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(Quinze heures quatre minutes)
M. Lavoie (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
L'honorable député de Laurier.
Rapport sur le projet de loi no 252
M. Marchand: Au nom de M. Sylvain, député de
Beauce-Nord, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission
élue permanente des transports, des travaux publics et de
l'approvisionnement qui a siégé le 5 décembre 1975 aux
fins d'étudier article par article le projet de loi no 252, Loi
modifiant le Code de la route, qu'elle a adopté avec des
amendements.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées. Présentation
de projets de loi au nom du gouvernement.
M. Levesque: Article m).
Projet de loi no 255 Première lecture
Le Président: L'honorable ministre des Affaires
municipales propose la première lecture de la Loi regroupant certaines
municipalités de la région de Québec.
L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. Goldbloom: Ce projet prévoit le regroupement en une
seule municipalité la ville de Beau-port de la cité
de Giffard, des villes de Beauport, Courville, Montmorency et Villeneuve, de la
municipalité de la paroisse de Saint-Michel-Archange et de la
municipalité de Sainte-Thérèse-de-Lisieux. Il
prévoit également le regroupement en une seule
municipalité la ville de Charlesbourg de la cité de
Charlesbourg, des villes d'Orsainville et de Notre-Dame-des-Laurentides et de
la municipalité de Charlesbourg-Est.
Une Voix: Vote!
Le Président: Cette motion de première lecture
est-elle adoptée?
M. Burns: Je demande le vote enregistré, M. le
Président.
Le Président: Qu'on appelle les députés!
Vote de première lecture
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Que ceux qui sont en faveur de cette motion de première lecture
proposée par le ministre des Affaires municipales veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Parent
(Hull), Mailloux, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume, Giasson,
Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Lalonde, Tetley, Drummond,
Lacroix, Bienvenue, Forget, L'Allier, Vaillancourt, Arsenault, Houde (Fabre),
Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Massé, Perreault, Brown, Bossé,
Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire,
Brisson, Séguin, Lafrance, Picard, Gratton, Gallienne, Carpentier,
Dionne, Faucher, Saint-Germain, Har-vey (Charlesbourg), Pepin, Bellemare
(Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand,
Ostiguy, Caron, Ciaccia, Côté, Déom, Déziel, Dufour,
Harvey (Dubuc), Lapointe, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent
(Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières, Morin,
Burns, Léger, Charron, Bédard (Chicoutimi), Samson, Bellemare
(Johnson), Choquette, Roy, Leduc.
Le Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Houde (Limoilou)... Le
Secrétaire: Pour: 83 Contre: 1 Le Président:
Cette motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi. First reading of this bill.
M. Lacroix: ... dans l'exercice de ses fonctions.
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
Deuxième lecture, prochaine séance ou séance
subséquente.
M. Burns: ... par exemple, lui.
Le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Levesque: Un instant, M. le Président.
M. Lacroix: Son secrétaire est-il aussi dans l'exercice de
ses fonctions? Il a amené son secrétaire avec lui. Parfait. Vous
viendrez chialer...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre,
s'il vous plaît!
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
S'il vous plaît, messieurs, écoutez.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents.
L'honorable ministre de la Fonction publique.
DEPOT DE DOCUMENTS
Entente avec le Syndicat des fonctionnaires
M. Parent (Hull): M. le Président, tel qu'entendu la
semaine dernière, je voudrais déposer devant cette Chambre cinq
exemplaires de la convention collective paraphée avec le Syndicat des
fonctionnaires du Québec ainsi que des renseignements additionnels sur
les offres gouvernementales.
M. Burns: Question de règlement, M. le Président.
Le ministre de la Fonction publique ne voudrait-il pas dire l'entente
paraphée et non pas la convention collective?
M. Parent (Hull): C'est l'entente paraphée.
M., Burns: L'entente paraphée parce que la convention
collective le deviendra lorsqu'il y aura adoption.
D'accord, on s'entend. Parfait, ce n'est pas plus grave que cela.
Le Président: Le 18 décembre. M. Burns:
Parfait.
Le Président: Y a-t-il d'autres dépôts de
documents?
L'honorable ministre d'Etat à l'Education, responsable de...
Rapports annuels de corporations
professionnelles
M. Lachapelle: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer les rapports annuels pour 1974/75 de la Corporation
professionnelle des évaluateurs agréés du Québec,
de la Corporation professionnelle des médecins ainsi que de l'Ordre des
audioprothésistes du Québec.
Le Président: Questions orales des députés.
Le député de Maisonneuve.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
Enquête sur le crime organisé
M. Burns: M. le Président, ma question s'adresse au
Solliciteur général relativement à la Commission
d'enquête sur le crime organisé. Je voudrais, si possible, que le
ministre nous dise exactement ce qu'il en est; s'il est exact que le
délai pour faire rapport à la Commission d'enquête sur le
crime organisé sera prolongé et jusqu'à quelle date.
J'aimerais savoir quel est le mandat prolongé de la Commission
d'enquête sur le crime organisé. J'aimerais
particulièrement que le ministre, Solliciteur général,
nous dise pour quelles fins on a l'intention de donner ce mandat
repoussé à une date ultérieure.
M. le Président, je fais simplement une paren- thèse que
j'aurais pu utiliser comme préambule pour aider le ministre à
répondre à ma question. Actuellement, il y a des faits
très précis: la contestation devant la Cour suprême, le
fait que certains personnages utilisent cette contestation je le dis en
toute liberté pour empêcher leur propre comparution devant
la Commission d'enquête sur le crime organisé. J'émets
l'avis également que possiblement, ces retards à faire
comparaître un certain nombre d'individus devant la CECO pourraient
peut-être donner moins de substance à un éventuel
rapport.
De sorte que ma question, je la résume de la façon
suivante: Comme la rumeur existe, depuis un certain temps, que la Commission
d'enquête sur le crime organisé verra son mandat prolongé,
est-ce que le cabinet des ministres s'est penché sur ce problème
en tenant compte du phénomène de la Cour suprême et en
tenant compte également du fait qu'un certain nombre d'individus
utilisent des procédures judiciaires, actuellement, pour éviter
de comparaître et peut-être pour rendre moins complet
l'éventuel rapport de la Commission d'enquête sur le crime
organisé?
M. Lalonde: M. le Président, la question est un peu
complexe mais je vais essayer d'y répondre complètement. Je vais
soumettre au conseil des ministres, demain, un projet d'extension du mandat
complet tel qu'il est actuellement, pour une période de mois permettant
à la CECO de continuer les audiences qu'elle n'aurait pu terminer d'ici
la fin de décembre. L'extension tiendra compte du fait, justement, que
la contestation devant la Cour Suprême, depuis quelques mois, nous a
empêchés d'apporter les corrections de structures
nécessaires que j'avais déjà, d'ailleurs annoncées
en public.
Vu que la Loi de police est maintenant contestée devant la Cour
suprême, il m'est conseillé d'attendre le résultat de cette
contestation avant d'apporter quelque amendement que ce soit aux articles en
question.
Cela tient compte de la contestation devant la Cour suprême et de
toutes les contraintes que cela apporte au niveau de l'assignation des
témoins et aussi des témoignages, c'est-à-dire au fait de
pouvoir forcer les témoins à témoigner devant la cour.
Cela tient compte aussi du temps que cela prendra pour faire le rapport des
audiences qui ont eu lieu durant la session d'automne et aussi, enfin, de
certaines autres audiences publiques qui devront être tenues sur les
dossiers qui sont déjà préparés.
Enfin, peut-être, dernièrement, cela tient compte du temps
que cela prendra au gouvernement pour présenter à cette Chambre
les amendements nécessaires pour continuer la lutte au crime
organisé, mais peut-être dans des structures
différentes.
M. Burns: M. le Président, le ministre pourrait-il
répondre à un des éléments de ma question qui,
entre autres, lui demandait jusqu'à quelle date sera prolongé le
mandat de la
Commission d'enquête sur le crime organisé?
Deuxièmement, pour lui éviter de se lever à deux reprises,
le ministre pourrait-il nous dire s'il est en mesure de confirmer ou d'infirmer
le fait que deux dossiers importants qui ont été examinés
à huis clos, soit celui de la Société des alcools du
Québec et celui de Loto-Québec, ont été
retirés du mandat de la Commission d'enquête sur le crime
organisé? Si c'est exact, j'aimerais savoir à quelle date a eu
lieu ce retrait.
M. Lalonde: M. le Président, la date que nous avons en
tête actuellement, après consultation avec les autorités de
la CECO, pour le prolongement du mandat, ce serait la fin de mai, ce qui
donnerait le temps à la CECO de préparer son rapport sur la
session actuelle et de tenir, en mars peut-être, enfin au printemps,
l'autre série d'audiences sur les dossiers qui sont en
préparation actuellement et qui n'ont pas vu le jour publiquement. Cela
tiendra compte des quatre éléments que j'ai mentionnés en
réponse à la question du député.
Quant à la SAQ et à Loto-Québec, tout ce que je
sais, c'est qu'un document de travail a été non pas retiré
de la CECO par le gouvernement, mais remis au gouvernement, au ministère
de la Justice, d'ailleurs en juillet dernier, je crois, enfin avant mon
entrée en fonction au ministère de la Justice. Il contient des
éléments, des commencements d'enquête, auxquels nous avons
donné suite en les confiant à une escouade spéciale de la
Sûreté du Québec qui continue son enquête. Mais cela
ne concerne pas Loto-Québec.
M. Burns: Concernant la Société des alcools du
Québec, parce que je n'ai pas eu une réponse précise de la
part du Solliciteur général là-dessus, est-il exact que ce
dossier a été retiré de la Commission d'enquête sur
le crime organisé? J'insiste sur la question que j'ai posée tout
à l'heure: A quelle date est-ce que cela a été
retiré, si cela a été retiré?
M. Lalonde: Je viens de dire que cela n'a pas été
retiré.
M. Burns: La question comporte un certain élément
d'intérêt. Je comprends qu'actuellement le député de
Bonaventure est ministre de la Justice et que le député de
Marguerite-Bourgeoys est Solliciteur général, que ces deux
fonctions, à un moment donné, étaient occupées par
un certain ministre de la Justice. Je ne veux pas non plus m'adresser et faire
d'insinuations surtout pas à l'endroit du
député d'Outremont mais on est à une espèce de
croisée des chemins et il s'agit de rétablir un certain nombre de
responsabilités.
Si, véritablement, le dossier de la SAQ a été mis
de côté, j'aimerais savoir à quelle date on l'a
utilisé, à quelle date on a dit: Ce dossier ne relève pas
de la Commission d'enquête sur le crime organisé et, si tel est le
cas, j'aimerais que les responsabilités soient appliquées aux
bons endroits.
M. Lalonde: Tout d'abord, j'ai dit dans ma première
réponse, et je le répète, que le dossier n'a pas
été retiré, à ma connaissance, suivant les
témoignages de mes fonctionnaires et suivant les documents. Il s'agit
simplement d'un dossier qui a été remis par la CECO au
ministère de la Justice et la CECO a conclu qu'il ne s'agissait pas de
crime organisé. Donc il s'agissait simplement de le remettre au
ministère de la Justice, pour qu'il le traite correctement,
c'est-à-dire faire les compléments d'enquête lorsque ce
serait nécessaire, ce qui a été fait, ce qui a même
été, je crois, demandé par mon prédécesseur
au ministère de la Justice, le député d'Outremont. A mon
souvenir, il avait confié à ses fonctionnaires de donner suite
à ce dossier, à ce document de travail.
Maintenant, il est clair qu'étant donné que la
responsabilité de la police relève du Solliciteur
général vous avez posé la question à celui qui a la
véritable responsabilité.
Le Président: Bon.
M. Burns: Une dernière, M. le Président, sous forme
de question additionnelle.
Si, effectivement, il y a eu décision quelque part vous me
dites que c'est la CECO, je prends votre parole là-dessus
entièrement que cela ne relevait pas du mandat de la Commission
d'enquête sur le crime organisé, je demanderais au Solliciteur
général s'il est en mesure de nous dire si, quand même, il
y a eu des enquêtes à huis clos relativement à ces deux
dossiers.
Comme cela ne relève pas, selon ce qu'il nous dit, de la
Commission d'enquête sur le crime organisé, n'y aurait-il pas
lieu, pour satisfaire tout le monde là-dessus, de déposer
l'enquête à huis clos qui a été tenue par la
Commission d'enquête sur le crime organisé?
M. Lalonde: Je ne pense pas, M. le Président, qu'il soit
de l'intérêt de l'enquête qui se continue de déposer
les éléments contenus dans les interrogatoires à huis
clos. Je pense que le député comprendra qu'aussi longtemps que
l'enquête n'est pas terminée, que les procédures ne sont
pas entreprises ou que le dossier n'est pas clos, la publicité qu'on
pourrait donner à ces éléments pourrait nous rendre plus
difficile la tâche de compléter l'enquête.
M. Burns: Cela a été retiré quand même
du... Non?
M. Lalonde: J'ai dit trois fois que cela n'a pas
été retiré, que cela a été remis par la CECO
au ministre de la Justice...
M. Burns: C'est cela.
M. Lalonde: ... avec une opinion de la CECO, des responsables de
la CECO, voulant que cela devait être remis au ministère de la
Justice, parce qu'il n'y avait rien concernant le crime organisé.
M. Burns: Et quelle a été la réaction du
Solliciteur général là-dessus?
M. Lalonde: Lorsque je suis arrivé, le dossier
était déjà au ministère de la Justice. L'opinion de
la CECO me semble juste, maintenant, c'est une question d'opinion.
Le Président: Le député d'Outremont, une
question additionnelle.
M. Choquette: Une question additionnelle, M. le Président,
au Solliciteur général. Est-ce que celui-ci pourrait nous dire
quelles mesures ont été prises par le ministère de la
Justice et la Sûreté du Québec en vue de donner suite
à ce rapport de la CECO fait vers la fin du mois de juillet 1975?
Qu'est-ce qui a été fait pour poursuivre l'enquête sur les
éléments qui avaient été remis au ministère
de la Justice?
M. Lalonde: Tout d'abord, ce document de travail a
été confié à un procureur de la couronne pour
l'étudier et, suivant ses recommandations, des compléments
d'enquête ont été ordonnés et ont été
confiés à la Sûreté du Québec. Je crois que
c'est le lieutenant Chartrand qui dirige le groupe de policiers qui continue
les enquêtes.
M. Choquette: Quel est le nom du procureur de la couronne qui a
été chargé de l'étude du dossier?
M. Lalonde: Me François Tremblay, qui est maintenant
directeur des affaires criminelles au ministère de la Justice.
Le Président: Question additionnelle.
M. Bédard (Chicoutimi): Question
supplémentaire.
Le Président: Le député de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le Solliciteur
général pourrait nous dire s'il est exact que Me Keyserlingk, qui
a annoncé récemment sa démission de la CECO, était
l'avocat qui a procédé à l'enquête dans ce dossier
de la SAQ et que sa démission est reliée un peu au sort fait
à ce dossier?
M. Lalonde: A mon souvenir, Me Keyserlingk était
intéressé à ce dossier, oui. Maintenant, sa
démission a été remise aux autorités de la CECO. Je
ne connais pas les raisons particulières de sa démission; du
moins, il ne m'a pas adressé de lettre ou il ne m'a pas parlé
relativement à sa démission. Je peux m'informer auprès des
autorités de la CECO.
Le Président: Dernière.
M. Bédard (Chicoutimi): La lettre de démission de
Me Keyserlingk a été adressée à la CECO; est-ce
qu'on pourrait avoir le dépôt de cette lettre de
démission?
M. Lalonde: Je vais vérifier.
Chômage au Québec
Le Président: Question principale, l'honorable chef de
l'Opposition officielle.
M. Morin: Ma question s'adresse au premier ministre. Le nombre de
chômeurs vient d'augmenter de 23,000 en un mois pour atteindre un nouveau
sommet de 218,000 personnes. Etant donné qu'il s'agit là, pour le
quatrième mois consécutif, du plus haut taux de chômage
observé au Québec au cours des trente dernières
années, le premier ministre a-t-il l'intention d'intervenir enfin, par
un programme de mesures spéciales, en vue de limiter le plus possible
les effets d'une conjoncture qui s'avère très dure, à
l'heure actuelle, et qui pourrait même devenir tragique au cours des mois
d'hiver qui viennent?
M. Bourassa: Je crois que la situation que nous connaissons
actuellement se rapproche de celle que nous connaissions en 1971. Il reste
quand même qu'elle s'accompagne, cette fois-ci, d'un nombre très
élevé d'emplois vacants et d'un taux de participation de la
main-d'oeuvre féminine beaucoup plus élevé. Le
gouvernement poursuit ses politiques le développement de la baie
James en est un exemple en entreprenant des grands travaux qui exigent
beaucoup de main-d'oeuvre et qui permettent d'atténuer l'impact de
l'augmentation exceptionnelle de la population active au Québec.
Toutes les politiques du gouvernement, des ministères, des
sociétés d'Etat, les centaines de millions de dollars que nous
avons investis dans SIDBEC ont pour but, en partie, non seulement de consolider
notre structure industrielle mais de répondre à ses besoins.
M. Morin: De façon plus précise, plutôt que
de nous parler de la baie James chaque fois que la question est
soulevée, le premier ministre peut-il nous dire s'il a l'intention de
mettre en marche des mesures comme celles qui sont prises dans les autres pays
devant pareille conjoncture? J'entends, par exemple, des mesures visant
à améliorer le niveau de la construction domiciliaire ou encore
des grands travaux en dehors de Montréal, ailleurs qu'à la baie
James, dans les autres régions qui en ont besoin.
Le premier ministre est-il satisfait du fait que, pour le mois de
novembre, la création d'emplois a été pratiquement
nulle?
Le Président: A l'ordre! C'est de l'argumentation, c'est
un débat qui s'amorce. Posez des questions pour avoir des
renseignements. Vous lancez un débat.
M. Morin: Je demande au premier ministre s'il est satisfait du
fait qu'il ne se soit créé que 11,000 emplois si l'on compare
novembre 1974 et novembre 1975. Est-il satisfait également que le
niveau
du chômage soit beaucoup plus élevé au Québec
que dans l'Ontario à l'heure actuelle?
M. Bourassa: Ce n'est pas un fait nouveau. J'ai donné les
raisons tantôt: l'augmentation très rapide de la population
active, le taux de participation de la main-d'oeuvre féminine qui est
passé, depuis cinq ans ou dix ans, de 29% à 38%. Mais le
gouvernement, dans le cadre de ses moyens financiers, pose des gestes
très concrets de manière à réduire le
chômage. C'est évident qu'au mois de novembre le taux de
création n'est pas satisfaisant, mais si on prend l'ensemble depuis cinq
ans, on va constater, alors que de 1965 à 1970 il s'était
créé 250,000 nouveaux emplois, depuis que nous sommes au pouvoir,
c'est 325,000 ou 330,000, malgré deux récessions importantes aux
Etats-Unis qui ont un impact inévitable sur la situation
économique québécoise.
Le Président: Dernière.
M. Morin: II ne s'en créera pas la moitié, cette
année, de ce qui a été créé l'année
dernière.
Le Président: Dernière. M. Mercier: A
l'ordre!
M. Morin: M. le Président, j'aimerais demander au premier
ministre s'il est au courant qu'on a pris la décision de réduire
substantiellement le nombre de places disponibles dans l'éducation aux
adultes. Ces cours, comme on le sait, permettent à des milliers de
chômeurs québécois de se recycler tout en recevant une
rémunération. J'aimerais demander au premier ministre s'il est au
courant de cela. Et, peut-il nous expliquer les raisons de cette
décision qui, à vrai dire, ne peut pas tomber plus mal?
M. Bourassa: M. le Président, le gouvernement a
effectué certaines coupures budgétaires. Je peux prendre avis sur
les détails concernant ce programme en particulier et je pourrai
répondre demain au chef de l'Opposition.
Le Président: Le député de
Rouyn-Noranda.
Langue de travail des contrôleurs
aériens
M. Samson: M. le Président, ma question s'adresse
également au premier ministre. Je veux lui demander s'il a
été mis au courant du fait que deux contrôleurs
aériens canadiens français viennent d'être suspendus pour
avoir osé, en pleine province de Québec, parler en
français entre eux. Est-ce que le premier ministre a été
mis au courant de cette situation? Si oui, quelles sont les mesures que le
gouvernement du Québec peut prendre pour en arriver à
éviter ce genre de choses?
M. Bourassa: M. le Président, je l'ai appris comme le chef
parlementaire du Ralliement crédi- tiste. Nous considérons que
c'est une situation tout à fait inadmissible et le Solliciteur
général doit poursuivre les négociations avec le
gouvernement fédéral puisque c'est de juridiction
fédérale.
M. Samson: M. le Président, est-ce que le premier ministre
ne considère pas que pour une chose comme cela qui arrive en pleine
province de Québec, après avoir vanté les mérites
de la loi 22 pendant des mois, il est du ressort du gouvernement du
Québec de prendre des mesures énergiques pour qu'on ne suspende
pas de leur emploi des Canadiens français qui parlent français
entre eux au Québec? Je pense que cela dépasse le cadre de la
fonction publique fédérale. Il s'agit de la langue
française au Québec, et ce ne sont pas des correspondances
air-sol ou dans l'air, ce sont des correspondances au sol, entre deux Canadiens
français qui ont été suspendus, hier, par M. Maurice Pitre
et Louis Desmarais, deux autres Canadiens français. Je pense que
là, cela dépasse les limites.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit que le gouvernement
considérait que c'était une situation inadmissible, mais il reste
que c'est de juridiction fédérale et nous allons faire des
représentations au gouvernement fédéral sur ce rapport.
Bien, la constitution est...
Le Président: Dernière.
M. Samson: Qu'est-ce que le premier ministre et son gouvernement
peuvent faire pour faire comprendre au gouvernement central qu'au Québec
on est des Canadiens français et qu'on veut se faire respecter comme
tels? Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour cela? Est-ce qu'il y
aura des démarches spéciales vis-à-vis du gouvernement
fédéral?
M. Bourassa: M. le Président, je viens de répondre
à cette question.
M. Samson: Vous n'avez pas répondu, vous avez dit que vous
étiez impuissant.
M. Bourassa: Le député de Rouyn-Noranda doit
constater qu'il y a des députés fédéraux qui sont
élus au Québec et qui ont, eux aussi, une responsabilité.
Il n'y a pas seulement un niveau de gouvernement. Nous allons faire les
représentations dans le cadre de notre juridiction.
Le Président: Le député de Lafontaine.
M. Samson: M. le Président, je ne peux pas continuer?
Le Président: Je m'excuse, il y a quinze
députés qui veulent poser des questions, actuellement. J'essaie
de satisfaire tout le monde. Je vous ai prévenu que c'était votre
dernière.
Le député de Lafontaine.
M. Samson: ... de voir patiner le premier ministre encore cinq
minutes.
M. Léger: M. le Président, est-ce que le premier
ministre peut nous dire...
Le Président: Question additionnelle.
M. Léger: ... s'il a fait faire des études par ses
conseillers juridiques pour vérifier si ce congédiement va
à l'encontre du bill 22? Deuxièmement, est-ce qu'il compte, non
pas négocier, mais protester auprès du fédéral pour
cette décision unilatérale?
Pour quelles raisons le premier ministre n'a-t-il pas fait amender la
loi 22 au moment où il était possible qu'il n'y ait aucune
ambiguïté même avec les employés du
fédéral?
M. Bourassa: Je n'ai pas eu d'avis juridique sur l'application de
la loi 22, en ce cas-là.
M. Léger: Puis, allez-vous protester ou pleurer?
M. Bourassa: J'ai répondu que le gouvernement avait fait
des représentations, était pour en faire et j'ai dit que la
situation était inadmissible.
M. Charron: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Oui.
M. Charron: Pourquoi avez-vous refusé, en août 1974,
l'amendement proposé par le Parti québécois qui visait
à assujettir également les autorités
fédérales sous l'empire de la loi 22, ce qui ferait
qu'aujourd'hui une situation aussi inadmissible comme vous le dites ne se
produirait pas.
Le Président: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. Charron: Pourquoi avez-vous refusé notre amendement
quand on vous l'a proposé?
M. Cloutier: Vous n'avez pas présenté cet
amendement.
Le Président: Le député de Johnson, question
additionnelle.
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais
simplement demander à l'honorable premier ministre s'il a donné
suite, sur la question principale, à ce qu'il disait le 18 novembre ici
même dans la Chambre. Il disait: Si la loi n'est pas respectée, on
procédera. Nous allons en discuter demain matin, probablement au conseil
des ministres. Le ministre des Transports a dit qu'il a demandé une
copie de la directive dont il n'avait pas pris connaissance autrement que dans
les journaux.
Depuis ce temps, il y a eu deux ou trois conseils des ministres. Le
premier ministre a-t-il pris l'initiative de corriger cette directive de
McClish à la suite des deux congédiements et du troisième
qui s'est fait aujourd'hui? A-t-il pris les dispositions nécessaires
pour que son Solliciteur général puisse terminer enfin ces
négociations qui durent depuis trois semaines? C'est depuis trois
semaines que je lui pose des questions sur le sujet.
La semaine dernière, il m'avait dit qu'il avait remis à
certains officiers le soin de négocier avec M. Marchand. Après
cela, il m'a répété que les négociations
n'étaient pas terminées. On a appris qu'il n'avait pas lu la
directive telle que McClish l'avait donnée. Je ne sais pas, M. le
Président, mais deux personnes ont été
congédiées hier et une troisième ce matin.
Je pense que c'est le bout des bouts pour le gouvernement. Il faudrait
réellement qu'on fasse quelque chose aujourd'hui ou demain sinon il va y
en avoir d'autres qui vont sortir.
M. Lalonde: M. le Président, si vous permettez. Il est
sûrement tout à fait inadmissible qu'on ne puisse pas communiquer,
que ce soit dans les communications air-sol ou les communications au sol, en
français au Québec. Maintenant, j'espère que cette
nouvelle mesure d'intransigeance ne mettra pas en danger les
négociations qui sont déjà engagées.
Déjà cette semaine, une première rencontre avec des
représentants de l'Association des gens de l'air et les
représentants du ministère des Transports doit avoir lieu pour
trouver, comme je l'ai dit en réponse à une question du
député de Johnson récemment, des méthodes, des
formules pour faire du français une des deux langues officielles au
fédéral et ici au Québec, et la langue de communication
des francophones dans les communications aériennes.
Maintenant le notam 43.75, auquel se réfère le
député de Johnson, est très clair et défend l'usage
du français comme cela a toujours été le cas dans les
communications aériennes, sauf que dans le passé, il y avait,
à ce qu'on me dit, une certaine situation de tolérance qui a
cessé avec la suspension de ces employés du gouvernement
fédéral.
Enfin, j'espère, comme je l'ai dit tantôt, que les
négociations vont apporter un correctif parce qu'il me semble
évident que l'usage du français dans les communications
aériennes est un mouvement irréversible.
M. Léger: Une question supplémentaire, M. le
Président.
M. Bellemare (Johnson): Sur le même sujet la
dernière question pour moi est-ce que le ministre va s'employer
à ce que ceux qui ont été congédiés hier ou
celui qui l'a été ce matin puissent reprendre leur travail le
plus tôt possible?
M. Lalonde: D'après ce que je sais, ce ne sont pas des
congédiements. Ce sont des suspensions de 24 heures.
M. Bellemare (Johnson): Ce sont des mises à pied.
M. Lalonde: D'après les renseignements que j'ai, ce sont
des suspensions de 24 heures. Je vérifierai.
Le Président: Dernière question additionnelle sur
ce sujet.
M. Léger: M. le Président, ma question aura donc
deux volets. Le ministre est-il au courant que la langue internationale de
l'aviation est l'anglais en général et la langue du pays aussi?
Donc, sur le territoire du Québec, c'est le français.
Deuxièmement, le ministre peut-il nous dire quand il va demander
à ses conseillers juridiques de lui donner leur vision de cette loi 22
versus le problème créé par cette décision
fédérale?
M. Lalonde: Le député de Lafontaine a tort en ce
sens que la directive de l'OACI dit que c'est d'abord la langue du
territoire...
M. Léger: C'est cela.
M. Lalonde:... et subsidiairement l'anglais...
M. Léger: C'est cela. Alors, le territoire du
Québec, c'est quoi?
M. Lalonde:... et non pas l'anglais et plus
particulièrement la langue du territoire.
M. Léger: D'accord, d'accord.
M. Lalonde: J'ai, d'ailleurs, indiqué dans une
réponse à une question du député de Johnson, il y a
quelques semaines, que le délai qu'on nous suggérait comme
étant nécessaire pour faire le tour de la question et apporter
les correctifs nécessaires, avec comme objectifs principaux l'usage du
français et la sécurité aérienne, était de
six mois. Cela m'avait semblé raisonnable étant donné que
cela fait des années et des décennies que cette situation
inadmissible existe et qu'il me semblait qu'il y avait une volonté
politique, maintenant, de la part du gouvernement fédéral,
d'apporter une solution une fois pour toutes.
Le Président: L'honorable député
d'Abitibi-Est.
M. Léger: Une question principale.
Le Président: Un instant, un instant. L'honorable
député d'Abitibi-Est.
Touristes aux Jeux olympiques
M. Houde (Abitibi-Est): Ma question s'adresse au ministre du
Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Le ministre est-il au courant
qu'une publication émanant de son ministère et invitant les
touristes à visiter le Québec lors de leur séjour aux Jeux
olympiques fait totalement abstraction, entre autres, de
l'Abitibi-Témiscamingue dans la liste des circuits touristiques? Le
ministre est-il au courant que, pour certains fonctionnaires, la limite nord du
Québec semble s'arrêter à Mont-Laurier? Le ministre a-t-il
l'intention de prendre les mesures nécessaires auprès de ces
mêmes fonctionnaires pour que, dans leur esprit et dans les faits,
l'Abitibi-Témiscamingue fasse dorénavant partie intégrante
du territoire québécois?
M. Simard: M. le Président, j'aimerais d'abord remercier
le député de m'avoir donné avis de sa question. J'admets
qu'il y a eu erreur. Vous savez qu'en vertu de la loi je suis responsable
d'Hébergement Québec-Olympiques 76. Hébergement
Québec-Olympiques 76 doit, à mon sens, selon la loi, s'occuper de
trouver de l'hébergement pour les touristes et pour tous ceux qui vont
venir visiter le site olympique pendant les jeux.
Je crois qu'Hébergement Québec-Olympiques 76 a largement
débordé de ses cadres, parce que je crois qu'en commercialisation
ils ne sont pas tout à fait à point. C'est la raison pour
laquelle, lorsque je me suis aperçu de cette erreur, j'ai
communiqué immédiatement avec HEQUO 76, ou Hébergement
Québec-Olympiques 76, afin que 200,000 dépliants soient
distribués. Ces dépliants seront distribués dès
janvier pour corriger cette situation.
Je répète, M. le Président, que j'admets qu'il y a
eu erreur. En effet, lorsqu'on voit tout ce qui a été fait depuis
deux ans dans ce secteur sur le plan touristique, je ne puis que
féliciter cette région.
Le Président: Question additionnelle.
M. Samson: M. le Président, j'ai également
adressé un télégramme au ministre, en date du 1er
décembre, et je n'ai pas eu de réponse encore. Le ministre
peut-il me dire puisqu'il a corrigé la situation, je l'en
remercie d'abord peut-il assurer la Chambre qu'à l'avenir cela ne
se reproduira plus? C'est-à-dire que quand on considérera...
Le Président: A l'ordre, messieursl A l'ordre!
M. Samson: Je souligne, M. le Président, à certains
députés de cette Chambre qu'à Rouyn-Noranda, comme
ailleurs, on paie des taxes; alors, cela nous intéresse aussi
d'être reconnus par le gouvernement dans les efforts touristiques. Le
ministre peut-il nous assurer qu'à l'avenir ces choses ne se
reproduiront plus, qu'il y aura une surveillance étroite pour qu'on
considère les régions éloignées, comme
l'Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord, par exemple, qui ne sont
pas incluses dans cette brochure? Est-ce qu'à l'avenir on
considérera que le territoire du Québec c'est tout le territoire,
pour les fins touristiques?
M. Simard: M. le Président, j'ai bien dit
qu'Hébergement Québec-Olympiques 76 ne doit pas faire de la
commercialisation touristique et que c'est le ministère du Tourisme, de
la Chasse et de
la Pêche qui est responsable du tourisme au Québec.
L'erreur a été commise par un secteur dont je suis
responsable, je l'admets. J'ai admis l'erreur et j'ai apporté des
correctifs. Maintenant, aux prochains Jeux olympiques, peut-être que je
veillerai pour qu'il n'y ait pas d'erreurs.
M. Samson: M. le Président...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre,
messieurs! Ecoutez...
M. Samson: M. le Président, écoutez, quand
même, je pense que le ministre prend cela un peu à la
légère. Les prochains Jeux olympiques, d'abord, vous allez
commencer par les payer et vous parlerez des autres après. Pour le
moment, il s'agit de tourisme... C'est une question, M. le Président.
Est-ce qu'à l'avenir, pour les questions touristiques, que ce soient les
Olympiques ou autre chose, on considérera que dans ces
régions...
M. Mercier: Porto Rico!
M. Samson: ... on a des développements touristiques
intéressants et qui peuvent intéresser la population?
M. Simard: Oui, M. le Président.
Le Président: Le député de Beauce-Sud est le
suivant.
Etats financiers de SIDBEC-DOSCO
M. Roy: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre des Finances. Nous venons d'apprendre que...
Le Président: Un peu de silence, messieurs!
M. Roy: ... la firme SIDBEC-DOSCO connaîtra un
déficit record de l'ordre de $15 millions et peut-être davantage
pour l'année en cours. J'aimerais demander au ministre s'il a
été prévenu de ce fait et qu'il nous dise quand. En
deuxième lieu, le ministre a-t-il eu des rencontres récentes avec
le président directeur général au sujet des mesures qui
ont été annoncées et qui doivent être
apportées?
M. Garneau: M. le Président, le député de
Beauce-Sud pourrait-il reposer le début de sa question, que je n'ai pas
saisi?
M. Roy: M. le Président, j'ai demandé au ministre
des Finances s'il est au courant que la firme SIDBEC-DOSCO connaîtra un
déficit, cette année, qui atteindra sinon dépassera les
$15 millions. Je veux demander au ministre s'il est au courant de ces faits et
depuis quand. En deuxième lieu, est-ce qu'il y a eu des rencontres avec
le président directeur général de la compagnie en ce qui a
trait aux mesures qui pourraient être apportées afin de corriger
cette situation?
M. Garneau: M. le Président, je sais que l'année
financière de SIDBEC ne sera pas de même nature que l'année
dernière, maintenant, je ne connais pas encore quelle sera l'ampleur du
déficit.
Je voudrais indiquer à cette Chambre deux choses: d'abord, que
j'ai eu un certain nombre de rencontres avec le président de SIDBEC
quelques semaines après ma nomination au poste de ministre de
l'Education. Par la suite, le dossier de SIDBEC a été
confié au ministre de l'Industrie et du Commerce et c'est lui qui a
suivi le dossier depuis un mois à peu près, un mois et demi. Je
ne serais pas en mesure de donner les renseignements les plus récents
sur l'évolution de ce dossier. J'ajouterai plutôt que les
rencontres que j'ai eues avec le président de SIDBEC, au cours des mois
de juillet, août et septembre, portaient beaucoup plus sur le
développement du projet de Fire Lake que sur les opérations
mêmes de la société à partir de ses
équipements de Contrecoeur, de Montréal et de l'Ontario.
M. Roy: Est-ce que le ministre des Finances pourrait nous dire
s'il y a danger que le projet de Fire Lake justement soit suspendu ou soit
retardé pendant un certain nombre de mois suite aux mesures draconiennes
qu'annoncerait M. Jean-Paul Gignac? En deuxième lieu, j'aimerais savoir
si le gouvernement du Québec a l'intention d'intervenir directement en
vue d'accorder peut-être plus de capitaux à SIDBEC-DOSCO, de lui
faire certaines avances, de façon que la capitalisation ne soit pas trop
réduite, ne soit pas trop affectée pour nuire à ses
activités.
En somme, j'aimerais savoir, M. le Président, quelles sont les
actions que le gouvernement entend prendre le plus rapidement possible.
M. Garneau: M. le Président, évidemment,
l'administration de SIDBEC a été affectée dans la vente de
l'acier, comme toutes les autres compagnies d'acier qui ont eu des baisses dans
leurs ventes à cause du ralentissement de l'activité
économique. Quand on regarde les principales publications qui sont
transmises, on s'aperçoit que l'ensemble du marché de l'acier
avait connu des baisses importantes. Je vous assure que je serais très
réticent à augmenter le capital-actions de SIDBEC à moyen
terme pour payer des déficits de fonctionnement.
Ce que nous avons convenu de faire avec SIDBEC cela a
été inclus dans l'annonce de principe faite par le premier
ministre il y a quelques mois, lorsque nous avons décidé d'aller
de l'avant avec le projet de Fire Lake c'est d accroître le
capital-actions de SIDBEC non pas pour payer des déficits de
fonctionnement, mais pour lui permettre d'aller de l'avant avec son projet de
développement de Fire Lake. Pour autant que je puisse être
informé, il n'y a pas eu de modification, d'annulation dans les projets.
Evidemment. SIDBEC est en discussion depuis ce temps avec les partenaires,
puisque ce sera un développement qui sera fait en "partnership" avec
d'autres socié-
tés. Les gens de SIDBEC préparent, avec les conseillers
juridiques et les experts financiers toute la documentation sur le financement
de ce développement.
Le Président: L'honorable député de
Lafontaine.
Primes d'assurance-automobile
M. Léger: M. le Président, ma question touche
l'assurance-automobile et touche le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières dont je salue le retour
de son voyage de l'Ouest; j'espère qu'il sera plus productif que ce
voyage des ministres qui l'ont précédé. Est-ce que le
ministre peut nous dire s'il est informé de ce que je disais au premier
ministre la semaine dernière concernant les primes d'assurance qui, en
février prochain, pourraient augmenter de 10% à 25%?
Deuxièmement, est-ce que le gouvernement entend prendre des mesures
avant la fin de la présente session pour geler immédiatement les
prix de l'assurance, en attendant que le gouvernement se penche sur des
solutions provenant du rapport Gauvin ou du rapport Desjardins?
Mme Bacon: M. le Président, avant de donner ma
réponse, je serais tentée de dire au député de
Lafontaine qu'il serait peut-être profitable pour lui d'aller faire un
tour en Colombie-Britannique et voir le déficit d'au-delà de $100
millions qu'ils auront à payer au cours de l'année qui vient.
C'est cela un régime étatique, M. le Président.
Maintenant, pour revenir à la hausse des primes
d'assurance-automobile, habituellement les compagnies d'assurance ont la
courtoisie d'informer le surintendant des assurances de mon ministère
concernant toute hausse de primes qui serait envisagée. Jusqu'à
aujourd'hui, nous n'avons pas été informés par les
compagnies d'assurance d'une possibilité de hausse du taux des primes
d'assurance, spécialement des assurances-automobile.
Quant aux mesures, s'il y avait une hausse de taux, c'est purement
hypothétique pour le moment puisque nous ne sommes pas informés
par les compagnies de cette hausse.
M. Léger: M. le Président, puis-je rappeler au
ministre que le ministre précédent m'avait dit la même
chose et que les hausses sont arrivées? Alors, pour prévenir ces
hausses que je lui annonce parce que je me suis informé, est-ce que le
ministre a l'intention, au moins, s'il ne veut pas geler les primes
d'assurance-automobile, de se donner immédiatement, avant la fin de la
session, des pouvoirs de rendre obligatoire une approbation préalable du
gouvernement avant que les compagnies augmentent d'elles-mêmes leur taux
pendant cette période de contrainte, d'austérité et de
restriction que nous imposent les lois de M. Trudeau et du gouvernement
Bourassa?
Mme Bacon: M. le Président, j'ai lu les mêmes
journaux que le député de Lafontaine, c'est par ces journaux
qu'on apprend la hausse du taux des primes d'assurance. J'attends, encore une
fois, que les compagnies d'assurance nous en informent, avant de faire quelque
commentaire que ce soit. Si toutefois il y avait des mesures à prendre,
je pense que ce n'est pas au gouvernement de fixer le taux des primes. Nous
n'en sommes pas encore rendus à un régime étatique.
Le Président: Dernière question additionnelle.
M. Léger: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a
l'intention de prendre des mesures pour forcer les compagnies d'assurance
à accepter d'assurer les catégories de conducteurs qui sont
classés comme plus risquées, comme les moins de 25 ans,
étant donné qu'il devient de plus en plus difficile de trouver de
l'assurance pour ces groupes, même s'ils payent des primes
scandaleusement élevées?
Le Président: Je vous ai laissé poser votre
question, mais il ne faudrait pas oublier qu'il y a un projet de loi au
feuilleton qui y touche. J'ai laissé la première partie, mais,
quant à la dernière partie, je crois que le projet de loi couvre
l'assurance obligatoire.
M. Léger: M. le Président, est-ce que je peux faire
remarquer que c'est un projet de loi qui est ni du gouvernement, ni d'un parti?
A ce moment-là c'est un député qui peut prendre un
mercredi d'un parti, ou le projet va-t-il être présenté par
le gouvernement? Je ne le sais pas, alors c'est pour cela que j'ai posé
la question.
Le Président: Vous avez une question
supplémentaire, il n'y a pas...
M. Léger: Est-ce que le ministre peut répondre
à ma question?
Mme Bacon: M. le Président, dans les cas où il y a
les hausses de taux, pour des cas à risques élevés, si on
peut les appeler ainsi, il y a toujours des taux plus élevés pour
les gens qui font plus d'accidents. C'est cela que le député veut
savoir?
M. Léger: Ceux qu'on refuse d'assurer, j'ai dit, parce
qu'ils étaient des mauvais risques.
Mme Bacon: Ce n'est pas à l'Etat de dicter la conduite des
compagnies d'assurance. Encore une fois, et je dois le redire, nous ne sommes
pas dans un régime étatique. Ce n'est pas un monopole que nous
voulons obtenir comme gouvernement et c'est encore l'entreprise privée,
je pense, qui doit faire son coût.
M. Léger: Défendez-vous les consommateurs et les
assurés ou si vous défendez les avocats et les courtiers? Voyons
donc! Voyons donc!
Le Président: Le député de Beauce-Sud.
Dernière question additionnelle.
M. Roy: M. le Président, je pense que le ministre oublie
que l'assurance-automobile est quand même un service public.
Le Président: Question.
M. Roy: Oui, c'est quand même un service public, M. le
Président. J'aimerais demander au nouveau ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières, si on songe, au
ministère, à instituer ou à doter le gouvernement d'un
organisme susceptible d'examiner les hausses de tarifs des compagnies
d'assurance lorsqu'elles sont demandées par les compagnies, de la
même façon qu'on oblige les compagnies de téléphone
et autres compagnies d'utilité publique à s'adresser au
gouvernement avant de soumettre la hausse de tarif, pour que le gouvernement
puisse examiner l'à-propos de ces demandes et voir à ce que le
public soit protégé.
Mme Bacon: M. le Président, quand le gouvernement aura
pris des décisions, il les annoncera.
Le Président: Dernière question
supplémentaire.
M. Morin: Une question supplémentaire. J'aimerais demander
au ministre s'il a l'intention de s'assurer que les augmentations de primes,
dans le domaine de l'assurance-automobile, seront conformes aux directives
prévues par le bill C-73 et par les indicateurs ou les règlements
qui sont prévus au projet de loi no 64 qui est devant la Chambre en ce
moment et qui porte sur les mesures anti-inflationnistes. Allez-vous vous
assurer, au moins, que c'est contrôlé par les mesures
antiinflationnistes?
Mme Bacon: Je prends avis de la question, M. le
Président.
Le Président: Dernière question principale. Le
député de Rosemont.
Accessibilité aux prothèses
gratuites
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, merci, merci,
merci. Plutôt que de sombrer dans la démagogie et dans les grandes
théories...
Le Président: Question.
M. Bellemare (Rosemont): On veut être pratique, M. le
Président.
Le Président: Question.
M. Bellemare (Rosemont): Ma question s'adresse au ministre des
Affaires sociales. Je demanderais au ministre s'il serait possible du
côté pratique je comprends que ce ne serait pas facile, je
le comprends . Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales:
Est-ce qu'il serait possible que vous puissiez envisager que les gens qui
retirent le salaire minimum puissent profiter des mêmes avantages que
ceux qu'on donne aux assistés sociaux concernant les services de
santé, soit les prothèses, les dentiers, les lunettes, etc.,
etc.? Est-ce que c'est possible que vous puissiez envisager cela? Je pense que
c'est bien plus important que la démagogie des séparatistes.
M. Forget: M. le Président, pour ce qui est des
prothèses, il me fait plaisir d'informer notre collègue de
Rosemont que c'est un programme universel qui est accessible à tous les
citoyens du Québec, non seulement aux bénéficiaires de
l'aide sociale. Pour ce qui est des autres programmes sélectifs qu'il
mentionne, c'est l'objet des discussions autour de l'introduction d'un
régime de supplément de revenus.
Comme les travaux de cette Chambre l'ont démontré à
plusieurs reprises, cette question fait l'objet de notre attention et nous
espérons toujours en venir, au cours des prochains mois, à des
développements de ce côté.
M. Bellemare (Rosemont): Question supplémentaire. M. le
Président, si vous me le permettez, juste un petit préambule.
J'ai assisté au feu de Rosemont. Tout le monde sait qu'un assisté
social, lors d'un feu, a droit à un montant X pour se remeubler selon le
nombre d'enfants. Malheureusement, le type qui travaille à salaire
minimum n'a pas droit à cela. Serait-il possible au ministre de
remédier à la situation?
M. Forget: Effectivement, c'est un problème qu'il ne sera
possible de résoudre que par un régime plus étendu de
sécurité du revenu.
Commission de la capitale nationale
Le Président: Avant de passer aux affaires du jour, le
ministre de la Fonction publique aimerait ajouter certaines remarques à
une réponse qu'il a apportée à une séance
antérieure.
M. Parent (Hull): II me paraît approprié d'apporter
des précisions concernant une réponse que j'ai fournie jeudi
dernier au chef de l'Opposition officielle au sujet de M. Pierre Paquin,
président régional du Parti québécois. La
transaction a été effectuée entre la Commission de la
capitale nationale et M. Marc Paquin, frère du président
régional. Après le dépôt des documents concernant
cette transaction, la Chambre sera à même de considérer
tout au moins l'implication de M. Pierre Paquin par son association dans la
compagnie Assurances Marc Paquin Inc.
M. Morin: M. le Président... Des Voix: Ah! Ah!
Ah!
Le Président: Messieurs, s'il vous plaît! Messieurs!
Une question.
M. Morin: ... je vois que le ministre persiste à faire des
associations entre des personnes qui n'ont peut-être même pas les
mêmes idées politiques.
Le Président: Cela, c'est chose courante, je crois.
M. Morin: Je m'attendais à obtenir des excuses de la part
du ministre.
Le Président: A l'ordre, messieurs, à l'ordre, s'il
vous plaît! S'il vous plaît, messieurs!
Affaires du jour.
Travaux parlementaires
M. Burns: M. le Président, en vertu de l'article 34...
Je vous ai, jeudi soir dernier, remis une motion en vertu de l'article
68, motion attaquant la conduite du ministre de la Fonction publique. Ce qu'il
vient de dire ne m'incite pas du tout, mais vraiment pas du tout à
retirer cette motion. Je vous demande quand la motion que j'ai inscrite,
attaquant la conduite du ministre de la Fonction publique, lors d'une
réponse qu'il adressait au chef de l'Opposition et il vient juste
de réitérer son genre de farces habituelles sera inscrite
au feuilleton et quand je pourrai débattre cette motion mettant en doute
la conduite du ministre de la Fonction publique, tel que l'implique l'article
68.
Le Président: Je vais statuer sur cet avis de motion dans
les meilleurs délais. Vous savez, dans les meilleurs délais. Dans
les meilleurs délais. Je vais statuer, je vais considérer. C'est
une implication. Lorsqu'on met en application l'article 68, cela ne doit pas se
faire à la légère, et je dois vous dire que je vais
statuer dans les meilleurs délais. Je vous demande votre collaboration;
ce sera dans les meilleurs délais.
Il y a des questions qui n'ont jamais été
soulevées, il y a des procédures qui sont prises, actuellement,
contre des députés pour empêcher le droit de parole des
députés ou celui des commissions de siéger. Ces questions
m'ont été soumises et je ne peux pas les trancher toutes à
l'instant. Je vous demande votre collaboration. Comme je l'ai fait dans le
passé, je vais tenter de vous apporter une réponse le plus
tôt possible.
M. Burns: Je vous donne d'avance ma collaboration. Est-ce que je
peux humblement vous demander la vôtre et vous signaler qu'il est
possible que d'ici quelques semaines la présente session soit
prorogée, qu'il est possible également que ma motion devienne
caduque si elle reste sur votre bureau et qu'il n'y a pas de décision?
Sans vouloir vous presser, est-ce que je peux vous demander que votre
décision nous soit rendue au cours de cette semaine?
Le Président: Au cours de cette semaine?
M. Burns: Est-ce trop vous demander?
Le Président: C'est très rare que j'aie
retardé plus de quelques jours.
M. Burns: C'est pour cela que je ne pensais pas vous demander un
fardeau trop lourd.
Le Président: Oui, sans aucun doute, vous l'aurez dans le
courant de la semaine.
M. Roy: Est-ce que je pourrais demander à l'honorable
leader du gouvernement si on pense pouvoir convoquer cette semaine la
Commission des accidents du travail en commission parlementaire du travail et
de la main-d'oeuvre? Cela fait déjà un bout de temps que nous en
parlons et nous sommes peut-être à l'avant-dernière semaine
de nos travaux. Je ne vois rien au feuilleton, aujourd'hui, qui puisse nous
donner un indice dans ce sens.
Alors, est-ce que le leader du gouvernement est en mesure de nous dire
si c'est cette semaine qu'elle sera convoquée ou si on va attendre les
derniers jours de la session, alors que tout le monde est surchargé,
comme d'habitude?
M. Levesque: Alors, M. le Président, je n'ai pas
d'objection à ce que la commission siège. Il faudrait simplement
trouver le temps nécessaire pour que nous puissions entendre les
représentations de la Commission des accidents du travail.
J'ai eu l'occasion de rencontrer, tout à fait par hasard, le
président de la Commission des accidents du travail. Il est
disposé à venir avec ses gens. Mais la seule chose, c'est qu'il
faut que je trouve un moment propice où les députés
seraient disponibles.
Je pense bien que le ministre du Travail n'a pas d'objection non plus.
Il l'a d'ailleurs dit à maintes reprises. Il s'agira, à ce
moment-là, de trouver un moment pour ce faire. Et si jamais la session
se terminait avant que nous puissions rencontrer la Commission des accidents du
travail, rien ne nous empêchera, dans les jours qui suivent, d'essayer de
le faire.
M. Roy: M. le Président, l'honorable leader du
gouvernement, qui n'a pas d'objection à ce que la commission
parlementaire siège, pourrait-il, demain, nous donner une réponse
définitive là-dessus? Cela fait quand même plus d'un an et
demi que la motion a été adoptée par l'Assemblée
nationale et nous allons tomber dans une autre session encore. Alors comme il y
a des choses assez urgentes et que cette commission parlementaire devait
siéger cet automne, avant même la reprise de nos travaux
parlementaires, je ne voudrais pas qu'on retarde indûment et qu'on
remette toujours d'une journée à l'autre. La réponse,
c'est qu'on se retrouve devant une situation de fait: elle ne siège
pas.
J'aimerais demander au leader du gouvernement si demain il pourrait nous
donner une réponse définitive à ce sujet.
M. Levesque: M. le Président, je ne m'enga-
gérai pas à donner des réponses définitives
à aucun moment parce que je ne suis pas en mesure de connaître
d'avance quel sort sera réservé aux diverses mesures qui seront
présentées. Mais je n'ai pas d'objection à tenter de
répondre dans les meilleurs délais.
Le Président: Affaires du jour.
M. Levesque: M. le Président, article no 16.
Le Président: Le ministre n'est pas là.
M. Levesque: M. le Président, j'aimerais autant
prévenir les députés, qui voudraient quitter, de
rester.
Une Voix: Est-ce qu'il va y avoir un vote? M. Levesque: Oui.
Le Président: Article no 16? Le ministre des Affaires
municipales propose la deuxième lecture du projet de loi no 83, Loi
concernant le canton de Chicoutimi.
M. Levesque: Non, non, non. Article 16. Le Président:
Article no 16.
M. Levesque: A moins que j'aie le mauvais numéro.
C'était ça, l'article 16. Alors, l'article 14.
Le Président: Article 14.
M. Levesque: J'avais tourné une feuille de trop,
c'était le feuilleton de vendredi.
Projet de loi no 80 Deuxième lecture
(suite)
Le Président: Reprise du débat sur la motion de M.
Levesque proposant l'adoption du projet de loi no 80, Loi prolongeant et
modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires.
Je crois qu'il s'agit du droit de réplique de l'honorable
ministre de la Justice...
M. Levesque: Alors, M. le Président... Le
Président: ... qui mettra fin au débat.
M. Levesque: ... poursuivant mon droit de réplique, je
propose l'adoption, en deuxième lecture de ce projet de loi.
Le Président: Est-ce que cette motion est... Vote? Je
crois qu'il avait été décidé...
M. Levesque: Vote enregistré, M. le Président.
Le Président: II avait été
décidé, vendredi, d'un vote enregistré.
Qu'on appelle les députésl
Vote de deuxième lecture
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Que ceux qui sont en faveur de cette motion de deuxième lecture
du projet de loi no 80 veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Bourassa, Levesque, Blank,
Parent (Hull), Mailloux, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lachapelle, Berthiaume,
Giasson, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM. Lalonde,
Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin, Vaillancourt, Houde
(Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Perreault, Brown, Bossé,
Bacon, Lamontagne, Bédard (Montmorency), Veilleux, Saint-Hilaire,
Brisson, Séguin, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Fraser, Picard,
Gratton, Gallienne, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher, Saint-Germain, Harvey
(Charlesbourg), Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier,
Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Ostiguy, Caron, Ciaccia,
Côté, Déom, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc),
Lapointe, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent
(Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay, Vallières,
Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Bédard (Chicoutimi),
Samson, Bellemare (Johnson), Cho-quette, Roy, Leduc.
Le Secrétaire: Pour: 89 Contre: 0 Le
Président: Cette motion est adoptée.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la commission
M. Levesque: M. le Président, article... Ah bon! M. le
Président, je propose que ce projet de loi soit maintenant
déféré à la commission parlementaire de la
justice.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M.
Burns: L'article 11?
Le Président: Non, le projet de loi no 80 est
déféré à la commission parlementaire de la
justice.
M. Burns: Ah! excusez. Oui, oui. D'accord, M. le
Président. Adopté.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée? M.
Burns: Adopté. Le Président: Adopté.
M. Levesque: Articles 24) et 25). Est-ce qu'on pourrait
procéder à la deuxième et à la troisième
lecture? Les projets de loi ont été étudiés en
commission.
M. Burns: ...
Le Président: Deuxième lecture?
M. Levesque: Deuxième, d'abord, M. le
Président.
Projets de loi privés nos 193 et 198
Deuxième lecture, commission
plénière et adoption du rapport
Le Président: L'honorable député de Gatineau
propose la deuxième lecture du projet de loi no 193, Loi refondant la
charte de la cité de Hull. Cette motion de deuxième lecture
est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
Le Président: L'honorable député de
Saint-Louis propose la deuxième lecture du projet de loi no 198, Loi
concernant la ville de Saint-Laurent. Cette motion est-elle adoptée?
M. Burns: Adopté, M. le Président.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
M. Levesque: Est-ce qu'on peut faire les écritures de la
commission plénière?
M. Burns: Oui, M. le Président.
Le Président: Les écritures pour la commission
plénière...
M. Levesque: De ces deux projets de loi.
Le Président: ... et adoption du rapport de la commission
plénière.
M. Burns: C'est cela, M. le Président. Le
Président: Adopté. M. Levesque: C'est tout?
M. Burns: A une prochaine séance, il faudra se trouver
quelque chose à faire. On pourrait adopter la troisième
lecture.
M. Levesque: Bon, voilà! Articles 2) à 10)
inclusivement.
Le Président: Est-ce qu'on peut grouper ces motions de
troisième lecture?
M. Burns: M. le Président, nous avons déjà
donné notre consentement pour regrouper les projets de loi du revenu en
un seul bloc. Le chef de l'Opposition m'a informé qu'il avait
l'intention de ne faire qu'un seul discours sur l'ensemble des
problèmes, en troisième lecture, de ces projets de loi.
Projets de loi nos 59, 71 à 78 Troisième
lecture
Le Président: L'honorable ministre du Revenu propose la
troisième lecture des projets de loi nos 59, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77
et 78.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. Levesque: M. le Président, je pense que les commissions
ont été ajournées. Je prie le chef de l'Opposition de
m'excuser. Je pense qu'il y a une commission qui a été
ajournée, la commission des transports, des travaux publics et de
l'approvisionnement, pour l'étude du projet de loi relatif à
COGEMA; donc, M. le Président, je fais motion pour que cette commission
puisse siéger immédiatement. Il y a également la
commission des affaires municipales qui n'a pas terminé son travail et
je propose qu'elle siège aussi immédiatement. Donc, deux
commissions.
Le Président: Avec le consentement, est-ce que cette
motion est adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président: Ces deux commissions peuvent siéger
immédiatement.
M. Levesque: Si on me le permet, je dirai que demain matin,
à compter de dix heures, à la salle 91-A, la commission des
consommateurs, coopératives et institutions financières
entreprendra l'étude du projet de loi no 95, Loi modifiant la Loi
concernant la fédération de Québec des unions
régionales des Caisses populaires Desjardins. Donc, demain matin,
à dix heures, à la salle 91-A.
Le Président: Messieurs, si vous voulez prendre vos...
Honorable député de Maisonneuve, s'il vous plaît, je
crois que la journée du mercredi, demain, vous appellerez une motion
inscrite au nom du député de Saint-Jacques?
M. Burns: Oui, M. le Président. Cette motion
apparaît actuellement à l'article je m'excuse auprès
du député de Johnson, je l'ai mal informé; ce n'est pas
à l'article 53, parce que le député de Johnson me l'avait
demandé avant, et j'avais donné le no 53 no 62, au
feuilleton de mercredi dernier, le 3 décembre. C'est une motion qui est
inscrite au nom du député de Saint-Jacques et qui se lit comme
suit: "Que cette Assemblée est d'avis que la commission permanente des
affaires sociales doit siéger sans délai pour étudier la
situation des assistés sociaux et les problèmes soulevés
par l'administration de la loi et des règlements de l'aide sociale et
entendre les représentations des personnes
intéressées".
Je m'excuse auprès du député de Johnson. A
l'extérieur de la Chambre, je lui avais dit autre chose; je pensais que
c'était une autre motion, mais c'est bien l'article 62 que nous
appellerons demain, M. le Président.
Le Président: D'accord.
L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. Morin: M. le Président, c'est pour la troisième
lecture que j'ai voulu garder mes observations sur ces neuf projets de loi
portant sur le revenu afin d'avoir le loisir de les examiner en commission,
avant de vous faire part de mes commentaires sur les principes que contiennent
ces lois fiscales.
En effet, ce sont des projets qui pour la plupart ne comportent que
quelques articles et c'est à les examiner en commission qu'on
découvre, quelquefois avec étonnement, les principes sur lesquels
ils sont fondés. En l'occurrence, j'ai découvert avec grand
intérêt que le fin mot de la politique fiscale et sociale du
gouvernement, ce sont les chevaux.
Il y a en effet deux projets de loi qui accordent des privilèges,
devrais-je dire aux éleveurs de chevaux libéraux ou aux
éleveurs libéraux de chevaux.
J'ai quelques commentaires à faire, tout d'abord sur les projets
de loi qui constituent la transposition du discours du budget, après
quoi je vous entretiendrai des problèmes créés par la
non-idexation, laquelle n'est pas encore prévue par les projets de loi
que nous avons devant nous. Enfin, je vous entretiendrai des projets portant
sur la race chevaline.
M. le Président, les projets de loi 59 et 71 à 78
constituent, en gros, la transposition législative de ce que le ministre
des Finances nous avait annoncé dans le budget du 17 avril dernier, en
plus, d'introduire un certain nombre de modifications mineures de concordance
avec la loi fédérale car, une fois de plus, il s'agit surtout,
par le truchement de ces projets de loi, de s'aligner sur les mesures fiscales
décrétées par Ottawa. A l'exception toutefois de la plus
importante modification introduite dans la loi par le gouvernement
fédéral au cours des dernières années, j'entends
l'indexation des exemptions et des paliers d'impôt. C'est
là-dessus que je vais faire porter le gos de mes observations, comme je
l'ai fait d'ailleurs en commission.
Nous savons tous, M. le Président, étant donné que
ce n'est pas la première fois que nous en parlons dans cette Chambre,
que pour la troisième année consécutive, en pleine
période d'inflation, alors que celle-ci se fait plus galopante que
jamais, le gouvernement a refusé d'indexer les exemptions et paliers
d'impôt. C'est-à-dire qu'il a refusé d'adopter une mesure
qui a été jugée essentielle par les gouvernements des neuf
provinces canadiennes autres que le Québec et par le gouvernement
fédéral lui-même. Quand on sait à quel point le
gouvernement fédéral est loin de faire preuve de progressisme
dans le domaine social, et qu'il adopte pourtant des mesures d'indexation de
l'impôt sur le revenu, on peut juger du retard, de l'absence de
politiques du gouvernement québécois dans ce domaine.
De surcroît le gouvernement n'a rien annoncé en
matière d'indexation pour l'année qui va commencer le 1er janvier
1976. C'est dire que nous sommes devant une politique
délibérée de non-indexation. Le gouvernement ne peut pas
nous dire qu'il n'a pas eu le temps d'étudier les effets
bénéfiques ou les inconvénients de l'indexation;
voilà trois ans que nous en parlons dans cette Chambre, voilà
trois ans que nous réclamons l'indexation de l'impôt sur le
revenu, et voilà trois ans que le gouvernement refuse, en toute
connaissance de cause et en alléguant toutes sortes de faux-fuyants,
d'accorder cette mesure qui, pourtant, constitue un minimum en période
d'inflation.
L'an passé, le ministre des Finances a remplacé
l'indexation par certaines mesures dites sélectives. Cette année,
le ministre nous a laissé entendre récemment qu'il n'y aurait
même pas de coupures sélectives et il a même laissé
planer la possibilité d'une augmentation des impôts, en pleine
période d'inflation, de hausse du coût de la vie.
S'il fallait que, par-dessus le fardeau que portent déjà
les contribuables et la perte du pouvoir d'achat qui ronge dans les budgets,
particulièrement de ceux d'entre nous qui sont les plus démunis
au Québec, les taxes augmentent, s'il fallait que ces maigres coupures
dites sélectives qui étaient censées faire fonction
d'indexation soient supprimées, dans ces conditions, je pense que nous
serions devant des mesures socialement et économiquement
rétrogrades, des mesures qui appauvriraient encore ceux qui
déjà sont désavantagés sur le plan des revenus.
Dans le cas où la supression des coupures sélectives
viendrait s'ajouter au refus d'indexer l'impôt sur le revenu, nous
serions devant une hausse d'impôt déguisée et automatique,
comme celles dont nous avons été témoins depuis deux ans,
celles qui ont coûté $200 millions aux Québécois
pour l'année 1974; pour l'année 1975, on parle d'ailleurs de
chiffres comparables.
M. le Président, si l'on s'apprête non seulement à
augmenter les impôts, mais que, de surcroît, on refuse d'indexer
les impôts existants, nous serons devant une double hausse d'impôt
lors du prochain budget. C'est ce qu'appréhende l'Opposition officielle.
Mais je puis vous assurer, M. le Président, que nous allons
dénoncer ce procédé sur toutes les tribunes qui nous
seront offertes, que nous dénoncerons ces mesures rétrogrades sur
le plan social comme sur le plan économique.
Justement, le gouvernement fédéral, dont on ne saurait
dire qu'il est à l'avant-garde du progrès social, vient
d'annoncer, pour 1976, une indexation des exemptions et des paliers
d'imposition. Cette indexation va atteindre 11.3% après des in-
dexations de 10.1% en 1975 et de 6.6% en 1974. Cet ajustement de
l'indexation à la hausse du coût de la vie permettait aux
contribuables de ne pas perdre entièrement ou même partiellement
le bénéfice des hausses de salaires qui ont été
accordées soit par la fonction publique, soit dans l'entreprise
privée, pour permettre aux travailleurs de faire face à la hausse
du coût de la vie, pour leur permettre de maintenir leur niveau de vie,
si l'on peut parler de niveau de vie lorsqu'il s'agit des gens qui se trouvent
au salaire minimum ou sous l'empire des lois d'aide sociale.
M. le Président, le moins que le gouvernement pouvait faire pour
1976, c'était de s'aligner sur les mesures fédérales. Oh!
je sais bien que cela aurait entraîné un manque à gagner.
Je sais bien que les impôts n'auraient pas augmenté subrepticement
sans même que les contribuables puissent constater qu'ils l'avaient
été officiellement. Je sais bien que c'est commode de laisser les
paliers d'impôt ravir aux gens qui obtiennent des augmentations de
salaires et qui montent de palier la majeure partie de l'augmentation qu'ils
ont reçue. Aussi, M. le Président, pour la nième fois, je
dois m'insurger contre ce procédé du gouvernement.
On ne saurait taxer les dix autres gouvernements de ce pays de
progressisme dans le domaine social et, pourtant, ils ont adopté ce
minimum de mesures pour que les citoyens ne soient pas doublement victimes de
l'inflation, victimes tout d'abord lorsqu'ils doivent payer les prix qui ne
cessent d'augmenter, en dépit d'ailleurs des mesures
anti-inflationnistes.
Vous avez sans doute vu, dans les données toutes récentes,
que depuis que M. Trudeau a annoncé ces mesures anti-inflationnistes les
prix ont augmenté plus rapidement qu'auparavant. Non seulement les
citoyens devront payer pour ces prix haussés, mais ils devront continuer
de voir la meilleure partie des augmentations de salaire qu'ils obtiendront
pour lutter contre l'inflation passer tout doucement entre les mains du
gouvernement Bourassa.
En second lieu, deux des projets de loi dont nous avons discuté
en commission ont pour effet de prolonger des mesures fiscales d'aide à
l'industrie. Je pense, en premier lieu, au projet de loi no 72 qui offre une
déduction qui va de 30% à 50% et même à 100% des
investissements industriels, des profits imposables. Ce pourcentage de 30%, de
50% ou de 100% varie selon la région. J'imagine que le but de cette loi
est d'attirer de nouveaux investissements, notamment dans le secteur
secondaire, dans les régions périphériques du
Québec. Il s'agit cependant de mesures absolues, qui n'ont aucun
caractère sélectif. Je veux dire par là que ces rabais
d'impôt, ces déductions ne s'appliquent pas à tel genre
d'industries que l'on voudrait attirer dans telle région. Autrement dit,
cela ne correspond à aucune espèce de planification de
l'économie régionale. L'effet de cela va être d'accorder
des diminutions d'impôt à des entreprises qui n'ont ont vraiment
aucun besoin, des entreprises rentables et qui, pour échapper sans doute
à l'imposition, vont aller s'implanter dans les régions
visées par le projet. Il aurait fallu une politique beaucoup plus
sélective, une politique qui ferait que les industries qui ont vraiment
besoin de ces déductions puissent en profiter, mais que les autres, qui
sont déjà grassement rentables, n'aillent pas chercher, dans
certains cas, une déduction de 100% de leurs investissements
industriels.
Quant au projet de loi no 76, qui porte sur la vente au détail,
on y prolonge l'exemption de la taxe de 8% sur l'équipement industriel.
Encore une fois, c'est une mesure non sélective qui allège le
fardeau fiscal d'entreprises qui peuvent être florissantes. On
s'étonne, après cela, d'avoir sans doute à augmenter les
impôts sur les revenus des particuliers comme cela est possible, à
ce qu'on nous a laissé entendre, dans le prochain budget. Si vraiment le
gouvernement proposait des politiques plus sélectives en matière
d'exemption d'impôt sur les sociétés industrielles en
particulier, peut-être sentirait-on moins l'obligation d'augmenter les
impôts sur les revenus des particuliers.
Enfin, j'en viens, dans ces commentaires qui seront très brefs,
à ce que je considère être le fin du fin de la politique
fiscale et sociale du gouvernement Bourassa. Cette politique est contenue dans
deux projets de loi, les numéros 76 et 77, qui accordent des avantages
aux chevaux. Quelques mots d'abord sur le premier projet, le numéro 76.
On y exempte totalement de la taxe de vente les chevaux. Autrefois, on
exemptait seulement les chevaux qui étaient destinés aux travaux
de la ferme.
Cette fois tous les chevaux, qu'ils soient considérés
comme un bien essentiel sur la ferme ou comme un bien de luxe, comme cela se
voit de plus en plus dans nos campagnes, tous les chevaux vont
bénéficier de cette exemption totale de la taxe de vente.
M. le Président, ceux qui vont bénéficier de cet
amendement, ce sont avant tout ceux qui élèvent des chevaux pour
des fins de loisirs personnels ou pour des fins lucratives. Le gouvernement se
lance à bride abattue dans les concessions aux éleveurs de
chevaux. Et en ce qui me concerne, je dirais que si vraiment on veut proposer
une politique pour favoriser ce genre d'industrie, ce genre de commerce, eh
bien! qu'on le dise clairement et qu'on les subventionne. Que les citoyens
sachent en quoi consiste le dernier cri de la politique sociale du
gouvernement. Que les citoyens sachent que ce sont les chevaux qui font l'objet
de la plus grande considération du gouvernement. Qu'on se rende compte
que les éleveurs de chevaux vont obtenir plus d'attention que certains
citoyens. La même chose pourrait être dite du projet de loi no 78,
qui autorise la remise de 7/10 de 1% des mises à une corporation
destinée à aider l'industrie des chevaux de course.
M. le Président, j'ai demandé au ministre, en commission
parlementaire, de me fournir des chiffres; j'espère qu'il va me les
donner tout à l'heure. Il m'a dit que vers quatre heures et demie il
pourrait sans doute me les donner, mais j'ai lieu de
croire et le ministre pourra infirmer mes dires tout à
l'heure s'il le veut que cette disposition représente des
montants très élevés. Il s'agit évidemment d'aider
tous ceux qui s'occupent de pari mutuel, du commerce des chevaux, M. le
Président, j'entends déjà les hennissements de
satisfaction des libéraux qui, sans doute, font partie du lobby qui a
obtenu ces concessions.
En ce qui me concerne, je les trouve regrettables. Si c'est vraiment
cela les mesures d'allégement fiscal que les Québécois
pouvaient attendre, eh bien! c'est vraiment la fin de tout. Alors que les
Québécois se débattent, sont aux prises avec les
conditions que nous connaissons, inflation, chômage, voilà qu'on
se soucie, par deux projets de loi, des chevaux et de ceux qui les montent.
M. le Président, j'estime pour ma part que ces mesures fiscales
n'apportent rien qui vaille à la population québécoise,
rien qui lui permette d'affronter les conditions économiques de l'heure.
Je me serais attendu, à tout le moins, à quelques mesures qui
auraient porté, par exemple, sur des allégements sur les produits
essentiels et non sur les chevaux. La quintessence de la politique fiscale et
sociale du gouvernement, ce sont les chevaux. M. le Président, je
commence à comprendre beaucoup de choses maintenant quant à la
façon d'administrer du gouvernement Bourassa.
En conclusion, je dirai que nous n'avons pas de raison majeure de voter
contre la plupart de ces projets de loi. En ce qui concerne les projets de loi
nos 76 et 77, portant sur les chevaux, nous allons voter contre. Mais pour les
autres, ils sont tellement anodins, tellement techniques que nous n'avons pas
d'objection à ce qu'ils soient adoptés.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre du Revenu.
M. Robert Quenneville
M. Quenneville: Comme le notait, tantôt, le chef de
l'Opposition, les projets de loi nos 59 et 71 à 78 inclusivement ont
été déférés à la commission
parlementaire des finances, des comptes publics et du revenu pour
étude.
Ils ont introduit, d'une façon générale, des
mesures fiscales annoncées par le ministre des Finances dans le discours
sur le budget qu'il prononçait le 17 avril 1975 et, de façon
particulière, des mesures fiscales dont faisait état la
déclaration ministérielle du 19 décembre 1974 et qui n'ont
pas été incorporées au projet de loi no 19 qui modifiait
la loi sur les impôts qui fut sanctionnée le 19 juin 1975.
Ces projets de loi contiennent également des dispositions d'ordre
technique ou de concordance avec la législation en vigueur au pays. Le
chef de l'Opposition nous a servi du réchauffé en nous parlant,
encore une fois, de l'indexation, tout comme il l'a fait à la commission
parlementaire et aussi lors du débat à la suite du discours sur
le budget.
La politique du gouvernement est tout autre.
Elle a été brillamment défendue à ce moment
par le ministre des Finances. Permettez-moi de résumer en quelques mots
les raisons qui sous-tendent cette politique. Afin de pallier les pressions
inflationnistes qui demeurent inquiétantes et qui ne semblent pas devoir
se résorber totalement et pour contrer la diminution de la demande qui
entraîne un certain ralentissement pour la croissance de
l'économie, le gouvernement se devait d'intervenir, comme le disait le
ministre des Finances, lors de la présentation du discours sur le
budget, par une politique fiscale expansionniste.
Face à un certain ralentissement de la demande, plusieurs
entreprises ont retardé leurs investissements dans l'attente d'une
conjoncture plus propice. Comme stimulant aux entreprises du secteur
secondaire, le gouvernement propose que soient maintenus, pour une
période additionnelle de deux ans, soit jusqu'au 31 mars 1977, d'une
part, les avantages fiscaux qui étaient accordés aux entreprises
de fabrication et de transformation à l'égard des investissements
dans l'achat de biens en machineries et équipement et, d'autre part,
l'exonération de taxes de vente lors de l'achat de machineries
industrielles.
Comme une action centrée uniquement sur les investissements ne
saurait être suffisante, elle doit se doubler d'une politique de soutien
du revenu. Reconnaissant cette nécessité, le gouvernement a
décidé de réduire, de façon massive, l'impôt
sur le revenu des particuliers. Au lieu de procéder à une baisse
générale de l'impôt sur le revenu des particuliers par des
mécanismes automatiques comme l'indexation, préconisée par
l'Opposition, qui eut davantage favorisé les contribuables à
revenus élevés, le gouvernement propose des réductions
substantielles d'impôts qui profiteront surtout aux moins fortunés
et à ceux qui ont charge de famille.
Du point de vue social, les réductions fiscales sélectives
que nous proposons, soit le relèvement des exemptions personnelles et
l'exonération d'impôts de la première tranche du revenu
imposable, sont bien supérieures à l'indexation automatique.
Suite aux modifications qui sont proposées à l'impôt
des particuliers, les trois quarts de la diminution d'impôt
envisagée, qui totalisent $340 millions, seront répartis entre
les contribuables dont le revenu est inférieur à $10,000.
Disons, en passant, que ces $340 millions dépassent de beaucoup
ce qu'aurait rapporté l'exemption par le mécanisme de
l'indexation pour le même temps, c'est-à-dire pour les deux
années. De plus, la majoration des exemptions personnelles et surtout
les exonérations d'impôt sur les premiers deux mille dollars de
revenu imposable feront que 300,000 Québécois s'ajouteront au
groupe des contribuables qui n'ont pas d'impôt à payer.
Suite à l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de
loi no 19 qui fut sanctionné le 19 juin 1975, une exonération
d'impôts sur les premiers mille dollars de revenus
d'intérêts était accordée pour l'année
d'imposition 1974.
En vue d'intéresser davantage les Québécois
à l'épargne, nous proposons que, pour l'année d'imposition
1975 et les années subséquentes, cette exemption englobe les
revenus de dividendes d'entreprises canadiennes.
Le gouvernement propose également d'alléger le fardeau
fiscal de certains contribuables dont la majeure partie des revenus provient,
entre autres, d'une pension de retraite en exonérant de l'impôt
les premiers $1,000 de tels revenus.
Suite aux allégements proposés à l'égard de
cette catégorie de contribuables, le revenu d'un couple
âgé, qui tire normalement sa subsistance de régimes de
retraite et d'intérêts ou dividendes, pourra atteindre, dans
certains cas, plus de $10,000 avant de devenir imposable.
Dans le cadre d'un mouvement amorcé en 1972, le ministre des
Finances faisait état, dans son discours sur le budget prononcé
le 29 mars 1973, d'une réduction graduelle de l'impôt successoral
jusqu'à son abandon éventuel. Maintenant que les gains de capital
sont imposés et qu'il y a présomption de gain au moment du
décès, l'impôt successoral trouve moins sa raison
d'être comme mesure de redistribution de la richesse. C'est ainsi que,
depuis le 1er janvier 1974, l'impôt successoral a déjà
été réduit de 40%. Le gouvernement propose, à
compter du 1er janvier 1976, de porter cette réduction à 60%.
Le gouvernement propose également d'apporter certains
adoucissements d'impôt sur les dons par le relèvement des
exemptions, ce qui aura pour effet d'exonérer, dans certains cas, de
l'impôt certains dons pouvant totaliser $30,000.
Le chef de l'Opposition a insisté sur trois mesures, à
savoir l'exemption sur l'achat de machines industrielles, sur l'élevage
des chevaux et...
M. Morin: Sur les paris mutuels.
M. Quenneville: ... sur les paris mutuels. Je pense bien que les
mesures fiscales qui ont été adoptées par le ministre des
Finances et par l'Assemblée nationale sont des mesures incitatives.
Contrairement à ce que le chef de l'Opposition prétendait, ces
mesures sont en effet sélectives, puisqu'elles sont attribuées
après consultation avec le ministère de l'Industrie et du
Commerce pour ce qui regarde la machinerie industrielle. A ce moment-là,
on essaie de faire une distribution géographique équitable pour
toute la population des industries du secondaire. C'est donc dire que la
distribution se fait de façon juste non seulement à
l'intérieur des grandes villes, mais aussi dans la
périphérie, c'est-à-dire dans les régions
excentriques.
Pour ce qui est de l'élevage des chevaux, je pense que le chef de
l'Opposition a sous-estimé cette industrie.
M. Morin: Je ne sous-estime pas le "lobby", cependant.
M. Quenneville: Jusqu'ici, effectivement, l'exemption de taxes se
faisait...
M. Veilleux: Encore des accusations!
M. Quenneville: ... pour les chevaux devant servir à
l'agriculture. Nous avons, comme province, à concurrencer une industrie
similaire des provinces voisines et aussi des Etats-Unis. C'est la raison pour
laquelle des exemptions ont été données pour permettre une
saine concurrence dans ce domaine, à savoir l'élevage des chevaux
servant à d'autres fins que l'agriculture.
Contrairement à ce que prétendait tantôt le chef de
l'Opposition, ces montants ne sont sûrement pas énormes; ils
représentent environ $1.5 million. Mais j'aurai l'occasion, d'ici
à quelques minutes, de pouvoir vous remettre des chiffres plus
précis, même si ces chiffres sont basés, jusqu'à un
certain point, sur l'extrapolation des paris mutuels et des ventes possibles de
chevaux au cours de l'année. On ne peut pas le savoir à l'avance,
mais, en se basant sur les chiffres des années antérieures, on
est en mesure quand même d'apporter des chiffres approximatifs.
M. Morin: Le ministre me permettrait-il une petite question?
M. Quenneville: Oui.
M. Morin: Puisqu'il s'agit de subventionner une industrie qui
fait face à la concurrence de l'extérieur, le ministre ne
croirait-il pas opportun de procéder de façon claire et objective
en accordant carrément une subvention à cette industrie pour le
temps durant lequel elle en aura besoin pour se mettre sur pied, plutôt
que de procéder de la façon dont il le fait, en supprimant la
taxe de vente sur un bien qui demeure un luxe?
M. Quenneville: Est-ce qu'il faudrait, à ce
moment-là, donner une subvention sans savoir l'usage du cheval par la
suite? C'est la raison pour laquelle, effectivement, on a inscrit à
l'intérieur de la même loi: Des chevaux devant servir à
d'autres fins que l'agriculture, c'est-à-dire aux courses, à
l'équitation, de façon que cette subvention puisse rejoindre
surtout ceux qui en ont besoin.
Alors, je vois mal, pourquoi donner une subvention; je pense que c'est
une méthode d'incitation valable comme toutes les autres mesures,
d'ailleurs qui sont traduites dans ces lois 59, 71 à 78 inclusivement.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Je comprends que le chef de
l'Opposition veut voter contre ces projets de loi?
M. Morin: M. le Président, nous sommes disposés
à voter pour les lois nos 59, 71, 72, 73, 74, 75 et 78, mais nous
voterons contre les projets de lois nos 76 et 77.
Le Vice-Président (M. Blank): D'accord.
M. Morin: Autrement dit, nous pourrions les adopter sur division,
dans ces deux cas-là.
Le Vice-Président (M. Blank): La motion de
troisième lecture du projet de loi no 59, Loi modifiant de nouveau la
Loi sur les impôts et modifiant la Loi concernant l'application de la Loi
sur les impôts, est-elle adoptée?
Adopté.
La motion de troisième lecture du projet de loi no 71, Loi
modifiant la Loi du ministère du revenu, est-elle adoptée?
M. Morin: Adopté.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté. La motion de
troisième lecture du projet de loi no 72, Loi modifiant la Loi
favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux,
est-elle adoptée?
M. Morin: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.
La motion de troisième lecture du projet de loi no 73, Loi
modifiant la Loi autorisant le paiement d'allocations à certains
travailleurs autonomes, est-elle adoptée?
M. Morin: Bien, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.
La motion de troisième lecture du projet de loi no 74, Loi
modifiant la Loi de l'assurance-maladie, est-elle adoptée?
M. Morin: Volontiers, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.
La motion de troisième lecture du projet de loi no 75, Loi
modifiant la Loi des droits sur les successions, est-elle adoptée?
M. Morin: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté. La motion de
troisième lecture du projet de loi no 76, Loi modifiant la Loi de
l'impôt sur la vente en détail, est-elle adoptée?
M. Morin: Sur division.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté sur division.
La motion de troisième lecture du projet de loi no 77, Loi modifiant la
Loi de la taxe sur les repas et l'hôtellerie, est-elle
adoptée?
M. Morin: Egalement sur division.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté sur division.
La motion de troisième lecture du projet de loi no 78, Loi modifiant la
Loi des licences, est-elle adoptée?
M. Morin: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.
M. Bienvenue: Dix-sept, M. le Président.
Projet de loi no 250 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre des
Affaires sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no
250, Loi modifiant de nouveau la Loi de l'assurance-maladie. Le ministre des
Affaires sociales.
M. Morin: M. le Président, avec votre permission, est-ce
que vous pourriez suspendre la séance quelques instants, pour que le
député de Saint-Jacques ait le temps de descendre en Chambre? Je
suis sûr que le ministre voudra bien en convenir, puisque c'est un
débat qu'il a avec le député de Saint-Jacques.
M. Forget: Sûrement.
Le Vice-Président (M. Blank): D'accord, nous suspendons la
séance pour cinq minutes. A l'ordre, messieurs!
M. Claude Forget
M. Forget: M. le Président, j'ai peur de décevoir
un peu cette Assemblée qui attend depuis quelques minutes ce
débat de deuxième lecture parce que le. projet de loi que nous
avons devant nous se prête bien peu à des débordements
d'éloquence. Il s'agit d'une mesure dont la rédaction est
extrêmement technique et dont l'effet, si l'on veut la résumer en
des mots plus simples, est de conserver aux bénéficiaires d'aide
sociale qui se situent dans le groupe d'âge de 60 à 64 ans et qui
sont les conjoints d'une autre personne qui, elle, a plus de 65 ans, les
avantages de l'assistance-médicaments dont ils jouissent
présentement et dont ils cesseraient de jouir si cette mesure
n'était pas adoptée.
En effet, le 1er octobre de cette année, le projet de loi C-62,
adopté par la Chambre des communes du Canada, devenait en vigueur. Dans
cette loi, l'article 5 comporte une partie 11-1 qui s'ajoute à la Loi
sur la sécurité de la vieillesse et qui introduit une nouvelle
prestation à l'avantage des personnes que je viens de décrire,
c'est-à-dire des personnes qui sont les conjointes entre 60 et 64 ans
d'une deuxième personne qui, elle, est bénéficiaire des
pensions de sécurité de la vieillesse. Recevant donc cette
nouvelle prestation, ces nouveaux prestataires du programme
fédéral deviennent inéligibles à l'aide sociale.
Devenant inéligibles à l'aide sociale, ils perdent l'une des
conditions essentielles au bénéfice de
l'assistance-médicaments. Afin de leur conserver, encore une fois, ce
privilège, il est nécessaire d'amender notre Loi de
l'assurance-maladie en vertu de laquelle nous assurons cette couverture de
l'assistance-médicaments.
C'est donc l'objet de cette loi qui, dans son article 1, autorise la
régie à assumer le coût des services
d'assistance-médicaments, dans son article 2, établit une
disposition de concordance et, dans son article 3, autorise le ministre des
Affaires sociales à émettre les carnets de réclamation,
c'est-à-dire la preuve d'éligibilité qui permet à
un bénéficiaire de se présenter dans une pharmacie et de
bénéficier sans frais des avantages du régime.
Voilà tout ce qu'il est vraiment convenable et possible de dire
sur cette mesure qui affecte un
total d'environ 6,500 personnes bénéficiaires, encore une
fois, de l'aide sociale jusqu'au début d'octobre de cette année.
Elle continuera à s'appliquer de la même façon au cours des
années futures c'est-à-dire qu'au fur et à mesure que les
personnes bénéficiaires de l'aide sociale atteignent l'âge
de 60 ans et deviennent admissibles aux mesures fédérales de
prestation au conjoint, elles perdent le bénéfice de l'aide
sociale. A ce moment-là, cette loi continuera de leur donner
l'assistance-médicaments.
Ce n'est donc pas une loi qui vise seulement la situation
créée par l'adoption de la loi fédérale en octobre
mais qui continuera d'avoir une application au cours des années futures.
Voilà donc, M. le Président, tout ce qu'il est possible de dire
sur cette loi. J'en recommande, il va sans dire, son adoption
expéditive.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, il est exact, comme vient de
le dire le ministre des Affaires sociales, qu'il n'est guère possible de
dire plus sur cette loi que ce qu'il a dit lui-même, mais il aurait
été possible de faire plus dans cette loi que ce qu'il a fait
lui-même. Si je choisis d'intervenir à ce moment-ci dans ce
débat de deuxième lecture, c'est justement pour indiquer que la
portée de la loi, cette loi-ci ou une autre que le ministre aurait pu
choisir de présenter, aurait pu être tout à fait
différente lorsqu'il décidait de modifier de nouveau la Loi de
l'assurance-maladie.
En fait, M. le Président, il n'a guère de choses à
dire de plus que la nécessité de rétablir la justice.
Voilà donc le fait. Cette Assemblée avait
précédemment décidé que toute personne
bénéficiaire de la Loi de l'aide sociale avait en même
temps droit à une assistance-médicaments. Cette décision,
je pense qu'aucun député de l'Assemblée ne veut y
contrevenir, ni même la remettre en question. Au contraire, je pense que
plusieurs d'entre nous espérons beaucoup plus l'étendre et
l'élargir.
Or, l'initiative fédérale, celle-là aussi
endossable, d'étendre aux conjoints des pensionnés l'allocation
à laquelle ils ont droit, leur faisait perdre le statut de
bénéficiaires de l'aide sociale et les écartait donc de ce
qui nous avait apparu, à un moment ou à un autre, comme un strict
minimum de justice à l'égard de ces personnes. Personne ne
s'opposera donc à rétablir ce droit, mais nous ne faisons
toutefois que rétablir un droit très restreint. Nous ne faisons,
par cette loi, que rétablir la normale précédemment
décidée par cette Assemblée, comme je le disais
tantôt, mais nous ne procurons en rien à qui que ce soit de
Québécois, aujourd'hui, un bénéfice de plus, un
service de plus, une garantie de plus ou une assurance de plus que ce qu'il
n'avait précédemment. La loi est à ce point technique
qu'elle ne fait que rétablir et justice et faits.
Or, M. le Président, une société qui se permet des
extravagances des plus olympiques pourrait en même temps faire plus pour
les personnes âgées qu'elle ne le fait. Non seulement
rétablir un droit qui a déjà vécu, mais
l'étendre. Lors de la discussion des crédits du ministre des
Affaires sociales, au printemps dernier, sans avoir la citation devant moi, je
crois être fidèle à ses propos en rappelant que nous avions
établi que, dans les catégories de personnes âgées,
en fait, les deux tiers ou à peu près de ces personnes
âgées recevraient déjà, actuellement, une
assistance-médicaments.
Les unes, le premier tiers, parce qu'elles sont en même temps
bénéficiaires d'un régime de supplément de revenu
garanti, qui enchaîne l'assistance-médicaments. C'est le cas d'un
tiers de ces personnes. Autrement dit, les personnes qui n'ont, comme unique
revenu, que la pension de vieillesse ont donc en plus un supplément de
revenu garanti qui leur assure une assistance-médicaments. L'autre
tiers, c'est un tiers dont nous parlons actuellement, les assistés
sociaux, de 65 ans ou plus ou moins qui, parce qu'ils sont
bénéficiaires de l'aide sociale, ont déjà droit
à l'assurance-médicaments.
Mais il reste un tiers des personnes âgées,
pensionnées par le gouvernement fédéral, qui doivent
encore gruger, à partir de leur propre budget, les sommes requises aux
médicaments qu'ils doivent prendre.
Ce groupe de notre collectivité ne doit pas demeurer plus
longtemps une exception. Quand j'examine les ressources et les
possibilités de cette collectivité, je dis que ce groupe n'a pas
à faire les frais d'une injustice qui, ailleurs, peut être
transposée avec beaucoup plus de poids. Je crois que cette
catégorie de personnes âgées devrait la somme
établie l'année dernière était de $9 millions
avoir droit, elle aussi, à une gratuité des
médicaments. Le budget du Québec n'en serait pas
bouleversé, aucunement. Il s'agit d'une somme qui peut atteindre au
maximum, avons-nous fixé au printemps dernier, les $10 millions. Ce
montant peut être payé par une société qui se permet
d'investir des milliards de dollars dans des projets incontrôlés
et dont les coûts sont inconnus encore quant à leur portée
réelle, une société qui se permet de reprendre en main un
chantier où le déficit connu est de $600 millions pour des
édifices sportifs. Combien d'autres extravagances et dépenses
pourrais-je aligner, que les députés de cette Assemblée
connaissent également, mais qui sont toujours soutenues par le
gouvernement, toujours défendues même par le gouvernement. Combien
de ces extravagances sont parfois beaucoup plus coûteuses qu'un soin
légitime, normal à assurer à cette catégorie de
gens qui ont construit le Québec dans lequel nous vivons
actuellement.
Il ne s'agirait pas, non plus, uniquement d'étendre la
gratuité des médicaments à l'ensemble des personnes
âgées et à leur conjoint de 60 ans et plus, mais aussi
d'élargir j'espère qu'au sein du ministère on s'y
apprête la liste des médicaments auxquels ceux qui
bénéficient déjà de l'assistance-médicaments
sont appelés à se limiter. Je veux faire état ici de mon
expérience de comté, de mon expérience de
député dans un
quartier de Montréal où plusieurs de mes concitoyens sont
effectivement directement visés par ce projet de loi que nous sommes
appelés à voter aujourd'hui. D'autres députés aussi
pourraient intervenir.
Plusieurs de nos commettants, bénéficiaires de l'aide
sociale ou du supplément de revenu garanti, donc ayant droit à
l'assistance-médicaments en théorie, doivent quand même,
à partir de leur revenu fort modeste, débourser des sommes pour
des médicaments parce que ces médicaments ne sont pas compris
dans la liste, parce que ces médicaments ne sont pas ceux reconnus par
le ministère des Affaires sociales. La semaine dernière, j'ai eu
l'expérience de me faire déposer sur mon bureau par
j'allais dire une patiente une concitoyenne de mon comté, une
boîte de pilules fort coûteuses non prévues et non couvertes
par l'assistance-médicaments et qu'elle devait elle-même couvrir
c'était sa maladie, c'était sa prescription
médicale à partir d'un revenu fort modeste comme
bénéficiaire de l'aide sociale.
Nous devons élargir cette liste, mais je sais que nous ne devons
pas le faire à la bonne franquette. Je pense que le ministre conviendra
que nos propos à la commission des affaires sociales, au printemps
dernier, n'étaient pas de cette allure et ne faisaient pas cette
demande. Il ne s'agissait pas d'inclure tous les médicaments sans
examen, sans analyse, suffirait-il de la prescription de quelque médecin
ou de quelque inventeur que ce soit. Nous n'avons jamais réclamé
ce genre d'intervention de la part du gouvernement. Il faut que le gouvernement
garde un contrôle d'analyse sur la qualité des médicaments
prescrits, parce qu'entre autres choses il y a un but à maintenir
permanent dans notre esprit lorsque nous nous attaquons à ce genre de
problèmes, c'est la surmédicamentation dont plusieurs de ces
personnes font souvent abus et parfois même sur le conseil de leur
médecin.
Il est vrai qu'un certain nombre de médicaments
déjà inclus dans la liste de ceux couverts par
l'assistance-médicaments, connaissent des consommations abusives.
Par besoin psychologique ou par besoin de rassurer son patient, il se
peut qu'un médecin prescrive, étant donné que c'est
gratuit pour le patient, mais que c'est la collectivité qui
défraie le coût, des médicaments non nécessaires. Il
en va de la conscience comme du comportement professionnel de ces
médecins, ce qui est autre chose. Je ne demande donc pas qu'on conduise
à une surmédication, mais que cette liste, annuellement
révisable et révisible, le soit effectivement pour encadrer des
médicaments dont la prescription devient de plus en plus
fréquente et qui, pour le moment, même si cette personne se classe
dans des catégories de personnes âgées déjà
visées par l'assistance-médicaments, demeurent hors de sa
portée à cause du prix ou à cause de la prescription
médicale qui convient.
Notre position demeure donc claire là-dessus; avant d'endosser
des extravagances de dépenses publiques dont cette Chambre a
été saisie à telle- ment d'occasions, il nous semble
essentiel qu'une Loi modifiant de nouveau la Loi de l'assurance-maladie ne
fasse pas que rétablir un droit précédemment reconnu par
cette Assemblée à l'égard des personnes
âgées. En plus de cela, elle doit apporter du nouveau, et le
nouveau que cette loi aurait dû apporter nous la soutiendrons,
bien sûr, parce qu'il s'agit d'établir justice c'est la
gratuité des médicaments à l'ensemble des personnes
âgées, sans distinction de leur source de revenus, donc mesure
universelle, et en même temps à leur conjoint de 60 ans et plus
pour suivre l'initiative fédérale dans ce domaine.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Johnson.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare (Johnson): M. le Président, je voudrais
ajouter quelques considérations à ce projet de loi no 250. C'est
sûrement destiné à permettre à la Régie de
l'assurance-maladie de payer le coût des services et des
médicaments que fournissent les pharmaciens, sur ordonnance d'un
médecin ou d'un chirurgien dentiste, à toute personne de 60 ans
ou plus et de moins de 65 ans admissible à la pension de
sécurité de la vieillesse.
M. le Président, je me réjouis de cette loi, parce qu'elle
est conforme, je pense, à l'amendement qu'a apporté le
gouvernement fédéral dans sa loi qui permet au conjoint qui a le
surplus de bénéfice, le surplus de vieillesse de qualifier son
épouse qui, dans des circonstances particulières, n'arrive pas
à retirer suffisamment pour vivre.
Ma première considération c'est quand allons-nous, dans la
province de Québec ou dans le pays bien entendu, c'est une loi
fédérale adopter le principe de la pension de vieillesse
avec un décalage d'un an par année, 65, 64, 63, 62 ans pour
arriver à la pension de vieillesse à 60 ans? Pour couvrir tous
ces gens...
Voulez-vous me regarder deux minutes, voulez-vous m'aider deux minutes?
Parce que vous me dérangez un peu. C'est difficile de répondre
à un ministre comme cela.
Il y a déjà plusieurs années que nous demandons que
cette pension de vieillesse soit descendue à 60 ans pour aider tous ceux
qui vivent présentement des situations extrêmement difficiles
j'en donnerai un exemple dans quelques instants au point de vue
financier, ceux qui sont exclus de ces bénéfices que leur
accorde, aujourd'hui, la nouvelle loi.
Vous avez, par exemple, une veuve; son mari travaillant au CPR, comme
employé de chemin de fer, depuis plusieurs années, meurt. Il
laisse cette femme de 61 ans, par exemple, dans une situation extrêmement
difficile, parce que la demi-pension qui est accordée ne permet pas de
recevoir d'autres pensions. Et comme elle n'est pas suffisamment riche, mais
qu'elle est dans un état moyen entre le trop que lui défend la
loi et le nécessaire qu'elle peut obtenir, elle est dans une situation,
jusqu'à 65 ans, extrêmement difficile pour vivre et elle n'a
pas les bénéfices que lui accorde cette nouvelle loi. Je
dis donc qu'il y a une foule énorme; si je regarde la statistique, je
trouve qu'il y a 12% de veuves de 60 jusqu'à 65 ans qui auraient droit
à certains privilèges qu'accorde ce projet de loi no 250 et qui
ne les ont pas.
Je ne dis pas que c'est un pourcentage épouvantable,
extraordinaire, mais je dis que voici une classe qui représente un
certain nombre de personnes qui sont veuves ou même veufs et qui ne
peuvent pas bénéficier de ces avantages de la loi. Je crois que
l'intention du gouvernement, actuellement, est de pouvoir faire
bénéficier le conjoint pour autant qu'il est qualifié pour
le supplément.
En ce qui regarde ce document, je pense que 12% de la population entre
60 et 65 ans ne peuvent toucher aucune prestation ou aucun revenu les aidant,
soit en pharmacie ou en dentisterie. Ces gens sont actuellement dans une
situation extrêmement précaire parce que, à part le strict
nécessaire que leur apporte une demi-pension ou certains revenus de
loyer qui, aujourd'hui, à cause des circonstances, ne
représentent plus 12% d'intérêt sur un capital investi,
mais bien 7% à cause des taxes et des nombreuses obligations qu'ils ont,
parce que lorsqu'on fait réparer un logement aujourd'hui, je n'ai pas
besoin de vous dire que cela coûte extrêmement cher et on est pris
avec la loi de la régie des loyers qui ne peut, en certaines
circonstances, être modifiée.
Je dis donc, M. le Président qu'en ce qui regarde la pension de
vieillesse, on devrait penser plus que jamais à la ramener à 60
ans pour tout le monde, ce qui permettrait de bénéficier par le
fait même de tous ces avantages sociaux, parce qu'à 60 ans, c'est
difficile pour une femme ou une veuve d'aller travailler à la Place Des
Rivières, chez Pollack ou dans un magasin. Je pense que, lorsqu'on a
atteint un certain âge, on est moins préparé à aller
chercher le supplément qui sera nécessaire pour la vie.
Deuxième chose. Il y a sûrement au ministère des
Affaires sociales des statistiques qui nous montrent combien certains
médicaments sont employés sans discernement. J'ai
rencontré tout dernièrement un employé qui me disait:
C'est effarant le nombre de dollars, centaines de milliers de dollars que
coûtent les médicaments dans la province de Québec,
contrairement à l'Ontario où il y a une différence
énorme dans l'application, surtout pour les médicaments offerts
à la clientèle. C'est une chose sur laquelle le gouvernement
devrait avoir un oeil bien particulier. Dernièrement, dans un centre
d'accueil, j'ai visité un malade qui était bien logé et
j'ai vu sept bouteilles sur son bureau. J'ai dit à mon ami: Qu'est-ce
que c'est? Sont-ce toutes des pilules que tu dois prendre? Il a dit: Oui.
Celle-là à la demie de l'heure, l'autre au quart d'heure, parfois
à toutes les cinq minutes. Il y avait sur chaque bouteille une
prescription différente. Il fallait qu'il prenne tout cela dans la
même journée.
M. Bienvenue: C'est cela qui le rend malade. M. Bellemare
(Johnson): C'est ce qui le rend malade, c'est sûr. Mais voyez-vous
l'abus, M. le Président? Sept sortes de pilules prises dans douze ou dix
heures. Là il y a un abus. Et on voit les gens qui se versent cela dans
les mains et hop! Vous avez peut-être vu cela, M. le ministre, des gens
aux pilules? Visitez n'importe quel centre d'accueil ou n'importe quel
hôpital, vous voyez à toutes les quatre ou cinq minutes... J'y
suis allé à l'hôpital j'ai été bien
malade et j'étais assez fatigué de les voir entrer avec un
plat en argent et deux pilules. On n'avait pas fermé la porte qu'il en
arrivait une autre qui disait: Cela aussi vous devez le prendre. J'ai dit:
Laissez-moi la paix, vous allez me transformer en "piloman".
Non, mais c'est l'abus. Je l'ai peut-être dit dans des termes un
peu humoristiques, mais je dis qu'il y a dans cela une trop grande distribution
de pilules et pas assez pour ceux qui en ont véritablement besoin.
Il y a des sortes de maladies que je comprends mal. Quand une femme
m'arrive chez nous, à mon bureau, et commence à m'expliquer la
"téticorotomie", je ne sais pas ce que cela veut dire. Elle a dit: Ils
m'ont refusé mes remèdes. Alors je dis à madame Charest,
ma secrétaire: Voulez-vous téléphoner au bien-être
social pour savoir si la "téticorotomie" est sur la liste ou non.
Les noms qu'on a trouvés aux pilules aujourd'hui sont
fantastiques et les gens ont bien plus confiance aux noms qu'aux pilules. S'ils
n'ont pas cette sorte, M. le Président, ils crèvent. C'est
fantastique. Ils nous font des guerres épouvantables. Ils nous font
écrire au ministre. Il faut que cette pilule soit sur la liste. Souvent,
le ministre dit: Ecoutez, c'est seulement le nom qui est changé. Une
aspirine, c'est un peu ce qu'on appelle du soda à pâte mais c'est
fait en pilule et cela fait pareil.
C'est le problème que nous avons, actuellement, dans nos bureaux,
des gens qui viennent nous voir pour des maladies imaginaires. Le docteur leur
fait croire que cela prend une sorte de pilule bien épouvantable.
Là, la dame part et dit au député: Vous savez, le service
social ne veut pas me la donner. Je dis: Un instant, on va voir s'il vous
refuse cela. On prend le téléphone et on nous dit: La même
chose est contenue dans tel autre médicament qui est permissible.
Il se fait un abus de pilules, M. le Président,
épouvantable. Je suis d'accord avec le député de
Saint-Jacques quand il dit qu'on devrait être un peu moins
généreux dans ce qu'on donne en médicaments. Vous savez,
quand on arrive dans un centre d'accueil et qu'on voit sept bouteilles de
suite, on commence à se poser des questions. Le gars, s'il n'est pas
malade, il va l'être certain!
Troisièmement, le carnet de réclamations dont il est
question dans le projet de loi est un carnet qui est distribué à
tout le monde bien entendu par le ministère des Affaires sociales du
Québec. S'il arrivait que ce carnet soit défectueux,
brûlé ou perdu, qu'est-ce qui se produirait? Le ministre pourra
peut-être me dire qu'immédiatement on lui en ferait imprimer un
nouveau mais quel est le schéma? Des fois, vous savez, quand on veut
faire
reconduire un nouveau permis ou un nouveau carnet de
réclamations, on dit: Oui, oui. On va demander à Mlle Larouche.
Mlle Larouche va téléphoner à M. Brodeur, M. Brodeur va
déférer cela à M. Duclos et M. Duclos va nous dire:
Ecoutez, vous allez vous adresser à M. Brodeur et... On nous fait faire
la pirouette plusieurs fois. Le ministre sait cela. Ce n'est pas sa faute.
C'est une bureaucratie qu'il endure et il en souffre. J'en suis convaincu. Mais
elle existe quand même cette ritournelle.
Si c'était plus facile, rendu très facile. Quelqu'un perd
son carnet de réclamations. On peut lui en émettre un facilement
pourvu que son numéro d'assistance sociale soit dessus, etc. C'est une
question que je me pose.
Le dernier point, M. le Président, c'est que je suis d'avis que
les services qui sont accordés pour les chirurgiens-dentistes devraient
être aussi catalogués. Le ministre sait de quoi je veux parler. Il
y a des gens qui, souvent, pour toutes sortes de raisons, pour la beauté
féminine même à 60 ans, se font arracher les crocs qu'ils
ont pour se faire mettre de beaux dentiers. Cela se voit assez
fréquemment.
J'ai eu l'autre jour un cas particulier à mon bureau. La femme
est arrivée et a dit: Pensez-vous, M. Bellemare, que je pourrais avoir
un beau dentier? J'ai dit: Oui, le ministre en paie. Si vous passez par le
service. Elle avait 65 ou 66 ans. En vertu de la Loi de l'assistance sociale,
elle avait le droit d'en avoir un.
Je n'ai pas besoin de vous dire que des cas comme cela arrivent
très souvent. Je pense qu'il devrait y avoir, dans ce carnet de
réclamations, peut-être un certain degré pour ceux qui le
font par beauté ou bien pour s'arracher quelques crocs. En tout cas, je
laisse au ministre le soin de me répondre.
Je suis bien heureux de la loi qui est adoptée. Elle est
concordante avec la loi fédérale et elle modifie sensiblement
l'assurance-maladie dans la province. Je voterai sûrement pour ce projet
de loi si le ministre voulait aussi apporter quelques considérations
à ceux qui, dans la province, à cause des demi-pensions, n'ont
pas, entre 60 et 65 ans, les sommes voulues pour vivre.
Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce qu'il y en a d'autres
qui veulent parler avant que le ministre n'exerce son droit de
réplique?
Le ministre des Affaires sociales.
M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. Je crois qu'une
occasion comme celle-ci nous montre mieux que n'importe quelle autre que cette
institution qui est la nôtre mérite bien son nom de Parlement.
Lorsqu'une mesure apparaît qui, par exception peut-être, n'attire
pas comme telle des remarques critiques de la part des membres de cette
Assemblée et en particulier les membres de l'Opposition, on trouve bien,
de toute façon, quelque chose à dire, que ce soit sur ce sujet ou
sur un autre.
C'est un peu comme des pilules; souvent, ces discours ayant
été faits, il faut un deuxième discours pour faire passer
le premier, un peu comme parfois certaines pilules sont destinées
à faire passer la première ou celle qui vient de
précéder.
On a fait certains commentaires qui, même si on les reprend de
discussions en commission parlementaire, doivent être relevés
à ce moment-ci, puisque mon silence pourrait être
interprété comme acquiescement, ce que je ne voudrais pas,
étant donné que j'aimerais plutôt avoir le plaisir
d'acquiescer à haute voix, si c'était le cas.
Lorsque l'on parle de l'extension de la couverture de
l'assistance-médicaments, comme l'a fait le député de
Saint-Jacques, on parle d'étendre la couverture d'un régime qui
se préoccupe essentiellement, d'ores et déjà, de tous ceux
qui peuvent être considérés comme les
défavorisés, des personnes dont le revenu est très
marginal. En effet, qui sont les bénéficiaires actuels de ce
régime? Ils sont, d'une part, l'immense masse des
bénéficiaires de l'aide sociale. Je dis immense à juste
titre, parce qu'il s'agit, à l'heure actuelle, d'environ 400,000
personnes ou un peu plus. Ces 400,000 personnes sont toutes celles qui, encore
une fois, bénéficient de l'aide sociale et ce jusqu'à
l'âge de 65 ans, puisqu'à partir de 65 ans ils se trouvent,
évidemment, à bénéficier des mesures de
sécurité de la vieillesse, ce qui les rend non admissibles
à l'aide sociale; sauf une exception, exception qui est désormais
exclue, c'était cette catégorie des conjoints des
bénéficiaires de la sécurité de la vieillesse, qui,
eux, avaient moins de 65 ans. Ceux-ci sont désormais couverts, mais de
toute manière ce n'est pas véritablement une exception,
puisqu'ils se situaient en deça de 65 ans eux-mêmes.
Donc, les bénéficiaires de l'aide sociale, 400,000
personnes ou un peu plus; d'autre part, 300,000 autres
bénéficiaires. Ces 300,000 bénéficiaires se
composent, pour une moitié, de personnes qui ont pour seul revenu la
pension de vieillesse et le supplément du revenu garanti pour les
personnes âgées; 150,000 personnes, donc, qui n'ont pas de revenus
autres que ceux qu'ils retirent des prestations de la sécurité de
la vieillesse. Ces personnes ne sont pas affectées par cette mesure;
elles sont déjà couvertes.
L'autre moitié de ces 300,000, soit 150,000, est
constituée par des personnes qui ont un revenu en plus de la
sécurité de la vieillesse. Elles ont un revenu qui leur permet,
malgré tout, de retirer une partie du supplément; donc, un revenu
modeste qui leur permet de bénéficier d'un revenu total, joint
à la pension de vieillesse et au supplément, qui se situe
à un niveau, malgré tout, assez confortable, étant
donné les besoins des personnes de cet âge-là.
M. Bellemare (Johnson): Pour suivre le ministre, ce sont ceux qui
ont 65 ans et plus?
M. Forget: C'est toujours ceux qui ont 65 ans et plus. Vous avez
300,000 personnes qui en bénéficient actuellement; 150,000 n'ont
aucun revenu
sauf les pensions, 150,000 autres, la moitié donc,
bénéficient d'un revenu en plus de la pension. Ce peut être
un revenu provenant d'une hypothèque qu'ils ont et dont ils
reçoivent le paiement des intérêts tous les trois mois ou
tous les six mois ou tous les ans. Ce peut être une pension ou un
régime supplémentaire de rentes qu'ils avaient comme
employés d'une compagnie ou employés du gouvernement ou membres
des forces armées. Ce peut être une pension d'une autre sorte,
purement une annuité ou une rente quelconque qu'ils ont
constituée durant leur jeunesse ou durant leurs années
actives.
Ces montants leur permettent donc, joints à la pension de
vieillesse, de bénéficier d'un revenu. Quel est l'ordre de
grandeur de ces revenus? Si on considère la façon dont se calcule
le supplément du revenu garanti pour les personnes âgées,
on se rend compte qu'il s'agit de personnes seules, d'une part, qui ont un
revenu de l'ordre de $5,000 environ, ou de couples qui ont un revenu de l'ordre
de $7,000 par année.
Donc, jusqu'à ces niveaux ou à peu près je
cite ces chiffres de mémoire on doit tenir compte de ce fait.
Jusqu'à ces niveaux ou à peu près, les personnes
âgées de 65 ans et plus bénéficient de la
gratuité absolue des médicaments. Le seul tiers de la population
âgée qui n'en bénéficie pas est donc
constitué par ces 150,000 autres personnes âgées qui ont un
revenu tellement élevé qu'elles ne peuvent recevoir aucune somme
au titre du supplément de revenu garanti pour les personnes
âgées, effectivement des personnes dont le revenu total
dépasse les niveaux que je viens de mentionner.
On peut s'interroger à savoir si, à ce niveau de revenu,
c'est une priorité nationale que d'accorder une couverture plus
étendue de l'assistance-médicaments. Je recevais encore, il y a
quelques jours, une plainte émanant de personnes qui voient comment
fonctionne le régime actuel, même avec ses limites, et qui
trouvent inacceptable par exemple que, lors d'une visite chez un pharmacien,
une personne se présente et demande un approvisionnement de trois mois
de ses médicaments. Elle utilise pour les payer sa carte
d'admissibilité aux médicaments en disant qu'elle a besoin d'un
approvisionnement de trois mois parce qu'elle s'en va en Floride, pour une
période de temps prolongée, étant donné que nous
sommes à l'automne. On peut évidemment dire qu'il s'agit
là d'une erreur du système ou d'un cas isolé.
Sans aucun doute les circonstances dans lesquelles des personnes qui
ont- des revenus inférieurs aux seuils que j'ai mentionnés
peuvent se payer des voyages de ce genre, des séjours de ce genre
à l'étranger sont extrêmement rares. Il est fort possible
que nous soyons là en face d'une erreur administrative ou de ces
délais inévitables dans l'émission ou /et le retrait des
cartes d'éligibilité ou des carnets d'éligibilité
qui accompagnent les révisions trimestrielles dans le programme
fédéral.
Quoi qu'il en soit, il demeure qu'au-delà des seuils que j'ai
mentionnés une certaine partie des bénéficiaires
âgés ont des revenus discrétionnaires, de revenus qu'ils
peuvent consacrer aux fins qu'ils souhaitent qui leur permettent une certaine
marge de manoeuvre. Considérons en effet que, même pour les
personnes âgées qui sont actuellement couvertes et qui
bénéficient d'une couverture complète, le coût moyen
par année de l'assistance-médicaments est de l'ordre de $60 par
bénéficiaire. Si nous parlons d'un couple âgé qui
bénéficie d'un revenu de $7,000 ou plus par année, c'est
donc une dépense relativement insignifiante. Il en est de même
pour une personne seule qui a un revenu de $5,000. Il y a, dans des budgets de
cet ordre, des dépenses consacrées aux loisirs, consacrées
à des fins qui ne sont pas absolument priotaires. Je crois que le
coût des médicaments pour la plupart de ces
bénéficiaires qui ont un certain revenu en plus des allocations
de l'Etat ne constitue pas un fardeau insupportable.
Je suis prêt à reconnaître que certains malades
chroniques, certaines personnes qui sont affectées par des maladies pour
lesquelles la médication est extrêmement onéreuse doivent
être mis à part quand on fait une affirmation comme
celle-là.
D'ailleurs, nous avons, via les centres hospitaliers qui ont des
cliniques externes spécialisées dans le traitement de certaines
de ces maladies, un programme complémentaire de gratuité des
médicaments lié spécifiquement au traitement de maladies
de cette nature. Je peux citer, dans ce contexte, le traitement du cancer, le
traitement du glaucome, qui est une maladie qui affecte particulièrement
les personnes âgées, et une autre maladie dont nous ne parlerons
pas ici, qui affecte principalement les enfants.
Donc, il y a des mesures qui peuvent être prises, qui sont
spécifiques à certaines situations, pour faire face aux
coûts excessifs de la médication pour certaines affections
chroniques, et il y a déjà un programme qui s'applique depuis
quelques années et qui permet de faire face à ces coûts.
Mais, pour la plupart des bénéficiaires, le coût moyen que
j'ai cité n'est pas de nature à constituer une difficulté
majeure, une difficulté telle que l'Etat devrait en faire une
priorité.
Le député de Saint-Jacques a aussi parlé de la
liste et de son désir de voir s'élargir la liste des
médicaments. Il y a eu de nombreuses discussions de cette question en
commission parlementaire. J'ai eu l'occasion, au moment de ces discussions, de
faire voir aux membres de la commission qu'il était pour le moins
déraisonnable de faire une telle recommandation.
Considérons un instant les programmes
d'assistance-médicaments qui sont en vigueur dans d'autres provinces du
Canada et qui, pour la plupart, sont postérieurs au régime
québécois. Dans le cas de la Saskatchewan, dans le cas du
Manitoba, dans le cas de la Colombie-Britannique et même dans le cas de
l'Ontario, nous avons des listes de médicaments. Nous nous sommes
d'ailleurs entendus avec toutes ces provinces pour coordonner, dans toute la
mesure du possible, la préparation et les dates de publication de nos
lis-
tes, qui sont faites simultanément, désormais, dans les
quatre provinces, mais nous pouvons observer une différence
significative entre les listes en vertu desquelles nous assurons la couverture
des médicaments au Québec et les listes qui sont utilisées
par les autres provinces.
Cette différence est la suivante: le Québec compte dans sa
liste entre 4,000 et 5,000 produits; les provinces qui ont un régime
d'assistance-médicaments, au contraire, ne comptent dans leur liste
qu'un nombre de produits qui varie entre 1,200 et 2,000. Nous avons donc plus
de deux fois et demie, dans notre liste, le nombre de produits qu'on voit
apparaître dans les listes d'autres provinces.
Les critères pour lesquels nous retenons un produit dans la liste
sont bien connus puisqu'ils apparaissent dans la première page du
formulaire de la liste de médicaments. Ce sont des critères
scientifiques; ce sont des critères professionnels qui sont fort simples
à expliquer quant à leur but. C'est d'exiger de chaque fabricant
qu'il fasse la preuve de l'efficacité de son produit avant d'en accepter
l'inscription à la liste.
Or, M. le Président, on ne réalise pas que n'importe qui
peut mettre sur le marché n'importe quel produit pharmaceutique et qu'il
n'a qu'à prouver qu'une chose, c'est que son produit n'est pas
positivement nocif. Il n'a pas, en vertu de la réglementation
fédérale, à faire la preuve de l'efficacité du
produit. Il n'a qu'à démontrer qu'il ne tue ou qu'il ne rend
personne malade, et c'est une preuve bien sommaire. C'est une preuve bien
modeste pour mettre en vente des médicaments. Dans la liste qui nous
sert d'instrument dans l'application du programme, nous avons jugé que
ce critère était trop modeste, trop insuffisant et qu'il
était absolument nécessaire d'obliger les fabricants à
faire la preuve de l'efficacité de leurs produits.
C'est la preuve qui nous est faite pour les produits inscrits sur la
liste.
Je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions être invités
à être plus généreux puisque tout produit qui
répond à ce critère est automatiquement admis. Il y a des
révisions tous les six mois et je n'ai personnellement pas d'objection
que les révisions se fassent plus fréquemment à
l'occasion, mais c'est une question de technique, c'est une question de
procédure, de rapidité dans la publication des amendements
à la liste. Cela n'affecte pas l'essentiel qui est de garantir aux
bénéficiaires des régimes, pour lesquels nous payons les
coûts, des produits pour lesquels on a pu prouver une efficacité.
Qu'on ne dise pas qu'on exclut les produits composés, ce n'est pas vrai.
Il est exact qu'au début les produits composés étaient
exclus, mais ce n'est plus le cas. Il y a près de 1,000 produits
composés qui apparaissent dans la liste. Encore là, cette forme
d'administration du médicament où deux principes actifs se
trouvent réunis dans le même produit n'est acceptée dans la
liste que lorsqu'il y a des raisons médicales de favoriser une
combinaison plutôt que des produits à l'état pur.
Sur cette question, je suis sûr que nous aurons l'occasion d'y
revenir en commission. Je tenais, cependant, à faire cette mise au point
parce que cette liste est, malgré tout, un instrument extrêmement
valable et que, comparativement à d'autres régimes, elle est,
s'il y a quelque chose, relativement généreuse.
Je ne m'étendrai pas non plus sur les exclusions que j'ai
décrétées cet automne relativement à certains
fabricants qui se sont livrés, vis-à-vis du gouvernement,
à des manoeuvres fort douteuses et qui ont cherché à
exploiter ce régime public de manière à fausser le
mécanisme et à introduire des incitations économiques
à l'utilisation de certains médicaments plutôt que
d'autres. Ce sont des sanctions qui sont connues puisqu'elles ont
été annoncées, mais qui ont un effet déjà
très sensible dans l'administration de ce régime dans les prix
qui nous sont offerts.
Un dernier point pour faire certains commentaires sur ce que le
député de Johnson nous a dit, la pension de vieillesse à
60 ans. Il est clair que c'est un sujet qui n'a aucun rapport avec le projet
qui est devant nous. Il y a beaucoup de choses que j'aimerais dire au moment
opportun sur ce problème parce que je crois qu'il est fort dangereux de
brandir de pareilles demandes et de pareilles promesses implicites sans
vraiment faire connaître à la population les implications
extrêmement onéreuses d'une telle proposition. Alors que notre
population vieillit, alors que nous nous trouvons devant un problème
qu'il faudra confronter tôt ou tard et pour lequel nous avons
créé un comité d'études, lorsque nous sommes
confrontés à un problème de financement des régimes
actuels, pour les populations actuellement couverte, je crois qu'il est
très imprudent et presque irresponsable de suggérer un
abaissement général de l'âge de la retraite à 60
ans.
Qu'il faille faire des aménagements, qu'il faille envisager un
régime plus flexible quant à la détermination de
l'âge de la retraite, j'en suis. Mais faire cettre poposition sans avoir
même l'idée de ce qu'il pourrait en coûter, et sans tenir
compte du fait que si on prenait une pareille décision nous serions
très bientôt dans la situation où pour chaque personne qui
travaille et qui a un emploi au Québec, nous aurions une personne
dépendante dans la société, c'est un fardeau absolument
incroyable. Je crois qu'avant d'en faire une proposition ferme, le
député de Johnson voudra bien y réfléchir.
Les autres indications, je les prends à titre de suggestions.
Afin de ne pas prolonger indûment nos travaux, je crois que, si le
député de Johnson ou d'autres membres de cette Assemblée
ont connaissance de difficultés dans l'émission des carnets de
réclamation, ils sauront acheminer vers moi les difficultés que
certains de leurs commettants, que certains de leurs électeurs peuvent
avoir à cet égard. Ce n'est pas un problème d'envergure
générale, puisque l'émission des carnets de
réclamation se fait de façon automatique à partir des
données qui nous sont fournies par le fédé-
ral sur l'inscription au régime de sécurité du
revenu pour les personnes âgées. Dès la réception
des rubans d'ordinateur, rémission des cartes se fait et est mise
à la poste. Mais il peut y avoir des erreurs, il peut y avoir des
pertes, il peut y avoir destruction accidentelle. Je n'ai eu connaissance
d'aucune difficulté dans la réémission de carnets
détruits, mais je suis sûr qu'on voudra acheminer vers moi les
difficultés qui peuvent se manifester de ce côté.
Quant à l'utilisation des médicaments, c'est un sujet
qu'on va réserver avec votre permission, M. le Président, pour
une autre occasion.
Le Vice-Président (M. Blank): La deuxième lecture
du projet de loi no 250 est-elle adoptée?
M. Charron: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi. Second reading of this bill.
M. Levesque: Est-ce qu'on a besoin du temps en commission ou
non?
Alors, M. le Président, est-ce qu'on peut procéder aux
écritures pour la commission plénière?
M. Charron: Nous réserverons la troisième lecture
pour une autre occasion.
M. Levesque: D'accord.
Le Vice-Président (M. Blank): Le greffier va faire les
entrées pour la commission plénière et la troisième
lecture de ce projet de loi sera faite à la prochaine séance ou
à une séance subséquente.
M. Levesque: M. le Président, nous aurons une sanction
dans quelques instants. Ceux qui veulent y venir sont bienvenus.
Deuxièmement, nous allons entreprendre ce soir l'étude en
deuxième lecture du projet de loi au nom du ministre des Affaires
sociales relativement aux services essentiels en cas de conflit de travail.
Le Vice-Président (M. Blank): Voulez-vous appeler ce
projet de loi?
M. Levesque: Oui, nous pouvons l'appeler.
Projet de loi no 253 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre des Affaires
sociales propose la deuxième lecture du projet de loi no 253, Loi visant
à assurer les services de santé et les services sociaux
essentiels en cas de conflit de travail.
M. Levesque: Un instant, M. le Président. Simplement
pendant que la Chambre siège, à ce moment-ci, je voudrais
m'assurer que, dans le projet de loi précédent, la formule
sacrée a été prononcée. Est-ce qu'elle l'a
été?
Une Voix: Non.
M. Levesque: Je demanderais donc au ministre des Affaires
sociales de prononcer cette formule traditionnelle...
M. Charron: Avec mon consentement, M. le Président.
M. Levesque: ... avec le consentement des membres de cette
Chambre, relativement au projet de loi précédent, le no 250.
M. Forget: M. le Président, je le fais volontiers. Le
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet et il recommande son
adoption par l'Assemblée, mais je crois que techniquement il ne s'agit
pas, à strictement parler, de dépenses nouvelles.
M. Levesque: Simplement parce que le greffier ou
secrétaire général semblait un peu hésitant, je
crois.
Une Voix: On fera la même chose pour le projet de loi
253.
M. Levesque: C'est le président qui avait des doutes.
Alors tous les doutes sont maintenant...
Le Vice-Président (M. Blank): Le ministre des Affaires
sociales demande la suspension du débat jusqu'à vingt heures
quinze minutes.
M. Levesque: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): La Chambre suspend ses
travaux jusqu'à vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
Reprise de la séance à 20 h 19
Le Président: A l'ordre, messieurs!
Des Voix: Adopté!
Une Voix: Député de Johnson, adopté?
M. Bellemare (Johnson): Pas tout de suite. Laissez-moi toujours
faire mon discours!
M. Veilleux: ... on l'adopterait en deuxième.
M. Bienvenue: Vous le ferez en troisième lecture!
M. Bellemare (Johnson): Je peux bien aller m'asseoir à la
place de l'Opposition officielle!
Une Voix: Cela vous va bien!
M. Bellemare (Johnson): Non, non! Pas de tentative.
Le Président: A l'ordre, messieurs! M. Claude
Forget
M. Forget: Le projet de loi que nous considérons ce soir
vient résoudre un problème qui est présent à
l'esprit de tous les Québécois dans la période que nous
traversons. Ce n'est pas un problème fictif, un problème
hypothétique ou imaginaire. C'est un problème réel qui a
la réalité des événements que nous avons
traversés il y a quelques années où cette menace que
constitue, pour le public, une issue malheureuse à un processus de
négociation évidemment difficile est encore présente
à l'esprit de tous ceux qui en ont souffert directement ou qui ont pu
observer chez les autres les conséquences fâcheuses, pour ne pas
dire tragiques, de l'interruption des services essentiels dans le domaine de la
santé, dans le domaine des services sociaux.
L'expérience nous enseigne, M. le Président, que la
grève, lorsqu'elle frappe les établissements d'affaires sociales,
touche l'ensemble de ces établissements et non pas seulement un petit
nombre d'entre eux. Pas moins de 92% des établissements d'affaires
sociales où se retrouvaient des employés syndiqués ont
été affectés par des arrêts de travail en 1972. On
pourrait croire qu'un tel événement n'affectera qu'un nombre
symbolique de tels établissements puisqu'il s'agit d'une
négociation à l'échelle provinciale et que le but
présumé de la partie syndicale, dans un tel débat, est de
sensibiliser le public à l'impossibilité où elle se trouve
d'en arriver à une entente négociée.
Pour cela, il semblerait suffisant que certains établissements
soient touchés.
Il semblerait suffisant, pour rassurer le caractère public, pour
attirer l'attention des contribuables, de ceux qui devront
éventuellement payer la note sur les difficultés, sur l'impasse
dans laquelle on se trouve, mais non; c'est effectivement une mesure qui
s'applique presque indistinctement à l'ensemble de nos
établissements. C'est du moins ce que l'expérience nous
enseigne.
L'expérience nous enseigne aussi que les services essentiels ne
sont effectivement pas fournis dans environ la moitié des cas lorsqu'un
tel conflit débouche sur la grève. C'est une situation, je pense,
qui est assez sérieuse pour qu'on s'y arrête puisque tous les
établissements, dans le secteur des affaires sociales, ne sont pas
comparables. Certains d'entre eux, sans aucun doute, donnent des services qui,
pour être d'une haute importance, ne sont pas à tout moment
essentiels. En effet, certains donnent des services dits électifs et il
est monnaie courante de voir que ces services sont reportés dans le
temps à la convenance des bénéficiaires eux-mêmes ou
à la convenance des établissements ou de leur personnel.
Il n'est donc pas tragique que, pour certains de ces
établissements, les services qu'ils donnent normalement ne soient pas
donnés. Mais on s'attendrait, d'autre part, à ce que certains
autres établissements voient leurs services maintenus sans interruption
et que, pour un certain nombre d'autres encore, certains de leurs services et
non pas la totalité soient fournis sans interruption.
Je pense en particulier, M. le Président, aux services ou aux
établissements où des personnes sont hébergées pour
de longues durées, en raison d'un degré d'autonomie, d'une perte
d'autonomie irrémédiable et très considérable.
Qu'il s'agisse d'établissements psychiatriques, qu'il s'agisse
d'établissements pour des malades chroniques, il y a là des
situations qui ne souffrent pas une remise à plus tard dans les services
qui leur sont donnés et où toute interruption de services risque
d'avoir des effets irréparables sur leur état de santé,
risque de les faire régresser vers une situation de dépendance
encore plus grande, risque de les précipiter dans une aggravation de
leur état.
Je pense, également, dans nos centres hospitaliers, à des
services d'urgence, qu'il n'est pas concevable de ne pas fournir à la
population, puisque les urgences majeures, au moins, on en conviendra sans
aucun doute, doivent être l'objet d'une attention immédiate.
Certaines maladies subites doivent également recevoir le
même traitement, si l'on peut dire. Or, les arrêts de travail dans
le secteur des affaires sociales ont touché, encore une fois, non
seulement l'ensemble des établissements, mais ils les ont touchés
de façon largement indistincte sans tenir compte de la vocation propre
à chacun d'entre eux et sans tenir compte du fait que certains d'entre
eux ne peuvent pas, ne doivent pas interrompre leurs services au public.
Dans ce tableau, on peut s'interroger pour savoir si la
négociation portant spécifiquement sur les services essentiels
peut être une source de soulagement, peut permettre l'exercice normal,
l'exercice civilisé du droit de grève. On est porté
à se reporter, encore une fois, à l'expérience
vécue il y a quelques années pour se demander, si effectivement,
lorsqu'il y a eu négociation des services essentiels dans un
établissement, il n'y a pas eu,
dans ces situations en particulier, dans ces établissements en
particulier, un maintien plus satisfaisant des services essentiels. Si la
réponse était affirmative, nous aurions, évidemment, la
réponse à l'inquiétude que nous avons. Nous aurions une
situation qui serait peut-être pénible, peut-être difficile
à l'occasion, mais qui ne serait pas intolérable.
Or, on se rend compte, M. le Président, que, même là
où il y a eu des négociations sur les services essentiels, il y a
eu, dans à peu près la moitié des cas, une interruption de
ces services. En d'autres termes, la négociation des services essentiels
non assortie d'autres mesures a contribué seulement d'une façon
négligeable à assurer ces services ou à prévenir
leur interruption. Alors que, pour tous les établissements, les services
essentiels ont été interrompus dans un peu plus de la
moitié des cas, si l'on considère seulement les
établissements où il y a eu négociation sur les services
essentiels, ces services eux-mêmes ont été interrompus dans
un peu moins de la moitié des cas. Donc, une différence
d'à peine 10% entre les deux situations, différence trop faible
pour nous justifier à entretenir l'espoir que la solution peut venir de
ce côté.
Il y a aussi un autre élément que l'expérience nous
fournit dans l'évaluation de la situation actuelle. Le droit de
grève qui fut consacré par une loi il y a une dizaine
d'années ou un peu plus, dans ce secteur comme dans les autres secteurs
publics, s'adressait à l'époque à un processus de
négociation qui était fondamentalement différent de ce
qu'il est devenu depuis.
En effet, en 1964 ou en 1965, il n'était pas question de
négocier à l'échelle provinciale. Il n'était donc
pas question que de façon habituelle, de façon coutumière
à tous les deux, trois ou quatre ans, selon la durée des
conventions collectives, on en vienne à une confrontation globale,
massive sur l'ensemble des établissements. Il était question
à l'époque de conflits isolés, dans des
établissements particuliers, mais il n'était pas question, encore
une fois, d'une grève qui peut et qui a effectivement affecté la
totalité des établissements durant la même
période.
Si un établissement interrompt ses services, quelque essentiels
qu'ils soient, si d'autres à côté continuent d'offrir leurs
services à la population, il n'y a évidemment pas grand drame
à une situation. Mais le problème est différent lorsqu'au
contraire on se trouve dans une situation où tous sont frappés en
même temps. C'est bien la situation dans laquelle nous nous sommes
trouvés, il y a trois ans; c'est également la situation où
nous risquons à nouveau de nous retrouver, à moins de prendre des
mesures nouvelles.
L'expérience, donc, nous renseigne sur quelques
éléments essentiels à la compréhension de ce projet
de loi, nous renseigne sur le fait que le problème n'est pas seulement
théorique, mais qu'il existe, qu'il a existé et qu'il peut se
reproduire. Elle nous renseigne aussi sur le fait que, quels que soient les
efforts qui sont faits, par les parties entre elles, sans aide
extérieure, ces servi- ces ont des chances et de fortes chances de ne
pas être donnés, le moment venu. Cela a été
l'expérience du passé. L'expérience nous dit et
l'état de la situation nous renseigne sur le fait que, si cette
expérience doit se renouveler, elle se renouvellera dans le même
cadre d'une négociation provinciale où les mesures
envisagées ne peuvent pas être des mesures particulières
adoptées à une situation particulière, mais doivent
être de caractère général.
Devant ce problème, quelle solution pouvons-nous envisager? Nous
pouvons envisager essentiellement deux types de solutions. La première,
celle que nous n'avons pas retenue, mais celle que chuchotent beaucoup de
personnes que préoccupe cette situation, consisterait dans la
suppression pure et simple du droit de grève dans ce secteur. Je crois,
pour ma part, que l'abus d'un droit ne justifie pas sa suppression. Sans aucun
doute, des difficultés ont été constatées; sans
aucun doute, ces difficultés sont extrêmement graves et parfois
tragiques dans leurs conséquences. Il demeure que nous ne
résoudrons rien par une suppression de ce droit qui a été
conféré dans le passé aux employés des secteurs
public et parapublic en abolissant un droit qui a peut-être
été l'objet ou l'occasion d'abus dans le passé mais qui
demeure une soupape de sûreté essentielle dans un processus normal
de négociation.
Supprimer le droit de grève constitue ou constituerait un
encouragement à l'utilisation d'autres stratégies pour gagner,
par ces autres moyens, ce qu'il était impossible de gagner par une
négociation normale. Ces autres stratégies, dans un tel contexte
d'illégalité de la grève, seraient très
certainement plus dommageables à l'intérêt public et
dommageables à l'intérêt des personnes mêmes que nous
voudrions ainsi protéger que ne le sont toute autre mesure ou même
le statu quo. En effet, dans un contexte d'illégalité de toute
grève il serait impossible, il serait impensable d'aménager des
mécanismes de protection des services essentiels dans une situation qui
est, par définition, illégale dans une telle hypothèse.
C'est donc un chemin que nous n'emprunterons pas, c'est un chemin qui nous
paraît sans issue. L'expérience des autres pays qui se sont
aventurés dans cette voie n'est pas du tout encourageante puisqu'on sait
que certains pays où ce droit a été supprimé
législativement se retrouvent malgré tout avec des arrêts
de travail aussi considérables ou plus considérables que ceux que
nous connaissons.
Une autre solution, mais dans le même esprit, vise non pas
à supprimer comme tel le droit à la grève mais à
assortir son exercice de limite dans le temps. Il est certain que certains
services sont essentiels dans un sens très immédiat où
leur prestation immédiate dans une de ces suggestions
particulières ne peut souffrir d'être retardée. Je crois
qu'on peut imaginer sans peine que c'est là la situation des services
d'urgence au sein des hôpitaux.
Il n'est pas question de remettre à plus tard ou
d'attendre un certain temps pour voir si la négociation ou
d'autres méthodes ne produiront pas un retour à la normale. Il
faut soigner des gens, il faut soigner des blessés, des
traumatisés. On ne saurait différer en cela sans des
conséquences qui dépassent de loin la gravité des
problèmes qui sont l'objet de négociations. Mais il existe
malgré tout, dans certains secteurs, des services qui sont essentiels en
plus ou moins longue période. Il est clair que plusieurs services
publics ne deviennent essentiels que dans ce sens, puisqu'on peut, pendant un
certain temps, vivre, continuer d'exister à peu près normalement
avec certains inconforts et avec certains risques, mais sans danger
immédiat pour la santé de quiconque. Et à cet
égard, la plupart des autres services publics appartiennent à
cette catégorie, qu'il s'agisse des services d'utilité publique,
de gaz ou d'électricité, de livraison d'huile à chauffage,
etc. Il y a des stocks, il y a des capacités productives qui peuvent
être maintenues pendant un certain temps à l'aide du personnel de
cadre, avec un inconfort, avec des difficultés, certes, mais sans danger
immédiat, tant et aussi longtemps que des réparations ou un
entretien majeur ne vient pas mettre en péril la distribution des
services.
C'est dans ces contextes que le droit de grève vient
éventuellement, dans certaines circonstances, à trouver une
limite lorsque le législateur retire, par une loi spéciale,
lorsque le temps a trop couru, l'exercice d'un droit qui, dans son essence,
n'est pas remis en cause. Mais, encore une fois, et je l'ai indiqué par
les exemples que j'ai donnés, ni la première solution, qui est un
retrait pur et simple du droit de grève, ni une limitation dans le temps
de l'exercice de ce droit n'apparaissent des mesures appropriées pour
résoudre les problèmes constatés dans le secteur des
affaires sociales.
Si l'on voulait attendre que, par l'écoulement du temps, la
situation, advenant une grève, ait pris un caractère de
gravité suffisant pour que l'intervention du législateur soit
rendue inévitable, je pense qu'à ce moment-ci nous choisirions de
guérir un mal plutôt que d'essayer de le prévenir. Je pense
que nous pourrions, à ce moment, à juste titre, mériter
les reproches que l'on nous adresserait.
Il existe, cependant, une autre façon de considérer le
problème et c'est cette autre solution que le projet de loi 253 cherche
à concrétiser. Il apparaît essentiel d'aménager
l'exercice du droit de grève pour lui restituer sa pleine valeur, dans
un secteur comme celui des services de santé et des services sociaux,
comme instrument normal de pression, tel que le Code du travail l'a
destiné à être utilisé.
Un moyen de pression, comme une sanction, comme à peu près
n'importe quelle autre mesure, n'est valable, n'est bon que s'il est croyable.
On a tous à l'esprit l'exemple de lois ou de propositions
législatives qui impliquent des pénalités tellement
fortes, tellement disproportionnées avec l'offense que nul juge ou nul
procureur général n'ose ou ne songe à les appliquer.
Il doit y avoir, entre l'objet que l'on poursuit et les moyens que l'on
utilise pour sa poursuite, une certaine proportion. Or, c'est
précisément le danger d'une situation non contrôlée
dans le secteur des affaires sociales, c'est-à-dire celui de faire
apparaître l'exercice, autrement normal dans toute autre circonstance, du
droit de grève comme un instrument comportant des risques si
considérables, impliquant pour des personnes, des individus, dans des
situations difficiles, des risques si considérables, si peu
commensurables avec les objectifs, en somme, particuliers, pécuniaires,
de gain personnel que l'on poursuit dans une négociation que
l'utilisation d'un tel moyen apparaît inappropriée, injuste,
abusive.
Finalement on peut se demander dans quelle mesure ce sentiment de la
difficulté d'utiliser la grève comme instrument de pression dans
le cadre des négociations n'est pas présent à l'esprit de
tous ceux qui participent à cette négociation d'un
côté comme de l'autre.
Je crois que nous devons, M. le Président, envisager les
négociations en cours dans le contexte où il faudra, par la
négociation, clarifier le débat, en arriver à des
positions qui soient, si possible, mutuellement avantageuses. En somme, la
négociation n'a pas d'autre but que de poursuivre des fins qui soient
mutuellement avantageuses aux deux parties.
La négociation n'est pas un exercice en destruction mutuelle;
elle est un exercice qui vise à produire un consensus, un accord, un
contrat de travail. Il est donc normal de rechercher, par la discussion des
parties, à produire ce résultat final en vertu duquel chacun de
son côté sera mieux en mesure de réaliser les objectifs qui
lui sont propres.
Cependant, toute négociation a ses limites, toute
négociation peut aboutir dans une impasse telle où il ne s'agit
plus d'avantages mutuels, il ne s'agit plus d'un gain total des deux parties
qu'il faut rendre maximum mais il s'agit, au contraire, de la victoire d'une
partie et de la défaite de l'autre. C'est un résultat malheureux
d'une situation de négociation mais elle nous est familière
puisqu'elle se rencontre si souvent. C'est dans ce contexte qu'il faut
prévoir, malheureusement, l'exercice du droit de grève.
Dans de telles situations, ce que gagne une partie, l'autre le perd et
il n'y a presque aucun moyen imaginable pour en arriver à un tel
résultat que l'exercice des moyens de pression légitimes que la
loi offre aux parties, grèves et lock-out. Pour pouvoir les utiliser
quand il n'y a plus d'autre recours, il faut s'assurer que leur exercice ne
comporte pas, pour le public, public qui n'est pas partie à ces
négociations, des dangers injustifiés, des dangers
disproportionnés à l'intérêt de l'une ou de l'autre
des parties.
Nous sommes en face d'une situation, à ce moment-là, qui
appelle la mise en application de ce projet de loi. Son essence est facile
à comprendre. Je ne m'y arrêterai que très
brièvement.
Le Code du travail prévoit un délai de 60 jours
après le dépôt d'un avis de désaccord. Cet avis
est
déjà un certain constat d'impuissance des parties, au
moins de l'une d'entre elles, à envisager un règlement pacifique,
si vous voulez, des différends qui les opposent.
La loi donne alors 30 jours aux parties pour déterminer entre
elles ce qui constitue des services essentiels. La loi, dans sa formulation, et
fort prudemment, à mon avis, ne fournit aucune description, aucune ligne
directrice précise de ce qui constitue les services essentiels. Ceci est
laissé au jugement des parties dans un premier temps. Pourquoi? Bien
sûr, il est facile de donner des exemples de services qui sont
essentiels; il est sûr que, devant une femme qui doit accoucher d'un
moment à l'autre, il y a certains services à donner, qu'on ne
peut pas les différer, qu'on ne peut pas les retarder. Je pense que cet
exemple est une bonne illustration de ce qu'est un service essentiel. Devant
l'accidenté de la route qui a souffert un traumatisme important, il y a
aussi des services immédiats à donner, des services qui sont
essentiels à sa capacité future de réadaptation et
où le temps est de l'essence même de la solution qu'il faut
apporter. Mais, au-delà de ces illustrations, au-delà de ces
exemples, il n'est pas prudent de chercher à préciser davantage
ce que le sens commun nous indique comme étant essentiel, en
général, ce qui, dans des situations particulières, va
varier selon les circonstances du lieu et du moment, presque, en
considérant à la fois l'ensemble du tableau sur le plan local ou
régional, en considérant la clientèle qui est desservie
par un établissement particulier et en considérant des questions
aussi terre à terre que le type d'aménagement, le genre de
services, le genre de relations qu'un établissement entretient avec
d'autres.
C'est donc un jugement que les parties doivent porter et qu'elles
doivent porter dans un délai de 30 jours à partir du
dépôt de l'avis de désaccord. Si, au trentième jour,
aucun accord de ce genre n'est intervenu sur les services essentiels et la
façon dont ils doivent être fournis, quelqu'un d'autre intervient.
Cette intervention extérieure est le fait du commissaire aux services
essentiels. Le commissaire aux services essentiels, selon cette loi, n'est pas
un fonctionnaire du gouvernement, n'est pas le représentant du ministre
des Affaires sociales. Il est un intervenant essentiellement neutre,
essentiellement non impliqué dans le conflit de travail qui oppose les
parties. Son intervention cherche à faire aboutir les efforts
infructueux des parties ou, à défaut de réussir, à
décréter quels sont les services essentiels et quelle est la
façon dont ils doivent être fournis.
Après, M. le Président, les autres étapes sont des
étapes d'application, sont des étapes de surveillance dans
l'exécution et si, en cours d'exécution, il apparaît aux
parties ou il apparaît au commissaire ou à l'un de ses adjoints
que cette décision relative aux services essentiels doit être
modifiée, alors elle peut l'être immédiatement pourvu que
cette modification soit agréée par le commissaire qui l'a
rendue.
Il s'agit donc là d'une procédure qui s'inscrit dans le
contexte d'une négociation, qui ne fait pas exception aux droits des
parties de continuer leur négociation et de la faire déboucher si
elles l'entendent ainsi vers une confrontation majeure, vers un conflit, vers
une grève mais qui assortit, qui rend conditionnel l'exercice de ce
droit de grève à la détermination de ce que constituent
les services essentiels. L'intervention qui a lieu n'est pas une intervention
de celui ou ceux qui pourraient être considérés comme les
mandataires d'une partie dans cette modification mais, au contraire, comme des
arbitres, en quelque sorte, comme des tiers essentiellement neutres et
désintéressés dans le processus de négociation
lui-même.
Il n'appartient donc pas à l'une des parties, selon ce processus,
de déterminer quand les services essentiels sont menacés ou
même s'ils le sont; il appartient à un tiers de poser ce jugement.
La législation actuelle peut, du moins on pourrait le prétendre,
nous offrir d'autres moyens de déterminer les services essentiels ou, au
moins, de faire intervenir des tiers dans ce processus. En effet, l'article 99
du Code du travail prévoit que lorsqu'il y a un arrêt de travail
réel ou appréhendé dans un service d'utilité
publique, le lieutenant-gouverneur en conseil, le gouvernement, peut
décider de nommer une commission d'enquête qui va essentiellement
faire enquête, comme son nom l'indique, qui ne fera aucune recommandation
cependant, qui n'arrivera à aucune conclusion et qui certainement ne
prendra aucune décision mais qui est limitée à observer
les faits, à prendre note des faits et présumément
à saisir le ministre du Travail d'abord et peut-être l'opinion
publique du fruit de ses constatations.
On peut supposer qu'à la suite de ces constatations des mesures
sont prises. On invoque l'intervention d'un tribunal par la voie d'une
injonction et on intervient effectivement pour limiter ou empêcher
l'exercice du droit de grève dans un secteur particulier.
Cette façon de procéder, évidemment, est connue et
je ne commenterai pas longuement son succès ou son insuccès pour
résoudre les problèmes qui nous préoccupent aujourd'hui.
Mais il n'est pas nécessaire d'être historien pour se rendre
compte, à la simple lecture de ces dispositions, qu'elles sont
déficientes à plusieurs égards. Elles sont
déficientes, premièrement, sur le plan des délais, puisque
cette commission doit faire rapport, mais elle fait rapport dans un
délai imprécis, tout droit de grève étant suspendu
dans l'intérim, cependant. Elle fait rapport seulement sur des faits
qu'elle peut observer et ne se rend pas jusqu'à formuler des
recommandations. Elle est déficiente, en plus, parce qu'elle ne
débouche sur aucune décision, sauf par l'enclenchement d'un
mécanisme additionnel, mécanisme qui est déclenché
non pas par une partie impartiale, mais par celui même qui négocie
et qui est lui-même, donc, impliqué dans ces négociations,
c'est-à-dire le lieutenant-gouverneur en conseil.
Il m'apparaît, M. le Président, que la solution que nous
recommandons dans ce projet de loi a beaucoup plus de chances de nous permettre
de donner au public cette assurance à laquelle il a
droit d'obtenir des services minimums qui sont essentiels à la
préservation de sa santé et de sa sécurité, dans le
sens au moins où ces deux valeurs essentielles dans notre
société peuvent être préservées par des
services de santé et des services sociaux.
Cette mesure a plus de chances de nous donner une réponse qui est
moins que toute autre sujette à la critique, peut-être
justifiée, peut-être injustifiée, que l'on peut faire quand
l'une des parties à la négociation peut choisir ou non
d'intervenir et surtout choisit le moment de son intervention dans le
déroulement d'une négociation. Il ne faut pas être
prophète de malheur, sans aucun doute, et prédire la
répétition de difficultés que nous avons connues. Il
serait, cependant, irresponsable, à mon avis, de ne pas tenir compte de
cette expérience pour prendre les mesures préventives qui
semblent les plus justes, les plus appropriées à ce
moment-ci.
Il serait déraisonnable de ne pas prendre les meilleures, si
elles peuvent prévenir la répétition de ces
événements, et d'attendre, au contraire, que la
réalité, bonne ou mauvaise, confirme ou démentisse les
craintes qu'on peut légitimement entretenir en ce moment. Or, ces
craintes sont réelles, malgré l'espoir qu'on a pu fonder dans des
offres gouvernementales qui, encore une fois, dans ce secteur des affaires
sociales auquel je borne mes remarques ce soir, étaient raisonnables ou
semblaient raisonnables. Devant la difficulté de négocier ces
offres, devant la difficulté qu'un véritable débat
s'engage à la table de négociations sur leur contenu, devant la
stratégie qui apparaît dans les journaux, stratégie de
guerre d'usure, stratégie de refus global de dialogue, on peut se
demander si ces craintes ne sont pas malheureusement destinées à
se voir confirmer.
Nous avons, je pense, dans cette mesure, encore une fois, non pas une
loi qui vise à brimer la partie syndicale, non pas une loi qui vient,
à la dernière minute, changer les règles du jeu et imposer
une solution finale, mais une loi qui veut civiliser, qui veut humaniser, si
l'on veut, l'exercice d'un droit de grève, une mesure susceptible,
peut-être, de donner à la négociation un caractère
plus réel. Nous ne voulons pas d'un règlement pourri qui suive
une négociation pourrie. Nous aimerions voir, si nous ne pouvons pas
nous entendre et faute de mieux, une vraie grève mais civilisée,
contenue dans des limites raisonnables qui suivrait une véritable
négociation sur le fond du problème, sans détour et avec
l'esprit de réalisme que les confitions économiques nous
imposent.
Voilà l'essentiel de ce que je souhaite dire à ce
moment-ci dans le débat sur ce projet de loi. J'espère que le
débat qui commence nous permettra de demeurer dans les bornes de ce qui
fait l'objet de ce projet de loi. J'espère que nous pourrons parler du
fond du sujet, qui est l'intérêt même du public, et ne pas
se perdre dans des considérations de négociation qui ne nous
fournissent pas l'occasion de prendre l'intérêt du public, ni de
prendre les moyens nécessaires pour assurer sa protection dans un
conflit où il n'est pas une par- tie, dans un conflit ou une
négociation où il est souvent un observateur, souvent un
spectateur et où nous devons éviter qu'il devienne une
victime.
Le Vice-Président (M. Blank): Le député de
Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, les dernières phrases
du ministre des Affaires sociales seront en même temps notre introduction
dans ce débat. Parce qu'il faut dire qu'effectivement le
dépôt de ce projet de loi important, de la part du gouvernement,
peut être l'occasion pour les membres de l'Assemblée d'intervenir
non seulement sur l'objectif de ce projet de loi, mais sur la circonstrance qui
amène son dépôt et donc l'ensemble de la négociation
qui opposeet le mot est choisi l'Etat et ses employés des
secteurs public et parapublic.
La première remarque que je ferai, M. le Président, c'est
de dire que ce projet de loi, indépendamment des objections que nous
aurons sur ses modalités, ce genre de projet de loi, l'esprit de ce
projet de loi aurait dû intervenir non seulement dans cette
négociation, mais dans la précédente également. La
remarque n'est pas superflue puisqu'il s'agit de porter reproche, et
véritablement reproche au gouvernement en place, puisqu'il était
le gouvernement de la précédente négociation
également, de ne pas être intervenu avec ce genre de mesures
et encore une fois, abstraction faite des modalités sur
lesquelles je m'étendrai et j'interviendrai tout à l'heure
dans les négociations de 1972. Car qu'avons-nous vécu dans la
négociation de 1972? Du côté patronal gouvernemental,
incohérence. Incohérence marquée, d'abord, sur la question
de ce qui était négociable et de ce qui ne l'était pas.
Jamais, au cours des périodes précédant l'affrontement qui
a marqué le printemps 1972, les députés de l'Opposition
et nous n'étions pas l'Opposition officielle à ce moment
n'ont été capables de savoir de la part du patron, de la
part du boss et de la part du gouvernement, puisque c'était le
même, en même temps, qu'est-ce qui était négociable
et qu'est-ce qui ne l'était pas.
Vous me direz, si vous transposez ce genre d'approche dans le secteur
privé: Beau départ de négociation! Non seulement
était-ce un beau départ, mais devait-il nous conduire à la
belle conclusion que nous avons connue en 1972. Il n'y avait pas eu de projet
de loi de ce genre en 1972. Non seulement il n'y avait pas eu de projet de loi
de ce genre en 1972; il y avait même eu le contraire, même eu le
contraire. Le prédécesseur du ministre des Affaires sociales,
l'ancien député de Louis-Hébert, Claude Castonguay
je m'en souviens encore comme si c'était hier, et je ne suis pas un des
plus anciens de cette Assemblée, mais j'ai quand même vécu
cette époque les yeux ouverts la veille même, la veille
même de la présentation de la fameuse loi 19, qui avait mis fin
obligatoirement à l'exercice d'un droit légal de
grève dans les secteurs public et parapublic par les
employés de ces secteurs, la veille même, répondant au
député de Maisonneuve sur une question à cette
Assemblée, disait que les services essentiels, dans le domaine
hospitalier, lui paraissaient assurés et qu'il n'y avait donc pas
raison, à son avis, de sonner l'alarme ou de crier à l'aide. De
la part du gouvernement, le boss se transformant en juge, selon lui, tout
semblait normal dans les centres hospitaliers, selon les réseaux
d'information dont il disposait. La veille même, M. le Président!
Et le lendemain, cette Assemblée était saisie d'une motion
d'urgence abolissant les règles normales d'étude des travaux de
l'Assemblée et du fait même de la présentation sous
l'égide d'un nouveau ministre de la Fonction publique.
Cela aussi s'est posé du côté patronal pen-dans la
dernière négociation: le changement de ministre au beau milieu de
la "game", M. le Président.
Le ministre du Travail de l'époque devenait ministre de la
Fonction publique et parrainait la loi 19 au milieu de cette Assemblée
qui, la veille même, avait été assurée par le
ministre des Affaires sociales que l'ensemble des services essentiels, dans le
domaine de la santé des Québécois, aux prises avec cette
difficulté de travail que connaissait l'Etat avec ses employés,
ne semblait pas miner la qualité des services qu'ils devaient
connaître. La veille même, M. le Président.
Si nous sommes disposés à accorder notre appui de principe
au dépôt d'un tel projet de loi, c'est au moins pour éviter
la fumisterie, le mensonge et l'hypocrisie qui ont marqué la
dernière négociation de 1972. Donc, comme tout nouveau
député, j'ai été, à l'époque, saisi.
Je ne me ferai pas prendre au piège et l'Opposition officielle, le Parti
québécois ne se fera pas prendre au piège deux fois. Si
nous accordons notre accord de principe à ce projet de loi, c'est parce
que nous convenons qu'effectivement il s'agit d'assurer un certain niveau de
services essentiels dans certains niveaux de services publics, tout le monde en
conviendra. Mais je n'oublirai jamais que jusqu'à la dernière
minute, lors de la négociation de 1972, on m'a royalement menti dans
cette Assemblée.
Pourquoi vingt-quatre heures auparavant, alors qu'on assurait que les
services de santé étaient effectivement offerts et
sécurisés pour l'ensemble de la population, pourquoi le
lendemain, sans qu'un employé de plus n'ait débrayé, parce
qu'ils étaient déjà tous en grève, sans qu'un
incident majeur ne soit survenu dans un centre hospitalier du Québec, on
arrive tout à coup et on décide: Assez, c'est assez? Je me
rappelle encore du vocabulaire du funambule qui nous sert de premier
ministre.
Je me rappelle encore de cette formule qui était intervenue
à la dernière minute. Je ne veux plus vivre cette époque.
Non seulement moi, comme député de l'Opposition et mes
collègues, mais j'ai bien l'impression que les employés
eux-mêmes et l'ensemble des Québécois, lors de la
dernière négociation dans les secteurs public et parapublic de
1972, que l'opinion publique qué- bécoise a été
manipulée de A à Z par le gouvernement québécois,
de A à Z par les patrons.
M. Cournoyer: Menteur.
M. Charron: De A à Z par celui qui leur servait de
ministre du Travail et à la rescousse du ministre de la Fonction
publique, à l'époque. Cette époque est passée. Ce
ministre de la Fonction publique est passé.
M. Cournoyer: Menteur! Je ne suis pas encore passé, je
suis encore assis ici.
M. Charron: II est aujourd'hui une ruine trônant aux
Richesses naturelles.
Le Président: A l'ordre! A l'ordre!
M. Burns: Je vous demande, M. le Président, de faire
appliquer les articles 25 et 26 à l'égard du ministre des
Richesses naturelles autrefois ministre du Travail. Le ministre se sent
visé par les remarques du député de Saint-Jacques
actuellement.
Il me semble que ce serait normal, s'il a des choses à dire,
qu'il les dise après et quand le député de Saint-Jacques
aura terminé.
M. Charron: M. le Président, mes propos sont exactement
dans le corps de cette loi. Le ministre des Affaires sociales nous invite ce
soir à prendre des mesures pour que soient déterminés les
services essentiels qui doivent être assurés dans les services
hospitaliers, dans les centres de services sociaux, en cas de grève.
Je dis que cette mesure est non seulement appuyable aujourd'hui, mais
elle aurait dû intervenir lors du précédent conflit. Et
parmi toutes les remarques très littéraires que nous a faites le
ministre des Affaires sociales, il aurait pu dire, s'il n'avait pas
été ministre des Affaires sociales, qu'il s'agissait
effectivement d'un aveu, d'une confession sur la façon dont le
gouvernement, lors de la précédente négociation, a
manipulé l'opinion publique de A à Z. Je reprends mes propos sans
aucune envie de les retirer, M. le Président.
C'est vrai qu'aujourd'hui, lors de cette négociation de 1975 qui
s'annonce plus dure que celle de 1972, le minimum que le patron puisse faire,
de l'autre côté parce qu'il est aussi le gouvernement de
tous les Québécois c'est de prendre des mesures pour que
quelqu'un nous discuterons de ce quelqu'un à un moment
donné détermine ce qui doit être services
essentiels.
M. le Président, venons-en au principe même du projet de
loi. Il n'y a pas un Québécois qui ait un coeur dans le milieu du
ventre qui pourrait nier, aujourd'hui, que, s'il y a des gens qui ne doivent
jamais, en aucun temps, payer le fruit d'une stratégie
politico-syndicale d'un gouvernement face à ses employés, c'est
bien ceux, parmi nos concitoyens québécois, qui ont à
souffrir dans leur santé, qui ont à être
hospitalisés ou à être soignés. S'il y a quelqu'un
de qui on ne doit pas abuser, s'il y a quelqu'un sur qui l'économie de
cents et de
piastres ne doit quand même jamais porter, s'il y a quelqu'un qui
n'a jamais choisi de se trouver dans un hôpital à Montréal,
à Rimouski, à Québec ou à Gaspé au moment
où intervient un conflit de travail entre le gouvernement et ses
employés, c'est bien le pauvre gars, c'est bien la pauvre femme qui est
tombée malade et qui est hospitalisée dans ce temps. C'est
évident.
C'était évident en 1972, M. le Président. Il ne
s'agissait pas de jouer avec eux. En 1972, il ne s'agissait pas de dire, en
Chambre, que tous les services essentiels étaient assurés et, le
lendemain matin, d'arriver avec une loi-matraque qui disait: Rentrez, les
malades sont en train de mourir. Il ne fallait pas jouer avec eux comme avec
des caves, comme l'a fait le gouvernement en 1972. Qu'il soit d'accord pour ne
pas le faire en 1975, d'accord. Mais ce qu'il y a de malhonnête en
même temps, c'est de penser qu'il n'y a que les syndiqués qui
jouent avec eux comme avec des victimes. Je suis bien d'accord qu'un projet de
loi vise à les écarter, à écarter le plus grand
nombre de gens possible des méfaits.
Parce qu'il y a des méfaits à une grève de ce
genre. Cela ne s'appelle pas services publics pour rien, c'est bien
évident. Si cela s'appelle services publics, c'est parce que l'ensemble
des citoyens, vous, moi, ma mère, mon frère et ma soeur peuvent
n'importe quand en avoir besoin. Ce sont des services qui sont, si on
décidait d'être larges, en tout temps essentiels. Le métro,
aussi bien que les services hospitaliers, est, si on veut être
très large d'esprit, essentiel à la vie normale des citoyens
à Montréal comme dans l'ensemble du Québec. J'en conviens
et l'Opposition conviendra de toute cette définition tout au long de
l'étude de ce projet de loi.
Mais ce sont deux choses d'admettre que ce sont des services essentiels
et, ensuite, d'établir un mécanisme qui non seulement les
définira, mais assurera qu'ils seront effectivement maintenus dans
l'exercice d'un droit de grève, par ailleurs légal, des
employés de ces secteurs; sinon, les employés de ces secteurs
deviendront, comme dans la bonne vieille époque, des
bénévoles à qui on demandera de faire des sacrifices de
plus que les employés de Gattuso ou les employés de Catelli.
Pourquoi les employés de Gattuso ou de Catelli pourraient-ils faire des
grèves pendant quatre, cinq, dix semaines pour s'assurer $0.10 de plus,
si on retire à des gens qui sont dans des services essentiels
raison de plus pour bien les rémunérer, raison de plus pour bien
les traiter un traitement, des honoraires et un niveau de vie
convenables? Ces services sont essentiels? Ils doivent être
établis comme essentiels et les syndiqués sont même
d'accord à établir qu'ils sont essentiels. Il faut écarter
de ces gens qui sont dans les hôpitaux cette espèce de sort
d'otages le mot a été employé à la
dernière occasion et je l'emploie ce soir volontairement qu'ils
peuvent devenir dans une période d'affrontement patronal-syndical, mais
pas des otages uniquement de la partie syndicale. C'est trop beau. C'est le jeu
qu'ils nous ont fait jouer à la dernière négociation.
Eux autres, ils étaient des gars bien corrects, qui avaient
déposé des offres bien raisonnables et les gros méchants,
ceux qui faisaient maltraiter le monde, ceux qui faisaient souffrir le monde
dans les hôpitaux étaient ceux qui ne gagnaient même pas
$100 par semaine et qui, en 1972, exigeaient $100 par semaine; c'étaient
eux autres les méchants, ce n'était pas le gouvernement qui, lui,
avait décidé de geler d'avance sa masse salariale et qui, d'autre
part, gaspillait de l'argent dans la baie James, comprends-tu, $11 milliards,
$12 milliards, cela ne nous dérange pas. Le ministre des Richesses
naturelles ne sait même pas le prix de la baie James actuellement. Ou
bien envoie donc de l'argent dans les Olympiques! Le fou à Drapeau a
"parti" une patente; envoie, on embarque en arrière, pas de
problème là-dedans! Mais quand il arrive des négociations
avec ses employés, on serre la visse, le gouvernement n'a plus un cent,
le gouvernement n'a plus d'argent, le gouvernement n'est plus capable d'en
mettre plus que cela. Si les employés font la grève parce qu'ils
veulent $100 par semaine pas $34 millions comme Taillibert, $100 par
semaine que les employés demandaient ils maltraitent les gens qui
sont dans les hôpitaux, ils font souffrir les pauvres malades et les
pauvres vieux, comme si le patron n'avait rien à faire
là-dedans.
Le patron de 1972 comme celui qui est aussi pourri que celui de
1972, celui qui est en face de nous autres ce soir avait très
bien négocié ses affaires; parce que lui, le patron l'autre bord,
il sait très bien une chose. Quand il est tanné de son rôle
de patron, quand il s'aperçoit que son maquillage de patron commence
à fondre et à couler, le patron se transforme en juge. Là
il devient le gouvernement, comprends-tu. Il n'était pas le gouvernement
auparavant, il était le bon patron et, comme disait le ministre de la
Fonction publique, un des bons employeurs du Québec, un des gars qui
continuent la discrimination entre hommes et femmes dans le secteur public et
parapublic; un des gars qui continuent à maquiller les offres salariales
qu'il offre; un bon employeur. Exactement dans le genre de ceux qu'on
découvre dans n'importe quelle entreprise privée
québécoise.
Lorsque cela ne fait plus son affaire, lorsque l'action et la
solidarité syndicales ont ébranlé son masque, lorsque son
hypocrisie lui dégouline le long du visage, il devient un juge et, de
juge, il présente une loi à l'Assemblée au nom de
l'intérêt public. Nous avons, vous comme moi, M. le
Président, vécu cela en 1972. Vingt-quatre heures auparavant, il
n'y avait rien d'alarmant, tout allait très bien, tout était sous
contrôle; vingt-quatre heures après c'était l'urgence
publique; il fallait abolir les règles normales de la Chambre; il
fallait forcer les employés à retourner au travail.
Ce patron, en face de nous, n'est pas simplement un bon employeur, il
est le plus hypocrite de tous les employeurs du Québec; parce qu'il a,
parmi les privilèges de tous les employeurs du Québec, celui de
se transformer en juge, à un moment ou à un autre.
Ce que vise le projet de loi 253 que nous avons, c'est de limiter les
élans des syndiqués, bien sûr, nous en reparlerons, mais un
tant soit peu de circonscrire l'action de l'employeur. Ce qui fait qu'un
hypocrite comme l'ancien ministre de la Fonction publique, lors des
négociations de 1972, ou l'ancien ministre des Affaires sociales ne
pourront plus intervenir de la façon qu'ils l'ont fait. Je ne dis pas
qu'ils sont des hypocrites, M. le Président, je ne dis pas...
Le Président: Un instant, un instant, on va mettre...
M. Burns: II m'a assez traité de menteur tout à
l'heure, bonguienne!
Le Président: Un instant, ne nous énervons pas.
Ecoutez, quand même, il y a un règlement, il y a des
règles du jeu qui existent. Si on fait sauter les règles, je
pense que le jeu va également disparaître. Il y a quand même
un minimum, je crois, un minimum; je ne suis pas là pour me lever
à tout bout de champ, loin de moi l'idée de bâillonner, de
restreindre le droit de parole de quiconque, cela n'a jamais été
dans mes principes. Mais pour l'institution de l'Assemblée, pour ce qui
en est de ses membres et de cette autorité qui est suprême,
l'Assemblée nationale dans tout Etat, je pense bien que les
députés qui interviennent, avec toute la liberté de parole
qui leur appartient, doivent respecter certaines limites de notre
règlement.
Il est dit qu'il "n'est pas permis d'attaquer la conduite d'un membre de
l'Assemblée, sauf à l'occasion d'une motion mettant sa conduite
en question, de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse
de qui que ce soit, ou irrespectueux pour l'Assemblée".
Je n'ai pas de leçon à donner à qui que ce soit,
mais à la simple lecture de ces prescriptions, je pense bien qu'elles
sont comprises par tous les membres de cette Assemblée.
M. Charron: M. le Président, j'admets amplement vos
remarques. Vous admettrez que je suis probablement une des personnes les plus
disposées dans cette Assemblée à respecter cette partie de
notre règlement parce que j'en ai été très souvent
victime moi-même. Je crois quand même qu'il est de
notoriété publique dans cette Assemblée qu'il est permis
d'afficher comme attitude hypocrite je ne dis pas que l'ancien ministre
de la Fonction publique l'est, à l'étape où il en est
rendu, il n'est plus besoin de fesser dessus, mais je dis quand
même...
Le Président: Les journalistes qui désirent rigoler
peuvent aller rigoler non pas à la galerie, ici, mais dans leur
tribune.
M. Charron: II existe, M. le Président, des attitudes qui
sont difficilement qualifiables autrement que je l'ai fait. Quand cette
Assemblée et vous-même, M. le Président, qui en
étiez membre a vécu l'époque de négociations
de 1972, quand un gouvernement vous affirme, moins de 24 heures avant
d'intervenir de façon radicale dans un conflit de travail, qu'il n'y a
pas raison de s'alarmer et que, le lendemain, les mesures les plus
sévères sont appliquées sur le dos des syndiqués,
vous vous demandez, si ce n'est pas de l'hypocrisie j'en conviens, je
retire l'expression quel était en tout cas le degré de
sincérité du gouvernement qui s'adressait à
l'Assemblée la veille même, par la bouche de l'ancien ministre de
la Fonction publique comme par la bouche de l'ancien ministre des Affaires
sociales. En tout cas, tout cela est d'une vieille époque, tous ces
hommes sont désormais disparus de notre histoire, mais il reste qu'un
gouvernement conduit ses négociations non seulement à ce
moment-là mais exactement aussi à partir du moment où il
est patron. Parce que si le patron d'en face a ce pouvoir exorbitant à
l'égard d'une masse de travailleurs qui sont par ce fait même des
pôles pour l'ensemble des travailleurs, à un moment donné,
de se transformer de patron en juge, il faut toujours bien circonvenir et
circonscrire l'exercice exact de ce droit.
Or ce droit, le gouvernement l'exerce à partir du moment
où il dépose ses offres. Le juge est derrière le masque
des offres, il faut bien le voir. Parce que c'est un jeu de polichinelle, M. le
Président, c'est un jeu de polichinelle que de déposer
volontairement, volontairement, des offres inacceptables. Négocier pour
la frime! Négocier sur les détails, négocier sur les
arrangements mineurs, faire la tête dure, faire le "bucké", faire
le gars qui refuse absolument de comprendre l'essentiel sur les points
essentiels. Parce que tu sais très bien qu'il y a une loi 253, parce
qu'il y a une loi 89 ou parce qu'il y a une loi X qui va intervenir à un
moment donné, qui va permettre de te déguiser en juge. Tu t'en
vas à l'Assemblée nationale, tu convoques les parties, tu dis:
Venez donc négocier au lieu de faire des grèves tournantes, venez
donc à la table de papa. Papa est prêt à vous
écouter; papa est prêt à vous entendre. Papa est un bon
gars, papa vous a déposé 8% sur la table. Papa ne peut pas faire
plus parce que grand-papa ne veut pas qu'on ait plus de 10% et papa
obéit à grand-papa. Mais venez donc jaser, faites donc pas de
trouble. Le jeu dure, le jeu dure.
Si les syndiqués étaient des imbéciles, si les
travailleurs de centrales syndicales étaient des idiots puis des
innocents, ils marcheraient dans le jeu de papa. Ils iraient s'asseoir à
la table et là ils gagneraient pour leurs travailleurs des augmentations
marginales. Puis si ça ne fait pas, puis si ce n'est pas correct, et si
vous n'êtes pas tranquilles, papa va sortir son gros masque de juge puis
il va devenir un gouvernement. Et là, papa, quand il va devenir un
gouvernement, il va s'attifer de tout l'attirail de l'intérêt
public, comprends-tu, puis de toutes les patentes.
Papa il ne dira pas qu'il met $600 millions dans les Jeux olympiques. Il
n'en parlera plus, papa, il n'en parlera plus. Papa, il ne dira pas qu'il met
$11 milliards dans la baie James, il n'en parlera plus, papa; il va vouloir
faire oublier cela.
M. Bacon: C'est un bon papa.
M. Charron: C'est un bon papa, un bon papa menteur. Un bon papa
menteur qui s'adresse à ses syndiqués comme s'ils avaient huit
ans, comme s'ils avaient neuf ans, comme si ce n'étaient pas des hommes
mariés, des femmes mariées et des hommes qui prétendent
être mariés, des hommes qui ont une vie normale, puis qui
s'aperçoivent qu'en 1975 tu ne vis pas avec $7,000 ou avec $7,500 par
année. Comme si ce n'étaient pas des hommes qui s'étaient
aperçus que les compagnies, pendant le temps de l'inflation, ont
augmenté leurs profits de 70%, 90%, 150%. Comme si ces gens-là
n'avaient pas des revendications normales, comme s'ils n'avaient pas les yeux
ouverts pour voir tout ce que papa a laissé faire pendant que papa ne
négociait pas. Ce sont des imbéciles, les syndiqués. Il
faut que tu les amènes. Tu dis: Ecoute, grand-papa a
décidé que c'était 10% là, comme si les
syndiqués n'avaient pas vu tout ce que tu as laissé faire, tout
ce que tu as cautionné, tout ce que tu as laissé aller pendant
des mois, puis des mois, tout l'engraissage des compagnies dont tu as
profité, toute l'inflation dont tu as profité, parce que tu as
refusé d'indexer les impôts, puis cela t'a juste rapporté
plus d'argent dans ta caisse, comme si les syndiqués n'étaient
pas des Québécois qui ont les yeux ouverts.
Non, tout d'un coup, wouah! l'austérité. Papa a
décidé que c'était l'austérité,
comprends-tu. Tout le monde s'est graissé, les députés,
les juges, les sous-ministres; tout le monde s'est engraissé en masse.
Là, ça arrive aux secteurs public et parapublic, papa,
décide qu'il n'y a plus d'argent. Papa n'a plus d'argent. Puis papa, il
décide qu'il te limite à 8%, puis il va négocier avec toi,
parce qu'il veut que tu deviennes un adulte. Il veut que tu deviennes un homme,
que t'apprennes à négocier. Mais, si tu exiges plus que ce que
papa veut que tu exiges, ah! papa va devenir un juge. Là, quand papa va
devenir un juge, "watch out"! Cela s'appelle le bill 253. Papa il ne rit pas
avec cela. Papa va te mettre une "cenne" sur la table, puis, si tu ne la prends
pas, la "cenne", t'en auras pas "pan-toute". C'est clair.
Tu as beau lui dire à papa: Ta maudite offre, elle ne vaut pas
$0.05, parce que papa, il est un peu perdu, tu sais, dans les patentes. Papa,
il a trop de dépenses, il a trop de chevaux à courir. Le
gouvernement est en train de s'effondrer, papa est occupé à bien
bien trop d'affaires. Dire comme cela: Moi, je ne travaille pas pour rien. Dans
le secteur hospitalier, moi, je ne travaille pas pour rien. Les
infirmières qui sont même pas aux deux tiers de ce que les
infirmières ontariennes gagnent, moi, je ne continue plus
là-dedans. Les employés manuels d'hôpitaux qui ne peuvent
plus admettre de travailler à des salaires aussi bas que ceux qu'ils
ont, ce ne sont pas des imbéciles. Ils sont justes conscients. Quand ils
voient les ministres se voter des salaires de $55,000, $60,000 par
année, ils ne sont pas caves. Ils disent: Je n'en demande pas tant que
cela, mais, bon Dieu, m'a toujours ben vivre un peu.
Si c'est l'abondance, cela va être l'abondance pour tout le monde
ou bien donc cela va être l'abondance pour personne. Puis, moi des
patentes de laisser engraisser Esso, Shell, puis toutes des affaires de
même, puis toutes les compagnies, puis, à un moment donné,
quand ça arrive à mon tour, croc, la patente vient de tomber
à terre, je ne marche pas là-dessus. Ce ne sont pas des caves,
ceux qui disent cela. Ce ne sont pas des caves. Ils ont vu la "game". Ils ont
vu la "game". Cela fait longtemps que le monde l'a vu, la "game",
inquiète-toi pas. Ils l'ont vue, ils ont vu le jeu de tous les
ministres, ils ont vu l'hypocrisie tomber d'un bord à l'autre, ils ont
vu tout cela.
Là, il se prépare une grosse "game". Oui.
M. Bienvenue: Sur une question de règlement, le
député de Saint-Jacques sait que je n'aime pas interrompre les
députés en général, ni lui en particulier. Si le
projet de loi portait sur les conditions salariales, les clauses normatives, je
ne parle pas du reste, des employés d'hôpitaux ou des services
publics qui se rattachent à la santé, je pense qu'il serait dans
le cadre de la pertinence. Comme cela porte sur le maintien des services
essentiels c'est comme cela que j'ai perçu le principe du projet
de loi j'aime mieux prévenir, M. le Président, parce que,
parfois, avec l'agilité et le talent qu'on lui connaît, on va dans
Esso, dans Shell, dans le salaire des députés. J'aime mieux
prévenir, M. le Président. Je sais que, proprio motu, vous pouvez
intervenir, vous l'avez fait il y a un instant, mais je pense que je manquerais
à mon devoir si je ne soulevais pas ce point-là.
M. Charron: M. le Président, je conviens qu'il y a
peut-être des intentions politiques, mais peu importe. Je parlais de la
possibilité d'exercice de droit de grève de la part de ces
syndiqués, ce qui nous amène directement au projet de loi. Nous
n'aurions pas besoin, ce soir, de mobiliser les énergies ce qui
est un bien grand mot de cette Assemblée pour déterminer
les services essentiels dans les secteurs public et parapublic si nous n'avions
pas en tête, chacun d'entre nous, les risques de grève que cette
collectivité court de la part de ces employés.
Je vous dis qu'effectivement, comme vient de le signaler le ministre de
l'Immigration, nous courons de sérieux risques de grève,
d'où l'à-propos de cette loi. Effectivement. Je ne sais pas si
c'est de grève. Les syndiqués ont leurs propres organismes pour
déterminer l'action qu'ils veulent mener, mais ce que je puis dire ce
soir, c'est qu'ils sont parfaitement légitimés de demander plus
que ce que leur a offert le gouvernement. Donc, en ce sens, il devient plus
important pour cette Assemblée de préciser les services
essentiels qu'il s'agit de maintenir. Le risque d'affrontement est
véritablement profond, profond parce que j'y reviens parce que le
ministre de l'Immigration n'a pas réussi à me faire perdre le fil
de mon idée le patron c'est lui, depuis le départ, qui
peut se convertir en juge. Il nous demande même, par le projet no 253, ce
soir, de l'aider à le faire, de déterminer ce qu'il fait.
Si on s'en tenait aux modalités du projet de loi no 253, c'est
exactement ce qu'il nous demande: Permettez-nous de devenir des juges avant le
temps, permettez-nous, dès que nous sentirons la soupe chaude, d'enlever
notre masque de patron et de devenir des juges. Si vous regardez l'article 10,
M. le Président, je vous vois feuilleter le projet de loi, et si vous
regardez l'article 11, le gouvernement se réserve le droit de choisir,
dans le Tribunal du travail, qui va déterminer, qui va procéder
à la conciliation et, selon l'article 11, à l'adjudication de ce
qui s'appelle des services essentiels. C'est le patron qui va décider
cela, vous savez. C'est le patron, c'est le "boss". Le "boss" qui est en face,
qui a déposé des offres salariales que, pour le moment, il peut
ignorer complètement. Cela peut uniquement faire partie de sa
stratégie d'affrontement pour les conduire à la loi 253.
Je vous dirais, si c'était dans les propos de cette loi, et si ce
n'était pas le ministre des Affaires sociales qui l'avait
déposée, que si je regarde les offres salariales du gouvernement
dans le domaine de l'éducation, c'est exactement et là, je
l'affirmerais ce que veut le gouvernement. Exactement. Dans le domaine
social, la stratégie patronale a été de diviser le cartel
des affaires sociales; c'est visible aussi là-dedans. On a offert plus
à un groupe de salariés du secteur des affaires sociales et on a
offert beaucoup moins que la normale à un autre groupe. Autrement dit,
diviser pour régner. Vous divisez l'adversaire, vous en engraisser une
partie et vous affamez l'autre, ou à peu près, ce qui fait qu'il
n'y a pas de crainte à y avoir de solidarité de l'autre
côté parce qu'il y en a une qui est tellement bien graissée
par la partie qui vient de sortir que les nécessités d'assurer
les services essentiels paraissent moins urgentes. Vous me comprenez?
Ce que je veux dire, c'est que s'il faut déterminer les services
essentiels qui doivent être assurés, on ne peut pas
écarter, à moins d'être des imbéciles libre
aux membres de cette Assemblée de le devenir la stratégie
patronale actuelle dans ces négociations. Je vois le
député de Frontenac qui s'intéresse à la
définition de l'imbécilité. Je veux dire que si on
négligeait...
M. Lecours: Les malades aussi.
M. Charron: ... la stratégie patronale d'offres
actuelles...
M. Lecours: Je n'aime pas ça voir des malades.
M. Charron: ... pour s'en tenir uniquement au projet de loi no
253, cette Assemblée oublierait les conditions dans lesquelles la loi
253 peut s'appliquer.
La loi 253 s'appliquera s'il y a mésentente. Il y aura
mésentente à deux conditions: II y aura mésentente si
l'écart entre les offres salariales patronales et les demandes
salariales syndicales est à un tel point séparé
qu'effectivement il ne reste à penser comme moyen d'action ultime,
qu'à l'exer- cice du droit de grève par les syndiqués ou
l'exercice du droit de lock-out par les patrons.
Le ministre des Richesses naturelles qui a une certaine
expérience dans le dossier, sait très bien qu'au départ,
si on ne peut présager une grève très très
très longue comme dans le cas de United Aircraft ce qui est
à peu près impensable dans le cas des secteurs public et
parapublic, nous en conviendrons tous, à cause du secteur particulier
dont nous parlons si, au départ, il y a un océan entre les
demandes et les offres, il ne s'agit pas d'être très fin limier,
il ne s'agit pas d'être très fort devin pour dire que ce que le
Code du travail permet comme exercice de droit de grève à des
employés risque d'être utilisé. Ce n'est pas plus que cela,
c'est juste de cela dont nous avons à parler ce soir. Le projet de loi
no 253 en est lui-même un symbole. Si le gouvernement intervient ce soir
pour nous dire de tout de suite présager des services essentiels et les
établir, en tout cas d'établir des mécanismes qui
permettront de les établir, c'est parce que le risque de grève
est, le moins qu'on peut dire, à l'horizon. Effectivement, le patron n'a
qu'à regarder ce qu'il a offert par rapport aux demandes devant
lesquelles il se trouve pour dire qu'il faudrait négocier, et
négocier "ben" gros et négocier "ben" fort, puis négocier
"ben le fun" pour qu'on s'en sorte je ne dis pas sans grève
mais en tout cas sans recours à d'autres moyens apparentés
à la grève.
Dans le secteur de l'éducation, je me permets cette incartade,
c'est mille fois plus visible. Je dirais que c'est mille fois plus voulu par le
gouvernement. Mais tenons-nous-en à cela, nous aurons d'autres occasions
d'en parler.
Mais, quelle sera l'attitude des syndiqués sur
l'établissement de services essentiels? Voilà la question.
Autrement dit, cette Assemblée est appelée à se prononcer
sur la valeur de ce projet de loi. Quelle en est donc effectivement la valeur?
Comment effectivement ce projet de loi pourra-t-il résoudre des choses,
éviter le pire, pour employer l'expression consacrée par les
journalistes? Comme si le pire était l'exercice d'un droit légal.
Les syndiqués vont respecter une loi quand la loi va respecter les
syndiqués. C'est clair. Moi, je marche de même et j'espère
que tous les Québécois marchent comme cela aussi. Moi, je marche
dans un "deal" quand le "deal" ne me prend pas pour un imbécile. C'est
bien clair. Quand le "deal" me prend pour un cave, ou quand le "deal" veut
m'enlever un droit que j'ai gagné par ma propre force, je ne vois pas
pourquoi je marcherais là-dedans. Je ferais rire de moi au bout de la
ligne, pas juste parce que j'ai peur de faire rire de moi, parce que je serais
fourré au bout de la ligne et que j'aurais perdu au bout de la ligne.
Moi, je marche dans des "deals" quand c'est "clean", comme on dit, quand c'est
clair, quand c'est franc, quand c'est sincère. Quand on me demande de ne
rien céder de ce que moi je trouve essentiel de conserver pour moi, ce
que j'ai gagné, ce que j'ai été chercher par ma force, en
me battant contre des "boss", c'est clair. Si vous me respectez comme cela, moi
je suis prêt à négocier les services es-
sentiels, bien sûr. Parce que personne des syndiqués, M. le
Président, n'est intéressé à paraître
à nouveau comme on l'a fait de façon tellement
dégoûtante, de la part du patron d'en face en 1972, comme un
torsionnaire de personnes hospitalisées, ou de personnes en foyer
d'accueil ou en centre d'accueil. Aucun syndiqué n'aime à subir
cette image, parce que chacun sait que cette image n'est pas vraie, parce que
chacun sait qu'au salaire qu'ils ont actuellement ils doivent encore faire
preuve de beaucoup de dévouement pour rester dans ces institutions, et
que ce n'est pas drôle de travailler là-dedans.
Pendant trois ans, ils travaillent avec des malades, avec des impotents
parce que c'est leur métier, dans des "tatillonnages" administratifs
invraisemblables, et à un bout de la ligne, quand ils décident
uniquement d'utiliser leur droit de grève pour se gagner des conditions
de travail qui soient supérieures, se faire crucifier en pleine face
l'image de tortionnaires, il n'y a personne qui aime cela.
Les syndiqués avec lesquels l'occasion nous a été
donnée d'entrer en contact, personne de ces syndiqués n'est
intéressé à maintenir cette image. Autrement dit, personne
de ces syndiqués n'est opposé au principe de cette loi. Tous sont
d'accord pour assurer les services essentiels, mais pas pour que le "boss" les
détermine, pas pour que le "boss " ou les acolytes que le "boss " aura
choisis les déterminent.
Ils ne sont pas des caves. Il y a des travailleurs du secteur parapublic
qui ont des syndicats plus forts, plus solides, plus tenaces que des
travailleurs du secteur public. Il y en a qui voient plus loin que leur nez
dans une convention collective. Que voulez-vous? C'est dommage qu'ils ne
puissent pas tous se faire fourrer par le charme d'un ministre, mais c'est de
même. On devra se résigner de l'autre côté à
savoir qu'on ne négocie pas avec des imbéciles. Cela a
peut-être demandé beaucoup d'énergie de l'autre
côté, mais cette étape franchie, il faudra en tenir
compte.
Les syndicats sont intéressés par une loi qui
établira un mécanisme déterminant les services essentiels
en cas de conflit de travail, à deux conditions. Premièrement, si
les mécanismes établis par cette loi sont conciliables avec leurs
droits acquis et avec le simple esprit de justice, ce qui veut dire, j'ouvre
une parenthèse, M. le Président, une loi qui ne remet pas entre
les mains du "boss" la détermination du juge. C'est clair.
Là-dessus, ils ont raison, ils ont bien raison.
Le premier, si je peux juste prendre la comparaison de cette auguste
Assemblée que vous présidez quotidiennement, M. le
Président, si jamais un litige devait m'opposer fondamentalement
à un membre ou au conglomérat qui m'entoure et que cela devait
être tranché par un juge, le minimum que j'exigerais avant de me
plier à sa volonté, c'est que le juge n'ait pas été
choisi uniquement par la partie d'en face.
Je ne dis pas que vous me trouveriez intelligent, M. le
Président, si je posais cette revendication. Vous penseriez que je me
trouve uniquement civilisé et adapté au vingtième
siècle. Effectivement, au vingtième siècle, les rapports
entre humains, entre patrons et ouvriers, entre patrons et syndiqués
veulent que le patron ait certains droits, mais quand même pas celui de
nommer le juge. La deuxième condition pour laquelle les syndiqués
accepteront la création d'un tribunal ou d'un juge devant
déterminer les services essentiels, outre les mécanismes que je
viens de définir, c'est parce qu'ils y ont un avantage. Effectivement,
si cette loi sait être juste et apprend à fixer des
mécanismes qui feront qu'elle deviendra respectable par toutes les
parties, alors cette Assemblée vient du fait même d'être
assurée qu'il n'y aura pas de loi de retour au travail forcé dans
les secteurs public et parapublic lors de la prochaine négociation.
Autrement dit, c'est un soulagement pour tout le monde. Cette
Assemblée vient d'apprendre qu'elle n'aura pas à forcer des
travailleurs à abandonner un droit légal, ce gouvernement-patron
vient d'apprendre qu'il n'aura pas besoin de se maquiller en juge, et les
travailleurs syndiqués viennent d'apprendre qu'ils n'auront pas à
faire une grève, peut-être.
M. le Président, je me permets cette incursion d'une minute dans
l'exercice du droit de grève. Cette Assemblée et ses
députés de la majorité ont souvent eu l'impression que les
syndiqués, où qu'ils soient dans le Québec et ceux des
secteurs public et parapublic encore plus parce qu'ils nous touchent encore
plus, exercent avec un plaisir effréné, une joie
débordante, l'exercice du droit de grève. Ce n'est pas vrai.
Il faut bien comprendre que les travailleurs, lorsqu'ils décident
d'exercer ce droit, c'est en dernier ressort parce qu'ils y perdent. Ils y
perdent beaucoup. Leurs familles y perdent. Ils le font dans l'espoir de gagner
quelque chose à long terme. Mais au moment où ils entrent en
grève, rien ne leur dit que le gain sera supérieur aux pertes
encourues pendant le temps de l'action devant mener à ces gains. Ils ne
le savent pas.
En fait, pour un travailleur entrant dans une grève, c'est la
période d'insécurité maximale. Quel sera le fonds de
grève? De quelle durée la grève sera-t-elle? A quelles
conditions signerons-nous? Toutes ces choses sont absolument dans le noir au
moment où ils enclenchent la grève. S'ils la font, c'est parce
que c'est le moyen ultime d'action dans la disproportion entre les offres et
leurs demandes et qu'ils se sentent très souvent poussés à
la faire par l'action du patron. Cette chose doit être claire, M. le
Président.
En particulier, je connais des travailleurs, dans mon comté,
employés de commission scolaire, donc du secteur parapublic directement
visé par cette loi, qui m'ont affirmé, au cours de la fin de
semaine, lorsque je les ai rencontrés lors d'un événement
social dans mon comté, qu'ils craignaient comme la peste de devoir faire
la grève. Certains travailleurs me disaient craindre pour leur propre
sécurité. Certains d'entre eux venaient de cette ville même
où nous sommes ce soir, étaient déménagés
à Montréal pour travailler et me disaient: Si la grève
dure deux semaines, je suis
obligé de retourner à Québec chez mes parents. Je
n'ai plus le moyen de vivre, je n'ai plus le moyen de payer mon appartement, je
n'ai plus le moyen de payer mon électricité, je suis fini. Il
faut penser que nous parlons de travailleurs de $115, $120 ou $125 par semaine.
Ceux du secteur hospitalier également. Une grève les fait
souffrir. S'ils la font, c'est juste par moyen ultime d'aller chercher une
amélioration à très long terme sur une convention
collective de trois ans, et il n'est même pas prouvé
mathématiquement qu'ils y gagneront. C'est toute une décision,
pour un travailleur, que d'aller voter oui dans l'urne au moment où il
est consulté quand il sait qu'il a une famille à nourrir, quand
il sait que les Fêtes approchent, quand il sait qu'il a des besoins
à satisfaire et qu'il sait que le fonds de grève lui apportera
peut-être $35 ou $40 par semaine. Où est-ce qu'on va "revirer"
avec cela aujourd'hui? C'est parce qu'il a l'espoir que la solidarité
syndicale lui apportera quelque chose.
Ils n'en veulent pas de grève, les employés des secteurs
public et parapublic et les employés du secteur hospitalier dont nous
parlons ce soir. Ils n'en veulent pas. Ils vont la faire à regret mais
obligatoirement. Personne ne saura les blâmer.
C'est pour cela, M. le Président, que s'ils sont
résignés à utiliser ce droit de grève, à un
moment donné, et qu'en même temps les services essentiels sont
assurés, ils sont au moins assurés que l'exercice de leur droit
de grève leur apportera des fruits et qu'ils pourront la faire.
M. le Président, ce projet de loi, à mon avis, n'est
approuvable que parce qu'il garantit le droit de grève dans des
conditions normales et que les travailleurs doivent le considérer comme
tel ce soir.
Autrement dit, l'excuse traditionnelle du patron, masqué en juge,
à un moment donné, de se scandaliser que les services essentiels
ne soient pas assurés et d'imposer, par le fait même, des
conditions de travail que ces travailleurs n'ont pas acceptées et n'ont
pas délibérément négociées avec leur
employeur, nous pouvons espérer qu'à partir de cette loi ces
offres disparaissent, mais à une condition, à la condition que le
mécanisme déjà très discutable dans ce projet de
loi qui établira des services essentiels soit amendé.
L'Opposition officielle apporte Son concours à ce projet de loi
en deuxième lecture, parce que le principe non seulement à
nous, mais à tous les syndiqués, M. le Président, puis-je
vous le rappeler nous apparaît essentiel, mais à condition
que des amendements substantiels soient apportés au projet de loi au
cours de l'étude en commission.
Actuellement, les mécanismes amorcent une nouvelle
démarche patronale, mais la concluent en queue de poisson, si vous
voulez mon opinion, ou la concluent au désavantage des syndiqués.
Vous rappelez-vous, M. le Président, cette loi, que cette
Assemblée a été appelée à discuter je ne me
rappelle plus à quelle époque, et qui fixait les cadres de
négociations en cours; je ne me rappelle même plus le
numéro de la loi, je l'ai cherché tout à l'heure.
M. Burns: Quarante-cinq.
M. Charron: Quarante-cinq, je pense, qui incluait le ministre des
Affaires sociales et le ministre de l'Education, partenaires du ministre de la
Fonction publique. C'était la loi 45. Quarante-cinq?
M. Forget: Quatre-vingt-quinze.
M. Cournoyer: La dernière, c'est la loi 95 qui amendait la
loi 45.
M. Burns: Amendée par la loi 95.
M. Charron: M. le Président, cette loi connaissait des
vices de forme. Je ne veux pas, ce soir, présenter l'Opposition comme
des fins finauds qui ont toujours tout prévu! Mais, au moment où
cela arrive, non seulement j'aurais tort de ne pas le signaler, mais, parce que
cela peut servir d'avis à l'Assemblée, lorsque nous avons
fixé les cadres de cette négociation qui disait que, lorsqu'au
bout de 90 jours, la partie patronale et la partie syndicale ne se seraient pas
entendues sur ce qui est négociable au niveau provincial et sur ce qui
est négociable au niveau régional ou au niveau local, le patron
se convertirait en juge, le député de Maisonneuve et
moi-même avons dit: Cela ne marchera pas, cela ne marchera pas; il
faudrait que ce soit le Tribunal du travail qui fixe cela. M. le
Président, cela n'a pas marché, non plus. Ce n'est pas parce que
le député de Maisonneuve et moi sommes des fins finauds. C'est
parce que nous nous étions basés uniquement sur
l'expérience des négociations de 1972. C'est bien évident
que, si le ministre des Affaires sociales s'en tient aux mécanismes
actuellement prévus dans le projet de loi no 253, avec lequel nous
sommes disposés à convenir quant au principe, cela ne marchera
pas non plus et on aura donné notre appui de principe sur rien, en fin
de compte. C'est pour cela que je le dis sans ambages: On donne notre accord de
principe parce qu'on croit, dans l'intérêt du Québec et des
syndiqués eux-mêmes, que des services essentiels soient
prédéterminés avant un affrontement, s'il doit venir,
entre l'Etat et ses employés du secteur parapublic hospitalier et de
tout l'ensemble du secteur parapublic, à la condition que les
mécanismes en tiennent compte. Autrement, nous voterons contre en
troisième lecture c'est simple; nous nous opposerons au projet de loi
dans sa version finale.
Le principe est acceptable, mais pas de même, pas si c'est le
"boss" qui décide, à un moment donné, de devenir un juge,
de choisir qui va devenir juge. Wo, un boutte! Les syndiqués ne sont pas
des imbéciles, M. le Président. Si on adopte ce projet de loi,
voyez-vous dans quel esprit les syndiqués vont aller négocier par
la suite?
Ils vont aller négocier en se disant: Cela ne nous donne pas
grand-chose; cela ne nous donne pas grand-chose puisque le patron n'a
qu'à se croiser les bras et, quand il va trouver que cela a duré
assez longtemps, il va se transformer en juge.
Et ici, dans cette Assemblée, il se trouvera des
députés de l'Opposition pour poser des questions au ministre de
la Fonction publique et le ministre de la Fonction publique se lèvera et
dira: Les syndiqués ne négocient pas de bonne foi. Il n'y a que
le gouvernement de correct dans cette affaire-là. Je comprends qu'ils ne
négocieront pas de bonne foi. Iriez-vous à l'abattoir, vous, M.
le Président, si on vous disait: Tu as trois chances; au bout de la
troisième il y a une guillotine qui te tombe sur la tête? Tu
arrives pour la première, le patron reste les bras croisés; tu
arrives pour la deuxième, le patron reste les bras croisés; tu
arrives pour la troisième, le patron se transforme en juge et abat la
guillotine. Iriez-vous de bonne foi, vous, M. le Président? Pensez-vous
que les députés, ici, qui se sont négocié une
augmentation de salaire l'année passée auraient
négocié avec un "boss" de même? Le gars qui se donne des
recours au bout de la ligne, c'est une négociation tronquée,
truquée, fausse et indigne des syndiqués. Ils ont parfaitement le
droit de la contester.
Les parties ne seront pas intéressées, dans cette loi,
à faire des compromis devant celui qui, dans quelques jours, pourra
devenir un juge si on devait s'en tenir aux mécanismes actuels, qui ne
prévoit même pas de période d'audition pour les parties en
cours, rien. Le patron nomme un juge et le juge tranche, sans même avoir
entendu les parties. Il n'y a même pas dans ce projet de loi, M. le
Président, ce que le Code du travail peut prévoir comme minimum
dans des conflits je le dis sans manque de respect à
l'égard des travailleurs dans ces conflits moins importants que
celui-là, en tout cas qui touchent un moins grand nombre de gens que
celui-là. Les travailleurs de Gattuso, qui étaient mon exemple de
tantôt, M. le Président, ont toujours ce pouvoir de
médiation et de conciliation en vertu du Code du travail s'ils
décident d'en faire la demande. Mais ici, même pas! Comme le dira
le gouvernement s'il y a une grève, regardez-le bien venir s'il y a une
grève: Ils détiennent les malades en otages, ils font souffrir du
monde, ils laissent saigner les malades. Ils vont nous dire tout cela et tout
le chorus va se lancer là-dedans.
On n'a même pas offert à ces travailleurs la
médiation et la conciliation normale que les autres travailleurs,
à Gattuso, ou bien les "fabriqueurs" de moppes, de n'importe quoi,
peuvent avoir. Je n'ai rien contre cela qu'ils l'aient. Mais je dis: Si ce sont
vraiment des services essentiels, si ce sont vraiment des services qui touchent
l'ensemble de la population, le moins qu'on puisse faire c'est de leur assurer
le minimum de droits que les autres travailleurs ont dans des services moins
importants. Ils ne l'ont pas; ils ne l'ont pas dans ce projet de loi.
Il viendra des mauvaises langues, M. le Président, qui diront
ce n'est pas moi ce soir qui le dis mais je le dirai bien à mon
tour que le gouvernement a conduit, à partir du retard qu'il a
mis à déposer ses offres, jusqu'à l'accomplissement final
d'un décret qui s'abattra sur la tête des travailleurs si jamais
on doit s'en aller jusque-là. Au- trement dit de A à Z, le
gouvernement aura agi volontairement et par calcul selon la formule du
premier ministre bassement partisan, pour se sauver la face parce que
c'est la seule place où il peut se la sauver. Calculer, manipuler et
organiser un affrontement avec ses propres employés des secteurs public
et parapublic. Quand il y aura des mauvaises langues qui diront cela, M. le
Président, il faudra les écouter, il faudra les écouter.
Il se trouvera bien quelque chanteur de charme dans cette Assemblée pour
dire que c'est écoeurant ce que font les syndiqués, que c'est
terrible ce que font les syndiqués.
Mais il faudra bien regarder les agneaux d'en face parce que les agneaux
d'en face, M. le Président, poignés dans la corruption,
poignés dans les "hot lines", poignés dans n'importe quoi, vont
certainement se trouver un moyen de se sortir du trou. Et quel moyen avez-vous
trouvé, dans ce gouvernement, de se sortir du trou sinon de taper sur
les petits? Pas taper sur les gros, ils sont avec eux. ils en dépendent,
ils sont élus avec eux.
Taper sur les petits. Taper sur les travailleurs syndiqués. Ils
font souffrir les malades dans les hôpitaux, ils font crever de faim les
pauvres vieilles qui sont dans les hospices, les méchants CSN, les
méchants FTQ, on va tout avoir ce scénario-là, M. le
Président. On l'a eu en 1972 à 24 heures d'intervalle, comme je
vous le disais tantôt.
Cela se prépare déjà. Retard dans le
dépôt des offres, offres inférieures à la normale
attendue. Longueur, lenteur dans les négociations, et laissons aller.
Laissons aller. A un moment donné, M. le Président, ce
gouvernement, après avoir établi, si on devait s'en tenir aux
versets du projet de loi no 253, qui sera juge, après avoir
établi les services essentiels et parce qu'il jugera que les services
essentiels ne seront pas établis ni respectés, décidera
d'intervenir par un décret qui lui permettra de fixer des conditions de
travail à des employés publics et parapublics pour trois ans,
sans leur consentement, à des conditions inférieures à ce
que la normale devrait être. Et tout cela pour dire que le gouvernement
vient de sauver le Québec de l'anarchie syndicale encore une fois.
Leur jupon dépasse, M. le Président, qu'est-ce que vous
voulez que je vous dise? Ils ont fait la même chose trois fois
déjà. Quand je les vois re-tontir au coin de Saint-Laurent puis
de Sainte-Catherine, je ne peux pas me demander encore une fois ce qu'ils s'en
viennent faire là. Merci, M. le Président.
Le Président: Le député de Rouyn-Noranda.
M. Camil Samson
M. Samson: M. le Président, le projet de loi no 253, qui
est en fait une réédition du projet de loi no 31, mais avec un
peu plus de dents, est un projet de loi qui vient prévenir une situation
qui pourrait devenir grave en cas de conflit de travail. M. le
Président, bien sûr, ce projet de loi ne vient pas régler
toute la situation économique au Québec. Il faudrait bien se
comprendre. Ce projet de loi
s'inscrit dans le cadre d'un contexte particulier qui se prépare
ou qui a déjà débuté.
J'aurais préféré, évidemment, que le
gouvernement nous annonce une réforme en profondeur qui pourrait
garantir à tous les travailleurs du Québec et à la
population du Québec un sain revenu qui permettrait à tout le
monde de vivre raisonnablement. Le domaine des services de santé, des
services sociaux, c'est un domaine où les salariés ont, je pense,
comme dans tous les autres secteurs de l'activité économique, le
droit de s'attendre à une juste rémunération. La question
qui se pose est de savoir si le gouvernement, comme employeur, parce que le
gouvernement est employeur dans ce cas, qu'il le soit directement ou
indirectement, de toute façon c'est lui qui paie la note si le
gouvernement comme employeur aura justement des offres à faire qui
traiteront de façon raisonnable les salariés concernés.
Nous sommes, à ce chapitre, encore dans l'abstrait. Nous ne savons pas
si les règlements proposés aux salariés seront
raisonnables. Nous ne savons pas si la négociation mènera
à des règlements raisonnables. Ce que nous savons, à ce
moment-ci, c'est qu'il y a des difficultés qui ont été
vécues autant dans le domaine de la négociation avec les
fonctionnaires que dans le domaine des négociations avec les gens de
l'éducation.
Nous ne pouvons cautionner les façons de travailler de ce
gouvernement. Nous ne pouvons cautionner le fait que, par des stratégies
bien élaborées, les salariés se retrouvent devant des
situations où ils n'ont pas tellement le choix des moyens. Finalement,
consciemment ou inconsciemment, le gouvernement pousse ces salariés vers
des actes que les salariés eux-mêmes ne voudraient pas poser. Ces
actions ouvrent la voie toute grande à ceux-là qui, assis sur un
autre genre de siège, ne recherchent pas de solution.
Je pense qu'il est valable de dire que le gouvernement ne fait pas tous
les efforts, mais je pense aussi que nous devons avoir l'honnêteté
de dire que, d'autre part, certaines gens, parce qu'il ne faut pas
généraliser, utilisent aussi, à leur façon, les
salariés. Ils les utilisent en se servant de la maladresse du
gouvernement; cela devient, pour certaines personnes, un prétexte
à pousser et à chauffer à blanc les salariés qui
ont besoin de leur salaire pour boucler les deux bouts, pour boucler le budget
familial. Ces gens-là sont finalement chauffés à blanc
parce que le gouvernement leur sert sur un plat d'argent un prétexte
pour semer l'agitation.
Qui sont les éternelles victimes de ces deux grands
géants? D'une part, le gouvernement employeur, qui est un géant
et, d'autre part, certaines centrales syndicales qui sont, à leur
façon, aussi des géants. Le salarié se retrouve pris entre
ces deux genres d'extrêmes, pris entre les deux. Le salarié qui
veut améliorer son sort, et c'est légitime, n'a pas d'autre moyen
que donner un mandat, une fois qu'il a été chauffé
à blanc parce que c'est comme ça que ça se fait
encore à des gens qui, n'ont pas peur de crier fort sur les
tribunes que la négociation, pour eux, ça ne vaut pas grand-chose
et qu'il faut absolument faire la grève et voire même la
grève générale. Vous voyez dans quelle sorte d'engrenage
les salariés du Québec sont pris. Qu'ils soient du secteur public
ou d'un autre genre de secteur, ils ont tous le même problème,
actuellement. Ils se retrouvent pris entre l'arbre et l'écorce
régulièrement. Les seules victimes sont ceux qui se font serrer
entre l'arbre et l'écorce, les salariés, les employés.
Dans le cas présent, lorsque ces salariés sentent qu'ils n'ont
pas justice, ils sont obligés d'avoir recours à un
défenseur qui abuse aussi de la situation.
Je suis sûr que cela se fait de bonne foi par les
salariés.
Quand il y a une grève, cependant, dans des secteurs aussi vitaux
que les secteurs de la santé et des services sociaux, elle se fait en
exerçant une pression non pas sur le gouvernement comme tel, mais sur
les usagers de ces services, sur ceux qui ont besoin de ces services, sur les
patients dans les hôpitaux, sur la population en général
qui vit dans l'inquiétude. Ne sachant pas quel jour on tombera malade,
M. le Président, si les services manquent, nous ne savons pas qui sera
celui qui, demain, aura besoin de ces services. Autrement dit, cela
amène une population, dans des conditions comme celles-là,
à vivre dans l'insécurité totale. Qui sera la prochaine
victime? C'est ce que nous nous disons quand il y a grève dans les
hôpitaux. Parce que, quand il y a grève et que les services ne
sont pas assurés, même avec les cadres qui font leur possible, il
se peut je n'accuse personne que cette action posée
mène au décès de certaines personnes. Nous nous
rappellerons la grève de 1972. Nous nous rappellerons également
qu'il a été cité en cette Chambre, à cette
occasion, que, dans la ville de LaSarre, un patient avait été
retourné chez lui sur une civière parce que les employés
qui devaient donner et assurer les services essentiels, à ce moment,
n'étaient pas là. Ce patient est décédé le
même jour ou le lendemain. On ne peut pas dire que ce patient aurait
vécu bien plus longtemps, même avec les soins. Nous n'avons pas
tenté de faire la preuve de cela.
M. Bienvenue: Sur une question de règlement, M. le
Président. Je ne vois aucune excuse pour que nous ne soyons pas plus
nombreux en Chambre. Je vous souligne qu'il n'y a pas quorum.
Le Vice-Président (M. Blank): II n'y a pas de commissions
qui siègent?
M. Bienvenue: II y en a une, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): C'est vingt pour le quorum.
On n'est pas vingt?
M. Bienvenue: Le député de Rouyn-Noranda a droit
d'être entendu par ses collègues.
Le Vice-Président (M. Blank): Où est la
commission?
M. Samson: Cela va peut-être en faire
réfléchir quelques-uns.
Le Vice-Président (M. Blank): Où est la commission?
Pouvez-vous aviser la commission de ne pas...
Une Voix: D'accord, on est assez.
Le Vice-Président (M. Blank): Nous allons sonner les
cloches.
M. Samson: Je disais donc, M. le Président, que nous
n'avons pas tenté de faire la preuve que cette personne aurait quand
même survécu, mais un doute subsiste. Si les services essentiels
avaient été maintenus dans ce cas, nous aurions augmenté
les chances de ce patient de survivre, sûrement.
M. le Président, nous pourrions répéter ces
exemples, il y en a d'autres ailleurs. Il y en a eu en 1972 de ces exemples
aussi. Il y en aura d'autres si la même chose se répète.
Bien sûr, ce n'est pas toujours drôle de faire son devoir dans de
telles circonstances. Ce n'est pas drôle pour l'employé
d'être obligé de donner les services alors qu'il voudrait exercer
son droit de grève. Mais c'est encore moins drôle pour le patient
qui cherche des services, qui en a besoin et qui ne peut pas en recevoir. Mais
ce n'est pas drôle, non plus, pour le législateur, pour l'homme
public qui est obligé de prendre des dispositions qui risquent de ne pas
être populaires auprès des syndicats. Mais est-ce que et
c'est une question que je me pose nous avons été
élus en tant que législateurs, en tant que députés
à l'Assemblée nationale pour les concours de beauté ou de
popularité ou si nous avons été élus pour faire
notre devoir?
Et quand je me pose cette question, M. le Président, je me
permets d'apporter la réponse qui m'est dictée par ma conscience,
c'est-à-dire faire mon devoir et mon devoir me dit qu'on n'a pas le
droit de laisser toute une province dans un état où il n'y aurait
pas de services essentiels de garantis dans le domaine de la santé.
M. le Président, j'ai été l'un de ceux qui,
dernièrement, ont frotté un peu les oreilles du ministre de la
Fonction publique dans le domaine des négociations. J'ai même
frotté les oreilles du premier ministre une bonne journée en lui
demandant de mettre quelque chose sur la table avant d'inviter ses gens
à venir négocier. Je parlais des gens de l'éducation
à ce moment. J'ai dit, et je me rappelle fort bien ce que j'ai dit
à ce moment: Vous invitez du monde à la table et vous ne mettez
rien sur la table. Mais ce n'est pas parce que le gouvernement ne fait pas tout
son devoir que nous devons laisser aller la situation et créer un
état anarchique.
La solution n'est pas plus dans le droit de lock-out que dans le droit
de grève. La solution n'est pas plus dans le décret que dans la
loi spéciale. La solution se rattache toujours aux problèmes
économiques que connaît le Québec présentement. Quel
que soit le projet de loi sur lequel nous discutons, on revient toujours avec
la même rengaine parce que c'est toujours le même problème.
Le gouvernement nous répond tout le temps: On serait bien prêt,
mais on n'a pas d'argent. Quel que soit l'employeur dans le domaine public
comme dans le domaine privé, bien sûr, les gens disent: On vous
aime bien, vous êtes nos employés. C'est dommage, mais on n'a pas
d'argent. C'est bien dommage, mais on manque de crédits. C'est dommage,
mais on n'a pas les moyens.
Pourtant, M. le Président, on vit dans une province qui est
censée être une des plus riches du Canada et sur le territoire qui
est un des plus riches dans l'hémisphère nord-américain. A
travers tout cela, devant cette abondance de productions possibles, devant
cette abondance de biens et de services possibles, on a encore des
économistes assez intelligents pour dire aux citoyens: Serrez votre
ceinture, cela va brasser; serrez votre ceinture, on passe une période
d'inflation; serrez votre ceinture, c'est l'austérité. Oui, M. le
Président.
Je n'ai pas entendu dire que sur les terres avaient poussé moins
de carottes cette année que l'an passé. Je n'ai pas entendu dire
non plus que la terre sur laquelle nous vivons permet moins de productions que
l'année passée, il y a deux ans ou il y a trois ans. Au
contraire, nous augmentons notre production. N'est-ce pas imbécile un
peu? Plus on produit, plus on augmente la production, plus on augmente
l'abondance, plus on augmente les biens, plus on augmente la possibilité
de services, plus on s'en passe de ces biens et services. Si nous voulions
réellement régler un problème, il faudrait commencer par
le commencement.
M. Bienvenue: Le député de Rouyn-Noranda
m'excuserait-il une seconde? Je maintiens qu'il manque trop de
députés pour l'entendre, M. le Président, et je vous
demanderais de sonner les cloches pour qu'on ait le quorum en cette
Assemblée.
Le Vice-Président (M. Blank): Nous avons quorum.
M. Samson: M. le Président, je continue en vous soulignant
que rien ne sert... Vous êtes encore en train de compter, M. le
Président? Je vais attendre que vous finissiez.
Le Vice-Président (M. Blank): Non, non, c'est fait.
M. Samson: Cela va?
M. Burns: Ne comptez pas le sergent d'armes.
Le Vice-Président (M. Blank): Non, non, je ne compte pas
le sergent d'armes. Il y en a encore 22. Je me compte moi-même.
M. Burns: D'accord. Je vous compte.
M. Samson: Comptez-vous seulement pour un, M. le
Président, parce que j'en vois encore seulement un.
Je disais donc, M. le Président, que rien ne sert...
M. Pilote: De courir.
M. Samson: Non, mais ce serait peut-être mieux que vous
accouriez, par exemple, parce que vous manquez pas mal de monde ce soir.
Rien ne sert, M. le Président, de légiférer
à la petite pièce comme cela si on ne s'attaque jamais à
la racine du mal. C'est beau de fournir des aspirines pour les maux de bloc,
mais les maux de bloc de la province de Québec se guériraient par
autre chose que de l'aspirine. Le mal de bloc du salarié qui ne rejoint
pas les deux bouts, le mal de tête de la famille qui ne bouche pas son
budget, le mal de tête du petit marchand du coin qui est obligé
d'aller déposer tous les lundis matin et à qui il manque de
l'argent pour couvrir les chèques qu'il a faits dans la semaine, c'est
une autre sorte de mal de tête qui ne se règle pas seulement par
de l'aspirine. Le mal de tête des professionnels qui, malgré leur
classe, ont aussi des maux de tête, le mal de tête de l'industriel
qui, dans notre région, dans les scieries qui ont des
difficultés, qui ont de graves difficultés présentement,
ce mal de tête ne se guérit pas par de l'aspirine. Le mal de
tête de tous les dirigeants d'entreprise ne se guérit pas par de
l'aspirine non plus.
Mais, M. le Président, quand va-t-on arrêter d'offrir
seulement de l'aspirine et quand va-t-on se décider à soigner la
vraie maladie? Vous allez me dire qu'à l'occasion d'un débat
comme cela, ce n'est pas le temps de remettre en question tout le
système économique.
M. le Président, nous avons eu la semaine dernière ou il y
a deux semaines, je pense, un débat sur les lois anti-inflation. Nous
avons dit des choses qui ressemblent drôlement à ce que je dis ce
soir. A chaque projet de loi qui nous est présenté, on retrouve
toujours le même bobo, le même problème qui est en dessous
de cela. Il n'y en a pas un qui est capable de me contredire là-dessus.
Vous avez toujours le même problème. On est prêt à
payer si on a de l'argent, on est prêt à vous donner le salaire
qu'il faut, on est prêt à bien vous traiter, bien oui. Mais on n'a
pas d'argent. On n'a jamais d'argent. C'est toujours le même
problème.
M. le Président, vous pourriez, au lieu d'avoir 25 ministres
à tous les jours, en Chambre, avoir un ruban un "tape"
enregistré: On n'a pas d'argent, on n'a pas d'argent, on n'a pas
d'argent. On ferait jouer cela. On poserait toutes les questions qu'on veut
poser et le "tape" nous répondrait: On n'a pas d'argent, on n'a pas
d'argent, on n'a pas d'argent. Cela équivaudrait aux réponses que
le premier ministre nous donne tous les jours.
M. Burns: Ce n'est pas cela qu'on a?
M. Samson: C'est cela qu'on a. Pourquoi les amener ici tous les
jours dans ce cas? Enregistrons-les, M. le Président!
Une Voix: Cela n'a aucun rapport avec le projet de loi.
M. Samson: M. le Président, je vais vous enregistrer
aussi, vous, si vous continuez!
Le Vice-Président (M.Blank): Le bill aussi! Des Voix: Ha!
Ha!
M. Samson: Mais un fait demeure, le principe de ce projet de loi
est rattaché à un problème d'argent. C'est aussi clair que
cela. Tant qu'on ne réglera pas cela, on ne réglera jamais rien
ici. On va vous l'adopter votre petite loi, ne vous inquiétez pas! On va
vous la laisser passer, parce que, dans le système actuel, dans le
système que vous générez, dans le système dont le
Parti libéral est responsable et si cela peut vous faire du bien
de vous le dire, ceux qui vous ont précédés
n'étaient pas mieux ce système est
généré, M. le Président... Ne vous levez pas, vous
n'améliorerez pas ma situation!
Le Vice-Président (M. Blank): Je vous ai laissé
aller, cinq minutes, dix minutes, je pensais que vous faisiez un
préambule et que vous en viendriez au sujet du projet de loi, les
négociations concernant les services essentiels; on ne parle pas de la
situation économique de la province.
M. Samson: Je regrette, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Blank): C'est très
intéressant, je vous trouve très intéressant, mais vous ne
parlez pas dans le contexte de ce projet de loi.
M. Samson: Je regrette, M. le Président, mais le contexte
de ce projet de loi est un contexte de services essentiels en cas de
grève. Il y a des grèves quand les gens ne sont pas satisfaits,
quand les ouvriers ne sont pas satisfaits, quand les salariés ne sont
pas satisfaits et ils ne sont pas satisfaits quand il n'y a pas assez d'argent.
Quand je dis qu'il n'y a pas assez d'argent, je suis dans le sujet du projet de
loi.
Toute la société québécoise va être
prise avec cela et vous allez me dire, à moi, qu'on va me tracer un
corridor? C'est bien dommage, mais il n'y a pas de corridor
là-dedans.
Le Vice-Président (M. Blank): II n'y a pas de corridor
là-dedans, c'est dans les notes explicatives.
M. Samson: Non, non, non, non.
Le Vice-Président (M. Blank): Excusez-moi, le principe du
projet de loi c'est la détermination, le maintien des services
essentiels de la santé, des services sociaux, la négociation des
services essentiels, le respect des ententes dans cette matière. C'est
limité à cela.
M. Samson: M. le Président, j'ai le droit de dire tout ce
qui se rattache à cela.
Le Vice-Président (M. Blank): Directement.
M. Samson: Indirectement aussi, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Non, monsieur. J'ai
déjà dit que vous enfreigniez le règlement. S'il vous
plaît revenez au sujet du projet de loi ou votre temps sera
terminé.
M. Samson: M. le Président, je regrette
énormément que vous preniez ce ton fâcheux.
M. Burns: Je m'excuse, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Blank): J'ai le droit de rendre un
jugement.
M. Burns: ... sur la question de règlement. Le
Vice-Président (M. Blank): Oui, d'accord.
M. Burns: Bien sûr, M. le Président, que l'article
120 nous dit que le débat de deuxième lecture doit être
restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes
fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi ou
à toute autre méthode d'atteindre ces fins. M. le
Président, ce que nous discutons ici, c'est un des problèmes
fondamentaux de la société actuelle.
Le député de Rouyn-Noranda, je pense, en tout cas, je vous
le soumets respectueusement, a raison lorsqu'il s'aperçoit que l'objet
du projet de loi est la détermination, le maintien de services
essentiels dans les services de santé et les services sociaux, et
prévoit des dispositions particulières et complémentaires
à celles du Code du travail, en cas de conflit de travail. Pourquoi,
à un moment donné, ces conflits doivent-ils naître?
Le Vice-Président (M. Blank): Non, je ne suis pas d'accord
avec vous.
M. Burns: Non, M. le Président, mais si on ne peut pas
parler de raisons pour lesquelles les conflits doivent naître, à
ce moment-là, vous nous imposez un corridor qui n'a rien à faire
avec l'à-propos, la portée, les principes fondamentaux et la
valeur intrinsèque du projet de loi. Ce que nous discutons ici, cela
peut même aller jusqu'à dire: Comment se fait-il que le
gouvernement ait une politique tellement antisociale que, véritablement,
nous soyons forcés de discuter un tel projet de loi, ce soir ou demain
ou la semaine prochaine ou dans deux mois?
M. le Président, il me semble que c'est clair; quand vous parlez
de conflit dans ce domaine, quand vous parlez de la politique gouvernementale
en matière de négociations collectives, vous êtes
obligé nécessairement de déborder de cela. Je vous demande
une certaine latitude quant à la possibilité, quand même.
En tout cas, vous l'accorderez ou vous ne l'accorderez pas, M. le
Président, mais je pense que vous devez nous accorder, à
l'Opposition, une certaine latitude quant à la discussion de ce type de
problème.
M. Bienvenue: Sur la question de règlement, M. le
Président, vous avez peut-être remarqué que j'avais
soulevé la question de la pertinence lorsque le député de
Saint-Jacques est intervenu en cette Chambre.
Je ne l'ai pas fait, M. le Président, vous avez remarqué,
dans le cas du député de Rouyn-Noranda parce que ce
n'était pas désagréable ce qu'il disait et j'oubliais le
règlement. Là, je vous mets en garde, M. le Président,
dans le cas du député de Maisonneuve. Je soupçonne que ce
n'est pas pour aider le député de Rouyn-Noranda qu'il fait cela
mais en prévision de l'intervention qu'il fera lui-même.
M. Burns: M. le Président...
M. Bienvenue: Surveillez-le, M. le Président.
M. Burns: ... c'est pour les deux raisons; c'est pour aider le
député de Rouyn-Noranda...
Le Vice-Président (M. Blank): Je prends acte de votre
admission.
M. Burns: ... et c'est en prévision de mon
intervention.
Le Vice-Président (M. Blank): J'ai pris acte de son
admission.
M. Burns: C'est dans les deux buts mais je vous dis que dans
l'immédiat c'est pour aider le député de Rouyn-Noranda,
s'il veut bien que je l'aide.
Le Vice-Président (M. Blank): Non, non.
M. Burns: Mais éventuellement c'est également pour
protéger mon droit de parole à moi, M. le Président, parce
que je vais largement déborder le projet de loi. Si c'est vous qui
présidez...
Le Vice-Président (M. Blank): Je vais changer de place
avec un autre.
M. Burns: ... je vous avertis qu'à toutes les deux phrases
vous allez être obligé de me rappeler à l'ordre, je vous
garantis cela.
Le Vice-Président (M. Blank): Au député de
Rouyn-Noranda, je n'avais aucune objection quand vous avez discuté de la
question économique comme un préambule à votre argument
sur ce projet de loi. Mais je trouve que 99% de votre argument est basé
sur quelque chose qui n'est pas directement lié au projet de loi; cela
va un peu trop loin et je vous ai laissé aller presque dix minutes sans
vous arrêter. Mais, quand je trouverai que vous discuterez d'un sujet
complètement différent du projet de loi, à ce
moment-là je vous arrêterai. Je n'ai aucune objection, cela fait
partie de votre débat mais pas pour le tout.
M. Samson: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Blank): Je ne veux pas qu'il y ait
de précédent...
M. Samson:... sur la question de règlement, je voudrais
bien calmement reprendre ce que vient de dire l'honorable député
de Maisonneuve pour être certain qu'on a tous bien compris l'article 120.
On y dit que le débat sur toute motion de deuxième lecture doit
être restreint à la portée, à l'à-propos, aux
principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de
loi, ou c'est là, M. le Président, que le
législateur a prévenu à toute autre méthode
d'atteindre ses fins. A ce moment-là, je vous soumets respectueusement
que j'utilise cette dernière partie de l'article 120, "toute autre
méthode d'atteindre ses fins". C'est à partir de là que
j'ai, je pense, le droit d'utiliser ce genre de comparaison mais je regrette
que le règlement ne nous dise pas combien de minutes on peut utiliser ce
"toute autre méthode pour atteindre ses fins"; ce n'est pas
marqué dans le règlement, M. le Président. Si ce n'est pas
marqué, cela doit être parce qu'on s'en sert quand on en a
besoin.
Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de vous consulter pour
préparer mon discours. Or, j'ai été obligé de le
préparer moi-même et je suis obligé de me servir de mes
arguments à moi. Je ne peux pas, à ce moment-ci, accepter qu'on
me restreigne, parce que l'article 120 me le permet. Il me permet de vous dire
que si les 33.8% du budget annuel du gouvernement qui...
Le Vice-Président (M. Blank): Sur le règlement
ou...
M. Samson: Attendez un peu, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Blank): Est-ce sur le
règlement ou sur votre...
M. Samson: C'est toujours sur le règlement. Il me permet
même de vous dire que les 33.8% du budget annuel du gouvernement qui vont
aux affaires sociales, si ces 33.8% ont été dernièrement
ajustés par des augmentations, c'est justement parce qu'il y a un
problème d'argent pour régler ces choses. M. le Président,
je vous soumets respectueusement mon argumentation du système
économique qui doit être changé et qui pourrait
prévenir ces choses pour empêcher qu'on soit obligés de
voter une loi comme cela; c'est pourquoi je vous soumets que cette
argumentation est recevable.
Le Vice-Président (M. Blank): Je ne suis pas d'accord avec
vous. Mon interprétation de "toute autre méthode d'atteindre ses
fins", c'est que "ses fins" s'appliquent au principe direct du projet de loi.
Ce ne sont pas des fins "at large". "Ses fins", c'est dans le projet de
loi.
M. Samson: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Blank): Essayez d'être dans un
corridor un peu plus large.
M. Samson: M. le Président, par respect pour la
présidence, oui, parce que j'ai un grand respect pour la
présidence, je ne continuerai pas plus longtemps cette argumentation de
règlement. Mais je vais quand même vous dire que ce soir, si on
est confrontés avec le projet de loi no 253 est-ce que je suis
dans le principe?
J'espère que oui. Bon, le projet de loi no 253, Loi visant
à assurer les services de santé et les services sociaux
essentiels en cas de conflit de travail. Est-ce que ce paragraphe porte bien
sur le principe? Si vous me faites signe que oui, M. le Président, je
vous dis qu'à ce moment-là cela me donne beaucoup de latitude,
parce que le titre dit bien que c'est une loi "visant"; cela ne veut même
pas dire que cela va régler le problème. Cela ne veut même
pas dire que cette loi va assurer les services de santé et les services
sociaux en cas de conflit. Cela ne veut même pas dire cela. Non, parce
que, si on interprète le titre même de la loi là, je
parle du principe quand je parle du titre de la loi c'est écrit
"loi visant"; cela devrait être écrit "loi assurant", là on
serait sûr que cela va assurer, mais c'est une "loi visant à
assurer les services de santé et les services sociaux en cas de conflit
de travail."
Or, M. le Président, je vous soumets qu'au sujet de ce projet de
loi, dans les circonstances actuelles je pense que c'est objectif, ce
n'est pas charrier de le dire on n'a pas le choix. Il nous faut nous
assurer d'avoir un mécanisme qui fera qu'en cas de conflit de travail
dans ce secteur la pression ne sera pas mise sur les patients, la pression ne
sera pas mise, non plus, sur les bénéficiaires des services
concernés, des services sociaux.
Mais cela ne règle pas le problème, par exemple.
Tantôt, le ministre des Affaires sociales, dans son discours de
deuxième lecture, a lui-même fait référence au droit
de grève, en mentionnant qu'il n'avait pas l'intention de demander son
abolition. M. le Président, à toutes fins pratiques, il aurait
mieux valu que le ministre des Affaires sociales, en collaboration avec le
ministre du Travail, prévoie un mécanisme plus permanent que
celui-là, c'est-à-dire que des tribunaux du travail
spécialisés en la matière, dans ce domaine comme dans
d'autres domaines, puissent être établis aux fins de régler
les litiges qui pourraient se présenter, de les régler en toute
justice et équité. A ce moment-là, vous n'auriez pas plus
besoin d'un projet de loi no 253, qui vise à assurer les services de
santé et les services sociaux essentiels en cas de conflit de travail,
que vous n'auriez besoin du droit de grève. C'est aussi clair que
cela.
Mais, si on ne parle pas d'abolir le droit de grève, si on parle
seulement d'avoir une loi permettant de faire à peu près
n'importe quoi en cas de grève, à toutes fins pratiques, cela
veut dire que le droit de grève de ces employés, il ne vaut plus
rien. Il ne vaut plus rien, le droit de grève. Alors, s'il ne vaut plus
rien, pourquoi ne pas avoir le courage de le dire carrément? Pourquoi ne
pas avoir le courage de dire: Dans ce secteur, des grè-
ves on n'en veut pas? Je pense que cela, M. le Président, ce
serait beaucoup plus réaliste, ce serait ne pas charrier avec les
citoyens Québécois. Ce serait ne pas leur donner d'illusions
inutilement. Ce serait leur dire carrément: Dans le secteur des services
sociaux et des services de santé, comme dans le secteur policier, comme
dans le secteur des pompiers, qui sont des services essentiels, on n'admet pas
le droit de grève. Ayez donc le courage de dire cela aussi
carrément que cela. Là, vous passerez au moins pour du monde qui
est capable de se tenir debout.
Vous passerez, au moins, pour du monde qui est capable de faire face
à la musique quand c'est le temps. Mais, si c'est votre intention de le
faire, je vous encourage à le dire fort, mais je vous encourage, en
même temps, d'amener un mécanisme qui va remplacer ce
mécanisme que vous enlevez, car les ouvriers, les salariés dans
tous les domaines ont droit à la justice, autant que l'employeur aussi a
droit de ne pas être pris avec des injustices.
Toutes les questions de relations du travail, parce que cela
relève des relations du travail, c'est toujours de l'arbitrage. Que
l'arbitrage provienne de négociations, que l'arbitrage provienne d'une
grève qui met des pressions ou que l'arbitrage provienne d'un tribunal
spécialisé qui est capable d'entendre la cause et d'apporter une
décision juste et valable, que ce soit n'importe quelle de ces
solutions, il reste que c'est de l'arbitrage. Il reste que nous avons toujours
deux parties, l'une en face de l'autre; il reste que nous avons la partie
patronale et la partie syndicale. Dans d'autres cas où il n'y a pas de
syndicat, vous avez quand même des salariés qui ont des droits.
Quand on a recours à la grève, c'est parce qu'il y a litige;
quand on a recours à la grève, c'est parce qu'il y a
insatisfaction.
On doit aussi dire qu'il y a eu abus de recours à la grève
pas par les salariés, mais par les personnes qui les dirigent, par
exemple. Je vous dis aussi honnêtement que je vous l'ai dit tantôt
que je veux que les salariés soient bien traités, mais je vous
dis aussi d'une autre façon, que je n'admets pas les méthodes
d'un Charbonneau, par exemple, qui va crier sur des tribunes qu'il ne viendra
pas aux tables de négociation, qui veut absolument amener le monde dans
la rue et, à ce moment-là, mettre de la pression sur tout le
monde, les étudiants d'abord et les parents ensuite et le gouvernement.
Pour faire quoi? Apporter une solution? Non. Ce n'est pas toujours la solution
que ces gens recherchent, ils recherchent le trouble; quand ils ne le trouvent
pas, il le crée de toutes pièces. Je pense que c'est vrai, il
faut que ce soit dit quelque part. Il faut que quelqu'un ait le courage de dire
cela.
Cela ne me dérange pas pour les prochaines élections. On
me jugera d'après ce que j'ai fait et si on juge qu'avoir fait son
devoir ce n'est pas correct, on me laissera chez moi à la prochaine
élection. Mais tant et aussi longtemps que je serai ici, je vais dire ce
que je pense carrément, en face, et consciencieusement. C'est mon devoir
et c'est ce que je vais faire aussi. Je vous dis que je n'admets pas... J'ai
posé des questions, j'ai même été dur à
l'endroit d'un certain ministre, mais il reste que quand c'est le contraire qui
se produit, quand c'est la partie syndicale qui charrie les employés
pour les obliger à faire une grève, parce qu'ils savent que cela
va faire de la pression sur le dos des assistés sociaux, sur le dos des
malades dans un hôpital, à ce moment-là, je ne marche
pas.
Je me rappelle 1972. C'est pourquoi on a le projet de loi no 253
aujourd'hui. Je me rappelle 1972 alors que même les fournisseurs de
certains hôpitaux étaient victimes de représailles pour
avoir fait quoi? Pour avoir transporté de la viande pour nourrir les
malades dans les hôpitaux. On crevait les pneus des camions, on portait
préjudice à ces transporteurs qui faisaient leur devoir. Ces
gens-là ne faisaient que leur devoir, pourtant. Ces gens-là
n'étaient pas pris dans le conflit. Ils n'avaient pas voulu ce conflit.
Ils en étaient des victimes. C'est pourquoi, dans le projet de loi no
253, on parle aussi des organismes assimilés. Or, les organismes
assimilés, ça peut être le transporteur, ça peut
être le fournisseur, ça peut être quelqu'un qui a des choses
à vendre et à livrer à certains hôpitaux.
C'est cela l'organisme assimilé dans le cas présent. On a
usé de représailles contre les grévistes parce qu'ils ont
faim, et il faut les comprendre. La faim a été
créée parce que le salaire n'entre plus dans le foyer. La faim a
été créée parce que le syndicat ne donne pas
suffisamment d'allocations de grève. La faim a été
créée comme c'est le cas, actuellement dans les grèves qui
opposent les salariés avec les usines de papier de la province de
Québec. Justement, lundi de cette semaine, en tant que
député, je recevais une dame à mon bureau qui venait se
plaindre que, il y a trois mois, son mari a perdu son emploi, parce que le
syndicat de Lebel-sur-Quévillon, de la Domtar, a décidé de
faire la grève, et lui, le petit gars avec sa femme, n'a pas le moyen de
faire la grève. Depuis trois mois qu'il reste chez les beaux-parents et
qu'il reste là par charité, parce qu'il n'a pas de
bien-être social et aussi parce qu'il n'a pas d'assurance-chômage
quand on est en grève, et également parce que le syndicat n'a pas
d'allocation de grève à leur donner.
Sur le dos de qui se fait cette grève? Comme celle que nous
pourrions prévoir dans ce service qui est un service essentiel, la
grève se fait toujours sur le dos des salariés, toujours sur le
dos du chef de famille qui travaille, soit à l'industrie, soit à
l'hôpital, soit dans les services sociaux. Il y a toujours un grand
perdant dans toutes les grèves, et le seul perdant c'est toujours le
salarié qui perd deux mois, trois mois ou quatre mois de salaire, qui
est obligé de faire comme ils ont fait à Asbestos, par exemple,
quêter dans la rue pour avoir de quoi manger, pour ces gens qui
étaient en grève.
Est-ce que nous allons permettre que cela continue bien longtemps? Je
pense que nous avons raison de dire que ce n'est pas seulement le projet de loi
no 253 que cela prend, mais également une refonte en profondeur du Code
du tra-
vail du Québec qui permettrait d'avoir des tribunaux
spécialisés pour tenir compte de ces conflits et pour prendre des
décisions, décisions qui pourraient être justes et
honnêtes envers les salariés. Décisions qui pourraient
éviter finalement que nous donnions des armes dans les mains de
personnes qui n'ont jamais recherché de solutions, dans les mains de
personnes qui veulent absolument faire actuellement au Québec une seule
et unique centrale syndicale. Pourquoi? Pour mieux nous assurer de faire une
grève générale de n'importe quelle façon et en
n'importe quel temps, pour paralyser l'économie du Québec, pour
paralyser les Québécois.
Je pense que ces choses, il faut les dire aussi carrément qu'on
les pense. De nos jours, quand on ne sait pas se tenir debout, je pense qu'on
ne mérite pas d'être un élu du peuple. Et c'est de cette
façon que je pense que nous avons raison, ce soir, parce que c'est aux
salariés que nous pensons, nous allons leur éviter une
grève probablement là, parce qu'ils vont voir que cela ne donne
rien de descendre dans la rue avec des piquets et des pancartes, que cela ne
donne rien non plus de crever un mois, deux mois et trois mois. Ils verront, et
je pense que la population québécoise laborieuse est capable de
faire la différence et est capable de voir le jeu d'un Char-bonneau qui
prêche plutôt le marxisme, le maoïsme, qu'il prêche le
droit du syndicat à être bien représenté ou le droit
de l'employé à être bien représenté par son
syndicat. C'est par pure comparaison avec le projet de loi actuel et avec les
syndicats qui représentent ces gens que je vous parle d'un autre
syndicat qui n'est pas meilleur, qui est pire encore et je dois faire cela.
Je pense que nous n'avons pas le droit c'est aussi simple que
cela de laisser paralyser les services essentiels. Nous n'avons pas le
droit. En 1970 j'ai de la mémoire nous avons eu un projet
de loi spécial pour retourner des gens au travail, mais pas les
employés d'hôpitaux. Tantôt j'ai entendu quelqu'un dire: Les
"boss", les entrepreneurs, bien oui! Mais en 1970, pour ceux qui ont de la
mémoire, on a voté un projet de loi spécial pour retourner
les médecins spécialistes à l'ouvrage et ce n'était
pas des employés à $100 par semaine, c'étaient des
employés à pas mal' plus cher que cela. Mais notre devoir
était d'assurer des services à une population et, parce qu'il y
avait litige entre le gouvernement et les spécialistes de la
santé, nous n'avions pas le droit de laisser le peuple
québécois dans l'insécurité.
J'ai voté pour ce projet de loi en 1970, après avoir
travaillé tant que j'ai pu pour défendre les droits des
médecins spécialistes en désespoir de cause. Quand ils ont
débrayé, j'ai fait ce que ma conscience m'a dicté et j'ai
voté pour un projet de loi pour les obliger de retourner au travail. Je
n'ai pas été bien populaire dans ce milieu après, je vous
l'assure, mais il fallait le faire. Nous l'avons fait.
Aujourd'hui on a la même chose devant nous, mais je pense que
c'est un peu trop vite. On n'est pas pris devant le problème. Il n'y a
pas de grève pour le moment. C'est juste en cas qu'il y ait une
grève. C'est un moyen de pression que je considère, pour le
moment, indu parce qu'avec un projet de loi comme cela les négociations
ne peuvent pas se faire avec des chances égales des deux
côtés.
Avec un projet de loi comme cela, M. le Président, les
négociations se font, pour les employés, avec une main
attachée derrière le dos et c'est là l'erreur de ce projet
de loi. Mais je conviens que le ministre est obligé de considérer
aussi que nous serons probablement en période hors-session quand le
problème se présentera et c'est en fonction de cette seule
considération que j'accepterai de voter en faveur de ce projet de loi
maintenant.
Mais, si nous étions au début de la session, je
refuserais; je demanderais qu'on attende les négociations parce que ce
projet de loi, ce seront des pressions sur les négociateurs de la partie
syndicale. Une fois de plus et je trouve cela très malheureux
nous donnons à des gens, je ne parle pas des salariés, je
parle de certains de leurs leaders, nous leur donnons, une fois de plus, un
prétexte qu'ils utiliseront pour d'autres fins. Si c'était
utilisé pour le bien du salarié, je serais d'accord, mais ce
prétexte sera utilisé pour d'autres fins.
C'est pourquoi je considère que ce soir on n'a pas tellement
à être honoré du geste que nous posons, parce
qu'indirectement, en voulant prévenir une situation qui pourrait
être grave, nous allons permettre qu'une pression s'exerce sur les
salariés. Nous allons permettre indirectement que les
négociateurs ne fassent pas tout leur travail de négociation.
Nous allons faire de la provocation et la provocation, malheureusement, on doit
l'admettre, qu'elle vienne de la partie patronale ou de la partie syndicale,
c'est toujours de la provocation et ce n'est jamais bon.
Ce soir, on joue à la provocation. Je le répète
pour être bien compris. Il y a un risque de grève pendant la
période où les députés ne seront pas ici, parce que
la session est prorogée généralement avant les Fêtes
et une autre session commence en février seulement. Cela va être
une période où il n'y aura pas de session; cela prendra, à
ce moment-là, une session spéciale qui coûte assez cher
pour venir faire une loi spéciale, ce que je n'aime pas, non plus. C'est
en considération de cela que j'accepte de voter en faveur de ce projet
de loi ce soir. Je veux que ce soit bien compris. Si c'était au
début de la prochaine session, je ne voterais pas pour. Je vous dirais:
Attendez. Je pense que le ministre me comprendrait. Mais il reste que nous
avons tous des enfants, de la famille. Nous comprenons et nous savons que tous
tant que que nous sommes nous pouvons avoir besoin de ces services, à
n'importe quel jour. Si nous pouvons en avoir besoin, il y a six millions de
Québécois qui peuvent en avoir besoin aussi.
Nous légiférons pour donner, à ce moment-ci, une
garantie de sécurité à six millions de
Québécois. C'est en fonction de cela que nos
considérations doivent s'exprimer. Déjà, le service de
santé n'est pas tellement excellent. Dans plusieurs ré-
gions du Québec, il est même très défectueux.
Mon honorable ami d'en face, le député d'Abitibi-Est, en sait
quelque chose. Il a eu plusieurs problèmes, il en a peut-être
encore. Il s'est donné corps et âme -je le dis
honnêtement pour tenter d'amener dans sa région des
médecins. Il n'a pas eu toute la réussite escomptée
encore, ie pense. Je lui souhaite de l'avoir pour sa population. Je lui
souhaite d'avoir cela.
M. le Président, c'est pour vous dire que déjà les
services manquant, n'étant pas normaux dans toutes les régions du
Québec, imaginez-vous ce qui arriverait si on permettait l'anarchie dans
ce domaine? On ne peut pas faire cela, on ne peut pas le permettre. Si cette
loi me garantissait qu'un seul citoyen québécois aura la vie
sauve parce que j'ai voté pour, ce serait suffisant pour que je vote
pour, M. le Président. Et il y en a 6,000,000 comme cela; il y en a
6,000,000 qui pourraient nous dire merci d'avoir voté cette loi. Ceux
qui n'en auront pas besoin, évidemment, ne connaîtront pas le
même besoin de nous dire merci, je les comprendrai, mais pour tous ceux
qui en auront besoin, nous devons l'adopter.
Je vais voter pour la loi. Je vais voter pour aussi parce que cela va
assurer les services essentiels dans le domaine de la sécurité
sociale, dans le domaine des services sociaux. C'est tellement vrai que nous
avons raison d'assurer ces services, que cela fait deux mois que nous crions
après le ministre des Affaires sociales pour nous assurer d'avoir les
chèques du bien-être social pour les gens qui attendent cela pour
manger, dans le mois de novembre et le mois de décembre. Nous avons
crié après le ministre des Affaires sociales pour avoir les
chèques d'allocations familiales parce que les assistés sociaux
ne pouvaient pas faire la quatrième semaine du mois; nous avons
crié après lui de toutes les façons parce que certains
assistés sociaux s'étaient vu couper les services
d'électricité; nous avons crié encore après
lui.
M. le Président, il faut être conséquent avec les
gestes que l'on pose. Si j'ai réclamé, personnellement et
d'autres l'ont fait également que le ministre des Affairés
sociales prenne des dispositions spéciales, parce qu'il y avait une
grève des postes pour donner ces services à des gens qui en
avaient besoin, nous n'avons pas le droit, d'un autre côté, de
rejeter du revers de la main une proposition qui nous assurera que nous
n'aurons pas à revivre ces deux mois-là dans un autre domaine.
Les postes, évidemment, cela ne mettait pas la santé des gens en
jeu autant qu'une grève dans le domaine de la santé pourrait le
faire, mais c'était quand même une chose qui a donné
beaucoup de difficultés aux pauvres gens.
Or, M. le Président dans le projet de loi no 31 qui nous a
été proposé et qui avait un principe semblable à
celui du projet de loi no 253, il y avait des choses qui manquaient, je suis le
premier à le reconnaître.
Il y a dans le projet de loi no 253 des sanctions de prévues
parce que quand on fait une loi c'est pour l'appliquer. Et pour l'appliquer, il
faut qu'il y ait des sanctions pour nous assurer que les gens vont la
respecter. Dans toute société bien organisée, dans toute
société civilisée, les lois doivent être
respectées.
M. le Président, je sais que demain matin certains leaders
syndicaux vont crier au meurtre parce qu'on a adopté cette loi ou qu'on
s'apprête à l'adopter. Je dis que nous le faisons pour le bien de
l'ensemble de la population et pour le bien même des salariés. Je
m'engage à crier bien fort si les salariés n'obtiennent pas
suffisamment justice. Je m'engage à continuer le combat mais du point de
vue légal, c'est-à-dire à ma place, à mon
siège et non dans la rue. C'est de cette façon que je m'engage
à continuer à lutter en faveur de ceux qui n'obtiendraient pas
justice. Mais entre-temps, je vous souligne, en terminant, qu'une injustice ne
pourrait jamais se régler par une autre injustice.
Alors, s'il y avait injustice dans les propositions aux travailleurs, ce
n'est pas en créant une autre injustice qui ferait que la vie des
citoyens québécois serait en danger qu'on réglerait la
première injustice. M. le Président, le tout dit en vous
soulignant que ce soir nous garantissons par cette loi au moins les services
essentiels et que tout citoyen québécois pourra se sentir en
sécurité advenant qu'il subisse une maladie. Merci infiniment, M.
le Président.
Le Président: Je voudrais accorder la parole pour
l'ajournement du débat. Est-ce que l'honorable ministre voudrait exercer
son droit de réplique?
M. Burns: M. le Président, il est onze heures
actuellement.
Le Président: Oui mais je voudrais accorder la parole
parce qu'on ne peut pas, au feuilleton, laisser cela en suspens.
M. Burns: II me semble, M. le Président, que...
Le Président: Cela ne se fait pas.
M. Burns: ... n'importe qui pourrait proposer.
Le Président: Est-ce que vous demandez la parole? On
pourrait demander l'ajournement.
M. Burns: Non, sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Bien, il est onze heures.
M. Burns: Je ne voudrais pas cependant que le ministre commence
à exercer son droit de réplique. Il me semble que c'est
automatique, M. le Président, le débat est fini.
Le Président: Ah non! Ecoutez, je dois vous dire...
M. Burns: S'il y a quelqu'un d'autre...
Le Président: Allez-y! Allez-y, ce n'est pas comme cela
que ça se fait.
M. Burns: Oui mais regardez, M. le Président, si vous
regardez l'horloge, je ne sais pas si vous avez le même point de vue que
moi mais il est onze heures et deux minutes. On n'a même plus le droit de
siéger.
Le Président: Bon, écoutez, est-ce qu'il y a un
député qui demande la parole ou bien je vais l'accorder comme
droit de réplique et ce sera le droit de réplique qui sera
ajourné?
Est-ce qu'un député demande la parole? Je donne l'occasion
à tout le monde, parce qu'on ne peut pas laisser au feuilleton le projet
de loi en blanc, sans un opinant pour reprendre à la prochaine
séance. C'est la coutume.
M. Burns: M. le Président, je demande l'ajournement du
débat.
Le Président: J'accorde la parole au député
de Maisonneuve et, maintenant, il est onze heures.
M. Bienvenue: M. le Président, il est bien admis, n'est-ce
pas, que c'est le député de Maisonneuve...
Le Président: Qui a le droit de parole.
M. Bienvenue: C'est gentil de sa part, nous l'apprécions,
mais...
Le Président: Avec le consentement unanime de la Chambre,
est-ce que vous pourriez faire votre petite prière au
lieutenant-gouverneur et le député de Maisonneuve aura le droit
de parole?
M. Bienvenue: Maintenant qu'il est bien reconnu que c'est lui qui
a le droit de parole, j'allais dire, M. le Président, que ce
n'était pas pour faire sa réplique qu'il se levait, mais pour
lire la petite prière du lieutenant-gouverneur.
Le Président: Je ne pouvais pas le deviner, par
contre.
M. Bienvenue: Moi non plus.
Le Président: Cela aurait pu se faire quand même,
lors de la réplique. Bien, vous préférez l'avoir
immédiatement.
M. Forget: M. le Président, pour assurer la
régularité de nos procédures, je désire amender,
corriger ou compléter mes remarques...
M. Burns: On siège illégalement actuellement.
M. Forget: ... de deuxième lecture pour indiquer que le
lieutenant-gouverneur en conseil a pris connaissance de ce projet et qu'il en
recommande l'étude à l'Assemblée.
M. Burns: M. le Président, je vous demanderais de noter
l'heure à laquelle cette petite prière a été faite.
Il n'y a pas de consentement unanime. Non, non, je ne consens pas.
Le Président: Bon, il n'y a pas de consentement. Il n'y a
pas de prière. Vous la referez à la prochaine séance, lors
de votre réplique, et le droit de parole est accordé, à la
reprise du débat, au député de Maisonneuve. Maintenant, il
est onze heures vraiment.
M. Bienvenue: M. le Président, je voudrais donner un avis
et faire un rappel d'une commission pour demain matin. Je voudrais donner avis
que, le jeudi 11 décembre, à compter de neuf heures, à la
salle 91-A, la commission des finances, des comptes publics et du revenu
poursuivra l'étude des rapports du Vérificateur
général et rappeler que, demain matin, à compter de dix
heures, à la salle 91-A, la commission des consommateurs,
coopératives et institutions financières entreprendra
l'étude du projet de loi no 95, Loi modifiant la Loi concernant la
Fédération de Québec, des Unions régionales, des
caisses populaires Desjardins.
Enfin, M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre
à demain, quinze heures.
Le Président: L'Assemblée ajourne ses travaux
à demain, quinze heures.
(Fin de la séance à 23 h 4)