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(Dix heures douze minutes)
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commission élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, s'il vous plaît.
Article d).
Projet de loi no 81 Première lecture
LE PRESIDENT: Le leader parlementaire du gouvernement propose la
première lecture de la Loi concernant le financement des partis
politiques et modifiant la Loi électorale.
M. LEVESQUE: M. le Président, en vertu de ce projet de loi,
chaque parti politique a le droit de recevoir, au prorata des votes qui lui ont
été attribuées lors des dernières élections
générales, une partie d'un montant de $400,000.
Toutefois, un parti ne pourra recevoir une contribution moindre que
$50,000, même si, pour ce faire, le montant de $400,000 doit être
dépassé. Cette assistance financière est accordée
aux partis politiques pour leur permettre de couvrir les frais de leur
administration courante, d'assurer la diffusion de leur programme politique et
de coordonner l'action politique de leurs membres.
Tout montant attribué est versé par le président
général des élections, à la suite de la
présentation par l'agent officiel du parti d'un rapport avec
pièces justificatives de dépenses permises, encourues et
acquittées, et couvrant les frais de son administration courante,
assurant la diffusion de son programme politique et coordonnant l'action
politique de ses membres. Un détail succinct des montants ainsi
payés est publié dans la Gazette officielle du Québec.
Toutefois, les pièces justificatives qu'un parti produit à
l'appui de son rapport ne sont pas des documents publics, et seul le
président général des élections et son agent
vérificateur y ont accès. Elles doivent être
retournées à l'agent officiel du parti, en même temps que
lui est adressé un chèque.
Le projet de loi modifie également un certain nombre de
dispositions de la Loi électorale.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: Article e).
Projet de loi no 86 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives propose la première lecture de la Loi
modifiant la loi des renseignements sur les compagnies.
L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
M. TETLEY: M. le Président, le projet de loi no 86, Loi modifiant
la loi des renseignements sur les compagnies, a les buts suivants: les
compagnies dissoutes faute d'avoir produit leur rapport annuel auront
désormais deux ans pour faire révoquer la décision si leur
activité principale est reliée à la possession d'un permis
ou autre autorisation gouvernementale. Une telle compagnie dissoute depuis le 7
juillet 1971, date de l'entrée en vigueur du chapitre 76 des Lois de
1971, peut obtenir cette révocation en agissant avant le 1er juillet
1975. Les permis ou autorisations de cette compagnie seront alors
réputés être demeurés en vigueur, sauf
caducité pour d'autres causes.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Vote enregistré, M. le Président.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote de première lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de
première lecture de la Loi modifiant la loi des renseignements sur les
compagnies veuillent bien se lever, s'il vous plait.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Levesque, Mailloux, Saint-Pierre,
Choquette, Garneau, Cloutier, Phaneuf, Lalonde, Lachapelle, Goldbloom,
Quenneville, Hardy, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue, Forget, Toupin,
Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux, Houde (Fabre),
Giasson, Perreault, Brown, Bacon, Bédard (Montmorency), Veilleux,
Brisson, Séguin, Houde (Limoilou), La-
france, Pilote, Lamontagne, Picard, Gratton, Gallienne, Dionne, Faucher,
Saint-Germain, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Pepin, Bérard,
Bonnier, Boudreault, Boutin, Chagnon, Marchand, Leduc, Caron, Harvey (Dubuc),
Lecours, Malépart, Massicotte, Pagé, Picotte, Tardif,
Vallières, Verreault, Morin, Burns, Léger, Charron, Lessard,
Bédard (Chitoutimi), Samson, Bellemare (Johnson).
LE SECRETAIRE: Tour: 70 Centre: 0
LE PRESIDENT: Cette motion est adoptée.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. LEVESQUE: M. le Président, si on me permet de faire des
dépôts de projets de loi qui sont en appendice, nous sommes
prêts.
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: Le premier, le deuxième et le quatrième.
Projet de loi no 91 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
première lecture de la Loi modifiant de nouveau la loi des cités
et villes et le code municipal.
L'honorable ministre des Affaires municipales.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce projet autorise une
municipalité à adopter un règlement interdisant pour au
plus douze mois la démolition d'un immeuble pouvant constituer un bien
culturel au sens de la Loi sur les biens culturels.
Une fois ce règlement adopté, la municipalité doit
s'adresser au ministère des Affaires culturelles aux fins de faire
reconnaitre ou classer l'immeuble comme bien culturel. Si la requête de
la municipalité n'est pas agréée dans les douze mois, le
règlement de la municipalité cesse d'avoir effet.
LE PRESIDENT: Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lec- ture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Projet de loi no 96 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
première lecture de la Loi concernant la protection de
l'environnement.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, ce projet déclare que les
règlements adoptés par l'arrêté en conseil 479 du 12
février 1944, c'est-à-dire les règlements de l'ancienne
Loi sur l'hygiène publique, constituent depuis le 21 décembre
1972 des règlements adoptés en vertu de la Loi de la
qualité de l'environnement.
Le projet prévoit également que ces règlements sont
réputés être des règlements dont l'application
relève des municipalités.
L'article 5 du projet supprime l'exigence de procéder par
réglementation pour l'application de l'article 35 de la Loi de la
qualité de l'environnement.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Projet de loi no 78 Première lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose la
première lecture de la Loi concernant la protection des enfants soumis
à des mauvais traitements.
M. CHOQUETTE: M. le Président, ce projet porte création
d'un comité pour la protection de la jeunesse. Ce comité a pour
fonction de favoriser la protection des enfants soumis à des mauvais
traitements physiques par suite d'excès ou de négligences, de
prévenir ces excès et ces négligences et de
préserver, dans la mesure du possible, la vie de l'enfant dans son
milieu familial.
Le comité est formé d'un président, d'un
vice-président et d'au plus dix membres de
professions ou occupations diverses et intéressées
à la protection de l'enfance. Le comité est assisté d'un
nombre suffisant de personnes qui seront chargées de recueillir les
informations nécessaires ou utiles au comité.
Le projet crée une obligation à toute personne, même
liée par le secret professionnel, d'informer sans délai le
comité lorsqu'elle a des motifs raisonnables de croire qu'un enfant est
soumis à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou
de négligence. Tout manquement à cette obligation constitue une
infraction.
Le comité ne peut être contraint de dévoiler
l'identité de cette personne et celle-ci ne peut être poursuivie
en justice parce que, de bonne foi, elle a fourni une information au
comité.
Lorsque le comité est informé qu'un enfant est soumis
à des mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de
négligence, il fait conduire une enquête et il examine ensuite la
situation. S'il est d'avis que le cas n'est pas sérieux, il ferme le
dossier. S'il estime que des mesures devraient être prises pour
remédier à la situation, il formule des recommandations en ce
sens et les fait transmettre aux personnes en cause. Il peut exiger
d'être informé de l'évolution de la situation. S'il estime,
par contre, que la situation nécessite l'intervention de la cour du
Bien-Etre social, il défère l'affaire à celle-ci.
Lorsque la cour est saisie d'une situation d'enfant soumis à des
mauvais traitements physiques par suite d'excès ou de négligence,
elle peut confier l'enfant à la surveillance d'une personne à
l'emploi du comité et ordonner à cette personne de lui faire
rapport.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce projet de loi.
First reading of this bill.
LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Terres et Forêts.
Terres et Forêts
M. DRUMMOND: M. le Président, j'ai l'hon- neur de déposer
le rapport annuel du ministère des Terres et Forêts pour
1973/74.
Elections générales et
partielles
LE PRESIDENT: A la demande du président général des
élections, j'ai l'honneur de déposer le rapport
détaillé sur les dernières élections
générales, ainsi que sur les élections partielles qui ont
eu lieu pendant la Législature précédente.
Questions orales des députés.
QUESTIONS DES DÉPUTÉS
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
Mouvement étudiant
M. CHARRON: M. le Président, puis-je demander au ministre de
l'Education de faire, à travers la période des questions, la
déclaration ministérielle que nous attendions ce matin?
M. CLOUTIER: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire
une déclaration ministérielle. Si j'avais eu cette intention, je
l'aurais fait au moment que prévoit notre règlement. Si le
député de Saint-Jacques veut me poser une question, j'y
répondrai avec plaisir.
M. CHARRON: Est-ce que le ministre de l'Education veut informer la
Chambre sur les rencontres qu'il a eues dans la journée d'hier avec les
directeurs généraux des CEGEP en grève au
Québec?
M. CLOUTIER: M. le Président, cette réunion, qui a
duré toute une journée, a permis de revoir la situation dans
chacun des CEGEP et elle a permis également d'en arriver à un
accord sur les principes d'une intervention.
Par conséquent, je demande aux conseils d'administration des
collèges, premièrement, de prendre les mesures nécessaires
pour que les collèges soient ouverts le 17 décembre 1974 et
soient en mesure de fonctionner normalement.
Deuxièmement, si le conseil d'administration d'un collège
juge que les activités pédagogiques des étudiants
réguliers ne peuvent reprendre normalement, le conseil d'administration
reportera au 6 janvier 1975 la reprise de ses activités. Entre-temps, le
collège doit rester ouvert et les autres activités doivent s'y
dérouler normalement. Si, de l'avis du conseil d'administration, le
collège ne peut demeurer ouvert et accessible, le conseil
d'administration décidera de le fermer jusqu'au 6 janvier 1975.
Troisièmement, chaque collège soumettra à
l'approbation du ministre de l'Education, au plus tard le 6 janvier 1975, son
plan de récupération et d'aménagement de la session
d'automne 1974. Ces plans devront respecter les règles
financières en vigueur et ne pas
comporter de dépenses supplémentaires à celles qui
auraient été encourues si la session régulière
d'automne s'était déroulée normalement.
Le ministre ne reconnaîtra les études de la session
d'automne 1974 que dans les cas où il aurait approuvé les plans
de récupération et d'aménagement de cette session.
L'approbation du ministre ne tiendra compte que des activités inscrites
au programme.
Je me dois, M. le Président, après avoir annoncé ce
plan, de rappeler les mesures qui ont été prises jusqu'ici dans
le cadre de la révision des prêts-bourses. Je le ferai le plus
brièvement possible.
Les correctifs dont j'ai parlé à plusieurs reprises ont eu
pour effet de permettre à 89 p.c. des étudiants ayant fait une
demande de se qualifier pour un prêt par rapport à 82 p.c.
l'année précédente et permettront à 10 p.c. de plus
d'étudiants par rapport à l'année précédente
de toucher une bourse, laquelle sera versée en un seul versement au
début de l'an prochain. Dans l'ensemble, il y a une hausse du montant
moyen des bourses. Voilà par conséquent le résultat de la
révision entreprise et s'il n'y avait pas eu ce cheminement difficile,
nous aurions d'emblée obtenu ces résultats. Ils sont
désormais acquis.
De plus, nous avons pu apporter les modifications suivantes à la
suite des discussions avec les étudiants: un prêt
complémentaire est possible et a été possible dans la
majorité des cas pour le montant maximum pour tous ceux qui avaient fait
une demande. Une nouvelle période d'aide a été ouverte du
1er décembre au 1er janvier sous forme de demande. Le principe de la
décentralisation a été acquis...
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
règlement invite le ministre à être court dans ses
réponses comme il limite les questions du député qui pose
les questions. Le ministre nous a servi, vous l'avez remarqué comme moi,
ce qui aurait dû être une déclaration ministérielle;
il en est même rendu à exagérer, à nous
répéter la salade qu'il nous a servie depuis le
début...
DES VOIX: Ah! Ah!
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. CHARRON: Cette partie, M. le Président, j'ai vraiment
l'impression que la Chambre peut s'en passer et j'inviterais le ministre
à s'asseoir, je considère la réponse comme
donnée.
LE PRESIDENT: S'il vous plaft! Il n'est pas permis de manifester dans
les galeries. A l'ordre, messieurs! Le règlement prévoit soit des
questions, des réponses ou des déclarations
ministérielles. La question a été posée par
l'honorable député de Saint-Jacques: je comprends qu'il est
difficile de déterminer exactement où commence une réponse
et où elle se termine, où commence une déclaration
ministérielle et où elle se termine. Par contre, il y a d'autres
articles ou d'autres droits que le député peut utiliser en vertu
du règlement, l'article 174, si vous désirez peut-être
faire des commentaires sur la réponse du ministre, et vous pourrez
invoquer cet article.
Cela vous donnera un droit à un minidébat de cinq minutes,
mais à une heure peut-être un peu tardive.
M. CLOUTIER: J'aurais un point de règlement avant de reprendre ma
réponse.
LE PRESIDENT: Oui, une question de règlement.
M. CLOUTIER: Moi aussi.
M. LESSARD: Le problème fondamental qui se pose pour l'Opposition
aussi dans des circonstances comme celles-là, c'est que la
période des questions passe puis, à un moment donné, on
n'est plus capable de poser des questions.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. LESSARD: Tous les vendredis matins c'est la même chose.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Il n'y a pas tellement
longtemps, il y a eu de longues réponses des ministres. Cela arrive
peut-être trop souvent, mais il s'agit par contre, d'une question
très importante, qui a une amplitude énorme actuellement au
Québec. Chaque fois, j'ai toujours accordé dix ou quinze minutes
et je n'ai jamais voulu rogner la période des questions pour cette
raison.
M. CLOUTIER: J'invoque le règlement. M. le Président, je
n'aurais aucune objection à faire une déclaration
ministérielle. Je n'aurais eu aucune objection à la faire.
Cependant le règlement loin de moi d'idée de le critiquer
à ce stade-ci ne me donne que trois minutes et je me sens
totalement incapable de traiter d'une question aussi complexe en trois minutes.
C'est aussi simple que ça. Je considère que les
déclarations ministérielles, dans l'optique de cette refonte du
règlement, ne peuvent être appliquées qu'à des
politiques ministérielles.
Si, par exemple, je fais une déclaration sur le système
métrique, comme j'ai l'intention d'en faire une prochainement, je la
ferai dans le cadre d'une déclaration ministérielle. J'affirme
qu'il m'est impossible de traiter cette question dans ce cadre-là.
LE PRESIDENT: Je vais corriger vos trois minutes, le règlement
dit cinq minutes.
M. CLOUTIER: Je vous remercie et mon raisonnement vaut pour cinq minutes
également.
LE PRESIDENT: D'accord, continuez votre raisonnement.
M. CLOUTIER: J'ajoute donc, M. le Président, parmi ces mesures
que nous avons pu apporter de manière à rencontrer les
aspirations des étudiants, en plus de la décentralisation dont
j'ai parlé, la possibilité de retour aux études à
tous les étudiants qui auraient à cause de leurs problèmes
financiers, renoncé à les poursuivre et ceci sans frais
d'inscription.
M. le Président, le député de Saint-Jacques ne
semble pas intéressé...
LE PRESIDENT: Parlez au président, s'il vous plaît, ne
considérez pas ces interventions, adressez-vous au président.
M. CLOUTIER: Vous voulez que j'ignore le député de
Saint-Jacques? Très volontiers. Après avoir parlé de ces
mesures, M. le Président, j'annonce la création immédiate
d'un comité spécial qui groupera les représentants des
parents. J'ai d'ailleurs reçu en ce sens une demande de la
Fédération des parents, des étudiants de CEGEP, s'ils
souhaitent y participer, des représentants des institutions
d'enseignement, universités et des CEGEP, ainsi que du
ministère.
Ce comité est actuellement créé, les invitations
sont parties pour que l'on nomme des représentants, le comité se
mettra au travail dès la semaine prochaine et il se penchera en
priorité sur deux problèmes, la contribution des parents et la
contribution des étudiants. En ce qui concerne la contribution des
parents, je reviens sur ce que j'ai dit à maintes reprises publiquement
et lors de mes deux rencontres avec les étudiants. Le principe de
supprimer la contribution des parents dans l'optique d'une réforme qui
dissocie les prêts et les bourses est acquis en ce qui concerne les
prêts. Autrement dit, nous pouvons supprimer l'élément
contribution des parents dans le calcul du programme, en ce qui concerne les
prêts et ceci dès l'an prochain.
En ce qui concerne les bourses, le comité pourra étudier
la possibilité de réduire cette contribution progressivement,
mais, comme je l'ai dit à maintes reprises, à cause des
implications financières et des implications sociales qu'il ne faudrait
pas négliger, ceci ne peut être fait instantanément.
M. le Président, un autre élément dont on a
parlé récemment, c'est celui du budget. Je signale que le montant
total de l'aide aux étudiants est passé de $21.4 millions, en
1973/74, à $25.8 millions en 1974/75. Ceci représente une
augmentation importante qui se situe entre 15 p.c. et 20 p.c. Je crois qu'il
est essentiel d'en tenir compte et je souhaite, pour ma part, que, dans
l'optique d'une réforme en profondeur, une telle progression puisse
continuer.
Il ne me reste plus qu'à lancer un appel aux étudiants et
à leur demander de reprendre leurs activités éducatives en
prenant conscience de leurs responsabilités vis-à-vis
d'eux-mêmes, vis-à-vis de leurs collègues et
vis-à-vis de toute la société
québécoise.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Je reviendrai à la première affirmation du
ministre qui a été purement et simplement de la
répétition. Dans le texte qu'il nous a lu, qui semble être
une manière de communiqué émis à la suite de la
rencontre avec les directeurs généraux de CEGEP, la toute
première position fait référence à l'obligation
pour les conseils d'administration des CEGEP, et je crois citer à la
lettre puisque je n'ai pas eu ce texte, de prendre toutes les mesures
nécessaires pour s'assurer que les CEGEP soient ouverts le 17
décembre prochain.
Que veut dire "prendre les mesures nécessaires"?
M. CLOUTIER: M. le Président, dans l'optique de notre
système d'éducation décentralisé, cette
responsabilité revient au niveau local et je souhaite respecter
l'autonomie locale autant qu'il me sera possible de le faire. Je compte donc
sur le sens des responsabilités des conseils d'administration des
CEGEP.
M. CHARRON: M. le Président, je repose la question au ministre.
Vous n'avez pas, comme vous avez dit, demandé aux conseils
d'administration de prendre les mesures nécessaires sans envisager
qu'elles étaient ces mesures nécessaires?
M. CLOUTIER: J'ai répondu clairement. M. CHARRON: Non, vous avez
camouflé...
M. SAMSON: Une question supplémentaire, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Une question supplémentaire.
L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, j'ai remarqué que le ministre
a fait un autre appel pour demander aux étudiants de reprendre les
cours. Le ministre ne considère-t-il pas qu'il serait peut-être
valable à ce moment-ci, tout en faisant cet appel pour la reprise des
activités, d'offrir en même temps, en guise de garantie de bonne
foi du gouvernement aux étudiants, qu'une commission parlementaire
siège, invitant les représentants des étudiants, invitant
également les représentants des administrations des CEGEP ainsi
que les représentants du ministère et tous les
députés intéressés à siéger à
cette commission aux fins d'étudier spécifiquement et
spécialement le problème qui est devant
nous? De cette façon, il me semble que les étudiants
auraient au moins l'impression que, même s'ils reprennent les
activités, quelqu'un s'occupera de leurs problèmes et qu'il y
aura là des représentants de l'Opposition également pour
faire valoir leurs droits. Cela constituerait, à mon point de vue, une
garantie qui pourrait les inciter davantage à reprendre leurs
activités, sachant qu'on va s'occuper de leurs problèmes et que
l'Opposition sera là également.
M. CLOUTIER: J'imagine que le député de Rouyn-Noranda
s'associe à l'appel que je fais aux étudiants et je l'imagine
à cause du ton raisonnable et serein qu'il a adopté. En ce qui
concerne la possibilité de convoquer une commission parlementaire, j'y
ai pensé et j'y ai pensé très sérieusement.
J'aurais souhaité que, à cause de l'ouverture d'esprit que le
ministère a manifestée, les étudiants acceptent de
collaborer à la réforme entreprise depuis déjà un
an.
J'aurais plutôt voulu réserver la commission parlementaire
pour discuter du rapport que j'ai commandé au Conseil supérieur
de l'Education et qui doit me parvenir bientôt. En effet, ce rapport
fondera probablement une refonte éventuelle de la loi 21 qui constitue
les CEGEP. Il m'aurait paru beaucoup plus normal que la commission
parlementaire se penche sur l'ensemble des problèmes que sur un
problème limité, sur un problème parcellaire. Cependant,
si j'arrive à la conviction et je suis ouvert à toutes les
suggestions qu'une commission parlementaire peut faciliter les choses, en
ce qui concerne le point particulier, je n'hésiterai pas à en
faire la proposition au leader parlementaire.
M. SAMSON: Est-ce que, M. le Président, le ministre serait
prêt à considérer de la convoquer immédiatement,
advenant que les représentants des étudiants seraient
disposés à reprendre les activités normales sur la
promesse du ministre d'une telle convocation de la commission parlementaire?
Est-ce que le ministre serait disposé à la convoquer
immédiatement?
M. CLOUTIER: M. le Président, je n'ai pas besoin de pressions
pour tenter de prendre des décisions au meilleur de ma connaissance et
au meilleur de ma compétence. Aucune pression, autrement dit, ne risque
de changer l'analyse que je fais avec mes collaborateurs et mes
collègues du gouvernement de la situation. Par conséquent, si
vraiment une commission parlementaire peut aider à assainir
l'atmosphère, je suis entièrement d'accord pour la convoquer.
Mais il reste que les dispositions du plan que j'ai proposé au conseil
d'administration tiennent et devront s'appliquer pour l'ensemble du territoire
québécois.
LE PRESIDENT: Une question additionnelle de l'honorable
député de Johnson, sur le même sujet.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Prési- dent, à l'occasion de
la réunion, hier, des principaux avec l'honorable ministre de
l'Education, est-ce qu'il serait vrai qu'il y a eu plusieurs dissidences parmi
les principaux, quant au mode de règlement qui vient de nous être
donné par l'honorable ministre?
M. CLOUTIER: Est-ce que j'ai bien compris? Vous avez parlé de
dissidences...
M. BELLEMARE (Johnson): Qu'il y aurait eu des dissidents parmi les
principaux.
M. CLOUTIER: Parmi les principaux? M. BELLEMARE (Johnson): Oui.
M. CLOUTIER: II s'agissait d'une réunion des directeurs
généraux et il ne s'agissait pas de prendre des décisions
conjointement. Les directeurs généraux relèvent de leur
conseil d'administration. Nous avons un système qui est ainsi
conçu et le ministre de l'Education qui prend, en général,
le blâme pour tout ce qui se passe, n'a malheureusement pas toujours les
pouvoirs d'intervention. En fait, le ministre de l'Education a infiniment moins
de pouvoirs vis-à-vis du réseau que le ministre des Affaires
sociales vis-à-vis de son propre réseau.
Ceci dit, mon but n'a jamais été d'associer les directeurs
généraux aux décisions que je proposerais, mais il l'a
été d'évaluer la situation locale et de les sensibiliser.
Par conséquent, il n'y avait pas à avoir de vote sur des
propositions comme cela. J'ai eu l'impression, et je crois traduire un certain
consensus, mais il n'y a pas de doute qu'il doit y avoir quelques directeurs
généraux qui ne sont pas tout à fait d'accord sur le plan
de rentrée et le plan d'ordre qui est proposé. C'est parfaitement
possible, mais ça ne change strictement rien au fait que le plan est bel
et bien devant l'Assemblée nationale et devant l'opinion publique et que
les conseils d'administration devront prendre leurs responsabilités et
je me refuse, à ce stade-ci, à envisager quelles mesures nous
prendrons si les conseils d'administration ne devaient pas le faire.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, c'est simplement une
question supplémentaire et la dernière. Selon l'information que
j'ai eue, il y avait plus qu'une majorité qui était contre les
décisions qu'avait suggérées l'honorable ministre à
ces directeurs généraux. Il ne semblait pas y avoir un consensus,
comme dit l'honorable ministre, aux directives qu'il devait transmettre
à leurs CEGEP.
M. CLOUTIER: Ce n'est pas l'impression que j'ai eue. Je ne sais pas si
le député de Johnson était présent, en tout cas,
moi, j'y étais, et tout le monde a eu l'occasion de s'exprimer. La
réunion a duré plusieurs heures avec moi-même et encore
plusieurs heures avec les directeurs généraux. J'ai eu
l'impression qu'en
ce qui concernait les principes, il y avait très certainement une
compréhension de ces principes et un accord général. Mais
je répète qu'il y a certainement des directeurs
généraux, soit à cause de leur évaluation de la
situation ou à cause de leurs problèmes locaux, il y a une
distinction entre les CEGEP ruraux et les CEGEP urbains, par exemple, de ce
point de vue, qui ne sont pas d'accord.
Mais ce que je répète, c'est qu'ils n'ont pas à
être d'accord ou à ne pas être d'accord, dans l'optique d'un
plan qui est un plan gouvernemental et qui est un plan qui vise à
remettre de l'ordre dans le système. J'ai fait appel à leurs
responsabilités d'administrateurs publics. J'ai fait appel à
l'éthique professionnelle qui doit être la leur et je leur ai
demandé de transmettre ce plan tel quel à leur conseil
d'administration. Il reste à voir si les conseils d'administration
décideront d'agir dans le cadre de ce plan ou non.
Je ne me permets pas de préjuger des décisions que ces
administrateurs publics seraient tentés de prendre.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
Projet Ferchibal
M. BEDARD (Chicoutimi): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Transports, concernant le projet Ferchibal.
Le ministre des Transports peut-il nous faire le point sur le projet de
construction d'un chemin de fer reliant Port-Alfred au lac Albanel et nous dire
plus particulièrement s'il est exact qu'une étude de $750,000 a
été commandée à la firme des consultants du
Canadien Pacifique en vue d'établir le meilleur tracé pour ce
chemin de fer éventuel?
M. MAILLOUX: M. le Président, en réponse à la
deuxième partie de la question, je voudrais dire qu'il n'est pas exact
qu'un mandat a été confié à la firme dont le nom a
été mentionné dans un journal. Mercredi prochain, sera
soumis à l'attention du Conseil du trésor un nouveau projet de
mandat; les consultants seront multiples, mais le maître d'oeuvre serait
le ministère des Transports du Québec. Je pourrai
ultérieurement, à la suite de la séance de mercredi
prochain du conseil des ministres et du Conseil du trésor, informer la
Chambre sur le mandat qui sera confié quant aux études sur le
projet Ferchibal.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que le ministre a entrepris,
parallèlement à ces tractations auprès des
sociétés ferroviaires, des démarches avec le gouvernement
fédéral relativement à la construction d'installations
portuaires qui pourraient accueillir des bateaux de 130,000 tonnes, lesquels
travaux seraient estimés à environ $50 millions?
M. MAILLOUX: M. le Président, j'ai rencontré mon
collègue, M. Marchand, lundi matin, à Québec. Il y a eu
des discussions préliminaires Ferchibal est venu sur le tapis, mais
aucune décision n'a été prise. Cela a été
simplement un tour d'horizon qui a été fait durant cette
discussion.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Coupures d'électricité
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais poser une question
à l'honorable ministre de la Justice. Il y a quelque temps, je posais
des questions au ministre concernant les demandes faites par le groupement des
locataires du Québec métropolitain, qui voulait rencontrer le
ministre aux fins de discuter avec lui de la possibilité de proposer
soit des lois ou encore une réglementation pour protéger les
locataires au cas de coupures des services d'électricité de
l'Hydro-Québec parce que certains propriétaires n'auraient pas
payé leurs factures.
Le ministre, dans ses réponses, m'a dit être disposé
à rencontrer le groupement et, jusqu'à ce jour, mes informations
sont à l'effet qu'il n'y a pas eu de possibilité de rencontre
encore.
Est-ce que le ministre peut me dire, ce matin, s'il est disposé
à fixer un rendez-vous aux fins de rencontrer ces gens qui ont des
problèmes très sérieux à lui soumettre?
M. CHOQUETTE: Sans doute.
M. SAMSON: M. le Président, c'est une réponse très
courte, très précise, mais j'ai eu la même il y a quinze
jours. Il n'y a rien qui a bougé. Est-ce qu'on pourrait fixer... Ces
gens ont même dû envoyer un télégramme au ministre,
le 3 décembre dernier.
M. CHOQUETTE: Lundi matin.
M. SAMSON: Lundi matin?
M. CHOQUETTE: Oui. A onze heures.
M. SAMSON: A onze heures.
UNE VOIX: Ah bon!
M. SAMSON: Alors, si le ministre ne les avertit pas par lettre, le
président de la Chambre...
M. CHOQUETTE: Au ministère, 225 Grande-Allée Est.
M. SAMSON: 225 Grande-Allée Est. M. CHOQUETTE: Premier
étage. M. SAMSON: Premier étage.
M. CHOQUETTE: Bureau du ministre.
M. SAMSON: Vous êtes sûr que vous allez être
là?
M. CHOQUETTE: A onze heures. M. SAMSON: Merci, M. le
Président.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Johnson.
Perte de productivité sur les chantiers de
construction
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, à ma question,
j'ai un léger préambule. Cela s'adresse au ministre de
l'Industrie et du Commerce. L'honorable ministre disait, ces jours derniers: A
comparer aux Etats-Unis, les chantiers du Québec ont perdu 70 p.c. de
productivité; $150 millions en investissements sont compromis.
Ma question est celle-ci: L'honorable ministre peut-il nous dire quelle
est la part des $150 millions en investissements manufacturiers qui ont
été irrémédiablement compromis par la perte
énorme de productivité sur les chantiers de construction dans la
province?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en parlant de la
productivité des travailleurs québécois, je pense qu'une
nuance s'impose et le député de Johnson me permettra de la faire.
Il n'y a aucun problème au Québec au niveau de la
productivité dans le secteur manufacturier ou de la productivité
de la main-d'oeuvre en général.
Le problème assez épineux, qui a peut-être
commencé il y a plusieurs mois mais qui s'est précisé
d'une façon plus accentuée au cours des six derniers mois, touche
certains corps de métiers dans l'industrie de la construction, plus
particulièrement ce qu'on appelle les techniciens en tuyauterie, les
soudeurs, les électriciens et les plombiers.
Dans ces groupes, sur les grands chantiers uniquement j'insiste
là-dessus répondant, ce qui semble évident,
à des mots d'ordre de l'establishment syndical, la productivité,
à certaines périodes, tombe au tiers de ce qu'elle est
normalement ou au tiers des normes généralement admises en
Amérique du Nord.
On comprendra que dans cet état, qui peut correspondre à
une vue à très court terme de certains
délégués de chantiers qui pensent qu'il y a un avantage
pour les ouvriers de prolonger le travail sur un chantier donné, on voue
irrémédiablement les investissements au Québec à ne
pas connaître le taux de croissance qu'ils ont pu connaître au
cours des trois dernières années, ou nous avons rattrapé
le terrain perdu par rapport à l'ensemble du Canada.
Les $150 millions que j'ai mentionnés ne touchent pas des projets
comme celui de SIDBEC où, déjà, le président d'une
régie d'Etat a indiqué les craintes que pouvait poser un
investissement au Québec. Ils ne touchent pas le climat d'incertitude
qui peut toucher des investissements prévus par la compagnie Dono-hue
dans le secteur des pâtes et papier, où il nous semble pour le
moins aventureux, sinon irresponsable, de s'engager dans des projets quand les
taux de productivité sont si bas.
Les $150 millions touchent plusieurs régions du Québec,
où, demain matin, si on pouvait par magie rétablir la
productivité dans le secteur de la construction à des niveaux
acceptables, il y aurait de nouveaux projets d'annoncés. Je pense que
dans quelques cas les conseils d'administration ont dû remettre à
plus tard des décisions, mais si nous ne parvenons pas à
régler la situation, dans plusieurs projets, particulièrement les
gros projets, les projets d'une certaine importance, on choisira d'autres
endroits que le Québec. Les premiers qui devront payer la note je
tiens à le préciser, M. le Président à cause
de l'irresponsabilité de ces mots d'ordre qui sont donnés, seront
les ouvriers eux-mêmes qui on l'a vu par des enquêtes
récentes ont comme première préoccupation la
sécurité de leur emploi, la certitude de gagner le pain et le
beurre demain.
Mais la meilleure façon pour gagner le pain et le beurre, c'est
que l'establishment syndical comprenne qu'à long terme on vole le
Québec lorsque, sur des chantiers de construction, cela prend trois fois
plus de temps à Varennes, à Bécancour, à
Québec et à Montréal que dans certains endroits des
Etats-Unis.
M. MORIN: Une question supplémentaire.
M. BELLEMARE (Johnson): Une question supplémentaire. Devant
l'état de fait que vient d'admettre le ministre, je pense que ce serait
bien sa responsabilité et je pense que la province en serait fort
heureuse de convoquer une conférence tripartite, comme on l'a
déjà fait au ministère du Travail pour régler
certains problèmes qui étaient de grande urgence. On avait alors
convoqué le gouvernement, le représentant des employeurs et le
représentant de l'establishment syndical. On avait, pendant une
journée, regardé toutes les implications et le ministre...
M. LEGER: Question!
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, le ministre ne serait-il
pas d'avis qu'il serait utile et nécessaire que cette réunion
tripartite ait lieu?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'ai déjà eu
l'occasion de discuter avec le premier ministre et mon collègue du
Travail de ce problème très épineux. La suggestion du
député de Johnson est sûrement valable. Le
problème,
c'est qu'en décembre 1974, tout ce beau monde se trouve devant la
commission Cliche. Il y a peut-être lieu d'espérer qu'un rapport
préliminaire de la commission Cliche nous permettra tout au moins de
pointer du doigt les causes profondes de cette baisse de productivité,
les agents qui la provoquent et, peut-être, donnant suite à votre
suggestion, de trouver dès le début de l'année 1975 les
moyens de remettre ceci à un niveau plus acceptable. Encore une fois, je
le précise, il n'y a absolument personne, sauf quelques individus, qui
peuvent avoir je m'excuse du mot des petits "rackets" dans
certains contrats, qui a intérêt, au Québec, à ce
que la productivité de nos ouvriers soit 30 p.c. de ce qu'elle est dans
d'autres endroits aux Etats-Unis. D'autant plus que dans le secteur
manufacturier, et quand on connaît les ouvrier québécois,
on sait que c'est presque contraire à leur nature. Ils ont la
réputation, en Amérique du Nord, d'avoir un des taux de
productivité les plus élevés. C'est anormal de retrouver
ce qu'on a actuellement dans le secteur de la construction.
LE PRESIDENT: Une question additionnelle. L'honorable chef de
l'Opposition officielle.
M. MORIN: Le ministre a raison de penser que la productivité des
Québécois est excellente, mais je me demande s'il ne tombe pas
dans le simplisme quand il ramène cette baisse de la
productivité, qui reflète un malaise réel, au seul secteur
de la construction.
Deuxièmement, l'explication qu'il en donne est-elle
complète? La baisse de productivité, je crois que le ministre a
raison là-dessus, est contraire à la nature même de nos
citoyens qui sont consciencieux; ne reflète-t-elle pas un malaise
réel dû à des causes auxquelles le ministre n'a pas fait
allusion une seule fois dans les propos qu'il vient de tenir,
c'est-à-dire notamment l'inflation, la difficulté croissante pour
les travailleurs de faire face à la perte de leur pouvoir d'achat,
à la hausse du coût de la vie?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, en raison d'une enquête
scientifique, j'ai demandé à certains groupes directement
touchés de déposer volontairement à la commission Cliche
les résultats de leurs recherches, mais je ne peux souscrire à la
thèse du chef de l'Opposition pour deux raisons. Premièrement,
sur les petits chantiers et là où il ne semble pas y avoir un
enjeu sur le plan syndical, la productivité des mêmes personnes,
des mêmes ouvriers, est excellente, on n'a rien à redire; c'est
simplement dans certains chantiers où les soudeurs vont faire 30 p.c. de
ce que d'autres soudeurs font sur un chantier deux ou trois milles plus
loin.
Deuxièmement, sur les grands chantiers, la faible
productivité n'est pas constante, c'est-à-dire qu'elle varie,
qu'elle oscille énormément et lorsqu'elle varie, elle semble
coïncider com- me par magie avec la venue d'un
délégué de chantier ou d'un personnage plus important du
monde syndical de la construction, qui déclenche immédiatement,
pour une période de temps, des taux très bas.
M. MORIN: En question supplémentaire. LE PRESIDENT:
Dernière.
M. MORIN: Le ministre cherche une sorte de deus ex machina pour
expliquer le phénomène de la baisse de productivité. Il
dit: IL suffit que les gens de l'extérieur viennent gâter le
climat. Le ministre ne s'est-il pas demandé si...
M. CHOQUETTE: Le Parti québécois contribue fortement
à gâter le climat.
M. MORIN: ...les conditions qui existent dans ces chantiers et dans la
vie courante des travailleurs ne sont pas les raisons qui prédisposent
justement certains travailleurs à restreindre leur
productivité?
Autrement dit, je demande au ministre s'il ne devrait pas se pencher sur
les causes profondes de ce malaise et éviter de s'en tenir à la
surface des choses. Alors, il découvrirait peut-être les vrais
maux, il pourrait porter un diagnostic exact et peut-être venir à
bout de ce problème.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, on sait bien que les
problèmes d'inflation, et, bien sûr, ça peut-être un
élément dont on doit tenir compte, existent dans toutes les
provinces canadiennes, et à un degré plus élevé
qu'il n'existe au Québec dans nombre de pays européens où
le pouvoir d'achat des travailleurs a été beaucoup plus
affecté qu'il ne le fut au Québec. D'ailleurs, les statistiques
qui seront révélées en fin de semaine prochaine montreront
que le revenu net par capita a augmenté plus rapidement en 1974 que
l'inflation ou le niveau des taux d'inflation.
Je pense que ce qu'il faut retenir sur ce même problème
d'inflation commun à nombre de pays, c'est uniquement au Québec
qu'on enregistre cette baisse de productivité. Dans des usines qui sont
exactement les mêmes actuellement en construction dans certains endroits
des Etats-Unis par rapport au Québec, là où ça
prend 3,000 heures pour faire un certain travail au Québec, ça ne
prend que 1,000 heures dans d'autres endroits des Etats-Unis.
LE PRESIDENT: Dernière question, l'honorable député
de Saguenay.
Nationalisation de la Compagnie Asbestos
Corporation
M. LESSARD: M. le Président, ma question s'adresse au ministre
des Richesses naturelles. Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact
qu'un rapport aurait été préparé par des
spécialistes du ministère et dans lequel on recommanderait la
nationalisation ou l'expropriation de la compagnie Asbestos Corporation afin de
créer un secteur témoin, et si c'est le cas, quelles sont les
intentions du ministre suite à cette recommandation?
M. MASSE: M. le Président, il est exact qu'il y a eu une
étude effectuée par des fonctionnaires de la Direction
générale des mines au ministère et que cette étude
qui m'a été communiquée il y a environ deux ou trois mois
n'était pas pour moi satisfaisante. J'ai demandé de reprendre ou
d'ajouter des chapitres à ce document et je n'ai pu encore prendre
connaissance de ce nouveau rapport. Je ne peux dire si on voudrait nationaliser
une compagnie par rapport à d'autres hypothèses possibles
d'interventions dans ce domaine.
La décision n'est pas prise par le ministre. Elle n'a pas
été soumise au conseil des ministres.
M. LESSARD: Dernière question additionnelle, M. le
Président.
Compte tenu que cela fait déjà quatre ans que le ministre
nous parle de la nécessité pour les Québécois de
tirer des bénéfices dans l'industrie de l'amiante, est-ce qu'on
pourrait lui demander s'il a l'intention d'agir dans un délai assez bref
dans ce secteur et ne pas attendre encore trois ou quatre ans?
M. MASSE: M. le Président, j'ai dit que je devrais, d'ici la fin
de 1974, annoncer une nouvelle politique possible dans le secteur de l'amiante
et je pense que je devrai reporter cette décision au début de
1975.
LE PRESIDENT: Affaires du jour.
Question inscrite au feuilleton
M. LEVESQUE: M. le Président, au feuilleton de mercredi, le 11
décembre, article 71. Motion de M. Charron, dépôt de M.
Quennevil-le.
M. QUENNEVILLE: Document déposé.
Travaux parlementaires
M. LEVESQUE: Merci. M. le Président, la commission des affaires
sociales se réunira immédiatement, et j'en fais motion, au salon
rouge, avec le mandat de poursuivre l'étude des projets de loi no 40 et
41 et de demeurer en commission jusqu'à l'adoption finale de ces deux
projets de loi. A la vitesse qu'on a montrée hier, je pense bien que
c'est un mandat tout naturel.
M. BEDARD (Chicoutimi): C'est nécessaire.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, puis-je faire motion pour
que ce voeu soit interprété comme unanime en cette Chambre?
LE PRESIDENT: Est-ce que ce voeu est exaucé? Est-ce que cette
motion est adoptée?
M. MORIN: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté. Cette commission peut siéger
immédiatement.
M. LEVESQUE: Peut et doit. M. le Président, puis-je
suggérer que nous procédions à l'adoption en
troisième lecture de certains projets de loi: article 2)?
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives propose la troisième lecture du projet
de loi no 77, Loi modifiant la loi des compagnies de fidéicommis.
UNE VOIX: Adopté.
M. TETLEY: M. le Président, il y a un amendement.
LE PRESIDENT: II y a un amendement?
M. LEVESQUE: Je retire cet article, M. le Président, il y a un
amendement que me signale le ministre. Alors je retire l'appel.
LE PRESIDENT: Cette motion est retirée.
M. LEGER: Vous retirez quoi, l'adoption ou la motion?
LE PRESIDENT: La motion.
M. LEVESQUE: Article 3), d'accord?
Projet de loi no 64 Troisième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
troisième lecture du projet de loi no 64, Loi modifiant le régime
de rentes du Québec. Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: Article 4).
Projet de loi no 39 Troisième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre
d'Etat, député de Marguerite-Bourgeoys, propose la
troisième lecture du projet de loi no 39, Loi modifiant le code des
professions et d'autres dispositions législatives.
UNE VOIX: Adopté.
M. BURNS: Non, juste une seconde. M. le Président, sur ce projet
de loi, il me semblait qu'on s'était entendu pour que les trois projets
de loi concernant les affaires sociales reviennent ensemble. Alors, je me
demande s'il n'y aurait pas lieu de remettre à plus tard la
troisième...
M. LEVESQUE: Est-ce qu'on parle de l'article 4)?
M. BURNS: Article 4), ah! ce sont les professions, excusez-moi.
Adopté.
LE PRESIDENT: Motion de troisième lecture du projet de loi no 39,
adopté.
M. LEVESQUE: Articles 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13.
LE PRESIDENT: On peut grouper cette motion de troisième
lecture.
M. LEVESQUE: Comme on l'a fait jusqu'à maintenant.
Projets de loi 67 à 74 Troisième
lecture
LE PRESIDENT: Le ministre du Revenu propose la troisième lecture
des projets de loi nos 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73 et 74. Ces motions de
troisième lecture sont-elles adoptées?
M. BURNS: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: Articles 14, 15 et 16.
LE PRESIDENT: Egalement une motion groupée du ministre de la
Fonction publique.
M. BURNS: C'est que, dans un cas, j'ai un vote différent à
prendre. Pour les projets nos 61 et 63 je n'ai pas d'objection à ce
qu'ils soient adoptés ensemble, mais sur le projet no 62 je voudrais
inscrire ma dissidence.
LE PRESIDENT: D'accord.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, j'inscris ma dissidence
sur le projet no 62.
Projets de loi 61 et 63 Troisième
lecture
LE PRESIDENT: De toute façon, disons la motion de
troisième lecture des projets de loi nos 61 et 63. Ces motions de
troisième lecture sont-elles adoptées?
Adopté.
Projet de loi no 62 Troisième lecture
LE PRESIDENT: Le ministre de la Fonction publique propose la
troisième lecture du projet de loi no 62.
M. BURNS: Sur division, M. le Président, avec la dissidence des
députés de Sauvé, Lafontaine, Saint-Jacques, Chicoutimi,
Saguenay et Maisonneuve.
M. BELLEMARE (Johnson): Plus Johnson. M. SAMSON: Abstention.
LE PRESIDENT: Cette motion de troisième lecture est
adoptée sur division, avec la dissidence des honorables
députés de Sauvé, Maisonneuve, Lafontaine, Saint-Jacques,
Saguenay, Chicoutimi et Johnson et l'abstention du député de
Rouyn-Noranda.
Motion adoptée sur division.
M. LEVESQUE: Article 17.
Projet de loi no 57 Troisième lecture
LE PRESIDENT: Le ministre des Terres et Forêts propose la
troisième lecture du projet de loi no 57, Loi sur les réserves
écologiques. Adopté? Cette motion est adoptée.
M. MORIN: Oui, adopté.
M. BURNS: L'article 5, vous ne l'avez pas appelé? Il y aurait
quelques brèves remarques de la part du député de
Saguenay.
M. LEVESQUE: Le ministre n'étant pas ici, il ne serait pas en
mesure de répliquer.
M. BURNS: D'accord.
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'il y aurait avantage
à faire de même pour les articles 29 et 30, pour leur faire passer
cette étape?
M. BURNS: D'accord. Sur les agents de recouvrement, je vous signale que
le député de Lafontaine a des amendements; on pourrait les passer
tout de suite.
M. LEVESQUE: Attendons un peu plus tard dans la journée. On
pourrait peut-être régler le cas de l'article 30 pour le
moment.
M. BURNS: A l'article 30, je vous signale qu'à ma connaissance le
député de Johnson a un amendement.
M. BELLEMARE (Johnson): J'ai un amendement.
M. LEVESQUE: Alors, peut-être plus tard dans la
journée.
M. MORIN: Nous ferons des interventions sur l'article 30 du
feuilleton.
M. LEVESQUE: Si le député de Johnson doit avoir d'autres
engagements, nous attendrons.
M. BELLEMARE (Johnson): Pour l'Inter-Port.
M. LEVESQUE: Oui. Est-ce long, l'intervention du député de
Johnson pour Inter-Port?
M. BELLEMARE (Johnson): Non, c'est très court. Je l'ai
déposée entre les mains du ministre qui est bien au courant.
M. LEVESQUE: Alors, si c'était très court, on pourrait en
disposer tout de suite, vu les engagements du député de
Johnson.
M. BURNS: Egalement, je suis obligé de faire la même
demande pour l'article 29 parce que le député de Lafontaine devra
s'absenter dans le courant de la journée.
M. LEVESQUE: Je ne connais pas la nature des propos; si c'est simplement
un exposé très serein, moi, je suis bien d'accord.
M. BURNS: Ce sera très serein comme toujours.
M. LEVESQUE: Mais si c'est quelque chose comme j'ai déjà
vu...
M. BURNS: Quand ça vient du député de Lafontaine,
c'est toujours très serein.
M. LEVESQUE: On verra, on décidera ensuite.
Alors, article 29, commençons pendant qu'il sourit.
Rapport sur le projet de loi no 26
LE PRESIDENT: Article 29. Le député d'Anjou, pour le
député de Dubuc, propose l'adoption du rapport de la commission
permanente des institutions financières, compagnies et
coopératives qui a étudié le projet de loi no 26, Loi des
agents de recouvrement.
M. CHARRON: Je pense que vous lui en demandez trop là; il ne
comprend pas ce qui lui arrive. Expliquez-lui.
LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, sur le projet de loi no 26 et sur la
prise en considération du rapport, je me dois d'inscrire ma
dissidence.
Trois amendements très importants ont été
refusés: à l'article 11, à l'article 27 et à
l'article 32.
A l'article 11, nous aurions voulu que tout agent de recouvrement duquel
on exige un permis pour fonctionner au Québec soit obligé de
porter un nom français.
Deuxièmement, à l'article 27, nous voulions que tout agent
de recouvrement ayant un permis du Québec soit obligé de
communiquer avec son débiteur uniquement par écrit, de
façon à éviter tout problème de harcèlement,
de pression sur les personnes qui ont des comptes et sur lesquelles les agents
de recouvrement font pression pour en obtenir le paiement. A l'article 32, nous
aurions voulu que toute communication avec des Québécois par des
agents de recouvrement soit faite en français.
Or, le projet de loi no 26 concernant les agents de recouvrement que
parraine le ministre anglophone est fortement teinté de mesures visant
à protéger des privilèges de la minorité anglophone
du Québec, privilèges que ces derniers ont cru perdre lors de la
fameuse loi 22, qui devait censément faire du français la langue
officielle chez nous. Si on avait voulu accorder au français cette place
officielle qui lui revient de droit au Québec, on aurait donné
des dents à cette loi-cadre. Nous avons prouvé hors de tout
doute, avec l'appui d'ailleurs de centaines des plus prestigieux groupes et
associations du Québec, que l'article 1 de la loi 22 était
affaibli, amoindri et annulé par les 129 autres articles.
J'ai fait cette parenthèse pour expliquer la mauvaise foi dont
font preuve à la fois et le gouvernement et le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives et la fin de non-recevoir
qui m'a été donnée au sujet des trois amendements que je
viens de mentionner concernant le projet de loi no 26, ce qui aurait permis
d'officialiser le français comme langue des affaires, du moins dans ce
domaine particulier, et qui aurait pu être un commencement, un
début.
Comment peut-on désormais prétendre, comme on le fait dans
le préambule de la loi 22,
que la langue française doit être omniprésente dans
le monde des affaires, particulièrement en ce qui concerne la direction
des entreprises, les raisons sociales, l'affichage public, les contrats,
d'adhésion et les contrats conclus par les consommateurs, quand un
ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives
refuse catégoriquement d'ordonner à toute corporation ou
société qui sollicite ou détient un permis de franciser sa
raison sociale? C'est en effet l'amendement que m'a refusé le ministre
à l'article 11 du projet de loi no 26 et sur lequel je discute
actuellement.
Comment a-t-on osé déjà prétendre que la
déclaration de principe de la loi 22 obligeant les professions à
communiquer avec la population en français ferait du français la
langue des affaires quand nous sommes dans un Etat où les citoyens ne
peuvent même pas s'assurer que les compagnies qui font d'immenses profits
grâce à eux vont communiquer avec eux dans leur langue? C'est
là le second amendement de base que le ministre a carrément
refusé à l'article 32 du projet de loi no 26 en discussion
actuellement.
Quand un gouvernement n'est pas capable de corriger une telle situation
et que ce même gouvernement va chercher une crédibilité
inutile dans un pays étranger pour une loi que la population rejette
massivement dans son propre pays, je dis que nous ne sommes pas dans un pays
normal. Que le gouvernement veuille faire du français la langue
officielle du Québec en omettant le primordial mot "seule" devant
"langue officielle", que le gouvernement refuse de franciser les raisons
sociales d'un secteur commercial qui fait affaires avec des milliers de
Québécois à chaque année, que le gouvernement
oublie d'indiquer à ces entreprises qu'elles doivent communiquer avec
les Québécois francophones dans leur propre pays dans leur langue
maternelle, j'en conclus que ce gouvernement tient à
récupérer sa clientèle anglophone, celle qui alimente la
caisse électorale, celle qui a participé à financer la
course à la chefferie du Parti libéral du député de
Mercier, celle qui lui a permis de lancer le projet du siècle, celle qui
lui a accordé son deuxième mandat, et j'en passe.
En contre-argument, le ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives m'a avoué que lorsque son gouvernement
a adopté la loi 22, il a en même temps stipulé certains
principes. Or, ce dont il est question ici, c'est justement de l'un des
principes de la loi 22 qui oblige le monde des affaires à communiquer
avec les francophones du Québec dans leur langue.
A ce que je sache, une loi-cadre est par définition, une loi qui
a pour but de dicter la conduite du législateur dans un sens bien
précis, à savoir de franciser les communications que le monde des
affaires a avec les citoyens consommateurs. Cela le ministre le refuse, par son
objection aux amendements que je lui ai proposés. Je le rappelle au
ministre, la loi-cadre ne dit absolument rien au sujet des agents de
recouvrement.
En ce qui concerne l'objection du ministre à ne pas vouloir
légiférer sur la vie privée des citoyens en adoptant les
amendements que je lui ai soumis, c'est un argument faible même ridicule.
C'est pourquoi j'accuse, M. le Président, le présent gouvernement
d'être traître à la langue française au
Québec. C'est en effet le seul gouvernement que je connaisse qui refuse
catégoriquement le droit à sa majorité linguistique de
vivre dans sa langue. Que ce soit en France, au Brésil ou en Allemagne,
les compagnies anglaises communiquent avec les Français en
français, avec les Brésiliens en portugais et avec les Allemands
en allemand. Au Canada, ils vont communiquer en anglais et dans la seule
province francophone, nous n'avons même pas un gouvernement capable
d'obliger les milieux d'affaires à respecter ses citoyens. Les relations
qui existent entre un agent de recouvrement et le débiteur doivent
être faites en français. Que l'on préserve au moins la
dignité des gens qui ont des problèmes financiers.
M. TETLEY: Voulez-vous que je réponde? M. LEVESQUE: Allez-y!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
M. TETLEY: M. le Président, j'ai écoutez avec
intérêt les remarques de l'honorable député de
Lafontaine, les mêmes qu'il avait prononcées en commission
élue. Au moins, il n'a pas changé d'idée, c'est
peut-être une bonne qualité. Dans les circonstances, je crois que
c'est sa seule qualité, parce que je regrette de dire qu'il a encore
tort, à mon avis.
Il a proposé trois amendements: à l'article 11, à
l'article 27 et à l'article 32. Le premier argument est au sujet de la
langue, de la langue du nom d'une compagnie, d'un agent de recouvrement. Il
voulait que le nom soit en langue française.
M. le Président, nous avons déjà adopté,
cette année même, la loi 22 intitulée: Loi sur la langue
officielle qui est une loi-cadre qui touche la langue dans tous les endroits
où le gouvernement veut que la loi touche la langue. L'article 30 parle
exactement des noms des compagnies et le gouvernement et l'Assemblée
nationale n'ont pas l'intention d'aller plus loin.
De plus, comment forcer une compagnie de l'extérieur à
avoir un nom français, sauf par l'amitié, par l'exemple, et je
dois dire à cette Assemblée que depuis une visite à
Toronto que j'ai faite avec certains de mes cadres, au ministère, de la
consommation et des corporations, le ministre de l'Ontario, lui-même, Mr
John Clément, m'a avisé qu'il projette un changement de la
loi.
Est-il mieux d'essayer de réglementer ici ou
d'adopter une loi qui est non constitutionnelle, qui est abusive, qui
est agressive ou est-ce mieux de convaincre par notre exemple les autres
provinces et nos concitoyens du Canada? M. le Président, le gouvernement
du Québec préfère le pas de l'amitié, le pas de
l'argument fort, l'argument convaincant plutôt que la force.
Le deuxième amendement proposé par le député
de Lafontaine concerne l'article 27 de ce projet de loi no 26, Loi des agents
de recouvrement. Il veut que tout débiteur reçoive ses avis, ses
lettres et toutes communications par écrit.
J'ai déjà avisé cette Chambre que notre projet de
loi est plus avancé que toute autre loi au Canada. Je crois que cette
constatation ne peut être contredite. Aucune loi n'insiste pour qu'un
agent de recouvrement communique par écrit parce que parfois c'est
impossible. Il faut vérifier l'existence et l'adresse du
débiteur. Il faut souvent parler au débiteur. Et pour
protéger le débiteur, nous avons certaines règles, par
exemple, qu'on ne peut pas communiquer avant huit heures le matin et
après huit heures le soir. Nous avons insisté sur des permis, des
cautionnements et une liste de protection qui se trouve dans la loi.
Mais on ne peut pas retirer à l'agent presque tous ses pouvoirs,
tous ses droits. C'est pourquoi nous avons rejeté l'amendement de
l'honorable député de Lafontaine. Nous avons même
adopté un amendement, en commission élue, à l'effet que
l'agent de recouvrement devait envoyer un avis écrit avant de
communiquer en anglais ou en français ou oralement.
Le troisième amendement. Je dois demander à mes honorables
collègues de voter contre l'amendement du député de
Lafontaine, à l'article 32. C'est encore un amendement concernant la
langue. Il veut que tout avis soit rédigé en français. Et
ma réponse, c'est la même: Nous avons adopté une loi-cadre,
la Loi sur la langue officielle, la loi no 22. Nous avons une loi qui donne
à la langue une très grande protection. Même en Belgique il
n'y a pas de loi aussi étendue qui touche les panneaux-réclame
et, en certains endroits, les droits des citoyens. Mais aller plus loin n'est
pas le désir du gouvernement et, je crois, de la population.
Donc, pour ces raisons, je ne peux pas appuyer les amendements
proposés par l'honorable député de Lafontaine. Je vous
remercie.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Séguin): Le député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, nous avons devant nous trois
amendements. D'abord, dans l'ordre, l'amendement proposé par l'honorable
député de Lafontaine à l'article 11. J'ai eu l'occasion,
au cours du débat sur le projet de loi no 26, de faire valoir l'opinion
de notre parti en ce qui concerne le sujet mentionné,
c'est-à-dire que le nom doit être en langue française.
Pour la bonne compréhension du journal des Débats, je dois
lire l'article 11, tel que déjà amendé en commission
parlementaire, c'est-à-dire: "Une société ou corporation
qui détient un permis doit maintenir une place d'affaires du
Québec pour les fins de la présente loi." Là, on
ajouterait: Son nom doit être en langue française.
Je ne suis pas d'accord avec l'amendement proposé pour plusieurs
bonnes raisons mais, entre autres, que ce soit le nom d'une compagnie ou
autres, un nom, à mon sens, peut être en langue française,
en langue anglaise, en langue italienne ou autres, et être tout aussi
valable.
Même si on ajoutait, à l'article 11, que son nom doit
être en langue française, cela ne veut pas dire que cela rendrait
la compagnie plus française pour ça. Ce n'est pas ça qui
va avancer la langue française.
Un nom peut être italien, japonais et les représentants de
cette compagnie peuvent très bien dispenser leurs services en langue
française. Un nom propre, il n'y a jamais de faute là-dedans. Il
peut être en français, il peut être en d'autres langues. Ce
n'est pas cela qui va régler nos problèmes.
Pour ces raisons, M. le Président, nous ne voterons pas pour cet
amendement à l'article 11.
Cependant, je crois qu'il est raisonnable que nous acceptions l'article
27, car nous savons, M. le Président, qu'il y a beaucoup d'abus du
côté des agents de recouvrement. Des gens, qui n'ont aucune
espèce de scrupules, tentent de percevoir de l'argent à certaines
heures, comme on l'a déjà dit, et, également, en utilisent
des moyens de pression, d'intimidation, soit en appelant au lieu de travail ou
des choses comme cela. Je pense que le député de Lafontaine avait
raison de présenter cet amendement à l'article 27.
Quant à l'amendement à l'article 32, tel que nous l'avons,
il permettrait d'ajouter: "Ces avis doivent être rédigés en
français". Cela, M. le Président, c'est le moins qu'on puisse
exiger. On est dans la province de Québec, on est encore une province
francophone jusqu'à ce jour...
M. TETLEY: Jusqu'à nouvel ordre.
M. SAMSON: ... ou, comme le dit le ministre, jusqu'à nouvel
ordre. Si on est une province francophone, M. le Président, je pense
qu'on n'aurait même pas besoin, dans des conditions normales, de faire
ajouter ces mots à l'article 32. Normalement, on ne devrait pas
être obligé de le faire, mais dans des conditions qui ne sont pas
tout à fait normales c'est notre condition il faut
protéger notre majorité.
C'est drôle à dire. Généralement, c'est la
minorité qu'il faut protéger, mais là, dans les conditions
où nous sommes, c'est la majorité qu'on est obligé de
protéger. Alors, moi, je suis favorable et d'accord sur l'amendement
proposé à l'article 32 également.
En résumé, M. le Président, je voterai contre
l'amendement à l'article 11, mais je voterai en
faveur des amendements à l'article 27 et à l'article
32.
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on peut enregistrer les
dissidences?
M. TETLEY: J'ai répondu à son amendement. Il y a mon
amendement, tout simplement, à l'article 54.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
M. TETLEY: C'est tout simplement une exigence du ministère des
Finances, qui veut qu'on ajoute l'année 1975/76.
M. BURNS: A l'article 26?
M. TETLEY: A l'article 54 du projet de loi no 26.
Je viens de distribuer l'amendement, qui a été
distribué par le courrier, aussi, il y a trois jours.
M. LEVESQUE: D'accord. Adopté?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'amendement proposé par
l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives est-il adopté?
M. BURNS: Adopté.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Nous avons maintenant trois
amendements proposés par l'honorable député de Lafontaine,
concernant les articles 11, 27 et 32.
M. BURNS: Adopté.
M. SAMSON: Non, non, une minute.
LE VICE-PRESIDENT(M. Lamontagne): On vote sur les amendements
proposés.
M. SAMSON: Un par un.
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce qu'on pourrait enregistrer
les dissidences?
M. BURNS: Ce ne sont pas les dissidences, parce que nous, nous allons
voter pour.
M. LEVESQUE: Bien, cela va être long à enregistrer les
dissidences.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je pourrais
suggérer que vous appeliez les amendements dans l'ordre?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne):
Bon, parfait. On va procéder amendement par amendement.
L'honorable député de Lafontaine propose un amendement
à l'article 11, soit d'ajouter, à la fin, la phrase suivante:
"Son nom doit être en langue française".
Est-ce que vous êtes prêts à vous prononcer?
M. LEVESQUE: Rejeté sur division.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Rejeté sur division?
M. BURNS: Rejeté sur division, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Amendement à l'article 27,
proposé par l'honorable député de Lafontaine: "Remplacer
le paragraphe e) par le suivant: Communiquer avec le débiteur ou sa
caution autrement que par écrit".
M. LEVESQUE: Rejeté sur division. M. BURNS: Rejeté sur
division.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine propose un amendement à l'article 32. Ajouter, à la
fin, la phrase suivante: Ces avis doivent être rédigés en
français".
M. LEVESQUE: Rejeté sur division.
LE VICE-PRESIDENT- (M. Lamontagne): Rejeté sur division.
Nous allons maintenant procéder au vote sur le rapport
amendé du projet de loi no 26, Loi des agents de recouvrement. Ce
rapport amendé est-il agréé?
M. BURNS: Agréé.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Agréé.
M. LEVESQUE: Troisième? M. BURNS: Oui.
Troisième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Troisième lecture
adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté.
M. BURNS: Adopté, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.
M. LEVESQUE: Merci. Numéro 30.
Rapport sur le projet de loi no 4
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Taschereau propose l'adoption du rapport de la commission
plénière qui a étudié le projet de loi no 4, Loi
constituant la Société Inter-Port de Québec.
L'honorable député de Johnson.
M. BELLEMARE (Johnson): M. le Président, seulement deux mots.
D'ailleurs j'ai vu il y a quelques instants le ministre, qui s'oppose à
mon amendement. Je voudrais simplement dire que lors de l'étude en
commission parlementaire, le chef de l'Opposition et moi-même avons fait
valoir au ministre que le titre du bill n'était pas véritablement
opportun puisqu'il parle de la Société Inter-Port et que dans
l'ancien bill, lui qui portait autrefois le no 23, il était question
d'une installation portuaire. Comme on a fait sauter le mot "portuaire", cela
devient plutôt une promotion industrielle et un parc de
développement industriel. Le titre du nouveau bill devrait être
modifié et il faudrait modifier l'article 2, en remplaçant les
mots entre guillemets, à la deuxième ligne,
"Société Inter-Port de Québec" par les mots suivants:
"Société de promotion industrielle".
Le premier argument est que plusieurs personnes ont vu là un
geste pour faire oublier le superport de Cacouna et il y a eu de nombreuses
protestations à cet effet. Quand on eut discuté à fond en
commission parlementaire le bien-fondé de la nouvelle
société, on s'est aperçu, et tout le monde l'a reconnu que
c'était simplement un parc industriel qu'on voulait organiser.
Dans ces circonstances, je propose que l'article 1 soit changé et
qu'on remplace, au paragraphe c), après le mot "Société",
les mots Société Inter-Port de Québec" par les mots
suivants: "la Société de promotion industrielle de Québec"
et, à l'article 2 que je viens de lire, qu'on remplace les mots entre
parenthèses, à la deuxième ligne: "Société
Inter-Port de Québec", par les mots suivants: "Société de
promotion industrielle de Québec", pour véritablement changer le
nom, le titre du bill.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable chef de l'Opposition
officielle.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais apporter mon appui aux
amendements proposés par le député de Johnson. En effet,
le nom actuel proposé pour ce projet de loi me paraît être
trompeur. Il s'agit, en réalité, non pas d'une
société destinée à favoriser le
développement portuaire, à construire des quais ou encore
à favoriser l'accès au port de Québec ou aux autres ports
de la zone spéciale de Québec, mais, d'une société
de développement industriel qui va faire concurrence aux organismes
déjà mis en place par la Communauté urbaine de
Québec en vue de favoriser l'implantation d'industries dans la
région.
M. le Président, si l'on s'en tenait au titre du projet,
"Société Inter-Port," on pourrait être tenté
peut-être est-ce là le but du projet de croire que ce
projet de loi va permettre au gouvernement ou à la Société
créée par le gouvernement d'assurer le développement
portuaire de la zone spéciale de Québec. Or il n'en est rien.
M. le Président, dans l'ancien projet de loi qui portait, je
pense, le numéro 23, on faisait allusion au développement
portuaire, mais le gouvernement s'est rendu compte qu'en réalité
le Québec est impuissant dans ce domaine. Le Québec ne peut pas
légiférer en matière de navigation; le Québec ne
saurait légiférer en matière de construction portuaire. Il
est clair, que ces compétences essentielles au développement du
Québec, appartiennent hélas! exclusivement au pouvoir
fédéral. On va peut-être tenter de camoufler ce fait, qui a
entraîné pour le développement de l'ensemble de la
vallée du Saint-Laurent les conséquences les plus
néfastes, derrière un titre de projet de loi qui ne correspond
absolument pas à la réalité. D'ailleurs, en commission,
l'autre jour, le ministre, à toutes fins pratiques, a admis que ce titre
ne réfléchit pas la réalité. M. le
Président, quel que soit le titre de ce projet de loi, il ne changera
rien au fait qu'Ottawa contrôle la navigation sur le Saint-Laurent et
tous les ports du Saint-Laurent, tous les ports du Québec.
Rien ne peut être accompli sans l'autorisation d'Ottawa. C'est ce
qui fait que, dans le passé, la partie de la vallée du
Saint-Laurent située dans le Québec a connu le peu de
développement qu'on sait. C'est la raison pour laquelle les ports de la
vallée du Saint-Laurent se sont trouvés à tomber, pour
ainsi dire, entre deux chaises, c'est-à-dire entre le port de Halifax
à une extrémité et le port de Montréal je
devrais dire "Montreal" de l'autre côté. C'est pour cela,
M. le Président, c'est parce que ce domaine est de compétence
fédérale que nous accusons un retard sérieux dans le
développement des ports du Québec. Et ce n'est pas ce projet de
loi qui va pouvoir changer quoi que ce soit à cette
réalité, malgré son titre ronflant; Québec ne peut
s'approprier à moins d'un changement constitutionnel que ces
messieurs ne sont pas prêts à proposer, on s'en doute des
compétences qu'il ne possède pas. Québec est impuissant et
ce n'est pas le décor que nous propose ce projet de loi qui va y changer
quoi que ce soit.
M. le Président, le député de Johnson a eu tout
à fait raison de proposer qu'on soit modeste, qu'on reconnaisse que le
Québec est impuissant dans ce domaine comme dans bien d'autres et qu'on
ramène le titre de ce projet de loi à ce qu'il contient vraiment,
c'est-à-dire tout juste une société de
développement industriel, que le député de Johnson a
appelée Société de promotion industrielle. Je n'ai pas de
querelle sur ce titre; peu importe, ce qui compte c'est l'idée et, en ce
qui me concerne, je ne m'explique pas qu'un ministre aussi sérieux que
le
ministre de l'Industrie et du Commerce se prête à de petits
jeux de vocabulaire. Je me demande bien ce qu'il peut y avoir à gagner,
sauf évidemment, comme le disaient certains députés
à la commission s'il s'agit d'une sorte de "balloune" politique.
S'il s'agit de faire illusion et de pouvoir se présenter devant
la population de la région de Québec ensuite en disant: Voyez,
nous venons de créer une société qui va organiser le
développement portuaire, si l'on fait cela et je pense qu'on
s'apprête à le faire avec ce projet de loi on trompera les
gens de la région de Québec.
Il ne s'agit de rien de plus, l'article 4 d'ailleurs le dit clairement,
que "d'élaborer des plans et programmes en vue de l'établissement
dans la zone décrite à l'annexe c'est-à-dire la
zone spéciale de Québec telle que décrite dans les
ententes fédérales-provinciales d'un complexe industriel
susceptible de bénéficier des avantages de l'infrastructure
portuaire de Québec et de contribuer au développement de
celle-ci". Il ne faut jamais perdre de vue, dans un contexte où toujours
le gouvernement fédéral a négligé les ports du
Saint-Laurent et en particulier du Bas-Saint-Laurent, que le
développement industriel ne peut se faire que si un gouvernement
possède également les compétences nécessaires en
matière portuaire. Si, par le truchement du Conseil des ports nationaux,
le pouvoir fédéral freine, bloque, comme il l'a fait depuis
toujours, le développement portuaire du Québec, on s'illusionne
en pensant qu'on pourra greffer sur ce qui n'existe pas le développement
industriel.
Aussi, M. le Président, j'appuie les amendements proposés
par mon collègue le député de Johnson. Toutefois,
j'ajouterais que même avec ce changement, qui va ramener le projet de loi
à des dimensions plus réelles et plus modestes, on continuera
sans doute de s'illusionner sur la portée véritable d'un projet
de loi qui ne peut que connaître des limites précises tant et
aussi longtemps que le Québec ne sera pas souverain dans ce domaine
comme dans les autres. Merci, M. le Président.
M. LEVESQUE: L'amendement adopté sur division.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le vote sur l'amendement
proposé par le député de Johnson aux articles 1 et 2.
C'est le même amendement, à savoir: remplacer, après le mot
"Société", les mots la Société Inter-Port de
Québec par les mots suivants: la Société de promotion
industrielle de Québec. Egalement, à l'article 2, remplacer les
mots entre guillemets à la deuxième ligne, "Socété
Inter-Port de Québec", par les mots suivants: Société de
promotion industrielle de Québec.
M. BELLEMARE (Johnson): Oui, oui un vote enregistré,
monsieur.
M. LEVESQUE: Ah!
M. BELLEMARE (Johnson): Non.
M. LEVESQUE: Les commissions siègent en bas.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Si vous voulez, on pourra
suggérer d'enregistrer les dissidences.
M. SAMSON: II y a l'Opposition en bloc en faveur de l'amendement.
M. MORIN: C'est de la dissidence des gouvernementaux qu'il s'agit.
M. SAMSON: C'est ça.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ceux qui votent en faveur. Est-ce que
vous voulez faire indiquer les noms?
M. BURNS: Voulez-vous inscrire, s'il vous plaît, M. le
Président, que le député de Johnson, que le
député de Rouyn-Noranda, que le député de Saguenay,
que le député de Sauvé et que le député de
Maisonneuve ont voté en faveur de cet amendement, mais que le
gouvernement a voté contre?
M. LEVESQUE: C'est exactement ça.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Maintenant le rapport...
M. LEVESQUE: Au désespoir du secrétaire
général qui va avoir de la difficulté... Non, ça
va?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Le rapport de la commission
permanente qui a étudié le projet de loi no 4, Loi constituant la
Société Inter-Port de Québec. Ce rapport est-il
agréé?
M. BURNS: Agréé sur division.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Agréé sur division.
M. LEVESQUE: Troisième lecture?
M. BELLEMARE (Johnson): Même vote enregistré en
troisième lecture.
M. MORIN: En troisième lecture, nous avons des choses à
dire, M. le Président.
M. LEVESQUE: Troisième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Troisième lecture à la
prochaine séance ou à une séance subséquente.
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce
qu'on peut revenir au dépôt de rapports de commissions
élues?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce qu'il y a consentement pour
revenir au dépôt de rapports de commissions élues?
M. BURNS: Consentement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Consentement.
M. LEVESQUE: Article 24. Pardon? Est-ce qu'il y a autre chose?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): II y a le rapport du projet de loi no
90.
M. LEVESQUE: C'est ce que j'ai demandé. Cela n'a pas
été fait? J'ai demandé qu'on revienne au...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, oui, c'est adopté.
L'honorable député de Châteauguay.
Rapport sur le projet de loi no 90
M. KENNEDY: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires
sociales qui a siégé le jeudi 12 décembre 1974 afin
d'étudier le projet de loi no 90, Loi modifiant la loi de la protection
du malade mental, dont tous les articles ont été
adoptés.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Ce rapport est maintenant
déposé.
Ai-je bien entendu que vous avez appelé l'article 24?
M. LEVESQUE: Oui, M. le Président.
Projet de loi no 79 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice
propose la deuxième lecture du projet de loi no 79, Loi modifiant le
code civil et la loi concernant le louage de choses.
L'honorable ministre de la Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, l'année dernière,
nous avons amendé d'une façon très complète,
très exhaustive tout le chapitre du code civil au sujet du louage de
choses, qui comprend évidemment le louage de maisons d'habitation ou de
logements d'habitation. On se souviendra que nous avons repris de fond en
comble les dispositions centenaires du code civil au sujet du louage. Je pense
que nous avons réussi à moderniser de façon très
importante cette partie du code civil. En effet, on sait que, si les gens, en
général, ne passent pas de contrats commerciaux ou de contrats
civils, il y a sûrement un contrat qu'ils vont passer pour la
majorité et c'est un contrat de louage, soit qu'il s'agisse d'un
propriétaire qui désire louer des logements à des
locataires ou de locataires qui désirent louer des logements d'un
propriétaire. Alors, le contrat de louage est un des plus importants de
tout notre code civil au point de vue social, cela est incontestable. Par
conséquent, l'année dernière, nous avons fait une
révision extrêmement complète des dispositions du code
civil, dont un certain nombre étaient dépassées par la vie
économique et sociale, puisque l'ensemble des dispositions que nous
avons reprises dataient de l'époque où on avait adopté le
code civil. Je me permets de signaler aux honorables membres que le code civil
de la province de Québec a été adopté, pour la
première fois, en 1866. Ceci ne veut pas dire que le code civil n'a pas
subi de modifications. Il a subi des modifications, mais le législateur
est toujours extrêmement prudent dans les modifications qu'il apporte au
code civil, car il s'agit d'un monument juridique auquel on ne touche pas
facilement. On peut affecter tel ou tel article et cela a des
conséquences partout dans d'autres dispositions du code civil.
Par conséquent, les Parlements québécois ont
toujours été très prudents dans leur façon de
proposer des amendements au code civil.
Donc, l'année dernière, nous avons pris, je pense, le
taureau par les cornes. Nous avons révisé l'ensemble de la
législation du code civil au point de vue du contrat de louage et je
crois qu'on peut se féliciter des changements qui ont été
apportés. En particulier, je me permets de rappeler le bail type pour
les maisons d'habitation, qui a très bien fonctionné au cours de
l'année dernière.
Il a été sans aucun doute d'une précieuse
utilité et je crois qu'il a contribué véritablement
à mettre de l'ordre dans les relations entre propriétaire et
locataire. Mais voici, M. le Président, toute oeuvre législative
est toujours faillible. On néglige toujours des choses, parce qu'on n'a
pas prévu certaines situations. On a mal appréhendé
certains aspects de la loi et il faut revenir, n'est-ce pas, pour la
perfectionner. Aujourd'hui, ce projet de loi no 79 que je présente n'a
pas de portée particulièrement importante, sauf de corriger, dans
une certaine mesure, certaines des dispositions qui ont été
adoptées par ce Parlement l'année dernière.
Le seul point qui présente une certaine importance je me
permets de le signaler au moment de mon exposé en deuxième
lecture est que l'article 1 permettra au locataire de procéder
par voie de requête pour obtenir l'autorisation de retenir le loyer afin
de procéder aux réparations ou aux améliorations que le
locateur fait défaut d'effectuer, conformément
à l'article 1612 du code civil. La raison pour laquelle nous
proposons cette procédure de requête plutôt qu'une
procédure d'action est, évidemment, la question des
délais. On sait que lorsqu'un locataire veut retenir le loyer parce que
le propriétaire refuse de faire des réparations
nécessaires, et bien, il y a nécessairement urgence dans une
telle situation, donc la procédure de requête s'impose.
Suivent d'autres articles dans ce projet de loi qui visent à
améliorer, dans une certaine mesure, la loi que nous avons
adoptée l'année dernière.
Sur ce, je m'assieds, M. le Président, et je propose à la
Chambre l'adoption de ce projet de loi.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, comme le dit le ministre de la
Justice, il s'agit principalement d'un projet de loi qui vient faire des
ajustements à une loi qu'on a mise à l'essai il y a un an. Il est
parfaitement normal, comme le disait le ministre, que dans l'application d'une
loi aussi importante que celle que nous avions adoptée pour changer le
titre du louage dans le code civil, on se rende compte à l'usage qu'il y
avait un certain nombre de failles. C'est ce que le projet de loi no 79 vient
corriger, de sorte que nous voterons en faveur du projet de loi no 79, quitte
à garder des remarques particulières lorsque nous
étudierons le projet de loi article par article, là où
nous aurons sans doute quelques suggestions à faire au ministre.
Maintenant, je signale, comme il l'a fait d'ailleurs, l'importance,
à mon avis, de l'article 1 qui aura pour effet d'accélérer
cette procédure de rétention du loyer dans les cas où des
réparations ou des améliorations sont exigées par le
locataire. Evidemment, même si les actions qu'on appelle "loc et loc",
c'est-à-dire entre locataire et locateur, sont habituellement
accélérées devant les tribunaux, il n'en demeure pas moins
que, même à Montréal, on se retrouve souvent avec un
délai de six, huit et même neuf mois avant que l'action puisse
être entendue, de sorte que si on améliore la situation pour le
locataire qui pourra procéder sur requête, cela veut dire qu'on
risque d'avoir des décisions, avec le caractère d'urgence que
comporte la mesure.
M. le Président, sans plus de remarques, je déclare que
nous voterons pour le projet de loi no 79.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson M. SAMSON: M. le Président,
d'après le règlement de cette Chambre, en deuxième
lecture, nous devons discuter du principe du projet de loi. Or, dans le projet
de loi no 79, Loi modifiant le code civil et la loi concernant le louage des
choses, il est difficile de retrouver un principe autre que celui d'accepter ou
de ne pas accepter de modifier. Il est évident que nous avons devant
nous une espèce de "package deal". On peut être favorable à
certaines modifications, sans être favorable à d'autres qui sont
incluses dans cette loi. Ce n'est pas facile, M. le Président, de
déterminer jusqu'à quel point on est pour ou contre le principe
qui est devant nous, parce que le principe est d'accepter ou non de modifier le
code civil et la Loi concernant le louage des choses.
C'est évident qu'on est favorable à des modifications,
mais on n'est pas favorable à toute modification. Il y a de très
bonnes choses qui paraissent dans ce projet de loi, mais il y en a une à
l'article 8 qui m'inquiète un peu. On y dit: "Dans un bail de plus de
douze mois, les parties peuvent convenir que le loyer sera rajusté en
fonction de toute variation des taxes municipales ou scolaires affectant
l'immeuble, du coût unitaire du combustible ou de
l'électricité dans le cas d'un logement chauffé ou
éclairé aux frais du locateur et des primes d'assurance-incendie
et d'assurance-responsabilité. "Ce rajustement ne peut avoir lieu au
cours des douze premiers mois du bail et ne peut avoir lieu plus d'une fois au
cours de chaque période additionnelle de douze mois."
Bien sûr,...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! Je
comprends votre point de vue. Maintenant, comme vous le savez, vous allez avoir
l'occasion de discuter l'article 8 à votre choix et de faire les
suggestions que vous souhaitez à ce moment-là sur l'article
8.
Comme vous l'avez souligné, actuellement, c'est le principe
lui-même et non pas les articles du projet de loi.
M. SAMSON: Oui, mais, M. le Président, avec votre permission et
votre bonne compréhension, je n'en ai pas pour longtemps, ce n'est pas
facile de discuter d'un principe quand le principe est: On amende ou on
n'amende pas. Pour la bonne compréhension du débat, cela m'oblige
de citer. Je sais que cela ne se fait pas régulièrement;
habituellement, nos projets de loi ont un principe à défendre.
Mais celui-là n'en a pas. Qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas ma
faute, c'est un projet de loi quand même technique qui amende quelque
chose.
Ce que je veux dire par là et là je vais le rattacher
peut-être au principe pour me permettre de rentrer dans le corridor que
vous semblez vouloir m'imposer, c'est que... Pardon?
M. TARDIF: C'est le règlement.
M. SAMSON: Bien oui, mais quanti le règle-
ment empêche-t-il quelqu'un d'user de son jugement? Jamais. Voyons
donc. M. le Président, je sais que vous êtes capable d'utiliser
votre jugement.
Alors, ceci est pour dire au ministre qu'avant de l'envoyer en
commission parlementaire, je lui souligne que, dans ce projet d'amendement du
code civil, il y a peut-être une chose inquiétante: c'est de
savoir dans quelle proportion cela n'ouvrira pas la porte encore une fois
à certains abus. Quand on dit: II y aura des dispositions dans le projet
de loi là, je ne cite pas l'article qui pourront permettre
qu'entre locataires et propriétaires il y ait un genre de clause
d'indexation. Cela nous amène à nous poser des questions. Dans le
passé, il y a eu plusieurs exemples. L'expérience nous a
prouvé que chaque fois qu'une hausse quelconque est arrivée, soit
au coût de la vie relativement, par exemple, au chauffage, relativement
aux taxes, ce sont surtout les taxes municipales et scolaires qui ont
été, dans le passé, les plus grands prétextes
à augmentation du coût des loyers. Il m'est arrivé d'avoir
des plaintes le ministre en a sûrement eues aussi de la
façon suivante: Un propriétaire de cinq logements a vu ses taxes
annuelles augmenter de $50 et il en a profité pour augmenter les loyers
de $15 à tout le monde. Cela veut donc dire qu'il a utilisé un
prétexte pour augmenter trois fois plus que l'augmentation
réelle.
C'est évident que si on pense à une clause genre
indexation, mais qui est basée sur des faits réels et
vérifiables, cela se défend très bien. Mais je ne retrouve
pas là-dedans le mécanisme garantissant au locataire que
lorsqu'on lui signifiera une hausse de 5 p.c. ou 10 p.c. en prétextant
hausse du coût de la vie, hausse du chauffage, hausse
d'électricité, etc., etc., je ne retrouve pas le
mécanisme, dis-je, qui va garantir aux locataires que la hausse que l'on
va lui proposer sera réellement basée sur des faits
vérifiables.
C'est la seule inquiétude que j'ai. Je n'en ai pas contre le
principe d'ajouter dans ces baux certaines clauses agréées de
part et d'autre, qui empêchent de toujours réviser le bail
annuellement.
Il y a des cas, quand même, où le bail peut être de
plus d'un an. C'est préférable qu'il soit de cinq ou
peut-être de dix ans. Il ne faut pas barrer les jambes à tout le
monde dans cette affaire non plus.
Alors c'est en toute objectivité que je souligne ce fait. Je n'ai
pas la phraséologie en tête pour apporter ce mécanisme que
je suggère, mais les légistes pourront peut-être
suggérer des choses pour la commission parlementaire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la
Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce qu'il y a d'autres
collègues qui ont l'intention de prendre la parole? Sinon, je vais
répliquer immédiatement, en faisant quelques observations au
député de Rouyn-Noranda qui seraient de nature à le
rassurer.
M. SAMSON: Si on me permet, j'aimerais juste dire au ministre, quand
même, en terminant, que, malgré ce que je viens de dire, je suis
d'accord sur le bill.
M. CHOQUETTE: Je veux dire le rassurer sur la solution...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique du ministre de la
Justice.
M. CHOQUETTE: ... au problème soulevé par le
député de Rouyn-Noranda. Je dois dire que le député
de Rouyn-Noranda a fait preuve de beaucoup de perspicacité, ce matin, en
soulevant un problème très réel. Mais je crois que les
solutions au problème qu'il a soulevé se trouvent autant dans le
projet de loi que dans le projet de loi no 80, qui sera abordé par la
Chambre plus tard aujourd'hui et qui doit se lire en même temps qu'on lit
le projet de loi no 79.
Mais si le député me permet immédiatement de lui
dire quelles sont les solutions apportées au problème qu'il a
soulevé, je lui dirai que le but de l'article 8, dans le projet de loi
no 79, c'est de resserrer, dans une certaine mesure, les clauses d'indexation
permises en vertu de la loi que nous avons adoptée l'année
dernière, c'est-à-dire la loi qui a repris, dans son ensemble, le
chapitre du code civil sur le louage de choses.
Dans cette loi qui se trouve dans les lois québécoises
actuelles, nous avons adopté le principe suivant: si un bail est pour un
terme de douze mois ou moins, il ne peut pas y avoir de clause d'indexation
dans un tel bail. Si, par contre, un bail est pour une durée de plus
d'une année, là il peut y avoir une clause d'indexation. Et dans
l'amendement que je soumets ce matin, nous ne faisons simplement que limiter la
portée de ces clauses d'indexation, dans ce sens qu'il ne sera permis de
considérer, dans une clause d'indexation, que l'accroissement des
dépenses réelles, soit par exemple les taxes municipales ou des
facteurs objectivement vérifiables comme ceux-là. Ainsi, la
clause d'indexation ne pourra pas servir à élargir le fardeau du
locataire par suite du fait qu'elle serait beaucoup trop étendue et que
le locataire n'en ressentirait pas la pression au moment de la signature du
bail, puisqu'au fond elle n'entrerait en action qu'un an après la
signature.
Donc, nous tenons compte du point de vue signalé par le
député de Rouyn-Noranda dans ce sens que les clauses d'indexation
devront, en somme, ne comprendre que des facteurs objectifs qui sont de nature
à avoir des répercussions réelles sur les coûts
encourus par les propriétaires.
Deuxièmement, si on me permet de le men-
tionner, dans le projet de loi no 80, s'il y a désaccord entre le
propriétaire et le locataire sur l'incidence de l'application de la
clause d'indexation, c'est-à-dire le montant en supplément qui
est dû par le locataire par suite du jeu de la clause d'indexation, la
Commission des loyers sera habilitée à décider ce litige
entre le propriétaire et le locataire.
Je pense que quand on combine les deux lois, on obtient une solution
satisfaisante à l'effet des clauses d'indexation qui sont, par ailleurs,
permises par le code civil, permises par le bill 79, mais qui pourront jouer
dans certaines conditions bien déterminées.
En somme, les clauses d'indexation sont réglementées et il
y a un mode de décision de l'effet de ces clauses d'indexation. Je crois
que ceci devrait être de nature, M. le Président, à
dissiper les inquiétudes du député de Rouyn-Noranda qui,
ce matin, par la pertinence de ses observations, par la luminosité de
son exposé et par, disons donc, l'acuité de sa perception
législative s'est certainement classé comme un des grands
juristes de toute notre époque moderne.
M. SAMSON: M. le Président, c'est assez pour m'empêcher de
parler le reste de la journée, mais j'aurais quand même une
question à poser au ministre.
M. CHOQUETTE: Je pense que le chef de l'Opposition m'approuve dans mes
observations, M. le Président. Il m'approuve en souriant.
M. SAMSON: Je pense que le ministre n'avait pas tout à fait
terminé son exposé, ce qui me permet de lui demander la
permission de lui poser une question. Je me demande si le ministre est
disposé à considérer une possibilité de
résoudre le problème que j'ai soulevé autrement que par
les dispositions qui paraissent, comme il le dit, dans le bill 80 ou dans les
lois actuelles, c'est-à-dire par l'obligation pour un locataire de se
présenter devant la Commission des loyers, soit pour demander justice,
s'il considère qu'on lui impose une augmentation trop forte, ou soit
encore par simple curiosité, car c'est quand même un droit d'un
citoyen de pouvoir s'informer pour savoir si l'augmentation qu'on lui propose
est basée sur des faits réels.
Pour le savoir actuellement, si j'ai bien compris le ministre
c'est la question que je lui pose il faudra que ce citoyen s'adresse
à la Commission des loyers. Est-ce qu'il n'y aurait pas un autre moyen
pour éviter ce processus?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! Je ne veux pas surtout
être désagréable du tout, mais je crois que la discussion
que vous avez là, devrait être posée à
l'étude de l'article 8; c'est là que vous allez entendre le
dialogue sur cet article. Je pense que tantôt j'ai permis une question,
mais que je n'aurais pas dû le faire. Vous posez une question directement
sur l'article 8.
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne
crois pas que dans notre règlement il soit dit que, lorsqu'on veut poser
une question à quelqu'un qui a la parole et qu'on lui demande la
permission, la question doit durer 30 secondes ou une minute: elle peut
être plus longue. Il n'y a rien qui nous l'interdit. Par contre, je pose
la question de privilège à ce moment-ci, si on m'empêche de
poser cette question, parce que le ministre, dans sa réplique, a
cerné le problème d'une façon telle que je n'ai pas
d'autre moyen que celui de poser une question dès maintenant pour lui
faire préciser sa pensée. C'est pourquoi j'ai posé cette
question.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je crois que notre discussion
et j'en prends une part de responsabilité est hors
d'ordre. Nous sommes en train de discuter d'un article spécifique de ce
projet de loi et je crois que sincèrement cette discussion devrait avoir
lieu au moment de la commission plénière. Je serai alors en
mesure de donner toutes les explications voulues au député de
Rouyn-Noranda et je le ferai avec beaucoup de plaisir. Mais je crois
qu'actuellement nous sommes en train de transgresser les règles qui
s'appliquent au débat en deuxième lecture.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de deuxième
lecture est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.
LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce projet de loi.
Second reading of this bill.
Projet de loi déféré à la
commission
M. BIENVENUE: Je fais motion, M. le Président, pour que ce projet
de loi no 79 soit déféré pour étude article par
article à la commission parlementaire de la justice.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Cette motion de renvoi à la
commission parlementaire de la justice est-elle adoptée?
M. BURNS: Adopté.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Adopté.
M. BIENVENUE: Article 25, M. le Président.
Projet de loi no 80 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la Justice
propose la deuxième lecture du projet de loi no 80, Loi prolongeant et
modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires.
L'honorable ministre de la Justice.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais attirer
l'attention du secrétaire sur le fait que cette loi entraîne une
dépense d'argent? Par conséquent, on devrait me donner le papier
habituel.
M. HARDY: L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de cette
loi et il en recommande l'adoption par la Chambre.
M. CHOQUETTE: J'ai raison certainement. Je ne veux pas faire
entraîner une dépense d'argent sans avoir l'autorisation du
lieutenant-gouverneur.
M. BURNS: Sans voir le papier.
M. CHOQUETTE: Sans voir le papier, non plus.
Vous me donnez le papier, donc, nous allons être dans la bonne
voie.
Merci beaucoup.
M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province
a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude
à la Chambre.
M. VEILLEUX: Très bien.
M. HARDY: Si on était respectueux, on ne discuterait même
pas; on l'adopterait.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je tiens à prévenir
nos honorables collègues de la Chambre que je vais prononcer un discours
très technique, qui a 30 pages, qui ne comporte rien de...
M. SAMSON: Est-ce que vous pourriez le déposer?
M. CHOQUETTE: Si c'était la procédure acceptée,
probablement que je le suggérerais.
Mais, par contre, je crois que c'est un exposé qui mérite
d'être fait, étant donné que ce sont les aspects
économiques du contrôle des loyers auxquels je m'intéresse
dans mon exposé et que ceci est une dimension très importante.
Mais je laisserai de côté, je le dis en toute franchise et ceci
pour ne pas allonger mon discours, les aspects sociaux et juridiques. Je prends
en considération que nous avons toujours, à l'occasion de ces
projets de loi, discuté des aspects sociaux et juridiques et j'ai
pensé que le temps était venu de faire un exposé de
l'aspect économique du contrôle des loyers.
M. BIENVENUE: ... si le ministre n'a pas le temps. Très bien.
Est-ce que c'est à peu près une page à la minute?
M. CHOQUETTE: On peut dire cela, oui.
M. HARDY: M. le Président, je m'excuse auprès de mon
collègue, le leader adjoint. Je ne voudrais pas retarder les travaux,
mais je trouve que de plus en plus on a tendance à minimiser l'esprit du
parlementarisme, à minimiser l'art oratoire. Je pense que le ministre de
la Justice a un excellent exposé à faire. Je m'inscris en faux
contre les. remarques du député de Rouyn-Noranda et, au nom du
respect de la tradition parlementaire, je souhaite que le ministre prononce
intégralement son discours.
M. SAMSON: Sur la question de règlement, M. le Président,
je regrette énormément que l'honorable ministre des Affaires
culturelles se soit senti piqué par mes remarques qui n'étaient
que très amicales. Je lui soulignerai, M. le Président, que je me
rappelle l'avoir déjà entendu, lui, par certaines remarques,
suggérer que nos travaux passent beaucoup plus vite qu'ils ne passaient
à l'occasion, M. le Président, de certaines fins de session.
Comme je ne voudrais pas m'inscrire en faux contre ce que j'ai
déjà entendu de lui, M. le Président, je me limiterai
à ces quelques remarques.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Kennedy) : Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je donnerai au journal des
Débats le texte de ce discours qui comporte certains sous-titres de
façon que ces sous-titres se trouvent dans la transcription au journal
des Débats pour la compréhension du texte.
Le projet de loi no 80 a pour objet de prolonger la Loi pour favoriser
la conciliation entre propriétaires et locataires pour une
période d'une année, tout en y apportant certaines
améliorations désirables. a) La petite histoire depuis 1972: Vous
connaissez ce que l'on pourrait appeler en quelque sorte la petite histoire de
cette loi, soit le code des loyers en 1972, la Loi pour contrôler les
hausses abusives en 1973, les projets de loi no 78 et 79 déposés
et retirés en 1973 et la prolongation de la loi de conciliation pour
1974. Un élément fondamental de cette petite histoire est
certainement le contrôle des loyers et toutes les questions et
problèmes qui se rattachent au contrôle des loyers. C'est un
domaine auquel j'attache une grande importance. La liste des projets
antérieurs le démontre,
ainsi que les nombreuses heures de commission parlementaire que nous y
avons consacrées, mais un domaine dans lequel il faut également
être très prudent.
Je le dis d'autant plus explicitement et sans aucune réticence
que cette prudence n'a pas nui aux intérêts de la population
puisque, en fait, le contrôle des loyers a été
appliqué à la grande majorité des logements du
Québec en 1973 et en 1974 et qu'il le sera en 1975, ceci sans effets
économiques néfastes prévisibles. b)Déclaration de
principe. Le projet de loi maintenant déposé indique que je suis
convaincu que le contrôle des loyers est nécessaire en 1975, que
je suis satisfait des effets de son application en 1974, même s'il est
possible d'améliorer le contenu de la loi. Mais le moment n'est pas venu
d'instaurer le contrôle des loyers sous une forme permanente, pas plus
que de fixer définitivement la nature de l'institution qui devrait
administrer un éventuel contrôle permanent. c)Le plan de
l'exposé.
Avant de répondre à deux questions qui viennent
immédiatement à l'esprit. La première, c'est le risque que
nous nous acheminions vers une crise du logement; la deuxième, le fait
qu'un contrôle des loyers ne règle pas tous les problèmes
du logement, et on peut en ajouter une troisième: Pourquoi encore une
prolongation temporaire?
Je crois qu'il faut d'abord dire pourquoi le logement n'est pas un bien
comme les autres, qu'on pourrait laisser obéir aux lois d'un
marché libre, et dire aussi pourquoi le contrôle des loyers est
nécessaire en 1975 et ce qu'il a donné comme résultat en
1974. Et, si vous me le permettez, j'ai l'intention d'indiquer également
de quelle façon fonctionne la fixation des loyers au Québec.
Justification du principe du contrôle des loyers, a) Le logement
n'est pas un bien comme les autres. Effectivement, le logement locatif n'est
pas un bien comme les autres et ne se compare pas au vêtement ou à
l'automobile. C'est un bien que l'on consomme sans jamais en être le
propriétaire et sans même l'user de façon significative
puisqu'un locataire, en payant son loyer, paye l'entretien, les
réparations et tous les autres frais.
C'est un bien dont on ne peut pas retarder la consommation, alors que
l'on peut attendre pour changer de voiture ou pour se payer un filet mignon.
C'est un bien non substituable, en ce sens qu'on ne peut pas le remplacer par
un autre bien équivalent. Ainsi, les locataires ne peuvent pas
décider de faire du camping ou de vivre dans des maisons mobiles, tandis
qu'on peut, jusqu'à un certain point, remplacer la voiture par les
transports publics, ou la viande par le lait ou le poisson.
Il faudrait consulter les savants diététiciens de mon
collègue des Affaires sociales. Le logement est un bien dont on ne peut
pas diminuer aisément la consommation temporairement, par exemple un
locataire ne peut pas consacrer moins pour son loyer pendant quelques mois ou,
s'il décide de déménager dans un logement moins
coûteux, il doit encourir les frais du déménagement et
d'une nouvelle installation. b)Importance sociale du logement. Donc, le
logement n'est pas un bien comme les autres et c'est une dépense
difficilement compressible, même si elle peut constituer un poste
important du budget familial. Je vous cite quelques chiffres éloquents.
En mai 1972, à Montréal, des familles, gagnant moins de $5,000
par année, consacraient 37.7 p.c. de leurs revenus au logement,
proportion qui diminue rapidement avec les hausses de revenu. Les
ménages non familiaux, donc essentiellement les personnes seules,
gagnant moins de $5,000 par année, consacraient 41.6 p.c. de leur revenu
au logement. Or, les études montrent que, pour les familles à
faible revenu, toute hausse de loyer amène des sacrifices au niveau de
l'alimentation et du vêtement. c)Le marché du logement n'est pas
réellement concurrentiel. Reste à voir pourquoi on ne peut pas
confier entièrement la satisfaction du besoin de logement au
fonctionnement libre de la loi de l'offre et de la demande. Point n'est besoin
d'être économiste pour comprendre qu'en théorie, sur un
marché ordinaire, un accroissement de la demande provoque une hausse des
prix et que cette hausse des prix stimule la production jusqu'au point
où, finalement, l'offre satisfait la demande et les prix se
rétablissent à un niveau normal.
Ce mécanisme économique très simple peut
fonctionner à merveille si le marché est concurrentiel, par
exemple si les producteurs ne peuvent pas artificiellement maintenir des prix
élevés. Il fonctionne aussi lorsque la production peut s'adapter,
ce qui n'est pas toujours le cas, lorsque, par exemple, le climat ne favorise
pas la production agricole ou que les ressources énergétiques se
font rares. Le marché du logement est lui aussi dans une situation bien
particulière et ne fonctionne pas selon le schéma concurrentiel
théorique. Comme disent les économistes, il y a des imperfections
du marché.
D'abord, l'offre des logements ne s'adapte pas aisément à
la pression de la demande. Bien sûr, il est possible de construire des
logements neufs.
Les logements neufs de 1974 coûtent beaucoup plus cher à
construire que les logements de qualité similaire construits il y a
quelques années, et ceci résulte de l'inflation. Alors, quand
bien même la population désirerait habiter des logements
construits il y a quinze ou vingt ans à des coûts qui nous
paraîtraient maintenant ridicules, il est absolument impossible
d'augmenter l'offre de ces logements. Toute hausse de la demande pour de tels
logements risque littéralement de propulser les prix jusqu'à un
niveau où ils entrent en concurrence avec des logements neufs, ce qui
est tout à fait possible lorsque le taux de vacance est très
bas.
Ceci nous explique une théorie qui a cours dans certains milieux
et selon laquelle il conviendrait de louer un logement selon sa valeur de
remplacement. Il est évident qu'en période d'inflation une telle
pratique permet aux propriétaires des plus-values très
considérables. Retenons cependant que plus un logement est
récent, plus il subit la concurrence des logements neufs, si bien qu'un
contrôle des loyers serait moins nécessaire pour les logements
neufs que pour les autres.
Un deuxième problème de ce marché est le coût
des déménagements. Les locataires sont pénalisés
quand ils décident de déménager plutôt que
d'accepter une augmentation de loyer, d'où un problème
relié à l'immobilité des locataires alors que la
mobilité est une condition nécessaire à l'existence d'un
marché concurrentiel. d)Le contrôle n'est pas une
hérésie.
Tout ceci nous démontre qu'il y a des raisons sérieuses
pour que l'Etat intervienne sur le marché du logement locatif.
L'intervention sur les prix n'est d'ailleurs pas une hérésie dans
un système capitaliste. Nous avons déjà l'exemple des
interventions sur les prix du lait, du pain, du téléphone, du
pétrole, etc. Il y a effectivement un contrôle des prix dans le
domaine de l'éducation, de l'hospitalisation, des soins de santé.
Evidemment, l'intervention tient compte des caractéristiques propres
à chaque besoin. La société a, à toutes fins
pratiques, contrôlé à peu près tout le
système d'enseignement. Il en est de même des hôpitaux.
L'intervention sur les soins de santé est différente, mais
l'assurance-maladie serait impensable sans une négociation avec les
professionnels de la santé, négociation qui a eu pour objet la
fixation des prix des soins de santé. Même chose pour l'aide
juridique.
Alors, dans le domaine du logement, la question, à mon sens,
n'est pas de savoir si on doit intervenir, mais bien de quelle façon il
faut le faire. e) Justification partielle du caractère temporaire de la
prolongation.
Mon collègue des Affaires municipales et moi-même avons
récemment créé un groupe de travail sur l'habitation avec
le mandat d'examiner la politique d'habitation du Québec. Je ne veux pas
présumer de la conclusion de ces travaux et des recommandations qui nous
seront faites, mais je constate que pour plusieurs programmes de portée
sociale il a fallu négocier ou imposer une forme de contrôle des
prix.
En ce qui concerne l'habitation, il est déjà connu que les
programmes de subventions sont souvent accompagnés d'un contrôle
des loyers ou des hausses des loyers. Je me demande si nous pourrons
étoffer notre politique d'habitation sans conserver le contrôle
des loyers. Je pense, pour ma part, que le contrôle des loyers serait une
mesure nécessairement complémentaire aux autres programmes
d'habitation. Et c'est une des raisons pour lesquelles il me paraîtrait
hâtif de fixer d'une façon permanente le contrôle des loyers
sans avoir des indications plus précises des programmes d'habitation que
nous déciderons dans l'avenir et qui pourront nous être
recommandés par le comité créé par le ministre des
Affaires municipales et moi-même, lequel est présidé par M.
Guy Legault. Je rappelle à ce sujet que ce comité sur
l'habitation a reçu un mandat très large, que sa composition est
très diversifiée et qu'il représente tous les secteurs
intéressés au domaine de l'habitation à partir des
constructeurs-développeurs en passant par les locataires et allant
jusqu'aux urbanistes, et j'en passe.
Je rappelle aussi, M. le Président, que j'ai demandé au
comité de s'intéresser en priorité à la question du
contrôle des prix des logements et, en particulier, à toute la
législation québécoise qui existe et qui sera probablement
adoptée par ce Parlement, prévoyant le contrôle des prix
par le moyen de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires.
Pourquoi le contrôle en 1975? a)L'inflation en 1975. Il me
paraît, toutefois, que le contrôle des loyers est nécessaire
en 1975. En effet, rien ne nous permet de penser que la poussée
inflationniste se ralentira très sensiblement en 1975, malgré
tous nos efforts. Par contre, la population est en droit de s'attendre que nous
atténuions, autant que possible, les effets de l'inflation et ceci est
particulièrement important dans le domaine du logement locatif.
De plus, la poussée inflationniste risque d'être
particulièrement forte dans ce domaine en 1975 à cause du faible
taux de vacances et de la baisse de la construction en 1974. Nous reviendrons,
tout à l'heure, sur les causes de cette baisse. b)Réussite de
l'expérience de 1974. Déjà, nous pouvons évaluer
les bénéfices du contrôle des loyers en 1974. Les
recherches effectuées, au cours de 1974, indiquent que probablement au
moins 25 p.c. des locataires du Québec, soit 220,000 personnes, auront
obtenu des informations de la Commission des loyers, alors que le nombre de
causes d'élèvera probablement à environ 38,000 durant
cette année. On peut donc conclure que l'impact de l'existence de la loi
est beaucoup plus important que ne le laisse supposer le nombre de causes, et
c'est exactement ce qu'il faut rechercher.
La loi de conciliation n'a pas résulté en un très
grand nombre de causes, mais son impact réel provient de son existence
même et de l'intense publicité qui a été
effectuée au début de l'année 1974. Un très grand
nombre de locataires et de propriétaires se sont entendus librement
entre eux, tout en sachant qu'un recours à la Régie des loyers
était possible.
Les effets économiques. Ceci étant, il faut
reconnaître qu'un contrôle des loyers a pour effet
inévitable de ralentir la croissance des profits des
propriétaires. Il s'ensuit qu'on pourrait craindre que ce genre de
choses ne nous amène rapidement à une crise du logement
locatif.
a)Explication de la baisse de la construction résidentielle en
1974.
Examinons d'abord le cas de l'année 1974. Même si je n'ai
pas tous les chiffres en main, il est quasiment de notoriété
publique que la construction de logements locatifs a diminué en 1974.
Même si nos chercheurs ne se sont pas livrés à une
étude approfondie des causes de cette diminution, il y a des
explications qui s'imposent d'elles-mêmes. La hausse des taux
d'intérêts hypothécaires et des coûts de construction
doit nécessairement se répercuter sur les loyers des logements
neufs et sur la construction de ces logements. Or, dans une telle situation
inflationniste, les prix des biens et des services s'ajustent plus
aisément à la hausse des prix que les revenus des locataires. Il
est normal que les constructeurs trouvent alors la construction commerciale et
industrielle plus intéressante que la construction résidentielle.
Autrement dit, un marchand peut modifier ses prix de vente sans délai et
ainsi absorber une hausse de loyer, tandis qu'un salarié obtient plus
difficilement un ajustement de son salaire. Du point de vue du constructeur, il
est donc préférable d'attendre un peu que les revenus salariaux
s'ajustent.
Cette explication est un peu technique, évidemment, et des
études approfondies permettraient de l'étoffer et de la raffiner.
b)Les préoccupations économiques importantes et l'entreprise
privée.
Voyons maintenant ce qui pourrait arriver durant les années
prochaines. Les craintes concernant une crise du logement due au contrôle
des loyers se résument à deux points précis: D'abord que
les investissements s'orientent vers d'autres secteurs, par exemple la
construction de maisons unifamiliales ou de logements en
copropriété, ce qui précipiterait une pénurie de
logements locatifs alors que ces derniers sont essentiels, et le demeureront,
à la satisfaction des besoins actuels et prévisibles. Ensuite,
que les propriétaires actuels ne s'intéressent plus à
l'entretien et à l'amélioration du stock de logements ce qui
amènerait à une "taudifica-tion" rapide du stock et à une
détérioration des conditions de logement et de la qualité
de la vie.
Il y a bien des expériences connues où le contrôle
des loyers a créé des difficultés insurmontables.
M. ROY: Pour moi, le ministre n'avait pas lu le projet de loi avant.
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. ROY: Pour moi, le ministre n'avait pas lu le projet de loi avant.
M. MORIN: Ce n'est pas son discours, il ne l'avait pas lu.
M. CHOQUETTE: Je l'ai composé et je l'ai repris plusieurs fois.
Mais là, j'ai buté sur un mot. Je répète, M. le
Président, parce que vous étiez distrait par quelques
facéties, peut-être par le chef de l'Opposition ou le
député de Beauce-Sud.
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. CHOQUETTE: Tout allait bien dans cette Chambre...
M. SAMSON: J'invoque le règlement, M. le Président...
M. CHOQUETTE: Avez-vous...
M. SAMSON: ... articles 1 à 134 pour vous dire, M. le
Président, que c'est le ministre qui nous a distrait quand il vous a
parlé de "taudification".
M. MORIN: Je dois dire d'ailleurs que cela nous a
réveillés, M. le Président.
M. CHOQUETTE: Avez-vous remarqué, M. le Président, que
tout allait bien dans cette Chambre tant que le député de
Beauce-Sud n'est pas arrivé?
M. MORIN: Tout le monde dormait, M. le Président. Tout le monde
dormait paisiblement.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Kennedy): Continuez!
M. CHOQUETTE: Le sérieux fait dormir le chef de l'Opposition.
Cela n'est pas la réputation qu'il s'était acquise avant de venir
en cette Chambre. Il avait la réputation d'un homme très
sérieux qui ne s'endormait pas dans les conférences
universitaires ou lorsqu'on lui faisait des discours savants.
M. MORIN: Le ministre est divertissant.
M. CHOQUETTE: J'espère que ce n'est pas la politique qui l'a
transformé, qui l'a changé. J'espère qu'il reste toujours
le même.
M. MORIN: L'influence du ministre déteint sur moi.
M. CHOQUETTE: J'espère, M. le Président, que je n'ai pas
une si mauvaise influence sur le chef de l'Opposition. Si c'est le cas, je vais
tenter d'y remédier.
M. SAMSON: Parlez-nous de la "taudification".
M. CHOQUETTE: Je reviens donc et je répète la
dernière phrase que mes honorables collègues d'en face n'ont
peut-être pas saisie mais qui me paraît importante.
M. MORIN: Les cailloux de Démosthène vous seraient
utiles.
M. CHOQUETTE: II y a bien des expériences connues où le
contrôle des loyers a créé des difficultés
insurmontables. Ces craintes sont donc normales et c'est le genre de questions
que nous avons examinées en priorité.
L'industrie privée et la propriété privée
assurent la grosse part de la croissance du stock de logements et de son
entretien. Je ne pense pas que ceci puisse se modifier. Ce n'est ni possible ni
même souhaitable. Il n'est pas question de nationaliser les logements.
Les interventions de l'Etat au niveau de la construction, de l'entretien ou de
l'amélioration vont demeurer complémentaires à
l'activité privée et s'adresser à des clientèles
spécifiques. Il s'agit ici d'être réaliste tout en
s'assurant que les programmes gouvernementaux d'habitation auront un impact
maximal.
Par conséquent, forcé de reconnaître que le profit
va demeurer le principal moteur du marché de l'habitation, il faut que
la construction soit payante, de même que l'entretien. Mais
jusqu'à quel point ces activités doivent-elles être
rentables? Le réponse est: Jusqu'au point où elles seront aussi
intéressantes que d'autres activités de remplacement. Il n'est
pas essentiel pour cela de permettre des hausses de loyers sans aucun
contrôle. c)Exemple de plus-value abusive. Prenons un exemple concret. La
valeur d'un édifice à revenu dépend du revenu net
d'exploitation actuelle et prévisible. Le revenu net d'exploitation est
le revenu brut moins les dépenses d'exploitation, soit moins les taxes,
les assurances, les combustibles, l'entretien, les réparations mineures
et les frais d'administration.
Si un propriétaire accroît ses loyers dans une mesure
supérieure à l'accroissement de ses dépenses
d'exploitation, il accroît son revenu net d'exploitation, donc la valeur
de son immeuble. Supposons qu'un immeuble de $100,000 est acheté avec
$15,000 de comptant et $85,000 d'hypothèque.
Si la valeur de l'immeuble passe de $100,000 à $110,000 dans un
an et que le propriétaire revend cet immeuble, il lui reste $25,000 dans
ses goussets, au lieu des $15,000 qu'il avait investis un an auparavant. C'est
un profit de 66 p.c. dans un an.
Des profits de cette envergure ne sont certainement pas une condition
absolue pour que l'habitation demeure un investissement intéressant et
concurrentiel. d)Incitation à la construction, période de cinq
ans.
Il y a toutefois une exception en ce qui concerne les logements neufs,
lesquels doivent pouvoir bénéficier d'une totale liberté
pendant cinq ans, ce qui est prévu au paragraphe 7 de l'article 34 du
bill 80.
Je sais que, durant cette période, les propriétaires
sauront se montrer raisonnables. Nous avons déjà vu que le
contrôle des loyers est moins nécessaire dans le cas des logements
neufs parce que le marché y est plus concurrentiel.
Une autre raison est que les propriétaires doivent disposer du
délai nécessaire pour bien connaître leurs frais
d'exploitation et planifier leur revenu brut en conséquence.
Finalement, il convient de reconnaître que les
constructeurs-développeurs dont l'activité est très
importante pour la construction résidentielle nouvelle, construisent
surtout dans l'espoir de revendre l'immeuble récemment construit avec un
bénéfice intéressant. Ce bénéfice
dépend de la justesse des prévisions du
constructeur-développeur et de sa compétence technique, et il est
de nature essentiellement spéculative.
En effet, un tel investissement constitue un risque souvent important et
il est normal que la rémunération dépende de l'ampleur du
risque.
Un contrôle des loyers sur les immeubles neufs supposerait que
l'Etat mesure l'ampleur du risque pour en fixer la rémunération
normale, ce qui est évidemment impossible sur le plan technique.
Autrement dit, étant donné les caractéristiques
propres au marché de la construction, j'estime que la loi de l'offre et
de la demande esta même de jouer son rôle adéquatement
lorsqu'il s'agit de logements neufs. Si le contrôle des loyers ne doit
pas s'appliquer durant les cinq années suivant la date de la fin des
travaux, c'est parce qu'il faut accorder un délai pour que puissent se
dérouler les étapes suivantes: 1. Que le constructeur ait le
temps de louer tous les logements de l'immeuble. 2. Qu'il ait le temps de
trouver un acheteur dans les délais qui ne soient pas brefs au point de
lui enlever toute possibilité d'analyse du marché et de
négociations sérieuses. 3. Que l'acheteur ait le temps requis
pour connaître ses coûts d'opération et ajuster ses loyers
en conséquence.
La nature du contrôle des loyers au Québec. a) On
détermine la hausse et non pas la valeur absolue.
Il résulte de cette analyse que le contrôle des loyers peut
s'appliquer durant la sixième année qui suit la fin des travaux
notion juridique que le chef de l'Opposition connaît bien
et qu'un tel contrôle ne doit concerner que les variations de loyers et
non pas leur niveau absolu.
Je m'explique. Ce que nous faisons au Québec, c'est un
contrôle des augmentations de loyers dans le but d'empêcher les
hausses abusives. Puisqu'il est essentiel d'accorder cinq années de
non-contrôle sur les immeubles neufs, il serait incohérent de
vouloir, au cours de la sixième année, intervenir
rétroactivement sur ce qui s'est passé durant ces cinq
dernières années.
De plus, il ne serait pas sérieux de vouloir déterminer la
valeur réelle ou objective d'un logement. D'abord, la valeur d'un
logement dépend de chaque personne concernée. Celui
qui, en déménageant, se rapproche de son travail et
économise ainsi des frais de transport et du temps sera prêt
à payer un loyer plus élevé que son voisin.
Tout dépend de leurs désirs respectifs pour ce genre de
logements. Donc, il est normal que plusieurs logements identiques soient
loués à des prix différents. Nous ne pourrions pas
égaliser les loyers de logements identiques sans créer des
injustices et des inéquités flagrantes.
Une technique qui consisterait à faire la moyenne des loyers de
logements identiques pour trouver la vraie valeur ne conviendrait pas à
nos objectifs. La valeur du marché n'est pas une indication valable,
sauf pour les logements neufs. J'ai expliqué plus tôt que la loi
de l'offre et de la demande ne donnait pas des résultats satisfaisants
dans le cas des logements déjà construits et qu'en pratique il
est souhaitable d'appliquer un contrôle des hausses de loyers sur les
logements vieux de plus de cinq ans.
On nous a souvent dit que la valeur du marché libre devrait
servir à déterminer les hausses de loyers. Ceci serait absolument
contraire au principe même du contrôle, lequel est
précisément justifié par les imperfections du
marché libre. d) Exposé général de la
méthode de fixation. Je crois que toutes ces explications me permettent
de résumer la nature du contrôle des loyers inhérent
à la loi de conciliation. Il s'agit de déterminer les
augmentations justes et raisonnables des loyers des logements vieux de six ans
ou plus. L'augmentation a comme point de départ le loyer
antérieur fixé librement ou par le mécanisme de
contrôle des hausses de loyers.
La Commission des loyers a mis au point une méthode, une
technique de calcul des hausses de loyers. Les administrateurs et les
commissaires aux loyers utilisent cette méthode, mais tiennent
également compte des facteurs humains, administratifs et juridiques
pertinents à chaque cas lorsqu'ils rendent leurs décisions.
La méthode de fixation permet de déterminer quelle serait
la hausse juste et raisonnable d'un loyer qu'un locataire devrait supporter,
selon un point de vue strictement financier et économique. Elle n'est
pas conçue pour évaluer si le loyer antérieurement
payé était trop bas ou trop élevé, mais uniquement
pour estimer une augmentation juste, donc pour enrayer des hausses abusives de
loyers.
Comme il s'agit d'un mode de calcul, d'une variation, il suffit de tenir
compte des éléments ou facteurs qui ont varié et non pas
des autres. Ainsi, le calcul technique habituel n'incorpore pas les facteurs
relatifs au site ou à la grandeur d'un logement, non plus qu'à la
qualité des matérieux qui ont été utilisés
pour construire l'immeuble. c) Exposé technique de la méthode de
fixation: La méthode technique de fixation des variations de loyer
consiste à évaluer dans quelle mesure une augmentation de revenus
doit être accordée à un locateur ou propriétaire
pour la totalité d'un immeuble et à répartir les effets
parmi les locataires au prorata du loyer payé par chacun. Bien entendu,
une telle répartition ne peut toucher que les locataires dont les cas
sont soumis à la Régie des loyers.
Les principales étapes sont les suivantes. D'abord, la
totalité des augmentations réellement encourues par le
propriétaire au chapitre des taxes et des assurances doit être
répartie entre les locataires. Deuxièmement, les locataires
doivent également absorber les augmentations pour les combustibles,
l'électricité et les dépenses courantes d'entretien, de
services ou de réparations mineures, mais uniquement dans la mesure
où ces éléments de dépenses ont été
influencés par la hausse des prix et en excluant les frais
d'administration. En d'autres termes, si l'huile à chauffage a
coûté $200 au propriétaire, le locataire doit absorber la
part de ces $200 qui est attribuable à la hausse du prix de l'huile.
Troisièmement, les améliorations et réparations majeures
effectuées par un propriétaire donnent également lieu
à des hausses de loyer calculées de façon à
accorder au propriétaire un rendement normal sur ce genre de
dépenses capitales. Je suppose que ce rendement pourrait être aux
environs de 11 p.c. en 1975. Il en va de même pour les nouveaux services
qui seraient mis à la disposition des locataires par le
propriétaire, sauf que, dans ce cas, le rendement fixé peut
varier selon la désirabilité du nouveau service.
L'application des trois étapes que je viens de vous exposer a
pour résultat de maintenir intact le revenu net d'exploitation puisque
les hausses de dépenses subies par le propriétaire sont
incorporées au nouveau loyer, à l'exception des frais
d'administration dont la part n'est pas énorme. Pourtant, il faut
ajouter une quatrième étape pour tenir compte de deux facteurs
supplémentaires: la plus-value et les taux d'intérêt. En ce
qui a trait à la plus-value, l'explication est la suivante. Nous savons
que l'inflation est la croissance du prix des biens et services, soit de leur
valeur monétaire. Une personne qui achète des biens se
protège contre l'inflation puisque la valeur de ses avoirs croît
au rythme de l'inflation, contrairement à ce qui se passe pour les
capitaux prêtés ou placés à la banque, leur pouvoir
d'achat diminuant au rythme de l'inflation. Une façon d'acheter des
biens et services, c'est de se procurer des actions sur le marché de la
Bourse. L'observation de la valeur quotidienne des actions ou valeurs
mobilières nous montre qu'elles ont actuellement tendance à
diminuer en dépit de l'inflation.
Mais il s'agit là d'un phénomène qui ne peut pas se
poursuivre à long terme. Les hausses peuvent être aussi soudaines
et brusques que les baisses. Une autre façon d'acheter des biens c'est
d'investir dans l'immeuble. Or, si nous ne permettons pas aux
propriétaires une certaine plus-value, ils seront sur le même pied
que ceux qui placent leur argent à la banque, subissant une
dépréciation constante au rythme de l'inflation.
Dès lors, l'immeuble ne sera plus un placement
intéressant, à moins que le rendement
annuel ne soit très élevé, ce qui aurait des
conséquences malheureuses sur la construction et le niveau de loyer des
logements neufs. Pour éviter de telles conséquences, nous devons
faire en sorte que les immeubles enregistrent annuellement une plus-value
raisonnable, sans connaître des fluctuations aussi erratiques et
prononcées que celles des valeurs mobilières auxquelles je
faisais allusion tout à l'heure.
Quant aux taux d'intérêt hypothécaire, leur hausse
rapide en 1974 a placé en mauvaise posture financière un certain
nombre de propriétaires qui devaient refinancer leurs immeubles et dont
les paiements mensuels d'intérêt et de capital se sont accrus
sensiblement. Or, il est impensable de faire varier le loyer d'un locataire en
fonction directe et immédiate de la variation des paiements mensuels de
son propriétaire. Ceci inciterait les propriétaires à
hypothéquer leurs immeubles au maximum, sans tenir compte aucunement des
taux d'intérêt puisque les locataires absorberaient tous les
contrecoups de ces actes des propriétaires.
Par ailleurs, il n'est pas raisonnable de procéder de telle
façon que la hausse des paiements mensuels risque de mettre en faillite
certains propriétaires à cause d'un contrôle des loyers
trop rigide. Il faut donc trouver une solution valable qui puisse s'appliquer
à l'ensemble des immeubles sans s'attacher à la situation
financière spécifique de chacun des propriétaires. d)
Détails sur le facteur de rendement. Dans cette optique, la Commission
des loyers utilise ce qu'elle appelle le facteur de rendement. C'est un
pourcentage d'augmentation du revenu net d'opération, pourcentage qui
permet une plus-value raisonnable et modérée et qui tient compte
de la variation des taux d'intérêt sur le marché
hypothécaire.
Ce pourcentage ou facteur de rendement s'ajoute à celui qui est
déjà calculé selon la hausse des dépenses
d'exploitation et le montant des dépenses capitales, soit les
réparations et les améliorations majeures.
En 1974, le facteur de rendement était calculé en
observant la croissance annuelle moyenne, sur une période de dix ans,
d'une série d'actions cotées à la Bourse. Il assurait
ainsi une hausse de loyer suffisante pour permettre une plus-value raisonnable,
en quelque sorte normalisée sur dix ans, ainsi que pour couvrir les
hausses des frais d'administration et des taux d'intérêt encourus
en 1973.
La hausse des taux d'intérêt en 1974 nous oblige à
modifier le facteur de rendement pour 1975, modification qui s'appliquera aussi
et nécessairement aux fixations de loyers effectuées en 1974. Le
facteur de rendement de 1975 sera calculé de façon à
compenser à moyen terme, soit sur environ trois années, l'effet
de la variation des taux d'intérêt sur la valeur économique
des immeubles.
M. le Président, je constate qu'il est une heure, mais il me
reste environ cinq ou six pages à lire. Je me demande si je ne pourrais
pas, avec l'acquiescement de nos collègues, terminer mon discours.
M. BURNS: Cela veut dire quinze minutes, cinq ou six pages.
M. CHOQUETTE: Je n'insiste pas.
M. ROY: M. le Président, en ce qui nous concerne, on n'a aucune
objection à entendre le ministre; c'est une lecture très
intéressante et fort passionnante.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de...
M. BURNS: Je n'ai pas d'objection, mais je vous indique que cela veut
dire à peu près quinze minutes.
M. SAMSON: Revenez-vous cet après-midi?
M. CHOQUETTE: Oui, oui, je reviens cet après-midi,
certainement.
M. SAMSON: Vous continuerez cet après-midi.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je constate qu'il y a trois
préopinants qui me demandent de suspendre; alors, je demande la
suspension.
M. ROY: M. le Président, il va y en avoir quatre parce que
j'étais convaincu que la Chambre ajournait ses travaux à midi
pour reprendre mardi. Comme nous revenons cet après-midi, je suis
entièrement d'accord pour que vous repreniez cet après-midi, afin
de nous remettre dans l'ambiance.
M. CHOQUETTE: Très bien, M. le Président. Alors, je
reprendrai le texte de mon discours, à deux heures trente?
M. BURNS: Trois heures.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'Assemblée suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
Reprise de la séance à 15 h 8
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable ministre de la
Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, au moment de la suspension de la
Chambre, plus tôt aujourd'hui, j'étais à expliquer la
préparation, la composition du facteur de rendement dont nous tenons
compte dans l'établissement des augmentations de loyer qui peuvent
être autorisées par les administrateurs et les commissaires de la
Commission des loyers.
Je reprends donc mes propos, M. le Président, quelques phrases
avant l'endroit où je suspendais, de façon que la transition soit
assurée entre ce que je disais ce matin et ce que je vais continuer
à dire cet après-midi au cours de cet exposé en
deuxième lecture.
M. MORIN: M. le Président, nous dispenserions volontiers le
ministre de relire ce qu'il nous a déjà lu ce matin.
M. CHOQUETTE: Merci. Je ne répéterai pas
entièrement tout ce que j'ai dit.
La hausse des taux d'intérêt, en 1974, nous oblige à
modifier le facteur de rendement pour 1975, modification qui s'appliquera aussi
et nécessairement aux fixations de loyer effectuées en 1974. Le
facteur de rendement de 1975 sera calculé de façon à
compenser à moyen terme, soit sur environ trois années, l'effet
de la variation des taux d'intérêt sur la valeur économique
des immeubles.
La valeur économique est l'actualisation au taux
d'intérêt courant du revenu net de fonctionnement d'un immeuble,
de sorte qu'une hausse du taux d'intérêt baisse la valeur
économique d'un immeuble si le revenu net n'est pas ajusté.
Le facteur de rendement variera en fonction de l'âge de
l'immeuble, de la marge bénéficiaire qui est le rapport du revenu
net de fonctionnement sur le revenu brut et les variations du taux
d'intérêt sur le marché.
La méthode de fixation se résume donc le plus simplement
possible de la façon suivante: répartir entre les locataires les
hausses de dépenses de fonctionnement et la hausse nécessaire du
revenu net de fonctionnement. En général, l'adminstrateur
réduira les augmentations de loyer ainsi calculées s'il est
prouvé que le logement se détériore d'une façon
anormale, sans que la faute en incombe au locataire.
Bien entendu, l'augmentation accordée par l'administrateur peut
être supérieure à celle qui serait techniquement
calculée lorsque le propriétaire peut faire état de
circonstances spéciales concernant ses revenus et ses dépenses et
les prouver. e) Effets pour les locataires et les propriétaires. On
remarquera que cette méthode de fixation ne tient pas compte du
coût de remplacement de l'immeuble ou du logement en question. Elle vise
à éviter qu'un locataire d'un logement existant voie son loyer
augmenter en fonction de l'augmentation des coûts de contruction des
logements neufs. Elle vise également à éviter que les
locataires ne soient victimes d'une procédure qui consisterait, pour le
propriétaire, à mettre en location un logement à un loyer
inférieur à sa valeur normale et à accroître
abusivement ledit loyer durant les années subséquentes en misant
sur le fait que le locataire préférera supporter une forte
augmentation de loyer plutôt que d'inclure de nouveaux frais de
déménagement ou d'installation.
Par contre, il a fallu s'assurer que la méthode de fixation
était telle qu'elle ne décourageait pas la construction nouvelle,
non plus que l'entretien et l'amélioration du stock existant de
logements.
Nous avons voulu éviter de créer une crise du logement
dont les conséquences sociales néfastes effaceraient totalement
tout le bénéfice d'un contrôle des hausses abusives de
loyers. Tout en assurant aux propriétaires des augmentations
raisonnables, qui représentent, en somme, une indexation
modérée et normalisée de leurs revenus, elle
protège efficacement les locataires contre les augmentations très
considérables qui pourraient survenir sur un marché libre.
Commentaires sur les principales objections à la méthode
de fixation. Je me permettrai maintenant de répondre à
quelques-unes des questions ou objections qui nous sont soulevées le
plus fréquemment. Il y a d'abord le problème de la qualité
du logement et des services rendus en relation avec leur valeur sur un
marché libre. Par exemple, on nous démontre qu'il y a tout un
ensemble de services offerts, très coûteux, et que le logement
vaut bien plus que le loyer actuel. La réponse est que tous ces services
sont déjà inclus dans le loyer antérieur qui sert de base
de calcul à l'augmentation et que, par conséquent, la
méthode de fixation, qui incorpore les hausses de dépenses, est
bien suffisante.
Quant à la valeur sur un marché libre, elle ne prouve rien
puisque le contrôle des loyers a été instauré
précisément à cause des aléas du marché
libre.
Une deuxième objection, c'est qu'en choisissant comme base de
calcul le loyer antérieur nous officialisons en quelque sorte tous les
abus antérieurs qui ont pu se produire. Je répondrai qu'un
contrôle des loyers doit partir de quelque part et qu'il n'est pas
possible de corriger tous les abus commis dans le passé. Nous devons
nous contenter d'empêcher de nouveaux abus.
Une autre objection très courante provient des
propriétaires qui sont ou se prétendent en situation de
déficit et qui se demandent quelle possibilité de
rétablissement leur est offerte. La réponse à cette
question est en deux parties: 1 La méthode de fixation,
puisqu'elle accorde une plus-value qui signifie une augmentation du profit,
accorde d'office une réduction du déficit, réduction telle
qu'elle permettra éventuellement au propriétaire de se
rétablir. 2 II nous est absolument impossible de
garantir aux propriétaires un taux minimal de rentabilité,
lorsque ce taux ne leur était pas permis par la situation du
marché libre, étant donné que cette garantie serait
offerte au détriment des locataires. En effet, un déficit peut
être provoqué par un mauvais investissement, par une mauvaise
administration ou par l'achat à un prix trop élevé. Si
nous faisions en sorte que les locataires représentent la garantie de
rentabilité pour tous les propriétaires, il n'y aurait plus
aucune assurance quant à la bonne administration des immeubles et des
capitaux.
Il peut se faire qu'un immeuble soit encore en déficit
après cinq ans sur le marché libre. Les décisions de la
Commission des loyers ne doivent pas forcer les locataires à
éponger rapidement un grand nombre de déficits, alors que ceci
n'aurait pas été possible sur le marché libre.
Il me semble donc que le rattrapage inhérent à la
méthode de fixation est suffisant, à moins de circonstances bien
particulières dont le propriétaire pourra faire état
devant l'administrateur des loyers.
Une de ces circonstances spéciales est le cas des logements qui
ont été construits depuis 1970 ou 1971 et qui n'ont pas
bénéficié sur le marché libre d'une période
suffisante pour permettre aux propriétaires d'ajuster leurs loyers.
Exclure de tout contrôle les logements construits depuis 1970, et ceci
dans le but de leur permettre de se rajuster avant de tomber sous le
contrôle de la commission, serait une solution trop radicale puisqu'elle
ouvrirait la porte à tous les abus.
C'est pourquoi seule la catégorie de logements stipulée
dans la loi ne fera pas l'objet d'un contrôle des loyers, et ceci pour
une période de cinq années consécutives.
En ce qui concerne les logements construits précédemment
et qui n'auront pas bénéficié d'au moins deux baux libres,
nous leur appliquerons une procédure spéciale assurant que le
revenu net d'exploitation sera au moins égal au paiement mensuel en
intérêt et remboursement de capital, ceci dès 1975 dans la
plupart des cas.
En effet, dans les cas de déficits très lourds, il se
pourrait que nous soyons forcés d'étaler sur deux années
le rattrapage nécessaire pour que le revenu net d'exploitation soit
égal au paiement mensuel d'intérêt et de capital.
Programmes d'habitation et copropriété. Le contrôle
des loyers n'est qu'un élément partiel d'une politique
d'habitation. Ses effets sont d'autant plus limités qu'il intervient au
niveau des symptômes, soit au niveau des prix beaucoup plus qu'au niveau
des causes. Toutefois, comme je l'ai indiqué précédemment,
il me semble que le contrôle des loyers est une mesure qui devrait
être permanente. Mais sa forme définitive ne pourra être
connue que lorsque nous saurons exactement quel est le rôle d'une telle
mesure au sein d'une politique globale d'habitation.
Nous devons également mettre au point les institutions
administratives et judiciaires néces- saires. En attendant une loi
permanente, j'ai voulu améliorer la loi temporaire de conciliation entre
propriétaires et locataires en allégeant notamment la lourdeur de
certaines procédures.
J'ajouterai que le problème de la transformation en
copropriété fera l'objet d'une étude prioritaire de la
part du groupe de travail sur l'habitation. Je crains que la transformation en
copropriété ne soit un moyen d'évasion du contrôle
des loyers et n'ouvre les portes à une spéculation
injustifiée.
Par contre, il me paraît prématuré pour le
gouvernement d'intervenir immédiatement, sous forme de blocus total de
la conversion en copropriété, étant donné qu'il
peut s'agir d'un mode intéressant d'accession à la
propriété.
En conclusion, je compte beaucoup sur les recommandations que le groupe
de travail sur l'habitation fera concernant la redéfinition d'une
politique globale de l'habitation. Je compte, notamment, sur les
recommandations concernant le rôle du contrôle des loyers et de la
transformation en copropriété au sein d'une telle politique.
J'estime que les délais entrâmes par les différentes
recherches effectuées et à venir seront rentables, M. le
Président, compte tenu de l'importance de ces questions, et que des
décisions hâtives ne sont pas justifiées. Au cours de cet
exposé, j'ai traité principalement des aspects économiques
qui se rattachent à la Loi de conciliation entre locataires et
propriétaires parce que ceci n'avait pas été fait avec
autant de détails jusqu'à maintenant. Or, comme je l'ai
souligné, ce genre de loi peut avoir des incidences économiques
très importantes.
Je n'ignore pas pour autant les aspects sociaux et juridiques de la loi.
Par exemple, il ne faudrait pas oublier que le droit au maintien dans les lieux
est une mesure d'une portée sociale très importante et que le
contrôle des loyers est essentiel à l'exercice de ce droit. J'ai
estimé ne pas devoir allonger indûment un exposé
déjà long comportant des considérations parfois arides ou
techniques. Merci, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. Robert Burns
M.BURNS: M. le Président, j'ai été content
d'apprendre, à la fin du discours du ministre, qu'il ne serait pas
long.
M. le Président, je suis je vous le dis au départ
extrêmement déçu de voir le ministre de la Justice
nous présenter, à ma connaissance, moi qui siège à
l'Assemblée nationale depuis 1970, pour une quatrième fois
consécutive un projet de loi qu'il nous a, à quatre reprises
différentes, promis de ne pas ramener devant l'Assemblée
nationale. Je me rappelle qu'en 1970, lors de la première occasion
où il nous a
été donné de discuter de ce projet de loi
prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires
et propriétaires, j'avais fait des critiques à l'endroit du
ministère de la Justice, Je trouvais que c'était absolument
inacceptable que, depuis 1951, date à laquelle je pense, sauf
erreur, c'est cela, c'est 1950-51, chapitre 20 cette loi a
été promulguée pour la première fois, on nous
apporte, d'année en année, des modifications qui, à toutes
fins pratiques, sont tout simplement la reconduction de la loi pour
l'année qui vient. Cette année, le ministre a été
économe, il a décidé de la rendre applicable pour les deux
années à venir.
En effet, si on lit bien l'article 1, il prolonge la loi jusqu'au 30
juin 1976. Il s'est dit: On va éviter encore une critique de
l'Opposition en 1975. Mais je suis extrêmement déçu, parce
que les critiques que nous avions faites à plusieurs reprises semblaient
avoir trouvé leur chemin auprès du ministre. Entre autres, je
peux, en résumé, mentionner que ce que nous trouvions
inacceptable dans la loi qui nous revenait périodiquement,
c'était le fait qu'il n'y avait pas de permanence dans cette loi, donc
pas de permanence dans l'organisme qui voit à assurer l'application de
cette loi.
Nous avions également critiqué l'aspect non universel de
la loi, c'est-à-dire qu'à l'époque ça ne couvrait
pas tous les territoires du Québec et ça ne couvrait pas toutes
les catégories de loyers. Finalement, sur un autre point que nous avions
trouvé inacceptable, nous étions presque arrivés à
notre but l'année dernière, lorsque le ministre nous avait
présenté une loi qui aurait inversé ou renversé le
fardeau de la preuve en ce qui concerne l'augmentation des loyers. Nous sommes
venus tout près de notre but, lorsque le ministre, dans la
première version de cette loi, avait accepté cette
théorie, du renversement du fardeau de la preuve qu'il a changée
dans la version finale.
Or, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui, M. le Président? C'est
que, d'universelle qu'elle était au point de vue de son application,
cette loi devient d'une application partielle. Je m'attaque
particulièrement à la position qui défend le ministre pour
des raisons qui semblent l'impressionner, mais qui ne m'impressionnent pas du
tout. En particulier, lorsqu'on examine l'article 22 du projet de loi qui
promulgue l'article 34 on voit que son application, d'universelle qu'elle
était, devient particulière, alors qu'on avait, l'année
dernière, fait un pas magistral. On avait félicité le
ministre dans ce sens. Je pense que le ministre s'en souvient; on n'a pas tari
d'éloges à son endroit, lorsqu'il a accepté que la loi
s'applique à tout le territoire du Québec, quelle que soit la
municipalité où le locataire a à se plaindre de
l'augmentation de son loyer.
Mais il y avait aussi une chose très importante.
C'était que toutes les catégories de logements grâce
à la loi sur les augmentations abusives en 1973 et grâce au fait
que l'on donnait à la Régie des loyers juridiction sur cela, on
couvrait toutes les catégories de logements.
Nous avions félicité le ministre à ce moment.
Malheureusement, je ne peux féliciter le ministre, cette année,
parce qu'il fait machine arrière, particulièrement à cet
article où il exclut de la Régie des loyers toutes les nouvelles
constructions dont les travaux ont commencé après le 31
décembre 1973, et ce pour 5 ans.
J'aurais même le goût de vous donner mon propre cas comme
exemple, moi qui suis locataire, qui habite un logement qui, autrefois,
n'était pas régi par cette loi favorisant la conciliation entre
propriétaires et locataires. Normalement, j'aurais dû
l'année dernière, à l'expiration de mon bail, s'il n'y
avait pas eu l'amélioration que le ministre a apportée
l'année dernière, me fermer complètement la boîte,
si on peut dire, devant une demande d'augmentation de mon propriétaire
de $160, loyer que je payais, à $210 d'un seul coup. Et, comme pour me
faire une faveur cela ne me fait rien de raconter mon cas parce que je
trouve qu'il identifie bien le cas des gens qui habitent dans les immeubles
à appartements de Montréal devant ma réticence, le
propriétaire m'a dit : On va te faire une faveur parce que tu es un bon
locataire, etc., au lieu de $210, on va te demander $190. J'ai dit: C'est
encore trop de $160 à $190. Je suis allé devant la régie
et qu'est-il arrivé? La régie a dit: $165. Et c'était un
logement qui n'était pas, il y a quelques années, couvert par la
régie. Le propriétaire a appris qu'à l'avenir il fallait
qu'il se restreigne à un certain montant d'augmentation. Je ne suis pas
seul dans ce cas, il y a un tas de mes voisins qui sont également
locataires de cet immeuble et qui ont obtenu une même décision de
la régie.
Ce qui m'inquiète, ce que j'ai remarqué, dans
l'argumentation du ministre, c'est que c'est surtout ce genre d'immeuble qui
semble être protégé par l'amendement qu'on aperçoit
à l'article 22, c'est-à-dire les nouveaux immeubles à
habitation multiple qu'on appelle généralement les immeubles
à appartements.
C'est là que véritablement le nouveau propriétaire
devra bâtir et je pense véritablement ce que je vais dire
une augmentation progressive pour la date à laquelle il sera
régi par la Régie des loyers ou par l'organisme qui, normalement,
devrait être successeur de la Régie des loyers. Il va arriver, M.
le Président, par l'amendement prévu à l'article 22
je ne veux pas le disctuer dans le détail, on aura l'occasion en
commission parlementaire de discuter de ce détail, mais je trouve que
c'est un des principes nouveaux qu'on introduit dans le projet de loi et c'est
à ce titre que j'en parle lorsqu'un immeuble va être
construit, que le propriétaire on ne veut pas lui demander de
faire de l'angélisme va délibérément mettre
son loyer à des niveaux assez élevés pour que
l'organisme
qui contrôle l'augmentation des loyers soit forcé de partir
d'un chiffre suffisamment élevé pour qu'il n'y perde pas de
profit, selon lui.
J'ai entendu le ministre, ce matin et dans le fond il rencontrait
à cet égard mon opinion que j'ai répétée
à deux ou trois reprises, à l'occasion du réexamen de ce
projet de loi comparer les locataires à des consommateurs, et
c'est mon avis, ce sont des consommateurs. Ce ne sont peut-être pas des
consommateurs du même type que celui qui achète du lait, du pain,
de celui qui achète une automobile, de celui qui achète une
maison, mais c'est un consommateur quand même. Et c'est un consommateur
d'un bien essentiel, c'est-à-dire son logement. C'est la première
chose qu'il doit assurer à lui-même et à sa famille.
M. le Président, si on fait fi de ce droit, si on ne se
préoccupe pas de l'exploitation dont ce type de consommateur peut
être l'objet, je me pose de très sérieuses questions
relativement à l'intention de ce gouvernement de véritablement
protéger le consommateur en général.
Si on laisse cette ouverture à des nouveaux propriétaires
ou à des constructeurs de fixer le loyer comme ils le veulent, durant
une première période de cinq ans, vous faussez
complètement la situation. C'est absolument incompréhensible
qu'au bout de cinq ans le locataire qui se retrouvera en face d'un niveau de
loyer qu'on aura fixé sans aucun contrôle puisse
véritablement faire valoir son point de vue à la Régie des
loyers ou à tout autre organisme qui le remplacera dans le futur.
De façon délibérée et de façon
intentionnelle, de façon systématique, on fixera les loyers, dans
ces nouveaux édifices qu'on veut exclure, en vertu de l'article 22 du
projet de loi, plus particulièrement de l'article 22 qui amende
l'article 34 de la loi. On fixera délibérément,
systématiquement de façon plus élevée les loyers de
ces logements pour en arriver à ce que, si l'administrateur des loyers
ou la Régie des loyers décide d'une augmentation de 3 p.c, de 4
p.c. de 6 p.c. ou de 8 p.c. ou de 10 p.c, ces 3 p.c, 4 p.c, 6 p.c, 8 p.c. et 10
p.c. s'appliquent sur un montant le plus élevé possible. C'est
ça que je n'accepte pas, malgré l'argumentation du ministre qui
dit qu'il faut donner une injection, qu'il faut insuffler à la
construction de nouveaux immeubles un certain enthousiasme.
Je trouve qu'en faisant ça on nuit dangereusement au
contrôle dans l'ensemble des loyers. Je m'explique. Si vous avez tout un
secteur nouveau de loyers, qui, lui, se place au-dessus de la moyenne, c'est
évident que la Régie des loyers, que l'administrateur des loyers
ou que le tribunal des loyers, si jamais il est formé, seront
influencés par ce niveau d'augmentation. C'est impossible de nier ce que
je suis en train de dire là, parce que c'est comme ça que la
Régie des loyers, que l'administrateur des loyers, actuellement, fixent
des barèmes quant à l'augmentation.
Ils regardent la progression moyenne des loyers et obtiennent ainsi un
calcul qui, jusqu'à maintenant, remarquez, n'est pas faussé,
surtout depuis l'année passée, depuis qu'on a
décidé d'empêcher les gens qui n'étaient pas
couverts par la Régie des loyers de se sauver de cette augmentation. Si
le ministre a les chiffres en main, parce qu'ils lui sont beaucoup plus
disponibles qu'à moi, je lui demande de nous les dévoiler.
Je suis convaincu que l'augmentation des loyers, l'année
dernière, a été beaucoup plus normalisée à
travers le Québec pour deux raisons. C'est qu'on a universalisé
la juridiction de la Régie des loyers à tout le territoire du
Québec et, deuxièmement, qu'on l'a universalisée à
tous les types et à toutes les catégories de logements.
Ce qu'on est en train de faire, c'est de défaire cette situation
par l'article 22 qui amende l'article 34. Soit dit en passant, c'est assez
intéressant de dire que, dans le projet de loi que nous avons
étudié l'année dernière, il y avait une telle
disposition et qu'à la suite de pressions de l'Opposition le ministre a
accepté de la retirer. Il a accepté ça basé sur le
même raisonnement. Il est absolument incompréhensible et aberrant
de voir qu'on laisse une catégorie de loyers fluctuer selon le bon
vouloir des propriétaires et selon, évidemment, les besoins des
locataires qui, eux, doivent ou ne doivent pas louer un tel genre de
logements.
Ce que l'on va contribuer à faire par l'article 22, cela va
être tout simplement de créer une catégorie de loyers qui,
à toutes fins pratiques, sont des infirmes dans le sens de la
régie totale ou du contrôle total des loyers, mais qui vont
transmettre à l'ensemble des autres loyers leur propre infirmité.
Cette infirmité, cela va être une hausse sans absolument aucun
contrôle. Quand va arriver le contrôle, au bout de cinq ans, on va
dire: Bien oui, vous payez déjà $210 par mois. Vous payez
déjà $190 par mois. On est obligé. C'est comme ça
que la régie juge, c'est comme ça que l'administrateur des loyers
détermine ses sentences. Il part du loyer existant. Cela, il ne faut
jamais l'oublier. Il ne part pas d'une vague opinion de ce que doit être
un loyer payé dans tel et tel logement. Il part d'une situation qui
existe et il part de cette situation qui existe en faisant un pourcentage
d'augmentation.
Si on adopte l'article 22, c'est ça qu'on vient détruire
dans un bon projet de loi. Je trouve ça absolument aberrant.
Je trouve cela inacceptable et je me demande comment il se fait que le
ministre de la Justice, qui avait si longtemps résisté à
toutes les pressions qu'on avait faites sur lui dans le domaine des
constructeurs d'immeubles, tout à coup décide de fléchir
devant ces pressions.
S'il y a un ministre de qui on est en droit d'attendre qu'il ne
fléchisse pas devant cela, c'est bien le ministre de la Justice,
à moins qu'il nous dise que c'est son testament, qu'il est
tanné et qu'il ne sera plus au cabinet à compter du mois
de janvier. Cela, je ne le sais pas. Ce n'est pas moi qui décide de
cela, c'est le premier ministre.
M. LACROIX: Voulez-vous être couché sur le testament?
M. CHOQUETTE: On va attendre l'article de demain!
M. BURNS: L'article de demain! De toute façon, vous n'avez pas
été classé parmi les non-indispensables. C'est
déjà pas mal!
M. LACROIX: Voulez-vous être couché sur le testament?
M. BURNS: Non. Je le dis, M. le Président, sans aucune
méchanceté. Nous serons intraitables là-dessus je
le dis au ministre, sans lui annoncer une obstruction systématique
à son projet de loi, parce qu'il n'en est pas question sur cette
modification qui, à mon avis, détruit l'intention du projet de
loi très bon que le ministre de la Justice nous a fait adopter à
l'unanimité l'année dernière. Nous l'avions même
félicité d'avoir enfin compris que l'un des
éléments importants d'une loi de la Régie des loyers
était de rendre cette loi universelle dans son application, tant au
niveau de la catégorie des loyers qu'au niveau du territoire
couvert.
On n'a qu'à relire le journal des Débats. Je n'ai pas
l'intention de refaire, à l'endroit du ministre, les éloges que
j'ai faits l'année dernière pour accentuer les reproches que je
lui fais cette année, mais j'espère qu'en cours de route on
pourra régler ce problème que je considère,
personnellement en tout cas, en toute humilité, comme très grave.
Je trouve qu'on perd complètement le sens d'une loi qui a pour but de
contrôler l'augmentation des loyers.
Egalement, M. le Président, nous avons dans le passé,
à de nombreuses reprises, réclamé un caractère de
permanence à cette loi et, encore une fois cette année, depuis,
comme je le disais tout à l'heure, les années 1950/51
chapitre 20 des lois de 1950/51 pour la xième fois on nous
revient avec une loi qui retarde de deux ans, dans le cas présent, la
véritable modification, le véritable caractère permanent
de cette loi.
Il y a deux façons de rendre cette loi permanente. D'une part, en
établissant les normes et les règles de façon stricte et
permanente, mais aussi en rendant permanent l'organisme qui régit, qui
contrôle les loyers. Encore une fois, cette année, on nous dit que
l'application de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et
propriétaires est prolongée jusqu'au 30 juin 1976.
Là, on nous reporte une véritable refonte, un
véritable tribunal des loyers, comme le ministre nous l'a promis
à plusieurs reprises, encore à deux ans. C'est évident, M.
le Président, qu'il n'y aura pas de sérieuses modifications,
encore une fois, à moins que le ministre dise: Ce sera à mon
successeur de régler cela. J'espère que non, parce que je sais
que le ministre connaît le problème. Je mentirais à la
Chambre si je disais le contraire. Je sais que le ministre est
préoccupé par le problème. J'ai entendu ses remarques, au
cours des années précédentes.
Cela fait quatre ans que l'on discute de ce projet de loi avec lui. Je
sais qu'il est conscient de ce qui se passe et je sais qu'il n'est pas d'accord
sur son projet de loi. Je ne sais pas pourquoi, cependant, le ministre ne s'est
pas affirmé et n'a pas dit: C'est le temps, cette année,
d'accorder la permanence à cette loi, de lui donner un organisme de
contrôle permanent. Qu'on l'appelle le tribunal des loyers ou qu'on
l'appelle toute autre chose, cela n'importe peu, mais qu'on accorde à ce
tribunal le caractère, de permanence. C'est ce que nous voulons et c'est
ce que cette loi n'accorde pas, alors qu'on nous l'a promis à plusieurs
reprises depuis 1970.
Je suis convaincu que le député de Rouyn-Noranda, qui
siège en cette Chambre depuis autant d'années que moi, a entendu
à autant de reprises que moi ces promesses que nous faisait le ministre.
Je lui demande, cette année, qu'est-ce qui nous empêche de
régler le problème définitivement? Qu'est-ce qui nous
empêche de bâtir pour l'avenir un organisme qui régit les
loyers, qui aura ses traditions, qui aura sa permanence et, de ce fait, qui
aura des personnes à l'intérieur qui auront
l'intérêt continuel du contrôle des loyers? C'est la
deuxième critique que je fais à l'endroit du projet de loi qui ne
règle pas ce problème.
Encore l'année dernière, lors de l'étude du projet
de loi qui devait remplacer et le projet de loi modifiant le code civil au
titre du louage de choses et le projet de loi qui devait modifier en tribunal
des loyers la loi prolongeant la loi des relations entre propriétaire et
locataire, nous avons passé à un cheveu d'obtenir une
véritable réforme. Déjà, le projet original du
ministre inscrivait une des dispositions que nous réclamions,
c'est-à-dire celle de renverser le fardeau de la preuve à
l'endroit du propriétaire lorsqu'il excédait un certain
pourcentage d'augmentation.
Je ne retrouve pas cela dans le projet de loi cette année.
L'année dernière, le ministre nous a dit: Peut-être que
c'est trop. J'avais, à ce moment-là peut-être
été un peu dur à l'endroit du ministre en lui disant que
c'étaient peut-être les seules pressions qui l'avaient fait plier
au cours de sa réforme; qu'il avait plié sous les pressions qui
avaient été faites par toutes les organisations qui s'occupent
d'immeubles, que ce soient les agents d'immeubles eux-mêmes, que ce
soient les associations de propriétaires, que ce soient les
constructeurs, que ce soit tout autre organisme qui a intérêt
à un autre bout du bâton que celui du locataire. Nous avions
même dit que nous étions favorables à faire varier une
position qui était, si je me souviens bien, celle
de la CEQ qui disait que toute augmentation supérieure à 3
p.c. devait être autorisée par la régie, à la
demande du propriétaire. Nous avions laissé entendre que nous
pourrions discuter avec le ministre à l'intérieur d'une variante
entre 3 p.c. et 5 p.c.
Cela aurait été non pas une façon de bloquer les
augmentations normales de loyer.
Mais cela aurait été une façon de dire aux
propriétaires: Lorsque vous demandez une augmentation de votre loyer,
soyez assurés que vous avez de bonnes raisons pour le faire. Un peu
comme le disait le député de Rouyn-Noranda, ce matin, lorsqu'il
parlait du problème des taxes municipales, des taxes scolaires, des
autres phénomènes qui peuvent faire varier éventuellement
les baux de plus de douze mois, on dirait: Soyez certains d'une chose, c'est
que vous êtes capables de justifier cette augmentation.
C'est là un principe qu'on devrait le plus rapidement possible
inscrire dans une loi comme celle-ci. Si véritablement un
propriétaire et je suis de ceux qui voient très mal qu'un
propriétaire doive subventionner ses locataires si ce
propriétaire n'est pas un organisme public a investi de l'argent
dans une propriété, je ne comprends pas et je n'accepte pas que
ce soit le propriétaire individuel qui subventionne son locataire parce
que celui-ci n'a pas les moyens de payer le loyer. Mais ce que je n'accepte pas
non plus, M. le Président, c'est que simplement en m'annonçant
que ses frais généraux ont augmenté de façon telle
qu'il sent le besoin d'augmenter le loyer de 10 p.c, à ce
moment-là, ce soit à toutes fins pratiques et je vous
réfère aux procédures devant l'administrateur des loyers
et devant la Régie des loyers le locataire qui ait lui-même
à prouver qu'il n'a pas à être augmenté.
C'est pour cela qu'une telle mesure, M. le Président, devrait
être insérée dans une telle loi si on ne veut pas,
actuellement, faire une véritable réforme, si on ne veut pas
changer fondamentalement l'approche, l'idéologie qui préside
à une telle loi. Il y a au moins cela qu'on pourrait faire, dire au
propriétaire: C'est sérieux quand vous demandez une augmentation
de loyer. C'est tellement sérieux que vous devrez vous-même
demander la permission, c'est vous-même qui devrez avoir le fardeau de la
preuve si jamais vous voulez augmenter votre loyer de plus de 3 p.c. ou 5 p.c,
peu importe le chiffre. J'irais jusqu'à 5 p.c. Mais cela, on ne le
retrouve pas dans la loi et c'est une autre des façons qui me permettent
de dire qu'on ne veut pas faire une véritable réforme dans ce
domaine. Et je le regrette sérieusement.
Le ministre, fondamentalement je le connais très bien, je
connais ses interventions depuis trois ou quatre ans je le sais, est
préoccupé par cette situation et je lui rends hommage, car c'est
un ministre qui, même si on a souvent l'occasion de le critiquer, a un
sens social très élevé. Or, son sens social devrait
s'exercer surtout dans ce domaine parce que c'est l'endroit où,
actuellement, les gens qui sont visés par de tels types de projets de
loi sont les plus démunis et sont placés de façon telle
devant la loi qu'ils ont de la difficulté à se défendre
à l'endroit de cette loi. A ce moment-là, qu'est-ce que la loi
doit faire? Elle doit inverser le fardeau de la preuve.
Je dis, M. le Président, que pour toutes les raisons que j'ai
mentionnées, parce qu'on régresse sur l'universalité de
l'application de la loi, parce qu'on n'a pas avancé sur le plan de la
permanence de la loi, c'est-à-dire en créant un tribunal des
loyers, parce qu'on n'a pas remis dans la loi ce sont les trois
principales raisons le renversement du fardeau de la preuve dans les cas
d'augmentation supérieure à 5 p.c. je devrai voter contre le
projet de loi no 80.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. Camille Samson
M. SAMSON: M. le Président, au train où vont les choses,
dans une couple d'années on sera en mesure de fêter les noces
d'argent d'une loi temporaire. Cela fait 23 ans que c'est temporaire et il
semble que c'est parti pour être temporaire encore longtemps. Je me
rappelle également j'écoutais avec beaucoup
d'intérêt l'honorable député de Maisonneuve
avoir entendu des propos du ministre de la Justice qui nous laissaient
entrevoir des choses passablement différentes de ce qu'est la triste
réalité d'aujourd'hui.
Bien entendu, sans vouloir charrier, si le ministre nous dit
d'ailleurs, il nous l'a dit ce matin qu'il est très important
pour lui, afin de pouvoir présenter une loi permenente, d'attendre le
rapport Legault sur l'habitation, je suis d'accord pour reconnaître que,
si c'est là l'effort ultime, il vaut mieux attendre encore un peu, puis
d'avoir quelque chose de bien, que de le faire trop vite, puis de risquer de ne
pas couvrir l'ensemble du problème, encore une fois, ou risquer de
passer à côté. Mais je voudrais faire ressortir autant que
possible qu'il faudrait que ce soit la dernière fois que ça
revienne devant le Parlement, ce genre de loi. Cela nous revient comme cadeau
de Noël aux locataires tous les ans et, chaque fois, on plonge un peu dans
l'insécurité tout le monde. Il faut comprendre les locataires,
les associations de locataires qui, chaque fois, se demandent: Est-ce que
ça va être encore une loi temporaire, est-ce que ce sera une loi
permanente, est-ce que ça va couvrir tous nos problèmes?
Il y a de l'insécurité et le fait qu'on revienne tous les
ans avec un projet de loi temporaire n'est évidemment pas susceptible de
rassurer ces gens-là. Comme je le disais ce matin, il y a un autre
projet de loi, soit le projet de loi no 79, qui se rattache quelque peu au
projet de loi no
80. Quand je fais référence au problème, par
exemple, de l'augmentation du prix des loyers, comme le député de
Maisonneuve, je suis obligé de critiquer cette fameuse question des
logements qui ne seront pas sous le contrôle de la Commission ou de la
Régie des loyers appelons ça comme on voudra
pendant cinq ans.
Bien entendu, M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention et je suis sympathique à une partie des
idées qu'a soumises le ministre, ce matin. J'ai également, en
toute objectivité, compris son souci de ne pas empêcher les
constructions nouvelles par une loi qui en quelque sorte pourrait restreindre
ce genre d'activité économique. Par contre, M. le
Président, même si je suis un de ceux qui veulent favoriser
davantage la construction et permettre que la construction puisse continuer,
avec aussi une certaine sécurité pour les investisseurs, pour
ceux-là qui ont le courage de risquer des capitaux, je me demande si,
encore une fois, nous ne passons pas à côté de la question
dans le sens que nous n'utilisons pas, en tout cas en vertu de la
présente loi, le mécanisme qui devrait être utilisé
pour favoriser davantage la construction nouvelle, tout en garantissant une
meilleure sécurité contre les abus de certains
propriétaires envers des locataires.
C'est une loi de conciliation entre locataires et propriétaires,
mais je me demande si on est dans l'esprit de la loi avec ce genre d'article
où on dit que, par exemple, seront exemptés de l'application de
la loi tous les immeubles construits depuis 1974, et ce pour une période
de cinq ans. J'ai l'impression qu'on déroge à l'esprit de la loi
qui se veut une loi de conciliation. Ce n'est pas de la conciliation de sortir
de l'application de cette loi une partie qui peut être très
importante, soit les constructions nouvelles.
Voici ce que je peux peut-être suggérer; ça ne veut
pas dire que le ministre va l'accepter. Il n'accepte pas toujours nos
suggestions, quoi qu'il lui arrive parfois d'en accepter. Je me demande s'il ne
serait pas intéressant d'introduire un mécanisme
d'évaluation des logements à être construits. Nous savons
tous qu'avant de construire des résidences nouvelles, des logements
nouveaux, il faut faire des plans, puis il faut évaluer.
C'est donné à contrat et on sait d'avance combien cela va
coûter, sauf l'imprévu, évidemment.
Si on est capable d'établir cela à l'avance, on est
capable en même temps, à l'avance, par la technique qui est
à notre disposition, d'établir quel sera le montant de loyer
à être demandé aux éventuels locataires par la
suite. Ce qui fait qu'en l'établissant de façon assez claire,
tout investisseur connaîtrait l'ensemble du risque avant de s'engager
dans un investissement. Ce qui veut dire que, je le pense honnêtement,
cela m'empêcherait par les constructions nouvelles. J'ai cru saisir dans
l'argumentation du ministre son inquiétude à l'effet que si on ne
laisse pas ce marché libre, les investisseurs ne risqueront pas de
placer des montants d'argent. Ne sachant pas à l'avance la
décision de la régie ou de la commission de contrôle, ils
pourraient risquer de se retrouver avec des engagements supérieurs au
revenu qui pourrait être entrevu par la location des logements. Cela, je
ne pourrais m'associer à ce genre de risque que nous exigerions des
constructeurs.
Par contre, si on a un mécanisme qui, avant la construction, peut
fixer un prix du loyer futur, et je pense que le ministre comprendra
mieux mon idée si je lui dis que je fais référence
à l'évaluation scientifique qui se fait dans le domaine de la
taxation municipale et scolaire cela peut se faire également
avant la construction en partant des plans, du coût de l'argent, du taux
d'inflation. Avec toutes ces données, cela peut se faire.
Evidemment, on peut avoir une certaine marge d'erreur qui peut
être considérée. Mais, à à l'avance, il y
aurait une possibilité, par un mécanisme semblable,
d'établir, à l'intérieur d'une fourchette minimum et
maximum, un minimum de loyer et un maximum, ce qui fait que l'investisseur
saurait exactement quel sera son revenu futur en partant de l'investissement
qu'il fait. Cela lui permettrait de faire tous les calculs et de décider
si, oui ou non, il construit. Et nous pourrions en même temps
sauvegarder, et c'est important, les droits des locataires à avoir
accès à des logements à un prix juste. Je ne veux pas dire
à un prix inférieur à la valeur, mais un prix juste. Ce
qui n'est pas le cas lorsque nous soustrayons de l'application de la loi les
immeubles nouveaux. Tout le monde sait que tout locataire qui a le choix entre
un immeuble nouveau et un immeuble de cinq ou dix ans sera plus tenté de
louer un logement neuf. C'est évident que le logement neuf vaut plus
qu'un logement qui est bâti depuis cinq ou dix ans, mais cela ne vaut pas
deux fois plus que le prix normal.
Et, bien entendu, une certaine catégorie de gens sont
peut-être capables de payer plus cher que cela vaut réellement
pour habiter un logement neuf plutôt qu'un logement construit depuis cinq
ou dix ans, mais il demeure un fait indéniable, c'est que tous ne sont
pas capables de ces mêmes extravagances. Et même ceux qui ne
peuvent pas faire de telles extravagances peuvent se retrouver un jour devant
l'obligation d'avoir à louer neuf, faute d'autre logement disponible, ce
qui fait qu'il y a là matière à injustice.
Cette injustice, bien sûr, n'est pas voulue du ministère de
la Justice. Nous connaissons sa philosophie, depuis le temps qu'on discute de
ce genre de projet de loi avant Noël, chaque année, nous
connaissons sa philosophie.
Alors, je suis persuadé que ce n'est pas le genre d'injustice que
veut le ministre de la Justice. Mais cela arrive parce qu'il n'y a pas le
mécanisme requis, nécessaire pour, d'une part, garantir à
tous les locataires qu'il n'y aura pas
abus sans, d'autre part, empêcher les gens qui le veulent de
construire. Je rejoins le ministre, lorsque je dis qu'il ne faut quand
même pas empêcher, freiner la construction nouvelle. Je m'en soucie
de ce problème, M. le Président, et je veux que le ministre me
comprenne bien; ce n'est pas mon intention de faire de la policaille-rie et de
dire: Les locataires sont plus nombreux que les propriétaires; on va se
"garro-cher" de ce bord, cela va être meilleur pour les votes.
M. le Président, c'est le juste milieu. La justice, ce n'est pas
toujours une question de votes; c'est une question de prendre ses
responsabilités. Nos responsabilités nous dictent de prendre la
position que nous prenons présentement, c'est-à-dire de
protéger, d'une part, les locataires et de protéger, d'autre part
aussi, les propriétaires qui doivent quand même investir.
M. le Président, c'est pourquoi je dis: Si on est pris pour aller
fêter les noces d'argent de la Régie des loyers, cela ne
réglera pas tellement notre problème, parce que la situation
actuelle n'est pas la meilleure. Cela, le ministre l'a dit, ce matin. Il l'a
avoué et il ne s'en est pas caché: La situation actuelle n'est
pas la meilleure. La Régie des loyers, ce n'est pas le meilleur
mécanisme, compte tenu de ce que nous avons et du genre de loi que nous
avons; je dirais même plus que ça, compte tenu de son genre
d'administration et d'opérations. C'est peut-être cela le meilleur
mot "opérations".
Il ne faut pas se le cacher: sans vouloir faire subir de
préjudice à qui que ce soit ce n'est pas là mon
intention il demeure que nous devons tenir compte des plaintes que nous
recevons en tant qu'élus du peuple aussi. Nous recevons des plaintes de
la part de locataires, puis on en reçoit de la part de
propriétaires également. Les locateurs, évidemment, nous
disent que les gens de la Régie des loyers ne connaissent rien, qu'ils
sont toujours du côté des locataires, qu'ils n'exigent pas assez.
C'est le genre de plaintes qu'on a des propriétaires. Les locataires
nous disent exactement le contraire: Ils ne connaissent rien à la
Régie des loyers, ils exigent trop.
Qu'est-ce que vous voulez, M. le Président, c'est un arbitre qui
se doit de prendre une décision. Quand il y a conflit entre deux parties
concernées, si le conflit est réglé à la
satisfaction d'une partie, c'est clair que l'autre n'est pas contente. C'est
évident qu'on doit vivre un peu avec ce genre d'arbitrage, mais je pense
qu'on n'a pas le mécanisme d'arbitrage qu'il faut, non plus. Nos gens,
avec toute la bonne volonté que je leur reconnais, ne sont quand
même pas des juges. Ce sont des administrateurs qui, de bonne foi,
prennent des décisions, en se basant sur une certaine expérience.
Mais je n'ai pas l'impression qu'on leur donne les outils pour faire un travail
qui serait sans aucune critique. Alors, on se retrouve devant cette situation
et il y a un risque.
De façon assez claire dernièrement, avec l'inflation, on a
parlé du trust du pétrole; on parle du trust du sucre. Les prix
montant en flèche. On nous a fait croire toutes sortes de choses pour
justifier des augmentations, mais il reste que le problème est
là. Il ne faudrait pas, non plus, en arriver, par une loi qui le
permettrait, à un trust des loyers un bon jour, parce que seuls ceux qui
ont les capacités d'investir beaucoup pourraient construire facilement
et exiger n'importe quoi comme prix, sachant qu'il y a un marché de gens
qui veulent des constructions nouvelles. A ce moment, on se retrouverait devant
le trust des loyers. On se retrouverait devant un trust qui ressemblerait au
trust du pétrole, au trust du sucre ou aux autres trusts qui font payer
aux consommateurs plus cher que le prix normal, plus cher que cela ne vaut.
Mais ils n'ont pas le choix, il faut passer par là.
M. le Président, j'espère du moins que le ministre, avec
la bonne volonté et la bonne foi que je lui reconnais cela ne
veut pas dire que je pense qu'il va régler ça d'un coup, comme
ça retiendra l'idée que j'émets et qu'il y aura une
possibilité d'envisager un certain mécanisme comme cela.
Je sais que ce n'est pas facile. A première vue, cela peut
sembler difficile à dire: Si on demande que ce soit évalué
d'avance, quand la construction sera terminée, il y aura peut-être
des coûts différents. A ce moment-là, si on retient le
mécanisme de l'évaluation à l'avance, si
l'évaluation est en fonction du temps où l'évaluation est
faite, si la construction a coûté 15p.c. de plus que prévu
à cause de fluctuations économiques, je pense qu'il faut aussi
considérer que comme la Société centrale
d'hypothèques et de logement, qui fait certaines évaluations
avant la construction, envoie des inspecteurs avant que la construction soit
terminée pour voir si cela a été fait selon les normes,
etc., etc., la même chose peut se produire dans ce domaine.
On me dira que cela va prendre bien du monde. Peut-être que cela
va prendre des gens. Mais cela en prend aussi à la Régie des
loyers pour surveiller tout ce qui se passe, pour recevoir toutes les plaintes.
Et cela ne donne pas toujours satisfaction. Dans ce sens, je pense que cela
donnerait satisfaction.
Je demande au ministre de retenir l'idée. Je ne lui demande pas
de l'inscrire dans le présent projet de loi parce que, quand même,
on a un temps qui est assez limité. Mais dans l'optique que le ministre
veut déposer une loi permanente dès que le rapport Legault sur
l'habitation sera déposé, je lui demande de retenir
l'idée. Peut-être que nous pourrions la retrouver dans la loi
permanente, cette idée, qui ferait qu'il y aurait réellement une
possibilité de conciliation, c'est-à-dire ne pas empêcher
les constructions nouvelles et empêcher les abus d'augmentation pour les
nouveaux logements qui pourraient découler de l'article 22 du
présent projet de loi.
Il y a beaucoup de choses que nous pour-
rions souligner à l'occasion de ce débat. Il y a, par
exemple j'y touche seulement un peu, sachant que le ministre, lundi
matin, à onze heures, rencontrera des gens sur cette question
particulière un problème particulier qui mérite une
solution à brève échéance parce que c'est un
problème grave. Plusieurs locataires ont subi des préjudices
parce que des propriétaires n'ont pas payé les factures
d'électricité à temps. On a coupé
l'électricité à certains propriétaires, en plein
hiver, l'hiver dernier. Présentement, il y a encore une compagnie qui
vient de faire faillite, qui s'appelle Piecaré Ltée on
devrait appeler cela Pied plat avec $125,000 de dettes à
l'Hydro-Québec. C'est évident que l'Hydro-Québec ne peut
quand même pas supporter indéfiniment les comptes. Si le
propriétaire ne paie pas, qu'est-ce que l'Hydro-Québec a comme
recours légal présentement? C'est de couper
l'électricité.
Bien, il reste que tous les locataires qui sont aux prises avec ce
problème ne sont pas responsables mais ils en sont les innocentes
victimes. Et on pourrait en nommer d'autres parce que pour l'an dernier, de
juin 1973 à février 1974, il y en a une liste intéressante
ici: les Immeubles Beauvarre à Charlesbourg, les Immeubles Beauvarre
également à Charlesbourg, une autre sorte d'immeubles, Arthur
Bussières, les Immeubles Fortin, Lorenzo Lali-berté, Stato
Construction, Montmartre Construction, Immeubles Rémi, etc., etc. Ce
sont tous des gens qui ont subi des dommages. Nombre de logements: il y en a
qui ont 28 logements, d'autres 16, 25, 42 logements. Ce sont des locataires qui
ont subi des préjudices.
Notre projet de loi actuel ne les couvre pas. Je sais que le ministre a
accepté de recevoir les responsables du regroupement des locataires et
qu'il en discutera avec eux de façon très objective. Je ne fais
que le souligner parce que c'est le bon temps de le faire. Cela devrait
paraître dans le projet de loi que nous avons aujourd'hui.
Je sais qu'il y a des possibilités d'amender le projet de loi, ou
peut-être, par arrêté en conseil, de donner une
possibilité à ces gens d'avoir une sécurité. Ce que
j'ai nommé comme exemple, ce sont seulement des logements de
Québec. Il y en a à Montréal. Il y en a dans toutes les
villes du Québec. Il y a d'autres endroits où les locataires ne
sont pas regroupés mais où ils ont quand même ce genre de
problèmes.
Malheureusement, je ne pourrai acquiescer au projet de loi tel qu'il
nous est présenté en raison de cette fameuse question des cinq
ans. C'est surtout ça qui m'empêche d'appuyer le projet de loi. Si
le ministre m'annonce qu'il a l'intention de faire des changements cela
modifiera peut-être ma façon de voter. Mais, pour le moment,
malheureusement, je ne peux pas accepter ça.
Alors, en deuxième lecture, j'attendrai la réplique du
ministre et nous verrons ce qu'il y aura lieu de faire comme position à
prendre. Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Cornellier): L'honorable ministre de la
Justice. Son droit de parole mettra fin au débat de deuxième
lecture.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
répliquer très longuement à nos honorables
collègues d'en face, autant du Parti québécois que du
Parti créditiste, excepté qu'on me permettra de m'étonner
de l'attitude qu'ils ont annoncée en deuxième lecture,
c'est-à-dire de voter contre ce projet de loi en deuxième
lecture.
Même si on avait des critiques à adresser au projet de loi,
ainsi qu'en a fait état le député de Maisonneuve et ainsi
qu'en a fait état, à un degré moindre, le
député de Rouyn-Noranda, je me demande où en est rendu le
sens de la logique de nos amis d'en face de voter contre ce projet de loi, ce
qui veut dire, M. le Président, si on est pour les suivre
complètement ceci simplement pour les fins de la
démonstration que je veux faire que si nos honorables
collègues que je vois assis dans cette Chambre et qui m'entourent, les
honorables collègues du Parti libéral, décidaient de
suivre l'exemple des partis de l'Opposition, M. le Président, les
locataires, l'année prochaine, n'auraient aucune protection contre
l'inflation. C'est là la logique des partis de l'Opposition!
M. le Président, c'est quasi scandalisant de voir cette attitude
de la part de nos honorables amis. Evidemment, je sais très bien...
M. MORIN: Pharisien, va!
M. CHOQUETTE: ... que le député de Maisonneuve et le
député de Rouyn-Noranda sont des députés
très intelligents et, d'ailleurs, ils ont beaucoup d'expérience
dans cette Chambre. Ils y siègent depuis quatre ou cinq ans maintenant.
Ce sont des parlementaires avertis. Ils connaissent les conséquences de
leurs actes. M. le Président, devant cette intention manifestée
de voter contre ce projet de loi absolument essentiel pour une large partie de
la population du Québec, je rappelle à nos collègues les
conséquences de leur vote. Il y a plus de 900,000 logements locatifs au
Québec. Si on prend la famille moyenne comme étant de 4.2
personnes, cela veut dire qu'ils sont en train de se mettre à dos
environ 3,600,000 personnes par un vote complètement ridicule et auquel
ils ne croient pas, M. le Président, parce qu'au fond d'eux-mêmes,
ils sont favorables à ce projet de loi.
C'est vrai qu'ils ont fait des critiques. Je ne nie pas qu'ils ont fait
des critiques. Mais, en réalité, si le député de
Maisonneuve et le député de Rouyn-Noranda étaient de ce
côté-ci de la Chambre et qu'ils devaient présenter un
projet de loi aujourd'hui pour venir en aide aux locataires du Québec et
même aux propriétai-
res, ils présenteraient un projet de loi sensiblement identique
à celui que je présente.
Evidemment, ils auraient tenu compte des critiques qu'ils m'ont
formulées tout à l'heure et en ceci, je n'essaie pas de
dénaturer leur pensée.
M. BURNS: M. le Président, est-ce que je peux poser une question
au ministre?
M. SAMSON: Oui, quelle attitude aurait le ministre s'il était de
ce côté-ci?
M. CHOQUETTE: J'aurais une attitude logique, je peux vous le dire.
M. SAMSON: Vous auriez quoi comme attitude, si vous étiez
ici?
M. CHOQUETTE: Je vais vous répondre. La question du
député de Maisonneuve, est en même temps la
vôtre.
M. BURNS: Ce n'est pas la même question.
M. CHOQUETTE: J'aurais peut-être fait des critiques au projet de
loi, si j'étais de votre côté, mais j'aurais dit, à
la fin de mon discours: Ce projet de loi va quand même protéger la
majorité de la population québécoise. Par
conséquent, je vais voter pour, mais quand nous arriverons en
commission, par exemple, je vais suggérer des amendements au ministre
pour améliorer son projet de loi. C'est l'attitude que j'aurais prise si
j'avais été à votre place.
Je me demande si le député de Rouyn-Noranda n'est pas en
train de se faire mener comme un petit garçon par le
député de Maisonneuve!
M. SAMSON: Cela veut dire que le ministre...
M. CHOQUETTE: C'est ce que je me demande. Je commence par...
M. SAMSON: Est-ce que cela veut dire que le ministre se sentirait mieux
de ce côté-ci de la Chambre? Il serait meilleur dans
l'Opposition!
M. CHOQUETTE: Non, non! On n'a pas entendu un mot tantôt.
M. BURNS: Est-ce que je peux poser ma question maintenant?
M. CHOQUETTE: Oui, oui!
M. BURNS: C'est que, depuis le début de sa réplique, le
ministre tourne ses regards vers le député de
Louis-Hébert. Est-ce qu'il est en train de demander l'approbation
à son successeur?
DES VOIX: Ah! Ah!
M. MORIN: II a besoin d'être approuvé; cela le rassure.
M. CHOQUETTE: Ecoutez! je répondrai à cela tout à
l'heure.
M. BIENVENUE: Si on me le permet, M. le Président, une question
de privilège. Je ne regardais pas moi-même, j'écrivais,
mais je présume que mon collègue et ami...
M. BURNS: C'est peut-être vous qu'il regardait.
M. BIENVENUE: ... regardait le député de
Louis-Hébert.
M. BURNS: C'est peut-être vous, le successeur.
M. CHOQUETTE: M. le Président, assez de ces trivialités et
de ces plaisanteries! Je voudrais quand même un peu mettre nos honorables
collègues devant leurs responsabilités.
Cela fait maintenant depuis 1966 que je suis en cette Chambre et
franchement je n'ai jamais vu des partis d'Opposition manquer de façon
tellement évidente à la logique et au bon sens de notre
procédure parlementaire. Je dis qu'il est temps pour eux de se
reprendre. Le député de Rouyn-Noranda s'est peut-être
laissé embarquer un peu par le député de Maisonneuve.
Le député de Maisonneuve, vous savez, a pas mal de trucs
dans son sac. J'ai l'impression là qu'il a embarqué un peu notre
collègue. Notre collègue va le regretter, la semaine prochaine,
quand il va retourner dans son comté de Rouyn-Noranda et que ses
électeurs, en particulier ses électeurs locataires vont lui dire:
Comment se fait-il, vous avez voté contre ce projet de loi? Que va-t-il
pouvoir répondre?
M. LACROIX: Fabien s'est abstenu.
M. CHOQUETTE: Quant au député de Maisonneuve, je crois que
lui, il essaie de nous passer un Québec vite fait, mais je ne suis pas
pour le laisser faire sans le mettre au moins en contradiction un peu avec
lui-même. En effet, je sais que le député de Maisonneuve
est très fortement en faveur d'une législation établissant
le contrôle des loyers. Alors, comment peut-il, même avec ses
insuffisances, voter contre ce projet de loi?
Il est toujours temps aussi pour le député de Maisonneuve
de rétablir sa position pour que ses opinions soient conformes au vote
qu'il va exprimer en cette Chambre.
Qu'il nous dise en troisième lecture qu'il vote contre. C'est
ça, la signification de la troisième lecture dans notre
système parlementaire. Quand un projet de loi n'atteint pas les
objectifs qu'il devrait réaliser, les députés peuvent
l'exprimer par un vote négatif en troisième lecture. Mais ce
n'est pas sur le principe du projet de loi en deuxième lecture qu'on
doit manifester qu'on est insatisfait de certains aspects ou de certaines
dispositions du projet de
loi, surtout lorsqu'on est pleinement d'accord sur le principe.
Alors, que nos honorables collègues pensent donc à cela et
je pense qu'ils vont faire avec les autres députés de cette
Chambre l'unanimité qui s'impose autour de cet excellent projet de
loi.
Cela étant dit, je ne reviendrai pas sur tout ce que j'ai dit ce
matin pour me répéter d'une autre façon. Je voudrais
seulement, quand même, répondre à certaines des critiques
qui ont été formulées par nos collègues.
Je pense que je leur dois cela, parce que je suis sûr qu'ils ont
fait un effort sincère pour tenter de pointer ce qui est leur
rôle tout à fait légitime comme membres de partis de
l'Opposition les faiblesses de la loi que je présente.
Le député de Maisonneuve fait des reproches au ministre de
la Justice pour avoir introduit cette disposition qui exempterait de
l'application de la loi des logements pendant une période de cinq
années à partir de la date de leur construction, en disant que je
viens de sacrifier par là un principe adopté l'année
dernière, à l'effet qu'il y avait une application universelle du
contrôle des loyers à tous les logements locatifs du
Québec.
Je suis parfaitement d'accord avec lui que possiblement il y a là
une entorse au principe de l'universalité. Mais devons-nous nous faire
mener, devons-nous prendre des décisions législatives
exclusivement en fonction des principes? Il me semble que l'aspect pratique,
empirique doit nous préoccuper aussi.
C'est en vertu de préoccupations de cet ordre que j'introduis
cette notion de l'absence de contrôle durant les cinq premières
années. En effet, je pense qu'on ne peut pas considérer les
citoyens dans notre société seulement comme des
propriétaires et des locataires. Il faut penser à eux comme
à des travailleurs aussi et le député de Maisonneuve
devrait être très sensible à cela. Les travailleurs de la
construction, qui travaillent dans le domaine de l'habitation, si nous
tarissons le régime de la construction domiciliaire, ce seront eux qui
seront affectés; ce seront eux qui n'auront pas d'emploi dans le domaine
de la construction.
Peut-être qu'à ce moment-là, dans quelque temps, le
député de Maisonneuve serait bien fondé d'adresser des
reproches au gouvernement et dire que le gouvernement n'a pas tenu compte des
incitations qu'il devait apporter au point de vue de l'emploi dans la
construction. Alors, je lui dis qu'il faut quand même tenir compte de
cette dimension.
D'autre part, M. le Président, si nous devions, par un
contrôle excessif, tarir d'une certaine façon la construction
domiciliaire, nous engendrerions une crise dans le logement, dans le sens que
le nombre de logements locatifs va diminuer. Le taux de vacance, qui est un
taux qui existe en général dans les grandes
agglomérations, va avoir tendance à tomber à zéro,
et là, les propriétaires vont pouvoir se livrer à des
surenchères de la part de locataires éventuels. C'est ce qui se
produit dans les régimes les plus contraignants de contrôle des
loyers. Lorsque le taux de vacance est tombé à zéro et que
la mobilité des locataires en est sérieusement affectée,
les locataires sont obligés de payer sous la table à des
propriétaires pour avoir accès à un logement. Evidemment,
ce paiement ne paraît pas dans le bail, ou bien on trouve toutes sortes
de subterfuges, comme l'achat de meubles à des prix complètement
ridicules, pour contourner la loi qui interdit de payer ce que l'on appelle des
pas de porte.
Il faudrait faire attention que notre législation en
matière de contrôle des loyers ne nous mène pas à
une crise du logement où il y a rareté de logements disponibles,
avec les conséquences que cela entraîne, au point de vue des
locataires en général, qui n'auraient, pour ainsi dire, plus de
choix, et aussi les obligations qui en découleraient de payer des
montants pour obtenir des endroits vacants, ou encore une réduction de
l'activité dans le domaine de la construction.
Alors le gouvernement se devait, M. le Président, de tenir compte
de cette dimension très importante de la situation. C'est la raison pour
laquelle, devant les statistiques de l'année dernière qui
indiquent généralement, au Canada, une baisse dans la
construction domiciliaire, nous avons cru qu'il était plus prudent de
donner cette latitude aux logements construits depuis moins de cinq ans de ne
pas subir le contrôle de la Régie des loyers.
Le député de Maisonneuve et le député de
Rouyn-Noranda nous disent que cela, en plus de défaire le principe de
l'universalité, va avoir des conséquences sur les locataires qui
n'auront pas la protection que leur donne la loi. Mais, M. le Président,
il s'agit là d'une partie assez infime de la population parce que la
plupart des gens habitent des logements construits depuis plus de cinq ans.
Donc, il s'agit d'un pourcentage très faible de la population.
Au surplus, les gens qui vont s'installer dans de nouveaux logements
sont généralement des gens qui ont un peu plus de moyens
économiques que d'autres et je pense qu'ils pourront se défendre,
sur le plan économique, avec leur propriétaire. N'oublions pas
que le locataire n'est pas exclusivement une victime du propriétaire. Le
locataire peut réagir contre les demandes abusives du
propriétaire en disant: Je n'accepte pas les augmentations que vous me
proposez, je quitte les lieux, ou enfin, je prends des mesures de cet ordre.
Par conséquent, il ne faudrait quand même pas dramatiser et
exagérer la situation du pauvre locataire qui n'est pas
protégé durant les cinq premières années. Quand on
regarde la situation à Montréal et je pense bien que le
député de Maisonneuve la connaît autant que moi les
constructions nouvelles ont généralement ou, hélas!
peut-être un peu trop souvent, des appartements assez
luxueux qui ne sont pas nécessairement accessibles aux classes
populaires. Je le déplore.
Evidemment, je ne prétends pas, comme je l'ai dit ce matin, que
cette loi est une politique de l'habitation. C'est peut-être une partie
éventuelle et importante d'une politique de l'habitation, car je ne suis
pas revenu des idées que j'ai déjà exprimées en
cette Chambre. Quand on intervient dans les mécanismes
économiques, surtout les mécanismes économiques qui ont
autant de portée que le domaine de l'habitation et du logement, il faut,
je pense, le faire avec une certaine prudence.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je n'ai pas cru
que je devais cette année présenter une législation
permanente et structurer la Régie des loyers d'une façon
permanente tant et aussi longtemps que nous n'avions par le rapport du
comité de l'habitation que j'ai institué avec le concours du
ministre des Affaires municipales et qui est présidé par M. Guy
Legault, de la ville de Montréal.
Ce comité, je suis heureux de sa composition, je l'exprime bien
franchement à la Chambre. Je crois que le comité a une
variété de personnes intéressées à ce
domaine-là, comporte des personnalités reconnues pour leur
compétence et leur objectivité, même si elles sont
identifiées à certains milieux ou à diverses
activités dans le secteur du logement et l'habitation. J'ai confiance
que ce comité pourra vraiment nous apporter une opinion, un avis sur une
législation permanente dans ce domaine et également comment cette
législation permenen-te devrait se marier avec d'autres
législations, d'autres mesures ou d'autres politiques gouvernementales
de l'habitation.
Je crois, M. le Président, que tout le travail n'est pas à
reprendre à zéro. Premièrement, parce que le Québec
commence à avoir une expérience assez importante dans le domaine
du contrôle des loyers, et même si le député de
Rouyn-Noranda fait de l'humour en disant qu'il espère ne pas être
à la Chambre pour célébrer les noces d'argent ou les noces
d'or de ce genre de loi.
M. SAMSON: J'ai dit que j'espérais que vous ne les fêteriez
pas. Ce n'est pas pareil.
M. CHOQUETTE: Je pensais que vous souhaitiez ne plus être à
la Chambre, excusez-moi.
M. SAMSON: Vous seriez le premier à le regretter.
M. CHOQUETTE: Même si le député de Rouyn-Noranda
nous a dit qu'il espérait ne pas assister aux noces d'argent de ce
projet de loi, il a dit cela pour souligner le fait que c'est à peu
près la 21e fois que ce genre de législation est
présenté dans ce Parlement, et c'était absolument exact.
Malgré tout, il faut dire qu'il découle de cette situation une
expérience que d'autres provinces et d'autres pays ne possèdent
pas dans le domaine du contrôle des loyers. Je dirais aussi au
député de Rouyn-Noranda que j'ai eu la visite récemment du
procureur général de la Colombie-Britannique, M. Alex MacDonald,
un homme que j'estime hautement, d'ailleurs membre du Nouveau parti
démocratique. Or, cette province est aux prises avec des
problèmes de contrôle de logement chez elle et ses dirigeants
viennent au Québec justement pour étudier notre
expérience. Ceci me permettra également de répondre d'une
certaine façon à une autre objection du député de
Maisonneuve.
Le député de Maisonneuve voudrait que nous fixions un
pourcentage d'augmentation qu'on pourrait évidemment dépasser,
mais en renversant le fardeau de la preuve sur le propriétaire. Je dirai
au député de Maisonneuve que la Colombie-Britannique a fait
l'expérience de ce pourcentage d'augmentation; même l'année
dernière, en Colombie-Britannique, le pourcentage autorisé pour
les augmentations de loyer était de 8 p.c. Or, la Colombie-Britannique
s'est aperçu que ce genre de pourcentage ou de taux
général qui s'applique à tous les logements et qui ne
tient pas compte des cas particuliers, des situations particulières des
propriétaires et des locataires, avait un effet infla-tionnaire sur le
marché et, deuxièmement, était aussi injuste suivant les
circonstances soit pour le propriétaire, soit pour le locataire.
C'est la raison pour laquelle la Colombie-Britannique se prépare
à laisser, à abandonner ce système d'augmentation
autorisée en termes de pourcentage pour en venir à un
système comme celui du Québec. Je voudrais également faire
part au député d'une autre expérience d'un genre assez
semblable, celle de la ville de New York, où, avec beaucoup de
contradictions d'année en année, on a suivant les circonstances
autorisé des augmentations de 4 p.c, 5 p.c; d'autres années, on a
gelé les loyers. M. le Président, vous êtes notaire et par
conséquent, vous êtes extrêmement familier avec tout ce qui
concerne les matières immobilières, puisque c'est votre
spécialité, M. le Président, cette politique de
pourcentage d'augmentation de loyer, a apporté des conséquences
désastreuses pour la ville de New York.
Certains propriétaires ont carrément abandonné
leurs immeubles ne voulant plus les entretenir, ne voulant faire aucune
réparation, ne voulant même pas payer les taxes municipales, les
polices d'assurance, en somme voulant se départir d'un investissement
encombrant qu'ils ne pouvaient même pas réussir à vendre
à d'autres propriétaires.
Voilà où un contrôle des loyers abusif,
exagéré peut mener. Je ne raconte pas d'histoire, on pourra se
renseigner en lisant les articles publiés dans le New York Times sur
cette question et qui démontrent que le contrôle des loyers,
même si c'est une chose à laquelle je suis favorable, encore
faut-il qu'il donne un rendement suffisant au propriétaire pour qu'il
entre-
tienne son immeuble, pour qu'il paie ses taxes foncières, pour
qu'il paie ses coûts d'administration en fait. Le contrôle des
loyers doit nécessairement être compatible avec l'aspect
économique de la propriété immobilière. Et
même si nous avons des objectifs sociaux, si ces objectifs doivent faire
abstraction de considérations économiques, eh bien, ils vont
avoir des conséquences sociales désastreuses à long terme
en ce sens que, finalement, il n'y aura pas suffisamment de logements pour tout
le monde ou encore, comme je le disais plus tôt, un certain nombre de
pratiques répréhensibles vont s'instaurer dans le
marché.
En revenant au député de Rouyn-Noranda, je dis donc que
malgré que cela fait 20 ans que nous avons ce genre de
législation, elle a quand même subi certaines transformations au
cours des années. Il y a eu une évolution, surtout dans les
dernières années, vers le principe de l'universalité. Il y
a eu une évolution vers une législation plus souple et qui s'est
assez habilement mariée, je pense, même si elle était
temporaire, avec les dispositions nouvelles du code civil. De telle sorte
qu'aujourd'hui le comité présidé par M. Legault est muni
d'une expérience très précieuse pour analyser les
répercussions possibles du contrôle des loyers et surtout de
l'établissement d'une législation et d'organismes permanents dans
ce domaine.
J'ajouterai finalement que je n'ai pas attendu le mois dernier pour
vraiment commencer à faire faire des études sociales ou
économiques sérieuses sur la question parce que j'avais
constitué au début de l'année un minigroupe,
composé de M. Claude Chapdelaine, de M. Daniel Jacoby, du professeur
Joseph Chung qui a commandité des recherches à
l'Université du Québec à Montréal, qui a recueilli
une documentation très importante sur le sujet, documentation qui va
être remise à ce comité beaucoup plus large d'une dizaine
de membres présidé par M. Legault. Je pense que l'année
prochaine nous serons en position de prendre une meilleure décision, du
moins une décision plus éclairée que celle que nous
pourrions prendre cette année, à la lumière des
renseignements, de l'expérience que nous possédons, au moins une
décision où nous aurons minimisé les risques
économiques et sociaux pour la population québécoise.
Ce n'est pas parce que je considère qu'aujourd'hui, en
présentant ce projet de loi, nous accomplissons un grand pas en avant.
Je n'aurai pas l'audace de soutenir cela devant la Chambre, mais au moins nous
savons que nous protégeons la grande partie de la population
québécoise. Nous savons que nous la protégeons contre
l'inflation dans une certaine mesure, du moins pour ce qui est du logement, ce
qui est pas mal plus que ce qui se fait dans d'autres secteurs parce que,
après tout... je vois le chef de l'Opposition plongé dans une
lettre qu'il est en train de lire et qui omet de m'écouter avec
l'attention qu'il pourrait peut-être m'accorder.
Eh bien, le chef de l'Opposition a soulevé très
fréquemment le problème en cette Chambre en adressant un oeil
réprobateur au premier ministre, si ce n'est pas un doigt pointé
dans sa direction pour lui dire: Qu'est-ce que vous faites pour combattre
l'inflation? Accusation grave s'il en est. Je sais que le premier ministre en a
été vivement impressionné à plusieurs reprises,
à ce qu'il m'a dit. Mais pour une fois que le gouvernement agit contre
l'inflation dans le domaine du logement, il faudrait quand même qu'il ait
d'une certaine façon un peu l'appui de l'Opposition. Il faudrait qu'il
ait un peu de cet appui.
Vous savez que tous les domaines de l'inflation ne sont pas des domaines
de compétence provinciale. Il appartiendrait plutôt à M.
Pierre Elliot Trudeau, à Ottawa, de prendre des mesures pour combattre
l'inflation en général. Enfin, je n'apprends rien à
personne, mais c'est quasi impossible de combattre l'inflation. Nous n'avons
pas à notre disposition les politiques de crédit dont dispose le
député de Rouyn-Noranda, en vertu des théories du major
Douglas, et le contrôle de la Banque du Canada. Nous n'avons pas non plus
à notre disposition l'indépendance et le contrôle de notre
Etat, de nos outils...
M. SAMSON: On n'a pas encore le contrôle complet.
M. CHOQUETTE: ... comme l'ont nos collègues du Parti
québécois.
M. MORIN: Très bien, je suis heureux de vous entendre reconnaitre
ces faits.
M. CHOQUETTE: Par conséquent, nous, pauvres petits, nous sommes
bien démunis.
M. MORIN: Impuissants plutôt ! M. SAMSON: Vous n'avez rien.
M. MORIN: Impuissants plutôt !
M. CHOQUETTE: Non, non! M. le Président, je ne voudrais pas quand
même que l'on caricature ce que le gouvernement peut faire. Dans un
domaine comme celui du logement et le chef de l'Opposition devrait
l'admettre nous pouvons agir et nous agissons. Je ferai remarquer au
chef de l'Opposition qu'il y a bien des provinces canadiennes qui n'ont pas un
système de contrôle de loyers aussi avancé que le
nôtre. Le chef de l'Opposition le sait. Il n'y a que la
Colombie-Britannique qui a commencé à imiter le Québec, et
encore s'agit-il d'un parti, le Nouveau parti démocratique, qui est
assez à gauche, d'après les déclarations que j'ai lues
dans les journaux, que ce gouvernement Nouveau parti démocratique suive
un minable petit parti conservateur-libéral comme le nôtre, je me
demande où est la logique dans tout cela.
Je dirai au chef de l'Opposition que je suis allé en
Colombie-Britannique...
M.MORIN: Nous n'irions pas si loin que cela, mais enfin si vous y tenez
aux mots "minable" et "conservateur", libre à vous.
M. CHOQUETTE: Ces parce que nous savons rire de nous-mêmes. Nous
ne nous prenons pas au sérieux autant que le chef de l'Opposition.
Je suis allé en Colombie-Britannique, M. le Président et
j'ai vu ce gouvernement à l'oeuvre. Il comporte certainement des
personnalités remarquables, entre autres, celle de M. MacDonald. Je vous
dirai que nous politique au Québec est aussi avancée, dans le
domaine social et économique, que le gouvernement de la
Colombie-Britannique, aussi avancée. Alors, je crois que le chef de
l'Opposition est injuste à l'égard du gouvernement actuel et
qu'en votant contre ce projet de loi, il ajoute à cette injustice, chose
qu'il va regretter en fin de semaine. Il va dire: Comment se fait-il que j'aie
pu poser un geste qui n'honore pas suffisamment une loi importante
apportée par le gouvernement qui, après tout, fait la part des
choses et ne veut pas lancer le Québec dans une aventure
économique avec des conséquences imprévisibles?
Durant l'année, je pense que j'aurai un rapport de la part du
comité présidé par M. Legault. Ce rapport sera rendu
public. J'ai demandé au comité d'étudier en
priorité cette question de contrôle des loyers, parce qu'il faudra
bien en finir un jour, de cette affaire. Comme l'a dit si bien le
député de Rouyn-Noranda, cela fait 21 fois qu'un ministre de la
Justice ou un Secrétaire de la province se présente avec ce genre
de loi dans cette Chambre, toujours en promettant que, l'année
prochaine...
M. SAMSON: Vingt-trois fois!
M. CHOQUETTE: Vingt-trois fois, c'est beaucoup. M. le Président,
ces mécanismes sont compliqués, et des erreurs peuvent être
coûteuses sur le plan économique et sur le plan de l'emploi. J'ai
répondu d'une certaine façon à une autre critique du
leader du Parti québécois lorsqu'il a parlé du
problème de la permanence de la loi et du problème de la
permanence de l'organisme. Lorsque nous aurons le rapport du comité
Legault, je crois que nous pourrons être mieux rassurés sur les
mesures permanentes dans ce domaine.
Finalement, M. le Président, je ne voudrais pas terminer mon
intervention sans quand même faire quelques commentaires sur la
suggestion du député de Rouyn-Noranda au sujet d'un
mécanisme d'évaluation des immeubles et des loyers dans le temps.
M. le Président, c'est absolument impensable qu'un tel organisme puisse
être créé. Vous savez comme moi qu'un propriétaire
d'immeuble doit subir la surprise de l'augmentation des taxes foncières
et municipales, et on ne sait pas d'avance ce que les organismes publics vont
imposer comme taxes foncières.
Il doit subir la surprise de l'augmentation du coût du
pétrole. Je me rappelle très bien qu'il y a quelques
années le gallon de pétrole se vendait $0.12 ou $0.13. Eh bien!
aujourd'hui, le gallon d'huile à chauffage est rendu dans les $0.33,
$0.35 ou $0.36. Cette augmentation a eu lieu l'année dernière,
lorsque les pays arabes ont appliqué cet embargo sur le pétrole,
ce qui a fait monter le prix de l'huile à chauffage partout dans le
monde.
Alors, comment pourrait-on savoir d'avance ce qui va se passer au point
de vue économique? Ce sont justement ça, les risques de la
propriété. C'est d'assumer un certain nombre de ces risques
possibles contre le fait de recevoir des loyers qui, eux, ont une certaine
stabilité.
M. BURNS: Qu'est-ce qu'on fait dans le cas des conventions collectives?
On tente d'évaluer l'augmentation du coût de la vie à
venir. C'est exactement ce que l'on fait.
M. CHOQUETTE: Ah! Si on devait avoir une politique d'indexation
appliquée à tous les domaines, je sais que cela pourrait se
défendre. Si on devait dire qu'on va indexer les salaires, les loyers,
les prix, cela pourrait se défendre, parce que, toutes choses
étant égales d'ailleurs, s'il y a augmentations de l'indice du
coût de la vie, eh bien, tous les prix monteraient en même temps et
les positions respectives des partenaires économiques resteraient
exactement les mêmes.
Il y a certains pays qui pratiquent cette indexation
générale. Je pourrais donner l'exemple du Brésil,
l'exemple de la Belgique, que le chef de l'Opposition a visitée cet
été, au cours d'un voyage où il a fait des
déclarations que j'ai eu le plaisir de lire dans les journaux belges.
L'indexation est une solution qui fonctionne d'une certaine façon. Mais
est-ce qu'elle n'encourage pas, justement, ce cycle inflationniste sans limite?
Par conséquent, encore là faut-il peser les risques de
l'opération.
Le chef de l'Opposition sait que les Belges sont un peuple bien
pacifique, très bourgeois, très peu contestataire, riche, cossu.
La richesse belge est très considérable.
M. MORIN: La question n'est pas là. Comment le ministre fait-il
pour dire que l'indexation contribue à l'inflation, alors qu'elle a pour
but, justement, d'en corriger les effets?
M. CHOQUETTE: Non, non! Elle s'adapte à une inflation qui peut
être chronique. Je veux dire que c'est une manière de s'adapter au
phénomène de l'inflation comme à un
phénomène permanent. C'est une manière d'avoir des
institutions souples, compte tenu de cette réalité
inflationniste. Je ne dis pas que la solution brésilienne ou belge est
mauvaise. Je dis que c'est une politique vis-à-vis du
phénomè-
ne inflationniste. Il y a d'autres pays qui, pour juguler l'inflation,
essaient de réduire certaines causes de cette inflation, qu'elle ait une
origine monétaire ou encore qu'elle résulte de l'augmentation des
coûts de production, etc. Mais tout ça est un débat
économique extrêmement complexe et le fait est, pour qui lit un
peu sur ces questions, que les plus grands économistes aux Etats-Unis ne
pensent pas la même chose sur ces problèmes et que personne n'a la
solution à ces problèmes, à l'heure actuelle.
Il y a M. Milton Friedman, un grand économiste américain,
M. Greenspan, qui est le conseiller économique du président Ford,
des professeurs de Harvard; il n'y en a pas un qui pense de la même
façon et, surtout, il n'y en a pas un qui a trouvé le moyen
d'arrêter l'inflation actuelle.
Alors, c'est très beau de venir préconiser des solutions
qui ont une apparence de véracité ou de
crédibilité. Mais encore faut-il constater que ceux qui peuvent
penser qu'ils ont ces solutions à leur portée, eh bien, sont les
seuls à le penser parce que la plupart des gens sérieux
constatent que les gouvernements actuels, quels qu'ils soient, pas juste le
gouvernement du Québec, sont largement démunis devant le
phénomène inflationniste.
Je me suis laissé entraîner pour parler d'inflation; c'est
le chef de l'Opposition qui m'a amené sur ce terrain par ses
interruptions constantes et son agressivité qu'il me décerne
habituellement. Mais cela me fait plaisir quand même d'avoir eu
l'occasion de parler un peu à ce niveau avec lui. Tout cela pour dire
que le gouvernement du Québec n'est franchement pas en reste
vis-à-vis d'autres gouvernements quant à prendre ses
responsabilités, soit sur le plan économique, soit sur le plan
social, dans le domaine de l'habitation et du logement.
Nous sommes vraiment en Amérique du Nord et peut-être
même dans le monde une des provinces ou un des pays les plus
avancés au point de vue des mesures sociales que nous avons mises de
l'avant. La preuve en est ce projet de loi sur le logement, qui n'a pas son
pareil, vraiment, dans d'autres endroits du globe.
Donc, je dis, M. le Président, que l'on peut constater nos
réalisations dans ce domaine comme dans d'autres, dont le domaine de
l'aide juridique. Moi aussi, M. le Président, je voyage de temps
à autre. Il n'y a pas que le chef de l'Opposition et le leader du Parti
québécois qui font de beaux voyages. Le ministre de la Justice
s'échappe.
M. BURNS: On ne s'appelle pas Ulysse, nous autres !
M. MORIN: Ulysse Choquette!
M. CHOQUETTE: Non, mais je dis que, quand même, dans certains
domaines de la législation sociale, nous n'avons pas grand-chose
à envier à d'autres pays qui passent pour les plus progressistes
au monde, la Suède, par exemple, et d'autres pays. Là, je suis
franchement en état de digression par rapport au projet de loi, mais je
voulais situer ce projet de loi dans le contexte général des
mesures bienfaisantes que le gouvernement actuel...
M. MORIN: Nous n'avons rien à envier à la Suède,
dites-vous?
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. MORIN: Nous n'avons rien à envier à la
Suède?
M. CHOQUETTE: Je dis dans beaucoup de domaines. Je crois que le chef de
l'Opposition est mesquin quand il dit cela. Je crois qu'il est trop
sévère, trop critique...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît! ...
A l'ordre! Vous en reparlerez au retour d'un prochain voyage! Si vous voulez
revenir...
DES VOIX: Ha, ha!
M. CHOQUETTE: Je m'incline, M. le Président, je m'incline. Mais
tout cela pour conclure, M. le Président, que je ne vois pas de bonnes
raisons pour que nos collègues d'en face votent contre ce projet de
loi.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque l'article 96. La raison
remonte à plusieurs minutes. Je n'ai pas voulu interrompre le ministre
de la Justice, parce que le règlement me dit que je dois faire cela
après son intervention.
Il y a plusieurs minutes, le ministre de la Justice nous a
accusés, le député de Rouyn-Noranda et moi, de vouloir
qu'aucune protection ne soit donnée aux locataires contre l'inflation et
c'est de cette façon qu'il interprétait le vote que je
m'apprête à donner contre le projet de loi. Je veux tout
simplement lui dire que, dans mon intervention et c'est là-dessus
que j'invoque l'article 96 j'ai mentionné que je voterais contre
le projet de loi pour deux raisons: D'une part, pour des choses qui se trouvent
dans le projet de loi, c'est-à-dire l'addition ou, si vous voulez, la
régression complète en matière de couverture ou, si vous
voulez, de l'aspect universel de la loi qui est détérioré,
à mon avis, par les amendements. C'est en ce sens que les gens qui
habiteront des maisons construites depuis cinq ans ne seront pas couverts, une
chose qui se trouve dans la loi et que je ne peux pas accepter, que je
considère comme étant un des principes de la loi. C'est,
deuxièmement, pour des choses qui ne sont pas dans la loi et que
j'aurais aimé voir dans la loi. Ce n'est sûrement pas contre une
protection des locataires à l'endroit de l'inflation que je motive mon
vote contre le projet de loi. Je trouve que le
projet de loi aurait dû être tout autre que ce qu'il est.
Dans ce sens, je pense que c'est mon devoir de député de
l'Opposition de voter contre, le projet de loi, même si j'admets que,
dans l'immédiat, comme pis-aller, cela apporte quand même mieux
que rien. Mais je me sens l'obligation, pour les raisons mentionnées, de
voter contre le projet de loi.
Ce faisant, M. le Président, je vous demande un vote
enregistré. Je pense qu'il y a le député de Rouyn-Noranda
qui est d'accord sur cela, le député de Sauvé, le
député de Maisonneuve. Je pense que le ministre de l'Immigration,
qui, normalement, devrait en valoir deux, m'a dit qu'il serait d'accord pour
qu'un vote enregistré soit pris.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): On va le lui demander.
M. BIENVENUE: Etant donné que, comme l'a dit le
député de Maisonneuve, je considère modestement que j'en
vaux deux, M. le Président, cela fait cinq ! Vote enregistré.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
Vote de deuxième lecture
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la deuxième lecture
du projet de loi no 80 veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Parent (Hull), Mailloux, Choquette,
Lachapelle, Goldbloom, Quenneville, Tetley, Drummond, Lacroix, Bienvenue,
Forget, Massé, Har-vey (Jonquière), Vaillancourt, Cadieux,
Desjardins, Perreault, Brown, Kennedy, Bédard, (Montmorency), Veilleux,
Brisson, Cornellier, Houde (Limoilou), Pilote, Lamontagne, Assad, Carpentier,
Faucher, Harvey (Charlesbourg), Larivière, Shanks, Bellemare (Rosemont),
Bonnier, Boudreault, Marchand, Leduc, Caron, Denis, Dufour, Harvey (Dubuc),
Lapointe, Lecours, Massicotte, Mercier, Pagé, Sylvain, Tardif,
Vallières, Verreault.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Lessard, Bédard
(Chicoutimi), Samson, Roy.
LE SECRETAIRE: Pour: 51. Contre: 6.
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no
80 soit déféré à la commission parlementaire de la
justice pour étude article par article.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: Adopté.
M. LEVESQUE: Article 2.
Projet de loi no 77 Troisième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives propose la troisième lecture du projet
de loi no 77, Loi modifiant la loi des compagnies de fidéicommis.
M. LEVESQUE: Adopté.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, simplement pour expliquer le sens de
notre vote. Nous voterons contre le projet de loi no 77 en troisième
lecture. Nous avons, le député de Lafontaine et moi-même,
longuement exposé, lors de l'étude en commission
plénière de ce projet de loi, notre réprobation d'une
attitude d'impuissance de la part du gouvernement qui se déclare
absolument incapable d'utiliser une juridiction que nous croyons que ce
gouvernement a, et que, d'ailleurs, on retrouve à plusieurs endroits
dans le projet de loi qu'on amende. Nous trouvons entre autres, M. le
Président, que le fait d'avoir une politique qui manque
d'agressivité à l'endroit et je répète ces
mots, même si, l'autre jour, le ministre m'a reproché de parler
d'agressivité, ce n'est pas une agressivité à l'endroit
des parlants anglais de la juridiction concurrente du
fédéral en matière de formation de compagnies, en
particulier de compagnies de fidéicommis.
Je n'ai pas à répéter tous les arguments que nous
avons soumis l'autre jour, le député de Lafontaine et
moi-même. Je ne veux pas recommencer un débat, je veux simplement
dire, M. le Président, que nous voterons contre le projet de loi no 77
en troisième lecture.
M. ROY: M. le Président, quelques mots seulement.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. ROY: Quelques mots seulement sur ce projet de loi, M. le
Président. Je ne veux pas revenir sur le débat que nous avons
tenu en deuxième lecture ni revenir sur les arguments que j'ai
invoqués à l'occasion de l'étude en commission
plénière. Je veux tout simplement dire que le gouvernement, par
ce projet de loi, vient de rater une belle occasion de se donner de
véritables pouvoirs pour s'assurer de la façon dont
l'épargne québécoise est canalisée et de la
façon dont l'épargne est administrée, et aussi, pour
être en mesure de vérifier si nos économies servent
à notre développement économique.
M. le Président, il y avait des dispositions, dans ce projet de
loi, qui concernaient l'obligation des institutions, quelles soient nationales,
multinationales, américaines ou québécoises, de porter un
nom français. J'ai dit que c'était une mesure à laquelle
nous souscrivions. Mais le gouvernement avait l'obligation de se donner plus de
pouvoirs de vérification, je ne dirai pas de pouvoirs de contrôle
comme tels mais des pouvoirs de vérification pour se donner les
mécanismes nécessaires qui, par des mesures incitatives,
pourraient faire en sorte que nos économies, nos épargnes soient
canalisées et orientées en vue de notre développement
économique.
M. le Président, un petit point en dernier lieu que je tiens
à souligner à l'attention du ministre. A la suite de l'adoption
des dispositions des articles de ce projet de loi et compte tenu de la
réglementation qui prévaut dans l'ensemble des politiques
adoptées sous la responsabilité du ministère des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives, j'ai dit au
ministre et je dis au ministre d'être extrêmement prudent, pour ne
pas obliger quelques petites institutions québécoises qui
actuellement rendent des services immenses dans leur milieu, de s'enregistrer
comme société de fiducie et de tomber sous la tutelle de la loi
actuelle qui les oblige d'avoir $1 million de capital social, ce qui
signifierait leur disparition pure et simple.
Or, ce sont les points sur lesquels j'ai voulu attirer l'attention du
ministre. Je profite de la troisième lecture pour les rappeler à
son attention, mais compte tenu du fait que nous n'avons aucune garantie, que
nous n'avons aucune certitude et compte tenu du fait également et
je n'ai pas à répéter les mêmes paroles que mon
collègue de Maisonneuve vient de dire qu'il y a des dispositions
dans ce projet de loi qui font que le gouvernement du Québec ne prend
pas toutes ses responsabilités et qu'il laisse une porte ouverte aux
autres de venir chez nous, sans que le ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives ait son mot à
dire, c'est une loi qui pour nous est inacceptable. Je voterai donc contre la
troisième lecture.
M. William Tetley
M. TETLEY: M. le Président...
LE PRESIDENT: Le ministre exerce sont droit de réplique.
M. TETLEY: ... quelques commentaires très brefs. Au sujet de la
langue, nous avons adopté, ici à l'Assemblée nationale, la
Loi sur la langue officielle, la loi no 22. Nous avons de plus, M. le
Président, par cette loi incité d'autres provinces à gir
dans la constitution et suivant la loi et au lieu d'essayer de changer les noms
de compagnies fédérales ou extra-provinciales ce qui est
illégal pour notre Assemblée nationale nous avons
incité ces provinces et ces autres juridictions à suivre notre
exemple. Je répète la bonne nouvelle que j'ai annoncée
hier: d'autres provinces m'ont téléphoné, sont venues me
voir, m'ont même écrit à l'effet qu'elles vont suivre notre
exemple d'avoir des noms français et anglais. Je peux dire que j'ai
visité Toronto, récemment et le ministre de la Consommation et
des Corporations d'Ontario m'a donné lui-même cet avis.
Donc, M. le Président, je crois que le Québec a agi dans
le plus grand bon sens, dans l'amitié plutôt que dans la force et
c'est pourquoi je crois que cette loi amicale doit être adoptée
sans délai.
LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de troisième lecture du
projet de loi no 77 est adoptée?
M. BURNS: M. le Président, sans demander un vote
enregistré, je voudrais tout simplement qu'on note la dissidence du chef
de l'Opposition, du député de Sauvé, du
député de Saguenay, du député de Chicoutimi et du
député de Maisonneuve.
M. ROY: Sans oublier celle du député de Rouyn-Noranda et
du député de Beauce-Sud.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! Adopté sur
division avec la dissidence des députés
précités.
M. LEVESQUE: Article no 26).
Projet de loi no 59 Deuxième lecture
LE PRESIDENT: Le vice-premier ministre, ministre des Affaires
intergouvernementales et leader parlementaire, dit de la majorité,
propose la deuxième lecture du projet de loi no 59, Loi
du ministère des Affaires intergouvernementales.
M. BURNS: M. le Président, on devrait dire le ministre
indispensable.
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur
de la province a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande
l'étude à l'Assemblée.
M. le Président, le projet de révision de la Loi du
ministère des Affaires intergouvernementales, dont j'ai l'honneur de
proposer l'approbation en deuxième lecture aujourd'hui, a deux objets
principaux. Le premier est de l'ordre de la gestion et a pour but de parfaire
l'institutionnalisation de la fonction de coordination du ministère, de
manière à en faire un instrument efficace au service des
ministères sectoriels.
Le deuxième objet principal consiste, d'autre part, à
énoncer les éléments fondamentaux du cadre politique dans
lequel s'inscrit l'action du Québec en matière de relations
intergouvernementales. Ce sont là les deux aspects du projet de loi sur
lesquels je voudrais attirer votre attention pendant les quelques minutes qui
suivront.
Si on l'envisage d'abord d'un point de vue organique, ce projet vise
essentiellement à compléter la mise en place de l'instrument de
coordination qu'est le ministère des Affaires intergouvernementales.
L'institutionnalisation de la fonction de coordination des relations avec
l'extérieur dans un régime fédéral comme le
nôtre semble une nécessité dans tout appareil
gouvernemental digne de ce nom. En effet, la mise au point d'une telle
structure a pour effet essentiellement de favoriser la cohérence des
actions des diverses administrations publiques à l'extérieur du
Québec.
Or, dans un régime de type fédératif, ce qui
distingue, en fait sinon juridiquement, l'Etat membre de la
fédération d'un organisme administrativement
décentralisé, c'est précisément la concertation des
différentes parties de l'appareil étatique qui le gouverne. Cette
concertation permet en fait d'affirmer l'existence d'un gouvernement. Au plan
interne, cette fonction est assumée par le ministère du Conseil
exécutif. Au plan externe, elle appartient au ministère des
Affaires intergouvernementales.
De l'efficacité de cet instrument dépend, en fait, du
point de vue externe, la consistance d'un ordre de gouvernement distinct du
gouvernement central au Canada. Quelles que soient les garanties
apportées par la constitution aux pouvoirs des Etats membres de la
fédération, il est clair que dans les faits la multiplication de
rapports purement sectoriels entre le gouvernement fédéral et les
divers ministères provinciaux risquerait fort d'avoir pour effet de
créer, à toutes fins utiles, une subordination de
l'administration québécoise ainsi sectorialisée par
rapport à l'administration centrale située, elle, dans un
véritable ordre de gouvernement.
C'est donc l'existence même du fédéralisme canadien
qui requiert la mise sur pied, au sein des divers Etats membres de la
fédération, d'organismes de coordination des relations avec
l'extérieur destinés à réaliser la tâche
exigeante d'assurer la cohérence des actions externes par rapport
à la politique interne du gouvernement.
Cette tâche est devenue au cours des quinze dernières
années, de plus en plus exigeante. Comme chacun le sait,
l'élargissement des champs d'intervention des gouvernements au Canada,
d'une part, et l'ouverture sur l'extérieur, d'autre part,
provoquée par la révolution tranquille, ont
généré une progression géométrique de
relations avec les autres gouvernements canadiens, avec les gouvernements
étrangers, leurs ministères et organismes, et avec plusieurs
organisations internationales dans les domaines les plus
diversifiés.
C'est dans cette perspective que le projet de révision de la Loi
du ministère des Affaires intergouvernementales doit être
envisagé. Sur ce point de vue, il constitue la troisième
étape de la mise au point de cet instrument de coordination dont le
gouvernement a un besoin essentiel pour ses relations avec l'extérieur:
l'étape de la révision des moyens.
On se rappellera que la première étape, celle de la
naissance du ministère, a été franchie en 1961, dès
le début du gouvernement de M. Lesage. En adoptant la Loi du
ministère des Affaires fédérales-provinciales, le
Parlement du Québec confiait alors en termes très
généraux au ministère le mandat de coordonner les
relations du Québec avec le gouvernement central et les gouvernements
des autres Etats membres de la fédération canadienne.
On peut aisément comprendre qu'à cette époque il a
paru opportun de définir le rôle du ministère en termes
suffisamment généraux pour permettre de faire l'expérience
de ce qui était alors le premier instrument de ce type à
être institutionnalisé au Canada. Il est clair que dans un tel
contexte un excès de souplesse valait mieux qu'un excès de
rigidité.
Notons en passant que pendant cette même année, la Loi des
agents généraux qui prévoit la nomination des
représentants du Québec à l'étranger était
révisée en profondeur de manière à pourvoir
dorénavant, sous l'autorité du ministre de l'Industrie et du
Commerce, à l'organisation de maisons du Québec à
l'étranger.
Ces deux démarches législatives témoignent, en
fait, de l'entrée du gouvernement du Québec dans l'ère
moderne. Il y aurait beaucoup à dire sur cette période dont peu
d'entre nous avons été témoins comme membres de cette
Assemblée, et je m'exclus. Mais je ne m'arrêterai pas sur la
fécondité de ce passé mémorable, si ce
n'est pour souligner la continuité dans laquelle se situe le
gouvernement actuel par rapport à la préoccupation
d'efficacité de gestion des affaires de l'Etat qui a
caractérisé cette époque.
La deuxième étape de la mise en place de notre structure
de coordination a été franchie en 1967, alors que cette
Assemblée adoptait une modification à la loi organique du
ministère, de manière à élargir son champ de
compétence aux relations internationales. Cet amendement permettait de
consacrer dans une loi le résultat d'une série de gestes
significatifs posés par le Québec sur la scène
internationale depuis 1961 et dont les plus importants résident sans
doute dans les accords de coopération conclus avec la France en 1964 et
en 1965. Cette loi de 1967, qui conféra au ministère son
appellation de ministère des Affaires intergouvernementales, modifiait
de plus la Loi des agents ou délégués
généraux de manière à transférer du
ministère de l'Industrie et du Commerce à celui des Affaires
intergouvernementales la responsabilité à l'égard des
maisons du Québec établies à l'étranger depuis
1961.
Ce second apport législatif, en accroissant le champ de
responsabilité du ministère, n'a pas cependant eu pour effet
d'expliciter le rôle du ministère au plan administratif. De plus,
il convient de noter que ce transfert de responsabilité s'est traduit au
plan budgétaire par un transfert de l'ensemble du budget des programmes
de coopération. Mais le personnel responsable de la conception et de la
mise en oeuvre de ces programmes, dans les domaines de l'éducation et
des affaires culturelles, est demeuré au ministère de l'Education
et des Affaires culturelles. Selon ce modèle, qui s'explique
historiquement par l'antériorité de ces services par rapport au
ministère des Affaires intergouvernementales, des services analogues se
sont constitués ou sont en voie de formation dans certains autres
ministères. Le gouvernement estime maintenant le moment venu d'aborder
la troisième étape du processus, celle du raffinement des moyens
de coordination.
Du point de vue de l'organisation étatique, le but essentiel de
ce projet n'est pas de modifier la nature du mandat conféré au
ministère en 1961, ni son champ de responsabilité tel qu'il a
été élargi en 1967, mais plutôt d'attribuer au
ministère des moyens de coordination mieux accordés aux exigences
de la réalité gouvernementale moderne.
Cet ensemble de moyens nouveaux prévus dans ce projet de loi vous
est proposé à la lumière de 13 années
d'expérience administrative de la coordination au Québec. Il est
également le fruit de nombreux échanges avec plusieurs
responsables des relations intergouvernementales ailleurs qu'au Canada. Il
importe de noter à cet égard que, si le Québec a fait
figure de pionnier en 1961 en confiant ces fonctions à un
ministère, son exemple a été suivi ailleurs. L'Ontario,
1'Alberta et, depuis quelques semaines, Terre-Neuve ont tour à tour mis
sur pied des ministères comme le nôtre.
Ces moyens sont de quatre types. Premièrement, ils consistent en
un certain nombre de précisions et d'explications sur le mandat du
ministère. Ces précisions visent à dissiper les
ambiguïtés que les termes généraux du mandat actuel
laissent subsister en matière de relations extérieures. De telles
clarifications, qui ont paru nécessaires à l'expérience,
ne touchent pas cependant au contenu sectoriel des relations
extérieures. Il est important de souligner, je crois, que leur intention
ne déborde pas le rôle de coordination et d'administration des
relations extérieures.
Le ministère des Affaires intergouvernementales doit demeurer un
organisme central et ne doit pas se substituer aux ministères
responsables des divers secteurs de l'administration par le biais des relations
extérieures. Cette intention est traduite de façon non
équivoque par les articles 11 et 14 du projet de loi. L'article 11 du
projet prévoit que "le ministre, en accord avec les ministères et
organismes intéressés, a pour fonction de favoriser le
développement culturel, économique et social des
Québécois par l'établissement de relations
intergouvernementales".
Et l'article 14 prévoit en outre que: "le ministre collabore avec
les autres ministères du gouvernement dans la mise en oeuvre, à
l'extérieur du Québec, des politiques dont ils ont la
responsabilité.
L'esprit des nouvelles dispositions relatives au mandat du
ministère est de lui maintenir son caractère de ministère
de service et de favoriser, par une plus grande précision,
l'efficacité de ses services. L'essentiel, en définitive, est de
permettre au ministère de jouer, en temps utile, dans le processus
décisionnel, son rôle principal: c'est-à-dire inscrire dans
un dossier de relations intergouvernementales les éléments
pertinents qui émargent des secteurs autres que celui auquel il
appartient de même qu'une dimension de politique extérieure.
Deuxièmement, un deuxième type de moyens prévus par
ce projet de loi réside dans l'attribution au ministre de pouvoirs
nouveaux en ce qui concerne les ententes intergouvernementales et les ententes
conclues avec d'autres gouvernements par ces organismes publics. Le chapitre 3
du projet attribue au ministre la responsabilité de veiller... (troubles
techniques)
M. LACROIX: Sabotage!
M. SAMSON: Sabotage intergouvernemental!
M. LEVESQUE: Peut-être que les gens sont fatigués le
vendredi après-midi ! On ne peut pas l'appeler non plus! Cela
recommence?
LE PRESIDENT: C'est correct, cela va.
M. LEVESQUE: Un deuxième type de moyens prévus par ce
projet de loi réside dans l'attribution au ministre de pouvoirs
nouveaux
en ce qui concerne les ententes intergouvernementales et les ententes
conclues avec d'autres gouvernements par des organismes publics.
Le chapitre 3 du projet attribue au ministre la responsabilité de
veiller à la négociation et à la mise en oeuvre de toute
entente à intervenir entre le gouvernement, l'un de ses
ministères ou organismes et tout autre gouvernement, l'un de ses
ministères ou organismes. De plus, le projet prévoit que toute
entente entre un organisme public et un autre gouvernement, l'un de ses
ministères ou organismes, devra dorénavant recevoir l'approbation
du lieutenant-gouverneur sous peine de nullité. Par organisme public, le
projet comprend et je cite l'article 21 : "Tout organisme dont le
lieutenant-gouverneur en conseil ou un ministre nomme la majorité des
membres, dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou employés soient
nommés ou rémunérés suivant la Loi de la Fonction
publique ou dont les ressources proviennent pour plus de la moitié du
fonds consolidé du revenu".
Notons immédiatement que la mise en application de cette
dernière disposition va requérir la détermination de types
d'ententes auxquelles le projet ne s'applique pas. Il est évident que la
promulgation de cet article doit attendre une telle détermination. C'est
pourquoi l'article 21 a été identifié comme devant prendre
effet sur proclamation par opposition à l'ensemble des autres
dispositions du projet que l'on désire voir prendre effet à la
date de la sanction de la loi. La réglementation requise devra
d'ailleurs être élaborée par les ministères
intéressés, en collaboration avec les organismes du gouvernement
ou les organismes privés qui sont visés par ces dispositions.
Troisièmement. La représentation du Québec à
l'extérieur, à l'égard de laquelle la loi actuelle ne
précisait pas les responsabilités, est placée de
façon non équivoque par ce projet sous la responsabilité
du ministère et du ministre des Affaires intergouvernementales. C'est
ainsi que dorénavant, le ministre sera seul habilité par la loi
à affecter le personnel à l'étranger dans les
délégations du Québec. Il ne pourra évidemment le
faire à l'encontre de la volonté de tout ministère
sectoriel auquel un fonctionnaire appartient. Cependant, nul ne pourra,
à l'encontre de sa volonté, affecter quiconque à
l'étranger de façon permanente. La même règle
s'applique d'ailleurs pour ce qui est des représentations ad hoc sous
forme de missions ou de participations à des conférences
intergouvernementales. Dans ces derniers cas, le projet requiert l'intervention
du ministre des Affaires intergouvernementales pour la définition du
mandat et représentants du Québec.
Ces mesures visent évidemment à favoriser la concertation
au niveau de l'expression des positions du Québec à
l'extérieur. Dans les maisons du Québec, à
l'extérieur, tout le personnel, y compris les fonctionnaires appartenant
à des ministères sectoriels, se trouvent dorénavant
placés de façon formelle sous l'autorité du
délégué ou chef de poste, lequel relève, pour ce
qui est de la présence du Québec à l'extérieur, du
ministère des Affaires intergouvernementales. 4. Ce quatrième
type de moyens destinés à rendre plus efficace la fonction de
coordination du ministère réside dans le transfert d'un certain
nombre de fonctionnaires dont la fonction principale correspond à l'une
des fonctions attribuées au ministre par le projet.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, la loi de 1967 a eu pour
effet de transférer, en certaines matières, le budget au
ministère des Affaires intergouvernementales sans affecter le personnel
chargé de l'administrer. Le projet, à cet égard, vise
à compléter le mouvement amorcé en 1967 de manière
à simplifier les procédures administratives, surtout pour ce qui
a trait à la coopération avec l'extérieur.
Notons incidemment que, pour ce qui est de la coopération avec
l'extérieur, le gouvernement du Québec ne limite pas ses
intérêts aux accords qu'il conclut avec les autres Etats. C'est
ainsi que le projet prévoit que le ministre devra voir à la
ratification et à la mise en oeuvre, au Québec, des
traités ou accords internationaux conclus par le gouvernement
fédéral et qui impliquent le Québec.
Ces quatre types de moyens qui sont, pour les uns, nouveaux, et pour
d'autres, la précision d'idées latentes, permettront au
ministère d'assumer plus efficacement son rôle au sein de
l'administration québécoise. D'un ministère reposant
exclusivement sur des hommes, l'on passera ainsi à
l'institutionnalisation de façons de faire et à la
création d'un organisme vraiment équipé pour jouer le
rôle qui lui est imparti par la loi.
Par ailleurs, ce projet de loi, comme je l'ai indiqué au
début, comporte un deuxième objet majeur. Nous venons de parler
de gestion, d'administration. Ce deuxième objet est celui de tracer les
éléments fondamentaux de la voie d'action du gouvernement en
matière de relations intergouvernementales.
D'abord, sur le plan canadien, le projet comprend trois
éléments primordiaux de politique: le devoir imposé
au ministre de faire respecter la compétence constitutionnelle du
Québec, le mandat donné au ministre d'assurer la
participation du Québec à l'élaboration et à la
mise en oeuvre des politiques et des programmes fédéraux
affectant le Québec, le rôle confié au ministre de
veiller au maintien de la qualité des ordres de gouvernement au Canada
en surveillant l'application de l'article 20, qui prohibe les ententes entre le
gouvernement fédéral et les corporations municipales ou
scolaires.
Ces trois éléments représentent des attitudes
constantes du gouvernement du Québec qu'il nous paraît
nécessaire d'inscrire dans la loi afin de consacrer leur
caractère permanent.
Au-delà des mots, nous souhaitons par cette
loi apporter des garanties pour que l'administration
québécoise traduise concrètement cette ligne de force de
la politique québécoise.
D'autre part, sur le plan international, nous souhaitons, par ce projet,
inscrire dans la législation la vocation particulière du
Québec à l'égard des institutions internationales
francophones.
Je n'ai pas besoin de rappeler notre participation à l'Agence de
coopération culturelle et technique des pays francophones, à
titre de gouvernement participant. Je n'ai pas à rappeler le dernier
festival, la Superfrancofête. Je n'ai pas à rappeler les rapports
directs et privilégiés avec la France qui seront stimulés
par la dernière visite du premier ministre du Québec en
France.
M. le Président, ainsi balisées par la loi, les relations
du Québec avec l'extérieur prennent un tournant
irréversible. Au-delà des formes traditionnelles auxquelles
certains esprits trop étroitement juridiques persistent, hélas,
à s'attacher, le gouvernement du Québec est résolu
à poursuivre sa marche dans le monde moderne. Le projet de
révision de la Loi du ministère des Affaires
intergouvernementales que je vous propose aujourd'hui est, en
définitive, une traduction concrète de ce mouvement amorcé
en 1961 et stimulé de façon significative depuis 1970.
C'est pourquoi, M. le Président, je propose son adoption en
deuxième lecture.
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, on nous promettait, depuis quelques
temps, des modifications essentielles à la Loi du ministère des
Affaires intergouvernementales. Dans le message inaugural, dont on sait qu'il
ne faut pas toujours prendre toutes les dispositions à la lettre, il
était question de modifications substantielles destinées à
intégrer dans une même loi organique des responsabilités
exercées sous l'empire de plusieurs lois à l'heure actuelle.
On comprend le gouvernement d'avoir voulu refaire l'image de ce
ministère. Depuis les fuites qui ont révélé le
bilan négatif des rapports Ottawa-Québec, bilan que le ministre
s'est bien gardé de rendre public malgré tous les appels que j'ai
pu faire à son ouverture d'esprit, depuis ce bilan, l'image de ce
ministère laissait quelque peu à désirer.
Bien sûr, sous MM Lesage et Johnson, avant 1970, le
ministère avait été actif; il avait innové, il
avait créé, il avait mis en marche un projet national. A cette
époque, comme le soulignait le Devoir ce matin, il y avait à la
barre de ce ministère un homme très dynamique, M. Claude
Morin.
Hélas, depuis 1970, on doit constater que le ministère a
perdu quelque peu de son envergure. Le sous-ministre lui-même, voyant
l'agonie lente qu'on faisait subir au ministère, s'est
décidé à le quitter. Le ministère, il faut bien le
dire, s'est étiolé, un peu comme les fleurs à l'automne;
lui qui était si plein de promesses au début, on l'a vu perdre
ses feuilles les unes après les autres à compter de 1970.
Après une période de floraison qui marque dans l'histoire du
Québec, on l'a vu perdre de son importance. Peut-être parce que ce
n'était pas dans le style du premier ministre actuel de
développer la coopération avec l'étranger. Cela ne faisait
pas partie de ses préoccupations principales.
Ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est en quelque sorte de redorer le
blason de ce ministère, c'est de lui redonner vie, mais je crains que ce
ne soit en ramassant des feuilles mortes. En effet, on peut s'interroger sur la
portée véritable de la "réforme" qu'on nous propose. Il
semble que le projet, présenté comme un renforcement de ce
ministère, en fait puisse entraîner un certain affaiblissement de
ses compétences.
On a dit tout à l'heure que le mandat du ministère
n'était pas modifié. Je crains qu'il ne le soit. Dans l'ancienne
loi, modifiée en 1967, le ministre avait mission, d'après
l'article 2, de coordonner "toutes les activités du gouvernement
à l'extérieur du Québec ainsi que celles de ses
ministères et organismes". Chacun de ces mots avait son importance. La
loi dit bien qu'il "coordonne toutes les activités du gouvernement
à l'extérieur du Québec".
Or, désormais, la fonction de coordination sera beaucoup
moindre.
J'espère que le ministre suit attentivement mon raisonnement. Ce
que je disais, M. le Président...
M. LEVESQUE: J'aurais pu intervenir...
M. MORIN: ... je le disais en grande partie pour le ministre.
M. LEVESQUE: C'est parce que j'aurais pu intervenir souvent depuis que
l'honorable chef de l'Opposition a commencé ses propos. Je veux
respecter le règlement et je veux attendre mon droit de réplique
pour mettre certaines choses au point. Je pourrais...
M. MORIN: M. le Président...
M. LEVESQUE: Si le chef de l'Opposition pense que je n'écoutais
pas, je pourrais lui donner des exemples où il vient de fauter,
lorsqu'il a parlé du degré de coopération de 1970 à
nos jours. Je pourrais lui faire part de l'augmentation des crédits de
coopération. Je pourrais lui faire part de beaucoup de choses qui
montrent justement que même s'il n'y a pas eu le bruit ou le
spectaculaire qu'aimerait peut-être le chef de l'Opposition, il y a eu de
l'efficacité au ministère des Affaires intergouvernementales.
M. MORIN: M. le Président, si le ministre veut me donner la
réplique plus tard, il faudrait tout de même qu'il écoute
lorsque j'explique les objections que nous avons à un point tout
à fait fondamental de son projet, n'est-ce pas?
M. LEDUC: II écoute.
M. MORIN: Le ministre nous a dit: Le mandat de mon ministère
n'est pas modifié...
M. LEVESQUE: Ne sortez pas cela du contexte.
M. MORIN: ... je lui explique...
M. LEVESQUE: Je ne veux pas que le chef de l'Opposition sorte cela du
contexte. Là aussi, j'ai gardé le silence...
M. MORIN: Laissez-moi terminer. M. LEVESQUE: ... lorsqu'il a dit
cela.
M. MORIN: Vous aurez le droit de répliquer mais...
M. LEVESQUE: Mais oui, mais c'est pour cela.
M. MORIN: ... écoutez bien ce que j'ai à dire.
M. LEVESQUE: J'écoute, je ne perds pas une parole.
M. MORIN: Je soulignais au ministre que le mandat de son
ministère, tel que décrit dans la loi de 1967, l'autorisait
à coordonner toutes les activités du gouvernement à
l'extérieur du Québec. Désormais, ce n'est plus le mandat
de son ministère. Désormais, le ministère des Affaires
intergouvernementales ne coordonne que les relations entre organismes
officiels. C'est l'article 10 du projet de loi. Autrement dit, on renonce
à confier au ministère la coordination de l'ensemble des
activités générales, mandat qui lui était imparti
par la loi, à venir jusqu'à maintenant.
M. LEVESQUE: Exemple?
M. MORIN: Et...
M. LEVESQUE: Illustration?
M. MORIN: ... je pense en particulier à cet ensemble de rapports
avec l'extérieur, d'activités qui ne font pas l'objet d'une
coopération d'organisme gouvernemental à organisme
gouvernemental. Désormais, d'après l'article 10, pour que le
ministère soit compétent pour coordonner, il faut qu'il y ait de
ce côté-ci un organisme gouvernemental et, du côté
correspondant, soit dans une autre province ou au niveau fédéral,
ou dans un Etat étranger, il faut que le ministère ait affaire
à un organisme gouvernemental. Ce n'était pas... Laissez-moi
terminer.
M. LEVESQUE: Au public.
M. MORIN: Ce n'était pas le cas dans l'ancienne loi où
votre mandat était beaucoup plus large, où vous pouviez
coordonner, je le répète, toutes les activités du
gouvernement à l'extérieur du Québec, ainsi que celles de
ses ministères et organismes. On a fait sauter toute la partie
générale du mandat pour vous restreindre maintenant aux
activités, au contact, au rapport entre organismes:
M. LEVESQUE: Mais, vous...
M. MORIN: M. le ministre, j'ai écouté le ministre
religieusement. Voudrait-il...
M. LEVESQUE: C'est parce que... M. MORIN: ... me donner la chance... M.
LEVESQUE: Oui. M. MORIN: ... de finir? M. LEVESQUE: D'accord. M. MORIN:
N'est-ce pas?
M. LEVESQUE: Mais tout ce que je veux dire c'est que j'aurai l'occasion
et je voudrais bien que ce soit enregistré au journal des
Débats de revenir là-dessus.
M. MORIN: Je l'espère.
M. LEVESQUE: Je ne laisse pas passer tout cela, là.
M. MORIN: Je l'espère, que vous allez... M. LEVESQUE:
D'accord.
M. MORIN: ... revenir sur ce point, M. le ministre, parce que vous nous
avez dit tout à l'heure que le mandat de votre ministère
n'était pas modifié alors qu'en fait il l'est. Maintenant...
M. LEVESQUE: II est amplifié.
M. MORIN: ... il y a une autre possibilité...
M. LEVESQUE: II est modifié dans le sens qu'il est
amplifié.
M. MORIN: Un instant, s'il vous plaît ! M. le Président, je
vous demanderais de rappeler à l'ordre le ministre parce que je l'ai
écouté religieusement. Il se pourrait...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): C'est que vous le provoquez.
M. MORIN: Allons donc! De quelle sorte d'impartialité faites-vous
preuve, M. le Président?
M. LEDUC: Vous faites votre petit démagogue, là. Un
instant !
M. MORIN: Depuis quand, M. le Président, n'ai-je pas le droit de
donner mon opinion sur un projet de loi? Vous faites un joli président
!
M. LEDUC: Bon! on a un autre con...
M. MORIN: Je m'attendais à plus d'impartialité de votre
part.
M. le Président, il se pourrait que ce soit un oubli, il se
pourrait qu'on ait oublié le mandat général du
ministère dans la.nouvelle rédaction, auquel cas le ministre aura
tout le loisir de recevoir un amendement et de corriger la mauvaise impression
que nous laisse son projet de loi.
Peut-être conviendrait-il de jeter un coup d'oeil sur une
disposition très importante du projet d'après laquelle le
ministre recommande au lieutenant-gouverneur en conseil la ratification des
traités ou accords internationaux dans les domaines ressortissant
à la compétence constitutionnelle du Québec.
Voilà une disposition difficile à interpréter. On
peut la comprendre de deux façons. Je propose au ministre, M. le
Président, deux hypothèses de travail. A 1), il s'agit dans cet
article, de la ratification des traités conclus par le gouvernement
fédéral, mais alors, si tel est bien le cas, le Québec ne
peut pas ratifier des accords qu'il n'a pas conclus. Ce serait
entièrement contraire à la pratique internationale et à la
pratique constitutionnelle de ce pays. Un état ne peut pas...
M. LEVESQUE: La mise en oeuvre.
M. MORIN: Ah! ce n'est pas ce que dit l'article, M. le Président,
et puisque le ministre m'a interrompu une fois de plus, je lui rappelle que
l'article 15 lui permet de recommander la ratification et dans le paragraphe
suivant, la mise en oeuvre. Mais nous parlons en ce moment, de la ratification.
Or, M. le Président, je n'ai pas de doute que le Québec puisse
mettre en oeuvre les traités conclus par le gouvernement
fédéral. C'est d'ailleurs ce que nous dit la jurisprudence du
Conseil privé, en particulier dans l'arrêt relatif à
l'affaire des conventions de travail.
Mais, M. le Président, il s'agit ici de la ratification, un
gouvernement ne peut ratifier un traité qu'il n'a pas conclu. C'est
impossible. On jouerait sur les mots si l'on s'en tenait à cette
première hypothèse de travail. Si un état, un gouvernement
n'est pas partie à un traité, à un accord international,
il ne peut pas ratifier celui-ci. Ratifier, cela signifie expédier des
lettres de ratification. Est-ce que le ministre prétend par cet article
que le Québec va expédier des lettres de ratification aux
gouvernements étrangers avec lesquels le pouvoir fédéral
aura conclu des accords? M. le Président, c'est absurde.
Je préférerais, en ce qui me concerne, écarter
cette première hypothèse qui décidément n'est pas
la bonne. En second lieu, il pourrait s'agir de traités ou accords
internationaux conclus par le Québec. En toute logique, le gouvernement
du Québec pourrait alors ratifier un accord qu'il aurait
négocié et conclu avec un état étranger.
Connaissant la compétence des conseillers du ministre, j'imagine que
s'ils ont utilisé un vocabulaire aussi technique que celui-là,
ils savaient ce qu'ils faisaient et que, lorsqu'ils parlent de ratification,
ils font allusion à la possibilité pour le Québec de
signer désormais des accords internationaux et non plus seulement ces
modestes ententes auxquelles les articles suivants du projet de loi font
allusion.
Alors, si ma seconde hypothèse est la bonne, nous sommes devant
un progrès considérable, et le ministre portera, dans l'avenir,
le mérite d'avoir élargi considérablement les ambitions
internationales du Québec. Le ministre n'en est peut-être pas
conscient, c'est une autre hypothèse. Peut-être cet article 15
a-t-il été rédigé par des conseillers qui
devançaient la pensée du ministre.
Ce projet donc, si cette hypothèse est exacte, affirmerait enfin
la compétence du Québec non seulement à l'égard des
ententes intergouvernementales, cette expression modeste que l'on a
inventée pour caractériser les accords conclus par le
Québec avec l'étranger, mais également à
l'égard des traités. Je ne sais pas, à vrai dire, laquelle
de ces deux hypothèses est la bonne. Si je me montrais pessimiste sur
les ambitions de ce gouvernement, je dirais que ce serait plutôt la
première hypothèse qui serait la bonne, mais alors la solution
technique qui a été retenue est fausse. Elle ne correspond ni au
droit international ni au droit constitutionnel. Si, par ailleurs, ma seconde
hypothèse plus optimiste est la bonne, alors le ministre est
peut-être, sans en être tout à fait conscient, en train de
poser des gestes historiques pour l'avenir du Québec.
Je vois que le temps s'écoule rapidement et il convient
peut-être que je termine cet exposé de seconde lecture en disant
toute l'importance que j'attache personnellement et que l'Opposition officielle
attache au ministère des Affaires intergouvernementales. Au cours de
l'étude des crédits de ce ministère, en juin dernier, j'ai
eu l'occasion de dire au ministre à quel point son ministère est
important pour l'avenir du Québec. Je ne sais si j'ai réussi
à le persuader, compte tenu de l'attention qu'il accorde à ce
ministère dans la réalité quotidienne.
Les "Afinter", comme on les appelle quel-
quefois, devraient être un organisme de synthèse dans la
croissance de Québec et dans sa lente maturation. Il en va des
sociétés, des nations comme des individus. On se définit
soi-même en se définissant par rapport aux autres.. De même,
l'identité québécoise dépend, dans une large
mesure, même à l'intérieur du régime
fédératif, d'un organisme capable de se donner des vues
d'ensemble sur l'avenir du Québec et de ses rapports avec les autres.
Mais pour cela, il nous faut un projet national.
Il nous faut plus qu'une simple structure qui ne serait pas
animée par un grand dessein. C'est malheureusement ce qui manque le plus
dans ce projet de loi. Le ministère par ce projet ramasse des feuilles
mortes. Il met ensemble des choses qui existaient déjà. Il donne
un peu plus de cohérence aux activités du Québec, mais
c'est seulement sur le plan administratif. Sur le plan de son mandat, il le
réduit en éliminant la compétence générale
à l'égard de toutes les activités qui lient le
Québec avec l'extérieur.
Le ministre ne ramasse que des feuilles mortes et je crains bien que ce
projet de loi, qui n'est pas entièrement inutile, ne puisse rendre vie
à l'arbre sec qu'est devenu le ministère des Affaires
intergouvernementales.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON; Je pense que le ministre veut invoquer l'article 96?
M. LEVESQUE: Non, merci.
M. SAMSON: M. le Président, je voudrais proposer
l'ajournement...
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis très heureux que le
député de Rouyn-Noranda m'ait suggéré d'invoquer
l'article 96, parce que lui-même s'est aperçu que j'avais à
préciser certaines choses. Je le remercie de cette invitation.
M. MORIN: Vous aurez beaucoup à préciser.
M. LEVESQUE: Mais vu que cela prendrait plus de cinq minutes, on me
permettra de remettre à la semaine prochaine ce privilège.
M. SAMSON: M. le Président, je n'ai pas voulu suggérer au
ministre d'invoquer l'article 96, mais cela semblait évident qu'il
voulait l'invoquer.
Je voudrais proposer l'ajournement du débat, M. le
Président.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): Est-ce que cette proposition
d'ajournement est adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, il y aura sanction
immédiatement, chez le lieutenant-gouverneur, de 18 projets de loi qui
ont été adoptés par l'Assemblée nationale, ces
derniers jours. Les représentants de chacun des partis sont
invités à accompagner le président chez le
lieutenant-gouverneur.
M. le Président, nous reprendrons nos travaux lundi prochain,
à quinze heures.
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): La Chambre ajourne ses
travaux...
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président. Je pense bien que le
menu législatif se retrouve au feuilleton. S'il y a des questions
à poser, je suis prêt à y répondre.
Mais je pense bien que l'on peut s'attendre à ce que l'ensemble
du menu législatif paraissant au feuilleton puisse être
appelé la semaine prochaine à n'importe quel moment.
M. MORIN: II y a tout de même un certain nombre de projets qui
nous sont tombés dessus à l'improviste, ce matin.
M. LEVESQUE: Oui.
M. MORIN: J'espère que le leader...
M. LEVESQUE: Nous allons donner...
M. MORIN: ... nous donnera tout le temps de les étudier
correctement.
M. LEVESQUE: Oui, nous allons sûrement coopérer avec
l'Opposition comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Et nous
tâcherons de présenter les projets de loi avec le concours de ceux
qui ont à travailler à la préparation des interventions
dans chacun des cas.
M. MORIN: Je voudrais dire, M. le Président, que je regrette,
cependant, qu'un si grand nombre de projets de loi nous arrivent comme
ça, au dernier moment.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. MORIN: Malheureusement, c'est en train de devenir une tradition de
nous forcer, durant la dernière semaine de session, à ingurgiter
quasiment autant de projets de loi que dans les trois semaines qui
précèdent.
M. LEVESQUE: ... je n'ai pas l'intention de manifester des sentiments de
mauvaise humeur ou d'impatience comme ceux que vient de manifester le chef de
l'Opposition. Je n'ai pas l'intention de rappeler le temps que nous avons
consacré aux motions de censure, aux motions de députés,
à de nombreuses procédures que le règlement permet mais
qui, en même temps, ont retardé le gouvernement dans les travaux
qu'il avait à soumettre à cette Chambre.
UNE VOIX: Très bien.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas non plus à rappeler au chef de
l'Opposition que, malgré que nous ayons devant nous une motion qui ait
été adoptée par cette Chambre il y a peu de temps
relativement aux heures de séance, nous n'avons pas voulu utiliser cette
motion à son maximum, si vous voulez, parce que nous ne voulions pas
exiger des heures inhumaines ou demander un effort inhumain à ceux qui
ont à intervenir dans l'étude de ces projets de loi.
Au contraire, l'exemple que je donne à ce moment-ci, en demandant
l'ajournement de nos travaux maintenant, vendredi, six heures, à lundi,
quinze heures, et la nature des propos que je tiens à ce moment-ci sont
dans l'esprit des choses que nous voulons faire, dans un esprit de
collaboration et de compréhension des responsabilités qui sont
celles de nos amis d'en face.
M. MORIN: M. le Président, je voudrais remercier le leader de
nous assurer de son esprit de coopération. Je suis sûr qu'il n'a
pas voulu dire par ses paroles que l'Opposition ne fait pas son métier
en présentant les motions qu'elle a présentées au cours de
cette session.
Le sens de ce que j'ai dit est le suivant. Si les projets de loi du
gouvernement nous étaient connus un peu plus tôt, plutôt que
d'arriver comme une sorte de grêle, tout de suite avant la
dernière semaine, cela faciliterait énormément le travail
de l'Opposition.
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne pourrai jamais convaincre le
chef de l'Opposition qu'il en a toujours été ainsi et qu'il en
sera toujours ainsi. Je ne pourrai jamais le convaincre de cela parce qu'il
faut vivre cela pour en être convaincu. Comme il n'en aura jamais
l'occasion, je ne peux pas le convaincre.
DES VOIX: Ha! Ha!
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Pilote): La Chambre ajourne ses travaux
à lundi, quinze heures.
(Fin de la séance à 17 h 55)