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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Wednesday, June 4, 1980 - Vol. 21 N° 107

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport annuel du ministère des Affaires intergouvernementales

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel du ministère des Affaires intergouvernementales pour l'année 1978-1979.

Rapport des activités de la bibliothèque

de l'Assemblée nationale et rapport

du Vérificateur général, 1978-1979

Le Président: Merci. Rapport déposé. J'ai maintenant l'honneur de déposer le rapport des activités de la bibliothèque de l'Assemblée nationale pour l'année 1979, ainsi que le rapport annuel du Vérificateur général pour l'année 1978-1979.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Elections partielles

M. Ryan: M. le Président, il y a maintenant quatre vacances à l'Assemblée nationale. Le député de Johnson a démissionné de son siège en décembre dernier. Il y eut ensuite, au début de janvier, la démission du député de Mégantic-Compton et la démission du député de Brome-Missisquoi. Nous avons reçu, hier, la démission du député d'Outremont. Le premier ministre, à plusieurs reprises, a été interrogé sur les intentions du gouvernement à ce sujet. Il avait déclaré notamment, dans un communiqué de presse émis par son bureau le 14 février, que la date des élections partielles serait annoncée une fois que la date du référendum aurait été fixée, ce qui nous avait tous induits à comprendre que nous serions informés de la date des élections complémentaires dès que la date de la tenue du référendum aurait été fixée. Evidemment, tous les événements reliés au référendum se sont déroulés sans que nous entendions parler du premier ministre à ce sujet.

Ensuite, le 3 mars, interrogé par mon collègue, le député de Bonaventure, en cette Chambre, le premier ministre répondait: Je l'ai dit et je le répète, "ces élections partielles auront lieu le plus vite possible aussitôt après le référendum."

Récemment, le premier ministre a été interrogé encore à ce sujet et je pense que sa déclaration la plus récente est à peu près celle-ci, qu'il donnait dans une conférence de presse tenue la semaine dernière: Je puis m'engager à ce qu'au plus tard — et cela très fermement — avant une prochaine session du Parlement, ces comtés seront représentés à l'Assemblée nationale.

Evidemment, de fois en fois, on recule et les délais s'allongent. Je voudrais qu'on sache clairement, ce matin, de la part du premier ministre, les intentions du gouvernement à ce sujet. Est-ce que le gouvernement entend convoquer ces élections complémentaires, conformément à la promesse qui avait été faite, aussitôt après le référendum? Je rappelle au premier ministre que le référendum a déjà eu lieu il y a dix jours.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): II y a une chose que je dois dire au chef de l'Opposition et je pense que la plupart de nos concitoyens seront d'accord, c'est que, premièrement, il serait impossible, de toute façon, puisqu'on doit proroger la session du Parlement le 20 ou le 21 juin ou il aurait été impossible, même si j'avais voulu déclencher des élections partielles tout de suite après le référendum, que ces comtés, y compris, bien entendu, celui d'Outremont, qui est vacant depuis hier, puissent être représentés pendant cette session. Il est peut-être opportun aussi de rappeler que, au moment où a été fixée la date du référendum — là, je ne remonte pas à toutes les autres déclarations — on sortait littéralement de deux élections fédérales générales qui ont impliqué les Québécois comme les autres Canadiens à l'intérieur de douze mois et qu'on vient d'ajouter les 35 jours officiels d'un référendum. Alors, il nous paraît ou il me paraît, quant à moi, tout à fait absurde de penser qu'on pourrait faire des élections dans ces quatre comtés avant le plein coeur de l'été. Je pense que les citoyens nous considéreraient un peu comme des gens qui sont tombés sur la tête.

Ce dont j'ai parlé il y a quelques jours et ce à quoi je peux m'engager très simplement c'est ceci, c'est ce que j'ai dit, c'est qu'avant toute nouvelle

session du Parlement, alors qu'il serait opportun et même plus qu'opportun, mais démocratiquement indiqué que ces quatre comtés soient représentés, ils seront représentés. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: D'abord, je voudrais rappeler au premier ministre que le rôle d'un député ne consiste pas seulement à venir siéger à l'Assemblée nationale, qu'il doit consacrer encore beaucoup plus de temps à s'occuper des problèmes de son comté, sur les lieux. Par conséquent, le critère majeur pour déterminer la date d'élections complémentaires ne devrait pas être le moment où la Chambre siège. Si un député était élu, par exemple, au cours de l'été, c'est évident qu'il peut s'occuper de beaucoup de choses avant que l'Assemblée nationale reprenne ses travaux. Par conséquent, ça fait plusieurs fois que j'entends cet argument et je tiens à souligner la partie qui vient le compléter.

Maintenant, le premier ministre est sans doute au courant des problèmes très difficiles que cela pose au point de vue de l'organisation des partis et au point de vue humain également. Il y a des personnes qui se demandent si elles vont se porter candidates; elles ont des occupations professionnelles qu'elles devront ajuster en conséquence. Là, elles sont suspendues dans l'incertitude la plus totale et, dans le cas de Johnson, si je comprends ce que vous avez dit, il n'y aura pas d'élection complémentaire à tout le moins avant la fin de l'été. Cela veut dire que ce comté aura été sans représentation pendant dix mois alors qu'on se gaussait du grand principe de six mois, il y a à peine quelques mois, quand on discutait de la réforme de la Loi électorale. (10 h 20)

Cela pose un autre problème, celui de la carte électorale. Je ne sais pas si le premier ministre peut nous donner des assurances fermes que ces élections auront lieu, disons, avant la fin de l'été, avant la fin du mois d'août, avant la fin de septembre pour qu'on sache, nous autres, ce que nous devrons faire dans les comtés afin d'assurer que les choses se feront de la manière la plus active, la plus dynamique possible. Là, on reste dans l'incertitude et on a de l'à-peu-près comme on en a eu depuis six mois.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois faire remarquer au chef de l'Opposition que même si on arrivait à la fin de l'été, ce ne serait pas dix mois, même pour le comté de Johnson le plus anciennement vacant, mais ce serait à peu près huit ou neuf mois. Je trouve, en effet, que c'est long. Deuxièmement, pour ce qui est de la carte électorale et pour ce qui est des préparations, cela affecte tout le monde. La nouvelle carte électorale affecte tout le monde. Je pense que tous les partis qui veulent sérieusement travailler en fonction des prochaines élections, à quelque moment que ce soit, y compris les partielles, doivent commencer à s'ajuster à ces nouveaux comtés, 122, ce qui affecte à peu près tous les comtés ou, enfin, une très grande partie des comtés du Québec. Pour ce qui est de donner des précisions absolues au chef de l'Opposition, je regrette, mais je ne pourrai pas lui en donner plus que ce que je lui ai donné tout à l'heure, c'est-à-dire que, très nettement, ce ne sera pas avant la fin de l'été et, deuxièmement, que cela va être avant l'ouverture d'une autre session. Je sais bien que ce n'est pas le seul facteur. Un député a son utilité, Dieu sait, et souvent jour après jour en dehors du Parlement, mais le critère qu'on s'est fixé et qui me permet de dire qu'au moins il y aura cette équité parlementaire vis-à-vis des quatre comtés, c'est qu'avant qu'une autre session soit ouverte il y aura des députés dans ces comtés.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Une question additionnelle très brève. Quand le premier ministre dit: II n'y aura pas d'élections complémentaires avant la fin de l'été, est-ce qu'il veut dire mathématiquement qu'il n'y aura pas d'élections complémentaires avant le 21 septembre?

M. Lévesque (Taillon): Pas nécessairement. Je dis simplement avant la fin de l'été d'une façon générale.

M. Ryan: Vous aimez les choses générales.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question additionnelle.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Simplement une précision. Est-ce que le premier ministre peut nous dire si les élections partielles se tiendront en vertu de la carte électorale actuelle ou de la future carte électorale?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Sauf erreur, cela va être la nouvelle, parce qu'elle est en vigueur.

Le Président: A l'ordre!

M. Lévesque (Taillon): Juste un instant, avant que le député parte sur le sentier de la guerre. Je vais demander — si le député de Bonaventure n'a pas d'objection — peut-être qu'ensuite il pourra réagir — au ministre d'Etat de la Réforme électorale de préciser un peu l'état dans lequel on se trouve vis-à-vis de ces élections partielles et de la nouvelle carte.

Le Président: M. le ministre d'Etat à la Réforme électorale.

M. Bédard: Pour être sûr de donner la bonne réponse, je préférerais prendre avis. Je donnerai demain toutes les réponses nécessaires.

M. Lavoie: La loi 9, s'il vous plaît, ou la loi 10.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, quant à nous, il est clair que les élections partielles, si elles devaient avoir lieu avant une élection générale, devront nécessairement et légalement être tenues à partir des anciens comtés. Mais ce qui m'intéresse... On sait que, si des élections générales devaient être déclenchées avant la date prévue pour le recensement annuel, c'est-à-dire le début d'octobre, ce serait l'ancienne carte électorale qui serait utilisée pour la tenue des élections générales. Je voudrais savoir du premier ministre si, ce matin, il est prêt à nous donner l'assurance que ce sera effectivement la nouvelle carte électorale qui sera utilisée et, donc, qu'il n'est pas question d'élections générales avant octobre, c'est-à-dire avant la date prévue pour le recensement annuel.

Une Voix: Le 4 octobre.

Le Président: M. le député de...

M. Lévesque (Taillon): Tenant compte de précisions que je commence à me rappeler, je ne peux pas donner cette assurance, parce que je suis obligé d'enchaîner sur ce qu'a dit le chef de l'Opposition. Le chef de l'Opposition vient de se lamenter à deux reprises sur le fait que, dans le cas de Johnson, par exemple, même à la fin de l'été, cela ferait huit ou neuf mois. Il n'est pas impossible qu'il y ait des élections, comme je l'ai dit, autour de la fin de l'été et si, à ce moment, cela implique que ce soit sur la base des anciens comtés, tant pis. Cela voudra dire qu'au moment des élections générales, forcément, il y aura des rajustements à faire.

M. Gratton: M. le Président, on n'a pas compris ma question.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Ou, si on l'a compris, on ne veut pas y répondre.

Voici ce que je veux savoir du premier ministre: Est-ce que, aujourd'hui, il peut nous dire que les élections générales n'auront effectivement lieu qu'après la date prévue pour le recensement annuel, c'est-à-dire le 4 octobre, et, donc, à partir de la nouvelle carte, ou s'il y a encore possibilité que cette élection générale soit tenue avant le 4 octobre et, donc, à partir de l'ancienne carte?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je croyais que je venais de répondre au député; je vais répondre de nouveau. Oui, il y a possibilité que ce soit avant la nouvelle carte et le mois d'octobre, et que ce soit autour de la fin de l'été, comme l'a demandé tout à l'heure le chef de l'Opposition.

M. Gratton: Les élections générales, pas les partielles.

M. Lévesque (Taillon): Les élections générales, c'est sûr, ne pourront avoir lieu soit en 1980, soit en 1981, comme je l'ai dit à maintes reprises — sinon, ce serait vraiment caricatural — qu'après que la carte, la nouvelle Loi électorale et le recensement auront été mis en place.

M. Gratton: Est-ce que le premier ministre en fait un engagement?

M. Lévesque (Taillon): Oui.

Le Président: Le député de Saint-Laurent.

M. Gratton: J'ai de la misère à le savoirl

Identité des personnes qui ont causé des dommages aux panneaux de Pro-Canada

M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Vers le 10 mars dernier, le premier ministre a fait la déclaration remarquable et remarquée suivante: "Cela nous donne envie de prendre un fusil et de tirer dessus". Il se référait bien sûr — M. le Président, rassurez-vous — non pas à ses adversaires durant la campagne référendaire, mais aux panneaux publicitaires de Pro-Canada. Dans les 15 jours qui ont suivi, les voeux du premier ministre ont été exaucés et même avec un certain enthousiasme du côté de l'efficacité quand un premier panneau a explosé le 28 mars et un deuxième le 30 mars.

Dans les 15 jours qui ont suivi ces événements...

Une Voix: Vous les connaissez mieux que nous autres!

M. Forget: ... il y a eu un certain nombre d'arrestations. J'aimerais savoir du ministre de la Justice, alors qu'il s'agissait d'un crime de nature publique et non pas d'un larcin privé ou d'un fait impliquant des personnes de droit privé, en quelque sorte, comment se fait-il qu'on ait pris soin de dissimuler l'identité des personnes qui faisaient l'objet de soupçons au point d'être arrêtées ce jour-là?

J'aimerais, en supplément, que le ministre de la Justice nous indique non seulement l'identité des personnes qui ont été prévenues à cette occasion-là, mais également savoir si le ministère de la Justice, ou la Sûreté du Québec, ou les forces policières en général avaient raison de connaître déjà ces personnes-là.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je passerai pardessus les insinuations malveillantes de l'introduction de mon collègue...

Des Voix: Habituelles!

M. Bédard: Oui, les insinuations malveillantes habituelles... pour répondre à la question très simplement. Ce serait sûrement une nouvelle méthode d'administrer la justice pour un ministre de la Justice de faire connaître d'avance les personnes sur qui portent des soupçons avant que des accusations ne soient portées. Des personnes peuvent être détenues pour interrogatoire; entre être détenues pour interrogatoire et être soupçonnées et que des accusations soient portées, c'est tout une différence. Alors, l'enquête concernant ces dossiers est faite concernant les panneaux-réclame et menée conjointement par la GRC, le service de police de la Communauté urbaine de Montréal et la Sûreté du Québec, les trois corps policiers. Une fois cette enquête terminée, à partir du moment où des accusations seront nécessaires, si les enquêtes mènent à porter des accusations, ces accusations seront portées, normalement.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre nous informe indirectement que, même si ces personnes ont été arrêtées et même si, ordinairement, le nom des personnes arrêtées dans des circonstances comme celles-là est considéré comme un secret d'Etat — et c'est considéré comme un secret d'Etat dans ce cas-ci — aucune accusation n'a encore été portée et que ces personnes ne sont plus détenues; elles ont été libérées immédiatement.

J'aimerais, face à ces informations, que le ministre de la Justice nous indique si oui ou non les personnes impliquées étaient connues déjà des autorités judiciaires.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je m'étonne de la question et surtout de la manière dont le député semble croire que s'administre la justice. Il y a, à l'heure actuelle, une enquête qui est menée par trois corps de police, la GRC, le service de police de la Communauté urbaine de Montréal et la Sûreté du Québec. Ces enquêtes ne sont pas terminées, de telle façon que des accusations, à ma connaissance, ne sont pas encore portées. Dès que les enquêtes seront terminées, comme cela se fait normalement, et que les preuves seront suffisantes pour que des accusations soient portées, ces accusations le seront. (10 h 30)

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, le ministre refuse de répondre à ma question à l'effet qu'il s'agit effectivement de personnes connues des autorités judiciaires et même, dans le cas de deux d'entre elles, de personnes qui ont déjà purgé des peines pour participation à des activités terroristes.

Comment le ministre explique-t-il que, dans de telles circonstances, ces personnes aient été libérées, étant donné qu'il s'agit de personnes évidemment dangereuses puisqu'elles ont un passé qui en fait foi? Comment se fait-il que ces gens-là ont été libérés et qu'après six semaines le ministre de la Justice considère qu'il n'est pas d'intérêt public d'informer la Chambre de leur identité et des actions qui sont entreprises par son ministère?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, s'il fallait administrer la justice comme le propose le député, j'ai l'impression que c'en serait fini des libertés du Québec et également de la protection des droits et libertés individuels dont se gargarisent continuellement mon collègue de l'Opposition et le chef de l'Opposition. Ce n'est pas parce que des personnes ont des dossiers judiciaires — et je le dis d'une façon générale sans même faire allusion à un dossier en particulier — que, sur des accusations précises, on doive les condamner d'avance par rapport à des actes ou des gestes qui ont pu être posés. L'administration de la justice se fait à partir d'enquêtes qui sont menées par les corps de police et c'est ce que font à l'heure actuelle les trois corps de police que j'ai mentionnés tout à l'heure. Quand cette enquête sera terminée, les recommandations seront faites normalement aux procureurs de la couronne concernés qui évalueront les dossiers et qui verront s'il y a lieu de porter des accusations à partir des preuves accumulées. C'est un travail qui se fait strictement au niveau policier et aucune intervention de l'administration ou du ministre de la Justice ne se fait dans des enquêtes de cette nature. Quand les enquêtes seront terminées, ce qui se fait normalement, c'est que les policiers présentent un rapport aux procureurs de la couronne du district judiciaire concerné. Ces derniers évaluent la preuve et à ce moment-là prennent la décision de porter des plaintes ou pas.

M. Forget: Une dernière question, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre nie-t-il ou affirme-t-il que les personnes impliquées ont effectivement des dossiers judiciaires relativement à leur participation antérieure à des activités de caractère terroriste?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je n'ai pas nié cela et je n'ai pas à le nier ou à le confirmer. Ce n'est pas comme cela que se fait l'administration de la justice. Que des personnes aient des dossiers judiciaires, qu'elles aient été condamnées aupara-

vant ou pas, une enquête se fait à partir de gestes très précis posés, ceux auxquels fait allusion le député qui me pose la question. Cette enquête est indépendante des dossiers que peuvent avoir des individus. Elle se fait sur la base et strictement... Sinon, l'administration de la justice serait impossible. Cela se ferait à coups de soupçons et on pourrait se permettre, parce que quelqu'un a déjà été condamné ou à un dossier, de le condamner d'avance pour d'autres actes. Je pense bien que ce n'est pas là où veut en arriver le député.

Une Voix: C'est cela.

M. Bédard: M. le Président...

M. Forget: Question de privilège! Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Au lieu de répondre à mes questions, le ministre de la Justice m'impute des motifs.

M. Bédard: Vous le faites régulièrement.

M. Forget: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît!

Une Voix: Un peu de respect, soyez gentils.

M. Forget: J'ai posé au ministre de la Justice des questions de fait portant sur des matières d'intérêt public. Qu'il consulte son règlement et il verra qu'il est tout à fait dans l'ordre de demander au ministre de la Justice si oui ou non des personnes ont été arrêtées relativement à un méfait de caractère public et si les personnes impliquées, dont l'identité devrait être publique de toute façon, sont oui ou non des gens qui ont été impliqués dans d'autres causes sur lesquelles des tribunaux se sont déjà prononcés. Il n'y a rien de secret dans les matières qui ont fait l'objet de mes questions, M. le Président, et c'est injuste de m'imputer des motifs. Il s'agit là de faits publics.

M. Bédard: Si c'est injuste d'imputer des motifs, je me demande comment le député de Saint-Laurent explique son habitude d'en imputer constamment à tout le monde, à tort et à travers.

M. Forget: S'il se sent...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Union Nationale.

Une Voix: Respectez donc les parlementaires.

Pourquoi l'attitude attentiste du gouvernement face à la réforme constitutionnelle?

M. Le Moignan: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. Le premier ministre a mentionné hier, en réponse à nos questions, qu'il appartient à M. Trudeau d'indiquer les paramètres de la discussion et que la réaction de son gouvernement viendrait par la suite. M. le Président, je pense que le premier ministre n'a pas compris le sens véritable du référendum. Les Québécois majoritairement ont rejeté le mandat de négocier la souveraineté-association; mais jamais, par exemple, ni les 60% qui ont opté pour le non, ni les 40% qui ont voté pour le oui, n'ont indiqué à leur gouvernement d'adopter l'attitude attentiste qu'il pratique actuellement et qu'il semble vouloir même bouder les résultats du référendum. Après la stratégie de l'étapisme, nous venons de voir naître une nouvelle stratégie: l'attentisme. Avec cela, le gouvernement innove dans la continuité historique. Pour la première fois de notre histoire, notre gouvernement, le gouvernement de tous les Québécois et depuis toujours, comme je l'indiquais hier, le leader dans toutes les conférences fédérales-provinciales, le leader dans le processus de la réforme constitutionnelle, est en train de nous dire: Attendons et nous réagirons par la suite. Ce qui m'étonne là-dedans, c'est qu'un gouvernement qui se dit nationaliste, qui proclame bien haut la fierté et la dignité du peuple québécois, ne semble pas, pour une première fois, vouloir se tenir debout dans tout ce processus de la réforme constitutionnelle. Alors, dans un premier temps, M. le Président, ce n'est pas cela que les Québécois demandent à leur gouvernement.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: J'ai ma première question, M. le Président.

Le Président: Puis-je vous demander de formuler votre question?

M. Le Moignan: Le gouvernement n'est-il pas en train d'abdiquer le principe même de ses responsabilités comme porte-parole du Québec, foyer principal de la nation canadienne-française?

Une Voix: Ah! Il y en a une nation. Des Voix: Ah!

M. Le Moignan: A mon avis, un gouvernement... Cela remonte bien loin... relisez Daniel Johnson. Il a parlé de la nation canadienne, de la nation au sens sociologique du mot.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Union Nationale, puis-je vous demander de formuler votre question?

M. Le Moignan: Je reviens donc pour demander si le gouvernement n'est pas en train d'abdiquer ses responsabilités à un moment aussi important de notre histoire.

Voici ma deuxième question: Pourquoi est-il nécessaire d'attendre après le 9 juin pour connaître le contenu des propositions du gouvernement du Québec dans le processus engagé?

Les Québécois ont le droit, il me semble, de savoir, avant le 9 juin, l'essentiel de la plate-forme constitutionnelle qu'entend proposer le gouvernement du Parti québécois. N'est-il pas dans l'existence même de ce gouvernement de faire preuve de leadership encore une fois, et de ne pas être à la remorque des propositions que nous fera le gouvernement fédéral?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ça me donne l'occasion, pour la deuxième fois en deux jours — hier, c'était le député d'Argenteuil; aujourd'hui, c'est le député de Gaspé — de résister à la tentation de commencer en disant: Je remercie le conférencier.

Franchement, c'est la même chose qui revient sans arrêt; pour ce qui est d'abdiquer, ça, c'est un mot dangereux de la part du député de Gaspé et de certains de nos amis d'en face. Le sens du référendum, quant à moi, il est très simple. La population nous a refusé, majoritairement, le mandat que nous demandions par la question référendaire. Nous demeurons donc avec le mandat que nous avionsdepuis 1976, c'est-à-dire, fondamentalement, celui que tous les gouvernements provinciaux du Québec, ont eu, je dirais, depuis toujours, c'est-à-dire de défendre tout l'acquis qui peut s'appeler l'autonomie existante du Québec et de promouvoir, autant que possible, son extension dans quelque contexte que ce soit de fédéralisme à renouveler, de fédéralisme à amender, à maquiller ou peu importe. (10 h 40)

Sur ce point, qui est de défendre et de promouvoir l'autonomie du Québec, je veux résister à toute provocation. Mais je dois dire que si on veut parler d'abdication, il y a moins de chances, y compris avec l'option qu'on défend depuis des années, que le gouvernement actuel et ce qu'il représente aille à quelque abdication que ce soit des intérêts du Québec que ceux qui nous font face ici. Je pense que les faits sont assez connus pour qu'il n'y ait pas beaucoup de discussion dans la population, en tout cas.

Pour ce qui est d'attendre, je l'ai dit hier et je le répète. Quand le premier ministre fédéral du Canada vient intervenir au point de littéralement tasser dans le coin avec sa machine et, ensuite, lui-même, ceux qui, officiellement, sont censés être le camp du non au référendum et que, profitant de la dernière occasion qui se présente, au moment de la campagne, il dit littéralement; Non seulement je mets mon siège, mais nous mettons nos sièges en jeu, nous, les représentants du Québec à Ottawa, pour obtenir aux Québécois— c'est aux Québécois qu'il parlait — le renouvellement du fédéralisme dans un sens qui serait positif pour le Québec, ou alors on n'a rien compris, mais il nous semble normal de commencer par écouter ce qu'il aura à di re, et ça, ça commencera le 9 juin. On n'a eu aucune indication concrète sur quoi que ce soit. Jusqu'ici, il y a eu des indications quelque peu inquiétantes, mais qui n'étaient pas concrètement reliées aux pourparlers qui doivent s'engager.

A partir de là, le Québec aura un rôle non pas passif, mais actif, aussitôt que l'on pourra voir quels sont les paramètres dans lesquels M. Trudeau prétend travailler.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Je remercie à mon tour le conférencier, M. le Président. Mais le premier ministre a déclaré, il n'y a pas tellement longtemps: Soyez sans crainte, on va tout vous dire sur les négociations. On lui demande quelles positions il veut défendre et il ne semble pas, à ce moment-ci, en avoir.

Il a déclaré hier qu'il y a des dossiers constitutionnels qui sont prêts et que d'autres sont en préparation. Peut-être qu'il pourrait nous dire à ce moment-ci quels sont ceux qui sont prêts et quels sont ceux qui sont en préparation. J'imagine que ce sont des dossiers que vous allez présenter à Ottawa au cours des prochains jours.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais me contenter de répéter ce que j'ai dit hier. Tout ce qui de près ou de loin affectera, à l'intérieur des pourparlers qui vont s'engager, les intérêts du Québec et la façon dont cela va se dérouler et le contenu de ces pourparlers, nous nous sommes engagés — et c'est un engagement qu'on va tenir — à le rendre public, de façon que non seulement l'Assemblée nationale, mais les citoyens ne soient pas en danger de se faire passer des sapins ou que tout soit noyé dans le provincialisme, le régionalisme, etc. Il s'agit pour nous d'aller défendre et promouvoir les intérêts du Québec et d'être bien sûr que tous les citoyens, sans exception, puissent être au courant et puissent suivre ce qui se passe.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: M. le Président, aujourd'hui même, le premier ministre du Canada rencontre les chefs des divers partis de l'Opposition à la Chambre des communes. Est-ce que le premier ministre, avant de se rendre à Ottawa, a l'intention aussi de rencontrer les membres des différents partis de l'Opposition et d'avoir une petite discussion, de les renseigner un peu ou de demander leurs avis pour l'aider dans le voyage qu'il doit entreprendre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je ne crois pas. sauf le débat que le chef de l'Opposition nous a proposé hier et qui, finalement, va se tenir à l'intérieur des heures qui sont réservées encore au débat sur le discours du budget, que le temps nous permette — je le dis à regret, évidemment — d'obtenir des lumières préliminaires de nos collègues des Oppositions. Une chose est certaine, c'est que dès après le 9 juin commencera à se dérouler la suite

des pourparlers et dès après le 9 juin cela prendra la forme d'un rapport aussi circonstancié que possible de ce qui s'est passé à l'opinion publique comme aux parlementaires.

M. Le Moignan: Dernière question additionnelle.

Le Président: Dernière question, M. le chef de l'Union Nationale.

M. Le Moignan: Je crois que, la veille de la rencontre du 9 juin, il y a une rencontre prévue entre les divers premiers ministres de toutes les provinces. Je ne sais pas si tous ont accepté. Le Québec, doit-il être présent à ce moment-là et est-ce que le Québec a envisagé de discuter de choses qui sont communes entre les provinces avant d'aborder le gouvernement central?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai reçu cette suggestion de M. Peckford, parce que c'est venu de M. Peckford de Terre-Neuve, vers la fin de la semaine dernière. Déjà, il y a une couple de provinces qui ont dit qu'elles ne pourraient pas assister; je pense que c'est la Nouvelle-Ecosse et l'Ontario. Pour ce qui est de notre cas — je ne peux pas parler pour les autres — j'ai répondu à M. Peckford que, s'il y avait confirmation, on serait présent, c'est-à-dire le 8 juin au soir, probablement à Ottawa. Maintenant j'attends qu'il y ait confirmation; l'initiative venait de lui.

Le Président: M. le député de Gouin.

Administration de la Caisse de dépôt et placement

M. Tremblay: M. le Président, j'aimerais poser une question au premier ministre concernant la Caisse de dépôt et placement. La caisse est la plus grosse institution financière au Québec à plus d'un titre par sa grosseur et par l'importance, évidemment, qu'elle occupe pour les rentes des citoyens. Or, depuis quelques mois, il y a eu des événements troublants qui se sont passés. Il y en a au moins trois que je souligne en passant. Le premier a trait à la démission quasi secrète du président, Marcel Cazavan, lequel a été remplacé par un sous-ministre des Finances et dont nous apprenions la nomination récemment, au même salaire qu'il recevait lorsqu'il était directeur général, comme conseiller spécial pendant cinq ans et non pas pendant la période de trois ans qui lui restait à courir dans son mandat, au montant de $72 000.

D'autre part, dans le budget, nous avons appris que la caisse avait été sollicitée pour acheter la moitié des dettes du gouvernement, découlant du déficit de $2 300 000 000 pour l'année en cours. Troisièmement, au début de mai, il y a eu la démission de l'économiste Eric Kierans du conseil d'administration de la caisse, prétextant une ingérence indue, contrairement à l'esprit de la loi, dans le fonctionnement de la Caisse de dépôt et placement.

Ces choses sont importantes et, à mon avis, troublantes, compte tenu de l'importance de l'institution. Je demande au premier ministre quand et comment il entend faire la lumière et répondre aux questions concernant l'autonomie administrative de la Caisse de dépôt et placement.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que l'essentiel de la question est surtout ce qui concerne le fond. Je vais demander au ministre des Finances — et je crois que le député de Gouin comprendra — de donner des réponses préliminaires — il n'est pas question de cacher quoi que ce soit — qui sont les plus factuelles possible.

Pour ce qui est de la démission d'Eric Kierans pendant la campagne référendaire, plusieurs semaines après les décisions qui prétendaient motiver sa démission, j'aime autant ne pas ajouter plus de commentaires que ceux que j'ai eu l'occasion de faire à ce moment-là. Cela demeure quelque chose qui, à mon humble avis, est quelque peu inqualifiable.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais répondre aux questions posées par le député de Gouin en choisissant mes mots cependant, plutôt que lui ne l'a fait, parce qu'on met en cause ici des tiers et des personnes et que, comme on le sait, un quotidien de Montréal, par la voie d'un de ses éditorialistes, a eu un certain nombre de commentaires à la limite de la bienséance à ce sujet.

Des Voix: Ils ne savent pas ce que c'est de l'autre côté, ils ne connaissent pas cela.

M. Parizeau: Cela existe, M. le Président. J'entends des commentaires de l'autre côté de la salle. La bienséance existe et les bonnes manières aussi.

M. le député de Gouin disait, comme d'autres l'ont dit d'ailleurs depuis quelque temps: Le nouveau président-directeur de la Caisse de dépôt a été sous-ministre adjoint au ministère des Finances. Si on veut y voir là une sorte d'ingérence du ministère des Finances dans le fonctionnement de la Caisse de dépôt, puis-je rappeler que M. Cazavan n'a pas été sous-ministre adjoint au ministère des Finances? Il en a été sous-ministre en titre. Donc, s'il y a ingérence du ministère des Finances par la nomination de ses hauts fonctionnaires à la direction de la Caisse de dépôt, c'est une ingérence qui dure depuis fort longtemps.

Deuxièmement, on me dit: M. Cazavan a été nommé conseiller spécial au salaire qu'il avait. En effet, M. le Président. M. Cazavan a consacré le plus clair des vingt dernières années au service public; il a joué au ministère des Finances ici et à la Caisse de dépôt un rôle de premier ordre. Une

des raisons pour lesquelles l'Etat peut obtenir à la fois la loyauté, la persistance et l'intégrité de ses hauts fonctionnaires, une de ces raisons-là, c'est qu'on ne tripote pas avec les droits à la pension à quelques années de la retraite de ces fonctionnaires.

M. Cazavan est effectivement à quelques années de sa retraite. J'avais plusieurs possibilités; je pouvais, par exemple, le nommer conseiller spécial au ministère des Finances, à ce salaire-là; j'aurais pu le laisser — et c'est ce que j'ai décidé de faire, finalement — à la Caisse de dépôt et placement où il peut rendre des services appréciables; ou il y a une autre chose que j'aurais pu faire, c'est d'augmenter son salaire au niveau de ce que ça valait. Je rappelle que plusieurs de ces hauts fonctionnaires ont des salaires qui, pour ce niveau de responsabilités, sont très en dessous de ce que le secteur privé paie.

Qu'on me trouve, par exemple, un administrateur d'un fonds de $10 000 000 000 qui ait en même temps le plus gros portefeuille d'actions au Canada et qu'on paie $72 000; qu'on m'en trouve un! En fait, ce que nous faisons dans beaucoup de ces sociétés d'Etat, c'est à des salaires très inférieurs à ceux du secteur privé, encore une fois, pour ce niveau de responsabilités de nommer des gens qui sont dans le service public pendant très longtemps. On ne joue pas avec les droits à la pension au cours de leurs dernières années. Je vous rappelle que, dans le secteur public, le niveau de la pension est déterminé par les cinq meilleures années, ce qui veut dire, à l'heure actuelle, dans le climat d'inflation que nous connaissons, les cinq dernières. J'aurais trouvé déshonorant de réduire le salaire de M. Cazavan pour ces dernières années avant sa retraite.

Il reste maintenant le dernier aspect de la question du député de Gouin, c'est-à-dire celui en vertu duquel — et il a eu l'occasion de le souligner à quelques reprises — effectivement, la Caisse de dépôt et placement finance le gouvernement du Québec jusqu'à concurrence d'à peu près la moitié des sommes dont elle dispose pour des placements à long terme et cela, bon an mal an; c'est toujours à peu près la même proportion, parfois un peu en hausse, parfois un peu en baisse.

Puis-je rappeler que le Québec est la seule province au Canada où le Régime de rentes n'est pas totalement versé au gouvernement des provinces? C'est la seule province au Canada. Partout, dans toutes les autres provinces, tout ce qui est ramassé par la Régie des rentes est prêté aux gouvernements provinciaux à un taux d'intérêt qui est le taux d'intérêt de la dette fédérale à long terme plus 1/4%. Le Québec est la seule province où cet argent est envoyé dans une caisse de dépôt et où une partie seulement sert à financer le gouvernement, le reste allant aux hôpitaux, en prêts aux hôpitaux, aux universités, aux municipalités, en prêts aux entreprises, en achat d'actions d'entreprises, en prêts hypothécaires.

Dans la plupart des autres provinces, on a considéré que ce qui avait été fait au Québec, c'est-à-dire créer une caisse de dépôt polyvalente qui, non seulement finance le gouvernement, mais finance aussi les autres corps publics et l'économie privée, était une trouvaille, quelque chose qu'il fallait maintenir, quelque chose d'extrêmement original et d'extrêmement utile pour l'économie. Que maintenant on vienne s'étonner qu'une partie des fonds de la caisse finance effectivement les déficits du gouvernement de Québec, eh bien, c'était pour ça que la caisse a été faite, c'est sa grande originalité. Dans toutes les autres provinces, ça ne serait pas une partie, ça serait la totalité.

Le Président: M. le député de Gouin.

M. Tremblay: La longueur de la réponse du ministre des Finances indique que c'est une question importante et complexe et je n'ai pas l'intention de lancer un débat en quelques minutes à la période des questions; je souhaiterais qu'il y ait un débat sur la Caisse de dépôt et placement; c'est l'institution la plus importante que nous ayons au Québec. Ma question portait surtout sur l'autonomie administrative de la Caisse de dépôt et placement et, comme c'est une société publique et non pas une société secrète, je demanderais au premier ministre s'il serait opposé à ce que la nouvelle direction, de même que l'ancienne direction, viennent témoigner devant la commission des finances et des comptes publics, devant les députés, pour que la population puisse apprendre de la bouche de ses administrateurs s'il conçoivent leur rôle tel que le prévoit la loi ou s'il y a eu des changements dans les relations, tel que la population est en droit de le croire, à la suite des démissions qui se sont succédé depuis quelques mois, entre le gouvernement et la Caisse de dépôt. La population peut croire, à partir de ces démissions, que la Caisse de dépôt et placement a été mise en tutelle par le ministre des Finances et que ceci est très dangereux pour l'avenir des pensionnés du Québec.

Le Président: M. le ministre des Finances. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je sais bien que le député de Gouin m'a adressé la question, mais il vient encore de parler de choses concernant, par exemple, l'autonomie de la caisse, concernant l'administration qui relève directement du ministre des Finances; d'ailleurs, on est en période de crédits, il y aura peut-être une occasion — parce qu'il n'y a pas de cachette là-dedans — pour que tout puisse être éclairci à la satisfaction et du député de Gouin et de l'opinion publique, si cela paraît nécessaire, ou des autres oppositions. Le ministre des Finances pourrait peut-être ajouter des précisions là-dessus, je ne sais pas.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, j'avouerai ne pas comprendre la question du député de Gouin. Nous

sommes, à l'heure actuelle, en phase — comme on le sait — d'examen des crédits en commission parlementaire. A la commission parlementaire des finances, la Caisse de dépôt, puisqu'elle relève de par la loi du ministre des Finances, est toujours représentée. La direction de la Caisse de dépôt va se trouver là comme d'habitude, c'est-à-dire, je pense, le 9 juin.

M. Tremblay: M. Cazavan?

M. Parizeau: M. Cazavan ne sera pas là puisqu'il ne dirige pas la caisse.

Une Voix: II a démissionné.

M. Parizeau: Mais la direction de la caisse sera là et pourra être interrogée, comme cela a été le cas les années antérieures.

M. Tremblay: M. le Président, quand même! Un président...

Le Président: Très brève question, M. le député de Gouin.

M. Tremblay: ... d'une société d'Etat démissionne et la population ne sait pas pourquoi. Est-ce que les députés pourraient demander à ce président, qui continue à recevoir un salaire pendant cinq années à un poste quasi tabletté, est-ce que la population pourrait savoir de la bouche de ce président, si la Caisse de dépôt n'est pas une société secrète, pourquoi il a démissionné!

M. Parizeau: M. le Président, ce serait tout à fait inédit. En somme, un homme a le droit de démissionner, j'imagine, encore, dans notre société, d'expliquer pourquoi, dans ses termes, ce qu'il a fait, sans ensuite être, j'allais dire, littéralement grillé par un certain nombre de députés qui trouvent cela un peu croustillant. M. Cazavan a démissionné, a expliqué pourquoi. Nous aurons, à la commission des finances, la nouvelle direction de la caisse; les députés pourront poser toutes questions utiles. Je ne vois vraiment pas pourquoi on tourne autour de cela.

On me souffle derrière moi, M. le Président, qu'un député a démissionné hier; est-ce qu'on veut une commission parlementaire pour entrer dans les motifs?

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président... Une Voix: On va le reprendre, lui.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!... A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez du temps pour une brève question.

La Régie des marchés agricoles refuserait l'enquête promise

M. Giasson: M. le Président, ma question devrait s'adresser au ministre de l'Agriculture mais, en son absence, je l'adresserai au premier ministre.

A la fin de 1978, 1286 producteurs laitiers ont déposé une requête devant la Régie des marchés agricoles du Québec. Dans cette requête, il y avait un bon nombre de faits allégués et on réclamait une audience de la Régie des marchés agricoles pour établir la lumière sur l'attribution et le partage tant des quotas globaux que des quotas individuels dans le secteur du lait industriel et du lait nature.

A la fin de mars, la régie a tenu une audience et, là, a convenu, devant l'examen des faits soumis, qu'elle devait d'abord tenir une préenquête par ses propres enquêteurs. Ce fut accepté par les parties impliquées.

En novembre, une nouvelle audience de la Régie des marchés a déterminé que les faits connus de la régie nécessitaient la tenue d'une enquête publique et, dans la décision que la régie a rendue, elle a convenu de tenir une première audience publique en janvier 1980.

Or, depuis ce moment, il est révélé que la Régie des marchés agricoles recule sur la décision qu'elle a prise de la tenue d'une enquête publique et tente de vouloir tout simplement noyer le poisson présentement devant les 1286 producteurs qui ont déposé cette requête.

Ce que je veux du premier ministre, c'est qu'il fasse des recherches soit auprès du ministre de l'Agriculture ou de la Régie des marchés agricoles du Québec pour que le public sache les motifs pour lesquels la régie recule sur sa décision de tenir une enquête publique et qu'elle veut limiter cette enquête uniquement sur le partage global des quotas ou des contingentements et ne veut plus regarder du côté de l'attribution et du partage individuel de ces contingentements.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Giasson: Qui la régie veut-elle protéger là-dedans et de qui a-t-elle eu des ordres depuis le mois de décembre dernier?

Le Président: M. le premier ministre. (11 heures)

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense qu'on comprendra, avec la complexité du dossier que vient d'évoquer le député et sans du tout endosser certaines de ses conclusions et de ses allusions, que je prenne avis de cette question, avis de tout le dossier, et que d'ici sûrement la fin de semaine — parce qu'on est ici jusqu'à vendredi inclusivement — il pourra y avoir les réponses appropriées.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: ... je ne prends pas position. Je m'en tiens à des décisions rendues par la Régie des marchés agricoles du Québec qui elle, après ses recherches ou les recherches menées par ses propres enquêteurs, en est arrivée à la conclusion de tenir une enquête publique. Ce n'est pas moi qui ai décidé cela. Ce sont les régisseurs de la Régie des marchés agricoles.

Le Président: Fin de la période des questions.

Nous en sommes aux motions non annoncées, à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens et aux avis à la Chambre.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, je voudrais donner avis que ce soir, la Chambre ne travaillera pas en séance plénière, mais c'est plutôt par trois commissions parlementaires qu'elle poursuivra l'étude des crédits de différents ministères. Au salon rouge, ce sera la commission de l'éducation. A la salle 81-A, de 20 heures à 24 heures, la commission des consommateurs, et à la salle 91-A, la commission des affaires municipales.

J'indique tout de suite le menu jusqu'à 18 heures ce soir, c'est-à-dire de ce matin et de cet après-midi, aux heures prévues au règlement de juin. L'Assemblée terminera les deux projets de loi qui restent au feuilleton au nom du ministre du Revenu, le projet de loi 102 et le projet de loi 103. Ensuite, elle entamera la discussion sur le projet de loi sur le fonds forestier au nom du ministre de l'Energie et des Ressources, le projet de loi modifiant la Loi sur la municipalisation de l'électricité et la Loi de l'electrification rurale. S'il reste du temps encore jusqu'à 18 heures, l'Assemblée, à la suite de cette loi sur l'électricité, se transformera en commission plénière pour procéder à l'étude article par article de ce projet de loi avant son ajournement à 18 heures jusqu'à demain matin 10 heures.

Je fais motion, M. le Président, pour que pendant que la Chambre étudiera ces différents projets de loi, ce matin jusqu'à 13 heures et cet après-midi de 15 heures à 18 heures, puissent se réunir au salon rouge la commission de l'éducation à la salle 81-A, la commission du revenu pour étudier... Il faudra attendre que le projet de loi 102 et le projet de loi 103... Il faut donc prévoir que ce sera plutôt à 15 heures cet après-midi. Pardon?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je pense que le leader parlementaire du gouvernement m'avait indiqué que l'étude en commission des projets de loi du revenu pourrait commencer la semaine prochaine.

M. Charron: Effectivement, M. le Président, je vais me rendre tout de suite à la demande qui est un rappel, en fait, de ce que j'avais dit au leader de l'Opposition. Je soustrais donc la réunion de cette commission. L'étude des crédits du ministère du Loisir, je crois, s'est achevée d'une manière plus rapide que prévue — ce qui est très agréable à savoir — ce qui fait qu'un trou existant, on s'apprêtait tout de suite à le combler par l'étude de ces projets de loi, mais je retarde plutôt à la semaine prochaine l'étude article par article de ce projet de loi du fait que le ministre est en Chambre pour d'autres projets de loi.

Je fais donc motion, M. le Président, pour que cet après-midi — non pas ce matin — de 15 heures à 18 heures, la commission de l'éducation puisse se réunir. Je fais exception de ce matin puisqu'il doit y avoir une réunion du Conseil des ministres dans quelques minutes.

Une Voix: ...

M. Charron: Au salon rouge.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Une Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: Je donne avis... En fait, ce n'est pas un avis, c'est une correction à un avis, M. le Président. On avait indiqué, je crois, dans le feuilleton, que le 5 juin — demain donc — devait se réunir la commission des engagements financiers à compter de 9 h 30. Il est évident, du fait que nous nous réunissons à 10 heures pour la période des questions que ce sera plutôt à 11 heures. Je fais donc une modification à cet avis.

Une Voix: Adopté.

M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 38 du feuilleton d'aujourd'hui.

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture...

M. Fontaine: M. le Président...

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: J'ai une question à poser en vertu de l'article 34, s'il vous plaît.

Le Président: Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, on nous a annoncé sur la feuille de route que la commission des corporations professionnelles devrait siéger normalement vendredi soir pour l'étude des crédits, et hier, on nous apprenait qu'il y a des possibilités que ce soit plutôt demain soir.

On sait que l'étude des crédits portera principalement sur un rapport qui a été remis hier par l'Office des professions au ministre de l'Education concernant le problème qui existe entre les CA et les CGA. Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire ou prendre l'engagement que l'Opposition et les corporations professionnelles pourront obtenir ce rapport dès aujourd'hui pour en prendre connaissance avant de l'étudier en commission?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, j'ai un préjugé favorable à la demande que fait le député de Nicolet-Yamaska, sauf que j'aimerais en discuter avec le député de Richmond, par exemple, puisque demain nous aurons une réunion des leaders parlementaires afin d'organiser le reste des travaux. Si le leader de l'Union Nationale apporte cette demande à la réunion, demain après la période des questions, je crois que nous pourrons l'accueillir d'une manière favorable.

M. Shaw: En vertu de l'article 34.

Le Président: M. le député de Pointe-Claire, en vertu de l'article 34.

M. Shaw: Could the leader, please, tell us when the final report of the new electoral boundaries will be deposited?

M. Charron: II n'a pas à être déposé en Chambre, M. le Président. C'est dans la Gazette officielle, selon la loi, que les nouvelles frontières des circonscriptions électorales ont été — comme la loi l'obligeait à le faire le 30 avril — annoncées dans l'édition du 30 avril. Il n'y a pas de dépôt à faire en Chambre après cette parution dans la Gazette officielle.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Nous avons à notre programme pour adoption d'ici la fin de la présente session, le projet de loi no 87 qui concerne la révision du Code civil. Le leader du gouvernement voudrait-il nous dire s'il a l'intention de faire adopter ce projet de loi fort considérable en deuxième lecture ou tout simplement de convoquer une commission parlementaire pour l'étudier avant l'étude en deuxième lecture? Est-ce qu'il a l'intention de faire adopter ce projet de loi avant...

M. Charron: Je m'excuse. De quel projet de loi s'agit-il?

M. Fontaine: Le projet de loi no 87, la révision du Code civil, c'est très important.

M. Charron: Le projet de loi no 84.

M. Fontaine: Je m'excuse, j'avais le no 87.

M. Charron: Oui, c'est un des sujets dont je veux discuter avec mes brillants collègues lors de la réunion demain.

Projet de loi no 102 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 102, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions législatives.

M. le ministre du Revenu, vous avez maintenant la parole.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, le projet de loi no 102 dont nous commençons l'étude en deuxième lecture apporte de très nombreux amendements à la Loi sur les impôts et à quelques autres lois connexes. Des 124 articles que contient ce projet de loi, nous ne parlerons pour le moment que des principaux. J'entrerai plutôt dans les détails des modifications lors de l'étude article par article en commission parlementaire.

Ce qu'il est important de savoir, c'est que ce projet de loi a pour principal objectif d'abord de donner suite à la déclaration ministérielle du ministre des Finances du 21 décembre 1979, de même qu'au discours sur le budget de mon collègue, le ministre des Finances, de mars dernier. Parmi les modifications les plus importantes apportées par le budget, certaines méritent d'attirer notre attention. Ce sont d'abord les réductions générales d'impôt. En effet, à partir du 1er janvier 1980, les exemptions personnelles, c'est-à-dire l'exemption de base pour tous, l'exemption pour personnes mariées, pour personnes à charge, de même que les exemptions pour raison d'âge, ont été indexées à un taux de 12,5%. Le 1er janvier 1981, elles seront indexées à nouveau de 7,5%. C'est donc de 20%, Mme la Présidente, que les exemptions personnelles ont été augmentées, indexées, entre 1979 et 1981. On nous reproche, depuis plusieurs années, de ne pas avoir indexé les tables d'impôt comme l'a fait le gouvernement fédéral il y a quelques années.

Mon collègue des Finances a toujours répondu à cela que cette technique du gouvernement fédéral n'était ni la seule, ni nécessairement la meilleure, ni la plus sûre pour réduire équitablement le fardeau fiscal des contribuables. Il semble bien, Mme la Présidente, que le gouvernement fédéral s'apprête à donner raison au ministre des Finances du Québec. En effet, le gouvernement fédéral étudie actuellement la possibilité d'éliminer l'indexation des tables d'impôt si l'on se fie aux récents commentaires sur cette question du ministre des Finances, M. Allan MacEachen, et du ministre d'Etat, M. Bussières. (11 h 10)

II m'apparaît évident, maintenant, que l'approche du gouvernement du Québec d'intervenir par le biais des exemptions personnelles se révèle être une solution beaucoup plus équitable et surtout beaucoup plus sûre pour le contribuable. Il m'apparaissait important de souligner ce point au moment où le gouvernement fédéral s'apprête à remettre en cause l'indexation des tables d'impôt.

J'aimerais simplement, au niveau des exemptions, Mme la Présidente, rappeler quelques exemples concrets de l'indexation des exemptions. Par exemple, en 1977, avant la réforme, l'exemption personnelle de base était de $3600; elle est maintenant, ou au 1er janvie 1981, de $4350, soit une augmentation de plus de $700 de l'exemption de base.

En ce qui concerne l'exemption de personne mariée, elle est passée, de 1977 à 1981, de $1900 à $3270, presque 75% d'augmentation.

En ce qui concerne, par ailleurs, le niveau maximum du revenu du conjoint, qui ne réduit pas l'exemption de personne mariée, ce niveau maximum de revenu d'un conjoint, en 1977, avant la réforme et pour les années antérieures, était de $500; il sera, au 1er janvier 1981, de $1180, soit une augmentation de plus du double de l'exemption qui existait en 1977.

Il y a également une exemption additionnelle pour les personnes âgées, qui est passée, elle, de $1000, en 1977, à $1810, avec l'indexation de 7,5% qui entrera en vigueur au 1er janvier 1981.

Je passe rapidement, Mme la Présidente. Comme conséquence, en ce qui concerne le contribuable célibataire, si on regarde seulement l'exemption d'impôt, l'indexation des exemptions personnelles donnera, par exemple, comparativement à 1979-1980, à un niveau de revenu de $10 000 par année, pour un célibataire, une réduction d'impôt de $140, à un niveau de revenu de $10 000, et de $177 pour un revenu de $15 000.

En ce qui concerne le contribuable marié, les indexations d'exemptions entraîneront des réductions encore plus importantes. Par exemple, de 1979 à 1981, pour un revenu de $10 000, ce sera $207 de moins d'impôt que paiera le contribuable marié qui a un niveau de $10 000, tandis qu'à un niveau de $15 000 la réduction d'impôt, de 1979 à 1981, sera de $276.

Mais ce n'est pas la seule façon par laquelle le ministre des Finances a décidé de s'attaquer à la réduction des impôts, puisqu'on a également retenu, dans le discours sur le budget, une réduction générale des impôts. A partir du 1er juillet 1980, en effet, tous les taux d'impôt seront réduits, au Québec, de 3%. Cela signifie qu'un particulier pourra déduire de son impôt autrement payable pour l'année un montant égal à 1,5% de cet impôt, pour l'année d'imposition 1980, puisque l'entrée en vigueur de cette réduction générale d'impôt se fera le 1er juillet, et ce sera l'équivalent d'une réduction générale de 3% sur les années d'imposition subséquentes. Pour la seule année financière 1980-1981, cette mesure coûtera $122 000 000 au trésor québécois et signifiera des réductions d'impôt du même ordre pour les contribuables québécois.

A ces mesures d'application générale qui se retrouvent dans le projet de loi no 102 s'ajoutent des mesures plus spécifiques, mais d'une grande importance également. D'abord, une baisse d'impôt substantielle touchant le particulier dont le conjoint est le collaborateur. En effet, dans une foule de petites entreprises qui ne sont pas incorporées, des fermes, des commerces, des petites et moyennes entreprises, il arrive fréquemment qu'un conjoint travaille pour l'autre. Cependant, en vertu des lois actuelles, les revenus qu'il reçoit ou devrait recevoir comme salarié ne pouvaient être déduits du revenu d'entreprise. Je vous rappelle que, par cette mesure, le gouvernement du Québec répond à une demande légitime de plusieurs groupes intéressés à la promotion de la condition féminine dans notre société et particulièrement l'AFEAS, qui a fait un immense travail de sensibilisation sur cette question.

Je vous souligne également que, concernant la déduction en cause, même si beaucoup de gouvernements en ont parlé à travers le Canada, ce sera le Québec qui, pour une première fois, posera des gestes concrets, qui implantera concrètement cette mesure fiscale. Je pense que cela méritait d'être souligné et cela se retrouve dans le projet de loi no 102 à l'étude actuellement.

D'autre part, le ministre des Finances a déjà fait savoir que cette mesure n'allait pas être une mesure isolée pour l'éternité; mais au contraire, dès son discours sur le budget, le ministre des Finances a fait savoir que d'autres possibilités en matière fiscale et d'allocations de disponibilité sont actuellement à l'étude au ministère des Finances. Puisque depuis le 26 mars dernier, donc, le conjoint collaborateur est considéré comme tout autre employé, nous avons dû modifier — cela était normal, Mme la Présidente — la Loi du régime de rentes, afin que le travail d'une personne pour son conjoint puisse donner droit à une contribution à la Régie des rentes du Québec et ainsi à une rente, éventuellement, de la Régie des rentes du Québec.

Quant aux corporations dont il est également question dans le projet de loi no 102, le discours sur le budget a amené quelques changements assez majeurs. L'impôt sur le revenu des sociétés est porté de 12% à 13% dans tous les cas, sauf en ce qui concerne les corporations qui bénéficient — les petites entreprises — de la déduction accordée aux termes de la loi fédérale aux petites entreprises qui, elles, demeureront à 12%. Il est normal que les grandes entreprises paient plus que les petites et c'est ce que souligne ce projet de loi, Mme la Présidente.

En Ontario, si on compare au niveau de ce taux d'impôt par rapport à la grande entreprise, il est de 13% pour la petite et de 14% pour la grande entreprise selon le type justement. Au Manitoba et en Colombie-Britannique, il est, comparativement à 13% au Québec, à 15%. En Saskatchewan et à Terre-Neuve, il est à 14%.

II me semble donc évident, Mme la Présidente, à la lumière de ces quelques données, que certains organismes de représentation, que l'Opposition dans ses déclarations à l'emporte pièce exagère un tout petit peu au moins l'attitude du gouvernement du Québec en cette matière, puisque dans un domaine précis comme celui-là, on demeure l'une des provinces qui a le plus bas niveau d'impôt sur les profits des sociétés et ce, sans tenir compte de la Loi sur les stimulants fiscaux qui est prolongée pour un an et qui permet à certaines entreprises qui font certains investissements de pouvoir réduire jusqu'à 50% leur impôt à payer...

D'autre part, Mme la Présidente, deux autres mesures. Une première qui concerne les corporations d'assurances, puisque la taxe payée par celles-ci sur les primes pour dommages matériels passera de 2% à 3% comme plusieurs provinces l'ont déjà fait, soit Terre-Neuve, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. D'autre part, la taxe spéciale prélevée à l'égard d'une corporation faisant le raffinage de pétrole au Québec qui était de un tiers pour cent passe aujourd'hui à 2%. Les corporations visées, cependant, pourront, je le précise, réduire l'impact de cette augmentation en procédant à des travaux d'exploration pétrolière ou gazière au Québec. Chaque dollar dépensé de cette manière réduira cette taxe supplémentaire. Peut-être aurons-nous trouvé, par là, le moyen d'encourager ces grandes compagnies à entreprendre des travaux d'exploration au Québec. En tout cas, nous aurons, à tout le moins, un moyen de s'assurer que ces grandes raffineries paieront une juste contribution au trésor québécois et ne seront pas considérées comme des organismes sans but lucratif par l'Etat québécois.

Voilà pour les modifications découlant du discours sur le budget du ministre des Finances. D'autre part, le projet de loi que nous étudions présentement a également — cela fera plaisir à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce — pour objet d'harmoniser sur plusieurs points les lois fiscales québécoises avec celles d'Ottawa. En effet, dans le contexte constitutionnel actuel où les Québécois paient de l'impôt à deux palliers de gouvernements, il est important d'éviter au maximum que le domaine de la fiscalité pour le contribuable devienne une véritable jungle juridique et technique dans laquelle il risquerait de s'empêtrer davantage chaque fois que l'un ou l'autre niveau de gouvernement déciderait d'apporter des changements. En ce sens, le gouvernement du Québec tient compte, dans la mesure du possible, des changements apportés aux lois fiscales fédérales et ajuste ses propres lois en conséquence. (11 h 20)

Ce projet de loi vient de ce fait insérer un certain nombre de modifications techniques apportées par l'adoption à la Chambre des communes du projet de loi C-17, en 1978.

Je désire, avant de terminer, Mme la Présidente, indiquer, au sujet de certains amendements qui n'avaient pas encore été annoncés, mais qui sont le résultat de problèmes nous ayant été soumis au cours des récents mois, que nous avons décidé de régler ces problèmes en profitant de ce projet de loi à l'étude. Par exemple, il porte notamment sur les dispositions relatives au régime d'épargne-actions dans le cas de fractionnement d'actions et sur la définition du capital versé d'une corporation faisant le commerce de valeurs mobilières.

D'autre part, un petit amendement que j'ai l'intention d'apporter en commission permettrait de régler un problème relié au congédiement ou à la suspension d'un travailleur, lorsque ce travailleur reçoit, après un jugement, un montant équivalant à plusieurs années de salaire. Il est aujourd'hui imposé sur la totalité de l'année où il reçoit l'argent avec, bien sûr, l'application de la disposition de la moyenne générale, mais le traitement actuel nous paraissait plutôt inapproprié. A partir des amendements que j'ai l'intention de suggérer, le contribuable pourrait, comme cela est prévu dans certains autres cas, bénéficier d'une rente d'étalement et ainsi réduire son taux d'imposition.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions qui cherchent à préciser certaines règles, en élargir d'autres et, en général, à faciliter pour le ministère comme pour le contribuable, l'application de la Loi sur les impôts.

J'aurai, encore une fois, j'en préviens mes collègues, certains amendements assez techniques à proposer en commission parlementaire, mais déjà je recommande l'adoption en deuxième lecture du projet de loi no 102.

Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Mme la Présidente, ce projet de loi est surtout d'ordre technique. Je pense que le gros du travail sera fait en commission parlementaire. Mais, parce que c'est une loi omnibus et parce que le ministre même a profité de l'occasion de justifier devant vous quelques-unes des mesures proposées dans le budget, qui sont maintenant encadrées dans cette loi, je vais prendre une ou deux minutes seulement pour faire les commentaires que je veux faire, surtout sur la question de l'indexation, dans un contexte plus global.

Je pense qu'il est essentiel que le peuple québécois comprenne aujourd'hui que nous sommes devant une crise financière au sein du gouvernement du Québec. Le ministre du Revenu vient d'essayer de justifier le système d'indexation partielle que le gouvernement a adopté cette année.

Mme la Présidente, jusqu'ici nous avons critiqué le gouvernement de ne pas avoir accepté d'indexer les impôts comme le fédéral. Nous ne pouvons plus le faire, parce que nous savons comme lui que nous sommes dans une situation financière, ici au Québec, où il n'est pas possible de le faire. On est d'accord, il est peut-être même allé trop loin cette année. On ne peut pas justifier

des baisses d'impôt ici au Québec, à cause de notre situation. Si nous ne faisons, pendant le mois de juin, que persuader la population du Québec de la nature grave de la crise financière devant laquelle nous sommes aujourd'hui, nous aurons fait notre devoir. Le mythe de bon gouvernement du Parti québécois pendant quatre ans est vraiment découvert, ce mythe, dans les chiffres du budget proposé pour l'année 1980-1981. Nous sommes devant un déficit prévu par le ministre de $2 300 000 000, il sait déjà que ce sera dépassé au moins de $100 000 000. Je dis, entre parenthèses, que le ministre des Finances n'a jamais, depuis son arrivée au pouvoir, réalisé ses prévisions budgétaires, pas une seule année. Chaque année cela a été pire que prévu. Ce sera encore pire cette année. Nous sommes devant un déficit qui sera probablement de $3 000 000 000, cette année. Pourquoi? Tout simplement parce que, pendant quatre ans, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, les dépenses du gouvernement ont augmenté de 50% en quatre ans, de $10 000 000 000 à $15 000 000 000 à peu près, et pendant cette même période, les recettes des contribuables québécois ont augmenté d'à peu près 35%.

Pourquoi n'ont-elles pas augmenté autant que les dépenses? Premièrement, parce que le gouvernement a élargi le champ d'action de plusieurs ministères; en partie à cause du programme référendaire, le budget du Conseil exécutif a doublé pendant ces quatre ans et il y en a d'autres qui ont augmenté de 60% et de 70%. Les recettes n'ont pas augmenté tout simplement parce que, avec la politique d'instabilité et d'hostilité du gouvernement envers les personnes et les compagnies qui paient des impôts, c'était sûr qu'il n'y aurait pas d'augmentation, pas de croissance économique aussi au Québec. Alors, s'il n'y a pas de croissance économique, vous n'avez pas de croissance des revenus.

Des Voix: C'est faux.

M. Scowen: Vous êtes devant ce système. Je ne veux pas exagérer; il y a certainement eu une croissance, une croissance beaucoup plus faible que celle qu'on pouvait prévoir et beaucoup plus faible que dans le reste du Canada pendant ces quatre ans. Aujourd'hui, nous nous retrouvons, après quatre ans, avec une augmentation des dépenses de 50%, une augmentation des recettes de 35% et un déficit de $3 000 000 000. La dette du Québec a augmenté, pendant ces quatre ans, de $6 000 000 000 à $8 000 000 000.

Une Voix: C'est faux!

M. Scowen: Ce sont des chiffres que vous pouvez vérifier dans ce document. Je pense essentiel que, chaque fois que le premier ministre ou un ministre du gouvernement parle du bon gouvernement du Québec, la population soit consciente de la crise dans laquelle il nous a mis pendant ces quatre années.

En ce qui concerne l'indexation, le ministre a parlé spécifiquement de deux points seulement; le premier a été la question de l'indexation. On dit que le système d'indexation ici n'est pas aussi généreux que celui du fédéral. Je pense qu'il n'y a rien qu'on puisse faire, on ira dans les détails en commission parlementaire.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu des compagnies, on peut simplement dire qu'on est maintenant rendu à peu près au même niveau que les autres provinces; je pense qu'il était essentiel que cela se fasse. Je veux vous dire simplement que l'impôt sur les revenus d'une compagnie n'est qu'un parmi des centaines de facteurs dont les compagnies tiennent compte quand elles décident d'augmenter leurs investissements au Québec ou de faire des choses nouvelles ici. Je dis simplement qu'en groupant le total de tous les éléments dans une politique industrielle vous êtes encore devant une grande hostilité de la part du gouvernement en ce qui concerne l'investissement privé fait ici par les PME, par les moyennes et les grandes entreprises du Québec. De toute façon, nous irons beaucoup plus en détail dans ce projet de loi lors de l'étude article par article et, pour le moment, c'est tout. Merci.

La Vice-Présidente: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, Mme la Présidente, Bien sûr, on a déjà pris connaissance du contenu de ce projet de loi lors de la déclaration ministérielle du ministre des Finances, d'une part, et également lors du discours sur le budget, d'autre part. Donc, dans l'ensemble, les mesures annoncées par ce projet de loi ne nous sont pas inconnues et ont déjà fait l'objet de critiques de la part des partis d'Opposition. Loin de moi l'idée de reprendre tous les arguments évoqués par l'Opposition lors de cette réplique au discours du budget, réplique à l'endroit des mesures annoncées. Je pense qu'il y a certains points sur lesquels il serait bon de revenir. Il est vrai qu'une bonne partie des quelque 120 ou 130 articles de ce projet de loi servent à apporter des modifications à la Loi sur l'impôt dans le but, bien sûr, d'harmoniser les régimes d'imposition tant au niveau fédéral que provincial, ainsi que des modifications dans le but de corriger certaines situations anormales à l'égard des contribuables et en même temps pour faciliter en général l'application de la Loi sur les impôts.

En fait, une bonne partie de ce projet de loi apporte des changements purement techniques et qui ne portent pas atteinte à de grands principes. D'un autre côté, il y a certains changements issus du discours sur le budget de mardi dernier, changements qui, pour ma part, ne me satisfont guère, comme je l'avais d'ailleurs souligné dans mon intervention à ce moment, lors du discours prononcé par le ministre des Finances. (11 h 30)

Ce n'est pas que je sois contre une réduction d'impôt de 3% à payer par les particuliers. Au contraire, je trouve que ce n'est pas assez et il faut se rappeler que le Parti québécois, lorsqu'il était dans l'Opposition, réclamait à grands cris — on se le rappelle — une indexation complète de l'impôt des particuliers.

Il est quand même surprenant de voir la faible réduction d'impôt qu'on nous a annoncée cette année. En effet, j'avais même dit que le ministre des Finances augmentait de façon cachée les taxes des contribuables et la preuve était qu'en n'indexant pas complètement l'impôt sur le revenu des contribuables québécois le ministre des Finances allait chercher, selon nos chiffres, plus de 13,5% de plus que l'an dernier dans les poches des contribuables québécois.

En effet, des $4 700 000 000 que ces contribuables ont payés l'an passé, ils devront ajouter cette année $648 000 000, ce qui veut dire en réalité, par personne qui paie des impôts, près de $275 en moyenne. Ce n'est pas ce que j'appelle une réduction de taxes et j'aimerais qu'on nous explique encore davantage où est cette véritable réduction de taxes en chiffres nets, en chiffres absolus.

De plus, bien sûr, le ministre tout à l'heure a comparé la petite et la moyenne entreprise québécoise aux autres, à l'imposition que peuvent avoir leurs concurrentes au niveau des autres provinces. Mais on peut passer sous silence le fait qu'encore une fois, cette année, la petite et la moyenne entreprise québécoise reste plus taxée que sa concurrente immédiate de l'Ontario, parce qu'elle sera taxée de 12% comparativement à l'autre, 10%.

Par contre, il est certain que ce projet de loi contient des changements dignes de mention, tels que la modification que l'on apporte à la Loi sur le Régime de rentes du Québec pour ne plus exclure le travail d'une personne au service de son conjoint; tels que la reconnaissance du travail de la femme dans l'entreprise familiale, ainsi de suite. Le ministre s'est chargé et se chargera encore de nous faire part de ces changements qui sont vraiment acceptables.

Ce sont des mesures qui auraient dû être prises, bien sûr, il y a longtemps, surtout que cela fait près de quatre ans maintenant que ce gouvernement est en place. Maintenant, il faut admettre que mieux vaut tard que jamais et c'est ce qui arrive, Mme la Présidente. Peut-être également que la venue du ministère d'Etat à la Condition féminine y est pour quelque chose, mais pourtant, encore là, le titulaire de ce poste fait partie de ce gouvernement depuis plus de trois ans et demi.

En résumé, bien sûr, il est inutile de passer en revue toutes les modifications et tous les changements que le projet de loi veut apporter, car, pour une bonne partie, ce sont des changements purement techniques, comme je le disais au début de mon intervention. Pour ce qui est des autres mesures, le gouvernement et la population savent ce que nous pensons — nous avons discouru près d'une heure là-dessus — de ces changements, étant donné que nous avons apporté ces commen- taires lors du début de la réplique au discours du budget.

Dans ce projet de loi, il y a certaines bonnes mesures, je l'ai dit, mais il y a beaucoup de mesures qui ne me satisfont pas et c'est pourquoi je recommanderai à mes collègues unionistes de voter contre ce projet de loi en deuxième lecture. Les principales raisons qui m'incitent à agir ainsi, c'est d'abord parce que ce projet de loi aura un effet direct sur l'augmentation du taux d'inflation. Pourquoi? C'est facile à comprendre. Parce que les dépenses du gouvernement vont augmenter plus rapidement que ses revenus. Cette année, ce budget et surtout les répercussions directes du projet de loi que nous étudions présentement, auront pour effet que les dépenses vont augmenter de près de 15% — 14,6% — comparativement aux revenus qui augmenteront de 10%. C'est pour cela que c'est incroyable, c'est même inexplicable de voir que le gouvernement est complice de l'augmentation du taux de l'inflation.

Il y a d'autres répercussions également directes de ce projet de loi. Ce qui est encore plus grave, c'est de constater que l'implication directe, les effets de ce projet de loi feront en sorte que le déficit du Québec augmentera encore davantage. Cette augmentation cette année — tenez-vous bien, Mme la Présidente — sera de 58,6%, soit $1 400 000 000 de plus que l'an dernier. Le déficit prévu par le ministre des Finances cette année sera de $2 300 000 000. Quand on sait que le déficit prévu aux Etats-Unis, dont le budget n'est pas tout à fait de la même grosseur que celui du Québec, sera de l'ordre de $15 000 000 000, nous nous prévoyons un déficit de $2 300 000 000. Si on prévoit un déficit de $2 300 000 000 dites-vous bien, Mme la Présidente, que rendu à la fin de l'exercice, il sera de $2 500 000 000 ou $2 600 000 000 parce que chaque année — et cela, depuis quatre ans — le ministre des Finances a été obligé de réviser à la hausse son déficit et ce devrait être la même chose cette année. $2 300 000 000, cela veut dire que ce gouvernement, depuis qu'il est en place, a dû augmenter le déficit du Québec de près de $6 000 000 000, six mille millions, et les répercussions directes du projet de loi que nous étudions présentement feront en sorte qu'on l'augmentera encore cette année.

Mme la Présidente, lorsque ce gouvernement est arrivé au pouvoir, la dette du Québec était de l'ordre de $3 000 000 000. A la fin de cet exercice financier, et lorsque ce projet de loi sera voté probablement, et qu'on aura connu ses effets directs, le déficit du Québec sera tout près de $9 000 000 000. Cela veut dire qu'en trois ans et demi on aura triplé le déficit du Québec. Vous comprenez, Mme la Présidente, que cette seule raison justifie notre opposition à ce projet de loi et c'est une des raisons majeures pour laquelle j'insisterai auprès de mes collègues pour qu'ils puissent voter contre ce projet de loi en deuxième lecture.

Bien sûr, si le ministre a des propositions à nous amener lorsque nous étudierons ce projet de loi en commission parlementaire, c'est avec plaisir

que nous pourrons réviser nos positions. Mais, tenant compte du libellé et des effets directs de ce projet de loi surtout au niveau de l'augmentation du taux de l'inflation et de l'augmentation énorme du déficit du Québec... Parce que nous sommes déjà au Québec — je ne dis pas que cela dépend seulement du gouvernement, cela fait longtemps qu'on est comme cela — depuis quatre ans, les contribuables les plus taxés au pays, si cette augmentation de budget devait servir à baisser notre dette, à baisser notre déficit, je serais d'accord, Mme la Présidente, mais, au contraire, on nous a taxés jusque-là et ensuite on augmente encore ce déficit de $2 300 000 000 cette année pour un grand total, depuis que ce gouvernement est en place, de tout près de $6 000 000 000. Vous comprenez, Mme la Présidente, qu'on ne peut pas accepter le principe d'un tel projet de loi et c'est pourquoi nous le rejetterons.

La Vice-Présidente: M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: Mme la Présidente, je m'étonne un peu que l'Opposition officielle ne prenne pas assez de soin pour suivre les projets de loi du ministère du Revenu dans tous les domaines. C'est évident que c'est à la base de la gestion de ce gouvernement dans une direction très négative pour la population du Québec au point de vue de ses revenus disponibles à dépenser privément, ce qui est une des clés... On dit: Même si ce gouvernement a une position constitutionnelle qui n'est pas acceptée par la majorité de la population de cette province, c'est au moins un gouvernement qui gère bien notre province, mais tous les faits ne concordent pas avec ce point de vue. C'est évident que le gouvernement prétend, d'un côté, que cette année il va faire une réduction de taxes pour des contribuables québécois, mais, en vérité, c'est totalement le contraire. Savez-vous, Mme la Présidente, que cette année les contribuables québécois vont payer $648 000 000 de plus en impôts que l'année passée? (11 h 40)

On peut jouer avec des chiffres. On peut dire que nous avons réduit à 12,5% les déductions d'impôt; c'est vrai. Mais la vérité et les derniers chiffres: combien de contribuables québécois vont payer moins d'impôt cette année qu'ils n'en ont payé l'année passée? C'est évident que, si c'est ce montant de $648 000 000 de plus d'impôt à payer, cela veut dire que la grande majorité des Québécois va payer plus d'impôt à cause du taux d'inflation et d'un manque de responsabilité du gouvernement envers les contribuables québécois. C'est vrai aussi que, même avec cette grosse augmentation du montant d'impôt, notre déficit augmente à $2 300 000 000 au moins. Nous avons une grosse augmentation de l'impôt lui-même et, en même temps, nous voyons une grosse augmentation du déficit budgétaire de ce gouvernement.

On dit, Mme la Présidente, que le choix de ce gouvernement n'est pas d'indexer les tables d'impôt qu'on paie. C'est un choix gouvernemental. Le gouvernement fédéral peut choisir quelque chose, mais nous autres, nous avons choisi pour le mieux-être des Québécois. Mais l'évidence est là. On paie plus d'impôt et c'est simplement cela. On paie plus d'impôt et on accroît gravement le déficit budgétaire de notre province.

On dit, Mme la Présidente, que nous avons apporté quelques petits changements techniques à l'avantage des contribuables; c'est vrai. On laisse maintenant aux épouses de certains ouvriers et de personnes qui ont des petits commerces un salaire. Cela a du bon sens. Cela fait partie d'un projet du gouvernement fédéral. En concordance avec cela, je suis totalement d'accord. Mais à la base du problème du Québec et du fait que nous soyons dans un pays qui fait concurrence quant à l'expertise pour développer notre province, si cette même expertise a besoin de payer plus d'impôt dans chaque domaine, soit l'impôt personnel, l'impôt des corporations et l'impôt sur les droits successoraux, dans tous les domaines, est-ce que nous construisons un fardeau qui bloque véritablement l'avantage des investisseurs dans notre province?

Mme la Présidente, ce sont des actions comme celles-là qui nous mettent dans une situation qui développe ces grands déficits qui ont triplé depuis la prise du pouvoir par ce gouvernement. C'est incroyable, Mme la Présidente, que cette année chaque Québécois ait développé une nouvelle dette de $2000 avec cette grosse augmentation de l'impôt personnel et de l'impôt dans d'autres domaines.

Madam President, I am sorry to see the Opposition attacking so weakly these basic attitudes of the government, the attitude of how the tax law should be applied. There are three fundamental things which is weakening the competitiveness of this province in attracting new investments, in attracting expertise investments, in developing the economy which is sorely needing this kind of development.

We see, this year, an actual drop in per capita revenue from taxation, because of a drop in economic activity, while our neighbour, Ontario, has had a $790 000 000 increase in its revenues over and above those that were predicted over last year, while in our whole province, we had a drop of over-predicted revenues of $280 000 000, because our province is driving out the income producers rather than attracting them; it is driving them out at a cost which is being reflected in growing deficits and higher tax level. The government is suggesting: Look, we are going to increase by 12,5% certain baseline deductions; imagine, what a great gift we are giving them. But, in truth, Madam President, if we examine all the figures, the final bottom line is that Quebeckers will pay, this year, $648 000 000 more in incore tax than they paid last year.

Now, how the Minister of Revenue can explain to me that this government has acted to reduce

taxes in this province amazes me. This is where we should be attacking the so called credibility of this good well-meaning administration. I could give you a hundred examples, an example such as the one that the Minister of Finance gave yesterday suggesting that a $500 000 farm, that became involved in succession duties would only involve $23 000 in taxes, which could be paid over seven years. And you want to tell me, Madam President, how many farmers can demonstrate a residual out of their cash flow, over $100 a week, just to meet that particular area. That is why we have over 1 000 000 acres, in this province, of undeveloped farm land, because every time this situation happens, the result is that the farmer sells his farm to pay the succession duties, takes his capital and moves it out of the province or to Florida. That is the reality, that is why this economy is going down, this is why this economy is suffering so severely under this administration that pretends to be at least a well guided administration.

When your Minister of Revenue says: I had the choice, I could have indexed the tables like the Federal government, but my choice was to reduce the sales tax on shoes and furniture.

Madam President, we do not play with figures, the reality is what the Minister of Finance has never remembered, what the Minister of Revenue has obviously forgotten is that the size and the stability of your tax base is the fundamental that is required to deliver the taxes that make this province work and when you undercut it, when you chop away at it, when you make us less competitive as a tax economy than the other provinces in this country, then you are destroying the cow from which the milk comes. This is what this government has done so effectively and that is why I say again: We should, every single member of the Opposition, be bringing this case before the people, that to suggest that we have reduced the tax levels for Quebeckers with this law 102. Look at this: 12,5% less to pay on your basic deduction, but we do not have to adjust your tables because we have made that our choice, we are a good government, we know what is best for you and so, in telling you we are going to reduce your taxes, we note, when you take your tax return, at the end of the year, that you will be paying more because we have not indexed your tables. As the Conference Board of Canada has demonstrated, the people of this province have never shown a greater reduction in available spending money and its purchasing power since the great depression. (11 h 50)

Why? Because the government has benefited from inflation and has not considered the tax payer at all. If, Madam President, this government had shown restraint in government's spending, perhaps we could say that this kind of tax increase is justified. If, Madam President, they were injecting new capital investment into the economy to expand jobs, we would then, perhaps, say that this is an expansionist budget and such a budget would be just justified. But that is not what this government is doing, Madam President. It is increasing the deficit, it is decreasing its investment into the private sector and the development of new jobs; it is increasing, for example, the creation of its debt in the area of the pension fund. It is also using that pension fund to finance its own debt. It is creating, Madam President, a very very dangerous level of personal debt per tax payer.

No, Madam President, this is not an efficient, considerate, responsible government. It is one that likes to play with figures and try and propagandize what they are saying, what they are doing, by saying: we are acting in your best interest and, Madam President, the truth is, at the end of each year, the tax payer will understand that while he pays more taxes, while he has less disposable income and while his per capita debt is increasing because of the deficits developed by the policies of this government, he has been snowed, he has been misled, and come the next election, they will speak. Thank you, Madam President.

La Vice-Présidente: M. le ministre du Revenu, votre réplique.

M. Michel Clair

M. Clair: Oui, Mme la Présidente. Je remarque qu'à part la participation de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, de mon collègue de Richmond, de ceux de Pointe-Claire et d'Orford, il n'y a personne du côté de l'Opposition. Cela ne semble pas beaucoup intéresser ces gens. Ils envoient un représentant venir nous dire n'importe quoi et, sitôt ces choses inappropriées dites, ils s'empressent de sortir. Quoi qu'il en soit, je voudrais répondre d'abord au député de Notre-Dame-de-Grâce, Mme la Présidente, qui a dit: Dans les circonstances actuelles, on ne peut justifier des baisses d'impôts. Il se référait à l'attitude du gouvernement fédéral actuel puisque leurs amis dont ils sont la succursale parlent actuellement d'augmenter des impôts, d'abolir l'indexation de la table des impôts à Ottawa. Ils se sentent donc forcés de défendre des choix politiques d'un gouvernement qui n'en a plus à cause des déficits accumulés au cours des dernières années. La raison pour laquelle, fondamentalement, nous on peut continuer à justifier les réductions d'impôts sur le plan économique, c'est que depuis quatre ans, ce gouvernement a assaini les finances publiques et administré avec raison, avec logique et avec modération. Ce qui fait en sorte qu'actuellement, par exemple, cette année, malgré le niveau élevé en chiffres absolus du niveau d'emprunts, les besoins financiers nets par rapport aux revenus du gouvernement sont de l'ordre de 12%. Autrement dit, le gouvernement du Québec va emprunter environ 12% à 13% de l'argent qu'il va dépenser.

Quelle est la situation au niveau du gouvernement fédéral? Plus du double, Mme la Présidente. Le gouvernement fédéral est rendu à financer ses dépenses courantes; son budget annuel est basé sur un niveau d'emprunt qui dépasse 25%. Si, dans des circonstances comme celle-là, le gou-

vernement fédéral pense à abolir l'indexation de la table d'impôt, s'il cherche par toute espèce de moyens à camoufler des augmentations d'impôts, je comprends le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour qui le fédéral c'est Dieu le père, de venir dire ici qu'on ne peut pas justifier des réductions d'impôts, parce qu'il pense qu'on administre comme lui administrerait, puisqu'il prendrait ses modèles au niveau du gouvernement fédéral pour administrer. Mme la Présidente, on peut parfaitement les justifier, nos réductions d'impôts. On peut parfaitement les justifier, et ce sans nullement compromettre la santé financière de l'Etat québécois.

Je voudrais rappeler des chiffres au député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous savez, le budget du Québec, on peut en faire ce qu'on veut comme gouvernement. Ceux qui nous ont précédés de ce côté-ci de la Chambre ont décidé, par exemple, une certaine année — cela a eu des impacts, non seulement pour une année, mais pour plusieurs années — de se payer un feu d'artifice à Montréal, les Jeux olympiques. Le gouvernement de l'époque avait le droit d'hypothéquer la situation financière du Québec au bénéfice d'un spectacle. Des gens l'ont fait, ils ont mis le gouvernement du Québec dans une mauvaise situation financière, mais il n'y a rien qui nous oblige à adopter la même attitude que celle des gens qui nous ont précédés.

Qu'est-ce que cela veut dire concrètement, par exemple, au niveau des emprunts totaux? Ne prenons pas seulement un élément des emprunts, prenons l'ensemble des emprunts du secteur public: les commissions scolaires, les municipalités, Hydro-Québec, la Régie des installations olympiques; prenons tous les emprunts faits par des créatures ou des organismes du gouvernement du Québec. En 1976, l'année des Jeux olympiques, l'ensemble des emprunts totaux du secteur public du Québec représentait 12% de la production nationale du Québec; en 1977, la première année complète du gouvernement, on est tombé en bas de 8%; l'année suivante, en 1979, à 7,5%, et cette année, à 7%. Est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce comprend pourquoi, vu que le gouvernement du Québec a décidé d'administrer sainement, de ne pas se lancer dans des dépenses fofolles, mais plutôt d'administrer en fonction de réduction d'impôt, avec ces brèves explications que cela se justifie pleinement sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan politique, sur le plan financier? Ces réductions d'impôt se justifient pleinement, parce qu'on est loin de compromettre la situation financière du gouvernement du Québec et de ses organismes, loin de détériorer la situation financière du gouvernement et de ses organismes. On a réduit de 12% à 7% le pourcentage d'emprunt par rapport à la production nationale du Québec. De 12% à 7%, et on a même réussi à accorder des réductions d'impôt très significatives à l'ensemble des contribuables québécois.

En résumé, je dis deux choses au député de Notre-Dame-de-Grâce: Premièrement, qu'il n'aille pas, de grâce, prendre ses modèles d'administra- tion au niveau du gouvernement fédéral. Ils sont rendus au bout de l'élastique avec les emprunts à un niveau qui dépasse 25% des besoins financiers du gouvernement fédéral, alors que nous, on en est seulement à 12% ou 13%. Donc, qu'il n'aille pas y prendre ses modèles d'administration. De plus, qu'il ne cherche pas à confondre la ppulation en citant toute espèce de chiffres. Voilà pour le député de Notre-Dame-de-Grâce.

D'autre part, le député de Bellechasse nous a parlé encore de faible réduction d'impôt. Mon collègue, le ministre des Finances, rappelait hier que comme faible réduction d'impôt, l'écart entre les contribuables québécois et les contribuables onta-riens qui était de 20% — nous étions 20% plus taxés que les Ontariens en 1976 au moment de notre arrivée au pouvoir — nous l'avons réduit de moitié. C'est plus que ne l'a fait n'importe quel gouvernement du Québec. Et, comme le disait mon collègue des Finances hier, cela a pris six ans au gouvernement libéral, de 1970 à 1976, pour mettre le Québec dans la situation où il était et cela nous a pris quatre ans pour améliorer cette situation en réduisant de moitié l'écart Ontario-Québec au niveau des impôts.

Dans d'autres secteurs, pour prendre des exemples plus concrets, parce que le député de Pointe-Claire, comme le député de Bellechasse ont dit tous deux: Des réductions d'impôt finalement, il n'y en a pas eu, ce n'est pas tout à fait vrai ces réductions d'impôt, cela n'existe pas. D'abord, un artifice du député de Pointe-Claire, il dit: Oui, mais avec l'augmentation du niveau de revenu des gens, on se trouve à payer tous plus d'impôts. Soit, c'est tout à fait vrai. Si moi, je gagne $12 000 une année, que je suis imposé à 10%, cela fait un certain montant, si j'augmente mon niveau de revenu de $2000, cela fait un montant plus élevé. C'est évident, c'est une règle mathématique.

Si le gouvernement du Québec n'avait pas pris les moyens pour réduire, pour freiner cette augmentation des impôts, il aurait pu aller chercher au-delà de $1 500 000 000 de plus au cours des trois dernières années. Cela va pour le général. (12 heures)

Pour des cas particuliers, je vais vous donner quelques exemples de réductions d'impôt qui ont bénéficié à l'ensemble des contribuables: la fiscalité municipale. Le député de Pointe-Claire ne nous a pas parlé des réductions d'impôt qui ont probablement eu cours dans sa municipalité comme dans 90% des réductions très sensibles d'impôt foncier pour les contribuables québécois. Il n'a pas parlé de ça. Le remboursement d'impôt foncier, c'est un programme qui s'adressait aussi au monde en vie. Plutôt que de construire des fables, on préférait amener des réductions d'impôt. En ce qui concerne le programme de remboursement d'impôt foncier, j'ai de mon ministère, qui administre le programme, les dernières statistiques en date du 30 mai. Est-ce que le député sait, par exemple, qu'à ce jour il y a eu 335 000 Québécois qui ont pu bénéficier d'un remboursement d'impôt foncier d'une moyenne de $108 chacun grâce à nos politiques? Il y a eu 335 000 contri-

bubles sur 819 000 demandes; il y a donc actuellement 62% des demandes qui sont traitées.

Je vais donner un autre exemple au député de Pointe-Claire: le résultat des réductions d'impôt de l'année dernière du ministre des Finances. Au niveau des remboursements d'impôt tout court, est-ce que le député de Pointe-Claire sait qu'à ce jour, 1 878 000 contribuables — oui, il entend bien — soit 77% des 2 417 000 dont le rapport d'impôt a été analysé à ce jour ont bénéficié d'un remboursement d'impôt pour une moyenne par individu de $225 — ce sont des réductions d'impôt réelles, ce ne sont pas des peurs ni des affirmations gratuites comme en ont faites les députés de l'Opposition tantôt — pour un montant global de remboursement à ce jour, au moment où on se parle, de $426 000 000! En voilà des réductions d'impôt! Ce sont des réductions d'impôt qui sont venues grâce à une administration financière saine du ministre des Finances, Jacques Parizeau, qui a mis de l'avant des mesures susceptibles de rabaisser les impôts en même temps que d'assainir la situation financière du gouvernement du Québec.

Je pourrais prendre d'autres exemples, des exemples plus petits. Un jeune couple qui prend ménage, comme on dit, qui s'établit: $2000 de meubles; ce n'est pas exagéré de s'acheter $2000 de meubles. Actuellement, dans les régions, il y a des journaux qui donnent ce qu'on appelle des billets qui peuvent permettre à un jeune couple d'avoir un panier de provisions de $25 au moment de ses fiançailles. Le panier de provisions que le ministre des Finances d.onne dans un cas comme celui-là, c'est, pour $2000 de meubles achetés, $160 de paniers de provisions, en quelque sorte, soit une réduction d'impôt réelle de $160.

Je prends un autre exemple: une personne handicapée qui a le droit d'attendre de son gouvernement qu'il prenne des mesures pour lui permettre de pallier un tant soit peu ses handicaps sur le plan des politiques fiscales. Le prix moyen d'une automobile, on doit s'entendre pour quelque chose comme $7000 aujourd'hui. $7000, ce n'est pas exagéré pour le prix moyen d'une automobile. Un contribuable handicapé qui achète un véhicule automobile et le fait modifier pour être en mesure de le conduire lui-même ne paie plus de taxe de vente. Il n'y en a plus! 8% de $7000, ça fait bien $560 pour ce contribuable. Il me semble que, contrairement à ce que le député de Pointe-Claire affirmait tantôt, de même que le député de Bellechasse, $560, ce ne sont pas des insignifiances pour le monde en vie qui va bénéficier de ces réductions de taxes, de ces exemptions. L'approche qui a été retenue par ces deux députés démontrait non seulement qu'ils n'avaient pas pris connaissance du budget et du projet de loi, mais qu'encore plus, ils ignoraient les véritables besoins de la population québécoise à ce chapitre.

Un autre exemple, puisqu'ils ont tant dit que les réductions d'impôt n'étaient pas vraies. Je vais vous donner la réduction d'impôt dont va bénéficier un contribuable si on additionne l'indexation des exemptions personnelles à la réduction géné- rale d'impôt de 3%. Pour un contribuable célibataire dont le revenu est de $10 000 par année en 1979 par rapport à 1981, au 1er janvier, cela va lui donner, entre 1979 et 1981, personnellement, une réduction d'impôt, si on additionne les deux, de $164; s'il est au niveau de revenu de $15 000 — il y en a beaucoup de gens à ce niveau — une réduction d'impôt de $229; s'il est à $20 000, $286. C'est pour le contribuable célibataire. Cela ne vient pas des nuages, ce n'est pas une affirmation gratuite, n'importe qui peut le vérifier et le calculer.

Prenons le cas du contribuable marié maintenant. Même comparaison: niveau d'impôt payé en 1979 et impôt payé en 1981, en additionnant les exemptions personnelles plus la réduction générale d'impôt, sans tenir compte des insignifiances que sont les réductions d'impôt, l'abolition de la taxe sur les meubles, les vêtements, ainsi de suite, telles que les qualifiait le député de l'Opposition tantôt. Sans tenir compte de cela, un contribuable marié, à $10 000, verra en deux ans ses impôts réduits de $215; celui qui est à $15 000 les verra réduits de $308; celui qui est à un niveau de revenu de $20 000 les verra réduits de $379. C'est vérifiable en tout temps, Mme la Présidente.

Mais l'Opposition dit: Tout cela se fait au détriment de la petite et de la moyenne entreprise et on est en train de vivre une situation tout à fait catastrophique à cause de la mauvaise administration du gouvernement du Québec. Le député de Pointe-Claire aurait avantage à demeurer dans cette Chambre, cela va peut-être l'éclairer, cela va peut-être le rassurer sur la santé économique du Québec. L'an dernier, un record depuis que les bureaux de statistiques existent, le niveau de création d'emplois, le niveau d'investissements manufacturiers au Québec. Depuis qu'on tient des statistiques, jamais la performance du Québec n'a été meilleure et c'est sous le gouvernement actuel, avec l'Opposition qu'on a en face, que cela s'est réalisé. Créer 80 000 emplois dans la même année, obtenir des investissements manufacturiers plus qu'il n'y en a jamais eu depuis qu'on tient des statistiques au Québec, je pense que c'est loin du sombre tableau qu'essayait de brosser — fort malhabilement d'ailleurs, à mon avis — le député de Pointe-Claire tout à l'heure.

Au niveau également des petites et moyennes entreprises, ces députés disent: On augmente le niveau de taxe sur les profits des sociétés de 12% à 13% au Québec et c'est catastrophique. Je vous rappelle que, même à 13%, en ce qui concerne les grandes entreprises, on demeure en bas de la plupart des provinces canadiennes — j'avais les taux tantôt — qui sont de 14% à 15% selon les provinces; seules quelques-unes sont en bas. Je donne les taux d'imposition: Terre-Neuve, 14% pour la grande entreprise; Ile-du-Prince-Edouard, 10%; Nouvelle-Ecosse, 12%; Nouveau-Brunswick, 12%; Ontario, 14%; Manitoba, 15%; Saskatchewan, 14%; Colombie-Britannique, 15%. Nous, Mme la Présidente, à la suite de l'augmentation, nous nous retrouvons à 13%, alors que nous sommes en bas de la plupart des autres provinces.

En ce qui concerne les petites entreprises, le taux sera de 12% sauf que les deux députés ont, peut-être pas sciemment, mais en tout cas ignoré la Loi sur les stimulants fiscaux, qui peut permettre de faire en sorte qu'une entreprise qui se qualifie à la Loi sur les stimulants fiscaux, au dégrèvement fiscal, bénéficie d'une réduction de la moitié de ces 12%, soit l'équivalent de seulement 6%. Que le député de Pointe-Claire me dise dans quelle autre province un tel taux existe. Qu'il nous le dise, je n'en connais pas. Qu'il nous dise dans quelle autre province le régime d'épargne-actions existe; je n'en connais pas. Qu'il nous dise dans quelle autre province le gouvernement a mis à la disposition des entreprises des programmes de création d'emplois, des programmes de développement économique aussi accélérés, aussi intensifs et aussi articulés qu'au Québec. Je pense que le député est malvenu — le député de Bellechasse et surtout le député de Pointe-Claire — d'essayer de dire qu'au Québec, sur le plan économique — comme le disait le député de Pointe-Claire dans sa langue: "Economy in Quebec is going down". Je pense que le député de Pointe-Claire n'a pas vécu au Québec au cours de la dernière année; il se serait rendu compte qu'on a eu le record au niveau de la création d'emplois, au niveau des investissements manufacturiers et à plusieurs autres niveaux. Même en agriculture, le député s'avançait sur un terrain qu'il ne connaît visiblement pas. (12 h 10)

J'aimerais que le député d'Arthabaska, s'il était présent ici ce matin, intervienne pour corriger les affirmations tout à fait fausses et gratuites qu'a faites le député de Pointe-Claire. Le député de Kamouraska-Témiscouata — c'est dommage, j'aurais dû l'inviter à le faire avant ma réplique — aura peut-être l'occasion, au prochain projet de loi que nous allons étudier, d'intervenir, lui aussi, pour démontrer à quel point c'est farfelu. Jamais, Mme la Présidente — allons voir dans les régions rurales du Québec — les agriculteurs n'ont autant considéré qu'ils avaient un ministre de l'Agriculture compétent, qui savait saisir la nature réelle de leurs problèmes, adapter des programmes en fonction de leurs besoins et ainsi augmenter leur niveau de revenus, leur sécurité et la stabilité des entreprises agricoles.

Des Voix: Bravo!

M. Clair: Je termine, Mme la Présidente, puisque, visiblement, mon temps est expiré. Je voudrais simplement, en terminant, rappeler encore une fois à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce que ce n'est pas en essayant de déformer la réalité qu'on va faire avancer le Québec. Bien au contraire. Je pense qu'en essayant de faire un discours comme celui qu'il a fait, il a manqué une belle occasion de critiquer, s'il avait l'intention de la faire, les mesures qui sont proposées concrètement par ce projet de loi. J'espère qu'on aura l'occasion d'en discuter en commission parlementaire. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. J'aurais pu intervenir...

La Vice-Présidente: Sur une question de règlement?

M. Goulet: Oui, Mme la Présidente. J'aurais pu intervenir, au moment où le ministre du Revenu parlait, en vertu de l'article 50 et, si vous me le permettez, je le ferai immédiatement en vertu de l'article 96. Le ministre a donné une mauvaise interprétation aux propos que j'ai tenus et il a mis en doute les chiffres que j'avais donnés, Mme la Présidente, par des affirmations gratuites. Ce que j'avais dit, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: C'est cela. M. le député de Bellechasse, nous convenons que vous rappelez ce que vous avez dit et comment le ministre, à votre avis, l'a interprété, sans plus. C'est bien l'article 96 que vous invoquez.

M. Goulet: Certainement, Mme la Présidente. Très brièvement, j'avais dit que les besoins financiers du Québec avaient été de l'ordre de 12,5% et le ministre a dit que c'était 7%. Mme la Présidente, pour les besoins financiers au niveau total, en pourcentage des revenus, voici ce que j'ai dit. On va prendre les trois dernières années de l'autre gouvernement. La moyenne était de 11,6%, mais rappelez-vous, Mme la Présidente, qu'il y avait 18% pour l'année des Olympiques. D'accord, Mme la Présidente, l'autre gouvernement a été battu à cause de cela, mais il faut se rappeler que, pour les besoins financiers du gouvernement actuel, depuis ces trois dernières années, la moyenne a été de 12,7% et non pas de 7% comme l'a dit le ministre du Revenu.

La Vice-Présidente: M. le député!

M. Clair: Question de privilège, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre.

M. Clair: Je n'ai pas mis en doute l'affirmation du député selon laquelle les besoins financiers nets du gouvernement étaient de 12,5%. Ce n'est pas de cela que j'ai parlé. J'ai parlé des emprunts totaux de l'ensemble du secteur public québécois par rapport à la production nationale. Je mets le député au défi de contredire ce que j'affirme. En 1975, les emprunts totaux du secteur public québécois représentaient presque 9% de la production nationale. L'année suivante, celle des Jeux olympiques, on atteint presque 12%. En 1977, on est légèrement au-dessous de 8%. L'année suivante, en 1978, on tombe encore un peu, soit à 7,5% et, en 1979, nous glissons au-dessous de 7%. Il y a une différence, Mme la Présidente, au niveau des notions entre les besoins financiers nets et les

emprunts totaux qui tiennent compte, eux, de l'ensemble des besoins de tout ce qui est gouvernemental ou paragouvernemental et, là-dessus, on a diminué de cinq points, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: A l'ordre, M. le député! A l'ordre, s'il vous plaît! Cette motion... M. le député de Bellechasse, s'il vous plaît! M. le ministre! A l'ordre! Cette motion de M. le ministre du Revenu proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 102, Loi modifiant la Loi sur les impôts et certaines dispositions législatives, est-elle adoptée?

Des Voix: Sur division.

La Vice-Présidente: Adopté sur division.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission permanente du revenu

M. Bertrand: Mme la Présidente, je ferais maintenant motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente du revenu.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

M. Bertrand: Mme la Présidente, comme il est possible que trois projets de loi n'aient pas suffi au ministre du Revenu pour donner une leçon de finances publiques à nos collègues de l'Opposition...

La Vice-Présidente: M. le leader...

M. Bertrand: ... je vous demanderais d'appeler l'article 39).

Projet de loi no 103 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: M. le ministre du Revenu propose la deuxième lecture du projet de loi no 103, Loi modifiant de nouveau la Loi concernant la taxe sur les carburants et modifiant d'autres dispositions législatives.

M. le ministre du Revenu.

M. Michel Clair

M. Clair: Mme la Présidente, avant de commencer mon propos, le vote qui vient de se tenir est particulièrement significatif. Dans le projet de loi qu'on vient d'adopter, Mme la Présidente, les réductions générales d'impôt...

M. Goulet: Question de règlement, Mme la Présidente.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: M. le Président, j'aimerais que vous...

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse, sur une question de règlement.

M. Goulet: ... rappeliez au ministre du Revenu que le projet de loi que nous avons discuté tout à l'heure a été voté et on ne doit pas revenir sur ce vote. Nous avons voté contre et nous sommes fiers d'avoir voté contre parce que ce gouvernement...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: ... a apporté un déficit de $6 500 000 000 au Québec depuis trois ans.

M. Clair: M. le Président, c'est encore plus significatif que je ne le pensais, parce que ce projet de loi qu'on vient...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chauveau, M. le député de Bellechasse, s'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, c'est tellement symbolique. Le projet de loi qu'on s'apprête à étudier comme le précédent prévoit des réductions d'impôt...

Une Voix: Encore.

M. Clair: ... pour les petits contribuables...

Des Voix: Encore.

M. Clair: ... pour les simples particuliers...

Une Voix: Encore des réductions d'impôt.

M. Clair: ... et de rarissimes augmentations en ce qui concerne un certain nombre de gens mieux nantis. Quand je vois le député de Notre-Dame-de-Grâce et le député de Bellechasse voter contre, c'est parfaitement concordant avec l'attitude qu'ils ont toujours prise, soit celle de favoriser en fait les gros au détriment des petits.

M. Scowen: C'est cela. C'est exactement cela.

Une Voix: Vous demandez trop et vous ne donnez rien.

M. Clair: Au moins, ils sont francs, M. le Président. Cela s'en vient.

M. Scowen: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Scowen: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président: Oui.

M. Scowen: II me semble respectueusement que vous devriez avoir au moins l'intention de nous permettre...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Vous avez renié votre chef, vous autres.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse, M. le député de Lac-Saint-Jean, M. le député de Chauveau, merci beaucoup. M. le député de Matane.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Oui.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Scowen: II me semble, M. le Président, que vous devriez au moins avoir l'intention de nous permettre, à chacun de nous, de parler, pendant l'étude de ce projet de loi, de n'importe quoi. Vous devez simplement rappeler à l'ordre le ministre qui a commencé à parler d'un autre projet de loi. Je n'ai aucune objection à cela si vous êtes prêt à nous donner, à chacun des autres députés, les mêmes privilèges et à nous permettre de parler ensuite.

Le Vice-Président: M. le député, je vous ferai remarquer que le ministre venait à peine de commencer son discours. Je vais le laisser aller quelques minutes et je jugerai à ce moment-là.

M. le ministre.

M. Clair: Je n'ai aucune objection, M. le Président, à ce que vous permettiez au député de Notre-Dame-de-Grâce de parler de n'importe quoi. Il est habitué à cela.

Une Voix: C'est ce qu'il fait habituellement.

M. Clair: Le projet de loi no 103 que nous étudions aujourd'hui en deuxième lecture modifie quatre lois dans le domaine des taxes à la consommation. C'est ainsi que l'on veut apporter à la taxe sur les carburants, à l'impôt sur la vente au détail, à l'impôt sur le tabac et, enfin, aux droits de licence des amendements nécessaires à la mise en oeuvre des mesures annoncées par le ministre des Finances à l'occasion, d'abord, de la déclaration ministérielle qu'il a faite en cette Assemblée le 21 décembre 1979, puis au moment du discours sur le budget du 25 mars 1980.

Les modifications à la Loi concernant l'impôt sur la vente en détail touchent — c'est visible — les consommateurs de très près, dans leur vie de tous les jours. En effet, de nombreuses exemptions de taxes sont venues s'ajouter et compléter celles qui existaient déjà. C'est une des approches qu'a prises le ministre des Finances depuis quelques années d'abolir la taxe de vente dans des secteurs où, en même temps, des industries québécoises peuvent en profiter et où les Québécois peuvent également en profiter largement vu qu'il s'agit de biens de première nécessité. (12 h 20)

Ainsi, cette année, les meubles, les rideaux et les tentures, le linge de maison, tout ce qu'on appelle en général le blanc sera dorénavant exempté en vertu de ce projet de loi no 103. L'an dernier, nous avions aboli la taxe de vente sur les textiles, les vêtements, les chaussures. Nous y ajoutons donc, cette année, les rideaux, les tentures, le linge de maison, les meubles et tout ce qu'on appelle en général le blanc. Nous avons pensé que cela favoriserait le développement de ces industries, d'une part, et permettrait également aux jeunes couples comme aux familles de bénéficier d'une exemption qui soit susceptible d'améliorer leur milieu de vie concrètement.

Je rappelle simplement pour exemple, M. le Président, qu'acheter pour $2000 de meubles, pour une famille, ce n'est pas rare, une famille qui débute surtout, et que la réduction qui s'applique à ce moment — surtout en matière de meubles, c'est fort important — est donc un remboursement, si on veut, une exemption de $160 que le gouvernement de Québec remet, en quelque sorte, à ce couple qui achète pour $2000 de meubles.

Nous avons également pensé à un autre secteur de la population, les travailleurs. Nous avons voulu élargir l'exemption de taxe de vente sur les vêtements afin d'y inclure les vêtements de travail. Les lunettes, les casques protecteurs, les survêtements, les gants de travail, etc., seront dorénavant exemptés de cette taxe de vente de 8%. C'est une exemption particulièrement intéressante. Beaucoup de citoyens et de citoyennes sont allés rencontrer nos députés dans leur bureau et ont fait cette remarque, par mon entremise et par l'entremise d'autres, au ministre des Finances, voulant que ce ne soit pas très acceptable que des travailleurs paient une taxe de vente sur des gants de travail, sur un casque protecteur, sur des survêtements, alors que des vêtements beaucoup moins nécessaires étaient déjà exemptés de la taxe de vente.

Il y a un autre secteur de la population que le ministre des Finances a voulu toucher et que concerne le projet de loi no 103, ce sont les personnes handicapées. Les personnes handicapées bénéficieront de deux nouvelles exemptions de taxe de vente en ce qui concerne, premièrement, les élévateurs mécaniques conçus pour permettre aux invalides d'avoir accès aux étages d'un immeuble. Cette réduction de taxe de vente peut également signifier des montants importants puisque ce type d'élévateur mécanique n'est quand même pas un objet de peu de valeur.

D'autre part, les lecteurs optiques pour les aveugles seront, eux aussi, exemptés de la taxe de vente cette année. Ces deux exemptions s'ajoutent à certaines autres, au niveau des prothèses, qui avaient été annoncées l'année dernière.

Une troisième mesure concerne les handicapés, en matière de remboursement cette fois-ci. L'élargissement annoncé dans le projet de loi no 103 permettra désormais au contribuable d'obtenir le remboursement de la taxe payée sur un véhicule automobile, pourvu qu'il le fasse transformer dans les six mois qui suivent l'achat pour en permettre la conduite par une personne handicapée ou pour faciliter le transport de ces personnes.

C'est donc dire qu'une personne handicapée qui a besoin d'acheter un véhicule automobile et de le faire transformer pour être en mesure de le conduire, tenant compte de son handicap, pourra obtenir un remboursement de la taxe de vente du ministère du Revenu. Je rappelle l'exemple de tantôt; un véhicule automobile de $7000, aujourd'hui, c'est une valeur assez raisonnable, moyenne si on veut. Alors, 8% de $7000, ça fait bien $560; c'est le remboursement auquel aura droit la personne qui se prévaudra de cette exemption qui est prévue dans le projet de loi no 103.

D'autre part, comme cela avait été annoncé le 21 décembre 1979, la vente de médicaments aux hôpitaux, aux organismes de santé et aux organismes de services sociaux sera exemptée de taxe.

Il en est de même pour la location de machinerie avec opérateur, qui sera dorénavant considérée comme de la location de services. Nous avons eu, depuis quelques années, de nombreuses représentations du milieu des entrepreneurs, des locateurs de machinerie lourde, et le gouvernement a décidé de se rendre à la logique des intéressés, mettant ainsi fin à plusieurs années de contentieux avec le gouvernement du Québec et particulièrement le ministère du Revenu.

Les modifications apportées à la taxe sur les carburants maintenant sont d'une importance majeure. Comme l'a déjà dit le ministre des Finances lors de son discours sur le budget: Par la transformation de cette taxe en nombre de cents par un pourcentage, nous disons en fait au gouvernement d'Ottawa que, quelle que soit la manière dont il fixera le prix de l'essence, celui-ci comportera 20% de taxe payables au gouvernement du Québec, qui rapatriera ainsi une partie des hausses véritables du prix du pétrole dans les coffres du Québec. En effet, cette taxe ne sera plus calculée, comme je viens de le dire, en cents par litre de carburant, mais à un pourcentage, soit 20% de son prix de vente au détail.

Pour s'assurer, cependant, que tous les Québécois paieront pour leur carburant, essence ou mazout, la même taxe, quel que soit l'endroit au Québec où ils l'achèteront, le prix de vente au détail moyen de chaque carburant visé sera fixé selon des modalités prévues par la loi, de sorte que le montant de la taxe payé par le consommateur ne variera pas d'une pompe d'essence à une autre. Dans un désir évident de prendre soin des gens des régions excentriques, dans un désir évident d'équité, nous voulions qu'au Québec, au Nouveau-Québec, à Montréal, à Québec, à Gaspé ou en Abitibi la taxe payée par l'acheteur soit exactement la même et ne constitue pas un facteur qui augmente encore davantage le prix de l'essence dans les régions éloignées.

Le prix de vente fixé aujourd'hui est de $0.22 le litre pour l'essence régulière sans plomb et servira donc à établir le montant de la taxe payée jusqu'à ce qu'il soit déterminé à nouveau de la manière prévue par la loi. Pour le moment, je vous dirai même que, depuis le 25 mars dernier, les consommateurs font des économies. L'essence régulière sans plomb taxée le 25 mars à $0.044 le litre n'est plus taxée, à la suite de l'application de la règle de 20%, qu'à $0.042 le litre, ce qui est une réduction de $0.002. D'autre part, ce qui reste dans les deux cas est nettement inférieur, je tiens à le préciser, à la taxe ontarienne qui, elle, est actuellement de $0.046 le litre par rapport à $0.044.

Par ailleurs, des changements au chapitre des exemptions de taxes et des remboursements permettront de simplifier l'administration de cette loi tant pour les contribuables et les mandataires chargés de la perception de la taxe que pour les fonctionnaires du ministère du Revenu. C'est ainsi, par exemple, que le seul mazout coloré qui demeure taxable est celui qui sert à alimenter les locomotives sur rails. Tous les autres usages du mazout coloré, même ceux qui étaient taxés au taux réduit de $0.07 le litre, par exemple, l'alimentation d'un moteur non propulsif, d'un engin stationnaire ou d'une pompe à eau utilisée pour combattre un feu de forêt, seront dorénavant complètement exempts de taxes.

La Loi concernant l'impôt sur le tabac est, elle aussi, modifiée. Ces changements portent d'abord sur l'augmentation et la transformation de la taxe existante en une taxe équivalant à un pourcentage au prix de vente. La formule utilisée pour déterminer le montant de la taxe sur les cigarettes est sensiblement la même que celle qui est prévue pour les carburants. Le prix moyen fixé est de $6 pour 200 cigarettes et pourra être déterminé et pondéré pour tenir compte des différents formats sur le marché. Enfin, nous avons décidé d'introduire par le biais de ce projet de loi un nouvel article afin d'assujettir à l'impôt sur le tabac des personnes qui jusqu'à présent pouvaient consommer au Québec du tabac sans être imposées. Cela se trouvait encore. Je parle des fabricants qui consomment eux-mêmes leur tabac ou qui le distribuent à d'autres gracieusement. En effet, des pratiques de promotion courantes consistent à distribuer massivement des cigarettes sans qu'aucune taxe ne soit perçue. La loi, en effet, ne prévoyait jusqu'à présent que la taxation lors de l'achat du tabac. Il s'agit là d'une faille que nous voulions corriger afin d'être équitables envers les consommateurs dits ordinaires de cigarettes qui, eux, sont toujours imposés.

La dernière loi que le projet de loi no 103 amende sur trois points est la Loi sur les licences. Voilà ces modifications. D'abord, les droits que doivent payer les gagnants sur les enjeux en vertu

d'un système de pari mutuel lors de courses de chevaux. Ces amendements permettront que les sommes retournées aux parieurs soient les mêmes, tant sur les grandes pistes que sur les petites pistes; cela nous apparaissait être une mesure raisonnable et d'équité.

Quant à l'aide financière que le gouvernement consent à l'industrie des chevaux de course, nous augmenterons le montant de l'aide financière que le gouvernement apporte à cette industrie au Québec en portant le taux de cette aide de .7% à 1,2%, et même jusqu'à 1,5% de la valeur de la mise totale pour toutes les courses tenues au Québec pendant un exercice financier précédent.

Enfin, les droits payables sur les contenants à remplissage unique d'un litre ou plus passeront de $0.05 à $0.20. Toutefois, ces $0.15 d'augmentation seront remboursables chaque fois que les contenants seront recyclés. Depuis deux ans, le ministère de l'Environnement a conclu des ententes avec les fabricants de contenants non réutilisables. Ces ententes ont généralement bien fonctionné, sauf dans le cas des gros contenants d'un litre qui, eux, ne font toujours pas l'objet d'une entente valable. Nous essayons donc de régler le problème de récupération d'une autre manière en augmentant ainsi les droits payables sur les contenants à remplissage unique d'un litre ou plus.

Ce sont là, M. le Président, les commentaires que je voulais faire sur le projet de loi no 103. Cependant, je désire, avant de terminer, annoncer dès maintenant que j'aurai à apporter en commission parlementaire des amendements d'ordre technique. Voilà un projet de loi qui, encore une fois, annonce des exemptions de taxes nombreuses pour les contribuables québécois. J'ai hâte d'entendre les raisons du député de Notre-Dame-de-Grâce de s'opposer à ces réductions d'impôt.

Le Vice-Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, avant de répondre à la question posée par le ministre, je veux profiter de la tradition bel et bien établie par le ministre et rappeler un seul point du dernier projet de loi. Je pense que c'est important parce que j'ai l'impression qu'il a été mal conseillé par ses propres conseillers. Quand vous essayez de justifier la santé financière du Québec, vous avez toutes sortes de moyens de le faire: comparer le déficit avec les revenus, comparer la dette avec le PNB, comparer les emprunts avec n'importe quoi. Vous avez choisi, M. le ministre, de comparer les emprunts avec le PNB. Je pense que vous devez retourner auprès de vos conseillers, parce que, franchement, ce n'est pas une façon très justifiée.

Premièrement, nous sommes ici pour parler du gouvernement du Québec et non pas de SIDBEC et des autres organismes d'Etat. Il faut que tout le monde comprenne qu'un emprunt fait par SIDBEC pour construire une usine productive n'est pas du tout la même chose qu'un emprunt fait par le gouvernement du Québec pour combler un déficit courant. Je ne veux pas aller plus loin, parce que vous m'avez déjà donné la permission implicitement de soulever ce point, mais je veux simplement, en terminant, rappeler au ministre qu'entre son arrivée au pouvoir et ces jours-ci la dette du gouvernement du Québec, comparée même avec le PNB du Québec, a augmenté d'à peu près 25%. C'est très important ce point et c'est une autre preuve que la situation n'est pas saine.

Pour répondre maintenant à la question du ministre, à savoir comment je peux démontrer à la population du Québec que cette loi qu'il vient d'annoncer n'est pas une loi qui va aider les contribuables, je vais poser des questions. Savez-vous combien valent les baisses d'impôt prévues dans ce projet de loi, les baisses de taxe de vente sur les objets qu'il a mentionnés: les textiles, les chaussures et les autres articles qui sont changés dans ce projet de loi? Vous ne le savez pas, parce que cela n'a pas été révélé par le ministre des Finances dans le budget. J'ai posé la question en commission parlementaire, le lendemain, et le chiffre c'est $80 000 000 par année.

Savez-vous combien est le total du coût des augmentations de la taxe de vente sur le pétrole et le tabac qui sont proposées dans le même projet de loi? Ces chiffres étaient dans le budget. Il est prévu par le ministre à $70 000 000. En effet, le bénéfice net prévu par le ministre des Finances lui-même pour les consommateurs est un montant dérisoire total $10 000 000.

Et ce n'est pas tout, parce que c'est basé sur le prix actuel de l'essence. Si l'augmentation du coût du pétrole prévue pour le 1er juillet, qui est de l'ordre, si je me rappelle bien, de $4 le baril, est mise en vigueur, le montant prévu ne sera pas $40 000 000 d'augmentation de coût pour les conducteurs de voiture québécois, mais à peu près $250 000 000. En effet, le système que le ministre des Finances a mis en marche en cachette, par du camouflage dans ce projet de loi, c'est d'aller chercher auprès des contribuables d'ici un an à peu près trois fois plus qu'ils ne donnent.

Il est très probable que d'ici un an, le résultat de ce projet de loi, que vient de vanter le ministre du Revenu, va coûter directement chaque année aux contribuables du Québec trois fois plus cher qu'ils ne paient maintenant. J'espère que vous ne trouvez pas ce raisonnement très compliqué, M. le Président. Vous avez été obligé d'écouter une avalanche de chiffres ce matin et vous serez condamné à en écouter davantage, mais j'espère que c'est clair. Le projet de loi no 103 présentement en discussion et que vient de vanter le ministre du Revenu, après la prochaine augmentation de $4 le baril prévue par le fédéral, va coûter aux contribuables québécois en taxe de vente, notamment sur le tabac et les carburants, à peu près trois fois plus qu'il ne donne dans les baisses proposées dans le projet de loi. C'est la réponse que je donne respectueusement au ministre quand il me demande comment je peux dire aux Québécois que ce projet de loi-ci n'est pas à leur avantage.

Je veux terminer en soulignant tout simplement un point important touchant cette nouvelle idée du ministre des Finances de changer le taux d'imposition en pourcentage plutôt qu'un montant fixe en ce qui concerne l'essence. Comme vous le savez, il a proposé dans le budget de changer le système d'imposition à un montant fixe de 20% du prix actuel. C'est correct, c'est une idée qui n'est pas mauvaise, mais il a essayé d'induire la population en erreur à deux reprises et mon collègue de l'Union Nationale a lui-même essayé de corriger les faits. Il va probablement le refaire aujourd'hui, mais parce que c'est important, je pense qu'on va le faire à deux.

Dans le budget, le ministre des Finances disait: "Nous nous mettons simplement en position pour que la hausse inévitable ne soit pas partagée seulement entre Ottawa et Edmonton, mais que le Québec participe aussi au partage de l'assiette au beurre. Placé devant la nécessité d'une hausse du prix de l'essence, le contribuable québécois n'en voudra sûrement pas à son gouvernement de rapatrier au Québec une partie de la hausse".

On ne reprend pas une partie de la hausse d'Ottawa et d'Edmonton; on ajoute ici aux hausses imposées par les producteurs de pétrole une autre hausse qui est de notre décision à nous. Est-ce clair? On ne prend pas part à l'augmentation proposée ou mise en vigueur par les autres, on y ajoute. Les contribuables québécois seront obligés d'accepter non seulement une augmentation qui est une décision des provinces pétrolières, qui ont le produit, mais une autre augmentation indépendante, autonome du ministre des Finances du Québec. Ne croyez pas que le ministre des Finances va percevoir une partie de l'augmentation des autres, c'est une addition. Je le dis parce que le lendemain, dans un autre débat, le ministre, en réplique à une question, disait: Sur chaque dollar d'augmentation, nous prenons $0.20. Ce n'est pas vrai. Sur chaque dollar d'augmentation, nous allons ajouter encore $0.20 et ce sera $1.20. Est-ce clair? Il est très important que la population du Québec ne soit pas induite en erreur. Ce n'est pas une partie de l'augmentation des autres qu'on va gagner; c'est une autre taxe que le ministre des Finances a décidé d'imposer par-dessus celle que nous avons déjà. (12 h 40)

En ce qui concerne le tabac, je pense que c'est un problème qui touche surtout le premier ministre qui, à mon avis, fume à peu près 15% à 20% de la production du Québec. Il faut qu'il s'arrange avec le ministre du Revenu. Je pense que ce sont tous les commentaires que j'ai pour le moment, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Bien sûr, je tenterai d'intervenir sur le projet de loi no 103 et cela, en toute objectivité et sérénité, même après que le député de Chauveau eût traité le député de Bellechasse de colonisé. Je lui dirai que 62% de la population de Bellechasse a appuyé son député; c'est pas mal préférable à l'appui qu'a reçu le député de Chauveau.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Projet de loi no 103, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Oui, M. le Président. Je disais que l'appui que j'ai reçu est préférable à celui qu'a reçu le député de Chauveau. En plus d'avoir été démis de ses fonctions...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: En plus d'avoir été démis de ses fonctions, d'avoir été...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!... A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: M. le Président, je dois admettre que le projet de loi no 103 traduit certaines mesures positives annoncées lors du discours sur le budget ou encore lors de la déclaration ministérielle du ministre des Finances, en décembre dernier. Parmi les bonnes mesures que véhicule ce projet de loi, mentionnons les exemptions de taxes concernant les lecteurs optiques pour les aveugles — le ministre en a parlé tout à l'heure, c'est bon de le souligner à nouveau; quand c'est positif, c'est positif — les meubles meublants, les rideaux, tentures, médicaments vendus aux établissements du réseau des affaires sociales, ainsi de suite. Enfin, des mesures à tendance sociale ou des mesures qui auront un impact positif sur — enfin, je l'espère — certains secteurs de notre économie.

Il reste, par contre, des mesures qui ne plairont pas à tout le monde. Je prends un exemple: les droits que doivent payer les brasseurs et les distributeurs de liqueurs douces pour mettre sur le marché des contenants à remplissage unique d'un litre ou plus. Sur cette mesure, le seul reproche — je dis bien le seul reproche — que je pourrais formuler au gouvernement, c'est de ne pas avoir prévenu les industries concernées auparavant pour qu'elles puissent s'ajuster à temps. Mais, en tout état de cause, c'est un choix que le gouvernement se devait de faire dans un souci — et, je l'espère, premier — de conservation de l'environnement. Je crois que, dans ces circonstances, on ne peut qu'approuver une mesure de ce genre.

Au début de mon intervention, je disais que ce projet de loi renfermait l'essentiel de certaines bonnes mesures prises par le gouvernement et je le maintiens encore, sauf que, comme le gouvernement nous y a souvent habitués au cours des dernières années, en ce qui a trait au contenu, on ne peut approuver entièrement ce projet de loi. C'est pour cela que j'aurais aimé le voir scindé en deux parce qu'il y a une partie positive et il y a une partie négative.

Cette fois-ci, mon appréhension vient du fait que l'on veut modifier la taxe sur les carburants. D'une taxe unitaire, on passerait à une taxe calculée sur le prix de vente au détail, ce qui se traduira, pour le contribuable québécois, en une augmentation ou en une taxe de 20% chaque fois qu'il y aura une augmentation du prix de l'essence.

J'admets avec le ministre qu'à brève échéance cela entraînera pour certains consommateurs une diminution du prix de l'essence suivant que ce consommateur utilisera de l'essence régulière ou non, mais il ne faut pas tenir cela pour acquis, M. le Président, car tout le monde sait que le pétrole et, par conséquent, l'essence a plutôt tendance à monter et que de nouvelles hausses pointent à l'horizon. Donc, pour chaque augmentation du prix du pétrole, chaque augmentation décrétée par le gouvernement fédéral, cela reviendra pour le contribuable québécois à payer 120% de l'augmentation qu'aura à subir l'ensemble des autres Canadiens.

Chaque fois qu'on va augmenter, par exemple, de $0.10 ou, pour faire un chiffre rond, de $1, que cela prenne un, deux ou trois ans pour augmenter de $1, que ce soit pour un ou vingt gallons ou 50 litres, chaque fois qu'on augmentera de $1, au niveau de l'ensemble canadien, les Québécois auront une augmentation de $1.20, soit 20% supplémentaires. A quelques exceptions près, je pense que ce seront seulement les Québécois qui subiront cette hausse de 20%, seulement les Québécois à l'intérieur du système canadien. L'ironie de tout cela, M. le Président, c'est que l'odieux de chaque augmentation passera sur le dos d'Ottawa bien qu'en réalité une partie de cette hausse sera attribuable directement à la hausse de taxation que le Québec aura choisi d'imposer.

Je remarque, en plus, une sorte de changement d'attitude de la part du gouvernement pé-quiste, du gouvernement québécois envers le gouvernement fédéral. En effet, le ministre des Finances et le ministre du Revenu aujourd'hui, avec cette loi, semblent faire confiance à Ottawa dans la fixation des prix du pétrole car, comme le ministre des Finances le mentionnait lors d'une question que je lui ai posée justement au sujet de cette taxe, il m'avait dit, M. le Président — et je cite la réponse qu'il avait formulée à ce moment-là — si M. Crosbie avait su que des taxes comme celles-là existaient dans le reste du Canada, vraisemblablement, il n'aurait pas augmenté sa taxe d'accise de $0.18, mais de $0.15 spécifiquement pour tenir compte de ce que je viens d'indiquer.

Comme je le disais, contrairement à ce à quoi le gouvernement péquiste nous a habitués, soit confrontation ou méfiance envers le fédéral, il semble maintenant faire confiance au jugement d'Ottawa, du moins dans ce cas-ci, dans le cas de l'augmentation du prix du pétrole. J'espère, M. le Président, que cela se traduira dans les faits.

En terminant, si vous me le permettez, j'aimerais apporter certaines précisions. Dans les faits, je sais que l'augmentation du prix du pétrole est une façon efficace d'enrayer le gaspillage de l'énergie et, à ce compte, il est inutile de rappeler que nous les Canadiens, nous sommes les plus grands consommateurs d'énergie du monde. Par contre, si je dois me serrer la ceinture dans le but d'une utilisation plus rationnelle de l'énergie et surtout au niveau de l'essence, je ne voudrais pas être le seul à payer, mais que mes voisins en fassent autant.

De plus, j'irais même jusqu'à souscrire à une telle mesure sur l'essence si j'avais la garantie du gouvernement que cette augmentation de taxe sur l'essence serait redistribuée à tous les contribuables québécois sous forme de diminution d'impôt, d'augmentation de la qualité des services, etc., et non pour effacer, justement, ce fameux déficit de $2 300 000 000 qu'on connaîtra encore cette année qui est vraiment issu d'une mauvaise utilisation de nos ressources, d'une mauvaise gestion des fonds publics.

A ce sujet, j'aimerais rappeler une déclaration du ministre des Finances qu'il a faite le 21 décembre dernier: Si nous devions, pour nous égaliser avec le gouvernement fédéral et les autres provinces, percevoir cette fameuse taxe de $0.18 — qui n'existe plus, mais dont il a parlé au moment où il prononçait son discours — sur le gallon d'essence, nous l'aurions redistribuée sous forme de baisse d'autres impôts: taxe de vente, taxes foncières, impôt sur le revenu, etc. Ce que je dis, M. le Président, c'est que cette modification que l'on apporte à la taxe sur les carburants n'est pas faite dans le but de nous égaliser avec les autres provinces parce que, en fait, nous pourrons retrouver, somme toute, une surtaxe de 20% comparativement aux autres provinces.

Cette seule mesure, dans ce projet de loi, devrait nous inciter à voter contre ce projet de loi. Mais nous avons quand même tenté d'avertir le gouvernement de ce danger, de cette surtaxe. Conscient également, comme je l'ai dit au début de mon intervention, que dans ce projet de loi il y a de bonnes mesures, je recommanderai à mes collègues d'appuyer ce projet de loi, mais j'aurais aimé le voir scindé en deux de façon à séparer la dernière partie, au niveau de cette fameuse surtaxe de 20% que les Québécois devront payer sur l'essence. Cette seule raison nous aurait justifiés de voter contre ce projet de loi. (12 h 50)

Le Vice-Président: Merci.

M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: Thank you, Mr President. Firstly, I would like to say that Bill 103 has certain very positive aspects because it does take into consideration tax relief for people who sould have been considered in earlier budgets and, after having made representation to the government, have been considered and are now getting the benefit of some tax relief, especially in the area of sales tax for workers and their working clothing, hard helmets, etc., for the handicapped who have to buy very expensive equipment and material so that they can function more successfully in our society.

These new tax reductions, for example, to improve the condition of our textile industry in the province of Québec, especially in the area of decorative materials, are positive cuts. As the member for Notre-Dame-de-Grâce has indicated, the amount of the reduction is considerable. When we consider that $80 000 000 will be reduced from the revenues of the province by these cuts, it indicates that these are important and considerable cuts, important to the people that are involved, important as a policy of this government.

It is also important to suggest that if this were all of bill 103, it would, I am sure, receive 100% support by the members of this House. It is in this kind of direction that the government should be moving, taking into consideration the pressures that they do receive from their constituents that make very clear to them that certain types of taxes are unfair and inequitable and I am pleased to see that the government has reacted positively in this direction to make these particular adjustments.

Now, we move to the new tax on gasoline. We heard the Minister of Finance suggest that, over the next period of time in this country, we will see significant increases in the cost of petroleum energy and that the government of Québec should have a piece of the pie of the taxes that will be collected on this growing cost to the people of this country. I would suggest that, here, we have a paradox, we have a piece of legislation that responds very positively to the needs of people, but then we have another piece of legislation that says: This growing income, which is not new petroleum but an increased cost for petroleum, should give a new advantage to the province of Québec as a source of revenue. So, they suggested they would add a 20% tax on the increase or take 20% of the increases generated in tax on the increases in the cost of this new petroleum energy that will be growing over the next period of time.

We take, for example, a suggestion that, on the 1st of July, there will be an increase in the cost of petroleum — the figure is not, as yet, determined, it is suggested, by the Minister of Energy as being approximately $1. By the past budget that was almost passed by the Conservative government being $4 — this final figure had not been determined, because this final negotiation between the Federal government and the province of Alberta has not been finalized. But, nevertheless, Mr President, we still import 100% of our petroleum energy into the province of Québec and obviously the Federal government has applied a tax which, in effect, has been used to subsidize the cost of the non-producing provinces of Canada so that the hard hitting effects of the rapid growth in the international cost of petroleum would not be felt by certain regions of Canada when others have the advantage of having petroleum as part of their natural resources.

The Minister of Finance goes further and he says; You know, if we introduce this tax, the Federal government will be less ready to increase their taxes and so we will, in effect, not increase the tax on petroleum, we will have the Federal government and the provinces reduce their piece of the pound of flesh that the taxpayer must pay and we will in effect not have any true tax increase whatsoever and everyone is quite aware that this is baloney. In fact, this is a surtax that Quebeckers alone will pay in Canada, 20% more tax on their petroleum products than in other parts of Canada. And so, in effect, the efforts that are being made by the Federal government to soften the cost increases being felt by Quebeckers, will be in effect undercut by this attitude of the Minister of Finance that we also should take a share of the tax potential revenues that are available on the increase in cost on petroleum products.

I think that this is unfair because it should not be necessary. If this government was really practicing the restraint that it claims to be, and instead of reflecting back on the terrible waste that was involved in the Olympic deficit, looking directly at its own activities; 70% increase in spendings since they came to power, 23 new "régie" offices and new bureaucracy, Mr President, there is the real problem. This is why in spite of increases in taxation, because this does, as the member for Notre-Dame-de-Grâce clearly said increase another source of revenue into the neighbourhood of $250 000 000 or $300 000 000 in spite of the tax it does reduce by $80 000 000 because it is... Another $300 000 000 that the taxpayers will have to pay to this province, probably this year, most certainly next year. And it is having to, in spite of this increase in tax, we will also see a tremendous increase in deficit, to $2 300 000 000. Where lies the problem? Perhaps, it is true that if they mismanage the spending, they are going to have to increase the taxation. And maybe, if this government was acting truly responsibly, it would begin to bring in the restraint that it pretends to bring in reality. When we see that every province in this country has made strong efforts to restrain its spending, when we see the federal government — we have not seen a new budget by our federal government but the past federal government — bringing in a budget which was significantly restrained in spending, Mr President, then, the kinds of open-door legislation that this 20% increase on the price of petroleum products will represent would not be necessary. And, another area of taxation will not be an unnecessary load for Quebeckers to pay. We are paying more income tax, more sales tax, more corporate tax. And now, we are going to pay 20% more tax on our petroleum products and that, Mr President, is because, in reality, this government is not managing its spending properly and having to increase its revenues and, therefore, having to load the people of this province with unnecessary increases that again discriminated against Quebeckers as opposed to other Canadians.

In spite of that, Mr President, recognizing that because of this lack of control of spending the government needs these new revenues and in

respect to the reduction that the government is demonstrating in the areas that it has, I will vote in favor of this piece of legislation. (13 heures)

M. Clair: M. le Président...

Le Vice-Président: Voici, il est 13 heures.

M. Clair: ... si j'avais le consentement de mes collègues, je prendrais sept, huit minutes.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement pour quelques minutes? M. le ministre.

M. Clair: Cinq, dix minutes, M. le Président. D'abord, simplement pour reprendre au tout début le député de Notre-Dame-de-Grâce qui disait que les besoins totaux d'emprunt n'étaient pas...

M. Scowen: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président: Oui.

M. Scowen: J'ai un engagement à 13 h 5, 13 h 10. Si le ministre ne prend vraiment que cinq minutes, c'est d'accord; autrement, je préfère qu'il attende. S'il veut aller plus loin, ce n'est pas... C'est d'accord? D'accord.

Le Vice-Président: Consentement pour cinq minutes.

M. Clair: Cinq minutes, M. le Président. Cinq, six minutes, d'accord?

M. Scowen: ... si le ministre veut prendre vraiment cinq minutes, d'accord, mais autrement, je préfère qu'il attende s'il veut aller plus loin.

Le Vice-Président: Consentement pour cinq minutes.

M. Clair: Cinq minutes, M. le Président, cinq ou six minutes.

Le Vice-Président: M. le ministre. M. Michel Clair

M. Clair: Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous disait que le critère dont je me suis servi tantôt pour démontrer l'assainissement de la situation financière du Québec n'était pas bon parce qu'il tenait compte de l'ensemble des emprunts de l'Etat québécois et de ses organismes. Si on prend les besoins financiers nets, je voudrais simplement lui rappeler qu'à la dernière année du gouvernement libéral précédent, quant aux besoins financiers nets, il y avait eu un taux de 14,2% d'emprunt alors que pour le budget actuel c'est 11,9% ou 12% qui est prévu.

En terminant mon intervention, en réplique sur l'autre projet de loi, j'avais invité le député de

Notre-Dame-de-Grâce à nous indiquer pourquoi il allait voter contre puisque cela constitue surtout des réductions d'impôt. Il nous est d'abord arrivé avec la hausse d'impôt de la taxe sur le tabac. J'ai peine à comprendre la logique du député de Notre-Dame-de-Grâce et de l'Opposition officielle. Le député d'Outremont nous avait dit, au moment du discours sur le budget, qu'il fallait hausser les impôts. J'espérais bien que, par la discussion sur les projets de loi actuels, on saurait du député de Notre-Dame-de-Grâce quels impôts il était prêt à augmenter puisqu'il a lui-même reconnu plus tôt ce matin que le temps n'était pas à la baisse d'impôt et qu'on ne pouvait pas réellement baisser les impôts.

Après avoir entendu tous les discours du député de Notre-Dame-de-Grâce, puisqu'il veut hausser les impôts mais qu'il ne veut pas maintenir les droits successoraux, il ne veut pas maintenir des niveaux de taxe acceptables au niveau des grandes entreprises, il ne veut pas augmenter l'impôt sur le tabac, je ne vois pas d'autre alternative pour le député de Notre-Dame-de-Grâce que d'augmenter l'impôt sur le revenu tout court. C'est peut-être ce qu'il a retenu puisque c'est le seul domaine dont il n'a pas parlé.

En ce qui concerne la taxe sur les carburants, qui devient une taxe au pourcentage plutôt qu'une taxe unitaire, mes deux collègues, le député de Bellechasse et le député de Notre-Dame-de-Grâce, ont essayé de faire croire que c'était là une mauvaise décision pour les meilleurs intérêts du Québec. Il me semble que s'il y a un sujet en faveur duquel ces deux députés, qui ont fait campagne pour le non, auraient dû se prononcer c'est bien celui-là. Ce que va nous permettre cette taxe de 20% au lieu d'une taxe unitaire, c'est d'être sûrs de participer à la richesse canadienne. Comme le disait le premier ministre Trudeau, lors de la récente campagne référendaire, on est Canadien ou bien on ne l'est pas! Nous voulons être Canadiens à 100% et on veut être sûrs d'avoir notre part dans cette richesse-là, on veut des garanties on veut être assurés...

Une Voix: Redites ça sans rire.

M. Clair: Je le dis sans rire, certain, M. le Président. On veut être assurés de deux choses: la première, c'est que le gouvernement du Canada, quand il établira le coût du gallon de pétrole, va devoir tenir compte qu'il y a au Québec une taxe de 20%. On va aller chercher 20% de l'augmentation. On n'est pas seul à avoir compris cela. Nous ne sommes pas la seule province consommatrice de pétrole à avoir compris que, si cela voulait dire quelque chose, on est Canadien ou on ne l'est pas, il fallait agir de la sorte. Il y en a deux autres provinces actuellement qui ont compris, de sorte que nous sommes trois provinces à vouloir être canadiennes réellement à part entière, comme ils se sont plu à nous dire pendant tout le temps de la campagne référendaire, ces trois provinces étant le Québec, le Manitoba et l'île-du-Prince-Edouard.

M. le Président, ce qu'on veut, on veut être certain d'avoir notre part, quand le gouvernement fédéral va augmenter le prix du pétrole. Cette richesse que va générer l'augmentation du prix du pétrole, il y a quelqu'un qui va en profiter quelque part, soit les entreprises, soit le gouvernement de l'Alberta, soit le gouvernement d'Ottawa. Nous, tout ce qu'on dit: Nous aussi, on veut avoir notre part là-dedans simplement. Il y a deux autres provinces qui ont compris cela et c'est ce qui méfait dire ceci sur des gens comme ceux qu'on vient d'entendre: Si ces personnes voulaient être certaines qu'on participe pleinement à la richesse de ce pays, c'était une belle occasion d'appuyer le gouvernement sur cette mesure, plutôt que de voir là la seule raison pour laquelle ils s'opposent au projet de loi.

Encore une fois, je suis la leçon du 20 mai dernier; on est Canadien ou bien on ne l'est pas. On veut avoir notre part dans la richesse que vont générer les augmentations du prix du pétrole.

Un dernier point en terminant, M. le Président, rapidement. Le député de Bellechasse nous a dit ceci en ce qui concerne la taxe sur les contenants en vertu de la Loi sur les licences. Les droits passent de $0.05 à $0.15 sur les bouteilles d'un litre et plus, et en principe il est d'accord sur cette augmentation de taxes qui pourra être remboursée si les bouteilles sont recyclées. Sauf qu'il laisse entendre que les entreprises en cause n'auraient pas été consultées ni prévenues de quelque manière que ce soit en rapport avec les augmentations.

Je voudrais dire au député de Bellechasse que, sauf erreur de ma part, le ministre de l'Environnement, qui a négocié avec plusieurs secteurs des ententes dans le but d'assurer le recyclage et la conformité à certaines normes de protection de l'environnement des bouteilles non réutilisables, j'imagine qu'il n'a pas exclu volontairement de la consultation les entreprises en cause et qu'au contraire ces entreprises auraient pu en venir à des ententes avec le ministère de l'Environnement. Ceci étant dit sous réserve de précisions de mon collègue, le ministre de l'Environnement.

En terminant, je voudrais simplement dire que je ne comprends toujours pas mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il m'apparaît que lui qui voulait des hausses d'impôt puisse s'opposer à ce projet de loi qui prévoit des réductions et quelques petites hausses sur des objets non essentiels. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: La motion de deuxième lecture du projet de loi no 103 sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader...

M. Scowen: Sur division.

Le Vice-Président: Sur division.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission permanente du revenu

M. Bertrand: M. le Président, je ferais maintenant motion pour que ce projet de loi no 103 soit déféré à la commission parlementaire permanente du revenu.

Le Vice-Président: Motion adoptée? Des Voix: Adopté.

M. Bertrand: Et nous suspendons jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président: Là-dessus, les travaux de cette Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Suspension de la séance à 13 h 10

Reprise de la séance à 15 h 11

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement faire part à nos collègues que nous nous sommes entendus, les différents porte-parole, sur les deux projets de loi que nous allons étudier pour qu'à la suite de l'étude en deuxième lecture des projets de loi nos 86 et 87 nous puissions nous transformer en commission pléniè-re et étudier ces deux projets de loi article par article. Nous pourrions donc terminer la séance de cet après-midi avec ces deux projets de loi. J'appellerais donc, M. le Président, le projet de loi no 86.

Projet de loi no 86 Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 86, Loi sur le fonds forestier. M. le ministre de l'Energie et des Ressources, vous avez maintenant la parole.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui... Oh! pardon. On me souligne que l'honorable lieutenant-gouverneur, au nom de la reine, a pris connaissance de ce projet de loi et qu'il en recommande l'étude à la Chambre.

M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui, en apparence, est anodin; cependant, il est plein d'implications. Je ne voudrais pas laisser passer l'occasion sans revenir un peu sur le sens qu'il faut

accorder à ce projet de loi et en voir une nécessité sur les besoins du Québec. D'une part, peut-être que le projet de loi apparaît un peu anodin dans la mesure où le Québécois ne se préoccupe pas toujours de l'existence de ses forêts et de l'importance que joue la forêt dans son économie et dans son histoire. Par exemple, lorsqu'on se replonge dans nos traditions et qu'on relit des textes comme Menaud, maître draveur ou une bonne partie de notre folklore québécois, on constate que la forêt a joué un rôle extrêmement important, qu'un des premiers travaux à l'extérieur qui s'est offert aux Québécois a été dans le domaine de l'exploitation forestière. Nous avons une longue tradition de bûcherons, nous avons une longue tradition de travailleurs forestiers, une longue tradition des camps forestiers. Il faut revenir à des légendes comme la chasse-galerie. Il faut revenir à tout notre passé et à toute notre littérature pour voir à quel point la forêt a marqué la société québécoise.

Egalement, la forêt est capitale dans notre économie puisqu'elle représente près de $3 500 000 000 de notre produit national brut. C'est certainement notre première industrie au Québec; elle est donc capitale.

Il faut se dire que même le citadin ne réalise pas que, chaque fois qu'il sort $1 de sa poche, il y a près de $0.20 sur ce dollar qui proviennent d'une activité forestière. En d'autres termes, même l'urbain, même le citadin n'est pas conscient qu'une bonne partie de l'argent qu'il a en poche vient de l'existence de cette forêt et de son exploitation à des fins commerciales.

Par contre, si les Québécois s'intéressent davantage à la forêt, c'est souvent parce qu'ils ont appris à l'aimer. Ils ont appris, par exemple, par des politiques d'accessibilité à la forêt publique, par des politiques de déclubage, à profiter de la nature. Cette préoccupation, que l'on note chez les Québécois comme d'ailleurs un peu partout dans le monde, préoccupation pour l'environnement, pour la qualité de la vie, a comme conséquence que, de plus en plus, on voit la forêt comme un milieu écologique, comme un univers qu'il faut respecter et qui est un endroit de récréation, de plaisir, de qualité de vie. Si le Québécois s'intéresse à la forêt, c'est souvent davantage pour des raisons environnementales que pour des raisons commerciales, mais je pense qu'il faut tenter d'équilibrer les deux.

Or, qu'est-ce qui frappe lorsqu'on examine justement les critiques que l'on a adressées à la gestion de nos forêts dans les années passées? D'une part, on a reproché que cette forêt soit le monopole d'un petit nombre de grandes entreprises forestières qui en ont contrôlé l'ensemble du territoire. D'ailleurs, dès 1830, on parlait d'un scandale quant à l'allocation des forêts puisqu'on constatait que d'immenses étendues de forêt étaient allouées à un certain nombre de petites compagnies qui sont devenues très grosses entretemps et qui, finalement, ont fait fortune grâce à l'exploitation des richesses.

Or, ce qu'il faut bien constater, c'est que très peu de ces compagnies ont été québécoises à l'origine; elles le sont de plus en plus puisqu'il y a des rachats d'entreprises étrangères. On peut penser à la Consolidated-Bathurst qui est maintenant une propriété du groupe Desmarais; on peut penser à Domtar qui, récemment, voyait 22% de ses actions passer entre les mains de la Caisse de dépôt; on peut penser à la Donohue, achetée par la Saint-Félicien; on peut penser quand même à un certain nombre de sociétés qui maintenant sont devenues proprement contrôlées par des actionnaires québécois. Mais il faut quand même se reporter dans le passé et constater qu'il y a une centaine d'années l'ensemble de nos forêts était contrôlé par une poignée d'entreprises qui, finalement, en détenant le monopole de nos bois, le monopole de nos forêts, ont peut-être profité de cette forêt, de cette richesse naturelle pour assurer leur propre épanouissement plutôt que l'épanouissement de l'ensemble de la société et le Québécois a été obligé de se contenter d'un rôle de bûcheron essentiellement.

Deuxième critique que l'on peut faire à notre façon de gérer nos forêts, c'est une critique liée au massacre, au pillage éhonté de nos forêts. Qui n'a pas circulé, par exemple, en forêt pour constater un immense parterre de coupe à blanc et où on voit de la difficulté de régénération, les arbres repoussent lentement? On doit constater qu'effectivement on n'a pas, dans le passé, assuré aux générations qui allaient nous suivre que notre forêt maintiendrait son potentiel, sa qualité, la quantité de matière ligneuse qui feraient en sorte que nos enfants pourraient profiter d'une économie et d'un milieu de vie aussi agréable que celui que nous ont laissé nos parents. Je pense que c'est le deuxième commentaire que l'on peut faire quant à notre façon de gérer nos forêts.

Les gouvernements qui se sont succédé ont certainement tenté d'y remédier. Par exemple, à l'époque du gouvernement de M. Johnson, on avait assisté avec M. Gosselin à un effort pour accroître les travaux de reboisement des forêts publiques, pour tenter justement de commencer à corriger les méfaits d'une certaine exploitation qui était souvent dommageable pour le milieu et qui ne permettait pas à la forêt de se régénérer correctement.

Cependant, ce qu'on devait constater vers la fin du gouvernement de l'Union Nationale, c'est que les crédits qui avaient été alloués pour la création de pépinières et les plantations en forêt publique se voyaient resserrés sans doute à cause de contraintes budgétaires quelconques et le problème de la plantation de petits arbres laissait peut-être place à des problèmes plus importants à l'époque, des problèmes d'éducation, des problèmes de santé. Finalement, on devait constater que ces vastes programmes d'aménagement forestier avaient pris un coup dur vers la fin des années soixante-huit, soixante-neuf, soixante-dix. A son arrivée, le gouvernement libéral, sous la direction, au ministère des Terres et Forêts, de M. Drummond, a tenté de reprendre le problème à sa source et de le corriger. On devait assister à deux

grandes politiques: politique de révocation et politique de reboisement. Politique de révocation qui consistait à retirer aux grandes compagnies, les unes après les autres, le contrôle de leurs forêts de manière que de plus petits utilisateurs puissent en profiter, comme présentement nous faisons place aux coopératives forestières en forêt publique et, pour le faire, il nous faut effectivement contrôler la gestion des forêts publiques, c'est-à-dire qu'il faut, petit à petit, retirer du contrôle des grandes compagnies des blocs entiers de forêt publique et utiliser ces grandes forêts pour permettre à de nouveaux intervenants d'entrer dans ce domaine. C'est ce qui a permis, par exemple, la naissance d'une industrie du sciage très moderne dans le Nord-Ouest et dans plusieurs régions du Québec. Donc, cette première politique de révocation a permis graduellement à l'Etat de devenir véritablement le gestionnaire de notre forêt publique.

La deuxième politique a été une politique de reboisement. On s'était donné dans ce livre blanc un objectif de 65 000 000 de plants et on avait donc entrepris d'y allouer les crédits nécessaires pour rebâtir l'intervention du ministère des Terres et Forêts au niveau de l'aménagement et des plantations en forêt publique. En 1976, les plantations avaient atteint une quantité assez importante de 43 000 000 de plants dans nos pépinières. Donc, on avait effectivement entrepris d'accroître les budgets au niveau des plantations, budgets qui avait chuté au début des années soixante-dix, soixante et onze, soixante-douze.

Cependant, lorsque nous sommes arrivés en 1976, nous avons dû constater que le ministère avait brûlé 8 000 000 de plants dans nos pépinières gouvernementales, faute des crédits nécessaires pour les replanter en forêt. En d'autres termes, on récoltait les semences, les "cocottes" si on peut dire, on plantait dans les pépinières, on repiquait même ces plants à l'intérieur des pépinières et, la troisième année, au moment où il fallait les mettre dans les forêts publiques, les reboiser, replanter ces plants, on constatait que les budgets étaient coupés et, effectivement, en 1975-1976, des coupures importantes des budgets au ministère des Terres et Forêts ont entraîné la perte de près de 8 000 000 de plants.

Nous avons dû, en 1977, mettre sur pied un programme conjoncturel pour qu'au moins le volume de nos pépinières soit replanté dans les forêts publiques. C'était une mesure temporaire. A suivi cette première mesure en 1977 un plan d'aménagement, un plan quinquennal où il s'agissait cette fois de consacrer près de $150 000 000 sur cinq ans à des travaux d'aménagement forestier consistant essentiellement en des reboisements à partir de nos pépinières, de même qu'en ensemencement aérien. Essentiellement, nous visions une production de 100 000 000 d'arbres, toujours les mêmes objectifs un peu ambitieux de chaque gouvernement antérieur, et près de 75 000 000 de ces plants seraient produits dans nos pépinières gouvernementales.

En fait, l'objectif que nous nous sommes imposé est de reboiser 25% des superficies qui ont été coupées, l'analyse par les officiers du ministère étant que près de 75% de nos forêts coupées se régénèrent naturellement sans qu'il y ait besoin d'aller planter des arbres à la main. Il y a suffisamment de semences et les conditions sont suffisamment favorables pour que la forêt repousse par elle-même et cela, dans les années ou les deux ans qui suivent. Cela est pour !a grande forêt publique. Pour la forêt privée, c'est un peu moins que ce niveau.

Donc, ce plan quinquennal que nous avons annoncé a comme objectif de reprendre à nouveau cette discussion de l'aménagement de nos forêts publiques et de faire en sorte enfin qu'on puisse commencer à les exploiter d'une façon intensive. Quelles sont les conséquences pratiques de ces programmes d'aménagement forestier? Elles sont triples. D'une part, il est bien évident que, si après coupe, 25% de la superficie ne repoussent pas normalement, soit qu'ils repoussent en aunes, en trembles, en espèces indésirables ou encore qu'ils ne repoussent pas du tout, on assiste à des problèmes d'érosion ou encore à des phénomènes de marécages qui se produisent et que cette forêt ne se régénère pas. (15 h 20)

Cela veut dire qu'on a coupé un certain volume de forêt une année donnée, mais, lorsqu'on reviendra dans 45 ans, on n'aura que 75% du bois qui était là lors de la première coupe. Si on recule systématiquement année après année, le danger existe réellement que nous finissions par épuiser cette forêt.

Donc, en replantant, en réensemençant 25% de cette forêt, c'est-à-dire les superficies qui ne se régénèrent pas naturellement, nous allons pouvoir au moins maintenir le potentiel forestier, donc garantir aux usines en place qu'elles auront du bois à long terme. Mais ce n'est pas tout. On augmente également la productivité des superficies ainsi aménagées d'abord parce que l'entretien des plantations, dans la mesure où nos arbres sont plantés moins serrés, ce qui, en général, amène la régénération naturelle, a comme conséquence que nos arbres poussent beaucoup plus vite. La productivité de matière ligneuse à l'acre est plus élevée et, par conséquent, nous avons plus de bois à l'acre dans des terrains aménagés que dans une forêt naturelle.

Donc, la conséquence de ces travaux d'aménagement est d'accroître la vitesse avec laquelle notre forêt repousse. A ce moment-là, comme avantage immédiat, sachant que dans 45 ans nous aurons une forêt à maturité là où il aurait fallu 75 ans et 100 ans, sachant donc que notre forêt va pousser plus vite, va donner un volume de bois supérieur, on peut même souvent hypothéquer des forêts à maturité, existant maintenant, et augmenter dès maintenant les volumes de bois coupés sur cette forêt publique. Donc, les travaux d'aménagement ont souvent comme résultat, à cause de notre structure de forêt et de l'existence d'une vieille forêt, de nous permettre aujourd'hui d'accroître les coupes sachant qu'on prévoit la

relève pour dans 45 ans. C'est l'avantage de plusieurs de nos programmes de reboisement.

Troisième avantage, troisième objectif, forcément, en accroissant la productivité de nos forêts, il n'est pas nécessaire d'aller aussi loin de l'usine pour récolter la matière ligneuse. Donc, la conséquence est que nous rapprochons le bois de nos usines et que nous diminuons les coûts de transport. Voilà donc trois objectifs qu'on peut poursuivre: maintenir la quantité de matière ligneuse produite par notre forêt, accroître la quantité de matière ligneuse et également rapprocher cette forêt de nos usines.

Pour vous donner quelques exemples de l'impact économique de ce programme quinquennal dans la seule Gaspésie, donc les comtés de Matapédia, Matane, Bonaventure et Gaspé, nous allons reboiser 9000 acres, ce qui va augmenter le potentiel forestier de près de 200 000 à 300 000 cunits, donc des unités de 100 mètres cubes de bois.

Qu'est-ce que cela représente comme impact? En pratique, cela a représenté pour la dernière année le doublement de toutes les garanties d'approvisionnement des scieries de la Gaspésie. Nous avons donc multiplié par deux toutes les garanties d'approvisionnement des usines de la Gaspésie. Soulignons que ceci n'a été possible que par la révocation des concessions et une réallocation des bois d'une façon différente.

Si on ajoute, ensemble, le programme de révocation, une réallocation des bois vers le sciage plutôt qu'à la pâte à papier, l'utilisation des résidus du bois pour l'industrie papetière et les programmes d'aménagement, c'est, en fait, une multiplication par deux des garanties d'approvisionnement. C'est-à-dire que chaque usine double sa production; c'est considérable. Non seulement c'est considérable, mais c'est plein d'implications. Le député de Bonaventure n'est pas ici cet après-midi, mais je pense qu'il aurait reconnu avec nous qu'à l'usine qui lui causait énormément de soucis dans son comté, l'usine de Poite-à-la-Croix, et qu'il n'était pas possible de moderniser parce qu'elle bénéficiait de garanties d'approvisionnement trop restreintes, maintenant, en fait, on a entrepris une modernisation totale, une reconstruction totale de l'usine parce que cette usine bénéficie d'un approvisionnement qui est deux fois plus important que précédemment.

On pourrait parler également d'une autre usine du comté de Bonaventure. Le député de Bonaventure reconnaîtra qu'à New-Richmond — il était très inquiet lorsque la société Consoli-dated-Bathurst a fermé une scierie importante à New-Richmond — grâce à ce programme d'aménagement forestier, il nous est possible de reconstruire une nouvelle usine, qui est maintenant d'ailleurs construite à New-Richmond même.

Je pourrais parler des problèmes du député de Matapédia, des problèmes du député de Matane et des miens puisque nous avons des problèmes semblables à Sainte-Florence, à Matane, à Price, à Marsoui. Nous avons des usines incapables de se moderniser parce qu'incapables d'ob- tenir du ministère des Terres et Forêts des garanties d'approvisionnement, des quantités de bois qui leur auraient permis de justifier des investissements nécessaires dans leurs usines. On avait donc des usines qui vieillissaient, qui n'étaient pas rentables, qui allaient vers la décrépitude, vers la fermeture graduelle.

Un tel programme a donc comme conséquence de rendre viables de telles entreprises. En pratique, c'est tout près de 1500 emplois pour la Gaspésie seule qu'il s'agit de créer. Et lorsque l'on sait que le nombre de travailleurs en Gaspésie est de l'ordre de 75 000 dans toute la région 01, du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie, on s'aperçoit que c'est de près de 20% que l'on peut réduire le taux de chômage en Gaspésie par un seul programme de ce type. On se rend compte, donc, de l'impact énorme que peut avoir, sur le plan économique, un programme d'aménagement intensif de nos forêts.

Il en va de même pour ce plan quinquennal de modernisation de l'industrie forestière. En fait, nous avions présenté à l'industrie un plan d'intervention dans le domaine forestier. Nous nous attendions à ce que l'industrie fasse un investissement de l'ordre de $1 000 000 000. C'est près de $2 500 000 000, $2 300 000 000, $2 500 000 000 que l'industrie s'apprête à investir dans nos usines au Québec. Ce sont 47 usines sur 52 qui participent au plan quinquennal gouvernemental. C'est considérable à nouveau. Lorsqu'on parle d'investissements de $2 000 000 000 dans le secteur manufacturier au Québec, il s'agit là d'investissements sans commune mesure avec tous les General Motors dont on pourrait parler. C'est gigantesque comme projets d'investissements au Québec. Cela s'est fait grâce à une politique gouvernementale et, évidemment, à un ensemble de conjonctures favorables, mais soulignons que plusieurs de ces projets vont nécessiter un accroissement des approvisionnements en bois pour justifier l'accélération de machines, pour justifier certaines modifications aux procédés de pâtes. Par conséquent, il nous faut aller puiser dans la forêt publique le bois nécessaire. Or, qu'est-ce qu'on constate? On constate que nous sommes au fond du baril. Ce que la forêt pouvait générer à l'état naturel, nous le coupons. Nous coupons à la même vitesse que nos arbres poussent au Québec. La seule façon d'augmenter vraiment la quantité de bois aux usines, c'est de trouver un moyen de faire pousser les arbres plus vite, donc, de procéder à de l'aménagement intensif. Soulignons que plusieurs des projets de modernisation vont devoir reposer sur l'aménagement intensif de nos forêts. (15 h 30)

On pourrait parler de ce projet papetier. Le député d'Abitibi-Ouest pourrait certainement souligner son projet dans le Nord-Ouest d'une usine de papier journal parrainé par le gouvernement du Québec à la suite d'études qui ont été entreprises au ministère des Terres et Forêts dès 1977, en début d'année, et qui, en impliquant la Société générale de financement et la société Normick-Perron, vont donner naissance à la plus récente

usine de papier journal au Canada. Ce sera l'usine, effectivement, du Nord-Ouest. On pourrait souligner une autre usine en Gaspésie pour laquelle, grâce à nos programmes d'aménagement, nous pouvons dégager des volumes de matière ligneuse qui nous permettent une nouvelle implantation industrielle dans le secteur papetier.

Donc, l'impact économique du plan quinquennal d'aménagement de nos forêts est considérable. Cependant, peut-on, lors d'une restriction budgétaire ou d'un changement de gouvernement, voir ces travaux d'aménagement menacés par des coupures budgétaires? Là est le problème. Jamais dans le passé les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts n'ont voulu donner des garanties d'approvisionnement aux industriels qui reposeraient sur des travaux d'aménagement de la forêt, pour une raison facile à comprendre. Quelles garanties avait un fonctionnaire du ministère des Terres et Forêts que les travaux d'aménagement requis pour accroître le volume de bois disponible seraient toujours effectués?

De la même façon qu'à l'époque d'un gouvernement de l'Union Nationale des restrictions budgétaires ont amené le gouvernement à couper les budgets de reboisement, de la même façon que, sous le régime de M. Bourassa, des problèmes semblables, à l'époque où M. Toupin était ministre des Terres et Forêts, ont amené des restrictions budgétaires et ont amené, à ce moment-là, une limitation aux programmes d'aménagement forestier, rien ne peut prédire que dans l'avenir, dans cinq ans, dans dix ans, on n'assistera pas à un même phénomène. Dans ces conditions, ces programmes d'aménagement étant coupés, le gouvernement, lui, s'étant engagé dans des garanties d'approvisionnement, ayant permis l'implantation et la construction d'usines, ayant permis l'agrandissement d'usines, on va donc se retrouver avec des engagements gouvernementaux dans des investissements industriels, mais sans aucune forêt pour supporter de tels investissements.

Ceci nous amène au concept d'un fonds forestier. Il faut garantir à nos enfants qu'ils vont bénéficier d'une forêt suffisante pour répondre aux engagements que les gouvernements prennent maintenant. Il faut que dans 40 ans, dans 50 ans, dans 100 ans, il y ait autant d'arbres qui poussent que ce que nous calculons présentement lorsque nous donnons nos garanties d'approvisionnement. Il faut donc pouvoir échapper aux mécanismes d'appropriation budgétaire. Il faut donc pouvoir garantir qu'il y aura toujours des fonds pour financer nos travaux d'aménagement.

C'est le sens, le principe même du fonds forestier. Il s'agit, par un mécanisme légal, de créer un fonds qui peut s'approvisionner de deux façons. Soit que le gouvernement veuille, comme c'est le cas présentement, consacrer des sommes à des travaux d'aménagement forestier. Le gouvernement pourra donc verser dans ce fonds un certain montant. Si le montant qui y est versé par l'Etat n'est pas suffisant pour supporter les garanties d'approvisionnement que l'Etat a consenties, automatiquement il y aura perception d'une taxe auprès des compagnies forestières qui exploitent la forêt publique de manière que le fonds ainsi constitué permette de financer les travaux d'aménagement. Le mécanisme du fonds forestier est de garantir que l'industrie forestière financera toujours tous les travaux d'aménagement forestier qui sont nécessaires pour maintenir la productivité actuelle de la forêt. Ce mécanisme inséré dans une loi sera donc à l'abri des fluctuations budgétaires et garantira que, dans l'avenir, ce scandale qu'on a dénoncé de l'absence d'aménagement de nos forêts, de l'absence de reboisement de nos forêts, ce scandale qui a été dénoncé tant et tant, on pourra enfin y mettre un terme.

Je pense que c'est un bel exemple d'un projet de loi qui, en apparence anodin, va assurer pour toutes les générations à venir que nos forêts désormais soient aménagées de façon intelligente. Merci, M. le président.

Une Voix: Bravo!

Le Vice-Président: Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le président. Il n'y a aucun doute qu'on ne peut trop souligner l'importance de l'industrie forestière au Québec. C'est pour cette raison que nous devons nous assurer que les mesures que le gouvernement prend sont pour aider à préserver, à encourager et à rendre encore plus rentable cette industrie.

Dans le passé, M. le Président, il y a eu déjà des programmes de reboisement — ce que vise ce projet de loi — mais sans cette prise de conscience. Ce n'était pas seulement ici au Québec, mais c'était dans tout autre endroit où on avait des richesses renouvelables. On croyait que ces richesses pourraient durer pour l'éternité, sans qu'on puisse prendre les mesures de conservation nécessaires. Alors, il y a eu une prise de conscience, à cause de différents événements qui sont arrivés dans différentes parties du pays, dans différentes parties du monde, que, quant à ces richesses, pour qu'elles puissent être aménagées pour nous et qu'elles puissent être renouvelées pour les générations futures, le gouvernement devrait prendre certaines mesures pour aider à les préserver et à les accroître.

Pour cette raison, nous sommes d'accord avec l'idée de la création d'un fonds forestier pour l'amélioration de la production des terres publiques. Nous trouvons que c'est un objectif valable en soi. Le problème majeur, c'est son financement. A la façon dont le projet de loi est rédigé, M. le Président, il y a deux sources pour financer ce fonds; une source va provenir des compagnies forestières, des bénéficiaires, de ceux qui vont exploiter les forêts et l'autre source devrait provenir du gouvernement.

Quant à la portion que les compagnies forestières ou les bénéficiaires de ces droits de coupe et des rentes forestières ont, le projet de loi

prévoit certaines modalités et fixe certains montants qui doivent être perçus et payés par ces compagnies. Mais quand on parle de l'approvisionnement ou des sources du gouvernement, le projet de loi ne donne aucune garantie, ne donne pas de critères, ne donne pas de minimums, ne donne pas de contribution; il laisse tout cela à la discrétion du gouvernement. Le ministre a dit tantôt qu'on ne pouvait pas laisser ces problèmes à la merci des coupures budgétaires. D'une certaine façon, on les laisse encore à la merci de ces coupures budgétaires, parce que le ministre ne prévoit pas, dans son projet de loi, des contributions minimales, soit un pourcentage des montants qui seront perçus des compagnies, soit un montant minimum qui devra être versé par le ministre des Finances ou par le gouvernement pour les fins de reboisement, pour les fins que ce projet de loi prévoit. Voilà une recommandation; voilà une faille que nous voyons dans le projet à savoir, que les fonds pour reboiser, pour atteindre l'objectif du projet de loi, vont provenir seulement des compagnies forestières.

Le ministre sait que c'est une industrie qui est très concurrentielle et les coûts que le gouvernement va imposer à ces compagnies, naturellement, vont affecter et pourraient affecter le coût de production pour ces compagnies. C'est pour cette raison, je crois, que le ministre, le gouvernement devrait s'engager, si vraiment le gouvernement est sérieux dans son approche, à nous assurer que l'industrie forestière sera bien aménagée, que le reboisement sera fait, qu'il y aura toujours un produit disponible de cette industrie pour les générations à venir. Je crois que le gouvernement, à ce moment-ci, devrait s'engager à fournir au moins un montant minimal dans le projet de loi pour les fins du fonds forestier et ne pas laisser cet article strictement à la discrétion du gouvernement et l'imposer seulement aux compagnies forestières qui exploitent cette industrie.

M. le Président, nous allons, dans l'étude du projet de loi article par article, faire certaines recommandations pour améliorer le projet de loi, pour s'assurer que les discrétions qui sont laissées au gouvernement soient les moins nombreuses possible. C'est un domaine qui est assez technique. Dans certains cas, il faut laisser au ministère le soin d'appliquer un tel projet de loi, mais il devrait y avoir certaines garanties minimales pour démontrer la bonne foi, premièrement, du gouvernement, et pour contribuer au fonds forestier, pour que ce soient non seulement ceux qui vont exploiter cette industrie qui paient le coût du reboisement et qui s'assurent qu'il y ait un produit dans l'avenir, mais aussi qu'il y ait des engagements pris par le gouvernement parce que, dans le moment, il ne semble pas y en avoir. C'est seulement une intention de bonne foi. On ne nous dit pas quelle partie elle représentera dans l'ensemble du fonds, la contribution du gouvernement.

M. le Président, il est important d'avoir et de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que cette industrie, qui est une industrie très importante pour le Québec, continue à être rentable et qu'elle continue non seulement à accroître pour le bénéfice de toute l'économie québécoise... Le ministre parlait d'un programme quinquennal pour améliorer les conditions dans cette industrie; ce programme, dont la contribution du gouvernement fédéral est de 60% des fonds qui sont alloués, contient déjà un certain programme de reboisement pour effectuer ces travaux. Le projet de loi prévoit qu'il soit déposé tous les cinq ans, en commençant avec l'année 1984-1985, par le gouvernement, un rapport sur l'état de l'industrie forestière au Québec et d'ici à 1984, les montants qui seront perçus, d'après le projet de loi, iront dans ce fonds et le gouvernement nous fournira un rapport tous les cinq ans. Une question qu'on pourrait lui poser, c'est: Est-ce que ce serait possible, au lieu d'attendre tous les cinq ans pour avoir ce rapport, d'avoir un rapport annuel afin qu'on puisse le soumettre à l'Assemblée nationale pour que les membres de cette Chambre puissent l'examiner et apporter une certaine contribution et certaines suggestions et recommandations au gouvernement?

Il y a un autre point, dans le projet de loi, M. le Président, sur lequel nous nous interrogeons, c'est le montant de contribution qui est exigé des compagnies forestières, des exploitants, des bénéficiaires des concessions forestières. Il semble y avoir deux tarifs: un tarif qui dit qu'il ne peut excéder $1 pour chaque mètre cube de bois de coupe sur une terre publique et un autre tarif qui ne semble pas avoir de maximum, qui semble être un montant supplémentaire, sans qu'on sache si c'est un maximum qui pourrait être strictement à la discrétion du ministre, à l'égard d'une augmentation d'approvisionnement en matière ligneuse qui serait accordée en vertu de la loi des terres et forêts dans une région où le ministre de l'Energie et des Ressources juge que la possibilité annuelle d'exploitation forestière est déjà entièrement octroyée.

Nous voulons savoir du ministre, premièrement, pourquoi il n'y a pas de maximum imposé dans la loi pour ce tarif et deuxièmement est-ce que cette clause dans le projet de loi vise à encourager l'exploitation d'autres régions lointaines plutôt que les régions qui sont déjà exploitées? Si c'est strictement pour empêcher ou pour réduire l'exploitation dans une région donnée, je crois que les instruments sont déjà dans les mains du ministre par le biais des permis qu'il va donner à ces compagnies. Il peut limiter le montant qui peut être exploité dans une région donnée. On se demande pourquoi il n'y a pas de maximum établi dans le projet de loi pour ce montant qui peut être exigé par le ministre. Est-ce que cela veut dire que... supposons qu'une compagnie exploite dans une certaine région. Est-ce qu'elle va être obligée — elle va vouloir continuer à exploiter dans cette région — par le ministre, par le gouvernement d'aller exploiter plus loin quand elle pourrait continuer dans la même région? Par l'entremise de cet article du projet de loi, le ministre pourrait l'empêcher complètement seulement en exigeant

un montant supplémentaire qui ne rendrait pas rentable l'exploitation de cette compagnie, de ce bénéficiaire.

Nous voulons savoir du ministre pourquoi il ne met pas un maximum pour ce montant supplémentaire. Deuxièmement, pour quelle raison exi-ge-t-on ce montant supplémentaire de la part des bénéficiaires?

En conclusion, nous sommes d'accord sur le principe du projet de loi. Nous sommes d'accord qu'il faut un moyen, qu'il faut des instruments pour s'assurer que le produit de nos forêts sera toujours disponible pour les générations à venir. Il y a eu des erreurs dans le passé. Parce qu'on croyait qu'on avait des forêts inépuisables, on ne portait pas attention à ces richesses. Ce n'est pas seulement dans le domaine des forêts, c'est dans d'autres domaines. Tout à coup, on commence à réaliser que les richesses naturelles que nous avons, qu'elles soient renouvelables ou non, sont limitées et que nous devons prendre les mesures nécessaires pour nous assurer qu'elles ne sont pas seulement pour notre utilité à nous, mais qu'elles sont aussi pour l'utilité des générations à venir. C'est pour cette raison qu'il y a eu des améliorations l'année dernière dans la façon d'aménager ces richesses naturelles, dans la façon que le gouvernement a exigé des compagnies, des bénéficiaires qui exploitaient ces richesses certaines réglementations pour protéger l'ensemble de la population. Sur ce principe, nous sommes entièrement d'accord. Nous mettons en doute certaines modalités du projet de loi, certaines façons dont le projet de loi est rédigé, qui peut imposer à la discrétion du ministre sans aucun critère certaines charges supplémentaires à ces bénéficiaires. Deuxièmement, nous demandons pourquoi le gouvernement ne s'engage pas à fournir certains montants minimaux, soit un pourcentage des montants qui seront payés par les bénéficiaires, soit des montants minimaux par année pour vraiment s'assurer que l'objectif du projet de loi sera réalisé non seulement par les bénéficiaires, mais aussi de la part du gouvernement qui a la responsabilité principale d'aménager les forêts et de s'assurer que le produit de cette industrie profitera à tous les Québécois. Merci.

Le Vioe-Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Camil Samson

M. Samson: Je voudrais joindre ma voix à ceux qui ont déjà parlé sur ce projet de loi no 86. Tantôt, j'ai écouté très attentivement le ministre qui nous a parlé d'un besoin de maintenir, d'améliorer et d'accroître la production de matière ligneuse. Je ne suis pas de ceux qui vont contredire le ministre sur ce point de vue, parce que je considère que l'industrie forestière au Québec est une industrie dont nous avons besoin, c'est une industrie qui a déjà fait beaucoup et qui peut faire encore beaucoup, à la condition que nous puis- sions prendre les dispositions nécessaires pour garantir à cette industrie un approvisionnement suffisant.

J'ai également écouté attentivement lorsque le ministre nous a fait un bref historique de la situation de l'industrie forestière au Québec. Je pourrais ajouter à cela mon expérience personnelle. J'ai vu, comme le ministre probablement ou comme d'autres encore, un temps où nous pouvions voir flotter sur presque toutes les rivières du Québec du bois de matière ligneuse qui pouvait se rendre aux différentes usines à papier soit de la Mauricie, de Québec, de Portneuf ou d'ailleurs dans la province. Dans ma région, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue également, l'été, nous pouvions voir flotter du bois, lequel se rendait à l'usine à papier de Témiscamingue. Les temps sont un peu changés.

Je me rappelle, il y a déjà au-delà de trente ans, que des compagnies forestières avaient, presque sans limite... C'est une façon de parler parce qu'on appelait ça des "limites forestières". Les "limites forestières", pour certaines compagnies forestières, n'avaient pas de limite. C'est ainsi que je me rappelle avoir entendu, au ministère des Terres et Forêts, des responsables du ministère, en regardant les cartes géographiques de la situation forestière, parler du péril jaune. Je suis certain que ça dit quelque chose au ministre. Le péril jaune, c'était la Compagnie internationale de papier qu'on nommait, il y a quelques années, la Canadian International Paper, qui avait presque la majorité des "limites à bois". En tout cas, quand on regardait la carte géographique, la couleur qui identifiait cette compagnie était le jaune et on appelait ça le péril jaune. C'est dire qu'on avait déjà conscience, il y a plusieurs années, au ministère des Terres et Forêts, qu'il fallait faire quelque chose car on ne pouvait continuer dans ce sens.

Je me rappelle être arrivé en Abitibi en très bas âge, avec mes parents, alors que le gouvernement du temps donnait un lot de colonisation à tous ceux qui voulaient faire de la colonisation. L'Abitibi est un pays de colonisation comme la Gaspésie a été partiellement une région de colonisation; on donnait des terres de 104 acres exactement et on demandait aux familles de cultiver cette terre qu'elles devaient d'abord défricher. Pour la défricher, évidemment, il fallait couper le bois. Comme par hasard, et par un curieux hasard, je me rappelle fort bien être arrivé avec mes parents sur une terre où nous avions été précédés par une compagnie qui s'appelait la Canadian International Paper. Elle était passée avant nous, elle avait pris le meilleur du bois et avait laissé ce qui n'était pas trop payant; comme on dit en jargon de bûcheron, les talles avaient été coupées et le reste était laissé là.

M. le ministre nous parlait tantôt de l'industrie forestière en nous disant que plusieurs personnes avaient pu gagner leur vie dans l'industrie forestière, que pas mal d'argent en circulation à travers le Québec présentement provient justement de l'exploitation de la forêt. C'est sûr et c'est indéniable, mais il y a eu, dans le passé, des abus

extraordinaires. Ces abus extraordinaires ont amené la situation qu'on connaît présentement, situation où on a des industries qui sont de plus en plus — et là-dessus, je suis bien d'accord avec le ministre; on n'est pas d'accord souvent mais, quand on l'est, c'est bon de le dire — où les industries forestières, les industries papetières deviennent propriétés québécoises, et j'espère qu'elles le deviendront encore de plus en plus. Je n'ai rien contre cela, au contraire.

Si, dans le passé, nous n'avions pas grand-chose à dire dans ce domaine, c'est parce qu'on ne voulait pas s'en occuper. On voulait laisser aux autres les problèmes de calcul, les problèmes financiers et nous voulions simplement nous occuper de choses comme être bûcheron, par exemple, comme faire du transport de bois, des choses comme cela. Les Canadiens français qui ont vécu de la forêt — je suis un de ceux-là — n'ont pas toujours désiré prendre des responsabilités. Ils n'ont pas toujours désiré cela. Ils ont vécu de la forêt, ils ont travaillé fort mais ils ne voulaient pas prendre de responsabilités.

C'est le jour où on a commencé à vouloir en prendre nous-mêmes, des responsabilités, que la situation a commencé à changer. Cette situation qui a changé et qui va, j'espère, changer encore de plus en plus, va permettre à ceux qui vont nous suivre, aux générations futures, de continuer à avoir une industries forestière normale. Quand je dis normale, M. le Président, cela veut dire que nous devons compter sur nos capacités de coupe et sur la capacité de remplacement et en tenant compte des années que le ministre a fixé à 45 — cela peut varier un peu, je pense — pour les besoins de la discussion, tenant compte aussi de ces années de repousse pour que l'on puisse avoir toujours une possibilité de coupe. Parce que l'industrie forestière, il y a des gens qui ont pensé, dans le passé, que c'était quelque chose qui était intarissable. Il suffisait d'avoir l'idée d'aller couper du bois quelque part, il suffisait d'avoir l'idée d'avoir une papeterie ou encore une scierie, un moulin à scie, pour que l'on parte en forêt et qu'on ait tout ce qu'il nous fallait. Mais, ce n'est plus le cas, ce n'est plus vrai. C'est encore moins vrai que beaucoup de monde vit de la forêt directement, comme c'était le cas il y a 20 ans passé. Les bûcherons en forêt, aujourd'hui, n'ont pas le même travail qu'ils avaient dans ce temps; ils sont moins nombreux parce que là aussi, comme ailleurs, la machinerie a pris la place de l'homme et, évidemment, en prenant la place de l'homme, cela ne veut pas dire que la loi du ministre aujourd'hui va augmenter le nombre des emplois dans la province de Québec. Si on tente de nous dire cela, on nous ment en pleine face.

Ce projet de loi, dans son principe, qui veut dire maintenir, améliorer ou accroître la production de la matière ligneuse, veut bien dire ce que cela veut dire. Cela veut dire: maintenir notre forêt, l'améliorer et puis, peut-être, accroître notre production. Mais cela ne veut pas dire des jobs de plus; qu'on n'aille pas prétendre et qu'on n'aille pas penser que parce qu'on a le projet de loi no 86 aujourd'hui, c'est une création d'emplois extraordinaire. Ce n'est pas vrai! C'est simplement une possibilité de maintien de la production. (16 heures)

Or, la production peut se maintenir, et de plus en plus par des machines qui remplacent les travailleurs. Quand la machine remplace le travailleur, cela peut maintenir la production, mais cela ne maintient pas les jobs. Ce n'est pas avec cela que le gouvernement — ce n'est pas la trouvaille du siècle — va nous faire croire qu'il va créer des emplois. Ce n'est pas vrai, mais j'espère que c'est un moyen pour maintenir une production qui, elle, peut maintenir un certain niveau de vie, pas un niveau d'emploi, un niveau de vie, c'est-à-dire que cette production permet d'avoir des sommes d'argent en circulation.

Le niveau de vie se maintient directement par les emplois qui sont là, mais indirectement par les mesures sociales qui, elles, sont payées par des taxes qui proviennent de l'industrie ou du travailleur par des impôts particuliers, des impôts directs ou indirects. Tout cela pour dire que le niveau de vie peut être maintenu et peut être même amélioré grâce à un projet de loi ou à plusieurs projets de loi, parce que ce n'est pas le seul qu'il faille compter. Grâce à cela, le niveau de vie peut être maintenu. Il faut faire une différence — et c'est là où je ne suis pas d'accord avec le ministre — entre la possibilité de maintenir la productivité et le niveau de vie et la possibilité qui a été mentionnée de création d'emplois. Cela ne créera pas d'emplois. Qu'on ne tente pas de me faire croire cela. Il y a de moins en moins de personnes au travail et il y en aura encore de moins en moins parce que, de plus en plus, la technologie moderne va permettre de faire la même production ou encore plus de production avec moins de gens.

Ceci dit, M. le Président, cette partie n'est pas celle qui m'épate le plus. Ce qui m'intéresse dans ce projet de loi, c'est la possibilité qu'on puisse envisager d'avoir sur une base permanente, et dépendre le moins possible des hauts et des bas ou encore des caprices d'un gouvernement ou d'un autre gouvernement, un programme de reboisement pour maintenir nos forêts et pour que ce soit le plus permanent possible. C'est ce qui est visé, je pense, par le ministre et jusque là, je suis d'accord avec lui.

Il y a, cependant — je suis certain que le ministre l'a oublié — aussi une autre possibilité. Il a parlé des industries. Le ministre a parlé des industries papetières, des industries de sciage de sa région, de ma région et d'autres régions. Je suis certain que s'il ne l'a pas mentionné, il y pense. Mais il y a une chose qui a été mentionnée, qui a déjà été faite dans les faits, mais qui n'a jamais été dans les lois, en tout cas, pas à ma connaissance. Ce sont des réserves de bois, ce qu'on appellerait des forêts municipales dans des régions rurales où, habituellement, et toujours dans les faits, les citoyens avaient l'habitude de couper du bois à proximité de leurs fermes pour faire scier ce bois et ainsi construire des bâtiments de ferme. Dans certains cas, c'est encore possible, mais dans

d'autres, ce l'est moins et cela le devient moins parce qu'on constate que pour donner des garanties à des industries forestières, le ministère ne peut garantir des approvisionnements à des municipalités, c'est-à-dire aux résidents des municipalités. Il n'y a pas de politique d'approvisionnement présentement au point de vue forêts municipales. J'espère qu'on pourra — cela pourra nous aider à amener une politique — penser à ces gens.

Le ministre a parlé tantôt des coopératives. Il a pensé aux coopératives. Je suis bien heureux qu'il ait pensé aux coopératives parce que je me rappelle, il y a plusieurs années passées, avoir été obligé de me battre avec le ministère des Terres et Forêts pour tenter de permettre l'émission d'un permis de coupe à des coopératives. On va être obligé de se battre avec ce gouvernement aussi pour des coopératives. Je pense que le ministre est mieux de ne pas aller trop loin là-dedans parce qu'on aurait peut-être certains petits dossiers dont on pourrait parler. De toute façon, ce n'est pas l'essentiel. Ce sont des détails et je ne voudrais pas passer à côté de l'essentiel. L'essentiel, c'est de tenter d'améliorer nos forêts, de tenter de les maintenir et d'assurer l'approvisionnement.

Maintenant, quand le ministre nous dit qu'il ne faut pas relever uniquement du gouvernement pour ce faire, je suis bien d'accord avec lui. Mais, dans ce projet de loi, il y a quelque chose qui accroche. On ne procède pas présentement à l'étude article par article, mais, sur le plan du principe, il y a quelque chose qui accroche. On dit qu'il y a deux modes de financement: un mode où c'est l'industrie qui va payer et l'autre mode où c'est le gouvernement. Par contre, comme dans presque toutes les lois qu'on voit depuis un certain temps, il y a la délégation de pouvoirs. Alors, aujourd'hui, on va adopter le projet de loi no 86; c'est un cadre qu'on va voter. Mais il y a une délégation de pouvoirs, c'est-à-dire que le gouvernement peut adopter par règlement, etc. Autrement dit, l'Assemblée nationale va adopter une loi qui va permettre au gouvernement de faire des règlements. Ce qu'on adopte aujourd'hui, on le sait, mais les règlements qu'il va faire, on ne les connait pas. Cela se retrouve dans plusieurs lois et c'est malheureux parce que les élus du peuple sont ceux qui doivent adopter les lois et, quand on arrive pour adopter une loi, on nous demande de voter en même temps une délégation de pouvoirs. Aujourd'hui, on a le droit de s'exprimer sur la loi, mais, sur le règlement qui viendra peut-être je ne sais pas quand, on n'aura pas à s'exprimer là-dessus. Les élus du peuple ne reviennent pas là-dessus. Les règlements viennent des fonctionnaires, passent au Conseil des ministres et, pour être officiels, il faut qu'ils paraissent dans la Gazette officielle. C'est de cette façon que c'est dit dans toutes les lois. La Gazette officielle, je voudrais bien demander à la population qui nous écoute combien il y en a parmi elle qui la lisent tous les jours, la Gazette officielle du Québec. De qui est-ce le livre de chevet, la Gazette officielle du Québec? Presque personne n'a connaissance de cela, sauf les per- sonnes intéressées directement. Parmi ceux qui sont intéressés directement, ils ont tellement autre chose à faire que la Gazette officielle qui nous arrive, qui est assez épaisse et qui n'est pas strictement écrite dans un vocabulaire populaire, elle n'est pas lue. Savez-vous quand elle est lue, M. le Président? Elle est lue quand les règlements font mal et quand cela dérange. Là, par exemple, les gens cherchent la Gazette officielle et ils découvrent pourquoi cela leur fait mal. C'est cela qui va encore arriver.

Dans une partie de ce projet de loi, on dit qu'on va financer en percevant $1 de l'entreprise par mètre cube de bois et l'autre partie, on ne sait pas combien on va retirer. La partie gouvernementale, c'est encore au bon plaisir du gouvernement. Dans la partie où on parle de délégation de pouvoirs, où on parle de règlements, on dit que le gouvernement aura le pouvoir de fixer les montants payables. Je me demande ce que cela nous donne aujourd'hui de voter là-dessus. Je me demande ce que cela nous donne de parler de $1 le mètre cube quand, dans l'article suivant, on dit que le gouvernement va avoir le pouvoir de changer cela n'importe quand.

Une Voix: Maximum.

M. Samson: Maximum. Vous allez avoir le pouvoir de fixer le montant payable en vertu du premier alinéa de l'article 6. Il me semble que cela est clair. Vous allez avoir le pouvoir de faire un règlement pour changer cela. Vous allez avoir le pouvoir de faire un règlement pour changer le deuxième alinéa de l'article 6.

M. Bérubé: Changez vos lunettes.

M. Samson: Non, n'essayez pas de nous passer des vessies pour des lanternes même si vous êtes ingénieur; on en a vu d'autres. En matière d'exploitation forestière, je pense que j'ai peut-être été dans le bois plus souvent que vous, mais seulement que j'en suis sorti du bois, moi.

Une Voix: Vous ne me dites pas. M. Samson: M. le Président.

Le Vice-Président: En concluant, M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Samson: En concluant.

M. Lavigne: Comme cela, vous ne vous faites pas passer de sapin.

M. Samson: Je peux vous dire une chose: je ne me ferai pas passer une épinette pour un sapin comme les Français, vos amis, en 1975, quand le premier ministre du Québec leur a envoyé un arbre de Noël. Il leur a envoyé une épinette et ils ont pensé que c'était un sapin. (16 h 10)

De toute façon, M. le Président, je termine là-dessus en disant que je suis d'accord sur le principe du projet de loi, principe qui est valable, celui de maintenir nos forêts, celui de les améliorer, celui de garantir des approvisionnements pour nos industries. Mais sur les moyens qu'on prend pour y arriver, là, je suis pas mal moins d'accord, parce que, avec les moyens qu'on prend pour y arriver, il n'y a rien de garanti. Qu'on ne tente pas de nous faire croire qu'on garantit quelque chose, il n'y a rien de garanti là-dedans. Si le ministre veut être réellement sincère, qu'il nous permette, à l'Assemblée nationale, à nous, les élus du peuple, de voter sur des prix fixés et qu'il enlève l'article 7 qui lui permet de faire toutes sortes de règlements sans revenir devant l'Assemblée nationale; s'il fait ça, je vais être d'accord 100% avec lui.

Le Vice-Président: Merci. M. le député de Pointe-Claire.

M. William Shaw

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, il faut reconnaître l'industrie forestière du Québec et son rôle dans l'économie du Québec; c'est maintenant devenu le principal secteur de notre économie, malgré le déclin de notre industrie touristique.

C'est encore cette industrie qui a développé le Québec. J'ai été un peu étonné d'entendre le ministre dire que les Québécois n'ont pas développé l'industrie forestière du Québec. Franchement, c'étaient des Québécois, des hommes comme Price, des compagnies comme Canadian International Paper, comme Bathurst, comme Consolidated Paper, des compagnies qui sont dirigées par des Québécois de souche, qui n'ont pas seulement développé l'industrie forestière du Québec, mais développé plusieurs régions de notre province. La région de Rouyn-Noranda a été développée premièrement par l'industrie forestière; la Manicouagan, la Côte-Nord l'a été totalement, la région de l'Abitibi aussi. Je suis fier de dire que c'étaient des Québécois de vieille souche, qui étaient anglophones, qui ont développé cette industrie.

C'est aussi vrai qu'au début, nous avons cru que notre ressource forestière était une ressource qui n'avait pas à être surveillée; les vastes étendues de forêts qui sont disponibles au Québec étaient quelque chose que nous pouvions laisser aller. Nous avons vu, en Europe, que chaque morceau de terrain forestier était surveillé comme une ferme, cultivé véritablement. Nous l'avons vu en Allemagne, en France, en Suède; après la Deuxième Guerre mondiale, nous avons accepté aussi que cette surveillance du développement de notre ressource forestière soit aussi effectuée au Canada. Ce n'est pas le gouvernement qui l'a réalisée en premier, ce fut l'industrie forestière elle-même; c'est l'industrie forestière qui a commencé la Canadian Pulp and Paper Institute, située dans mon propre comté; c'est l'industrie forestière qui a développé des fermes expérimentales pour des programmes de reboisement; ce sont les compagnies forestières qui, avant le gouvernement, ont essayé d'expliquer la valeur de la protection de nos forêts. Pour les feux de forêt, ce sont les pressions de l'industrie forestière qui ont poussé le gouvernement vers un programme de protection de nos forêts. Le gouvernement précédent nous a aidés en nous dotant d'un système de contrôle des feux de forêt qui est un des meilleurs au monde.

Maintenant, nous avons devant nous un projet de loi qui dit que nous avons besoin d'un fonds pour développer le reboisement, et nous avons besoin de demander aux compagnies qui exploitent nos ressources naturelles de payer ce fonds. Cela a du bon sens. Le gouvernement avec les taxes qu'il reçoit de cette grosse industrie de notre province va contribuer à ce fonds aussi pour donner des fonds dont elles ont besoin pour garantir que les coupes qu'on fait chaque année dans notre province vont être remplacées par un montant adéquat pour que cette industrie demeure rentable et viable dans notre province. Mais il y a d'autres problèmes, M. le Président. Franchement, il y a deux façons de procéder. Je crois qu'aux Etats-Unis on le voit plus souvent qu'au Canada, on donne la responsabilité à ceux qui sont les gestionnaires de ces forêts de garantir le reboisement.

En donnant un permis, on exige que les compagnies puissent faire leur programme de reboisement comme il faut. Encore, on peut procéder comme fait le gouvernement, en acceptant la responsabilité directe du reboisement des forêts par le ministère des Terres et Forêts. C'est une des raisons pour lesquelles cette contrainte, cette intervention du gouvernement a de plus en plus un effet restrictif sur le développement même de notre industrie forestière au Québec. On sait fort bien, cette année, que toutes les compagnies qui font du "pulp and paper" au Québec ont vendu leur produit au complet et n'ont pas même eu l'avantage de remplir toutes les commandes qui sont disponibles parce que la demande pour la papeterie était forte. Mais, nous n'avons pas vu tellement d'expansion, même nous avons vu le gros fiasco du ITT, à Port-Cartier. Un exemple, M. le Président, que trop d'intervention du gouvernement n'est pas utile, parce que là vous avez deux raisons: Les contraintes de la disponibilité de produit font une restriction, puis la compagnie devient non rentable. Elle a fait des promesses, mais les promesses n'ont pu être réalisées.

Avec cette expérience des autres compagnies, on a pris le temps d'examiner ce qui se passe au Québec au point de vue de la politique du gou-verment envers les compagnies privées. Avec ce gouvernement en place, il y a beaucoup de restrictions. Mr President, this law on paper looks very reasonable but the Government of Québec will establish a forest refund, but it will collect a dollar, a maximum of $1 per cubic meter to supply dollars for this fund. It will make annual contributions from the Treasury to maintain this fund and the fund, the purpose of which will be to

garantee the annual reforestation programs. That will be required to replace the resources used by our industry. Why then is there such reticence in the industry itself to expand in Québec? Could it be this very reason, that instead of using a positive approach in going to the industries themselves who are as concerned about reforestation, and about the resources? Oh, yes, in the eighteen fifties and sixties, they would move a plant in, they would cut the forest until it was bare and they would move the plant some place else. Those days are gone forever.

It is not the Government of Québec that built the Pulp and Paper Institute in Pointe-Claire. It is not the Government of Québec that built the reforestation experimental station in the county of Argenteuil. It is the industry itself. It is aware of its need to maintain the guarantee of supply. But as long as the government intervenes in the access to the supply source itself or challenges the guarantee of that supply, every company will be reticent to expand and this is the problem that this government must accept. On that basis, if the minister accepts his responsibility to understand that government intervention and control without consultation with the industry, without recognizing its need to feel the security of its own product, the expansion of this industry may move it back to second, third, or fourth again.

Mr President, on the basis that the fundamental of this law is to guarantee the reforestation of our forests, I have to suggest that it is necessary to support it. But, at he same time, I hope that the minister is aware that the industry itself is concerned, prepared to expand, prepared to increase its activity in the province of Quebec, but it must feel that the government is on its side and not increasing the number of problems and stumbling blocks for it to expand. Thank you.

Le Vice-Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Julien Giasson

M. Giasson: M. le Président, quelques commentaires en marge de la loi qui est soumise à notre attention pour approbation. Je signalerai d'abord que, depuis de nombreuses années, ici au Québec, nous avons eu une contribution du ministère des Terres et Forêts dans l'opération d'une politique de reboisement en ce qui avait trait aux forêts privées. Effectivement, depuis fort longtemps, les pépinières propriétés du ministère des Terres et Forêts ont produit des arbres qui étaient mis à la disposition des propriétaires de forêts privées en vue de régénérer cette forêt à la suite d'opérations de coupe et même pour retourner à la forêt souvent des terrains qu'on avait consacrés à l'agriculture, mais qui, effectivement, n'avaient pas de réelle vocation agricole, c'est-à-dire beaucoup de terres au Québec où on aurait dû maintenir la vocation forestière. Or, la création d'un fonds forestier qui s'appliquerait au reboisement ou au réaménagement des forêts publiques chez nous constitue un élément nouveau à côté de la politique qui dure en ce qui a trait au programme qu'on appliquait aux forêts privées.

Cependant, il faut reconnaître que ce n'était pas là la seule possibilité d'obliger les utilisateurs de la ressource à assumer ce que j'appellerais leurs responsabilités, c'est-à-dire de participer eux-mêmes au réaménagement de la forêt, puisque nous savons fort bien que dans d'autres pays les utilisateurs de la forêt publique — parce qu'il y a également des forêts publiques dans d'autres pays, ce n'est pas une particularité que nous avons au Québec — font face à des obligations de devoir procéder soit à des systèmes de coupe qui sont différents de ceux qu'on impose aux utilisateurs de la forêt publique ou encore, dans certains pays, on exige non pas une contribution financière de l'industrie, mais les programmes d'attribution ou d'allocation des bois prévoient des obligations formelles de procéder à des travaux de sylviculture, d'aménagement, de reboisement. C'est une des conditions premières qui est posée à l'industrie pour être admissible à des allocations de la ressource ou de la matière ligneuse. Mais le gouvernement du Québec a préféré la voie qui nous est proposée aujourd'hui. C'est bon. Je ne dis pas que c'est mauvais, c'est un choix parmi d'autres auxquels on aurait pu procéder.

Je vais vous citer un exemple. Nous avons des utilisateurs de matière ligneuse au Québec qui s'alimentent dans la forêt du Maine, pas loin de chez nous. Or, au moment de l'attribution des droits de coupe ou des permis de coupe, on pose immédiatement comme condition première que l'utilisateur ne doit couper aucune bille de moins de tel diamètre. Les opérateurs sont suivis de très près par les inspecteurs du gouvernement du Maine, comme par les inspecteurs des propriétaires des "tondres" ou du boisé qu'il y a là-bas. Cela nous prouve qu'il est possible de protéger la forêt, d'appliquer des pratiques ou de la technique d'opération en forêt, de coupe en forêt qui font qu'on protège beaucoup mieux la forêt qu'on ne le fait traditionnellement au Québec dans ce qu'on appelle les concessions publiques qui avaient été accordées aux grands utilisateurs. On a déjà des conditions au départ. Même si ces conditions sont posées, nous savons fort bien que le prix payé à l'unité de mesure est nettement supérieur pour les approvisionnements que nos industries de sciage doivent prendre dans l'Etat du Maine, à celui que le gouvernement du Québec exige pour les forêts publiques, pour la matière qui part des forêts publiques du Québec. Cela nous indique qu'il y a possibilité.

Nous savons également que dans d'autres pays, particulièrement en Europe, il y a des lois très sévères qui obligent tout utilisateur non seulement de la forêt publique, mais également les utilisateurs qui sont propriétaires de leur propre domaine forestier à procéder à leurs frais, entièrement à leurs frais, à des travaux sylvicoles et surtout à des travaux de reboisement. Je pense à la Suisse, par exemple, où la législation est telle-

ment formelle qu'elle oblige chacun des utilisateurs de la forêt, que ce soit sur son domaine à lui, essentiellement privé, ou par des opérations qu'il mènerait dans de la forêt publique, formellement à replanter coûte que coûte tout arbre qu'il a exploité.

La Suède a également des lois qui ne sont peut-être pas aussi poussées ou aussi exigeantes que celles de la Suisse parce que les pénalités, les amendes de la Suisse prévues dans la loi sont de l'ordre de $200 l'arbre que le citoyen a coupé pour de l'exploitation et qu'il n'aurait pas remplacé par une plantation nouvelle. C'est sous surveillance extrêmement suivie et respectée. Je le tiens pour avoir discuté avec des propriétaires de forêts et de boisés en Suisse qui me faisaient état de la dureté de la législation adoptée dans ce pays.

Il y a également les pays Scandinaves, tels la Suède et la Finlande, la Norvège aussi, qui ont de la législation assez avancée qui va nettement plus loin encore que celle qui nous est proposée aujourd'hui. Evidemment, le taux peut paraître assez élevé. Nous savons que les coûts de fonctionnement pour les utilisateurs de la matière ligneuse se sont accrus considérablement depuis quelques années. La loi vient nous indiquer qu'un maximum de $100 le cunit exploité dans la forêt publique pourraient être exigés. On ne nous dit pas que c'est formel. Le montant de $100 le cunit serait le maximum que prévoirait la loi avec la capacité, par le jeu de la réglementation, d'établir des charges ou des coûts qui pourraient être inférieurs à $100 le cunit.

Lorsque le ministre nous a indiqué tout à l'heure que ce projet de loi va permettre une augmentation considérable, voire même doubler le potentiel d'approvisionnement des usines du côté de la Gaspésie, je pense qu'il a vraiment mis le paquet. Nous savons que dans plusieurs régions du Québec, si les permis de coupe se sont accrus au cours des toutes récentes années, c'est tout simplement pour faire face à une situation nouvelle chez nous, soit l'épidémie de la tordeuse de bourgeon de l'épinette qui crée un problème. Si le ministère des Terres et Forêts ne procède pas à l'augmentation des droits de coupe ou des permis de coupe dans plusieurs secteurs, il va quand même constater la perte de cette forêt parce que, si elle n'est pas exploitée au cours des années immédiates, il est sûr qu'il s'agit d'une matière qui sera tout à fait perdue.

Donc, il y a une réalité dans certaines régions du Québec qui veut que le ministère des Terres et Forêts, pour quelques années, accorde des permis de coupe qui dépassent la capacité naturelle de reproduction de ces zones forestières à cause de l'existence de cette épidémie chez nous qui fait que, si on ne récolte pas la matière ligneuse qui est là en train de périr, elle va tout simplement disparaître, elle va périr et n'aura profité à personne. (16 h 30)

Je prends comme preuve les droits de coupe qui ont été accordés dans la forêt domaniale des Appalaches au cours des dernières années. Il s'agit de droits de coupe qui sont supérieurs au potentiel naturel; même si on fait des travaux sylvicoles ou des travaux de reboisement, les volumes octroyés par le ministère des Terres et Forêts dans la forêt domaniale des Appalaches sont supérieurs, au dire même des fonctionnaires et des techniciens du ministère des Terres et Forêts, à la régénération naturelle. Cela, on le comprend et on l'accepte.

Il faut aller récolter une matière première qui va se perdre de toute manière. Il vaut mieux dépasser des capacités de reproduction et récupérer des essences qui sont vouées à la disparition pour un certain nombre d'années, mais il faudra certainement que, dans cinq ans ou dix ans au plus tard, le ministre réduise les permis de coupe dans cette forêt domaniale puisque, si ces permis n'étaient pas réduits, nous aurions utilisé la pleine capacité de production de cette forêt dans une période de 20 ans; il faudrait, après cela, attendre 40 ans avant de recommencer à faire des exploitations.

Lorsque le ministre nous indique que des charges seront faites aux utilisateurs, j'aimerais qu'il me précise si ces charges vont s'appliquer à tous les utilisateurs sans exception. Je comprends qu'il élimine l'utilisation pour ce qu'on appelle des fins domestiques, c'est-à-dire les permis qu'on va donner à des citoyens du Québec d'aller faire des coupes de bois pour ce qu'on appelle du bois de chauffage. Je comprends qu'on ne doit pas faire de charges. Mais ce que je veux savoir du ministre, c'est: Est-ce qu'il va y avoir des exemptions à l'endroit de certains utilisateurs, comme cela se produit présentement vis-à-vis des paiements des droits de coupe?

Le ministre sait très bien qu'au moment où on se parle nous avons des utilisateurs au Québec qui font de l'exploitation dans la forêt publique et qui sont libérés en totalité des droits de coupe que doivent payer la plupart des utilisateurs. Je prends à témoin la société REXFOR. On va me dire que c'est une société d'Etat, mais, présentement, REXFOR fait de l'exploitation depuis au-delà de cinq ans dans la forêt publique de ma région et, jusqu'à maintenant, à ce que je sache, elle a toujours été libérée du paiement des droits de coupe. Est-ce qu'il faut croire que, dans l'application de cette loi, encore une fois, sous prétexte qu'il s'agit d'une société d'Etat, on va l'exempter du paiement de la prime qui sera décidée par réglementation ou du maximum de $100 le cunit à être payé pour sa participation au financement et au développement de l'accumulation d'un fonds forestier?

Est-ce que les coopératives forestières, qui ont été également libérées, exemptées du paiement des droits de coupe dans le passé, vont continuer à être exemptées du paiement des charges qui sont prévues au projet de loi no 86? Ce sont là des questions auxquelles j'aimerais que le ministre me réponde lors de sa réplique ou lors du débat que nous aurons bientôt article par article.

M. le Président, nous allons évidemment donner notre accord à ce projet de loi parce qu'il représente un autre maillon de cette longue chaî-

ne à laquelle nous assistons depuis des années, chaîne qui veut que, graduellement, le gouvernement, année après année, gouvernement après gouvernement, apporte au Québec des améliorations réelles en vue de maintenir et même de développer le potentiel forestier de nos forêts, qu'il s'agisse de forêts privées ou de forêts publiques. Ce n'est pas le dernier projet de loi, sans doute, que nous aurons dans le secteur forestier; il s'agit d'un domaine qui a évolué passablement vite depuis environ 20 ans, quand on pense au développement de la technique, de la technologie de ce côté.

C'est sans réserve que nous donnerons, du côté du Parti libéral — et je crois que c'est le sens des propos des autres députés qui sont intervenus — notre appui à cette loi. Nous espérons que la totalité des sommes que le ministre des Finances va gérer, à la suite de la perception que le ministre de l'Energie va en faire, va vraiment servir à du réaménagement forestier et à du reboisement et que l'industrie ne sera pas taxée au maximum que prévoit la loi. Je crois qu'il y aura possibilité d'appliquer des tarifs dans la réglementation qui seraient inférieurs aux $100 le cunit qui sont prévus comme maximum dans la loi.

Il y a un autre élément que j'aimerais connaître et le ministre pourra me donner sa réponse lors de la réplique. Quel est le volume de cunits qui, cette année ou l'an dernier, a été exploité dans la forêt publique du Québec? Ce serait intéressant. Cela nous donnerait déjà un ordre de grandeur par rapport au maximum de $100 le cunit qui est prévu dans la loi. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je voudrais savoir, M. le Président — parce que j'ai dû m'absenter de la Chambre, mais c'est une question d'information — s'il y a un représentant de la formation de l'Union Nationale qui est intervenu dans le présent débat.

Le Vice-Président: Non, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. le député de Rimouski.

M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, je n'interviendrai pas longtemps sur ce projet de loi, mais je sens utile de le faire parce que, déjà depuis trois ans, j'attends avec impatience la présentation de ce projet de loi, car, à travers des événements que j'ai vécus dans mon propre comté, dans le comté de Rimouski, à l'automne 1977, c'est là qu'a pris naissance l'idée de créer un fonds forestier pour assurer de façon permanente les travaux de sylviculture et de régénération de la forêt.

En fait, à l'automne 1977, dans le comté de Rimouski, à Esprit-Saint, vous aviez une population qui voulait transformer le bois de sa municipalité ou des régions environnantes dans sa muni- cipalité pour créer des emplois permanents. Or, ce qu'on répondait à ce moment-là au ministère des Terres et Forêts, c'est qu'il n'était pas possible de donner des garanties d'approvisionnement à la scierie d'Esprit-Saint qui avait été construite même sans permis parce qu'il n'y avait pas assez de bois dans la forêt du Grand Portage.

C'est à ce moment-là que les fonctionnaires du ministère des Terres et Forêts, pour essayer de trouver une solution au problème que vivait la population d'Esprit-Saint, avaient indiqué au ministre des Terres et Forêts, M. Bérubé, que, s'il y avait moyen de garantir par quelque façon qu'à l'avenir des travaux de sylviculture pourraient être faits de façon permanente dans le Bas-Saint-Laurent, dans la forêt du Grand Portage, à ce moment-là, il serait possible de hausser les garanties d'approvisionnement des usines existantes et possiblement d'arriver à donner des garanties à de nouvelles usines. Dans un effort pour régler le problème que vivait la population d'Esprit-Saint, problème de chômage chronique, à ce moment-là, le ministre des Terres et Forêts avait fait accepter par le Conseil des ministres un arrêté en conseil qui garantissait des investissements de $2 000 000 par année durant les cinq prochaines années — à partir de 1977, cela se termine en 1982 — en sylviculture dans la forêt du Grand Portage. La même chose a été faite l'automne dernier pour toute la forêt du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie pour permettre de doubler, comme l'a indiqué tantôt le ministre, les garanties d'approvisionnement des scieries du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie.

Evidemment, comme c'étaient des arrêtés en conseil dont la durée était de trois ans ou de cinq ans, cela n'assurait pas la sylviculture de façon permanente, mais jusqu'à ce que la loi créant le fonds forestier puisse permettre d'assurer des travaux sylvicoles de façon permanente, ceci a permis, dans ce cas précis, à Esprit-Saint, de donner des garanties d'approvisionnement permettant de créer une usine de bardeaux de sciage et une scierie donnant environ une trentaine d'emplois dans une municipalité d'environ 600 âmes. Mais 30 emplois dans une municipalité de 600 âmes, je vous assure que c'est très important et c'est pour cette raison que, malgré la grippe, j'ai senti nécessaire et utile de vous dire, Mme la Présidente, combien je trouvais important ce projet de loi et l'adoption de ce projet de loi par les membres de l'Assemblée nationale.

C'est d'autant plus important que je pense que cela fait partie d'un ensemble que le gouvernement actuel, depuis trois ans, a voulu créer en encourageant le développement des ressources agricoles, des ressources touristiques et des ressources forestières dans l'ensemble des municipalités rurales du Québec et spécialement dans les municipalités rurales des régions périphériques. Je vous dis que cela fait changement dans notre région quand on se souvient du temps, entre 1970 et 1976, où on parlait de fermeture des paroisses, où on parlait du vidage des paroisses, du déménagement. On faisait tout pour amener les gens des

paroisses rurales vers la ville et on ne songeait pas, à ce moment-là, à aider la population à développer son propre milieu ambiant. Je vous assure que par des mesures comme celle-ci, on veut encourager le développement de la sylviculture pour garantir davantage d'emplois. (16 h 40)

M. le ministre l'a indiqué tantôt, seulement le plan de revalorisation de l'industrie du bois de sciage de la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, c'est 1500 emplois, environ 850 comme travailleurs forestiers et 650 dans les usines. Seulement ce plan de renouvellement, en somme, ou de modernisation des industries du bois de sciage de la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, c'est sûrement le plus grand projet créateur d'emplois qu'il y ait jamais eu dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, parce que cela implique une ressource qui est là, mais qui était sous-exploitée avant parce qu'elle était soit sous concession forestière ou soit qu'on ne faisait pas suffisamment de sylviculture pour cultiver la forêt comme on est capable de cultiver un jardin.

Ce projet de loi créant un fonds forestier qui va permettre d'augmenter la sylviculture au Québec, qui va permettre, par voie de conséquence, de maintenir ou d'augmenter les garanties d'approvisionnement des usines de pâtes et papiers, des usines de bois de sciage, sera un facteur important de création d'emplois pour l'ensemble du Québec. Je pense que ce projet de loi à caractère économique est particulièrement bienvenu. En fait, il aurait dû être adopté depuis plusieurs années quand on sait ce qui a été fait avec nos forêts depuis 20 ou 30 ans. Je pense qu'il était maintenant temps — cela avait déjà commencé sous l'ancien gouvernement — qu'on prenne l'ensemble de nos responsabilités, qu'on se décide à administrer nous-mêmes nos forêts pour qu'elles soient utilisées au maximum afin que les citoyens domiciliés dans des régions forestières puissent avoir accès à cette ressource qui leur a souvent été interdite et qui était contrôlée par d'autres. Il était temps que ce soient nos concitoyens qui contrôlent cette ressource et qui en bénéficient au maximum.

Je peux dire, en tout cas, que pour un comté comme celui de Rimouski, que ce soit par l'augmentation des garanties d'approvisionnement à la scierie de Luceville, que ce soit par les garanties d'approvisionnement données à une usine de Lac-des-Aigles ou que ce soit par le fait de donner des garanties d'approvisionnement à la scierie d'Esprit-Saint, cette réforme par laquelle en faisant de la sylviculture on peut augmenter notre possibilité forestière est très bienvenue. Elle a permis de garantir des emplois, de créer de nouveaux emplois et elle a permis, en somme, d'assurer une partie du développement économique de plusieurs municipalités rurales. Je suis convaincu que plusieurs autres députés de comtés ruraux penseront la même chose que moi. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Richmond et leader de l'Union Nationale.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, Mme la Présidente. A l'invitation très aimable de mon collègue de Joliette-Montcalm, je m'en voudrais de passer sous silence un projet de loi qui, au point de départ, peut, comme l'a souligné le ministre, être tout à fait anodin, mais représenter des intérêts importants dans un domaine où plusieurs emplois trouvent leur lieu d'intérêt, qui est générateur au niveau de l'économie de façon assez importante, comme l'a indiqué le ministre tout à l'heure, puisqu'il semble qu'il y a environ 20% — ce sont les chiffres que le ministre a soulignés dans son intervention — du $1, tel qu'on le connaît actuellement, qui sont tributaires de l'industrie forestière. Il ne s'agit donc pas d'une quantité négligeable lorsqu'on parle de l'économie du Québec.

Un projet de loi comme celui-là, comme je le disais tout à l'heure, peut sembler mineur au point de départ mais, comme l'a également indiqué le ministre, c'est un peu, en quelque sorte, une pierre d'assise d'une industrie. C'est un petit tour de force en même temps que de réussir à installer un fonds forestier qui va être une entité administrative en soi avec ses propres sources de financement. Dans ce sens-là, je pense qu'on ne peut que rendre hommage au ministre qui a su mettre en place les formules nécessaires pour arriver à pondre cette loi qui va faire figure de proue, si vous voulez, dans le domaine forestier au Québec. Une loi comme celle que nous avons maintenant devant nous était quand même attendue et espérée par l'industrie depuis fort longtempsé même si, au point de départ, la participation financière qu'on espère de ces entreprises est quand même passablement élevée et sera assez exigeante de ce côté-là.

Nous discutons donc aujourd'hui un projet de loi qui a été déposé en Chambre en décembre dernier. On sait également qu'avant le déclenchement de la campagne référendaire le gouvernement avait mis le projet de loi no 86 sur sa liste de priorités, faisant suite en cela à un travail assez considérable effectué par le ministère concerné. Le gouvernement a donc mis ce projet de loi en priorité sur sa liste, probablement aussi, parce que, comme l'avait mentionné un fonctionnaire du ministère de l'Energie et des Ressources: Même si rien ne presse, le climat s'y prête bien actuellement. Je ne sais trop de quel climat politique le fonctionnaire en question voulait parler, et je ne sais pas si, actuellement, le climat est de nature différente, mais, quoiqu'il en soit, les voeux de ce haut fonctionnaire sont exaucés puisque maintenant le projet de loi se trouve en discussion devant l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

On sait que le fonds forestier qui sera créé ne servira, à toutes fins pratiques, que dans cinq ans puisqu'il s'agit d'un long cheminement et que le ministre sera responsable de faire rapport devant la Chambre également par tranches de cinq ans. Comme le mentionnait mon collègue de Rouyn-Noranda, tout à l'heure, le ministre prend quand même soin de se réserver, à l'intérieur de cette loi, une marge de manoeuvre assez considérable. En

effet, nos amis d'en face n'en parlent pas beaucoup, mais, pour les cinq prochaines années, le gouvernement dispose de toutes les sommes nécessaires pour appliquer sa politique de restauration de la forêt, en vertu d'une entente de cinq ans signée l'an dernier avec Ottawa. Je mentionne ce fait, Mme la Présidente, parce que parfois, et malheureusement, je pense, trop souvent, nos amis d'en face oublient de mentionner cette situation qu'on doit reconnaître puisqu'il ne s'agit pas d'une question d'opinion, mais tout d'abord d'une question de fait, de réalité; c'est que la participation du gouvernement fédéral, au niveau de ces ententes qui donnent lieu à des projets de loi comme on en a actuellement, est quand même assez considérable.

Par ailleurs, il semble bien, selon les informations que nous possédons, qu'avant le dépôt de cette loi tous les intervenants dans ce secteur ont été consultés, ce qui me fait dire qu'il s'agit d'un projet de loi qui semble, de façon assez générale, faire l'unanimité de tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par le domaine de la foresterie, par le domaine de la production de matière ligneuse.

Donc, c'est un de ces projets de loi qui, même s'il fut peut-être difficile, en termes de technique législative, de le conduire jusque devant l'Assemblée nationale, à cause des implications du ministère des Finances et d'autres organismes parallèles, répond quand même, dans le champ de son application, aux voeux, aux besoins et aux désirs de ceux qui ont à travailler dans ce domaine d'activité économique du Québec.

Cependant, je me permettrai de poser un certain nombre de questions au ministre responsable et celui-ci pourra me répondre, soit dans sa réplique, après la deuxième lecture, après les autres intervenants qui prendront la parole, ou encore lors de l'étude article par article de ce projet de loi.

On sait que l'industrie de pâtes et papiers fait face à des coûts de fonctionnement élevés et que par conséquent elle doit composer avec une capacité concurrentielle quand même assez fragile. On sait qu'actuellement une large proportion de l'industrie papetière peut bénéficier — c'est là quand même une mesure relativement temporaire — de la différence de valeur entre l'argent américain et l'argent canadien; mais c'est quand même une rentabilité qui est artificielle jusqu'à un certain point puisque ces valeurs fluctuent et que des modifications dans les cours monétaires pourront mettre en péril ou avoir des effets négatifs sur cet aspect qui semble actuellement positif dans le domaine des pâtes et papiers.

Je demanderais donc au ministre dans quelle mesure la création du fonds forestier va entraîner une réduction de cette capacité concurrentielle de l'entreprise et aussi de tenter de chiffrer quel peut être le coût de la redevance pour l'industrie des pâtes et papiers. On sait que l'industrie elle-même aura à s'implanter dans ce processus qui est mis en marche par le projet de loi sur le fonds forestier, mais j'aimerais que le ministre nous donne un aperçu plus exact, plus précis des sommes qui devront être versées par les entreprises qui ont à oeuvrer dans ce secteur et ce que cela représente au point de vue de coûts de redevance, la participation de cette industrie. (16 h 50)

En termes de pourcentage, par exemple, quel pourrait être le pourcentage d'augmentation des coûts d'exploitation pour les entreprises elles-mêmes là-dedans? J'imagine que pour arriver à la présentation d'un projet de loi comme celui-là, qui a une importance relativement grande quand même, le ministère a sûrement dû procéder à certaines évaluations qui pourraient peut-être permettre maintenant au ministre, tout au moins globablement, de nous fournir certaines indications en ce qui concerne ces questions.

En ce qui concerne l'Union Nationale, Mme la Présidente, donc, nous concevons aisément l'utilité de la création de ce fonds forestier. Je crois que c'est une protection pour nos forêts et aussi une des principales activités économiques du Québec, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Il s'agit, je pense que c'est là le rôle de tout gouvernement dans toute pièce de législation, de prévenir, de prévoir et de savoir préparer l'avenir dans ce sens. Je pense que non seulement on doit utiliser au maximum l'industrie forestière, maintenant, mais qu'on doit avoir cette préoccupation — j'ai cru la sentir dans les propos du ministre, d'ailleurs — de prévoir, pour les 20 ou 30 ou 40 prochaines années, dans le domaine de l'approvisionnement, de sorte que les générations futures puissent avoir accès à cette richesse naturelle et en tirer plein bénéfice, comme on peut le faire actuellement.

Evidemment, cela fait partie, comme on l'a indiqué aussi, d'un plan d'ensemble, d'un plan d'approche plus global où on doit supporter l'économie d'un pays ou d'une province, avoir une approche plus intégrée, plus globale de tous les secteurs, soit dans le secteur agricole, soit dans le secteur touristique, soit dans le secteur minier. Le secteur forestier, en soi, constituant une tranche importante de toutes les activités économiques d'une économie comme celle du Québec, doit donc avoir une part importante, se voir accorder une part importante de l'intérêt du gouvernement en termes de pièces de législation et en termes d'investissements également. Je pense que dans ce sens, le projet de loi qui est devant nous actuellement ne peut être que positif puisqu'il va générer, si vous voulez, la possibilité de mettre en oeuvre cette préoccupation que dit avoir le ministre maintenant en ce qui concerne les générations futures, en ce qui concerne l'assurance des approvisionnements pour les entreprises qui auront à évoluer au Québec dans les années à venir.

M. le Président, en ce qui concerne l'Union Nationale, nous allons procéder au vote sur ce projet de loi en deuxième lecture. Nous allons accorder notre appui. Evidemment, nous demandons au ministre s'il est possible d'avoir quelques précisions sur les points que nous avons portés à son attention.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, Mme la Présidente. Je dois dire qu'il s'agit d'un projet de loi, d'après les nombreux discours cet après-midi, pour lequel le ministre titulaire aura eu moins de difficultés à l'Assemblée nationale qu'il n'en a eu avec la fonction publique et l'administration en général. En effet, ce projet de loi créant le fonds forestier est un vieux projet. C'est un projet qui, évidemment, a cours à l'intérieur du ministère, de l'ancien ministère des Terres et Forêts, depuis des années. Cependant, il faut reconnaître que les ministres des Terres et Forêts du passé se sont cassé les dents année après année, d'abord sur le ministre des Finances, parce que je ne sais pas si on a réalisé qu'à l'intérieur de ce projet, je suis pratiquement obligé de détailler un peu le fonctionnement du fonds forestier de manière à susciter un peu d'intérêt et d'opposition de la part de l'Opposition. Puisqu'on ne semble pas avoir d'opposition cet après-midi, je suis obligé de souligner que ce fonds forestier, en fait, s'approvisionne de façon autonome avec des taxes autonomes, et les dépenses de ce fonds forestier sont prévues dans la loi. Or, d'habitude, je dois souligner que l'Assemblée nationale, d'une façon générale, vote le budget et un ministre des Finances s'organise normalement pour garder un certain contrôle sur ce budget de manière à pouvoir quand même négocier un programme gouvernemental contre un autre programme gouvernemental.

En fait, c'est très rare qu'un ministre des Finances accepte de réduire son autonomie, et c'est ce que fait le ministre des Finances en l'occurrence. Il accepte de réduire son autonomie puisque nous créons un deuxième fonds consolidé, littéralement parlant, qui s'approvisionnera de façon autonome en revenus et qui, également, aura des dépenses qui sont prévues dans la loi. C'est très rare que cela se fasse. En fait, c'est même à ce point exceptionnel que tous les légistes du comité de législation ont bel et bien posé la question: Est-ce que c'est cela que vous voulez vraiment faire parce que cela ne se fait normalement pas? Je dois dire que nous devons à l'actuel ministre des Finances le présent projet de loi qui, je pense, de tous les ministres des Finances du passé est le seul à avoir compris les implications de l'aménagement forestier à long terme et à avoir compris qu'il fallait modifier notre façon d'agir concernant le financement de tels travaux, sans quoi jamais le Québec ne pourrait s'engager dans une telle réforme. Je pense que c'est à l'actuel ministre des Finances qui a compris l'importance d'un tel projet de loi que l'on doit aujourd'hui le dépôt d'un tel projet.

Réponses rapides à certaines questions. On dit: La contribution gouvernementale n'est pas précisée. Justement, nous ne pouvons pas anticiper quelle sera la contribution gouvernementale. Parce que c'est le privilège de l'Assemblée nationale — et là le député de Mont-Royal a oublié ses propres privilèges — une fois par année de voter les budgets du gouvernement. Ce que le député de Mont-Royal voudrait faire, il voudrait qu'on retire à l'Assemblée nationale le droit de décider de verser des sommes d'après un programme d'aménagement forestier et qu'on le prévoie dans la loi. Je pense que non. Il faut garder à l'Assemblée nationale le pouvoir de décider quels seront les impôts des citoyens qui serviront à l'aménagement forestier, il ne faut pas le fixer dans la loi. Donc, pour respecter les privilèges de l'Assemblée nationale même, nous ne prévoyons pas combien l'Assemblée nationale voudra mettre de contribution à l'intérieur du fonds. Ce sera décidé annuellement, lors de l'adoption du budget. Voilà pour le respect des privilèges de l'Assemblée nationale.

Deuxième question, toujours relativement à ce point soulevé par le député de Mont-Royal. Il dit: Le gouvernement devrait prévoir les sommes d'argent qu'il doit y mettre. Alors là, je m'inscris en faux. Est-ce qu'on doit faire payer par le citoyen de Montréal, de Québec, ou de Matane le coût de l'aménagement de la forêt, ou doit-on le faire payer par l'industrie? Le présent projet de loi dit: II faut le faire payer par l'industrie, parce que c'est un coût de production, et si l'Assemblée nationale veut, pour des raisons exceptionnelles, et éventuellement voter les budgets appropriés, elle le fera, mais année après année. Donc, il y a un principe fondamental qui est posé ici, il faut choisir: est-ce que c'est au citoyen à payer de sa poche l'aménagement de nos forêts et payer des mesures correctives contre le pillage qui a souvent été pratiqué par les compagnies? Le député de Mont-Royal dit: On devrait aller prendre cela dans la poche du petit contribuable, dans la poche du "payeur de taxes", il ne paie pas encore assez d'impôts, il faut aller en chercher davantage.

Nous, nous prenons une autre attitude, on dit: Non, il faudrait prévoir que ce soient les compagnies qui paient. C'est une différence d'approche, c'est une différence de philosophie. Lui, veut protéger les grosses compagnies et aime mieux que ce soit le petit contribuable qui paie. Nous, nous préférerions éviter que le contribuable ait à payer d'une façon systématique, mais au contraire, nous assurer que ce soient les compagnies qui paient cela. C'est une différence de philosophie. Mais c'est cela fondamentalement l'importance des partis politiques. Cela permet de comprendre qu'il y a un parti politique qui défend davantage le travailleur alors qu'il y a un parti politique de l'autre bord qui défend les compagnies. C'est normal, il faut qu'il y ait des distinctions de ce genre.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, question de privilège.

M. Bérubé: On en a une très claire. J'ai beaucoup apprécié...

La Vice-Présidente: Question de privilège, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Question de privilège. Le ministre me fait dire des choses que je n'ai pas dites. Je voudrais rétablir les faits. Je n'ai pas dit et je n'ai même pas suggéré dans l'approche que j'ai faite en critiquant le projet de loi, que ce soient les petits contribuables soi-disant que le ministre de l'Energie

et des Ressources vient de m'accuser... Je n'ai aucunement dit que ce soit la population et les petits contribuables qui devraient payer le fonds forestier. J'ai suggéré un engagement du gouvernement, et l'engagement du gouvernement peut se prendre à même les fonds, non seulement...

La Vice-Présidente: M. le député, je pense que vous pouvez soulever une question de privilège. Je vous demanderais de vous restreindre à ce que vous appelez votre question de privilège et à ne pas élargir le débat. M. le ministre en est à sa réplique.

M. Ciaccia: Très bien. Très brièvement, j'ai suggéré qu'il y ait un engagement du gouvernement et cet engagement du gouvernement peut consister à prélever des sommes qui sont déjà payées par l'industrie et pas nécessairement par tous les contribuables. Quand le ministre m'accuse que je suggère que ce soit le petit contribuable qui paie pour l'industrie forestière, c'est absolument faux. Je dois rétablir les faits.

Une Voix: II fait comme d'habitude, il charrie.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Merci, Mme la Présidente. Je pense que ce n'est pas la peine de s'embarquer dans un long débat. En fait, le député de Mont-Royal a proposé que le gouvernement soit obligé de mettre des fonds à l'intérieur du fonds forestier. (17 heures)

Or, le gouvernement doit forcément aller chercher ça dans la poche des contribuables, puisque l'essentiel des revenus, c'est par le biais de l'impôt. Comme, de toute façon, l'Opposition libérale nous dit que présentement les riches paient trop d'impôts et qu'elle nous propose de réduire les impôts sur les riches, on ne peut pas forcément augmenter les impôts de tout le monde et réduire les impôts des riches sans, automatiquement, taxer les pauvres. Je pense qu'il faut, à un moment donné, additionner tout cela ensemble.

Ce que ça veut dire, c'est que si on acceptait de forcer le gouvernement à contribuer à ce fonds et qu'en même temps on suivait les suggestions du Parti libéral, c'est-à-dire de réduire les impôts des citoyens les plus nantis de la société, ça voudrait dire que ce sont les pauvres qui paieraient pour financer le fonds forestier. Là-dessus, il y a une différence fondamentale d'opinions politiques; moi, je préfère que ce soient les compagnies qui paient plutôt que le petit particulier, celui qui gagne le moins cher. Mais, enfin, c'est une question de point de vue. Je comprends qu'on puisse défendre un autre point de vue, on a le droit et je pense qu'on a raison d'avoir un Parti libéral qui défende les compagnies. Je pense que c'est normal, il faut que dans une société, on sache de quel bord chaque parti est situé. Nous, nous sommes du côté des travailleurs et des moins bien nantis et eux sont du côté des compagnies. C'est correct! Ils ont le droit!

Pourquoi? On dit que l'aménagement forestier est un coût de production, c'est un coût qui revient d'année en année. On peut donner des subventions pour inciter des compagnies à investir ou, à un moment donné, l'industrie passe à travers une période difficile et à ce moment-là on dit à nouveau: Essayons de les aider temporairement. Mais sur une base permanente, dans une loi, dire qu'on va rembourser une partie des coûts de l'industrie année après année aussi longtemps que la loi va être là, je ne trouve pas cela acceptable. D'ailleurs, cela ne se produit jamais. Je ne connais pas de loi où on aurait inclus cela. Je trouve que la suggestion qui a été faite par le député de Mont-Royal a peut-être été faite un peu rapidement; je pense qu'il faut la rejeter carrément.

Le député de Montmagny-L'Islet a demandé: Quel est le volume de bois qui a été coupé? Je pense que cela va répondre en même temps à une question du député de Richmond. Par exemple, pour l'année dernière, 8 400 000 cunits ont été coupés sur les forêts publiques, ce qui représenterait à ce moment-là, comme contribution de l'industrie si l'industrie avait à tout payer le fonds forestier, environ $25 000 000 basés sur $1 le mètre cube, c'est-à-dire, en gros — je simplifie — 3/4% du prix de vente des produits forestiers. Donc, cette politique, si elle était défrayée entièrement par l'industrie l'année dernière, aurait coûté 3/4% du prix de vente des produits. Ce n'est donc pas un montant considérable, c'est un montant tout à fait modeste et je pense qu'il n'écrasera pas les multinationales et les grandes compagnies forestières que veut défendre, avec raison d'ailleurs, le député de Mont-Royal. Je pense que c'est son droit le plus strict de défendre les multinationales et les compagnies.

Un autre point a été soulevé, je crois, par le député de Rouyn-Noranda qui s'inquiète...

M. Lavigne: De se faire passer une épinette!

M. Bérubé: ... en fait, oui, de se faire passer une épinette pour un sapin. En fait, il s'inquiète de ce qu'un des articles de la loi donne une certaine latitude au gouvernement quant à l'imposition d'une redevance pour des frais d'aménagement. Je pense qu'il faut comprendre le sens de la loi. Cette loi s'applique à tous les intervenants forestiers, mais elle distingue une certaine catégorie d'intervenants forestiers qui, par exemple, sont aux prises avec une pénurie de bois, voudraient avoir plus de bois. Le ministère ne peut pas, en vertu de la loi, leur allouer plus de bois parce que la possibilité forestière n'existe pas. Dans ces conditions, le ministère doit refuser, mais le ministère pourrait, après examen de la situation, conclure que par des travaux d'aménagements on pourrait augmenter encore la possibilité forestière. A ce moment-là, cet article de loi nous permet de signer un contrat d'approvisionnement avec l'industriel, de lui faire payer tous les coûts de cet aménagement-là puisqu'il est le seul à bénéficier de l'augmentation de l'approvisionnement. On lui

fait payer les coûts associés à l'augmentation de l'approvisionnement et ceci nous permettrait, dans certaines régions particulières du Québec, d'augmenter les approvisionnements de certaines usines, même si la forêt ne peut pas fournir ce bois d'une façon naturelle, en forçant la croissance de la forêt. Cela pourrait devenir possible. A ce moment, si l'industriel est prêt à payer les frais nécessaires, le gouvernement se donne la possibilité de le faire.

C'est pour cela qu'il n'y a pas de définition précise du montant à payer puisque ce sera étudié cas par cas et l'industriel sera toujours libre d'accepter ou de refuser la proposition qui lui est faite. Je pense que c'étaient essentiellement les remarques du député de Rouyn-Noranda. C'est la raison pour laquelle le gouvernement se garde une certaine latitude dans ces cas. Autrement, je dois vous avouer que la législation déléguée a relativement peu d'importance dans le présent projet de loi puisque les règlements n'ont pour but que de nous permettre d'exiger possiblement moins que le $1, qui est un maximum prévu dans la loi, si effectivement l'importance des travaux d'aménagement ne nécessite pas que l'on exige $1 le mètre cube aux industriels du sciage et des pâtes et papier.

En d'autres termes, tout ce qui est prévu dans l'administration de la loi l'est dans la loi; nous laissons très peu de place à la réglementation dans un tel projet, si ce n'est à la quantité d'argent que nous aurons à exiger pour balancer le fonds. Mais, comme de toute façon, il faut que ce fonds s'autofinance, il faut que les dépenses d'aménagement soient nécessairement compensées par des revenus. Il faut donc que le gouvernement soit en mesure de fixer, année après année, combien il va aller chercher; d'où la nécessité d'avoir une certaine marge de manoeuvre dans le présent projet de loi. Mais cela représentera au maximum, tel que rédigé, trois quarts pour cent du prix de vente actuel du bois et je dois dire que si on compare, par exemple, le coût moyen du cunit de bois au Québec, qui est de l'ordre de $70 ou $72 maintenant — je n'ai pas le chiffre le plus récent de l'année financière, mais ce doit être autour de $75 le cunit... Je visitais les exploitations en Suède et devais constater qu'il en coûte tout près de $140 le cunit pour du bois comparable à l'industrie suédoise. En d'autres termes, notre industrie demeure très concurrentielle par rapport à l'industrie suédoise; d'autre part, par rapport à nos concurrents américains, avec l'actuel programme, je pense que notre industrie forestière sera une des plus rentables.

Je dois souligner, pour terminer, les assertions grossièrement erronées du député de Pointe-Claire qui affirmait que l'industrie forestière quittait le Québec, qu'elle était peu à l'aise à cause des politiques du gouvernement. C'est de la folie furieuse; je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi mensonger, d'aussi inacceptable. En fait, 45% des investissements dans le secteur forestier se feront, d'après l'Institut canadien des pâtes et papier, au Québec et non pas dans le reste du

Canada. Alors, c'est au Québec où il y a le plus d'investissements dans le secteur forestier, grâce à nos politiques. Alors, qu'il cesse donc de charrier!

La Vice-Présidente: Cette motion de M. le ministre de l'Energie et des Ressources proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 86, Loi sur le fonds forestier, est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, à condition que nous puissions fonctionner assez rapidement — et je pense avoir le consentement du ministre là-dessus — nous pourrions appeler l'article 32, après quoi nous étudierions les deux projets de loi en commission plénière.

Projet de loi no 87 Deuxième lecture

La Vice-Présidente: A l'article 32 du feuilleton d'aujourd'hui, il s'agit du projet de loi no 87, Loi modifiant la Loi sur la municipalisation de l'électricité et la Loi de l'électrification rurale.

M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Alors, Mme la Présidente, je ne ferai pas un long discours sur ce projet de loi. C'est un projet de loi qui est attendu de longue date.

En 1962, il y avait la nationalisation — c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu nationalisation puisque, finalement, les compagnies se sont toutes vendues de gré à gré — mais il y a eu l'achat, par le gouvernement du Québec, de toutes les compagnies productrices d'électricité au Québec. Un des objectifs, sinon l'objectif, qui avait été annoncé à l'époque était d'uniformiser les tarifs d'électricité à travers tout le Québec.

Il y a eu quelques exceptions. En effet, certaines municipalités ont, pendant des années, maintenu leur propre réseau hydroélectrique, achetant souvent de l'électricité d'Hydro-Québec et la revendant aux consommateurs. Il en résulte que, dans plusieurs municipalités du Québec, une demi-douzaine, les citoyens sont appelés à payer souvent plus cher leur électricité que l'ensemble des citoyens du Québec. Cela nous paraît une situation anormale. La ville de Sherbrooke, Deauville, Windsor, Chibougamau, Rivière-du-Loup, enfin, je pourrais en nommer un certain nombre.

Cela nous paraît une situation anormale, car une industrie qui voudrait s'installer dans cette municipalité serait désavantagée. Si la municipalité vend de l'électricité aux villes avoisinantes, comme c'est souvent le cas, à ce moment-là, elle force les municipalités avoisinantes à financer la municipalité mère. Cela permet à la municipalité, finalement, de retirer des revenus alors que, normalement, les revenus des municipalités viennent des taxes foncières et non des transactions commerciales. Aussi ce projet de loi ne vise-t-il pas à retirer aux municipalités la propriété de leur réseau, il n'a comme objectif unique que de garantir que tous les citoyens au Québec, quel que soit l'endroit où ils vivent, ne paieront jamais leur électricité plus cher que le prix fixé par HydroQuébec. (17 h 10)

C'est donc le sens de ce projet de loi. Il ne faut pas chercher plus loin et il n'y a donc pas lieu de faire de longs discours sur le principe du projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: La façon dont le ministre a expliqué le projet de loi, que c'est uniquement avec l'objectif d'uniformiser les taux de l'électricité pour tous les consommateurs, si c'était vraiment la seule conséquence du projet de loi, on ne pourrait pas s'y opposer. Que tous les consommateurs au Québec doivent payer ou devraient payer les mêmes taux d'électricité, on est d'accord avec cela. On ne s'y oppose pas et on va appuyer cet aspect du projet de loi, mais — et c'est un "mais" très important — l'effet du projet de loi va plus loin qu'uniformiser seulement les taux d'électricité pour les municipalités concernées.

Je crois qu'il y a une vingtaine de municipalités et, si on se réfère à la loi qui a permis à ces municipalités d'avoir soit un système de distribution, soit un système de production d'électricité, cela leur a permis, par l'entremise de leur conseil municipal, avec l'approbation des contribuables, de faire certaines installations, d'avoir certaines dépenses et d'en tirer certains revenus. Que fait le projet de loi?

C'est vrai que le projet de loi dit: Dorénavant, aussitôt que ce projet de loi sera adopté et proclamé, les municipalités ne pourront pas demander plus cher aux contribuables que le tarif qu'Hydro-Québec exigerait si c'était Hydro-Québec qui fournissait l'électricité. Oui, mais que faites-vous des installations des municipalités? Que faites-vous des profits que les municipalités reçoivent peut-être aujourd'hui en imposant un prix différent?

Mme la Présidente, le ministre a mentionné qu'en 1962, il y a eu le droit à la nationalisation. Ils ont procédé de gré à gré. Si c'est vraiment l'intention — un des objectifs, en 1962, était d'uniformiser les tarifs — pourquoi — on pourrait poser la même question — le ministre ne procèdet-il pas de la même façon? Si l'effet de ce projet de loi sera de rendre les systèmes d'électricité des municipalités non rentables, c'est vraiment une façon de leur enlever cet actif. Elles vont être obligées de prendre ce système, de le subventionner par les autres taxes de la municipalité — ce qui n'arrivera pas — ou bien de prendre le système et de le donner à Hydro-Québec. L'effet de ce projet de loi est de s'assurer que ce sera seulement Hydro-Québec qui va devenir propriétaire. Il n'y aura pas d'autre solution, à moins qu'il n'y ait, dans le projet de loi, un engagement par HydroQuébec de fournir de l'électricité à ces municipalités à des tarifs préférentiels ou à des tarifs qui permettraient un profit à la municipalité en fournissant de l'électricité.

Je crois que c'est inexact, et je ne veux pas utiliser le même genre de langage que celui que le ministre utilise habituellement avec nous, mais je vais me limiter à dire que c'est inexact que la seule conséquence de ce projet de loi sera d'uniformiser les taux d'électricité pour les consommateurs dans les différentes municipalités. Ce sera une des conséquences. C'est vrai que c'est l'objectif de ce projet de loi, mais, savez-vous, c'est comme une demi-vérité. On va à un certain point, censément pour protéger les consommateurs, mais on oublie les effets que cela aura sur la vingtaine de municipalités, et il y a, parmi elles, une coopérative.

Dans le passé, la loi permettait à ces municipalités et aux coopératives, spécialement dans les districts ruraux, dans les régions rurales, de fournir de l'électricité. Elles ont eu des dépenses. Elles ont eu des investissements. Que fait le ministre avec cela?

Savez-vous ce que le ministre vient de faire? Il vient de socialiser les systèmes d'électricité de ces municipalités. Il vient de les rendre... C'est cela qu'il vient de faire, sans compensation, sans prévoir un mécanisme disant: Ecoutez! Vous avez un système rentable aujourd'hui. Si on coupe et si on réduit les tarifs, notre système ne sera plus rentable. Aujourd'hui, les municipalités ont une activité rentable qui représente un certain actif pour la municipalité et pour les contribuables. Le ministre arrive avec son projet de loi et il met fin à cela.

On aurait pu procéder d'une autre façon ; je crois que cela aurait été plus honnête et plus dans les intérêts non seulement des contribuables, mais des municipalités aussi. Si on veut uniformiser, pourquoi n'a-t-il pas procédé de la même façon qu'en 1962 et dire: Hydro-Québec, vous allez acquérir tous ces systèmes; vous allez le faire de gré à gré et on va se baser, pour le paiement de la compensation, sur le rendement du système, sur le genre de revenu que la municipalité reçoit. A ce moment-là, c'est juste et équitable. Les contribuables, dans les différentes municipalités, sont protégés parce qu'ils vont recevoir une compensation basée non seulement sur l'équipement, mais sur la rentabilité du système. La municipalité n'est pas pénalisée et vous arrivez à votre objectif d'uniformiser les tarifs.

Mais de la façon que vous le faites, je crois que cela pénalise non seulement la municipalité... La municipalité, c'est quoi? La municipalité, c'est la somme de tous les résidents de cette municipalité. Quand on voit la ville de Sherbrooke qui se plaint et dit: Ecoutez! Le maire de Sherbrooke a dit: "Un actif qui ne rapportera pas; il ne sert à rien de le conserver". Aujourd'hui, la ville a un actif qui rapporte quelque chose; avec votre projet de loi, elle ne l'a plus. Qu'est-ce qui va arriver? Les conséquences? Est-ce que vous avez mesuré les conséquences? C'est bien beau de dire: On va uniformiser, mais s'il y avait un revenu, cela veut dire que ce revenu n'existe plus. Alors, au lieu de demander plus pour l'électricité, aux contribuables de cette ville, la ville va être obligée d'augmenter les taxes municipales parce que le revenu ne tombera pas du ciel, les dépenses sont là.

Une municipalité, ce n'est pas une corporation à but lucratif. Ce que la municipalité reçoit, elle le dépense pour les résidents. Si elle n'a pas ce revenu, il va falloir qu'elle aille chercher d'autres revenus: augmenter les taxes.

Vous donnez l'impression, messieurs du Parti québécois, de vouloir uniformiser et de faire bénéficier le consommateur. En effet, ce n'est pas du tout cela que vous faites: vous le pénalisez parce que ces revenus, cet argent, il faut que cela vienne de quelque part. De la façon que vous le faites, vous avantagez Hydro-Québec et vous pénalisez le petit consommateur. On parlait des multinationales et du petit consommateur. Voici un exemple concret. Sans changer et sans charrier sur le principe de ce projet de loi, c'est exactement cela qui va résulter du projet de loi. Il n'y a pas de protection pour la municipalité. Il n'y a pas de protection pour le contribuable parce que ce qu'il paie en termes de taux d'électricité, en taxes additionnelles, en taxes foncières, en taxes immobilières ou autres taxes de la ville, c'est le même argent; il va le sortir de sa poche.

Premièrement, je me demande: C'est qui? Comment ce projet de loi a-t-il été présenté? Est-ce qu'il y a eu des pressions des citoyens? Est-ce qu'il y a eu des pressions de la Régie de l'électricité? Est-ce qu'il y a eu des pressions d'Hydro-Québec pour le rédiger? Je voudrais que le ministre, dans sa réplique, nous réponde. Comment le projet de loi, tel que rédigé, incomplet dans sa présente forme, en est-il venu à être déposé devant cette Assemblée?

On peut aussi se poser une question sur l'inactivité. Voyez-vous, on pose des questions comme: Quel est le rôle d'Hydro-Québec? D'après le maire de Sherbrooke, il a fait des représentations auprès du ministre de l'Energie et des Ressources et également auprès d'Hydro-Québec. Il leur a demandé un tarif préférentiel pour sa région afin de lui permettre d'acheter l'électricité d'Hydro-Québec et de pouvoir la vendre à un taux plus élevé pour réaliser un profit, non seulement pour la municipalité, mais un profit pour aider à payer les dépenses de cette ville. (17 h 20)

Cela a été refusé et j'aimerais savoir du ministre s'il peut l'infirmer ou le confirmer. Apparemment, lorsque le député de Mille-Iles était ministre de l'Energie, il s'était engagé à ce que le gouvernement n'oblige pas les municipalités à vendre leurs réseaux d'électricité. Autrement dit, il y a eu un engagement du gouvernement envers ces municipalités, disant qu'elles pouvaient garder leurs réseaux d'électricité.

Si, aujourd'hui, on adopte ce projet de loi, on fait indirectement ce qu'on n'a pas voulu faire directement, parce que, d'après les calculs, d'après les chiffres, d'après les informations qui nous sont fournies, les municipalités ne pourront plus donner ce service. Il va falloir qu'Hydro-Québec en devienne la propriétaire. Alors, vous allez non seulement obliger les municipalités à se départir de leur système d'électricité, mais à quel prix et avec quelle compensation? Si les discussions avaient eu lieu maintenant, il y aurait un certain montant qui serait payable. Comme dans toute expropriation, les sommes payables dépendent du rendement du système, dépendent du rendement de l'entreprise. Si vous rendez l'entreprise non rentable, Hydro-Québec va pouvoir prendre pour $1 tout ce système. Est-ce que c'est juste envers les municipalités? Est-ce que c'est juste envers les contribuables?

On peut se demander pourquoi, pendant qu'on parle d'Hydro-Québec et des tarifs, le gouvernement n'a pas convoqué la commission parlementaire de l'énergie et des ressources pour examiner les rapports d'Hydro-Québec. Cela fait deux ans que cette commission n'a pas siégé, depuis 1978. On aurait pu, devant une commission parlementaire, soulever certains de ces problèmes avec les représentants d'Hydro-Québec, leur demander quelle était leur position, leur attitude. Etaient-ils en faveur de compenser les municipalités, deviendraient-ils les propriétaires, quel prix payeraient-ils? Là, on se trouve devant un fait accompli; on n'a pas eu la chance d'avoir cette commission parlementaire, on n'a pas pu exiger de réponses d'Hydro-Québec et là on nous présente un projet de loi pour nous dire: En toute vertu, on va uniformiser les tarifs; c'est une demi-vérité. Je suis" persuadé que le gouvernement n'a pas convoqué la commission sur Hydro-Québec avant le référendum parce qu'on aurait posé des questions qui auraient pu être embarrassantes pour le gouvernement, on aurait exigé certaines réponses. Alors, c'était bien simple, on n'a pas convoqué la commission.

On parle d'uniformiser les tarifs. Si vraiment on veut protéger le consommateur, on pourrait — on a déjà fait la demande au gouvernement — demander à la Régie de l'électricité et du gaz de tenir des audiences publiques pour recommander les tarifs. La régie pourrait examiner, entendre les représentations de toutes les personnes concernées, incluant les consommateurs, les gens qui sont intéressés au problème, incluant les représentations du gouvernement et celles d'Hydro-Québec, à savoir la raison pour laquelle elle veut

des augmentations de tarifs. Cette régie pourrait faire une recommandation au gouvernement. La décision finale, naturellement, resterait entre les mains du gouvernement.

C'est ce qui est fait dans d'autres juridictions. Par exemple, en Ontario, quand on veut une augmentation de tarifs, on va devant la régie. Ce sont des auditions publiques, on fait des représentations et Hydro-Ontario — ici, ce serait HydroQuébec — doit être en mesure de justifier publiquement pourquoi elle veut telle ou telle augmentation de tarif. Ce n'est pas le système que nous avons ici, ici, Mme la Présidente. En 1978, on a fait une demande d'augmentation de tarifs pour trois ans. L'augmentation de tarifs a été, depuis que le gouvernement actuel est au pouvoir, d'environ 71% et le public n'est pas plus éclairé sur les raisons de cette augmentation. Est-ce que ce sont des raisons économiques, des raisons politiques? Pourquoi ces tarifs ont-ils été augmentés? C'est la même raison ici. Si on voulait vraiment protéger le consommateur, on pourrait confier ce genre de décision, de recommandation à une régie qui pourrait faire des recommandations. Tous les gens auraient l'occasion d'examiner, de faire des représentations et le gouvernement pourrait prendre ses décisions sur la base des recommandations de la régie. S'il y a des décisions politiques à prendre parce qu'ils veulent augmenter les tarifs pour une raison publique et non seulement économique, alors le gouvernement aurait tout le droit de le faire, mais au moins la population saurait pourquoi le gouvernement a augmenté les tarifs de tel et tel montant.

Il ne faut pas oublier, Mme la Présidente, quand on parle d'uniformiser les tarifs, que suite à la réforme de la fiscalité municipale on a imposé une taxe de 3%, et on n'a pas parlé de cela. Dans son budget, le ministre des Finances a imposé une taxe de 3% sur la production de l'électricité par Hydro-Québec. Cela veut dire que cela va augmenter indirectement les tarifs aux consommateurs. D'une part, on dit: On va réformer, on va faire une réforme fiscale des municipalités et, de l'autre, on prend l'argent d'Hydro-Québec, et c'est le même contribuable. La personne qui paie les taxes à la municipalité, c'est la même personne qui va payer les tarifs à Hydro-Québec. On augmente cela de 3%. Je ne vois pas quelle sorte de réforme c'est. Vraiment, on prend d'une poche et on le met dans l'autre au nom d'une réforme. Si on veut le faire parce qu'on a besoin de revenus, qu'on le dise, mais qu'on n'essaie pas de faire passer cela pour un genre de réforme. De la même façon, aujourd'hui, pour une vingtaine de municipalités, qu'on n'essaie pas de faire croire que c'est strictement pour uniformiser les tarifs d'Hydro-Québec qu'on présente ce projet de loi.

Le projet de loi, en ce qui concerne l'uniformisation, on n'est pas contre. On est en faveur, mais on trouve que le projet de loi, Mme la Présidente, ne va pas assez loin, ne répond pas aux problèmes que cette uniformisation de tarifs va causer aux différentes municipalités. Quant à la question de protéger le consommateur et d'uni- formiser les tarifs, il y avait, à un moment donné, dans le programme du Parti québécois, un engagement d'enlever la taxe de vente sur l'électricité. C'est 8% qui sont ajoutés à toutes les augmentations d'Hydro-Québec. C'est un autre point pour lequel le gouvernement n'a pas rempli ses engagements et qui augmente le fardeau fiscal du contribuable.

Mme la Présidente, en conclusion, en terminant, nous sommes d'accord pour uniformiser les tarifs d'électricité pour tous les Québécois, qu'une personne habite à Sherbrooke, à Mont-Royal ou en Abitibi, et je pense que c'était le mandat d'Hydro-Québec d'uniformiser les tarifs. Elle a été créée par un bon gouvernement libéral, Mme la Présidente; c'était son mandat et on continue de mettre en pratique cet objectif d'Hydro-Québec. C'est tout à fait juste et équitable que tous les consommateurs, qu'ils vivent dans une région ou une autre, paient les mêmes taux d'électricité. Mais ce qu'on n'a pas fait dans ce projet de loi, c'est de trouver une solution; on oblige les municipalités à exiger le même taux qu'Hydro-Québec, mais on n'oblige pas HydroQuébec, on ne dit pas à quel prix Hydro-Québec va vendre son électricité aux municipalités. Là on crée une situation où vraiment on enlève cet actif aux municipalités et on n'a pas d'instruments dans le projet de loi qui vont nous dire comment la municipalité va être compensée, de même que le contribuable qui recevait un profit de cette entreprise. Les conséquences qu'il va subir, cela va être une augmentation de taxes. (17 h 30)

Nous allons faire des suggestions en commission plénière, à l'étude article par article, pour exiger du gouvernement certains engagements vis-à-vis des municipalités et des coopératives qui sont concernées. Il y avait une loi où elles avaient le droit d'installer un tel système; elles se sont prévalues de cette loi, elles ont certains droits acquis, d'après les lois qui ont été adoptées par cette Assemblée nationale, et je crois que c'est injuste aujourd'hui d'arriver et de leur enlever le bénéfice, le profit et les actifs qu'elles ont par suite de lois dont elles se sont prévalues de bonne foi. Elles ont fait des dépenses pour instituer ce système d'électricité, il y a des équipements. On voudrait savoir du gouvernement comment il entend se comporter pour s'assurer que justice soit faite aux municipalités concernées tout en protégeant les consommateurs et en uniformisant les taux d'électricité dans toute la province de Québec. Merci, Mme la Présidente.

M. Chevrette: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci. Je suis d'abord très heureux de constater que le député de Mont-Royal est d'accord sur le principe de l'uniformisation des

prix, des coûts de l'électricité. Je pense qu'il était aberrant de constater, par exemple, que les citoyens de Sherbrooke et des environs payaient plus cher leur électricité que les citoyens de Montréal ou d'ailleurs. Par contre, j'entre en contradiction très facilement avec le député de Mont-Royal, parce qu'il y a des situations qu'il faudrait peut-être lui expliquer. Il y a des villes qui exigent la même tarification qu'Hydro-Québec de leurs citoyens, qui, dans les faits, peuvent faire des profits avec les réseaux d'électricité, mais qui, par contre, devront investir à court terme des sommes extraordinaires pour pouvoir maintenir le réseau en bonne et due forme, pour qu'il soit "up to date", comme on dit si bien en anglais. A ce moment, la marge de profit annuelle peut être facilement et rapidement engloutie dans de fortes sommes d'investissements pour l'amélioration du réseau. C'est un premier point auquel il faut penser quand on administre non pas à court terme, mais aussi à moyen et long termes.

Il y a un autre aspect que je voudrais souligner. S'il est vrai qu'une ville fait des profits avec le réseau électrique et qu'elle exige plus cher que les tarifs d'Hydro-Québec, les citoyens sont pénalisés, au dire de M. le député de Mont-Royal, et il se plaint qu'en voulant baisser les taux de l'électricité au niveau des taux d'Hydro-Québec, cela surtaxera les citoyens. Ces citoyens sont déjà pénalisés et c'est cela que je voudrais dire au député de Mont-Royal. Si déjà on paie plus cher l'électricité, c'est une taxe déguisée puisqu'on va chercher la marge de profit à même l'augmentation des tarifs de l'hydroélectricité pour maintenir un taux de taxation plus bas. Le citoyen qui verra ses taxes augmenter, mais son électricité baisser ne paiera pas plus cher et les revenus pour la municipalité seront les mêmes. Je suis surpris de voir que le député de Mont-Royal ne considère pas cela.

Il y a aussi une autre chose. Le député de Mont-Royal parle de taux préférentiels. Là-dessus, je voudrais attirer son attention, parce qu'il demande d'une façon déguisée aux citoyens du Québec de payer à même leurs taxes une certaine contribution au profit d'une ville en particulier. Oui, Hydro-Québec baissez vos tarifs, allez emprunter sur le marché étranger pour continuer à grossir, à vous agrandir, mais arrangez-vous pour que cela ne coûte pas trop cher pour telle ou telle municipalité. Et, entre-temps, ce sont les citoyens du Québec qui assument ces taux préférentiels aux municipalités, alors que, normalement, tous les citoyens du Québec, si on les protège en termes de coûts, doivent aussi être des contribuables à part égale en ce qui regarde la tarification d'Hydro-Québec dans leurs taux eux-mêmes.

Il y a un autre aspect dont je voudrais parler. Déjà, des cités ont accordé des taux préférentiels à l'industrie. Ce sont des contribuables d'une municipalité, présentement, qui font les frais des taux préférentiels pour telle ou telle industrie. C'est très fréquent là où il y a des réseaux indépendants d'électricité. Je pense que le député de Mont-Royal devrait avoir beaucoup plus que la notion d'uniformisation à part égale en ce qui regarde toute la tarification à Hydro-Québec.

Entre vous et moi, s'il est vrai qu'un réseau, qui était déficitaire avant, n'a plus de force, ne représente plus aucun "bargaining power" pour la municipalité ou la ville, lorsqu'arrivera le temps de s'en défaire, quelque chose qui ne rapporte pas à une municipalité, ordinairement, on ne s'y accroche pas. Cela me fait penser un peu à la campagne référendaire. A un moment donné, on nous disait qu'on coûtait tellement cher au Canada qu'on se demandait pourquoi le gouvernement fédéral investissait autant pour vouloir nous garder. C'est un peu le raisonnement que suivait le député de Mont-Royal tantôt. Il nous disait, à toutes fins utiles: Ecoutez, si on n'accorde pas de taux préférentiels, ils n'auront plus de profit; donc, quelle force de négociation auront-ils pour revendre à Hydro-Québec leur réseau?

Un réseau qui ne vaut plus rien, qui ne présente plus aucun intérêt, qui occasionne même des déficits à une cité, elle doit avoir hâte de s'en débarrasser. D'autre part — et c'est là que je reconnaîtrais la clairvoyance des administrateurs publics — si vous avez un réseau qui rapporte présentement énormément d'argent ou, en tout cas, passablement d'argent et que vous voyez venir des investissements à moyen terme, dans quatre ou cinq ans, $1 000 000 d'investissement, par exemple, il est peut-être temps de profiter du moment précis où le réseau présente encore une rentabilité pour négocier son transfert, ce qui forcerait Hydro-Québec, avec ses spécialistes, à assumer ces réflections qui s'imposent à moyen terme.

Je pense qu'on fait beaucoup de fla-fla avec cette histoire. Dans le fond, on sait pertinemment que l'ensemble des cités qui ont présentement des réseaux d'électricité auront des difficultés à moyen terme à cause des immenses réparations qu'elles doivent faire à ces réseaux, d'autant plus que ce sont les employés de ces réseaux indépendants qui font partie du corps des employés municipaux. Il faudrait peut-être aller fouiller pour voir jusqu'à quel point tous ces employés sont comptabilisés explicitement pour le réseau électrique ou s'il y a des portions de temps consacrées pour du travail municipal ou du travail spécifiquement sur le réseau et voir le départage. Pour certains réseaux à partir desquels on fait miroiter des profits, si on comptabilisait exactement ce que ça représente, on serait peut-être heureux de pouvoir se faire servir par une société d'Etat spécifiquement préparée et qui pourrait peut-être donner un service encore plus adéquat que celui qu'ont les citoyens. Quand on se soucie du contribuable, on ne se soucie pas uniquement du contribuable d'une cité ou d'une ville on se soucie du contribuable québécois en général et on ne propose pas en amendement de faire porter sur l'ensemble des Québécois la petite marge de profit qui pourrait servir à une municipalité quelconque; c'est du véritable patronage. On reconnaît ceux qui l'ont vécu.

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-François.

M. Réal Rancourt

M. Rancourt: Quelques minutes tout simplement pour vous apprendre que je suis un député qui représente les citoyens d'une ville qui possède son réseau, qui a une tarification spéciale, et d'autres citoyens, comme dans ma municipalité propre, où, personnellement, je reçois l'énergie d'Hydro-Québec. Mon cinquième voisin reçoit celle d'Hy-dro-Sherbrooke dans ce cas particulier et nous avons deux tarifications différentes. Je pense qu'ici il y aurait des municipalités dans ma région qui se retrouveraient dans le comté d'Orford; le député n'est pas là pour les représenter, ni celui du comté de Johnson pour une autre raison, bien sûr. Ce sont justement des citoyens de municipalités qui reçoivent de l'énergie d'un réseau qui appartient à la ville de Sherbrooke et aux citoyens de la ville de Sherbrooke et ils ont une tarification différente. Le projet de loi d'aujourd'hui est un projet d'uniformisation. Là-dessus, je pense que tout le monde est d'accord pour en arriver à cette uniformisation.

Je vous ai décrit une situation. Je demanderais au ministre et à Hydro-Québec que, dans les mois qui viennent on termine la négociation qui est déjà en cours pour établir la valeur réelle des réseaux qui appartiennent aux municipalités et que cette valeur réelle soit offerte aux municipalités pour s'en départir de gré à gré. Je pense qu'il y a un moyen de s'entendre là-dessus. Mais, au départ, je pense que le projet de loi est carrément pour l'uniformisation du tarif pour tous les citoyens du Québec et, là-dessus, j'acquiesce et j'appuierai ce projet de loi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Tout a été dit, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: J'allais vous demander si vous teniez à utiliser votre droit de réplique. Alors, cette motion du ministre de l'Energie et des Ressources proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le projet de loi no 87, Loi modifiant la Loi sur la municipalisation de l'électricité et la Loi de l'électrification rurale, sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, je vous demanderais maintenant, s'il vous plaît, de quitter votre fauteuil pour que nous puissions nous transformer en commission plénière et étudier les deux projets de loi nos 86 et 87.

Commission plénière Projet de loi no 86

La Vice-Présidente: La motion est-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Cette Assemblée s'est formée en commission plénière pour étudier article par article le projet de loi no 86, Loi sur le fonds forestier. L'article 1 sera-t-il adopté?

Une Voix: Adopté, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. Article 2, adopté? Non?

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: A l'article 2, il y a deux sources de fonds. Une des sources, ce sont les montants que perçoit le ministre de l'Energie et des Ressources conformément à l'article 6; ce sont des sommes qui sont perçues directement des bénéficiaires. L'autre source, ce sont les montants que le ministre des Finances verse à même les sommes votées annuellement à cette fin par la Législature.

Durant sa réplique, le ministre m'a accusé de vouloir que les montants soient payés par les contribuables; ce n'est pas moi. Le principe que tous les contribuables du Québec puissent contribuer au fonds forestier, c'est un principe qui a été inséré dans le projet de loi par le ministre, non par moi.

La seule question que je lui ai posée, c'est que ces deux sources de fonds: premièrement, vous les établissez à un maximum de $1 le mètre cube et, deuxièmement, vous ne mettez aucune indication de contribution de la part du gouvernement. Le premier point que je veux faire, c'est pour rectifier les accusations que vous avez portées à mon égard en ce qui concerne le fait que je veux que ce soient les contribuables. C'est votre projet de loi et le principe c'est vous qui l'avez inséré dans l'article 2. Deuxièmement, vous ne mettez aucune indication en ce qui concerne votre contribution. Le projet de loi devant nous a été, je le présume, rédigé et rédigé de nouveau. Originalement, aviez-vous inclus ce deuxième aspect ou bien ce deuxième aspect est-il venu à la suite de négociations avec le milieu concerné? C'est ma première question.

Ma deuxième question est la suivante: Mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet, vous a demandé quel serait le montant perçu à la suite du projet de loi. Vous nous avez donné un pourcentage, trois quarts de un pour cent. Pourriez-vous nous donner un chiffre global en dollars de ce que représentait la perception de cette taxe ou de ce montant?

M. Bérubé: Premièrement, l'article 2 n'interdit pas à la Législature de voter des sommes à être

versées au fonds forestier. Il s'agit donc pour nous de dire que la Législature peut contribuer à ce fonds si elle le juge bon et je n'ai pas pensé qu'on devrait, dans un projet de loi, interdire à l'Assemblée nationale d'y verser des fonds. Mais la question qui a été posée, c'est: Est-ce qu'on ne devrait pas prévoir quelle quantité d'argent la Législature devrait mettre là-dedans? Je réponds: Non, la Législature décidera de ce qu'elle veut mettre; ce n'est pas à moi de fixer dans une loi combien la Législature va devoir mettre l'année prochaine. J'aurais pu mettre dans la loi que l'année prochaine la Législature va être obligée de verser $10 000 000 dans le fonds, mais, finalement, c'est demander à l'Assemblée nationale de forcer l'Assemblée nationale à prendre des décisions. L'Assemblée nationale, si vous le voulez bien, les prendra chaque année. Pour cette raison, on n'a donc pas prévu quelle est la contribution gouvernementale.

Si vous me posez la question: Quelle sera la contribution gouvernementale au cours des cinq prochaines années ou, du moins, les trois années qui restent, je vous dirai: 100%, c'est-à-dire que, l'ensemble des travaux d'aménagement des forêts publiques est financé entièrement par le gouvernement dans le cadre d'un programme quinquennal d'assistance à l'industrie forestière. Dans cinq ans ou dans trois ans, je ne suis pas capable de le savoir. Posons l'hypothèse que le Parti libéral sera au pouvoir et qu'il estimera que ce ne doit pas être les compagnies qui paient pour l'aménagement de la forêt, mais que ce sera le gouvernement et qu'il décide à ce moment-là de percevoir des impôts je ne dirai pas des petits salariés. Comme vous voulez baisser les impôts des gros salariés, je suppose que ce seront d'autres salariés qui devront payer cela. Ce ne seront pas ceux qui gagnent cher et on ne veut pas dire qui ce sera. Alors, je suppose que vous allez percevoir des impôts quelque part. Ces impôts, vous allez vous en servir, à ce moment-là, pour financer le fonds forestier. La loi permettrait au gouvernement, dans trois, quatre, cinq ou dix ans, peut-être dans 30 ans, au moment où le Parti libéral sera élu, et dans 175 ans, au moment où l'Union Nationale sera élue, de décider de percevoir des impôts et de les verser entièrement dans le fonds forestier. En d'autres termes, je ne l'interdis pas au gouvernement, mais je pose comme principe que, quelle que soit la décision que prendra le gouvernement, l'industrie devra combler la différence.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Ce que mon collègue de Mont-Royal recherche, c'est un certain ordre de grandeur quant aux sommes que le gouvernement a l'intention d'accumuler dans le fonds forestier. Le ministre a peut-être répondu à des questions que j'ai posées, dans sa réplique de deuxième lecture, mais j'étais occupé à mon bureau; j'avais des visi- teurs. Quel est le volume moyen de cunits par année qui sont autorisés?

M. Bérubé: Disons qu'il a deux ans, c'était de l'ordre de 7,5; l'année dernière, c'était de l'ordre de 8,4.

M. Giasson: 8 400 000 cunits.

M. Bérubé: 8 400 000 cunits. Mettez, pour arrondir, 2,5 mètres cubes au cunit, ce qui veut dire, à ce moment-là, en gros, que cela rapporterait à peu près $25 000 000 si on exigeait le maximum de $1.

M. Giasson: Oui, mais un cunit n'est-il pas 100 mètres cubes?

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: Bon! Cela veut dire que, quand vous exigez un maximum de $1 par mètre cube, un cunit vous donne le droit de percevoir...

M. Bérubé: Non. 100 pieds cubes, excusez-moi. On vient tout mêlé avec les unités anglaises, françaises. Vous savez à quel point, d'ailleurs, c'est très mauvais de vouloir maintenir des sytèmes comme celui-là. Si on est dans le système métrique, il faut prendre, si je ne m'abuse, 2,5 mètres cubes au cunit, ce qui est 100 pieds cubes.

M. Giasson: 2 mètres cubes au cunit, 2,5 mètres cubes.

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: En tout cas, laissons faire les calculs d'équilibre dans ce secteur-là. En définitive, quel est, grosso modo, le montant que vous prévoyez percevoir, compte tenu du volume, annuellement?

M. Bérubé: $25 000 000 à peu près. M. Giasson: $25 000 000 par année. M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: Ces $25 000 000, quand entendez-vous commencer à les percevoir, à compter de quelle année?

M. Bérubé: Certainement pas avant deux ans. M Giasson: 1982.

M. Bérubé: Et la troisième année, l'opération consisterait simplement à commencer à percevoir pour que l'industrie s'habitue et à bâtir surtout un fonds de roulement. Il est bien évident que l'on aura des travaux à faire et que les sommes seront nécessaires. Donc, il sera essentiel d'accumuler, au sein de ce fonds, un certain fonds de roulement qui va permettre de fonctionner d'année en année

sans avoir à emprunter ou sans avoir à se financer autrement. En d'autres termes, il devrait y avoir d'accumulé dans ce fonds, au moment de son entrée en vigueur, l'équivalent de $25 000 000. (17 h 50)

M. Giasson: $25 000 000 à l'entrée en vigueur. Présentement, le ministère mène des travaux de reboisement dans la forêt publique. Dans toutes les sommes investies en matière de reboisement, est-ce que le ministre pourrait nous donner les chiffres qui se rapportent au reboisement dans la forêt publique? Oublions tout le secteur de la forêt privée.

M. Bérubé: De mémoire, non, malheureusement. Je peux vous dire qu'en régime de croisière, c'est ce que nous allons dépenser, un montant de l'ordre de $25 000 000. Mais, présentement, il se produit que nous sommes à bâtir la capacité de production de nos pépinières, ce qui fait que la majeure partie de notre budget ne va pas présentement au reboisement, mais plutôt à la préparation de l'équipement et du matériel nécessaires pour l'exploitation de nos pépinières. Donc, j'aurais beaucoup de difficulté à vous dire présentement le montant exact qui va en reboisement dans les forêts publiques, mais je pourrais certainement vous obtenir cela sans difficulté.

M. Giasson: M. le ministre, vous nous avez indiqué, dans des commentaires, en discours de deuxième lecture, que les prévisions du ministère seraient de faire du reboisement sur environ 25% des aires de coupe utilisées annuellement. 25% des aires de coupe sur la projection d'utilisation de la forêt publique, de récupération de matière ligneuse dans la forêt publique, ça représente combien de milles carrés ou d'hectares?

M. Bérubé: Malheureusement, j'ai oublié mon calculateur; c'est pour ça que je suis un peu moins rapide, il faut que je le calcule à la main! Vous permettez?

J'ai une réponse qui n'a pas de bon sens; 10 000 acres, ça n'a pas de bon sens. J'ai dû faire une erreur quelque part. Alors, écoutez c'est relativement facile, je vais vous donner les données: 100 000 000 de plants, 1000 plants à l'acre; calculez le nombre d'acres! Le premier qui trouve la réponse lève la main!

M. Giasson: Vous prévoyez produire 100 000 000 de plants qui seront utilisés uniquement, exclusivement dans la forêt publique et non pas au-delà de la production qui est prévue pour les forêts privées?

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: Mais ces 100 000 000 de plants, vous allez être en mesure d'en disposer en 1984, 1985?

M. Bérubé: Oui, en 1983, si je ne m'abuse, 1983,1984.

M. Giasson: 100 000 000 de plants pour la forêt publique en 1983?

M. Bérubé: Non, ce que j'ai expliqué, c'est qu'il y a 75 000 000 de plants, comme tels, et les autres par ensemencement.

M. Giasson: 25 000 000 de plants par ensemencement?

M. Bérubé: Oui.

Une Voix: Cela donne 100 000 acres.

M. Bérubé: 100 000 acres? Je me trompais d'un zéro.

M. Giasson: 100 000 acres, ce qui serait le quart de la superficie totale coupée chaque année dans le secteur public, soit 400 000 acres?

M. Bérubé: C'est ça.

Le Président (M. Boucher): L'article 2 est-il adopté?

M. Ciaccia: Dans les 25 000 000 que vous avez donnés comme chiffre global, avez-vous une idée de la somme que. le gouvernement pourrait fournir?

M. Bérubé: Pour les prochaines années, 100%. Dans le cadre du plan quinquennal, nous défrayons toutes les dépenses encourues pour l'aménagement forestier, ce qui veut dire que l'industrie n'aura rien à payer pendant au moins encore trois ans.

M. Giasson: Mais lorsque vous prévoyez accumuler dans votre fonds forestier un montant de $25 000 000 — vous avez signalé cela tout à l'heure — il s'agit uniquement de la participation de l'industrie elle-même ou s'il y a une part gouvernementale?

M. Bérubé: Je suppose, dans ce cas, que le gouvernement a mis un terme à son engagement dans le domaine de l'aménagement forestier et que tout est payé par l'industrie. C'est le maximum que paierait l'industrie.

M. Giasson: Ce serait la contribution de l'industrie seule.

M. Bérubé: C'est cela, ce qui n'est pas considérable. Trois quarts de un pour cent du prix de vente des produits forestiers actuellement au Québec, c'est relativement peu.

Le Président (M. Boucher): Article 2, adopté? Article 3? Adopté. Article 4? Adopté.

Une Voix: Un instant.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je présume que les sommes qui seront versées dans le fonds forestier seront utilisées exclusivement pour les fins décrites dans ce projet de loi. Alors, ne faudrait-il pas ajouter le mot "exclusivement" dans l'article 4?

M. Bérubé: J'hésiterais à ajouter un mot sans d'abord consulter le comité de législation. En effet, l'accumulation de mots inutiles cause souvent beaucoup de problèmes dans la rédaction des lois et il y a avantage généralement à s'en tenir au texte tel que rédigé. Or, si la loi dit que le fonds forestier et les revenus qu'il produit sont affectés au financement de travaux en vue de maintenir, d'améliorer la production de matière ligneuse des terres publiques à vocation forestière, cela veut dire qu'il faut que cela serve à cela.

M. Ciaccia: Exclusivement.

M. Bérubé: A cause des implications légales du mot exclusivement — comme vous le savez, je ne suis pas un spécialiste en droit — je ne voudrais pas causer plus de problèmes que les juges n'en ont déjà.

M. Ciaccia: II est malheureux que vous n'ayez pas demandé à votre légiste d'être présent en commission plénière. Ce n'est pas un mot inutile. Cela décrit s'il va être utilisé exclusivement pour cela ou bien utilisé pour d'autres fins.

M. Bérubé: Bien non. Les fins pour lesquelles les fonds peuvent servir sont indiquées à l'article 4. C'est assez clair qu'à ce moment-là, quand le législateur a indiqué à quelles fins des sommes peuvent servir, l'intention du législateur était donc d'exclure d'autres fins. C'est pour cette raison que je ne vois pas d'avantages à mettre le mot "exclusivement". Et, comme je ne sais pas quelles pourraient être les implications d'inclure le mot "exclusivement", je préférerais ne pas le mettre.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: ... lorsque dans ses propos tenus cet après-midi le ministre de l'Energie nous a dit qu'uniquement dans la région de la Gaspésie, particulièrement dans le comté de Bonaventure, l'application de cette politique d'un fonds forestier aurait des conséquences énormes en matière de création d'emplois — il a même parlé de la création de 1500 emplois — est-ce que le ministre n'a pas été un peu optimiste?

M. Bérubé: Très peu optimiste, au contraire. Déjà, vous avez deux usines qui seraient fermées, n'était-ce d'une décision gouvernementale qui a été prise de fournir les approvisionnements en question. L'usine de Pointe-à-la-Croix ne serait pas présentement en réorganisation, de même que l'usine de New-Richmond, n'était-ce de la volonté gouvernementale de tabler sur des sources de matière ligneuse qui, elles, reposent essentiellement sur l'existence de volumes de bois.

M. Giasson: Mais l'usine de New-Richmond a créé combien d'emplois de plus que ceux que nous avions au moment où l'ancienne compagnie était sur place?

M. Bérubé: Je pense que vous devez surtout regarder les emplois que vous n'auriez pas.

M. Giasson: Non, mais combien de plus? Après cela, on fera l'autre examen.

M. Bérubé: Le calcul a été fait à partir essentiellement de l'augmentation des garanties d'approvisionnement et du nombre de travailleurs que cela impliquait soit au transport, soit pour la coupe en forêt généralement; ou encore s'il faut un deuxième poste dans une usine, faire fonctionner l'usine sur deux postes et deux factions plutôt qu'une, et donc nous avons calculé l'augmentation du nombre d'employés. Il nous fera plaisir de vous donner le modèle interindustriel du ministère de l'Industrie et du Commerce qui a permis d'en arriver à ces chiffres.

M. Giasson: Quelle est l'augmentation des volumes que vous avez garantis à l'usine de Pointe-à-la-Croix?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet, il est 18 heures, nous devons suspendre. (18 heures)

M. Bertrand: Si les parlementaires étaient d'accord, nous serions prêts à poursuivre un peu au-delà de six heures, pas trop tout de même, parce qu'il y a déjà un caucus des députés du Parti québécois qui est prévu pour six heures. Mais, si on dépassait de quelques minutes, nous n'aurions pas d'objection à terminer. On est sur la lancée et je pense que ce serait peut-être préférable.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement pour cinq ou dix minutes?

Il y a consentement. M. le député de Montmagny-L'Islet, vous aviez la parole.

M. Giasson: J'étais à demander au ministre quel est le volume additionnel d'approvisionnement qui a été garanti ou donné à l'usine de Pointe... J'ai oublié le nom.

M. Bérubé: Pointe-à-la-Croix. M. Giasson: Pointe-à-la-Croix.

M. Bérubé: Vous savez, dans le comté de Bonaventure, on parle de "Cross Point ".

M. Giasson: "Cross Point"? Tout de même, cette usine avait un volume...

M. Levesque (Bonaventure): Je ferai simplement une petite précision. Lorsque le ministre parle de New-Richmond, est-ce qu'il se réfère à la fermeture de la scierie de New-Richmond?

M. Bérubé: Oui.

M. Levesque (Bonaventure): Lorsqu'il parle du remplacement de cette exploitation par une autre, il parle de l'usine de quel endroit?

M. Bérubé: De Saint-Alphonse, qu'il connaît bien d'ailleurs.

M. Levesque (Bonaventure): Bon. Oui. Je pense que le ministre avait fait une petite erreur en parlant de la nouvelle usine de New-Richmond.

M. Bérubé: Oui, enfin, comme les deux municipalités ne sont distantes que de quelques kilomètres.

M. Levesque (Bonaventure): D'accord. M. Bérubé: Adopté.

M. Levesque (Bonaventure): Tout de même, il faudrait, je pense, par respect pour la vérité — malgré que je ne veux pas, à ce moment-ci, sous-estimer la valeur des gestes posés — bien se rendre compte que, lorsqu'on compare l'emploi, en 1975-1976, disons, avec l'emploi en 1979-1980 il faudrait tenir compte des opérations à "Cross Point", à New-Richmond et à Saint-Alphonse, tenir compte également des emplois qui ont été dramatiquement diminués dans l'exploitation forestière elle-même. Je pense que le ministre aurait avantage à réviser ses chiffres.

M. Bérubé: Je pense que le député de Bonaventure oublie de tenir compte d'une chose. Lorsqu'il s'agit d'une projection de création d'emplois, je n'ai pas affirmé qu'ils seront créés demain. Par exemple, il ne fait aucun doute, après les études qui sont maintenant terminées concernant un projet d'implantation papetière en Gaspésie, qu'advenant la réalisation de ce projet, ce qui me paraît assez certain, il y aura là création d'emplois. En d'autres termes, actuellement, la difficulté que nous rencontrons en Gaspésie, c'est un problème de restructuration de l'industrie. D'une part, l'industrie papetière n'est pas en mesure d'accepter tous les copeaux produits; il y a trop de copeaux produits dans toute la Gaspésie pour les besoins de cette industrie. C'est le premier problème.

Deuxième problème, l'industrie du sciage n'est pas encore en mesure, parce que souvent elle a vécu pendant des années dans des conditions assez misérables d'approvisionnement, souvent, financièrement, même de s'équiper actuellement pour recevoir les garanties d'approvision- nement que le ministère lui accorde. Il faudrait donc tabler sur quelques années avant que, d'une part, les scieries puissent se transformer pour accepter leur approvisionnement et qu'on ait également augmenté la capacité de l'industrie papetière sur le territoire, de manière que cette industrie puisse utiliser 100% de la matière ligneuse sous forme de copeaux. Donc, c'est lorsque l'ensemble de ces projets aura été réalisé que l'on estime à 1500 emplois le nombre d'emplois créés à la suite de l'application d'une telle politique.

M. Giasson: Quand vous parlez de 1500 emplois nouveaux, additionnels, vous avez raison de ne pas risquer de chiffres trop hâtifs.

M. Bérubé: Vous savez très bien que je n'ai pas l'habitude, contrairement aux gouvernements qui nous ont précédés, de parler à travers mon chapeau.

M. Levesque (Bonaventure): Cela allait bien!

Le Président (M. Boucher): Alors, article 4, adopté?

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 5, adopté. Article 6, adopté. Article 7?

M. Ciaccia: Une minute sur l'article 6. Le Président (M. Boucher): Article 6.

M. Giasson: A l'article 6, la première partie, cela va bien. Il y a un maximum de prévu antérieurement dans le projet de loi. Mais quant à la deuxième, quel est l'ordre de grandeur des charges additionnelles, des montants supplémentaires que le ministre pourrait appliquer à des utilisateurs qui tiennent à aller se procurer la ressource dans des secteurs de coupe donnés qui justifieraient une augmentation?

M. Bérubé: Totalement imprévisible. En effet, l'augmentation de la possibilité forestière par dollar investi en aménagement est très variable. Les premiers travaux d'aménagement nous permettent d'augmenter beaucoup la quantité de bois disponible, mais les derniers travaux ont un rendement de plus en plus faible. Ce qui veut dire que, si vous êtes dans une région où on coupe la possibilité ou légèrement au-dessus, il en coûtera relativement peu pour forcer le rendement de la forêt. Si, par contre, vous êtes déjà dans un territoire, prenons par exemple le Nord-Ouest québécois, où déjà on coupe plus que la possibilité et beaucoup plus que la possibilité, il faut des investissements considérables si on veut essayer de pousser la forêt et même il y a des fois où c'est totalement impossible; l'investissement serait infini. Ce qui veut donc dire que cela ne peut pas se décider autrement que dans le cadre d'une garantie d'approvisionnement négociée entre l'entreprise, c'est-à-

dire que l'entreprise peut faire une demande au ministère de 25 000 cunits d'approvisionnement supplémentaires. Le ministère doit répondre, si la possibilité naturelle ne permet pas de les fournir, non à cette demande de l'industriel.

Mais le présent article de loi permettrait à ce moment-là au ministre de dire: Si, cependant, vous êtres prêts à vous engager dans cinq cents acres de plantation par année, si vous êtes prêts à défrayer ces plantations, à ce moment-là, nous sommes capables de dégager tant de cunits supplémentaires que nous sommes prêts à vous allouer dans votre garantie d'approvisionnement. Si l'industriel est prêt à signer un contrat sur cette base, à ce moment-là, il n'y a aucun problème; tant et aussi longtemps qu'il verse l'argent au ministère et que les travaux se font, il a sa garantie d'approvisionnement. Je ne peux pas vous dire à l'avance... En Suède, il peut en coûter autour de $15 le cunit pour des forêts aménagées de façon intensive. Cela pourrait donc aller jusqu'à $15 ou $20 le cunit, mais je pense que, si on dépasse $15 le cunit, il y a peu d'industriels qui vont manifester de l'intérêt. Mais il y a des cas où des industriels pourraient dire: A $15 le cunit, je suis acheteur.

M. Giasson: Oui, selon les conditions du marché dans des époques diverses.

M. Bérubé: C'est cela, exactement. C'est pour cette raison que je ne peux pas vous répondre: Cela va être inclus dans la garantie d'approvisionnement ou nous aurons une clause d'aménagement intensif justifiant l'accroissement de l'approvisionnement.

M. Giasson: A l'autre paragraphe, M. le Président: "Le présent article ne s'applique pas aux bénéficiaires de permis de coupe de bois à des fins domestiques." Est-ce que par "des fins domestiques", il faut comprendre qu'il s'agit de coupes qui sont accordées à des agriculteurs lorsqu'ils vont chercher du bois pour des fins de construction domiciliaire ou des besoins de bâtiments de ferme?

M. Bérubé: Oui, agriculteurs, pêcheurs et bois de chauffage.

M. Giasson: Cela est inclus. Très bien.

Le Président (M. Boucher): Article 6, adopté. Article 7, adopté.

M. Giasson: Quant au paiement des redevances qui vont être exigées, j'imagine que la note, la facture va être exigible au moment où l'utilisateur paie ses droits de coupe ou si vous prévoyez faire la perception de ces entrées à une période autre que celle où vous prélevez des droits de coupe?

M. Bérubé: Cela pourrait être réparti en quelques paiements au cours de l'année et, effectivement, la clause réglementaire ici prévue par législation déléguée nous permettrait d'ajuster cela en fonction des circonstances. Cela pourrait, comme vous le dites très bien, être perçu au moment des droits de coupe.

Le Président (M. Boucher): L'article 7 est adopté. Article 8 adopté. Article 9 adopté. Le projet de loi no 86 est adopté sans amendement. Etes-vous d'accord pour qu'on passe au projet de loi no 87? Y a-t-il consentement de prolonger pour étudier le projet de loi no 87?

M. Charron: On peut rester en commission plénière aussi, M. le Président, et arrêter ici pour aujourd'hui, mais je voudrais qu'on demeure en commission plénière. Ce sera plus facile à rappeler pour l'autre projet de loi.

Le Président (M. Boucher): La commission plénière suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

M. Charron: Demain, après le discours du budget. Il faut faire rapport. (18 h 10)

M. Levesque (Bonaventure): Du moment qu'il fait rapport.

M. Charron: II faut qu'on demeure en commission plénière.

M. Levesque (Bonaventure): II faudra faire motion pareil pour retourner en commission plénière.

M. Charron: Cinq minutes. Il y a quatre articles.

M. Bérubé: "La loi entre en vigueur à ..."

Le Président (M. Boucher): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a siégé pour faire l'étude article par article du projet de loi no 86, Loi sur le fonds forestier, et l'a adopté sans amendement. La commission n'ayant pas terminé ses travaux demande la permission de siéger à nouveau.

Une Voix: Les deux projets de loi en même temps.

Le Président: Est-ce que l'étude du projet de loi est terminée?

M. Charron: Le premier projet de loi. Il faudra retourner pour l'autre.

M. Bertrand: Le projet de loi no 86 est terminé.

Le Président: Le rapport pour le premier projet de loi sera-t-il adopté?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Quand la commission siégera-t-elle...

M. Charron: Demain, M. le Président.

Le Président: ... pour le second projet de loi? M. Charron: Demain.

Une Voix: Prochaine séance ou séance subséquente.

Le Président: Prochaine séance ou séance subséquente. L'Assemblée ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

Fin de la séance à 18 h 12

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