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Le vendredi 20 décembre 1974 (Dix heures neuf minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Est-ce qu'il y a des dépôts de commissions
élues?
M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je demander le même
consentement, s'il y avait des rapports au cours de la journée?
M. BURNS: Accordé.
LE PRESIDENT:
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Correction au feuilleton
M. LEVESQUE: M. le Président, puis-je vous signaler qu'il y
aurait certaines corrections à faire au feuilleton de ce jour. Une en
particulier apparaît à la page 7 du feuilleton où il
faudrait lire que le projet de loi no 7, Loi sur les assurances, est maintenant
à l'étape de la prise en considération du rapport. Nous
avions convenu que ceux qui avaient des amendements à proposer avaient
jusqu'à midi aujourd'hui pour le faire, mais que les étapes ne
devaient pas être ralenties.
LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de correction du feuilleton est
adoptée? Adopté.
M. BURNS: Adopté, M. le Président.
LE PRESIDENT:
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture.
Avant-projet de nature agricole
M. TOUPIN: M. le Président, je voudrais déposer devant
cette Chambre un document de travail sur un avant-projet de loi concernant
l'assurance stabilisation du revenu agricole et la commission parlementaire
sera convoquée au cours des prochains mois en vue d'étudier ce
document.
LE PRESIDENT: Question orales des députés.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle.
Hausse des coûts des prix des aliments
M. MORIN: M. le Président, le 6e rapport de la commission
Plumptre nous apprend que, pour la troisième année
consécutive, en 1975, les prix alimentaires vont grimper à un
rythme absolument affolant, 15 p.c. ou 16 p.c. encore cette année. Ma
question pourrait être adressée à plusieurs ministres
puisqu'elle touche à l'ensemble de l'économie. Je ne sais trop si
je dois l'adresser au premier ministre, au ministre de l'Industrie et du
Commerce, au ministre des Finances, au ministre de l'Agriculture. Peu importe,
peut-être le premier ministre pourrait-il les désigner à
tour de rôle, pour répondre chacun à la partie de la
question qui les intéressent. Et encore une fois cela touche à
tous les aspects de l'économie.
Etant donné qu'on nous dit dans le rapport Plumptre qu'il n'y a
aucune raison d'être optimiste, mais que les prix de tous les produits
alimentaires vont augmenter cette année, j'aimerais demander au premier
ministre s'il ne serait pas temps d'instituer cette enquête sur les prix
alimentaires que nous avons réclamée depuis quelque temps.
Je lui pose la question parce qu'au cours des débats sur la perte
du pouvoir d'achat on nous a souvent démontré que ce
n'était pas seulement la hausse des coûts de production qui
était responsable de la hausse du coût de la vie, mais
probablement davantage les intermédiaires.
Ne serait-ce pas assainir la situation, assainir le climat d'inflation
que d'instituer, dès maintenant, avec obligation de faire rapport dans
les meilleurs délais, une enquête sur les prix alimentaires?
C'est ma première question.
M. BOURASSA: M. le Président, je félicite le chef de
l'Opposition de poser des questions sur des problèmes concrets et
réels qui affectent l'ensemble des Québécois, de
même que l'ensemble des Canadiens.
Je veux dire au chef de l'Opposition que j'avais déjà
partiellement répondu à sa question, en lui disant que cela ne
pouvait qu'être une question fédérale-provinciale. J'en ai
moi-même parlé au premier ministre du Canada à quelques
reprises.
II ne s'agit pas là de mentionner que, si nous étions
indépendants, nous pourrions faire cette enquête plus que si nous
sommes dans un système fédéral, puisque nous avons des
frontières ouvertes quel que soit notre statut politique. Nous avons un
système de succursales au Québec qui fait que l'enquête
pourrait être réellement efficace, voire couvrir l'ensemble du
marché commun canadien. En effet, avec le système de succursales,
si une maison mère est à Hawkes, à Ottawa ou à
Toronto, l'enquête tournerait court rapidement si elle est strictement
locale ou strictement sur le territoire québécois. C'est pourquoi
j'ai déjà dit au chef de l'Opposition que j'avais demandé
au gouvernement fédéral et au premier ministre du Canada
d'examiner cette question de beaucoup plus près que ne le fait la
commission qu'a mentionnée tantôt le chef de l'Opposition.
M. MORIN: C'est toujours la même réponse. On attend
toujours ce que l'autre va faire. Voici ce que j'aimerais savoir et que je
demande au premier ministre: Si, par hypothèse, Ottawa était dans
les mêmes dispositions d'esprit et disait: Nous allons attendre de voir
ce que les provinces font, attendre de voir ce qui se passe au niveau
international.
Ne serait-il pas important et urgent que le gouvernement
québécois fasse sa part, puisque, comme le premier ministre le
sait sûrement, les prix alimentaires touchent avant tout le budget des
gens à bas revenus? Et nous en avons un bon nombre au Québec;
c'est un pourcentage important de notre population. Je demande au premier
ministre pourquoi toujours se réfugier derrière l'inaction des
autres? Pourquoi ne pas faire quelque chose?
LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse, mais il y a trop d'argumentation
dans votre question.
M. BOURASSA: M. le Président, il peut y en avoir dans la
réponse. Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition quand il dit que
la hausse des prix alimentaires frappe les petits salariés. C'est pour
cela que nous sommes contre l'indexation qui favorise les contribuables les
plus riches, parce que dans le cas de l'indexation cela me permet de
répondre au chef de l'Opposition pour hier celui qui fait $50,000
reçoit 21 fois plus que celui qui fait $5,000. Donc, il ne peut pas
faire face, le petit salarié, à l'inflation avec autant
d'efficacité que celui qui gagne $50,000. C'est 21 fois plus,
d'après les chiffres qui m'ont été soumis.
Nous, dans notre système, pour permettre au petit salarié
de répondre au problème de la hausse des prix alimentaires, nous
donnons, en vertu du dernier budget, pour ceux qui gagnent entre $5,000 et
$6,000, dans beaucoup de cas, au moins 7 fois plus que ce que donnerait
l'indexation. Je n'ai pu répondre, hier, au chef de l'Opposition, parce
que c'était en réponse à une déclaration
ministérielle du ministre des Finances sur la Canadian Tax Journal.
Quand on sera tous les deux à la retraite, on pourra en former un pour
le Québec. Actuellement, il n'y en a qu'un pour le Canada.
UNE VOIX: Cela va venir vite dans son cas.
M. BOURASSA: Ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que le refus
du gouvernement du Québec d'indexer, comme lui-même le propose,
nous permet, par ailleurs, d'en donner beaucoup plus aux petits salariés
qui, eux, doivent faire davantage face à l'inflation des prix
alimentaires, si on garde la proportion de leurs revenus qui est
affectée à cela. Cela est déjà un moyen de
permettre aux petits salariés, avec la hausse des allocations
familiales, la hausse des prestations sociales, de faire face aux effets de
l'inflation. Cela ne fait pas face aux causes de l'inflation, je suis d'accord
avec le chef de l'Opposition là-dessus, mais je crois que même si
le Québec il a demandé au gouvernement
fédéral d'agir voulait faire une enquête strictement
provinciale, elle risquerait rapidement d'être sans effet dans plusieurs
secteurs, étant donné que nous n'avons qu'une partie des
entreprises, par rapport au reste du Canada.
LE PRESIDENT: Dernière question additionnelle.
M. MORIN: Je ne voudrais pas lancer un débat, parce qu'il y
aurait matière à débat sur la question de
l'indexation!
LE PRESIDENT: Ce n'est pas le temps.
M. MORIN: Non, je le sais. Je voudrais demander au premier ministre, ou
au ministre des Finances, si tant est que l'indexation de l'impôt ne soit
pas une réponse parfaite, ce que je conteste partiellement, comme je
l'ai dit hier, si le premier ministre ne considérerait pas l'autre
technique que nous lui avons suggérée il y a quelques mois
je pense que cela fait même près d'un an que nous avons mis
cette suggestion devant l'opinion publique de procéder par
remboursements de montants forfaitaires sur l'impôt, avec des montants
forfaitaires plus considérables pour les gens à bas revenus et
des montants moindres pour ceux qui ont des revenus excédant les
paliers, disons, supérieurs à $15,000 ou $20,000.
Deuxième sous-question, puisque vous m'en avez accordé une
dernière, M. le Président; celle-là s'adresse plutôt
au ministre des Affaires intergouvernementales. L'une des recommandations de la
commission Plumptre, c'est de limiter les dépenses et les revenus,
recommandations à l'ensemble des citoyens. La question que je pose est
celle-ci: Est-ce que cela n'est pas de nature à amener le ministre des
Affaires intergouvernementales à retirer son projet de loi sur
l'augmentation de salaire des députés, étant
donné que c'est à nous de donner l'exemple?
M. BOURASSA: Je vais répondre aux deux questions.
M. LEVESQUE: Elle est au feuilleton...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. BOURASSA: A la première question du chef de l'Opposition, je
lui dis que je constate, avec très grand plaisir, le changement
d'attitude du Parti québécois, quoique je crois qu'il y avait une
résolution du Parti québécois, au dernier congrès,
pour l'indexation, si ma mémoire est bonne.
M. MORIN: Oui mais, attention, nous vous avons proposé depuis un
an les montants forfaitaires.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. BOURASSA: Je n'ai pas le texte de la résolution du Parti
québécois mais je crois qu'il y avait une résolution
favorisant l'indexation. D'ailleurs, je crois que M. Lévesque en a
parlé à plusieurs reprises.
Mais là le chef de l'Opposition vient de suggérer, se
rendant aux arguments du gouvernement...
M. MORIN: Cela fait un an qu'on vous le suggère.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. BOURASSA: Disons que cela a déjà été
lancé comme ça...
M. MORIN: Ah oui?
M. BOURASSA: Mais la proposition du chef de l'Opposition a pour but
exactement d'appliquer ce que nous faisons, ce que nous avons fait dans le
dernier budget, avec des allocations familiales triplées pour les
familles nombreuses, avec des augmentations de réduction d'impôt
beaucoup plus importantes que dans l'indexation pour les petits
salariés.
C'est exactement ce que nous faisons.
Dans la question des augmentations de salaire pour les
députés, M. le Président, quelques phrases. Ce n'est pas
une augmentation réelle, c'est du rattrapage, alors que l'étau
financier se resserre, pour employer l'expression du député de
Saint-Jacques, il y a quelques mois, sur les députés. Là,
je ne me cite pas, je cite le député de Saint-Jacques. Je ne sais
pas s'il a changé d'idée.
M. MORIN: Ne pensez-vous pas que c'est donner le mauvais exemple
à la population?
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs!
DES VOIX: Ha! Ha!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Une question
supplémentaire, l'honorable député de...
M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le
Président.
M. BOURASSA: Une question de privilège du député de
Saint-Jacques, je crois. Est-ce qu'il y a une question de privilège du
député de Saint-Jacques?
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHARRON: M. le Président, si j'en avais une, ce serait pour
citer complètement le discours auquel fait allusion le premier ministre.
Je le ferai dans le débat sur le bill 87.
LE PRESIDENT: Je vous félicite. Ce sera le meilleur endroit,
d'ailleurs!
Une question additionnelle, l'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, le premier ministre ne voudrait-il
pas introduire dans le projet de loi qui vient d'être cité une
option faisant en sorte que ceux qui ne voudront pas de l'augmentation pourront
la refuser?
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! DES VOIX: Ha! Ha!
LE PRESIDENT: Je vous inviterais à suivre la voie tracée
par l'honorable député de Saint-Jacques.
M. SAMSON: C'est une question additionnelle.
LE PRESIDENT: Non, non! Il y a un projet de loi au feuilleton qui sera
débattu prochainement.
M. SAMSON: C'est la liberté d'agir, M. le Président. On ne
peut pas imposer cela à des vierges qui n'en veulent pas!
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Sauf par viol,
peut-être!
DES VOIX: Ha! Ha!
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
Malartic Hygrade Gold Mines M. LESSARD: M. le Président,
j'adresserai
encore une fois, pour la troisième fois je crois, une question au
ministre responsable des Institutions financières et de la Commission
des valeurs mobilières, concernant certains agissements de
fonctionnaires de la Commission des valeurs mobilières dans le dossier
de la Malartic Hygrade Gold Mines. Est-ce que le ministre a l'intention de
déposer le rapport et de nous donner une réponse avant la fin de
cette session?
M. TETLEY: Oui, M. le Président. Pour être très
certain que mes enquêteurs n'ont pas fait erreur, j'ai demandé au
ministre de la Justice de vérifier, de nommer des vérificateurs
pour vérifier. J'espère déposer le rapport demain. Je
voulais être absolument certain.
Je peux répéter tout de suite que je crois que les faits
énoncés par le député de Chicoutimi au sujet de
certains fonctionnaires sont erronés.
M. LESSARD: Question de privilège, M. le Président.
D'abord, il ne s'agit pas du député de Chicoutimi.
Deuxièmement encore une fois, j'insiste, M. le Président
je n'ai jamais porté d'accusation. J'ai demandé un
rapport, une enquête concernant des agissements de certains
fonctionnaires de la Commission des valeurs mobilières.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.
Diffusions de joutes de hockey
M. ROY: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre des Communications et on me permettra un court
préambule pour bien l'expliciter.
Le 25 juillet dernier, un communiqué a été
adressé en anglais seulement par le poste CFCF-TV, canal 12, à
l'effet que cette station de télévision de Montréal
s'était assuré les droits exclusifs de
télédiffusion des parties de hockey de la Ligue nationale, le
dimanche après-midi, pour les trois prochaines années. Le contrat
ainsi conclu donne à cette station de télévision les
droits exclusifs de diffusion en anglais et en français du hockey de la
Ligue nationale au Québec.
Ma question est la suivante : Le ministre est-il au courant qu'un tel
contrat existe et qu'entend-il faire, quelle action envisage-t-il parce
qu'à ce jour il n'y aurait rien eu de fait de la part du
ministère et du gouvernement à ce sujet-là?
M. L'ALLIER: M. le Président, je croyais avoir déjà
répondu à une question semblable. Je vais vérifier et, de
toute façon, je serai en mesure de répondre au début de la
semaine ou à la prochaine séance, parce que c'est une question
qui comporte des éléments de précision de dates et de
précisions techniques.
M. ROY: Je voudrais dire au ministre, M. le Président, que cette
question n'a pas été posée à l'Assemblée
nationale. J'aimerais également lui souligner que cette station de
télévision avait déclaré qu'elle avait acquis les
droits de diffusion en français et en anglais pour qu'aucune autre
station de télévision française ne puisse les obtenir,
obligeant, en quelque sorte, les amateurs de hockey francophones du
Québec je dis bien du Québec à syntoniser la
station de télévision anglophone le dimanche
après-midi.
M. L'ALLIER: M. le Président, je prends avis de la question.
M. ROY: Je voudrais que le ministre nous dise quelle attitude il entend
prendre et nous communique la décision que son ministère entend
prendre face à ce problème.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Johnson.
United Aircraft
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, tous les membres de la
Chambre se réjouissent ce matin de retrouver le ministre du Travail en
vie, malgré ses nombreux soucis et les nombreuses menaces qu'il
reçoit de tout le monde.
Je lui poserais ce matin une question bien particulière au sujet
de deux cas qui semblent traîner en longueur. Surtout quand on
reçoit des télégrammes de cette longueur, un
télégramme de deux pages, cela veut tout dire. C'est au sujet des
négociations de la United Aircraft.
Si la commission parlementaire doit siéger, quelles sont les
nouvelles auxquelles on peut s'attendre et, deuxièmement, est-il vrai
que dans le conflit de la Canadian Gypsum, toutes les questions normatives sont
réglées, sauf une seule, celle de la formule Rand? A-t-il
l'intention aussi de faire siéger la commission sur la Canadian
Gypsum?
M. COURNOYER: C'est une question pas mal "loadée".
M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?
M. COURNOYER: C'est une question pas mal "loadée".
M. BELLEMARE (Johnson): Non, non! mais je vous ai souhaité la
bienvenue.
M. COURNOYER: Merci beaucoup. Dans le cas de la United Aircraft
Corporation, j'ai mis fin, la semaine dernière, à ma
médiation. Cela s'est soldé par un échec, échec qui
est, bien sûr, consacré par l'assemblée
générale qui a eu lieu dimanche dernier. Depuis dimanche dernier,
cependant, j'ai reçu les documents qui ont été
présentés lors de l'assemblée
générale des grévistes de la United Aircraft. Dans ces
documents, j'aimerais qu'on complète l'information aux grévistes,
si ces seuls documents ont été l'information qu'on a
donnée aux grévistes.
Je n'accuse pas le syndicat, je ne fais que m'interroger sur
l'information qu'on a donnée aux grévistes pour qu'ils votent de
la façon dont ils ont voté. Si l'information reçue est
seulement celle qui est contenue dans un document que j'ai dans mon bureau et
qui m'a été remis par un journaliste, je ne m'étonne pas
du tout que les grévistes aient voté dans une si forte
majorité contre le retour au travail. Je m'arrête donc là
pour le moment.
Quant à la tenue de la commission parlementaire du Travail et de
la Main-d'oeuvre, pour continuer l'étude du cas de la United Aircraft,
je doute fort que nous puissions la tenir pendant la période des
vacances, étant donné que je m'en vais en vacances. A moins que
la commission parlementaire puisse siéger sans le titulaire du Travail
et de la Main-d'oeuvre.
Dans le cas de la Canadian Gypsum, c'est la même chose. Nous
avions indiqué pendant l'étude du conflit de la United Aircraft
que nous pourrions éventuellement entendre la Canadian Gypsum sur un
sujet identique. Il est vrai, M. le Président, que dans le cas de la
Canadian Gypsum, la seule chose qui reste est la question de la
sécurité syndicale, la formule Rand. Il y a peut-être deux
autres points qui restent aussi, c'est que et je ne suis pas sûr
que ceux-là soient réglés, le syndicat demande que les
employés de la compagnie Canadian Gypsum qui ont continué de
travailler pendant la grève soient congédiés.
Deuxièmement, que ces employés laissent tomber les actions qu'ils
ont prises contre ceux qui les empêchaient d'aller travailler.
C'étaient trois points qui restaient la semaine dernière.
Il est possible, cependant, que ces deux derniers points aient
été l'objet de discussion en l'absence du représentant du
ministère et qu'ils aient été réglés. Il ne
resterait donc que la formule Rand.
Quant à la formule Rand proprement dite ou le financement des
syndicats, j'ai indiqué clairement aux parties en présence que je
mettais en branle le processus de consultation du Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre; je l'ai fait, j'en ai parlé avec le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre cette semaine. Je dois
rencontrer à nouveau le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre le 9 janvier sur la question du financement des syndicats et de
la démocratisation des prises de décision à
l'intérieur des syndicats.
Alors, je pense bien que ça répond, partiellement du
moins, aux questions posées par le député de Johnson.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, juste une question
supplémentaire. Le ministre aurait, je pense, une occasion bien choisie
de mettre en application ce que le député de Maisonneuve a
proposé dans sa motion du 30 octobre par la Loi modifiant le code du
travail pour établir la formule Rand. Mais je crois que le ministre
serait peut-être bien avisé aussi s'il recommandait au
gouvernement l'adoption de la formule Rand pour qu'elle puisse avoir
application partout, en proposant d'ajouter des conditions que le juge
lui-même avait dans le temps mentionnées, c'est-à-dire le
vote sous le contrôle du gouvernement. Deuxièmement, que le vote
soit pour tous les employés, même ceux qui n'appartiennent pas au
syndicat. Troisièmement, qu'à l'occasion de l'application de la
formule Rand il n'y ait aucune discrimination dans aucun endroit, et que le
vote soit contrôlé par le ministère du Travail.
LE PRESIDENT: Le député de...
M. BURNS: M. le Président, tout simplement une courte question
additionnelle; est-ce que le ministre serait d'accord pour rendre public son
rapport dans le cas de ses recommandations relativement au conflit à la
United Aircraft?
M. COURNOYER: Disons que la seule raison pour laquelle j'ai
hésité c'est que je veux savoir ce qu'on a dit aux
grévistes. J'ai hésité à le rendre public parce que
je ne voudrais pas intervenir avec quelque chose qu'on n'a pas dit aux
grévistes. L'hésitation que j'ai, je la pense naturelle de mon
côté. Etant donné qu'on a dit des choses aux
grévistes, je voudrais bien que le syndicat fasse la tentative
lui-même d'expliquer aux grévistes réellement ce qui a
été proposé.
Si le syndicat ne le faisait pas, je me sentirais à ce
moment-là, non pas invité par le député de
Maisonneuve, mais obligé de publier l'état des
négociations tel qu'il m'est apparu.
M. BELLEMARE (Johnson): Une question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Une question additionnelle sur le...
M. BELLEMARE (Johnson): Merci. Est-ce qu'à l'occasion des
négociations qu'a entreprises le ministre du Travail il a
été question, vis-à-vis de la compagnie, de lui demander
de déposer ses états financiers?
M. COURNOYER: M. le Président, non il n'en a pas
été question, étant donné que cette demande a
déjà été faite par la commission parlementaire.
Dans mes tergiversations avec les parties, je ne me suis pas attardé
à mettre en question la capacité de payer ou la capacité
d'absorption d'une part ou de l'autre. J'ai l'habitude de faire confiance aux
parties quant à la façon dont ils décident d'administrer
et le syndicat et l'entreprise. C'est leurs affaires,
pour autant que le ministre est concerné; il ne l'a pas
demandé et il n'a pas l'intention non plus de le demander.
LE PRESIDENT: Question du député de Lafontaine; suivant,
le député d'Anjou.
Subvention à la Communauté urbaine de
Montréal
M. LEGER: M. le Président, je m'aperçois que mon ministre
vient de disparaître, il était ici tantôt, le ministre des
Institutions financières; je ne sais pas s'il est sorti pour quelques
secondes. De toute façon, M. le Président, je vais poser une
autre question au ministre des Affaires municipales. Est-ce que le ministre des
Affaires municipales, à la suite de sa subvention promise à la
Communauté urbaine de Montréal de $45 millions, ce qui n'est
quand même que la moitié...
Mon ministre est revenu... Je vais continuer avec le premier.
Le ministre a-t-il l'intention, selon la recommandation de M. Hanigan,
de bientôt nous donner, à l'Assemblée nationale, des moyens
concernant de nouvelles sources de revenu possible, en plus de la taxe
foncière, pour la municipalité de Montréal et la
Communauté urbaine de Montréal?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, il y a une distinction à
faire entre la Communauté urbaine, qui a fort peu de sources de revenu
qui lui sont propres, et les municipalités membres qui ont un champ
d'action un peu plus large.
Il est évident que l'action du gouvernement pour venir en aide
à la Communauté urbaine et à sa municipalité membre
se situe sur deux plans: le plan de la contribution directe sous forme de
subvention et le plan de l'augmentation des revenus. Il y a donc un travail qui
est déjà engagé, un travail d'examen par les
intéressés eux-mêmes, en collaboration avec celui qui vous
parle et avec le ministre de la Justice en ce qui concerne les services
policiers, un examen détaillé de chaque service et de ses
implications financières.
Donc, il y a cette action tripartite, subvention, augmentation des
revenus, nouvel examen d'un organisme qui existe depuis cinq ans et qui n'a pas
encore réussi à donner pleine satisfaction à ses
contribuables.
M. LEGER: Question supplémentaire. Le ministre peut-il nous dire
si, dans cette recommandation, l'une des trois, celle des subventions, le
comité est rendu assez loin pour nous dire si cela deviendra des
subventions statutaires, c'est-à-dire qui peuvent être
prévues dans une planification de n'importe quelle municipalité,
et spécialement la Communauté urbaine de Montréal, qui est
la plus grosse, pour permettre aux dirigeants de prévoir non pas un
budget déficitaire, mais de prévoir ce qu'ils peuvent se
permettre au cours d'une année, sachant les sources exactes de revenu
possible. Je parle de subventions, disons, discrétionnaires dans le sens
qu'ils ne savent pas à l'avance le montant exact qu'ils auront?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, deux suggestions ont
été faites à maintes reprises, chacune: celle de plafonner
la taxe foncière perçue par la Communauté urbaine avec une
contribution du gouvernement pour le solde. Cette recommandation ne peut
être retenue pour une raison qui saute aux yeux. Si l'on plafonne la
contribution du contribuable au niveau de la Communauté urbaine et que
le gouvernement accepte de payer le solde, quel qu'il soit, c'est un
chèque en blanc que l'on ne pourrait donner à quelque
municipalité que ce soit.
L'autre suggestion, celle que vient de reprendre le député
de Lafontaine de donner des subventions statutaires connues à l'avance,
est une suggestion qui, au premier abord, semble attrayante, mais il y a une
question à poser et je la pose. Si l'on donne de telles subventions, la
Communauté urbaine et ses contribuables accepteront-ils de vivre
à l'intérieur de ces moyens ou y aura-t-il toujours d'autres
demandes? Et dans un tel cas, s'il y en avait d'autres, on n'aurait vraiment
pas résolu le problème.
On aurait facilité un peu le travail de préparation du
budget, mais on n'aurait pas réglé en profondeur le
problème.
Quant au travail du comité d'étude, il y en aura deux, un
qui travaillera avec le ministre de la Justice et l'autre avec celui qui vous
parle. Je ne sais pas si les membres seront les mêmes dans les deux cas,
mais il y aura deux tables de toute façon. Il y a eu une rencontre avec
le premier ministre et les deux ministres, le 18 novembre; il y a eu une
rencontre avec les deux ministres, le 2 décembre. Il y a
déjà une loi inscrite au feuilleton par le ministre de la
Justice. Alors, le travail commence, mais il va se dérouler au cours des
quelques prochains mois et nous prévoyons qu'il sera terminé
avant l'été.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Dernière question supplémentaire.
M. LEGER: Est-ce que le ministre peut nous dire si, au comité
d'étude, on étudie la possibilité d'une réforme
complète du régime de taxation municipale et qu'on se penche sur
la possibilité que la taxe foncière soit remplacée par une
taxe sur le revenu des particuliers, d'une part? Deuxièmement, est-ce
qu'on se penche sur le fait que la communauté urbaine, c'est un peu
comme la fable de LaFontaine, le pot de terre et le pot de fer? Il y a un grand
géant avec beaucoup de petites municipalités, ce qui
empêche une certaine coordination et
dans les votes, et dans la valeur d'intervention. Est-ce qu'on se penche
sur la possibilité de regrouper cela en des unités plus petites
à l'intérieur de l'île de Montréal pour avoir des
partenaires à peu près égaux? Est-ce qu'on a
écarté cela ou si c'est une possibilité?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, quant à la première
partie de la question, ce n'est pas à cette table ou à ces deux
tables que l'on examinera la question de la fiscalité municipale, mais
bien au ministère, en consultation avec le milieu municipal et en
prévision d'une conférence provinciale-municipale ou le sujet
sera fatalement, nécessairement et c'est désirable qu'il
en soit ainsi le principal sujet à l'ordre du jour.
Deuxièmement, quant au regroupement, on sait que la loi
constitutive de la Communauté urbaine prévoyait que cette
communauté se prononce sur un regroupement possible. Elle s'est
prononcée d'une certaine façon par le dépôt du
rapport du comité d'étude présidé par M. Hanigan,
le président du comité exécutif. Mais il n'y a pas, je
pense, là-dedans, d'éléments suffisants pour nous
permettre de nous prononcer sur une question qui est assez complexe. Sans doute
que nous en discuterons au niveau du comité de travail.
M. LEGER: La commission parlementaire, c'est pour quand?
LE PRESIDENT: A l'ordre! Je m'excuse, nous allons tenter de
procéder à trois autres courtes questions et réponses,
dans l'ordre suivant: les députés d'Anjou, de Rouyn-Noranda et de
Dubuc.
Question et réponses, si possible, courtes.
Conflit entre le Barreau et les étudiants en
droit
M. TARDIF: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de
l'Education. A la suite d'une rencontre que j'ai eue récemment avec des
étudiants en droit, ceux-ci m'ont fait part de leur inquiétude
quant à la formation professionnelle qu'ils doivent suivre à
l'automne 1975 et qui serait mise en péril par suite d'un
différend existant ou ayant existé entre le Barreau, le
ministère de l'Education et les étudiants. Ma première
question est la suivante: Est-ce que le ministre est en mesure d'indiquer aux
membres de cette Chambre s'il prévoit qu'une entente à ce sujet
pourra intervenir d'ici peu? Est-ce que le ministre de l'Education
prévoit que son ministère sera appelé à financer en
partie cette formation professionnelle des étudiants en droit?
M. CLOUTIER: M. le Président, il y a un malaise en ce qui
concerne la formation professionnelle des étudiants en droit, depuis
plu- sieurs années. Le ministère de l'Education en a
été saisi en mai 1974, à la suite de rencontres avec le
Barreau et les doyens des facultés de droit. Le Barreau a admis
certaines lacunes dans la formation des étudiants en quatrième
année.
Il y a même eu une proposition qui visait à intégrer
la formation professionnelle au milieu universitaire. Par la suite, un
comité conjoint a été formé, comité
où les étudiants étaient représentés. On a
mis au point un devis pédagogique et tout un cheminement de
manière à arriver à cet objectif.
Malheureusement, il y a eu certains retards. J'ai moi-même
rencontré les étudiants en novembre dernier. Par la suite, les
choses se sont accélérées et je crois que l'on en est
arrivé à une solution qui est une solution valable. C'est que la
quatrième année de droit sera intégrée à
l'université, non pas en 1975/76, comme l'auraient souhaité les
étudiants, mais en septembre 1976, parce qu'il est impossible d'en
arriver avant à définir tous les programmes.
C'est donc dire que l'école du Barreau sera maintenue pour une
dernière année, en 1975/76, et il s'agira là d'une
année de transition. Le Barreau se fait fort d'ailleurs d'appliquer en
grande partie le devis pédagogique de manière à
préparer l'intégration à l'université.
Il semble également que cette solution permettra au Barreau et
aux universités d'en arriver à une entente pour éviter le
double examen, ce qui se rapprocherait d'ailleurs de l'esprit du code des
professions.
Il y a des implications financières et ceci répond
à la deuxième question du député d'Anjou. Le
ministère les assumera. Nous pensons être en mesure de
subventionner l'école du Barreau dans le cadre précis que j'ai
décrit pour un montant qui pourrait être d'à peu
près $1 million pour 1975/76 et, bien sûr, les sommes
nécessaires seront prévues dans les budgets subséquents de
manière que les universités puissent réaliser leur projet
d'intégration.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, ma question s'adresserait au ministre
des Terres et Forêts. Mais je pense qu'il est parti. Je
l'adresserai...
UNE VOIX: II a disparu.
M. BELLEMARE (Johnson): II n'est pas parti, il est allé
s'habiller!
M. SAMSON: ... M. le Président, au... Avec votre permission, M.
le Président, dans ce cas, à l'adjoint parlementaire. Est-ce
que...
M. BELLEMARE (Johnson): Un millionnaire socialiste !
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BELLEMARE (Johnson): Un millionnaire socialiste qui ne s'habille
pas!
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs!
M. BELLEMARE (Johnson): II est allé enlever ses jeans.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plait! ... A l'ordre, s'il vous
plaît! ... A l'ordre, messieurs! ... S'il vous plaît! ... Un peu
d'ordre dans cette Assemblée ! ...A l'ordre!
M. CHOQUETTE: Non, non! il s'habille comme beaucoup d'électeurs
de Johnson.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Vous êtes tous les deux coupables, dans
le moment.
M. BELLEMARE (Johnson): Ce n'est pas nous autres, c'est le ministre des
Terres et Forêts...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE (Johnson): ... qui passe...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE (Johnson): ... pour un mal habillé...
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. CHOQUETTE: Une question de privilège au nom du ministre des
Terres et Forêts. Le député de Johnson adresse des
observations sarcastiques et ironiques au ministre des Terres et Forêts
alors que celui-ci est absent de la Chambre. Je crois que ce n'est pas...
M. BELLEMARE (Johnson): Non, non.
M. CHOQUETTE: ... la gentilhommerie cou-tumière...
M. BELLEMARE (Johnson): Je lui ai déjà dit d'aller
s'habiller, ne craignez pas.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! ... A l'ordre! ... A l'ordre, s'il
vous plaît! ... A l'ordre! ...
L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Industrie de sciage de Taschereau
M. SAMSON: M. le Président, c'est un peu difficile. J'ai une
question sérieuse et...
M. BELLEMARE (Johnson): Ah bien! une minute.
M. SAMSON: ... le préambule qui a été fait...
J'adresserai ma question à l'adjoint parlementaire du ministre
des Terres et Forêts pour lui demander s'il est au courant du fait que
l'industrie de sciage de Taschereau, la Fédération des chantiers
coopératifs, fermera ses portes ce soir.
Il y aura 180 mises à pied à la suite d'une centaine
d'autres mises à pied, la semaine dernière. Si oui, quelles
seront ou quelles sont les démarches entreprises par le ministère
pour venir en aide à cette industrie et quel sera ou quel est le
rôle joué par REXFOR?
Je salue l'arrivée du ministre des Terres et Forêts, M. le
Président.
M. ROY: II n'est pas habillé! M. CHOQUETTE: ...
M. BELLEMARE (Johnson): Voulez-vous, M. le Président, que je le
lui redise?
M. SAMSON: Non, attendez que j'aie fini! Cela va déranger mon
affaire !
M. BOURASSA: Pourquoi est-ce qu'on attaque comme cela le
député de Westmount?
DES VOIX: Ha! Ha!
M. BELLEMARE (Johnson): Surtout de Westmount ! Surtout de Westmount, en
guenilles!
DES VOIX: Ha! Ha!
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je peux reprendre ma
question?
M. CHOQUETTE: Après tout, il s'habille comme le
député de Saint-Jacques !
LE PRESIDENT: A l'ordre! DES VOIX: Ha! Ha!
M. CHARRON: M. le Président!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. CHARRON: Vous n'avez pas pris la bonne journée!
M. CHOQUETTE: Je retire mes paroles antiparlementaires.
UNE VOIX: Vous avez mal choisi votre journée !
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!
M. SAMSON: M. le Président...
M. CHARRON: C'est tout ce qui rapproche Saint-Jacques de Westmount.
C'est tout ce qui rapproche les deux !
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. SAMSON: M. le Président, si les politiciens peuvent
arrêter de se déshabiller en public, je vais poser ma question
!
M. BELLEMARE (Johnson): II y en a d'autres qui peuvent commencer
à s'habiller, par exemple !
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Un peu moins d'esprit,
s'il vous plaît.
M. SAMSON: Je repose ma question au ministre des Terres et Forêts
qui vient d'arriver, M. le Président. Je lui demande s'il est au courant
de la fermeture de l'usine de sciage de Taschereau, de la
Fédération des chantiers coopératifs, des 180 mises
à pied de ce matin, des centaines d'autres mises à pied de la
semaine dernière. S'il est au courant, est-ce qu'il peut me dire quelles
sont les démarches entreprises par son ministère, quel est ou
quel sera le rôle joué par REXFOR, et est-ce qu'il est vrai que le
rôle à être joué par REXFOR dans cette affaire serait
de vouloir s'emparer de la Fédération des chantiers
coopératifs?
C'est parce que je veux éviter une question
supplémentaire, M. le Président. C'est pour cela que...
M. DRUMMOND: Tout ce que je peux dire à ce sujet, aujourd'hui, M.
le Président, c'est que, depuis un certain temps déjà, le
gouvernement a accepté, en principe, d'aider l'opération
sauvetage de Taschereau, et que REXFOR, le ministère et d'autres
intéressés sont en train de trouver une entente qui soit valable
pour le gouvernement et pour les gens de la fédération.
M. SAMSON: Est-ce qu'on me permettra une petite courte question
supplémentaire, M. le Président, compte tenu de l'urgence de
cette situation?
LE PRESIDENT: Oui, allez.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut me donner une date possible, pour
qu'on puisse dire à ces gens quand ils pourront reprendre leur
emploi?
M. DRUMMOND: Disons, M. le Président, que c'est difficile de dire
une date. Il y avait des réunions. Il y en a une autre, aujourd'hui,
avec les intéressés, pour essayer d'arriver aux termes qui
conviennent aux parties en cause.
M. SAMSON: Si vous avez une décision avant la fin de la
journée, est-ce que vous pourriez nous la donner avant la fin de la
journée?
M. DRUMMOND: Je doute qu'il y ait une décision formelle à
annoncer à la fin de la journée, mais s'il y en a une, on
l'annoncera aussi vite que possible.
LE PRESIDENT: Dernière question, l'honorable député
de Dubuc.
Projet Ferchibal
M. HARVEY (Dubuc): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports. Pour faire suite à certaines questions
posées en Chambre, le ministre a-t-il l'intention de déposer, ce
matin, le mandat que son ministère a donné relativement aux
options de transport possible du projet Ferchibal reliant par exemple le chemin
de fer Albanel-Baie des Ha! Ha! pour l'exploitation des gisements du lac
Albanel?
M. MAILLOUX: M. le Président, en réponse à cette
question, de même qu'à celle qui a été posée
hier par le député de Chicoutimi, je pourrais donner lecture du
CT qui a été accepté mercredi et qui se lit comme suit:
"la maîtrise d'oeuvre de l'étude de transport relative au projet
Ferchibal a été confiée à la Direction politiques
et développement du ministère des Transports. Un comité de
direction interministériel a été mandaté pour
coordonner l'ensemble des études et démarches inhérentes
à ce projet d'envergure. Pour répondre aux besoins du
ministère des Richesses naturelles, d'une part, et permettre au
gouvernement du Québec, d'autre part, de prendre en toute connaissance
de cause des décisions qui détermineront l'avenir de ce projet,
le ministère des Transports doit, dans une première étape,
chercher à préciser, pour diverses options, les coûts de
transport du minerai de fer et les frais d'établissement des
infrastructures requises. Le coût de cette étude de
"factibilité" est évalué à environ $750,000. Divers
groupes, organismes, aviseurs et sociétés d'experts-conseils
seront appelés à participer à cette démarche
analytique qui débutera en décembre 1974 pour se terminer le 30
juin 1975. C'est pourquoi, dans un premier temps, le ministère des
Transports demande l'autorisation d'engager, sans délai, les mandataires
suivants: premièrement, la société d'étude et de
consultation du Canadien Pacifique pour la réalisation de l'étude
de "factibilité" d'une voie nouvelle Albanel-Chibiron-Saguenay, à
un coût approximatif de $178,400. Le mandat exclut les études de
génie civil. Deuxièmement, la société
d'ingénierie Tecsult International, pour répondre aux besoins
d'étude de génie formulés au gérant de projet pour
les divers mandataires dont principalement l'ACEC; le coût approximatif
de ce mandat s'élève à $329,000. Ces deux mandats excluent
les frais de transport ou de survol par hélicoptère ou autres
modes qui seraient la responsabilité du ministère des Transports
ou d'un mandataire autorisé".
M. le Président, je voudrais ajouter que ces deux études
coûtent $500,000 sur un mandat de $618,000; la différence pourra
éventuellement être confiée à des compagnies qui ont
déjà fait des offres au gouvernement. Cela pourra être le
CN, cela pourra être l'Alcan, qui ont déjà la connaissance
du milieu. Mais le ministère des Transports reste le maître
d'oeuvre. Si nous avons voulu diversifier les consultants, c'est que nous ne
voulons pas identifier le gouvernement pour tout geste qu'il devrait poser
ultérieurement. Je dépose, d'ailleurs, des copies de ce
document.
M. BEDARD (Chicoutimi): Question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Une courte question supplémentaire.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je remercie le ministre d'avoir répondu
à ma question d'hier en déposant le document qui est important.
Maintenant, je lui demandais également dans ma question de profiter de
l'occasion pour faire le point sur le projet Ferchibal lui-même, de
manière à informer la population, pour autant que c'est possible
de le faire pour lui.
M. MAILLOUX: M. le Président, on comprendra qu'au moment
où le ministère confie à diverses sociétés
la recherche dont nous avons besoin pour que le gouvernement puisse se
prononcer, il ne m'est pas permis, évidemment... Je n'ai pas, non plus
la connaissance des recherches que nous confions à des gens
spécialisés.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, mais il y a des tractations à
différentes compagnies à l'heure actuelle...
LE PRESIDENT: Al'ordre, messieurs!
M. BEDARD (Chicoutimi): ... des négociations qui se font entre
différentes compagnies minières pour l'exploitation du minerai du
lac Albanel.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
Questions de privilège
LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour, messieurs, j'ai
reçu avis de deux questions de privilège. J'accorde la parole, en
premier lieu, à l'honorable député de Drummond et, en
second lieu, à l'honorable ministre de l'Immigration.
M. Robert Malouin Article de journal
M. MALOUIN: M. le Président, en réponse à un
article mensonger et malicieux publié dans "The Gazette", édition
du 19 décembre 1974, sous la signature d'un journaliste à la
pige, Ralph Noseworthy, je désire faire la déclaration suivante:
La veille de la publication de l'article en question, le dénommé
Noseworthy m'a appelé pour obtenir certaines informations concernant mon
ancienne firme d'ingénieurs. J'ai alors répondu à toutes
ces insinuations mensongères en les niant et lui offrant même des
preuves assermentées à l'appui. Il avait, d'ailleurs, obtenu les
mêmes renseignements de l'un de mes anciens associés, quelque
temps auparavant.
Je lui ai même dit de s'informer au ministère des
Institutions financières et de mieux contrôler ses
prétendues sources d'information. Malgré cela, il a
décidé de remettre au journal The Gazette un texte erroné
que le journal a publié sans exercer lui-même aucun contrôle
sur la véracité du contenu de l'article.
Voilà où nous en sommes rendus au Québec, et je me
demande sérieusement, M. le Président, s'il n'est pas
impérieux de réviser la Loi de la presse de façon à
assurer une certaine protection à l'homme politique qui veut
sérieusement et honnêtement servir ses concitoyens, sans cependant
être exposé à être l'objet des campagnes de salissage
que nous connaissons actuellement.
Je nie donc énergiquement être encore membre de la firme
d'ingénieurs-conseils, société que le journaliste aurait
dû plutôt indiquer dans son texte. Et je déclare que j'ai
quitté cette société par les voies
régulières dès le 3 octobre 1973; mon départ
fût d'ailleurs accepté par mes anciens associés
professionnels dès le 4 octobre 1973, donc avant que je sois choisi
comme candidat libéral lors de la dernière élection. Le
même jour, j'ai aussi résigné mes fonctions dans une
compagnie qui n'avait cependant aucun contrat avec le gouvernement de cette
province, malgré l'affirmation mensongère du journaliste à
la pige en question. Les parts détenues par une tierce compagnie furent
également vendues le même jour et paiement fut effectué
quelque temps après.
M. le Président, voilà toute la vérité au
sujet de cette fausse nouvelle. Je suis sûr que tous mes collègues
de cette Chambre, mes électeurs et concitoyens de cette province
jugeront de la malice et du manque de probité intellectuelle de certains
journaux et d'individus à leur solde. En conclusion, M. le
Président, mon avocat, Me Roger Thibodeau, est saisi de ce dossier
depuis hier et jugera quel recours, civil ou criminel, je dois exercer pour
conserver le bien le plus précieux que chacun d'entre nous
possède, soit sa réputation.
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Immigration, question de
privilège.
M. Jean Bienvenue Article de journal
M. BIENVENUE: Ma question de privilège,
M. le Président, concerne j'allais dire un journaliste,
mais je devrais plutôt dire un "billettiste" de la galerie de la presse
un certain Jacques Guay, dont je ne vois pas malheureusement l'air
intelligent et le sourire...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! M. BIENVENUE: ... béat ce
matin. UNE VOIX: II est collé après sa barbe.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît !
M. BIENVENUE: J'ai été, M. le Président et
vous avez été à travers moi et tous les collègues
de cette Chambre, tous ce qu'ils en sont, ceux de l'Opposition inclus
victime d'un de ces traitements de boue quotidiens alors qu'il lance aux
autres, je pense bien, une partie de lui-même.
L'article en question, M. le Président, était dans le
journal Le Jour d'hier, jeudi 19 décembre; il était
intitulé: "Un beau frame-up de Me Bienvenue". Je lis certains passages
de ce que j'ai qualifié de boue. Parlant de celui qui vous parle, il
dit: "II s'est attaqué hier à l'intégrité du
député de Sauvé, Jacques-Yvan Morin". Je nie formellement,
M. le Président, m'être attaqué à
l'intégrité du député de Sauvé, Me
Jacques-Yvan Morin. J'ai dit, lors de ma motion et de ma question de
privilège, et aux journalistes que j'ai rencontrés par la suite,
qu'il s'agissait d'une accusation d'ordre purement technique comme ce fut le
cas lors de cette ancienne affaire qu'on a appelée l'affaire Boutin.
Je n'ai ni voulu attaquer, ni n'ai l'intention en aucun moment
d'attaquer l'intégrité du député de Sauvé
qui connaît d'ailleurs le respect que j'éprouve à l'endroit
de sa personne.
Le même article continuait: "Ainsi, M. Morin serait coupable d'une
nouvelle affaire Boutin. Il aurait commis une infraction technique à la
Loi de le Législature. Doux euphémisme dans le cas de M. Boutin,
belle calomnie dans le cas de M. Morin". C'est-à-dire que le juriste
Guay s'est prononcé à l'avance aux lieux et place de
l'Assemblée nationale et de sa commission, il a rendu jugement. C'est
une calomnie dans le cas qui nous occupe présentement.
Et il termine, M. le Président je saute les conneries
qu'on trouve tout le long de l'article ainsi: "A sa face même,
cette accusation est ce que, dans le langage policier, un langage que
connaît Me Bienvenue, on appelle un "frame up". Je n'ai pas à
expliquer aux membres de la Chambre ce que l'on appelle un "frame up", M. le
Président. C'est un coup monté, une affaire forgée,
montée de toutes pièces; c'est ce que j'ai entendu ou lu de plus
bas au sujet de ma personne et au sujet de cette Chambre. Suit le dernier jet
d'urine, M. le Président: "Parce qu'il a une longue expérience
des accusations portées devant les tribunaux, Me Bienvenue devrait se
méfier des "frame up". Je ne commente pas, je pense que ça parle
par soi-même.
Comme je viens de l'indiquer, il s'est substitué à
l'Assemblée nationale, pour ce qu'elle sera appelée à
voter, ce que la commission parlementaire sera appelée à juger.
Il a déjà, lui, le juriste, rendu jugement. C'est un
mépris flagrant de cette Chambre; c'est un outrage à ses
prérogatives et à celles de ses membres. C'est une
récidive, dont je pense qu'il est utile que je donne l'explication parce
qu'elle fera mieux comprendre, pour l'édification des membres de cette
Chambre, la haine, la bassesse, le fiel de l'homme petit qu'il est, et je n'ai
pas dit du petit homme qu'il est.
Au cours d'une cause de meurtre il y a quelques années, à
Rimouski, il s'était livré aux mêmes abus, aux mêmes
attitudes sur le fond d'un litige. Il avait fait les mêmes incursions
dans un domaine expressément réservé par la loi aux
jurés. Je l'avais, et le juge Georges Pelletier de la cour
Supérieure m'avait suivi, ramené à sa véritable
dimension et lui avait servi une semonce dont il n'est jamais revenu.
M. le Président, vous savez tous, mes collègues savent
tous, que tous les êtres de la création ont une fonction, une
raison d'être. Dans son cas, je la cherche toujours.
J'avais songé à deux recours, M. le Président. Le
premier à une poursuite en dommages pour libelle en matière
civile, mais j'y renonce, parce que c'est un insolvable. La deuxième,
à laquelle je ne renonce pas, et j'y méditerai pendant les jours
qui viennent, est la motion en vertu de l'article 81 pour le faire
comparaître devant l'Assemblée nationale et lui faire enfin
attrap-per les peines qu'il a largement encourues.
LE PRESIDENT: Avant de passer aux affaires du jour et demander au
député de Roberval de prendre ce fauteuil sur les questions de
partage de temps, je crois, et de décision, si débat il y
a...
Questions inscrites au feuilleton
M. LEVESQUE: Avant qu'on entreprenne cette question, est-ce qu'on
pourrait déposer certaines réponses aux questions au feuilleton
du mercredi, 18 décembre?
Article no 10. Question de M. Bellemare (Johnson), réponse de M.
Mailloux.
M. MAILLOUX: Lu et répondu. (voir annexe)
M. LEVESQUE: Article 16. Question de M. Léger, réponse de
M. Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: Lu et répondu, M. le Président. (voir
annexe)
M. LEVESQUE: Article 31, question de M. Léger, réponse de
M. Garneau.
M. GARNEAU: Lu et répondu, M. le Président, (voir
annexe)
M. LEVESQUE: Article 32, question de M. Bellemare (Johnson). Je fais
motion pour que cette question soit transformée en motion pour
dépôt de documents.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Réponse de M. Cournoyer. M. COURNOYER: Document
déposé.
M. LEVESQUE: Article 35, question de M. Bellemare (Johnson). Je formule
la motion que cette question soit transformée en motion pour
dépôt de documents.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. COURNOYER: Document déposé.
M. LEVESQUE: Réponse de M. Cournoyer. Article 79, motion de M.
Bellemare (Johnson), dépôt de M. Cournoyer.
M. COURNOYER: Déposé.
M. BELLEMARE (Johnson): II travaille quand il est en Chambre.
M. LEVESQUE: M. le Président, je fais motion pour que...
M. ROY: ... leader du gouvernement, je voudrais lui signaler à
nouveau qu'il y a des questions qui sont inscrites depuis le 19 mars
dernier.
M. LEVESQUE: Que le député soit patient. On voit
que...
M. ROY: Un instant! Une question de patience. Il y a des questions qui
ne prennent pas tant de temps à recevoir une réponse.
M. LEVESQUE: On a répondu à des questions chaque jour et
nous allons continuer chaque jour de la présente session avec autant de
célérité que possible. Je n'ai pas reçu d'autres
réponses que celles que j'ai déposées. J'attends toujours.
J'insiste, et le député de Beauce-Sud devra attendre comme les
autres. C'est clair?
M. ROY: M. le Président, un instant! C'est notre privilège
de poser des questions et d'inscrire des questions au feuilleton de la
Chambre.
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: Notre privilège.
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: Le gouvernement se doit...
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: ... de procéder avec diligence et de répondre aux
questions que les députés posent.
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: II y a des questions pour lesquelles il faut attendre un
an...
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: ... voire même quinze mois...
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: ... avant d'avoir des réponses, et le leader du
gouvernement fait comme un perroquet.
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: II dit oui sans savoir pourquoi.
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: C'est enregistré, un vieux disque usé que nous
entendons depuis quatre ans à l'Assemblée nationale.
M. LEVESQUE: Oui. C'est enregistré au journal des
Débats.
M. ROY: J'aimerais savoir du leader du gouvernement, à ce
moment-ci... Oui?
M. LEVESQUE: Oui. Quoi?
M. ROY: Etant donné que le ministre est parti à
répondre oui, je vais lui demander si on peut espérer avoir des
réponses demain.
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: J'en prends note.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: Ce n'est pas la première fois que le
député espère.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
Motion pour faire siéger la commission sur le
projet de loi no 98
M. LEVESQUE: Je fais motion pour que la commission parlementaire des
affaires municipales se réunisse au salon rouge, immédiate-
ment, pour continuer l'étude sereine et objective, article par
article, du projet de loi no 98, Loi concernant certaines municipalités
de l'Outaouais et du Haut-Saguenay.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Vote enregistré.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote sur la motion
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Que ceux qui sont en faveur de la
motion du leader parlementaire du gouvernement relativement à la
convocation de la commission des affaires municipales, veuillent bien se lever,
s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Choquette, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lalonde, Lachapelle, Berthiaume,
Cournoyer, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Drummond, Lacroix,
Bienvenue, Forget, Toupin, Massé, L'Allier, Harvey (Jonquière),
Vaillancourt, Arsenault, Houde (Fabre), Houde (Abitibi-Est), Desjardins,
Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Séguin,
Cornellier, Houde (Limoilou), Lafrance, Pilote, Lamontagne, Fraser, Picard,
Gratton, Gallienne, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière,
Shanks, Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bonnier, Boudreault, Boutin,
Chagnon, Marchand, Caron, Côté, Denis, Déom, Dufour, Harvey
(Dubuc), Lapointe, Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Parent
(Prévost), Picotte, Tardif, Tremblay, Vallières, Morin, Burns,
Léger, Charron, Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy,
Bellemare (Johnson).
LE SECRETAIRE: Pour: 85 Contre: 0
LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée. Cette commission peut
siéger immédiatement.
M. LEVESQUE: M. le Président, s'il y avait consentement, on
pourrait retarder jusqu'à cinq heures le dépôt des
amendements relatifs au projet de loi no 7.
M. LEGER: D'accord.
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: Cinq heures, cet après-midi.
M. ROY: Le projet de loi no 7?
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY: D'accord.
M. LEVESQUE: C'est assez volumineux. LE PRESIDENT: Consentement unanime?
M. LEVESQUE: D'accord, M. le Président. LE PRESIDENT: Cela va.
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on serait d'accord je pense que la
discussion est pas mal terminée sur un article ici, après
consultation avec l'Opposition pour l'article no... Où est-il?
M. BURNS: II est à la page 7.
M. LEVESQUE: Ah! C'est ça, il est demeuré à la page
7. Prise en considération du rapport et troisième lecture
relativement au bill 93, Loi modifiant la loi de l'assurance-maladie et la Loi
de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. S'il n'y a pas de
discussion sur cet article, nous pourrions l'adopter unanimement
immédiatement.
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
M. SAMSON: Le rapport de la commission a été fait.
LE PRESIDENT: On l'approuve ici, oui. M. LEVESQUE: On l'approuve. M.
SAMSON: D'accord.
Rapport sur le projet de loi no 93
LE PRESIDENT: Le rapport de la commission permanente des affaires
sociales, qui a étudié le projet de loi no 93, est-il
agréé?
M. BURNS: Agréé.
LE PRESIDENT: Agréé. Troisième lecture?
M. BURNS: Oui.
Troisième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
troisième lecture du projet de loi no 93, Loi modifiant la loi de
l'assurance-maladie et la loi de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec. Cette motion de troisième lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
Motion privilégiée
Accusation portée contre M. Jacques-Yvan
Morin
LE PRESIDENT: Relativement à cette motion, sur laquelle
l'honorable député de Roberval rendra une décision dans
quelques instants, à la demande du ministre de l'Immigration
relativement à la correspondance qu'il y a eu sur la mission de l'AIPLF
à Bruxelles, j'aimerais remettre aux deux parties une copie de cette
correspondance et également, pour le bénéfice de
l'Assemblée, en déposer une copie, avec le consentement de la
Chambre.
M. BURNS: D'accord.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Roberval.
Décision de M. Lamontagne
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Messieurs, j'ai à statuer
aujourd'hui sur la recevabilité de la motion privilégiée
de l'honorable député de Crémazie et ministre de
l'Immigration, inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale et
présentée en vertu de l'article 80 du règlement.
Cette décision que j'ai à rendre fait suite à une
question de règlement soulevée hier en cette Chambre par le
député de Maisonneuve, le leader de l'Opposition officielle.
Le député de Maisonneuve allègue qu'il appartient
au président de décider si une question de privilège qu'un
député soulève est une question qui concerne directement
les privilèges de la Chambre ou de quelque député. Il
doit, dit-il, juger si, prima facie, il y a atteinte à des
privilèges. Ensuite, il argumente que, prima facie, il n'y a pas
atteinte aux privilèges, puisque l'article 96, invoqué par le
député de Crémazie, ne défend pas aux
députés de poser certains gestes, mais, au contraire, vise
à permettre ou à défendre aux autorités de
l'Assemblée nationale de verser aux députés certaines
allocations.
Il n'est pas nécessaire de relater en détail ici toute
l'argumentation du député de Maisonneuve au soutien de sa
thèse, qui tend à faire déclarer par le président
que la motion du député de Crémazie était
irrecevable et n'aurait pas dû être inscrite au feuilleton.
La doctrine et les précédents veulent que le
président a'assure que la question en est une qui, prima facie, concerne
les privilèges de la Chambre et, j'ajoute, son indépendance.
Quelle interprétation doit-on donner à l'assertion suivante: le
président doit s'assurer que, prima facie, la question concerne les
privilèges de la Chambre?
En premier lieu, le président doit vérifier si, dans sa
forme, elle est présentée selon le règlement. En second
lieu, il doit s'assurer que le contenu de la question ou de la motion a trait
à une violation des privilèges de la Chambre et de son
indépendance.
Il faut d'abord établir ce que le président n'a pas le
pouvoir de faire. Il ne peut juger de la motion à son mérite,
c'est évident. Il n'a pas le pouvoir non plus de juger des questions de
droit. Le droit parlementaire le confirme. Les questions de droit, comme celles
qui concernent les faits doivent être débattues devant l'organisme
qui aura à se prononcer sur le mérite de la cause, soit la
commission de l'Assemblée nationale.
C'est une question de droit, par exemple, que de décider si
quelqu'un qui enfreint l'article 96 de la Loi de la Législature se rend
coupable ou non d'une atteinte aux privilèges de la Chambre ou à
son indépendance.
En étant saisi de la motion du député de
Crémazie, le président n'a qu'à s'assurer que son contenu
réfère à une violation des privilèges de la Chambre
et de son indépendance. S'il va plus loin que cela, il s'immisce dans
des questions de droit qui ne sont pas de sa compétence.
Le président peut interpréter le règlement, mais
pas la Loi de la Législature ni aucune autre loi. Or, la motion du
député de Crémazie allègue des faits suffisamment
précis qui, s'ils étaient fondés, pourraient rendre le
député de Sauvé et chef de l'Opposition officielle indigne
de siéger pour avoir enfreint les dispositions qui visent à
assurer l'indépendance de la Législature. C'est le contenu de la
motion qui en témoigne.
D'ailleurs, cette motion réfère à l'article 96 et
aux articles 75 et suivants de la Loi de la Législature, ces derniers
faisant partie de la sous-section qui traite de l'indépendance de la
Législature.
Dans sa forme comme dans son contenu, la motion a donc tous les
éléments qui militent en faveur de sa recevabilité.
Pour terminer, faut-il mentionner qu'une motion du genre n'est pas
usuelle dans nos institutions parlementaires? En 100 ans, peut-on trouver une
couple d'exemples, au Québec, où un député porte
une accusation de cette gravité contre un de ses collègues? Il
s'agit bien d'une procédure extraordinaire qui entraîne de graves
conséquences et qui commande un jugement de la part de ses pairs.
Dès que les conditions de forme sont respectées, dès que
des faits suffisamment précis sont allégués et qu'on
accroche l'accusation à la Loi de la Législature en
général et que ce type d'accusation n'est pas attribué aux
tribunaux ordinaires, il n'appartient plus au président de
décider si l'enquête de la commission de l'Assemblée
nationale doit avoir lieu ou non, mais bien à l'Assemblée
nationale elle-même et c'est le but que vise la motion actuellement
devant nous.
Tout à l'heure, par un vote, l'Assemblée nationale
décidera elle-même si cette enquête doit être tenue.
Si c'est là son désir, la
commission siégera. Elle fera ensuite son rapport et, de nouveau,
l'Assemblée sera saisie de l'affaire pour entériner ou rejeter
les conclusions de la commission.
Le président ne peut se placer au-dessus de l'Assemblée;
il n'en est que le serviteur. Si la motion respecte les conditions de base,
à l'Assemblée nationale de se prononcer.
Quant au deuxième volet de l'argumentation du
député de Maisonneuve, il m'est impossible d'y apporter quelque
commentaire que ce soit parce qu'en ce faisant, j'irais au fond de la question,
ce qui n'est pas de mon ressort.
Pour toutes ces raisons, je déclare que la motion du
député de Crémazie et ministre de l'Immigration est
régulière et doit être déclarée
recevable.
Maintenant, le président de l'Assemblée nationale m'a
informé qu'il avait consulté chaque parti, le parti
ministériel, l'Opposition officielle, le Parti créditiste et
également l'honorable député de Johnson. Je vais vous
donner le résultat de la rencontre.
Il s'agit d'un débat de trois heures. On m'a informé que
le Parti créditiste et l'honorable député de Johnson ne
désiraient pas intervenir dans ce débat. Est-ce exact?
M. SAMSON: Véridique.
M. BURNS: M. le Président, j'aimerais apporter la
précision suivante, pour qu'on se comprenne bien. C'est un débat
qui dure trois heures à compter du début de la séance. Le
débat on n'a qu'à regarder l'horloge ne peut pas
durer trois heures. Il reste une heure et demie, en fait.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Egalement, il a été
entendu entre les leaders concernés que ce débat durerait trois
heures à compter du début de ce débat, effectivement.
M. LEVESQUE: On pourrait peut-être s'entendre. Si on convenait
d'une heure et quart par parti?
M. BURNS: Je n'aurai pas besoin d'autant de temps que cela,
personnellement.
M. LEVESQUE: Enfin, d'accord? M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: Si cela dépassait une heure, si ça ne prenait
que quelques minutes pour terminer, on pourrait terminer; sinon on verra
à ce moment-là.
M. BURNS: D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une heure et quart par parti,
d'accord? On m'a également fait part qu'il n'y aurait qu'un
interlocuteur de chaque côté, soit, d'un côté, le
ministre de l'Immigration et, de l'autre côté, l'honorable
député de Maisonneuve. Mais évidemment en laissant tous
les droits au chef de l'Opposition officielle, en vertu du règlement,
d'intervenir; c'est un droit strict que vous avez si vous le
désirez.
M. MORIN: Non.
M. BURNS: M. le Président, je veux juste réserver le droit
possible je ne vous dis pas que ça va se faire mais le
droit possible du député de Saguenay, en ce qui nous concerne,
mais à l'intérieur de notre temps.
M. LEVESQUE: M. le Président, il ne faudrait pas oublier qu'il y
a le droit de réplique qui appartient au proposeur de la motion. Il a
l'intention de l'exercer et d'avoir le temps nécessaire pour
l'exercer.
M. BURNS: II a son droit de réplique à l'intérieur
de son heure et quart.
M. LEVESQUE: Non, non! je le comprends, d'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Prenons comme principe une heure et
quart de chaque côté, incluant le temps de l'honorable chef de
l'Opposition officielle s'il désire intervenir; c'est son droit. Il y
aura un interlocuteur de chaque côté. Cependant, si un
côté veut se servir du privilège pour un autre intervenant,
ce même droit sera accordé à l'intérieur de l'heure
et quart, incluant le droit de réplique de l'honorable ministre de
l'Immigration.
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Immigration, député de Crémazie.
M. Jean Bienvenue
M. BIENVENUE: M. le Président, je comprends que mon rôle,
les objectifs que je dois poursuivre en intervenant sur ma propre motion
consistent, comme le dit le règlement, à préciser les
accusations.
Evidemment, quand on parle des accusations, dans le cas qui nous
concerne, on pense à deux volets, à deux facettes, on pense au
droit et on pense aux faits. Je m'explique. Si les faits que nous entendons
mettre en preuve subsé-quemment et que nous réussissions à
prouver ne débouchent sur rien, ne donnent ouverture à rien,
aucun remède, aucune sanction, parce qu'ils ne s'appliqueraient pas
notre règlement ou la Loi de la Législature aux
faits et aux incidents qui nous intéressent, il serait illusoire de se
lancer à la poursuite de la preuve des faits.
Donc, je dois ce matin préciser d'une part,
un peu comme l'a fait en anticipant hier le député de
Maisonneuve, que ces accusations sont soutenues par le droit qui s'applique et
que les faits ont réellement existé.
Je devrai, en conséquence, M. le Président, indiquer la
preuve, les éléments de preuve que je tenterai de soumettre
à la commission de l'Assemblée nationale, tant sur le droit que
sur les faits, de la même façon que l'avait fait mon
collègue de Maisonneuve lors des incidents dont nous nous rappelons, au
printemps dernier, sur ce qui a été appelé l'affaire
Boutin.
Je devrai, enfin, tenter, ce matin, de convaincre tous mes
collègues de l'Assemblée nationale, y compris ceux des
différentes Oppositions, de voter pour cette motion qui, elle, recherche
un but, un objectif, la convocation de la commission parlementaire pour
enquêter.
Il est bon, avant d'aller plus loin, de lire ce livre de chevet, cette
bible qui va nous guider dans nos délibérations, dans notre
enquête, si elle a lieu, si un vote était favorable, qu'est la Loi
de la Législature du Québec et ses amendements.
Je veux d'abord lire l'article 96, 2e paragraphe, qui nous concerne de
façon particulière dans le cas qui nous occupe: En outre de
l'allocation prévue à l'article 99, il est aussi accordé
à tout député pour l'indemniser des dépenses qu'il
encourt pour les fins d'une mission officielle qu'il a accepté
d'accomplir à la demande du président, agissant sur la
recommandation des commissaires nommés en vertu de l'article 54, une
allocation qui lui est versée aux conditions et selon les barèmes
et les modalités qui sont établis par ces commissaires.
Sous-paragraphe suivant, qui nous touche d'encore plus près:
Aucune allocation ne peut être accordée, en vertu de la
présente disposition, aux députés qui sont membres du
Conseil exécutif c'est-à-dire, dans les faits, les
ministres au Québec ou au député qui occupent le
poste reconnu de chef de l'Opposition".
On comprend tout de suite, M. le Président et j'y
reviendrai plus tard que l'article que je viens de lire, la partie
positive, le premier des deux alinéas, qui dit: "II est aussi
accordé une allocation pour les fins de missions, etc." que cette
article est une exception à la règle générale
qu'est l'article 75 et j'y reviendrai et que le deuxième
sous-alinéa qui dit: "Telle indemnité ou allocation ne peut pas
cependant être accordée ou à des ministres ou au chef de
l'Opposition" devient une exception à l'exception. Je m'expliquerai
davantage plus tard.
Les autres articles qui nous intéressent, M. le Président,
et qui sont évidemment mentionnés spécifiquement dans la
motion, sont les articles 75 et suivants de la même Loi de la
Législature, chapeautés par un titre qui est celui de
l'indépendance de la législature, et tous chapeautés, ces
articles 75 et suivants, par cette section IV de la Loi de la
législature dont le premier titre est celui des immunités et
privilèges de l'Assemblée nationale.
L'article 75, M. le Président, se lit comme suit: "Sauf les
dispositions spéciales ci-après, nul, s'il accepte ou occupe une
charge, un office ou en emploi d'une nature permanente ou temporaire, sous le
gouvernement de la province, auquel un traitement ou salaire annuel ou des
honoraires, allocations, émoluments ou profits d'un genre quelconque
venant de la province sont attachés... n'est éligible comme
député à l'Assemblée nationale et ne peut
siéger ou voter en cette qualité pendant qu'il occupe cette
charge, cet office ou cet emploi". Je m'abstiens pour le moment, M. le
Président, de lire l'article 76, dont j'ai dit il y a un instant qu'il
était, avec ceux qui le suivent, l'exception à ce que je viens de
lire, c'est-à-dire aux dispositions de l'article 75.
Je voudrais d'abord, M. le Président, procéder à
réfuter l'argumentation du député de Maisonneuve qu'il a
servie à cette Chambre hier sur le droit, sur les articles dont il est
question, et argumentation que j'ai refusé, moi, de reprendre, à
laquelle j'ai refusé de participer hier sciemment, parce que je
considérais qu'elle portait exclusivement sur la question de fond, qui
concerne le droit, et qui appartenait à la séance d'aujourd'hui,
sur l'audition de cette motion.
Le député de Maisonneuve, M. le Président, nous a,
hier, tout d'abord servi l'argumentation suivante et, évidemment,
j'extrais simplement du journal des Débats certains passages. Je le
cite: "Ce n'est pas une question de privilège". Il soutenait que je me
référais à l'article 96, mentionné dans la motion,
pour dire qu'il ne peut conduire, cet article, à une question de
privilège et j'ajoute évidemment par interprétation
à la motion qui en a découlé sous l'article 80 et
qui est devant la Chambre ce matin. Je fais le commentaire suivant, M. le
Président: La motion parle de l'article 96, fort bien. Mais elle parle
aussi de l'article 75 et de l'article 76 parce que j'ai parlé des
articles 75 et suivants. On reviendra en particulier à l'article 76,
troisièmement, qui est la base même de la sanction
d'inhabilité ou enfin de l'enchaînement du raisonnement
légal conduisant à faire le lien entre l'article 96 et l'article
75, donc qui est le jalon sine qua non de la démonstration que j'entends
faire. Si l'on regarde l'article 76, on aura tôt fait d'y
découvrir qu'il se réfère non pas implicitement mais
explicitement à l'article 75.
Pour ce qui est de 75, la jurisprudence qui a été
établie en cette Chambre à l'occasion de cette affaire Boutin
confirme qu'il faut recourir et à une question de privilège, puis
à l'avis au feuilleton et à la motion, si on veut aboutir
à une déclaration éventuelle d'inéligibilité
ou d'inhabilité.
Le député de Maisonneuve je poursuis toujours mes
commentaires sur l'argumentation qu'il nous a servie hier dit
qu'à l'article 75 on voit l'inhabilité des fonctionnaires
provinciaux. On verra au journal des Débats que le député
de
Maisonneuve se limite à parler de l'inhabilité. De qui?
Des fonctionnaires provinciaux. Et il n'a pas complètement tort à
la face même de l'article. En effet, si on regarde le titre en marge,
même si je reconnais que le titre n'a aucune valeur juridique, on parle
bien dans le texte français de l'inhabilité des fonctionnaires
provinciaux.
Si on regarde, par ailleurs, la traduction anglaise, à la droite,
on parle de "ineligibility of provincial office-holders, etc." On n'a pas le
"etc" dans le texte français et on l'a mis dans le titre de la version
anglaise, "etc." Le député de Maisonneuve, M. le
Président, oublie l'article 76 où on parle aussi
d'inhabilité des députés, et j'y reviendrai. Je dis tout
de suite que, lors de l'énumération des articles qu'il a faite
hier devant la Chambre, il a parlé de 75, 77, 78 et suivants, mais, par
hasard ou autrement, il n'a pas mentionné 76.
On verra l'importance extrême de cet oubli ou, si l'on
préfère, les conséquences extrêmes de l'existence de
l'article 76 dans le cas qui nous concerne. Le député de
Maisonneuve soutient que l'article 96 est de nature différente de 75,
mais toujours, je le répète, en oubliant l'existence de 76 qui
suit et qui, lui, se réfère explicitement à 75. Le
député de Maisonneuve disait: "II ne s'agit pas ici en
parlant de l'article 96 de défendre aux députés de
poser certains gestes, mais, au contraire, de permettre aux autorités de
l'Assemblée de verser aux députés certaines
allocations."
Evidemment, ce sont là ses commentaires en parlant du premier
paragraphe et j'imagine, par interprétation, les conséquences
juridiques du second qui dit qu'on ne peut pas verser telle indemnité
à telle ou telle personne. Donc, aux yeux du député de
Maisonneuve, cette disposition de la loi est d'ordre purement administratif.
Elle interdit, selon lui toujours, aux autorités, à des hauts
fotionnaires, à des fonctionnaires, au président de la Chambre,
au comptable au ministère des Finances et à qui sais-je de verser
tel ou tel type d'indemnité à tel ou tel type de personne. Par
conséquent, en deux mots, c'est pour lui une simple restriction de
payer.
Mon commentaire est le suivant, M. le Président. La
défense de poser certains gestes, c'est-à-dire de payer des
sommes autres que celles prévues à la loi, si elle n'est pas dans
l'article 96, est clairement à l'article 76, troisièmement,
puisqu'on y dit que les allocations et indemnités payables en vertu de
la loi ne sont pas cause d'inhabilité, toujours d'inhabilité qui
est prévue à l'article 75.
Je répète. On dit, à l'article 76, que les
allocations indemnités ou autres sommes prévues en vertu de la
loi, pas seulement à 76, mais n'importe où dans cette Loi de la
Législature, ne sont pas des causes d'inhabilité en vertu de
l'article 75, et je préciserai ma pensée un peu plus tard. Je
tire évidemment et immédiatement l'argument suivant a
contrario... les autres montants, les autres indemnités et allocations
payés en dehors des articles 76 et suivants, en dehors de cette
même loi ou interdits par cette même loi ne peuvent être
encaissés si ce n'est au risque d'encourir la sanction prévue
à la section IV, à savoir l'inhabilité.
Je dis, quant à ces sommes payées en dehors de cette loi,
non prévues par cette loi, non mentionnées même par cette
loi, je dis que ce raisonnement tient, à fortiori, surtout si les sommes
dont il s'agit sont formellement et spécifiquement prohibées,
comme c'est le cas à l'article 96, deuxièmement.
En deux mots, l'article 76, qui est l'exception à l'article 75,
dit que pour cette inhabilité, cette sanction, cette peine que l'on
trouve à l'article 75, il y a des règles. On peut y
échapper, et ceux qui peuvent y échapper sont ceux qu'on
énumère à l'article 76, qu'on énu-mère dans
les articles qui suivent, tous faisant partie de ce chapitre de la Loi de la
Législature. Ce sont là les indemnités, les montants, les
allocations, les sommes d'argent prévus par la loi et qui permettent
d'échapper à la rigueur de l'article 76.
Toutes sommes, toutes indemnités, toutes allocations, tous
paiements non prévus à l'article 76 ne bénéficient
pas de l'exemption, de l'exonération, de la protection des articles 76
et suivants et, en conséquence, rendent passible d'inhabilité
celui qui les a reçus.
Mais je dis, à fortiori lorsque le législateur a
poussé le zèle, si on veut appeler cela de cette façon, a
poussé le souci du détail et de la précision
jusqu'à interdire formellement et spécifiquement telles sommes,
indemnités, allocations, émoluments, etc., et c'est ce que l'on
voit à l'article 96, deuxièmement. Je poursuis.
Le député de Maisonneuve disait aussi, toujours à
l'appui de ce premier volet de son argumentation sur le droit, que c'est parce
qu'il ne s'agit pas d'une prohibition que l'on retrouve dans la loi et de
sanction qui fasse référence à cet article. Je dis que
cela est absolument faux en droit.
D'abord, il y a l'article 75 que j'ai déjà lu et dont on
se rappelle, qui dit que "nul, s'il accepte ou occupe une charge, un office ou
un emploi (...) sous le gouvernement de la province, auquel un traitement ou
salaire annuel, ou des honoraires, allocations, émoluments ou profits
d'un genre quelconque venant de la province, etc.", n'est éligible et ne
peut siéger.
Evidemment, M. le Président, tous les députés,
comme le chef de l'Opposition occupent de telles charges. C'est l'article 75 et
là, j'arrive à la motion que j'avais à peine
effleurée il y a un instant, à savoir que l'article 75 s'applique
non seulement aux fonctionnaires, non seulement à un sous-ministre, non
seulement à un procureur de la couronne, non seulement à l'ancien
député de Johnson, advenant que l'on ait un jour ce qui
n'a pas été fait fait la preuve qu'il avait retiré,
par des mandats, des sommes venant du Québec, mais je vais plus loin et
je dis
que l'article 75 s'applique à toute personne qui est
député ou veut le devenir. Je m'explique.
Pour suivre à la lettre et avec rigueur mon raisonnement, et je
pense d'ailleurs que l'histoire m'approuve là-dessus, il y a de cela
bien des années, à une période aussi vieille que ce
règlement désuet je l'ai dit que cette loi
désuète je l'ai dit et je le reconnais encore aujourd'hui,
dura lex, sed lex je dis que le député, en vertu de
l'article 75, au départ, est un bénévole. Je dis que le
député est un personnage qui, pour se soumettre à
l'article 75, pour ne pas être disqualifié à cause de
l'article 75, à la rigueur de mon raisonnement, ne doit pas être
payé. C'est un député sans traitement, sans
émolument, sans indemnité, sans allocation, s'il veut
résister à la sévérité de l'article 75.
En 1974, tous mes collègues et moi, et vous, M. le
Président, en droit strict, s'il n'y a pas plus que l'article 75 dans
cette loi, nous ne pouvons siéger ici que bénévolement,
sans traitement, sans indemnité, sans salaire. Sinon, nous sommes une de
ces personnes qui acceptent, qui occupent une charge, un office ou un emploi de
nature permanente ou temporaire sous le gouvernement de la province, auxquels
un traitement, un salaire annuel ou des honoraires, allocations,
émoluments au profit d'un genre quelconque venant de la province sont
attachés. Les députés ne sont pas exclus de l'article qui
les concerne. Il s'applique, cet article, aussi bien à mon sous-ministre
qu'à moi. S'il n'y a que l'article 75, nous ne pouvons recevoir quoique
ce soit, tous tant que nous sommes, si nous voulons rester éligibles et
habiles. Mais il arrive que l'article 76, qui suit immédiatement, nous a
dispensés de ce bénévolat. Il nous a permis de recevoir un
traitement pour échapper à l'article 75. L'article 76 nous
protège, nous et d'autres, de la sévérité de
l'article 75. L'article 76, qui vient tout de suite après, indique
clairement que les indemnités et allocations payées en vertu de
la présente loi aux ministres, en vertu de la Loi de l'exécutif,
au président et à vous, M. le Président, et à votre
collègue, au chef de l'Opposition officielle, à qui on a
consacré d'ailleurs un article spécial pour justifier
l'excédent de traitement et de dépenses qu'il a par rapport aux
autres députés, on dit bien que toutes ces personnes et toutes
les sommes d'argent qu'elles reçoivent, à des titres divers
et cela va aller, on le verra, jusqu'à parler du logement gratuit
que pour toutes ces personnes le traitement, les émoluments, les
indemnités, les allocations qu'elles reçoivent ne sont pas des
causes d'inhabilité. Donc, toutes ces personnes on les couvre, on les
protège à l'encontre de cet article 75, qui, tout nu, seul dans
la loi, exigerait l'héroïsme du bénévolat.
On le voit facilement, M. le Président, et je ne crois pas
nécessaire d'insister beaucoup davantage, on le voit, lorsqu'on dit
à l'article 76: Des indemnités et allocations et cela est
l'article que par hasard le député de Maisonneu- ve a
oublié hier, dans l'énumération de ceux auquels il a fait
allusion de quelque nature qu'elles soient, on verra que cela
peut-être...
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet la rectification suivante? Si
j'avais parlé de l'article 76, hier, je me serais lancé au fond
et au mérite du débat. C'est délibérément
que j'ai omis de citer cet article, hier, parce que je parlais de
recevabilité, non pas du mérite.
M. BIENVENUE: D'ailleurs, je n'ai pas imputé de motif à ce
sujet et le député de Maisonneuve le sait.
Alors je reprends l'article 76, paragraphe 3. Les indemnités et
allocations de quelque nature qu'elles soient. J'ai parlé tout à
l'heure de logement, on peut parler de coût attaché au nombre de
milles parcourus en automobile. On peut parler d'un tas de choses. Que la loi
réserve expressément on le verra les
indemnités et allocations de quelque nature qu'elles soient,
payées en vertu de la présente loi au président et au
vice-président de l'Assemblée nationale, aux membres de
l'Assemblée nationale et, on le voit tout de suite après, au
député qui occupe le poste reconnu de chef de l'Opposition
à l'Assemblée nationale.
Alors on dit bien: Les allocations et indemnités de quelque
nature qu'elles soient payées aux membres de l'Assemblée
nationale, mon indemnité de député, M. le
Président, mon montant de quelque $7,000 pour frais de
représentations non taxable; ce sont les indemnités et
allocations de quelque nature qu'elles soient auxquelles fait allusion la loi,
le logement d'un de mes collègues de l'extérieur dans la ville de
Québec, le montant de tant le mille pour venir à Québec,
le nombre de voyages forfaitaires, etc. Ce sont ces indemnités,
allocations de quelque nature qu'elles soient, le logement qu'occupe ici le
président de l'Assemblée nationale.
Alors, on énumère une série de personnes, et on
arrive à la fin de l'article: Ne sont pas des causes d'inhabilité
au sens de l'article 75.
M. BURNS: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. BIENVENUE: Avec plaisir.
M. BURNS: Le paiement qui a été fait et d'ailleurs
que j'ai admis hier le paiement de quelque $1,796, je pense,
d'après le ministre, c'est ça que j'aimerais entendre, il a
été fait, ce paiement, en vertu de quelle loi?
M. BIENVENUE: Ce paiement a été fait et n'aurait pas
dû l'être je le dis et j'y reviendrai lorsqu'on parlera des
faits en vertu d'un article de la Loi de la Législature, qui est
l'article 96, paragraphe 2. C'est un des cas on l'a dit à
plusieurs reprises prévus à la présente loi et
faisant exception à l'article 75. Mais j'ai ajouté: n'aurait pas
dû l'être, et je dirai plus tard:
n'aurait pas dû davantage être encaissé,
endossé et dépensé parce qu'il y a l'exception à
l'exception, parce qu'il y a interdiction à ce paiement dans le cas de
deux types de personnes.
M. BURNS: Mais il a été fait en vertu de la Loi de la
Législature?
M. BIENVENUE: Définitivement. M. BURNS: Bon, d'accord.
M. BIENVENUE: Alors, je dis: Ces indemnités et allocations,
payables aux membres de l'Assemblée nationale, ne sont pas des causes
d'inhabilité au sens de l'article 75, ce qui démontre, a
contrario, ce que je viens d'essayer d'établir devant cette Chambre,
c'est qu'on permet aux députés de recevoir un traitement, donc de
ne pas être des bénévoles. On leur permet d'échapper
à la rigueur et aux sanctions de l'article 75 parce qu'on le dit
clairement à l'article 76 et dans les articles qui suivent.
Donc, aux députés, on dit: Messieurs, vous pouvez recevoir
un traitement et cela ne vous empêchera pas d'être habiles ou
éligibles. Article 75. Mais on ne le dit nulle part des procureurs de la
couronne, on ne le dit nulle part des sous-ministres, des fonctionnaires etc.
Je dis donc que tout député, recevant, en vertu de la loi, toute
somme d'argent, que cela vienne de l'Assemblée nationale, que cela
vienne d'ailleurs, que cela vienne de quelque fonds que l'on veuille qui
émane des deniers publics du Québec, par opposition à ceux
du fédéral ou de l'entreprise privée, je dis donc que ces
gens ne peuvent être députés, ne peuvent être
qualifiés habiles et éligibles que si les sommes d'argent qu'ils
reçoivent leur sont accordées, leur sont permises en vertu de
l'un ou l'autre des articles qui suivent l'article 75 et, a fortiori, ne leur
sont pas interdites de façon spécifique comme dans le cas qui
nous occupe.
En conséquence, les indemnités et allocations
payées, et qui ne sont pas prévues à la présente
loi, sont cause automatique d'inhabilité et, dans le cas qui nous occupe
ici, je me répète mais à dessein, à l'article 96,
deuxièmement, non seulement ce ne sont pas des allocations, ou des
dépenses ou des indemnités pas prévues, donc non seulement
elles ne sont pas "pas prévues" mais davantage elles sont interdites
formellement, spécifiquement, le législateur ayant
été là à faire une réserve, une
interdiction, une prohibition qu'il ne s'est même pas donné la
peine de faire ailleurs. C'est donc une cause d'inhabilité comme on
vient de le voir.
Or, le chèque encaissé par le député de
Sauvé, accepté, encaissé, dépensé par le
député de Sauvé, non seulement n'est pas et je
pense que c'est le mot qui donne bien la notion que je recherche non
seulement ce chèque n'est pas protégé dans l'article 76
mais en plus il est formellement interdit, ce chèque, à l'article
96.
Qu'on ait et j'anticipe eu tort de le verser, qu'on l'ait
versé par erreur, par négligence j'irai plus loin, Dieu
merci j'espère qu'on comprendra bien que c'est seulement pour les fins
de l'hypothèse qu'il ait été versé par
malice, par perversité, comme un piège, comme une trappe, comme
une source d'embêtement, de façon volontaire et vicieuse, cela ne
justifiait pas et cela ne peut jamais justifier son acceptation, son
encaissement et son usage.
Le député de Maisonneuve a parlé, pour
étayer la thèse contraire à celle que j'explique, pour
montrer que s'il devait en être ainsi, cela ne serait plus vivable comme
député.
Il donnait cet exemple : La loi nous autorise quinze voyages et
qu'arriverait-il si, par malheur, par inadvertance, nous recevions le paiement
d'un seizième, l'encaissions et le dépensions sans protester,
sans le remettre, etc.?
Pour les fins de l'hypothèse, de la stricte hypothèse, en
droit pur, je dis qu'au mieux on pourrait dire que le seizième
chèque ou seizième voyage n'est pas interdit
spécifiquement, la loi, de façon positive, se contentant de dire:
Les députés ont droit à quinze voyages, ont droit à
un logement et là je peux faire erreur ont droit à
$0.14 le mille. Cela implique évidemment que si c'est ce à quoi
on a droit et je pense que c'est une vérité de la Palice
on n'a pas droit à plus que cela. Parce que si on avait droit
à 17 voyages, la loi dirait 17 voyages.
Je dis qu'au mieux, on pourrait dire que même si le
seizième voyage n'est pas interdit spécifiquement, même si
le deuxième logement n'est pas interdit spécifiquement, alors que
la loi, pourtant, ne parle que d'un logement, même si les $0.18 le mille
ne sont pas interdits spécifiquement, alors que la loi dit, j'imagine,
pour les fins de la discussion, que c'est $0.14 le mille, je dis qu'ici, et
contrairement à cela, c'est prévu dans le cas qui nous occupe.
C'est interdit formellement dans le cas qui nous occupe. C'est ce que,
évidemment, pour les fins de la discussion l'image est
peut-être imparfaite je qualifiais de zèle du
législateur, ce que l'on peut discuter. Pourquoi le législateur
a-t-il imposé aux ministres et au chef de l'Opposition d'aller en
Europe, dans les missions officielles, avec leurs collègues
députés, à leur frais? Pourquoi avoir imposé cela?
La loi, M. le Président, est ainsi faite. On ne doit pas l'interroger,
on doit la respecter.
Je dis que dans le cas actuel, comme pour mieux s'assurer qu'il n'y
avait pas moyen d'y échapper contrairement aux exemples que j'ai
donnés, on l'a interdit spécifiquement.
Quant à la prétention du député de
Sauvé, j'ai mes réserves. Je pense que cela se dégage
assez de ce que je dis. On aura l'occasion d'y revenir plus tard. Le
député de Sauvé a eu une attitude candide. Cela a
été ses propres mots: Mais, M. le Président, je me suis
soumis à vos directives. J'ai accepté. Vous représentez
à mes yeux le gardien et l'arbitre de la loi qui nous
dirige. Vous m'avez expédié ou fait expédier un
chèque. Pour moi, il y avait apparence de légalité. Vous
êtes le gardien de la loi.
C'est le raisonnement du député de Sauvé. Et
là, je cesse de suivre, M. le Président. Il est quand même
professeur de droit, le député de Sauvé, et la loi est la
même pour tous. Ce qui me frappe, M. le Président, du moins
à ma connaissance et au moment où je vous parle, à midi,
ce 20 décembre, c'est que dans cet article 96, deuxièmement, que
le député de Sauvé et le député de
Maisonneuve ainsi que plusieurs journaux ont repris en coeur, on voit une
interdiction d'ordre administratif. On pense que c'est le président qui
est visé. Je me rappelle et j'aurai l'occasion d'y revenir plus
tard cette remarque d'un journaliste, M. Delorme, je pense, de
Radio-Canada qui, visant manifestement la présidence, me faisait viser
le noir et tuer le blanc. Je dis, M. le Président, que non et je dis que
je ne parviens pas à comprendre. Cela deviendra un élément
de preuve par la suite, mais je dis, pour indiquer la preuve que je tenterai de
faire, au moment où on se parle, à midi, aujourd'hui, que
l'article 96 indique bien de façon très claire que c'est une
interdiction formelle: "Aucune allocation ne peut être accordée en
vertu de la présente disposition aux députés qui sont
membres du conseil", etc., "ou au député qui occupe le poste de
chef de l'Opposition". Le chef de l'Opposition n'a pas, que je sache, à
ce jour, offert de rembourser aux contribuables québécois cette
somme de $1,796 qu'il n'a pas le droit d'avoir. Entendons-nous, qu'il n'a pas
le droit d'avoir
Qu'on prenne l'interprétation littérale de l'Opposition en
disant: C'est l'autre qui n'avait pas le droit de la lui verser, ou qu'on
prenne la mienne en disant: Qu'on ait eu ou pas le droit, lui n'avait pas le
droit de l'encaisser.
Aujourd'hui, cette somme n'est pas revenue aux contribuables
québécois.
Je tenterai de prouver, sous forme de preuve circonstantielle au moment
de l'enquête, si la Chambre m'accorde un vote positif sur la
motion...
M. BURNS: Vous êtes prêts à en sortir pas mal des
poches des contribuables québécois avec votre loi sur
l'augmentation de salaires. Vous n'avez pas l'air d'être si
gênés!
M. BIENVENUE: Je dis, M. le Président, que je tenterai de faire
la preuve circonstantielle qu'il faut en revenir de la candeur, à
laquelle j'ai fait allusion, du député qui, face à son
président, gardien de la loi, s'incline, accepte, encaisse, en disant
que toute l'initiative vient de la présidence, que c'est la
présidence qui écrit, que c'est la présidence qui choisit
le député en question comme délégué à
Bruxelles et que lui se soumet.
Je tenterai de faire la preuve, à titre collatéral,
à titre ancillaire, à titre circonstantiel, des initiatives,
d'abord, du caucus du député de
Sauvé qui, lui, a désigné le député
de Sauvé à la présidence; le député de
Sauvé n'a vu son choix ratifié qu'à la suggestion expresse
du caucus.
Je tenterai de prouver qu'à la même occasion, à
l'occasion de cette mission officielle, le député de Sauvé
enfin, il appartiendra à d'autres de le juger a fait ou a
tenté de faire une chose nettement illégale, soit d'obtenir le
paiement de fonds du Conseil du trésor; alors que seuls les chefs, les
sous-chefs ou les fonctionnaires autorisés d'un ministère peuvent
le faire, le député de Sauvé, comme chef officiel de
l'Opposition, a tenté d'obtenir, à l'occasion de ce voyage, pour
son attaché de presse, des deniers auxquels il n'avait pas droit, qui,
d'ailleurs, ont été refusés par le Conseil du
trésor, pour métro, pour chasseurs, pour pourboires, pour
hôtels, pour location de salles, etc. Enfin, cela viendra, M. le
Président, à l'occasion de la preuve.
Le député de Maisonneuve a ouvert un deuxième
volet, celui du document signé par un M. Wilson, du bureau du
président de la Chambre, disant, au sujet de ce document dont il se
servait pour bien montrer, comme le député de Sauvé, que
cela avait été imposé, qu'on s'était soumis, qu'on
avait reçu et encaissé parce que ça nous arrivait, que le
président ne pouvait interdire aujourd'hui ce qu'il avait lui-même
autorisé en juillet.
Mon commentaire est le suivant: Ce n'est pas au président de
juger des questions soulevées par la section IV de la Loi de la
Législature; c'est à la commission parlementaire, et à la
commission parlementaire seule. Je pense que je suis en bonne compagnie avec
May's que l'on a souvent cité, le printemps dernier, lors de l'affaire
Boutin et je suis en bonne compagnie avec mon ami, le député de
Maisonneuve, lorsque je parle de May's.
M. BURNS: Vous avez changé d'avis?
M. BIENVENUE: J'ai réfléchi pendant l'été.
J'avais dit, à l'époque, à mon ami, le
député de Maisonneuve, que ses arguments me troublaient
profondément, m'impressionnaient. La réflexion fut bonne à
celui qui vous parle et je me range de plus en plus du côté de mon
ami et excellent légiste, le député de Maisonneuve.
Tant qu'un homme peut reconnaître ses erreurs, il y a espoir. Je
fais la proposition suivante: Aucun juge, et j'inclus la cour Suprême du
Canada, pas plus qu'aucun ministre, pas plus qu'aucun haut fonctionnaire, pas
plus qu'un chef de police d'une municipalité, pas plus qu'un conseil
municipal et son maire, pas plus que vous, M. le Président, n'avez le
pouvoir de faire plus qu'interpréter, et, ensuite, appliquer la loi.
Vous ne pouvez faire davantage.
Un maire et son conseil ne peuvent faire plus qu'interpréter et
appliquer les règlements de leur municipalité. Si, par malheur
et je pense que l'histoire assez proche de nous, nous le
rappelle ils devaient écarter la loi à l'occasion
d'un problème de zonage ou de tout autre problème de même
nature, ils ne sont pas au-dessus de la loi et doivent en subir les
conséquences. Enfin, non pas eux-mêmes mais la chose dont il
s'agit, la chose administrée doit en subir les conséquences. Et
cela ne légitime pas, cela ne légalise pas.
L'individu à qui le chef de police de sa municipalité dit:
Mon ami, je te permets de prendre une course, je te permets d'aller à
140 milles à l'heure sur la route 20 et tu as ma protection. On ne peut
pas se défendre en disant: Le policier me l'a permis, M. le
Président. Ce n'est pas une défense. Et, si un autre policier
s'avise d'être là, on se fait pincer.
Le juge qui dirait: Mon ami, je vous ordonne, non seulement je vous
permets mais je vous ordonne d'aller voler. Et vous le faites! Devant un autre
juge, vous ne pourrez pas dire: Je ne suis pas coupable, votre collègue
me l'a permis.
Ils ne peuvent faire plus, ceux que j'ai nommés, qu'appliquer la
loi et l'interpréter. Ils ne peuvent pas, par conséquent,
l'écarter ou l'enfreindre ou l'amender, tous gestes, toutes attitudes
qui feraient que l'on dirait d'eux qu'ils se placent au-dessus de la loi. S'ils
le font, le ministre en question, le haut-fonctionnaire, le chef de police, le
maire, le président de la Chambre, le juge de la cour Suprême,
s'ils le font, M. le Président, ils le font sous peine de nullité
absolue. Et cela, que ce soit fait je l'ai dit tout à l'heure
pour les fins de l'hypothèse sciemment ou par erreur ou par
oubli. Seuls je dis bien seuls non seulement peuvent mais sont
au-dessus de la loi et en conséquence peuvent faire ce qu'ils veulent de
la loi, l'amender, la modifier, l'abroger, la voter, dans le cas des provinces
la Législature, au Québec l'Assemblée nationale, et, au
gouvernement central, le Parlement, seuls ceux-là peuvent dispenser de,
modifier, écarter, amender.
Il aurait fallu, dans le cas du député de Sauvé,
pour qu'il puisse avoir le droit d'accepter, d'encaisser, de dépenser,
que la Chambre, que l'Assemblée nationale et elle seule
ait voté un amendement abrogeant l'article 96, deuxièmement, en
lui permettant dorénavant, ainsi qu'à mes collègues du
Conseil exécutif, d'avoir droit à ces sommes. D'aucune autre
façon, quels que soient l'attitude, la faute, la non-faute, la
responsabilité, l'acte accompli sciemment, l'oubli, l'erreur, la
distraction du président de la Chambre en descendant, du premier
ministre en descendant, de n'importe quel tribunal. Est-ce assez clair?
M. le Président, voilà pour l'argumentation du
député de Maisonneuve. Je veux maintenant toucher à ce que
si le député de Sauvé était avec nous, il
retrouverait l'expression on appelle le "pit and substance". La
substance, M. le Président, de la section IV de la Loi de la
Législature et notamment des sous-sections 2, 3, 4 et 5, toutes
intimement liées entre elles, en ce qu'elles garantissent que les
élus du peuple ne tireront de traitement, d'indemnité,
d'allocation, de profit ou tous autres avantages financiers que ce soit pour
accomplir en toute indépendance et en toute liberté leur devoir,
ce ne sont que ceux et seulement ceux expressément
prévus par la Loi de la Législature. Est-il nécessaire d'y
revenir? Qu'on se sente, si on accepte d'autres, protégé
moralement par le gardien, l'arbitre de la loi, peu importe. Ceux et seulement
ceux-là font que l'on peut les recevoir et ne pas être inhabile,
ne pas être l'objet d'une sanction. Et a fortiori, je le dis pour la
quatrième fois, si le législateur a poussé le zèle
non seulement d'exclure les autres mais d'en interdire un formellement dans la
même loi, à quelques articles plus loin.
C'est le vieux proverbe: La loi est dure. Oui, cruelle, mais c'est la
loi, et cela pour tous les membres de l'Assemblée nationale. Dans le cas
de l'ex-député de Johnson, M. Jean-Claude Boutin, incidemment on
ne l'a jamais appliquée, parce que l'enquête n'a jamais eu lieu,
par conséquent je ne puis pas dire ce qu'eut été l'issue
s'il avait choisi une voie différente, mais je peux dire qu'elle
s'appliquait à lui comme à moi, comme à tous les membres
de cette Chambre et au député de Sauvé et a fortiori dans
son cas.
M. le Président, on l'a vu, l'article 75 inclut les
députés, rend passibles les députés, les force
à être bénévoles à moins que par l'article
76, on permette qu'ils soient payés. On voit les exceptions
prévues par le législateur, je dirai, contre, versus l'article
75. Pour contrer cette règle générale de
l'inhabilité de celui qui accepte quelque argent que ce soit ou avantage
que ce soit, on me permettra l'expression pour être bien clair,
même s'il n'y a pas de "cash", suivent les articles dilatoires de
procédure dans le projet de loi.
Et on reprend ensuite les exceptions. Et à l'article 96, que j'ai
eu l'occasion de lire, c'est là qu'est toute la différence
mais je dis bien sur le texte même de 96, pas quant au reste c'est
toute la différence entre la position, d'une part, du
député de Maisonneuve et du député de Sauvé
et, d'autre part, celle de celui qui vous parle, lorsqu'on interprète,
lorsqu'on évalue le sens de 96. Mes amis d'en face disent que c'est une
simple interdiction, une simple restriction d'ordre administratif, et nous
disons, de ce côté-ci de la Chambre, que c'est davantage. Leur
argumentation est la suivante, ils se basent sur la lettre même, et je
lis: "Aucune allocation ne peut être accordée." Alors, disent-ils,
et je sais que le député de Maisonneuve le redira, on ne
défend nulle part de recevoir. On ne dis pas: aucune allocation ne peut
être reçue par le député de Sauvé; on dit:
aucune allocation ne peut être accordée, donc sous-entendue par
ceux qui ont charge ou mandat pour payer.
Mais je démontre tout de suite que ce serait trop facile
d'échapper à la loi en l'interprétant par sa lettre.
Allons au paragraphe du même article 96 et on retrouve la même
philosophie.
Je lis rapidement: Tout député qui a sa résidence
principale à l'extérieur de la ville de Québec ou d'un
district électoral qui y est contigu a aussi droit au remboursement des
dépenses qu'il encourt pour le maintien, etc., etc., d'un logement.
Là le député de Sauvé y a droit et il l'a, son
logement. Les collègues du Conseil exécutif y ont droit et ils
l'ont, enfin, je ne connais pas leur vie privée, mais ils y ont droit
à leur logement. Et ils ne sont pas exclus, ils y ont droit. Mais je dis
que si c'était exclus là aussi, dans le cas du chef de
l'Opposition officielle et de mes collègues et moi, si on l'excluait, on
n'y aurait pas droit. On recevrait un avantage ou un bénéfice qui
ne nous permet pas d'échapper à la sévérité
de l'article 75 et ce serait une cause, je le dis clairement,
d'inhabilité.
Mais voici ce qu'on dit, en parlant de tout député qui a
sa résidence à Québec: "A aussi droit au remboursement des
dépenses"... Retenez l'expression "a aussi droit" qui implique que s'il
n'y avait pas droit ce serait le contraire, on dirait il n'y a pas droit. Et on
ajoute, à la fin de ce paragraphe: "Ce remboursement n'est pas
accordé." On reprend la terminologie à la lettre de ce que j'ai
cité précédemment lorsqu'on dit: "aucune allocation ne
peut être accordée." On dit ici: "Ce remboursement n'est pas
accordé". On voit tout de suite, que ce qu'on vient de dire, ça
veut dire, en d'autres termes, que seule la personne que j'ai nommée n'y
a pas droit. Cela ne peut lui être accordé et elle n'y a pas
droit, comme celles dont j'ai parlé au début qui sont qui? Les
personnes qui sont tous les députés de cette Chambre. Ce
remboursement n'est pas accordé au premier ministre ni au
président de l'Assemblée nationale s'ils occupent un logement
à l'Hôtel du gouvernement.
C'est clair. Je dis que, si le premier ministre ou le président
de l'Assemblée nationale recevaient le remboursement prévu pour
occuper un tel logement, ils tomberaient sous le coup du règlement que
j'ai invoqué pour mettre en accusation le député de
Sauvé. C'est clair, et ce n'est pas avec la lettre de la loi qu'on peut
jouer, parce qu'il y a l'équation: si c'est accordé, c'est parce
qu'on y a droit; si cela ne peut être accordé, c'est parce qu'on
n'y a pas droit. Et un avocat, professeur de droit par surcroît, devrait
le savoir, parce que les étudiants en droit le savent.
Donc, il n'y a pas droit. Si donc c'est la fin de mon
raisonnement cela ne peut vous être accordé, vous n'y avez
pas droit et, si vous n'y avez pas droit, c'est illégal de l'accepter et
encore plus illégal de l'encaisser.
M. le Président, l'article 96, paragraphe 2) sert à quoi?
Qu'est-ce qu'il fait dans notre Loi de la Législature? C'est ce que
j'appellerai volontiers un frein de secours, un deuxième "brake à
bras", M. le Président. La loi, son premier frein, il est tout le long
des dispositions et il dit: Tout ce qui n'est pas là, vous ne pouvez pas
l'avoir, mais ce que j'appelle mon "brake à bras" dans le cas qui nous
occupe, c'est que la loi vous met un second frein et dit: Non seulement parce
que cela n'y est pas, vous n'avez pas droit de l'avoir, mais vous, je vous
défends de l'avoir. C'est l'article 96.
D'ailleurs, on peut se demander pourquoi on enlève des droits au
député de Sauvé et à mes collègues, parce
qu'on l'a assimilé à mes collègues et à
moi-même au point de vue du traitement. C'est parce qu'on lui a
donné des sommes d'argent en vertu de la loi. En effet, s'il n'y avait
pas l'article 98 qui s'applique au député de Sauvé pour
dire combien il gagne, il serait en difficulté non seulement en vertu de
l'article 96, paragraphe 2), mais en vertu du fait qu'il recevrait de l'argent
que la loi ne lui reconnaît pas, comme telle. Il reçoit aux
environs de $41,000, je l'ignore. Les députés reçoivent
je pense que ce n'est pas un secret pour personne; il va en être
question dans les heures qui viennent un salaire de $15,000 et des frais
de représentation d'environ $7,000. Le député de
Sauvé reçoit tout cela, comme député, et il
reçoit, en plus, $15,000 comme chef de l'Opposition et $3,000 pour ses
dépenses. Il est privilégié par rapport aux autres
députés. On l'assimile au statut des membres du Conseil
exécutif à cause de sa responsabilité et qu'on n'aille pas
écrire et me faire dire que je conteste son traitement. Il a même
on le sait, c'est de notoriété publique, dans la poursuite
de cette analogie une limousine et un chauffeur, mais le
député de Sauvé n'a pas droit aux $0.14 le mille. Le
député de Sauvé, celui qui vous parle et ses
collègues n'ont pas droit aux $0.14 le mille, parce qu'on a un
véhicule à notre disposition. Le loi le dit qu'il n'y a pas droit
et je dis que, s'il l'avait malgré tout, ce serait une autre cause
d'inhabilité. C'est la logique de mon raisonnement.
Alors, il ne peut pas recevoir un cent je dis bien un cent
de plus que les $41,000 environ je n'ai pas le chiffre exact dont
le détail est prévu explicitement dans la Loi de la
Législature et j'ai donné grosso modo le détail.
S'il reçoit un cent de plus, la sanction est qu'il ne pourra plus
être député. Si la loi va plus loin et dit que, dans tel et
tel cas, il ne peut recevoir un cent de plus, vous ne pouvez pas y
échapper, M. le Président.
Dans le cas présent, évidemment, il s'agit de 1,796 fois
100 cents. Voilà, M. le Président, pour l'évidence du
fondement en droit je le soumets respectueusement de mon
accusation, que j'entends faire en commission parlementaire, et cela,
évidemment, si on me donne un vote appuyant ma motion.
Mais, à toutes fins pratiques ce sera presque inutile, parce que
je me bornerai, à ce moment, en commission, à
répéter nos textes, ce que je viens de dire, parce que la loi ne
changera pas d'ici à ce qu'on soit en commission.
Quant aux faits, M. le Président, que je tenterai de prouver,
malgré que le chef de l'Opposition, et cela est manifeste qu'on
ne
bondisse pas, personne si j'emploie le mot "culpabilité", parce
que j'ai bien dit que ce n'était pas criminel, que c'était
technique a reconnu je tenterai de l'établir devant
je ne sais pas combien de millions de téléspectateurs, sa
culpabilité quant au fait en disant qu'il avait effectivement
participé à une mission officielle, en disant qu'il avait
reçu même s'il met la faute sur d'autres il avait
accepté, qu'il avait encaissé cette allocation de quelque $1,700
dont j'ai dit qu'elle était interdite à l'article 96, paragraphe
2 de notre règlement. Ce qui, à la limite, serait suffisant comme
preuve, si on se rappelle que tant au civil qu'au criminel, en toute
matière légale, l'aveu de la partie constitue la meilleure
preuve.
Quand même, nonobstant cela, soucieux, je pense, comme j'ai
toujours essayé de l'être, de permettre et qu'on ne
bondisse pas parce que je dis "l'accusé"; il est accusé par cette
motion et on en a appelé d'autres, accusés, et les "trembling
knees et les bleeding hearts" n'ont pas pleuré à ce moment
à l'accusé une défense pleine et entière, lorsqu'il
fera face à une preuve aussi étanche que complète en droit
et en fait. Par conséquent, nonobstant l'aveu qui a été vu
je le répète à la télévision,
qu'il a répété ici, je tenterai de convoquer tous
témoins avec tous documents démontrant, premièrement, que
le vote d'aujourd'hui, pour la motion, de tous les membres de cette Chambre,
comme lors de l'affaire Boutin je n'ose songer un instant que les
membres de l'Opposition voteront contre la motion: Je pense que comme celui qui
vous parle et tous les députés de cette Chambre, ils veulent
faire la lumière, comme les ministériels dont je suis, en juin
dernier, avaient spontanément et sans la moindre hésitation
donné un vote pour la motion du député de Maisonneuve
que ce vote, dis-je, à toutes fins pratiques n'a d'autre but que
de respecter intégralement les exigences de notre règlement. Cela
au sujet d'une enquête qui, je le dis tout de suite, sera à mes
yeux une enquête pro forma, pour la forme, mais que, en vertu de notre
règlement, il faut tenir, parce que je soumets bien respectueusement que
la loi s'applique, on l'a devant nous, et que les faits sont même admis
par celui à qui on les reproche.
Deuxièmement, que tout citoyen et à plus forte raison tout
député les députés étant des
législateurs à plus forte raison encore un
député parmi ceux-là qui, je l'ai dit, est professeur de
droit, professeur émérite, qui a bien des fois émis des
avis juridiques, et encore davantage donc un juriste, doit se soumettre
à la règle inexorable que nul ne peut ignorer la loi. Que nul ne
peut dire quelle autorité a autorisé telle chose, que tel juge,
tel maire, tel ministre, tel président de l'Assemblée nationale a
autorisé que je fasse telle chose, même si elle est
défendue. Non, M. le Président, nul ne peut ignorer la loi.
Même s'il l'oublie, même s'il est négligent, même s'il
est distrait, le législateur a décidé qu'il ne doit pas
l'ignorer. Cela est l'article de base, c'est la tête de chapitre d'une
des lois les plus connues dans ce pays qui est notre code pénal. Il
serait trop facile, sans cela, de dire: Je ne le savais pas. Bien avant nous,
M. le Président, les Romains ont immortalisé j'aurais une
traduction à donner à mon ami le député de Johnson
s'il était ici, cette notion, ce diktat en disant: Caveat emptor.
Cela a beaucoup d'analogies avec le cas qui nous intéresse.
Caveat emptor signifie: Que l'acheteur soit prudent avant d'acheter; donc, par
analogie, que celui qui reçoit soit prudent avant de recevoir. N'est-ce
pas? Et, même si on me donne dans l'illégalité quelque
chose, cela ne me permet pas de le recevoir dans la légalité, M.
le Président.
Alors, pour toutes ces raisons et d'autres qui viendront plus tard... Et
je demande à mes collègues et à mes amis de l'Opposition
de me donner un vote affirmatif pour une seule raison: Le respect
intégral de la Loi de la Législature, avec tous ses
défauts, ses failles et ses vieilleries.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, je vais être beaucoup plus bref
que le ministre de l'Immigration. Je veux tout simplement dire au départ
que je ne veux pas qu'on interprète le vote qu'on donnera sur la motion
du député, du ministre de l'Immigration comme étant une
admission que le chef de l'Opposition serait inhabile à siéger si
on prouve les faits allégués par le ministre de l'Immigration.
Cela, je pense, doit être clair. Je n'ai pas l'intention de
répéter ici l'argumentation que j'ai faite hier sur la
recevabilité, argumentation qui tendait à vous laisser croire
je respecte votre décision, M. le Président, vous avez
rendu une décision à l'effet contraire qu'il n'y a pas de
bris de privilège. Je la répéterai en commission, cette
argumentation, puisque dans votre décision vous nous avez dit que la
question de droit, ce serait quelque chose qui devrait être
décidé par la commission.
Cependant, je le dis tout de suite, je me fonderai sur ce fameux article
76, que le ministre de l'Immigration me reproche de ne pas avoir cité
hier. Et, particulièrement, je me fonderai sur les mots suivants: Les
indemnités et allocations, de quelque nature qu'elles soient,
payées en vertu de la présente loi, etc., ne sont pas des causes
d'inhabilité en vertu de l'article 75. Je me référerai
également, à ce moment-là, à l'admission qu'a
faite, tout à l'heure, le ministre de l'Immigration à l'effet que
le paiement de $1,796, que nous admettons avoir été fait, a
été fait en vertu de la présente loi, a été
fait en vertu de la Loi de la Législature.
Je me borne à ça, pour le moment, parce que
j'ai bien compris de votre décision que ce n'était pas
à ce stade-ci que j'aurais à argumenter en droit mais
plutôt devant la commission. J'ai bien compris votre décision?
J'assure tout de suite le ministre que je ne voterai pas contre sa
motion. J'aimerais, cependant, avoir la possibilité de voter pour sa
motion, avec les restrictions que je viens de faire, c'est-à-dire que ce
soit une admission que le fait reproché au chef de l'Opposition est une
cause d'inhabilité à siéger.
Mais pour me permettre véritablement de voter pour la motion, il
me semble qu'il y a un certain nombre de prérequis que je demanderai au
ministre de l'Immigration et aux collègues qui auront à voter,
d'insérer dans la motion qui est devant nous.
Le premier, M. le Président, il est assez évident que nous
avons intérêt et le chef de l'Opposition surtout,
principalement, comme je l'ai dit hier, a intérêt à ce
qu'une telle chose, si elle doit aller devant la commission parlementaire, ne
trame pas dans le paysage pendant les quatre ou cinq prochains mois. De sorte
que notre premier intérêt serait de voir la commission
parlementaire de l'Assemblée nationale siéger avec au moins
autant de célérité qu'on l'a fait dans le cas de l'ancien
député de Johnson. Je me souviens que j'avais fait ma motion, si
je me rappelle bien, autour du 28 juin et que, dès le début de
juillet, nous étions, quelques jours plus tard, en commission
parlementaire pour examiner ce qu'on appelait à l'époque, le cas
Boutin.
De sorte que, M. le Président, si l'Assemblée nationale
décide de soumettre le cas du chef de l'Opposition à la
commission de l'Assemblée nationale, je souhaiterais que cela ait lieu
dès demain, qu'on ne perde aucun temps et que, dès demain, on
soit en mesure d'examiner la preuve, de faire entendre les témoins
nécessaires. Je proposerai, dans ce sens, M. le Président, un
amendement à la motion du ministre de l'Immigration.
Egalement, M. le Président, puisque l'accusation, comme se
plaît à la désigner le ministre de l'Immigration, se fonde
sur l'article 96, j'aimerais, toujours pour me permettre de voter en faveur de
la motion, que le ministre de l'Immigration accepte d'insérer dans la
motion le sens véritable et les étapes véritables qui sont
prévues dans ce fameux paragraphe 2 de l'article 96, et plus
particulièrement celui-ci: "II est aussi accordé à tout
député, pour l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour
les fins d'une mission officielle qu'il a acceptée premier
élément d'accomplir à la demande du
président et agissant sur recommandation des commissaires nommés
en vertu de l'article 54".
Il me semble que cela, le ministre de l'Immigration devrait être
capable d'accepter que ces étapes, qui ont eu lieu, qui ont
effectivement eu lieu je l'ai personnellement vérifié
auprès du président de l'Assemblée nationale que la
motion reflète exactement cet aspect, c'est-à-dire qu'il y a eu
demande de la part du président et qu'il y a eu recommandation par des
commissaires.
M. BIENVENUE: D'accord.
M. BURNS: Vous êtes d'accord pour qu'on insère cela. Alors
je ferai une motion, tout à l'heure, qui englobera tout cela.
D'autre part, qui sont ces commissaires, M. le Président? C'est
peut-être bon qu'on le sache. A tous les ans, au début d'une
session, le Conseil exécutif, soit le cabinet des ministres, adopte un
arrêté en conseil qui désigne des commissaires. Pour ceux
qui ne seraient pas familiers avec ce système, il ne s'agit pas de
commissaires extérieurs au gouvernement. Ce sont des ministres. Le 20
mars dernier, le cabinet des ministres a adopté un arrêté
en conseil, qui porte le no 98674, qui désigne nommément comme
commissaire: l'honorable Gérard-D. Levesque, ministre des Affaires
intergouvernementales, l'honorable Jean Bienvenue, ministre de l'Immigration,
et l'honorable Oswald Parent, ministre de la Fonction publique, tous trois
membres de l'Assemblée nationale du Québec, etc.
Je dis au ministre de l'Immigration qu'il est vraiment chanceux. Il est
vraiment chanceux qu'il existe un autre arrêté en conseil qui, lui
aussi, est adopté à tous les ans, au début de chaque
session; Celui-là porte le no 98774, également en date du 20
mars. Cet autre arrêté en conseil dit: que MM. Gérald
Harvey, Paul Phaneuf et Denis Hardy, tous trois membres de l'Assemblée
nationale, soient nommés et constitués commissaires
suppléants, avec les mêmes pouvoirs, de sorte que, quand l'un ou
l'autre des trois commissaires ne peut pas aller faire ses recommandations
à ce qu'on appelle, dans le langage du milieu, le comité de
régie de l'Assemblée nationale, il y a suppléance.
Quand je dis que le ministre de l'Immigration est bien chanceux, c'est
que dans le cas qui nous préoccupe...
M. BIENVENUE: II n'y était pas.
M. BURNS: ... le ministre de l'Immigration s'était fait remplacer
par le ministre du Revenu. Je trouve qu'aujourd'hui le ministre de
l'Immigration serait dans une drôle de position de venir argumenter ce
qu'il vient de nous argumenter quand cela aurait été lui qui
aurait autorisé le paiement. Ce n'est pas lui.
Cependant, M. le Président cet aspect est important et je
ferai une proposition d'amendement en ce sens il me semble qu'on est en
droit d'affirmer quelque chose à ce stade-ci; c'est que, si le
député de Sauvé est reprochable d'avoir fait quelque
chose, c'est-à-dire d'avoir encaissé un chèque qu'il n'a
pas demandé et qu'on lui a envoyé, il me semble que seraient tout
aussi reprochables ceux qui ont autorisé le député de
Sauvé à poser un tel geste.
Si c'est vrai pour le député de Sauvé, c'est
surtout vrai pour ceux qui ont le droit de contrôler ces dépenses.
Je proposerai que, dans la motion, on insère le nom de M.
Gérard-D. Levesque, à titre de commissaire; qu'on insère
également le nom de M. Gérald Harvey, ministre du Revenu,
à titre de commissaire suppléant, et qu'on insère le nom
de M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique, à titre de
commissaire, qui ont autorisé ce paiement. Je demanderai
également qu'on insère le nom du président de
l'Assemblée nationale, M. Jean-Noël Lavoie, dans cette motion.
Toujours me basant sur ce principe-ci, c'est qu'il me semble qu'on devrait
être capable d'admettre, tous ensemble, peu importe le résultat
que donnera la commission de l'Assemblée nationale, que, s'il y a un
reproche à faire au député de Sauvé, ceux qui
l'ont, d'une part, incité à agir ainsi et ceux qui l'ont
autorisé, eux qui sont en autorité, devraient être au moins
aussi reprocha-bles, sinon plus.
Motion d'amendement
M. BURNS: Je vous demanderai donc, M. le Président, de faire les
amendements suivants. Je propose que la motion actuellement en discussion soit
amendée, premièrement, en remplaçant les mots
"après avis du leader parlementaire du gouvernement, au cours de la
présente session ou de la session subséquente", par les mots "le
samedi, 21 décembre, à onze heures du matin, dans la salle
81-A".
Deuxièmement, en insérant, dans la neuvième ligne,
après le mot "Morin", ce qui suit: "M. Jean-Noël Lavoie,
président de l'Assemblée nationale, M. Gérard-D. Levesque,
leader du gouvernement et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de
la Loi de la Législature, M. Gérald Harvey, ministre du Revenu et
commissaire suppléant, nommé en vertu de l'article 54 de la Loi
de la Législature, et M. Oswald Parent, ministre de la Fonction publique
et commissaire nommé en vertu de l'article 54 de la Loi de la
Législature."
Pour être conforme avec cette deuxième partie de mon
amendement, je suggère également, toujours dans la même
motion, qu'on fasse les concordances nécessaires, c'est-à-dire en
remplaçant, dans la 9e ligne, le mot "indigne" au singulier par le mot
"indignes" au pluriel et, dans la 10e ligne, le mot "inhabile" au singulier par
le mot "inhabiles" au pluriel. Quatrièmement en insérant,
après le mot "avoir" dans la 13e ligne, les mots: "accorder ou dans le
cas de M. Jacques-Yvan."
En remplaçant, dans la 17e ligne, les mots: "indemniser" par les
mots: "indemniser le chef de l'Opposition" et, enfin, en insérant,
après le millésisme 1974, dans la 20e ligne, ce qui suit: "A la
demande du président agissant sur la recommandation des commissaires
nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et
qui lui a été versée aux conditions et selon les
barèmes et les modalités établis par ces
commissaires."
Je mets à la disposition du secrétaire et des autres
membres de la Chambre le texte tel qu'il se relirait pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté sur l'intention qu'il y a... Vous avez l'amendement et
vous avez la motion telle qu'elle se lirait une fois amendée. Je propose
cet amendement, M. le Président, et me borne pour le moment à ces
quelques remarques.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Puis-je m'informer si on
désire de la consultation? On veut parler sur l'amendement?
UNE VOIX: Adopté?
M. BURNS: Adopté.
UNE VOIX: Vous pensez vous en sauver?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais faire une suggestion, vu le
silence qui se produit. Est-ce que vous préférez, à une
heure moins douze, une suspension? On en tiendra compte au retour.
M. BURNS: D'accord. M. LEVESQUE: D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
Reprise de la séance à 15 h 7
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: M. le Président, une question de règlement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Etant donné l'article 80, je me demande, M. le
Président, si vous ne devriez pas demander l'application du paragraphe
2, à l'effet que les personnes accusées ne doivent pas assister
à la séance, après que vous leur avez demandé de
s'expliquer si elles le veulent. Depuis ce matin, il y a le nom de quatre
autres personnes qui apparaissent dans la motion. Alors, je vous demanderais
l'application de l'article...
M. LEVESQUE: Complètement ridicule et farfelu. Il le sait,
d'ailleurs.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! A l'ordre,
messieurs! Je pense que, dans la motion, je préfère parler
d'abord.
M. BIENVENUE: Est-ce que je pourrai vous interrompre, avec votre
permission?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais compte tenu de l'importance
de la motion présentée par le député de
Crémazie et ministre de l'Immigration, également de la motion
d'amendement proposée par le député de Maisonneuve, je
crois personnellement de mon devoir de prendre la parole immédiatement
sur l'amendement du député de Maisonneuve. Si vous voulez
apporter certains commentaires, je vous en donnerai l'occasion.
Le député de Maisonneuve a choisi de présenter un
amendement. De toute évidence, une partie de l'amendement a trait
à la date de la convocation de la commission parlementaire. Je pense
qu'évidemment, sur cette partie-là tout le monde s'entend...
M. BURNS: M. le Président, je ne veux pas vous interrompre, mais
si je comprends bien, je vous regarde aller, sur quoi êtes-vous en train
de rendre une décision?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vais rendre une décision
immédiatement sur une partie de votre amendement.
M. BURNS: Concernant la recevabilité?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Concernant la
recevabilité.
M. BURNS: M. le Président, il me semble que ce serait plus
normal...
LE VICE-PRESIDENT (M.Lamontagne): Mais je
préférerais...
M. BURNS: ... que vous me posiez des problèmes sur la
recevabilité, que le leader adjoint du gouvernement ait la
possibilité d'argumenter et que j'aie la possibilité
d'argumenter.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais, pour des raisons, je
n'exclus pas...
M. BURNS: Autrement, je vais être placé devant une
situation de fait accompli.
Je ne pourrai pas argumenter, je ne peux pas en appeler de votre
décision, puis je n'aurai même pas le temps de vous dire ce que je
pense du problème que vous soulevez.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je comprends l'opinion que vous
émettez mais, personnellement, je crois de mon devoir d'intervenir
immédiatement, sans aller plus loin sur la recevabilité de votre
motion pour des raisons...
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis d'accord avec le
député de Maisonneuve. Si vous êtes pour vous prononcer
immédiatement avant que nous puissions apporter nos propres commentaires
ou essayer d'éclairer la présidence malgré que je
crois qu'elle a toutes les raisons d'être bien éclairée
je crois, cependant, M. le Président, avec le
député de Maisonneuve, qu'on ne devrait pas arriver devant un
fait accompli et qu'à ce moment, on mette en cause votre propre
décision.
Je pense que le règlement ne nous permet pas de discuter de votre
décision, une fois qu'elle est rendue. Vous avez peut-être
d'autres raisons. Il y a peut-être d'autres choses que vous voulez dire,
si je comprends bien. Je pense que le député de Maisonneuve et
moi-même sommes d'accord sur la procédure.
M. LESSARD: ... une consultation...
M. LEVESQUE: Si la présidence a quelques conseils à nous
donner ou quelques directives à nous donner, j'en suis, mais si c'est
pour rendre une décision finale qui nous empêche, à ce
moment, d'intervenir, je pense que c'est irrégulier, malgré tout
le respect que je vous dois.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je comprends, des deux
côtés, l'opinion que vous émettez, mais la décision
que je rendrai est une décision d'une clarté absolue et
basée sur les règlements. Je me demande comment on pourrait
apporter un éclairage devant une telle clarté.
Maintenant, si vous êtes d'accord, je peux vous écouter, et
je vous assure qu'en aucune circonstance vous ne pourrez modifier ma
décision.
Dans ce cas précis, si vous permettez... Ecoutez, je pense qu'on
ne joue pas avec ces
choses. Je voudrais seulement porter à votre attention, pour vous
montrer l'importance justement de la responsabilité que j'assume cet
après-midi en prononçant ces paroles, en matinée, pour me
citer au texte, j'ai mentionné une phrase: "Pour terminer, faut-il
mentionner qu'une motion du genre n'est pas usuelle dans nos institutions
parlementaires? En 100 ans, peut-on trouver une couple d'exemples au
Québec où un député porte une accusation...
UNE VOIX: J'en connais au moins trois.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Deux ou trois, en 100 ans.
M. BURNS: II y en a deux dans cette Législature-ci. M. le
Président. Il y en a une du député de Crémazie, ce
matin, et il y en a eu une du député de Maisonneuve, en juin
dernier, il y en a eu une sur Gabias, et il y en a eu une autre quelques
années avant.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.
M. BURNS: Vous en trouvez une.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais porter à votre
attention...
M. BURNS: Ce n'est pas l'argument, M. le Président. C'est une
procédure qui existe ou non, dans notre règlement. C'est la
question. Si cette procédure existe, je ne vois pas pourquoi elle ne
serait pas utilisée tant par le ministre de l'Immigration que par
moi.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Exactement.
M. BURNS: Je ne pense pas que ce type de procédure me soit
réservé. Parce que c'est rare, parce que cela n'arrive pas
souvent, cela ne veut pas dire qu'à ce moment, vous devez tout "sacrer"
cela dehors. Je vais en donner d'autres procédures qu'il y a dans ce
règlement. Une motion pour division : Vous en avez vu combien depuis
quatre ans? Vous n'en avez pas vu souvent.
Il y en a eu une à ma connaissance, peut-être deux. Cela ne
veut pas dire que la motion pour division doit être réglée
d'un trait de plume de la présidence. C'est ça qui est le point
important. Ce qui m'inquiète, M. le Président, beaucoup,
énormément je dois vous le dire tout de suite c'est
que, lorsque le leader du gouvernement a endossé, à toutes fins
pratiques, mon point de vue sur le fait qu'on pensait que, s'il y avait une
question de recevabilité, il faudrait peut-être en parler avant
là-dessus, on est d'accord, on ne se fera pas de querelle
vous avez dit: II n'y a pas grand-chose qui va changer mon opinion. Je me
demande, M. le Président, ce qu'on vient faire ici.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ecoutez, je vais vous donner la
parole après, si vous le permettez, II est évident que, pendant
la suspension, j'ai examiné très attentivement la motion
d'amendement que vous avez proposée. Or, il m'a paru que votre motion
d'amendement me mettait dans une position où une décision ne
pouvait être influencée parce qu'elle était basée
sur des arguments complètement clairs. Je pense que tout le monde les
comprendra facilement.
Maintenant, comme vous êtes tous les deux d'accord, je vais...
M. LESSARD: Ce n'est pas facile d'argumenter si vous avez pris une
décision, comme vous venez de nous l'indiquer.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Evidemment, je ne vous le cache pas,
je n'ai pas passé le temps de la suspension avec les deux leaders
parlementaires; j'ai étudié, pendant ce temps, la motion
d'amendement proposée par le député de Maisonneuve. J'en
suis venu à la conclusion qu'il était de mon devoir d'intervenir
immédiatement. Evidemment, si je me levais pour intervenir
immédiatement, c'est parce que ma décision était prise. Si
elle était prise, je la portais à votre attention. Même si
je ne vous l'avais pas dit qu'elle était prise, le seul fait que je me
levais pour porter à votre connaissance une décision, c'est parce
que je l'avais prise.
Maintenant, si les deux parties sont d'accord, je vais les entendre
évidemment.
M. LEVESQUE: Qu'on se comprenne bien, on peut, évidemment,
imaginer, étant donné le temps que vous avez eu pour
préparer votre décision, qu'elle vous semble très claire.
J'en suis convaincu, d'ailleurs, moi-même, même si je n'ai pas pris
autant de temps pour en arriver aux mêmes conclusions, auxquelles je
m'imagine vous êtes arrivé. Mais je crois que, simplement pour le
respect de notre règlement, il est important que vous permettiez aux
parties de s'exprimer. Peut-être y aurait-il quelque chose qui vous a
échappé. Personne n'est au-dessus d'erreurs humaines. Errare
humanum est. On peut avoir oublié quelque chose. Je crois, M. le
Président, que vous devez permettre...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous donne la parole...
M. LEVESQUE: ... à chacun d'exprimer son point de vue, même
si, prima facie et de toute évidence, la décision aurait pu
être rendue à une heure moins le quart.
M. BURNS: La décision aurait peut-être pu être rendue
à une heure moins le quart, mais il y a aussi une chose que le
président aurait pu faire pendant ce long silence où personne ne
savait comment meubler l'immobilité de l'Assemblée nationale.
Cela aurait peut-être été le moment de soulever des
problèmes relativement à la recevabilité et cela m'aurait
fait plaisir d'en parler.
De toute façon, M. le Président, j'ai soulevé une
question de règlement. Je ne veux pas l'empêcher d'intervenir,
mais le leader du gouvernement, actuellement, est visé par la motion. Je
me demande si vous ne devriez pas appliquer l'article 80.
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne veux pas toucher, à ce
moment, le fond de la question. C'est tellement farfelu, comme je l'ai
mentionné, que je ne veux même pas, à ce moment-ci,
intervenir. Le député de Maisonneuve sait fort bien que, s'il a
une accusation à porter contre le leader du gouvernement, il n'a
qu'à le faire, il a les moyens pour le faire. Il le sait cela, qu'il le
fasse visière levée, selon les règlements.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais répondre à
la question de l'honorable député de Maisonneuve. En fait, il est
vrai que l'article 80, c'est lorsque la motion est appelée; c'est donc
dire qu'à ce moment-là elle a été
déclarée recevable. Mais à ce moment-ci, nous en sommes...
A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... A l'ordre!
Je pense que c'est un problème assez sérieux et je ne
pourrai permettre des interventions de part et d'autre pour aucune
considération. Ce n'est pas facile pour moi et je sais que ce n'est pas
facile pour d'autres également. Cependant, je ne peux demander à
personne actuellement de se retirer, compte tenu du fait que nous en sommes
encore à la recevabilité et non pas à une motion
dûment appelée devant l'Assemblée nationale. C'est dans cet
esprit que j'en étais venu à une conclusion; évidemment il
s'agit d'une décision qui tenait compte un peu de tous ces facteurs.
Mais vous semblez unanimes de part et d'autre à intervenir sur la
recevabilité de la motion, à l'intérieur,
évidemment, du laps de temps permis pour le débat. On s'est
entendu pour un débat d'une durée de deux heures et demie,
maximum de trois heures, suivant ce que vous avez décidé de part
et d'autre ce matin, avec une durée initiale pour chaque parti d'une
heure et quinze minutes. Pour bien vous situer, j'aimerais avoir la
collaboration des hauts fonctionnaires de l'Assemblée. L'honorable
ministre de l'Immigration, député de Crémazie, à sa
première intervention, a parlé pendant 61 minutes. Maintenant,
j'aurais besoin...
M. LEVESQUE: Disons que cela va jusqu'à quatre heures et quart,
c'est à peu près cela.
M. BURNS: La répartition du temps, c'est important.
M. LEVESQUE: On va prendre le temps que vous voudrez.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): On m'informe que pour l'honorable
député de Maisonneuve, c'est seize minutes.
M. LEVESQUE: ... en masse.
M. BURNS: Quand c'est clair, on n'a pas besoin d'une heure pour
s'exprimer. Quinze minutes, c'est assez.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Maintenant, si vous désirez
parler sur la recevabilité, puisqu'il s'agit tout de même d'une
motion d'amendement à l'intérieur d'un débat...
M. LEVESQUE: Le leader parlementaire de l'Opposition officielle s'est
levé. Tout ce qu'on demande, c'est de lui laisser la parole. Il s'est
levé pour parler, tout à l'heure, sur la recevabilité.
M. BURNS: J'ai dit que j'étais étonné parce que
personne n'avait soulevé la question de recevabilité.
M. LEVESQUE: Alors, parlez.
M. BURNS: Je vais vous dire qu'elle est recevable. Je dis: Bien oui,
elle est recevable. Que voulez-vous que je vous dise? J'aimerais bien savoir
sur quoi elle n'est pas recevable.
M. LEVESQUE: Alors assoyez-vous, si vous n'avez rien à dire.
M. BURNS: C'est cela.
LE PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
Sur la recevabilité, l'honorable ministre de l'Immigration.
M. BIENVENUE: Avant, M. le Président, de parler sur la
recevabilité, je suis sûr que le député de
Maisonneuve, qui est un "gentleman", va me permettre de faire une brève
remarque sur ce qu'il a dit il y a un instant, à savoir que j'avais fait
des insinuations à l'endroit du leader, à l'endroit du
chef...
M. BURNS: Ce n'est pas cela que j'ai dit, M. le Président. J'ai
dit...
M. BIENVENUE: Ces insinuations...
M. BURNS: ... que ce ne sont pas plus des insinuations que celles qui
ont été faites.
UNE VOIX: Ah, bon!
M. BURNS: Elles sont au même niveau. Si vous, vous en avez fait et
si le leader du gouvernement se sent visé...
M. LEVESQUE: M. le Président, une question de
privilège.
M. BURNS: ... par l'amendement que j'ai fait ce matin...
M. LEVESQUE: Une question de privilège.
M. BURNS: ... il doit se sentir visé autant et de la même
façon...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Une question de privilège.
M. LEVESQUE: Une question de privilège.
M. BURNS: ... que le député de Sauvé par le leader
adjoint.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
M. LEVESQUE: Une question de privilège.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, mais avant votre question de
privilège...
M. LEVESQUE: Elle n'est pas prioritaire?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui, je vais vous donner la
parole, mais je veux vous inviter, pour la dernière fois, de part et
d'autre, à parler seulement un à la fois. Je pense que c'est bien
important, vu le débat en cours. Je ne puis permettre aucune
intervention, sous peine de grande sévérité de ma
part.
M. LEVESQUE: M. le Président, simplement une question de
privilège, pour que le leader parlementaire de l'Opposition officielle
pèse bien ses paroles, et que, concernant cette procédure de
diversion qu'il a faite ce matin je ne le blâme pas de l'avoir
faite il ne vienne pas identifier une telle procédure de
diversion à une procédure extrêmement grave, celle qui a
fait l'objet de la motion ce matin.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de
l'Immigration.
M. BIENVENUE: D'accord. Je voulais dire, M. le Président, que, de
toute façon, je n'avais pas fait je parle pour moi et non pour
les autres d'insinuations. Au contraire, je n'insinuais rien. J'accusais
formellement le député de Sauvé, parfaitement conscient de
mes responsabilités et du sort qui peut m'advenir, à moi, si je
fais fausse route.
M. le Président, reprenant ce qu'a dit il y a un instant avant
moi le leader du gouvernement je n'irai pas au fond; si je vais au fond,
qu'on m'arrête, qu'on me corrige, je respecte trop le règlement
je dis que la motion d'amendement du député de Maisonneuve
est, à mes yeux, de la foutaise et une excellente manoeuvre de
diversion.
J'admets que sur le plan je ne suis pas familier dans ce
domaine-là journalistique, heure de pointe, bon "punch"
publicitaire, ce n'est pas mon domaine mais mon instinct me dit que c'est bon.
Quand je dis diversion, je pensais presque à divertissement mais je
reviens à une note plus sérieuse.
M. le Président, il est manifeste, face à l'article 80 de
notre règlement, qu'un amendement de forme et je m'en tiens
à la recevabilité tel que celui-ci n'est pas admissible
dans un cas tel qu'il aurait pour effet, dans le cas actuel, de rendre des
députés indignes, sujet évidemment à une preuve,
parce qu'inhabiles. L'article 80 est bien clair, M. le Président:
"Lorsqu'un député désire accuser un de ses
collègues et on accuse des collègues lorsqu'on...
A l'ordre, M. le leader, j'ai la parole...
Le règlement dit: "Lorsqu'un député désire
accuser un de ses collègues d'un acte qui le rend indigne de
siéger, etc., il doit présenter une motion de fond
annoncée dans laquelle il énonce l'accusation en termes
explicites, etc."
C'est la procédure que j'ai suivie pour accuser le
député de Sauvé. J'avais suivi l'exemple, en cela, du
député de Maisonneuve lorsqu'il avait accusé l'ancien
député de Johnson, motion de fond, précédée,
suivant les voeux et la jurisprudence établis par le président de
la Chambre, d'un avis, d'une question de privilège. Pourquoi cette
précaution, pourquoi ces formalités? C'est trop sérieux,
et j'en suis combien conscient, d'accuser un de ses collègues pour qu'on
puisse le faire par une simple motion d'amendement greffée à une
motion principale sans avis, sans question de privilège, etc.
Voilà. Deuxièmement, M. le Président, je m'excuse
de le répéter, je le fais brièvement, toujours sans
toucher au fond, ce que je croyais avoir dit 100 fois ce matin et qui,
apparemment, n'a pas été reçu dans toutes les oreilles de
cette Chambre. L'article 96-2 via 75, via 76, il appartient au même
chapitre, il est une exception à l'exception contenue à l'article
76, qui est l'exception à l'article 75.
Il y a interdiction formelle d'être payé, M. le
Président, via la Loi de la Législature, pas via d'autres lois.
On dit dans quels cas on a droit ou on n'a pas droit à telle chose. La
sanction, M. le Président, contre ceux qui sont payés pour une
chose à laquelle ils n'avaient pas droit, elle est là dans la Loi
de la Législature. Mais on ne vise pas, de près ou de loin, les
erreurs administratives, les erreurs des fonctionnaires, les erreurs, comme je
l'ai dit, des juges, des maires, des présidents d'Assemblée
nationale, de tout ce que l'on voudra. L'Assemblée nationale et sa
commission ne sont pas le forum, ne sont pas les lieux pour entendre,
enquêter sur ou pénaliser toute personne qui aurait fait une
erreur, je le répète, d'ordre administratif.
Si moi, comme ministre, M. le Président je
vais procéder par un exemple je décidais que je
suis tellement satisfait de mon sous-ministre que je lui verse
dorénavant une allocation ou un salaire de $100,000 par année et
que mon comptable, au ministère, me disait: M. le ministre, vous n'avez
pas le droit, et que je le faisais quand même, ce n'est pas l'endroit
pour me punir, l'Assemblée nationale. Est-ce assez clair, M. le
Président?
Enfin, mon collègue, le député de Maisonneuve,
lui-même nous a tracé la voie lorsqu'il a accusé
l'ex-député Boutin. Il n'a pas assigné ou demandé
de faire assigner comme coaccusés le ministre de la Justice, le ministre
du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche et tous les autres chefs de
ministères qui étaient en cause; il n'a pas demandé que
l'on mette comme coaccusée la machine IBM qui, semble-t-il, avait fait
les chèques, les paiements de façon automatique. Non, M. le
Président, il avait parfaitement raison et les personnes dont je
parle...
M. BURNS: Ce n'est pas de la foutaise, ce que vous êtes en train
de dire?
M. BIENVENUE: Non.
M. BURNS: Cela, c'est de la foutaise.
M. BIENVENUE: C'est de l'évidence à laquelle il faut
recourir...
M. BURNS: Cela en est.
M. BIENVENUE: ... pour convaincre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre! Je vous inviterais à terminer rapidement.
M. BIENVENUE: C'est cela, je termine. Alors, M. le Président,
voilà pour ce qui est de l'irrecevabilité quant aux additions de
noms; il ne me paraît pas utile d'en dire davantage. Pour ce qui est de
la date qui fait l'objet également de la même motion, je ne suis
pas en mesure, moi, de la fixer dans ma motion.
M. BURNS: II va au fond, M. le Président; il n'est pas...
M. BIENVENUE: Est-ce que je pourrais finir?
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. BURNS: Question de règlement, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de règlement,
l'honorable député de Maisonneuve.
M. BURNS: Vous nous avez demandé de parler sur la
recevabilité. S'il n'est pas d'accord pour que je fixe la date à
demain, il dira pourquoi il vote contre, mais cela n'a rien à faire avec
la recevabilité.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je vous inviterais, une fois de plus,
à terminer votre intervention.
M. BIENVENUE: J'étais pour dire quelque chose, je ne le dirai
pas, M. le Président. On demandera à d'autres que moi pour la
date. Très bien.
M. BURNS: Vous le direz quand on en discutera au mérite.
M. LACROIX: Vous n'avez plus de pelle, mais vous avez encore du
fumier.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Vous devez vous y connaître en fumier de la façon
que vous en parlez.
M. LACROIX: Quand je vous regarde, je vois le tas!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît! Je vous inviterais à parler le plus
brièvement possible, comme je l'ai fait pour le ministre de
l'Immigration.
M. BURNS: Je vais être très bref, M. le Président.
Ma proposition est bien simple. C'est que lorsqu'on retrouve, aux articles 79
et suivants, en particulier à l'article 80, le fait qu'une motion de
fond doit être soulevée pour accuser une personne pour bris de
privilège en vertu des articles 79 et suivants, il est évident
que quand on demande un avis, c'est pour une raison bien simple; c'est pour ne
prendre personne par surprise.
Les personnes qui normalement auraient pu être prises par surprise
connaissent, depuis hier, leur participation à l'acte reproché au
député de Sauvé. Depuis hier, M. le Président, il y
a une motion qui est affichée. Depuis aujourd'hui, elle est
débattable, mais hier elle était en avis puis avant-hier elle
était annoncée verbalement par le député de
Crémazie. Ces personnes, si elles sont responsables ce que je
pense personnellement; je pense qu'on doit accorder un minimum de
responsabilité, dans le sens véritable du mot, à des gens
qui sont des commissaires qui adoptent et qui recommandent des paiements
à partir du moment où le ministre de l'Immigration a
soulevé sa question en Chambre, à partir du moment où
l'une ou l'autre de ces personnes, le président de l'Assemblée
nationale, le leader du gouvernement, le ministre de la Fonction publique ou le
ministre du Revenu savaient que la question venait dans le cas du
député de Sauvé, elles ne
pouvaient qu'être en droit de s'attendre à être
mêlées à cette affaire.
Et c'est tellement vrai, M. le Président, qu'avant toute
argumentation, avant quelque argumentation que ce soit, le président de
l'Assemblée nationale, qui est justement parmi les quatre personnes que
je veux ramener dans cette motion, s'est tellement senti visé
lui-même qu'il a dit: Je ne siégerai pas dans ce débat.
M. BIENVENUE: ...
M. BURNS: Quand je dis qu'il s'est senti visé, je ne le dis pas
de façon qu'il savait à ce moment, que je pouvais faire cette
motion. Si c'est la seule et unique raison qu'actuellement on a à
l'encontre de la recevabilité, je vous dis qu'il y a une autre
façon. Il n'y a pas d'injustice actuellement à l'endroit du
leader du gouvernement, ni du ministre du Revenu, ni du ministre de la Fonction
publique, ni du président de l'Assemblée nationale, parce que ce
problème est dans l'air depuis deux jours. Il n'y a aucune espèce
d'injustice à leur endroit. Je vous dis que techniquement, vous pouvez
peut-être arriver à la conclusion que ça prend une motion
de fond pour le faire. Mais je vous dis aussi que s'il y a des gens en face qui
n'ont pas peur de discuter du problème véritablement, qui n'ont
pas peur qu'on puisse dire à un moment donné qu'il y a un
système de deux poids, deux mesures dans cette Chambre, qui n'ont pas
peur à un moment donné de relever, s'il y a des gens qui n'ont
pas peur, je le répète... C'est ce qui a provoqué l'ire,
apparemment, du député des Iles-de-la-Madeleine.
S'il y a des gens dans cette Chambre qui n'ont pas peur de confronter
les vrais problèmes pour ne pas qu'on en arrive à dire qu'il y a
un système de deux poids, deux mesures, M. le Président, il peut
y avoir consentement de l'autre côté, si c'est l'avis qui est un
problème, si c'est cela. Je vais plus loin que cela, M. le
Président. Toute l'argumentation...
M. LEVESQUE: Question de privilège.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Question de privilège,
l'honorable leader du gouvernement.
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que nous sommes
témoins présentement de propos qui sont remplis d'insinuations
comme la motion d'amendement elle-même. Je serais prêt à
faire la proposition suivante au leader parlementaire de l'Opposition
officielle. Je suis prêt à demander à mon groupe
ministériel de donner le consentement unanime de la Chambre pour passer
par-dessus les étapes mentionnées, d'avis, de motions, etc. et
que le leader parlementaire de l'Opposition officielle mette son siège
en jeu et porte immédiatement des accusations contre mes
collègues et moi-même en vertu de la Loi de la
Législature.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Est-ce que cela peut satisfaire le leader du gouvernement si
je lui dis qu'à mon avis l'amendement que je propose a le même
effet qu'une motion de fond?
M. LACROIX: Pas vrai.
M. LEVESQUE: Vous, vous reculez.
M. LACROIX: Vous êtes un hypocrite et un lâche.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. BURNS: Si vous n'avez pas peur, acceptez mon amendement et
arrêtez de vous cacher derrière la procédure.
M. LEVESQUE: M. le Président, question de privilège.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du
gouvernement.
M. LEVESQUE: Je ne me suis jamais caché. Cela fait près de
20 ans que je suis dans cette Assemblée. Je n'ai rien à me
reprocher comme administrateur public ou comme député dans cette
Législature. Je ne permettrai pas au leader parlementaire de
l'Opposition officielle de jeter de la boue de mon côté. Je le
mets au défi même si le règlement ne me le permet
pas, à ce moment-ci de mettre son siège en jeu et de
m'accuser, moi. S'il ne veut pas le faire pour mes collègues, qu'il
m'accuse, moi, personnellement, et qu'il mette son siège en jeu, d'avoir
enfreint le moindrement la Loi de la Législature du Québec.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Avant de vous laisser continuer, je
voudrais à l'ordre, s'il vous plaît vous inviter,
sur les question d'amendement, à terminer le plus rapidement possible,
comme je l'avais fait pour l'honorable ministre de l'Immigration.
M. BURNS: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: ... je le dis de mon siège. Je n'ai aucune crainte
à le dire. J'accuse le leader du gouvernement, j'accuse le ministre de
la Fonction publique et j'accuse le ministre du Revenu d'avoir contrevenu aux
dispositions de la Loi de la Législature en tant que commissaires en
accordant, si l'argumentation du ministre est exacte...
M. LEVESQUE: C'est cela. Commencez à faire du conditionnel.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Un
instant, s'il vous plaît ! Si vous voulez vous asseoir tous les deux.
Comprenez-vous un peu mieux pourquoi je ne voulais pas donner la parole au
départ? Et j'invite... Avez-vous terminé sur votre question
d'amendement?
M. BURNS: M. le Président, on m'a demandé de mettre en
accusation...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je veux régler la question de
l'amendement.
M. BURNS: L'accusateur a quand même le droit de faire son
accusation, s'il doit les mettre en accusation. Sans aucune restriction, je dis
que j'ai mis les trois ministres en accusation.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous devons disposer de l'amendement
actuellement.
M. BURNS: Je dis que si, et c'est cela le but de mon amendement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Un moment, s'il vous plaît, je
demande votre collaboration. Est-ce que je vais monter debout sur le
siège? Je demande votre collaboration. Vous le savez, ce n'est pas
facile. Quand c'est l'autre bord, je le demande, ne vous inquiétez pas.
Mais là, j'insiste. Si vous voulez porter des accusations, c'est votre
droit le plus strict évidemment, compte tenu qu'on vous libère de
tous les articles de règlement, mais quant à moi, je veux
terminer la motion d'amendement que vous avez proposée. Dans cet esprit,
après je vous redonnerai la parole, d'ailleurs c'est vous qui en avez
largement le droit, et compte tenu de la proposition qui vous a
été faite par le leader du gouvernement, vous pourrez utiliser
vos privilèges.
M. BURNS: M. le Président, quand je dis que je prends sur moi mon
amendement et que je le prends au même titre qu'une accusation, je le
prends exactement de la même façon. C'est ça, M. le
Président, qui fait que j'ai proposé une motion d'amendement, et
non pas proposé une motion individuelle. C'est parce que je
considère que ces deux problèmes, c'est-à-dire ceux des
trois ministres mentionnés et du président de l'Assemblée
nationale, d'une part, et celui du député de Sauvé,
d'autre part, je trouve ça intimement lié.
M. LEVESQUE: Je pose une question au leader parlementaire de
l'Opposition officielle.
M. BURNS: Oui, j'accepte.
M. LEVESQUE: La motion, est-ce que c'est la motion du
député de Maisonneuve ou la motion du député de
Crémazie?
M. BURNS: C'est la motion du député de Crémazie, et
c'est mon amendement. Et je vous dis que sur l'amendement...
M. LEVESQUE: Non, non.
M. BURNS: ... je suis prêt à subir les conséquences
de ce que je dis.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît... A
l'ordre! ... A l'ordre! ...
Franchement, vous me permettrez de me faire publiquement le reproche
d'avoir écouté cette unanimité que vous m'avez
proposée à trois heures et deux minutes. Je le regrette
sincèrement.
En vertu de l'article 65, je le relis pour le bénéfice de
tous les collègues qui sont ici présents à
l'Assemblée, le président doit mettre en
délibération toute motion, mais dès qu'une motion lui
paraît irrégulière en elle-même ou par les buts
qu'elle peut atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il
peut, après avoir motivé sa décision refuser qu'on en
délibère ou qu'on la mette aux voix.
Voici donc ma décision concernant la motion de l'honorable
député de Maisonneuve. Evidemment, j'avais commencé tout
à l'heure à parler de la question qui concerne, dans votre
motion, la date de la convocation.
M. BURNS: On ne vous a pas tellement influencé, jusqu'à
maintenant, je pense. Cela a l'air que vous allez lire le même texte que
vous avez rédigé durant l'heure du dîner.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le même texte, mais, justement,
je m'en fais le reproche de ne pas l'avoir fait avant. En fait, le texte que
j'ai devant moi est simplement un rappel, qu'on le veuille ou non, mais je
pense que c'est important, à des membres de l'Assemblée
nationale.
C'est un genre de motion qui arrive même si elle est
arrivée quatre fois en cent ans, ce n'est pas beaucoup, on peut en
convenir puis le règlement de l'Assemblée nationale ne
prévoit aucune discussion là-dessus. Il y a un article 80
absolument clair pour tous ceux qui veulent bien le lire. Pour accuser un
collègue et mettre son siège en jeu, si on n'est pas en mesure de
prouver ces avancés, il faut une motion de fond annoncée. Je suis
lié comme tout le monde là-dessus. Or, le but de la motion du
député de Maisonneuve est évidemment de greffer à
la motion du député de Crémazie une accusation qu'il est
en droit de porter, s'il le désire, évidemment.
Je n'ai pas le droit d'aller au fond d'une motion éventuelle de
l'honorable député de Maisonneuve mais il ne peut se servir d'une
motion d'amendement. L'article 80 est très
clair et, à la fin de votre intervention tout à l'heure,
vous l'avez présumé vous-même.
Egalement, je porte à l'attention des membres de
l'Assemblée que c'est toujours la motion de l'honorable
député de Crémazie je termine ma phrase et je vous
donne la parole...
M. LEVESQUE: On ne peut pas lui donner la parole après.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Non, non! c'est une question
de...
M. LEVESQUE: On va continuer la discussion?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Crémazie, c'est sa motion, bon!
M. BURNS: ... M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si la motion d'amendement
était acceptée, elle serait incorporée à la motion
d'amendement du député de Crémazie. Ce qui veut dire que
c'est l'honorable député de Crémazie qui devrait
répondre des accusations contre cinq personnes au lieu d'une qu'il
aurait portée. J'arrête là, je pourrais vous en dire dix
pages. Mais c'est tellement clair... Vos droits sont stricts.
M. BURNS: C'est une question que je vous pose, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.
M. BURNS: En somme, si je comprends bien, c'est au paragraphe b) de ma
motion que vous en avez.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Au paragraphe... A tous les autres
paragraphes, sauf a).
M. BURNS: Pardon?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Tous les autres paragraphes, sauf a),
le premier, qui concerne...
M. BURNS: C'est-à-dire que vous trouvez que les autres...
Evidemment, il y en a qui sont reliés.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui.
M. BURNS: Le paragraphe c) est relié au paragraphe b).
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): De concordance.
M. BURNS: Mais le paragraphe f), M. le Président, je vous signale
que le ministre de l'Immigration, au nom du gouvernement, l'avait
accepté, ce matin. Il a même accepté de l'incorporer
à sa motion. Cela est enregistré au journal des
Débats.
M. LEVESQUE: Qu'est-ce que c'est, le paragraphe f )?
M. BURNS: Le paragraphe f) c'est: En insérant après le
millésime 1974, dans la 20e ligne, ce qui suit: A la demande du
président agissant sur la recommandation des commissaires nommés
en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et qui lui a
été versée aux conditions et selon les barèmes et
les modalités établis par ces commissaires.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bien...
M. BURNS: Le ministre de l'Immigration a accepté ce matin.
Pendant que je parlais, il a quitté les abords du fauteuil du
président où il...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous permettez...
M. BURNS: ... était temporairement, il a même repris son
siège et, pendant que je parlais, il m'a dit: Oui, on est d'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Bon!
M. BURNS: Au moins, celle-là...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous me permettez...
M. BURNS: ... incorporez-la.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... mais je voudrais...
M. LEVESQUE: On ne peut pas avoir des bouts qui sont recevables...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... apporter là-dessus...
M. LEVESQUE: ... et de petits morceaux qui ne sont pas recevables.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je comprends. Je me souviens fort
bien que, à la question que vous avez posée à l'honorable
ministre de l'Immigration, il a dit oui. Mais ceci devient tout de même
un amendement.
M. BURNS: Oui, c'est un amendement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Mais, maintenant, si vous voulez, on
va relire ensemble l'amendement, auquel on a répondu
affirmativement. Il faut tout de même le soumettre à la
présidence.
M. BURNS: Oui, je me soumets, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Or, cet amendement, même si
vous êtes d'accord tous les deux là-dessus...
M. BIENVENUE: Ah non! C'est correct, je viens de comprendre M. le
Président. Je n'ai jamais accepté d'amendement. Le
député m'a demandé si je reconnaissais que c'était
à la demande d'un tel agissant..., j'ai dit: Oui, je le reconnais. Mais
je n'ai pas reconnu que c'était un amendement, par exemple. Jamais. Je
reconnais et il y a un tas de choses...
M. BURNS: J'ai demandé au ministre...
M. BIENVENUE: ... que je pourrais reconnaître.
M. BURNS: J'ai demandé au ministre...
M. BIENVENUE: Alors, on s'est mal compris.
M. BURNS: ... s'il n'accepterait pas...
M. BIENVENUE: Que c'était à la demande d'un tel.
M. BURNS: ... que cette partie-là soit incorporée à
sa motion...
M. BIENVENUE: Bon! Alors je m'excuse.
M. BURNS: ... puisque, dans le fond, c'est un reflet
fidèle...
M. BIENVENUE: Bon!
M. BURNS: ... de ce qui existe dans la loi.
M. BIENVENUE: Alors, je m'excuse, mais...
M. BURNS: D'accord, si vous ne comprenez pas...
M. BIENVENUE: ... si...
M. BURNS: ... ce n'est pas ma faute.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je voudrais...
M. BIENVENUE: Non, non, M. le Président, une seconde. Je
m'excuse, on s'est mal compris. Si on me demandait que je le reconnaissais,
c'est évident, c'est la loi qui dit que c'est le président qui,
à un moment donné, fait les convocations pour les missions
officielles. Oui. Mais je n'ai jamais accepté que ce soit sous forme
d'amendement. On se comprend là-dessus?
M. BURNS: On ne se comprend pas là-dessus...
M. BIENVENUE: Bon. Enfin...
M. BURNS: ... parce que ce n'est pas ça que j'ai compris.
M. BIENVENUE: ... moi, je me comprends.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Voici ma décision
également là-dedans. J'ai écouté et, effectivement,
j'ai compris la question très bien et j'ai compris la réponse
très bien. Mais, quant à moi, on ne m'a pas soumis d'amendement,
sauf quand vous me l'avez soumis à midi moins quart.
Or, quant à moi, vous demandez : Vous êtes d'accord que
c'est à la demande du président. Je réponds: Oui,
effectivement. Mais il reste, je pense que vous en conviendrez, que c'est au
président lui-même de témoigner de ce fait...
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... et c'est à titre de
témoin qu'il devrait le faire.
M. BURNS: ... c'est là que je vais vous sauver du temps dans
votre décision. Je vous avise tout de suite que j'accepte l'offre du
leader du gouvernement. Si d'ici demain matin il accepte le si
s'applique à lui au cas où vous n'auriez pas compris que
je sois relevé des délais, je vous promets que, demain matin, je
vais soulever la question et je vais faire ma motion demain. Vous allez en
avoir je ne vous prendrai pas par surprise une copie avant la fin
de la journée. Je vous dis tout de suite que ceux que je vais mettre en
accusation seront le leader du gouvernement, le ministre de la Fonction
publique, le ministre du Revenu et le président de l'Assemblée
nationale. Je vous le dis tout de suite. Si vous acceptez...
M. LEVESQUE: On voit que vous...
M. BURNS: ... ça, il va y avoir débat sur une motion,
demain.
M. LEVESQUE: ... êtes de plus en plus
désintéressé de la politique.
M. BURNS: De sorte que, M. le Président, si l'objection...
M. LACROIX: Vous n'aurez pas...
M. BURNS: ... concerne l'aspect motion de fond...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: ... je vous dis...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Si l'objection concerne l'aspect de la motion de fond et de
l'annonce de cette motion, je vous dis: Ne perdez pas votre temps à nous
rendre une décision qui pourrait être longue, ni quoi que ce soit.
Je m'y plie d'avance. J'ai compris ce que vous vouliez dire. Mais j'aimerais
bien savoir, par exemple, pourquoi le paragraphe f) ne serait pas
recevable.
M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas compris tout à
fait ce que le paragraphe f) vient faire dans le reste.
M. BURNS: Le paragraphe f ) est simplement pour mettre dans la motion
l'essence même de l'article 96, l'essence même de l'article 96 en
vertu duquel le député de Sauvé est accusé.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve a proposé un amendement impliquant une tierce personne qui
n'est pas ici et même, à mon avis, si tous les membres de
l'Assemblée nationale acceptaient "à la demande du
président agissant sur la recommandation..." il me paraît, quant
à moi, que cette affirmation qui serait comprise par l'acceptation de
votre motion d'amendement ne pourrait véritablement être
établie que par le témoignage du président
lui-même.
M. BURNS: Bien non. M. le Président, est-ce que vous avez bien lu
le paragraphe f)? Le paragraphe f) se lit comme suit: "Ajouter, dans la
vingtième ligne, après 1974, les mots qui suivent : A la demande
du président agissant sur la recommandation des commissaires
nommés en vertu de l'article 54 de la Loi de la Législature et
qui lui a été versée aux conditions et selon les
barèmes et les modalités établies par ces
commissaires".
Après avoir lu cela, M. le Président, je vous
réfère à l'article 96, deuxième paragraphe, qui se
lit comme suit: "En outre de l'allocation prévue à l'article 99,
il est aussi accordé à tout député, pour
l'indemniser des dépenses qu'il encourt pour les fins d'une mission
officielle je vous prie de porter attention aux mots qui suivent
qu'il a accepté d'accomplir à la demande du président
agissant sur la recommandation des commissaires nommés en vertu de
l'article 54, une allocation qui lui est versée aux conditions et selon
les barèmes et les modalités qui sont établies par des
commissaires".
C'est exactement, M. le Président, mon amendement, ce qui se
trouve dans la loi. Je voudrais qu'on se comprenne et je voudrais bien, si on
fait une accusation en vertu de l'article 96, qu'on complète la
motion.
Si on n'est pas d'accord de l'autre côté...
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas terminé.
M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas d'objection,
personnellement.
M. BURNS: Vous n'avez pas d'objection? Bon, d'accord. C'est
réglé.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection.
M. BIENVENUE: Oui, mais une minute. Moi, j'en ai, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je voudrais...
Une question de privilège.
M. BURNS: Je veux tout simplement, parce que je ne l'avais pas devant
moi et que maintenant je l'ai, citer la transcription de ce matin.
M. LACROIX: ...
M. BURNS: Je tiens à vous dire que j'ai été... M.
le Président, ce n'est peut-être pas de la mauvaise foi de la part
du ministre de l'Immigration, mais j'ai été lancé sur une
fausse piste et je ne veux pas qu'on mêle les problèmes.
Ce matin, R/5239, page 1, pendant mon intervention, je dis ceci: "II me
semble que cela, le ministre de l'Immigration devrait être capable
d'accepter que ces étapes, qui ont eu lieu, qui ont effectivement eu
lieu je l'ai personnellement vérifié auprès du
président de l'Assemblée nationale que la motion
reflète exactement cet aspect, c'est-à-dire qu'il y a eu demande
de la part du président et qu'il y a eu recommandation par des
commissaires. "M. Bienvenue: D'accord. "M. Burns: Vous êtes d'accord pour
qu'on insère cela? Alors je ferai une motion, tout à l'heure, qui
englobera tout cela".
M. LEVESQUE: ... du député de Maisonneuve, aussi, quant
à faire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. LEVESQUE: C'est le député de Maisonneuve qui a
recommandé la candidature du chef de l'Opposition...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! ...
A l'ordre, s'il vous plaît! J'étais en train de rendre la
décision et sur les deux parties. Là, on parle de la
recevabilité, en fait.
A l'ordre, s'il vous plaît! ... A l'ordre!
Bon, sur les deux parties. La partie qui
concerne la date, la partie qui concerne le président, je les
déclare recevables. C'est rien que cela que je peux faire, moi.
M. BURNS: Recevables.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Recevables. C'est sur votre motion.
On est sur la recevabilité.
M. BURNS: Mais la partie f).
M. BIENVENUE: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui, f).
M. BURNS: Elle est recevable.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui.
M. BURNS: Bon, d'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Moi, je rends une décision sur
la recevabilité, actuellement.
M. BIENVENUE: M. le Président...
M. BURNS: Alors les paragraphes a) et f) sont recevables.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Un instant, s'il vous plait!
Evidemment, les officiers portent à mon attention que, dans votre
esprit, quand vous avez fait votre motion, vous avez fait "une" motion, mais il
y a plusieurs choses dans votre motion. C'est pour cela que, quitte à ce
que, tout à l'heure, il y ait une rencontre entre les leaders
parlementaires, moi je prends la motion comme vous la présentez.
M. BURNS: II n'y a pas eu de rencontre entre les leaders.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'ai dit tout à l'heure parce
que je vais vous en suggérer une dans quelques instants.
M. BURNS: Je pensais que vous disiez qu'il y en avait eu une, parce que
je n'ai pas vu passer cela, moi.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Parce que vous saviez fort bien, je
l'ai présumé, en la divisant, que le fait qu'une partie d'une
motion soit irrégulière rend la motion totalement
irrégulière. Mais, avant de suggérer que les deux leaders
se rencontrent, je voudrais tout de même dire que, quant à moi, je
voudrais examiner, dans la motion globale que vous avez faite, les parties f)
et a) parce que vous auriez pu en faire quelques autres. Là-dessus, je
suspens pour dix minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
Reprise de la séance à 16 h 34
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
L'honorable premier ministre.
M. BOURASSA: Avec la permission des membres de l'Opposition, est-ce
qu'on permettrait au ministre du Travail j'en ai discuté avec les
leaders et le chef parlementaire de déposer un projet de loi? Il
y avait une réunion à Montréal ce matin dont on attendait
le résultat avant de déposer le projet de loi. Le résultat
de la réunion a été négatif et c'est pourquoi nous
ne l'avons pas déposé ce matin étant donné que nous
avions espéré, dans un dernier effort, que cela puisse se
régler. Le député de Maisonneuve est au courant de la
situation extrêmement sérieuse dans le domaine de la construction
à Montréal, affectant des chantiers aussi importants que celui
des Jeux olympiques. Alors je demanderais, avec sa permission, que le ministre
du Travail puisse proposer la deuxième lecture de ce projet de loi.
M. SAMSON: La première.
M. BOURASSA: La première, pardon.
M. BURNS: Parce que la deuxième, je dirais non. M. le
Président, évidemment, à cause de ces raisons, je
comprends. Je me demandais pourquoi cela n'avait pas été
déposé ce matin puisque c'est en avis au feuilleton
déjà depuis un certain nombre de jours. Mais avec les raisons que
mentionne le premier ministre à l'effet que ce matin il y avait des
négociations de dernière minute et que, peut-être, cela
aurait évité de déposer le projet de loi, je n'ai pas
d'objection, personnellement, et je donne mon consentement au
dépôt du projet de loi, si mes collègues de Rouyn-Noranda
et de Johnson sont d'accord.
M. SAMSON: M. le Président, j'ai également accepté
de donner mon consentement, au nom de notre parti, pour le dépôt
de ce projet de loi.
Projet de loi no 201 Première lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre du Travail
propose la première lecture de la Loi modifiant la loi sur les relations
de travail dans l'industrie de la construction.
M. COURNOYER: M. le Président, ce projet de loi autorise le
gouvernement à prolonger, abroger ou modifier le décret, sans
l'accord des parties, quand il est d'avis que, dans l'intérêt
public, cette solution est la seule qui puisse
remédier à la situation existante. Il prévoit aussi
que les poursuites intentées par le procureur général
peuvent l'être par toute personne qu'il autorise
généralement ou spécialement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de première
lecture est-elle adoptée?
M. SAMSON: Adopté. M. BURNS: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE VICE-PRESIDENT: (M. Lamontagne): Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Motion privilégiée (suite) Rejet de
l'amendement
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Revenant au débat qui
était en cours avant la suspension, je voudrais rappeler qu'en vertu du
règlement, comme une partie de la motion d'amendement proposée
par l'honorable député de Maisonneuve était irrecevable,
je déclare la motion complète irrecevable. Et je voudrais
m'informer du résultat de la rencontre des leaders parlementaires.
M. BURNS: Pas de résultat, M. le Président. M. LEVESQUE:
Pardon?
M. BURNS: Le président voudrait savoir quel est le
résultat de la rencontre des leaders parlementaires.
M. LEVESQUE: Voici, nous nous sommes parlé.
M. BURNS: Nous ne nous sommes pas entendus.
LE VICE-PRESIDENT: (M. Lamontagne): Est-ce que je pourrais m'informer si
vous avez parlé du sujet en question?
M. LEVESQUE: Oui.
M. BURNS: M. le Président, je pourrais demander au leader du
gouvernement comment ça va. Mais vraiment, M. le Président, il y
a eu des tractations entre le leader du gouvernement, le leader adjoint...
M. LEVESQUE: C'est un gros mot, ça; je ne comprends pas
ça.
M. BURNS: ... et moi-même pour essayer d'en arriver à une
entente sur la formulation du texte. Je dois vous dire...
M. LEVESQUE: Je vais être plus précis, peut-être, M.
le Président.
M. BURNS: ... qu'on n'a pas pu arriver à une entente.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le leader du gouvernement.
M. LEVESQUE: Nous avons compris, M. le Président je pense
bien que c'est aussi l'impression du leader parlementaire du Parti
québécois que vous étiez pour déclarer la
motion irrecevable.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): C'est fait maintenant.
M. LEVESQUE: C'est fait maintenant. Nous avons regardé les
possibilités de trouver une formulation un peu différente. En
tenant compte de la motion d'amendement, même si elle est irrecevable, il
y aurait peut-être lieu de considérer certaines modifications au
texte de la motion principale, de concert, évidemment, avec l'auteur de
la motion. Je ne voudrais pas, à ce moment-ci, me substituer, pas plus,
j'imagine, que le leader de l'Opposition officielle ne voudrait le faire, au
parrain de la motion.
Mais, dans le paragraphe a) de la motion d'amendement, il était
question d'une date pour la convocation de la commission de l'Assemblée
nationale. La motion ne contient pas de date et on sait pourquoi; c'est le
privilège du leader parlementaire du gouvernement de décider de
l'ordre des travaux et de fixer les dates de convocation des commissions
parlementaires, particulièrement et même lorsqu'il s'agit de
convocation durant la période interses-sionnelle.
Alors j'étais d'accord, bon prince, pour dire: Trouvons-nous une
date qui ferait l'affaire un peu de tous ceux qui doivent participer à
cette commission. Je suis encore prêt à soumettre une date ou
à suggérer au parrain de la motion d'y inscrire une date, date
dont j'ai parlé avec le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
Nous sommes encore prêts à préciser avec une date et je
pense qu'il y aurait accord là-dessus.
Deuxièmement, il y avait l'article f) de la motion d'amendement.
Même si vous la déclarez irrecevable, M. le Président, il y
avait là, j'ai compris, un but d'informer le public qui n'est pas au
courant des articles 96 et 75. Je le dis en toute objectivité, en toute
franchise: J'étais d'accord pour qu'on suggère au parrain de la
motion de citer les deux articles en question ou les trois articles en
question.
Maintenant, je ne parlerai pas au nom du leader parlementaire de
l'Opposition officielle.
Je ne crois pas que cela serait de mon devoir de parler à sa
place ou d'essayer d'interpréter sa pensée ou ce qu'il voulait.
Quant à nous, c'est ce que nous avons à faire et nous pourrions,
je pense bien, avec l'accord du député et ministre de
l'Immigration... Je pense, d'après son regard et son sourire, qu'il
serait peut-être prêt à concourir avec ceci. C'est la
réponse à la question que vous avez posée, quant à
nous.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le ministre de l'Immigration.
M. BIENVENUE: M. le Président, je voudrais soulever une question
de privilège à la suite des paroles que vient de prononcer le
leader du gouvernement. Ne pourrait-il pas m'appeler autrement que le
parrain?
M. CHARRON: C'est parce que lui, il est le parrain du bill 87.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Nous avons discuté, les deux leaders du gouvernement,
c'est-à-dire le leader, le leader adjoint et moi-même, et
là où on ne peut s'entendre, c'est bien simple, qu'est-ce que
vous voulez? C'est quand vous qui nous dites que si le paragraphe a) et que le
paragraphe f) des amendements ne sont pas recevables, ce n'est pas pour les
mêmes raisons que les autres paragraphes, si j'ai bien compris.
Vous avez tout simplement dit que si une partie n'était pas
recevable, je comprends que ce sont les paragraphes b ) à e)
inclusivement qui ne sont pas recevables, à ce moment, les autres ne
sont pas recevables non plus. Or, je pourrais très bien demander
à un de mes collègues d'intervenir et de faire les amendements
que je propose.
Le leader du gouvernement m'a dit: Ce n'est pas ta motion, c'est la
motion du ministre de l'Immigration. C'est vrai. Je l'admets, mais ce que je
veux, c'est une accusation complète. Or, pour qu'il y ait accusation
complète à l'endroit à mon avis, je vous le soumets
respectueusement du chef de l'Opposition, il faut d'une part qu'il y ait
ce qu'il y a déjà dans la motion, c'est-à-dire la mention
d'avoir encaissé un chèque de $1,796, mais je pense qu'une
accusation complète devrait dire comment le chef de l'Opposition a
obtenu ce chèque. Il a obtenu ce chèque sur mandat donné
par le président de l'Assemblée nationale et sur
recommandation...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Et
là, vous comprendrez que la décision étant rendue, on ne
peut plus la discuter. Je comprends le point de vue de tous et chacun, mais
nous en sommes maintenant au fond de la motion...
M. LEVESQUE: M. le Président, vous me permettrez cependant
d'ajouter que je suis d'accord parce qu'on a permis au leader
parlementaire de l'Opposition officielle de dire cela avec lui,
l'accusation devrait être aussi complète que possible. Il
suggérait, pour être bien clair, d'ajouter après les mots
"...22 septembre 1974..." "... à la demande du président agissant
sur la recommandation des commissaires, etc.". C'est le but de la motion.
Je me suis dit d'accord, quant à moi, pour suggérer au
parrain de la motion d'ajouter cela, à condition qu'on ajoute
également le reste de l'article qui fait une prohibition
particulière aux membres de l'Exécutif et au chef de l'Opposition
officielle de bénéficier des dispositions de l'alinéa
précédent. Là, ce serait complet. C'est tout ce que j'ai
dit et je suis encore prêt à cela, à le recommander au
parrain de la motion. Moi, je dis que c'est encore plus complet en citant
l'article au long plutôt que de laisser tomber l'alinéa sur lequel
est fondée la motion elle-même. Simplement par
honnêteté intellectuelle, on devrait suggérer au parrain,
toujours, de garder sa motion comme elle est là et en y ajoutant,
après les mots "contrairement aux articles 96 et 75 et suivants". Qui se
lisent comme suit. C'est pour que tous ceux qui prennent connaissance de la
motion le sache et n'aient pas à se référer à la
Loi de la Législature. C'est pour qu'ils aient les
éléments nécessaires pour comprendre très bien la
motion, je suis d'accord sur cela. Mais ne pas sortir du contexte un
élément qui pourrait possiblement, pour le leader de l'Opposition
officielle, servir de base à une défense éventuelle en
commission ou quelque chose comme ça. Mais je dis que c'est pour
informer le public, qui n'est pas tellement averti sur la Loi de la
Législature. Si on est pour citer une partie des articles 96 et 75 et
76, il me semble qu'il est acceptable de citer l'ensemble, et 96 et 75 et 76,
et non pas tronquer ces articles; c'est tout.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Moi, je vais demander une directive,
maintenant. Il est cinq heures moins dix; pouvez-vous m'indiquer quand va se
terminer le débat, compte tenu de la suspension?
M. CHARRON: Cinq heures moins cinq. DES VOIX: Vote.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En ce cas-là, nous voterons
sur la motion telle que proposée, sans amendement.
M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet, pour encore
être aussi démocratique que possible, aller un peu plus loin que
le client demande, on pourrait peut-être s'entendre sur une date, avant
de voter.
M. LACROIX: Non, non! Quand ça fera notre affaire. Ce n'est pas
à eux de...
M. LEVESQUE: Je suis prêt à suggérer, M. le
Président, le mardi 14 janvier ou le mercredi 15 janvier...
M. LACROIX: Le 15 février, le 15 mars. M. LEVESQUE: Autrement,
je...
M. BURNS: Mardi. D'accord pour le mardi 14 janvier.
M. CHARRON: Le mardi 14 janvier.
M. LEVESQUE: Alors si on veut changer ça à mardi 14
janvier.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je demanderais aux officiers de
changer...
M. LEVESQUE: A dix heures de la matinée.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): II s'agit d'amender en
conséquence la motion du député de Crémazie pour y
inclure comme date le mardi 14 janvier à dix heures de la
matinée.
M. BELLEMARE (Rosemont): Quelle année?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): 1975. Intervention pertinente.
Est-ce qu'on est prêt à se prononcer sur la motion?
M. CHARRON: C'est une bonne précaution.
M. BURNS: M. le Président, il me vient une idée. Je ne
suis pas certain, je n'ai pas pu revérifier cela avec le chef de
l'Opposition, on n'est pas certain que le chef de l'Opposition sera disponible
à ce moment-là. Je vous demande simplement...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. BURNS: Je vous demande simplement de laisser la date ouverte. Si le
leader du gouvernement m'indique que, quant à lui, le 14 janvier ferait
son affaire, qu'on ne le mette pas dedans.
M. LACROIX: ... nous autres.
M. BURNS: On parle entre adultes, le député des
Iles-de-la-Madeleine, ne vous mêlez pas de cela.
M. LACROIX: Cré bateau, quand je vous vois patiner.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si je comprends bien, la date vous
vous entendrez entre les leaders.
M. BURNS: Quant à y être, je prends simple- ment
l'indication que le leader vient de me donner. Je vais faire les
vérifications nécessaires; que la motion demeure telle
quelle.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela demeure une indication et non
pas un amendement.
M. LEVESQUE: Voici, est-ce que... Pardon?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cela demeure une indication et non
pas un amendement.
M. LEVESQUE: Dans ce cas, on est mieux d'adopter la motion telle quelle
et ensuite nous vous consulterons. Mais l'indication que nous donnons
présentement serait le 14 ou 15 janvier 1975. Mais, on pourra le
dire.
M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.
LE VICE-PRESCDENT (M. Lamontagne): Enregistré?
M. BURNS: S'il vous plaît.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
Vote sur la motion de M. Bienvenue
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre!
La motion, qui sera mise aux voix, est la motion
privilégiée présentée par le député
de Crémazie, ministre de l'Immigration, et qui se lit comme suit : "Que
la commission de l'Assemblée nationale se réunisse, après
avis du leader parlementaire du gouvernement, au cours de la présente
session ou de la session subséquente de la présente
Législature en vue de procéder à une enquête sur les
faits suivants qui, s'ils sont fondés, rendront le député
de Sauvé et chef de l'Opposition, Me Jacques-Yvan Morin, indigne de
siéger à l'Assemblée nationale parce qu'inhabile en vertu
des articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la Législature, savoir:
"Avoir accepté et encaissé une allocation sous forme de
chèque du gouvernement du Québec, daté du 28 août
1974, portant le numéro 813025 et au montant de $1,796 pour l'indemniser
des dépenses encourues pour les fins d'une mission officielle qu'il a
accomplie à Bruxelles en Belgique, du 16 au 22 septembre 1974,
contrairement aux articles 96 et 75 et suivants de la Loi de la
Législature. "Que cette commission soit autorisée à faire
de temps à autre des rapports exprimant ses observations et ses vues sur
cette affaire, à convoquer devant elle et à envoyer chercher les
personnes, les pièces et les dossiers dont elle aura besoin."
Que celle et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît!
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Saint-Pierre, Choquette,
Garneau, Berthiaume, Cournoyer, Goldbloom, Simard, Quenneville, Mme Bacon, MM.
Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Massé, Harvey
(Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Giasson, Perreault, Brown,
Bossé, Bacon, Blank, Veilleux, Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou),
Lafrance, Pilote, Picard, Gratton, Assad, Carpentier, Dionne, Faucher,
Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pelletier, Shanks,
Springate, Pepin, Bellemare (Rosemont), Bérard, Bonnier, Boudreault,
Boutin, Marchand, Caron, Côté, Denis, Déom, Dufour, Harvey
(Dubuc), Lapointe, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier,
Pagé, Parent (Prévost), Picotte, Sylvain, Tardif, Tremblay,
Vallières, Verreault.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Que ceux qui sont contre cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît !
Que ceux qui désirent s'abstenir veuillent bien se lever, s'il
vous plaît !
LE SECRETAIRE ADJOINT: Abstentions. MM. Burns, Léger, Charron,
Lessard, Bédard (Chicoutimi), Samson, Roy, Bellemare (Johnson).
LE SECRETAIRE: Pour: 71
Contre: 0
Abstentions: 8
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La motion est adoptée.
M. LEVESQUE: M. le Président, article 21.
Projet de loi no 87 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable leader du gouvernement
propose la deuxième lecture du projet de loi no 87, Loi modifiant la loi
de la Législature et la loi de l'Exécutif.
L'honorable leader du gouvernement.
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce bill et il en recommande
sérieusement l'étude en Chambre.
M. ROY: II vous manque 30 "applaudis-seux".
M. BURNS: M. le Président, juste une seconde.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. BURNS: Avec la permission du leader. Je ne veux pas vous interrompre,
je serai bref, deux secondes.
Je comprends bien je ne veux pas revenir dans l'autre
débat que, si j'ai l'intention de faire une motion à
l'endroit des quatres autres personnes que je voulais ajouter à la
motion qui vient d'être adoptée, le leader du gouvernement va
consentir à me faire sauter des étapes.
DES VOIX: Non!
M. LEVESQUE: Quant à moi, M. le Président, j'ai dit que je
donnerais mon consentement. Je le donne encore.
DES VOIX: Non! Non!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LEVESQUE: Je donne mon consentement, M. le Président.
M. BURNS: Cela veut dire qu'on ne me le donne pas ailleurs, dans la
Chambre.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): J'inviterais l'honorable
député de Maisonneuve à faire la vérification
demain matin.
M. BURNS: II faut le demander maintenant.
M. LEVESQUE: M. le Président, la question du salaire des
députés a toujours constitué un sujet délicat,
surtout parce que ce sont les députés eux-mêmes qui doivent
en discuter. Pourtant, il faut aborder cette question de temps à autre,
si ce n'était que dans un but de justice, dans un but de protection de
l'intégrité des élus du peuple, dans un but
d'éviter d'éloigner de cette fonction des candidats valables.
En effet, M. le Président, les citoyens qui occupent une fonction
publique, qui est devenue maintenant une fonction à plein temps doivent
s'attendre à une rémunération qui leur permette de
rencontrer leurs obligations familiales et sociales.
L'intégrité, en second lieu... M. le Président,
est-ce que je peux avoir...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plaît,
messieurs!
M. LEVESQUE: L'intégrité est un critère auquel
s'attache de plus en plus l'opinion publique, et cette opinion considère
l'intégrité
comme un critère, un facteur aussi important et essentiel
même que la compétence, l'esprit de travail. Les
députés, eux, l'ont bien compris, mais ils ont compris
également qu'ils étaient possiblement, théoriquement du
moins, mal placés jusqu'à un certain point pour juger
eux-mêmes, faire eux-mêmes l'évaluation des salaires et
allocations et que des experts de l'extérieur seraient peut-être
dans une situation meilleure pour étudier la question en toute
objectivité et en plein désintéressement personnel.
D'ailleurs, M. le Président, les députés de toutes
les formations politiques l'ont reconnu, et plus particulièrement si
l'on se réfère au journal des Débats des jeudi et
vendredi, 6 et 7 juin 1974, on aura des témoignages non
équivoques qui en disent bien long.
Je n'ai pas l'intention de citer tous ces témoignages, qui
viennent d'un côté de la Chambre comme de l'autre et qui indiquent
la volonté de voir les députés traités avec justice
et le voeu que l'objectivité soit atteinte davantage, si l'on veut, en
confiant à des experts de l'extérieur l'évaluation de ces
rémunérations.
Qu'on me permette de signaler, par exemple, les interventions du
député de Saint-Jacques, du député de Maisonneuve,
en particulier, du député de Beauce-Sud, etc. Le vendredi 7 juin,
par exemple, le député de Saint-Jacques disait: "Quant à
dire que les revenus actuels, tels qu'ils sont depuis 1971, n'ont pas senti le
contrecoup de l'inflation, je serais le premier à dire le
contraire".
Sur une note peut-être humoristique, il ajoutait: "Des six
députés de l'Opposition, je suis le seul à n'avoir qu'une
personne à charge, soit moi-même c'est déjà
beaucoup mais mon collègue de Lafontaine, qui a plusieurs
enfants, je ne sais pas à combien il est rendu depuis la dernière
fois que je m'en suis informé, et les autres également, j'ai pu
très sincèrement, au cours des discussions que nous avions entre
nous, vérifier qu'effectivement l'étau se resserrait
véritablement beaucoup plus sur eux que sur moi".
Il continuait: "Je puis vous dire qu'aussi libre que je sois, je sens
personnellement, d'une façon très nette, depuis quelques mois,
des difficultés financières à simplement remplir mon
mandat sans exagération, comme je voudrais l'entendre. Encore une fois,
je n'ai que de moi à m'occuper. J'imagine donc que, pour certains
collègues, aussi bien du parti ministériel que ceux que je
connais de l'Opposition, la difficulté se fait encore plus
ressentir."
Un peu plus loin, le député de Saint-Jacques continuait:
"Ce qui veut dire que j'accepterais volontiers cette proposition que faisait le
député de Maisonneuve hier on verra que, la veille, le
député de Maisonneuve avait, en effet, fait une telle proposition
sur laquelle je reviendrai tout à l'heure qu'un comité,
peut-être même extérieur à l'Assemblée
nationale, se penche sur cette question, parce que je crois que, dans ce
domaine, il y a nettement sujet à amélioration." Un peu plus
loin, le député de Saint-Jacques faisait des comparaisons entre
les conditions faites aux députés et celles faites aux gens qui
sont soit dans la fonction publique québécoise ou encore dans le
secteur privé. Il référait à certains de ses
confrères qui étaient maintenant dans un secteur public ou
privé et qui avaient des conditions plus avantageuses, avec des
responsabilités plus limitées, cependant.
M. le Président, le député de Saint-Jacques
poursuivait: "Je sais bien qu'il y a toujours la question politique de savoir
qui va tirer avantage d'une mesure non populaire. Si l'Opposition s'oppose
à une mesure non populaire, c'est l'Opposition qui se fait, comme on
dit, du capital politique; si c'est l'Opposition qui la défend, c'est le
gouvernement, bien sûr".
M. le Président, le député de Maisonneuve, la
veille, avait, en effet, participé au débat et il disait, entre
autres: "Je suis actuellement, c'est sûr, de ceux qui sont d'accord avec
l'indexation". Il disait en plus: "Vous voulez l'ajuster, le salaire des
députés. Je dis d'accord mais on va le faire selon des normes. On
va confier ce problème à un comité d'experts". Alors, M.
le Président, on pourrait dbnner beaucoup de témoignages comme
ceux-là.
Il y a celui du député deBeauce-Sud que l'on retrouve dans
les débats du jeudi, 6 juin 1974.
M. ROY: Citez-le au complet.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M.Gratton): A l'ordre!
M. ROY: C'est très important.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: Je ne le citerai pas du tout, M. le Président.
M. ROY: C'est de l'interprétation; citez-le au complet.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. SAMSON: S'il y a un bon bout, prenez-le.
M. LEVESQUE: Alors, il va être heureux.
M. SAMSON: S'il y a un bon bout, prenez-le.
M. LEVESQUE: Je pense que je peux prouver mon point sans citer le
député de Beauce-Sud.
M. HARVEY (Charlesbourg): Hypocrite.
M. BELLEMARE (Johnson): Ah! Ah! Ah!
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. HARVEY (Charlesbourg): Hypocrite.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs! A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. BELLEMARE (Johnson): Question de privilège.
M. LEVESQUE: Je crois, M. le Président, que nous en avons
suffisamment présentement...
M. BELLEMARE (Johnson): Un instant, M. le Président, je
soulève un point de règlement. L'honorable
député...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Johnson, sur une question de règlement.
M. BELLEMARE (Johnson): ... de Charlesbourg...
UNE VOIX: Allez vous entendre et vous reviendrez.
M. BELLEAMRE (Johnson): Pardon? UNE VOIX: Allez...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît! L'honorable député de Johnson.
M. BELLEAMRE (Johnson): L'honorable député vient
d'utiliser à l'endroit de son collègue une expression qui est
antiparlementaire. Dire hypocrite et le répéter,
récidiver, je pense que ce n'est pas être gentilhomme. Je le
connais trop pour cela, cela a dépassé sa pensée. Je sais
qu'il va la retirer parce qu'on ne doit pas se traiter de la sorte en
Chambre.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Pourrais-je inviter l'honorable
député de Charlesbourg, s'il le veut bien, à retirer cette
parole?
M. HARVEY (Charlesbourg): J'ai qualifié l'attitude du
député de Beauce-Sud d'hypocrite et je continue, M. le
Président.
M. ROY: M. le Président, j'invoque le règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: SI on est pour faire un débat de cette façon
à l'Assemblée nationale, alors qu'un certain nombre sont
impatients d'avoir leur augmentation pour les Fêtes... M. le
Président, je ne me suis pas encore prononcé sur le projet de loi
et déjà on commence à me qualifier d'hypocrite. Ce terme
est antiparlementaire. Pour le bon ordre de nos travaux, afin qu'on commence
l'étude de ce projet de loi dans le calme, la
sérénité, je vous demanderais, M. le Président,
vous qui avez l'obligation de faire respecter notre règlement et l'ordre
en Chambre, d'inviter le collègue de Charlesbourg à retirer ses
paroles.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Ce que je fais à l'instant
même.
M. HARVEY (Charlesbourg): Je les retire, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Merci. L'honorable leader du
gouvernement.
M. LEVESQUE: M. le Président, la suggestion de la formation d'un
comité...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plait!
M. LEVESQUE: ... avait été faite, comme on le voit, par la
plupart de ceux qui sont intervenus dans le débat, à ce
moment-là, au mois de juin 1974, et une décision a
été prise de donner suite à ce voeu des membres de
l'Assemblée nationale. Un comité a été
formé, un comité extraparlementaire, qui était
composé des personnes suivantes: Me Lucien Cliche, avocat, ancien
président de l'Assemblée nationale, Me Jean-Charles Bonenfant,
avocat, professeur à la faculté de droit de l'université
Laval, et Mme Yvette Rousseau, vice-présidente du Conseil consultatif de
la situation de la femme au Canada.
Me Bonenfant a agi comme président du comité. Ce
comité consultatif sur les indemnités et allocations des
parlementaires du Québec a été formé le 19 juillet
1974 par la commission de régie interne de l'Assemblée nationale
dans le but de faire une évaluation des montants ainsi que de la nature
des indemnités et allocations attribuées aux membres de
l'Assemblée nationale et aux titulaires de certaines fonctions reconnues
par la Loi de la Législature.
M. le Président, vu que la suggestion semblait faire
l'unanimité, on s'est dit: Enfin, une fois pour toutes, réglons
le problème, sans partisa-nerie politique. Cette solution fait l'affaire
de l'Opposition, du gouvernement, des ministériels; elle répond,
autrement dit, aux objectifs de l'ensemble de l'Assemblée nationale.
C'est ce qui nous a fait accepter cette suggestion et former le comité
dont il a été question précédemment, et cela sous
l'initiative du président.
Donc, au départ, toutes les garanties pour que ce comité
soit compétent, apolitique et objectif, toutes ces garanties
étaient sûres. Les conclusions auxquelles le comité en
arriverait deviendraient celles de tous les parlementaires
et n'interviendrait plus, sous aucune forme, toute discussion
teintée de démagogie. Comme l'a écrit d'ailleurs le
célèbre politicologue français Maurice Duverger, "la
démagogie autour de l'indemnité parlementaire est facile." Mais,
en faisant nôtre la proposition honnête de l'Opposition de
constituer un comité extraparlementaire, nous avons dit: Enfin, fini la
démagogie à ce sujet.
Et, M. le Président, le rapport du comité Bonenfant a
été déposé le 12 novembre 1974. Je sais que tous
les membres de l'Assemblée nationale et le public, le public
intéressé, la presse ont reçu une copie de ce rapport qui
a été déposé, un rapport assez volumineux qui
contient environ 70 pages. Il a été préparé
à la suite de plusieurs séances du comité spécial,
qui a reçu des témoignages, consulté
énormément, a même fait compléter des
questionnaires, a eu des entrevues, a consulté des rapports de
l'extérieur du Québec, etc.
Alors, ce rapport, qui a été déposé le 12
novembre 1974, a fait les constatations suivantes.
Premièrement, que le public ne se rend pas suffisamment compte du
travail considérable et varié qu'accomplissent les
députés. Deuxièmement, qu'on a, de l'activité du
député, une vision souvent déformée et parfois
même moqueuse et injuste. Troisièmement, que le travail de
législateur et de contrôleur du député a pris,
à Québec, ces dernières années, une forme originale
qui a considérablement augmenté sa participation et son
efficacité. Quatrièmement, le député ne travaille
pas uniquement au Parlement, une grande partie de son activité se
déroule dans sa circonscription. Cinquièmement, dans l'Opposition
comme au pouvoir, le député sert de lien indispensable entre la
population et un Etat qui semble de plus en plus lointain, complexe et
impersonnel. Sixièmement, le député est aussi
l'intermédiaire entre le gouvernement, les municipalités, les
commissions scolaires et d'autres organismes. Septièmement, le
député est encore un véritable agent d'information
auprès de ses électeurs. Huitièmement, le
député est obligé de participer intensément
à la vie sociale et politique de sa circonscription.
Neuvièmement, quand on fait la somme de toutes ses formes
d'activité, on s'aperçoit que le député n'a pas
beaucoup de temps libre, que son rôle n'est pas confiné aux
activités parlementaires. Dixièmement, depuis quelques
années, on admet que la fonction parlementaire en est une à temps
plein qui est de nature professionnelle et qui doit être
rémunérée comme telle. Onzièmement,
l'indemnité que reçoit le député au Québec
est moins élevée que celle du député
fédéral et celle du parlementaire de la Colombie-Britannique.
Douzièmement, le député voit, comme tous les autres
travailleurs de la société, augmenter le coût de la vie et
il est en droit d'être mieux rémunéré et de recevoir
des compensations correspondant davantage à ses dépenses.
Et, M. le Président, le comité, que l'on appelle le
comité Bonenfant, a eu comme principales recommandations les suivantes:
D'abord, deux principes de base. Il faut fixer l'indemnité parlementaire
pour qu'elle corresponde au travail accompli et aux besoins des
députés. Deuxièmement, il faut, autant que possible,
éviter que ceux-ci, s'ils doivent être mieux payés, en
décident eux-mêmes directement à l'avenir.
Tout d'abord, l'indemnité des députés serait
rattachée à la classe IV des administrateurs où,
présentement, le traitement est de $19,000 à $25,000. Cette
indemnité serait la moyenne entre le plus élevé et le plus
bas de ce traitement, passant ainsi de $15,600 à $22,000.
Deuxièmement, l'allocation du député non imposable
resterait au montant actuel, soit $7,140.
Troisièmement, l'augmentation qui en résulterait,
l'indemnité d'allocation passant de $22,740 à $29,140, serait de
l'ordre de 27.88 p.c. et là ce n'est pas le rapport qui le dit.
Il y avait une interprétation qui parlait de 40 p.c, mais le chiffre
exact est 27.88 p.c. tel que proposé par le rapport Bonenfant.
Quatrièmement, l'augmentation annuelle de l'indemnité
résulterait de deux opérations. D'abord, si le gouvernement
augmente le traitement le plus élevé des administrateurs, classe
IV, la ligne médiane qui est attribuée aux députés
subira une légère hausse. Et, en second lieu, l'augmentation
annuelle statutaire de l'indemnité serait le pourcentage de
l'augmentation de la masse salariale globale des cadres qui fut, en 1974, de
6.5 p.c, et qui a été établie, pour 1975, à 6
p.c.
Cinquièmement, en plus, les députés
bénéficieraient de la même indexation, prime de vie
chère, que les administrateurs, ce qui aurait entraîné, en
1974, un pourcentage additionnel d'environ 15 p.c, et possiblement autant pour
1975.
Sixièmement, en somme, en 1975, les députés
bénéficieraient d'une augmentation de 6 p.c. et d'une indexation
qui pourrait atteindre 15 p.c. et je dis tous ces chiffres sous
réserve soit une hausse réelle qui dépasserait 20
p.c.
Septièmement, enfin le comité recommande, en ce qui
concerne les indemnités additionnelles pour les députés
qui exercent des fonctions supplémentaires qu'elles soient
augmentées d'un pourcentage qui tienne compte de la hausse
générale du coût de la vie et des traitements.
Alors, M. le Président, devant ce rapport, qu'a fait le
gouvernement? Et qu'est-ce que nous proposons aujourd'hui, par ce projet de
loi? Quant à l'indemnité du député, même s'il
croit que le député mérite l'indemnité que
recommande le rapport Bonenfant, le gouvernement va moins loin.
La base du calcul de l'indemnité n'est pas la ligne
médiane du traitement des administrateurs
classe IV mais le plus bas salaire de cette catégorie plus un
tiers de l'écart entre le plus bas et le plus élevé, ce
qui donne $21,000 au lieu de $22,000. En fait, la nouvelle indemnité du
député rejoint sensiblement le montant qu'elle aurait atteint
aujourd'hui si. à compter de 1971, le salaire avait été
indexé en tenant compte du coût de la vie.
Il s'agit donc, en pratique, d'une indexation et d'un rattrapage. Notons
que cette forme d'indexation est rétroactive au 1er avril seulement, et
non au 1er janvier, et non plus rétroactive quant à ceux qui ont
siégé en cette Chambre en 1972, 1973 et jusqu'au 1er avril 1974
qui, pour ces périodes, évidemment, n'auront pas de compensation.
Il s'agit d'une rétroactivité au 1er avril et il y aura sans
doute un amendement. Apparemment, on n'aurait couvert qu'une partie des
députés avec cette rétroactivité ne touchant pas
les membres de l'Exécutif qui étaient également
affectés par ces modifications. Je pense qu'il y a un article à
ajouter. Nous le ferons en commission parlementaire.
Une indexation pour l'avenir. C'est là qu'il faut regarder
maintenant, et j'aimerais ajouter ici, M. le Président, qu'il y a eu...
Non, je reviendrai là-dessus quant aux fonctions additionnelles tout
à l'heure. C'est peut-être là que j'aurais dû parler
de la rétroactivité, mais j'en ai parlé à
l'avance.
Quant à l'indexation pour l'avenir, M. le Président, le
gouvernement n'a pas retenu la recommandation du comité Bonenfant, soit
rattacher les augmentations futures à celles des cadres. Et il faut
c'est là la raison principale, je crois qu'il ne subsiste
dans l'esprit de la population aucune apparence de conflit
d'intérêts possible. Peut-on à jamais rejeter l'idée
qu'un jour une commission parlementaire ait à examiner un conflit qui
aurait trait, par exemple, au salaire offert aux administrateurs de la fonction
publique? Nous avons choisi une autre formule qui n'implique les
députés ni de près ni de loin. Quant à l'indexation
proprement dite, le gouvernement va moins loin encore que le rapport
lui-même. Avec l'augmentation annuelle proposée et la prime de vie
chère, on pouvait songer particulièrement, durant ces
années-ci, à 20 p.c., tandis que les chances sont que la nouvelle
formule réduise de 20 p.c. à 9 p.c. cette indexation, et cela
même dans une période comme celle que nous connaissons
présentement.
M. le Président, non seulement nous n'augmentons pas l'allocation
des députés, partie non taxable, mais nous la baissons de $7,140
à $7,000. Les revenus au même niveau qu'en 1971, elle devrait
valoir aujourd'hui $8,590, d'après ceux qui ont fait les calculs, pour
suivre, au cours des années, le fil du coût de la vie. Les
députés subissent donc une baisse réelle de $1,590
à ce chapitre, ce qui réduit d'autant l'augmentation ou
l'ajustement apparent à $21,000 pour l'indemnité parlementaire,
sur- tout que l'allocation de dépenses n'était pas taxée.
Le total de la nouvelle indemnité et d'allocations forme la somme de
$28,000, soit une augmentation de 23.13 p.c, alors que le rapport Bonenfant en
proposait une de 27.88 p.c. et même que certains médias avaient
parlé de 40 p.c.
Quant à l'indemnité additionnelle, notre formule accorde
un ajustement sensiblement le même que pour le salaire de base. Vu la
hausse du coût de la vie et les responsabilités accrues que
commandent toutes les fonctions additionnelles, on a fondu ensemble une
indemnité additionnelle et les frais additionnels de
représentation afin de faire disparaître une ambiguïté
sur le plan fiscal. Cette indemnité quant aux fonctions additionnelles,
que ce soit fonction de président de commission, de whip, de leader, de
chef de parti, de ministre, de président de l'Assemblée
nationale, de chef de l'Opposition, de premier ministre, toutes ces
indemnités sont dorénavant taxables au complet.
On en parlera peut-être un peu plus tard, mais je veux mentionner
qu'il y avait trois ajustements spéciaux, qui ont été
faits dans le cas des indemnités additionnelles, et qui touchent le whip
en chef du gouvernement, les whips adjoints du gouvernement, de l'Opposition
officielle et les whips des autres partis reconnus, à cause de la somme
de travail accrue.
Le président devient sur le même pied que le ministre,
à cause de ses nombreuses responsabilités nouvelles, et le
ministre d'Etat à cause de ses responsabilités accrues et
variées. Il y a eu là de petits changements, des ajustements dans
leur cas, qui font qu'ils sont un peu au-dessus de la moyenne
générale des autres classes.
Nous ajouterons un nouvel amendement au projet de loi. Il
présentera une mesure efficace pour lutter contre l'absentéisme
en partant de $60 je l'espère bien du moins à $100 la
déduction faite sur l'indemnité pour chaque jour en plus de dix
qu'un député n'assiste pas à une séance.
Evidemment...
M. MORIN: L'avez-vous déjà appliquée?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEVESQUE: Bien voici, M. le Président. Je suggérerais
à l'honorable chef de l'Opposition de consulter ce qu'en dit le rapport
Bonenfant. Il en a fait une question de conscience personnelle.
M. ROY: Ce n'est pas le rapport, ce n'est jamais appliqué.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. ROY: Ce n'est pas le rapport, ce n'est jamais appliqué.
M. LEVESQUE: Le rapport parle justement d'absentéisme.
Evidemment, s'il y a des députés qui ont des suggestions à
faire, je serai le premier à les considérer très
sérieusement.
M. MORIN: L'absentéisme, vous l'avez devant vous.
M. LEVESQUE: Voici ce que...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. LEVESQUE: ... dit le rapport Bonenfant, à la page 21. "Nous
croyons nécessaire de toucher au problème de
l'absentéisme, qui a soulevé des discussions dans le monde
entier. En effet, ce qui, dans bien des cas, semble nuire auprès du
public à la réputation du député, c'est le fait
qu'il ne soit pas toujours présent à l'Assemblée
nationale. "Dans quelques pays, on applique aux absents des sanctions
disciplinaires sévères qui, parfois, vont jusqu'à la
déchéance du mandat. A Québec, rappelons qu'en vertu du
premier alinéa de l'article 95 de la Loi de la Législature, une
déduction de $60 est faite sur l'indemnité pour chaque jour en
plus de dix qu'un député n'assiste pas aux séances de
l'Assemblée nationale. "Dans le passé, on a
généralement, à la fin de chaque session, proposé
que les dispositions de l'article 95 ne soient pas appliquées aux
députés, ce qui était une sorte de pardon à
l'absentéisme et, en fait, jamais une déduction pour absence n'a
été appliquée à un député. "Le
troisième alinéa de l'article 95 dit: "Ne doit pas être
considéré comme jour d'absence à une séance de
l'Assemblée nationale chaque jour où un député est
empêché d'être présent pour cause de maladie ou
d'activités officielles." Il n'est pas toujours facile d'établir
avec précision ce qui est une activité officielle. La loi
actuelle laisse évidemment ouverture à plusieurs
interprétations. On peut se demander en effet ce que signifie assister
à une séance et aussi ce qu'est une activité officielle.
"A l'heure actuelle, l'article 100 de la Loi de la Législature impose
des exigences que plusieurs députés trouvent inutiles. Cet
article dit qu'à chaque session de la Législature, chaque
député doit fournir au comptable de l'Assemblée nationale,
à la fin de chaque mois et à la fin de la session, un état
signé de sa main indiquant le nombre de jours qu'il a été
présent au cours du mois ou de la session, selon le cas. Et si
l'état comprend des jours où le député a
été absent pour cause de maladie ou d'une activité
officielle, l'état doit mentionner le fait et spécifier que son
absence était due à telle cause et était
inévitable. Cet état doit être certifié par le
comptable de l'Assemblée nationale et attesté sous serment par le
député devant lui. "Même si nous attachons beaucoup
d'importance à la réponse des députés en Chambre et
même si nous savons que l'absentéisme, dont on les accuse parfois
à tort, nuit beaucoup à leur réputation, nous croyons tout
de même que la déclaration sous serment devrait disparaître.
En effet, nous croyons qu'il faut accepter la parole du député et
que celui-ci, comme le fonctionnaire, pour retirer son indemnité, ne
devrait pas être soumis à l'exigence du serment. "En
réalité, dans notre système d'origine britannique, il
semble qu'à Québec, comme à Londres, l'obligation
d'assister aux séances doit être laissée à la
conscience individuelle renforcée, comme c'est le cas à la
Chambre des communes britannique, par la pression des whips du parti. En effet,
dans ce domaine, les deux meilleures garanties d'assiduité devraient
être la parole du député et la surveillance des whips."
Voilà, ce que dit le rapport Bonenfant, M. le Président.
Je pourrais bien en dire davantage mais je crois que, pour le moment, c'est
suffisant pour indiquer la difficulté de la chose. Cela ne nous
empêche pas de songer à des solutions pour augmenter la
présence à l'Assemblée nationale.
On voit bien qu'il se dégage également du rapport
Bonenfant le fait qu'il y a... Les activités des députés
ne se limitent pas uniquement aux travaux parlementaires. Ils doivent, en
certaines occasions, être présents ailleurs dans la province pour
d'autres fins, toujours, évidemment, dans l'exercice de leurs
fonctions.
Je ne veux pas prolonger indûment cette intervention en
deuxième lecture.
Je voudrais, avant de terminer, simplement, référer
l'Assemblée nationale à plusieurs édito-riaux qui m'ont
été signalés, dans plusieurs journaux de la province. Je
voudrais simplement signaler l'éditorial du Devoir du mardi 17
décembre 1974, sous la signature de M. Claude Ryan. Il y a
l'éditorial dans le journal Le Soleil, sous la signature de M. Paul
Lachance. On aurait intérêt à lire ces éditoriaux
qui, je crois, sont très objectifs et qui regardent d'une façon
très objective, d'une façon dépourvue de passion les faits
que renferme le projet de loi qui est présentement à
l'étude.
Je n'ai pas l'intention de passer à des conclusions en voulant
laisser croire qu'il y a, de l'autre côté, de l'Opposition
à ce projet de loi. Mais j'ai entendu dire, je ne peux pas faire
autrement que d'avoir entendu dire qu'il y avait un message qui venait de
l'extérieur du Parlement, du conseil national, me dit-on, du Parti
québécois, qui aurait donné des instructions aux
députés de ne pas accepter ce projet de loi.
Je pourrais être malin, M. le Président. Je n'ai pas
l'intention de l'être. Mais j'aurais un conseil à donner au Parti
québécois. C'est de tenir compte de l'indépendance de la
Législature. Il est important, M. le Président, que les
députés, parce que, s'ils étaient tous d'accord avant
d'aller au conseil national peut-être pas tous d'accord, je ferais
peut-être exception pour le chef de...
M. MORIN: ... l'indépendance de se servir soi-même?
M. LEVESQUE: Vous aurez l'occasion, M. le Président...
Le chef de l'Opposition ne devrait pas parler comme cela.
M. MORIN: C'est vous qui ne devriez pas parler comme cela.
M. LEVESQUE: II aura l'occasion...
M. HARDY: Franchement, vous êtes inconscient.
M. LEVESQUE: Le chef de l'Opposition aura l'occasion, tout à
l'heure, d'intervenir. Ce que je dis, cependant, M. le Président, c'est
qu'il y a une certaine indépendance de la Législature. Je me pose
la question à savoir si le chef de l'Opposition et les autres
collègues doivent aller au conseil national pour toutes les
décisions qu'ils ont à prendre ici, à l'Assemblée
nationale.
M. MORIN: Certaines, oui.
M. LEVESQUE: Si tel est le cas... Certaines, par exemple, lorsqu'on
décide qui sera chef parlementaire de l'Opposition officielle? C'est le
conseil national qui décide cela? C'est donc le conseil national qui
décide quelle somme additionnelle sera payée à tel
député? Je trouve qu'il y a là un conflit possible. On
dira peut-être que c'est théorique mais cela veut dire que le
conseil national, formé de gens, souvent, qui ont été
rejetés par le peuple, est ici pour dicter la conduite du chef de
l'Opposition officielle et lui assurer une indemnité additionnelle.
C'est dangereux ! Dangereux !
M. MORIN: Vous ne savez pas ce que c'est qu'un parti démocratique
!
DES VOIX: Ah! Ah!
M. LEVESQUE: M. le Président, je sais que le chef de l'Opposition
se met dans une situation, actuellement, très inconfortable sur le plan
des principes. Des non-élus donnent des ordres aux élus lorsque
les élus ont décidé d'une telle ligne de conduite. Les
élus de l'Opposition officielle, en particulier, ont recommandé
une formule, il y a à peine quelques mois. Cette formule a
été mise en place à leur demande et à la demande
des autres parlementaires et aujourd'hui on s'apprête à se lever
en vierges offensées, non pas parce qu'on n'est pas d'accord en
majorité, dans l'Opposition officielle, sur cette augmentation, mais
parce qu'on a reçu un ordre du conseil national...
M. MORIN: Attention!
M. LEVESQUE: ... quelque part, de gens qui n'ont pas été
élus par le peuple et dont quelques-uns ont même été
rejetés par la population. Ce sont eux qui viendront ici, M. le
Président...
M. le Président, si on le fait dans ce cas, qu'est-ce qui
empêche l'Opposition officielle ne l'oublions pas de
prendre des attitudes, de poser des gestes par des votes, ici, à
l'Assemblée nationale, qui ne traduiraient pas la volonté de
leurs électeurs, qui ne seraient pas une interprétation de leurs
principes mais seraient une volonté extérieure au Parlement,
extérieure à la volonté du peuple par un certain conseil
national?
M. le Président, est-ce ça, la véritable
démocratie dans le sens que la comprend le chef de l'Opposition
officielle?
Non, M. le Président...
M. MORIN: Comment faites-vous pour dire cela sans rire?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEVESQUE: Nous avions un problème ici, à
l'Assemblée nationale, comme nous avons plusieurs problèmes
à régler. Celui-là est venu sur le tapis lors de
l'étude des crédits de l'Assemblée nationale. Tous les
députés, incluant particulièrement les
députés d'en face, se sont penchés sur ce problème.
Tout le monde était d'accord qu'il fallait une augmentation à ce
moment-là, un rajustement, si vous voulez.
M. CHARRON: M. le Président, question de privilège.
M. LEVESQUE: Un instant, vous parlerez à votre tour. Cela fait
mal!
M. CHARRON: Question de privilège, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Question de privilège, le
député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: J'attendais cette affirmation mensongère du leader du
gouvernement qui, tout à l'heure, s'est servi de certains extraits de ma
déclaration.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous plait!
M. CHARRON: Comme il a dit que tout le monde était d'accord sur
des augmentations, je lui demande juste l'honnêteté, après
l'état de fait que je ne nie pas et qu'il a cité, de se rendre
jusqu'à la fin de cette intervention que je faisais le 7 juin dernier.
Je vous communique les trois dernières lignes, M. le Président,
mais il y a deux pages qui précédaient cette conclusion.
Je dis, dans les trois dernières lignes: "Lors-
que nous devons aborder le problème en termes de la
société québécoise et de notre place
particulière dans la société
québécoise, je crois que nous sommes parmi ceux qui
bénéficient actuellement d'un excellent revenu et que nous
n'avons, à cet effet, aucune charge à demander de plus aux
contribuables québécois".
C'est ça ma question de privilège pour rétablir les
faits. Et le député de Maisonneuve...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: ... s'il était ici, M. le Président, pourrait
également puiser dans la même intervention que citait le leader du
gouvernement, en date du 6 juin.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: Je l'ai ici M. le Président et permettez-moi de la
citer, parce qu'il a dit que tout le monde était pour l'augmentation? Je
vous signale, M. le Président, que le député de
Maisonneuve...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre s'il vous plaît! A
l'ordre!
M. CHARRON: ... parlant de l'augmentation, a dit le 6 juin: "Notre
conviction est toujours que, quand on fera cela à l'égard des
députés d'ailleurs, on l'a dit quand il a
été question des juges il faudra qu'on tienne compte
d'autres catégories de la population qui, elles aussi, sont à
toutes fins pratiques des salariés... Je pense, entre autres, aux gens
qui sont au salaire minimum". Le député de Maisonneuve et celui
qui vous parle ont encore aujourd'hui la même position qu'au moment de ce
débat et nous la remettrons sur la table lorsque vous nous appellerez en
deuxième lecture, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable leader du
gouvernement.
M. LEVESQUE: M. le Président, j'avais simplement
interprété ce que le député de Saint-Jacques
je ne parlerai pas des autres disait à la page 1014 du journal
des Débats du vendredi, 7 juin 1974: "Toutes proportions gardées
quant aux responsabilités, nous méritons plus que ce que nous
avons". Qu'est-ce que ça veut dire, ça?
M. CHARRON: Mais j'ai posé des conditions avant...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A
l'ordre!
M. CHARRON: ... que nous nous le donnions.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: De toute façon, M. le Président, je lui
répondrai en deuxième lecture; je n'ai aucunement crainte des
insinuations du leader du gouvernement.
M. MASSICOTTE: Marionnette du conseil national.
M. LEVESQUE: M. le Président, lorsque le député de
Saint-Jacques... Je n'ai pas l'intention de continuer; c'est simplement pour
montrer que ce n'est pas...
M. CHARRON: Non, ne continuez pas, parce que vous n'êtes pas sur
un terrain sûr.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. LEVESQUE: Non, non. Un instant, du calme. J'ai simplement dit
ça parce que ça sort évidemment du contexte et non
seulement du contexte, mais du texte même de ce que j'ai relu ce matin
dans le journal des Débats du vendredi, 7 juin 1974. Lorsque, par
exemple, il parlait de son collègue le député de
Lafontaine, il parlait également de sa propre expérience.
Le député de Saint-Jacques disait: "J'ai pu très
sincèrement, au cours des discussions que nous avions entre nous,
vérifier qu'effectivement les taux se resserraient véritablement
plus sur eux que sur moi." Alors, les taux, qu'est-ce que cela veut dire?
M. CHARRON: On ne nie pas, on a posé des conditions.
M. LEVESQUE: Alors, on va revenir aux conditions, M. le
Président, mais on pourrait fort bien en discuter en commission, ce
n'est pas un problème. Ce que je dis cependant, c'est que parce qu'il y
avait ici un problème à l'Assemblée nationale, lors de
l'étude des crédits, les députés le
député qui vient d'intervenir et d'autres ont
suggéré la formation d'un comité d'experts. Plus que cela,
lorsque la décision a été prise de donner suite à
ce voeu de l'Assemblée nationale, l'Opposition officielle a
été consultée pour la formation de ce comité
d'experts. C'est l'Opposition officielle qui a désigné un des
membres de la commission; c'est après consultation avec l'Opposition
officielle que Mme Rousseau a été nommée membre de la
commission, du comité. C'est beaucoup plus que ce qui a
été fait pour d'autres.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LEVESQUE: ... un ancien président de la Chambre et M.
Jean-Charles Bonenfant qui a présidé ce comité d'experts.
Tout le monde était d'accord sur la composition de ce comité.
L'Opposition officielle, comme les ministériels, était
d'accord sur le fait qu'il s'agissait là d'un comité d'experts
indépendant. Lorsque le rapport a été
déposé, il a été reçu par l'ensemble des
députés. Il y a ensuite des députés de l'Opposition
qui l'ont commenté. Je n'ai pas l'intention de parler de conversations
privées, mais il y a même des media d'information qui ont
parlé de la réaction des députés de divers partis
et en particulier de l'Opposition officielle qui ont dit: Bien, peut-être
que ce serait tel montant plutôt que tel autre, etc.
A ce moment-là, M. le Président, on était d'accord
pour deux choses: pour un ajustement et pour l'indexation. On était
d'accord pour accrocher même le salaire du député à
une classe de fonctionnaires, et cela était dangereux, M. le
Président. C'est pour cela que ce n'est pas dans le projet de loi
présentement, parce que nous ne voulons pas être à la fois
juge et partie. Nous ne voulons pas de conflit d'intérêts. C'est
pourquoi nous n'avons pas retenu cette suggestion qui pouvait paraftre valable
et qui nous a paru au début très valable. Mais lorsqu'on y pense
sérieusement, il n'est pas normal que le législateur soit pris
dans une situation, dans une position où il ait à voter des
crédits, à décider dans une commission parlementaire, par
exemple, d'un conflit où il y a une question de
rémunération pour une partie ou l'autre de la fonction publique,
des employés de l'Etat, lorsque ce parlementaire serait lui-même
affecté par la décision qu'il a à rendre dans cette
commission.
C'est pourquoi nous avons préféré que le salaire
soit indexé selon une méthode absolument scientifique, qu'il
suive l'évolution des salaires de la main-d'oeuvre, des salariés
au Canada, et cela par un chiffre fourni régulièrement par
Statistique Canada.
Alors nous avons pris toutes les dispositions nécessaires
objectives, qui ont eu, à toutes les étapes, l'assentiment de
l'ensemble de la députation, d'un côté comme de l'autre de
l'Assemblée nationale. Nous arrivons aujourd'hui avec un projet de loi
qui traduit la volonté exprimée il y a quelques mois par
l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale et qui, en
même temps, est le fruit d'études d'un comité d'experts
extérieur à la Législature.
Qu'est-ce que c'est qu'on a à suggérer comme autre
méthode ou est-ce qu'on sera assez franc pour dire que l'on veut geler
à tout jamais salaires et allocations? Peut-être que c'est
possible pour d'aucuns, mais pas pour tous dans cette Assemblée, et nous
en connaissons. Et le comité Bonenfant s'est rendu compte qu'il y a une
justice à établir, à respecter, il y a une
intégrité à conserver. Troisièmement, il y a une
autre chose, c'est qu'il faut s'assurer que les conditions soient telles qu'on
n'évite pas que des gens très valables puissent
s'intéresser à venir à l'Assemblée nationale.
M. le Président, je crois que nous avons été
très objectif. Très modestement, mais avec la conscience de
n'avoir fait que mon devoir envers les parlementaires, je présente ce
projet de loi et j'espère qu'il recevra l'assentiment de l'ensemble de
la députation.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition
officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: Ainsi donc, M. le Président, malgré les
admonestations de l'Opposition et du Parti québécois,
malgré le scandale que va créer son geste dans l'opinion publique
québécoise...
M. BELLEMARE (Rosemont): ... en voyage, ... en voyage.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): S'il vous plaît! Est-ce que
je pourrais demander à tous les députés... A l'ordre! A
l'ordre! Je n'endurerai pas qu'on interrompe celui qui a la parole. Je serai
tout aussi sévère pour les deux côtés de la Chambre
et c'est le dernier avertissement que je donne. Le chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: Malgré le scandale, je le répète, le
scandale que cela va créer dans l'opinion publique
québécoise, le gouvernement Bourassa, bousculé par son
caucus, a décidé d'augmenter coûte que coûte
c'est bien le cas de le dire le salaire des députés.
M. le Président, on prend soin d'habiller la chose avec soin. Le
nouvel article 92 nous dit qu'il est accordé à chaque
député une indemnité annuelle de $21,000. Mais la
réalité c'est que, lorsque l'on tient compte de l'article 92 a),
l'augmentation est tout autre. Si l'on avait rédigé le projet de
loi en des termes clairs, il aurait été rédigé de
la façon suivante: L'indemnité sera désormais de $23,205,
à compter du 1er janvier 1975.
C'est cela la réalité: $23,205 quand on tient compte de
l'article 92 et qu'on y ajoute l'augmentation prévue à l'article
92 a). De plus, on aurait dit clairement dans la loi qu'un montant forfaitaire
de $4,050 sera versé en rétroactivité à tous les
députés. Voilà ce que fait vraiment ce projet de loi.
M. le Président, il me paraît que cela constitue un abus de
pouvoir. Oui.
M. BELLEMARE (Rosemont): II s'en va en voyage.
M. MORIN: Et j'irai même plus loin, un abus de confiance de votre
part à l'endroit des Québécois...
M. MERCIER: Oui.
M. MORIN: ... un abus de confiance!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LACROIX: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une
question?
M. MORIN: Vous interviendrez tout à l'heure. Il est six heures
moins cinq et je n'autorise pas de question. Asseyez-vous, Monsieur.
M. LACROIX: Votre secrétaire particulier gagnera $24,500 à
ce moment.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre!
M. BELLEMARE (Rosemont): Est-ce que le chef de l'Opposition me
permettrait une question?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! Non. Il n'en permet pas.
Assoyez-vous.
M. MORIN: M. le Président, on emploie d'habitude, dans la
théorie juridique, l'expression "abus de pouvoir" à l'endroit de
l'Exécutif, quelquefois à l'endroit du pouvoir judiciaire, mais
dans notre cas, ce sera un abus de pouvoir de la part du pouvoir
législatif. Peut-il exister un moment plus mal choisi pour
procéder à une telle hausse de salaire?
M. BACON: Hypocrite!
M. MORIN: Le ministre de l'Industrie et du Commerce...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, question de règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Saguenay
sur une question de règlement.
M. LESSARD: M. le Président, on vient de lancer, à
plusieurs reprises le terme hypocrite. Cela a été le cas pour le
député de Rosemont, tout à l'heure et on vient de le
faire. Je demande, M. le Président, que vous interveniez, tant
auprès du député de Rosemont qu'auprès du
député qui vient de dire au chef de l'Opposition qu'il
était hypocrite, afin de faire respecter l'article 45 des
règlements et qu'il puisse retirer leurs paroles.
M. BELLEMARE (Rosemont): Question de privilège, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MORIN: Je n'exige pas le retrait. Ces insultes ne me dérangent
pas.
M. BELLEMARE (Rosemont): Question de privilège, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de
Rosemont, sur une question de privilège.
M. BELLEMARE (Rosemont): Je viens d'être attaqué. J'ai
droit...
M. MORIN: Nous sommes tellement habitués d'entendre des
inepties...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! On va l'écouter
et on va voir. A l'ordre! Le député de Rosemont, question de
privilège.
M. BELLEMARE (Rosemont): Je pose une question de privilège. On
m'a attaqué. Le député de Saguenay m'a attaqué. Il
m'a nommé et il a dit que j'ai traité le chef de l'Opposition
d'hypocrite, ce qui est archi-faux.
Je n'ai pas dit qu'il était un hypocrite, ce n'est pas vrai; j'ai
dit que c'était un sépulcre blanchi.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: Vous ne pourriez pas sortir toutes vos insultes, tout de
suite?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Parlez au président. A
l'ordre! Parlez au président, s'il vous plaît.
M. MORIN: M. le Président, j'inviterais les collègues
à proférer toutes leurs insultes tout de suite, pour qu'on en
finisse. Après, je parlerai.
M. BOSSE: Que René Lévesque renvoie les $4,000
d'indexation qu'il a reçus.
M. MORIN: Et je tiens à dire, M. le Président, pour que ce
soit clair...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. BACON: Vous avez votre chauffeur et votre limousine.
M. MORIN: Je tiens à dire que, malgré les insultes,
malgré l'intimidation, malgré le chantage de toutes les motions
qu'on voudra présenter à mon endroit, je dirai ce que je pense.
Je tiens à le dire! Je dirai ce que je pense et nous lutterons contre ce
projet de loi jusqu'au bout. Est-ce assez clair? Jusqu'au bout.
Le ministre de l'Industrie et du Commerce nous apprenait, dimanche
dernier, le triste état de la conjoncture, particulièrement pour
l'avenir. Nous nous apprêtons à nous voter des augmentations de
salaires et des montants forfaitaires rétroactifs au moment où la
con-
joncture économique se gâte, au moment même où
nous sommes au seuil de la "stagflation", c'est-à-dire du niveau de
croissance 0 accompagné d'une inflation qui dépasse 10 p.c.
M. le Président, voulons-nous montrer que nous sommes au service
des Québécois, des serviteurs du bien commun ou donner
l'impression que nous pensons avant tout à nous-mêmes et passer
pour des sangsues collées aux fonds publics?
M. le Président, qui sommes-nous, après tout? Sommes-nous
des profiteurs? On nous a élus pour diriger, pour participer à la
direction des affaires de ce pays. Nous sommes responsables du bien commun de
l'état de notre demeure collective qu'est le Québec.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, sur un point d'ordre ou
de règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de Johnson,
sur une question de règlement.
M. BELLEMARE (Johnson): Le chef de l'Opposition cela a
certainement dépassé sa pensée vient de nous dire
que nous sommes des sangsues. M. le Président, il y a des termes plus
parlementaires.
M. MORIN: M. le Président, j'ai posé une question et je
continue de la poser.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je ne pense pas que le
chef de l'Opposition puisse employer à l'égard de ses
collègues une attitude et surtout des expressions aussi malheureuses.
Nous ne sommes pas des sangsues, M. le Président, et je n'accepte pas ce
terme, même si c'est attaché à une partie de son
discours.
M. MORIN: Je constate...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. ROY: Sur le même point de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de
Beauce-Sud sur le même point de règlement.
M. MORIN: Je constate que le député va voter contre le
projet de loi.
M. ROY: Sur le même point de règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de
Beauce-Sud sur la question de règlement.
M. ROY: J'inviterais mon collègue, le chef de l'Opposition...
J'avais demandé tout à l'heure que ce débat ait lieu dans
le calme, qu'il se fasse de façon sereine. Il ne faut pas oublier que
nous sommes à quelques jours de la fête de Noël. Etant
donné les propos que j'entends depuis trois jours à
l'Assemblée nationale, on est loin des mots: Paix sur la terre aux
hommes de bonne volonté!
On a le droit de penser ce qu'on voudra sur la loi concernant le salaire
des députés, mais qu'on emploie des propos dignes à
l'Assemblée nationale, que chacun s'exprime dignement, qu'il exprime ses
convictions et qu'il le fasse dans la dignité. Il y a des propos que je
n'accepterai pas, M. le Président, d'où qu'ils viennent.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Pourrais-je demander au chef de
l'Opposition officielle s'il accepterait de retirer...
M. MORIN: Après avoir constaté que le député
de Johnson, puisqu'il n'est pas une sangsue," votera contre ce projet de loi,
je demande...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que vous les retirez sans
commentaire?
M. MORIN: Je demande la suspension de la séance.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Je vous demande de retirer vos
propos, sans commentaire.
M. MORIN: Non. J'ai posé une question; je n'ai pas
affirmé. Je ne retire rien. C'est clair.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! ... A l'ordre! ... A
l'ordre! Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition officielle accepte...
M. LEVES QUE: II est six heures.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... de retirer ses paroles, sans
commentaire? Je lui demande, de façon très polie...
M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de
règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... de collaborer.
M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de
règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! ... Je suis debout...
J'ai posé une question au chef de l'Opposition officielle... A l'ordre,
s'il vous plait! ... A l'ordre! ... A l'ordre! ... Assoyez-vous, on y verra
après!
Assoyez-vous pour commencer! ... A l'ordre! ... Je rappelle l'honorable
député de Saguenay à l'ordre! ... A l'ordre! ... Est-ce
que je peux demander au chef de l'Opposition qu'il me réponde oui ou
non? Est-ce qu'il a l'intention de retirer ses paroles?
M. MORIN: M. le Président, j'ai posé la question
suivante...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Je vous demande de me dire si oui
ou non, vous avez l'intention...
M. MORIN: J'ai demandé si nous voulions passer pour des sangsues
collées aux fonds publics et je ne retire pas l'expression.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Merci pour votre collaboration.
L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à ce soir...
M. LEVESQUE: Vingt heures.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): ... vingt heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
Reprise de la séance à 20 h 5
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs!
Le chef de l'Opposition officielle.
M. BURNS: Combien sommes-nous en Chambre, M. le Président?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II y a une commission qui
siège.
M. BURNS: II n'y a pas de commission qui siège avant huit heures
et quart, M. le Président. Non, non, si on veut être exact,
là...
On est 30? D'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): 32. M. BURNS: D'accord.
M. MORIN: M. le Président, au moment de la suspension du
débat, j'étais en train d'expliquer qu'à notre avis
l'augmentation que cette Chambre s'apprête à se voter est tout
à fait déraisonnable par rapport au contexte économique
dans lequel nous vivons, et j'entends le démontrer longuement ce
soir.
J'ai expliqué que, si le projet de loi avait été
rédigé en langage clair, il aurait décrété
que, désormais, l'indemnité du député sera,
à compter du 1er janvier 1975, de $23,205 et qu'en sus un montant
forfaitaire de $4,050 sera versé à tous les députés
pour tenir compte de la période écoulée depuis le 1er
avril.
Seulement pour le salaire que les membres de cette Chambre vont toucher,
à compter du 1er janvier, cela représente une augmentation de
$7,600. Ce qu'on a vu dans les journaux à l'effet qu'il s'agissait d'une
augmentation de 25 p.c. est donc erroné. En réalité, M. le
Président, l'augmentation sera de l'ordre de 50 p.c. Je mets quiconque,
ici, dans cette Chambre, au défi de prouver le contraire.
C'est tout à fait déraisonnable, M. le Président.
On ne peut choisir un moment plus inopportun pour procéder à une
telle hausse. Le ministre de l'Industrie et du Commerce ne nous apprenait-il
pas, dimanche dernier, que l'année 1975 allait être difficile pour
les Québécois, alors que paraissent déjà à
l'horizon les signes les plus clairs de ce qu'on appelle, dans le jargon des
économistes américains, la "stagflation", c'est-à-dire la
croissance zéro alliée à un taux d'inflation qui
dépasse les 10 p.c.
Le ministre nous a fait une description selon laquelle tous les
indicateurs sont à la hausse mais lorsqu'il en est venu à parler
de l'année prochaine, de l'année 1975, il a dû s'abstenir
de risquer des prédictions, il a dû se montrer très
circonspect et même plutôt pessimiste. Effectivement,
n'entendons-nous pas tous les jours, par tous les journaux, être
annoncée cette récession, sinon cette période grave de
comment dire "stagflation", s'il n'y a pas de
meilleur mot pour décrire ce vers quoi le Québec se
dirige.
Le ministre nous a dit que 1975 allait être difficile pour les
Québécois, les signes sont sur le mur, à la manière
biblique, pour qui veut les lire. Nous nous acheminons, tous les
Québécois ensemble, vers une situation dont on ne voit pas
l'issue encore en ce moment. Il se peut même que 1976 soit pire que 1975,
quoique, je ne m'aventurerai pas à la moindre prévision pour la
période de 1976 et au-delà.
Pour l'immédiat, nous sommes devant une conjoncture difficile,
peut-être allons-nous être obligés de demander des
sacrifices aux Québé-crois, peut-être cette Chambre
va-t-elle être obligée, d'ici quelques mois, de se pencher sur des
problèmes sociaux considérables. M. le Président, si nous
voulons demander, exiger des sacrifices des citoyens, il faut que nous donnions
l'exemple de la modération.
Oh! Nous serions prêts, nous de l'Opposition et je le dis
au nom de l'Opposition officielle aussi bien qu'au nom du Parti
québécois à accepter l'indexation du salaire des
députés de cette Chambre, l'indexation au coût de la vie,
non pas selon la formule qui a été retenue dans la loi, dont je
ferai l'analyse tout à l'heure, mais sans rétroactivité,
sans rattrapage. Nous serions prêts à accepter cela à
compter du 1er janvier prochain, mais à certaines conditions.
Et que mes collègues m'entendent bien: Ces conditions, il est
possible de les rencontrer.
Ce que je suis en train de vous dire, c'est que, si nous consentons
à nous indexer nous-mêmes, nous devons faire la même
démarche, à tout le moins, pour l'ensemble des citoyens
québécois. Je n'ai pas d'objection de principe à ce qu'on
indexe les députés. Cela a été dit très
clairement lorsque, à la suite du conseil national de la fin de semaine
dernière, j'ai exposé devant l'opinion publique les positions que
nous avions prises. Nous n'avons pas d'objection à l'indexation du
salaire des députés au coût de la vie, à certaines
conditions: Que cela s'applique à tout le monde. Ce qui est bon pour les
députés est certainement bon pour l'ensemble de la
population.
Nous devrions être, dans cet Etat, dans ce pays qui est le
nôtre, les premiers à servir et non pas les premiers servis.
J'espère que mes collègues entendent bien ce que je leur dis. Ce
n'est pas que nous nous opposons à toute indexation qui leur permettrait
de maintenir leur pouvoir d'achat, au contraire, mais, M. le Président,
nous voulons que les députés aient d'abord le souci de l'ensemble
des Québécois. Quand nous aurons, selon nos
responsabilités, posé ce geste pour les Québécois,
il sera tout naturel que nous puissions, nous aussi, bénéficier
des mêmes principes. Mais appliquer ces principes à nos "modestes"
personnes, en nous disant que les autres se débrouilleront comme ils le
pourront, cela, M. le Président, jamais, en ce qui nous concerne.
Les conditions, je les décrirai tout à l'heure,
après m'être étendu un peu plus longtemps sur l'état
de l'économie et après avoir soulevé une question de
privilège.
Il est rare qu'on soulève une question de privilège au
milieu d'un discours, M. le Président, mais j'en ai une question de
privilège à vous soumettre.
Vous savez que je me trouve depuis cet après-midi, de par la
volonté de la majorité libérale en cette Chambre, dans une
situation particulière. Il plane sur moi une certaine menace de cette
Chambre. Or tout à coup, à la fin de la dernière
séance, alors que je venais de terminer une partie de mon exposé
sur le salaire des députés et que je venais de soutenir que nous
n'avons pas le droit d'abuser de notre pouvoir, d'abuser de la confiance des
Québécois, un député s'est levé, est venu
vers moi et, devant témoin, m'a fait des menaces. Oui, je tiens à
le dire car c'est fort important. Ce député est le
député de Saint-Jean, qui et je l'invite à
s'expliquer...
M. VEILLEUX: Une question de privilège.
M. MORIN: Je veux bien qu'il fasse sa question de privilège et
qu'il me dise exactement ce qu'il a voulu dire, quand il m'a dit: "Vous nous
payerez ça".
UNE VOIX: Ce n'est pas à toi de décider.
M. MORIN: Dans la situation où je me trouve, ça peut
être très grave, M. le Président; je ne voudrais pas
interpréter ces paroles avant d'avoir entendu le député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Une question de privilège.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Pouvez-vous demander au député de Lafontaine,
M. le Président... Après la séance, si ma mémoire
est bonne, j'ai dit au député de Sauvé qu'il ravalerait
les paroles qu'il disait tout à l'heure. Et effectivement, quand il aura
terminé son intervention, et ses autres collègues, j'ai
l'intention de prendre la parole et de lui faire ravaler les paroles qu'il a
dites avant le souper et qu'il continue à dire. C'est tout simplement
ça; je ne veux pas soulever de débat.
M. MORIN: Ce n'est pas ça que le député m'a dit, M.
le Président. Non, que ce soit bien clair. Il y avait un témoin
et il a été entendu clairement. Le député l'a dit
à haute et intelligible voix il était peut-être hors
de lui mais je voudrais bien savoir ce que signifiait exactement les
mots: "Vous nous payerez ça".
M. HARDY: Vous écouterez son discours.
M. MORIN: C'était plus direct que cela: "Tu nous payeras
ça".
M. HARDY: Vous écouterez son discours tantôt, vous allez
voir.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
M. MORIN: Est-ce que le député voudrait bien s'expliquer,
M. le Président?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Mais je pense que le député
a expliqué ce qu'il a dit et si le chef de l'Opposition veut... A
l'ordre, à l'ordre! Si le député de Sauvé veut
procéder plus loin, il a toujours les dispositions de nos
règlements pour attaquer la conduite d'un confrère.
M. HARDY: Attendez son discours.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
M. MORIN: En ce qui concerne la situation économique, il est
évident que les indicateurs économiques pour l'année 1974
aient été, en apparence, à la hausse, il faut se rendre
compte que le ministre parlait presque constamment en termes pécuniaires
et que nous connaissons, à l'heure actuelle, un taux d'inflation de
l'ordre de 10 p.c, supérieur à 10 p.c. Nous verrons, à la
lumière de ces faits, que dans plusieurs cas les indicateurs
économiques, en termes réels, sont à la baisse. Qu'il
s'agisse des salaires et traitements, qu'il s'agisse des immobilisations dans
les secteurs primaire, gouvernemental ou encore dans le secteur de
l'habitation, qui sont des secteurs déterminants, des indicateurs
déterminants pour l'économie, nous sommes en
réalité à la baisse.
Par exemple, dans une période d'inflation où les
coûts de construction ont augmenté de 15 p.c. et plus, une hausse
de 13 p.c. des investissements gouvernementaux signifie que le gouvernement a
bâti un moins grand nombre d'écoles, d'hôpitaux qu'en 1973.
Une hausse de 10.7 p.c, pour prendre un chiffre précis des
salaires hebdomadaires moyens signifie qu'en réalité, nous sommes
devant une diminution réelle du pouvoir d'achat.
Pour la première fois depuis les années 50, nous nous
trouvons devant une situation économique sombre. Les indicateurs
économiques doivent donc être analysés dans cette
perspective. Il est clair que la performance économique du
Québec, à l'heure actuelle, ce contexte plus vaste dont j'ai
parlé au début de mon exposé, et qui est
déterminant pour le montant des salaires que nous pouvons nous permettre
de nous payer dans cette Chambre, la performance économique du
Québec et, par voie de conséquence, la gestion, la politique
économique du gouvernement, sont déterminants. Si nous devons
juger d'après cela, nous devons procéder par comparaison avec
l'ensemble canadien en général et, en particulier, avec notre
voisin ontarien.
Je tenterai de décrire le contexte économique
général dans lequel nous nous trouvons, à
l'intérieur duquel se pose cette question de l'augmentation de salaires
des députés. Il n'est pas inutile de rappeler que le
Québec accuse un retard par rapport au reste du Canada sur le plan
économique. Il faut se rappeler également que l'écart est
encore plus grand quand nous comparons l'économie
québécoise et l'économie ontarienne.
La revue des principaux indices statistiques permet de constater un
ralentissement de la croissance économique plus marqué au
Québec, en fait, que dans l'ensemble de l'économie canadienne. La
conjoncture peu reluisante qui accable, depuis près d'un an,
l'économie nord-américaine, c'est-à-dire croissance nulle
de la production, en termes réels, accompagnée de taux
d'inflation qui sont supérieurs à 10 p.c, frappe, quoique plus
modérément, l'économie canadienne et l'économie
québécoise, depuis six mois. Tout indique que ces facteurs se
feront sentir encore davantage au cours de l'année 1975. Bien sûr,
ce phénomène était attendu, dans une certaine mesure, mais
ce qui l'était moins, et qui, pour nous, est plus grave encore, c'est
que ce phénomène de stagflation relative frappe plus durement
l'économie québécoise que l'économie
canadienne.
Les indicateurs qui ont été rendus publics
révèlent pour le Québec un taux de croissance du PNB, en
termes réels, de 3.8 p.c. Il s'agit donc d'un très sérieux
ralentissement par rapport à 1973. Je pense que le ministre n'en
disconviendra pas, puisque le taux, en 1973, était de 7.5 p.c. De plus,
le taux de croissance du PNB québécois s'est avéré
inférieur à l'augmentation du PNB canadien qui, en termes
réels, a atteint, l'année dernière, 4.3 p.c.
Nous sommes donc en présence d'une croissance inférieure
de plus de 10 p.c. à la moyenne canadienne. L'écart entre les
économies québécoise et canadienne continue donc de
s'agrandir.
J'ai dit, tout à l'heure, qu'il était devenu, pour ainsi
dire, traditionnel, cet écart. Mais il s'approfondit en ce moment.
L'année 1975, sur ce plan, nous apportera certainement de mauvaises
nouvelles. En tout cas, nous devons y être prêts, puisque c'est
notre responsabilité de voir venir, de prévoir dans toute la
mesure où cela peut être fait.
Parallèlement à cette faible croissance, un
phénomène totalement nouveau s'est manifesté au
Québec. Pour la première fois depuis de bien longues
années, le taux d'inflation québécois dépasse le
taux observé à l'échelle canadienne. Traditionnellement,
en effet, le Québec connaissait environ 1 p.c. de moins d'inflation que
l'ensemble canadien. Et ce 1 p.c. avait tout de même son importance,
étant donné que, sur le plan du PNB, nous étions toujours
en dessous.
Or, voici que se conjuguent deux facteurs,
pour la première fois depuis très longtemps: d'une part,
la décroissance du PNB qui pourrait bien se trouver en chute libre au
cours de l'année 1975 et, d'autre part, la croissance de l'inflation
au-delà du niveau canadien. Les effets sociaux de cette poussée
inflationniste sont d'autant plus graves qu'ils se font surtout sentir au
niveau des prix alimentaires. Ainsi, l'indice des prix alimentaires augmentait,
au cours des dix premiers mois de 1974, de 17.7 p.c. à Montréal,
comparativement à 16.2 p.c. pour l'ensemble du Canada. Il s'agit,
là encore, d'un désavantage de l'ordre de 10 p.c. pour le
Québec par rapport à la moyenne canadienne.
M. le Président, si l'on ne sait pas lire les conséquences
de ces faits pour l'avenir, si les membres de cette Chambre ne sont pas
capables de se rendre compte que nous allons vers une situation
économique difficile, je comprends qu'ils soient enclins à se
dire: L'économie est prospère, donc "on peut se servir". Rien ne
serait plus grave et on nous le reprocherait pendant les années qui
viennent et l'opinion publique a la mémoire longue
à bon droit quand, d'ici quelques mois, l'économie prendrait une
mauvaise tournure.
Une seconde constatation se dégage des données rendues
publiques au sujet de l'année qui se termine. La somme des salaires et
traitements divers a augmenté de 13.8 p.c, passant du total de $16.2
milliards à $18.4 milliards. A première vue, on pourrait se dire:
Voilà un élément réjouissant. Puisque la masse des
salaires augmente si vite, "on peut se servir"! Mais compte tenu d'une
augmentation de 3.1 p.c. du nombre de personnes occupant un emploi, on peut en
déduire mathématiquement que l'augmentation moyenne de revenu par
travailleur se situe approximativement à 10.7 p.c, soit un taux
inférieur à l'augmentation du coût de la vie qui, lui, a
été de 11.1 p.c. C'est la vérité brutale.
Je crains bien que lorsque nous nous reverrons dans une année,
nous serons devant des chiffres encore plus graves. En tout cas, c'est une
hypothèse dont on sait qu'elle est sérieuse parce que la plupart
des économistes voient les choses de cette façon. En somme, les
gains pécuniaires réalisés par l'ensemble des
salariés et de tous ceux qui reçoivent des traitements divers
n'auront été qu'illusoires, même au cours de 1974. J'admets
que 1974 a été une année qui, sans être aussi
reluisante que 1973, a été annonciatrice de problèmes
sérieux.
Par ailleurs, il faut également souligner que la stagnation du
pouvoir d'achat de l'ensemble des Québécois constitue une
moyenne. Il est évident que le pouvoir d'achat d'un grand nombre de
petits salariés, surtout chez les non-syndiqués, a subi une chute
encore plus importante.
Je voyais les chiffres qui ont été publiés
concernant les taux de croissance réelle aux Etats-Unis, au Canada. En
ce qui concerne le Québec, il est vrai que nous n'avons aucun chiffre,
mais nous n'avons, d'autre part, aucun indice qui nous permette de conclure
qu'il existe ici une situation tellement différente de celle de
l'ensemble canadien. Aux Etats-Unis, M. le Président, si on examine la
croissance de trimestre en trimestre, exprimée en taux annuel, on
obtient, au cours du premier trimestre 1974, non pas une croissance, comme
j'allais le dire, mais une décroissance réelle de moins 7
p.c.
Au Canada, l'impact a été moins considérable et,
toujours de trimestre en trimestre, le premier de 1974 a donné plus 1.5
p.c, ce qui montrait que le Canada s'en tirait mieux que les Etats-Unis pour ce
qui est du taux de croissance réelle.
Mais la situation évolue rapidement. Au deuxième trimestre
1974, aux Etats-Unis, il y avait un certain redressement, on passait à
-1.6 p.c. tandis qu'au Canada le chiffre devenait zéro. C'est une chute
assez draconnienne. Pour le troisième trimestre, la tendance se
confirme. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui connaît ces
chiffres encore mieux que moi, sait que c'est sur la foi de ces chiffres que
les économistes s'inquiètent de l'avenir. Au troisième
trimestre 1974...
M. SAINT-PIERRE: Si le chef de l'Opposition me le permet, il fait une
légère erreur, vous allez...
M. MORIN: Non, je vous en prie M. le ministre. M. le Président,
je voudrais faire savoir au ministre, par votre intermédiaire, qu'il
aura tout le loisir de nous dire s'il est en faveur de l'augmentation de
salaire des députés et des ministres, tout à l'heure.
J'attends son discours, d'ailleurs, non sans intérêt.
M. le Président, au troisième trimestre 1974, aux
Etats-Unis la croissance, en termes réels, a été de -2.9
p.c. Donc, aux Etats-Unis, il s'agit vraiment d'une aggravation de trimestre en
trimestre tandis qu'au Canada, pour le même espace de temps, la
croissance, toujours trimestre par trimestre, a été de 0 p.c.
Nous n'avons pas de raison de croire qu'il en aille différemment
pour le Québec. Nous sommes donc tout près du point de croissance
zéro et il se peut qu'en 1975 nous passions sous le zéro.
M. le Président, devant une situation économique comme
celle-là, je ne m'explique pas que l'on puisse augmenter les salaires
des membres de cette Chambre de 50 p.c. Je sais que la chose a
été habillée habilement dans le projet de loi.
Peut-être même certains députés ne savent-ils pas que
le projet de loi entraîne une augmentation de salaire de cet ordre.
Aussi, nous nous opposerons avec la dernière énergie, compte tenu
du cadre économique à l'intérieur duquel la question nous
est posée, à toute indexation du salaire des membres de cette
Chambre à moins que certaines conditions ne soient
respectées.
Ce ne sont pas des conditions impossibles à
respecter. Si nous indexons nos propres salaires, si même nous
nous permettons plus de $4,000 de montant forfaitaire pour le passé,
j'imagine que nous pouvons avoir au moins autant de considération pour
l'ensemble des citoyens, à commencer par les plus démunis, et en
n'oubliant pas la masse des travailleurs, même ceux qui sont
syndiqués et qui ont vu leur salaire augmenter, tant bien que mal de 10
p.c. en moyenne au cours de cette année, ce qui leur permet, au moins
dans certains cas pour les plus chanceux de faire face à
l'augmentation du coût de la vie.
Je ne pense pas que les conditions que nous posons soient impossibles
à respecter. Je sais que j'ai eu des paroles dures tout à l'heure
en commençant mon exposé, et le député de Johnson
m'en a fait des reproches; c'était une question que je posais. Je me
demandais si, avec des augmentations de l'ordre de 50 p.c, nous n'étions
pas en train de nous comporter comme des sangsues des fonds publics.
Je suis prêt à admettre que les députés ont
des problèmes comme les autres. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
nous avions consenti à ce que soit créé un comité
consultatif sur les indemnités et allocations des parlementaires du
Québec. Mais, quand nous avons donné notre consentement à
cela, nous avons bien dit que cela ne préjugeait en rien notre attitude
sur le projet de loi quand il paraîtrait. Nous avons bien eu soin de
préciser que, dans notre esprit, cela était sujet à
certaines conditions. Cependant, la façon dont vous nous
présentez les choses, avec 50 p.c. d'augmentation de traitement, sans
que les Québécois, eux, aient la chance d'en obtenir même
15 p.c. dépasse les bornes.
Nous ne pourrons certainement pas marcher. Encore une fois, qu'y a-t-il
d'impossible dans ce que nous vous proposons? Au fond, c'est presque
pour parler jargon un "bargain" que nous vous proposons. Oui, un
"bargain", un quid pro quo, pour parler au niveau du ministre des Affaires
culturelles. Messieurs...
M. le Président, et j'aurais dû dire Madame, parce que je
sais que le ministre d'Etat aux Affaires sociales et le ministre des Affaires
sociales, qui est là également, seront peut-être sensibles
aux conditions que je vais énumérer.
La première est celle-ci: Pourquoi ne pas immédiatement
porter le salaire minimum à $2.50? Si nous sommes capables de nous voter
des augmentations de 50 p.c, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous
pencher sur la condition de ceux qui sont les plus mal pris.
Le taux du salaire minimum a augmenté, c'est vrai, au cours de la
dernière décennie. Il était c'est presque honteux
d'avoir à le dire de $0.70 en 1961. Ce n'était même
pas un salaire minimum, M. le Président, à cette époque,
c'était en-dessous de tout. Il est passé à $1.40 en 1971
et, depuis 1972, nous avons été témoins d'une hausse en
mai et en novembre de chaque année, passant successivement de $1.50
à $1.60 à $1.65 à $1.70 à $1.85 à $2.10 et
à $2.30 au 1er novembre. Peut-être les membres de cette
Assemblée pensent-ils que c'est suffisant? Ils ne doivent pas penser que
c'est bien considérable puisqu'eux mêmes, étant aux prises
avec des problèmes de cherté de la vie, sont prêts à
s'augmenter de 50 p.c, M. le Président. Pour une semaine de 40 heures,
le salaire hebdomadaire minimum est passé de $66 à $92 entre
novembre 1972 et novembre 1974. C'est une augmentation qui peut paraître
considérable à première vue, mais quand on tient compte du
rattrapage à effectuer dans ce domaine, M. le Président, c'est
tout à fait insuffisant. Si l'on tient compte de la hausse du coût
de la vie, l'augmentation réelle du salaire hebdomadaire n'a
été que de $10.80, soit 16.4 p.c
L'indice des prix à la consommation est passé, pendant
cette période, de 132.3 à 162.8. Encore faut-il considérer
que le budget d'une famille qui vit avec $92 par semaine est entièrement
mobilisé pour les premières nécessités de la vie:
la nourriture, le logement, l'habillement; secteurs qui ont subi, vous le
savez, des hausses encore supérieures à celles
reflétées par l'indice des prix à la consommation. Si l'on
tient compte de ce phénomène, on constate que l'augmentation
réelle du salaire minimum depuis deux ans se situe entre 5 p.c. et 10
p.c.
Je me répète, M. le Président, car cela est fort
pertinent dans le débat. J'ai dit que l'augmentation réelle du
salaire minimum depuis deux ans se situe entre 5 p.c. et 10 p.c. Et nous, dans
notre magnanimité, nous allons nous voter des augmentations de salaire
de 50 p.c. M. le Président, voilà ce que je voulais dire tout
à l'heure quand j'ai dit que cela constituait un scandale.
Par ailleurs, le maintien, pendant des années, du salaire minimum
à un niveau anormalement bas, quand on songe qu'il était de $0.64
en 1960, $1.05 en 1968, $1.25 en 1970, cela a nécessité un
rattrapage rapide qui n'a pas eu lieu ou, en tout cas, qui n'est pas
terminé, de sorte que si l'on tient compte de l'inflation et de ce
rattrapage que nous devrions accélérer, la hausse du salaire
minimum, même si elle a été rapide, a été
simplement insuffisante.
La seule véritable question que l'on doive poser à cet
égard est de savoir quel est le minimum nécessaire en 1974 pour
élever une famille. Malheureusement, ce n'est pas comme ça qu'on
pose la question. Le salaire minimum, ça devrait être le salaire
nécessaire à un homme besogneux, fiable, pour gagner sa vie
convenablement et élever sa famille, et non pas celui qui est
défini en fonction de ce que les industries souvent les plus mal fichues
sont capables de payer à leurs employés.
M. le Président, il nous paraît évident qu'il est
impossible, pour une famille moyenne qui à l'heure actuelle compte un
peu plus de quatre personnes, de vivre convenablement avec $92 par semaine
et...
M. BOSSE: La pertinence du débat.
M. MORIN: ... je vois que le député ne fait pas le lien
entre son salaire et celui de ceux qui gagnent $92 par semaine...
M. BOSSE: II reste qu'il y a quelqu'un qui fait le lien, puis ce n'est
sûrement pas le chef de l'Opposition pour ce qu'il en connaît, lui,
des situations des petits salariés, pour ce qu'il en connaît, lui,
dans sa tour d'ivoire de l'université.
M. MORIN: Oui, oui, M. le Président, je puis assurer le
député que j'ai rencontré beaucoup de gens qui n'ont
même pas ça, durant certaines de mes tournées, et qu'ils
m'ont parlé. Je me suis "fait parler", aussi du salaire des
députés parce que la question était dans l'air
déjà. Un homme comme le député de Dorion, qui a
été près des problèmes sociaux, un homme qui s'est
frotté aux problèmes sociaux, devrait savoir ça.
M. BOSSE: II y est encore puisqu'il est encore élu, lui, alors
que Lévesque ne l'est pas. Et Lévesque, lui, accepte des
augmentations chaque année, l'indexation du salaire, l'indexation du
fonds de pension, par exemple.
M. MORIN: Et M. le Président, c'est ce député qui
me rappelle à la pertinence du débat!
M. BOSSE: Justement.
M.MORIN: II y a peu de députés mieux placés que le
député de Dorion pour parler des problèmes du monde qui se
trouve au bas de l'échelle des salaires. J'ai hâte de l'entendre
parler du salaire des députés tout à l'heure. J'ai
hâte qu'il nous dise comment il peut justifier une augmentation de
salaire qui ira jusqu'à $30,000 dans son cas. Vous nous direz cela tout
à l'heure, M. le député. En attendant, c'est moi qui ai la
parole.
M. BOSSE: Pour moi, ce sera facile, mais pour vous qui en avez $41,000
présentement, plus la limousine et les autres services...
M. MORIN: M. le Président, je ne voudrais pas que le
député de Dorion prenne mes paroles en mauvaise part. J'ai dit
que j'ai hâte de l'entendre, parce que je sais qu'il s'est frotté
à ces problèmes. Mais, tout à l'heure... Laissez-moi
parler pour l'instant.
La deuxième condition que nous posons, M. le Président,
après avoir mentionné déjà le relèvement du
salaire minimum à $2.50 immédiatement, c'est l'indexation de ce
salaire minimum. Nous voulons l'indexation. J'expliquerai tout à l'heure
que nous la voulons même dans des termes qui nous seront plus que
favorables. Nous allons même nous servir comme salaire de base, pour
employer les termes techniques, de ce qu'on appelle le salaire moyen des Cana-
diens, qui est plus élevé que celui des Québécois,
mais c'est une démonstration que je ferai tout à l'heure. Nous
nous sommes vraiment bien avantagés! On a couvert tous les angles, comme
on dit dans le jargon.
La troisième condition, c'est la réouverture des
conventions collectives, de façon qu'on puisse y insérer
désormais des clauses d'indexation des salaires et des traitements au
coût de la vie. Nous avons déjà proposé cela depuis
plusieurs mois. On ne nous a pas écoutés. Pourtant, ça
s'imposait, cela s'imposait, parce qu'au Québec, 40 p.c. de la
main-d'oeuvre seulement est syndiquée.
Cependant, en soi, la syndicalisation n'assure pas nécessairement
un moyen de défense efficace contre la hausse du coût de la
vie.
Plusieurs conventions collectives qui ont été
négociées avant la période où l'inflation est
devenue galopante, avant le moment où il est devenu évident qu'il
fallait prévoir des clauses d'indexation, sont littéralement
"fermées", sont maintenues fermées par les employeurs.
C'est pourquoi, selon les derniers chiffres que je possède
qui ont peut-être évolué légèrement depuis
quelques mois 94 p.c. des conventions collectives, touchant 79.6 p.c.
des salariés syndiqués, n'ont pas de clause d'indexation au
coût de la vie, des clauses de vie chère. Je n'invente pas ces
chiffres. Ils ont fait l'objet de recherches systématiques par le
Service d'analyse des conventions collectives de l'université McGill. Le
chiffre que j'ai mentionné n'est peut-être pas le plus
récent, mais il est bien clair que la très grande majorité
des conventions collectives ne comporte pas de clause de vie chère. On
peut dire que huit employés syndiqués sur dix n'ont d'autre
recours contre l'inflation que de demander la réouverture de leur
convention collective pour négocier une formule d'indexation des
salaires.
M. le Président, dans un Etat où le dirigisme
économique serait plus prononcé que celui que nous connaissons au
Québec, il serait peut-être possible à l'Etat d'intervenir
et de dicter, par une loi, une augmentation automatique des traitements.
Cependant, nous avons voulu être plus modestes dans nos exigences. Nous
avons voulu nous placer à l'intérieur du contexte de
laisser-faire économique et social qui sert de philosophie politique
à ce gouvernement. Nous lui disons: II n'est pas nécessaire
d'aller jusqu'à décréter des augmentations de 10 p.c. ou
12 p.c. des salaires. Non. Qu'on permette c'est plus conforme à
la philosophie du gouvernement aux travailleurs de négocier cela
avec leurs employeurs. Mais, pour cela, il faut rouvrir les conventions
collectives parce que certaines ne viendront à expiration que dans un
an, un an et demi, peut-être même davantage, avec le
résultat que, dans l'intervalle, ces travailleurs sont sans
défense devant la perte de leur pouvoir d'achat.
M. le Président, il me semble que c'est le bon sens. Il me semble
que nous n'exigeons pas des
choses impossibles. Remplissez ces trois conditions et, ensuite, prenez
ce que vous voudrez, messieurs, à l'intérieur des limites de la
décence, à l'intérieur des limites de l'indexation,
à compter du 1er janvier 1975.
La carotte n'est-elle pas suffisante, messieurs? Tout ce que nous
demandons, c'est le relèvement du salaire minimum à $2.50,
immédiatement. Deuxièmement, l'indexation de ce salaire minimum
et, troisièmement, un amendement au code du travail qui permette la
réouverture de toutes les conventions collectives, à certaines
conditions. On pourrait peut-être je le mentionne pour
mémoire préciser que seules les conventions venant
à échéance après une date à
déterminer seraient visées. Par exemple, les conventions qui
viennent à échéance dans plus de quatre, cinq ou six mois.
On pourrait exiger que seules les conventions collectives ne contenant pas
d'ajustement au coût de la vie puissent être
révisées; il ne s'agit pas de s'attaquer aux conventions qui
contiennent déjà des clauses d'indexation au coût de la
vie. On pourrait préciser que seules les clauses pécuniaires
pourraient faire l'objet de nouvelles négociations et non pas les autres
clauses de la convention.
On pourrait prévoir un certain nombre de tempéraments,
mais, sur le principe, je pense que l'Opposition ne peut bouger. Ces trois
conditions nous paraissent essentielles, si l'on veut en arriver à une
indexation de l'ensemble des salaires et traitements des
Québécois en vue de maintenir le pouvoir d'achat de nos
concitoyens.
M. le Président, je ne sais combien de temps il me reste.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cinq minutes.
M. MORIN: Cinq minutes. Diable! J'avais encore quelques petites choses
à vous dire, mais j'ai l'impression que nous allons avoir tout le temps
nécessaire d'en parler. Peut-être profite-rai-je de ces quelques
minutes qui me restent pour attirer votre attention sur un certain nombre de
faits qui peut-être ont échappé aux membres de cette
Chambre.
Lorsque nous comparons les indemnités et allocations des membres
de cette Chambre avec celles qui ont cours dans les autres provinces du Canada,
nous sommes obligés de constater que nous ne sommes pas si
maltraités que cela, même dans la situation actuelle.
M. le Président, nous venons au second rang, si l'on fait le
total des indemnités et des allocations. Au premier rang se trouve la
Colombie-Britannique...
M. HOUDE (Abitibi-Est): Des sociaux-démocrates.
M. MORIN: ...avec $24,000. Et, au second rang, les
"sociaux-démocrates" québécois...
M. HOUDE (Abitibi-Est): Avec $41,400.
M. MORIN: ... qui arrivent bons deuxièmes avec $22,740. M. le
Président, il faudrait peut-être maintenant comparer cela avec les
revenus des particuliers per capita, province par province. La situation est
alors un peu moins reluisante. La première province est
évidemment l'Ontario, avec, selon les derniers chiffres que nous avons,
un revenu par tête de $4,324, qui a probablement augmenté depuis
l'époque de ces statistiques.
Au second rang, ce n'est pas le Québec, mais la
Colombie-Britannique, avec $4,078. Passons-en plusieurs avant d'arriver au
Québec, qui vient au cinquième rang. On nous présente
toujours comme l'une des provinces des plus prospères. Ce n'est pas
vrai, M. le Président; nous venons après l'Ontario, la
Colombie-Britannique, l'Alberta et le Manitoba, avec un revenu per capita de
$3,359, c'est-à-dire près de $1,000 en moins. Je sais que le
ministre, tout à l'heure, pourra nous donner les chiffres les plus
récents, c'est vrai qu'il y a eu amélioration, mais nous
demeurons dans une position défavorable par rapport aux autres
provinces.
M. le Président, il est pour le moins paradoxal que nous soyons
au second rang pour les indemnités payées aux
députés dans la situation actuelle, mais au cinquième rang
pour le revenu per capita. Il y a là un déséquilibre sur
lequel...
M. LACROIX: Comment vous situez-vous comme leader de l'Opposition?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. MORIN: J'ai hâte d'entendre mes collègues
s'exprimer.
En conclusion, M. le Président : Voulons-nous nous montrer au
service des Québécois? Voulons-nous être les premiers
à servir ou les premiers servis? Voilà la question. Qui
sommes-nous, dans cette Chambre? On nous a élus pour diriger ce pays.
Nous sommes responsables du bien commun.
M. le Président, c'est la conception même du
député qui est en cause et, n'ayons pas d'illusion, ce sont
également sa réputation et son image dans le peuple. Les gens
d'Ottawa l'ont compris sur le tard et nous semblons plus obtus ou
peut-être plus âpres au gain, je ne sais trop. C'est pourquoi, en
terminant, je voudrais informer mes collègues, le plus
modérément possible, que nous entendons lutter jusqu'au bout
contre ce projet qui constitue un véritable abus de pouvoir,
doublé d'un abus de confiance. Merci, M. le Président.
M. LACROIX: Amen.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.
M. MORIN: Ce que vous voulez dire c'est "amène", sans doute.
M. LACROIX: C'est ça que je voulais dire, innocent !
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Fabien Roy
M. ROY: M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi
qui a fait parler beaucoup de lui depuis quelque temps et qui intéresse
non seulement les membres de l'Assemblée nationale, mais
également la population du Québec.
Intervenir dans un projet de loi qui nous touche personnellement est
toujours une chose assez délicate, est toujours une chose assez
difficile. Cependant, je veux le faire avec franchise, avec objectivité
et avec un certain sens des responsabilités, sans fausse modestie et
sans vouloir jouer à l'héroïsme.
Le salaire des députés est fixé par une loi qu'on
appelle la Loi de la Législature et cette loi, seuls les
députés qui ont été élus ont le pouvoir de
la modifier. Il n'y a personne d'autre au Québec qui, actuellement, est
mandaté pour modifier la Loi de la Législature. C'est une
responsabilité qui est énorme. Je dirai également qu'en
plus d'être énorme, cette responsabilité, elle est
double.
Nous avons la responsabilité de voir à ce que les
élus du peuple, ceux qui ont été mandatés par la
population, aient un traitement équitable pour être en mesure de
remplir leurs fonctions, de servir leurs électeurs, de servir leur
province, en un mot de servir leur patrie, cela de façon honnête,
avec intégrité.
Ce n'est pas facile, actuellement, au Québec...
M. VEILLEUX: Le chef de l'Opposition officielle vient de me menacer.
M. ROY: Ce n'est pas...
M. VEILLEUX: Qu'il fasse attention à lui.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. ROY: M. le Président, je disais donc qu'actuellement au
Québec ce n'est pas une tâche facile pendant les campagnes
électorales d'aller recruter des personnes compétentes, des
personnes intègres, des personnes honnêtes, des personnes qui font
office de leader dans leur milieu pour les inviter à briguer les
suffrages dans un comté à l'occasion d'une élection
générale, même complémentaire. J'ai eu l'occasion,
depuis trois ou quatre campagnes électorales, tant
fédérales que provinciales, mais je vais dire au cours des deux
dernières élections provinciales, de m'occuper d'organisation
politique sur le plan provincial. J'ai eu à m'occuper d'organiser des
conventions dans des comtés et de voir à solliciter des gens
responsables, des gens du milieu, capables de remplir un mandat avec honneur et
dignité. On sait ce que l'on se fait dire. Actuellement, il y a de moins
en moins de personnes qui sont intéressées à la vie
publique.
C'est un aspect de notre responsabilité qui n'a pas
été soulevé tout à l'heure, mais je dis que nous
avons le devoir de soulever cette responsabilité. C'est que nous devons
faire en sorte, justement, que, de ce côté, il y ait un traitement
suffisamment équitable, qui ne ferme pas la porte aux hommes
compétents et aux hommes sincères qui pourraient jouer un
rôle important, un rôle très important dans la vie politique
de leur province. Cela, c'est une responsabilité.
Il y en a une autre. Cette responsabilité est que nous devons
éviter la tentation de nous servir en abusant de ce pouvoir. C'est
là qu'il y a un point qui est extrêmement important. Nous devons
éviter de nous servir. Nous devons éviter d'abuser de ce pouvoir
parce que nous n'avons pas été élus pour nous servir mais
nous avons été élus pour servir. C'est différent et
je pense que c'est important que nous y attachions une énorme importance
à ce moment-ci.
Avant de discuter d'une juste rémunération, je dirais
qu'il y a une autre question à régler en premier lieu. Et je dois
dire, malheureusement, avant de parler d'augmentation de salaire, qu'il y en a
qui sont déjà trop payés parce qu'ils ne remplissent pas
leur mandat.
Le taux d'absentéisme à l'Assemblée nationale n'est
pas à l'honneur de l'actuel gouvernement et n'est pas non plus à
l'honneur non seulement de l'actuel gouvernement mais du Parlement tout entier.
Encore cet après-midi, au moment d'un vote sur une motion qui mettait en
cause la carrière politique de deux hommes, il y avait encore 30
absences. Est-ce qu'on peut reprocher réellement à l'Opposition
son absentéisme à l'Assemblée nationale?
Je pense qu'on ne peut reprocher à aucun membre de l'Opposition
officielle, ni à ceux des deux autres oppositions de ne pas faire leur
devoir, de ne pas être présents à l'Assemblée
nationale, de ne pas jouer un rôle important dans la vie politique.
Pourquoi, M. le Président, punirait-on ces personnes?
M. le Président, ces responsabilités, comme je le disais
tout à l'heure, nous les devons à nos électeurs qui nous
ont confié un mandat. Ce sont nos patrons. C'est à eux que nous
avons des comptes à rendre. Ce sont eux qui nous ont donné le
mandat et nous devons travailler dans le meilleur intérêt de ceux
qui nous ont confié notre mandat. C'est notre première
responsabilité.
Nous avons également une deuxième responsabilité,
celle de servir nos concitoyens et de servir notre province. C'est une
responsabilité
qui est très grande, une responsabilité qui est immense,
M. le Président, et qui demande beaucoup à l'homme public et
à l'homme politique.
Mais il y en a une troisième, M. le Président. C'est que,
même si nous avons des responsabilités envers nos
électeurs, même si nous avons des responsabilités envers
notre province, nous gardons nos responsabilités envers nos familles.
Nous n'avons pas le droit de sacrifier les intérêts, de mettre de
côté les responsabilités que nous avons envers nos
familles. C'est pour cela que je dis que le traitement des
députés doit être équitable, compte tenu de sa
fonction, de ses responsabilités, de son engagement et de tout ce que
cela comporte comme obligations envers une population.
M. le Président, au point de vue des responsabilités
familiales, il y a des députés ministériels qui ont de
grandes responsabilités envers leur famille, il y a également des
collègues de l'Opposition. M. le Président, j'ai mes
responsabilités envers ma famille, comme ceux du Parti
québécois ont également leurs responsabilités
envers leur famille. Nous avons eu, comme tout le monde, à subir les
augmentations constantes du coût de la vie. Nous avons eu à subir
les taux d'inflation que le chef de l'Opposition a cités tout à
l'heure. M. le Président, nous avons des dépenses auxquelles nous
ne pouvons pas nous soustraire, et cela tous les parlementaires, de quelque
parti que ce soit, le savent. Il y a des responsabilités, il y a des
obligations auxquelles nous ne pouvons pas nous soustraire. Si nous ne pouvons
pas nous soustraire à ces obligations et si nous devons subir
l'érosion de notre pouvoir d'achat comme tout le monde, cela veut dire
que nous devons sacrifier nos responsabilités familiales pour servir les
intérêts de la population, de ceux qui nous ont
mandatés.
M. le Président, je dis que ces trois responsabilités sont
parallèles. C'est pourquoi je dis que nous avons droit à un
traitement équitable.
Il y a un autre point qu'il serait important aussi de discuter. On aura
beau faire des comparaisons avec des députés des autres provinces
au Canada, on aura beau faire des comparaisons avec les députés
d'autres pays, mais, actuellement, au Québec, nous savons que la
responsabilité de député, c'est une tâche à
plein temps. Il n'est plus question d'être des députés
à temps partiel. Ceux qui sont des députés à temps
partiel nous savons qu'il y en a, à l'Assemblée nationale,
actuellement ne peuvent servir deux maîtres. Si la personne exerce
une profession de façon à en tirer des revenus et qu'en
même temps elle travaille dans l'intérêt de ses
électeurs, selon son mandat de député, elle ne peut pas
faire les deux de façon efficace, compétente et responsable.
C'est une chose impossible.
Alors, on doit exiger de l'homme public, du député
québécois, qu'il soit à plein temps au service de ses
électeurs.
M. le Président, il y a un autre point sur lequel je veux
également attirer l'attention. Il n'en est pas tellement fait mention
dans le rapport qui a été soumis et la loi n'en a encore rien
dit: c'est la responsabilité du député d'un comté
rural versus un député d'un comté urbain. Nous savons, M.
le Président, que la tâche d'un député rural n'est
pas comparable à celle d'un député urbain, pour la bonne
raison qu'il y a une question de territoire à desservir.
Quand je vois des gens qui ont des comtés comme le comté
de Compton, le comté de Lotbinière, le comté de Roberval,
le comté de Saguenay, le comté d'Abitibi-Est, de
Laurentides-Labelle et j'en passe; et vous-même, M. le Président,
vous avez également un grand comté, le comté de
Gatineau.
Nous savons ce que ça comporte comme responsabilité et
comme travail de fin de semaine, lorsque nous avons à parcourir nos
paroisses, lorsque nous devons rencontrer nos populations, lorsque nous ouvrons
nos bureaux pour offrir des services que les gens ne peuvent pas avoir ailleurs
qu'au bureau du député de leur comté, parce qu'il n'y a
pas de services gouvernementaux dans la très grande majorité des
comtés ruraux.
Je déplore que dans la loi actuelle on n'en ait pas tenu compte.
Je le déplore vivement. C'est une question de justice à l'endroit
des députés des circonscriptions rurales vis-à-vis les
députés des circonscriptions urbaines, compte tenu des
coûts que ça comporte.
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on me permet une
question? Est-ce que j'ai compris que le député mentionne qu'on
n'en a pas tenu compte dans la loi? Cela a été
déféré à la commission de régie interne.
M. LACROIX: La commission tripartite.
M. ROY: Disons que la commission tripartite et la commission de
régie interne, nous n'en sommes pas informés, mais à ce
moment-ci, selon les informations que nous avons et selon ce qui a
été fait... On a formé un comité de régie
interne, d'accord, mais qui devra peut-être passer par certaines
réglementations qui seront adoptées par le lieutenant gouverneur
en conseil par la suite. Il y a un danger à cela et je voudrais y
revenir tout à l'heure.
Je disais donc que dans un comté rural, il y a une question de
territoire. Il y a également une question de services à la
population. Tous les députés des comtés ruraux savent
qu'ils ont affaire à peu près à tous les
ministères, à soumettre les doléances de leurs
électeurs, à fournir de l'information sur tous les
ministères. Il y a de la représentation à faire partout.
Dans des comtés où il y a 31, 32, 35, 40 municipalités,
c'est complètement différent de ce que nous voyons dans une
grande ville comme Montréal, où il peut y avoir 10, 12 ou 15
comtés dans la même ville, où les services municipaux sont
organisés de façon que le
député n'a à peu près aucun travail à
exécuter en particulier ni aucune représentation à faire
auprès du gouvernement.
On sait que plus la population est dispersée, plus nous avons de
paroisses, plus nous avons de municipalités, dans les comtés
ruraux, plus le député est appelé à participer,
à souscrire à toutes sortes de dons, souscriptions, d'aide qu'il
doit fournir à ses électeurs. Je ne peux pas mettre fin demain
matin à ce système, et je me demande quel député
pourrait y mettre fin. Il existe. Cela fait partie d'une obligation que nous
avons de soutenir les oeuvres de nos paroisses et de nos comtés, comme
députés, comme tous les gens le font, soit dans le milieu
professionnel ou industriel.
M. le Président, il y a également la question de
l'âge du député. J'aimerais qu'on en parle. J'ai
peut-être l'air de parler un peu pour moi-même, je m'en excuse,
j'ai dit que je le ferais avec franchise, objectivité, que je tenterais
de le faire avec responsabilité. On sait que la majorité des
hommes publics oeuvrent dans la vie publique dans un âge qui varie entre
35 et 50 ans, les meilleures années de leur vie. J'ai dit la
majorité, j'ai bien spécifié la majorité. Entre 35
et 50 ans, ce sont les années durant lesquelles une personne peut donner
le meilleur d'elle-même, ayant acquis une certaine expérience de
la vie et étant en mesure d'être le plus utile possible pour les
siens.
Je m'excuse auprès de notre collègue, le doyen de
L'Assemblée nationale, mais je ne l'ai pas inclus dans la
majorité. Je dis tout simplement que je parlais de majorité comme
telle et je n'ai pas voulu toucher des personnes en particulier.
M. SAMSON: La majorité simple.
M. ROY: Mon collègue de Rouyn-Noranda parle de la majorité
simple. Je disais donc que si ces personnes, au lieu de servir les
intérêts de leurs concitoyens, au lieu de servir la population,
leur province, gardaient pour elles-mêmes leurs entreprises, leur bureau
professionnel ou autres, elles pourraient avoir des avantages de beaucoup
supérieurs à ceux qu'elles peuvent avoir dans la vie
publique.
L'on sait le nombre de personnes qui ont laissé leur
santé, qui ont même laissé leur vie dans la vie publique,
et Dieu sait comme la vie publique peut être ingrate!
Je parle d'ingratitude, je pense que c'est peut-être le temps
qu'on en parle à l'Assemblée nationale. Je regarde des personnes
dont on ne peut pas mettre l'intégrité en doute, comme le chef de
l'Opposition officielle entre autres, actuellement, dans des circonstances que
tout le monde connaît. Je ne veux pas toucher le fond de la question, je
me suis abstenu cet après-midi mais je le prends à titre
d'exemple. Son intégrité ne peut pas être mise en doute. M.
le Président, c'est là qu'on peut mesurer jusqu'à quel
point la vie d'homme publique peut être exigeante, peut être
engageante, voire même marquer des personnes au fer rouge. Lorsque je
parle de rouge, je ne parle pas du Parti libéral. Elle peut marquer des
personnes au fer rouge pour le reste de leur vie. Il y en a une bonne douzaine
de marquées au fer rouge depuis trois semaines dans cette
Assemblée, M. le Président. Je pense qu'il est bon de dire ces
choses-là.
Lorsque nous allons entrer dans une prochaine campagne électorale
et que nous aurons la responsabilité de recruter des candidats, forts de
l'expérience de ceux qui les ont précédés dans
quelle situation serons-nous placés pour faire appel à des hommes
intègres, des hommes de valeur afin de les inciter à venir
travailler pour l'intérêt de leurs concitoyens et travailler pour
l'intérêt de leur province? M. le Président, ce sont des
points que nous devons examiner sans partisanerie politique, en toute
objectivité et en toute sincérité.
Que dire des personnes qui, après avoir été
sollicités maintes et maintes fois par leurs concitoyens de briguer les
suffrages et qui, après avoir fait un mandat comme députés
à l'Assemblée nationale, ne peuvent pas se faire
réélire et se retrouvent sur l'aide sociale? Je ne donnerai pas
de noms, M. le Président, mais il y en a que nous connaissons, qui ont
dû avoir recours à l'aide sociale après avoir
travaillé pour le meilleur intérêt et avoir laissé
des carrières très payantes. La récompense d'avoir voulu
servir! M. le Président, il y a un de nos collègues qui
était avec nous avant le 29 octobre dernier, qui, actuellement, à
l'âge de 54 ans, travaille comme mineur dans des puits de mines, M. le
Président, une personne qui siégeait avec nous lors de la
dernière Législature. M. le Président, je pense que cela
devrait faire l'objet de réflexion pour plusieurs, pour plusieurs.
M. LACROIX: ... l'ancien député de Mégantic.
M. ROY: Je ne voulais pas le nommer, M. le Président, mais c'est
un cas que je connais personnellement. M. le Président, je veux dire
ceci cependant: Je ne dois pas, je ne peux pas louer le gouvernement pour son
habileté puisqu'il a choisi ce moment-ci pour présenter sa loi.
Le moment n'est pas idéal. Je pense que le gouvernement n'a pas fait
preuve véritablement de leadership et n'a pas fait preuve de
clairvoyance dans sa stratégie en nous amenant une loi de cette
façon, dans les circonstances que nous connaissons, M. le
Président. J'aurais quelque chose à ajouter sur le salaire
proposé. Je l'ai dit et je le répète, je trouve que
l'échelle de salaires proposée je pourrai y revenir et j'y
reviendrai lors de l'étude article par article de la loi est trop
élevée. Je suis en faveur, et je ne me cache pas pour le dire,
d'une indexation juste et raisonnable du salaire de député. Je
suis en faveur de cela. Mais de là, par exemple, à aller dans une
autre exagération, là je ne marche
pas dans les circonstances. Il y a trop de problèmes qui ne sont
pas réglés actuellement et le gouvernement est le premier
responsable de la situation. C'est lui qui est mandaté pour
présenter les projets de loi à l'Assemblée nationale.
Je veux bien que le salaire minimum soit porté à $2.50
l'heure; je veux bien qu'on mette un terme, qu'on trouve moyen d'abaisser le
taux d'inflation; qu'est-ce que le gouvernement attend pour nous
présenter des lois dans ce sens? Qu'est-ce que le gouvernement attend
pour nous présenter des politiques susceptibles de mettre fin aux
problèmes ou de les corriger et de faire en sorte que les
Québécois, demain, se retrouvent mieux dans la province et qu'ils
puissent partager les fruits d'une économie d'abondance? M. le
Président, c'est ce que la population désire de ses
parlementaires; c'est ce que la population désire des élus du
peuple. Il y a la responsabilité des députés mais il y a
la responsabilité de l'Exécutif. Quant aux projets de loi des
députés, il y en a un qui est au feuilleton, nous en avons vu un
projet de loi de député à la dernière
Législature et nous savons quel sort a été
réservé à ce projet de loi. Alors les
députés, nous, que voulez-vous, M. le Président, que nous
fassions sinon voter pour ou contre les projets de loi que l'Exécutif
veut bien nous présenter? Ou encore nous agissons par des
stratégies, ou encore par des motions à l'Assemblée
nationale, ou encore, à l'occasion de débats, on tente de forcer
le gouvernement à agir et à prendre ses
responsabilités.
C'est le devoir et ce sont nos responsabilités. C'est pourquoi il
nous faut être en mesure de faire ce travail, et pour être en
mesure de le faire, il faut justement avoir des personnes qui sont capables et
qui sont désireuses de travailler. Mais je ne pense pas que personne
actuellement au Québec ait un reproche à faire à un seul
député de l'Opposition. Je dis en toute sincérité
et en toute objectivité que personne au Québec actuellement ne
peut faire des reproches à un seul membre de l'Opposition.
Nous ne sommes que neuf à l'Assemblée nationale et je
pense que la population du Québec sait que nous avons pris nos
responsabilités et que nous avons fait notre devoir. J'ai fait un
sondage chez nous dans mon comté, j'ai interrogé les gens, je
leur ai demandé ce qu'ils en pensaient. J'ai toujours l'habitude de
procéder de cette façon, de me tenir près de la population
pour savoir ce que les gens pensent.
Ce que les gens veulent, ils veulent que leur député les
représente et travaille pour eux, c'est ça qu'ils veulent. Ils
n'ont pas d'objection à ce qu'ils soient bien payés. La grande
majorité de la population du Québec n'a pas d'objection.
Maintenant, il ne faut pas oublier une chose, c'est elle, en définitive,
qui est juge. C'est elle qui va nous juger. Que nous soyons pour ou contre
l'augmentation de salaire des députés, qui va juger l'attitude et
la décision que nous allons prendre lorsque ce projet de loi sera
appelé en deuxième ou troisième lecture? Ce sont nos
électeurs qui vont nous juger.
En ce qui me concerne, M. le Président, j'ai dit que
j'étais en faveur du principe de l'indexation juste et raisonnable. Je
trouve que l'échelle proposée est trop élevée, je
le dis et je le répète. Mais je tiens, cependant, à ce que
la formule d'indexation qui se rattache au salaire du député
attache un caractère de permanence dans des normes normales, de
façon à ce qu'on cesse de faire de la politique avec cette
question dans le Québec.
Je pense qu'il commence à être important qu'on règle
cette question une fois pour toute, de façon à cesser de
soumettre les élus du peuple à toutes sortes de pression ou
encore à toutes sortes de tentations, et je dis bien tentations, M. le
Président. Alors la population c'est ça qu'elle dit. Elle n'a pas
d'objection à ce que les députés soient payés, elle
n'a pas d'objection à ce que les membres du gouvernement soient
payés, mais elle exige, en retour, des lois justes, des lois saines, une
administration juste, une administration honnête, et elle désire
vivre dans un système économique qui lui permet d'avoir sa place,
d'avoir sa part, et de pouvoir bénéficier des avantages d'une
économie d'abondance.
M. le Président, je voudrais dire quelques mots sur les trois
conditions que l'Opposition officielle a posées à l'endroit du
gouvernement. Je suis bien d'accord sur ces conditions, M. le Président.
Je voudrais dire à mon collègue, le chef de l'Opposition, que je
connais trop bien le gouvernement pour savoir qu'il ne le fera pas. Nous le
savons. Depuis quinze ans. Les libéraux ont été au pouvoir
pendant onze ans. Cela on le sait.
La situation économique actuelle n'est pas due à des
politiques d'il y a un an, une politique à moyen et à long terme
ça se prépare. Administrer c'est prévoir. Il y a bien des
choses qui auraient pu et auraient dû être faites au Québec,
de façon à ce que nous ne nous trouvions pas actuellement avec
tous les problèmes que nous avons. On aura beau prétexter toutes
les circonstances de l'économie mondiale, je me souviens trop bien que
lorsqu'il y avait une création d'emplois, ici dans le gouvernement,
c'était grâce à l'initiative du gouvernement. On se
rappelle de ça. Mais à la minute qu'il y a du chômage,
c'est dû à la conjoncture internationale.
C'est là qu'on voit le sérieux de l'actuel gouvernement.
Nous ne le ferons pas le gouvernement. Ce que je propose et c'est
là que je diffère un peu d'opinion avec le chef de l'Opposition
officielle c'est que le traitement soit suffisamment équitable
pour nous permettre d'aller recruter de bonnes équipes, des
équipes de bons candidats, d'hommes compétents, d'hommes
honnêtes, d'hommes qui exercent un leadership dans leur milieu, qui ont
de l'influence dans leur milieu, qui sont représen-
tatifs et qui sont capables de travailler et de batailler dans
l'intérêt de la population.
M. le Président, ce n'est pas en restreignant ou en limitant le
salaire des députés que nous allons rendre cela possible et plus
facile. C'est lorsqu'il y aura un traitement équitable que nous pourrons
travailler dans ce sens. Et, pour renforcer peut-être mon argumentation,
je dirai ceci: Lorsque j'ai comparu devant le comité chargé de
faire enquête et de préparer le rapport, j'ai
suggéré qu'on indexe le salaire du député avec la
catégorie de fonctionnaires, administrateurs, classe IV. J'ai
suggéré. Je trouvais ça normal.
J'en avais discuté avec d'autres personnes. J'avais pris des
informations. Malheureusement, je me suis rendu compte que, pour atteindre ce
degré remarquez bien, administrateur classe IV la marche
était trop élevée. Je dois aujourd'hui changer d'opinion.
Cela signifie-t-il que ceux qui sont capables dans le fonctionnarisme d'aller
chercher le salaire d'administrateur, classe IV, ou qui vont chercher
l'équivalent dans l'industrie, dans le commerce ou dans les entreprises,
sont intéressés à la vie publique et seront
intéressés à briguer les suffrages pour représenter
un parti politique, de façon à solliciter un mandat à la
prochaine élection?
Je pense que seulement ce point devrait faire l'objet de
sérieuses réflexions en ce qui nous concerne. Posons-nous cette
question. L'administrateur classe IV ou l'équivalent dans l'industrie
privée sera-t-il intéressé à être candidat
à une prochaine élection?
M. le Président, au cours de la dernière campagne
électorale je le dis surtout à l'intention du Parti
libéral qui a une grosse caisse électorale on fini par
aller chercher de bons candidats ou, du moins, des gens qui militent dans leur
milieu. Mais combien cela coûte-t-il chaque fois? Je n'accuse personne,
mais que le député de Terrebonne ne soit pas scandalisé.
On sait très bien toutes les pressions qu'on fait dans certains milieux
pour pouvoir avoir des candidats.
Voici ce que je me suis laissé raconter. Je ne nommerai pas la
personne; qu'on ne me force pas à la nommer, c'est sous le sceau de la
confidence, mais la personne a refusé, parce que cela a
été offert à une personne honnête. Elle a
refusé. On lui a offert $50,000 comptant pour qu'elle soit candidate. La
personne a refusé.
M. LEVESQUE: Attention là.
M. ROY: Non, que le ministre de l'Industrie et du Commerce ne charrie
pas. Il y a encore des gens honnêtes dans la province de Québec,
mais, quand on est obligé de faire cela. Ne faites pas les hypocrites.
Ne jouez pas à l'hypocrisie.
M. HARDY: Votre ancien chef. M. ROY: Vous savez que cela se viens de
toucher justement un problème, un bobo.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. ROY: Vous essaierez dans des partis politiques qui n'ont pas de
grosse caisse électorale pour voir, alors que nous sommes
obligés, assez souvent, de faire les campagnes électorales
à nos propres frais, ce que cela coûte, ce que cela demande
à un homme qui veut travailler dans l'intérêt de sa
population, défendre des principes et batailler sur la place
publique.
Je n'ai pas l'intention d'aller plus loin, sinon que je désire
rappeler à mes illustres collègues ce qu'on dit dans certains
journaux. J'ai pris quatre éditoriaux de journaux différents pour
bien illustrer le sérieux et l'importance de la question- qui est
actuellement en discussion. Voici ce que dit M. Gilles Brunet, du journal Le
droit d'Ottawa, du mardi, 17 décembre. Je le cite pour les fins du
journal des Débats, M. le Président: "Les salaires actuels, tout
comme les hausses projetées, sont sans conteste trop
élevés pour des députés qui ne participent que
sporadiquement aux travaux parlementaires ou bien qui ne sont pas en mesure
d'apporter une contribution positive à ces travaux en raison de leur
incompétence notoire étalée quotidiennement. Dans de tels
et nombreux cas, c'est du gaspillage de deniers publics que de verser des
salaires de $23,000 ou de $26,000. D'autres, par contre, ministres, certains
députés de l'Opposition et de l'arrière-ban
ministériel abattent du travail respectable et, en raison de leur
compétence ou plus simplement du sérieux qu'ils y mettent,
méritent les hausses de traitements qui seront débattues ces
jours-ci. Une argumentation supplémentaire veut qu'un
représentant mal rémunéré soit plus
vulnérable aux tentations de toucher des contributions qui donnent lieu
à des conflits d'intérêts. Le propos est de taille et les
vérifications ne manquent pas". Et on continue ici: "A cela, le conseil
national du Parti québécois ne fait pas écho,
préférant donner l'exemple, électoralement rentable, des
députés qui renoncent à toute augmentation de traitements
tant que l'ensemble des travailleurs n'auront pas acquis l'indexation.
Finalement, on parle de la piètre qualité des élus du
peuple et de la difficulté de recruter dans l'entreprise publique ou
privée des candidats compétents. On a beau dire qu'on a les
représentants qu'on mérite, il n'empêche que le goût
de faire le saut en politique est fréquemment freiné par la
maigre rétribution qu'on y tire. Pour un représentant ouvrier,
enseignant ou agriculteur, $23,000 sont déjà énormes; pour
l'administrateur chevronné, $39,000 ne valent souvent pas les tracas qui
sont le lot des députés compétents". Signé, M.
Gilbert Brunet, une personne qui a voulu faire une étude objective.
Il y a une autre personne ici, M. Paul
Lachance, dans le journal Le Soleil: "A vrai dire, si l'on veut admettre
que, dans le contexte actuel, le député ne reçoit pas tout
à fait le juste prix de son mandat, il est indispensable que l'on tente
de fixer pour l'avenir une croissance ajustée aux exigences vitales, de
manière à ne pas être contraint de nommer des
comités d'experts chaque fois qu'il s'agit d'augmenter le traitement des
parlementaires". Et il termine son article en disant ceci: "En soupesant les
recommandations du rapport Bonen-fant, nos députés devront se
dépouiller d'une certaine fausse modestie électoralement exigible
et user d'un réalisme serein et pratique. Si l'exemple doit venir d'en
haut, et à plus forte raison en temps de crise, il ne faut pas, par
ailleurs, que cette exigence soit poussée au point de risquer de
compromettre l'efficacité accrue qu'on est en droit d'attendre de notre
monde parlementaire. C'est là une question qui doit être
vidée sans passion, sans hypocrisie et sans aucune forme de
cupidité."
Il y a aussi M. Ryan du journal Le Devoir, un article que tout le monde
a lu, et voici ce qu'il dit: "En infligeant aux députés un gel
indéfini de leur rémunération à une période
où le coût de la vie augmente pour eux comme pour tout le monde,
on les mettrait dans une classe à part, et au nom de quel principe
sacré? S'il fallait accepter, comme le propose un parti politique,
qu'aucun ajustement ne soit apporté au salaire des députés
tant qu'ils n'auront pas trouvé la pierre philosophale, on devrait
appliquer la même norme d'airain à tous les citoyens, y compris
les fonctionnaires, qui touchent une rémunération
équivalente ou supérieure à la leur. On serait vite
conduit à des conclusions absurdes."
M. le Président, voulant faire preuve d'objectivité, j'ai
également découpé l'article de M. Yves Michaud, un ancien
député à l'Assemblée nationale, qui a paru dans le
journal Le Jour. M. le Président, j'ai dit que je voulais le faire en
toute objectivité, on va mettre les cartes sur la table et on va faire
valoir les deux côtés de la médaille. Voici ce que dit M.
Michaud. Je ne cite pas tout l'article, je prends le principal paragraphe: "II
y a des exceptions, bien sûr, mais c'est le secret de polichinelle qu'une
forte proportion de nos parlementaires québécois vit davantage
à l'état de parasite et de sangsue du trésor public
plutôt que d'ajouter à l'intelligence des débats et
à l'amélioration des lois".
M. QUENNEVILLE: Lui, il connaît cela. M. LACROIX: Qui a
écrit cela? M. ROY: M. le Président...
M. LACROIX: Michaud qui n'était même pas ici dans le temps
qu'il siégeait et qui était payé. Maudite putain politique
de Michaud !
M. ROY: M. le Président, écoutez...
M. LACROIX: II peut bien être au Jour.
M. ROY: M. le Président, tâchez donc... Quand je lis des
arguments qui font votre affaire, vous ne parlez pas.
M. LACROIX: Je parle de Michaud.
M. ROY: C'est mon affaire, moi. C'est moi qui le fais. Je n'irai pas
trouver le député des Iles-de-la-Madeleine pour lui demander quoi
dire.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. ROY: Prenez-la, la pilule, en passant!
M. LACROIX: Je ne parle pas contre vous, je parle de Michaud.
M. ROY: Et il continue: "II n'est pas agréable de dire ces choses
mais pour quiconque connaît un tant soit peu les arcanes de la vie
parlementaire et le fainéantisme qui y règne, la
vérité est encore plus triste"
Laissez-moi terminer. "Les exemples ne manquent pas de
députés qui siègent depuis dix ou quinze ans au Parlement
québécois et qui nous font rarement l'honneur d'élever la
voix à l'Assemblée nationale". Il y en a ici, M. le
Président, mais ce ne sont pas les membres de l'Opposition. "Tel
comptable de métier préparera les rapports d'impôt de ses
clients dans son bureau du parlement, tel avocat continuera à plaider en
marge ou à vaquer à ses affaires professionnelles, tel homme
d'affaires suivra avec plus d'attention les comptes d'exploitation de son
entreprise que le dépôt des projets de loi, et le reste à
l'avenant."
M. le Président, c'est là-dessus que j'ai une
réponse et je fais une note ici à l'attention de M. Michaud. Ce
n'est pas en gelant le salaire des députés qu'on va régler
les sous-questions qu'il dénonce. Je pense qu'il est bon que ce soit
dit, ces choses. Il n'y a pas un député actuellement dans le
Québec, pas un homme public qui est intéressé à
avoir des saisies de salaire, qui est intéressé à avoir la
réputation d'une personne qui ne paie pas ses comptes. Personne n'est
intéressé à cela.
M. BOSSE: Ce n'est pas tout le monde qui a des comptes.
M, ROY: M. le Président, il y en a parfois qui sont
obligés d'exercer une deuxième profession pour être
capables de passer à travers, à cause des exigences de leurs
électeurs et à cause de l'ampleur de leur mandat. C'est ce que je
veux dire, M. le Président. Je dis que geler le salaire des
députés, parce qu'il y en a qui sont absents à
l'Assemblée nationale plus souvent qu'à leur tour, parce qu'il y
en a qui n'élèvent
jamais la voix à l'Assemblée nationale, n'est pas
régler le problème de façon objective et responsable. Ces
gens méritent d'être dénoncés. Ils doivent
être dénoncés. Et leurs électeurs ont droit de
savoir ce qu'ils font et de quelle façon ils remplissent leur mandat
à l'Assemblée nationale. C'est aux électeurs de juger.
En ce qui me concerne, je prends mes responsabilités et je dis
encore une fois en terminant que le moment est mal choisi pour le gouvernement
d'apporter ce projet de loi, mais nous l'avons devant nous. Le salaire
proposé est trop élevé. Je dis qu'il aurait
été nécessaire qu'il y ait une consultation entre les
partis, étant donné que cela concernait tous les
députés dans leur ensemble. Je pense qu'il aurait
été normal qu'il puisse y avoir des consultations entre partis
avant que le projet de loi soit déposé à
l'Assemblée nationale. Je déplore cet état de choses. Je
dis que cela aurait dû être fait.
Quatrièmement, je dénonce encore une fois le Parti
libéral, qui doit supporter l'odieux de sa mesure, de son attitude parce
que le gouvernement libéral devrait prendre la responsabilité de
s'assurer que ses députés, son équipe, remplissent leur
mandat, travaillent dans l'intérêt de leurs électeurs et
soient plus souvent présents à l'Assemblée nationale du
Québec.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Johnson.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, mes propos, ce soir,
seront peut-être pris par certaines personnes comme une certaine critique
d'un passé qui est tout récent et, particulièrement,
contre certaines autres personnes qui se cachent derrière des masques
très honorables.
M. Lachance, qui est un grand éditorialiste au Soleil, disait ces
jours derniers, sur la question de l'indemnité des parlementaires:
"C'est là une question qui doit être enfin vidée sans
passion, sans hypocrisie et sans aucune forme de cupidité".
La Chambre a pris bien des précautions cette année
plus qu'avant pour essayer de trouver un modus vivendi plus acceptable
parce que, en étant juge et partie, on a voulu confier la
responsabilité à un comité qui s'est appelé le
comité Bonenfant, composé de personnes étrangères
à la vie parlementaire. J'ai eu l'occasion de présenter devant
cette commission un mémoire où j'ai énuméré
les principales raisons qui devaient être reçues par les membres
de ce comité pour motiver certains changements à cause de
l'état de la vie, de l'inflation et autres choses.
Ce n'est pas nous, de l'Assemblée nationale, qui avons choisi de
calquer un peu notre salaire sur celui d'autres fonctionnaires et,
particulièrement, sur celui de fonctionnaires de cadre.
Sur ce point, je voudrais simplement vous citer des statistiques qui,
à mon sens, sont très révélatrices.
Le salaire des députés dans la province de Québec,
ce n'est pas la première fois qu'on en parle. Je suis ici depuis nombre
d'années et si la jeunesse est une qualité, c'est aussi une
maladie dont on perd les illusions en vieillissant.
J'ai trop souvent eu connaissance dans cette Chambre des changements
qu'a apportés le gouvernement dans le statut et dans les
indemnités parlementaires payées aux députés. Loi
de 1928, indemnité des députés, $2,500; salaire du
fonctionnaire, grade IV aujourd'hui, correspondant dans le temps à un
salaire de sous-ministre ordinaire, $3,000. En 1929, salaire du
député, $2,500 plus $300 d'allocations, $2,800; salaire du
sous-ministre, $3,000. En 1941, la même chose pour les
députés et $3,500 pour les sous-ministres. En 1946. $4,000 pour
les députés; $5,000 pour les sous-ministres. En 1952/53, $6,000
pour les députés, $6,500 pour les fonctionnaires sous-ministres.
En 1956/57, $7,000 pour les députés; $6,500 pour les
sous-ministres. En 1958/59, $8,000 pour les députés, $7,000 pour
les sous-ministres. En 1960/61, $10,000 pour un député,
composés de $6,300 comme indemnité et $3,300 d'allocations, ce
qui faisait un total de $10,000; $8,500 pour un sous-ministre.
Loi de 1963, première session, salaire des députés,
$10,000 comme indemnités, $5,000 comme allocations, soit $15,000;
salaire du sous-ministre, $10,250. En 1965, M. le Président,
première session, salaire du député, $12,000 en
indemnités, $6,000 d'allocations, soit $18,000; salaire du
sous-ministre, $17,500. Loi de 1971, indemnités des
députés, $15,000, allocations, $7,000, soit $22,000 pour le
député et $21,000 pour le sous-ministre. En 1971, dernière
partie de la session, $15,600 plus $7,140, soit $22,740; salaire du
sous-ministre, $23,500.
Si, aujourd'hui, M. le Président, on fait une comparaison entre
ce qu'on reçoit présentement ou ce qu'on va nous donner en vertu
du projet de loi no 87, le sous-ministre sera encore notre supérieur, il
gagnera encore de $4,000 à $5,000 de plus.
M. le Président, quelle est la responsabilité d'un
sous-ministre? Je ne le critique pas, ni dans sa loyauté, ni dans son
travail mais il a une convention collective de 32 1/2 heures par semaine.
Montrez-moi un seul député, dans la province, qui ne travaille
pas 60 heures par semaines, un seul député qui ne donne pas en
Chambre un effort raisonnable, dans la préparation des textes qu'il doit
donner dans un Parlement auquel on appartient! Montrez-moi un seul
député, M. le Président, qui ne reçoit pas 50, 75
lettres par jour, auxquelles il doit répondre! Montrez-moi un seul
député, M. le Président, dans la province de
Québec, qui, une fois que ses travaux parlementaires sont
terminés, ne s'en va pas dans son bureau, dans son
comté passer des heures et des heures à recevoir des gens,
ses électeurs, parce que c'est son devoir de continuer de rester en
contact avec eux! C'est cet esprit, M. le Président, qui fait que demain
on aura plus de compréhension des problèmes individuels de nos
électeurs, parce qu'on fait le contact continuellement.
Cela, ce sont des heures que chaque député paie de sa
présence. Si l'apostolat de la prière dans l'Eglise est bonne, je
vous garantis que l'apostolat de la présence, en politique, cela
rapporte !
Montrez-moi, M. le Président, un seul député qui
n'a pas, au point de vue social, mis de côté toutes les joies
familiales, des fins de semaine complètes! Quel est celui d'entre nous
qui n'a pas deux, trois ou quatre engagements pour aller représenter,
aller assister, aller manifester, aller organiser même, M. le
Président? Quel est le député qui peut dire que
véritablement, dans une semaine, il a eu personnellement 24 heures
à lui pour vivre avec sa famille? Pensez-vous que cela ne serait pas
agréable, aujourd'hui, M. le Président, d'être dans nos
familles, pour vivre cet esprit des Fêtes? Nous allons arriver dans nos
familles épuisés et nous aurons, M. le Président, comme je
le dirai dans un instant, une récompense qui est réservée
probablement à tous les hommes publics, l'ingratitude la plus sale au
monde.
M. le Président, est-ce que les maires des municipalités,
qui gagnent $10,000, $12,000 et $15,000 par année, ne se votent pas
eux-mêmes des salaires pour du temps partiel? Est-ce qu'un maire peut
être comparé à un député? Je connais des
maires, dans ma région, qui ont $10,000 et $15,000 pour du temps
partiel!
M. CARON: Verdun, $17,000.
M. BELLEMARE (Johnson): M. Caron, je pense que j'ai bien des exemples
à vous donner. Mais le temps, M. le Président, que met un
député qui veut réellement s'occuper de bien servir ses
électeurs, ce ne sont pas 20 heures, 30 heures ni 40 heures, cela peut
être 100 heures par semaine.
Et on va nous critiquer parce que nous allons accepter un bill comme
celui-là, qui va reconnaître un peu les efforts que l'on fait et
les sacrifices que l'on s'impose!
J'ai personnellement au moins 30 ans de vie publique de faits. J'ai
fêté, cette année, 35 ans de mariage. Ma femme me disait,
lorsque je suis parti pour aller me présenter dans le comté de
Johnson: Reste donc avec moi. Tu as donné 30 ans de ta vie, Maurice;
qu'est-ce que ça t'a donné de plus? Nous n'avons pas d'enfant. Tu
vas encore te faire tirailler et accuser de toutes sortes de choses. J'ai dit
à ma femme: Tu as raison, mais j'ai dit tu ne peux pas comprendre ce
qu'un homme public peut ressentir à l'appel du devoir. Entre mes
souvenirs qui sont dans le passé, mes espoirs qui sont dans l'avenir, il
y a mes devoirs qui sont dans mon présent. Pour moi, servir ma province,
servir mon comté, servir mon parti, c'est un devoir d'honneur et je m'en
glorifie. J'ai dit à ma femme: C'est l'équation et j'accepte
encore de servir. Mais c'est dur pour un homme public. Quel est celui d'entre
vous qui n'a pas ressenti au fond de son coeur ces choses cruelles que l'on
endure quand on voit, dans une soirée, tout le monde et qu'on dit: Vous
allez nous excuser, on s'en va à des noces d'or. Vous allez m'excuser,
il y a une religieuse qui prononce ses voeux, ou un curé, ou on va
à une partie de hockey pour mettre une rondelle au jeu. Mais c'est
multiple et ça ne compte pas?
Si on veut invoquer véritablement la démocratie
parce que les temps sont peut-être difficiles: je reviendrai, dans deux
minutes, sur ce sujet en vertu du code municipal aujourd'hui, les maires
ont toute la liberté de s'accorder un salaire, dans bien des cas, sans
référendum.
Nous sommes écorchés vifs, tramés dans le sillage
de la boue, avec une cruauté sans pareille, et nous sommes
obligés de rester debout face à la tempête. Nous pouvons
l'endurer, cela, parce que nous avons une cuirasse d'homme public, mais pas
notre famille. Quand ma femme me dit: Maurice, est-ce vrai? Ma mère, un
jour où j'avais "faussement été accusé, m'avait
fait demander. Elle avait 71 ans. C'était à l'occasion d'une
élection. Elle avait vu dans le Nouvelliste du matin une certaine
accusation prononcée par un de mes adversaires. Elle avait le journal
et, je n'oublierai jamais cela, elle m'a montré l'article sans me
parler. Elle m'a dit: Est-ce vrai cela, Maurice? J'ai dit: Pauvre mère,
c'est impossible que ce soit vrai. Mais voyez-vous le mal que l'on peut faire
à des hommes publics en publiant des scandales ou en accusant à
tort!
Cessons donc ces luttes fratricides, comme le disait Honoré
Mercier. Rallions-nous donc dans un sain parlementarisme. Je n'ai pas connu un
seul gouvernement, ni un seul député qui ait été
battu parce qu'il avait voté en faveur d'une augmentation de salaire,
depuis 30 ans que je suis en cette Chambre.
On va venir me dire: Vous allez vous en souvenir. Non, les grands hommes
deviennent des petits avec les années et, souvent, ils disparaissent
comme de grands oubliés. Leur règne a été
éphémère, parce qu'ils n'ont pas eu le courage de se tenir
debout. Pour se tenir debout, face à l'adversaire, face à
l'amertume, face aux accusations perfides, face aux épithè-tes
malodorantes, il faut avoir du cran et du courage.
Les bourgeois les mieux rangés aujourd'hui n'ont-ils pas
été presque tous des anciens révolutionnaires?
L'audace de se lever ce soir en cette Chambre pour un vieux comme moi,
puisqu'on m'appelle le vieux, je l'accepte, M. le Président. J'ai
surtout un bagage aussi, comme vieux, d'une expérience qui me vaut bien
des diplômes que certaines personnes peuvent avoir.
Cela devient un crime pour un homme comme moi, M. le Président,
qui a le courage de se lever et de faire devant l'Assemblée, devant la
province, l'exposé que je fais présentement. Je défends
véritablement un bon parlementaire, je défends le
député parce que le député a besoin d'être
défendu dans les temps difficiles que nous traversons, devant les
injures, devant les accusations perfides, devant les accusations
mensongères qu'on lance spécialement pour avoir une certaine
publicité. Cela, M. le Président, ce n'est pas digne d'une
province comme la nôtre.
Au lieu de la recherche du bien commun, on cherche plutôt le
scandale, la critique risquée pour essayer de se faire une en-tête
de journal. Pauvres gens! J'ai vécu, M. le Président, plusieurs
enquêtes publiques, ici même dans cette Chambre, et tous ceux qui
ont fait des enquêtes publiques ont été punis.
L'enquête des comptes publics de 1936 a fait battre M. Duplessis;
l'enquête Salvas de 1962 a fait battre M. Lesage. En 1966, M. le
Président, après notre assermentation lors de la première
assemblée du conseil des ministres, j'avais devant moi, à titre
de doyen, de leader du cabinet, des jeunes qui arrivaient, et voici la
première chose qu'ils ont dite: Bon, là on va leur en faire, une
enquête; là on va les descendre; là ils vont en manger,
monsieur, quelque chose de pas bon. Ils ont dit: Qu'est-ce que vous en pensez,
vous, le doyen? Bien, ai-je dit: Ecoutez, je vais vous dire une chose, je pense
qu'on n'a pas été élus pour faire des enquêtes; on a
été élus pour faire de l'administration saine. Si les
autres se sont trompés, n'allons pas nous tromper.
M. le Président, les enquêtes publiques chez les
parlementaires n'ont jamais rien rapporté de bon, de profitable, sauf la
haine qui existe aujourd'hui dans ce Parlement, que je retrouve après
quelques années, où l'on se déteste au lieu de fraterniser
comme de bons parlementaires et se donner une bonne chaude poignée de
main, même après un débat très acerbe. Mais il faut
savoir, par exemple, qu'il y a des limites qu'on ne doit pas franchir par des
épithètes malodorantes ou des accusations mensongères pour
le petit bénéfice d'un petit triomphe d'une journée
éphémère, M. le Président! Climat, M. le
Président, extrêmement défavorable, surtout quand on est
à la recherche du bien commun et particulièrement dans les temps
que nous traversons, à la recherche d'une élite
parlementaire.
On peut différer d'opinion, M. le Président. Dieu sait que
moi aussi je diffère d'opinion; je ne pourrais certainement pas toujours
être d'accord. D'ailleurs, je vous le dirai dans quelques minutes. On ne
peut pas être tous d'accord, mais il y a des moyens, je pense, qui sont
désignés par notre règlement pour être virulents,
être très ardents, même enthousiastes, M. le
Président, mais il y a aussi des limites qu'il n'est pas permis de
franchir quand on est des gentilshommes. Et si on n'est pas l'élite de
la société québécoise, que sommes-nous? Voulez-vous
que l'on revienne au temps des sans-culottes où l'on a
égalisé toutes les têtes en France, en 1792, la
dernière tête qu'on a égalisée ayant
été celle de celui qui s'est appelé Robespierre, le
fondateur de la révolution française? On l'a
égalisé, lui aussi.
On a besoin d'une élite dans la province de Québec, une
élite de gentilshomme, et c'est ici dans ce Parlement
québécois que l'on devrait en trouver toute la plénitude.
Des hommes choisis d'un peu partout, avec chacun leur expérience,
apportent leur bagage et le fruit particulier de leur travail, se traitent en
gentilshommes, font disparaître ce climat malsain, M. le
Président. Je vous dis: J'ai honte, M. le Président, de
siéger à certains jours. M. le Président, les
députés méritent un salaire, ils méritent une
indemnité.
Combien est-ce qu'il y a de députés de 1944 qui sont
vivants, qui ont été assermentés? Cela ne fait pas
longtemps. Huit! On était 92. Il n'y en a plus rien qu'un en politique
active, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous le nommer.
L'âge moyen est terrible. J'ai ici des statistiques du Parlement de
Londres et l'âge moyen d'un député est 44 ans; celui de la
France, 39 ans; celui de la province de Québec, 47 ans. Est-ce que ce
sont des années pour mourir? On a cinq premiers ministres qui sont morts
dans l'Union Nationale, M. Duplessis à 70 ans, M. Sauvé à
52 ans, M. Johnson à 54 ans, M. Bertrand à 56 ans. Cela en sont,
M. le Président, des gens qu'on ne verra plus autour de nous, qui ont
payé cher à la société québécoise
pour lui donner leur santé et sacrifier les joies de la famille. Ils
sont tous disparus.
Les députés, nous autres, contrairement à ceux qui
ont des conventions collectives et qui peuvent les faire rouvrir en faisant une
grève illégale, nous sommes obligés de nous faire
élire à tous les quatre ans, et ça pour un
député, c'est une obligation extraordinaire. On n'a pas choisi un
jour ou l'autre une profession qui est appelée la deputation, on a
été appelé, M. le Président, à servir. Mais
parce qu'on a été appelé on a répondu et, d'une
élection à l'autre, on a pris un peu d'expérience et on
est devenu peut-être utile à notre communauté provinciale.
Mais il faut se faire élire et, à partir de là, regardez
les obligations financières que ça peut représenter durant
le mandat de quatre ans.
Est-ce qu'il y a un professionnel, qu'il soit ingénieur,
médecin, avocat ou de toute autre profession, qui met la main dans sa
poche aussi souvent qu'un député? A tous les jours, à
toutes les semaines, à tous les mois et à tous les ans, qu'est-ce
que ça représente? Vous avez des gens qui vous visitent, qui
viennent au parlement pour vous saluer; vous leur offrez de venir manger au
café du parlement, vous venez de dépenser $25. C'est bon
marché quand on ne prend pas de vin. Le gars qui s'en va il est bien
heureux, il dit: Le député c'est un gars "smart". Oui, le gars
qui paye, lui il se dit: J'ai perdu $25. Si tout d'un coup dans
l'après-midi il y a
un autre groupe qui arrive, il faut que vous le receviez à
souper. Bien vous avez mangé vos $50.
Multipliez ça par dix ou vingt fois. Vous êtes
invité à un moment donné dans une soirée. C'est
bien simple, tout le monde sait ça, je n'ai pas besoin de dire ça
à tout le monde, tout le monde sait ça. On est à une
table, on est dix ou douze alentour d'une table et puis qu'est-ce que vous
voulez? les verres sont vides, tu dis: Eh, viens ici, remplis donc ça
mon chum; tu es député toi, tu est le gros gars, tu es le gars de
l'élite, alors remplis donc ça. Tu arrives avec une facture de
$40, tu n'as quasiment plus envie de rire.
M. LACROIX: Cela c'est quand il n'y a pas de journaliste.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce qu'on doit se
cacher, invoquer l'argument que c'est à la fin de la session? Quand bien
même ç'aurait été au commencement de la session, le
bill serait venu, on aurait fait la même bataille; à la fin ou au
commencement, j'aurais dit la même chose. Est-ce que le président,
de l'International Paper consulte les ouvriers de son usine pour s'accorder un
salaire de $100,000 par année? Vous allez me dire, oui, il y a une
différence, c'est de l'industrie privée tandis que l'autre c'est
l'argent des taxes. Je l'admets, M. le Président.
Le salaire payé dans toutes les grandes compagnies, Bell Canada
ou autres, savez-vous qu'il y a des salaires de $75,000 et $100,000? Savez-vous
qu'à Ottawa il y a des fonctionnaires qui gagnent pas loin de $65,000
à $75,000?
Savez-vous que dans notre province de Québec, si malheureuse, on
a des employés qui gagnent $55,000 par année à part les
dépenses autorisées?
S'il vous plaît, M. le Président, pas de
personnalité. Je n'en ai pas fait et je ne veux pas en faire. Un
instant. Laissez-moi faire mon discours.
M. le Président, notre salaire? Je n'ai pas honte de cela. J'ai
reçu 69 personnes il y a deux semaines, dans mon comté de
Johnson. J'en ai parlé en tout aise. Cela venait d'être
annoncé. Qu'est-ce que vous pensez du salaire d'un député?
Les gars ont dit: Nous, ici, à la Acton Shoe, on gagne $12,000; $1,000
par mois. Hein? Ils ont dit: On gagne $12,000. On va avoir un
réajustement... $12,000...
Ecoutez, M. le Président, entre le gars qui travaille 32 1/2
heures par semaine et qui a sa boîte à lunch comme
responsabilité, et nous qui avons un comté et des
responsabilités, cela doit être une grosse différence. M.
le Président, n'oubliez pas que les risques inhérents à
notre vie publique sont terribles. Je connais assez le métier pour vous
dire que je n'ai jamais fait le voeu de pauvreté quand j'ai
décidé d'être député de Champlain. Je n'ai
jamais fait le voeu de pauvreté, et je ne pense pas manquer à mon
voeu en acceptant ce soir le bill qui est devant nous.
M. le Président, le chef du Parti québécois, M.
René Lévesque... Je parle en toute objectivité parce qu'il
a eu à notre propos, comme députés, des paroles que je ne
peux pas accepter, et c'est sur cela que je le critique. Je ne le critique pas
sur sa pensée politique, je n'ai pas affaire à cela, mais sur ce
qu'il a eu pour ou contre nous, les parlementaires. Le chef du Parti
québécois, M. René Lévesque a siégé
ici. Il a siégé devant moi comme ministre et il a
siégé ici comme indépendant et comme chef. Dans ce
temps-là, je ne sais pas si c'était le parti du RIN ou du
Mouvement Souveraineté Association MS A il aimait cela,
oui? Bon.
Mais cet homme qui dit que les députés n'ont pas droit
à aucune indexation, qui sont largement payés, ce
député, René Lévesque, j'étais comme leader
parlementaire pendant des années et leader parlementaire dans
l'Opposition, je sais ce que je dis, j'ai conservé des statistiques des
présences en Chambre, c'était l'homme le plus absent de toute la
Législature.
Il a eu le record de l'absentéisme, mais par exemple, même
malgré son absentéisme, la province lui paie, au 6 février
1974, une pension indexée de $13,543.40.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LACROIX: C'est $14,070 actuellement. Je voudrais rectifier. C'est
$14,070 actuellement.
M. BELLEMARE (Johnson): Je reçois une pension de $21,000. Je n'ai
pas besoin de le cacher. Je l'ai payée. J'ai contribué.
M. LACROIX: Vous l'avez gagnée.
M. BELLEMARE (Johnson): Je n'ai jamais été absent. J'ai
manqué un vote dans 28 ans. Un vote. Mais, par exemple, je
n'étais pas absent de la Chambre, et quand un débat ne faisait
pas mon affaire, je n'arrivais pas et je ne m'en allais pas en courant en
disant: Mangez de la... Il l'a dit ici.
Je dis que M. Lévesque, le vieux chef du Parti
québécois, n'a pas le droit de nous critiquer quand on demande un
indexation de notre salaire, de notre indemnité parce que malgré
son absentéisme total, ayant le record de toutes les absences de tous
les députés qui ont siégé en cette Chambre, il
reçoit aujourd'hui, malgré tout, une pension indexée
d'environ $13,000.
Je n'ai pas honte de dire la pension que je reçois. Mais moi, par
exemple, je l'ai gagnée par mon assiduité, je l'ai gagnée
par mon travail très acharné. M. le Président, vous qui
connaissez mes origines, vous savez combien j'ai eu de la misère, dans
la vie, à parvenir un peu à être ce que je suis. Mais,
quand je vois un René
Lévesque qui vient donner des directives à ses
députés de voter contre l'indexation, je trouve cela injurieux
pour la Chambre, injurieux pour l'Assemblée nationale.
M. MORIN: Sur un point de privilège...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce un point de
privilège?
M. MORIN: En vertu de l'article 96...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Je m'excuse, à l'ordre! A
l'ordre, messieurs !
M. MORIN: ... j'aimerais simplement dire...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
Est-ce un point de privilège?
M. MORIN: Est-ce qu'il a terminé?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Non.
M. MORIN: Alors, s'il n'a pas terminé, c'est une question de
privilège. Je voudrais dire au député de Johnson...
DES VOIX: Ah! Ah!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! ... A
l'ordre, messieurs! Attendez.
M. MORIN: Je voudrais dire, M. le Président au
député de Johnson, en toute amitié, que nous ne recevons
pas d'instructions du chef du Parti québécois et que...
DES VOIX: Oh! Oh!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!...... A l'ordre! ... Il
ne s'agit pas là d'une question de privilège.
L'honorable député de Johnson. ... A l'ordre! ...
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, même s'il y a des
députés qui n'aiment pas cela, parce que je rappelle le souvenir
de mon ancien chef, l'honorable M. Duplessis, il avait dit, un soir, à
un orateur qui l'avait interrompu, comme vient de le faire le chef de
l'Opposition: "Ils sont ridicules ou ils le deviennent".
M. le Président, s'il ne reçoit pas d'ordres, pourquoi
avoir changé d'idée? Moi, j'ai eu connaissance de certaines
conversations très confidentielles que je ne répéterai
pas, mais j'ai eu le témoignage de personnes qui sont dans cette Chambre
qui m'ont dit que c'était bien raisonnable et que c'était juste.
Je crois que franchement ils avaient raison. Du jour au lendemain, on est
revenu avec une attitude différente. Différente, parce
qu'à l'occasion d'un ralliement, d'un groupement, d'une rencontre, il y
a eu probablement des discussions qui se sont faites sur ce sujet. Si ce n'est
pas le vieux chef du parti PQ, c'est peut-être d'autres qui ont dit:
Ecoutez, l'attitude de notre parti devrait être plutôt cela que
cela. Je dis qu'ils ont changé d'avis. Puis, ils ont le droit de changer
d'avis.
M. le Président, mais seulement moi, dans mon caucus et dans mon
conseil national, ils sont pour.
M. LACROIX: Ce ne sont pas les caucus qui mènent les
élus.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je voudrais simplement,
puisque c'est un sujet qui me passionne particulièrement... Parce que
j'ai dit dit, tout à l'heure, que j'avais une pension de $21,000, II ne
faudrait pas penser que je la reçois présentement. J'ai
été prudent. Le 28 au matin, avant que le résultat du vote
sorte, j'étais tellement sûr que j'ai fait annuler ma pension.
M. HARDY: Vous n'avez pas attendu le président de la Chambre.
M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?
M. HARDY: Vous n'avez pas attendu le Président de la Chambre.
Vous connaissiez la loi vous-même.
M. BELLEMARE (Johnson): Non, non, ma lettre...
M. LACROIX: Etes-vous professeur de droit?
M. BELLEMARE (Johnson): Non, M. le Président, je suis "brakeman"
et je connais la ligne "drette".
Il y a une chose, par exemple, M. le Président, que je vais faire
avant longtemps et cela va peut-être déplaire à mes
honorables amis. En termes de chemin de fer, je vais essayer de "kicker dans le
back" le Parti libéral et je vais "spiker les switches aux deux
bouts".
Alors, M. le Président, trève de plaisanterie pour le
moment, il me reste encore des choses très sérieuses,
peut-être moins amusantes pour les honorables amis, mais que je vais dire
avec un certain courage.
Il y a, dans cette Chambre, des défauts et surtout des malaises
que l'on ressent par l'absence du premier ministre aux débats. Si vous
aviez vu siéger l'honorable M. Taschereau, si vous aviez vu
siéger l'honorable M. Godbout, si vous aviez vu siéger
l'honorable M. Duplessis, M. Johnson, M. Lesage... M. Lesage, c'était un
homme qui arrivait à trois heures bien tapant. Il
ne laissait jamais la Chambre. Cela est une des raisons pour lesquelles
il y a un malaise en Chambre.
L'honorable premier ministre, malgré tout le respect que j'ai
pour lui je sais qu'il a des occupations qui sont fort importantes
son premier devoir, à mon sens, c'est d'être assis à
son fauteuil. S'il ne veut pas prendre part au débat, c'est son affaire.
Mais sa présence en Chambre apporterait beaucoup plus de
sérénité et je pense qu'avec son autorité il
pourrait peut-être refréner certaines humeurs, ou certains
"back-benchers" qui se plaisent à nous interrompre.
Deuxième chose: on devrait établir, en même temps
qu'on adopte ce projet de loi, des pénalités. L'honorable leader
du gouvernement, cet après-midi, nous disait: Si les honorables
messieurs de l'Opposition ont de bonnes suggestions à nous faire, qu'il
nous les fassent, nous allons les écouter et en discuter. Lorsque j'ai
été comparaître devant le comité Bonenfant, j'avais
préparé un mémoire et, dans ce mémoire, je
mentionnais deux choses: l'absentéisme en Chambre et les propos
disgracieux que certaines personnes tiennent, que certains parlementaires
tiennent. Pour ce qui est de l'absentéisme, je recommanderais que deux
votes soient pris par jour. Un vote après les questions le matin ou
l'après-midi, vers quatre heures et un autre vote à neuf heures
ou huit heures et demie, le soir. Si on est obligé de faire ça,
c'est parce qu'il y a de la négligence coupable de certains
députés. On siège, nous, on endure les longues heures de
la Chambre. On reste en Chambre.
Alors, je pense que ceux qui, le jour même, ne pourront pas
justifier leur absence, il faudra qu'ils soient pénalisés de $100
par jour, tout de suite. Deuxième chose: quand vous en aurez pris 40 ou
41 par jour, cela va vous faire quarante fois $100, cela va vous faire $4,000.
Cela va faire du bien au Conseil de la trésorerie.
M. LACROIX: ... pour acheter les votes.
M. BELLEMARE (Johnson): Cela pour les honorables messieurs qui
s'absentent pour rien, sauf s'ils ont une bonne raison, tel que le dit la Loi
de la Législature, soit être malade ou être officiellement
en service commandé. Mais, pour les autres, $100 par jour, et cela
devrait être envoyé immédiatement par l'honorable
secrétaire général de l'Assemblée nationale avec
une facture: $100. Je vous garantis que les députés... Si on est
rendu là, c'est parce qu'il n'y a pas d'autres moyens. Cela va
être la sévérité. Je pense que ceux qui
siègent ont beaucoup de mérite à siéger. Mais ceux
qui n'y sont pas méritent d'être pénalisés.
Deuxièmement, puisque la peur est le commencement de la sagesse,
je pense qu'au député qui emploierait une expression
antiparlementaire à l'endroit d'un de ses collègues ou qui
interromprait un débat par une allusion malveillante, le
président serait autorisé à imposer $25 d'amende à
chaque fois. Pourquoi, dans le hockey professionnel, impose-t-on deux minutes
à d'excellents joueurs? Parce qu'ils ont manqué aux
règlements du hockey. Pourquoi est-ce que le président ne
pourrait pas, de son chef, parce que quelqu'un dit "vous êtes un bandit",
"vous êtes un hypocrite", "vous êtes un lâche", "vous
êtes un baveux", à partir de là, se lever et dire: M. le
député de Johnson, $25 d'amende.
M. SAMSON: Est-ce que je pourrais poser une question à
l'honorable député de Johnson?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Non.
M. SAMSON: M. le Président, c'est à lui que je pose la
question.
M. BELLEMARE (Johnson): Je n'ai pas d'objection.
M. SAMSON: Suivant ce raisonnement juste et valable...
M. HARVEY (Charlesbourg): Laisse-lui le "show", c'est à son tour
!
M. SAMSON: ... est-ce que le député de Johnson peut me
dire qui paierait, advenant certains cas, par exemple, où le salaire ne
serait pas assez élevé pour payer les amendes?
M. BELLEMARE (Johnson): Là, M. le Président, je
pense...
M. BIENVENUE: ... assurance.
M. BELLEMARE (Johnson): ... on se référerait à son
parti.
M. SAMSON: Vous allez vider le PQ!
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, écoutez, il faut
qu'il y ait de l'ordre dans la Chambre. Aux joutes de hockey, c'est rendu
tellement loin qu'ils imposent des amendes très sévères
pour tâcher de donner une certaine dignité à ce sport
national. M. le Président, on est ici dans une assemblée
constituante, on est dans un Parlement et, depuis quelques jours, c'est
terrible ce qu'on entend comme épithètes et comme interruptions,
à tout venant.
Il n'y a rien de plus difficile que de prononcer un discours dans cette
Chambre quand tout le monde vous interrompt. Ils peuvent dire quelque chose qui
a trait à votre discours, qui est peut-être offensant ou
peut-être insignifiant mais vous êtes porté à
prêter l'oreille et cela, ce n'est pas bien.
J'ai assisté, M. le Président, dernièrement
à une séance je vous l'ai conté au Parlement
de Toronto, quand deux ministres, au sujet de l'aéroport de Beaverton,
ont été expulsés du
cabinet Davis. J'ai assisté à ces réunions.
J'étais heureux de constater quelle gentilhommerie. Ils ont fait les
choses en grands seigneurs. C'est vrai qu'ils sont d'un tempérament plus
froid que nous mais qu'importe. Ils ont dit des choses difficiles, des choses
qui étaient dures mais toujours en conformité, avec un langage
châtié et particulièrement, M. le Président, avec
des manières qui étaient recevables par l'Assemblée. Mais
là on est rendu à se traiter de voyous, de baveux, on est rendu
à se dire des imprécations épouvantables. Moi, M. le
Président, j'ai déjà été expulsé de
la Chambre, une fois dans ma carrière, parce que j'avais osé dire
à l'honorable premier ministre, M. Lesage, qu'il était un
dictateur. C'était un vendredi matin; ce n'était pas le temps de
lui dire cela !
DES VOIX: Ha! Ha!
M. BELLEMARE (Johnson): II m'a demandé de me rétracter;
j'ai dit: Oui. Je dis deux fois dictateur. Il m'a sorti, pour une semaine, et
il m'a enlevé mon allocation pour une semaine. Bien, je ne l'ai pas
redit ! Mais je l'ai pensé !
M. le Président...
M. LACROIX: ... cela ne vous aurait rien coûté.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je voudrais aussi
ajouter une troisième chose. La ponctualité en Chambre, c'est la
politesse des rois. Par son assiduité, on dénote qu'on a
intérêt à gagner les émoluments, les
indemnités qu'on nous paie et, particulièrement, à bien
remplir notre devoir de législateur.
Oh, ce n'est pas intéressant. Il y a des discours qui ne sont pas
intéressants. Je les écoute, moi, M. le Président, et puis
je ne m'en formalise pas. Je pense qu'on doit accepter, d'un côté
comme de l'autre, qu'il y ait des discours plus intéressants les uns que
les autres. Il y en a qui sont "plats" à mort et il y a des choses qui
me font sauter haut de même. Les gens qui répètent que
l'Union Nationale n'a rien fait, cela, M. le Président, je ne peux pas
endurer cela mais je ne dis rien. Il n'y a rien de plus pas vrai que cela, M.
le Président.
Donc, l'assiduité, punir les absents sévèrement, M.
le Président. Imposer une amende de $25 à un député
qui va interrompre sans raison, sans avoir demandé la permission, qui a
employé une épithète malodorante à l'endroit d'un
député. $25, M. le Président.
Oui, c'est cela qu'il va falloir faire parce qu'autrement le Parlement
va sauter. Les boites de vote vont sauter. On s'en va vers cela. Ce n'est pas
seulement une révolution sanglante et intellectuelle, cela va être
une révolution qui va coûter cher à la province. C'est ici
qu'elle va commencer. Si on n'apporte pas des correctifs absolument très
très rigides, on regrettera de ne pas avoir mis le Parlement au pas.
M. le Président, une autre chose que je voudrais dire et qui me
ferait énormément plaisir, si l'honorable leader de la province
voulait bien la retenir, c'est lorsque nous avons des visiteurs et que nous
allons au café du parlement. A Ottawa, ils ont un certain prix
statutaire pour les députés qui ont des invités. Je crois
que c'est bien normal.
Je suis allé plusieurs fois à Ottawa et j'ai eu l'occasion
de manger au café du parlement. Ils ont établi un prix pour les
députés, qui est bien normal, bien raisonnable.
Imaginez-vous, j'amène quatre invités au parlement, il y
en a un qui prend un T-bone, un autre prend un steak au poivre. Je ne suis pas
capable de dire à mon invité: arrête, prend du steak
haché ou prend du lait en poudre, c'est recommandé par les
honorables ministres d'Ottawa, cela.
M. LACROIX: ... des affamés.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, l'honorable ministre
nous a demandé des suggestions, je lui en ai fait quelques-unes. Je
pense qu'elles seront bien comprises.
Maintenant, ce sera mon dernier point, il y a 2,300,000 travailleurs
dans la province de Québec. Il y en a 800,000, parmi ces 2,300,000, qui
sont syndiqués, qui appartiennent aux grandes centrales, CEQ, CSN, FTQ
ou CSD. Ces 800,000 qui font partie des syndicats ont certainement des
conventions collectives qu'ils ont négociées avec les patrons et
qui ont obtenu, je pense, des résultats assez tangibles, quant à
l'indexation ou quant au coût de la vie. Ils ont, même dans
plusieurs des cas, comme le disait le chef de l'Opposition tout à
l'heure, rouvert plusieurs conventions collectives.
Mais, il y a 1,500,000 travailleurs et travailleuses qui vivent avec les
décrets et le salaire minimum, et cela, c'est important pour une
province. Il n'y a rien sauf le décret, et il y a peut-être 25, 30
ou 40 décrets dans la province de Québec, où le salaire
est fixé par entente par des comités paritaires mais qui est loin
d'être le salaire que pourrait négocier une convention collective,
qui est en-deça de toutes les normes presque acceptables, il y a le
salaire minimum à $2.30. Avec les conditions de vie actuelles, quand la
famille est de cinq personnes, je vous garantis qu'il ne reste pas grand-chose
à part le gruau et la viande hachée.
Il faudrait que le ministre pense à cela. Je pense qu'il est
temps de mettre le salaire minimum à $2.50. Je l'ai pris à $0.60
quand je suis arrivé comme ministre en 1966. Je n'ai pas eu peur, dans
le temps ce n'était pas populaire; je l'ai remonté graduellement
jusqu'à $1.85. Quand je suis parti du ministère, c'était
rendu à $1.85. Je suivais un peu l'évolution, et je pense que
l'évolution, aujourd'hui, veut que les travailleurs gagnent au moins
$2.50. Et pourquoi ne pas penser à ces 1,500,000 personnes qui, elles,
ont les mêmes problèmes que celles qui
sont, en vertu de conventions collectives, gâtées parce que
leur salaire a été négocié? Il y en a 800,000 qui
ont des salaires raisonnables. Je ne dis pas que c'est extravagant mais, par
exemple, quand celui qui vit avec un décret ou qui vit avec le salaire
minimum va s'acheter une pinte de lait, un pain ou une bofte de sardines, il va
payer le même prix. Quand il va aller s'acheter un complet ou une paire
de chaussures, il va la payer le même prix ou bien il va s'en passer,
parce que le revenu familial n'est pas suffisant.
A part cela, je n'ai pas besoin de demander au ministre des Affaires
sociales combien il y a présentement de personnes qui vivent à
même l'assistance sociale dans la province. Là encore il faudrait
penser à ces gens à qui on a accordé dernièrement
une certaine hausse d'allocation. C'est toutes les semaines que l'on
reçoit des cas, peut-être des cas marginaux, mais toutes les
semaines nous recevons des gens dans notre bureau qui viennent se plaindre
qu'ils n'en ont pas assez pour vivre.
Quand on reçoit des salaires comme ceux que nous allons recevoir
et que des pauvres gens viennent nous raconter leurs misères, on a
presque honte, je vous le dis, on a presque honte. Pourquoi le gouvernement ne
prendrait-il pas ses responsabilités? Pourquoi, pour une fois, le
gouvernement ne ferait-il pas un geste d'autorité? Vous en avec 101
devant vous autres, vous êtes au pouvoir encore pour un an, c'est
sûr.
Alors, pourquoi ne pas faire un geste d'autorité et dire: C'est
cela, le gouvernement impose cela, M. le Président, et ce sera
populaire. Si les indemnités que l'on demande ne sont pas populaires,
c'est parce que les gens ne nous ont pas entendus citer les bonnes raisons que
je viens de donner.
M. LEVESQUE: Est-ce que je pourrais faire une suggestion à
l'honorable député?
M. BELLEMARE (Johnson): Certainement. J'ai fini là, M. le
Président.
M. LEVESQUE: Ce serait de vérifier les chiffres qu'il nous a
donnés, tout à l'heure, sur le salaire minimum de 1966 à
1970.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, est-ce que l'honorable
ministre conteste qu'il y a 2,300,000 travailleurs?
M. LEVESQUE: Les chiffres qu'il a donnés sur les...
M. BELLEMARE (Johnson): Pardon?
M. LEVESQUE: ... taux, lorsqu'il est entré au ministère en
1966, du salaire minimum.
M. BELLEMARE (Johnson): Le salaire minimum était à $0.60
et, quand je suis parti, il était à $1.80.
M. LACROIX: C'est faux.
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, M. le Président.
M. LEVESQUE: Voici, M. le Président... M. LACROIX: II
était à $1.25. M. LEVESQUE: Pardon?
M. CHARRON: Quand il est parti, il était à $1.25.
M. LEVESQUE: C'est cela...
UNE VOIX: $1.25.
M. LEVESQUE: ... $1.25
M. CHARRON: Vous avez raison.
M. LEVESQUE: Pas $1.85.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, je pense que le ministre
veut faire une diversion. Je n'ai pas d'objection...
M. LEVESQUE: Non, non.
M. BELLEMARE (Johnson): ...mais, si c'est vrai, M. le
Président...
M. LEVESQUE: Le député de Johnson a fait une excellente
intervention. Je ne voulais pas que dans le journal des Débats on trouve
des chiffres qui ne correspondent pas à la vérité, c'est
tout.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, on a changé tous
les décrets; on a changé le salaire minimum qui était
à $0.60 et on l'a porté certainement, M. le Président,
alentour de $1.80.
M. LEVESQUE: Non.
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, M. le Président, parce qu'il
était indexé. Quand je suis parti, on était à
$1.25, mais, pour les six mois qui suivaient, on avait ordonné qu'il
aille jusqu'à $1.85. Oui, M. le Président. On avait dit, M. le
Président: Pendant les mois qui suivront, il se rendra à
$1.85.
M. LEVESQUE: En avril 1971, il était à $1.45.
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, continuez en novembre.
M. LEVESQUE: Je vais continuer. En novembre 1971, $1.50.
M. BELLEMARE (Johnson): Bon.
M. LEVESQUE: Vous n'étiez pas là depuis une couple
d'années.
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, mais, M. le Président, un bon
administrateur prévoit d'avance.
M. CHARRON: M. le Président, pour ajouter...
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...
M. CHARRON: ... à la définition de député
qu'il faisait tout à l'heure, on vient d'avoir l'exemple qu'un
député peut mentir aussi.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président...
UNE VOIX: Amende, $25.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, il y avait une vieille
expression qui disait : On ne peut pas empêcher un chien de lever la
patte sur une église. Je pense, M. le Président, que l'honorable
ministre du Travail est bien intentionné. Il a manifesté
plusieurs fois l'idée de porter le salaire minimum de $2.30 à
$2.50 le plus rapidement possible. Je sais que cela serait bien vu, ce serait
un geste fort apprécié de la part de toute la population et
particulièrement de ceux qui en ont le plus besoin.
Je pense, M. le Président, que, pendant l'année 1975, il
va s'ouvrir des centaines de conventions qui vont venir à
échéance. Pendant les discussions de ces 100 conventions qui vont
s'ouvrir, il va y avoir justement une indexation qui va être
négociée. Mais, pour celles qui ne le seront pas, M. le
Président elles ne seront pas nombreuses à la fin de
1975 est-ce que le ministre ne pourrait pas prévoir qu'une
indexation serait possible même rendu à la fin de 1975, même
si on subit une récession? On devrait, M. le Président, y penser
très sérieusement.
M. le Président, pour revenir au sujet de l'augmentation des
salaires, de notre indemnité, vous ne serez pas surpris si je vous dis
que je suis fier de voter en faveur de l'indemnité parlementaire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Guy Saint-Pierre
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en apportant ma contribution au
débat du projet de loi que la Chambre a devant elle ce soir, je me dois
de le faire un peu de la même façon que d'autres, à savoir
d'exprimer comment il peut être difficile non seulement sur le plan
privé, mais sur le plan public de tenter de justifier une augmentation,
une hausse des traitements qui sont donnés à une classe de notre
société dont on fait partie soi-même. Enfin, chacun, nous
avons nos traits de caractère particuliers. Quant à moi, avant
même d'être dans cette Chambre, je n'ai jamais
dépensé beaucoup d'énergie à tenter d'obtenir des
hausses de salaire. Lorsqu'on n'est pas satisfait, on prend son chapeau et on
s'en va, mais je comprends, en lisant la Loi de la Législature, que,
dans cette Chambre, c'est un des devoirs que le législateur, que le
pouvoir législatif a de parler publiquement dans un débat et de
dire pour quelles raisons, oui ou non, les augmentations devraient être
consenties.
C'est d'ailleurs peut-être à cause de cette
difficulté qu'il m'a semblé que le gouvernement a fait une bonne
démarche en confiant un mandat à la commission Bonenfant,
composée de trois membres, qui nous a donné un rapport
sérieux sur l'ensemble du problème qui confronte le projet de loi
que nous avons ce soir.
De l'avis de tous, on conviendra que c'était là un rapport
sérieux, un rapport qui, après avoir fait une
rétrospective historique de tout ce problème, après avoir
colligé beaucoup d'informations sur la situation prévalant dans
d'autres Parlements, dans d'autres pays, après avoir examiné
comment, dans différents Parlements, on faisait face aux mêmes
problèmes, à savoir le traitement des parlementaires,
après avoir brièvement fait une revue de l'évolution du
salaire des députés québécois sans retourner
à 1928, rappelons les grandes étapes: $10,000 en 1963, $12,000 en
1965, $15,000 en 1971 et $15,600 en 1972 s'est arrêté
à parler de la fonction du parlementaire.
Pour chacun d'entre nous dans cette enceinte, même ceux qui ont
été élus à la dernière élection,
déjà le travail quotidien, les difficultés, les
frustrations, les consolations, à l'occasion, nous permettent de
très bien comprendre le sens de chaque mot dans ce rapport sur la
fonction parlementaire. Mais je m'arrête à la page 13 du rapport
qui décrit peut-être deux caractéristiques qu'il ne
faudrait jamais perdre de vue et que malheureusement, dans le grand public,
à cause peut-être d'exemples dans d'autres provinces que le
Québec, on a tendance à oublier.
Ces deux caractéristiques données à la page 13
sont: 1) La fonction de membre du Parlement doit être regardée
comme à plein temps et comme professionnelle de sa nature; 2) On doit
présumer qu'un membre du Parlement n'a aucune autre source de revenu. Il
y a bien sûr quelques modestes exceptions à tout ça.
Peut-être, à l'occasion, l'un d'entre nous peut avoir un travail
partiel qui l'occupe le samedi matin, ou quelques-uns peuvent être dans
certains groupes de profession qui permettent un travail, mais avouons-le, pour
la très grande majorité d'entre nous, le travail du parlementaire
en
1974 est un travail à plein temps et deuxièmement, pour la
très grande majorité d'entre nous, la rémunération
comme parlementaire est essentiellement la seule source de revenu que nous
ayons.
Le rapport mentionne également que pour la plupart nous avons
dû abandonner nos activités professionnelles et il ajoute, je cite
encore, "que souvent le public ne se rendait pas parfaitement compte du travail
considérable et varié qu'accomplissent les
députés". M. le Président, d'autres orateurs l'ont
mentionné avant moi, mais nous avons eu, chacun d'entre nous, l'occasion
de vivre ce que mentionnait le député de Johnson, à savoir
qu'il est très difficile de donner moins de 60 heures par semaine
à la tâche de député. Souvent, je regrette que ce
soit uniquement au sein de cette enceinte que le grand public peut nous voir
à l'oeuvre. Cela donne aux étudiants et au public en
général, souvent, il me semble, une déformation de la
vérité lorsqu'on voit le début de la journée
à trois heures, lorsqu'on voit qu'à quatre heures il y a trois
commissions et qu'immédiatement tous les députés partent
dans toutes les directions pour siéger dans ces commissions. On a un peu
l'impression, finalement, que le travail du député n'a
été que de trois à quatre heures, et pourtant je n'ai pas
à vous en convaincre, M. le Président, vous savez que dans nombre
de cas nous l'avons évoqué en dehors de cette
présence en Chambre, de cette participation à nos débats,
il y a tout un travail, que le rapport décrit d'ailleurs, de
préparation du travail législatif, qui n'est pas tant la
rédaction de textes de loi ceci étant confié
à des spécialistes que notre engagement personnel à
l'intérieur d'un parti politique, notre engagement personnel à
l'intérieur d'un caucus, notre engagement personnel de nous documenter
sur les grands problèmes de la société, d'être
capables de nous donner un apport sur tous les points de vue qui touchent notre
société, sur le plan économique, sur le plan social, sur
le plan de la justice, sur le plan culturel, notre travail de rencontrer la
population et d'être souvent un intermédiaire entre le pouvoir et
cette population.
Le rapport, d'ailleurs, mentionnait une étape, un aspect, une
facette de notre travail de parlementaire qui est un peu unique au
Québec, c'est-à-dire l'importance très grande qu'ont
prises les commissions parlementaires. En 1973, il faut se rappeler qu'il y a
eu 176 séances de commissions parlementaires. C'est un aspect du travail
parlementaire qu'on ne rencontre, à ma connaissance, dans aucun autre
Parlement des autres provinces canadiennes où c'est uniquement
l'Assemblée nationale ou l'Assemblée législative qui
occupe le temps des parlementaires.
M. le Président, il faut recevoir les électeurs,
rencontrer dans son comté, non seulement des gens qui ont des
problèmes, mais également, à plus long terme, des
représentants des corps intermédiaires, rencontrer les
autorités scolaires, les autorités municipales. On a à
l'esprit ceux qui représentent les circonscriptions rurales, qui ont
peut-être 17, 18, 19 municipalités réparties sur un
très grand territoire, où on ne peut pas, à toutes les
semaines ou à tous les mois, exiger que tous ces gens viennent nous
rencontrer dans le chef-lieu ou dans la ville principale, mais où,
souvent, le député est obligé, avec sa voiture, de se
promener dans tous ces endroits pour rencontrer le plus souvent qu'il le peut
tous ces gens.
Il faut également, comme l'ont mentionné d'autres, donner
suite à une correspondance qui est très nombreuse. Il faut
même souvent se rendre compte que la véritable pauvreté
dans notre société ne s'exprime pas, comme semble le
suggérer le chef de l'Opposition officielle, en termes de revenus ou de
dollars, mais la véritable pauvreté qu'on rencontre souvent; et
le rapport fait état jusqu'à quel point le travail du
député est moins politisé qu'il ne l'était
auparavant.
Notre véritable travail dans les comtés est souvent de
guider une personne qui est bafouée à l'occasion, soit par la
fonction publique, d'une façon souvent inconsciente, soit par des
autorités municipales ou fédérales. La fonction du
député est un peu comme un intermédiaire tentant de
faciliter, sur le plan administratif, la démarche d'une personne qui,
vouée à elle-même, risquerait d'avoir une frustration
vis-à-vis de la société. Elle a cette conviction qu'on ne
lui a pas donné justice alors que souvent une explication la
réconforte ou lui exprime le sens véritable des lois et des
règlements qui ont été faits.
A la page 17 du rapport, on mentionne que le député est
devenu un lien indispensable entre la population et l'Etat, dans son sens le
plus large, qui semble de plus en plus lointain, complexe et impersonnel. C'est
ce qu'on a appelé la bureaucratie, mais je pense que c'est un mal
nécessaire, dans ce sens que la complexité des problèmes
qui frappent l'Etat oblige le pouvoir législatif, le pouvoir
exécutif à confier de plus en plus des tâches à un
nombre de plus en plus grand de personnes qui sont essentiellement la fonction
publique.
M. le Président, il y a onze ans, à peu près dans
des circonstances identiques, en juillet 1963, lors de la présentation
d'un projet de loi visant à réajuster les salaires des
députés, deux anciens premiers ministres de cette province
exprimaient des mots que je voudrais vous laisser.
M. Lesage disait, et je cite: "Les députés sont ainsi
forcés de délaisser leurs affaires personnelles davantage chaque
jour. Les moins fortunés d'entre eux en souffrent
énormément, c'est clair. Cela les place dans une situation
difficile, souvent intenable et les expose à toutes sortes de tentations
auxquelles ils peuvent être amenés à succomber à
cause de leurs obligations familiales ou autres. C'est un risque, à mon
sens, que ne peut se permettre de courir la démocratie. D'autre part,
plusieurs hommes
de valeur qui pourraient être un apport précieux à
notre vie politique hésitent ou refusent de se porter candidat parce
que, disent-ils, ils n'ont pas les moyens d'être député.
Combien de fois avons-nous entendu dire cela? Dans trop de cas, c'est
malheureusement l'exacte vérité."
Participant au même débat, le 11 juillet 1963, débat
auquel l'actuel député de Johnson a d'ailleurs participé,
un autre premier ministre de la province, M. Daniel Johnson, disait, et je
cite: "M. le Président, en principe, il faut rechercher une
rémunération qui, dans les limites de la décence, dans les
limites de l'appréciation la plus objective possible, respecte à
la fois la fonction, la qualité de la fonction et constitue une
rémunération adéquate pour le travail accompli."
Récemment, des éditorialistes ont écrit sur le
sujet. Je m'en voudrais de répéter ce qui a déjà
été mentionné, mais vous me permettrez de citer deux
points qui me paraissent pertinents. M. Paul Lachance, dans un éditorial
récent dans le journal Le Soleil, disait et peut-être que
le chef de l'Opposition pourrait prêter une oreille attentive et
je cite: "En fait, au lieu d'évaluer une telle hausse en termes de
pourcentage et mettre en parallèle le salaire d'un député
avec les revenus dégradants des défavorisés, ce qui est
hautement démagogique, il faudrait se demander à quelle classe
appartient un parlementaire et quel est le revenu susceptible de lui permettre
le meilleur accomplissement possible de sa tâche." Le même
éditorialiste, un peu plus loin, ajoutait: "Sans aller jusqu'à
prétendre qu'il faille verser aux élus du peuple le salaire de
certains cadres de grandes entreprises, pas plus d'ailleurs que de donner au
premier ministre de notre province le salaire de président de la
compagnie Ford et même de certains athlètes, il faut tout au moins
se résoudre à penser que l'attrait doit être de taille,
mais de taille malgré tout raisonnable pour éviter l'effet
contraire à ce que l'on peut prétendre."
Dans un autre éditorial, M. Ryan on se rappelle que
celui-là faisait état de la rémunération des
députés en 1971 disait: "Dans l'ensemble en parlant
de ces salaires qui avaient été votés ces montants
étaient raisonnables à l'époque où ils furent
fixés. Il y a évidemment et il y aura toujours des
députés qui sont trop bien payés, parce qu'ils ne
travaillent pas. Mais quant à ceux qui travaillent sérieusement,
qui voudra soutenir qu'ils sont trop payés? " Et un peu plus loin, M.
Ryan d'ajouter: "A la mesure où il voudra s'en tenir aux recommandations
du comité Bonenfant, le gouvernement Bourassa disposera
néanmoins, s'il décide d'agir, d'une base solide et impartiale.
Le comité Bonenfant a soumis un rapport documenté et judicieux.
On ne voit pas au nom de quel masochisme il faudrait refuser
indéfiniment de donner suite à ses conclusions".
M. le Président, l'éditorial de ce soir dans la Presse
pose la question: Que vaut un député? Question bien difficile,
puisque, comme M.
Ryan le mentionnait lui-même, en démocratie parlementaire,
le député est seul de son espèce, et toute tentative de
relier son salaire avec d'autres pourra toujours, sur certains aspects,
être boiteux.
Je voudrais soulever peut-être cinq ou six points qui, il me
semble, mériteraient notre attention. Il faut se rappeler que le seul
dénominateur commun qui réunit les gens dans cette Chambre et qui
nous différencie de ceux qui ne sont pas dans cette Chambre, c'est que
toutes les personnes ici ont reçu un mandat du peuple, que nous soyons
jeunes ou un peu plus vieux, que nous ayons eu un cours primaire, secondaire,
universitaire, que nous soyons de toute race, de toute religion, cela ne compte
pas. La seule chose qui compte, nous sommes tous égaux, et nous avons
tous eu un mandat que nous détenons du peuple, de telle sorte qu'en
tentant de donner une rémunération à tous ces gens, il
faut bien se rendre compte qu'en prenant des barèmes propres à la
société en général, il faudra admettre que,
dès le départ, on pourra pointer du doigt tel cas qui cause une
exception, tel cas qui semble trop généreux par rapport à
tel autre, mais en même temps il faudra également pointer d'autres
cas où il semble ne pas être généreux. Mais nous
avons laissé de côté les modèles de Platon. Nous
n'avons pas pensé que la meilleure forme de gouvernement était
une forme d'aristocratie. Nous avons dit: C'est la démocratie. Nous
avons dit: Chaque homme à l'intérieur de l'Assemblée
nationale a la même valeur. Mes cinq ans d'expérience ici me
prouvent que personne n'a absolument rien à apprendre d'un autre
collègue. Tous les gens dans cette Chambre ont quelque chose à
nous apprendre et, je pense, méritent, comme le suggérait
d'ailleurs le député de Johnson, notre respect mutuel.
Mais, M. le Président, il y a quelques exceptions en cette
Chambre. Il faut bien voir qu'en général on n'entre pas en
politique comme on gradue d'une faculté universitaire ou comme on entre
en commerce ou en droit. En général, on entre en politique
à un moment critique de sa vie, à un moment où, dans une
large mesure, on peut avoir une carrière bien établie, où,
finalement, après avoir travaillé très fort pendant
quelques années, on pourrait, avec notre famille, comme l'a
suggéré le député de Johnson,
bénéficier de quelques années où la
société nous donnerait de bons revenus, où, finalement,
nous pourrions consacrer beaucoup plus de temps à notre famille.
Souvent, pour des raisons très différentes, à l'âge
de 32, 35, 39, 40, même beaucoup plus vieux que cela et j'ai
beaucoup de respect pour le député de Johnson, et tous ses propos
me touchent, puisqu'il faut se rappeler que celui qui a parlé est un
homme qui, pour venir dans cette Chambre, a aussi renoncé à une
pension de $21,000 pour recevoir un salaire de $15,000 en travaillant douze
mois par année. Cela mérite plus de respect que...
A un moment critique d'une carrière, nous avons dit non à
cela et nous avons dit oui à un engagement à l'intérieur
d'un parti politique, avec tous les risques que cela peut comprendre. Bien
sûr, s'il y en a 102 dans cette Chambre, il ne faudrait pas oublier le
sort des 400 autres, ou même plus, qui ont tenté aux
dernières élections d'obtenir notre dénominateur commun,
ce mandat du peuple, mais qui ne l'ont pas obtenu et dont, souvent la
carrière a été très bouleversée, qui ont pu
avoir même des échecs sur le plan financier.
Un autre point qui frappe dans le travail d'un député,
c'est que ce dernier peut travailler très fort, il peut donner toutes
ses énergies, toute sa santé à sa tâche.
Il peut se mériter le respect complet de tous ses contribuables,
mais, pour des causes et des raisons qui ne sont pas reliées à sa
performance ou à son travail, il peut connaître l'échec
quatre ans après. Combien de cas n'avons-nous pas vus où des
gens, qui auraient dû normalement avoir un renouvellement de mandat
à cause de l'effort qu'ils avaient fourni à la tâche, parce
qu'ils n'appartenaient pas à la bonne formation politique ou parce que
l'ensemble de l'évolution politique ne les favorisait pas, ont connu
l'échec.
Dans le secteur privé, ces situations, en général,
ne se rencontrent pas. En général, quand quelqu'un fournit un bon
travail, au bout de quatre ans, on ne le renvoie pas en lui disant: Bien,
va-t'en et trouve-toi un autre emploi. On lui donne une promotion. On lui donne
un salaire plus élevé.
Un autre point que j'aimerais soulever et qui mérite votre
attention, c'est le fait que, parmi les députés, il n'y a pas de
progression d'échelle. Il n'y a pas, dans nos salaires, un
enrichissement qu'on peut obtenir avec l'ancienneté. Il n'y a pas ici
des députés classe I, des députés classe II, des
députés classe III, soit par leur participation aux débats
ou par le nombre d'années où ils ont été en
Chambre. Nous sommes tous sur la même base.
Ce critère est important, puisqu'en faisant la comparaison du
taux de salaire il faut se rappeler que, dans le secteur privé, dans une
large mesure, il y a cet enrichissement. Je ne voudrais pas donner des noms.
J'ai simplement retrouvé certaines listes. On a aimé faire une
comparaison avec les administrateurs classe IV. Mais je regarde au
ministère de l'Industrie et du Commerce des gens qui sont actuellement
administrateurs IV et je suis frappé de voir que quelques-uns
sûrement, ce doit être parmi les brillants ont réussi,
depuis 1972, à passer d'agents de recherche classe I à adjoints
aux cadres supérieurs, à administrateurs IV, de telle sorte que,
dans cette courte période de deux ans, ils sont passés d'un
salaire, en avril 1972, de $14,322 à $23,400 qu'ils toucheront en
janvier 1975.
Chez les députés, il n'y a pas cela. Même si on se
rattachait à la classe IV j'aurai des raisons plus tard pour dire
pourquoi il ne faut pas le faire il faut se rappeler que, même si
on est ici huit ans, dix ans, douze ans, même si, après ce temps,
on a plus d'habilité pour remplir sa tâche, on a toujours la
même échelle: député classe I, si on veut utiliser
l'expression.
D'ailleurs, ce qui me frappe au ministère de l'Industrie et du
Commerce, c'est que, parmi les quatorze administrateurs classe IV que j'ai dans
le moment, six seulement étaient en classe IV, il y a à peine
deux ans. Les autres sont venus de promotions, en général,
d'adjoints aux cadres supérieurs.
Souvent, on fait état de la pension comme étant une
panacée qui doit corriger tous ces problèmes. J'aurai l'occasion
de dire tantôt qui reçoit véritablement ces
bénéfices de la pension, mais je pense que le témoignage
que nous en a donné le député de Johnson mérite une
période d'attention. Nous l'avons vu travailler dans cette Chambre, mais
qu'a valu à M. Bertrand, l'ex-député de Missisquoi, la
pension qu'il a obtenue après tant d'années? Il n'y a même
pas touché. Combien de collègues avons-nous vus qui, finissant
une carrière politique et après avoir donné souvent leur
santé, n'ont même pas touché un sou.
M. PILOTE Coiteux.
M. SAINT-PIERRE: M. Coiteux en serait un autre. On pourrait
étirer la liste. Mais on y reviendra tantôt pour vous montrer
d'autres genres d'individus qui, aujourd'hui, s'offusquent de la hausse de
traitements et qui, eux, ont des chances de retirer beaucoup en matière
de pension. Peut-on même, M. le Président, se comparer aux autres
provinces canadiennes? Je n'ai pas de statistique devant moi, mais je reviens
d'un séjour, à l'automne, dans plusieurs provinces de l'Ouest et
j'ai été frappé par le fait que, par rapport à
toutes ces provinces, sauf peut-être l'exception du Parlement d'Ottawa et
du Parlement de Toronto, nos sessions sont beaucoup plus longues que les leurs.
Dans les circonscriptions même de la social-démocratie de la
Colombie-Britannique la session d'automne dure à peine trois ou quatre
semaines et la session du printemps dure à peine six ou sept semaines.
En Alberta, la session, cette année, à l'automne, a duré
sept ou huit jours, question d'adopter quelques projets de loi.
Il faut comparer ceci avec la situation que nous avons au Québec.
Je pense qu'il serait malhonnête de tirer, comme l'a fait le chef de
l'Opposition, des parallèles pour tenter de dire que nous sommes au
cinquième rang du revenu, mais au deuxième rang parmi la
rémunération des députés.
Malheureusement, dès qu'on parle de chiffres j'aurai
l'occasion de le démontrer à nombre de reprises dans le
Parti québécois, on mélange souvent non pas les citrons et
les oranges, niais les citrons avec les vaches.
Brièvement, le rapport Bonenfant, qui nous
avait été soumis, nous a fait deux grandes recommandations
:
Que le traitement soit fixé à $22,000 et qu'il soit
relié à la médiane des cadres no 4 de la fonction
publique. Nous savons que la loi, contrairement à l'invitation que M.
Ryan nous faisait dans le Devoir, ne va même pas jusqu'à la
recommandation du rapport Bonenfant, mais qu'elle fixe la
rémunération à $21,000 pour les députés et
que l'indexation, au lieu d'être reliée à celle des cadres,
est reliée à l'évolution des salaires des ouvriers, des
traitements des salariés dans l'industrie canadienne.
M. le Président, pourquoi $21,000? Brièvement, il faut se
rappeler, comme l'a signalé le premier ministre de la province, que
cette augmentation de $5,260, de 1972 à aujourd'hui, représente
une augmentation de 23.13 p.c. alors que l'indice des prix à la
consommation a augmenté d'un montant supérieur,
c'est-à-dire de 24 p.c. entre mai 1972 et novembre 1974. Nous tentons de
redonner au député le pouvoir d'achat qu'il avait il y a deux
ans.
Deuxièmement, M. le Président, durant cette même
période, il y a lieu de se rappeler M. le premier ministre
l'évoquait que pour les hauts fonctionnaires et
particulièrement pour les cadres, les augmentations de salaire on
été de l'ordre de 44 p.c, ce qui doit se comparer aux 23.13 p.c.
qui sont donnés aux députés.
Troisièmement, M. le Président, il faut se rappeler que le
salaire minimum, pour la même période de mai 1972 à
novembre 1974, a augmenté, lui, d'un montant supérieur au
pourcentage prévu pour les députés, c'est-à-dire
qu'il a augmenté de 33.3 p.c.
Je sais que j'ai à convaincre non pas l'Opposition, M. le
Président, parce que c'est un secret de polichinelle qu'il y a une
semaine, ces gens étaient convaincus, mais les gens qui manipulent les
marionnettes que nous avons devant nous.
Aussi, M. le Président, vous me permettrez un petit exercice de
mathématique. Sûrement que le chef de l'Opposition non pas
conseillé par M. Michaud, puisqu'en chiffres, là, c'est
désastreux, mais peut-être par M. Joron pourrait le faire.
Le président de ce conseil national, qui a donné des ordres et
des directives, cela m'inquiète, comme parlementaire, puisque je me sens
mal à l'aise quand des gens sont manipulés de l'extérieur
par des gens qui n'ont pas de mandat, mais oublions ce point...
M. MORIN: M. Lévesque n'est pas président du conseil
national.
M. SAINT-PIERRE: M. Lévesque siège à ce conseil
national et, apparemment, y exerce un leadership incontesté.
M. MORIN: II s'est tu pendant ce débat.
M. LEGER: On vous expliquera cela tout à l'heure.
M. MORIN: On vous expliquera cela. M. SAINT-PIERRE: M. le
Président... M. MORIN: ... démocratique.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît ! A
l'ordre!
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en 1965, celui qui était
alors député de Laurier et qui, depuis ce temps, a
essuyé à deux reprises l'échec devant l'électorat
pour obtenir un autre mandat et membre de notre parti avait voté,
avec les députés, à l'époque et j'ai comme
témoin le député de Johnson pour que le salaire des
députés soit porté à $12,000. Nous étions en
1965.
M. le Président, si on veut faire des calculs, le salaire moyen
des salariés canadiens, à l'époque, était de
$88.62. Il est maintenant, en mai 1974, de $169.57. Si on applique au
traitement des députés qui, en 1965, était de $12,000, et
convenait à M. Lévesque et même, malheureusement, je
n'ai pas eu le temps de faire la recherche, on me dit qu'à
l'époque, il a fait de violents discours contre ceux qui faisaient de la
démagogie vis-à-vis du salaire des députés
ces $12,000, si on les augmente du même taux que la majorité des
salaires au Canada, on obtient, non pas aujourd'hui mais en mai 1974, un
salaire de plus de $23,000. Ce que le projet de loi propose, c'est $21,000.
Donc, c'est moindre que la croissance, comme pourcentage, des salaires depuis
1965, dans le secteur des salariés.
M. le Président, peut-être un mot également pour
dire et je l'ai mentionné au début cette importance
exagérée qu'on donne à la présence en Chambre et
aux discours qui sont faits par les parlementaires. Je ne voudrais pas
déborder du projet de loi qui est là. Je sais que, pour plusieurs
d'entre nous, il y a peut-être des réflexions profondes à
engager sur tout l'appareil législatif, sur les responsabilités
qui devraient être données aux parlementaires à une
période où la complexité des problèmes, où
la discipline de parti, où la croissance de la fonction publique font
que la fonction législative se trouve dans un carcan qui
mériterait d'être étudié en profondeur.
Je ne voudrais pas m'y attarder ce soir mais simplement dire que cette
présence en Chambre et particulièrement des discours qui sont
faits par les députés ne doivent pas, à mon sens,
être considérés comme l'unique critère par lequel on
pourrait évaluer la performance ou le travail d'un député.
On comprendra, en particulier, qu'avec plus de 100 députés le
parti ministériel, si nous voulions rester ici treize mois par
année, nous pourrions faire des discours très longtemps. A
l'occasion souvent, c'est peut-être même une frustration que
plusieurs doivent contenir, on ne peut pas dire tout ce qu'on veut dire, compte
tenu du rôle qui traditionnellement est donné à
l'Opposition, qui, malheureusement, ou heureusement sûrement pour la
province, est représentée ici par seulement moins de dix
députés.
Un deuxième point du rapport a touché à l'index et
il me paraît approprié que nous ayons, sur ce point,
abandonné les recommandations du rapport Bonenfant. En effet, avec
raison, comme l'Exécutif fixe le salaire des cadres de niveau 4, peu
importe l'index que nous aurions pu prendre, d'une façon peut-être
sous la couverte, on aurait pu dire: l'Exécutif donne ces traitements
à ses députés. D'autres ont suggéré que
peut-être comme hausse de traitement on pourrait envisager la hausse qui
est donnée aux derniers échelons à l'intérieur
d'une convention collective, c'est-à-dire les professionnels 1.
Même là il y aurait eu des esprits dans la province pour dire
qu'on a fait des concessions aux professionnels parce que ça nous
permettait d'augmenter nos salaires.
Je pense que l'indice qui a été retenu, qui est
l'évolution des salaires dans l'industrie canadienne, les ouvriers, les
salariés canadiens, devrait nous éviter, pour la plus longue
période de temps possible, des débats comme ceux que nous avons
ce soir.
Le chef de l'Opposition, sur ce plan, nous a donné un portrait
très noir. Il a oublié, bien sûr, de nous dire qu'en 1974
il y a 9 p.c. de moins d'assistés sociaux qu'en 1973. Il pourrait
également prendre conseil auprès de l'ancien député
de Gouin, qui, en 1973, nous reprochait de mettre trop l'accent sur une seule
année et qui nous invitait à étaler sur quelques
années nos conclusions en matière économique. Si le chef
de l'Opposition veut bien étaler sur quelques années les
performances du gouvernement actuel, il verra que nous n'avons absolument rien
à envier à tout autre gouvernement ou même à
plusieurs des autres provinces canadiennes. Je lui rappelle, en passant, que
sous l'ancien gouvernement, où on avait flirté avec l'idée
du séparatisme, le nombre de chômeurs avait cru, en quatre
années de 83 p.c, alors que depuis que le gouvernement libéral
est au pouvoir, malgré une hausse très forte de notre
main-d'oeuvre, le nombre de chômeurs, en quatre ans, n'a augmenté
que de 2 p.c.
J'ai abordé cette question, de la même façon que les
qualifications ne sont pas les mêmes pour tous, les
bénéfices ne sont pas les mêmes pour tous dans cette salle.
Je pense qu'il serait impossible d'avoir au compte-gouttes une façon de
mesurer les indemnités ou les dépenses de voyages ou la pension
qui rendrait parfaitement justice à l'effort que chacun y met.
Mais quand on regarde ceux qui vont le plus bénéficier de
la loi actuelle où nos regards devraient-ils se diriger? Mes regards
s'arrêtent sur le député de Saint-Jacques. Pourquoi le
député de Saint-Jacques? Si je regarde le travail de M. Benjamin
Faucher, je m'excuse de le nommer par son nom, le député de
Nicolet-Yamaska, et que je le compare aussi au travail du député
de Compton, voici trois députés qui ont eu un premier mandat le
29 avril 1970.
Inutile de dire que c'est à des âges différents mais
je pense qu'on sera mal placé du côté de l'Opposition pour
reprocher à la fois au député de Compton et à celui
de Nicolet-Yamaska de ne pas avoir été présents dans cette
Chambre. Sur ce point et sur beaucoup d'autres ils ont dépassé en
performances ce qu'a pu faire le député de Saint-Jacques,
malgré que je ne voudrais pas lui reprocher qu'il n'ait pas
été présent en Chambre. Mais je pense que,
particulièrement au niveau du député de Nicolet-Yamaska,
on a des performances remarquables. Pourquoi je dis cela? C'est que dans trois
ans, parce que ce n'est pas l'an prochain et d'ailleurs on n'est pas
encore pour un an au pouvoir, c'est peut-être un siècle que vous
vouliez dire.
Si en 1978, on pourrait prendre 1977, on avait des élections et
si volontairement, parce que d'eux-mêmes les trois députés
auraient décidé de ne plus se présenter ou parce que
l'électorat voudrait les remplacer par d'autres, particulièrement
dans le cas du député de Saint-Jacques, qu'arriverait-il?
Je pense, pour avoir donné un travail très valable
et là je pense que chacun comprendra le député de
Compton, à 74 ans, va se retrouver avec une pension annuelle de $9,360
pour le reste de ses jours. Je lui souhaite longue vie. Je sais qu'il a eu une
vie rangée et que peut-être il dépassera les pronostics
habituels des agents d'assurance. Mais les chances de capitaliser sur cette
pension ne peuvent se comparer avec celles du député de
Saint-Jacques qui, à 31 ans, se retirera avec une pension indexée
de $9,360. Je pense que cela lui permettra de retourner aux études. M.
le Président, en mesurant qui reçoit trop et en portant des
accusations contre des gens qui ne sont pas dans cette Chambre ce soir, le
député de Saint-Jacques pourrait demander et là je
lui recommanderais M. Parizeau de faire calculer, par un
étudiant, ce que représente la somme de $9,360 qu'on obtient
à vie à l'âge de 31 ans et de demander le même calcul
pour ses deux collègues dans cette Chambre. Il pourra alors nous
transmettre à tous quel est, sur le plan d'annuités sur le plan
d'une somme totale, la différence de ce qui a été
rémunéré.
M. le Président, si, parmi les députés, il y a
quelqu'un qui obtient beaucoup pour ses services, peut-être trop, c'est
sûrement le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Question de privilège. M. le Président, je
fais une question de privilège. Non pas...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. CHARRON: ... à cause des insinuations malveillantes du
ministre de l'Industrie et du Commerce, simplement pour dire une chose. Si, par
éventualité, je devais prendre et recevoir mon fonds de pension
à 31 ans, comme vient de
le dire le ministre de l'Industrie et du Commerce, j'aurais à ce
moment-là je ne crois pas, M. le Président, on m'avait
prédit aussi que je ne reviendrais pas, je suis revenu avec une
majorité accrue la dernière fois mais dans cette
hypothèse qu'a soulevée le ministre de l'Industrie et du
Commerce, j'aurais effectivement la même pension, ayant
siégé le même nombre d'années, ayant
contribué au même montant, selon la même Loi de la
Législature, que les deux honorables députés qu'a
mentionnés le ministre de l'Industrie et du Commerce.
Je trouve que ce genre d'exemple, M. le Président je
termine ma question de privilège, je tiens à la faire, et je la
fais sans aucune agressivité je trouve que l'allusion du ministre
de l'Industrie et du Commerce est de mauvais goût. Si j'ai
commencé ma vie politique à 23 ans, M. le Président, c'est
que les électeurs de Saint-Jacques ont eu confiance en quelqu'un de 23
ans à ce moment-là. Et si j'ai eu la chance, je l'admets...
M. MARCHAND: Ils ne vous connaissaient pas.
M. CHARRON: ... M. le Président, d'avoir commencé aussi
jeune et d'avoir pu donner cette période de ma vie entre 20 et 30 ans
où, j'imagine, on a une productivité qu'on ne peut retrouver
ailleurs...
M. MARCHAND: M. le Président, question de règlement.
M. CHARRON: ... ce n'est pas au ministre de l'Industrie et du
Commerce...
M. MARCHAND: Question de règlement, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre! Question de
règlement.
M. CHARRON: Ce n'est pas au ministre de l'Industrie et du Commerce
à m'en faire grief.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît !
M. MARCHAND: Question de règlement, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, s'il vous plaît! Question
de règlement.
M. MARCHAND: Question de règlement. Il y a un règlement de
l'Assemblée nationale, M. le Président, qui dit qu'on doit
rétablir les faits après que l'opinant a fini de parler.
M. CHARRON: ... pas pour rétablir les faits. C'était une
question de privilège, ce n'était pas pour rétablir les
faits. Je pense que le genre d'insinuations que fait le ministre de l'Industrie
et du Commerce sont parfaitement déplacées.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord, continuez.
M. SAINT-PIERRE: Sur la question de règlement, avant de
poursuivre mon texte. Je pense que je n'ai fait aucune accusation malveillante;
je n'ai pas dit que le député n'avait pas travaillé
pendant les huit ans de son mandat. J'ai dit que, dans l'alternative où,
volontairement, il se retirerait et/ou les électeurs ne lui
renouvelleraient pas un mandat, je dois constater qu'en dollars et en sous,
parce que c'est cela dont vous voulez parler ce soir, des dollars et des sous,
à cause d'une question d'âge, il n'y a aucune comparaison entre ce
que l'Etat aura donné au député de Saint-Jacques et ce que
l'Etat aura donné au député de Compton et au
député de Nicolet-Yamaska. Je n'ai pas fait d'accusation
malveillante.
M. le Président, j'ai un autre point à soulever
également, parce qu'il n'y a pas seulement la question d'âge qui
nous différencie dans cette Chambre. Le chef de l'Opposition officielle
va me comprendre. Il y a des gens ici qui ont accepté de servir le
Québec et d'obtenir un mandat, ils ont dit non à une
carrière très prometteuse dans le secteur privé. Il y a
des gens qui ont fermé la porte dans un commerce, dans une profession
qu'ils avaient et ils ont dit:
Oui, nous, on va aller travailler pour le Québec. Il y en a
d'autres, M. le Président, ce n'est pas la peine de les nommer, qui ont
choisi, à cause de leur situation, et je ne leur en fais pas grief, je
veux simplement le souligner parce qu'il y a une pertinence au débat, il
y en a d'autres qui bénéficient d'un congé sans solde. Ce
sont des gens qui prennent leur chapeau puis disent à
l'université: Moi, je m'en vais au Parlement du Québec,
peut-être que je reviendrai dans quatre ans, n'oubliez pas de garder ma
place. Tout ça est payé par le gouvernement du Québec.
M. le Président...
M. MARCHAND: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. SAINT-PIERRE: Sûrement.
M. MARCHAND: Est-ce que vous pensez qu'un député de
l'Assemblée nationale, professeur d'université, sera
réengagé après avoir conclu qu'il ne connaissait pas son
droit?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, peut-être que plusieurs
vont se poser des questions sur sa capacité de réellement
continuer, mais je suis certain que le député, c'est mon point,
contractuellement, compétent ou non compétent je pense
qu'il est compétent va avoir son emploi également.
M. le Président, il y a un troisième point que j'aimerais
souligner, puisque, bien sûr, derrière la tâche de
député il y a aussi, dans le projet de loi, des choses qui
touchent les ministres, et Dieu sait que certains veulent partager le
fardeau que plusieurs ont accepté ici au Québec. Ils
verront que le député de Johnson je pense s'en rappelle
ce n'est plus 60 heures, mais souvent beaucoup plus près de 100
heures par semaine que ça peut durer.
Il faut remarquer qu'au niveau des revenus et au niveau des
indemnités, le chef de l'Opposition officielle est au même niveau
que les ministres. On a parlé de limousine ce matin, on a parlé
de présence. Je pose la question que finalement, si on avait à
mesurer l'effort qu'on doit donner dans sa tâche directe, et je ne veux
pas faire de comparaison malveillante, je me pose des questions, dis-je, sur
les tâches qui sont confiées à tous mes collègues et
qui impliquent 100 heures par semaine. Pas pour un parti politique, mais pour
un gouvernement puis pour la province, par rapport à celui qui dirige,
finalement, qui dirige, je pense que c'est bien ça, le terme
employé, qui dirige six députés et qui reçoit des
consignes d'un conseil national.
M. le Président, en conclusion, je pense que le problème
devant nous ce soir est un problème épineux, mais je pense que le
gouvernement a fait une bonne démarche. Il a confié à un
groupe d'experts le soin de s'attarder sur ce problème. Nous avons eu un
rapport sérieux.
Le gouvernement, dans son projet de loi, ne va même pas acccepter
intégralement ce qui lui est recommandé. Il est en-deça:
au lieu de $22,000, il va à $21,000, et au niveau de l'indexation il se
rattache à l'évolution des traitements et salaires des ouvriers
et des salariés canadiens. Pour toutes ces raisons, M. le
Président, il me paraît que dans l'esprit même de la
démocratie et compte tenu de toute la démagogie qu'on va nous
servir, de l'électoralisme et de cet aspect puritain à court
terme, M. le Président, cette Assemblée devrait ratifier ce
projet de loi et prendre tous les moyens pour bien l'expliquer à la
population. Je sais que dans certaines lignes ouvertes on voudra, bien
sûr, faire de la démagogie, mais que l'ensemble des
Québécois voudront avoir des parlementaires qui, comme le disait
si bien M. Paul Lachance, reçoivent un traitement susceptible de leur
permettre de donner le meilleur accomplissement possible dans leur tâche.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Le député de
Laurier.
M. André Marchand
M. MARCHAND: M. le Président, je ne veux pas perdre mon droit de
parole sur le projet de loi, mais je veux quand même, selon le
règlement, rétablir les faits. Le ministre de l'Industrie et du
Commerce a dit que l'ancien député de Laurier avait
déclaré que le salaire d'un député devrait
être au moins de $12,000 par année, en 1960. A ce moment-ci, M. le
Président, je me permets, est-ce que je... 1965, alors je dis qu'en 1960
et 1961, à son bureau de comté, devant 150 personnes
réunies dans un sous-sol, l'ancien député de Laurier avait
déclaré qu'un député ne devrait pas gagner en bas
de $40,000. C'est René Lévesque qui a dit ça, dans un
sous-sol, au coin des rues Taillon et Saint-Denis. L'hypocrisie ça tue,
mais ça ne fait pas vivre tout le monde.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que cette Chambre est
prête à se prononcer? Le député de Lafontaine?
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, permettez-moi sur un sujet aussi peu
populaire dans un sens, vous expliquer le point de vue que je peux avoir, le
plus sincèrement possible, et les raisons pour lesquelles j'ai
décidé, il y a près de cinq ans, de me présenter
dans mon comté.
J'avais deux objectifs, deux idéaux à atteindre.
C'était, d'abord, de bâtir une patrie, le Québec, en
acquérant l'indépendance, et, deuxièmement, de faire un
changement social, c'est-à-dire d'avoir une préoccupation pour
mes concitoyens.
Ce sont les deux objectifs, les deux idéaux que j'avais. J'ai cru
qu'au niveau du député je pouvais faire ma part pour
améliorer la situation de mes concitoyens et d'en convaincre
suffisamment, dans tout le Québec, avec mes confrères, pour
arriver à la création de ce pays qui est le mien, le
Québec.
Depuis ces cinq ans, j'ai perdu la plupart de mes illusions. J'ai
tenté de conserver mon idéal. Aussi, quand j'ai été
élu, c'était pour représenter, d'abord, mes
électeurs de mon comté, deuxièmement, j'ai
été élu sous l'étiquette d'un parti qui
préconise une philosophie bien particulière, bien précise
et, finalement, j'ai été élu pour aider, par la modeste
contribution que je puis apporter, la législation provinciale,
c'est-à-dire une amélioration de la législation
nationale.
M. le Président, cette idéologie est bien
différente de celle qu'ont ceux qui sont au gouvernement actuellement.
Très souvent, sur le plan personnel, je rencontre beaucoup de
députés avec qui je m'entends très bien. J'en vois qui me
regardent avec qui j'ai parlé sur un plan personnel. On se rejoint sur
le plan de la discussion, de l'amitié. Je m'aperçois, cependant,
que, sur le plan de l'idéologie, nous sommes très loin. Nous ne
sommes pas sur le même canal. Nous ne sommes pas sur la même
longueur d'onde.
Je disais même à une de ces personnes avec qui je parlais
en toute amitié: As-tu des amis, en plus des amis de ton parti, qui sont
des péquistes? Elle me disait: oui. As-tu remarqué ces amis
péquistes avec lesquels tu es? Tu a assez d'amitié avec eux pour
être capable de discuter, jaser, sans avoir à combattre? Oui. Et,
quand tu discutes avec eux, as-tu l'impression qu'ils ont une façon
différente de penser, qu'ils
ont une échelle de valeurs différente de la tienne, qui
peut être considérée par toi meilleure ou moins bonne, mais
elle est différente, et qu'elle guide sa façon de fonctionner et
dirige ses décisions?
Même ces personnes, que je considère comme des amis
libéraux, admettent qu'il y a dans cette Chambre maintenant deux partis
qui s'affrontent, avec deux idéologies tellement différentes et
que la façon de se combattre est tellement différente que,
lorsqu'une personne d'un ancien parti revient, elle ne s'y retrouve plus.
Auparavant, c'étaient deux partis, avec à peu près
le même système. Il s'agissait, tout simplement, de faire une
administration différente et on s'entendait bien sur plusieurs choses.
On s'accommodait sur différents sujets et les luttes étaient
plutôt gentilles, sans trop d'acrimonie. Tout à coup, arrive en
Chambre un parti qui est issu d'une population qui a vécu depuis
tellement longtemps dans un colonialisme qu'elle ne connaissait pas...
M. SAINT-PIERRE: Maintenant, il y a les bons, puis les mauvais.
M. LEGER: ... et qu'elle ne pouvait reconnaître.
L'éducation et l'évolution aidant, les media d'information
aidant, nous en avons vu surgir...
UNE VOIX: C'est une farce monumentale.
M. LEGER: ... dans la population du Québec, une quantité
tellement nombreuse que, maintenant, vous avez devant vous à peu
près deux groupes de citoyens québécois qui s'affrontent
quasi d'égale force et non pas en Chambre actuellement, mais deux
parties, le gouvernement et le Parti québécois, qui s'affrontent
sur une idéologie tellement différente que les moyens de
s'attaquer se déplaisent même. Tantôt, j'entendais le
député de Johnson dire: II y a de la haine ici.
UNE VOIX: Farce monumentale.
M. LEGER: M. le Président, j'ai doté qu'il y a beaucoup
d'agressivité. Le sujet que nous touchons actuellement possède
une bonne dose d'agressivité puisque cela touche, pour une des rares
fois, directement les personnes concernées. M. le Président,
c'est la raison pour laquelle je me dois aujourd'hui de dire que ce changement
de régime que nous proposons amène un affrontement tel que
parfois on ne peut pas se comprendre. On ne peut pas s'entendre sur certaines
choses et c'est tellement évident que cela a amené le
comportement de l'Assemblée nationale à changer d'une telle
façon que la population se dit: Qu'est-ce que sont devenus nos
députés? Comment cela se fait que ça se passe comme
ça à l'Assemblée nationale? Faites un sondage,
aujourd'hui, son- dage systématique par des spécialistes comme le
CROP, l'IQOP, tout ce que vous voulez. Demandez aux gens: Est-ce que nos
députés devraient se voter ce salaire? Vous auriez une proportion
très élevée de gens, qui approcherait les 90 p.c, qui
diraient: Non, ils ne le méritent pas. Je ne dis pas qu'ils ont raison,
mais je dirais simplement: Quelle image avons-nous donnée à la
population, par notre comportement? M. le Président, j'aimerais vous
lire un petit passage humoristique extrait d'un journal et dont le titre
était: Bons traitements. "Selon les nouvelles qui nous viennent de
Québec, les membres de l'Assemblée nationale auront bientôt
à se voter un nouveau barème de leurs indemnités.
Ministres et députés coûteraient ainsi annuellement au
trésor plus de $3 millions. C'est le prix de la démocratie,
diront les ennemis du totalitarisme, qui estiment que mieux vaut des
parlementaires dispendieux que pas de députés du tout. On
pourrait toutefois tempérer les augmentations qu'ils s'accordent en leur
appliquant le système de point de démérite
récemment adopté pour les automobilistes, les fautes pouvant
aller jusqu'au retrait du permis de conduire le char de l'Etat".
M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce
faisait des comparaisons. Nous sommes tous ici responsables de nos
électeurs, de la philosophie de notre partie et de la législation
nationale québécoise. M. le Président, si les citoyens,
dans les "hotlines" actuellement, vocifèrent contre ces augmentations de
salaire c'est vrai, il faut l'admettre c'est parce qu'ils ne sont
pas informés du rôle du député comme tel. Est-ce
qu'on l'a fait, M. le Président? Est-ce que chacun des
députés de cette Chambre aurait le courage d'aller dans son
comté, dans une assemblée publique pour dire...
DES VOIX: Oui.
M. LEGER: Parfait, et c'est pour cela, M. le Président, que
j'aurai tantôt un amendement devant le oui unanime, pour nous permettre
cette chose.
M. le Président, si les concitoyens du Québec jugent
actuellement mal le rôle du député, c'est à nous de
leur vendre notre rôle, la valeur du député, nos
responsabilités et nous conduire bien ici en Chambre pas comme
vous le faites actuellement d'une façon décente et
normale. Nous qui légiférons, qui faisons des lois, devrions
être les premiers à respecter ce règlement-là.
J'admets que j'ai ma part de non-respect parfois des règlements. C'est
sûr qu'on s'attaque et c'est normal.
UNE VOIX: A part ça tu en es un bon.
M. LEGER: Mais sur le plan de la législation, M. le
Président, est-ce que c'est normal que, jusqu'à hier soir, 37
députés de l'Assemblée nationale n'avaient même pas
les deux tiers des
présences en Chambre depuis cette législation? Est-ce que
c'est normal? Les points de démérite, l'absence en Chambre,
est-ce que c'est normal?
M. BERARD: Parle de René Lévesque.
M. LEGER: M. le Président, je suis en train de parler de ceux qui
demandent une augmentation de salaire actuellement.
M. BERARD: Celui que René Lévesque...
M. LEGER: Est-ce qu'actuellement nous avons mérité cette
réputation? Et pour quelle raison les gens vocifèrent-ils?
M. le Président, j'admets qu'il y en a, par exemple, qui ont
été présents de façon exemplaire, autant dans
l'Opposition c'était notre devoir, nous avons été
là, on a le mérite, mais pas plus que cela, on est obligé
d'être là.
Mais j'ai des députés qui sont présents. Je vais en
nommer pour montrer que je ne suis pas seulement partisan. J'ai le
député de Taschereau, qui est un des plus présents en
Chambre, et il est un de ceux qui mériteraient un salaire plus
élevé. Il y a le député de Verdun, qui est
continuellement assidu en Chambre et qui remplit une tâche
extraordinaire, et dans son comté et ici. J'ai le leader parlementaire,
qui est un des plus grands assidus ici, depuis tellement longtemps qu'il est en
Chambre! Il y a le député de Lotbinière, qui vient juste
de sortir, mais qui était là tantôt; il est continuellement
en Chambre. Et, comme de raison, le député de Nicolet-Yamaska,
qui est un des plus assidus de la Chambre. Sous l'aspect présence en
Chambre, je pense qu'on ne peut pas leur donner de leçon, ils sont
là.
Mais j'aimerais, par exemple, nommer les 37 autres qui ont manqué
le tiers des présences.
M. BELLEMARE (Rosemont): Nommez-les.
M. LEGER: Eh bien, j'en ai 37 ici. J'ai les noms, je n'ai pas les
comtés, j'espère que je ne me tromperai pas à chaque
fois.
M. BELLEMARE (Rosemont): Nommez-les.
M. LEGER: Bien, il y a des comtés comme le comté de Gouin,
entre autres. Vous avez le comté de Montmorency. Vous avez le
comté de Saint-Louis. Vous avez le comté de Dorion. Vous avez le
comté de Bourget. Vous avez le comté... Vous avez le premier
ministre, mais pour lui, on peut comprendre, le premier ministre parfois
s'absente pour des raisons. Vous avez le comté de Beauharnois qui,
malheureusement, parfois, est peut-être dans la bâtisse mais quand
le vote est appelé, normalement il devrait venir voter. Vous avez le
député de Mont-Royal. Vous avez le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BLANK: M. le Président, j'ai fait un relevé,
récemment, avec le secrétaire. Je pense que je n'ai pas
manqué dix jours durant toute l'année.
M. LEGER: M. le Président, je ne prends pas les
présences...
M. BLANK: Mais je ne sais pas où vous prenez vos chiffres.
M. LEGER: Il se peut que vous soyez présent en Chambre en dehors
de la période des votes. Moi, je parle des jours où il y a des
votes.
M. BLANK: Ah! Ah! Des fois j'occupe le fauteuil aussi.
M. LEGER: Je pense que le rôle d'un député, quand le
vote est demandé, c'est d'être présent.
M. BLANK: Oui. Peut-être que je suis au fauteuil quand on
vote.
M. LEGER: Maintenant, quand vous êtes président, c'est
sûr que vous avez une raison.
M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement, M. le
Président.
M. LEGER: Ecoutez, je ne fais que mentionner des noms...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement, M. le
Président.
M. LEGER: ...pour des députés qui ne sont
pasprésents. De toute façon, M. le Président...
M. BELLEMARE (Rosemont): Un point de règlement, M. le
Président. Pour mon bon ami et collègue, le vice-président
de l'Assemblée nationale, le député de Saint-Louis,
souvente-fois il siège et il n'a pas le droit de vote. Si c'est de la
façon dont il enregistre les votes, cela ne les lâche pas, ...en
hypocrite.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: Alors, M. le Président, je n'ai pas l'intention de tous
les nommer mais comme j'ai nommé ceux qui étaient assidus, j'en
nommais quelques-uns qui étaient réellement absents. Le
député, qui n'est pas loin de nous, le maire et
député de la Côte-Nord, du comté de Duplessis, il
n'est pas souvent en Chambre.
Il faut que les citoyens sachent qu'ils sont
bien représentés en Chambre. J'en ai 37 comme ça.
Si j'ai mentionné ça, c'est pour faire valoir le point de vue
suivant: que les citoyens du Québec, actuellement, pensent que leurs
députés ne remplissent pas leur rôle. C'est à nous
de leur prouver que nous le remplissons.
Je ne discuterai pas du contenu du projet de loi au point de vue argent.
Je pense que ce montant est peut-être trop élevé mais,
normalement, les députés ont droit à un bon salaire, et
l'argument du ministre de l'Industrie et du commerce est exact. Dans le domaine
privé, on fixe un montant à une fonction. On dit: Cette somme,
c'est pour une fonction qui exige telle ou telle compétence, telle ou
telle présence et telle ou telle fonction ainsi que des
responsabilités.
A ce moment-là, on engage quelqu'un. Cette personne, si elle
n'est pas bonne, on ne la diminue pas de salaire, on la congédie. Et si
elle est la meilleure et qu'il n'y a pas de promotion possible parce que le
poste se termine là, elle est sous-payée. Je pense qu'on ne peut
pas juger de la valeur de la tâche du député en comparant
le meilleur avec le pire. Je pense qu'il y a un salaire qui devrait être
donné à un député, basé sur les
responsabilités qu'il a à remplir. Et l'électorat, qui est
le juge en la matière, devrait, si son député ne remplit
pas son mandat, le foutre dehors, comme dans l'entreprise privée s'il ne
fonctionne pas quand c'est le temps.
Je pense que le salaire des députés est une chose qui doit
être pensée et, à un moment donné, ne plus
être décidé par nous-mêmes, comme ie le disais au
début.
Si nous avons été élus, M. le Président,
notre parti, c'est parce que nous avons une philosophie bien
particulière et que nous devons suivre. Notre parti, contrairement
à ce que pense le ministre de l'Industrie et du Commerce, est un parti
qui défend la social-démocratie, et je vais la définir
maintenant. La vraie social-démocratie, M. le Président, c'est le
préjugé que pourrait avoir un élu en face de la partie de
la population qui est la plus démunie; premièrement,
préjugé complet, total, régulier, permanent de voir
à prendre la défense de ceux qui sont les plus
démunis.
M. SAINT-PIERRE: Comment se fait-il que vous ramassez juste la
bourgeoisie?
M. BEDARD: Vous êtes un parti bourgeois!
M. LEGER: Deuxièmement, M. le Président, de voir à
ce qu'il y ait le moins d'écart possible entre ceux qui sont les mieux
payés et ceux qui sont les plus démunis. Cela, c'est dans notre
préoccupation première, non seulement dans les paroles, mais dans
les actes.
M. le Président, je dis que le projet de loi je ne veux
pas l'apprécier dans le contenu au point de vue pécuniaire
aurait de l'allure, mais il n'est pas présenté au bon moment. Ce
n'est pas faire preuve de social-démocratie, d'un préjugé
envers les classes les plus démunies en disant: Eh bien, nous autres,
nous avons été élus pour servir et, à ce
moment-là, on se sert au lieu de servir les autres.
M. le Président, quand on voit des gens qui sont
installés, qui arrivent rapidement autour d'une table pour manger un
gâteau, il y a un proverbe qui dit: Les premiers seront les derniers. Les
premiers qui se servent sont les derniers à être
considérés. M. le Président, si devant les
problèmes qu'il y a dans la société
québécoise, nous sommes les premiers à nous servir,
comment voulez-vous que les citoyens, qui ont, tous les jours, des
responsabilités difficiles à remplir et qui ont des revenus
insuffisants pour remplir leurs responsabilités, comprennent que les
députés vont s'occuper d'eux, si ce sont eux, d'abord, qui se
servent? Si les députés se servent en premier, les citoyens
n'auront pas confiance en eux.
C'est la raison pour laquelle, même si nous croyons que le projet
de loi a des choses qui sont bonnes, nous calculons qu'il faut d'abord penser
à d'autres qui ont des problèmes et que, si on a
été élu, c'est pour s'occuper d'eux. C'est cela, la
social-démocratie, M. le Président. C'est ne pas penser à
son revenu particulier, mais penser à son revenu comparativement
à l'ensemble de la population. C'est continuellement avoir une
préoccupation de la collectivité, c'est être
continuellement sensibilisé à la résonance sociale des
revenus des gens qui nous entourent. Il ne s'agit pas de dire d'abord combien
je veux, mais il s'agit de dire: Est-ce que les autres en ont assez et, dans
cela, est-ce que je peux me servir après avoir servi les autres?
M. le Président, quand on est élu pour défendre les
autres, on est 110 députés qui n'ont pas à négocier
leurs revenus. Quand on parle d'ouvrir, comme le disait le député
de Johnson, la convention collective, c'est facile, M. le Président. On
n'a pas à le négocier, on a à le décider. Alors,
c'est une grande différence avec le reste des négociations
collectives.
M. le Président, si on n'a pas à négocier, il faut
penser que les autres, dans la population, eux, ont ce problème,
particulièrement ceux qui sont limités par le salaire que leur
donne leur patron, spécialement ceux qui reçoivent le salaire
minimum qui devrait être augmenté. Ceux-là, M. le
Président, on devrait y penser. Je pense que cela aurait
été une mesure beaucoup plus populaire de dire: Voici, on va
augmenter le salaire minimum. On va voir à ce que les ententes
salariales établies dans le cadre des conventions collectives soient
rouvertes pour permettre une indexation. On va voir à ce que les
décrets couvrant les conditions salariales d'un grand nombre de
Québécois non syndiqués soient rouverts et
repensés. On verra à ce que les revenus, après
impôt, de l'ensemble des contribuables soient repensés dans le
cadre de l'indexation de l'impôt et que les revenus des différents
groupes de la société soient repensés et, en même
temps, en faisant cela, les députés ont droit à leur
salaire.
Motion de report à six mois
M. LEGER: M. le Président, c'est la raison pour laquelle je
voudrais présenter l'amendement suivant, qui se lirait comme suit: "Que
la motion en discussion soit amendée, en retranchant le mot "maintenant"
pour le remplacer par les mots "dans six mois".
La raison de cet amendement, M. le Président, c'est que,
même si on a convenu qu'il faut indexer le salaire des
députés, qu'il faut améliorer sa situation.
Il faut le faire en pensant au plan d'ensemble, puisque c'est notre
préoccupation continuelle, dans une réelle
social-démocratie, de penser aussi aux autres. Je ne dis pas qu'il faut
s'oublier, mais il ne faut pas penser à nous d'abord. C'est cela
l'amendement. Il dit six mois pour permettre peut-être au gouvernement de
hausser le salaire minimum, permettre de rouvrir les conventions collectives de
ceux qui sont bloqués et à qui l'indexation n'est pas permise et
permettre en même temps aussi, et c'est important, pour revaloriser le
rôle du député en Chambre, aux députés, qui
m'ont dit oui en choeur tantôt, d'aller dire à leurs
électeurs, dans leur comté: Voici, on présente un projet
de loi qui nous donne ces avantages-là, jugez-vous que moi, dans mon
comté, je les vaux, et si je les vaux, dites-le moi... Puis revenez dans
six mois le dire à l'Assemblée nationale, la population l'aura
réellement voté avec vous.
DES VOIX: Vote.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): L'honorable député de
Saguenay sur la motion d'amendement.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, je n'ai pas besoin de vous cacher
que ce n'est pas de gaieté de coeur que nous engageons ce
débat.
Attendez...
M. CLOUTIER: Des applaudissements.
M. LESSARD: Attendez, vous ne m'applaudirez pas tantôt. M. le
Président ...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, j'appuierai la motion qui nous est
présentée par le député de Lafontaine,
malgré le fait que j'aie dit tout à l'heure que ce n'est pas de
gaieté de coeur que nous engageons cette lutte et que nous engageons ce
débat.
En effet, je n'ai jamais vu, tant à l'intérieur de cette
Chambre qu'à l'extérieur de l'Assem- blée nationale, des
gens qui aient refusé des augmentations de salaire. Je n'ai jamais vu,
tant au niveau du syndicalisme qu'au niveau de l'Assemblée nationale,
des gens qui aient négocié pour conserver le même salaire.
Il est certain...
M. LEVESQUE: La motion.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: Oui, oui, on va revenir, c'est ce que je voulais. Il est
certain que le fait de retarder j'allais le dire ce projet de loi
à six mois sans discuter du fond, des chiffres, ne nous plaît pas
plus à nous qu'à vous.
Mais cependant, il me semble qu'il y a une chose qui est très
importante. Avant de discuter ou avant de décider de l'augmentation de
nos salaires à nous, nous qui avons la responsabilité de la
surveillance des fonds publics, il me semble qu'on doit être très
prudents. Malgré le fait que et je le dirai lors de mon discours
de deuxième lecture je reconnaisse comme fondé un certain
nombre d'arguments qui ont été énoncés tant par le
député de Johnson, par le député de Beauce-Sud que
le ministre de l'Industrie et du Commerce, malgré le fait que je
reconnaisse que ces arguments sont fondés, je continue à dire que
nous, de l'Assemblée nationale, nous devrions accepter la proposition
qui nous est présentée par le député de
Lafontaine.
Pourquoi? On se rappelle que l'an dernier, à peu près
à la même date, le Parti québécois s'engageait dans
une bataille où nous sommes allés, encore là, jusqu'au
bout et nous allons encore aller, dans cette bataille, jusqu'au bout de nos
forces. Nous allons utiliser tous les moyens parlementaires qui nous sont
permis en vertu des règlements pour protester contre cette augmentation
de salaire. Mais, M. le Président, si nous le faisons, c'est exactement
pour les mêmes raisons que nous avons fait, l'an dernier, jusqu'à
épuisement, une lutte contre l'augmentation des salaires des juges. S'il
avait fallu que les députés du Parti québécois ne
se battent pas, quand il s'agit de nous augmenter de salaire, avec la
même énergie que nous avons démontrée lorsqu'il
s'est agi d'augmenter le salaire des juges, là vous auriez pu dire que
nous étions seulement des hypocrites.
UNE VOIX: C'est vrai.
M. LESSARD: Mais par la lutte que nous engageons ce soir et en appuyant
la motion du député de Lafontaine de renvoi à six mois,
nous allons démontrer que la préoccupation que nous avions lors
de la discussion sur le salaire des juges en décembre 197 3 continue
d'exister encore en 1974. Et c'est pourquoi j'appuie la motion du
député de Lafontaine. Je l'appuie d'abord à cause de la
période qu'on a choisie
pour augmenter le salaire des députés. A chaque fois qu'on
a à passer un sapin aux Québécois, on utilise toujours la
période du mois de décembre ou la période du mois de
juillet, comme vous l'avez utilisée lorsque vous avez passé
par-dessus la tête des Québécois en adoptant le bill 22. On
adopte toujours, M. le Président...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. LESSARD: On adopte toujours des projets de loi au moment où
l'opinion publique n'est pas éveillée, au moment où
l'opinion publique est occupée ailleurs. Or, nous disons que cela c'est
de l'hypocrisie parce que, vous autres, vous n'avez pas le courage de
présenter un projet de loi comme celui-là dans une période
propice à une discussion sereine et normale. Dans une période, M.
le Président, où on pourrait fonctionner selon les
règlements normaux de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, M.
le Président...
UNE VOIX: Un filibuster.
M. LESSARD: Oui, vous allez en avoir un filibuster. Je vous le garantis
que vous allez en avoir un, M. le Président.
M. BEDARD: II ne durera pas longtemps son filibuster.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! Est-ce que je pourrais
vous demander de finir dans le calme et la sérénité? Il
reste à peine 25 minutes.
M. LESSARD: Je le voudrais d'ailleurs, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): S'il vous plaît! L'honorable
député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, une des premières raisons
pour lesquelles j'appuie la motion du député de Lafontaine, c'est
donc d'abord parce que la période n'est pas propice à la
discussion et qu'au cours des prochains mois il serait probablement possible,
lorsque nous nous réunirons à nouveau, d'étudier ce projet
de loi à tête un peu plus reposée, de façon un peu
plus sereine, en ayant peut-être de façon plus particulière
conscience de nos responsabilités comme serviteurs du public, comme
députés de l'Assemblée nationale. Il me paraîtrait
normal, M. le Président, que nous ne nous servions pas dans les deniers
publics au moment où l'opinion publique est actuellement occupée
ailleurs. Parce que, M. le Président, et je l'expliquerai de
façon plus particulière lorsque je discuterai du fond de la
motion qui nous est présentée par ce gouvernement, parce que nous
ne sommes pas, de façon absolue, contre l'augmentation des salaires des
députés, nous ne le sommes pas du tout, et je ne m'en cacherai
pas, lorsque j'aurai...
M. CARPENTIER: Pourquoi parler contre, vous êtes un hypocrite
!
M. LESSARD: On va vous le dire pourquoi nous sommes contre actuellement
attendez un peu je vais vous le dire. Et je ne m'en cacherai pas, M. le
Président, lorsque j'aurai à discuter du fond de la question.
S'il y a un député en cette Chambre, comme il y en a probablement
d'autres, qui a conscience, dans un comté rural de plus de 150 milles de
longueur, qui a conscience de presque la nécessité actuellement,
de payer des salaires aux députés, de façon un peu plus
normale, c'est bien le député de Saguenay, M. le
Président, mais...
M. MARCHAND: Le député de Sauvé ne dit pas
ça.
M. LESSARD: ... s'il y a aussi un député, M. le
Président...
M. MARCHAND: Le député de Sauvé ne dit pas
ça.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre s'il vous
plaît!
M. LESSARD: ... qui a conscience qu'il y a des problèmes qui
existent dans le Québec, s'il y a un député qui,
justement, avant de se servir lui-même, a décidé de
regarder un peu ce qui se passe autour de lui, comme d'autres
députés peut-être ici en cette Chambre, c'est bien aussi le
député de Saguenay, puis on va essayer de regarder les
problèmes. C'est pourquoi nous avons fixé des conditions à
cette augmentation des salaires. Et j'en parlerai tout à l'heure, M. le
Président, ce des conditions.
Motion d'ajournement
M. LESSARD: Comme il est minuit moins vingt, et comme la séance
de ce soir n'est pas sereine, n'est pas propice à une dicsussion normale
de ce débat, je proposerais, en vertu de l'article 77 de notre
règlement, une motion d'ajournement du débat, afin que chacun des
députés de cette Chambre puisse, au cours de cette nuit, penser
à la décision qu'il devra prendre d'ici quelques jours.
Or, il me paraîtrait très normal, à minuit moins
vingt, alors que nous sommes à discuter depuis dix heures ce matin de
certains projets de loi, il me paraîtrait normal que nous acceptions cet
ajournement du débat, afin de revenir...
DES VOIX: Non.
M. LESSARD: ... probablement demain, avec de meilleurs sentiments pour
les meilleurs intérêts de la population
québécoise.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que cette motion... A
l'ordre! Est-ce que cette... A l'ordre ! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. MARCHAND: J'invoque le règlement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Une question de règlement,
le député de Laurier.
M. MARCHAND: Je me demande, M. le Président, si vous acceptez que
je demande au député de Saguenay s'il est d'accord avec son chef
lorsqu'il parle...
M. LESSARD: Oui je suis d'accord avec mon chef. Oui je suis d'accord
avec mon chef et je vous le démontrerai que je suis d'accord avec mon
chef. Et je suis d'accord avec le conseil national.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre,
s'il vous plaît! A l'ordre! Est-ce que cette motion d'ajournement du
débat du député de Saguenay est adoptée?
Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, sur la motion d'ajournement
présentée par le député de Saguenay, je pense qu'il
y a une contrepartie que cette Assemblée est obligée de s'imposer
à elle-même devant les tactiques de l'exécutif à son
endroit. Quand l'exécutif...
M. MARCHAND: Quel exécutif?
M. CHARRON: ... M. le Président, je vais passer à
l'étape des dessins pour ceux à qui c'est nécessaire.
Quand l'exécutif du Québec, c'est-à-dire le conseil des
ministres...
M. MARCHAND: Faites-en!
M. CARPENTIER: Une minute, quel exécutif? Une minute,
explication!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!
M. CHARRON: ... quand l'exécutif, le conseil des ministres du
Québec, choisit, de façon systématique, comme c'est son
habitude depuis cinq ans, d'accumuler la législation importante,
contentieuse, discutable et devant être discutée, à cause
de l'importance du sujet, de toujours concentrer cette législation dans
les dernières semaines des sessions, alors il faut...
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, une question de
règlement.
M. le Président, je rappelle au député de
Saint-Jacques que la pertinence du débat nous invite à des propos
autres que ceux qu'il nous tient. Justement, ce soir, on nous a dit que le
député devait travailler davantage. Il nous reste encore 20
minutes et je ne vois pas pourquoi on doit perdre du temps à discuter
sur des propos qu'il nous tient et qui n'ont rien à voir avec l'article
77 qui touche les motions d'ajournement du débat.
M. CHARRON: C'est faux.
M. SAINT-PIERRE: A moins, évidemment, que le député
de Saint-Jacques ne veuille faire la preuve qu'il y a certains
députés dans cette Chambre qui tentent de nous faire perdre du
temps.
M. CHARRON: M. le Président, l'intervention traditionnelle du
ministre de l'Industrie et du Commerce ne réussira pas à enlever
de mon esprit ce que j'étais en train de vous dire.
Puisque l'Exécutif du Québec a pris l'habitude que je vous
décrivais, il faut que cette Assemblée se protège devant
le "bulldozage" auquel nous sommes littéralement soumis à chaque
fin de session.
Si vous regardez le feuilleton, après avoir été,
pendant des semaines,, littéralement aux prises avec des projets d'ordre
mineur où il fallait nous fracasser le crâne pour y trouver
quelque importance que ce soit, du type de ceux que le ministre de l'Industrie
et du Commerce a présentés à cette Assemblée au
cours de la session, voilà que cette Assemblée est
obligée, au rythme de dix heures du matin à minuit, à
quelques jours de Noël, par calcul stratégique de
l'Exécutif, de siéger et de discuter dans des conditions
anormales.
Ce que propose le député de Saguenay, c'est que ce soir,
faisant justement écho à tous ce que les députés
participant au débat en cours ont dit, soit l'importance du
débat, nous prenions nos distances des manoeuvres du conseil des
ministres et que cette Assemblée, parce qu'elle a le pouvoir de le
contrôler au moins théoriquement, le fasse, cette fois, de
façon pratique en adoptant la motion d'ajournement
présentée par le député de Saguenay comme une
contrepartie au véritable "bulldozage" auquel nous sommes soumis
aujourd'hui.
Parce que demain il y a aussi un demain constituera la
sixième journée consécutive de cette semaine de travail
des parlementaires et parce que nous aurons ici...
UNE VOIX: Pour une fois que tu travailles comme nous.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): A l'ordre!
M. CHARRON: ... je n'ai pas besoin d'être un grand prophète
nombre de discours, nombre d'interventions irrégulières
comme celles
auxquelles se prêtent les députés qui m'entendent en
ce moment, nombre d'interruptions, nombre de périodes de tension je
crois que la période, aujourd'hui, aura été suffisante
à ce genre de manoeuvre et qu'il faut, à notre tour, appuyer la
position du député de Saguenay et ajourner immédiatement
ce débat. Demain, nous le reprendrons là où chacun des
partis a pu poser ses premières cartes et ses premiers jalons, pour
qu'il ait la qualité que tout le monde a dit, d'un souffle unanime de
l'Assemblée, vouloir donner à ce débat. Je trouve donc
qu'il serait de mise, à ce moment-ci, que le gouvernement consente
à ajourner le débat pour que, demain, nous reprenions la
discussion au meilleur endroit où nous croyons devoir l'abandonner ce
soir.
C'est donc parce que je considère cette motion comme utile
à cette heure-ci des travaux, que je considère que
l'Assemblée devrait se prononcer en faveur de cette motion.
M. MARCHAND: M. le Président, sur la motion d'ajournement.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. MARCHAND: Sur la motion d'ajournement...
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre! Je ne peux quand même pas
reconnaître plus d'un député. Il y a seulement un
député qui a droit de parole au nom du parti ministériel
et j'aimerais qu'on me le désigne.
Le député de Saint-Jean, au nom du parti
ministériel.
M. VEILLEUX: M. le Président, quand le député de
Saguenay fait une proposition, une motion d'ajournement du débat pour
prier instamment... Pourriez-vous demander, M. le Président, s'il y a un
caucus...
UNE VOIX: Silence.
M. VEILLEUX: ... fait une motion d'ajournement du débat
suppliant, priant les membres du Parti libéral d'aller se coucher,
d'aller se reposer pour changer d'idée, c'est bien beau faire des
motions d'ajournement du débat pour prier les membres du Parti
libéral d'aller changer d'idée, cette nuit, se reposer pour
changer d'idée, mais lorsqu'on envoie quelqu'un se reposer, il est
susceptible de changer d'idée, lui aussi. Or, je sais d'avance que le
député de Saguenay, le député de Chicoutimi, les
députés de Lafontaine, de Saint-Jacques, de Maisonneuve et de
Sauvé, même avec cinq jours de repos, ne pourraient pas changer
d'idée, parce qu'ils se retrouvent ici en Chambre les deux mains
liées par une décision de leur conseil national. Agir de cette
façon, avec une telle motion, c'est rire des représentants du
peuple. Et moi, en tant que député de Saint-Jean,
démocratiquement élu, présent en Chambre aussi souvent que
le député de Lafontaine, je dois m'élever contre une telle
procédure, parce que pour faire plaisir au député de
Saguenay, il faudrait absolument que les députés du Parti
libéral changent d'idée, alors qu'il se garde bien, lui, M. le
Président, le privilège de dire: Moi, je peux aller me reposer et
ne pas changer d'idée parce que je suis poigné avec mon conseil
national, conseil national formé d'individus qui ont raté leur
élection en 1973, formé de frustrés, M. le
Président.
Qu'est-ce qu'on fait élire au conseil national du Parti
québécois? Qu'est-ce qu'on fait élire à
l'exécutif du Parti québécois? Des gars comme
Jérôme Proulx, qui essaie de se faire élire deux fois, en
1970, en 1973, pas pour travailler pour les électeurs de Saint-Jean,
mais uniquement pour toucher une pension au bout de sept ou huit ans.
Je ne peux pas accepter que des élus du peuple, même du
parti séparatiste, je ne peux pas, en tant que membre de
l'Assemblée nationale, accepter que des individus tels que ceux qui
forment le Conseil national lient à tout jamais des
députés en cette Chambre.
Mercredi passé, nous avons eu, au Parti libéral du
Québec, un conseil de direction. J'ai posé la question:
Allez-vous, un jour ou l'autre, lier les députés du Parti
libéral, les menacer pour qu'ils votent de telle façon
plutôt que de l'autre? Ils m'ont dit: N'ayez aucune inquiétude.
Vous êtes élus par une population. Vous devez travailler pour
cette population, au nom de cette population et jamais on ne vous liera. Parce
que le jour où le Parti libéral du Québec liera les 100
députés libéraux de cette Chambre, il en sera fait de la
démocratie au Québec.
Imaginez-vous un gouvernement séparatiste, qu'est-ce qu'il
adviendrait de la démocratie au Québec? Nous sommes élus
par des gens qui votent pour tel individu, pour tel parti. Mais moi, quand
l'élection est terminée, je suis élu pour travailler pour
l'ensemble de la population de mon comté. Jamais je n'accepterai de ne
recevoir dans mon bureau de député que des gens qui ont pu ou qui
auraient pu voter pour moi. La porte est ouverte à tout le monde et
jamais je n'accepterai, comme ces six individus, de me faire lier par une
décision de mon conseil de direction. Nous, dans le Parti
libéral, nous sommes beaucoup trop démocratiques pour ça.
Et le conseil de direction du Parti libéral l'a dit mercredi
passé. Jamais, au grand jamais, on ne se permettra de rire de la
démocratie comme le conseil national du Parti québécois
s'est permis de le faire il y a une semaine.
Il vient nous dire, cet individu qui devrait représenter tous les
électeurs de son comté, le député de Lafontaine a
dit tout à l'heure: Moi, j'ai été élu pour
défendre une idéologie, celle de mon parti. Moi et les 99 autres
députés libéraux, on a été élus
d'abord et avant tout pour défendre les intérêts de
l'ensemble de nos électeurs de nos comtés, qu'ils soient
séparatistes, créditistes, présidentiels, unionistes,
parce
qu'il en reste quelques-uns, ou libéraux. On est élus pour
l'ensemble des électeurs, pas pour représenter uniquement une
idéologie de parti. Ce gars-là de Lafontaine va se permettre de
venir donner des leçons de présence aux députés du
Parti libéral? Quel culot! Parce que lorsque les
députés...
M. LESSARD: La pertinence...
M. VEILLEUX: ... du Parti libéral s'absentent...
M. LEVESQUE: Ajournement de la Chambre.
M. VEILLEUX: Quand cela fait mal, M. le Président, on recourt
à la pertinence.
M. LEVESQUE: Ajournement du débat, toujours pertinent.
M. VEILLEUX: Moi, M. le Président, cela fait depuis dix heures ce
matin que je me bouche les deux oreilles pour ne pas entendre les
"éculubrations"...
M. BURNS: Eculubrations!
M. VEILLEUX: ... les élucubrations de l'accusé, non,
excusez, du député de Sauvé ou de tous les autres, M. le
Président. Qu'on me permette de dire la vérité, qu'on me
permette de dire quel genre de démocratie existe dans ce parti.
Ce ne sont pas des gens, M. le Président, qui n'ont pas
réussi à se faire élire en 1973 qui vont venir conduire
les débats des membres, notamment du gouvernement, du Parti
libéral. Qu'ils viennent, M. le Président, ces gens; qu'ils nous
fassent des suggestions comme les militants du Parti libéral en font
à leur congrès annuel, lors de congrès régionaux ou
lors de la réunion de l'Association libérale. Mais jamais, M. le
Président, le Parti libéral, pour autant qu'il est
concerné, ne se permettra de venir donner un diktat aux
députés du Parti libéral comme ces six individus ont
accepté d'en recevoir un de René Levesque, continuellement absent
de la Chambre, comme on l'a mentionné tout à l'heure, à
l'époque où il siégeait ici. Jamais, M. le
Président.
Je termine en disant tout simplement ceci sur la raison invoquée
par le député de Saguenay qui nous a dit: Retournez
réfléchir, retournez, et peut-être que vous allez changer
d'idée. M. le Président, j'aurais été prêt
à retourner, moi, à minuit moins vingt, réfléchir
au problème si les 110 députés avaient été
libres de réfléchir au problème, avaient été
libres de changer d'idée cette nuit. Comme ce n'était pas le cas
des six séparatistes, M. le Président, de telles motions sont
très malvenues ici, en Chambre, ce soir, surtout de la part de ces six
personnes.
M. LEVESQUE: Est-ce que nous pourrions considérer le débat
comme ajourné et, en même temps, je proposerais... Mais attendons
cette motion.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Est-ce que cette motion
d'ajournement du débat est adoptée?
M. BURNS: Adopté, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain, dix heures.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Gratton): La Chambre ajourne ses travaux
à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 22 h 55)
ANNEXE
Question de M. Bellemare (Johnson) 1. Depuis le 12 mai 1970,
combien de contrats ont été accordés à Renova
Entreprises, 3340 de la Pérade, Sainte-Foy? 2. Combien de contrats
ont-ils été accordés: a) après soumissions
publiques; b) après soumissions négociées; c) après
soumissions en circuit fermé? 3. Pour chaque contrat: a) quel est le
ministère impliqué; b) quel en est le montant; c) à quelle
date a-t-il été signé; d) quel est le pourcentage
payé pour l'administration, le profit et la coordination des travaux
exécutés par les sous-traitants; e) quel est le total des
paiements effectués ou à effectuer?
4. A quelle date cette compagnie a-t-elle été
incorporée et quels étaient alors ses administrateurs? 5. Quels
sont les noms, prénoms et adresses de ses administrateurs actuels?
Réponse de M. Mailloux 1. Trois 2. a) aucun b) trois c)
aucun 3. a) Travaux publics et Approvisionnement 1. Modification des puisards
au garage de la Voirie Laurier Station. 2. Rénovation de l'ancien
poste de la Sûreté du Québec ministère des
Transports Pont de Québec 3. Construction d'un garage au Centre
de voirie Lac Etchemin b) 1. $996. 2. $2,275. 3. $4,500. c) 1. 7 avril
1972 2. 24 janvier 1972 3. 27 avril 1972 d) Le pourcentage de l'administration
et de profit inclus dans les montants forfaitaires négociés. e)
Paiements effectués 1. $996. 2. $2,275 3. $4,500. $7,771. TOTAL 4. Il
s'agit d'une firme enregistrée et par conséquent, il n'y a pas eu
d'incorporation. N'étant pas incorporée, il n'y a pas
d'administrateurs. 5. NIL
Question de M. Léger 1. Les propriétaires de Place
Duchesne, à Saint-Eustache (Deux-Montagnes) ont-ils obtenu le certificat
d'autorisation exigé par les articles 22 et 23 de la Loi de la
qualité de l'environnement pour effectuer du remplissage dans la
rivière Duchesne? 2. Les carrières de M. Maurice Arbic, à
Oka (Deux-Montagnes) ont-elles obtenu un certificat d'autorisation tel
qu'exigé par la Loi de la qualité de l'environnement (article
23)?
Réponse de M. Goldbloom 1. Après avoir
consulté les dossiers du ministère des Affaires municipales, ceux
du génie sanitaire, le dossier général de la ville de
Saint-Eustache et ceux du bureau de Montréal, il n'a été
trouvé aucun document traitant du sujet en question, par le fait
même, aucun certificat d'autorisation et aucune demande ou plainte. 2.
Les carrières de M. Maurice Arbic ayant commencé à
opérer avant 1973, un certificat d'autorisation suivant la Loi de la
qualité de l'environnement n'est pas requis.
Question de M. Léger Quel est le salaire du
président de la Société des alcools du Québec?
Réponse de M. Gameau Le salaire du
Président de la Société des alcools du Québec est
de $38,500. à compter du 1er janvier 1974.