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(Quinze heures huit minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport annuel de SIDBEC
M. Duhaime: M. le Président, je désire
déposer le rapport annuel de SIDBEC pour l'exercice financier 1979.
Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le
ministre de l'Environnement.
Rapport du Conseil consultatif des réserves
écologiques
M. Léger: M. le Président, j'ai le plaisir et
l'honneur de déposer le rapport du Conseil consultatif des
réserves écologiques pour l'année se terminant le 31 mars
1979.
Le Président: Merci. Rapport déposé.
Avis de la Commission de la fonction publique au
Conseil du Trésor
J'ai l'honneur de déposer, conformément à l'article
30 de la Loi sur la fonction publique, douze avis de la Commission de la
fonction publique au Conseil du trésor sur certains
règlements.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Motions non annoncées, mais auparavant, période des
questions. M. le chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le renouvellement du fédéralisme
canadien
M. Ryan: M. le Président, je ne veux pas tourner le fer
dans la plaie, mais il est difficile de ne pas nous rappeler que si les travaux
de l'Assemblée nationale ont été interrompus depuis la
mi-avril, ce fut à cause d'un référendum sur l'avenir
politique du Québec. Le référendum a maintenant eu lieu.
Il a donné lieu à l'expression claire et nette du refus des
Québécois d'accorder au gouvernement le mandat de négocier
la souveraineté-association.
Le gouvernement avait formulé sa question de la manière la
plus molle et la plus séduisante possible. Il avait
répété à satiété...
Une Voix: ... différente.
M. Ryan: II avait répété à
satiété, pendant la campagne, que tout Québécois
favorable au changement ou au déblocage constitutionnel se devait de
voter oui, même s'il n'était pas favorable à la
souveraineté-association. Malgré cela, les
Québécois ont refusé dans une proportion voisine de 60%
d'accorder au gouvernement le mandat demandé; ils ont refusé du
même coup la souveraineté-association. Les Québécois
étaient invités c'est l'un des rares points, je pense, sur
lesquels on s'entendait de part et d'autre dans ce débat à
choisir la direction dans laquelle ils voulaient que l'on engage leur avenir
politique. Ils ont clairement indiqué leur volonté que le
Québec continue à se développer librement en faisant
partie de l'ensemble fédéral canadien, que le régime
fédéral canadien soit modifié de manière à
mieux répondre aux besoins du Québec et du Canada d'aujourd'hui
et que les chefs politiques s'entendent sur les changements qui devraient
être apportés à notre système de gouvernement.
Or, au lendemain du référendum, nous nous trouvons dans la
situation paradoxale suivante: d'un côté...
Des Voix: ...
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Ryan: Nous sommes d'excellente humeur, M. le
Président!
D'un côté, le premier ministre s'apprête à
participer, au plan canadien, à des entretiens convoqués à
l'initiative du gouvernement fédéral et au cours desquels il nous
assure qu'il essaiera loyalement de collaborer au renouvellement du
fédéralisme canadien. D'autre part, le premier ministre reste le
chef d'un parti et d'un gouvernement, dont on sait très bien qu'ils
n'ont jamais eu aucune foi, aucune espèce de foi ou de confiance dans
les possibilités de réformer le fédéralisme
canadien. De cette situation paradoxale découle une question à
trois volets, que je voudrais adresser au premier ministre.
Premièrement, le gouvernement va-t-il se confiner à une attitude
attentiste et négative, comme l'ont laissé entendre certains
des
collègues du premier ministre, en particulier son voisin de
droite? Est-ce là uniquement ce que les Québécois sont en
droit d'attendre de leur gouvernement au lendemain du référendum?
Et, s'il adopte une attitude constructive, comment la con-ciliera-t-il avec ses
propres principes et convictions souverainistes?
Deuxièmement, quelles propositions concrètes le
gouvernement entend-il déposer à la table des négociations
au sujet du forum de la négociation, au sujet du processus de la
négociation? Troisièmement, quelles propositions concrètes
le gouvernement entend-il formuler quant au fond, quant au contenu de
l'entreprise de révision et par quels moyens, si tel devait être
le cas, entend-il légitimer ces propositions aux yeux de son propre
parti, aux yeux de l'Assemblée nationale et aux yeux de la population
tout entière?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): La première chose que je
dirais, M. le Président, c'est que le chef de l'Opposition peut
continuer, comme il l'a fait pendant toute la campagne et même au moment
du débat référendaire, à faire ce que moi
j'appellerais très simplement calomnier la question; nous l'avons
rédigée, M. le Président, de la façon qui nous
paraissait à la fois la plus honnête et la plus
démocratique possible. Cela étant dit, cette question a obtenu
comme réponse, c'est évident, un non majoritaire. A partir de
là, on n'a pas le mandat que demandait la question. On revient au statu
quo ante c'est-à-dire qu'on est le gouvernement du Québec avec un
mandat de gouvernement provincial. Avec ce mandat de gouvernement provincial,
la première partie de la question du chef de l'Opposition,
c'était: Est-ce qu'on va adopter une attitude attentiste,
négative, ou est-ce qu'on va essayer d'agir positivement, et si on agit
positivement, enfin, si on agit de façon active et non pas passive,
comment cela peut-il se concilier avec nos convictions souverainistes?
Pour ce qui est de se contenter d'attendre ou d'écouter, je l'ai
déjà dit et je vais le répéter; il est
évident que c'est faux pour la suite, mais, au départ, c'est
exact. Je pense que, pour le commencement, c'est nécessaire de commencer
par voir à cette réunion du 9 juin qui a été
convoquée par le premier ministre fédéral lui-même
et par un premier ministre fédéral qui a obtenu et je
pense que cela a été un des éléments les plus
décisifs de la campagne référendaire un mandat ou
enfin qui est venu chercher un mandat en mettant, comme il a dit, sa tête
sur le billot, une sorte de chèque en blanc sur le
fédéralisme renouvelé dont on parle depuis treize ans, au
moins depuis treize ans.
Partant de là, il est assez normal que l'initiative du premier
ministre Trudeau, et en fonction de cet engagement solennel qu'il a pris et qui
a, jusqu'à un certain point, déterminé le résultat
du référendum, lui appartienne et que, face à la
population, il commence d'abord par mettre ses cartes sur la table, quelles
qu'elles soient. Après quoi, ce que nous avons toujours fait depuis 1976
je le ferai remarquer au chef de l'Opposition non seulement nous
réagirons, ce qui est normal, mais nous participerons, comme je l'ai
dit, de bonne foi. Nous participerons positivement et nous aurons justement
à pousser, et activement, non seulement le point de vue du Québec
dans le contexte ou dans la conjoncture, mais aussi ce qui est le devoir
permanent, je pense, de tout gouvernement provincial du Québec depuis M.
Godbout, en tout cas, c'est-à-dire défendre et promouvoir au
maximum dans toute perspective de renouvellement les intérêts du
Québec et ses aspirations.
Je diraisqu'en ce qui concerne la conciliation de cette attitude, qui
deviendra, aussi vite que cela paraîtra indiqué, non seulement
active mais très concrète, il y a peut-être une meilleure
défense possible des intérêts du Québec dans
l'option elle-même du Parti québécois que dans certaines
des attitudes de nos amis d'en face et de leurs alliés
fédéraux.
Il y a une chose certaine, c'est qu'à partir de notre option
et Dieu sait que cela m'a paru concrètement prouvé
à maintes reprises depuis 1976 en tout cas, les
Québécois sont sûrs d'une chose; c'est que, quelle que soit
la façon dont on prétendrait entamer et poursuivre le
renouvellement du fédéralisme depuis si longtemps
mentionné, chose certaine, ce n'est pas avec des gens comme nous qu'on
va affaiblir le Québec. Je n'en dirais peut-être pas autant pour
ceux qui nous font face.
Je pense que ce que je viens de dire, jusqu'à un certain point,
est de notoriété publique.
Maintenant, pour ce qui est de la deuxième partie de la question
du chef de l'Opposition, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on proposerait ou
qu'est-ce qu'on aurait à proposer sur le sujet, si j'ai bien compris, du
forum et du processus, il y a certaines choses fondamentales sur lesquelles il
est évident que le Québec devrait insister, le cas
échéant, et devra insister, parce que cela va sûrement se
présenter, c'est-à-dire la question absolument centrale et qui
rejoint d'ailleurs l'essentiel des aspirations d'un peuple différent,
dans n'importe quelle formule de fédéralisme qu'on
prétendrait renouveler, la question centrale du partage des pouvoirs. On
n'est pas rendu là, on n'est rendu ni au forum, ni à la
façon dont serait abordé le processus; attendons quand même
pour voir que, d'abord je le répète pour la nième
fois M. Trudeau remplisse au moins le début de son engagement et
commence à remplir ce chèque en blanc qu'il a demandé aux
citoyens. (15 h 20)
La seule chose, en ce qui concerne le processus, sur laquelle on s'est
déjà engagé et c'est un engagement ferme qui va
être tenu, lui, contrairement à d'autres engagements depuis un
certain nombre d'années c'est que la population va être
tenue au courant, quel que soit le processus, sinon par tous les participants,
du moins de façon très certaine par le Québec, de la
façon dont cela évolue ce qui devrait rassurer
jusqu'à un certain point non seulement les ci-
toyens, mais également nos amis des Oppositions en
détail et avec tous les textes à l'appui. Maintenant, quant
à la troisième partie de la question du chef de l'Opposition,
pour ce qui est du contenu, à part les quelques mots que j'ai dits
jusqu'ici à propos de la division ou du partage des pouvoirs, je pense
que la question est prématurée. On n'a pas encore
développé des positions précises là-dessus en
fonction de la conjoncture, comme elle va se présenter, mais une chose
est certaine, il n'y aura pas de cachettes là-dessus, non plus.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: D'abord, je suis content d'apprendre que le gouvernement
se propose de fonctionner avec une transparence maximale. J'espère qu'il
appliquera cela à certaines questions qui n'ont jamais reçu de
réponse dans cette Chambre et, en particulier, qu'il consentira à
nous donner enfin tous les documents qui sont restés secrets dans les
tiroirs depuis des mois, sur lesquels on devait avoir une réponse qu'on
n'a pas obtenue encore. J'espère que la transparence sera plus grande
que celle qui a été observée pendant les deux
années 1978 et 1979...
Des Voix: A l'ordre! C'est la période des questions.
M. Ryan: ... alors que le ministre des Affaires
intergouvernementales avait participé à des travaux de
commissions sur lesquels on n'a jamais eu de rapports.
Maintenant, je voudrais demander au premier ministre s'il a eu des
conversations avec le premier ministre du Canada depuis le jour du
référendum. Aurait-il des informations à nous communiquer
quant au programme des discussions de la rencontre qui aura lieu la semaine
prochaine et quant à l'échéancier éventuel de
conversations sur la réforme constitutionnelle?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je dois dire qu'il y a d'abord eu
cette tournée éclair, précédant ses quelques jours
de vacances, du ministre fédéral de la Justice et, à un
certain point de vue, directeur général de la campagne du non, M.
Chrétien, qui a fait le tour de l'ensemble des capitales au moment
où nous-mêmes avions des réunions extrêmement
importantes, et cela se comprend parce que c'étaient presque les
lendemains ou les surlendemains du référendum. A ce
moment-là, on a demandé à M. Chrétien de surseoir
jusqu'au début de la semaine dernière; il a trouvé plus
pressant de prendre des vacances, ce qui est parfaitement son droit.
Après cela, tout ce que j'ai eu comme communication maintenant,
peut-être que mon collègue pourra ajouter quelque chose
c'est une invitation normale qui est venue directement de M. Trudeau et
à laquelle, forcément, la réponse c'est qu'on y sera le 9
juin.
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): II ne répond pas, lui?
M. Ryan: Est-ce qu'il a des choses à ajouter?
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'il a des choses à
dire?
Le Président: M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Je remercie nos collègues
d'en face de l'appréciation qu'ils nous manifestent aussi ouvertement.
Vous aurez souvent l'occasion de nous applaudir comme cela.
Je ne me levais pas parce qu'il n'y a pas tellement à ajouter;
c'est justement la raison qui fait que je suis resté assis. Je vais
ajouter une précision: à aucun moment M. Chrétien n'a
communiqué par téléphone avec moi; le seul renseignement
précis que nous avons eu sur la conférence qui doit se tenir nous
est arrivé par un téléphone de fonctionnaire après
que M. Trudeau eut déclaré à la Chambre des communes
à Ottawa qu'il attendait la réponse du Québec à une
lettre ou un message qui n'était pas encore venu. De sorte que nous
n'avons eu aucune communication, au moment où je vous parle, qui soit de
nature à nous donner avec précision, autrement que dans le
télex qu'on a reçu, le contenu de cette conférence.
Cet après-midi, je dois faire procéder, par mon
ministère, à des appels téléphoniques ici et
là pour qu'on sache un peu mieux de quoi il retournera lundi le 9
juin.
M. Le Moignan: Question additionnelle, M. le
Président.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Le Moignan: Une question additionnelle, M. le
Président.
M. Levesque (Bonaventure): Si on me le permet, une question
adressée au premier ministre: Lorsque le premier ministre a
été interrogé au cours de la campagne
référendaire sur l'attitude qu'il prendrait dans
l'éventualité d'un non comme réponse des
Québécois à la question posée, le premier ministre
avait dit: Bien, on procédera à des négociations, on
tournera en rond. Est-ce que le premier ministre considère que
l'attitude qu'il prend présentement fait partie de cette description
qu'il donnait avant la réponse?
Dans les propos qu'il vient de tenir et je le cite: "à
partir de notre option" qu'est-ce que le premier ministre veut dire par
là, "notre option"? Est-ce qu'il parle comme chef du Parti
québécois;
est-ce qu'il parle comme chef de gouvernement? Lorsqu'il parle de "notre
option", si je comprends bien, il veut dire qu'il maintient lui-même,
individuellement, personnellement, comme chef de gouvernement et comme chef de
parti, la souveraineté-association qui a été
rejetée catégoriquement par les Québécois.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que je reconnais ce que vient de citer approximativement le
député de Bonaventure. Alors, je vais le répéter de
façon que ce soit plus clair tout en répondant ensuite à
sa question. Je dis simplement ceci à propos de notre option. Je dis:
Notre option elle-même, telle qu'elle existe dans notre programme
politique et qui est une option je pense qu'on l'admettra de
pouvoirs maximums pour le Québec, cette option, en soi, est une garantie
que ce n'est pas à des gens comme nous, peut-être à
d'autres qui ne sont pas loin de nous, mais sûrement pas à des
gens comme nous qu'on ferait accepter le moindre affaiblissement des pouvoirs
du Québec ou le moindre recul sur la promotion des droits du
Québec dans quelque contexte de renouvellement du
fédéralisme que ce soit et je le répète
on ne peut probablement pas en dire autant pour d'autres. C'est une
garantie, en tout cas, que les Québécois ont et cette garantie
existe depuis 1976. Nous revenons, jusqu'à ce que les électeurs
aient à juger de quel gouvernement ils veulent pour le Québec,
nous revenons exactement là où nous étions. On n'en avait
pas fait un absolu de cette option. On en avait tellement peu fait un
absolu...
Des Voix: Ah!
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre!
M. Lévesque (Taillon): On en avait tellement peu fait un
absolu que je vais me permettre de citer ce que je disais deux jours avant les
élections dans la dernière communication normale qu'on avait
comme chef de parti à ce moment-là avec les citoyens: "Comme bien
d'autres et je le répéterai mot à mot
j'espère de tout mon coeur qu'on y arrivera à devenir vraiment
maîtres chez nous politiquement, économiquement, culturellement
comme font tous les peuples qui veulent sortir de l'insécurité et
de l'infériorité collectives, ce qui n'exclut ni l'amitié
ni les associations d'égal à égal avec ceux qui nous
entourent. Mais si les électeurs nous font confiance le 15 novembre
c'était en 1976 nous nous sommes engagés à
ne pas le faire sans le consentement majoritaire des Québécois
par la voie éminemment démocratique d'un
référendum, c'est-à-dire un vote spécifique quand
les pour et les contre y compris les plus inattendus des contre
auront eu tout le temps et toutes les tribunes nécessaires pour
éclairer l'opinion. Le 15 novembre donc, ce que nous offrons, ce que
nous devons offrir, c'est, aussi longtemps que les Québécois ne
se seront pas prononcés sur la suite, tout simplement un nouveau
gouvernement provincial le moins mauvais possible".
Nous sommes revenus exactement là puisque le mandat que nous
avons demandé a été refusé. Donc, pour ce qui est
du gouvernement, son option est en veilleuse. Elle n'est pas plus en veilleuse
pour le Parti québécois qu'elle ne l'était avant, mais
cela nous oblige, nous, de bonne foi et en défendant et en faisant la
promotion maximale des intérêts du Québec, à
participer à ces négociations qui vont venir, comme on l'a fait
d'ailleurs assidûment en tenant compte de notre programme politique qui
nous ordonne aussi, tant qu'on est un gouvernement provincial, de
défendre l'autonomie du Québec, de la promouvoir en continuant de
le faire à l'intérieur du processus tel qu'il se
déroulera. Un point c'est tout.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. (15 h
30)
M. Le Moignan: M. le Président, ma question
supplémentaire s'adresse également au premier ministre. Le
premier ministre dit qu'il n'a pas l'intention d'abdiquer ses
responsabilités de bon gouvernement, si j'ai bien compris. Quand le
premier ministre va se rendre à Ottawa, tenant compte que, dans le
passé, le Québec a toujours assumé son rôle de
leadership dans les conférences fédérales-provinciales, et
même si la balle, comme l'a dit le premier ministre, est dans le camp du
fédéral... Quand je parle d'abdiquer les responsabilités,
le premier ministre n'a pas l'intention je l'imagine de laisser
le fédéral bâtir à notre place. Je voudrais, avant
le départ du premier ministre pour Ottawa, qu'il nous rassure sur
certaines propositions il faut que les Québécois, tout de
même, se retrouvent dans les propositions, à 60% du vote
que le gouvernement va aller défendre et nous dise de quelle
façon la conception du gouvernement va rimer et s'ajuster avec le
fédéralisme renouvelé ou avec une nouvelle constitution
que tout le monde désire.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je crois que je peux rassurer, en
tout cas, le député de Gaspé sur ses questions qu'il a
posées avec tellement d'insistance, presque d'une façon
angoissée, tout en étant membre inconditionnel, sauf erreur, du
camp du non, au premier ministre fédéral et qui, sauf erreur,
n'ont pas eu la moindre réponse, pas un soupçon de l'ombre du
commencement d'une réponse. On s'inspirera, entre autres, des questions
du député de Gaspé qui n'a pas tenu à obtenir des
réponses. C'est justement là ce qui illustre bien ce qu'on doit
faire. Il faut tout de même se rappeler le premier ministre du Canada
je prends l'extrait sonore qui a passé à la
télévision et toute sa machine fédérale qui
ont littéralement tassé, pour devenir déterminant dans la
campagne référendaire, ce qui était officiellement le camp
provincial du non. Voici ce que disait tex-
tuellement le premier ministre du Canada, dans son intervention la plus
je crois déterminante de toute la campagne négative
qui s'est terminée le 20 mai: "Ici, je m'adresse solennellement à
tous les Canadiens des autres provinces. Nous mettons notre tête en jeu,
nous, députés québécois, parce que nous disons aux
Québécois de voter non et nous vous disons, à vous des
autres provinces, que nous n'accepterons pas ensuite que ce non soit
interprété par vous comme une indication que tout va bien et que
tout peut rester comme c'était auparavant. Nous voulons du changement,
nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement. C'est textuel.
Seulement, est-ce que c'est le genre de changement qui répondra, entre
autres, aux questions du député de Gaspé et aux choses
préconisées depuis des années et des années par
tous les gouvernements du Québec qui ne se sont pas littéralement
aplatis dans le sens des intérêts du Québec? Cela reste
à voir. Et la première façon de le voir ça va
être d'abord d'écouter comment le premier ministre
fédéral amorce au moins amorce le contenu concret
de ce chèque en blanc à propos duquel il a mis sa tête sur
le billot. Cela ne nous empêche pas de travailler et je peux assurer le
député de Gaspé, comme d'autres dans cette Chambre, qu'il
y a des dossiers qui sont prêts, il y en a d'autres qui sont en marche et
il y a déjà des choses qu'on a vues et qui sont
plutôt inquiétantes émerger, comme, si vous voulez,
premiers indices de l'attitude d'Ottawa. Mais une chose certaine c'est que,
démocratiquement, quand le premier ministre d'un gouvernement élu
fait irruption dans une campagne référendaire pour dire: Dites
non, ça voudra dire oui et le reste du pays devra tenir compte des
aspirations du Québec, moi, je lui fais confiance jusqu'à nouvel
ordre, mais pas plus que jusqu'à nouvel ordre, attendons!
Le Président: Une brève dernière question,
M. le chef de l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Dernière et courte question, M. le
Président. Quand le premier ministre du Québec cite le premier
ministre du Canada, peut-être aussi pourrait-il se souvenir de
l'engagement solennel pris par M. Trudeau. Je voudrais que le premier ministre
du Québec, lors d'une rencontre, lui rappelle son engagement solennel de
s'atteler à une véritable refonte de la constitution. Je pense
que c'est ça qu'il est important de retenir.
M. Lévesque (Taillon): Je pense qu'on ne risque pas de
l'oublier, M. le Président!
Le Président: M. le député de Portneuf.
Mise en tutelle de la CECM
M. Pagé: M. le Président, j'avais une question qui
s'adressait à celui qui, hier, était indépendantiste et
qui, aujourd'hui, veut s'identifier comme un futur père de la
Confédération; étant donné qu'il est trop
fâché, étant donné qu'il patine un peu trop, M. le
Président, je vais la poser non pas au premier ministre, mais au
ministre du Travail.
En fin de semaine, le gouvernement, par une attitude tout à fait
arbitraire, une attitude qui témoigne d'un abus de pouvoir, a, encore
une fois, piétiné l'autonomie des commissions scolaires en
imposant la tutelle à la Commission des écoles catholiques de
Montréal, la plus grosse commission scolaire du Québec. Le
gouvernement a désigné un tuteur avec ultime mandat de signer une
convention collective, à l'intérieur de laquelle on pourrait
peut-être avoir d'autres questions tout à l'heure.
Comme première question au ministre du Travail, M. le
Président, j'aimerais lui demander quelle est la nature des engagements
que le ministre du Travail a pris, si c'était personnel ou encore si
c'était au nom du gouvernement, envers l'Alliance, au début du
conflit, lorsque celui-ci s'est engagé à ce que le conflit se
règle dans les meilleurs délais. J'aimerais qu'il rende,
aujourd'hui, publique la teneur de ses engagements.
Le deuxième volet de la question, M. le Président:
pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas suivi le processus qui était
normalement prévu au Code du travail, entre autres, l'arbitrage? Le
gouvernement a passé la semaine à taxer la Commission des
écoles catholiques de Montréal de mauvaise foi, mais la
Commission des écoles catholiques de Montréal avait quand
même proposé de remettre tout ça à l'arbitrage, le
problème qui demeurait en litige. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas
choisi cette voie plutôt que d'imposer une tutelle, à deux jours
de la mise en nomination des commissaires? Il a voulu politiser le
débat, témoignant ainsi d'une attitude arbitraire et tout
à fait intransigeante.
M. le Président, je termine là-dessus, ce sont ces
mêmes gens qui, à la fin de tout ce débat, viendront nous
dire que l'autonomie des commissions scolaires, c'est important, alors que vous
l'avez bafouée, vous l'avez piétinée, la semaine
dernière.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, essentiellement, il ne s'agit
pas des commissions scolaires, mais d'une commission scolaire, et je pense
qu'il faut ramener ce problème dans sa perspective qui est celui d'un
conflit de travail qui mettait en cause et pouvait mettre en péril
l'année scolaire d'une centaine de milliers d'écoliers de
Montréal. Deuxièmement, l'intransigeance constatée par
celui qui vous parle ainsi qu'un enquêteur, ainsi que tous les officiers
ou fonctionnaires principaux du ministère du Travail ainsi que du
ministère de l'Education, des représentants de la Commission des
écoles catholiques de Montréal qui était en train d'avoir
comme effet de priver de cours et peut-être de mettre en péril
l'année scolaire des enfants... Il fallait donc que le gouvernement
agisse, c'est ce que nous avons fait. Est-ce qu'il y a eu des engagements pris
à l'égard de l'Alliance? Aucun engagement, ce n'est pas comme
cela
qu'on fait cela au ministère du Travail, on n'a jamais fait cela
comme cela. Je comprends qu'il y a des gens qui ont la propension à se
mettre la tête sur le billot ou d'autres à mettre leur
siège en jeu, je me rends compte que le député de Portneuf
a peut-être la tendance, lui, à se mettre les pieds dans les
plats. Essentiellement, il n'y a pas eu d'engagement.
M. Pagé: M. le Président, le ministre vient
aujourd'hui avec un air tout à fait mielleux nous dire: Les pauvres
étudiants n'avaient pas de cours. Je conviens qu'encore une fois, cette
année, une couple de millions de jours-école-élève
ont été perclus. Ce n'est pas là la question, M. le
Président. Le problème, c'est que le gouvernement avait
différents choix. Premièrement: Loi spéciale.
Deuxièmement: Arbitrage. Et, troisièmement, ce n'est pas ce qu'il
a choisi, il a choisi la tutelle pure et simple et de piétiner
l'autonomie de la Commission des écoles catholiques de Montréal:
Ce qu'on vous demande, c'est pourquoi vous avez choisi ce moyen. C'est cela
qu'on demande.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, nous avons choisi ce recours
parce que nous pensions que c'était le meilleur pour sauver
l'année des enfants. Faute de faire face à une commission
scolaire qui assumait ses responsabilités, le gouvernement a dû
les assumer à la place de la commission scolaire. Essentiellement, je
rappellerai au député de Portneuf et à ceux que cela
intéresse que la conciliation a été demandée
à la demande des deux parties, que le 30 avril les représentants
de la Commission des écoles catholiques de Montréal et du
syndicat me faisaient parvenir un télégramme conjoint dans lequel
ils me disaient qu'ils voulaient une conciliation qui, au besoin, se
transformerait en médiation selon l'évaluation qu'en feraient les
conciliateurs et le ministre du Travail. C'est exactement ce que nous avons
fait. C'est cependant dans ce processus de bonne foi et celui qui vous
parle, comme ses fonctionnaires, comme le gouvernement et le syndicat, tout le
monde était de bonne foi c'est dans ce processus que la CECM,
elle, a fait preuve d'une incapacité d'assumer ses
responsabilités en brisant de façon unilatérale une
médiation qui était engagée. En ce sens, à partir
de ce moment, on comprendra qu'il fallait faire tout ce qui était
possible, dans les circonstances, pour permettre aux enfants de retrouver leurs
cours, qu'il fallait, également, trouver une solution qui soit
équitable.
Que la CECM ait rejeté le rapport de conciliation, c'était
son droit en vertu du Code du travail. Ce n'est pas cela que j'ai mis en doute.
Ce que j'ai mis en doute, cependant, c'est à partir du moment où
on s'est engagé dans une médiation et que la CECM a agi d'une
façon qui me semble carrément irresponsable, disons-le,
j'étais en droit de me demander ce qui se passait à la CECM et
c'est ainsi que mon collègue de l'Education et les autres membres du
Conseil des ministres avons été appelés à
réévaluer le dossier et que le ministre, en tant que responsable
de l'instruction publique, a vu à faire appliquer l'article 14 de la Loi
de l'instruction publique. Je pense qu'il a des commentaires là-dessus.
(15 h 40)
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, me
permettez-vous d'ajouter deux mots à la réponse de mon
collègue?
Je pense que si le gouvernement n'était pas intervenu au cours de
la fin de semaine, nos amis d'en face auraient été les premiers,
aujourd'hui, à nous accuser de ne pas prendre nos
responsabilités. J'entends d'ici le député de Portneuf ou
le député de Marguerite-Bourgeoys nous dire: Qu'est-ce que le
gouvernement fait pour régler ce problème? L'année
scolaire est en jeu!
Effectivement, il faut constater en premier lieu que les
négociations étaient dans une impasse totale. L'enquêteur
que j'ai nommé la semaine dernière nous a fait rapport qu'en
dépit des efforts qu'il a pu déployer pour rapprocher les parties
car il y a eu effort de rapprochement en même temps
qu'enquête le tout s'est soldé par une impasse totale.
C'est le premier fait qu'il faut avoir à l'esprit. Le second, la fin de
l'année est en vue, les examens commencent dans quelques jours, les
élèves n'ont pas eu l'occasion de faire la révision qui
s'impose avant les examens.
Le gouvernement n'avait pas le choix devant une impasse qui aurait pu
durer encore deux ou trois semaines, les examens qu'il aurait fallu refaire
pour la CECM, puisque une fois que les examens ont été rendus
publics, on ne peut pas les utiliser une seconde fois. Le gouvernement n'avait
pas le choix.
Je voudrais ajouter deux mots sur la question de l'arbitrage. D'abord,
je ferai observer au député de Portneuf que dans la convention
collective qui a été signée par l'administrateur tuteur,
il est prévu justement qu'il y aura arbitrage quant à
l'application des critères de capacité et d'ancienneté
dans les cas de l'enfance en difficulté ce qu'on appelle
l'orthopédagogie dans le cas également de l'enseignement
professionnel, dans le cas, notamment, au secondaire, de disciplines comme la
natation ou la musique. L'arbitrage est donc prévu dans la convention
collective.
Pour le reste, l'Alliance ayant accepté d'abord la conciliation,
s'étant rangée devant le rapport de conciliation, ayant
accepté la médiation puis le rapport de médiation, comment
peut-on exiger d'un syndicat qui a eu ce comportement-là qu'il se
soumette ensuite à un arbitrage qui remettrait en question tout ce qui
avait été obtenu par la conciliation et la médiation.
C'est mal connaître le déroulement des relations de travail
et des procédures prévues au Code du travail que de poser des
questions comme celle-là.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Justement, le ministre vient de parler du Code du
travail. Ce qui frappe là-dedans, c'est que vous êtes allé
déterrer un paragraphe de la Loi de l'instruction publique, si je
comprends bien, qui n'a absolument rien à voir avec les relations de
travail.
Les relations de travail sont régies par des lois qui sont
spécifiques, qui sont propres à ce domaine. Quand on arrive
à une impasse, il y a des débouchés que nous connaissons
tous: cela peut être l'arbitrage, cela peut être la loi
spéciale, mais il n'y a jamais personne qui a suggéré
honnêtement, depuis une quinzaine d'années, qu'on pouvait recourir
à un expédient comme celui-là pour sortir le gouvernement
d'embarras.
Je voudrais demander au ministre s'il entend continuer à chercher
dans les lois à gauche et à droite des petites
échappatoires comme celle-là pour se sortir d'une situation quand
il est mal pris. C'est tout à fait contraire à l'esprit de cet
article je pense que c'est l'article 14 de la loi que d'y
recourir pour des fins comme celle-là, et dans les circonstances
où on l'a fait.
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je m'oppose
à l'interprétation fort restrictive que le chef de l'Opposition
veut donner à l'article 14 de la Loi de l'instruction publique. C'est un
article d'application générale qui fait que le ministre de
l'Education, dans des circonstances comme celles où nous nous trouvions,
a le droit de nommer un enquêteur pour lui faire rapport sur
l'administration d'une commission scolaire.
M. le Président, la loi ne limite pas ces enquêtes
seulement aux questions financières; la loi dit bien: Tout ce qui
intéresse l'administration d'une commission scolaire. Or, les relations
de travail sont l'une des principales questions qui relèvent de
l'administration d'une commission scolaire. Et lorsque si le chef de
l'Opposition veut bien me donner l'occasion de répondre à sa
question nous nous trouvons devant des circonstances aussi cruciales que
celles auxquelles nous faisions face en fin de semaine, avec l'année
scolaire de 100 000 enfants dans la balance, si nous n'avions pas agi,
j'entends d'ici le chef de l'Opposition nous blâmer de ne pas avoir pris
nos responsabilités.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. Pour un
consensus national québécois
M. Le Moignan: Question principale, M. le Président, et je
l'adresse encore une fois au premier ministre. C'est une question que je
qualifierais de très constructive.
A la suite du débat que les Québécois viennent de
vivre et pour éviter à l'avenir la division parmi ces derniers,
dans le but de construire ensemble notre avenir collectif
québécois, je voudrais demander au premier ministre s'il a
l'intention de convoquer une commission parlementaire, au cours des prochains
jours où seraient réunis les membres de toutes les formations
politiques et où nous pourrions étudier, avec le gouvernement,
les propositions essentielles, principales que le gouvernement du Québec
aimerait défendre lui-même lors des rencontres qui auront lieu
entre le fédéral et le provincial. Cela est bien important si on
veut dégager ce consensus national québécois
nécessaire pour faire face à une telle négociation.
J'aimerais connaître l'opinion du premier ministre à qui j'adresse
ma question.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Le député de
Gaspé, comme d'autres, se souviendra sûrement qu'il y a eu ce
genre d'exercice et qu'il avait été loin d'être inutile. Si
j'ai bonne mémoire, en 1978, au moment où il y avait une liste de
14 ou 15 sujets à partir desquels il y avait des positions très
précises et très concrètes du Québec qu'il
s'agissait de discuter, à ce moment-là, je pense que l'exercice
important de la commission parlementaire avait été très
utile à tout le monde. Il n'y a rien qui exclut que cela puisse se
produire, mais le député de Gaspé comprendra qu'on attend
quand même. On commence par écouter ce qui va sortir d'Ottawa qui
a pris l'initiative du renouvellement, y compris peut-être les
réponses aux questions tellement insistantes et angoissées du
député de Gaspé, et tout de suite après, on pourra
possiblement se reposer la question dans les jours qui suivront le 9 juin.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Le Moignan: Question additionnelle, M. le
Président.
Est-ce que le premier ministre serait prêt au moment de
cette commission, si jamais elle siège à déposer un
énoncé de politique clair et sans équivoque dans lequel il
nous donnerait, comme gouvernement, la conception qu'il se fait du
fédéralisme renouvelé, de cette nouvelle constitution, de
la révision de la constitution?
Pour discuter en commission parlementaire, si on veut faire un front
commun de tous les partis politiques, il faudrait que le gouvernement
dépose une base sur laquelle nous pourrons discuter. Est-ce là
l'intention du premier ministre?
Tout à l'heure, il a parlé de partage des pouvoirs, de
partage des ressources fiscales; il n'y a pas que cela là-dedans, il n'y
a pas que du rapiéçage, il y a beaucoup d'autres aspects. Est-ce
que le gouvernement est prêt à s'engager, si nous avons ladite
commission, pour avoir la collaboration de tous les partis de l'Opposition,
à nous donner quelque chose de positif sur lequel nous pourrions nous
entendre? Quand il va retourner à Ottawa, au cours de
l'été, par exemple, là, le gouvernement sera investi, sera
fort de l'appui de tous les partis politiques et je pense que cela ajouterait
beaucoup aux négociations.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Tout ce que je puis dire au
député de Gaspé, c'est que j'espère qu'il ne fait
pas d'optimisme délirant sur les consensus éventuels. Une chose
est certaine, aussitôt qu'on aura des choses à définir
concrètement, s'il paraît indiqué, après le 9 juin
et avant la prorogation de la session, de convoquer une commission
parlementaire, on le fera avec ce qui sera disponible. C'est tout ce que je
puis dire pour le moment.
M. Shaw: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Pointe-Claire.
Demande d'arborer le drapeau du Canada en
Chambre
M. Shaw: My question, Mr President, is directed to you. On the
20th of May passed, the people of Québec spoke very strongly for Canada.
I would like to... They have spoken for Canada. I am asking you, Mr President,
when, considering this decision, are you going to replace the Canadian flag on
the "fauteuil".
Le Président: M. le député de Pointe-Claire,
I will not replace the Canadian flag because it is not there.
M. Shaw: Mr President, I would like to... following this
question, it is my understanding, Mr President, that the Canadian flag has
always had its presence in this House until the arrival in power of this
government. It is custom in all the other Houses of the governments of
provinces of this country. The people of this province, on the 20th of May,
spoke quite clearly in saying that they were proud to be Canadians. I know it
bothers you, I know it bothers you but they did so. I am asking you a simple
question: When are you going to demonstrate the symbolism of respecting that
decision by placing the Canadian flag to the left of the Speaker? (15 h 50)
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je suis dans cette
Assemblée pour la onzième année et il n'y a jamais eu de
drapeau canadien dans cette Assemblée. Le député de
Bonaventure, qui est ici depuis une vingtaine d'années, y a-t-il
déjà eu un drapeau canadien dans cette Assemblée?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je veux
d'abord souligner un fait, je pense, qui est fort important, peut-être
moins important que l'objet de la question du député de
Pointe-Claire, mais qui est assez significatif. C'est que vous voyez maintenant
le Parti québécois qui pose des questions au Parti libéral
du Québec.
Maintenant, pour répondre à la question du leader
parlementaire de l'Opposition du gouvernement qu'il me soit
permis tout simplement de lui dire que je n'ai pas, personnellement,
remarqué qu'il y ait un, deux ou trois drapeaux. Ce que j'aimerais lui
répondre, c'est qu'il me semble que la suggestion du
député de Pointe-Claire correspondrait à un voeu tout
à fait normal de la population qui a signifié, par 60% et
c'est clair et 95 comtés sur 110, qu'on rejetait la
souveraineté-association et qu'on voulait voir le Québec demeurer
à l'intérieur du Canada.
Alors, il me semble qu'il n'y aurait aucune objection; au contraire,
cette suggestion est très positive et voudrait tout simplement
refléter un voeu que vient d'exprimer le peuple souverain.
Le Président: M. le député de Laval. M.
Lavoie: M. le Président...
M. Lévesque (Taillon): Sans en faire un débat de
fond...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ... j'ajouterais simplement ceci,
si on me le permet. On peut rigoler tant qu'on voudra et on peut s'amuser aussi
avec des espèces d'absences de mémoire extraordinairement
diplomatiques je pense que le député de Bonaventure sait
sacrement bien quelle est la réponse mais il y a une chose plus
profonde que cela. C'est que je crois que le drapeau, pour autant qu'il y a un
symbole important de toute une collectivité, est ici pour symboliser que
dans les domaines de sa souveraineté le Parlement du Québec,
l'Assemblée nationale, a cette souveraineté et ne dépend
d'aucune autre. Je pense qu'on devrait en tenir compte aussi et ne pas
commencer à faire des farces plates autour des résultats du
référendum en les étirant de ce côté,
franchement.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, pour une question de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre vient d'insinuer
qu'il y avait chez nous, ou dans les propos que j'ai tenus, quelque chose qui
puisse attaquer la souveraineté du Québec dans les domaines de sa
juridiction. M. le Président, je suis ici depuis bientôt 25 ans et
j'ai toujours été un défenseur acharné de la
souveraineté du Québec dans les domaines de sa juridiction. Mais
cela ne m'empêche pas d'avoir, vis-à-vis de mon pays, un respect
dont je ne rougis pas et qui est partagé par l'immense majorité
du Québec.
Le Président: M. le député de Laval,
brièvement, puisque le temps est écoulé.
M. Lavoie: Très brièvement, M. le Président.
Sur la même question, j'avais eu à l'esprit, il y a quelque temps,
de vous poser cette question et
j'attendais les crédits de l'Assemblée nationale. Il est
vrai qu'avant l'élection du 15 novembre 1976 il n'y avait aucun drapeau
près du fauteuil de la présidence.
Ma question est la suivante: Nous avons tous le respect du drapeau du
Québec, qui est à votre droite. Est-ce votre décision,
depuis que vous êtes président de cette Assemblée
nationale. Avez-vous décidé vous-même d'y installer le
drapeau du Québec? Ceci est le premier volet de ma question. Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu, si c'est vous, dans l'affirmative, qui avez
décidé, ou si cela vient du gouvernement que ce drapeau qui est
le nôtre soit là c'est le deuxième volet de ma
question n'y aurait-il donc pas lieu, si ce drapeau est là comme
drapeau du Québec, qu'il y ait également à votre gauche,
comme dans d'autres Parlements canadiens dans les autres provinces, le drapeau
du Canada à côté de votre fauteuil parce que nous sommes
Canadiens et Québécois, M. le Président?
Le Président: Si ma mémoire est fidèle...
Une Voix: C'est le président...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Si ma
mémoire est fidèle, M. le député de Laval, en
effet, dès les tout débuts de mon mandat, je crois que j'ai fait
installer parce que cela réapparaissait tout à fait normal
le drapeau du Québec dans l'Assemblée nationale du
Québec. C'est une situation de fait, qui dure bientôt depuis
quatre ans et qui, à ma connaissance, n'a jamais soulevé non
seulement de protestations, mais le moindre commentaire. Si on veut modifier
cette situation de fait, j'attendrai que l'Assemblée en exprime le
désir majoritairement.
Aux motions non annoncées. M. le député
d'Outremont.
Démission du député d'Outremont,
M. André Raynauld
M. Raynauld: M. le Président, je veux vous rassurer tout
de suite, cette déclaration sera à peine plus longue que les
préambules à mes questions dont vous m'avez parfois tenu rigueur,
mais toujours avec la plus grande bienveillance.
En effet, M. le Président, j'ai pris la décision de me
retirer de l'arène politique et de laisser mon poste de
député d'Outremont. J'ai été amené à
le faire maintenant à la suite d'un certain nombre de
considérations dont les plus importantes sont les suivantes. Je ne me
suis jamais considéré un parlementaire de profession et de
carrière; je n'y ai pas été assez longtemps pour cela. Si
je suis venu à la politique active, c'est principalement pour
défendre mes convictions sur le fédéralisme canadien. Dans
cette perspective, l'échéance du référendum a
été pour moi une échéance historique et capitale.
Il était donc naturel à mes yeux qu'elle devînt une
occasion privilégiée d'évaluation et de réflexion.
Cette réflexion m'a amené à conclure que j'avais accompli
l'essentiel des engagements que j'avais pris envers mes électeurs et mon
parti. J'ai donc pensé que je pouvais de nouveau me consacrer à
mes travaux professionnels d'économiste qui, sans contredit,
correspondent davantage à mes goûts, à mes qualités,
sinon à mes travers.
Du reste, le fédéralisme, qui avait été la
raison déterminante de mon engagement initial, a remporté une
victoire éclatante dans presque tous les comtés de la province.
Face à une volonté populaire aussi nettement affirmée, les
bases sont jetées pour un renouveau de notre régime
fédéral. Ce résultat ne me surprend pas. La sagesse
populaire a perçu qu'il faut étendre et non restreindre le
domaine de la loi dans notre univers dont nous commençons à peine
à saisir les limites. Elle a compris qu'il faut renforcer et non
affaiblir les institutions politiques capables d'assurer un partage plus
équitable des richesses et une égalité concrète des
citoyens plutôt qu'une égalité des gouvernements dans un
monde qui tolère encore la faim et la servitude.
M. le Président, le devoir le plus agréable qu'il me reste
à remplir est celui d'exprimer du fond du coeur ma reconnaissance
à tous ceux qui, de près ou de loin, ont facilité mon
travail et ma vie de parlementaire. A vous d'abord, M. le Président, qui
tenez les rênes de cette Assemblée avec autorité, humour et
sang-froid; au personnel de l'Assemblée nationale ensuite, des plus
prestigieux qui sont ici avec nous aux plus humbles qui s'empressent de
répondre à tous nos besoins, sans oublier ceux et celles qui ont
été mes collaborateurs immédiats, que ce soit à mon
bureau de Québec ou à celui d'Outremont. (16 heures)
Mes remerciements les plus cordiaux s'adressent aussi au chef du parti
auquel j'ai l'honneur d'appartenir, pour avoir accepté les redoutables
responsabilités qui sont les siennes, et à mes collègues
de pupitre qui m'ont apporté la chaleur de la fraternité et de
l'amitié, ce qui m'a souvent rappelé d'ailleurs celle de ma vie
de collégien et de pensionnaire. Je veux tous les rassurer que je
continuerai de travailler au sein du Parti libéral pour faire triompher
les idéaux qui nous ont rassemblés et qui nous rassemblent
encore.
Je veux aussi exprimer ma fierté et ma gratitude d'avoir pu
représenter la population du comté d'Outremont. C'est une des
plus grandes sources de satisfaction pour un député que de faire
connaissance et souvent de se lier d'amitié avec des milliers de ses
concitoyens, de connaître leurs succès et leurs problèmes,
de se familiariser avec toutes les institutions, regroupements et
activités communautaires, puis de rencontrer, semaine après
semaine, ceux qui font l'activité politique de base par pure conviction,
dévouement et abnégation.
Enfin, je veux rendre un hommage particulier à mon épouse
qui, sur cette route politique difficile entre toutes, a été une
compagne de tous les instants. Elle y a mis son énergie, son
enthousiasme, sa foi, et cela même au-delà de ses forces. Je veux
donc la remercier.
Le Président: Merci, M. le député
d'Outremont.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, c'est avec émotion et
regret que je me lève en ce moment pour faire suite à
l'intervention que nous venons d'entendre. Je perds, à titre de chef de
l'Opposition officielle, un collègue et un collaborateur très
précieux. Je perds aussi mon député à
l'Assemblée nationale puisque, à titre de résident
d'Outremont, j'avais l'honneur d'être représenté à
l'Assemblée nationale par le député qui vient de
démissionner. Je perds aussi un ami de très vieille date. J'ai
connu le député d'Outremont au temps où il était
étudiant en relations industrielles et en économie à
l'Université de Montréal, il y a déjà une trentaine
d'années. Il m'a été donné de suivre sa brillante
carrière depuis ce temps à chacune de ses étapes. J'ai pu
le connaître comme professeur et comme directeur du département
d'économie à l'Université de Montréal où il
a laissé des traces remarquablement durables. Je l'ai connu aussi comme
président du Conseil économique du Canada où il a accompli
un travail exceptionnel, et enfin comme député d'Outremont et
surtout comme critique financier et économique de l'Opposition
officielle et de notre parti.
M. le député d'Outremont était un
économiste, et le demeure évidemment, de grande classe qui a
été pour nous tous un guide précieux dans l'examen des
questions très difficiles que nous avons eu à examiner, surtout
en rapport avec le débat référendaire. Il est un
travailleur acharné. Sa liste de publications spécialisées
est pratiquement interminable. Il est connu d'un bout à l'autre du
continent, en Europe également. Tout le monde reconnaît son
indépendance d'esprit, sa rigueur intellectuelle et sa grande
probité. J'ai personnellement beaucoup bénéficié de
sa loyauté inconditionnelle, y compris dans les moments où nous
devions discuter parfois d'opinions qui n'étaient pas les mêmes de
part et d'autre; il avait toujours une très grande loyauté. Je
signale enfin qu'il est un citoyen également attaché au
Québec et à son pays, le Canada.
M. Raynauld a joué un rôle clé dans la
préparation des nombreuses études documentaires que notre parti a
mises au jour en préparation du débat référendaire.
On l'a vu souvent croiser le fer en cette Chambre avec notre bon ami d'en face,
le ministre des Finances. Je crois que leurs discussions n'ont jamais
enlevé quoi que ce soit à la gentilhommerie de leurs rapports. Je
pense que nous manquerons, à cet égard, des
éléments très importants. C'est cette expérience
qu'il m'a été donné de vivre en cette Chambre. Je me
réjouis de constater que le député démissionnaire
continuera de collaborer à l'oeuvre de notre parti; l'oeuvre de notre
parti se situe dans la ligne de ses convictions profondes et de sa
pensée. Je me réjouis de constater que, tout en cherchant son
avenir dans des voies qui répondent plus immédia- tement
peut-être à ses exigences professionnelles, son concours
continuera d'être acquis dans la discussion des grandes questions qui
affectent notre avenir à tous.
Je voudrais enfin, avant de terminer, adresser des remerciements tout
spéciaux à Mme Raynauld qui nous fait l'honneur de sa
présence aujourd'hui et qui a été victime récemment
d'une maladie très sérieuse, et qui a accordé non
seulement à son mari, mais aussi à l'Association libérale
d'Outremont et à notre parti, 'au cours des dernières
années, un appui indéfectible et exceptionnellement efficace.
Le Président: Merci, M. le chef de l'Opposition.
M. le premier ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que je n'ai pas la moindre hésitation, pas plus qu'aucun d'entre nous,
à me joindre à ce que vient de dire le chef de l'Opposition, pour
l'essentiel. C'est non seulement un homme de bonne compagnie, mais un homme de
haute formation et dont la carrière professionnelle a été
jalonnée de réalisations suffisamment importantes pour qu'on
sache qu'on subit une perte ici, à l'Assemblée nationale, mais
c'est un autre secteur de la société qui y gagnera d'ici quelques
jours ou d'ici quelques semaines.
Le chef de l'Opposition avait raison, je crois, d'évoquer
l'indépendance d'esprit et la rigueur intellectuelle, si j'ai bien saisi
les deux expressions, comme deux des caractéristiques, on pourrait dire
professionnelles et personnelles aussi, du député d'Outremont en
temps normal. C'est peut-être cette indépendance d'esprit et cette
rigueur intellectuelle qui en ont pris un coup depuis quelques années,
la lutte partisane étant ce qu'elle est, les contraintes étant ce
qu'elles sont. C'est peut-être pour ça que je n'irai pas
jusqu'à dire qu'il était malheureux dans son rôle
politique, mais on avait l'impression qu'il n'était pas toujours aussi
à l'aise qu'il pouvait l'être dans d'autres secteurs. Cela
paraissait souvent c'est lui qui l'a évoqué dans
les préambules, pendant la période des questions, ce qui ne l'a
pas empêché d'enrichir beaucoup de nos débats en
matière budgétaire, en matière financière.
Je ne me hasarderai pas à commenter ce qu'il a dit sur le
fédéralisme, puisqu'il considère que sa mission est
accomplie de ce côté; on pourra y revenir. Mais que ce soit de ce
côté où il a été très répandu
pendant les années qui ont précédé son
entrée en politique ou que ce soit de nouveau à
l'université ou que soit ailleurs, je pense qu'on doit tous le
ministre des Finances a tenu à le faire, s'il en a l'occasion, dans
quelques minutes, plus en détail être d'accord pour lui
souhaiter le succès le plus complet possible dans sa nouvelle
carrière, avec un retour complet à l'indépendance
d'esprit, à la rigueur intellectuelle et à l'objectivité
scientifique, ce qui sûrement devrait encore continuer à enrichir
notre société. Bon succès.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M.
Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Quelques paroles seulement, M. le
Président. Je me souviens très bien qu'à la veille des
élections fédérales de 1976 on parlait d'André
Raynauld comme d'un homme de grandes promesses. Je n'avais pas eu l'occasion de
rencontrer M. le grand économiste, président du Conseil
économique du Canada, mais, la politique étant ce qu'elle est
comme vient de le dire le premier ministre, le député d'Outremont
nous quitte aujourd'hui. C'est avec regret que nous apprenons son
départ. Ses raisons sont tout à fait personnelles et nous avons
remarqué chez lui un homme de travail, un homme très positif, un
homme qui a certainement apporté une très belle contribution
à nos travaux parlementaires, surtout à nos commissions
parlementaires.
Nous le voyons donc partir avec regret et nous lui souhaitons un avenir
prospère dans la voie qui l'attend. En même temps, je suis
sûr qu'il va contribuer à fournir au Québec et au Canada
une contribution certainement appréciable au cours des années
à venir. Pour nous, on se console de sa disparition, de son
départ en disant que "partir, c'est mourir un peu". Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le chef de l'Union Nationale.
M. le ministre des Finances. (16 h 10)
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je remercie
l'Assemblée de fournir l'occasion de dire quelques mots à
l'occasion du départ du député d'Outremont. Je le fais
à plus d'un titre. Nous partageons la même carrière depuis
25 ans. Nous avons, depuis un quart de siècle, développé
un certain nombre de liens d'amitié et nous nous sommes retrouvés
dans cette Assemblée de part et d'autre.
Je pense qu'on se doit de souligner le sérieux avec lequel M.
Raynauld a invariablement discuté des dossiers économiques,
fiscaux et financiers que nous avons eu à traiter ici. Je ne pousserai
pas l'humilité jusqu'à dire qu'il avait habituellement le dessus,
mais je dois noter, cependant, qu'il a toujours fait notre admiration par sa
capacité de rebondissement. La vie publique, pour un économiste,
n'est pas facile. Le métier lui-même fait que, d'une part, les
choses dont nous avons à traiter sont assez compliquées. D'autre
part, nous avons tous le péché mignon de les compliquer davantage
par notre langage et quand il s'agit de traduire cela en politique en termes
clairs, on se pose constamment la question de savoir si, en simplifiant, on ne
trahit pas et si, en essayant de faire comprendre, on ne devient pas faux.
C'est une des difficultés qui ne sera jamais complètement
résolue. Je dois dire simplement à M. Raynauld qu'en simplifiant,
en essayant de faire comprendre les thèses qu'il défend, il aura,
je pense, indiqué qu'on peut exercer ce métier et faire de la
politique en même temps.
Ceci étant dit, il me reste, au nom, je pense, de tous ceux de
cette Assemblée, à lui souhaiter la meilleure des chances et nos
meilleurs voeux pour les années qui viennent. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci, M. le ministre des Finances.
M. Raynauld, vous avez la parole.
M. André Raynauld
M. Raynauld: Juste un mot, M. le Président, pour remercier
ceux qui ont eu de si bonnes paroles à mon endroit. Le
député de Gaspé, d'abord. Je veux aussi dire que j'ai
été très sensible au rappel du chef du Parti
libéral de notre très très longue amitié et
à celui de notre travail et de notre étroite coopération
et collaboration depuis plusieurs mois. Je suis également sensible aux
observations que le ministre des Finances a pris l'initiative de faire. S'il
est vrai qu'on est toujours pris entre des tâches pédagogiques et
des tâches de vérité, lorsqu'on ajoute la politique
par-dessus cela, cela devient des difficultés très grandes. Je
voudrais également peut-être parler des maladresses auxquelles M.
le premier ministre a fait allusion lui-même de son côté,
mais je voudrais lui dire que vers la fin, apparemment, cela
s'améliorait de mon côté un peu. A cet égard, je
voudrais lui dire, sans malice, que c'est à la suite de notre grande
victoire au référendum que j'ai décidé de me
retirer et que, j'espère, le gouvernement en arrivera à la
même conclusion bientôt.
Le Président: Nous en sommes à l'enregistrement des
noms sur les votes en suspens. Il n'y a pas de vote en suspens aujourd'hui.
Proposition de débat sur l'attitude que
le gouvernement entend adopter à la
rencontre des premiers ministres
Je dois maintenant donner lecture d'un avis qui m'a été
communiqué dans le délai prévu par notre
règlement.
Québec, le 3 juin 1980, M. le Président,
conformément à l'article 78 de notre règlement, je
désire vous informer qu'avant l'appel des affaires du jour de la
séance d'aujourd'hui j'ai l'intention de proposer que soit tenu un
débat pour discuter la position que le gouvernement
québécois entend adopter à la rencontre des premiers
ministres sur la réforme constitutionnelle qui se tiendra le 9 juin
1980.
Il s'agit donc d'une affaire importante de la compétence de
l'Assemblée dont l'étude s'impose d'urgence et qui ne pourra
être discutée dans un délai raisonnable par d'autres
moyens.
Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes
sentiments les meilleurs. Et c'est signé du chef de l'Opposition
officielle et député d'Argenteuil.
M. le chef de l'Opposition officielle, je vous indique
immédiatement que je suis entièrement d'accord avec vous sur
certains points de votre lettre, c'est-à-dire qu'il s'agit manifestement
d'une
affaire déterminée, importante et d'intérêt
public, qu'il s'agit également, quoique nous n'en sommes pas à
l'extrême limite d'urgence, d'une question qui est assez urgente et qui,
normalement, toutefois si elle devait être discutée, devrait
l'être avant le 9 juin. Cela se conçoit assez aisément.
La seule chose sur laquelle j'ai encore des doutes, et c'est
là-dessus que je voudrais que vous m'éclairiez, ce sont les
possibilités, ce que vous évoquez d'ailleurs dans votre
requête, dans votre avis, d'en discuter à un autre moment avant la
date d'échéance. M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: M. le Président, je ne suis pas un expert des
règlements de cette Chambre, comme vous le savez, j'ai pris conseil
avant de vous écrire. Je n'aurais pas eu cette
témérité autrement, vous connaissez ma modestie. Les faits
vous sont bien connus, ce n'est pas nécessaire de vous les rappeler, je
les évoque très très brièvement seulement pour vous
donner le contexte.
Nous avons eu le référendum du 20 mai, il y a cette
convocation adressée par le premier ministre du Canada au premier
ministre du Québec et des autres provinces. La réunion doit avoir
lieu le 9 juin prochain à Ottawa. Etant donné que nous sommes
entrés dans la période de juin, nous n'avons pas les recours
habituels. Nous n'avons pas la motion du mercredi, nous n'avons pas les
possibilités de faire valoir nos opinions par les autres voies dont nous
disposons en temps normal. Il nous a semblé, par conséquent,
après étude sérieuse, que la motion que je vous soumets
présentement était le recours le plus indiqué pour ce
genre de débat et je vous soumets en toute simplicité que, si
vous décidiez par exemple que ce débat ne devrait avoir lieu que
demain ou après demain, cela me serait parfaitement égal. Il me
semble que, si nous voulons que le gouvernement puisse tirer profit des
opinions qui seront émises par les membres de cette Chambre,
peut-être le plus tôt ce débat aura lieu, le mieux ce sera
pour tout le monde. C'est simplement cet ordre de considération qui a
inspiré ma démarche.
M. Charron: M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Si vous me le permettez. Le chef de l'Opposition
vient lui-même de répondre préalablement à la
question que j'allais lui poser en lui disant que, évidemment, avant le
9 juin, ce débat peut avoir lieu à un autre moment. Mais je
voudrais informer l'Opposition officielle que la journée de jeudi
après la période de questions, normalement, nous devrions, selon
l'organisation des travaux, revenir aux quatre heures et quelque 42 minutes de
débat sur le discours du budget qui avait été lui aussi
laissé en suspens. Les chefs de parti, que je sache, n'ont pas encore
participé à ce débat; si l'occasion paraîtrait au
chef de l'Opposition convenable à ce moment, je puis l'assurer que le
premier ministre sera présent lors de ce débat jeudi et pourra
donc ainsi fournir la réponse que sollicite le chef de l'Opposition.
Le Président: Dans ces conditions, cela me paraît
même plus équitable, mais à une condition, M. le leader
parlementaire du gouvernement, c'est qu'il y ait un engagement afin que vous
appeliez le discours du budget.
M. Charron: J'en prends l'engagement, M. le Président.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on peut, à ce
moment-ci, vu l'engagement pris par le leader parlementaire du gouvernement,
être sûrs qu'il n'y aura pas d'autres procédures qui
pourraient, à ce moment, retarder l'horaire de nos travaux?
M. Charron: La seule, ce serait que le président accorde
un débat d'urgence.
M. Levesque (Bonaventure): Oui. Est-ce qu'on a une garantie
minimale de temps, autrement dit, M. le Président?
Le Président: Si le discours du budget est appelé,
cela ne pose pas de problème.
M. Charron: Après la période des questions, donc
vers 11 heures en matinée jeudi. (16 h 20)
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): II y avait une autre objection, M. le
Président, malgré que nous apprécions cette ouverture, si
vous voulez. Le chef de l'Opposition avait l'intention de parler normalement
sur le discours sur le budget et ceci pourrait le priver de son droit. Je ne
sais pas comment concilier son désir de parler et sur la motion
d'urgence qu'il propose et également sur le discours du budget.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
j'imagine qu'il n'y aura peut-être pas trop de problèmes. J'ai
regardé dans la jurisprudence avant et toutes les décisions. Cela
m'agaçait beaucoup. Si le chef de l'Opposition avait déjà
parlé sur le discours du budget, je pense que j'aurais accordé
immédiatement le débat d'urgence. J'ai fait vérifier et il
ne s'est pas encore exprimé sur le discours du budget.
Dans toutes les décisions que j'ai consultées, il y a une
jurisprudence absolument constante qui n'évoque jamais le fait qu'un
membre ne se soit pas exprimé sur le discours du budget ou sur le
discours inaugural. Ce n'est jamais évoqué, mais j'ai
l'impression qu'il y aura peut-être possibilité
d'entente avec le leader parlementaire du gouvernement. Dans ces
conditions, puisque jeudi le discours du budget sera appelé et que la
garantie nous en est donnée, je pense qu'on va attendre à jeudi
alors qu'on disposera de 4 h 42 plutôt que de 1 h 30 ici, ou à peu
près.
M. Levesque (Bonaventure): Je ne sais pas si le leader
parlementaire du gouvernement écoutait à ce moment-là,
mais j'ai compris, M. le Président, que votre suggestion serait que nous
pourrions trouver un moyen de permettre, à l'intérieur des 15
heures, cependant, prévues pour le débat sur le discours du
budget, un certain moment où le chef de l'Opposition pourrait
intervenir, même brièvement, dans le débat sur le discours
du budget sans tenir compte du temps que personnellement il aurait pris; qu'il
ait parlé deux fois, autrement dit.
M. Charron: Oui, mais en vertu même du règlement, M.
le Président, le chef de l'Opposition a droit à une heure
d'intervention à l'intérieur du débat. S'il choisissait de
faire 45 minutes sur le sujet qu'il évoque aujourd'hui et qu'il garde
ses brefs commentaires... En deux moments, je n'ai pas d'objection puisque cela
conviendra à tout le monde.
M. Levesque (Bonaventure): On pourrait en faire un ordre de la
Chambre, M. le Président.
M. Charron: Non, ce n'est pas nécessaire.
M. Levesque (Bonaventure): A ce moment-là, le chef de
l'Opposition parlerait à deux reprises et n'importe qui, en Chambre,
pourrait s'y opposer.
Une Voix: Pas dans le même discours.
M. Levesque (Bonaventure): Non, pas dans le même discours.
Pas deux interventions dans le même discours.
Le Président: Parce que, aujourd'hui, il n'aurait droit
qu'à 20 minutes.
M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas sur le temps, M. le
Président, c'est...
Le Président: C'est sur la possibilité de parler
deux fois.
M. Levesque (Bonaventure): ... de parler, même à
l'intérieur de la même heure, deux fois et, peut-être
quelques jours plus tard, encore 15 minutes, s'il prend 45 minutes. C'est
normal.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Je me suis peut-être avancé. Ce qui me
console, c'est que le leader de l'Opposition ne m'a pas corrigé; donc,
on devait avoir tous les deux la même opinion. Je disais que le chef de
l'Opposition avait droit à une heure en vertu du règlement; or,
à ce qu'on me dit, c'est à 30 minutes qu'il aurait droit. Si je
lis le troisième paragraphe de l'article 127, M. le Président
vous l'avez comme moi c'est une heure; alors, je ne
m'étais pas trompé.
Ce que j'offre pour le moment, pour "clairer" la cuisine, c'est qu'on
s'en tienne à l'heure à laquelle le chef de l'Opposition a droit,
ce à quoi le premier ministre a droit aussi. S'il choisit de le faire en
deux moments, nous en conviendrons.
Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le leader
parlementaire du gouvernement.
Travaux parlementaires
M. Charron: M. le Président... En vertu de l'article 34?
Oui, bien sûr.
M. Forget: Dès le dépôt du projet de loi
amendant le Code civil, en mars, je crois, j'avais demandé au ministre
de la Justice de même qu'au leader du gouvernement quelles dispositions
ils étaient prêts à prendre pour permettre l'examen le plus
convenable possible d'une loi amendant le Code civil de façon
très générale et très fondamentale. On avait pris
en délibéré, du côté du gouvernement, la
possibilité même de créer une commmission spéciale
de la nature de celle qui avait fait le travail lors de la révision du
Code de procédure civile il y a un bon nombre d'années et on
devait nous donner une réponse. Est-ce qu'il ne serait pas
approprié que le gouvernement nous indique ses intentions quant à
la procédure qui sera utilisée pour étudier le Code civil
et, en particulier, ouvrir la possibilité qu'une telle commission
parlementaire puisse entendre des gens avant la deuxième lecture?
M. Charron: Mme la Présidente, sur ce sujet même, au
cours de la fin de semaine dernière, le gouvernement s'est entendu sur
une proposition à faire aux partis d'Opposition. Je n'ai pas l'intention
de la faire ici pour le moment. Je veux simplement dire qu'il y aura, en cours
de semaine, comme à toutes ces périodes de fin de session, une
rencontre des leaders parlementaires et, à cette occasion, de mon
vis-à-vis de Bonaventure et, par la suite, du caucus, vous
connaîtrez cette proposition que nous voulons faire.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Ce qui nous a surtout ramenés à cette
reprise de la session, c'est évidemment le fait que l'étude des
crédits n'est pas terminée. Donc, tous les travaux de la Chambre,
cette semaine comme la semaine prochaine, seront prioritairement
consacrés à cette tâche.
Je donne donc avis que, ce soir, la Chambre ne siégera pas afin
de permettre à trois commissions d'avancer dans le travail de
l'étude des
crédits. Au salon rouge, ce sera la commission des loisirs;
à la salie 81-A, la commission de l'environnement et à la salle
91-A, la commission de l'éducation entamera son travail.
Cet après-midi, toutefois, la Chambre s'adonnera à
l'étude des projets de loi au nom du ministre du Revenu, qui sont au
feuilleton. J'indiquerai dans quelques instants l'ordre dans lequel les quatre
lois, au nom du ministre du Revenu, seront appelées. Je fais motion pour
que, jusqu'à 18 heures, pendant que l'Assemblée étudiera
ces lois, puissent se réunir la commission des loisirs et la commission
de l'environnement, aux deux salles que j'ai indiquées, afin qu'elles
reprennent l'étude des crédits de ces ministères
respectifs.
La Vice-Présidente: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une Voix: Adopté.
La Vice-Présidente: Adopté.
M. Charron: Ce soir, dans l'avis que j'ai donné, ces deux
commissions continuent et s'ajoute la commission de l'éducation à
la salle 91-A, de 20 heures à 24 heures.
La Vice-Présidente: Les deux commissions peuvent
maintenant siéger.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler, Mme la Présidente,
et j'en donne avis tout de suite si je peux avoir l'attention de mon
vis-à-vis de Bonaventure pour un instant, l'ordre dans lequel vont venir
les projets de loi. Je prends les articles au feuilleton, les quatre projets de
loi du ministre du Revenu: l'article 9, l'article 17, l'article 16 et l'article
15. Je vous prie donc d'appeler l'article 9, Mme la Présidente.
Projet de loi no 80 Deuxième lecture
La Vice-Présidente: A l'article 9 du feuilleton
d'aujourd'hui, il s'agit de la motion de deuxième lecture de M. le
ministre du Revenu, proposant que soit maintenant lu la deuxième fois le
projet de loi no 80, Loi modifiant la Loi sur les droits successoraux et
modifiant de nouveau la Loi sur les impôts.
M. le ministre du Revenu.
M. Michel Clair
M. Clair: Mme la Présidente, le 22 décembre 1978,
une nouvelle loi sur les droits successoraux était sanctionnée.
Cette loi, concrétisant la réforme des droits successoraux et de
l'impôt sur les dons, introduite par le discours sur le budget du mois
d'avril de la même année, était en grande partie de droit
nouveau. C'est ainsi qu'au fil des mois et à la lumière des
commentaires qui ont été accumulés, nous avons
été amenés à modifier certaines règles ou
à en préciser l'application.
Le projet de loi no 80 que nous étudions aujourd'hui en
deuxième lecture donne suite aux mesures annoncées par la
déclaration ministérielle du 21 décembre 1979 de mon
collègue, le ministre des Finances. Parmi toutes les modifications qui y
sont contenues, une des plus significatives est certainement la nouvelle
exemption de $75 000 en faveur du bénéficiaire d'une succession
qui est le père ou la mère de la personne
décédée ou de son conjoint. Ceci vient compléter le
système d'exemption qui s'applique actuellement en mettant les
père et mère sur le même plan que les enfants qui
bénéficient eux aussi actuellement d'une exemption de $75 000
chacun.
D'autre part, les organismes de charité, les associations
culturelles ou de sport amateur qui sont déjà exemptés du
paiement de droits lorsque des biens leur sont transmis en pleine
propriété, pourront bénéficier de cette même
exemption lorsque l'usufruitier ou l'usager du bien légué est le
conjoint de la personne décédée. (16 h 30)
Par exemple, si je laisse tous mes biens à une
congrégation religieuse, mais en laissant l'usage à mon conjoint
sa vie durant de cesdits biens, cette congrégation
bénéficiera d'une exemption totale des droits successoraux. Par
contre, si je laisse l'usage de ces mêmes biens à mon frère
ou à un ami, les droits ordinaires devront être payés par
la congrégation. Voilà encore, je pense, Mme la
Présidente, un moyen par lequel nous cherchons à encourager les
dons aux organismes et associations poursuivant des buts charitables au
Québec en reconnaissant le caractère spécifique des
organismes de charité.
D'autre part, les conjoints eux-mêmes bénéficient
d'une exemption complète lorsque des biens leur sont transmis
directement ou lorsqu'ils sont bénéficiaires d'une fiducie
créée pour leur bénéfice exclusif leur vie durant.
Par exemple, si dans mon testament on retrouve une telle fiducie en faveur de
mon conjoint et que le seul bien laissé en fiducie est un immeuble
à revenus, mon conjoint n'aura à payer aucun droit successoral
sur cet immeuble. Par contre, si je crée une fiducie au
bénéfice de mon conjoint et de mes enfants, mes biens ne seront
pas complètement exemptés, mais toutefois, chaque
bénéficiaire profitera d'une exemption de $75 000.
Conséquemment à ces modifications, il nous fallait de plus
modifier les dispositions correspondantes de la Loi sur les impôts et ce,
afin d'harmoniser les dispositions concernant les dons et les successions.
Enfin, le délai de prescription pour que nous puissions
émettre un avis de cotisation est modifié. Ces changements
permettront au ministère d'agir lorsque des renseignements sont
portés à sa connaissance n'importe quand, mais le forcera
également à agir plus rapidement en ramenant à deux ans le
délai dans lequel le ministère du Revenu pourra émettre un
nouvel avis de cotisation après avoir pris connaissance de nouveaux
renseignements.
Les autres amendements apportés par le projet de loi no 80 sont
de nature encore plus technique et permettent de clarifier certaines
dispositions ou d'élargir leur champ d'application. Nous pourrons voir
cela en détail au moment de l'étude article par article. Je
désire cependant annoncer immédiatement, Mme la
Présidente, que j'aurai alors quelques amendements techniques à
apporter, à présenter lors de l'étude en commission
parlementaire.
En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais insister sur un point
qui suscite encore bien des commentaires tant de la part de l'Opposition que de
certains groupes bien identifiés de la société
québécoise. Cette question est la suivante: Pourquoi le
gouvernement du Québec continue-t-il à percevoir des droits
successoraux? Les revenus engendrés par les droits successoraux peuvent
sembler, à première vue, une source de moindre importance par
rapport aux autres sources de revenus et à laquelle le gouvernement
pourrait renoncer facilement. Pour un ordre de grandeur, ces revenus
étaient, l'an dernier de l'ordre de $40 000 000, ce qui n'est pas
insignifiant.
Il y a quelques raisons qui motivent notre choix, Mme la
Présidente, de maintenir les droits successoraux. D'abord, cela
découle de cette idée de l'équité sociale que se
fait notre gouvernement. Il nous apparaît normal et sain, dans une
société démocratique, de demander à des
contribuables qui ont joui leur vie durant d'un système
économique et fiscal qui a accéléré l'accroissement
de leurs capitaux de payer en contrepartie une certaine redevance à
l'Etat après leur décès. Celui-ci peut ainsi
améliorer la situation de groupes plus démunis avec les sommes
ainsi perçues. En ce sens, notre politique est identique à celle
de plusieurs gouvernements dits sociaux-démocrates à travers le
monde. D'ailleurs, même le fisc américain perçoit toujours
des droits sur les successions.
Les provinces canadiennes, pourrait rétorquer l'Opposition, ont
abandonné ce champ d'imposition fiscale depuis un certain temps. Ce
phénomène s'explique facilement, Mme la Présidente. D'une
part, les gouvernements sociaux-démocrates ne pleuvent pas à
l'ouest de l'Outaouais et, d'autre part et surtout, le Québec est le
seul gouvernement provincial qui possède un appareil administratif
structuré et organisé pour percevoir directement ses
impôts.
L'existence du ministère du Revenu québécois a
permis à la société québécoise de
développer sa propre expertise en ce domaine et de contrôler ce
secteur complexe à des coûts très minimes. Si d'autres
provinces ont abandonné ce champ, c'est pour beaucoup et probablement
justement à cause de cette lacune majeure pour elles que
représentait l'inexistence de cette structure administrative
sophistiquée. De ce fait, les coûts de perception étaient
beaucoup trop élevés par rapport aux revenus gagnés. Mme
la Présidente, certaines provinces étudient actuellement assez
sérieusement, semble-t-il, la possibilité de se doter de
ministères du Revenu provinciaux com- me le Québec l'a fait
depuis 20 ans, afin de percevoir comme nous directement leurs taxes et
impôts, une fois ces appareils créés, je ne serais pas
surpris que l'on réinstalle l'impôt sur les successions sans
délai.
En terminant, Mme la Présidente, j'aimerais simplement rappeler
à mes collègues de l'Opposition que je pourrai mettre rapidement
à leur disposition certains amendements techniques qui seront
étudiés en commission parlementaire lors de l'étude
article par article.
Voilà, Mme la Présidente, les commentaires que je voulais
faire au moment de l'étude en deuxième lecture du projet de loi
no 80.
La Vice-Présidente: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Nous venons
d'entendre un discours archiparfait du camouflage de ce gouvernement en ce qui
concerne la politique des droits successoraux du gouvernement. Avant de parler
de cette question, je veux simplement encadrer la situation dans laquelle le
ministre du Revenu se trouve et rappeler un peu à la population la
situation dans laquelle on était lors du discours du budget et dans
l'économie du Québec avant de quitter cette Chambre il y a
quelques semaines.
Il faut situer le débat, parce que c'est essentiel pour
comprendre les décisions du ministre dans les lois qu'on va discuter cet
après-midi. Nous sommes devant le pire exemple l'exemple le plus
parfait de mauvais gouvernement que nous ayons jamais vu au
Québec; un déficit record...
M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
M. le ministre du Revenu.
M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la
Présidente, parce que je crois qu'on a devant nous un projet de loi
précis. Le député est mal venu d'essayer de reprendre des
discussions générales. Notre règlement dit fort bien que
le discours en deuxième lecture doit porter sur les principes du projet
de loi. Sans être désagréable pour mon collègue, il
y aura d'autres moments pour faire des remarques d'ordre général,
s'il veut le faire, mais, à ce moment-ci, il faudrait discuter du
principe du projet de loi.
La Vice-Présidente: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente. Je pense que l'exemple de la pertinence du débat qui
a été établi lors du débat sur la question
référendaire peut servir pour les fins de nos débats pour
l'avenir.
Une Voix: Non!
La Vice-Présidente: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, il y a un article 120 du règlement, je vous
demanderais de vous y conformer, s'il vous plaît!
Une Voix: Vous n'êtes pas à la bibliothèque
ici.
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît, M.
le député.
M. Scowen: Mme la Présidente, je vais terminer mes
commentaires sommaires très brièvement. Nous sommes devant un
projet de loi et ce projet de loi doit être compris dans le cadre d'un
déficit prévu pour cette année de $2 500 000 000, et il
sera plus élevé que ce montant, parce que ce déficit est
basé sur un taux de croissance de 1,5%. Or, c'est maintenant clair qu'il
n'y aura pas de croissance économique au Québec cette
année. Le ministre des Finances lui-même, il y a quelques
semaines, nous a admis qu'il faut prévoir au moins $75 000 000 de
plus...
La Vice-Présidente: M. le député, vous
pouvez toujours intervenir sur le discours du budget, mais nous sommes
actuellement à faire le débat sur la motion de deuxième
lecture du projet de loi no 80 concernant les droits successoraux. Je ne vous
relirai pas l'article 120, mais je vous demanderais, s'il vous plaît, de
vous en tenir à la pertinence du débat, M. le
député.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Oui, M. le leader, sur la question de
règlement sans doute?
M. Levesque (Bonaventure): Si vous me le permettez. Oui, c'est
simplement parce que j'étais un peu à l'écart et que je
n'ai pu intervenir sur la question de règlement soulevée par le
ministre du Revenu. Mme la Présidente, je ne veux mettre en doute quoi
que ce soit quant à la portée de la décision que vous avez
rendue. (16 h 40)
Puis-je soumettre respectueusement qu'il s'agit présentement d'un
projet de loi qui donne suite à un énoncé du ministre des
Finances, qui était le discours du budget, et dans lequel le ministre
des Finances faisait part des moyens qu'il entendait prendre pour faire face
aux dépenses de l'année? Parmi ces moyens il y avait des mesures
d'ordre fiscal et on retrouve une partie de ces moyens dans les projets de loi
que nous avons à étudier cet après-midi. Dans les
circonstances, il est très difficile, Mme la Présidente, et je le
soumets respectueusement, de dissocier une politique budgétaire comme
celle contenue dans le discours du budget des projets de loi qui sont
présentés à cette Assemblée et qui donnent suite au
discours du budget; il est bien difficile de passer à côté
de l'article 120 qui, je le rappelle, mentionne que le débat sur toute
motion de deuxième lecture doit être restreint à la
portée, à l'à-propos...
La Vice-Présidente: Aux principes fondamentaux.
M. Levesque (Bonaventure): Je sais que vous le savez par coeur,
Mme la Présidente! ... aux principes fondamentaux et à la valeur
intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode
d'atteindre ses fins. J'insiste particulièrement...
La Vice-Présidente: ... du projet de loi, M. le
leader.
M. Levesque (Bonaventure): Oui, à toute autre
méthode d'atteindre les fins du projet de loi, en effet. Or, le projet
de loi découle essentiellement du discours du budget du ministre des
Finances; c'est pourquoi il est dans l'ordre, pas peut-être de faire
porter toute l'intervention, comme on le ferait dans le débat sur le
discours du budget, mais je pense qu'il faut avoir une certaine latitude,
à ce moment-ci, parce que ces projets de loi découlent justement
du discours du budget. Je pense bien qu'on a le droit de parler du discours du
budget dans le sens de se demander c'est ça, un discours du
budget quels sont les moyens que prendra le gouvernement afin de faire
face aux obligations contenues dans les crédits qu'on votera à ce
gouvernement.
Il est bien normal, Mme la Présidente, lorsqu'on étudie
les projets de loi qui découlent des déclarations contenues dans
le discours du budget, qu'on puisse référer au discours du
budget; référer, je ne dis pas de passer complètement son
temps là-dessus.
M. Bertrand: Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader adjoint.
M. Bertrand: Sur la question de règlement, je voudrais
simplement vous faire valoir qu'il me semble, d'abord, que l'article 120 parle
par lui-même.
Deuxièmement, si les règlements de l'Assemblée
nationale prévoient la tenue d'un discours sur le budget, d'un
débat sur le budget, c'est que justement ce discours ou ce débat
sur le budget est censé permettre à tous les parlementaires
d'apprécier le budget dans son ensemble ou même d'entrer dans
certaines particularités. Si justement il y a une loi prévue aux
fins, pour le ministre du Revenu, d'expliquer un des aspects de l'application
de ce budget, je pense que le règlement doit être appliqué
intégralement et ne pas laisser place au discours que le
député de Notre-Dame-de-Grâce voulait faire dans le cadre
du discours sur le budget.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Sur la question de règlement, Mme la
Présidente; si j'ai bien compris le député de
Notre-Dame-de-Grâce et le député de Bonaventure, ils
devraient être en mesure de relier la loi qui est présentée
à cette Assemblée nationale aux
moyens dont le gouvernement aurait besoin pour financer son
déficit. Or, étant donné que cette loi propose des
réductions de taxes, je ne vois vraiment pas en vertu de quoi on peut
utiliser cette loi pour financer un déficit; la loi annonce des baisses
de taxes.
M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, parlant sur
cette question, que je jugerais pertinente, en d'autres circonstances, de la
part du ministre des Finances, puis-je simplement rappeler ceci? Ce n'est pas
une question de savoir parce qu'ici on part d'un principe si on
peut en ajouter ou en enlever, et qu'on peut parler seulement si on en
enlève, alors qu'on ne pourrait pas parler si on augmente. Ce n'est pas
ça; peut-être que le député de
Notre-Dame-de-Grâce attendons ce qu'il a à dire a
des suggestions pour dire: Voici, vous pourriez diminuer davantage les droits
successoraux et par contre trouver d'autres moyens. Je ne parle pas au nom du
député de Notre-Dame-de-Grâce, mais au moment où
j'interviens dans ce débat, sur une question de règlement, je
suis comme vous, Mme la Présidente, j'ignore quels sont les moyens
qu'entend suggérer l'honorable député de
Notre-Dame-de-Grâce.
La Vice-Présidente: A la suite de vos suggestions, M. le
leader, nous avons quand même lu l'article 120 du règlement qui
dit bien que vos propos doivent être restreints à la portée
du projet de loi, aux principes fondamentaux, à la valeur
intrinsèque. Je vous demanderais, M. le député... Bien
sûr, on pourrait comprendre qu'il y ait, à un certain moment, une
incidence vers le budget, mais je vous demanderais simplement de vous en tenir
à l'esprit du règlement et de ramener vos propos au projet de loi
no 80. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, Mme la Présidente, et merci à
tous ceux qui ont fait une contribution à cette question de
règlement. Je n'ai pas l'intention de poursuivre cette démarche
que j'ai faite, sauf de dire que nous aurons beaucoup d'occasions dans les
semaines à venir de parler de cette question de bon gouvernement, quand
nous sommes devant un gouvernement qui nous a promis un déficit de $2000
par famille cette année. Mme la Présidente, je vais retourner
directement à la question des droits successoraux. Le ministre a dit,
quand il a justifié son intention sur les droits successoraux, que le
Québec est la seule province sociale-démocrate à l'est de
l'Outaouais. Mme la Présidente, il y a une autre province
sociale-démocrate...
M. Clair: Question de privilège.
La Vice-Présidente: Sur une question de privilège,
M. le député...
M. Scowen: S'il vous plaît, madame.
M. Clair: Question de privilège. Le
député,
Mme la Présidente, me cite mal. C'est pour rétracter les
propos qu'il me prête. Je n'ai jamais dit en vertu de l'article
96, est-ce que cela fait l'affaire du député de
Nicolet-Yamaska?...
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Je vais régler la chose, si les
gens veulent bien m'apporter leur collaboration.
M. Gratton: Question de règlement.
La Vice-Présidente: Je pense, M. le député,
que votre intervention va aller dans le même sens que la mienne. Si cela
n'est pas le cas... M. le député, est-ce que je pourrais vous
demander la même collaboration que celle que j'entends vous accorder
maintenant? Je vous dis que si les propos que je vais tenir maintenant ne
correspondent pas à ceux que vous alliez tenir, je vous accorderai la
parole sur la question de règlement. M. le ministre, je vous
demanderais, si vous voulez invoquer l'article 96, puisque le
député de Notre-Dame-de-Grâce ne permet pas maintenant que
vous le fassiez, d'attendre à la fin de son intervention.
M. Gratton: Question de règlement, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Votre question de règlement,
puisqu'elle ne coïncide pas avec ce que j'en avais attendu.
M. Gratton: Merci, Mme la Présidente. Je voulais
simplement vous demander de demander au ministre du Revenu, lorsqu'il entend
invoquer l'article 96 pour rétablir des faits, qu'il ne fausse pas la
façon de procéder en prétendant avoir une question de
privilège quand il n'en a pas une.
M. Clair: Que le député de Gatineau fasse de
même avec les questions de règlement.
La Vice-Présidente: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je remercie de nouveau tous mes collaborateurs dans ce
débat. Je vais essayer de continuer de parler du fond, Mme la
Présidente.
Il existe au Canada une deuxième province
sociale-démocrate, la Saskatchewan, et la Saskatchewan a enlevé
tous les droits successoraux. Quand le premier ministre de la Saskatchewan
s'est fait demander comment, dans une province socialiste, il pouvait accepter
de ne pas avoir de droits successoraux, il disait deux choses en
réplique. Il disait: Nous sommes socialistes, mais nous ne sommes pas
stupides. Il disait, deuxièmement: Si vous voulez traire une vache, il
faut que vous l'ameniez d'abord dans votre propre pâturage. Mme la
Présidente, les effets de ces droits successoraux sont néfastes
pour la popu-
lation du Québec et surtout pour les personnes que nous voulons
davantage privilégier, les entrepreneurs, les propriétaires des
petites et moyennes entreprises québécoises. Nous avons
soulevé ce problème à maintes reprises; nous sommes la
seule province du Canada à imposer des droits successoraux, une taxe
successorale aux entrepreneurs, aux propriétaires des compagnies
québécoises de notre province.
Imaginez-vous, Mme la Présidente, une personne de la Beauce, du
Saguenay, de Montréal qui commence à 30 ans à
développer une compagnie, qui travaille, qui fait exactement ce que le
ministre de l'Industrie et du Commerce, exactement ce que le ministre d'Etat au
développement économique veut qu'on fasse ici, soit
développer nos propres entreprises québécoises. Cette
personne se trouve, à la fin de sa carrière, le seul entrepreneur
canadien, le seul de toutes les provinces qui soit obligé de liquider
une partie de sa compagnie dans les brefs délais bien sûr,
des délais sont accordés pour trouver de l'argent à
payer au fisc.
Mme la Présidente, il y a trois raisons qui ont été
soulevées, au cours des années passées, pour justifier les
droits successoraux. Premièrement, c'est une source de revenu;
deuxièmement, le cas a été soulevé, il est
important d'avoir des droits successoraux pour harmoniser le droit de gain de
capital, les taxes de gain de capital; troisièmement, il a
été souvent allégué que celle-là
était d'ordre symbolique.
Le ministre a révélé, aujourd'hui, clairement que
ce n'est pas pour les fins de revenu parce qu'il est infime, très petit,
le total qu'on perçoit dans ce domaine. Il n'a même pas
essayé de nous expliquer que c'est nécessaire pour faire la
concordance avec les taxes de gain de capital. C'est clair que ce n'est pas le
cas. Il y a d'autres moyens de le faire. Il a dit clairement à la
population du Québec et à la population du Canada... Il faut
rappeler que la population du Québec et la population du Canada peuvent
circuler entre les deux, les Québécois sont libres de partir et
aller habiter en Ontario et le contraire. Il a dit clairement aujourd'hui,
à toute la population, qu'il a l'intention de garder les droits
successoraux au Québec pour des raisons purement symboliques. Il a dit:
Nous sommes un parti social-démocrate, nous sommes le seul ou presque le
seul, et si vous voulez rester au Québec, sous un gouvernement du Parti
québécois, il faut que vous acceptiez d'avoir un gouvernement
social-démocrate qui va percevoir des impôts, non pas parce que
c'est quelque chose d'intéressant en termes de fonds, mais pour des
raisons symboliques. On veut dire, à vous, les entrepreneurs
québécois, pour des raisons symboliques: Quand vous mourrez, vos
enfants, votre femme vont liquider une partie de votre compagnie pour payer au
gouvernement du Québec une somme qui équivaut à 20% ou
25%, qui réduit d'une façon infime dans cette nouvelle loi, sous
forme d'impôt, avec le résultat très souvent que la
compagnie sera obligée de vendre une partie ou la totalité aux
autres.
D'un seul coup, on encourage les entrepreneurs à agir ailleurs,
on encourage les vaches à chercher un autre pâturage, on encourage
les jeunes, les enfants des parents qui ont construit quelque chose à ne
pas s'intéresser à cette compagnie.
Je sais très bien que le ministre peut dire en réplique
que, oui on a assoupli la loi; oui, on donne des délais raisonnables;
oui, il y a des limites, des plafonds et des planchers. Cela existe, il y a des
exceptions, on n'a pas des droits successoraux à 100%, Dieu merci, mais
le fait que c'est la seule province au Canada, dans ce marché libre,
dans ce pays où nous avons le droit complètement libre de
déménager d'une partie à l'autre, nous sommes le seul
endroit à garder ces droits successoraux et seulement pour des fins
symboliques.
Le symbolisme coûte trop cher. Il faut devenir concurrentiel. Il
faut commencer à arrêter de défavoriser les entrepreneurs
québécois qui commencent depuis maintenant quinze ou vingt ans
à se lever et à faire des choses intéressantes dans
beaucoup de domaines et qui se trouvent à la fin de leur carrière
devant le mur du fisc québécois.
Pour ces raisons, vous pouvez imaginer que nous n'avons pas l'intention
de voter en faveur de ce projet de loi. Nous aurons des choses plus
spécifiques à dire durant l'étude article par article.
Merci beaucoup.
La Vice-Présidente: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. Le gouvernement du
Parti québécois nous avait déjà
présenté on s'en souvient un projet de loi issu
d'une déclaration ministérielle du ministre des Finances aux
environs du mois de décembre dernier. Ce projet de loi, qui porte le no
80, apporte, bien sûr, quelques modifications d'ordre technique, mais
aussi une exemption, comme l'a dit le ministre du Revenu tout à l'heure,
de $75 000 pour les père et mère des personnes qui
décèdent.
Je dois avouer qu'étant donné que le gouvernement tardait
à présenter ce projet de loi en deuxième lecture
j'espérais voir dans le discours du budget du représentant du
ministère des Finances l'abolition purement et simplement des droits
successoraux. De fait, il y a eu des mesures annoncées lors de ce
budget, sauf que ce ne furent pas celles que j'espérais; des changements
de chiffres et à peu près rien de plus. Nous retrouvons donc, par
l'entremise du projet de loi no 104, ces modifications annoncées lors du
discours...
M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la
Présidente.
M. Goulet: Je comprends ce que le ministre veut dire.
M. Clair: J'invoque le règlement, Mme la
Présidente...
La Vice-Présidente: M. le ministre du Revenu.
M. Clair: ... simplement pour dire que le député a
sûrement fait erreur; on étudie actuellement le projet de loi no
80.
M. Goulet: Le ministre conviendra avec moi que l'un n'ira pas
sans l'autre, mais j'en conviens. ... lors du discours du budget qui viennent,
en quelque sorte, compléter ce que le projet de loi no 80 nous
annonce.
Je ne cache pas ma déception devant des changements que je
qualifie de timides de la part du gouvernement. Il y a longtemps que
l'Opposition et surtout la classe de gens touchés par ces droits
successoraux réclament leur abolition purement et simplement. Il est
inutile de rappeler également au gouvernement que nous restons la seule
province au Canada à continuer d'imposer des droits successoraux. Je
suis d'avis que cette forme d'imposition est une certaine nuisance et fait un
certain tort à la province de Québec sur le plan
économique, et rapporte assez peu de choses dans son concret.
Cet acharnement de la part du gouvernement à continuer de
percevoir des droits de succession incite certaines personnes du Québec
à partir vers d'autres provinces, à quitter pour
l'étranger. Ce qui est désolant, c'est que ces gens font partie,
en majorité, du groupe de ceux qui sont les plus dynamiques pour l'essor
de notre économie, de notre société. Donc, c'est plus
qu'une perte démographique, mais une perte sur le plan de notre
prospérité.
Le ministre des Finances, lors du discours du budget, et le ministre du
Revenu, aujourd'hui, pourront rétorquer qu'on a changé
profondément la taxation et que maintenant on ne taxe pas la succession,
mais les bénéficiaires, ce qui, d'après lui, est beaucoup
plus aléatoire étant donné que le
bénéficiaire hésitera à quitter la province, ne
sachant pas qu'il est effectivement bénéficiaire. Vous me
permettrez de douter de la valeur de cet argument parce qu'il est loin
d'être établi qu'une telle mesure est un frein à l'exode de
groupes ou de certaines personnes.
J'admets cependant que tout bon gouvernement doit contribuer, dans toute
la mesure du possible, par son attitude et ses politiques, à une
répartition toujours plus équitable des richesses. L'image qui me
vient à l'esprit est le Robin des Bois des temps modernes qui enrichit
les pauvres en appauvrissant les riches. Un élément de cette
richesse qu'on veut répartir est les droits successoraux que seul le
gouvernement du Québec au Canada perçoit en ce moment. Mais
est-ce vraiment un élément essentiel à la
répartition de la richesse ou si on préfère que les
revenus que le gouvernement retire des droits successoraux constituent une part
primordiale de son revenu?
On sait également que la catégorie de citoyens
affectés par les droits successoraux est essentiellement
composée, comme le disait mon collègue de droite,
d'entrepreneurs, de gestionnaires, de rentiers et aussi, bien sûr, de
créateurs d'emplois. Or, cette catégorie de citoyens est
caractérisée par une très grande mobilité sociale.
Aujourd'hui, on sait qu'un déménagement n'effraie plus les
jeunes, ni les moins jeunes, surtout s'il est compensé par un avantage
matériel tangible. Je tiens, cependant, à apporter une
précision. Je n'affirme pas que parce que le gouvernement du
Québec reste le seul à percevoir des droits successoraux ces gens
vont quitter le Québec à tout prix; ce n'est pas ce que je veux
dire. Je fais seulement une évaluation du danger que comportent les
droits successoraux sur une certaine catégorie de gens
caractérisée par une mobilité mais aussi par un dynamisme
pour l'économie d'une région ou même d'une province. (17
heures)
Personne n'aime payer des impôts et chacun, on le sait, prend les
moyens mis à sa disposition pour alléger son fardeau fiscal. Je
dirais même, sans me tromper, que les gens à hauts revenus ont
plus tendance à vouloir payer moins d'impôts que les classes moins
fortunées; peut-être aussi que les possibilités de
réduire leurs charges fiscales sont plus à leur portée,
j'en conviens. Mais, dans les faits, même si le gouvernement, en
s'entêtant à vouloir maintenir les droits successoraux,
réussissait à accroître son revenu, les quelques malheureux
millions qu'il gagnerait lui coûteraient extrêmement cher. En
effet, les départs qui risquent de se produire peuvent compromettre,
dans une certaine mesure, la santé et le dynamisme de notre
économie.
Comme je le disais auparavant, la catégorie de gens
frappés par les droits successoraux est constituée
d'entrepreneurs, de gestionnaires qui sont d'importants créateurs
d'emplois et, dans le même ordre d'idées, sont parmi les plus
mobiles. Alors, je vous pose tout simplement la question: Est-ce que le
gouvernement peut prendre ce risque? Est-ce qu'on doit se demander
également si cette imposition ne pénalise pas, au fond je
pense que c'est l'essentiel le mérite, le travail et même
l'initiative personnelle et également l'épargne. C'est vrai qu'un
bon gouvernement se doit de voir à une répartition juste des
richesses, mais il faut que les mesures qu'il prend soient assez souples pour
ne pas provoquer un exode des gens fortunés. Par le fait même, ce
seront les moins nantis qui devront payer la note.
En terminant, je qualifie ces changements de très très
timides; ils sont loin de fournir tout ce que l'on espérait mais, quand
même, étant donné que ce sont des petits changements qui
vont dans le sens que nous aurions aimé qu'ils aillent mais de
façon plus grande, nous souscrirons à ce projet de loi en
deuxième lecture.
La Vice-Présidente: M. le député de
Pointe-Claire.
M. William Shaw
M. Shaw: Mme la Présidente. Il would like to take a few
minutes to express some of my concerns about bill 80, which, in a sense is
improving some of the characteristics of the succession duties which
this government has chosen to retain.
Succession duties which previous governments had agreed, with the
governments of the other provinces of Canada, should be progressively
eliminated in return for the application of a capital gains tax a number of
years ago. An accord that was worked in fairness to the double form of taxation
that is represented by succession duties and or capital gains. Perhaps this is
even more evident, Madam President, in this period of stagflation, where the
equity represented by real estate and other holdings has so dramatically
increased over the past decade, where succession duties, at 25% on some
holdings now, represent the total capital investment at the original period of
time and has nothing to do with the debt generation and the taxes that were
paid on the acquiring of this equity over the period that this money has been
acquired.
But this government chooses to continue this form of double taxation. In
other words, Madam President, in acquiring this equity, the tax payer . has
already paid his taxes; he has paid his corporate taxes and his personal income
tax. He has generated and accumulated an amount of money. The only part of his
equity that he can suggest is free of taxation are exchanges made in the sale
of his own private home. Every other area of income has been, at one time or
another, subjected or can be, in the future, subjected to taxation.
For this reason, the governments of the provinces accepted that the
concept of this very unfortunate kind of tax were so counterproductive that
they should be eliminated from the national, the Canadian tax scene. It was
interesting that the Minister of Revenue suggested that social democratic
parties thought that the retention of succession duties was part of a platform
of socialism because it truly identifies this kind of direction of this
government but it does not, in fact, coincide with the truth as my honourable
colleague from Notre-Dame-de-Grâce has noted, that the other socialist
government in Canada, the New Democratic Party in the province of Saskatchewan
eliminated its succession duties because it knows of the disadvantages of
retaining succession duties in a country where the other provinces no longer
hold these taxes.
I can recall just a few years ago, Madam President, when the only
province in Canada that did not have succession duties was the province of
Alberta and the phenomena that were developing at that time for people who had
capitalized their equity and decided to transfer these funds to the province of
Alberta in order to avoid taxation. And just one item, Madam President, in this
single area of taking cash in bank and other holdings which generate income,
which is subject to taxation, having moved it from the province of
Québec or another province to the province of Alberta has reduced that
form of income from the government's potential tax basis.
But this government does not seem to understand. It knows how to spend.
There is no question about it with an increasing spending since this government
has come to power of 70% and yet, at the same time, we have had a basic
increase in revenues of only 34%, and most of this due to the fact that we have
only increased taxes and inflation. We are still the heaviest taxed province in
this country and one which is accumulating a very dangerous level of deficit
position.
Madam President, if there was something positive about succession
duties, if there was a general policy across this country of succession duties,
then the government's attitude of retaining these taxes would make some sense.
But, Madam President, when you have the only province in Canada that retains
this tax and when the people of this province have every opportunity to
capitalize their investment and move their capital from this province prior to
an anticipated passing, we are losing primary income generators on which the
taxes that would be generated would far greatly exceed those that would be
garnered by retaining succession duty in this province. But, for some reason,
perhaps in the background, in the training of the Minister of Finance and the
Minister of Revenue, the succession duty seems to be a hallowed area, an area
that they must retain, an opportunity to hit again the achiever and yet, this
very attitude is the attitude that is giving this government an image, not only
in Canada, but internationally of one that acts unfairly in order to accumulate
its taxes and collect its taxes. One example, Madam President, given to me
today of this government giving the right to the Montreal urban community to
collect taxes from the West Island communities for the purposes of providing
transportation to our community. They give the right to tax and they give no
guarantee of service. Very fine. This attitude that an arbitrary right to tax
is one thing, but the right to service, the right to protection of the rights
of the citizens we set aside. (17 h 10)
We had an example today, Madam President a few days ago of
a complete ignoring of our constitution when the Minister of Education decided
to just by-pass our section 93 and take away the rights guaranteed in the
constitution to commissioners of schoolboards. This, Madam President, is the
style of this government. C'est un style qui, franchement, va fonctionner
à rencontre des besoins des Québécois. Je trouve
incroyable qu'un homme à la formation de celle du ministre des Finances
ne comprenne pas tous les effets non productifs du fait que nous gardions les
impôts successoraux pour les citoyens du Québec, du fait que,
chaque fois que les épargnes sont déménagées dans
les autres provinces pour éviter les droits successoraux qui, en
même temps, sont enlevés au point de vue de taxes taxes
foncières, impôts et même les taxes de corporations... Ces
taxes sont enlevées parce que les gens sont aussi craintifs d'avoir
à payer des droits
successoraux lors d'un décès. Ils vont vendre leur
compagnie, convertir leur compagnie sous forme d'argent et le faire
déménager hors du Québec. C'est le résultat d'une
continuité d'une taxe successorale dans notre province. Nous avons
conclu une entente avec les autres provinces. Nous allons abandonner cette
forme de taxe pour les Québécois, mais ce gouvernement a
complètement contredit cette direction. Mme la Présidente, pour
les besoins des Québécois, pour garder et attirer dans notre
province des investisseurs qui sont la base de notre économie, il faut
que nous soyons en concurrence avec les autres provinces canadiennes en
abolissant les taxes successorales.
Madam President, I will terminate simply in saying that it is impossible
for me to support any law that purports to continue succession duties in this
province. Fundamentally, because I know that this is, first of all, a remaking
of a fundamental contract with other provinces to abolish such taxes and,
secondly, it acts counterproductively for Quebecers. Thank you.
Le Vice-Président: Merci. M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, effectivement, le
Québec a décidé de suivre, sur le plan des droits
successoraux, l'orientation prise par les Etats-Unis, plutôt que celle
qui a été prise par les autres provinces du Canada. Je tiens
à souligner cela parce que, en voulant singulariser le Québec par
rapport aux autres provinces canadiennes on ne le rappelle pas
suffisamment souvent aussi bien au niveau fédéral qu'au
niveau des Etats aux Etats-Unis, de tels droits existent. C'est un choix que
nous avons fait d'être plutôt voisins des Etats-Unis que voisins
des provinces canadiennes là-dessus.
On nous dit, d'autre part, que ces impôts successoraux rapportent
peu d'argent. Alors, on dit: Pourquoi voulez-vous être la seule province
au Canada à avoir des impôts successoraux et, de toute
façon, pourquoi voulez-vous avoir de tels droits puisqu'ils rapportent
peu d'argent? Il est très curieux qu'on ne renverse pas l'argument. On
ne dit pas: A part l'Alberta qui n'a aucune taxe de vente sur quoi que ce soit,
est-ce qu'il y a d'autres provinces qui ont aboli la taxe sur les meubles?
Pourtant, on pourrait nous dire: Cela coûte peu d'argent. Des droits
successoraux permettent de financer plus de la moitié de l'abolition de
la taxe sur les meubles qui a été décidée dans le
dernier discours du budget. A part l'Alberta, nous sommes la seule province
à faire cela.
Oui, il y a des choix sur le plan des politiques fiscales; on a
décidé qu'il était plus important, au Québec,
d'abolir des taxes de vente que tout le monde paie sur des biens
considérés de première nécessité que
d'abolir l'impôt successoral. C'est effectivement un choix, nous en
sommes assez fiers, M. le Président.
On nous dit aussi: Des impôts successoraux comme ceux-là
vont inciter les propriétaires de grosses fortunes à se
déplacer, à aller ailleurs. C'est qu'on n'a pas lu la loi, M. le
Président. Il faudrait que les bénéficiaires, eux,
prennent le risque d'aller ailleurs jusqu'à ce que celui qui leur
transmet la succession décède, avec tous les risques humains que
cela comporte, M. le Président. En fait, il faut bien comprendre que ce
que nous taxons, c'est le bénéficiaire, ce n'est pas
l'héritage.
On nous dit aussi: Ces droits successoraux représentent une
double taxation. Non, ça n'est pas exact, ce n'est pas une double
taxation. Au Canada, le gain de capital est taxé à la
moitié des taux des autres revenus. Donc, d'avoir un impôt sur le
gain de capital plus faible que l'impôt sur le revenu et d'ajouter
à cela des droits successoraux est parfaitement compatible avec
l'idée d'aborder l'augmentation de capital comme étant une
matière taxable. Il n'y a pas là de double taxation, il y a
complémentarité.
Enfin, on nous dit: De tels impôts minent le développement
normal des petites et des moyennes entreprises. Là, M. le
Président, on ne m'en voudra pas de revenir aux chiffres, il arrive
à certains moments que les chiffres soient utiles et permettent
d'éviter des abstractions qui, à certains moments, frisent la
démagogie.
Prenons, par exemple, en vertu de la nouvelle loi telle que
présentée aujourd'hui par le ministre du Revenu, le cas d'un
père qui laisse à son fils unique une exploitation agricole ou
une entreprise dont la valeur nette est de $500 000; on conviendra que c'est
assez coquet. Ce fils unique aurait à payer, sur ces $500 000, $23 450
d'impôt sur les successions et aurait sept ans pour les payer. Il est
évident que s'il ne s'agit pas d'un fils unique, mais si le père
a plusieurs enfants, là, cet impôt s'efface.
Qu'on vienne nous dire, dans ces conditions, qu'on met en péril
la survie des petites et des moyennes entreprises, ça n'est simplement
pas exact quand on regarde les chiffres.
Je terminerai en disant simplement ceci, en réaction à une
affirmation du député de Pointe-Claire. Le député
de Pointe-Claire disait: Le fardeau fiscal des Québécois est le
plus élevé au Canada et c'est par toute une série de
mesures, comme ces impôts successoraux, qu'on est arrivé à
ces résultats. Je voudrais simplement souligner une chose. Lorsque nous
sommes arrivés au pouvoir, le fardeau fiscal moyen du
Québécois était 20% au-dessus du fardeau fiscal moyen de
l'Ontarien. Au point où nous en sommes en 1980, le fardeau fiscal du
Québécois est toujours plus élevé que celui de
l'Ontarien, mais il n'est pas plus élevé que de 10%. Depuis que
nous sommes au pouvoir, nous avons réduit l'écart de
moitié ce qui, on en conviendra, n'est pas un résultat
négligeable, au contraire, et nous avons bien l'intention de continuer
dans cette voie. Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire
sur ce projet de loi.
M. Shaw: Est-ce que je pourrais poser une dernière courte
question au ministre des Finances, s'il vous plaît?
Le Vice-Président: Avec le consentement unanime, puisque
vous avez écoulé vos 20 minutes.
M. Shaw: Sur l'exemple du cultivateur héritant d'une ferme
de $500 000, vous avez dit que le cultivateur doit payer un montant et a sept
ans pour le payer. Comment trouve-t-il ce montant? Doit-il vendre sa ferme pour
ce faire?
M. Parizeau: M. le Président, d'abord, ce n'est pas le
cultivateur qui doit payer les $23 000, c'est son fils; il paie $23 000...
Une Voix: ...
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que j'ai une
question, des interventions et des interruptions ou une question seulement? (17
h 20)
Donc, le fils d'un cultivateur ou d'un propriétaire de petite
entreprise reçoit en héritage une valeur nette d'un demi-million.
Il a $23 000 à payer et sept ans pour payer, c'est-à-dire, s'il
le veut, à peu près $3000 par an. Il est évident que
n'importe qui qui est capable d'administrer un capital de cette ampleur qu'il
reçoit en héritage ne doit pas normalement trouver cela une
charge trop lourde.
Le Vice-Président: M. le ministre du Revenu. M. Michel
Clair
M. Clair: M. le Président, au début de son
intervention, mon collègue le député de
Notre-Dame-de-Grâce nous a accusés de camouflage. Sans vouloir
aller bien loin à la suite de cette accusation, j'aimerais simplement
lui rappeler que son collègue, le député
démissionnaire d'Outremont, proposait, justement au moment de
l'étude du discours sur le budget, plutôt de hausser les
impôts, d'augmenter les impôts. Je ne sais quel était le
choix personnel du député de Notre-Dame-de-Grâce.
Visiblement, j'apprends aujourd'hui que ce n'était pas par le biais des
droits successoraux, mais plutôt par le biais d'autres impôts,
j'imagine. Toujours à propos de ces accusations de camouflage, pendant
la campagne référendaire que nous avons vécue, nous avons
entendu le chef de l'Opposition proposer tout de blanc, tout d'un coup, de
façon inattendue, l'abolition du ministère du Revenu du
Québec. Si on suivait le député de
Notre-Dame-de-Grâce...
M. Scowen: M. le Président...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît.
M. Scowen: Le ministre lui-même m'a rappelé il y a
seulement une heure à la pertinence du débat. Je pense que j'ai
le droit de lui demander de suivre ses propres suggestions.
Le Vice-Président: M. le ministre.
M. Clair: M. le Président, ce que j'étais en train
de dire, c'est justement qu'effectivement si le Québec est en mesure
aujourd'hui de faire un choix et de maintenir les droits sur les successions et
d'avoir par là des entrées d'argent à un coût
minime, c'est justement parce qu'on a un ministère du Revenu au
Québec et la raison majeure pour laquelle les autres provinces ont
renoncé à des droits successoraux, c'est que la rentrée
d'argent était peu élevée par rapport au coût
élevé de perception dans les autres provinces. Si on suivait la
logique du député de Notre-Dame-de-Grâce et de son chef, il
y aurait effectivement 5500 fonctionnaires au ministère du Revenu du
Québec qui perdraient leur emploi et, en plus de cela, on serait
incapable de maintenir des droits sur les successions, ce qui est une
façon, à notre avis, beaucoup plus juste, beaucoup plus
équitable de financer les dépenses de l'Etat que d'augmenter les
impôts particuliers ou de refuser d'abolir des taxes de vente comme on
l'a fait au cours de ce présent budget. Mme la Présidente,
d'autre part, le député de Notre-Dame-de-Grâce et mon
collègue le député de Bellechasse ont affirmé en
quelque sorte qu'on faisait un très mauvais sort aux entreprises au
Québec. J'aimerais lui rappeler que si les droits successoraux
étaient un champ de taxation, il y a d'autres champs de taxation au
Québec qui sont utilisés et où le gouvernement du
Québec a également adopté une attitude
différente.
J'aimerais rappeler, pour le bénéfice des
députés de Notre-Dame-de-Grâce et de Bellechasse, par
exemple, que le régime d'épargne-actions, qui est très
populaire au Québec, n'existe qu'au Québec. J'aimerais lui
rappeler également qu'en ce qui concerne les petites entreprises, dont
l'impôt sur les droits, les profits des sociétés est
actuellement ce qui concerne les petites entreprises de 12%, celles qui peuvent
se prévaloir de la Loi sur les stimulants fiscaux appliquée par
le ministère du Revenu également peuvent réduire ainsi de
moitié, de 50%, leur impôt payable lorsqu'elles font des
investissements. C'est également au Québec seulement que cela se
passe, ce qui fait, en pratique, que cela donne un taux d'imposition
réelle dans ce cas de 6% et non pas de 12%. En ce qui concerne la grande
entreprise au Québec, elle ne paiera donc que 23% depuis le discours sur
le budget. J'aimerais rappeler à mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce qu'en Ontario, selon le type d'entreprise, il est de
13% ou de 14%. Au Manitoba et en Colombie-Britannique, il est de 15%. En
Saskatchewan et à Terre-Neuve, il est de 14%. A propos de la
Saskatchewan, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce faisait dire au
premier ministre Blakeney de la Saskatchewan qu'il était peut-être
socialiste, mais qu'il n'était pas stupide.
Par rapport à cette affirmation, je répliquerai au
député de l'Opposition que nous ne sommes ni socialistes, ni
stupides, mais que nous avons une approche rationnelle en matière
fiscale et en
matière de stimulation des entreprises. D'autre part, le ministre
des Finances a justement donné l'exemple d'une entreprise familiale, par
exemple une ferme qui est transférée à un fils sur un
héritage d'un demi-million.
Le ministre des Finances a expliqué que le fils héritier
n'aurait que $23 450 de droits à payer et qu'il aurait sept ans pour le
faire. Je pense qu'il y a toute une distance entre les affirmations du
député de Notre-Dame-de-Grâce et du député de
Bellechasse et la réalité. Je ne pense pas que ce soit en
répandant des rumeurs, en brassant des épouvantails quant aux
entreprises, quant à l'impôt sur les successions, quant aux droits
sur les successions qu'on va favoriser l'avancement du Québec. C'est, je
pense, irresponsable que de tenter de faire croire, comme l'ont fait mes deux
collègues, qu'il y a là quelque chose qui nuirait
considérablement au développement économique du
Québec et qui ferait en sorte que des gens s'en iraient du Québec
pour ces raisons.
D'autre part, le député de Bellechasse a dit, si je l'ai
bien compris, que les petites gens étaient peut-être moins
intéressées à diminuer leurs impôts. Je ne comprends
pas quelle serait la logique derrière cette affirmation. En tout cas, ce
n'est pas celle que nous avons. Nous, nous pensons que les petits contribuables
ont droit tout autant que les grandes entreprises, ceux qui ont des revenus
imposants, à des réductions d'impôt, et c'est la
philosophie de base qui animait le ministre des Finances au moment du discours
sur le budget en exemptant de la taxe de vente des biens d'une première
nécessité et en maintenant plutôt l'impôt sur les
successions, les droits successoraux comme on les appelle plus
précisément, plutôt que de les abolir et de maintenir la
taxe de vente sur des biens de première nécessité.
Enfin, le député de Bellechasse s'est également
demandé: Est-ce que le gouvernement ne pénalise pas là le
mérite et l'initiative personnels? Il n'y a pas loin de cette question
à l'affirmation que certains ont faite, il y a quelques semaines, en
disant que le gouvernement devrait renoncer à utiliser les politiques
fiscales pour redistribuer la richesse dans un Etat. Je pense que ce n'est pas
notre approche; on pense qu'effectivement, on peut se servir des politiques
fiscales pour redistribuer la richesse, pour permettre aussi aux petites gens
de pouvoir bénéficier de la richesse collée tive du
Québec. Je pense que ce n'est pas la voie que nous proposait le
député de Bellechasse que nous suivrons dans les prochaines
années.
Je vous remercie, M. le Président. Ce sont là les
commentaires que je voulais faire.
M. Goulet: En vertu de l'article 96. En vertu de l'article 96, M.
le Président, je pense que le ministre du Revenu... Je voudrais
rétablir certains faits à la suite des propos qu'il vient de
tenir.
Le Vice-Président: Très brièvement.
M. Goulet: Oui.
Ce que j'avais dit, je le cite au texte, parce que, justement, j'avais
un texte: Je tiens cependant à apporter une précision suivant
laquelle je n'affirme pas que, parce que le gouvernement du Québec reste
le seul à percevoir des droits successoraux, ces gens vont quitter le
Québec. J'avais bien pris la peine de le préciser, ce ne sont pas
des épouvantails à moineaux; j'avais ajouté ceci: Je fais
seulement une évaluation du danger que comportent les droits
successoraux sur une certaine catégorie de gens
caractérisée par une mobilité. Alors, c'est loin de
l'interprétation que vient d'en faire le député. C'est
pour cela que, justement, je vais voter pour ce projet de loi. Que
demandez-vous de plus?
Le Vice-Président: Je vous remercie.
Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi no 80, Loi
modifiant la Loi sur les droits successoraux et modifiant de nouveau la Loi sur
les impôts, sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Scowen: Sur division.
Le Vice-Président: Adopté sur division.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission permanente du
revenu
M. Bertrand: Alors, M. le Président, je fais maintenant
motion pour que ce projet de loi soit déféré à la
commission parlementaire permanente du ministère du revenu.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
M. Bertrand: Article 17, M. le Président.
Projet de loi no 104 Deuxième lecture
Le Vice-Président: J'appelle donc la motion de
deuxième lecture du projet de loi no 104, Loi modifiant de nouveau la
Loi sur les droits successoraux.
M. le ministre du Revenu
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, nous venons d'étudier en
deuxième lecture le projet de loi no 80. Or, avec le projet de loi no
104, c'est encore de successions que nous allons parler.
Ce projet de loi, qui ne contient que quelques articles, veut rendre la
Loi des droits successoraux conforme aux annonces faites lors du dernier
discours sur le budget du ministre des Finances d'alléger certains
éléments de cet impôt.
En effet, le projet de loi no 80 déposé en première
lecture avant Noël ne pouvait contenir les dispositions ou les
modifications qu'allait proposer le discours sur le budget du mois de mars
1980.
Nous nous retrouvons donc aujourd'hui avec l'étude de deux
projets de loi qui, dans le temps, n'ont pu être fondus en un seul. Les
modifications proposées ont trait pour la plupart à
l'augmentation des exemptions de base applicables aux héritiers d'une
succession ouverte après le 25 mars 1980. C'est ainsi que, pour les
héritiers en ligne directe, père, mère, enfants,
l'exemption personnelle qui était de $75 000 depuis le 19 avril 1978 est
portée à $85 000 à partir du 25 mars 1980.
Lorsqu'il s'agit d'héritiers en ligne collatérale,
frères, soeurs, cousins ou de tiers, cette exemption est triplée.
Elle était, depuis la réforme, de $5000; elle est aujourd'hui de
$15 000 avec le projet de loi no 104. (17 h 30)
Enfin, la loi prévoit actuellement que, dans le cas de
transmission aux enfants de biens agricoles ou d'actions de corporations
privées, habituellement familiales, les droits exigibles sont
réduits de moitié et un délai de sept ans est
accordé pour payer. A cela s'ajoute, depuis le 25 mars 1980, une
exemption de $200 000. Ainsi, la valeur de ces biens transmis pourrait
être réduite jusqu'à concurrence de $200 000; cela devrait
peut-être convaincre enfin ceux qui croient que le gouvernement rend
difficile la transmission de la petite entreprise familiale des parents
à leurs enfants.
Je rappelle à nouveau l'exemple: Un père qui laisse
à son fils ou à sa fille unique une ferme ou un commerce d'une
valeur de $500 000, sur cet héritage de $500 000, l'enfant en question
n'aura à payer que $23 450 de droits et il aura sept ans pour les payer.
Il n'y a rien là de bien effrayant, à mon avis.
Les autres modifications que propose ce projet de loi sont d'ordre
technique et ont pour seul objet de clarifier la loi. Encore une fois, quant
à ce projet de loi no 104, j'aurai l'occasion, lors de l'étude en
commission parlementaire, de proposer des amendements mineurs. Il me fera
plaisir de les mettre à la disposition de mes collègues le plus
rapidement possible.
Le Vice-Président: Merci.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, M. le Président. Il s'agit, en effet,
d'une deuxième tranche du même projet de loi. Je vais profiter de
l'occasion pour faire quelques commentaires sur l'ensemble. Comme vous le
savez, M. le Président, aujourd'hui, c'est deux contre un dans ce
débat. Le ministre des Finances et le ministre du Revenu sont
présents de l'autre côté, alors que nous sommes
temporairement dépourvus de notre expert dans le domaine des Finances.
Je vais donc essayer d'agir seul contre ces deux géants, de l'autre
côté, au meilleur de ma compétence.
Le premier point que je veux souligner touche les détails de ce
projet de loi. Je pense que tout le monde doit être conscient que la
mesure visant à augmenter l'exemption personnelle de $75 000 à
$85 000 est simplement une indexation d'à peu près 7% par
année; ce n'est pas impressionnant, c'est quelque chose qui devait
arriver de toute façon. La valeur de l'argent canadien a diminué
plus que cela depuis deux ans. Ce n'est pas du tout sensationnel.
En ce qui concerne la nouvelle exemption de $200 000, je trouve que
c'est une mesure franchement assez positive. J'ai été
porté à me poser la question quand le ministre, dans son premier
discours sur le projet de loi no 80, parlait d'une question symbolique et de la
vraie nature de son gouvernement social-démocrate, de la
nécessité, à cause de son éthique, de garder un
droit successoral. Maintenant, il essaie de diluer, de diminuer, il a
terminé en disant: Regardez, mesdames et messieurs, ce n'est rien
d'effrayant! C'est difficile de comprendre où ils sont, si ces gens
veulent vraiment tenir à leurs propres principes ou s'ils veulent faire
penser aux gens, qui sont de vrais sociaux-démocrates, qu'ils sont de
leur côté et aux capitalistes qu'ils sont de leur
côté aussi.
Je pense qu'il me sera permis de rappeler brièvement le
débat sur la souveraineté-association, alors que ces gens
essaient de dire que, d'un côté, ils étaient pour la
souveraineté-association, et que de l'autre côté, ils
disaient qu'ils étaient simplement pour aller négocier la
Confédération. Comme mon collègue de Portneuf l'a dit,
c'était beau, cet après-midi, de voir le premier ministre essayer
de devenir un nouveau père de la Confédération.
Je pense que l'essentiel est que, comme dans le projet de loi sur la
souveraineté-association, c'est un projet de loi symbolique qui veut
garder le symbolisme qui veut que la propriété ne puisse passer
d'une génération à l'autre sans être taxée
par l'Etat.
Je pense comprendre l'idée de fond. En effet, M. X. a
travaillé toute sa vie, il a gagné beaucoup d'argent. Il a le
droit de le dépenser, mais pourquoi le donner à son petit-fils
Robert qui n'a rien fait de sa vie? Alors, comme vous pensez dans des termes
assez théoriques, c'est beau, l'idée est bonne.
Mais, M. le Président, malheureusement, ce n'est pas comme cela
dans la vie. Ce qui arrive beaucoup plus souvent dans la réalité,
c'est que le monsieur qui a travaillé pendant 30 ans a essayé de
développer une compagnie dans une ville ou un village du Québec.
Il a probablement une cinquantaine ou une centaine d'employés qui
travaillent, avec des familles qui sont soutenues par ces salaires. C'est un
ensemble. Au moment du décès
du père, qui est le patron, les fils sont obligés de
trouver du comptant, du "cash", pour payer les droits successoraux. C'est
très souvent le cas et je l'ai vécu moi-même
que dans les petites et moyennes entreprises on n'a pas beaucoup de
liquidité. On est obligé de trouver un autre actionnaire, souvent
quelqu'un avec qui vous préférez ne pas faire des affaires, ou
d'aller à la banque chercher une hypothèque non pas pour investir
davantage dans la compagnie, non pas pour la rendre plus rentable, plus
productive, mais simplement pour permettre de sortir du capital de la compagnie
pour payer le gouvernement des sommes qui même le ministre l'a dit
aujourd'hui sont dérisoires tenant compte de l'enveloppe
budgétaire du gouvernement.
Mais, pour la compagnie, c'est quelque chose. C'est un affaiblissement
de la force économique de cette compagnie, c'est une fuite de capitaux
de la compagnie qui pourraient être utilisés autrement, à
des fins productives, pour des investissements, pour l'agrandissement. Le jeune
Robert qui est le bénéficiaire, qui est obligé de chercher
cet argent, ne bénéficie pas. Il est obligé, parce qu'il a
décidé de rester au Québec, de travailler dans
l'entreprise familiale; il est obligé d'affaiblir la compagnie, de
mettre en jeu les emplois, il n'est pas en position d'ajouter de nouveaux
emplois. C'est la réalité, M. le Président.
Quand on parle de la sociale-démocratie, c'est ce qu'on critique,
comme le disait M. Blakeney par ce bel exemple que si vous voulez vraiment
faire la traite d'une vache, il faut que vous ameniez cette vache dans votre
propre pâturage. Si vous voulez avoir une compagnie dans la province de
Québec, que vous pouvez imposer, qui peut créer des emplois qui
pourraient être imposés aussi, si vous voulez avoir cette richesse
que vous pouvez utiliser pour aider à supporter les plus démunis,
il faut avoir cette vache dans votre propre pâturage. C'est ce que les
gens de l'autre côté ne comprennent pas. Il faut que j'admette
que, de temps en temps, je suis porté à espérer qu'ils
gardent cette attitude d'hostilité envers l'entreprise privée,
cette attitude d'hostilité envers le secteur privé, le
système du marché, parce que cela va rendre très difficile
leur rentrée de l'autre côté de cette Assemblée
nationale après une prochaine élection générale.
J'espère qu'ils ne vont pas mettre trop d'eau dans leur vin pour ce qui
concerne cette politique et d'autres semblables et ils en ont plusieurs
avant de se présenter devant le public.
En terminant, je veux soulever seulement deux ou trois points qui ont
été ajoutés au débat il y a quelques minutes par le
ministre des Finances, lors du débat sur le projet de loi no 80. Il a
dit, et je demande à la population de décider jusqu'à quel
point elle trouve que cet argument est bon: Nous avons décidé,
ici, au Québec, dans notre politique de droits successoraux, de ne pas
suivre les politiques des autres provinces du Canada mais de suivre la
politique des Etats-Unis. Trouvez-vous que c'est un bon argument? Pensez-vous
que le Québec, à l'intérieur d'une
fédération de dix pro- vinces, doit copier les politiques
fiscales des Etats d'un autre pays? Est-ce que vous pensez que cela a du sens?
(17 h 40)
Dans quelques minutes, vous serez en face d'un projet de loi d'à
peu près 100 pages, un autre projet de loi du ministre du Revenu qui est
en effet un effort pour faire la concordance entre les lois fiscales
québécoises et celles du Canada. Tout le monde sait très
bien que si vous êtes à l'intérieur d'une
fédération canadienne, le gros bon sens exige que vous essayiez
d'harmoniser vos lois fiscales, non seulement avec le Texas, non seulement avec
l'Illinois, non seulement avec la Californie, mais avec les provinces voisines,
qui ont parfaitement le droit d'accueillir vos citoyens et de vous envoyer les
leurs. Je pense que c'est primordial.
Il y a un autre et dernier point que le ministre des Finances a
soulevé. Je ne l'admets pas à 100% dans le cadre du projet de loi
no 80, mais parce que le ministre des Finances a parlé de cela, je vais
le soulever aussi. Il disait que le gouvernement du Québec, depuis deux
ans, a réussi à réduire de 10% l'écart entre les
impôts payés par les contribuables québécois et les
contribuables de l'Ontario. Je suis d'accord, mais il faut que tout le monde
sache comment c'est fait. Cela a été fait, M. le
Président, non pas en diminuant les dépenses, non pas en
augmentant l'investissement ici au Québec pour nous permettre d'avoir
plus d'impôts de sources diverses, cela a été fait en
augmentant le déficit du gouvernement du Québec. En effet, il a
diminué votre impôt légèrement tout simplement en
mettant un fardeau plus lourd sur vos enfants.
En terminant, M. le Président, je veux simplement vous rappeler
de nouveau à vous et aux autres qui sont ici que le gouvernement va
encourir cette année un déficit d'à peu près $2000
par famille, de loin le plus grand qu'on ait jamais vu au Québec. Ce
n'est pas difficile de réduire les taxes si vous voulez simplement
augmenter le déficit. N'importe qui peut le faire, mais pas sur une base
permanente. Merci beaucoup.
Le Vice-Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Oui, M. le Président, très rapidement.
Vous avez compris tout à l'heure que les propos que j'ai tenus sur le
projet de loi no 80 s'adressaient également au projet de loi no 104. Je
pense que je n'ai pas été le seul. Je pensais qu'on
étudierait ces deux projets de loi en même temps et je pense
même que le ministre des Finances, lors de sa réplique, a
donné la réplique sur les deux projets de loi. Les propos que
j'ai tenus étaient inhérents au projet de loi 104. Quant à
nous de l'Union Nationale, votre vote sera le même que pour le projet de
loi no 80, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, dans certains des propos que
tenait tout à l'heure le député de
Notre-Dame-de-Grâce, il y a un certain nombre de choses, je pense, qu'on
ne peut pas laisser passer parce qu'il s'agit de questions d'orientation
générale de la politique gouvernementale et il est quand
même important qu'on rectifie les interprétations qu'il en a
données.
Il a parlé de l'hostilité du présent gouvernement
à l'égard de l'entreprise privée. Je pense, M. le
Président, que c'est faux. Ce n'est pas exact et je dirais même
que ce n'est même pas dans l'intérêt public de soulever une
question comme celle-là dans les termes qu'il a utilisés.
Si je comprends le sens de son argumentation, ce qu'il tenait à
dire essentiellement, c'était ceci: Lorsque le propriétaire d'une
petite entreprise lègue son entreprise à son fils, le fils,
manquant de liquidités pour payer les droits successoraux, sera
obligé de se départir d'une partie des actions de l'entreprise.
Je pense avoir démontré, dans mon intervention
précédente à l'occasion du projet de loi no 80, à
quel point, pour des entreprises dont la valeur nette est de l'ordre de $500
000 ce qui, encore une fois, n'est pas négligeable; on parle de
la valeur nette les impôts successoraux à payer sont
très faibles et peuvent être étalés pendant sept
ans. Ce n'est tellement pas dans notre intérêt de chercher
à gêner le développement de la petite et de la moyenne
entreprise que justement à l'occasion du projet de loi no 104, on fait
intervenir une exemption spéciale nouvelle de $200 000 dans les cas de
petites entreprises.
J'irai plus loin que cela. Nous sommes très conscients, comme
gouvernement, bien plus conscients que les gouvernements antérieurs
l'ont été, du manque de liquidités, du manque
d'équités, du manque de capital-actions qu'il y a dans un bon
nombre de petites et de moyennes entreprises du Québec. C'est vrai que
depuis des années au Québec on déplore que la plupart des
petites et des moyennes entreprises ont trop de dettes, pas assez
d'équités, doivent énormément d'argent à la
fois aux banques, à des créanciers privés et à
d'autres entreprises, et qu'en période de très haut taux
d'intérêt comme ce que nous avons connu récemment, cela
représente pour ces entreprises non seulement un fardeau
écrasant, mais un très grand risque pour leur survie.
C'est la raison pour laquelle le présent gouvernement est le
premier gouvernement au Québec à avoir introduit un programme
d'épargne-actions sur lequel les commentaires partout ailleurs au Canada
sont extraordinairement favorables, que le gouvernement fédéral
de M. Clark avait commencé à imiter timidement jusqu'à ce
que les électeurs le renvoient dans l'Opposition, qui n'existe nulle
part ailleurs au Canada, qui a été fait ici et qui permet aussi
bien à des entreprises d'une certaine taille, bien sûr, mais de
plus en plus fréquemment à l'heure actuelle à des petites
et à de moyennes entreprises de trouver enfin les liqui- dités
dont elles ont besoin comme entreprises. Encore une fois, cette mesure
d'épargne-actions a été saluée non seulement ici au
Québec, mais un peu partout au Canada comme étant une trouvaille
assez remarquable pour faire en sorte que justement la petite et la moyenne
entreprise trouve enfin le capital-actions qui lui a toujours manqué.
Dans ce sens, qu'on vienne parler de l'attitude du présent gouvernement
comme en étant une d'hostilité à l'égard de
l'entreprise privée, vous comprendrez, M. le Président, que je ne
peux pas accepter cela. Cela n'est simplement pas vrai.
Je terminerai simplement sur un mot quant à la diminution des
impôts. Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait: Le
présent gouvernement a réduit les impôts. C'est vrai, je
suis heureux de le lui entendre dire. D'autre part, il a dit
"légèrement". Après avoir réduit de moitié
l'écart entre le fardeau fiscal ontarien et le fardeau fiscal
québécois que ces gens d'en face nous ont laissé ce
sont eux qui nous ont laissé un fardeau fiscal québécois
20% plus élevé qu'en Ontario qu'on vienne nous dire:
Passer de 20% à 10%, c'est-à-dire couper l'écart de la
moitié, c'est une légère diminution, dans l'esprit du
député de Notre-Dame-de-Grâce, je me demande ce que serait
une grosse diminution!
Les gens d'en face ont pris six ans pour monter le fardeau fiscal des
Québécois au plus haut niveau au Canada; ils nous ont
laissé un Québec et ça leur a pris six ans pour
faire ça, parce que ça ne se fait pas du jour au lendemain
avec le plus haut fardeau de toutes les provinces canadiennes. On réduit
l'écart avec l'Ontario de moitié, ils disent: Oui, une
légère diminution. Enfin, on sourit, M. le Président, on
sourit et on se rassoit. Merci.
Le Vice-Président: M. le ministre du Revenu. M. Michel
Clair
M. Clair: M. le Président, je commencerai ma
réplique en enchaînant sur ce qu'a dit mon collègue, le
ministre des Finances, puisque le député de
Notre-Dame-de-Grâce dit: Oui, diminution légère, mais
augmentation fantastique des déficits. Voyons, M. le Président,
un bon critère pour savoir si c'est vrai qu'on a diminué les
impôts en endettant le Québec. Je cite un extrait du discours sur
le budget de mon collègue, le ministre des Finances; le
député de Notre-Dame-de-Grâce pourra le lire, c'est
à la page 13. "En 1975, les emprunts totaux du secteur public
québécois représentaient 9% de la production nationale
c'est l'année avant les Olympiques. L'année suivante,
celle des Jeux olympiques et des feux d'artifice, on atteint presque 12%; en
1977, première année complète du présent
gouvernement, on est légèrement au-dessous de 8%! L'année
suivante on tombe encore un peu, soit à 7,5% et, en 1979, nous glissons
au-dessous de 7%." Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce
affirme que, si on a réduit les impôts, c'est en endettant le
Québec,
la preuve est faite que son affirmation est fausse, M. le
Président. (17 h 50)
D'autre part, M. le Président, le député de
Notre-Dame-de-Grâce semble confondre, en matière de politique
fiscale, l'harmonie et la servilité. Si on suivait à la lettre ce
que le député de Notre-Dame-de-Grâce propose et ce qui
semble être la politique officielle de son parti, pour attirer les vaches
dans le clos du Québec, on devrait toujours s'aligner uniquement en
fonction des décisions fiscales du gouvernement du Canada et des autres
provinces.
M. le Président, comme le soulignait mon collègue, le
ministre des Finances, tout à l'heure, le gouvernement de l'Alberta n'a
pas attendu les permissions du gouvernement fédéral pour abolir
la taxe de vente; il n'y a pas de taxe de vente en Alberta. Est-ce que pour
avoir une uniformité, une servilité à l'égard de
tout ce qui se passe au Canada, le gouvernement d'Alberta devrait, demain
matin, imposer une taxe de vente qui doit être en moyenne de 8% au
Canada?
M. le Président, le fait de maintenir des droits successoraux,
comme le gouvernement fédéral le fait, comme le gouvernement des
Etats-Unis le fait, dénote qu'on a une politique en matière
fiscale au Québec et cette politique n'est pas de la servilité
à l'égard des décisions du gouvernment d'Ottawa, mais
c'est de l'harmonie et une harmonie qu'on ne peut éviter dans le
régime actuel, puisqu'il serait totalement inopportun d'avoir deux
régimes fiscaux totalement différents. La meilleure preuve qu'on
continue à faire de l'harmonie au niveau des politiques fiscales c'est
que, dans l'étude d'un des prochains projets de loi, l'immense
majorité du contenu de ce projet de loi consistera à ajuster des
dispositions des lois fiscales québécoises à celles du
gouvernement d'Ottawa; ça, ça s'appelle de l'harmonisation de nos
dispositions en matière fiscale; ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce proposait ça s'appelait tout simplement de la
servilité. Il y a une différence entre de l'harmonie et de la
servilité; on est prêt à pratiquer l'harmonie, mais non pas
la servilité, M. le Président.
D'autre part, au début de ses commentaires, le
député de Notre-Dame-de-Grâce nous a dit que l'exemption de
$75 000 qui passe à $85 000, ce n'était que de l'indexation, mais
il oublie, cependant, celle qui concerne les collatéraux, frères,
soeurs, cousins qui, elle, passe de $5000 à $15 000. C'est
multiplié par trois, pour le bénéfice du
député de Notre-Dame-de-Grâce, et celle-là constitue
beaucoup plus que de l'indexation puisqu'elle est multipliée, comme je
viens de le dire, par trois. Je suis content, cependant, de voir que le
député de Notre-Dame-de-Grâce a accueilli d'une
manière beaucoup plus positive l'exemption de $200 000 en ce qui
concerne certaines entreprises. D'autre part, le député a
affirmé que souvent les droits successoraux mettaient dans le chemin,
à proprement parler, des entreprises parce que le ministère du
Revenu se précipiterait sur les entreprises qui n'auraient que quelques
heures pour régler la note. Mon collègue, le ministre des
Finances, l'a rappelé dans son exemple, cela peut durer jusqu'à
sept ans, M. le Président.
Enfin, je voudrais terminer sur une note d'humour: Le
député de Notre-Dame-de-Grâce, reprenant son exemple de la
vache, qui semble provenir du premier ministre de l'Alberta, disait: Pour
traire la vache, d'abord faut-il qu'elle soit dans son champ. Je dirai
simplement au député de Notre-Dame-de-Grâce qu'à
partir des autres intérêts qu'on peut avoir, un impôt sur
les sociétés moins élevé que dans la plupart des
autres provinces canadiennes, un régime d'épargne-actions, une
loi sur les stimulants fiscaux, cela constitue d'autres moyens pour attirer la
vache à lait dans son clos, et il n'y a pas, comme il semble le penser,
qu'un seul moyen d'attirer la vache à lait dans son pâturage, M.
le Président.
Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième
lecture du projet de loi no 104, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les droits
successoraux, sera adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Sur division. Le
Vice-Président: Adopté sur division.
Le Secrétaire-adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission permanente du
revenu
M. Bertrand: Je ferai maintenant motion, M. le Président,
pour que ce projet de loi soit déféré à la
commission parlementaire permanente du revenu.
Le Vice-Président: La motion sera-t-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
M. Bertrand: M. le Président, nous n'aurions pas
objection, à ce moment-ci, à ajourner nos travaux à demain
matin, 10 heures.
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement
unanime?
M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.
Le Vice-Président: De consentement, les travaux de
l'Assemblée sont ajournés à demain matin, 10 heures.
Fin de la séance à 17 h 55