef du gouvernement du Québec a insisté pour qu'apparaisse dans la réforme constitutionnelle et que soit enchâssé dans une nouvelle constitution le droit à l'autodétermination du Québec. Il n'a pas dit des provinces; il a dit du Québec.

Je me demande — c'est là ma question — comment on peut interpréter ces prises de position alors que, d'un côté, on ne veut pas enchâsser des droits individuels fondamentaux très importants et que, d'autre part, on insiste pour parler d'autodétermination, tout cela sous le couvert d'une déclaration faite la semaine dernière, à savoir qu'on s'en va négocier de bonne foi. Comment peut-on faire croire à la population du Québec qu'on peut négocier de bonne foi dans des circonstances comme celle-là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je n'ai pu suivre la participation éminente du député de Rouyn-Noranda à la campagne référendaire sur les mêmes tribunes que le chef de l'Opposition et leurs collègues de l'Union Nationale, mais je présume qu'il a dû entendre à quelques reprises, pendant cette campagne — sinon de sa propre bouche, en tout cas, sûrement de ceux qui étaient avec lui sur les tribunes — que le non québécois que l'on demandait aux Québécois de prononcer devait signifier un renouvellement du fédéralisme qui tiendrait compte en particulier des aspirations et des droits du peuple québécois pour autant qu'ils peuvent être enchâssés, si l'on veut, dans une nouvelle constitution fédérale. Je pense que là-dessus il y a une unanimité, je l'ai dit tout à l'heure. Je peux me tromper; si quelqu'un n'est pas d'accord, il peut se lever et le dire, mais il me semble qu'il y a une unanimité sur le droit politique de la collectivité québécoise à son autodétermination. Ce droit a d'ailleurs été exercé pour une première fois par le référendum lui-même. Ce n'est pas un droit qui peut être aliéné comme cela. Je pense que là-dessus tout le monde est d'accord.

Pour ce qui est de l'autre question qui est celle des droits fondamentaux, je référerai simplement — parce que cela permettrait peut-être de raccourcir la discussion — le député de Rouyn-Noranda à ce que je disais la semaine dernière et qu'on a élaboré plus en détail aux pages 5, 6 et 7 de l'intervention que j'ai faite avec le premier ministre fédéral et mes collègues des autres provinces et où on était quelques-uns à se retrouver sur la même longueur d'onde, en répétant qu'on

n'est pas figé dans le béton en ce qui concerne les droits fondamentaux des citoyens. Ils sont déjà proclamés — il ne faut pas l'oublier — au niveau fédéral par une loi du temps de M. Diefenbaker, qui est, je crois, la déclaration des droits. Ils ont également été proclamés d'une façon élargie et qui continue de s'amplifier — je dois le dire en passant — et appliqués avec plus de vigueur actuellement au Québec que n'importe où ailleurs et, chez nous, cela s'appelle la Charte des droits et libertés de la personne. Cela existe. Maintenant, est-ce qu'on doit figer cela dans une constitution pendant que c'est un droit ou des droits qui évoluent? Beaucoup de juristes ne sont pas d'accord. C'est simplement cela qu'on a évoqué. L'un de ceux qui ne sont pas d'accord est justement celui que nous citons dans notre intervention, l'ex-juge de la Cour suprême, une des sommités juridiques du Canada — ce sera la Cour suprême qui sera appelée à interpréter ces droits — une sommité judiciaire, le juge Pigeon, qui lui-même cite son collègue actuellement juge en chef, le juge Laskin, les deux disant que cela ne leur paraît pas indiqué. Ils donnent les raisons pour lesquelles cela ne leur paraît pas indiqué; ce n'est pas une question de principe, mais ils donnent les raisons pour lesquelles, dans une société démocratique, cela leur paraît plutôt contre-indiqué.

Maintenant, le député de Rouyn-Noranda pourra lire les interventions. Elles sont là, déposées.

Le Président: M. le député de Jean-Talon, question principale.

M. Samson: Comment, M. le Président... Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Samson: Je ne peux pas poser une question supplémentaire, M. le Président?

Le Président: II y a déjà 20 minutes d'écoulées.

M. Rivest: Comment se fait-il qu'il m'ait reconnu, je n'étais même pas debout.

Le Président: Je comprends, mais il y a plusieurs autres députés aujourd'hui. M. le député de Jean-Talon.

M. Samson: On a peur que la vérité sorte aujourd'hui.

Le Président: M. le député de Jean-Talon. Règlements concernant les optométristes

M. Rivest: M. le Président, pour enchaîner, pour essayer de voir clair dans les intentions nébuleuses sur le plan constitutionnel du gouvernement, vous savez qu'il existe des optométristes...

Une Voix: Oh!

M. Rivest: ... et je voudrais adresser ma question au ministre de l'Education responsable des corporations professionnelles.

L'Office des professions a publié deux règlements concernant les optométristes et, au dire des optométristes, cela remet en cause l'avenir professionnel de la Corporation des optométristes et de ses membres. Déjà, le ministre sait que l'Opposition officielle a soulevé la question lors de l'étude des crédits des corporations professionnelles. Je voudrais aujourd'hui demander au ministre quelles sont les raisons qui ont amené l'Office des professions à adopter ces règlements, délaissant en cela toute espèce de consultation avec la Corporation des optométristes du Québec.

En second lieu, je vais lui demander s'il ne serait pas préférable dans les circonstances, avant d'aller plus loin que, soit au niveau de l'Office des professions, soit au niveau du ministre ou encore à celui d'une commission parlementaire, cette difficile et délicate question de la détermination du champ professionnel des optométristes soit étudiée à l'un ou l'autre de ces divers forums de façon qu'on puisse arriver à la solution définitive à ce problème qui dure quand même depuis cinq ou six ans et qui crée chez les professionnels en cause, non seulement les optométristes, mais les autres professionnels concernés, beaucoup d'incertitude alors que, sur le plan du public, les travaux mêmes de l'Office des professions ont démontré que le public semblait assez satisfait de la division des choses qui avait été établie en 1973 par le Code des professions.

Le Président: M. le ministre responsable des corporations professionnelles.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, plusieurs collègues de ce côté-ci de la Chambre m'ont également entretenu de ce problème; le premier ministre lui-même, il y a quelques minutes, au début de la séance, m'a saisi également de diverses représentations qui nous ont été faites. Effectivement, chaque fois que deux professions sont en cause, surgissent toujours de délicats problèmes lorsque vient le moment de départager leurs compétences respectives. Nous venons de le voir avec la question de la délégation des actes médicaux et infirmiers, qui a donné lieu à un heureux dénouement, accepté par toutes les professions en cause. Nous espérons obtenir également un dénouement heureux dans le cas des difficultés qui existent entre les comptables agréés, les CGA et les RIA.

Cette fois-ci, il s'agit des optométristes et des opticiens d'ordonnances, pour ne pas mentionner les ophtalmologistes. Il y a donc, en réalité, trois professions en cause.

Le premier problème est celui de la publicité sur les prix. En effet, les prix des montures, des verres ont beaucoup augmenté depuis quelque temps. Cela a fait l'objet d'un certain nombre de plaintes de sorte que, dans la foulée d'un certain nombre des travaux qui ont été entrepris par l'Office des professions depuis trois ans, le gou-

vernement se penche en ce moment sur la question de la publicité des prix.

Nous pensons en effet qu'il convient — c'est l'un des objectifs de l'Office des professions — de protéger le public et, en l'occurrence, le consommateur puisque, à côté de l'acte professionnel de l'optométriste, il y a la vente des verres, des montures, qui constitue un commerce fort lucratif et fait, naturellement, l'objet d'une certaine souque-à-la-corde entre les optométristes, d'une part, et les opticiens d'ordonnances de l'autre. Le gouvernement se penche en ce moment sur cette question. Je puis simplement assurer le député de Jean-Talon que s'il y a publicité, ce ne sera pas une publicité désordonnée. Nous pensons à une publicité réglementée, une publicité assujettie à certaines limites.

La seconde question qui est à l'ordre du jour est celle du code de déontologie. En effet, il s'agit de savoir si l'optométriste a l'obligation de remettre à son client l'ordonnance qui permet à celui-ci de choisir entre l'optométriste lui-même et un opticien d'ordonnances qui, éventuellement, fabriquerait des verres à meilleur compte. C'est là que les deux professions se heurtent assez fortement. Le Conseil des ministres n'a pas encore tranché cette question; elle est devant moi, en ce moment, à la suite d'un certain nombre de recommandations de l'Office des professions. Je puis assurer cette Chambre que je n'ai pas l'intention de faire de recommandations au Conseil des ministres avant d'avoir entendu toutes les parties intéressées. (15 h 50)

M. Shaw: Question additionnelle, M. le Président.

M. Morin (Sauvé): Je suis disposé en particulier à rencontrer les optométristes, comme je rencontrais ce matin les dentistes, qui constituent un souci constant pour le député de Pointe-Claire, dans l'affaire de la réglementation de la délégation des actes dentaires.

M. Shaw: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Première question additionnelle. Le ministre a parlé des plaintes qu'il avait reçues, je crois qu'il a dit: Nous avons reçu un certain nombre de plaintes. Je voudrais qu'il nous en indique le nombre. Deuxièmement, le ministre n'a pas répondu à la suggestion que je lui faisais d'une commission parlementaire. Troisièmement, le ministre parle de verres et de lunettes et cette question est au coeur du débat, à savoir si la protection du public — le ministre parle de prix — doit se faire pour ces objets dans le cadre de la Loi sur la protection du consommateur. Est-ce que ces objets doivent être identifiés aux autres objets de vente et de négoce dans le domaine du commerce ou ces objets se situent-ils dans le prolongement de l'acte professionnel posé par un optométriste et, alors, ces biens doivent être réglementés dans le cadre de la loi des professions? Il y a un choix fondamental à faire. Le nombre de plaintes, la commission parlementaire et le fond de la question.

Le Président: M. le ministre responsable des Corporations professionnelles.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je vais commencer par le fond de la question puisque c'est là le plus important. Il y a eu effectivement un débat pour savoir si nous devions confier toute cette affaire à l'Office de la protection des consommateurs. J'ai recommandé que la protection du consommateur, lorsqu'elle est reliée à l'exercice d'une profession, tombe plutôt sous la compétence de l'Office des professions et du ministre responsable de l'application du Code des professions. Si le député de Jean-Talon est plutôt d'avis que tout cela devrait être envoyé à l'Office de la protection des consommateurs, qu'il en mesure bien les conséquences. Cela voudrait dire qu'une partie de ce qu'il — M. le Président, je pense avoir la parole — juge être un acte professionnel serait jugée désormais comme un simple acte de vente ou d'achat.

M. Rivest: Question de privilège.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: C'est l'habitude courante du ministre de l'Education de transférer d'une façon probablement prémonitoire les responsabilités qui sont les siennes. C'est à vous, M. le ministre, d'en décider.

M. Morin (Sauvé): Non, je regrette...

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): ... M. le Président, c'est au gouvernement qu'il appartient d'en décider. En ce qui me concerne, je favorise plutôt une solution qui confierait ces actes, qui sont de négoce, à l'Office des professions et les placerait sous ma responsabilité plutôt que sous celle de l'Office de la protection des consommateurs. Que le député de Jean-Talon sache que c'est effectivement une possibilité et que si nous n'arrivons pas à trouver de solution du côté des professions, forcément, la question ira à la protection des consommateurs.

Maintenant, M. le Président, pour ce qui est du nombre de plaintes reçues, je ferai faire une recherche avant de donner une réponse au député de Jean-Talon. Je veux lui indiquer que nous avons reçu également des plaintes en ce qui concerne les assurances notamment pour les verres de contact, et il y a d'ailleurs toute une affaire soulevée par le fisc en ce moment parce qu'il semble que les optométristes incluent les frais liés à l'assurance dans les notes de service de sorte que, là encore, le consommateur n'y trouve pas

son compte. Il y a donc à démêler également les services de l'assurance. Nous avons eu là-dessus des plaintes, je pourrai les indiquer éventuellement. Je vous en indiquerai le nombre, mais je peux dire, M. le Président, que j'ai moi-même reçu des plaintes de la part de compagnies d'assurance au sujet de la question de l'assurance des verres de contact notamment.

Enfin, pour savoir s'il y aura lieu de faire une commission parlementaire, je vais d'abord entendre les parties intéressées et ensuite nous verrons, au Conseil des ministres, s'il convient, oui ou non, de tenir une commission parlementaire.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska, question principale de l'Union Nationale.

M. Fontaine: Question additionnelle, M. le Président, s'il vous plaît, très brièvement.

Le Président: Très bien, mais vous risquez d'être privé de votre question principale. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Le ministre parle de la protection du consommateur, mais, dans sa réponse, il ne parle pas de la question de l'exclusivité, c'est là le point central des discussions. Est-ce que le ministre peut garantir aux optométristes qu'il ne confiera pas l'exclusivité de la vente des lunettes aux opticiens d'ordonnances? C'est cela qui est le point central de la question.

Le Président: M. le ministre responsable des Corporations professionnelles.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne pense pas qu'il ait jamais été question de réserver aux opticiens d'ordonnances l'exclusivité en ce qui concerne la vente des montures et des verres. La question est de savoir si l'optométriste doit remettre l'ordonnanceàson client ou la garder exclusivement dans ses dossiers, ce qui fait évidemment du client le prisonnier de l'optométriste. C'est de cela qu'il s'agit.

Le Président: Mme la députée des Iles-de-la-Madeleine.

La non-participation du gouvernement fédéral à la mine de sel des Iles-de-la-Madeleine

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Energie et des Ressources. Comme vous le savez, M. le Président, le gouvernement du Canada, dimanche dernier, par la voix du ministre de l'Expansion économique régionale, a annoncé deux nouvelles aux Madelinots. La première nouvelle n'était guère une surprise...

Des Voix: Non, merci!

Mme LeBlanc-Bantey: Non, merci! C'est qu'après trois ans de grossesse très douloureuse le MEER avait finalement fait une fausse couche, autrerment dit, qu'il ne participerait pas au financement du sel des Iles-de-la-Madeleine. Non, merci, comme le disent mes collègues.

Deuxième nouvelle, il a annoncé qu'une somme de plusieurs milliers de dollars serait investie aux Iles pour créer 46 emplois, environ $200 000, pour commencer parce que les autres n'étaient pas dans le budget. Alors, il a annoncé...

Des Voix: Non, merci!

Le Président: S'il vous plaît!

Mme LeBlanc-Bantey: S'il vous plaît! Il a annoncé qu'une somme d'environ $200 000 serait investie pour créer des emplois aux Iles et, aussi vraisemblable que cela puisse paraître, ces emplois ont déjà en très grande majorité été créés par le gouvernement du Québec. Il a aussi fait allusion à une éventuelle subvention de quelques millions de dollars. On ne le sait pas, tout ce qu'on sait, c'est qu'il n'y a pas d'argent dans le budget pour cette année et qu'il faut se fier à sa parole.

Ma question est en deux volets. Premièrement, puisque le projet de la mine de sel avait déjà fait l'objet d'une entente en 1977 entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, est-ce que le ministre entend exiger une compensation, une vraie, une réelle, permettant au gouvernement du Québec d'entreprendre lui-même de nouveaux projets créateurs d'emplois aux Iles-de-la-Madeleine?

Voici le deuxième volet de ma question: Puisque le gouvernement du Canada appuie une politique de protectionnisme en faveur du sel de l'Ontario et de la Nouvelle-Ecosse, est-ce que le ministre serait disposé maintenant à autoriser Sélin à jouer pleinement son rôle dans le système d'entreprises concurrentielles en offrant le sel des Iles sur le marché non seulement de la Nouvelle Angleterre, mais aussi sur le marché du Canada? Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Effectivement, M. le Président, le gouvernement fédéral avait signé une entente avec le gouvernement du Québec et un montant d'environ $33 800 000 y avait été prévu pour un projet et explicitement un projet aux Iles-de-la-Madeleine. Il s'agissait de financer l'implantation de l'infrastructure portuaire à Leslie ou du moins dans l'environnement immédiat de la mine de sel.

De fait, une telle entente nous a amené à soumettre en septembre dernier une proposition pour financer ce projet en versant à la société une subvention de l'ordre de $17 000 000. En dépit du fait que cette subvention avait été approuvée dans le cadre de l'entente que j'ai ici sous les yeux, qui avait été signée par M. Marcel Lessard et M. Marc Lalonde. Explicitement, elle prévoyait le montant pour les travaux en question et que nous avons une quantité ample de correspondance qui dé-

montre très clairement que le gouvernement fédéral s'était bel et bien compromis quant à ce projet. ( 16 heures)

Effectivement, le gouvernement fédéral vient de décider qu'il ne subventionnerait pas ce dossier. Je dois dire d'une part que, en un sens, c'est un peu injuste pour les Madelinots, pour les Québécois, car, lorsque nous nous sommes rendu compte, au mois de novembre dernier, que le gouvernement fédéral retardait — il y avait évidemment rumeur d'élections — en dépit du très bon vouloir de M. MacKay, nous avions donc décidé d'y aller carrément de notre subvention, en disant: Nous attendrons que le gouvernement fédéral éventuellement s'exécute, mais nous ne pensions jamais que celui-ci renierait un texte écrit et qu'il avait signé. Il l'a fait! Ce n'est pas la première fois. Nous avons cru, à ce moment-là, qu'il était du devoir du gouvernement du Québec de défendre les intérêts des Madelinots, sans quoi, si nous n'avions pas accepté de subventionner ce projet, nous aurions dû retarder d'une année le projet et, au taux actuel d'intérêt, ce projet ne serait plus rentable aujourd'hui, nous ne pourrions pas le réaliser. Les Madelinots doivent comprendre que, sans la décision rapide du gouvernement du Québec l'année dernière, il n'y aurait pas de sel et probablement encore pour un certain nombre d'années.

Je ne sais pas ce que valent les signatures de deux ministres du gouvernement d'Ottawa sur un document; l'impression que j'ai, c'est un peu comme dans le cas de LaPrade, ça ne doit pas valoir cher. En tout cas, on peut toujours essayer de les poursuivre, on peut toujours examiner, sur le plan juridique, ce qu'il est possible de faire, mais, pour répondre à la première partie de la question du député des Iles-de-la-Madeleine, il ne fait aucun doute que les signatures des ministres fédéraux sur des documents officiels ne valent pas cher, de même que la promesse du ministre de l'Expansion économique régionale.

Deuxièmement, concernant le protectionnisme, je dois dire qu'effectivement, il y avait une entente, un engagement de la part de SOQUEM à ne pas toucher certains marchés, le marché de Montréal, par exemple, le marché des Maritimes. L'étude que les fonctionnaires du ministère de l'Expansion économique régionale — il serait intéressant d'ailleurs d'en citer des passages — démontre — je l'ai sous les yeux — qu'il n'y a aucun impact négatif pour les mines de Pugwash et pour les mines de l'Ontario, absolument aucun impact négatif. Non seulement cela, je pourrais vous citer...

M. Shaw: Question de privilège, M. le Président.

Une Voix: Le député de New-Glasgow! Est-ce qu'il y aurait moyen que je puisse entendre?

Le Président: A l'ordre!

M. Shaw: ... déposé ici, en Chambre. Laissez au moins aux responsables des compagnies de sel du Québec qui sont déjà en place un recours contre vos accusations.

Des Voix: Oh, oh!

M. Bérubé: Concernant les mines de sel, il me fera plaisir d'abord de déposer ce document confidentiel du ministère de l'Expansion économique régionale. On y lit, à la page 23: "Dans l'ensemble, il appert que les mines ontariennes existantes de Ojibway et Goderich seront relativement peu affectées par la venue d'un autre producteur sur le marché québécois." Je pourrais vous donner les raisons pour lesquelles elles...

Deuxièmement, concernant la mine de Pugwash en Nouvelle-Ecosse: "La perte nette de la mine de Pugwash en 1983 ne sera donc que de l'ordre de 20 à 25 emplois. Enfin, il importe de souligner que ces hypothèses ne tiennent pas compte, pour la mine de Pugwash, de la possibilité de pénétrer le marché terre-neuvien." Je dois souligner que SOQUEM, sans même avoir de mine, vient de signer un contrat de 300 000 tonnes pour la vente de sel dans l'Est américain. Si nous sommes capables de vendre du sel sans mine, je me demande ce que la Nouvelle-Ecosse est capable de faire avec une mine!

Pour l'information du député de Pointe-Claire, qui a toujours plus à coeur de défendre les intérêts d'Ottawa que les intérêts des Québécois, je lui lirais maintenant la conclusion des fonctionnaires du ministère de l'Expansion économique régionale: "L'octroi de subventions est nécessaire pour que le projet atteigne un niveau de rendement intéressant, même en excluant les coûts déjà encourus." En d'autres termes, ce qui paraît absolument évident, c'est que, si nous voulons rentabiliser cette mine maintenant, il faudra certainement s'attaquer à d'autres marchés, c'est-à-dire au marché des Maritimes, au marché de Terre-Neuve, au marché montréalais et, à ce moment-là, advienne que pourra!

Des Voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: M. le Président, question de règlement en vertu de l'article 177. Je voudrais demander au ministre de déposer le document auquel il a fait référence et également le document qui contient les signatures des ministres fédéraux dont il a mentionné les noms, s'il vous plaît.

Le Président: M. le ministre.

M. Bérubé: II me fait plaisir, M. le Président, de déposer les documents qu'on me demande; j'aimerais bien qu'on me retourne cette copie confidentielle, cependant, et qu'on en fasse une photocopie si c'est possible!

Des Voix: Ah, ah, ah!

Le Président: Le secrétariat agira avec diligence, M. le ministre.

A l'ordre, s'il vous plaît!

Le ministre de l'Agriculture m'a indiqué qu'il voulait apporter une réponse à une question qui a

été posée en son absence la semaine dernière, je suppose, par M. le député de Montmagny-L'Islet. Est-ce exact?

M. Giasson: Oui.

Le Président: C'est cela.

M. le ministre de l'Agriculture.

Requête devant la Régie des marchés agricoles

M. Garon: M. le Président, le député de Montmangy-L'Islet a posé une question sur une requête qui est devant la Régie des marchés agricoles, en laissant entendre que la régie voulait protéger quelqu'un ou en se demandant de qui elle avait reçu des ordres depuis le mois de décembre dernier. Je dois dire que, comme d'habitude, le député de Montmagny-L'Islet est mal renseigné.

Il s'agit d'une requête qui a été déposée devant la Régie des marchés agricoles où il y a une trentaine d'allégations concernant le partage global des quotas de lait entre les deux fédérations et une couple d'allégations sur le partage individuel des quotas. Maintenant, dans les conclusions de la requête, il y a seulement une demande de tenir des auditions sur le partage global des quotas entre les deux fédérations.

Une Voix: II est encore dans les patates.

M. Garon: J'obtiens des renseignements, M. le Président, directement de la régie et j'ai de bonnes raisons de croire...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: II y a eu une audience de la régie et, à ce moment-là, les fédérations ont demandé des précisions sur les allégations vagues de la requête. Les détails n'ont jamais été fournis par les procureurs. Il y avait Me Daigle, d'abord, qui a été remplacé par Me Paradis, il y a quelques mois, et il n'y a jamais eu de détails fournis. Finalement, lors de la reprise de l'audience, le 4 juin dernier, jour de la demande du député de Montmagny-L'Islet, des détails ont été fournis le matin des audiences, le 4 juin 1980.

Ensuite, la régie a ajourné après le débat sur les détails qui avaient été demandés par les deux fédérations parce que le procureur du requérant, Me Paradis, a lui-même demandé une remise — est-ce assez fort? — pour pouvoir faire sa preuve. C'est-à-dire qu'il n'avait pas tous les éléments à ce moment-là pour faire sa preuve selon les détails qui avaient été fournis à l'audience même du 4 juin, selon ce que les gens de la régie m'ont dit. Il y a une remise pro forma au 25 juin prochain. A toutes fins pratiques, quand c'est pro forma, cela veut dire quand les procureurs du requérant eux-mêmes seront prêts.

Maintenant, je dois dire que la régie elle-même a décidé de procéder de la façon suivante.

D'abord, comme le seul objet des conclusions de la requête initiale était le partage global, à ce moment-là, la régie a décidé de procéder en deux étapes. La première étape, procéder par audience sur le partage global des quotas et, ensuite, dans un deuxième temps, procéder sur le partage individuel des quotas, même si cette conclusion ne se retrouvait pas lors de la requête initiale des requérants.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet, une question.

M. Giasson: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Agriculture est prêt à reconnaître qu'à la suite de la première requête déposée au nom de 1286 producteurs la Régie des marchés agricoles a convenu de mener une préenquête par son propre personnel et qu'à la suite de cette préenquête décidée en mars 1979 elle a jugé nécessaire de tenir une enquête publique qui devait porter tant sur le partage global des quotas que sur le partage individuel des mêmes quotas? Pour ce faire, je dois rappeler au ministre que, dans sa décision du 21 novembre 1979, portant le no 2799, la régie accordait la requête.

Cette décision se lit comme suit; c'est le texte émanant de la régie: "Lors d'une première audience tenue le 26 mars 1979 pour entendre la requête, il fut décidé que la régie procéderait d'abord à une préenquête par ses enquêteurs. Cette préenquête est maintenant terminée et, à la lumière des renseignements obtenus, la régie est d'avis qu'elle doit tenir des audiences publiques afin que l'occasion soit donnée à toute personne intéressée d'être parfaitement informée sur l'administration complète des quotas depuis le 1er avril 1975. Ces audiences débuteront au cours du mois de janvier prochain" et non pas au mois de juin. (16 h 10)

J'ai posé la question pour sensibiliser le ministre et connaître les motifs pour lesquels la Régie des marchés agricoles n'a pas procédé en janvier et a reporté constamment dans le temps la tenue d'une première séance d'audiences recherchées.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, je dois dire la même chose. Je sais qu'il y a eu une préenquête sur le partage individuel et que cette phase était réalisée, sauf que la régie a déterminé dans sa procédure qu'elle procéderait d'abord au partage global des quotas et après, au partage individuel.

M. Picotte: Au mois de janvier.

M. Garon: Est-ce que le député de Maskinongé...

M. Picotte: Au mois de janvier.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: ... peut se tenir tranquille un peu? Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: D'autant plus que son chef ne le laisse même pas poser des questions dans ce domaine.

Des Voix: Ah, ah!

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, s'il vous plaît.

M. Garon: II y a eu une préenquête et la régie a simplement choisi — quand on dit enquête, on veut dire au fond que la régie va siéger pour entendre des témoins, etc. — le partage global. Quand on dit "le partage global", cela veut dire le partage entre les deux fédérations, comment il va y avoir de quotas pour le lait nature et le lait industriel parce que les requérants prétendaient que les gens du lait industriel n'avaient pas eu un partage assez haut par rapport aux gens du lait nature. Une fois que cette enquête sera faite, on procédera au deuxième chef, la deuxième question. Je dois dire que c'est la régie elle-même qui a voulu procéder sur ce deuxième chef où il n'y avait pas de conclusion dans l'enquête initiale de faire une enquête sur le partage individuel des quotas.

C'est la procédure que la régie a suivie parce qu'il ne faut pas arriver dans un fouillis, surtout qu'il s'agit d'une question complexe. On voudrait procéder d'abord au partage global avant d'aller dans le partage individuel. C'est la simple logique.

Le Président: Aux motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Il n'y en a pas aujourd'hui.

Avis à la Chambre

Aux avis à la Chambre. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. le député de Gatineau, en vertu de l'article 34.

M. Gratton: M. le Président, on sait que l'Assemblée nationale a adopté, il y a quelques mois, une nouvelle loi électorale, la loi no 9. On sait également que cette loi n'entrera en vigueur qu'au bon vouloir du gouvernement, c'est-à-dire qu'en vertu de l'article 314 de ce projet de loi, le gouvernement peut décréter l'entrée en vigueur de tout le projet de loi ou de certaines parties à son bon vouloir. On sait également que la session prendra fin la semaine prochaine. Il y a quand même des possibilités qu'on ne se retrouve pas ici à l'Assemblée nationale avant des élections générales — sait-on jamais? mais il y aura assurément un recensement. Le recensement annuel aura lieu entre le 2 et le 5 septembre prochain. Le recensement annuel pourrait se faire différemment, selon que l'ancienne loi électorale ou la nouvelle loi électorale s'applique.

J'aimerais donc demander, M. le Président, au leader du gouvernement de nous donner une garantie quelconque ou de nous en fournir une avant la fin de cette session quant à la promulgation de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi électorale, de façon que cela se fasse suffisamment longtemps avant les prochaines élections générales et avant le recensement, prévu pour le début de septembre, pour que les gens qui travaillent aux élections et surtout que les citoyens puissent s'y retrouver un peu mieux que... Pour le référendum, on a attendu à la toute dernière minute pour promulguer l'entrée en vigueur de certains articles applicables au référendum.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, la question du député de Gatineau est pertinente et je suis heureux de l'informer que j'allais être sur le point de convoquer une réunion de la commission de l'Assemblée nationale ce soir, précisément pour examiner les règlements découlant de la loi no 9, tel que la loi no 9 nous oblige à le faire. Sa question très pertinente pourrait être posée en début de la séance de travail de ce soir au ministre d'Etat à la Réforme électorale.

Le Président: M. le député de Gatineau, en étant large parce que je ne suis pas sûr que ce soit une question qui relève des dispositions de l'article 34.

M. Gratton: Voyons! Une chose est certaine, M. le Président, il y va du principe du droit de la population à l'information. Je pense que c'est quand même assez fondamental. Je n'ai sûrement pas besoin du député de Joliette-Montcalm pour me montrer comment poser les questions.

M. Pagé: Non, certainement pas lui. Il n'en a jamais posé une.

M. Gratton: M. le Président...

M. Pagé: II ne pourra pas la poser au ministre là-dessus.

M. Gratton: ... pour que les citoyens, les premiers intéressés, soient mieux informés, le ministre peut-il s'engager à faire en sorte qu'on fasse une déclaration ministérielle? Qu'on le fasse de la façon qu'on voudra, mais que le gouvernement s'engage ici à l'Assemblée nationale vis-à-vis de cela.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je réitère ma première réponse parce que je la trouvais excellente.

Le Président: Avis à la Chambre.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Avis à la Chambre, M. le Président. Je voudrais donner avis que ce soir, trois commissions parlementaires vont se réunir pour ainsi permettre à la Chambre d'ajourner ses travaux à la fin de l'après-midi. Il y aura cette réunion de la commission de l'Assemblée nationale que je viens d'évoquer qui aura lieu au salon rouge et qui aura pour mandat d'examiner les projets de règlements découlant de la loi no 9, tel que la loi no 9 nous oblige à les faire examiner par la commission parlementaire. A la salle 81-A, c'est la commission des affaires sociales qui terminera ce soir, à minuit au plus tard, l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales, pendant qu'à la salle 91-A c'est l'étude des crédits du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui débutera à 20 heures et ira jusqu'à minuit.

Cet après-midi, M. le Président, il n'y aura, au menu de l'Assemblée, que la commission plénière du projet de loi no 87 et, si possible, sa troisième lecture, si l'Assemblée y consent, de même que la troisième lecture du projet de loi no 86 au nom du ministre de l'Energie et des Ressources, ce qui devrait occuper les députés.

Je fais motion, M. le Président, pour que, pendant que la Chambre siégera jusqu'à l'adoption de ces deux projets de loi, se réunisse au salon rouge, jusqu'à 18 heures, la commission du revenu afin d'étudier article par article les quatre projets de loi qui lui ont été déférés, en commençant par les projets de loi nos 102 et 103, et que se poursuive de même, à la salle 81-A, la réunion de la commission des affaires sociales pour étudier les crédits de ce ministère.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le leader parlementaire du gouvernement sait bien la collaboration que nous lui avons manifestée, particulièrement au cours des derniers jours. Je voudrais simplement lui rappeler que, lors de notre dernière réunion, la semaine dernière, nous avions fait un calendrier des diverses activités des commissions parlementaires. Or, M. le Président, vous présidiez cette réunion avec tout le savoir-faire, la compétence et la diplomatie qu'on vous connaît, et vous vous rappelez sans doute, M. le Président, que lundi prochain avait été la journée désignée pour la tenue de la commission parlementaire du revenu, pour faire l'étude article par article de ces quatre projets de loi. D'ailleurs, je ne pense pas que cela puisse durer tellement longtemps. Cependant, celui qui a pris charge du dossier a été ainsi informé et il m'a prié de rappeler au leader parlementaire du gouvernement cet engagement qui semblait ferme à ce moment-là et que nous aimerions qu'il renouvelle.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je vais respecter, M. le Président, cet engagement. Je croyais de toute bonne foi donner cet avis à l'Assemblée après qu'une consultation aurait eu lieu aux bureaux des différents partis pour voir s'il n'y avait d'objection à entreprendre... La raison en est bien simple, M. le Président. C'est qu'il reste, pour nous conformer au règlement, au minimum 27 minutes pour procéder à l'étude des crédits du ministère des Finances. Or, le même ministre est président du Conseil du trésor et il doit présider une réunion du Conseil du trésor cet après-midi. Devant ce fait, j'avais prévu annuler la réunion de la commission des finances et mettre fin à l'étude des crédits cet après-midi la remplacer par la commission du revenu puisque c'est le même député qui pourrait, cette fois-ci, être disponible. Si on me dit que le député n'est pas prêt à procéder à l'étude des projets de loi nos 102 et 103 cet après-midi, M. le Président, je respecterai l'engagement que j'avais pris.

M. Levesque (Bonaventure): D'accord.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: M. le Président, je pense que le leader est conscient de ce remaniement temporaire qui a été fait récemment de ce côté à cause de la démission de M. Raynauld. Je suis en train de faire une étude soignée de ces quatre projets de loi qui sont assez importants et assez détaillés. Je regrette de vous dire que, tenant compte du fait qu'il avait été entendu que la commission siégerait le 16 juin, je ne serai pas prêt à procéder à l'étude de ces projets de loi avant le 16 juin. Je le regrette beaucoup, mais, si j'avais pu prévoir, j'aurais peut-être pu faire autrement, mais, malheureusement, c'est absolument impossible aujourd'hui et même avant le 16 juin de faire un travail responsable, article par article, de ces quatre projets de loi.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je ne veux pas en faire un plat, M. le Président, mais m'arrive à l'instant une note selon laquelle l'Opposition avait été, peut-être au niveau des fonctionnaires politiques, consultée et avait agréé à l'étude des projets de loi nos 102 et 103 cet après-midi, mais je suis bien prêt à retarder, en même temps que les deux autres projets de loi, l'étude article par article des projets de loi du ministère du Revenu.

Je modifie donc ma motion, M. le Président, pour que cet après-midi se réunisse, elle seule, la commission des affaires sociales pour la poursuite de l'étude des crédits de ce ministère, à la salle 81-A.

Le Président: Est-ce que cette nouvelle motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. le leader parlementaire du gouvernement, les affaires du jour.

M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer que cet après-midi, pendant que la Chambre s'adonnera à l'étude des deux projets de loi que je vous ai indiqués, devrait se tenir, tel qu'entendu la semaine dernière, une réunion des leaders parlementaires et des différents critiques de chaque parti dans le domaine de la justice nous permettant de conclure une entente, je l'espère, sur la façon d'étudier le projet de loi concernant les modifications au Code civil, réunion qui devrait se tenir immédiatement.

Je vous prierais d'appeler l'article 4 du feuilleton, M. le Président. (16 h 20)

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, je n'ai pas d'objection à appeler l'article 4, tel que vous me le suggérez.

M. Charron: Oui. Je dois faire précéder cela de ma motion, M. le Président?

Le Président: Mais je vous suggérerais de faire précéder cela d'une motion.

Projet de loi no 87 Commission plénière

M. Charron: Alors, je fais motion pour que vous quittiez le fauteuil, M. le Président, et que cette Assemblée se... Oui, je l'ai dit... transforme en commission plénière afin d'étudier, article par article, le projet de loi no 87.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, nous allons suspendre la séance quelque cinq minutes de façon que tous les intervenants se présentent.

Suspension à 16 h 24

Reprise de la séance à 16 h 34

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission plénière se réunit pour étudier article par article le projet de loi no 87, Loi modifiant la Loi sur la municipalisation de l'électricité et la Loi de I'électrification rurale. L'article 1 sera-t-il adopté?

M. Ciaccia: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: En conformité avec nos coutumes, si vous me le permettez, je voudrais faire quelques remarques préliminaires et poser quelques questions au ministre avant d'aborder l'étude article par article du projet de loi. Juste pour situer le débat sur ce projet de loi, il s'agit ici d'un projet de loi qui oblige les municipalités ou tous ceux qui ont un réseau d'électricité, que ce soit une municipalité ou une coopérative, de vendre aux consommateurs l'électricité à des tarifs pas plus élevés que les tarifs d'Hydro-Québec.

Cet objectif de la loi est très valable. On veut que tous les consommateurs au Québec, où qu'ils soient situés, puissent payer pour leur électricité le même tarif à travers toute la province sans que, dans une région, on paie plus que dans une autre.

Cependant, même si c'est un objectif valable, le projet de loi tel que rédigé peut créer des problèmes pour ces mêmes consommateurs parce qu'il s'agit ici d'une vingtaine de municipalités et d'une coopérative qui ont un réseau, qui vendent et qui distribuent l'électricité, certaines de ces municipalités le font peut-être à un prix plus élevé que celui d'Hydro-Québec. Le résultat est qu'il y a un revenu pour ces municipalités; alors on gèle effectivement la possibilité de revenu pour ces municipalités, ce qui va avoir deux effets. Premièrement, cela va affecter les contribuables, ceux qui paient les taxes municipales, etc.; peut-être se verront-ils imposer une augmentation de taxes et, deuxièmement, cela va affecter les municipalités en ce qui concerne l'installation qu'elles possèdent.

Si elles ne peuvent pas vendre à un certain prix selon le prix auquel elles achètent d'Hydro-Québec, l'entreprise ne sera pas rentable. Alors, les municipalités vont être obligées de s'en défaire et on se pose la question à quel prix, comment, quelles mesures le gouvernement a-t-il pris pour s'assurer que ces installations et les investissements que les municipalités ont dans ces réseaux seront remis ou seront compensés adéquatement. Voici la question que je voudrais poser au ministre. Est-ce l'intention du gouvernement que ces entreprises, municipales ou coopératives, puissent continuer d'exister et de fournir les services, ou si c'est l'intention du gouvernement qu'Hydro-Qué-bec devienne propriétaire de ces entreprises, de ces installations et que cet organisme soit le seul distributeur, producteur et distributeur d'électricité à travers toutes ces municipalités?

M. Bérubé: D'une part, on me dit qu'il existe des projets sinon des débuts de poursuites judiciaires contre certaines municipalités qui ont des réseaux d'hydroélectricité puisque cela consiste, pour la municipalité qui vend de l'électricité, à s'engager dans un commerce. Or, les revenus normaux des municipalités doivent provenir des taxes foncières ou autres, et non de sources résultant de commerce. Il semble cependant que dans le domaine de l'électricité on ait, pendant un bon

nombre d'années, accepté que des coopératives, que des municipalités exploitent un réseau. On a même toléré, semble-t-il, ou accepté que ces municipalités fassent des profits à même l'exploitation de ce réseau, de telle sorte qu'elles pouvaient réduire les taxes foncières des contribuables. Mais, en pratique, pour le contribuable, c'est une seule et même chose. Qu'il paie son électricité plus cher, mais qu'il paie moins de taxes est exactement la même chose que payer son électricité moins cher, mais payer plus de taxes.

C'est donc bonnet blanc, blanc bonnet. Cependant, il y a des inconvénients. Prenons le cas de la ville de Sherbrooke qui vend de l'électricité à 11 000 abonnés en dehors de ses limites. En pratique, cela revient à demander à ces 11 000 abonnés de financer les infrastructures municipales de la ville de Sherbrooke. On peut donc se demander dans quelle mesure on peut accepter que la ville de Sherbrooke fasse des profits sur le dos des contribuables d'autres municipalités. (16 h 40)

Deuxièmement, si on se réfère à la réforme de la fiscalité municipale, à l'intérieur de laquelle le gouvernement s'est engagé, on a tenté de définir des sources autonomes de revenu pour les municipalités, sources autonomes prévues par la loi. On peut donc se demander dans quelle mesure, ayant défini un champ d'impôt foncier qui, d'ailleurs, favorise énormément la plupart des municipalités qui sont impliquées, ayant défini un champ d'impôt foncier où, désormais, ce réseau hydroélectrique va payer des taxes à la municipalité... Auparavant, Hydro-Québec ne payait pas de taxes foncières à la municipalité, maintenant elle va payer des taxes foncières. En d'autres termes, ce réseau va désormais, de par son existence même, en payant des taxes foncières, accroître les revenus de la municipalité.

Partant de cela, on peut donc se demander dans quelle mesure on doit accepter qu'une municipalité puisse continuer à faire des profits comme une entreprise privée en vendant de l'électricité à prix plus élevé qu'elle ne le lui coûte? On accepte néanmoins qu'elle continue de le faire — et ceci, c'est pour répondre à votre question — la seule chose que l'on dit c'est qu'au moins elle ne doit pas vendre son électricité plus cher qu'Hydro-Québec. C'est la seule chose que nous disons. Il y a donc des municipalités — je pense à Aima, si je ne m'abuse, elle obtient de l'énergie électrique à taux très avantageux des barrages de l'Alcan et, par conséquent, elle peut fournir à ses citoyens des tarifs inférieurs à ceux d'Hydro-Québec. Bien, tant mieux! Les citoyens d'Alma pourront continuer à bénéficier d'une tarification inférieure à celle de l'ensemble des citoyens du Québec, parce qu'ils bénéficient de certains avantages comme ils ont, par contre, des inconvénients, comme celui de vivre à côté d'un empire industriel qui n'est souvent pas plus agréable qu'il le faut. Donc ils pourront bénéficier de certains avantages.

Par contre, lorsqu'une municipalité vend son électricité plus cher qu'Hydro-Québec, il peut se produire deux situations. En se rendant à la tarification d'Hydro-Québec, elle perd une partie de ses revenus, mais ne fait pas de déficit pour autant. En d'autres termes, ses profits étaient tels que même en se ramenant aux tarifs d'Hydro-Québec elle continue encore à faire des profits. Dans ce cas, elle n'a qu'à continuer à exploiter son réseau hydroélectrique et personne ne viendra le lui retirer. Donc cette municipalité à nouveau conserve son réseau. Elle n'a aucun intérêt à le vendre, puisqu'elle continue à faire des profits. Vous me direz: Elle fait moins de profit qu'avant. C'est bien sûr, c'est-à-dire que si elle veut taxer ses contribuables, il faudra qu'elle y aille carrément par le biais de la taxe foncière, et non pas par le biais d'un profit caché dans la tarification électrique.

Deuxième cas, c'est celui de la municipalité qui, en abaissant ses tarifs d'électricité au niveau de ceux d'Hydro-Québec, ne peut plus faire de profit avec son réseau électrique et même encourt des déficits. Dans ces conditions, son réseau électrique ne vaut pas très cher, il vaut essentiellement la valeur des actifs, puisqu'il est incapable... C'est une façon de le calculer, mais si on regardait le taux de rendement interne de l'investissement comme l'entreprise n'engendre que des déficits, à ce moment, évidemment, la valeur de vente, la valeur de rachat de l'entreprise est pour ainsi dire négligeable.

Cependant, nous avons convenu et il y a eu un comité, un regroupement des maires et du ministère, sous la direction d'un juge, le juge Rosaire Lajoie, d'analyser avec les municipalités la façon d'évaluer le réseau. Il a été convenu essentiellement d'une méthode d'évaluation — je ne dirai pas que toutes les municipalités l'ont acceptée, mais dans l'ensemble, elles l'ont toutes acceptée — du réseau de telle sorte qu'Hydro-Québec ne considérera pas que le réseau a une valeur nulle, mais considérera que le réseau à une valeur dépréciée quelconque, essentiellement, donc, la valeur aux livres du réseau après dépréciation. Ceci veut dire que les citoyens de cette municipalité non seulement profiteront d'une réduction de leur tarif d'électricité, mais, en plus, leur municipalité va pouvoir vendre à un réseau de distribution d'électricité qui, très souvent, n'a plus aucune valeur et pourra quand même en retirer un certain prix. Cela revient à dire, en pratique, que les citoyens sont avantagés sur deux plans.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Quand vous dites que, dans certains cas, les municipalités vont pouvoir continuer à vendre de l'électricité, si elles ne font pas de déficit, comment la grille tarifaire d'Hydro-Québec est-elle établie pour les municipalités? Par cette loi-ci, vous gelez d'une façon les revenus de la municipalité, mais vous ne dites rien des achats de la municipalité. Vous affectez dans ce sens la valeur des installations ou de l'entreprise. C'est vrai qu'elles font du commerce dans le moment,

elles peuvent faire des profits, mais c'est quelque chose qu'elles ont le droit de faire d'après la loi sur la municipalisation de l'électricité que le gouvernement leur a donnée et qui leur confère le droit de faire des installations, de faire des dépenses pour ériger ces systèmes d'électricité.

On arrive aujourd'hui en disant: On va vous couper vos profits. Ma première question est celle-ci: Pour qu'il n'y ait pas de déficit, de quelle façon la grille tarifaire est-elle établie par Hydro-Québec pour décider de quelle façon elle va vendre à la municipalité? Il va toujours y avoir une tendance, pour Hydro-Québec, s'il n'y a pas de restriction, si c'est totalement discrétionnaire de sa part, à vendre le plus cher possible et, en ce faisant, il y aura plus de revenus pour Hydro-Québec et moins pour la municipalité. Cela va rendre l'installation non rentable et il va en résulter que la municipalité va obtenir moins en compensation pour ce système, si elle veut le vendre à Hydro-Québec. Il y a seulement un acheteur, Hydro-Québec. Les revenus étant gelés, les achats n'étant pas réglementés par le gouvernement, cela met la municipalité dans une situation assez précaire. Je voudrais savoir du ministre comment la grille tarifaire de ces municipalités est établie.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Par règlement. Hydro-Québec considère la municipalité exactement comme n'importe quelle grande entreprise à qui elle livre de l'électricité en un point donné, sans avoir à en assurer la distribution. A ce moment-là, elle applique le tarif industriel de grande puissance.

En d'autres termes, l'industrie paie son électricité moins cher que le consommateur, pour une raison assez facile à comprendre; c'est qu'Hydro-Québec peut livrer de très gros volumes d'électricité en un point donné et ne pas avoir, à ce moment-là, à se préoccuper de la redistribution qui est très coûteuse puisqu'elle représente des conversions, transformations de voltage, distribution, lignes de transmission de toutes sortes, ce qui fait que les tarifs à la consommation sont toujours plus élevés que les tarifs industriels de grande puissance.

Doit-on souligner qu'Hydro-Québec perd de l'argent avec ses tarifs au consommateur alors qu'elle fait de l'argent avec ses tarifs industriels? C'est-à-dire en dépit du fait que le tarif industriel de grande puissance est inférieur au tarif au consommateur, Hydro-Québec fait des profits avec les industries alors qu'elle fait des pertes avec les consommateurs. Et cela se comprend, c'est que les coûts de redistribution sont effectivement plus élevés, en fait sont très élevés et, par conséquent, on ne veut pas d'ailleurs facturer tous les coûts directement au consommateur.

Si on applique ce raisonnement à un réseau de distribution d'électricité municipal, le même problème se produit puisqu'on va lui vendre l'électricité au tarif industriel de grande puissance, qui est un tarif bas, mais qui, forcément, cependant, peut sembler trop élevé pour certaines municipalités qui s'aperçoivent, à ce moment-là, que leur réseau de distribution doit, pour faire ses frais, augmenter de façon significative le prix de vente de l'électricité au consommateur. Dans ces conditions, quand cela se produit, la municipalité n'a qu'à livrer son électricité au tarif d'Hydro-Québec et accepter de vendre son réseau ' hydroélectrique ou électrique de distribution à Hydro-Québec; dans ces cas, les citoyens de cette municipalité ne seront absolument pas pénalisés puisqu'ils profitent à deux niveaux, soit du prix de vente qui est récupéré par la municipalité, soit par une réduction des tarifs.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez considéré l'établissement de ces tarifs, vendus par HydroQuébec aux municipalités, par la Régie de l'électricité et du gaz? Parce que, comme vous nous dites maintenant, la décision est prise unilatéralement par Hydro-Québec; c'est Hydro-Québec elle-même qui décide, par ses propres règlements, si je comprends bien, la façon ou le prix de vente de l'électricité aux municipalités. Une municipalité a très peu de protection dans ces circonstances parce que ce sont vraiment des tarifs qui sont dictés par Hydro-Québec. Est-ce que vous avez considéré l'établissement de ces tarifs par la régie qui, peut-être, pourrait agir comme une espèce de protection pour les municipalités, pour s'assurer que la vente soit faite d'une façon équitable et que cela laisse une marge pour la municipalité entre ce qu'elle paie à Hydro-Québec et ce qu'elle vendrait au consommateur?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de l'Energie et des Ressources, et député de Matane.

M. Bérubé: On me dit que la Régie de l'électricité et du gaz, en fait ne révise pas la tarification d'Hydro-Québec. Celle-ci est approuvée directement par le Conseil des ministres. Je me demandais s'il agissait de la même procédure que dans le cas du gaz où la régie fait une recommandation au gouvernement, alors que dans le cas de l'électricité, effectivement, n'ayant pas eu encore à traiter un de ses dossiers, je ne réalisais pas, en fait, que la recommandation qui était faite au Conseil des ministres concernant les tarifs d'électricité venait directement du ministère et non de la régie.

Une chose est sûre: vouloir envisager une tarification pour les municipalités qui serait inférieure à la tarification pour l'industriel faisant appel à de fortes puissances reviendrait à subventionner les consommateurs de cette municipalité par comparaison aux autres consommateurs du Québec. Il y a lieu de se demander dans quelle mesure ceci serait désirable.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si vous me le permettez, M. le ministre, je ne pense pas qu'il s'ensuive nécessairement que, si le prix à la municipalité est inférieur au prix qui serait imposé à une industrie, cela

subventionnerait le consommateur, parce qu'il faut prendre en considération les services qui seraient offerts par la municipalité dans la distribution des services aux consommateurs et le fait qu'Hydro-Québec serait dégagée de cette responsabilité. Ce n'est pas nécessairement une subvention. Il y a des installations. Ces installations ont coûté de l'argent. Il y a un rendement. Il y a un service que la municipalité doit donner.

Je pourrais porter à l'attention du ministre le système qui existe, par exemple, en Ontario. Quand Hydro-Ontario exige une tarification, elle soumet cette tarification à une régie où il y a des audiences publiques, où Hydro-Ontario doit justifier les montants qu'elle exige dans ses tarifs. J'aurais pensé que dans le cas actuel, plutôt que de dire seulement aux municipalités: Vous allez exiger seulement le tarif d'Hydro, si vous aviez ajouté à cela l'obligation pour Hydro-Québec de se conformer, de soumettre sa tarification pour les municipalités... Je ne parle pas maintenant de toute l'autre tarification — on en discutera en temps et lieu, à la commission parlementaire — mais strictement pour les municipalités, parce qu'elles ont un investissement. Je crois que vous les placez dans une situation très précaire. J'aimerais que vous disiez à la Régie de l'électricité et du gaz: Quant à la tarification, quant à la grille de tarifs qu'Hydro va imposer aux municipalités ou aux coopératives, ils vont être soumis à la Régie de l'électricité, quitte à ce que le gouvernement prenne une décision finale. Le gouvernement aurait naturellement la décision finale, soit d'accepter la recommandation de la régie ou de la modifier, parce que la décision, dans un cas semblable, doit toujours revenir à l'autorité politique. Au moins cela donnerait une chance aux municipalités, cela donnerait un peu plus d'objectivité et cela ne les laisserait pas strictement à la merci d'Hy-dro-Québec seulement. Si Hydro-Québec peut justifier les certains montants qui doivent être exigés, la régie fera sa recommandation en conséquence. Je crois que ce serait une protection pour la municipalité et pour les contribuables. Vous dites: Si la municipalité exige plus cher et réalise un profit, maintenant elle ne réalisera pas un profit et les taxes vont augmenter. C'est seulement une partie de la réponse parce qu'il y a des installations. Il n'y a aucune garantie dans ce projet de loi que les municipalités vont recevoir ce qui leur est dû ou ce qu'elles devraient recevoir en compensation des installations qu'elles ont. D'après la loi de 1964, toutes ces installations ont été faites par les municipalités avec l'approbation des contribuables. Aujourd'hui, je crois qu'il n'y a pas d'assurance pour la municipalité qu'elle sera remboursée des sommes adéquates pour ces installations.

Je crois que vous auriez pu arriver à votre objectif d'avoir un tarif pour tous les consommateurs à travers le Québec et vous auriez protégé ces mêmes consommateurs et les municipalités en soumettant, à l'approbation ou à la recommandation de la régie, la grille tarifaire qu'Hydro-Québec voudrait appliquer aux municipalités. Je ne pense pas que ce soit la même chose que chez une industrie qui l'utilise pour ses propres fins tandis qu'ici, la municipalité, c'est un système de distribution; elle donne certains services aux consommateurs.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Bérubé: Malheureusement, je pense que toutes les comparaisons sont souvent boiteuses. Lorsque vous faites la comparaison avec l'Ontario, je pense que vous oubliez qu'il y a, en Ontario, 345 réseaux privés ou réseaux municipaux de distribution d'électricité. On n'a donc pas une tarification unique à la grandeur de l'Ontario mais, au contraire, des tarifs d'électricité qui varient énormément d'une place à l'autre. Le Québec a choisi, en 1962, sous un gouvernement libéral, d'uniformiser la tarification électrique. Cela veut dire qu'il y a des régions du Québec — prenons les Iles-de-la-Madeleine — où nous produisons de l'électricité avec des génératrices diesel. Elle nous coûte beaucoup plus cher à produire que nous la vendons, et nous le savons. Il y a des régions du Québec qui disposent d'électricité à un coût énormément plus bas que ce qu'elles paieraient si elles avaient un réseau privé. Le gouvernement subventionne donc ces municipalités et ces régions; c'est évident. A la grandeur du Québec, il y a donc des municipalités qui devraient payer leur électricité plus cher, mais ne le font pas grâce à la politique d'uniformisation des tarifs d'Hydro-Québec.

Un des problèmes que la proposition du député de Mont-Royal présenterait, c'est le suivant. Ce qu'il nous propose, c'est de vendre notre électricité à cette municipalité à un tarif suffisamment bas pour qu'elle commence à réaliser des profits. Là, il faut s'interroger parce que, au moins lorsque nous garantissons des tarifs uniformes, ce que nous savons, c'est que si, à un endroit, HydroQuébec réalise des profits avec ses tarifs, ces profits sont versés dans le fonds consolidé d'Hydro-Québec. Ils sont donc partagés par l'ensemble des citoyens sous forme d'une diminution du prix moyen d'électricité au Québec. (17 heures)

En d'autres termes, personne au Québec ne réalise de profits avec la vente d'électricité. Mais si vous nous demandez de prévoir un tarif de haute puissance livrée à une municipalité qui a son propre réseau et que ce tarif de haute puissance soit suffisamment bas pour permettre à la municipalité de réaliser des profits, ce que vous demandez aux citoyens du Québec, c'est de subventionner, par le biais de leurs propres tarifs d'électricité, les tarifs de ces citoyens privilégiés. Je pense que ce n'est pas acceptable. C'est pour cette raison, parce que nous avons une tarification uniforme à travers tout le Québec, qu'on ne peut pas imaginer une vente d'électricité à une municipalité à un autre tarif que celui d'un tarif de haute puissance. Tout tarif inférieur visant à permettre à la municipalité de faire un profit aurait comme conséquence négative de forcer les citoyens du Québec à subventionner une municipalité en particulier.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, je regrette, mais ce n'est pas ce que j'ai dit. Le ministre essaie de me faire dire des choses que je n'ai pas dites. Je n'ai pas dit qu'Hydro-Québec devrait vendre son électricité à un taux suffisamment bas pour permettre aux municipalités de faire un profit; ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. J'ai dit que, maintenant, la décision de la grille tarifaire imposée à une municipalité est strictement entre les mains d'Hydro-Québec.

M. Bérubé: Mais non!

M. Ciaccia: Oui, la décision, c'est...

M. Bérubé: C'est le tarif industriel de haute puissante, c'est-à-dire qu'elles sont traitées sur le même pied que tout le monde. N'importe quelle entreprise qui demande de l'électricité, on la lui livre au même tarif.

M. Ciaccia: Est-ce que je peux continuer, Mme la Présidente? Vous faites la comparaison entre une municipalité... Vous dites que c'est la même chose qu'un tarif industriel de haute puissance. La raison pour laquelle on va devant une régie, c'est pour essayer de justifier le coût qu'il y a dans une municipalité, de prendre en considération les installations de la municipalité, de prendre en considération le coût de distribution de la municipalité et de voir à quel tarif la recommandation de vendre à la municipalité devrait être faite. Je n'ai pas dit et je ne dis pas qu'il faut prendre la décision de vendre à des taux suffisamment bas pour permettre à la municipalité de faire des profits; il y a une différence entre ce que je dis et les propos que vous venez de m'imputer.

Ce que je suggère, c'est que la régie fasse une recommandation quant au coût de l'électricité vendue à une municipalité. Ce ne serait pas nécessairement sur la base d'une entreprise industrielle parce que la municipalité n'est pas nécessairement une entreprise industrielle. Il y a des services que cette municipalité fournit aux consommateurs, qui représentent des dépenses pour la municipalité, qu'une entreprise industrielle ne donne pas. Essayons de dire: On va exiger le même prix, ce serait un facteur à examiner.

L'autre facteur, ce serait que la décision soit prise entièrement par Hydro-Québec parce qu'il y a différentes catégories de taux industriels. A un certain niveau, il y a un certain tarif. Alors, vous permettez ici à Hydro-Québec de vraiment contrôler toutes les activités de ces municipalités. D'autre part, vous gelez les revenus de la municipalité. Je crois que vous causez une injustice à ces municipalités par la façon dont vous rédigez ce projet de loi.

Je ne suggère pas de taux préférentiel, mais, si vous gelez les revenus, mettez un mécanisme en marche pour que la municipalité et Hydro-Québec, toutes deux, puissent justifier les tarifs. Dans certains cas, soit par le genre d'installation que possède la municipalité, soit par les coûts trop élevés imposés à la municipalité pour la distribution, ce qui fait qu'elle ne peut pas arriver, ce sera une entreprise non rentable pour la municipalité et elle devra agir en conséquence. Dans votre projet de loi, vous laissez tout au contrôle d'Hydro-Québec, vous ne permettez pas à la municipalité de bénéficier d'un moyen pour faire valoir que les tarifs sont trop élevés, pas en termes de taux préférentiel, mais en termes de services que la municipalité peut offrir à ses consommateurs.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de l'Energie.

M. Bérubé: Ce que j'aime beaucoup avec le député de Mont-Royal, ce sont ces longs dialogues de sourds que nous avons eus pendant des mois et des mois sur l'amiante, sur à peu près tous les dossiers.

Une Voix: C'est un monologueur.

M. Bérubé: J'ai l'impression qu'on ne parle pas la même langue; d'ailleurs, on ne parle pas la même langue, il parle italien et je parle français, cela peut expliquer pourquoi les dialogues sont si longs et si peu fructueux.

D'une part, le député de Mont-Royal nous dit: On est d'accord pour que ce soit le même tarif à travers tout le Québec. Alors, au moins, tenons cela pour acquis, on est d'accord avec le principe de la loi. Deuxièmement, on est également d'accord pour dire qu'Hydro-Québec ne devrait pas vendre à un prix tel que les municipalités fassent des profits avec l'exploitation de leur réseau.

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que j'ai dit. On ne se comprend pas, c'est vraiment un dialogue de sourds. Il se peut que le tarif qu'Hydro-Québec va exiger à une certaine municipalité, d'après la recommandation de la régie, va permettre une marge pour qu'il y ait un profit. Evidemment, c'était l'intention de la loi de 1964. Le but de cette loi en 1964, qui a permis aux municipalités d'avoir un système d'électricité, ce n'était pas qu'elles exploitent toutes de façon déficitaire. Le but était qu'elles soient au même prix ou bien qu'elles fassent un petit profit, qu'elles puissent faire un profit. Je ne pense pas qu'on soit d'accord sur cet aspect de dire que les municipalités ne devraient pas faire de profit.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de l'Energie et des Ressources...

M. Ciaccia: Cela aurait été beaucoup plus facile, Mme la Présidente... Je vais attendre que le ministre écoute...

La Présidente (Mme Cuerrier): D'ailleurs, j'en profiterai, M. le député, pour vous faire remarquer que nous avons déjà utilisé pas mal de temps et qu'en vertu de l'article 160 de notre règlement, il va falloir en arriver à l'étude article par article. Vous aviez un dernier commentaire à faire?

M. Ciaccia: Mme la Présidente, je crois qu'une fois qu'on a discuté le principe de la loi, les articles c'est assez court.

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, mais je pense que vous aviez quand même déjà un dernier commentaire à faire. M. le ministre, M. le député de Mont-Royal veut de nouveau intervenir. Un instant, voulez-vous?

M. Ciaccia: Une autre façon d'arriver au même objectif sans pénaliser les municipalités, c'est que si vous ne voulez pas que les municipalités distribuent de l'électricité, pourquoi n'avez-vous pas obligé Hydro-Québec à acquérir tous ces réseaux? D'une façon, cela aurait été plus équitable, je crois, pour les municipalités. Vous auriez pu demander à Hydro-Québec, soit par une loi, soit par une réglementation... vous auriez pu dire à Hydro-Québec: Ecoutez, vous devez acquérir tous les réseaux que les municipalités ont dans le moment. A ce moment, cela aurait été plus équitable parce que le prix des installations aurait été déterminé sur la base des revenus. Maintenant, ce que vous faites, c'est que vous enlevez les revenus et l'effet va être de réduire la compensation que les municipalités vont avoir. Vous augmentez le fardeau municipal. Ce n'est pas que je suggère des taux préférentiels, je ne suggère pas de subventionner; je suggère seulement d'être un peu plus juste et efficace envers ces municipalités qui, depuis plusieurs années, exploitent ces systèmes. Je crois qu'il y en a deux même, à Beloeil et à Asbestos, d'après le rapport annuel d'Hydro-Qué-bec, où Hydro-Québec a déjà acquis les réseaux d'électricité. Les réseaux de Beloeil et d'Asbestos ont déjà été acquis. Alors, il me semble que les négociations se seraient déroulées beaucoup plus facilement et beaucoup plus équitablement s'il n'y avait pas eu ce projet de loi-ci, et vous allez arriver au même objectif tout en tenant compte des besoins des municipalités et des contribuables de ces municipalités.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Bérubé: Mme la Présidente, on est en train de fendre des poils de grenouille en quatre et là vraiment il va nous falloir un microscope électronique pour faire l'opération. Sur la vingtaine de municipalités, il y en a cinq qui ont des problèmes. Toutes les autres municipalités vendent leur électricité à un prix moindre qu'Hydro-Québec et, par conséquent, la présente loi n'a aucun effet sur elles. Donc, la présente loi n'a aucun effet sur quinze des vingt municipalités à peu près dont nous parlons. Sur les cinq municipalités qui restent, quatre ont accepté de vendre leur réseau à Hydro-Québec. Il nous reste un cas problème et sans doute les longues conversations du député de Mont-Royal et du maire O'Brady sont-elles à l'origine de toute la longue discussion que nous avons présentement. Aussi bien regarder le problème en face.

M. Ciaccia: Je n'ai jamais parlé au maire de

Sherbrooke, qu'il arrête donc de faire de la petite politicaillerie.

M. Bérubé: C'est le seul cas.

M. Ciaccia: On essaie d'avoir des réponses et vous détournez tout en petite politique. Je n'ai pas parlé au maire de Sherbrooke, pour votre information.

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre de l'Energie et des Ressources. (17 h 10)

M. Bérubé: Donc, il y a une quinzaine de municipalités qui, de toute façon, vendaient leur électricité en bas du prix d'Hydro-Québec et qui, par conséquent, si on leur dit: Vous devez la vendre au moins jamais plus cher qu'Hydro-Québec, ceci veut donc dire qu'elles ne seront pas affectées par la loi. Elles vont continuer à la vendre en bas du prix d'Hydro-Québec, tout le monde va être content, tout le monde va être heureux. Tout le monde il est beau, il est gentil, il est content. Cela en fait quinze. Il nous en reste cinq. Sur les cinq, il y en a quatre qui ont accepté de vendre leur réseau à Hydro-Québec. Il nous reste un problème.

Quant à ce problème qui est la ville de Sherbrooke, même en ramenant son tarif d'électricité à celui d'Hydro-Québec, elle continue à faire des profits. Nous ne l'avons donc pas pénalisée, mais nous l'avons tout au plus empêchée d'aller réaliser des profits sur le dos des contribuables des municipalités avoisinantes. C'est certainement une chose qu'on a empêché de faire. Deuxièmement, on l'a certainement empêchée également d'aller percevoir des taxes cachées sur le dos de ses contribuables en faisant en sorte qu'au moins les contribuables de Sherbrooke ne paient pas leur électricité plus cher que les autres citoyens du Québec.

Au total, je ne vois pas où est la discussion. Lorsque le député de Mont-Royal me dit: Ce n'est pas satisfaisant, nous devrions vendre, nous, d'Hydro-Québec, notre électricité encore moins cher à Sherbrooke pour qu'elle fasse encore plus de profits. Parce que c'est cela qu'il nous demande. Donc, cela veut dire que c'est l'ensemble des citoyens du Québec qui seraient obligés de donner une subvention à Sherbrooke sans l'avoir écrite quelque part.

J'ai beau vouloir discuter, j'ai beau vouloir être patient, mais là vraiment j'ai épuisé la ressource de mes arguments; je suis obligé de dire qu'il n'y a pas moyen de s'entendre.

M. Ciaccia: Mme la Présidente. C'est malheureux que le ministre persiste à m'imputer des motifs, à me faire dire des choses que je n'ai pas dites.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je crois que je dois rétablir les faits. Je n'ai pas dit qu'il faut continuer à vendre à

des prix préférentiels. Le ministre n'a pas de réponse à mes questions, alors il plaisante, il fait des farces. Quelle protection pour l'avenir y a-t-il dans ce projet de loi? Je veux bien croire, vous dites: II y a seulement une municipalité qui a un problème. Quelle protection pour l'avenir y a-t-il pour les municipalités qui obtiennent une grille tarifaire qui va leur permettre de continuer de fonctionner de la même façon qu'aujourd'hui?

La suggestion que je vous ai faite de soumettre ces tarifs à une régie donnerait cette protection. Autrement, je crois que cela les place dans une situation précaire et les décisions sont totalement unilatérales, soit de la part d'Hydro-Québec, soit de la part du gouvernement. C'est une suggestion pour bonifier le projet de loi, pour protéger les municipalités dans l'avenir, pas pour leur donner des tarifs privilégiés. Cessez de me faire dire des choses que je n'ai pas dites.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Mme la Présidente, la question qui est posée au ministre, je ne veux pas y répondre, mais je voudrais lui donner un cas concret. La ville de Joliette a également un réseau indépendant d'électricité. Elle fait des profits régulièrement et annuellement, sauf que chaque fois qu'Hydro-Québec augmente sa facturation annuelle, la ville de Joliette dit: Hydro-Québec nous nuit, parce qu'on a une partie de nos profits qui diminue. Autrement, ce serait les contribuables, sous forme de taxation, qui devraient payer, parce que si on prévoit $400 000 de profit avec le réseau indépendant d'électricité, c'est bien évident que si Hydro-Québec augmente sa tarification de 5%, automatiquement cela baisse à $325 000 ou $350 000 de profit au lieu de $400 000. Quant à Hydro-Québec, vous connaissez tous les qualificatifs qu'on peut lui adresser. Mais en soi, le meilleur remède qu'on pourrait apporter, c'est de dire aux municipalités: Profitez donc du moment où votre réseau est rentable pour négocier justement la vente de gré à gré. C'est là que vous aurez de l'argent, vous pourrez baisser le taux de la dette de la municipalité. Si vous attendez que votre réseau soit vétuste, quand vous aurez des millions à mettre sur votre réseau indépendant, vous ferez appel à qui, à ce moment? C'est cela la clairvoyance. Ne demandez pas uniquement au gouvernement d'avoir la clairvoyance pour tous les administrateurs municipaux. Si l'autonomie existe, ils doivent se prévaloir des dispositions qu'on leur offre présentement, la possibilité de le vendre au moment où il est rentable ou bien prendre le risque — c'est leur droit en démocratie — d'être obligés d'investir des millions et des millions au moment où leur réseau deviendra vétuste. Là-dessus, vous demandez au gouvernement de prévoir à toutes fins pratiques pour les municipalités et de se substituer même aux édiles municipaux qui ont à prendre des responsabilités dans un cadre très permissif qui leur est offert présentement.

C'est ce que j'ai dit aux gens de Joliette: Si c'est rentable et si ça en vaut la peine, profitez-en donc pour négocier la meilleure rente possible; comme cela, vous ne vous serez pas placés éventuellement devant des sommes épouvantables à dépenser sur le réseau et obligés, à ce moment-là, de faire payer vos contribuables parce qu'il y a une tarification unique qui s'en vient. Cela, ça se dit à du monde!

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1...

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais poser une question au député de Joliette-Montcalm? Ne trouvez-vous pas que cela éviterait exactement le genre de qualificatif et le genre d'argumentation contre Hydro-Québec si vous donniez à une régie autonome le pouvoir de recommander la tarification pour la municipalité?

M. Chevrette: Je ne pense pas que cela réglerait le problème. Les hypothèses sont là; elles ont le droit de garder le réseau, on ne peut le leur enlever. Elles ont le droit, en toute démocratie et en toute autonomie, de prendre le risque de le conserver ad vitam aeternam ou bien de s'en départir. Si elles attendent que le réseau ne soit plus rentable pour vouloir s'en départir, elles ne pourront pas escompter sur les millions du gouvernement, ça n'aura plus aucune espèce de rentabilité.

On leur a dit il y a un an et demi ou deux ans, à l'Auberge des gouverneurs, aux édiles municipaux — j'étais là — : Vous avez l'occasion de le vendre. On sait très bien que quand on veut procéder à une vente — je pense que je ne l'apprendrai pas au député de Mont-Royal — on n'attend pas que ce soit dans un état délabré pour le vendre parce aue ça ne vaut plus cher. C'est quand ça représente un certain appât, quand tu as des pouvoirs, un rapport de force dans la négociation parce que tu peux démontrer que tu as encore $300 000 ou $400 000 de profits annuellement.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 sera-t-il dopté?

M. Ciaccia: Adopté, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. Article 2, adopté?

M. Bérubé: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. Ciaccia: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3, adopté?

M. Ciaccia: L'article 3 se réfère aux coopératives. Vous ajoutez une autre restriction aux

coopératives quant à la façon, quant au taux qu'elles peuvent exiger.

M. Bérubé: C'est cela.

M. Ciaccia: Vous ajoutez les restrictions des tarifs d'Hydro-Québec aux coopératives.

M. Bérubé: Effectivement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, avez-vous à intervenir là-dessus?

M. Bérubé: Je n'ai pas bien compris l'intervention du député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: L'article 3 modifie l'article 46.1 de la Loi pour favoriser l'électrification rurale par l'entremise de coopératives d'électricité. Vous ajoutez une restriction à cette loi soit que les tarifs des coopératives ne peuvent pas excéder les tarifs qu'Hydro-Québec exige de ses usagers.

M. Bérubé: C'est bien cela, on ne peut rien vous cacher.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 3 est-il adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 4, adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! (17 h 20)

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi no 87, Loi modifiant la Loi sur la municipalisation de l'électricité et la loi de l'électrification rurale et l'a adopté sans amendement.

Le Vice-Président: Est-ce que le rapport sera adopté?

M. Bérubé: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. Troisième lecture, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Chevrette: Séance subséquente.

Le Vice-Président: Séance subséquente.

M. Chevrette: II ne donne pas son consentement à la troisième lecture?

M. Ciaccia: Troisième lecture. M. Chevrette: Aussi bien la faire.

Troisième lecture

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement à la troisième lecture?

M. Ciaccia: Consentement.

M. Bérubé: Je l'appelle, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, consentement. M. le ministre... Est-ce que la troisième lecture sera adoptée?

M. Bérubé: Elle va être adoptée, M. le Président.

Le Vice-Président: Adopté. Troisième lecture adoptée.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Chevrette: Je vais appeler l'autre projet. Voulez-vous me donner le numéro de la loi. M. le Président?

Projet de loi no 86

Troisième lecture

Le Vice-Président: J'appelle donc la troisième lecture du projet de loi no 86. Je présume que c'est cela, M. le whip en chef du gouvernement?

M. Chevrette: C'est exactement cela.

Le Vice-Président: Loi sur le fonds forestier. M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Laquelle? M. Chevrette: C'est 86.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de troisième lecture sera adoptée?

M. Bérubé: Oui, M. le Président, je pense que la motion de troisième lecture va être adoptée.

M. Ciaccia: Adopté.

M. Chevrette: Je demande l'ajournement des travaux à demain.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. Ciaccia: Unanime.

Le Vice-Président: La Chambre ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

Fin de la séance à 17 h 22

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