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(Dix heures huit minutes)
M.LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
Affaires courantes.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
Questions orales des députés.
QUESTIONS DES DEPUTES
LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
Vente du Soleil
M. MORIN: M. le Président, j'ai posé, il y a deux jours,
une question au ministre d'Etat, député de Saint-Laurent, au
sujet de l'intention du gouvernement de prolonger le moratoire imposé
à la vente du quotidien Le Soleil. C'est le premier ministre qui m'avait
promis une réponse pour le lendemain ou le surlendemain. Nous en sommes
au surlendemain, à l'avant-veille de l'expiration du moratoire. Est-ce
qu'il y aura renouvellement du moratoire et combien de temps durera le nouveau
moratoire, le cas échéant?
Je pose la question au leader du gouvernement en l'absence des deux
principaux intéressés.
M. LEVESQUE: M. le Président, je pourrais être un peu malin
et dire au député de Sauvé que, s'il veut attendre
l'arrivée dans quelques instants du député de
Saint-Laurent, il pourra avoir une réponse, mais peut-être
sera-t-il un peu embêté de répondre parce que ce n'est pas
tellement sa responsabilité.
M. MORIN: C'est le député de Marguerite-Bourgeoys que je
voulais nommer, je m'excuse.
M. LEVESQUE: Ah! bon, alors on pourrait repartir de là...
M. MORIN: Oui, je parlais de M. Lalonde.
M. LEVESQUE: ... et dire que le député de
Marguerite-Bourgeoys, ministre d'Etat, m'a prévenu ce matin qu'il ne
pouvait être ici, en Chambre, justement parce qu'il est retenu
probablement, pour les fins qui intéressent particulièrement le
chef de l'Opposition.
M.MORIN: Et le premier ministre, M. le leader?
M. LEVESQUE: Le premier ministre est retenu à son bureau de
l'Hydro-Québec à Montréal.
M. LEGER: Et les 19 autres ministres, M. le Président?
M. LEVESQUE: Pardon?
M. LEGER: Les 19 autres qui manquent?
LE PRESIDENT: L'honorable député...
M. LEVESQUE: Ils sont à votre disposition.
LE PRESIDENT: ... de Saguenay.
M. LEGER: Non, ceux qui manquent? Est-ce qu'ils sont déjà
épuisés?
Exportation de pétrole
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le ministre des Richesses
naturelles est aussi retenu auprès de Golden Eagle pour apprendre
l'exportation de produits pétroliers à l'extérieur du
Québec? J'aurais que une question très importante à lui
adresser.
M. LEVESQUE: M. le Président, le ministre des Richesses
naturelles a fait un exposé qui a confondu l'Opposition hier. S'il doit
revenir...
M. LESSARD: Non, M. le Président. Non, M. le
Président.
Je pose ma question au député adjoint...
M. LEVESQUE: Le député de Saint-Laurent est arrivé,
le ministre des Affaires sociales...
M. LESSARD: Non, M. le Président, je pose ma question au
député adjoint au ministre des Richesses naturelles. Hier
j'informais le ministre des Richesses naturelles qu'il se faisait de
l'exportation de produits pétroliers à l'extérieur du
Québec, au moment où nous vivons une certaine pénurie.
Est-ce que le ministre d'Etat aux Richesses naturelles pourrait aujourd'hui
confirmer ou nier cette rumeur? Est-ce que le ministre d'Etat aux Richesses
naturelles pourrait nous dire si son homologue comment est-ce qu'il
disait ça, son monologue du gouvernement fédéral
l'a informé qu'on permettait l'exportation du pétrole à
l'extérieur du Québec? Et est-ce que le ministre d'Etat pourrait
maintenant nous dire si réellement l'information que je lui donnais hier
était fausse, tel que l'avait dit le ministre au moment de son
discours?
M. LEVESQUE: M. le Président, le député
de Saguenay devrait savoir deux choses: D'abord, il s'agissait d'un cas
d'exportation et il était normal qu'il y ait une précision des
autorités fédérales. Le ministre, M. Macdonald, a
donné l'explication qu'il ne s'agissait ni d'essence, ni de
pétrole pour usage domestique comme l'huile à chauffage, mais
qu'il s'agissait...
M.LESSARD: Non!
M. LEVESQUE: Ne dites pas non, c'est ça qu'il a dit, je l'ai
entendu moi-même à la télévision.
M. LESSARD: Oui, mais est-ce que... M. LEVESQUE: II disait
justement...
M. LESSARD: Est-ce que le vice-premier ministre est conscient...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre!
M. LEVESQUE: Je suis très conscient. Justement je ne me ferai pas
emplir.
M. LESSARD: Non, mais nous autres non plus, M. le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, le ministre, M. Macdonald, a
expliqué qu'il s'agissait d'un produit qui était du
pétrole d'une autre qualité pour lequel nous avions des surplus;
vous appelez ça du "bunker C". Dans les circonstances, cela n'affectait
en rien ce dont nous avions besoin pour les fins des contribuables, et citoyens
québécois.
M. LESSARD: Une question additionnelle, M. le Président. Est-ce
que le ministre est conscient qu'il s'agit pour Golden Eagle de diminuer son
raffinage de produits légers et d'augmenter simplement par ce fait
même la production de "fuel" industriel, ce qui permet une diminution des
produits pétroliers, de l'huile à chauffage en particulier pour
les foyers québécois?
C'est là, justement, que la compagnie Golden Eagle peut jouer
avec l'exportation du pétrole.
M. LEVESQUE: Si je comprends bien, est-ce que le député
affirme ce qu'il dit ou s'il pose une question? Est-ce qu'il va à la
pêche ou, autrement dit, donne-t-il...
M. LESSARD: Je pose une question, M. le Président.
M. LEVESQUE: ... une opinion technique sur l'utilisation possible du
"bunker C" et la possibilité de l'utiliser pour d'autres fins?
M. LESSARD: C'est cela, M. le Président.
M. LEVESQUE: C'est cela, alors, nous allons demander une opinion
technique à une question d'ordre technique.
M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que
le vice-premier ministre a pris connaissance des rapports financiers concernant
les profits des compagnies et est-ce qu'il a pu constater, par exemple, que les
compagnies pétrolières...
M. LEVESQUE: Est-ce vraiment une question d'urgence, M. le
Président?
M. LESSARD: ... avaient augmenté leur profit de 62 p.c. au cours
des trois derniers mois justement en exploitant une situation de panique?
Est-ce que le ministre...
M. LEVESQUE: Un discours? Ah! laissez-le faire, laissez-le faire !
M. LESSARD: ... pourrait nous donner aussi des informations concernant
justement les profits des compagnies pétrolières au
Québec? Dernière question, M. le Président: Comment le
vice-premier ministre peut-il prétendre que le gouvernement du
Québec peut établir une politique énergétique quand
on constate qu'il ne contrôle absolument rien, même pas
l'exportation du pétrole?
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce le genre de questions que
vous allez admettre? Moi, j'attends...
M. LESSARD: C'est le genre de questions auxquelles vous ne pouvez pas
répondre.
M. LEVESQUE: ... que vous vous prononciez, M. le Président.
M. LESSARD: C'est ridicule.
M. LEVESQUE: Je ne répondrai pas autrement.
M. LEGER: Le pouvez-vous ou non?
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais faire
remarquer que le règlement prévoit pour des affirmations comme
celles que vient de faire le député, qu'on ne peut pas
vérifier, le président n'est pas en mesure de vérifier si
c'est vrai ou non que les compagnies ont augmenté leur profit, c'est la
raison pour laquelle le règlement ne permet pas des affirmations... A
l'ordre, s'il vous plaît! Laissez-moi donc terminer! C'est la raison pour
laquelle le règlement ne permet pas, à la période des
questions, des affirmations de la sorte. Je prends la parole du
député mais, par contre, ce sont des choses qu'on ne peut pas
vérifier. Même les documents que vous avez en main, qu'est-ce qui
assure qu'ils sont vrais? C'est la
raison pour laquelle cela amène des débats comme nous
avons actuellement.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce qu'il est possible de
vérifier que Golden Eagle fait de l'exportation de produits
pétroliers à l'extérieur du Québec? C'est une
affirmation que je fais et je demande au ministre...
LE PRESIDENT: A l'ordre! C'était votre question
précédente. Ne contournez pas l'affaire. C'était votre
question précédente; la dernière portait sur les profits
des compagnies.
L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Une question additionnelle, M. le Président. Le
vice-premier ministre dit qu'il a vu M. Macdonald à la
télévision, hier soir, affirmer lui-même sa
déclaration. Est-ce qu'il a vu également le ministre des
Richesses naturelles du Québec? Peut-il dire à la Chambre si,
hier, le ministre avait consciemment menti à la Chambre ou si
c'était une preuve de son incompétence, encore une fois, qu'il a
donnée à la télévision, hier soir?
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne comprends pas du tout la
question du député de Saint-Jacques.
M. LEGER: Vous êtes dur d'oreille.
M. LEVESQUE: Je sais que le ministre des Richesses naturelles dit
toujours la vérité. Particulièrement hier, il a fait un
exposé très brillant et...
M. LESSARD: Donc, il est inconscient.
M. LEVESQUE: ... il a confondu l'Opposition. Il a donné, je
crois, toutes les réponses pertinentes sur cette situation. S'il y a
d'autres questions précises que veut poser le député de
Saint-Jacques, je serai très heureux d'en prendre avis au nom du
ministre des Richesses naturelles, de lui faire part de la question du
député de Saint-Jacques...
M. LESSARD: Vous auriez été mieux de faire ça ce
matin.
M. LEVESQUE: ... et de lui apporter la réponse dans les meilleurs
délais.
M. MORIN: Là, c'est vous qui évitez la question.
M. LESSARD: Il est incompétent et inconscient.
M. LEVESQUE: De qui parlez-vous, là? De vous-même?
M. CHARRON: L'impuissance heureuse.
M. MORIN: ... du ministre des richesses naturelles.
LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député de
Lafontaine.
Ventes pyramidales
M. LEGER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives qui,
malgré les heures tardives de clôture, est toujours présent
le matin. Je le félicite. Concernant la compagnie Holiday Magic, qui
exploite présentement un commerce de produits pharmaceutiques sous forme
de ventes pyramidales, et depuis déjà un an, est-ce que le
ministre peut nous dire si le directeur de l'Office de la protection du
consommateur a fait enquête? Deuxièmement, est-ce qu'il a
ordonné à la compagnie de cesser ses activités
illégales, comme la loi le lui permet?
M. TETLEY: Est-ce que l'honorable député parle de Holiday
Magic à Sherbrooke?
M. LEGER: Exactement.
M. TETLEY: Evidemment, nous avons, de puis six mois,
procédé contre cette compagnie. Nous avons même
engagé un avocat renommé de la ville de Montréal qui
était expert contre les sociétés de ventes pyramidales, un
nommé Faucher, qui a eu un grand succès contre Holiday Magic.
Nous espérons avoir un jugement contre celle-ci. J'espère mettre
en prison certains de ses organisateurs.
M. LEGER: Une question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que l'avocat les chauffe suffisamment parce que cette compagnie a
déjà été frappée d'un interdit? Est-ce
qu'elle a déjà été frappée d'un interdit par
l'office, dans une autre municipalité que Sherbrooke?
Deuxièmement, pourquoi, dans le cas de Holiday Magic, le gouvernement
procède-t-il plutôt par plaintes en vertu du code criminel
plutôt qu'en vertu de la Loi de la protection du consommateur qui, elle,
oblige à cesser immédiatement les activités de la
compagnie pendant l'appel?
M. TETLEY: Exactement, M. le Président. Nous avons essayé
de faire adopter une telle procédure à la cour, on nous l'a
refusé une fois. J'espère que nous aurons soit une injonction,
soit l'emprisonnement des organisateurs. Mais c'est très difficile parce
que, malgré les 60 procédures intentées dans toutes les
régions du Québec contre Inspiration & Succès, un juge
a condamné à $500 au lieu d'emprisonner les coupables. C'est une
question d'éducation des juges et de la population autant que de prise
de procédures. Je note...
M. LEGER: II ne faudrait pas augmenter les salaires tout de suite, comme
ça!
M. TETLEY: C'est peut-être pourquoi il faut augmenter les
salaires.
LE PRESIDENT: Les honorables députés de Beauce-Sud, de
Dubuc et le chef de l'Opposition officielle.
Candidats libéraux défaits
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser
à l'honorable ministre des Affaires municipales. Est-ce que l'honorable
ministre est au courant du fait que certains candidats défaits il
n'y a pas beaucoup de candidats libéraux défaits auraient
tenu des réunions auxquelles on aurait forcé en quelque sorte les
maires des municipalités de participer et qu'ils auraient
été avertis que toute demande qui serait faite par l'entremise
d'un député de l'Opposition ne serait pas prise en
considération par le ministère des Affaires municipales? Est-ce
que, dans un premier temps, le ministre des Affaires municipales est au courant
de cette situation? Dans un deuxième temps, est-ce que le ministre des
Affaires municipales pourrait nous dire quelle attitude il prendra face aux
démarches qui seront faites par les députés de la
Chambre?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne suis pas au courant d'une
telle démarche. Je n'ai pas donné quelque assentiment que ce soit
à des contacts avec des maires de municipalités par des personnes
autres que le personnel du ministère des Affaires municipales.
M. ROY: M. le Président, une deuxième question. Est-ce que
je pourrais demander je vais revenir sur la deuxième question que
j'ai posée au ministre des Affaires municipales s'il accordera
autant d'importance aux démarches qui seront faites par les
députés de l'Opposition qu'à celles qui seront faites par
les députés ministériels?
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je suis titulaire de ce
ministère depuis dix mois. Je ne pense pas que le député
de Beauce-Sud ait à se plaindre des relations que nous avons
entretenues.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Dubuc.
Conseil régional de la santé
M. HARVEY (Dubuc): M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Affaires sociales et porte sur les relations du ministère
des Affaires sociales avec le Conseil régional de la santé et des
services sociaux de la région 02. J'ai donné avis au ministre,
hier, de ma question.
Premièrement, est-ce que la réunion dont on avait
discuté et qui était prévue pour le 13 décembre,
avec le Conseil régional de la santé et des services sociaux de
la région 02, a effectivement eu lieu?
Deuxièmement, quelles sont les recommandations principales du
rapport déposé par le conseil régional?
Troisièmement, est-ce que le ministre entend donner suite
à ces recommandations?
M. FORGET: M. le Président, la rencontre qui avait
été annoncée pour le 13 décembre avec des
représentants du conseil régional de la région no 2 a
effectivement eu lieu hier matin. A cette occasion, les représentants du
conseil régional nous ont fait tenir un mémoire qui résume
l'état actuel de leurs réflexions sur l'aménagement des
ressources dans le secteur des affaires sociales dans leur région.
Il y a eu également, outre ces rencontres avec le conseil
régional, plusieurs consultations, évidemment, qui se sont
déroulées et en particulier, bien évidemment, avec les
députés de la région, y compris mon collègue,
député de Jonquière et ministre du Revenu. Ces rencontres
se sont déroulées dans un excellent climat.
Pour ce qui est de la deuxième question, cette partie du travail
du conseil régional a porté principalement sur l'organisation des
ressources dans le secteur de la périnatalité, s'inspirant des
politiques de mon ministère relativement à la
périnatalité, de même que sur les priorités qui sont
apparues absolument de premier ordre au conseil régional dans le
secteur.
Pour ce qui est de la suite qui sera donnée à ces
rencontres, il me fait plaisir d'indiquer que suite, encore une fois, aux
consultations qui ont eu lieu durant la journée d'hier et aux efforts
déployés depuis plusieurs mois par le conseil régional et
par un grand nombre d'autres instances, il nous est possible d'annoncer
dès maintenant que les conclusions du conseil régional seront
retenues par notre ministère, et en particulier et ceci est
très important pour la région, si je comprends bien le
service d'obstétrique du Centre hospitalier Jonquière-Arvida sera
maintenu pour les accouchements sans risques élevés.
Le nombre de lits sera déterminé.
D sera légèrement inférieur à ce qu'il est
dans le moment, correspondant avec la référence des cas plus
difficiles d'obstétrique au Centre hospitalier de Chicoutimi.
J'ai également déterminé que des discussions soient
entreprises immédiatement afin de voir au réaménagement et
à la mise en place de services d'urgence et de clinique externes, ainsi
que d'un département de santé communautaire qui, comme on le
sait, est essentiel pour l'évaluation de tous ces programmes de
médecine communautaire à l'hôpital de Chicoutimi.
D'autre part, j'ai invité et je rencontrais hier les
représentants des centres hospitaliers en question en particulier
l'hôpital de Chicoutimi à réexaminer ses priorités
quant aux lits de courte durée, afin de se rapprocher de la norme
provinciale et également d'assurer le financement des services
développés externes et d'ur-
gence à 1'intérieur de son budget de fonctionnement dans
toute la mesure du possible.
D'ici deux mois, nous avons l'intention de prendre des décisions
concernant l'unité en périnatalité à
l'hôpital de Chicoutimi, de manière à en voir
précisément les modalités de son implantation.
Et enfin, nous avons invité le conseil régional à
poursuivre son travail quant à l'aménagement des priorités
régionales dans la région du Saguenay-Lac Saint-Jean.
Exportation de pétrole
M. LESSARD: M. le Président, étant donné que le
ministre des Richesses naturelles est maintenant revenu, est-ce que vous lui
permettriez de répondre aux questions que je lui ai posées?
Hier, j'informais le ministre des Richesses naturelles que des
exportations de pétiole se faisaient du Québec vers les
Etats-Unis, en particulier à la Golden Eagle. Est-ce que le ministre
pourrait maintenant nous dire, contrairement à ce qu'il a dit hier, si
véritablement il y a des exportations? Et est-ce que le ministre entend
prendre des mesures pour empêcher ces exportations puisqu'il s'agit de
réduire le raffinage des produits légers et d'augmenter la
production des produits lourds tel que le "bunker fuel"?
M. MASSE: M. le Président, le ministère des Richesses
naturelles a quand même deux sources d'information concernant les
exportations, soit l'Office national de l'énergie et les compagnies
pétrolières, les raffineurs québécois. Je dois dire
que j'ai pris connaissance de la déclaration de M. Macdonald en
même temps que tout le monde. Personnellement, je n'ai jamais
été informé que du produit fini était
exporté aux Etats-Unis.
Mais il faut dire que dans le cas du "bunker C" qui aurait
été exporté, ce n'est pas un besoin urgent du
Québec. Ce n'est pas un besoin à moyen ou à court terme
que nous avons dans ce produit, ce genre de produit, et il semble que les
réserves soient à pleine capacité. Selon M. MacDonald, ce
seraient des exédents qui auraient été exportés aux
Etats-Unis.
Maintenant, dès la connaissance de cette nouvelle j'ai fait
parvenir hier à M. MacDonald un télégramme lui demandant
de plus amples explications sur cette question. Je pense qu'actuellement...
M. LEGER: M. le Président...
M. MASSE: Est-ce que le député aurait des qualifications
spéciales...
M. LEGER: ... je me demande si c'est un "monologue".
M. MASSE: ... pour contrôler l'exportation au Québec?
M. LEGER: J'ai demandé si c'est un "monologue".
M. MORIN: Vous ne savez pas ce qui se passe au Québec.
M. MASSE: M. le Président, je pense que... M. LEVESQUE: ... dans
le même sens. UNE VOIX: Ils sont désappointés.
M. MASSE: M. le Président, si la réponse ne satisfait pas
le PQ, c'est la seule que j'ai à lui offrir.
M. LESSARD: M. le Président, est-ce que le ministre sait que les
raffineurs peuvent intensifier la production d'huile à chauffage,
puisque nous avons actuellement, semble-t-il, une pénurie et qu'on peut
geler cet hiver, en utilisant le produit industriel "bunker fuel"?
M. LEVESQUE: ... ne le savait pas lui-même qu'il demandait une
opinion là-dessus. Nous avons pris avis disant que nous allons informer
le député dès que nous aurons l'opinion qu'il sollicite
sur le plan technique. Ù répète la question, non plus sous
forme de question, mais disant qu'on peut utiliser le "bunker C" maintenant
pour l'huile à chauffage. D l'affirme; tout à l'heure il posait
la question.
M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président.
M. LEVESQUE: Il sait tout!
M. LESSARD: Le ministre nous a parlé de deux sources
d'information. Est-ce qu'on pourrait savoir laquelle est meilleure et,
deuxièmement, est-ce qu'on pourrait savoir comment le ministre peut
prétendre élaborer et contrôler l'application d'une
politique énergétique quand on constate qu'il n'est même
pas informé par son "monologue" fédéral?
M. MASSE: M. le Président, je pense que le député
de Saguenay est complètement ignorant des questions constitutionnelles.
Les règlements ou les lois concernant l'importation, l'exportation, les
échanges commerciaux entre les provinces ne relèvent pas des
provinces mais du gouvernement fédéral.
M. LEGER: Fédéralisme rentable.
M. MASSE: Nous sommes dans une confédération...
M. LEGER: Dépendance du Québec.
M. MASSE: ... nous sommes dans un gouvernement fédéral, il
y a des avantages à appartenir à une telle
confédération et les partages des pouvoirs...
M. MORIN: ... coquetteries constitutionnelles!
M. MASSE: ... sont essentiels.
M. MORIN: Le ministre fait des "coquetteries".
M. MASSE: Cela vous fait mal, ça?
M. le Président, je voudrais informer le député de
Saguenay que présentement et depuis quelques mois les raffineries de
Montréal fonctionnent à pleine capacité pour augmenter les
réserves d'huile à chauffage pour cet hiver mais les
capacités de stockage sont très limitées. C'est, en fait,
une des explications, il semble, de ce surplus qui aurait été
exporté aux Etats-Unis.
M. LESSARD: Question additionnelle, M. le Président.
LE PRESIDENT: Dernière, s'il vous plaît.
M. LESSARD: Dernière question additionnelle.
LE PRESIDENT: Vous êtes à peu près à la
huitième ou neuvième question ce matin.
M. LESSARD: Dernière question additionnelle, M. le
Président. Est-ce que le ministre pourrait dire si on va utiliser les
réservoirs de l'Hydro-Québec qui seraient actuellement vides pour
faire du stockage?
Une dernière question, M. le Président, dans ce
fédéralisme rentable, est-ce que le ministre pourrait nous dire,
s'il n'est pas normal au moins que le ministre des Richesses naturelles soit
informé des exportations du pétrole entre le Québec et les
pays extérieurs?
M. MASSE: Je suis d'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition officielle...
M. LESSARD: Mais est-ce que, M. le Président...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESSARD: Les réservoirs de l'Hydro-Québec, M. le
Président.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Je vous ferai remarquer que vous
bâillonnez votre chef actuellement.
Le chef de l'Opposition officielle.
Famine en Ethiopie
M. MORIN: M. le Président, j'ai une question que je voudrais
adresser au leader du gouvernement, en tant que ministre des Affaires
intergouvernementales. C'est une question qui nous éloigne un peu des
problèmes strictement québécois. Il s'agit d'une question
qui, je pense, va intéresser mes collègues de tous les
côtés de la Chambre puisqu'il s'agit de la famine en Ethiopie.
Oui, je pense que c'est une question à laquelle nous ne pouvons pas
être insensibles.
La semaine dernière, les Québécois ont vu à
la télévision un film, un documentaire très dramatique sur
les conditions pénibles de certains habitants de l'Ethiopie, où
sévit une famine absolument terrible depuis plusieurs mois. Est-ce que
le ministre pourrait nous dire s'il a examiné la possibilité,
pour le gouvernement du Québec, d'apporter une contribution, en tant que
gouvernement, pour soulager un tant soit peu la misère qui sévit
dans ce pays?
Je pose la question dans le contexte d'une journée
spéciale consacrée à la radio, aujourd'hui, à cette
question?
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis heureux que le chef de
l'Opposition soulève cette question. Cela touche évidemment une
situation qui a alarmé une grande partie de la population du
Québec, ailleurs au Canada et dans le monde. Mon ministère a
posé des gestes et il y a eu, je sais, des subventions, peut-être
pas directement dirigées vers l'Ethiopie, mais je peux vérifier
ce que nous faisons dans ce domaine-là et en faire rapport...
M. MORIN: A OXFAM.
M. LEVESQUE: A OXFAM, oui. Mais j'aimerais mieux préciser ma
réponse pour ne pas laisser qui que ce soit dans l'incertitude à
ce sujet-là.
Taximètres
M. LEGER: M. le Président, je voulais poser ma question au
ministre des Transports, mais en son absence, je la poserai au
député de Laprairie, est-ce qu'il est présent? Il s'agit
des nouveaux tarifs sur les taximètres. Comment se fait-il que les
fonctionnaires du ministère du Transport, notamment un M. Tousignant,
auraient autorisé les compagnies à ajuster les taximètres
selon les nouveaux tarifs? Le ministre d'Etat a-t-il bien dit aux nouvelles,
dernièrement, que d'ajuster les taximètres aux nouveaux tarifs
serait illégal si on les mettait en application d'ici le 1er janvier
1974?
M. BERTHIAUME: Comme ça devient coutumier pour la Presse, les
raisons du conflit au sujet de ce que les fonctionnaires peuvent avoir dit et
ce que j'ai dit au téléphone à un journaliste de la Presse
hier, elle a rapporté exactement le contraire de ce que j'avais dit.
M. LEGER: Est-ce que le ministre peut répondre, savoir si c'est
illégal ou non, avant le
1er janvier, et si M. Tousignant a ordonné aux compagnies
autorisées à ajuster les taximètres, de le faire, selon
les nouveaux tarifs? Est-ce vrai ou faux?
M. BERTHIAUME: Ce que les fonctionnaires ont annoncé
reflète exactement la politique du ministère. Les tarifs qui ont
été ajustés par la Commission des Transports et qui
doivent entrer en vigueur le 1er janvier impliquent nécessairement un
rajustement des taximètres. Etant donné qu'à
Montréal en particulier il y a 5,800 taxis, il est physiquement
impossible de les ajuster tous au 31 décembre.
Pour cette raison, nous avons annoncé que les fonctionnaires, les
inspecteurs du ministère ne seraient pas exigeants outre mesure en ce
qui concerne la date à laquelle les taximètres en question
seraient ajustés. En pratique, cela veut dire que si, demain matin ou au
courant des quinze jours d'ici le 1er janvier les chauffeurs de taxi ou les
propriétaires de taxi de Montréal ajustent leur taximètre,
ils ne seront pas poursuivis par le ministère.
M. LEGER: Et ça ne sera pas illégal pour tous ceux qui ont
été assez rapides?
M. BERTHIAUME: Ce n'est pas illégal. M. LEGER: Ce n'est pas
illégal?
M. BURNS : C'est illégal mais ils ne seront pas poursuivis.
M. BERTHIAUME: Ce n'est pas illégal. LE PRESIDENT: Affaires du
jour.
M. ROY: M. le Président, avant de passer aux affaires du jour,
j'aurais deux questions. Je voudrais me prévaloir de l'article 34 de
notre règlement. J'aimerais savoir de l'honorable leader du gouvernement
ce qu'il est advenu du projet de loi inscrit au feuilleton hier, à
l'article b), Loi instituant une chambre des loyers à la cour
Provinciale, et qui ne paraît pas au feuilleton ce matin?
LE PRESIDENT: II a été retiré. M. ROY: II a
été retiré.
Droit de parole aux députés
créditistes en troisième lecture
M. ROY: Deuxième question, M. le Président. Etant
donné que nous aurons aujourd'hui c'est une directive que je vous
demande en même temps possiblement des projets de loi qui seront
soumis en troisième lecture à l'Assemblée nationale,
j'aimerais savoir, en ce qui nous concerne, quelles seront nos
possibilités de représenter nos électeurs et d'intervenir
comme il se doit sur les motions de troisième lecture à
l'Assemblée nationale. M. le Président, je sais que vous
êtes le protecteur des minorités en cette Chambre, alors
j'aimerais savoir où en sont rendus également les pourparlers
concernant la reconnaissance de notre parti à ce sujet-là,
concernant les travaux parlementaires. Il y aura des troisièmes lectures
aujourd'hui à l'Assemblée nationale et je veux savoir si ce sera
possible pour nous d'intervenir.
LE PRESIDENT: Vous êtes au courant que nous en avons
discuté hier entre les leaders parlementaires. Je crois que le premier
article qui sera appelé ne sera pas une troisième lecture. Avec
votre permission, j'aimerais consulter les leaders parlementaires
immédiatement après la période des questions et je pourrai
vous...
M. LEVESQUE: Ce sera probablement des troisièmes lectures, M. le
Président.
LE PRESIDENT: Immédiatement?
M. LEVESQUE: Malgré que je ne croie pas qu'aucun parti ait
l'intention de parler là-dessus, il s'agit de deux bills techniques.
Nous avions seulement retardé la troisième lecture...
M. LEGER: Vous présumez.
M. LEVESQUE: ... si je ne m'abuse, pour voir si on aurait des
échos des municipalités en question.
M. BURNS: Oui, mais la nuit porte conseil. Des fois, cela peut avoir
donné de la verve à certains de nos députés.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député voudrait intervenir?
M. BURNS: Oui, il y aura sans doute des remarques à faire sur les
projets de loi en troisième lecture.
M. ROY: M. le Président, comme je ne suis pas au courant des
projets de loi qui seront probablement appelés en troisième
lecture, je voulais poser ma question non pas en faveur de tel ou tel projet de
loi mais une question d'ordre général, parce que c'est le
même principe qui s'applique dans n'importe quel projet de loi.
LE PRESIDENT: Bon, est-ce que vous avez objection, messieurs les
leaders, à ce qu'on accorde quelques minutes de paroles en
troisième lecture aux représentants du Parti
créditis-te?
M. BURNS: M. le Président, je n'ai aucune objection. Je l'ai
suggéré l'autre jour, même. Si cela a semblé
être un changement d'attitude de
ma part, c'est, disons, la façon dont, la première fois,
cela s'était présenté qui m'a forcé à m'y
opposer. Après avoir discuté avec les représentants du
Parti créditiste, je leur ai dit clairement, et je n'ai pas peur de le
dire devant la Chambre, que je ne m'opposerais jamais à ce qu'ils
fassent des interventions en troisième lecture. Cela vaudra non pas pour
aujourd'hui, non pas pour demain, mais pour toute la session, et je suis
même prêt à m'engager, si c'est possible, pour une prochaine
session.
M. LEVESQUE: M. le Président, je suis très heureux que le
Parti québécois ait changé son fusil d'épaule et
soit revenu à des sentiments plus généreux, plus
démocratiques.
Quant à nous, nous sommes heureux de voir que l'unanimité
s'est finalement faite et que nous pourrons entendre l'un des deux
indépendants créditistes.
M. ROY: M. le Président, une question de privilège.
M. LEVESQUE: Pardon?
M. ROY: Nous n'avons pas été élus comme
indépendants et je n'aime pas que ce terme-là soit utilisé
à l'Assemblée nationale. Nous sommes des députés
créditistes. Je tiens à être bien clair, M. le
Président, à l'endroit de l'honorable leader du gouvernement.
M. LEVESQUE: Non, mais j'ai pensé un moment donné,
à voir agir récemment les pseudo-créditistes, qu'ils
étaient à la remorque du parti indépendantiste. Alors, je
les appelais les indépendants créditistes, sachant qu'il y avait
des relations avec le parti de M. Dupuis, d'une part,...
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LEVESQUE: ... et il semblait y avoir une nouvelle relation avec le
Parti québécois, d'autre part.
D'accord.
M. ROY: M. le Président, si nous parlions des relations je
m'excuse, mais j'invoque une question de privilège que vous avez
avec M. Trudeau, on aurait énormément de débats à
l'Assemblée nationale.
LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. ROY: Si l'honorable leader du gouvernement...
LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LEVESQUE: Mais évidemment
je suis... LE PRESIDENT: Messieurs, affaires du jour. M. LEVESQUE: M. le
Président, nous som- mes bien d'accord que vous exerciez le jugement que
vous exercez toujours, la discrétion judicieuse, ajoute le
ministre de la Justice. M. le Président, je sais que c'est le voeu du
leader parlementaire de l'Opposition officielle, je ne crois pas qu'il s'agisse
là d'un précédent que nous voulons établir. Nous ne
pourrions jamais en sortir. Ce que nous voulons, c'est un modus vivendi pour la
présente session, quitte ensuite à nous revoir pour tâcher
d'institutionnaliser davantage. Mais, pour le moment, il s'agit de trouver pour
nos amis enfin je ne sais pas comment les qualifier une
façon de pouvoir se décharger de leurs obligations
vis-à-vis de la Chambre.
M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, je voudrais avoir une
directive. En supposant qu'un député de l'Assemblée
nationale mette opposition à cette permission à ce feu vert,
qu'est-ce qui se produirait?
LE PRESIDENT: Je crois que les deux leaders parlementaires se sont
prononcés pour les deux partis officiels reconnus qui existent en cette
Chambre. Il s'agit de donner un droit de parole, je crois, raisonnable. Si j'ai
bien compris, les leaders parlementaires se prononçaient au nom des deux
partis reconnus que nous avons en Chambre.
UNE VOIX: IL faudrait qu'un autre se lève encore.
LE PRESIDENT: ... commentaires. M. LEVESQUE: Article 2).
Projet de loi no 16 Troisième lecture
LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose la
troisième lecture du projet de loi no 16, Loi concernant la ville des
Laurentides.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, je voulais simplement rajouter
quelques mots, en troisième lecture, sur le projet de loi no 16 qui
concerne la ville des Laurentides, qu'on appelait auparavant, je pense, la
ville de Saint-Lin. Son conseil a siégé, depuis 1957, d'une
façon qui aurait pu être illégale, si cela n'avait pas
été porté à l'attention du ministre. Nous avons
voté en faveur, en deuxième lecture, mais je dois quand
même dire, en troisième lecture, que nous trouvons étrange
que cette loi n'ait pas été proposée, n'ait pas
été surveillée par la Commission municipale, avant la date
d'aujourd'hui.
Cela fait exactement seize ans que cette anomalie existe et c'est en
1973 qu'on décide de corriger la situation. Ces fonctionnaires ont agi
de bonne foi Mais la surveillance du ministère des Affaires municipales
a fait défaut. La ville elle-même était peut-être
inconsciente de ce fait. Je trouve malheureux que cela ait pris seize ans avant
que l'on découvre ça. Il aurait pu y avoir des défauts de
juridiction. Il y aurait pu y avoir des faits et gestes illégaux qui
pourraient être repris aujourd'hui. Il pourrait y avoir des gestes qu'on
accepte aujourd'hui comme étant normaux. On ne pourra jamais savoir. On
a amendé cette loi seize ans après.
Je voudrais simplement dire, en troisième lecture, qu'il faudrait
peut-être qu'à l'avenir le ministère surveille davantage
les anomalies de ce genre au cas où il se révélerait, par
la suite, des situations fâcheuses. Les députés de cette
Chambre, en toute bonne foi, voyant un projet de loi qui leur est soumis
à la vapeur, à la dernière minute, dont on dit que c'est
un petit projet de loi insignifiant, secondaire, d'aucune portée et
qu'il faut adopter à la vapeur... Je pense que ce n'est pas une chose
normale à accepter. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu, en
troisième lecture, faire remarquer au ministre qu'il est important que
son ministère surveille davantage des situations comme celle-là
pour qu'on ne soit pas obligé d'en passer sept ou huit à la
vapeur, à la fin d'une session, alors qu'il y a d'autres projets de loi
beaucoup plus importants qui pourraient nous être soumis et pour lesquels
nous aurions le temps de nous préparer.
Là, nous n'avons qu'à accepter la parole du ministre, pour
qui j'ai beaucoup d'estime et en qui j'ai beaucoup de confiance. Mais
lui-même ne vient que de présenter ce projet de loi, seize ans
après que l'anomalie a été décelée.
C'est à peu près tout ce que j'avais à dire sur ce
projet de loi. En ce qui nous concerne, nous l'adoptons.
M. MORIN: M. le Président,...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): En troisième lecture ce n'est qu'un
représentant par parti...
M. ROY: II y a un représentant qui a droit de parole.
M. MORIN: C'est vrai, cela est dans les nouveaux règlements,
d'accord.
M. Fabien Roy
M. ROY: M. le Président, quelques mots seulement pour dire que
nous appuierons ce projet de loi no 16 concernant la ville des Laurentides. Il
s'agit, en quelque sorte, comme l'a dit le député de Lafontaine,
de légaliser les décisions qui ont été prises par
les dirigeants municipaux, décisions qui auraient été
prises de leur plein gré et dans le meilleur intérêt de
leur population. Il est évident que cette situation n'était pas
normale. Il est important qu'elle devienne normale. Alors, le projet de loi
présentement en discussion le projet de loi no 16, permettra de
légaliser définitivement une situation qui, malheureusement, a
tramé en longueur depuis beaucoup trop longtemps.
M. Victor Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, quelques mots seulement. Je
voudrais répondre d'abord à l'honorable député de
Lafontaine pour lui dire que ce dont il s'agit ici, c'est tout simplement de
l'omission de quelques mots qui auraient dû être inscrits dans un
texte de loi. Quand il demande que les fonctionnaires du ministère, les
commissaires et fonctionnaires de la Commission municipale soient plus
vigilants, je suis pleinement d'accord, la vigilance est indispensable. Mais la
vigilance ici aurait été de reprendre et de relire chacune des
lois constitutives de chacune des municipalités. Je pense bien qu'on a
d'autres choses à faire que cela. La surveillance doit être
exercée au niveau des actions posées plutôt que de relire
les textes pour être certain que personne n'a oublié quelques mots
qui auraient dû y être inscrits.
Deuxièmement, je voudrais apporter une précision à
ce que j'ai dit hier parce que, n'ayant pas une formation d'avocat,
peut-être que je ne me suis pas exprimé avec une clarté
suffisante. Il ne s'agit pas, par une telle loi, celle que nous sommes sur le
point d'adopter, de légaliser des gestes posés par le conseil
municipal en question.
Ce dont il s'agit, c'est simplement dire que les gestes posés par
le conseil municipal demeurent attaquables quant à leur valeur, sauf
qu'ils ne sont pas attaquables en vertu de la loi que nous allons adopter, par
le fait même qu'il n'y a pas eu de mots inscrits dans la loi pour
préciser le nombre de postes au conseil municipal.
C'est aussi simple que cela, M. le Président. Nous ne
légalisons pas les gestes. Nous disons tout simplement: Ils ne sont pas
attaquables par le fait même que le législateur avait
négligé de préciser le nombre de sièges au conseil
municipal.
M. MORIN: Le ministre n'est pas juriste mais c'est la question que
j'allais lui poser. C'est une excellente réponse.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Cette motion de troisième lecture
est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Le no 3).
Projet de loi no 18 Troisième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le minis-
tre des Affaires municipales propose la troisième lecture de la
Loi concernant les villes d'Arthabaska, de Belleterre et de Malartic. Le
député de Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, quant au projet de loi no 18, que nous
avons adopté hier en deuxième lecture et rapidement en commission
plénière, la situation était différente, hier,
d'aujourd'hui. La nuit porte conseil. Il est passé plusieurs projets de
loi en Chambre, depuis ce temps. Ce projet touche, comme le disent les notes
explicatives, la rotation pour l'élection des maires et des conseillers,
à compter de novembre 1974, dans le cas de la ville de Belleterre et, de
novembre 1975, dans le cas des villes d'Arthabaska et de Malartic.
Il s'agissait, M. le Président, dans ce projet de loi qu'on nous
présente aujourd'hui, d'établir une rotation normale,
régulière, parce que chacun des conseillers était
élu à des dates différentes, avait droit à un
mandat d'une même durée mais dont la terminaison ne correspondait
pas avec la terminaison de celui des autres conseillers. Avec ce projet de loi,
le tout va rentrer dans l'ordre. Les conseillers dont le mandat se termine en
1974, tous les conseillers ainsi que le maire, pour la ville de Belleterre,
pourront maintenant être élus ensemble, en équipe.
Cela permettra d'avoir une élection plus démocratique,
surtout que de plus en plus on s'aperçoit que, dans les
municipalités, les candidats forment une équipe ayant une
même philosophie politique ou un même parti politique. Quand il n'y
avait qu'un ou deux conseillers avec un maire pour une année et,
l'année suivante, trois conseillers, il était difficile de faire
équipe, puisqu'il y avait des gens en place qui représentaient
une philosophie ou une certaine façon d'administrer leur ville et les
autres, une autre façon. C'était difficile d'avoir cette
homogéniété de présentation de deux ou trois
partis, dans les municipalités.
Je donne un exemple. A Val-David, quand il s'est passé quelque
chose, l'année dernière, dans une municipalité,
c'était une rotation encore. Comme les citoyens étaient
insatisfaits de la façon dont s'étaient comportés certains
dirigeants de leur municipalité, pas tous, ils n'avaient, cette
année, pour se défendre devant cette situation, que le choix de
l'élection de quelques conseillers et d'un maire. Ils ne pouvaient pas
montrer d'une façon bien démocratique qu'ils n'avaient pas
accepté l'ancienne administration, puisqu'ils ne pouvaient corriger que
quelques cas. Mais quand toutes les personnes qui sont susceptibles
d'être élues dans une municipalité le sont en même
temps, cela permet à une population de s'exprimer sur l'ensemble de
l'administration et de voter pour ou contre une des deux factions qui se
présentent, de façon systématique.
Je pense que c'est la base même de la démocratie que de
pouvoir laisser les administrateurs élus pour un certain temps
administrer selon le mandat qu'ils ont obtenu. Certains administrateurs
administrent leur ville avec la participation des citoyens; d'autres le font en
se disant: S'ils ne sont pas satisfaits de nous, eh bien dans trois ans, dans
quatre ans ou dans deux ans, nous irons devant les électeurs. A ce
moment-là, ils ne participent pas avec les citoyens. Mais les citoyens
ont un mot à dire, à un moment donné.
La situation qui prévaut dans les villes de Belleterre,
Arthabaska et Malartic va maintenant être réajustée et va
permettre d'exercer, parmi les citoyens de ces trois villes, une
démocratie réellement nouvelle.
Je pense que ceci devrait se réajuster généralement
dans toutes les villes du Québec puisque ainsi nous pourrions voir en
même temps les municipalités obligées d'administrer selon
le courant de 1974 qui est celui de la participation des citoyens à la
chose publique, sinon ça devient quelque chose d'absolument anormal. Il
y a une insensibilité de la part d'une grande majorité de
citoyens, ce qu'on appelle cette majorité silencieuse, comme tout le
monde se plaît à dire, parce qu'elle ne s'est pas
exprimée.
Il y a cette inertie de la population. Et je pense que si toutes les
municipalités avaient des élections à peu près
à la même date, pour l'ensemble des postes à combler, il y
aurait au Québec, peut-être, un changement complet ou une
acceptation complète ou des diversifications permettant à tous
les citoyens de s'intéresser davantage à la chose municipale.
Trop souvent on a vu des municipalités s'exprimer de façon
arrogante auprès de leurs administrés, et c'est seulement quand
arrivait le compte de taxes que les gens se réveillaient. J'ai vu des
villes de mon comté où les citoyens n'étaient pas du tout
intéressés, une population absolument en dehors des
préoccupations de l'administration, mais la minute où on a
augmenté les taxes, on était tous inquiets, déçus.
Il a fallu que cette minorité agissante informe les gens de leurs
droits, les pousse à prendre conscience de leurs responsabilités
et peut-être je vais un peu loin redonner à un
peuple, qui est habitué à se laisser mener par les autres, un
sens de la revalorisation personnelle, lui fasse connaître ses
possibilités afin d'être capable de prendre en main ses
destinées, et redonner un petit peu de vigueur à un peuple qui a
laissé aux autres le soin de s'administrer.
C'est la raison pour laquelle je pense que cette loi est une bonne loi
et je félicite le ministre de l'avoir présentée. Nous
souhaitons qu'il y en ait d'autres de ce style pour qu'on puisse encore appuyer
le ministre quand il aura des lois aussi bien faites.
M. Fabien Roy M. ROY: M. le Président, une phrase très
courte; je n'ai rien à ajouter à tout ce qui a
été dit. Nous serons d'accord sur cette loi.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion de troisième lecture
est-elle adoptée? Adopté.
M. LEVESQUE: Est-ce que la loyale Opposition serait prête à
aborder le projet de loi no 13?
UNE VOIX: De Sa Majesté. M. LEVESQUE: De Sa Majesté. M.
LESSARD: Polyvalente. M. LEVESQUE: Article 11).
Projet de loi no 13 Deuxième lecture
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le ministre de l'Agriculture propose la
deuxième lecture du projet de loi intitulé Loi autorisant de
nouveaux crédits pour fins de prêts agricoles.
M. Normand Toupin
M. TOUPIN: Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de
loi et il en recommande l'étude à la Chambre.
Rapidement, c'est un projet de loi qui donne à l'Office du
crédit agricole du Québec l'occasion de dépenser $15
millions de plus qu'il avait été prévu au début de
l'année financière.
Je pense que $30 millions lui avaient été accordés
au début de l'année et les agriculteurs, cette année, ont
augmenté leur demande de prêts dans une proportion de 107 p.c,
c'est-à-dire qu'on a emprunté deux fois plus cette année
par rapport aux années précédentes et plus
particulièrement par rapport à l'année dernière, et
c'est à cause de ça que nous recommandons à la Chambre
d'accepter le plus rapidement possible ce projet de loi mettant $15 millions de
plus à la disposition de l'Office du crédit agricole pour qu'elle
puisse continuer à consentir des prêts aux agriculteurs.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: M. le Président, la loyale Opposition de Sa
Majesté va certainement approuver ce projet de loi, des projets de loi
bien minimes, comme dirait un ex-collègue, l'ex-député de
Maskinongé. Ce n'est pas une loi, c'est une "loiselle".
M. le Président, quand je vois l'urgence du gouvernement, quand
je vois, par exemple, que le gouvernement est forcé de présenter
d'urgence un projet de loi, comme celui que nous avons discuté hier, en
particulier sur l'augmentation du salaire des juges, et quand je vois par
contre un projet de loi comme celui-ci sur le crédit agricole qui ne
fait qu'ajouter un montant de $15 millions sur les crédits qui sont
déjà prévus, je me dis que je serais prêt à
faire une entente avec le ministre actuel de l'Agriculture. Je serais
prêt à lui demander de communiquer avec son leader du gouvernement
et lui dire: J'ai une loi fort importante concernant toute la réforme du
crédit agricole. Cette loi-là, il semble d'après,
en tout cas, les informations de la loyale Opposition de Sa Majesté
qu'elle soit prête. Alors pourquoi, au lieu de discuter, par
exemple, d'une chose comme l'augmentation du salaire des juges, ne ferait-on
pas un travail de quatorze heures par jour pour discuter de toute la
réforme du crédit agricole? Je pense que ça serait une loi
importante. D'ailleurs, les agriculteurs l'attendent avec impatience et je
sais, d'autre part, que le ministre est impatient de présenter ce projet
de loi.
Ce qu'on nous propose ce matin, c'est du rapiéçage et,
malheureusement, c'est bien souvent ce que nous propose le gouvernement, soit
rapiécer des lois qui sont mal faites, ajouter à des lois, en
fait, certaines choses. Mais le problème fondamental, le problème
global, on n'y touche pas, on attendra plus tard. C'est maintenant que c'est
important, une réforme du crédit agricole quand on parle du
développement agricole, et le ministre en est certainement conscient. Le
crédit agricole est un outil indispensable pour le développement
de l'agriculture, que ce soit au sujet du regroupement des fermes ou au sujet
du réaménagement des fermes; c'est un outil indispensable. Et cet
outil, actuellement, est inadéquat. Cet outil, actuellement, est
divisé, éparpillé. Les pouvoirs du ministre sont
endettés. D'ailleurs le ministre lui-même, dans un rapport qu'il
soumettait au cabinet, le soulignait. On fonctionne encore actuellement avec
deux sources de crédits agricoles. Les agriculteurs sont encore
"pognés" avec deux systèmes, mais deux systèmes qui
fonctionnent à moitié, deux systèmes inadéquats,
deux systèmes qui, si on les mettait ensemble, si on les regroupait, au
lieu d'avoir, par exemple, l'Office du crédit agricole du Québec
et, de l'autre côté, la Société de crédit
agricole au gouvernement fédéral où les agriculteurs
peuvent avoir des prêts maximum de $100,000 par contre, au
Québec, je pense que c'est $40,000 ce qui fait que nous avons
deux moitiés de système, on pourrait probablement avoir un outil
important et efficace qui pourrait être beaucoup mieux utilisé par
les agriculteurs afin de faire du développement agricole.
Je sais que le ministre en est conscient. Mais quand va-t-il y avoir des
solutions pratiques?
Quand le ministre, lui qui a fait valoir certaines revendications
fondamentales auprès de son cabinet en ce qui concerne l'agriculture,
va-t-il négocier d'égal à égal avec le
ministère de l'Agriculture à Ottawa pour obtenir la
récupération de ces crédits qui permettraient certainement
je sais que le ministre est d'accord sur cela une meilleure
orientation du crédit agricole? Actuellement, on constate, lorsque le
ministre nous propose ce projet de loi, qu'il ajoute $15 millions, mais s'il
ajoute $15 millions c'est parce qu'il n'en a pas assez et probablement que s'il
avait plus d'argent, il pourrait, il devrait probablement en ajouter davantage.
Mais si, par exemple, le ministre avait les crédits qui sont
actuellement entre les mains du gouvernement fédéral, la
Société du crédit agricole, et si le ministre pouvait
justement prendre ces crédits et les ajouter à l'Office du
crédit agricole du Québec, avec le même nombre de
fonctionnaires probablement, on pourrait épargner
énormément d'argent.
On pourrait sauver pas mal de gaspillage, puis tout ça serait au
profit des agriculteurs d'abord. Cela pourrait profiter beaucoup plus aux
agriculteurs. C'est pour ça qu'on ne peut pas être contre un
projet de loi comme celui-là. On ne peut pas être contre un projet
de loi qui donne $15 millions de plus pour permettre aux agriculteurs d'avoir
l'argent disponible pour le développement agricole, l'achat de terres,
etc. Mais, on est pour des petits pas. On est pour du travail à la
pièce. Je me dis qu'il y a autre chose à faire à
l'intérieur de cette Assemblée nationale. Il me semble qu'on
n'est pas l'Assemblée nationale pour voter $15 millions
supplémentaires ou $25 millions supplémentaires. Cela se fait au
niveau des crédits lorsque le gouvernement nous présente ses
crédits. D peut arriver que je sois d'accord, c'est le cas ce
matin, par exemple qu'on constate que l'Office du crédit agricole
du Québec n'est pas capable de satisfaire à tous les besoins des
agriculteurs, à toutes les demandes. Là-dessus, je suis bien
d'accord.
Mais il y a autre chose, je pense bien, qui est encore plus important.
Le mal n'est peut-être pas dans les $15 millions. Le mal est dans cette
multiplication des services où les agriculteurs ne se retrouvent pas. Et
ce n'est pas seulement en agriculture, mais c'est dans à peu près
tous les autres ministères.
Je souhaite donc que le ministre va nous présenter une loi
globale du crédit agricole, mais une loi globale où, par exemple,
il aura véritablement tous les pouvoirs pour faire le
développement agricole, où ces pouvoirs ne seront pas
émiettés entre, d'un côté, le gouvernement
fédéral puis, d'un autre côté, le gouvernement
provincial, où, surtout, l'argent ne sera pas émiettée
entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial,
parce que c'est toujours notre argent quand même.
Je suis assuré, M. le Président, que si le ministre avait
ces instruments, il pourrait pré- senter une loi pas mal plus efficace
que celle qui nous présente ce matin. D'ailleurs, le ministre en est
très conscient. Le ministre, en lisant le rapport qu'il a
présenté au cabinet, aux membres de l'Exécutif,
l'année dernière ou il y a deux ans, rapportait justement le fait
que les pouvoirs sont émiettés, le fait que même dans le
crédit agricole les instruments étaient divisés entre les
deux gouvernements. On espère justement que le ministre, qui a fait au
début un bon travail dans la négociation avec le gouvernement
fédéral, ne proposera pas encore une réforme de papier;
que le ministre, qui a présenté un document fort important
à ce gouvernement, un document qui était secret mais qui a
été connu, je pense, va se battre, que le ministre va se tenir
debout, que le ministre va aller revendiquer des choses qui nous appartiennent
à Ottawa, afin de nous présenter autres choses qu'une loi comme
celle-là.
De toute façon, pour les agriculteurs, je pense bien que ces $15
millions pourront être utiles. Ces $15 millions leur apporteront des
crédits nouveaux, mais il y a autre chose. Le ministre en est bien
conscient. Nous espérons qu'il va faire un effort pour
récupérer nos pouvoirs à Ottawa.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. ROY: M. le Président, j'ai entendu l'honorable ministre de
l'Agriculture dans la présentation de son projet de loi qui comprend
deux articles. Grosse loi: deux articles, et la longueur du discours du
ministre a été proportionnelle à la longueur de son projet
de loi.
M. SAMSON: Ne commencez pas la chicane.
M. ROY: Sur ce projet de loi ce matin, on me permettra quand même
de souligner certains points au ministre, parce que je pense que nous avons
là justement l'occasion de souligner certains problèmes
concernant les prêts agricoles qui sont consentis aux agriculteurs du
Québec, concernant les conditions qu'on impose aux agriculteurs pour
bénéficier de ces prêts agricoles et concernant
également les difficultés qu'éprouvent plusieurs
régions du Québec pour permettre aux agriculteurs de ces
régions de bénéficier d'un prêt agricole.
On aura beau augmenter la masse monétaire entre les mains de
l'Office du crédit agricole tant qu'on voudra mais, par la voie de la
réglementation, on réduit de plus en plus le nombre
d'agriculteurs au Québec. On est en train, en quelque sorte,
d'assassiner j'emploie bien le terme l'agriculture de plusieurs
régions. L'économie rurale de toutes ces régions est dans
le marasme, l'économie rurale de ces régions est en voie de
disparaître. Les popula-
tions, évidemment, n'ont pas d'autres ressources que de
s'accrocher je dis bien s'accrocher à quelques petites
pitances du ministère des Affaires sociales, le bien-être
social.
J'entendais le ministre dire que les prêts agricoles ont
augmenté de 107 p.c. l'an dernier. On constate, en prenant les
mêmes chiffres, l'endettement pyramidal dans lequel sont impliqués
les agriculteurs du Québec à l'instar du gouvernement provincial
qui, lui aussi, s'adonne à l'endettement pyramidal de toutes les classes
de la société québécoise. De la sorte jamais
l'agriculteur du Québec n'a été aussi endetté que
présentement. Jamais non plus il n'a été dans une telle
insécurité que présentement. Il suffit le ministre
est parfaitement au courant de ces choses de regarder toutes les
régions du Québec pour voir dans quelle situation se trouve la
classe agricole. Quand je parle d'insécurité, je parle
d'insécurité pour l'agriculteur qui, rendu à 50, 55, 58
ans, doit attendre encore huit, dix et parfois même douze ans pour
pouvoir prendre sa retraite. A cause de toutes ces conditions, il se voit
obligé de s'endetter, sans jamais voir le jour de s'en sortir, pour
être en mesure de continuer son exploitation agricole. Ou, encore, on le
laisse tout simplement végéter dans une situation dans laquelle,
à un moment donné, il ne peut plus prendre d'expansion; il ne
peut plus, autrement dit, rapetisser non plus. Il est pris, il est
"pogné", comme on dit, et il doit compter les années, les jours
du calendrier dans l'espoir de pouvoir en venir un jour à s'en
sortir.
C'est la situation dans laquelle se trouve présentement la classe
agricole. On aura beau dire que dans le Bas-Saint-Laurent, que dans certaines
régions du Québec l'agriculture a été marginale,
que cela a été défriché par erreur. Dans des
régions comme la mienne, dans des régions comme le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, des régions comme certains plateaux des
Laurentides, on connaît présentement les mêmes
difficultés qu'éprouvent les agriculteurs de la vallée du
Richelieu. Lorsque nous avons à parcourir le Québec, qu'il nous
suffise de regarder la belle région de Joliette, la région de
Nicolet et la région du Richelieu pour voir le nombre de plus en plus
grand de fermes complètement abandonnées par leur
propriétaire...
M. OSTIGUY: Nommez-les, nommez-les!
M. ROY: ... et même pas cultivées par les autres. Si le
député veut faire un discours, M. le Président, il se
prévaudra de son privilège tout à l'heure au lieu
d'essayer d'interrompre ses collègues et de dire des stupidités,
des choses inutiles. Il n'aura qu'à se lever et à faire un
discours. Je disais que dans ces belles régions on constate de plus en
plus que les cultivateurs délaissent l'agriculture parce que ce n'est
plus vivable en agriculture dans la province de Québec; c'est aussi
simple que cela, c'est aussi tragique que cela. Ce n'est plus vivable de
l'agriculture dans la province de Québec. L'agriculteur qui
réussit à répondre à toutes les exigences, toutes
les conditions de l'Office du crédit agricole et de sa
réglementation, il se retrouve un bon matin endetté de $75,000,
$80,000, $85,000 ou $90,000.
Le problème, à ce moment-là, c'est: Qui va acheter
son entreprise? Qui pourra acheter son entreprise? Ces entreprises devront se
vendre un jour; soit qu'elles seront transmises de père en fils ou elles
se vendront à des étrangers, à d'autres personnes,
à d'autres agriculteurs.
M. le Président, pour le cultivateur, le jeune, à l'heure
actuelle, qui veut se lancer dans l'agriculture et qui veut acheter une de ces
fermes rentables, de $75,000 de passif, de dettes, comment voulez-vous,
à l'âge de 22, 23 ans, à la sortie du CEGEP,
diplômé en agriculture, endetté par des frais de
scolarité, des prêts-bourses du gouvernement, parce qu'il doit se
marier, s'acheter un ménage, une automobile et autres, qu'il puisse se
consacrer à l'agriculture dans la province de Québec? Je pose la
question et je pense que c'est extrêmement important que cette question
finisse par être discutée. Il n'y a aucune possibilité,
à moins d'avoir un héritage de $10,000, $15,000 ou $20,000,
à l'heure actuelle, pour les jeunes au Québec, de
s'établir en agriculture. Cela, le gouvernement le sait et le ministre
de l'Agriculture le sait, parce que lui, autant que moi, a travaillé
dans les caisses d'établissement rurales et il a été en
mesure de travailler exactement dans le même domaine, dans la même
sphère d'activité que moi-même. Alors, on peut se rendre
compte que, depuis quatre ans surtout, des difficultés nombreuses qui
ont été amenées, la réglementation de plus en plus
exigeante et le fait que justement, aujourd'hui, l'agriculture pour les jeunes
est une impossibilité.
M. le Président, comme un peuple doit nécessairement avoir
besoin de se nourrir, il est évident que le gouvernement libéral
ouvre la porte toute grande aux industries, aux monopoles et aux cartels, les
contrats de production, l'intégration verticale. Vous avez de plus en
plus de ces choses, dans la province de Québec. Les gens sont
obligés d'avoir des contrats financés par les grosses compagnies,
financés par les trusts. Je comprends que le gouvernement libéral
doit protéger les trusts, les gros fournisseurs de la caisse
électorale. Je comprends que le gouvernement, à l'heure actuelle,
est mal pris, surtout après avoir fait la campagne électorale
qu'il vient de faire. Il est joliment mal pris, le gouvernement, après
avoir dépensé les dizaines de millions qu'il a
dépensés, au cours de la dernière campagne
électorale; il fallait quand même que le gouvernement prenne cet
argent quelque part.
M. le Président, nous assistons au Québec à cette
impossibilité qu'ont les jeunes de pouvoir s'établir dans une
ferme, ici, au Québec. On favorise la formation de compagnies en
certains milieux, à certains moments, je comprends ce
ne sont pas tous les agriculteurs du Québec qui sont en mesure de
le faire, parce qu'il faut quand même tenir compte des personnes, il faut
quand même tenir compte du milieu, il faut quand même tenir compte
des possibilités d'organiser une exploitation agricole de cette
nature.
M. le Président, ce ne sont pas tous les agriculteurs du
Québec qui pourront accepter cette formule. Si cette formule est fort
louable et souhaitable en certains milieux, qu'on ne parte pas en tentant de la
vendre comme étant la formule idéale et surtout la formule unique
pour permettre aux agriculteurs de survivre et d'être capables de
vivre.
M. le Président, je disais donc que, dans la
réglementation de l'Office du crédit agricole
présentement, il n'y a à peu près pas de
possibilités de satisfaire aux exigences du gouvernement à ce
sujet, pour pouvoir bénéficier d'un prêt agricole.
J'ai justement ici des cas de jeunes cultivateurs. J'ai deux dossiers
ici, devant moi, deux exemples typiques de jeunes agriculteurs qui, fort
désireux de s'établir, ont fait une demande à l'Office du
crédit agricole pour pouvoir moderniser leur exploitation agricole. On a
vu simplement que ces jeunes personnes n'ont pas été capables
d'avoir un sou, un sou de subvention, ni la subvention de $1,000 pour
l'établissement d'abord, ni la subvention d'aménagement et de
modernisation de $3,000, ce qui fait une subvention totale de $4,000. Or, comme
ils ne peuvent pas bénéficier de la subvention de $4,000, ils ne
peuvent pas satisfaire aux exigences de la marge de sécurité, du
montant d'équité que l'agriculteur doit fournir personnellement
pour être en mesure de garantir, en quelque sorte, les emprunts qui lui
sont consentis par l'Office du crédit agricole du Québec.
Voilà un point. Je pense que le gouvernement se berce d'illusions, ou le
gouvernement tente de leurrer la population. C'est pourquoi je comprends
très bien le ministre, ce matin, de ne pas avoir été plus
enthousiaste qu'il le fallait et de ne pas avoir eu tellement d'arguments en
présentant son projet de loi.
Il a fait un petit discours, très petit justement, pour ne pas
ouvrir la porte à toutes ces discussions.
Qu'il nous suffise maintenant de regarder la production agricole au
Québec pour voir dans quelle direction nous nous orientons. Qu'on
regarde la production agricole. La province de Québec a toujours
été au Canada la province laitière par excellence. Cela,
tout le monde le sait. En disant ces choses ce matin à
l'Assemblée nationale, je n'apprends rien à personne et je ne
surprends personne parce que c'est un fait connu et admis de tout le monde.
Alors, qu'il nous suffise de regarder les statistiques fournies par le
ministère de l'Industrie et du Commerce de la province de Québec,
notre ministère de l'Industrie et du Commerce, spécialisé
en statistiques, sa plus grande spécialité. Pour le beurre de
crémerie, l'année dernière, en 1972, au 31 août, il
y avait eu une production, pour le mois d'août, de 17,325,000 livres;
nous avons, cette année, en comparaison, une production de 15,823,000
livres. Donc, la production est 91 p.c. de ce qu'elle était
l'année dernière. Cela est dans la province de Québec,
province agricole par excellence.
Si on regarde un peu plus loin vers la production de fromage, nous
constatons qu'il n'y a pas eu de changement d'orientation dans la production
parce que vous avez là, également, une diminution. C'est que la
production, pour le mois d'août, un des meilleurs mois de l'année,
a été de 96 p.c. par rapport à l'année
dernière. Et, pour les mois de juin et juillet, c'est la même
chose. Dans la province de Québec, au mois de juin de cette
année, la production du beurre de crémerie a été 83
p.c. de ce qu'elle était l'année dernière, donc une
diminution de 17 p.c. Le mois de juin est considéré comme le
meilleur mois de l'année. Le ministre de l'Agriculture aura beau faire
signe que non, les mois de juin et de juillet sont les deux meilleurs mois de
l'année dans la production laitière.
M. TOUPIN: Deux mois!
M. ROY: M. le Président, pour ce qui a trait aux stocks de beurre
ce n'est pas parce que les Québécois mangent moins de
beurre ils étaient de 33 millions de livres au 31 juillet
l'année dernière; cette année, les stocks sont de 25
millions de livres, soit 77 p.c. de ce qu'ils étaient l'année
dernière, et les stocks de fromage sont 89 p.c. de ce qu'ils
étaient l'année dernière. On pourrait regarder dans
d'autres domaines et on retrouverait encore les mêmes problèmes et
les mêmes phénomènes.
Je pense que ces chiffres parlent par eux-mêmes. Ils
démontrent clairement que le ministère de l'Agriculture du
Québec et tous les organismes qui dépendent du ministère
de l'Agriculture sont sur une voie d'évitement, sur la mauvaise voie et
qu'on est en train, à l'heure actuelle, de conduire l'agriculture du
Québec vers la banqueroute la plus totale, la plus complète. A ce
moment, le deuxième phénomène qui arrivera, c'est que vous
verrez de grosses entreprises, des millionnaires, des investisseurs qui
achèteront des paroisses ou des rangs complets, et c'est commencé
dans le Québec. On a investi $250,000, $300,000, $400,000 et même
$1 million dans la production agricole et, tantôt, on se retrouvera dans
une situation telle que 4 p.c. à 5 p.c. de la population,
peut-être 3 p.c. de la population agricole sera propriétaire des
terres et vous verrez les ruraux devenir des salariés, des manoeuvres au
service de ces personnes. A ce moment, on préparera la venue d'un Castro
qui viendra nous parler de la réforme agraire pour la redistribution des
terres.
C'est cela que vous préparez. C'est comme cela que vous orientez
l'agriculture du Québec,
à l'heure actuelle. Je ne sais pas pour quelle raison le
ministère de l'Agriculture, avec l'expérience que le ministre de
l'Agriculture a connue au cours de ses longues années
d'expérience comme défenseur et protecteur de la classe agricole
dans sa région, ayant travaillé à l'union professionnelle
des agriculteurs, je ne comprends vraiment pas comment, il se fait, dis-je, que
le ministre de l'Agriculture ne voit pas ces choses et qu'il oriente
l'agriculture du Québec dans cette direction. Je ne comprends vraiment
pas pourquoi, au ministère de l'Agriculture, le ministre ne fait pas
preuve de leadership pour essayer de replacer certains théoriciens ou
certains technocrates qui rêvent en couleur, qui peltent les nuages et
qui se promènent à 35,000 ou 40,000 pieds d'altitude au-dessus de
la province de Québec pour ne pas voir l'agriculture de près.
M. le Président, ce sont encore des points sur lesquels nous
pouvons constater que dans le domaine agricole, dans la province de
Québec, rien ne va plus et nous courons vers le désastre.
M. le Président, j'ai parlé de l'établissement des
jeunes, tout à l'heure. J'ai parlé également de la
production agricole, des statistiques, qui parlent par elles-mêmes et qui
sont là pour vous prouver le bien-fondé de nos avancés. Je
voudrais également parler d'une catégorie importante
d'agriculteurs, au Québec, qui, une fois rendus à un certain
âge...
Le ministre aura beau regarder l'heure tant qu'il voudra. Je comprends
que c'est fatigant, M. le Président, mais nous sommes ici pour faire
notre devoir, que cela plaise ou non au ministre. Le ministre aurait
intérêt à prendre note de mes remarques, parce que ce
serait dans l'intérêt de la province de Québec et dans
l'intérêt de la classe agricole.
M. LEVESQUE: Nous écoutons. Nous sommes tout oreilles. Nous
écoutons depuis tout à l'heure.
M. SAMSON: Mais ce n'est pas le bon ministre qui écoute !
M. ROY: Le problème, c'est cela, en somme.
M. le Président, j'ai soulevé un problème, au cours
de la dernière session, à plusieurs reprises, à
l'Assemblée nationale. J'ai eu des contacts avec le ministre. Il y a eu
de nombreuses lettres d'échangées, appels
téléphoniques ou autres concernant l'obligation que les
industriels laitiers font, au Québec, aux producteurs agricoles pour
qu'ils s'organisent pour faire refroidir leur lait dans des réservoirs
spéciaux, dans des "bulk tanks", qu'on appelle, parce qu'on veut mettre
fin complètement au transport de lait en bidons.
Le ministre sait très bien, par les rapports qu'il a eus de
l'UPA, par les rapports qu'il a eus de ses agronomes, par un rapport qu'il a
reçu et qui a été préparé conjointement avec
le ministère des Affaires sociales, les services sociaux de certaines
régions du Québec et les bureaux régionaux des agronomes,
les conséquences...
Je vais vous en parler, de votre problème ! Je sais très
bien de quelle façon les recommandations ont été
faites.
M. SAMSON: En agriculture...
M. ROY: Voici ce que le ministre a fait, M. le Président. Pendant
la campagne électorale parce qu'il fallait des votes le
ministre...
M. TOUPIN: II en a eu aussi, n'est-ce pas?
M. SAMSON: Plus que vous n'en méritiez!
M. ROY: ... sous de fausses représentations a émis un
communiqué. "Transport de lait en vrac. "Le ministre, Normand Toupin,
annonce une aide financière pour l'achat de réservoirs de lait.
"Québec. Le ministre de l'Agriculture du Québec...
M. SAMSON: Tu parles au nom du parti, vas-y!
M. ROY: ... M. Normand Toupin, annonce qu'une aide financière
appréciable sera dorénavant offerte aux producteurs de lait
industriel, qui s'équiperont de réservoirs de lait dans le cadre
du programme de conversion du transport du lait en vrac. "Face à la
situation d'urgence créée par la hausse des coûts de
transport de lait en bidons et conscient que les producteurs se voient
pratiquement forcés, dans la situation, de faire la conversion du bidon
en vrac, le ministre Toupin a voulu poser un geste concret". "Concret", a dit
M. Toupin.
Voici de quelle façon on a procédé. L'apport
financier consiste en un remboursement de l'intérêt au-dessus de
2.5 p.c. sur tout emprunt contracté en vertu de la Loi de
l'amélioration des fermes. Cependant, l'emprunt maximum à cette
fin est limité à $4,000 et le remboursement de la part du
ministère à 25 p.c. de la remise de capital, la première
année.
C'est cela, M. le Président. Endettez-vous! On va vous payer un
petit surplus d'intérêt.
M. TOUPIN: Lisez tout. Vous n'avez pas tout lu.
M. ROY: Et aussi peut-être qu'on va vous donner une subvention de
$1,000, bien entendu à la condition que vous puissiez...
M. TOUPIN: C'est mieux. C'est plus vrai.
M. ROY: Le ministre aura un droit de réplique, M. le
Président, tout à l'heure.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): C'est fini, votre temps.
M. ROY: Non, non, il y a consentement unanime, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je ne le sais pas. Je vais le
demander.
M. ROY: Est-ce que le ministre aura son droit de réplique tout
à l'heure?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Excusez-moi! A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre, à l'ordre ! Le temps du député de
Beauce-Sud est expiré. Est-ce qu'il y a consentement unanime pour qu'il
procède?
DES VOIX: Oui, oui! DES VOIX: Non!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): II y a des non.
M. SAMSON: Comment, il y a des non!
M. ROY: C'est le député de Rouville qui dit non!
M. SAMSON: C'est le ministre de l'Agriculture qui dit non?
M. ROY: Le député de Rouville.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre!
M. ROY: Un député qui est dans un comté
agricole!
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre! A l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plait!
Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent prendre la
parole?
Le député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, depuis que je suis à
l'Assemblée nationale, vous ne m'avez pas vu intervenir très
très fréquemment sur les projets de loi présentés
par le député de Champlain, honorable ministre de
l'Agriculture.
Toutefois, je me souviens d'être intervenu au moins une fois,
c'était il y a quelques mois, lors de la présentation de la Loi
du syndicalisme agricole, qui coïncidait d'ailleurs, dans les travaux de
la Chambre, avec un projet de loi qu'a ensuite retiré le gouvernement,
le projet de loi no 28, la restructuration scolaire de l'île de
Montréal.
Je ne suis pas intervenu souvent, mais ce n'était pas par manque
d'intérêt. Ce n'est pas parce que je n'aurais pas voulu couvrir ce
domaine, mais je sentais que, dans la précédente
Législature, mon collègue de Sainte-Marie faisait
efficacement le travail. C'est maintenant le député de Saguenay
qui a repris ces responsabilités, et il le fait d'une façon tout
aussi efficace, même s'il n'est en possession du dossier que depuis
quelques semaines.
J'avais moi-même beaucoup de préoccupations dans les autres
domaines de l'activité gouvernementale, mais lors des discussions et des
prises de position de notre parti sur différents projets de loi, j'ai
suivi très attentivement les explications que me donnaient les
collègues responsables du dossier et j'ai participé, au sein du
parti, aux prises de position qui devaient être les nôtres.
Ce n'est pas non plus parce que je suis député
montréalais, et de la partie peut-être la plus populeuse de
Montréal, où d'ailleurs, grâce au magnifique travail du
ministre des Affaires municipales, on est à la veille de ne plus avoir
un seul arbre alentour de la ville, ce n'est pas parce que je suis
député de Montréal que je ne m'intéresserai pas aux
problèmes agricoles.
Il n'y a pas, je ne vous le cache pas, d'agriculteurs dans le
comté de Saint-Jacques. Pourtant, il y a beaucoup de consommateurs de
produits agricoles dans le comté de Saint-Jacques et il y a beaucoup de
gens qui ont dû abandonner le métier d'agriculteur, immigrer
à Montréal et se joindre au lot d'assistés sociaux et de
chômeurs qui occupent déjà une effarante partie de la
population du comté de Saint-Jacques.
C'est donc grâce à ce qu'ils m'ont enseigné en les
rencontrant, et aussi aux préoccupations de consommateurs
québécois que je puis ce matin intervenir sur le projet de loi no
13.
Les Montréalais sont tout aussi intéressés que les
régions proprement agricoles du Québec à l'avenir de
l'agriculture dans notre pays. Nous sommes des consommateurs de ces produits,
et quand les producteurs agricoles des régions de l'Estrie ou de la
vallée du Saint-Laurent connaissent des problèmes, doivent faire
appel à l'Office du crédit agricole, qui fait l'objet de ce
projet de loi, ou encore à la Régie des marchés agricoles
pour obtenir l'autorisation d'augmenter leurs prix, comme les producteurs
laitiers comme l'a signalé tout à l'heure le
député de Beauce-Sud ça a des conséquences
immédiates sur le budget des familles montréalaises comme de
toutes les familles québécoises. Et je ne vois pas pourquoi un
député montréalais ne devrait pas se préoccuper de
ces problèmes.
Je vous rappelais tout à l'heure que depuis que je suis à
l'Assemblée nationale, j'ai vu défiler plusieurs petites lois
dans le domaine de l'agriculture. Le principe même du projet de loi 13
qui occupe nos travaux ce matin n'en est pas à sa première
apparition. Je crois même qu'à peu près à chaque
année, il est arrivé à ce temps-ci un appel du ministre de
l'Agriculture et c'est le même que nous avons depuis maintenant
presque quatre ans pour demander une nouvelle autorisation de
l'Assemblée
nationale, pour solliciter, à même le fonds
consolidé du revenu, un budget supplémentaire devant être
mis aux mains de l'Office du crédit agricole pour remplir les missions
que la loi lui confie.
Et comme l'a signalé mon collègue le député
de Saguenay tout à l'heure, ces petites lois finissent par être
agaçantes, non pas qu'elles ne suscitent pas le consentement de
l'Opposition c'est ce que nous sommes à vous exprimer du mieux
que nous pouvons ce matin il est bien sûr que nous appuyons le
rôle de l'Office du crédit agricole, et que si ses besoins
nécessitent un fonds supplémentaire, ce n'est certes pas
l'Opposition officielle qui va s'y objecter.
Mais, à chaque fois, et de fois en fois, M. le Président,
nous devenons de plus en plus convaincus qu'il y a un malaise à
l'arrière de ces appels successifs du ministre de l'Agriculture et que,
de notre part, les appels que nous avons faits depuis que nous sommes à
l'Assemblée nationale, pour une réforme qui soit plus en
profondeur que celle-ci, deviennent de plus en plus fondés et de plus en
plus justifiés dans le cadre actuel.
Je n'ai pas d'objection, ce matin, à apporter mon consentement
à l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture, pas plus
d'ailleurs que je ne fais d'objection quant à une étape
ultérieure des travaux de l'Assemblée nationale; nous serons
appelés à l'étudier d'abord en commission
plénière et, comme vous le savez, M. le Président, selon
les règlements de la Chambre, à un autre moment de nos travaux,
à une autre séance, l'adopter en troisième lecture. Mais
j'aurais aimé, ce matin, sans être un spécialiste en
agriculture, que le ministre profite de la déposition pour la
nième fois de ce genre de projets de loi pour nous citer quelques-unes
des justifications qu'il tente d'apporter, au fait qu'il se refuse depuis qu'il
est à la direction du ministère de l'Agriculture de toucher le
problème de fond; peut-être n'est-ce pas parce qu'il le refuse,
mais parce que dans le régime actuel il en est incapable. Mais j'ai
remarqué que sa présentation, de fois en fois où ce genre
de lois revient, et un peu comme l'a fait le ministre de la Justice à
propos du projet de loi qui a occupé nos travaux hier soir, était
de plus en plus écourtée comme si le ministre avait de plus en
plus honte de revenir avec ce genre d'appels. Je me souviens que la
première fois qu'il nous avait appelé à apporter des
crédits supplémentaires aux crédits agricoles, il l'avait
parfaitement justifié en déposant le dossier. Maintenant, ce
matin, il se lève et dit: M. le Président, je n'ai pas besoin
d'apprendre à qui que ce soit le contenu de cette loi, c'est la routine
habituelle qui fait que dans le régime dans lequel nous sommes
condamnés à vivre, je suis obligé d'appeler de temps
à autre l'Assemblée nationale à subvenir à ces
fonds. Si j'interviens, ce matin, c'est que je considère que le ministre
de l'Agriculture aurait pu dire autre chose. H aurait pu dire, par exemple, que
le revenu moyen des agriculteurs québécois était le plus
bas du Canada, exception faite du Nouveau-Brunswick et de
l'Ile-du-Prince-Edouard: $2,957 par ferme, au Québec, contre $6,312 en
Saskatchewan et $5,905 en moyenne pour les trois provinces des prairies. Ces
chiffres sont les statistiques les plus récentes émises par le
gouvernement fédéral.
Comment expliquer cette différence de $3,000 au moment où
on vient nous demander d'adopter des fonds supplémentaires pour l'Office
du crédit agricole? M. le Président, en agriculture, autant,
sinon plus qu'ailleurs, les législations et les réglementations
à deux niveaux de gouvernement et surtout leur mise en application, ce
chevauchement, ce dédoublement, cette superposition, ou alors ce manque
de coordination, occasionnent de nombreuses et de graves difficultés aux
producteurs intéressés, particulièrement ceux du
Québec. Tant que le Canada demeurera ce qu'il est, aucun gouvernement
québécois, aucun ministre québécois avec autant de
bonne volonté que ne le fait le député de Champlain depuis
qu'il occupe ce poste, ne pourra éviter que les productions se
déplacent vers l'ouest et que les revenus correspondant les suivent.
C'est à tel point qu'on peut se demander si dans dix ans, comme le
signalait tout à l'heure le député de Beauce-Sud, il
restera assez de jeunes dans les fermes pour qu'on puisse encore parler
sérieusement d'une agriculture québécoise.
Je considère que s'il est un milieu qui doit se rallier sans
délai à l'option de la souveraineté, c'est bien le monde
agricole. C'est peut-être lui qui en a le plus urgent besoin et nous ne
serions pas obligés de discuter périodiquement ce genre de petits
appels ridicules dans l'absence de solutions à long terme que nous
apporte le ministre de l'Agriculture périodiquement. Je suis convaincu
que nous n'aurions pas à nous prononcer sur le principe de ce projet de
loi si, avec l'appui éclairé et efficace d'un seul gouvernement,
celui des Québécois, l'agriculture québécoise
arrivait à vivre décemment et à se développer. Or,
M. le Président, de l'industrie laitière à
l'élevage, en passant par les oeufs et toutes les autres productions
agricoles, on n'a qu'à regarder les résultats lamentables du
régime actuel et c'est ce qui est à la base du projet de loi 13
qui occupe nos travaux ce matin, pour voir ce que nous coûte le manque
permanent d'un tel gouvernement.
Ottawa-Québec, ce monstre à deux têtes, M. le
Président, est la cause principale des politiques cataplasmes, comme
celle du projet de loi 13 de ce matin, confuses et souvent contradictoires dont
notre classe agricole au Québec est l'une des victimes les plus durement
éprouvées.
Par là tous les consommateurs québécois le sont
parce que les produits de nos agriculteurs viennent tôt ou tard sur la
table de chacun des Québécois, y compris sur la table des
honorables juges, M. le Président.
J'aurais bien aimé qu'un projet de loi vienne
ce matin de la même façon et avec la même
générosité que le ministre de la Justice, par exemple, a
pour une classe privilégiée. Le ministre aurait pu nous dire que
le revenu agricole moyen de tous les producteurs agricoles du Québec,
avec l'assentiment de la Chambre, connaîtra avant Noël une
augmentation équivalente à celle de $5,000 sur $28,000 par
exemple. J'aurais bien aimé que l'augmentation de salaire de 18 p.c. que
nous propose le ministre de la Justice pour une classe déjà
privilégiée de citoyens ait au moins la même correspondance
pour des gens dont je vous disais tout à l'heure que le revenu moyen
était inférieur à $3,000.
Plutôt qu'en sourdine et en cachette, nous suppliant de voter un
petit budget de $15 millions supplémentaires qui en fin de compte ne
fera qu'endetter encore plus la classe agricole, j'aurais bien aimé que
le ministre de l'Agriculture nous propose un projet de loi aussi radical et
aussi effronté que le ministre de la Justice a fait en cette Chambre. Il
aurait pu nous dire: II est temps que l'on augmente de façon
substantielle les revenus moyens de cette classe agricole. De ces revenus
moyens et de leur possibilité d'assurer d'eux-mêmes leur
subsistance, le reflet se transportera par la suite sur la table de tous les
consommateurs québécois. Et peut-être que l'ensemble des
consommateurs québécois, y compris ceux que je représente
à cette Assemblée, connaîtraient un frein à la
hausse vertigineuse des denrées alimentaires que connaît le
marché québécois actuellement.
J'aurais bien aimé, du ministre de l'Agriculture, qu'il
ressemblât plus au ministre de la Justice, qu'il ait son audace, qu'il
ait le courage d'amener et de justifier pour une classe
déshéritée une augmentation de salaire substantielle. Non,
M. le Président, le seule endroit où j'y reconnais une
ressemblance, et celle-là frappante, entre le ministre de l'Agriculture
et le ministre de la Justice, c'est lorsqu'ils reviennent tpus les deux
d'Ottawa. Ils sont exactement tous les deux dans la même situation. Ils
se sont tous les deux fracassé le nez. Ils cherchent tous les deux un
interlocuteur valable. Us viennent tous les deux en Chambre déplorer le
fait qu'ils sont incompris, qu'ils sont maltraités, mais qu'ils ne
lâcheront pas.
Tous les deux sont la caution nationaliste du gouvernement, mais ils
viennent s'écraser en Chambre et se contentent par la suite de nous
présenter des petites lois d'appel à l'aide à certains
moment donnés. C'est le seul endroit où le ministre de
l'Agriculture ressemble à s'y méprendre à chacun de ses
collègues dans d'autres domaines. Je suis prêt à le lui
concéder ce matin, en d'autres domaines le ministre de l'Agriculture est
un des plus compétents de ce gouvernement, mais en même temps il
est un des plus prisonniers du régime.
Il est aussi un des plus conscients. A l'intérieur de ce
gouvernement où l'absence de préoccupation du
développement du Québec est à peu près le plus bas
commun dénominateur, je suis convaincu que si le ministre de
l'Agriculture plutôt que de faufiler des petites lois et les
présenter à la sauvette derrière son micro avait
l'occasion d'informer la Chambre sur sa considération fondamentale du
régime dans lequel nous vivons et sur le sort qu'il réserve
à la classe de citoyens dont il est le représentant ici à
l'Assemblée nationale, nous en apprendrions beaucoup plus ce matin.
Je suis convaincu aussi que même le ministre de l'Agriculture doit
être un peu mal à l'aise, ce matin, de nous présenter ce
genre de projet de loi qui n'aura que des conséquences bien
inférieures, à retardement, sur le niveau de vie de la classe
agricole québécoise. Il doit se sentir dans ses petits souliers
en sachant qu'en même temps un collègue du cabinet propose une
augmentation de salaire de $5,000 à une classe de citoyens
déjà privilégiée.
Il doit en être lui-même très conscient ce matin.
C'est peut-être ça qui explique qu'il a fait de façon si
tenue et si cachée la présentation de son projet de loi ce matin.
Il doit être bien conscient qu'il y a là une
inégalité, une injustice, une provocation sociale, en même
temps, qu'on ne saura maintenir plus longtemps. Dieu merci, il se trouve en
cette Chambre une Opposition, et une Opposition forte, pour noter sur chacun
des projets de loi les contradictions, en même temps que l'espèce
de méthodisme que met le gouvernement actuel à maintenir les
disparités de revenus et à les encadrer, à les justifier
et par les deux projets auxquels je faisais référence
tantôt, à les accroître entre les classes de citoyens
québécois.
Je considère que le ministre de l'Agriculture, en faisant appel
ce matin à la Chambre pour que nous apportions, sur ce projet de loi,
notre consentement, ne s'attendait probablement pas que l'Opposition, cette
fois-ci, intervienne de façon plus vigoureuse qu'elle ne l'a fait
à chaque fois que ce genre de projet est intervenu. Je le
préviens, ce matin, que ce débat en deuxième lecture n'est
que la première étape d'un acharnement que l'Opposition mettra
sur l'ensemble des questions agricoles maintenant parce que, nous en sommes
convaincus, le régime que l'Opposition officielle combat, celui qu'elle
propose à l'ensemble des Québécois, s'il est une classe
à qui elle devrait s'adresser en premier et pour qui elle aura le plus
de conséquences, en fin de compte, c'est probablement la classe pour qui
le ministre de l'Agriculture sollicite ce matin des fonds
supplémentaires.
Qu'adviendra-t-il, M. le Président, de toutes ces
conférences fédérales-provinciales, de tous ces doubles
champs de juridiction? Finalement, quel est celui qui paie le plus, sinon
l'agriculteur québécois? Le ministre, dans son droit de
réplique, aura peut-être l'occasion de nous en informer, mais pour
le moment, sans refuser le consentement que j'ai à donner, avec mon
parti, à l'adoption de ce projet de loi, je lui signale
qu'à chaque fois qu'il reviendra, s'il s'entête à ne
procéder que de cette façon plutôt qu'aller dans le domaine
des réformes en profondeur, nous le lui rappellerons. Non seulement
c'est notre conviction et c'est notre mission, mais c'est, en plus de cela, la
seule façon de prendre convenablement la défense des
intérêts des agriculteurs québécois. Merci, M. le
Président.
M. LEVESQUE: M. le Président...
Motion d'ajournement du débat
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Le leader parlementaire du
gouvernement, le député de Bonaventure.
M. LEVESQUE: ... je propose l'ajournement du débat.
M. BURNS: M. le Président, c'est une motion...
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Picard): Sur la motion d'ajournement?
M. Robert Burns
M. BURNS: Oui. Ecoutez, M. le Président, il y a quand même
des limites. Nous ne pourrons sûrement pas être d'accord sur la
motion d'ajournement du débat. On semble vouloir, du côté
gouvernemental, simplement amener des projets de loi quand ça les tente,
en discuter quand ça les tente, et le leader du gouvernement s'offusque
parce que des députés d'Opposition utilisent leur droit,
c'est-à-dire de parler sur un projet de loi quel qu'il soit. Cela
m'étonne de la part d'un gouvernement qui dit ne pas vouloir abuser de
sa majorité en Chambre. C'est le premier ministre lui-même,
à la suite des élections, lorsqu'on parlait de ce nombre effarant
de 102 députés élus avec 55 p.c. du vote, qui disait: On
va conduire les travaux comme si on avait élu à peu près
60 députés. Je me souviens l'avoir entendu et je me souviens
même l'avoir cru, à ce moment-là.
De la façon dont les travaux de la Chambre se déroulent
actuellement, il est assez évident que ce qu'on veut simplement faire,
avec cette grosse majorité gouvernementale, c'est de bousculer
littéralement l'Opposition. On l'a vu hier, on l'a vu avant-hier, on l'a
vu depuis que la motion a été adoptée, la fameuse motion
traditionnelle de fin des travaux, de fin de session. Depuis ce moment, tout ce
qu'on a tenté de faire avec l'Opposition je suis convaincu que
mes deux collègues du Parti créditiste le comprennent très
bien, peut-être encore mieux que moi parce qu'ils sont dans une position
encore plus désavantagée c'est de temps en temps nous
amener une petite loi ici, nous faire courir à une commission
parlementai- re lorsqu'on avait commencé à faire autre chose ici,
nous faire revenir ici, discuter en commission plénière de
crédits pour pouvoir faire siéger deux commissions à la
fois si possible. Ces méthodes-là, on ne peut absolument pas les
accepter.
Il est absolument impensable qu'une Opposition, en cette Chambre, puisse
se laisser bousculer de cette façon-là.
Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire, M. le Président, si le
débat est ajourné? On va passer à une autre loi, on va
passer à un autre projet de loi? Les députés de
l'Opposition vont être obligés de courir à leur bureau pour
aller chercher des documents concernant une autre loi que le gouvernement veut
faire voter. Puis, Dieu sait si peut-être, à la fin, du
deuxième discours d'un autre projet de loi, le leader ne se
lèvera pas, alors que les députés de l'Opposition auront
commencé à se préparer en vue de discuter de ce projet de
loi, et on se retrouvera avec une autre motion d'ajournement, puis encore le
même système qui continuera.
M. le Président, je trouve que c'est absolument inacceptable que
je puisse laisser passer une telle motion, alors que le chef de l'Opposition
n'a pas encore même eu l'occasion de se prononcer sur cette loi. Je
trouve que, vous-même, M. le Président, vous m'en blâmeriez.
Nous allons voter contre cette motion. A chaque fois que ces tactiques seront
utilisées de la part du leader du gouvernement, à chaque fois
qu'utilisant la vapeur avec laquelle on passe les projets de loi de fin de
session on tentera de nous dire: Là-dessus, vous n'avez pas
été gentils, MM. de l'Opposition, vous n'êtes pas assez
fins pour nous autres, vous n'adoptez pas notre projet de loi assez vite,
à notre goût, à chaque fois qu'on va faire cela, on va
crier notre dégoût à l'endroit de ce système.
Si, au moins, on nous disait: C'est parce que le débat va
reprendre dans quelques heures. Pas du tout, de façon tout à fait
laconique, le leader se lève. Il a parfaitement le droit de le faire,
remarquez, au sens même, ou à la lettre même de notre
règlement. Il a le droit de se lever n'importe quand et de proposer,
comme tout autre député, l'ajournement du débat, je ne lui
conteste pas ça. Mais même si la lettre de notre règlement
le permet, le sens des travaux parlementaires, à mon avis, ne le permet
pas. C'est absolument incompréhensible qu'un parti si fort de sa
majorité, qui se pète les bretelles tellement souvent de cette
majorité, utilise des moyens comme ceux-là pour, disons-le, M. le
Président, museler une opposition. Je le dis même si on me dit que
je prête des intentions au gouvernement. J'en prête des intentions
au gouvernement, mais je n'en prête pas à un député
en particulier/ J'en prête au gouvernement et j'ai le droit de le faire.
Ce qu'on tente de faire, depuis quelques jours, dans cette Chambre, c'est de
museler l'Opposition. Soyez beaux, soyez fins, soyez gentils et surtout ne
parlez pas longtemps...
M. BACON: ... de bonne humeur.
M. BURNS: ... et surtout pas souvent. Nous autres, en attendant, on va
faire de la législation. On a des choses à vous annoncer. On a
peut-être quelque chose à vous apprendre. Dans le système
constitutionnel actuel où vous fonctionnez, vous autres mêmes,
dans le système parlementaire où, quand même, 30 p.c. de la
population nous a dit, à nous autres, d'aller la représenter,
où, quand même, près de 10 p.c. de la population a dit
à deux députés du Ralliement créditiste, d'aller la
représenter, bien, on a l'intention de le jouer notre rôle. On n'a
pas l'intention de regarder, comme le disait le député de
Beauce-Sud l'autre jour, l'Exécutif fonctionner, décider comme
s'il avait un pouvoir réglementaire, décider comme s'il
était capable de régler tout d'un bureau. Actuellement, c'est la
conclusion à laquelle je devrai malheureusement en venir si ces
tactiques continuent, qu'on fasse simplement un "show" de façade ici,
qu'on ait l'air de faire de la législation, qu'on ait l'air de laisser
fonctionner les moyens normaux d'une démocratie c'est
drôle, M. le Président, les députés du Parti
québécois n'ont pas du tout l'intention de participer à ce
style de bouffonneries à chaque fois que cela va avoir lieu, on
va vous le dire qu'on n'a pas l'intention de participer à cela. C'est
pourquoi, nous voterons contre la motion et c'est pourquoi, je demande le vote
enregistré sur cette motion.
M. LEVESQUE: M. le Président, je veux exercer mon droit de
réplique.
M. ROY: Avant d'exercer le droit de réplique...
M. LEVESQUE: Non, M. le Président. M. SAMSON: Comment non?
M. LEVESQUE: Il n'y a pas de consentement de notre
côté.
M. SAMSON: H n'y a pas de consentement?
M. LEVESQUE: Non, il n'y en a pas, ce matin.
M. ROY: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander une
directive? Est-ce qu'on va être appelé à voter sur cette
motion, tantôt?
LE PRESIDENT SUPPLEANT (M. Blank): Oui.
M. ROY: Si on est appelé à voter, comment pouvons-nous
justifier la position que nous allons prendre si on nous empêche de
parler? Il y a eu le consentement unanime ce matin. Est-ce qu'on va se mettre
à genoux devant le gouvernement pour lui demander: S'il vous
plaît, pour l'amour du Bon Dieu, allez-vous...
M. LEVESQUE: M. le Président...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre ! A l 'ordre ! A l'ordre !
Je suis lié par le règlement et je n'ai aucun choix.
Le député de Bonaventure.
M. Gérard-D. Levesque
M. LEVESQUE: Je dirai simplement ceci. C'est qu'on vient de faire,
d'abord, une tempête dans un verre d'eau. Je comprends que cela fait
partie de la tactique de "filibuster" du Parti québécois.
M. MORIN: ... que c'est une tempête dans un verre d'eau...
M. LEVESQUE: Pardon?
M. MORIN: Vous me privez de mon droit de parole sur ce projet de
loi.
M. LEVESQUE: Hypocrite. Vous ne connaissez rien à l'agriculture,
vous ne viendrez pas nous en montrer là-dedans.
M. BURNS: On verra.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. BURNS: Ecoutez ce qu'il a à dire et vous allez voir s'il ne
connaît rien.
M. LEVESQUE: ... je dirai que nous venons d'assister à une
pièce maîtresse d'hypocrisie, de tartuferie, de mesquinerie, d'un
"show", M. le Président.
M. BURNS: J'invoque le règlement, M. le Président. Je
demande au leader du gouvernement de retirer ses paroles étant
donné que ce qu'il vient de dire me traite, moi, d'hypocrite puisque
c'est moi qui viens de parler.
M. LEVESQUE: C'est une pièce de...
M. BURNS: II est très facile laissez-moi terminer mon
point de règlement ...
M. CHOQUETTE: Vous jouez un rôle. M. LEVESQUE: C'est un
rôle. M. BURNS: ... il est très facile... M. LEVESQUE: C'est un
"show".
M. BURNS: ... d'interpréter ce que vient de dire le leader du
gouvernement. Je suis la personne qui vient de parler et qui vient de s'opposer
à la motion du leader du gouvernement. Or, il qualifie ce que je viens
de faire de pièce d'hypocrisie. J'ai des droits ici, à cette
Assemblée nationale. Et, un de mes droits, c'est de ne pas me faire
traiter d'hypocrite. Je lui demande,
M. le Président, de retirer les paroles qu'il a eues à mon
égard.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je pense que les mots, comme je les ai
compris... C'est qu'il a interprété vos remarques comme
étant l'opinion de votre parti. Et il a déjà
été décidé ici que l'on pouvait traiter un
groupement par des mots...
M. BURNS: M. le Président, j'invoque...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Les mêmes mots, s'ils sont
dirigés vers un député en particulier, peuvent être
antiparlementaires. Mais quand ils sont dirigés contre un groupement,
ils ne sont pas antiparlementaires.
M. BURNS: Qui est-ce qui a parlé, M. le Président, je vous
le demande? Qui est-ce qui a parlé là-dessus au nom du parti?
Cela s'adonne que c'est un député. C'est drôle...
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): J'ai rendu...
M. BURNS: ... mais ce n'est pas une espèce de pur esprit qui vous
a parlé ici.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): ... ma décision.
M. BURNS: C'est un député en chair et en os.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Le député de
Bonaventure.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Maisonneuve sait fort bien que si, ce matin, nous avons proposé
l'étude du projet de loi relativement à l'augmentation des sommes
consacrées au crédit agricole, c'était simplement parce
que j'avais eu l'assurance que nous pouvions disposer de la deuxième
lecture de ce projet de loi, quant au Parti québécois,
après une période d'une vingtaine de minutes au plus. C'est
ça. Autrement, nous n'aurions pas demandé à la Chambre
d'étudier, ce matin, ce projet de loi. C'est le député de
Saguenay qui me l'a dit; je sais qu'il est assez gentilhomme pour ne pas le
contredire et le leader de l'Opposition officielle m'a
référé au député de Saguenay pour ce projet
de loi quant au temps dont le Parti québécois avait besoin.
Alors, j'ai agi en toute objectivité et en toute bonne foi.
Si le Parti québécois m'avait dit que le chef du Parti
québécois, le député de Sauvé, manifestait
récemment et soudainement un intérêt particulier pour la
classe agricole ou que le député de Saint-Jacques...
M. MORIN: C'est mon droit.
M. LEVESQUE: ... se sentait, tout récem- ment, une mission en
matière agricole, à ce moment-là, j'aurais dit à
l'honorable leader de l'Opposition officielle et à l'expert du Saguenay:
Bien voici, nous procéderons la semaine prochaine à ce sujet.
Parce que, normalement, nous devions continuer l'étude du projet de loi,
au nom du ministre de la Justice, que nous avons entreprise hier;
c'était logique. Mais c'est pour cela que nous avons
procédé aux troisièmes lectures des deux projets de loi
municipaux. C'est pourquoi j'avais cru que nous pouvions disposer de ce projet
de loi qui revient chaque année, celui de l'augmentation des
crédits aux agriculteurs, parce que, d'habitude, l'Opposition n'en parle
pas puisque c'est une excellente mesure. Lorsque nous avons affaire à
une mesure aussi excellente que celle que propose le ministre de l'Agriculture,
lorsqu'il s'agit d'augmenter les crédits pour les agriculteurs,
l'Opposition aime mieux parler de l'augmentation des juges que de
l'augmentation des crédits donnés aux agriculteurs. On voit
là qu'il n'y a pas d'électoralisme dans leur attitude. Mais, tout
de même, on peut s'attendre à une réaction comme
celle-là de la part de l'Opposition.
Alors, de notre côté, je veux répéter qu'il
s'agit simplement d'avoir voulu être très objectif. Nous avons
pris les renseignements nécessaires. Et si j'ai qualifié la
pièce du leader parlementaire de l'Opposition officielle comme je l'ai
fait au début de mes remarques, c'est justement à cause des faits
que je viens de citer.
Maintenant, cela ne m'empêche pas d'avoir pour le leader de
l'Opposition officielle, sur le plan personnel, la plus grande
considération, mais je dis que, probablement parce qu'il était
pris dans des situations qu'il a peut-être lui-même
créées mais qu'il n'a pas voulues, M. le Président, il est
arrivé avec ce genre de discours. Dans le fond de son coeur, il sait
fort bien que cela n'a pas de bon sens.
M. le Président, je ne veux pas aller plus loin avec cela. Je
veux simplement croire qu'il s'agit là de quelque chose qui arrive dans
les moments de "filibuster", et qu'on est même prêt à
manquer à sa parole, quelquefois, dans les moments de "filibuster".
M. LESSARD: Je soulève une question de privilège, M. le
Président.
M. LEVESQUE: Ne vous choquez pas!
M. LESSARD: M. le Président, une question de
privilège.
M. LEVESQUE: J'ai décrit exactement ce qui s'est
passé.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, à l'ordre! Une question
de privilège.
M. LESSARD: M. le Président, je soulève une question de
privilège, puisque cela me concerne directement lorsque le leader
parle-
mentaire dit qu'on est prêt à retirer notre parole.
M. le Président, je n'ai pris, personnellement, lorsque le leader
parlementaire est venu, tout à l'heure, me consulter aucun engagement au
nom du Parti québécois. Le leader parlementaire du gouvernement
m'a demandé ceci: Combien de temps, à peu près, parles-tu
sur ce projet de loi? J'ai dit: Environ 20 minutes. Le leader parlementaire du
gouvernement ne m'a pas demandé combien de temps le Parti
québécois prendrait pour discuter de ce projet de loi. Cela ne
relève pas de ma fonction. Cela relève de la fonction du leader
parlementaire du Parti québécois, les différentes
interventions qui doivent se faire.
Personnellement, je dis donc, M. le Président, sur ma question de
privilège, que je n'ai eu aucune entente avec le leader
parlementaire...
M. LEVESQUE: M. le Président, motion adoptée?
M. LESSARD: ... si ce n'est qu'au sujet de mon discours personnel.
M. LEVESQUE: D'accord, d'accord.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord.
M. LESSARD: C'est cela, M. le Président, que je voulais dire.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Est-ce que la motion d'ajournement
du...
M. BURNS : M. le Président, je vais soulever une question de
privilège parce que moi aussi j'ai été attaqué, en
même temps que le député de Saguenay.
M. LEVESQUE: Cela fait partie du "filibuster". Allez-y!
M. BURNS: Cela va être très bref. Je veux juste
rétablir un certain nombre de faits.
Je n'ai pas donné ma parole au leader du gouvernement. Il sait
qu'habituellement, quand je la lui donne, je n'y manque pas. Je n'ai pas
donné ma parole au leader du gouvernement, à savoir qu'il n'y
aurait qu'un seul discours sur cela. Je ne peux pas toujours, non plus, donner
cette parole.
M. LEVESQUE: D'accord, d'accord.
M. BURNS: S'il me l'avait demandée, ce matin, j'aurais
été dans l'impossibilité de la lui donner.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. BURNS: Ce que je lui ai dit, c'est:
Demande au député de Saguenay, ou demandez au
député de Saguenay quoiqu'on se tutoie quand on se parle,
M. le Président combien de temps il va parler. Or, le brillant
discours du député de Saguenay a provoqué chez le
député de Saint-Jacques et sans doute chez le chef de
l'Opposition le désir de participer à ce débat.
M. LEVESQUE: Une réaction en chaîne.
M. BURNS: C'est notre droit, M. le Président, de toute
façon. Qu'on ne nous le conteste pas.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): D'accord, d'accord.
M. LEVESQUE: No 5.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion d'ajournement du débat
est-elle adoptée?
M. BURNS: Je demande un vote enregistré, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Qu'on appelle les
députés!
Je demande aux députés de reprendre leur siège pour
le vote.
A l'ordre, messieurs!
Que tous ceux qui sont en faveur de cette motion d'ajournement du
débat veuillent bien se lever.
Vote sur la motion d'ajournement du
débat
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Choquette, Garneau, Lachapelle,
Berthiau-me, Goldbloom, Simard, Quenneville, Bienvenue, Toupin, Massé,
Houde (Abitibi-Est), Giasson, Brown, Fortier, Kennedy, Bacon, Brisson, Houde
(Limoilou), Ostiguy, Picard, Dionne, Faucher, Marchand, Springate,
Bellemare.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je m'excuse d'interrompre le vote,
mais M. Charron s'est levé pour voter favorablement à la motion.
Je l'ai vu.
UNE VOIX: Vous n'avez pas le droit de parole avant que le vote soit
fini.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs! A l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plait! A l'ordre!
M. BELLEMARE: Oui, je l'ai vu.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bonnier, Boudreault, Chagnon, Denis,
Déziel, Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Sylvain, Tardif,
Vallières, Verreault.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Que tous ceux qui sont contre la motion
veuillent bien se lever.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
M. ROY: M. le Président, le député de Rouyn-Noranda
et moi-même, députés créditis-tes, nous nous
abstiendrons de voter sur cette motion pour la raison que le gouvernement nous
a bâillonnés encore une fois et nous a empêchés de
parler ce matin.
M. SAMSON: C'est ça.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre!
LE SECRETAIRE: Pour: 39
Contre: 5
Abstentions: 2
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): La motion est adoptée.
M. LEVESQUE: Article 5).
Projet de loi no 8 Deuxième lecture
(suite)
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Reprise du débat sur l'amendement
de M. Burns à la motion de M. Choquette.
Le chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques-Yvan Morin
M. MORIN: M. le Président, lorsque la séance s'est
terminée hier soir, j'étais en train de parler sur la motion de
mon collègue, le leader parlementaire du Parti québécois,
à l'effet de remettre ce projet de loi à six mois. La raison pour
laquelle je voudrais appuyer la motion de mon collègue, j'ai
commencé à la donner hier soir. Il est visible, à la suite
de l'intervention du ministre de la Justice, que nous n'avons pas tous les
éléments qui nous permettraient de trancher une question aussi
importante et dont les retombées sociales peuvent être aussi
considérables que cette question de la rémunération des
juges de la cour Provinciale. Le ministre...
M. LEGER: M. le Président, excusez-moi d'interrompre mon
éminent collègue, est-ce que vous pourriez demander aux
députés de prendre leur siège et d'écouter
religieusement ce que le chef de l'Opposition a à dire? Actuellement,
c'est la parade de la Saint-Jean-Baptiste sur la rue Sainte-Catherine. Tout le
monde se promène. Pouvez-vous demander à chacun de prendre son
siège et ne pas enlever le temps que j'ai pris sur le temps de mon
éminent collègue?
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): A l'ordre, messieurs! S'il vous
plaît, un peu de décorum en Chambre afin d'entendre le discours du
chef de l'Opposition.
M. MORIN: M. le Président, je ne sais pas si mon estimé
collègue se référait à ma religiosité
personnelle ou à celle de ceux qui m'écoutent, mais j'aimerais
bien être entendu, en effet, et j'aimerais bien être entendu
surtout du ministre de la Justice parce que j'estime que ce projet de loi est
suffisamment important, ses retombées sont suffisamment larges,
notamment dans le secteur public, dans le secteur des salaires de la fonction
publique, pour qu'il considère non seulement la remise à six
mois, ce qui en somme ne serait que purement dilatoire comme il l'a dit hier
soir, mais qu'il considère de profiter de ce délai, non pas
seulement pour laisser dormir le projet de loi sur les tablettes, ce n'est pas
ce que nous recherchons, mais pour convoquer une commission parlementaire qui
pourrait étudier tous les aspects controversés, ou pas, de ce
projet de loi.
A cette commission parlementaire pourraient par exemple être
entendus les représentants des principaux intéressés, les
juges, et peut-être aussi leurs conseillers. Leurs conseillers pourraient
venir nous démontrer que l'échelle de salaire
réclamée est conforme à ce qui se paye dans d'autres
secteurs de la vie publique et peut-être même dans les secteurs de
la vie privée, notamment la pratique du droit, pour qu'on puisse se
rendre compte, M. le Président, que les salaires que le ministre propose
sont très supérieurs au revenu d'un avocat qui gagne bien sa vie
ou d'un notaire qui gagne bien sa vie ou d'un professionnel quelconque qui
gagne convenablement sa vie.
J'avais commencé à donner quelques chiffres hier soir,
pour démontrer à quel point il est important de remettre ce
projet à six mois; par exemple, j'avais démontré que
l'Ontario consacre onze fois moins de dépenses au paiement de ses juges.
Bien sûr, vous allez me dire, M. le Président, que, dans
l'Ontario, la grande majorité des juges sont nommés et sont
stipendiés par le pouvoir fédéral. Il n'y a qu'un petit
nombre de "Surrogate Court Judges" qui sont nommés par la province.
Cela, c'est vrai, et c'est pourquoi il en coûte finalement si peu cher,
$500,000, à cette province pour les salaires des juges provinciaux.
Mais, il n'en reste pas moins que lorsqu'on additionne les
dépenses fédérales et les dépenses provinciales, on
arrive à des résultats étonnants. J'aimerais bien avoir
l'attention du ministre de la Justice sur cette questions-là, parce
qu'il pourrait peut-être être appelé à s'expliquer un
jour, devant cette Chambre, des chiffres astronomiques, des chiffres
incroyables, que nous obtenons en additionnant les dépenses
fédérales et provinciales dans l'Ontario et au Québec,
pour l'administration de la justice.
M. le ministre de la Justice, saviez-vous que lorsqu'on additionne les
dépenses fédérales et
provinciales dans l'Ontario, pour l'administration de la Justice, pour
les salaires des juges en 1973 ce ne sont pas des chiffres d'il y a dix
ans on arrive avec $4,353,000 de dépenses fédérales
et $500,000 de dépenses provinciales, on arrive au total de $4,853,000,
c'est-à-dire un peu moins de $5 millions, tandis qu'au Québec,
les dépenses fédérales sont de $4,108,000, elles sont
presque aussi élevées qu'en Ontario, mais les dépenses
provinciales, elles, sont de $5,600,000, et le résultat, c'est que
ça fait des dépenses totales pour les salaires des juges au
Québec de $9,708,000, presque $10 millions, c'est-à-dire le
double, le double...
M.MERCIER: La justice est meilleure au Québec.
UNE VOIX A l'ordre!
M. MORIN: Et ce qui est encore plus frappant, vraiment, là,
ça dépasse les bornes, et j'aimerais bien que le ministre de la
Justice m'apporte des éclaircissements là-dessus, j'aimerais bien
qu'il contredise mes chiffres s'il en est capable, parce qu'il ne m'en a pas
apporté de ces chiffres-là.
M. le Président, la population de l'Ontario est de 7,700,000
habitants, celle du Québec est de 6 millions d'habitants, ce qui veut
dire et là encore je crois que le ministre de la Justice pourrait
bien être appelé à me répondre là-dessus un
jour ou l'autre ce qui veut dire que, dans l'Ontario, nous avons une
dépense per capita de $0.63 pour les salaires des juges tandis qu'au
Québec, la dépense per capita, tenez-vous bien, elle est de $1.61
per capita, plus que le double.
Est-ce que le ministre de la Justice va nous expliquer cela? Est-ce que
cela a du sens, dans une province où, comme je l'ai expliqué
hier, le revenu par tête de même que le produit national brut sont
inférieurs à ceux de l'Ontario? J'estime que ces
chiffres-là, à moins que le ministre ne les contredise, doivent
être portés à la connaissance des citoyens. Le ministre
vient nous demander des augmentations de salaire, mais il se garde bien de nous
mettre au courant de ces faits-là. Pourtant, j'imagine qu'ils doivent
bien se trouver dans quelque document de son ministère. Il faudra bien
qu'il en fasse état dans son livre blanc sur l'administration de la
justice.
J'estime que la commission parlementaire doit être
convoquée pour prendre connaissance du dossier dans tous ses
détails. M. le Président, puis-je vous demander combien de temps
il me reste? Parce que je voudrais résumer mon propos...
M. MERCIER: C'est déjà fini.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Je n'ai pas de chiffres.
M. MORIN: ... si je n'ai plus beaucoup de temps, j'en encore beaucoup de
choses à dire là-dessus.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): Dix minutes.
M. MORIN: D me reste dix minutes, merci. Devant cette commission
parlementaire, étant donné qu'il s'agit d'une question qui
intéresse tous les citoyens du Québec, devraient être
convoqués non seulement les principaux intéressés
eux-mêmes mais des experts dans ces questions d'administration publique,
des experts en finance publique qui viendraient déposer devant la
commission les chiffres comparatifs. Par exemple, sans aller jusqu'aux
Etats-Unis où, pourtant, on trouverait des choses intéressantes,
en se documentant auprès des autres provinces canadiennes puisque,
paraît-il, nous vivons dans ce régime encore, il est tout de
même intéressant d'aller voir ce qui se fait ailleurs et ne pas se
retrouver dans une situation où l'une des provinces les plus mal en
point économiquement, l'une des plus pauvres, comme se plaît
toujours à le rappeler le ministre fédéral des Affaires
sociales, M. Lalonde, que dans une province aussi pauvre que celle-ci on ait
des juges qui soient mieux payés qu'à l'extérieur du
Québec.
Est-ce que, par exemple, le ministre de la Justice sait que dans la
plupart des provinces, le salaire en vigueur, en 1973, est de $28,000 à
l'heure actuelle? C'est-à-dire le salaire qui est payé
actuellement aux juges québécois. Est-ce que le ministre est au
courant de ces chiffres-là? S'il l'était, est-ce qu'il viendrait
nous proposer une loi comme celle-là qui est une loi qui tend à
privilégier les juges québécois par rapport aux juges des
autres provinces? On nous dit toujours que nous sommes une province comme les
autres, que nous faisons partie d'un grand tout rentable. Si tel est le cas
ce n'est pas moi qui soutient cette idée, c'est le gouvernement
pourquoi ne serions-nous pas une province comme les autres pour les
salaires des juges comme sur le plan constitutionnel, comme sur tous les autres
plans, qu'il s'agisse d'agriculture, de main-d'oeuvre, de frais
d'administration policière? On nous rabat toujours au même niveau
que les autres provinces. Pourquoi tout à coup sur ce point particulier
ferait-on une exception? Puisque nous sommes une province comme les autres,
soyons-le jusqu'au bout, surtout lorsqu'il s'agit de protéger les
deniers publics, surtout lorsqu'il s'agit de protéger la
fiscalité québécoise, lorsqu'il s'agit de protéger
ceux qui vont payer ces salaires aux juges et qui sont les administrés,
qui sont ceux qui vont se présenter devant les juges.
M. le Président, il y a une limite. En Colombie-Britannique,
où il y a un juge pour 127,000 administrés, on paie $28,000.
Le revenu net per capita dans cette province est de $3,719. En Alberta,
on a un juge par 108,000 habitants. Il est payé lui aussi $28,000, avec
un revenu moyen per capita de $3,405. Je prends les cas les plus flagrants. Au
Nouveau-Brunswick, vous avez un juge pour 105,759 habitants. Combien les juges
sont-ils payés?
Egalement $28,000. Cette fois, à mon avis, c'est trop, parce que
le revenu per capita, en 1971, dans cette province, était de $2,469,
c'est-à-dire que c'est une province beaucoup moins riche que celles que
j'ai mentionnées auparavant. A Terre-Neuve, il y a un juge pour 104,400
habitants. Là aussi les juges provinciaux sont payés $28,000 pour
un revenu per capita de $2,211... Il me semblait aussi que je faisais une
erreur en commençant par le montant de $3,000, parce que Terre-Neuve est
une des provinces les moins favorisées sur le plan du revenu per capita.
Prenons l'Ontario; on aime volontiers se comparer à l'Ontario. En ce qui
me concerne, ce n'est pas une comparaison que je trouve toujours fructueuse.
Cette fois-ci, elle pourra nous apprendre quelque chose. M. le
Président, est-ce que vous savez qu'en Ontario il y a un juge pour
78,593 habitants et que le salaire est également de $28,000, à
l'heure actuelle, alors que le revenu per capita est de $3,967? C'est, si je ne
m'abuse le plus élevé au pays.
Comment se compare maintenant le Québec avec les chiffres que je
viens de donner? Je suis toujours étonné de voir à quel
point le ministre de la Justice a l'air de se ficher complètement de ces
questions. Ce sont pourtant des chiffres importants.
M. CHOQUETTE: On en discute...
M. MORIN: Oui. Il est amusant de constater à quel point, dans
l'esprit du ministre de la Justice, l'intelligence s'identie automatiquement
aux gens de son parti. C'est une largeur de vues que je reconnais bien
là. Pourtant, il me semble que depuis l'enfance le ministre de la
Justice et moi-même nous nous connaissons depuis l'âge des culottes
courtes il y a eu chez lui une certaine évolution.
M. le Président, au Québec, il y a un juge pour 31,892
habitants. Le ministre de la Justice ne peut pas établir la comparaison,
sans doute parce qu'il n'a pas écouté tout à l'heur,-. Je
compare le Québec, 31,892 habitants par juge, avec la
Colombie-Britannique, 127,000 habitants, l'Alberta, 108,000 habitants, le
Nouveau-Brunswick, 105,000 habitants, Terre-Neuve, 104,000...
M. CHOQUETTE: Oui, mais le crime là-bas est terrible. Justement,
j'ai rencontré le procureur général de la Colombie
Britannique à cette conférence fédérale-pronviciale
et il nous a dit que le crime augmentait en Colombie-Britannique d'une
façon terrible, alors que moi, je peux dire que sous mon administration,
depuis que je suis ministre de la Justice, le crime n'a pas augmenté au
Québec.
M. LEGER: C'est parce que vous êtes à l'écoute.
M. CHOQUETTE: Vous voyez l'efficacité du gouvernement, du
ministre de la Justice en particulier et des juges.
M. MORIN: Cela doit être pour ça que les prisons du
Québec sont parmi les plus achalandées du Canada.
Je reviens à mon propos. Un juge par 31,000 habitants,
payé à l'heure actuelle, comme dans le reste du Canada, $28,000
par année. Je souligne au ministre de la Justice que le revenu per
capita, dans le Québec, en 1971, a été de $3,027, $3,000
en gros, c'est-à-dire que ce revenu net per capita est inférieur
de plus de $900 aux chiffres de l'Ontario. Est-ce que c'est pertinent, M. le
Président, ou si cela ne l'est pas de constater que le
Québec.province plus pauvre que les autres, à ce que nous dit
toujours le ministre fédéral Lalonde, est-ce que c'est pertinent,
dis-je, de constater que nous nous apprêtons à payer plus cher que
les autres pour l'administration de la justice et, en particulier, pour le
salaire des juges?
J'estime qu'il y a là matière à réflexion.
Si le ministre pense qu'il peut tout simplement passer son projet de loi
à la vapeur, je crois qu'il fait tort à l'ensemble des
Québécois, il fait tort à ceux qui vont payer pour
l'administration de la justice. C'est pour cela que j'estime, pour ma part, que
la commission parlementaire devrait permettre non seulement aux principaux
intéressés de se faire entendre mais également, comme je
l'ai dit, à des spécialistes de la fonction publique. Des
spécialistes, il n'en manque pas au Québec dans ce domaine. Les
salaires de la fonction publique, Dieu sait si on en a parlé
l'année dernière et Dieu sait si probablement on va en parler au
cours des mois qui viennent aussi.
Je conclus, M. le Président, puisque mon temps est, pour ainsi
dire, expiré. Il faudrait qu'on fasse entendre tous ceux que cette
question des salaires des juges pourrait intéresser. Les juges, je le
disais hier, sont peut-être encore, dans une certaine mesure, un mythe
dans la société québécoise. Mais, dans une
société moderne, il faut envisager ces questions de façon
fonctionnelle, au regard de la fonction précise, utile qu'ils exercent
dans la société. Mais ce n'est pas la seule fonction utile. C'est
une fonction parmi d'autres et il faut donc juger des salaires des juges dans
le contexte général des salaires.au Québec. Merci, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Blank): L'honorable député de
Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, j'ai écouté la motion
qui a été présentée par le député de
Maisonneuve. Elle demande que dans ce projet de loi, en deuxième
lecture, le mot "maintenant" soit remplacé par les mots "dans six
mois".
Remettre à six mois la deuxième lecture d'un projet de loi
de cette envergure, est-ce la meilleure solution? C'est le dilemme dans
lequel je me trouve placé. Cette motion de remettre à six
mois un projet de loi qui est le bébé du gouvernement
libéral depuis près de deux ans, est-ce manquer de
réalisme, est-ce suffisant, est-ce que cela devrait être plus?
Tout le monde a bien remarqué qu'actuellement je ne dis
pas dans une semaine, dans six mois, dans un an ou dans deux ans le
Parti québécois est complètement contre le projet de loi
du ministre de la Justice. Il n'a pas d'autre solution, pour empêcher
l'adoption de ce projet de loi, que de suivre ce que le règlement lui
permet.
M. CHARRON: M. le Président,... M. LEGER: C'est de
proposer,...
M. CHARRON: ... je m'excuse auprès de mon collègue
de...
M. LEGER: J'espère que cela n'est pas enlevé sur mon
temps, M. le Président.
M. CHARRON: ...Lafontaine de devoir l'interrompre, mais je
soulève une question de règlement. Je ne crois pas que, quant aux
députés officiellement à leur place, nous ayons le
quorum.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on sonne.. J'inviterais...
M. CHOQUETTE: Je n'aurais pas cru, M. le Président, voir le
député de Saint-Jacques succéder à l'ancien
député de Chicoutimi dans le rôle de préfet de
discipline de la Chambre.
M. LESSARD: Oui, M. le Président.
M. CHARRON: J'aime mieux l'être ici que penser que je le suis pour
la grandeur du Québec, comme vous.
M. CHOQUETTE: Pardon?
UNE VOIX: De toute façon, il n'est jamais à sa place.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, vous avez additionné et vous
avez remarqué qu'il y avait suffisamment de députés
assis?
UNE VOIX: Certainement.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Je demande aux députés
de réintégrer leur siège.
M. LEGER: II y a quorum?
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Beaucoup plus.
M. LEGER: M. le Président, vous avez calculé que nous
avons quorum. Alors, le dilemme est le suivant. Le Parti
québécois est opposé au projet de loi. Il ne le serait
peut-être pas dans six mois, dans un an, dans trois mois.
Cela dépendra de la conjoncture, de la situation qui pourrait
être changée, selon ce que le ministre de la Justice pourrait nous
apporter comme éléments nouveaux, selon les réponses que
nous obtiendrons à une série de questions que nous avons fait
valoir lors de l'exposé en deuxième lecture. M. le
Président, nous n'avons pas d'autre choix que de suivre le
règlement de l'Assemblée nationale pour nous opposer, avec les
moyens du bord, qui sont de proposer de remplacer le mot "maintenant" par
d'autres mots qui nous permettent de retarder le projet de loi.
La motion du député de Maisonneuve était à
l'effet de remettre cela à six mois. Le chiffre six, pour nous, cela ne
veut pas dire que c'est suffisant. On aurait pu trouver une solution qui nous
convienne avant six mois comme après six mois, mais c'est la
façon, dans le règlement, de s'opposer.
M. le Président, ce que nous voulons, c'est sensibiliser la
population à ce problème grave de l'augmentation de salaire d'un
groupe de citoyens du Québec qui ont un rôle important à
jouer, un rôle vital, et à qui on veut donner une augmentation de
salaire sans s'occuper de la situation globale, au Québec, et sans
s'occuper même de savoir si les juges eux-mêmes seraient satisfaits
d'une augmentation de $5,000, alors que peut-être, par une augmentation
de $5,000, on les empêche d'obtenir d'autres choses qui ne sont pas des
avantages pécuniaires.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux poser une question au
député de Lafontaine?
M. LEGER: Certainement, d'abord que ce n'est pas enlevé sur mon
temps, M. le Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Oui, c'est pris sur votre temps.
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Lafontaine voudrait
proposer une plus grosse augmentation que celle qui est proposée dans le
projet de loi?
M. LEGER: M. le Président, la question du ministre a
été pensée avant que j'aie fini ma phrase. Il n'aurait pas
dit cela s'il avait écouté jusqu'à la fin ce que je lui ai
dit. J'ai dit que peut-être les juges voudraient avoir d'autres avantages
qu'uniquement pécuniaires.
M. CHOQUETTE: ... suggéré?
M. LEGER: C'est cela que je demande.
M. CHARRON: Est-ce que le député de
Lafontaine me permet de lui poser une question?
M. LEGER: Certainement, pourvu que ce ne soit pas pris sur mon temps, M.
le Président.
M. CHARRON: Est-ce que je peux demander au député de
Lafontaine d'énumérer certains autres avantages que les juges
auraient pu avoir?
M. LEGER: Voici, M. le Président: Est-ce que les juges,
actuellement, ont des conditions de travail qui leur conviennent? Est-ce qu'ils
ont une rotation qui leur permet d'agir selon leurs qualifications, selon leurs
spécialités? Il y a plusieurs choses qui auraient pu être
demandées.
M. le Président, la motion du député de Maisonneuve
avait pour but de permettre, peut-être, pendant la période de six
mois on n'est pas sûr que la période de six mois soit
suffisante un certain rattrapage des autres classes de la
société. Est-ce que dans deux mois, il y aurait eu des projets de
loi permettant à d'autres classes de la société de voir
leurs revenus augmentés? Est-ce que dans huit mois ou dans un an, on
l'aurait su? A ce moment-là, nous aurions eu une attitude
différente devant ce projet de loi.
Mais, M. le Président, comme je le dis, des députés
se demandent: Qu'est-ce qu'il fait là, le Parti québécois,
actuellement, s'opposer à cela et proposer des choses, ou retarder et
faire un "filibuster"? Bien oui, on en fait un "filibuster"! C'est
nécessaire. C'est la seule façon que nous ayons, M. le
Président, de démontrer...
M. MERCIER: ... dans les journaux demain!
M. LEGER: ... jusqu'à quel point nous sommes opposés
à ce projet de loi. Nous devons, pour le faire, M. le Président,
nous servir du règlement. On est pris comme une société un
peu drôle. On a une vie américaine, une culture française
et un mode politique britannique. Alors, on est une drôle de
société, mais on est obligé de vivre avec un
règlement parlementaire. On est obligé, M. le Président,
de se servir des moyens du bord pour dire à la population jusqu'à
quel point nous sommes opposés à ce projet de loi.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, le
député de Maisonneuve a proposé de remettre cela à
six mois.
Mais moi, je me demande si six mois c'est quelque chose d'acceptable. Il
y aurait peut-être d'autres solutions à proposer étant
donné l'urgence parce que ça fait trois fois que le
ministre de la Justice essaie de nous présenter un projet comme
celui-là.
Motion de retrait de l'amendement de M. Burns
M. LEGER: Ce n'est pas parce qu'on est divisé dans notre parti,
mais je voudrais me prévaloir de l'article 85 du règlement: "Tant
qu'une motion n'a pas été mise en délibération,
elle peut être retirée avec la permission du député
qui l'a présentée. Après la mise en
délibération, elle peut faire l'objet d'une motion non
annoncée de retrait avec la permission de son auteur. Le proposeur de la
motion de retrait doit se borner à énoncer succinctement ses
motifs, et la motion est mise immédiatement aux voix."
Je demande au député de Maisonneuve, qui a proposé
la motion, s'il n'a pas d'objection que je propose le retrait de cette motion
de renvoi à six mois pour qu'on puisse trouver peut-être, devant
l'urgence, une autre solution. C'est la raison pour laquelle je propose cette
motion.
M. BURNS: M. le Président, en tant que proposeur de la motion, je
peux dire au député de Lafontaine que je n'ai pas d'objection
je le dis à la Chambre également à ce que ma
motion fasse l'objet de sa motion de retrait. D'ailleurs, il m'avait
consulté avant. Je pense qu'il y aurait peut-être, selon ce que
m'a dit le député de Lafontaine, de très bonnes raisons
à émettre pour justifier cette chose.
Je me plierai aux désirs de la Chambre là-dessus. Tout
ceci, M. le Président, simplement pour vous dire que je consens à
ce qu'il fasse sa motion.
LE PRESIDENT: Ce que je m'attendais de vous, c'était un oui ou un
non.
M. BURNS: J'ai été un peu plus long.
M. LEGER: II faut dire que les oui et les non ne viennent pas souvent de
l'autre bord.
LE PRESIDENT: Vous faites cette motion. Vous avez parlé sur
ça?
M. LEGER: Je n'ai pas parlé encore, j'ai encore dix minutes.
M. BURNS: Sur la question de règlement, est-ce que je peux vous
faire une représentation?
LE PRESIDENT: Parlez quelques minutes.
M. BURNS: Le deuxième paragraphe de l'article 85, en vertu duquel
le député de Lafontaine a fait sa motion, se lit comme suit:
"Cette motion ne peut provoquer qu'un débat restreint au cours duquel le
proposeur peut parler dix minutes..." Là, je pense qu'il est clan-que,
même s'il a parlé sur ma motion, il a dix minutes pour expliquer
la sienne.
LE PRESIDENT: Un instant. Si je suivais le règlement à la
lettre, il a parlé, il a donné ses raisons et il s'est rassis.
Continuez quand même, je ne serai pas trop sévère.
M. LEGER: Voyez-vous, la raison pour laquelle je me suis rassis, c'est
que deux députés ne peuvent parler en même temps. Et le
député de Maisonneuve, je voulais m'assurer qu'il appuyait et
qu'il avait accepté mon retrait. C'est la raison pour laquelle je me
suis assis.
Et maintenant je me suis relevé. D'ailleurs, toute l'allure de ma
présentation dénotait jusqu'à quel point je m'interrogeais
sur le fait que la motion de renvoi à six mois n'était
peut-être pas idéale, en ce sens qu'il se pourrait que ça
soit plus urgent que six mois. Peut-être pourrions-nous réellement
trouver des moyens à court terme qui permettraient aux juges
eux-mêmes d'être consultés pour obtenir
immédiatement, et non pas dans six mois, des solutions à leurs
préoccupations.
En dedans d'une période plus raccourcie, il serait
peut-être possible d'avoir une commission parlementaire immédiate,
dans les quinze jours qui suivraient les Fêtes. Elle permettrait à
des juges, qui nous ont déjà contactés, qui nous ont
donné leur point de vue, de démontrer jusqu'à quel point
leur situation est mal foutue, jusqu'à quel point ils sont dans une
drôle de situation. La question financière n'est peut-être
pas la seule façon d'envisager le rôle du juge au
Québec.
Ils auraient peut-être à cette occasion d'une commission
parlementaire, réclamée dans un délai très
rapproché, en janvier, l'occasion de venir exprimer ce qui se passe
à l'intérieur de cette vie qu'un juge a à mener.
Justement, vous savez, il y a des gens qui aiment avoir la compagnie des
juges, il y en a d'autres qui sont toujours mal à l'aise avec les juges
et il y a tout un monde différent dans lequel il faut se...
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Lafontaine me permet
une petite...
M. LEGER: Certainement, pour autant que ce ne soit pas enlevé sur
mon droit de parole.
M. CHOQUETTE: ... disons donc, interruption à l'intérieur
de son discours? Je dirais que les gens qui se sentent en général
mal à l'aise en la présence des juges, ce sont les gens qui ont
quelque chose à se reprocher.
M. LEGER: On reconnaît, M. le Président, le manque de
largeur de pensées du ministre de la Justice parce qu'il sait fort bien
qu'une personne qui a un titre, vis-à-vis d'une personne qui est un peu
moins renseignée, une personne effacée, une personne qui est mal
à l'aise, un personne ... On va à la cour, et on voit justement
des citoyens qui sont accusés d'avoir passé sur un feu rouge,
d'avoir fait de la vitesse. Quand le juge arrive, on exige des citoyens: Tout
le monde debout! Les gens sont tout énervés et regardent le juge
entrer. Une personne qui n'a qu'une petite contravention pour stationnement
illégal et qui veut discuter, arrive devant le juge et on lui dit:
Coupable ou non coupable? Bien... Coupable ou non coupable? Bien, M. le juge,
je vais expliquer... Assoyez-vous, monsieur, là! Alors la personne est
tout à coup estomaquée devant l'attitude du juge et si elle
ne...
M. CHOQUETTE: Le député de Lafontaine...
M. LEGER: Une autre question aussi brillante? Oui.
M. CHOQUETTE: Je vois que le député de Lafontaine est
très accessible aujourd'hui aux questions et aux interruptions. Je
constate ce fait et je le félicite d'ailleurs de son attitude. Mais je
lui citerai un exemple différent de celui qu'il nous donne, soit cette
espèce de justice mécanique, la distribution des amendes pour des
offenses ou des infractions à la circulation. S'il va au tribunal des
petites créances, il verra une toute autre attitude de la part des
magistrats, et là, d'après ce qu'on me dit, justement, la justice
est beaucoup plus humaine, détendue et proche des citoyens. C'est
justement ce que cette expérience a révélé,
à savoir qu'il était possible de rendre la justice beaucoup plus
sympathique que cet aspect rébarbatif sur lequel le député
de Lafontaine met l'accent dans son intervention.
M. LEGER: Je félicite le ministre justement de nous montrer qu'il
y a déjà un secteur du ministère de la Justice qui
commence à s'humaniser. Justement, je me demande quand il va pouvoir
amener cette humanisation, ce rapprochement des juges avec les citoyens dans
tout l'ensemble de l'appareil judiciaire.
M. CHOQUETTE: On fait des efforts.
M. LEGER: Peut-être qu'une commission parlementaire rapide, avec
le contact de ces juges, pourrait nous permettre de connaître davantage
leurs préoccupations qui sont certainement... s'ils ont atteint ce haut
degré de compétence, ce détachement des
préoccupations matérielles que nous reconnaissons à
certains d'entre eux... de nous donner tous les autres aspects de leur vie
quotidienne de juge, du fonctionnement normal de l'appareil judiciaire et venir
nous expliquer jusqu'à quel point ils aimeraient avoir une
révision complète de la Loi des tribunaux judiciaires.
M. le Président, ce serait une occasion merveilleuse de ne pas
régler un problème à la pièce quand je dis
pièce, des pièces de monnaie, ou une pièce du grand
problème majeur du rattrapage dans le domaine des lois et des tribunaux
judiciaires une occasion inespérée pour la commission
parlementaire d'entendre ces personnes.
M. le Président, il y a quand même différents modes
aussi pour déterminer les salaires, à
l'occasion d'une commission parlementaire immédiate plutôt
que de laisser trainer en longueur ces choses-là. Pour nous, la
situation actuelle ne permet pas d'appuyer l'augmentation de salaire des juges.
Nous sommes assurés que c'est un problème important, urgent. Nous
avons aussi des amis du côté des juges; de plus en plus ils
s'aperçoivent que la justice devrait être améliorée,
comme il y a beaucoup de juges qui sont restés quand même dans le
même esprit que ceux du parti qui les ont nommés. C'est sûr
qu'il y a tout un ensemble de corrections à amener, de correctifs
à apporter.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je pense qu'il
est important que nous révisions ça peut-être plus
rapidement que dans six mois. Entre autres, ce qui m'a frappé dans les
arguments du député de Sauvé, c'était justement le
fait que chez nous, au Québec, on payait deux fois plus de
dépenses, dans le domaine de la Justice, pour les juges, qu'en Ontario,
où la population est plus grande, et que la même proportion ou
à peu près des dépenses faites par le
fédéral étaient faites au Québec comme en Ontario,
alors qu'au Québec nous sommes obligés d'en rajouter une
portion.
Alors, c'est la raison pour laquelle nous voulons vous demander de
retirer ce projet de loi pour qu'on puisse régler d'une façon
peut-être plus globale, plus complète, le problème de la
situation générale des juges au Québec.
On a parlé aussi du recyclage. Il y a des nouveaux juges qui vont
être nommés, et il y a des juges existants qui, depuis longtemps
n'ont pas pratiqué. Ils ont été confinés à
une certaine juridiction, à une certaine discipline. Il faudrait
peut-être leur demander, à cette occasion, comment ils
entrevoient, eux qui sont rendus peut-être à un certain âge,
embarquer dans un système de recyclage du domaine judiciaire. Et ainsi
que le domaine des nouveaux juges qui pourraient être...
LE PRESIDENT: J'aimerais bien que vous parliez de la motion de retrait.
C'est un débat de deuxième lecture.
M. LEGER: La raison, M. le Président, c'est que six mois c'est
peut-être trop long, et on veut avoir une réponse plus
rapprochée, étant donné l'urgence avec laquelle le
ministre nous a présenté ce projet de loi-là. Cela fait
trois fois qu'il nous le présente et ce n'est pas encore passé.
Je présume qu'un jour ou l'autre il faudrait le passer. H faut avoir les
informations nécessaires et on propose que ce soit fait plus rapidement.
Si, par hasard, la motion de retrait que je fais était battue, à
ce moment-là vous serez obligés de voter pour la motion qui a
précédé, parce que, là au moins, c'est certain que
dans six mois on aura réglé le problème. Nous, on propose
au gouvernement de régler le problème de façon
peut-être plus rapide, et c'est la raison pour laquelle je me sens
d'avance obligé de demander et c'est...
M. MALOUIN: Une affaire honnête.
M. LEGER: ... ce que j'ai demandé au député de
Maisonneuve le retrait de sa motion, pour nous permettre de trouver une
solution plus rapide au problème. D'ailleurs, je remercie le
député de Maisonneuve de sa coopération et sa
compréhension parce que c'est un spécialiste du domaine
judiciaire et maintenant je...
M. MALOUIN: Yakety Yak. M. LEGER: ... vais voir si...
M. BURNS: Je vous ai donné la permission de faire votre motion,
cela ne veut pas dire que je vais voter pour.
M. LEGER: Nous allons voir tantôt la gentillesse, la
coopération qu'il y a dans le parti. Il m'a donné la permission
de la retirer et nous verrons s'il va voter pour ou contre.
M. BURNS: J'ai donné la permission de faire la motion, M. le
Président.
M. MALOUIN: C'est bien le seul qui manifeste de la
coopération.
M. LEGER: Nous allons voir si les membres du Parti libéral vont
voter pour ou contre cette motion de retrait. De toute façon, par la
suite nous verrons si nous allons procéder avec la motion de six mois.
M. le Président, respectueux du règlement comme je le suis et
parlant toujours dans le corridor de pensée que me permet ce
règlement, je vais maintenant permettre aux députés de
l'Opposition d'accepter ou de refuser ce retrait.
M. CHOQUETTE: Je demande le vote tout de suite, M. le
Président.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, avant le vote, je pense, en vertu du
deuxième paragraphe, que j'ai le droit de m'exprimer en tant que leader
d'un parti reconnu. Je vous soumets respectueusement que si on lit le
deuxième paragraphe de l'article 85, on voit que "cette motion ne peut
provoquer qu'un débat restreint il y a un débat restreint,
M. le Président au cours duquel le proposeur peut parler dix
minutes et exercer un droit de réplique de même durée,
après que un droit de réplique les
représentants des partis reconnus d'Opposition se sont fait entendre
pendant une durée d'au plus dix minutes chacun."
Je m'explique. La motion qui a été faite... C'est pour
cela, tantôt, que je tenais à dire que c'est ma permission qu'il a
eue de présenter sa motion.
LE PRESIDENT: Bon, parlez donc vos dix minutes. Je vous l'accorde.
M. BURNS: D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT: On ne fera pas la guerre de l'horloge.
M. BURNS: D'accord. M. le Président, le député de
Lafontaine m'avait consulté, comme je l'ai mentionné
tantôt, avant de faire sa motion et nous nous demandions, tout au cours
de ce débat moi-même d'ailleurs si l'Opposition que
nous semblons voir poindre à l'horizon gouvernemental à notre
motion ou à la motion que j'avais formulée n'était pas sur
une question de durée de ma motion. Quand je parle de la durée de
ma motion, je veux dire la durée que j'impose dans ma motion,
c'est-à-dire une deuxième lecture reportée à six
mois.
Je n'ai pas entendu beaucoup d'interventions du côté
gouvernemental sur ma motion, mais j'étais dans le doute, sentant
là une espèce d'opposition à savoir si la durée de
six mois n'est pas, en fait, la première raison de son opposition,
qu'encore une fois je sens, de sorte que j'accepterai de voter pour la motion
que vient de faire le député de Lafontaine, même si elle a
pour effet d'envoyer la mienne au panier, pour des raisons pratiques.
C'est que je me dis: Si cette motion n'est plus dans le chemin, si la
motion de reporter la deuxième lecture à six mois est
écartée, il n'y a donc plus de motion d'amendement de la motion
principale de deuxième lecture. Donc, le règlement qui nous dit
qu'une seule motion peut être faite à la motion de forme qui est
assimilée à une motion de fond d'adopter la deuxième
lecture, cette règle qui m'empêche de faire un autre amendement ou
un autre sous-amendement n'existe plus, puisqu'il n'y aurait plus de
motion.
Ceci aurait comme avantage de nous permettre, une fois que la motion de
retrait aura été adoptée j'espère bien que
le gouvernement votera avec nous là-dessus une fois qu'on aura
écarté la motion que j'ai faite de reporter la deuxième
lecture à six mois, nous pourrions peut-être et je serais
même prêt à consulter le ministre de la Justice à
l'heure du dîner là-dessus nous pourrions peut-être
formuler une deuxième motion, qui en fait deviendrait la première
puisque l'autre serait retirée, qui risquerait d'aller chercher le
consentement du gouvernement.
Encore une fois, si l'objection gouvernementale à ma motion est
basée sur le fait que le délai est trop long quant au report de
la deuxième lecture à six mois, on pourrait même envisager
de faire une seconde motion qui deviendrait, comme je le disais tantôt,
pour la raison du retrait, une première motion, de reporter la
deuxième lecture, non pas à six mois, mais seulement à
trois mois. Si la motion qui est actuellement l'objet de la motion de retrait
du député de Lafontaine était amendable, de par notre
règlement, j'aurais procédé de cette façon.
J'aurais même suggéré à un de mes collègues
qui a encore le droit de parole sur ma motion de l'amender en changeant les
mots "six mois" par les mots "trois mois". Mais le règlement me
l'interdit. Tout le monde sait que c'est absolument impossible d'amender la
motion ou de sous-amender la motion d'amendement à la motion de
deuxième lecture, de sorte que le seul moyen que nous ayons pour tenter
de faire comprendre, une dernière fois, au ministre de la Justice et
à nos collègues ministériels d'en face qu'il serait
peut-être utile de se pencher sur ce problème des juges
très sérieusement... Comme je l'ai dit dans mon intervention de
deuxième lecture qui a justifié la motion qui est actuellement
l'objet d'une motion de retrait, il est important pour la population qu'on
sache qu'on a vraiment examiné le dossier des salaires et revenus des
juges.
Or, si six mois, c'est trop long, et si ces messieurs les juges sont
trop pressés pour obtenir leur augmentation de salaire, laquelle, soit
disant en passant, comme l'a dit un autre collègue, sera de toute
façon rétroactive à deux ans en arrière à
peu près, bien, à ce moment-là, on dit: Pour ne pas
choquer les susceptibilités, il y aurai peut-être lieu de nous
imposer à nous-mêmes un autre délai plus court tout en
assurant le même but que ma motion. C'est pourquoi je voterai en faveur
de la motion du député de Lafontaine, car elle est dans le
même sens, elle ne contredit pas carrément le fond de la motion.
Et, après avoir bien écouté le député de
Lafontaine, je vois que, par ses motifs, il vise le même but que la
motion que j'avais formulée à l'endroit de la motion de
deuxième lecture. De la sorte, j'inviterai mes collègues et
également le gouvernement à voter en faveur de la motion que le
député de Lafontaine a formulée, même si, dans le
fond, j'ai l'air de détruire ma propre motion. Comme je l'ai
mentionné tantôt, cela ne la détruit pas, cela la
perfectionne et cela la rend peut-être plus acceptable au
gouvernement.
A ce moment-là, on aura tout le loisir, durant les mois qui
viendront, les trois mois qui viendront, d'examiner ce dossier. Alors, pour ces
raisons et en tant que leader du Parti québécois, nous voterons
en faveur de la motion du député de Lafontaine.
UNE VOIX: Vote.
LE PRESIDENT: Vote?
DES VOIX: Vote.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a un vote enregistré?
M. BURNS: Un vote enregistré, s'il vous plaît.
Reprise de la séance à 15 h 4
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, messieurs!
Décès d'un employé de l'Assemblée
nationale
M. BIENVENUE: M. le Président, j'apprenais ce midi, comme
d'autres membres de cette Chambre, le décès malheureux de M.
Walter Mitchell, employé de l'Assemblée nationale qui est survenu
devant le parlement. Je prie la famille au nom des membres de
l'Assemblée nationale d'agréer l'expression de nos plus
sincères condoléances.
M. BURNS: M. le Président, je l'apprends à l'instant
même, nous avions appris l'incident mais je tiens à joindre mes
condoléances et celles de mon parti à celles que vient d'exprimer
le député de Crémazie. C'est évident que nous avons
connu M. Mitchell; il nous a été utile à de nombreuses
reprises de sorte que nous nous sentons d'autant plus touchés de ce
départ subit. M. le Président, nous joignons nos
condoléances à celles du gouvernement.
M. ROY: M. le Président, on me permettra à mon tour,
étant donné que j'apprends à l'instant même
l'affreuse nouvelle, de joindre ma voix à celle de mes deux
prédécesseurs pour exprimer à cette famille nos plus vives
condoléances. M. le Président devant des nouvelles aussi
renversantes, on ne peut faire autrement que penser que la vie tient, à
quelques exceptions près, à un fil seulement. Devant des
événements aussi tragiques, je veux exprimer, au nom de mon
parti, mes plus vives condoléances à l'endroit de tous ses
parents, tous ses amis, tous les membres de sa famille.
Reprise du débat sur l'amendement de M.
Burns.
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saguenay.
M. Lucien Lessard
M. LESSARD: Alors, M. le Président, après cette nouvelle,
il est difficile d'intervenir dans ce débat, mais comme vous le savez,
nous avons un projet de loi extrêmement important à discuter et
nous, du Parti québécois, ne nous en cachons pas, nous avons
décidé de nous opposer jusqu'à la dernière limite
de nos énergies à ce projet de loi parce que nous constatons tout
simplement que c'est un mauvais projet de loi; c'est un projet de loi qui a
été certainement présenté à un mauvais
moment et il nous faut continuer cette lutte.
Je veux, pendant les quelques minutes que
LE PRESIDENT: Bien non, vous n'êtes pas cinq.
A l'ordre, messieurs! Est-ce que vous êtes prêts à
voter? Prenez vos sièges, s'il vous plaît.
Votre sur la motion de M. Léger
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion de retrait de
l'honorable député de Lafontaine veuillent bien se lever, s'il
vous plait.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Charron, Lessard.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaft.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Choquette, Garneau, Goldbloom, Quenneville,
Bienvenue, Massé, Houde (Abitibi-Est), Giasson, Perreault, Brown,
Kennedy, Lamontagne, Brisson, Houde (Limoilou), Ostiguy, Picard, Dionne,
Faucher, Springate, Bellemare.
LE PRESIDENT: Vous ne pouvez pas entrer dans la salle durant le vote, je
m'excuse.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Boudreault, Boutin (Abitibi-Ouest), Chagnon,
Denis, Déziel, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart,
Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif,
Samson.
LE SECRETAIRE: Pour: 4 Contre: 37
LE PRESIDENT: La motion est rejetée. Nous revenons à la
motion. Qui a le droit...
M. LESSARD: M. le Président, je demande la suspension du
débat sur la motion du député de Maisonneuve.
LE PRESIDENT: Je vous accorderai la parole après la suspension
des travaux. L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
j'ai, appuyer la motion du député de Maisonneuve,
même si j'aurais appuyé et d'ailleurs nous avons
voté en faveur de la motion une autre motion suite au retrait
qu'on avait demandé de la motion du député de Maisonneuve.
Nous aurions pu appuyer une motion, par exemple, de renvoi à trois mois.
Puisque c'est tellement urgent, nous aurions été prêts
à nous rallier, en fait, à une motion de renvoi à trois
mois afin de permettre justement d'entendre les témoins et de
réfléchir sur les conséquences de ce projet de loi.
Cependant, M. le Président, je dois me rallier à la motion
du député de Maisonneuve et je voudrais baser mon argumentation
sur deux points particuliers. D'abord, je voudrais rappeler certaines
discussions de 1969 au moment où le Parlement a eu à discuter de
l'augmentation du salaire des juges.
M. le Président, il y a aujourd'hui, dans ce Parlement, certains
députés libéraux, comme d'autres députés qui
ont eu à discuter de ce projet de loi, qui justement était
à peu près semblable à celui que nous présente le
ministre de la Justice actuellement pour augmenter le salaire des juges de
$5,000. Le député de Fabre avait fait à cette occasion
certaines remarques extrêmement pertinentes, qui rejoignent la
nécessité d'accepter la motion que nous propose le
député de Maisonneuve.
En 1969, le député de Fabre aussi demandait au
gouvernement de l'Union Nationale du temps de retarder à six mois la
lecture de ce projet de loi. Sur quelle argumentation le député
de Fabre se basait-il pour demander le rejet à six mois? Il disait ceci,
M. le Président: "Comme cela a été dit auparavant, je
pense bien qu'actuellement, puisque tout le monde le gouvernement en
tête, à peu près à l'unanimité dans le monde
des affaires, dans le monde de l'industrie et du commerce prêche
l'austérité. Je pense, quant à moi, quand on connaît
en tout cas ceux qui vivent dans des quartiers comme là où nous
vivons, étant donné le chômage, étant donné
les difficultés pour nos finissants de CEGEP et même nos
finissants au niveau universitaire de se trouver de l'emploi, je pense que le
temps est mal choisi, mal venu, actuellement, d'accorder une augmentation de
salaire, non pas à un ou à deux juges", mais à l'ensemble
des juges.
M. le Président, nous autres aussi, nous disons que le temps est
mal choisi. Nous autres aussi, nous disons que l'Assemblée nationale,
quelques semaines avant le jour de Noël, n'est pas là pour donner
des cadeaux. L'Assemblée nationale continue encore, même à
quelques semaines de Noël, à administrer les deniers publics et les
deniers publics, comme ce gouvernement-là nous le prêche depuis
trois ans et demi mais il nous le prêche en paroles et non pas en
pratique doivent être administrés avec une certaine
austérité.
Je continue avec les remarques du député de Fabre: "Je
termine tout simplement disait-il en 1969 en demandant en tout
cas au gouvernement qui était le gouvernement de l'Union
Nationale du temps et cela a été fait dans d'autres cas.
Je ne vois pas pourquoi, puisqu'on l'a fait dans d'autres cas pour des lois
quand même tout aussi importantes que la loi qui est devant nous, on ne
puisse pas retarder à une autre session. Peut-être que d'ici ce
temps-là l'essor économique du Québec, avec et
cela, on peut en douter actuellement les politiques du ministère
de l'Industrie et du Commerce que nous entreprendrons très
bientôt, va s'améliorer. "A ce moment-là si la loi
est reportée à six mois, à un an comme le demande
d'ailleurs dans cette motion le député de Maisonneuve
selon le contexte de l'actualité, nous pourrions changer d'opinion et
voter avec grand plaisir cette augmentation aux juges. D'ici ce temps-là
disait encore le député de Fabre je partage
l'opinion d'autres collègues. Que les juges fassent comme tout le monde,
se serrent un peu la ceinture, continuent de travailler de neuf heures à
cinq heures et nous en serons tous plus contents et plus heureux. Lorsqu'un
jour arrivera leur augmentation de salaire, eux aussi l'auront au moins
méritée doublement peut-être; ils en seront très
fiers. Quant à moi, s'il y a vote, je voterai contre ce projet de loi
actuellement."
M. le Président, ces paroles du député de Fabre en
1969, je les fais miennes. Je devrai voter contre ce projet de loi, si notre
motion de renvoi à six mois n'est pas acceptée. Cependant,
contrairement au député de Fabre qui s'était
prononcé contre l'augmentation des salaires des juges et qui n'avait pas
voté contre elle, quant à moi, soyez assuré que je me
prononce contre elle et que je voterai contre elle.
Un autre représentant de la loyale Opposition officielle de Sa
Majesté en 1969 s'était aussi prononcé contre
l'augmentation des salaires des juges et justifiait justement la motion du
député de Maisonneuve de renvoi à six mois.
Malheureusement, encore là, après s'être prononcé
contre, malheureusement le député du temps, qui est actuellement
ministre des Affaires municipales, avait voté pour l'augmentation des
salaires des juges.
Voici ce que disait, à ce moment-là, le ministre actuel
des Affaires municipales, M. Victor Goldbloom. "Je n'exprime pas d'opinion
disait-il sur l'augmentation des salaires quoique je doive dire
que si j'étais membre du gouvernement j'aurais un peu de mal à
expliquer au public comment, lundi et mardi de cette semaine, on a
refusé aux assistés sociaux une augmentation suffisante de leur
allocation alors que mercredi on a proposé des augmentations importantes
à nos juges."
M. le Président, je vois arriver le ministre des Affaires
municipales, M. Goldbloom. Justement, le ministre actuel des Affaires
municipales s'était opposé, en tout cas en paroles, à
l'augmentation des salaires des juges. Malheureusement, après avoir fait
les vérifications
nécessaires, j'ai pu constater que le ministre actuel des
Affaires municipales avait voté pour l'augmentation. Outre ces deux
personnes que j'ai citées, soit le ministre actuel des Affaires
municipales et le député actuel de Fabre, d'autres
députés s'étaient prononcés officiellement contre
l'augmentation des salaires des juges et avaient demandé, exactement
dans le sens de la motion que nous présente le député de
Maisonneuve, un renvoi à six mois afin d'étudier plus amplement
cette question de salaires. Il s'agissait d'un député de l'Union
Nationale, M. Jérôme Proulx, qui, comme on le sait, a
continué au moins dans la même ligne de pensée. Il nous
donnait, comme travail, comme mandat, dernièrement à
l'Assemblée nationale, suite à un mandat que l'exécutif
avait voté, de nous battre contre l'augmentation des salaires des juges.
De la même façon, moi, comme député d'un
comté de travailleurs, député d'un comté
d'ouvriers, j'ai reçu le mandat de mon exécutif, suite à
une consultation lors d'une réunion générale, de me battre
jusqu'à la dernière énergie contre l'augmentation des
salaires des juges.
D y avait aussi l'ex-député de Bourassa, M. Georges
Tremblay, qui s'était battu contre l'augmentation des salaires des
juges. Il y avait aussi là le regretté député de
Saint-Laurent, qui, comme on le sait, à quelques reprises, a pris
position, l'ex-député.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais interrompre le
député de Saguenay, s'il me le permet, pour une rectification.
L'ex-député de Saint-Laurent n'est pas mort. Pourquoi parler du
regretté?
M. LESSARD: Non, non, je parle, M. le Président...
M. LEGER: Sur un point de règlement M. le Président. Le
député de Saguenay n'a pas donné l'autorisation au
ministre de lui poser une question. Deuxièmement, quand le
député de Saguenay a parlé du regretté, il
regrettait que la personne ne soit pas encore ici et que le Parti
libéral l'ait rejetée.
M. LESSARD: Je ne pense pas, M. le Président, que...
M. CHOQUETTE: Je voudrais que le député de Saguenay...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
L'honorable député de Saguenay.
M. LESSARD: Alors, lorsque je parle du regretté
ex-député de Saint-Laurent, je parle au niveau de
l'Assemblée nationale. Je pense que le député de
Saint-Laurent aurait pu, lui qui avait une certaine franchise, intervenir dans
ce débat et faire valoir certaines revendications que, nous, nous
faisons valoir ici, que nous faisons valoir auprès du ministre de la
Justice.
Je regrette, M. le Président, mais on m'informe que mon temps
s'écoule. J'aurais voulu utiliser les paroles même du ministre de
la Justice pour faire valoir encore la motion du députéde
Maisonneuve.
Motion de M. Lessard
M. LESSARD: Mais je termine en utilisant l'article 77 du
règlement, qui dit ceci: "Une motion non annoncée d'ajournement
du débat peut être faite en tout temps", etc. Alors, pour
permettre à ces députés que j'ai cités tout
à l'heure et, en particulier, le ministre actuel des Affaires
municipales et le député de Fabre de réfléchir un
peu sur les conséquences de ce projet de loi et les conséquences,
en particulier, de la motion du député de Maisonneuve, je propose
une motion d'ajournement du débat.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que quelqu'un veut parler sur
cette motion?
M. BURNS: On laisse la priorité au gouvernement, M. le
Président.
M. VEILLEUX: II n'a rien à dire. On vote contre.
DES VOIX: Vote.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Est-ce que vous êtes
prêts à vous prononcer par vote? L'honorable...
M. BURNS: Bien non, M. le Président. S'il n'y a personne qui veut
parler de l'autre côté, moi, je suis bien...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: ... prêt à dire...
M. DESJARDINS: Une question de règlement, M. le
Président.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Louis-Hébert, sur une question de règlement.
M. DESJARDINS: En vertu de l'article 77 du règlement, un
représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix
minutes. Or, en droit parlementaire, celui qui annonce une motion est
considéré comme ayant parlé sur cette motion. L'honorable
député de Saguenay ayant déjà parlé, le
parti reconnu, le Parti québécois, a donc épuisé
son droit de parole sur la motion.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Hier soir,...
M. BURNS: ... des affaires de même.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): ... je crois que nous avons
longuement discuté de ce sujet.
M. BURNS: Oui. Le député de Louis-Hébert
n'était pas là.
M. DESJARDINS: Oui, j'étais là,...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La décision...
M. DESJARDINS: ... je m'excuse.
M. BURNS: Vous n'étiez pas là, certain.
UNE VOIX: II n'a rien compris.
M. BURNS: Ou bien il n'a rien compris.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve.
M. BURNS: Ou bien il était trop préoccupé à
préparer la succession du ministère de la Justice et cela le
dérangeait.
M. DESJARDINS: Vous êtes méchant!
M. BURNS: En tout cas, on en reparlera plus tard. D'ailleurs, on ne l'a
pas oublié votre petit bout de phrase, vous savez. Restez dans le bout,
cela va être le "fun".
UNE VOIX: La motion !
M. BURNS: Restez dans le bout, cela va être le "fun".
M. CHOQUETTE: ... si vous voulez que je reste...
M. BURNS: Moi, je vous avoue qu'au moins, vous, je vous connais. J'aime
bien mieux que vous restiez.
M. DESJARDINS: Moi aussi.
M. Robert Burns
M. BURNS: M. le Président, je ne sais pas si cela va créer
un précédent ou si cela va être mal compris, l'intervention
que je fais. C'est au nom de l'Opposition que je réponds à la
motion du député de Saguenay, même s'il fait partie du
même groupement politique que moi. Mais je vous avoue que ma
première réaction est de me poser la question, à savoir
s'il est véritablement utile, à ce stade-ci, que le
député de Saguenay fasse la proposition qu'il vient de faire.
Je reste quand même au niveau de la question, M. le
Président. Je ne dis pas que je suis carrément opposé
à ce que dit le député de Saguenay mais je suis dans un
doute tel, M. le Président, que je devrai probablement voter contre la
motion du député de Saguenay.
DES VOIX: Farceur! DES VOIX: Scission!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. VEILLEUX: De la zizanie!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): L'honorable député de
Maisonneuve. A l'ordre ! s'il vous plaît !
M. VEILLEUX: C'est de la zizanie.
M. BURNS: M. le Président, il est bien évident qu'il y a
plusieurs membres de la Chambre qui ne savent pas ce qui se passe !
UNE VOIX: Comique!
M. BURNS: Ils peuvent continuer à crier à la scission
aussi longtemps qu'ils le voudront, M. le Président. Cela ne m'en fera
pas moins sourire.
M. CHARRON: Ils comprendront bien un jour.
M. BURNS: Ils comprendront dans quelques jours, peut-être dans
quelques semaines.
M. le Président, j'étais à dire, lorsqu'on m'a
crié à la scission...
M. LEGER: On a enlevé deux minutes de ton temps.
M. BURNS: ... et qu'on m'a enlevé du temps de parole, tout
simplement ceci, que je ne crois pas, avec les arguments que, jusqu'à
maintenant, le député de Saguenay nous a donnés, qu'il
serait opportun d'adopter une motion d'ajournement du débat.
Je n'ai tout simplement comme raison, pour appuyer mon intervention,
qu'à citer deux cas. Jusqu'à maintenant, si je comprends bien,
tous les députés qui voulaient s'exprimer sur la motion que j'ai
formulée, ont pu le faire, c'est-à-dire la motion qui demande de
reporter à six mois l'étude du projet de loi en deuxième
lecture. Je n'ai pas entendu quelque député que ce soit
s'exprimer sur cette motion, du côté ministériel.
Il semble que seulement les membres de l'Opposition officielle et
quelques autres ont désiré se prévaloir de ce droit.
Donc, il est à présumer jusqu'à maintenant que les
députés ministériels n'ont pas voulu, ne
veulent pas se prévaloir de leur droit de parler sur ma motion
d'ajournement à six mois du débat de deuxième lecture.
Je présume également la même chose relativement aux
députés du Parti créditiste, ce qui est parfaitement leur
droit d'ailleurs. Je ne blâme personne ni d'un côté ni de
l'autre, de ne pas s'être exprimé là-dessus.
En admettant que ma présomption est valable, que ni un
député ministériel, ni un député du Parti
créditiste ne veuille se prononcer sur la motion que j'ai
proposée, ça veut dire, à toutes fins pratiques, que si la
motion du député de Saguenay était adoptée dans les
quelques minutes qui suivent, tout le débat le débat est
limité à ma motion, mais entraîne également la
motion principale sur l'augmentation de salaire des juges, donc sur le
projet de loi no 8, serait ajourné.
A quand? Je ne le sais pas. A quand? Je n'ai plus l'initiative de
décider à quel moment ça reviendra. Le
député de Saguenay est le dernier intervenant pour l'Opposition
officielle. S'il y avait un vote sur ma motion, on reviendrait à la
motion principale, c'est-à-dire la motion demandant la deuxième
lecture du projet de loi no 8.
Evidemment, je m'attends à ce que, du côté
gouvernemental, on vote contre ma motion. Leur silence est tellement
éloquent. Je présume qu'on va voter contre. C'est pas pire, mes
déductions, M. le ministre? Je n'ai pas tort quand je dis que vous allez
voter contre? Bon. Je pensais bien ça.
C'était d'ailleurs pour cette raison que, ce matin, le
député de Lafontaine tentait d'amadouer nos amis d'en face en
disant: Peut-être que six mois c'est trop long, on va le réduire
éventuellement à trois mois si vous nous permettez de retirer
notre motion.
Cela a déjà été réglé, donc,
je n'en parlerai pas. Mais il reste qu'au niveau de la discussion de la motion
de deuxième lecture qui est devant nous actuellement il y a au moins un
député de l'Opposition officielle qui ne s'est pas
exprimé.
Le député de Saint-Jacques désire s'exprimer le
plus vite possible parce qu'il a énormément de choses à
nous dire là-dessus. Je suis sûr que le ministre de la Justice et
que les députés ministériels vont avoir parce que
le député de Saint-Jacques m'a parlé un peu de la
substance de son discours à réfléchir à la
suite de ce discours. Je suis sûr également que le
député de Beauce-Sud, ou le député de
Rouyn-Noranda, s'ils se joignent à nous, voudront peut-être parler
sur le projet de loi en deuxième lecture. Peut-être que c'est le
moment où ils ont choisi de le faire. En tout cas, en ce qui concerne le
député de Saint-Jacques, je pense que c'est cet après-midi
qu'il voulait s'exprimer à ce sujet.
M. le Président, avec toute la bonne foi que je reconnais
à la proposition du député de Saguenay, sachant qu'il
veut, tout simplement, donner encore plus de temps aux députés
ministériels pour réfléchir à cet ensemble de
situations qu'on a exposées devant la Chambre depuis deux jours, je
pense qu'il s'est dit que, peut-être, ce serait utile d'ajourner le
débat purement et simplement pour qu'on pense à cette
affaire-là soit jusqu'à demain ou soit jusqu'à lundi ou
soit jusqu'à mardi. Cela, je ne le sais pas, car je ne suis plus en
communication directe avec le leader du gouvernement; il y a quelqu'un qui a
coupé la ligne quelque part. Avec le député de Saguenay,
je suis en communication directe, mais avec le leader du gouvernement, je ne
suis pas en communication directe; c'est ça que je disais. Je ne sais
pas quels peuvent être ses projets, à ce leader du gouvernement,
à savoir s'il veut nous faire siéger ce soir, demain, lundi, ce
que sa fameuse motion permet... dimanche ce n'est pas possible. J'ai lu sur les
lèvres du député de Bourassa qu'il disait dimanche, mais
ce n'est pas possible d'après notre règlement.
Ne sachant pas cela, M. le Président, et sachant qu'il y a une
possibilité que la Chambre ajourne dans les heures, peut-être
même dans les minutes qui vont suivre je ne le sais pas, je
l'ignore jusqu'à lundi ou mardi ou jusqu'à demain, je
préférerais que le député de Saint-Jacques, tout au
moins quand nos droits de parole auront été utilisés sur
la motion que j'ai proposée qui voudrait reporter le débat de
deuxième lecture à six mois, ait la possibilité de
s'exprimer. Maintenant, je suis prêt à admettre que le
député de Saguenay a peut-être de très bonnes
raisons pour tenter de me convaincre de changer mon vote, parce que,
jusqu'à maintenant, je vous dis, M. le Président, que ma tendance
est de voter contre la motion du député de Saguenay; c'est ma
première tendance, pour les raisons que je viens de vous exposer.
Peut-être que le député de Saguenay aura de bonnes raisons
à nous donner. En réplique à l'intervention que je fais
actuellement, peut-être qu'il pourra nous dire pourquoi je dois accepter
cette motion d'ajournement du débat. J'ai compris déjà que
ce qu'il voulait, c'était faire réfléchir un certain
nombre de gens en face de nous. Est-ce que mon temps achève, M. le
Président?
UNE VOIX: Douze minutes.
M. BURNS: II achève, M. le Président, j'ai
été obligé de répondre...
DES VOIX: C'est fini.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Trente secondes.
M. BURNS: ... galamment au député de Bourassa qui m'a fait
des signes de lèvres. M. le Président, il a fallu que je lui
réponde.
DES VOIX: Hé! Hé!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Quelques secondes.
M. BURNS: J'ai lu sur ses lèvres. Je dis, tout simplement, qu'au
stade où j'en suis j'aurais tendance à voter contre la motion du
député de Saguenay. J'aimerais qu'il m'explique plus
profondément pourquoi il croit que le débat doit être
ajourné, parce que, jusqu'à maintenant, je n'ai rien entendu dans
ce qu'il a dit qui me motiverait à voter en faveur de sa motion.
DES VOIX: Vote!
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): La réplique du
député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, je ne suis pas
offusqué...
M. BIENVENUE: J'invoque le règlement. Dois-je comprendre, M. le
Président j'aimerais avoir de vous une directive à cet
effet que l'esprit de notre règlement est tel que le droit de
réplique puisse jouer dans le cas où un membre du même
parti reconnu a parlé avant, accordant ainsi un droit de réplique
au proposeur du même parti?
M. BURNS: Sur la question de règlement, M. le Président,
est-ce que je peux dire, tout simplement, un mot? Ce seront vraiment quelques
mots. M. le Président, je me réfère à votre
décision d'hier. Je ne sais pas si c'était vous, comme
député en particulier, qui occupiez le fauteuil, mais, vu la
permanence de ce fauteuil, je reconnais que c'est vous qui avez rendu cette
décision. Une décision a été rendue en notre
faveur, qui était bien claire là-dessus, je pense, et qui nous
dit qu'il n'y a pas de droit de réplique si tout le monde se manifeste
d'accord. Alors, je vous manifeste d'avance mon désaccord et je serais
intéressé à savoir pourquoi je devrais changer mon
idée. C'est possible que j'aie à changer d'idée à
la suite de la réplique, prévue à l'article 101, du
député de Saguenay. Pour le moment, je vous avoue que ma tendance
est de voter contre cette motion.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): En accordant le droit de
réplique, tout à l'heure, au député de Saguenay, je
reconnais comme recevable ce droit de réplique, en vertu de
décisions rendues hier.
M. LESSARD: M. le Président, soyez assuré que je ne suis
aucunement offusqué du fait que mon collègue de Maisonneuve
s'interroge encore sur la motion que j'ai présentée. D'ailleurs,
vous, M. le Président, qui venez d'un comté à
l'extérieur de Montréal, vous comprendrez ma situation. Je suis
encore "pogné", M. le Président, avec cinq députés
de Montréal, puis un député qui représente le reste
du Québec. Je devrais dire quatre, étant donné que mon
collègue de Chicoutimi est absent, M. le Président. J'ai
tenté un peu, au cours des quelques minutes pendant lesquelles nous
avons dîné ensemble, de convaincre de la nécessité
de ce projet de loi mon collègue de Maisonneuve, mais il y avait encore
un certain nombre d'arguments auxquels je veux ici répondre.
D'abord, il y a une chose sur laquelle on doit être d'accord. Pour
moi, lorsque je propose l'ajournement du débat, il ne s'agit pas de
faire perdre le droit de parole à mon collègue de Saint-Jacques.
Je sais que mon collègue de Saint-Jacques a des choses importantes
à dire concernant ce projet de loi et je sais que les 102
députés libéraux, en tout cas ce qu'il en reste, sont
extrêmement intéressés à entendre l'intervention du
député de Saint-Jacques et à connaf-tre l'argumentation du
député de Saint-Jacques concernant la motion principale.
Il ne s'agit pas non plus de faire perdre le droit de parole à
nos collègues et amis du crédit social. Je sais que ces
gens-là aussi ont certaines choses à faire valoir auprès
des députés libéraux, à faire valoir auprès
du ministre de la Justice. Donc, cette motion-là n'a pas pour but
d'enlever le droit de parole à quiconque dans cette Chambre veut
intervenir sur la motion principale.
Lorsque je demande, en vertu de l'article 77, une motion d'ajournement
du débat, c'est que je constate qu'il s'agit d'une loi importante. Je
constate qu'il s'agit d'une loi qui a des conséquences sur d'autres
secteurs de la société québécoise, en particulier,
par exemple, dans toute la politique salariale du gouvernement
québécois. Je constate qu'il y a aussi des relations entre le
décision que nous allons prendre aujourd'hui et la politique salariale
du ministère des Affaires sociales concernant les médecins, comme
on en a discuté hier.
Je constate que cette loi peut avoir des conséquences, comme nous
le soulignait d'ailleurs en juillet dernier le ministre de la Justice,
énormes sur le recrutement des juges, sur toutes les conditions sociales
de la vie des juges. Je me dis: Cette loi est importante, cette loi est
sérieuse, et je pense que c'est probablement une loi sérieuse. Je
me dis que tous et chacun d'entre nous, après avoir accepté la
motion du leader du gouvernement qui nous oblige à siéger pendant
quatorze heures par jour, devrions peut-être discuter beaucoup plus
sereinement de ce projet de loi. Nous avons peut-être besoin, chacun
d'entre nous, non seulement de nous reposer mais, comme je l'ai souligné
tout à l'heure, de relire certains débats.
Nous pourrions accepter d'ajourner le débat jusqu'à mardi
prochain. Peut-être que nos collègues libéraux n'ont pas eu
l'occasion de lire les Débats de l'Assemblée nationale du 4
décembre 1969, Débats dans lesquels certains
députés libéraux, comme je le soulignais tout à
l'heure, l'ex-ministre des Affaires municipales, le député de
Fabre, ont pris position contre l'augmentation des salaires des juges.
Peut-être que certains députés libéraux n'ont pas lu
ces Débats et peut-être que cette période leur permettrait
là, j'en appelle à mon collègue de Maisonneu-
ve non seulement se reposer mais de voir quelles étaient
les positions, en 1969, du ministre actuel des Affaires municipales, du
député de Fabre et d'autres ex-ministres dont, par exemple, un
ministre qui est juge actuellement, M. Bernard Pinard, qui s'opposait à
l'augmentation des salaires des juges.
M. le Président, d'après ce que je vois, en particulier
sur le code des loyers, il semble que le ministre de la Justice n'ait pas
reçu l'appui de ses collègues.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
M. LESSARD: M. le Président, les députés
libéraux semblent avoir reproché au ministre le fait qu'ils
n'aient pas été consultés en ce qui concerne ce projet de
loi, qu'une quantité de projets de loi ont été soumis
à l'Assemblée nationale sans que les libéraux soient
consultés en caucus.
Peut-être que c'est un projet de loi sur lesquels les 102
députés libéraux n'ont pas eu l'occasion de faire valoir
véritablement leurs propositions. Je ne dois pas prononcer les noms,
mais je dois dire que depuis hier soir beaucoup de députés
libéraux, en tout cas, quelques-uns, pas beaucoup, mais quelques
députés libéraux...
DES VOIX: Rien qu'un...
M. LESSARD: M. le Président, tout ce qui se discute à
l'extérieur de la Chambre entre un député du Parti
québécois et un député libéral, si on veut
être "fair play", doit demeurer secret. Mais, M. le Président, je
sais que quelques députés libéraux ont encore les
mêmes opinions en 1973 qu'un certain nombre de député
libéraux en 1969. Ces députés, peut-être d'ici la
fin de semaine, auraient l'occasion d'avoir un caucus convoqué, par
exemple, par le député des Iles-de-la-Madeleine. Ils pourraient y
exprimer leur opinion, ils pourraient relire les différentes
possibilités qu'offrait le ministre de la Justice, le 6 juillet 1973,
concernant le paiement ou l'évaluation du salaire des juges.
Il y avait un certain nombre de possibilités. Il y avait en
particulier la nomination d'un conseil consultatif. En lisant ces documents, en
lisant l'intervention du ministre de la Justice les
députés libéraux et même nous, du Parti
québécois ces députés vont probablement
constater qu'il serait nécessaire d'accepter la motion; c'est justement
pour favoriser la motion du député de Maisonneuve que j'ai
proposé l'ajournement du débat. Ces députés
pourraient prendre conscience qu'il est nécessaire d'accepter la motion
du député de Maisonneuve pour faire entendre, par exemple, les
membres du conseil consultatif qui a été nommé par le
ministre de la Justice; en tout cas cela nous a été
annoncé en date du 6 juillet 1973. Sans doute y a-t-il eu un rapport
concernant les différentes modalités de paiement des salaires des
juges. Je ne sais pas si ce rapport a été déposé,
je pense que le chef parlementaire du Parti québécois a
demandé hier le dépôt de ce rapport. Mais moi, je voudrais
que ces gens soient interrogés. Je suis assuré que, lorsque les
députés libéraux liront cette intervention très
pertinente, très intelligente, très perspicace du ministre de la
Justice, un certain nombre de questions vont se soulever dans leur tête,
des questions que, aujourd'hui, ils ne se posent pas. Ds sont habitués
à chaque fois d'accepter comme ça les projets de
différents ministres, de rester assis sur leur siège et de ne pas
intervenir, parce qu'on les a avertis d'intervenir seulement lorsque le parti
au pouvoir le leur permettra.
M. le Président, je voudrais, en terminant, convaincre mon
collègue, le député de Maisonneuve, qu'il ne s'agit pas du
tout de faire perdre leur droit de parole soit à mon collègue le
député de Beauce-Sud ou à mon collègue de
Saint-Jacques. Je suis assuré que l'un et l'autre de ces
collègues ont des choses très importantes à dire.
Mais, peut-être que, mardi prochain, lors de la reprise du
débat, les esprits seront plus sereins, les corps seront plus
reposés, et je suis assuré qu'à ce moment-là les
députés libéraux accepteront la motion de reporter
à six mois l'adoption de ce projet de loi, faite par le
député de Maisonneuve. Merci, M. le Président, et
j'espère avoir convaincu mon collègue de Maisonneuve.
M. BURNS: M. le Président, c'est évident que je n'ai pas
de droit de réplique et je n'en utiliserai pas. Mais je vous avoue que
les arguments qui viennent d'être donnés...
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre !
M. BURNS: ... par le député de Saguenay...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre !
M. BURNS: ... me touchent profondément, et c'est à ce
point-là...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): A l'ordre! ... A l'ordre, s'il vous
plaît! ... Est-ce que vous êtes prêts à voter?
M. BURNS: Votre enregistré, M. le Président.
M. LESSARD: Qu'on appelle les députés!
M. BURNS: C'est pour cela...
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
M. BURNS: Je vous disais qu'on voulait un vote enregistré.
Vote sur la motion de M. Lessard
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'ajournement du
débat de l'honorable député de Saguenay veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
M. BURNS: M. le Président, est-ce qu'il y aurait moyen de lire la
motion avant qu'on ait à se prononcer à son sujet?
LE PRESIDENT: Non, on ne peut pas la lire parce que c'est une motion
conventionnelle qui ne se fait pas par écrit.
M. BURNS: Ah bon. D'accord, M. le Président.
LE PRESIDENT: Très bien.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever, s'il
vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Berthiaume,
Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Lacroix, Bienvenue,
Massé, Houde (Abitibi-Est), Desjardins, Giasson, Brown, Kennedy, Bacon,
Lamontagne, Veilleux, Brisson, Sain-don, Houde (Limoilou), Pilote, Ostiguy,
Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand, Harvey (Charlesbourg),
Springate, Beauregard, Bellemare, Bonnier, Boudreault, Boutin (Jonhson), Caron,
Côté, Denis, Déziel, Dufour, Lachance, Lecours,
Malépart, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain,
Tardif, Vallières, Verreault.
M. ROY: M. le Président, n'ayant pas le droit de me prononcer sur
cette motion, je vais m'abstenir.
LE SECRETAIRE: Pour: 5 Contre: 53 Une abstention.
LE PRESIDENT: La motion est rejetée.
Nous allons procéder maintenant à la mise aux voix de la
motion d'amendement de l'honorable député de Maisonneuve pour
reporter à six mois la deuxième lecture de ce projet de loi.
Que ceux qui sont en faveur...
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, est-ce que je n'ai pas le
droit de réplique sur ma motion? Je vous demande tout simplement une
directive.
LE PRESIDENT: Non. C'est une motion de forme.
M. BURNS: Parce qu'en vertu...
LE PRESIDENT: Nécessairement, si elle est de forme, elle n'est
pas de fond.
M. BURNS: Votre décision c'est que... En vertu de l'article
101a), c'est soit une motion de fond ou une motion qui a proposé la
deuxième ou la troisième lecture... Je n'ai pas de droit de
réplique.
Alors, je me plie, bien à regret... J'aurais eu
énormément de choses à dire en réplique à ce
silence que j'ai entendu de l'autre côté.
Vote sur la motion de M. Burns
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion d'amendement
veuillent bien se lever, s'il vous plaît !
LE SECRETAIRE-ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Berthiaume,
Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Lacroix, Bienvenue,
Massé, Harvey (Jonquière), Houde (Abitibi-Est), Desjardins,
Giasson, Brown, Kennedy, Bacon, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Saindon, Houde
(Limoilou), Pilote, Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Marchand,
Harvey (Charlesbourg), Springate, Beauregard, Bellemare, Bonnier, Boudreault,
Boutin (Johnson), Caron, Côté, Denis, Déziel, Dufour,
Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malépart, Malouin, Massicotte,
Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières,
Verreault.
M. ROY: Abstention, M. le Président.
LE SECRETAIRE: Pour: 5.
Contre: 55.
Abstention: 1
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! La motion est
rejetée et nous revenons au débat sur la motion principale, en
deuxième lecture.
M. LEGER: D manque encore 47 libéraux, M. le
Président.
Reprise du débat de deuxième
lecture
LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques. A
l'ordre, messieurs!
M. Claude Charron
M. CHARRON: Merci, M. le Président. M. le Président, je
serai donc le dernier du Parti
québécois à intervenir sur la motion de
deuxième lecture, mais je vous préviens immédiatement que
la loi n'aura franchi qu'une bien courte étape, qu'il lui en restera
beaucoup à franchir avant que l'intention de ce gouvernement de doter
une classe privilégiée, qui gagne $28,000 par année, d'une
augmentation de salaire de $5,000 ait franchi le cap de la sanction et qu'on
ait ainsi engraissé cette classe sociale du Québec.
Nous avons, depuis le début de ce débat, successivement
entendu le ministre de la Justice, celui qui voudrait le remplacer et quelques
murmures de députés "back-benchers" qui nous ont suffisamment
informés, je crois bien, sur l'état d'esprit qui anime le Parti
libéral actuellement, la sauvette qu'il voudrait voir cette loi prendre
et entrer en vigueur, et j'ai cru déceler dans chacune de ces
interventions plus ou moins claires, plus ou moins concises, plus ou moins
brillantes, qu'on essayait de détourner véritablement le principe
qui est à la base de ce projet de loi pour faire refléter une
autre attitude et attirer l'attention de l'opinion publique sur autre chose
qu'est véritablement ce projet de loi.
Je crois même, M. le Président, avec tout le respect que
j'ai à votre égard, qu'il vous aurait été permis
à plusieurs reprises d'interrompre les deux députés
libéraux qui sont intervenus en faveur de ce projet de loi puisque je
crois bien qu'ils n'ont pas toujours été pertinents à la
motion en cours et qu'ils ont fait dévier le sujet sur bien d'autres
domaines que le principe du projet de loi. Mais puisque le
précédent est fait, M. le Président, je me
prévaudrai donc à mon tour de la clémence que vous avez
manifestée à l'égard du ministre de la Justice et de
l'aspirant ministre de la Justice.
M. le Président, le vrai principe de ce projet de loi n'est pas
que la Chambre affirme à nouveau son respect pour la magistrature; le
vrai principe de ce projet de loi n'est pas de consacrer l'autorité dans
notre société à cette classe de magistrats qu'on appelle
les juges. Toutes les tergiversations qu'on a voulu faire de l'autre
côté pour nous en convaincre ne réussiront pas à
nous faire oublier le véritable principe de ce projet de loi. Vous
connaissez tout le respect que nous avons pour la magistrature, au point que
nous avons pris quelques minutes de notre court temps consacré à
notre prise de position pour vous suggérer les domaines perfectibles de
l'administration de la justice.
Malgré tous ces détours que le ministre de la Justice et
son aspirant ont voulu faire prendre au débat, il reste que le principe
fondamental demeure de doter une classe déjà
privilégiée de la société d'une augmentation de
salaire et donc d'accroître son pouvoir d'achat de $5,000
supplémentaires.
J'ai, à l'égard des gens concernés par ce projet de
loi, le même état d'esprit et la même opinion, et je
pourrais en faire état avec la même vigueur que les
précédents opinants. J'ai tout le respect qu'il faut à
l'égard de cette classe de la société, mais je n'ai aucune
crainte à dire que je n'oublierai pas, dans tout ce respect que j'ai
pour les juges, qu'ils sont déjà parmi les seuls 3 p.c. de la
population du Québec qui ont un revenu supérieur à
$25,000. Comme la loi m'invite à me prononcer sur une augmentation de
salaire pour ces gens, c'est donc avec ça dans l'esprit que je
participerai au débat.
M. le Président, le ministre nous a dit, comme il l'avait dit en
juillet 1973 en présentant ce projet de loi avant que le gouvernement ne
l'abandonne, qu'il aurait bien voulu trouver un autre moyen pour que ces
honorables juges reçoivent une augmentation de salaire de $100 par
semaine sans que cette Chambre ait à se prononcer là-dessus, mais
qu'à sa courte honte il n'avait pu trouver d'autre moyen et qu'il
était donc obligé de procéder par législation et de
faire face au feu nourri de l'Opposition officielle.
Je dis que le ministre de la Justice ne doit pas avoir honte de
soumettre les crédits publics à l'attention de ceux qui ont
été élus pour les administrer. Les juges, malgré
tout le respect que j'ai, ne sont, à toutes fins pratiques, que les
administrateurs et les interprètes des lois que nous-mêmes, nous
votons ici. Deuxièmement, les juges, malgré tout le respect que
j'ai pour eux, reçoivent leur salaire, leurs honoraires, avec tous les
bénéfices qui les accompagnent, à partir des taxes et des
impôts que les contribuables nous ont chargé d'administrer au
cours des quatre prochaines années. Il n'y a donc aucune honte à
ce qu'une Assemblée nationale, si grotesque qu'elle soit, ait l'occasion
de se prononcer et d'étudier le salaire des juges.
M. LESSARD: M. le Président, je m'excuse auprès de mon
collègue, le député de Saint-Jacques, qui fait une
intervention qui sera probablement extrêmement remarquée parmi les
députés, mais je constate que nous n'avons pas quorum, si nous
acceptons le principe que les députés doivent être assis et
même en calculant ceux qui sont debout.
LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais inviter les députés
à reprendre leur siège, s'il vous plaît, pour qu'on puisse
faire le compte? Le député de Saint-Jacques.
M. LESSARD: Vous comptez les pages.
M. MALOUIN: Comme d'habitude, ils ne savent pas compter.
M. LESSARD: J'ai bien précisé, M. le Président,
parmi les députés.
M. CHARRON: M. le Président, dans les arguments qu'ont fait
valoir, je crois, l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice et
même le ministre de la Justice dans ses efforts pour justifier cette
augmentation indue de salaire à
une classe privilégiée, il y avait le suivant et je vais
tenter de le reprendre. On disait: Si nous accordons aux honorables juges le
salaire annuel de $33,000 rétroactif, d'ailleurs, à
l'année 1972 ils deviendront ainsi moins tentés d'accepter
des honoraires particuliers qui pourraient venir d'ailleurs.
On a mis et j'y ai senti une attaque à la magistrature
un lien direct entre la probité de ceux qui occupent ces
fonctions et le salaire qu'ils reçoivent. C'est un peu, pour suivre la
logique du nouveau député de Louis-Hébert, qui,
incidemment, et on s'en aperçoit, est loin d'avoir la dimension de son
prédécesseur, comme si on disait: Si nous offrions $100,000 aux
juges, alors nous serions complètement assurés de leur
honnêteté. C'est comme si l'honnêteté des juges
était proportionnelle à leur salaire. C'est une atteinte à
la réputation de la magistrature et je ne peux pas croire que le
ministre de la Justice et celui qui aspire à le devenir puissent tenir
des propos comme cela en cette Chambre.
Je ne crois pas, moi, qu'il y ait de rapport entre la probité de
ceux qui occupent ces postes et le salaire qu'ils reçoivent pour les
occuper. Nous pourrions alors certainement examiner le salaire des
députés, le salaire des ministres, également, et reprendre
la même proportion pour dire que le ministre de la Justice ou, par
exemple, l'ancien ministre du Travail aurait été ipso facto
incorruptible du fait qu'on leur aurait voté un salaire plus
élevé que celui qu'ils ont. Il ne doit pas y avoir de rapport
entre le salaire de ces personnes qui occupent des postes aussi importants et
les responsabilités que la société leur a
données.
Qu'en pensent les citoyens à une époque de l'année
où la plupart des contribuables québécois ressentent
vivement l'augmentation du coût de la vie? Ce gouvernement s'est
refusé, parce qu'au fond il en est incapable, de contrôler la
hausse des prix. C'est une époque de l'année où la plupart
des citoyens du Québec sentent qu'ils n'ont pas dans leurs poches les
moyens de combler leurs désirs. Ce gouvernement profite de cette
époque où l'électorat est, j'en conviens, moins attentif
à la chose publique qu'en d'autre temps, et il est parfaitement
légitimé de le faire. C'est une époque où les
règles normales des travaux de la Chambre sont bousculées par une
motion qui nous oblige à fonctionner comme des chevaux, une
époque où les débats sont un peu dissous dans toute
l'activité publique. Ce gouvernement en profite et, si ce n'était
des interventions marquées des députés de l'Opposition, il
voterait à la vapeur une augmentation de salaire de $100 par semaine
après que ce même gouvernement l'eut refusée, comme simple
salaire, à des fonctionnaires du secteur public ou parapublic dont il a,
comme patron, en même temps que législateur, la charge.
Que doivent penser les députés libéraux? Auront-ils
suffisamment de courage, comme l'ont eu, en 1969, des députés qui
étaient membres du parti ministériel à l'époque
je nomme l'ancien député de Saint-Jean pour se
séparer de leur parti sur une question comme celle-là et voter
à l'encontre d'une augmentation de salaire? Auront-ils au moins le
courage, ces "backbenchers" qui se contentent de murmurer,...
M. VEILLEUX: Ce n'est pas lui qui... c'est sa femme.
M. CHARRON: ... d'intervenir dans le débat en cours avant que
nous puissions procéder à son adoption et de faire comme au moins
avait eu un tant soit peu le courage ce ministre des Affaires municipales, ce
ministre roseau du cabinet qui laisse abattre les chênes à
Montréal, mais qui avait quand même signalé à ce
moment qu'il se sentait mal? Il disait: Si j'étais membre d'un
gouvernement, j'aurais du mal à justifier à cette époque
de l'année une augmentation de salaire aussi substantielle à une
classe déjà privilégiée.
Y en a-t-il, parmi les députés libéraux, qui auront
ce courage, à un moment donné, d'intervenir, comme le
député de Fabre l'avait eu, comme l'ancien député
de Drummond, qui est maintenant devenu juge, l'avait eu? Ils se sont dit que
franchement une société qui vit dans l'état où la
nôtre se trouve ne doit trouver aucune excuse pour continuer à
augmenter les écarts de salaire. Bien sûr, ce Parlement a
voté, il y a une semaine, une augmentation des allocations familiales
dont bénéficieront aussi les juges qui sont pères de
famille. Mais avez-vous remarqué que le ministre des Affaires sociales
s'est empressé, par la suite, de diminuer, de réajuster,
disait-il, les allocations sociales que reçoivent les
bénéficiaires de la loi 26, qu'on n'a jamais profondément
modifiée? Avez-vous vu que tout ce qui est donné d'une main se
trouve automatiquement retiré par l'autre?
Qu'est-ce que les honorable juges recevront et que perdront-ils
effectivement?
M. le Président, je crois que vous savez déjà,
vous-même, étant proche de cette profession, dans votre vie
privée, qu'il pèse une hypothèque déjà
sérieuse sur la fonction de la magistrature. Le ministre de la Justice
en a fait état pour les plaindre. J'en conviens, c'était son
rôle. Un large courant de l'opinion publique considère
déjà les efforts du ministre de la Justice pour sa réforme
de l'administration de la justice comme acceptables mais encore insuffisants,
et il considère la classe de la magistrature comme une caste sociale.
Est-ce qu'un projet de loi comme le projet de loi no 8 qui est
présentement à l'étude de l'Assemblée
améliore cette image de la magistrature, alors qu'un projet de loi
présenté par le gouvernement augmente l'écart entre cette
catégorie qui juge les citoyens et les plus petits citoyens, comme ceux
du comté de Saint-Jacques que je représente à cette
Assem-
blée? Est-ce vraiment s'attaquer à l'image et
défendre la magistrature que de légiférer d'une telle
façon, à la sauvette, à l'époque de Noël, et
consacrer une fois de plus un écart de salaire?
J'ai tout le respect qu'il faut pour la magistrature lorsqu'elle est en
fonction. Je suis parfaitement d'accord qu'un juge doit être bien
rémunéré; là n'est pas la question, mais $28,000 en
1973, c'est déjà être bien rémunéré.
On ne parle pas de citoyens qui vivent de l'aide sociale, on ne parle pas de
travailleurs qui sont obligés de faire des semaines de grève pour
obtenir $100 par semaine. On parle de gens qui bénéficient
déjà, la plupart du temps, d'une fortune accumulée au
moment où ils étaient dans la pratique privée ou dans la
politique, parce qu'un bon nombre d'entre eux sont d'anciens
députés et d'anciens ministres, on connaît ce
système de récompense politique. Ils bénéficient
déjà de latitude, de secrétaires, de bureaux que lui
fournissent gratuitement les contribuables du Québec. Ces citoyens ne
sont pas en danger de périr. Ils ont déjà $28,000. Ils
sont déjà bien rémunérés.
Aujourd'hui, on veut leur offrir une augmentation comme ça,
à l'époque de Noël, avec d'ailleurs une
rétroactivité qui leur vaudra à chacun, je vous le
signale, un joyeux Noël et un chèque de $2,854, simplement en
rétroactivité, en plus des $100 par semaine qu'ils pourront
percevoir, à compter du 1er janvier. Est-ce que ces citoyens sont en
danger? J'ai tout le respect qu'il faut pour les juges, même si parfois
leur passé politique m'oblige à les voir avec circonspection.
Mais, les juges, une fois sortis du palais de justice, une fois sortis des
clubs mondains où ils vont se rencontrer, demeurent, comme chacun
d'entre nous, comme le plus petit des citoyens du Québec, des
consommateurs québécois. Y a-t-il un membre de l'Assemblée
nationale qui va me dire qu'un consommateur québécois qui
bénéficie déjà de $28,000 pour se défendre
est un consommateur mal pris? Est-ce sur le sort de ces pauvres juges qui ne
peuvent s'offrir tout ce qu'ils veulent, car les $28,000 ne suffisent pas,
qu'on veut faire pleurer l'opinion publique et entraîner dans ce panneau
l'Opposition officielle, qui s'en garde bien, il n'en est pas question. Qu'on
n'essaie pas, par toutes les tactiques et tous les moyens qu'on possède,
d'inclure le respect que toute société doit à
l'égard de la magistrature au sort qui est réservé, dans
le domaine financier, à chacun de ceux-là.
Le député d'Outremont et celui de Louis-Hébert se
sont avancés dangereusement sur ce terrain, mêlant la
probité que devaient avoir les membres de cette profession et le montant
qu'ils reçoivent du Québec.
M. le Président, je m'oppose à ce projet de loi, comme les
députés du Parti québécois qui ont
déjà pris la parole, parce que je le considère comme un
acte absolument irresponsable du gouvernement et provocant en même temps.
Et j'ai le même dédain à l'égard de ce gouvernement
que l'exprimait en 1969 le ministre roseau responsable des Affaires sociales,
à l'époque, pour l'Opposition officielle qui était le
Parti libéral et lorsqu'il blâmait le gouvernement de l'Union
nationale d'augmenter le salaire. J'éprouve le même souci de voir
le respect de la magistrature maintenu dans le Québec.
Je sais bien que le ministre de la Justice et un gouvernement tacite
à l'arrière, qui se tait depuis l'ouverture de ce débat,
aimeraient que cela dure le moins longtemps possible. Ils en ont assez
d'entendre l'Opposition, je l'admets, utiliser tous les moyens que notre
règlement nous permet pour attirer l'attention du public et pour lui
montrer que ce gouvernement, avec l'accord tacite de ce nombre
élevé de députés écrasés dans leur
fauteuil, est en train d'engraisser une classe sociale qui est
déjà parmi les mieux nourries du Québec.
M. LACROIX: On n'est pas intéressé à faire de la
démagogie.
M. CHARRON: C'est de la provocation sociale. Je crois que plusieurs
citoyens seront désormais édifiés de voir qu'un
gouvernement, dans la même semaine, en se pliant à la demande de
son caucus, abandonne la protection des locataires et nous sommes 80
p.c. de locataires dans le Québec et, du même souffle, se
propose d'augmenter le salaire des juges.
UNE VOIX: C'est faux! M. LACROIX: Démagogue!
M. CHARRON: C'est pourquoi, M. le Président...
M. LACROIX: Démagogue!
M. CHARRON: ... ce sujet me semble...
M. LACROIX: Irresponsable!
M. CHARRON: ... suffisamment important...
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! ...
M. CHARRON: ... pour que même le député des
Iles-de-la-Madeleine puisse commencer à y comprendre quelque chose.
M. LACROIX: Irresponsable!
M. CHARRON: Je suis convaincu qu'ensemble, cette Assemblée
nationale peut désormais procéder et avoir l'occasion de dire
immédiatement que nous ne pouvons apprécier et accepter un geste
de cette sorte. Le ministre de la Justice aura, dans une période qui
viendra sans aucun doute, l'occasion de justifier, beaucoup
mieux qu'il ne l'a fait en présentant ce projet de loi, pourquoi
le gouvernement du Parti libéral a choisi ce projet de loi parmi ses
premières mesures, en arrivant à l'Assemblée nationale,
profitant du fait que les élections sont éloignées, il va
sans dire la dernière fois, ce n'était pas le cas et on a
abandonné le projet et aussi profitant de sa confortable
majorité. Les citoyens peuvent déjà se faire une
idée sur le genre de gouvernement que nous aurons et des dangers que
nous encourons en les ayant élus d'une façon aussi forte que
ça, par un système électoral désuet.
Les premières traces et les premières conséquences
néfastes et dangereuses pour le Québec apparaissent
déjà, quand, quelques semaines à peine après son
élection, ce gouvernement demande à la Chambre de
procéder, le plus calmement possible, à l'adoption du projet de
loi no 8. Considérant que cette Assemblée est suffisamment
éclairée et qu'elle a suffisamment d'hommes capables de prendre
des décisions, si seulement ils en ont le courage, comme quelques-uns de
leurs prédécesseurs l'ont déjà eu, je crois que le
temps est venu de mettre fin à ce débat.
Question préalable
M. CHARRON: C'est pourquoi, M. le Président, je propose la
question préalable: Soit que la motion principale soit
immédiatement mise aux voix.
LE PRESIDENT: Personnellement, je crois que c'est la première
fois, depuis sans doute au moins 20 ans, que cette motion n'a pas
été faite dans cette Assemblée.
M. CHARRON: J'avais sept ans, M. le Président.
LE PRESIDENT: Pardon?
M. CHARRON: J'avais sept ans.
LE PRESIDENT: Vous aviez sept ans. Article 82: "La question
préalable a pour objet d'obtenir un vote direct sur une motion
principale en délibération." Article 83... je vais vous
libérer de cette lecture. Je me demande si cette motion est vraiment
utile à l'occasion de ce débat. Le but de l'honorable
député de Saint-Jacques est d'avoir un vote le plus rapidement
possible. C'est le but de la question préalable, d'avoir un vote sur la
motion principale de deuxième lecture, dans les plus courts
délais.
On sait, actuellement, du moins dans le contexte actuel, que tous les
députés, je crois, de l'Opposition officielle ont
épuisé leur droit de parole sur cette motion. Il reste sans doute
l'honorable député de Beauce-Sud et peut-être certains
députés ministériels. Est-ce qu'il y en a du
côté ministériel?
M. LEVESQUE: Non.
LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable député de Beauce-Sud
a l'intention de parler? Cela veut dire qu'il ne resterait qu'un seul discours,
d'une longueur de 20 minutes.
A moins qu'on fasse uniquement de la procédure, je me demande si
cette question est vraiment recevable. Je crois qu'elle n'est pas
nécessaire et qu'elle est inutile, dans les circonstances, à mon
point de vue.
M. LEVESQUE: Contradictoire.
M. BURNS: Est-ce que je peux vous dire quelques mots, M. le
Président, là-dessus?
M. le Président, l'avantage d'une motion proposant la question
préalable... Je pense que lorsque vous avez, M. le Président,
avec notre collaboration, amendé le vieux règlement, vous avez
été sage en gardant dans le texte de l'article 83 le paragraphe
6. C'est justement ce qui justifie, M. le Président, l'utilisation de la
motion proposant la question préalable.
Je lis le paragraphe 6 de l'article 83: "Le débat peut porter
tant sur la question préalable que sur la motion principale." Ceci, M.
le Président, vous permet d'accepter la question préalable, de la
mettre en délibération sans sentir que des gens, qui, à la
dernière minute, auraient pensé peut-être pouvoir
intervenir, puissent être lésés.
Toute personne qui pourrait intervenir sur la motion de question
préalable peut parler sur l'utilité de l'adopter
immédiatement, c'est-à-dire sur l'utilité de passer au
vote ou de mettre la motion principale aux voix immédiatement ou
et c'est cela l'avantage et je vous souligne, M. le Président, c'est la
seule motion, à ma connaissance, dans le règlement, où la
pertinence du débat ne s'applique pas parler de la motion
principale. C'est cela que je trouve être la sagesse de ce texte.
Comme ce texte a cette sagesse, M. le Président, je trouve que
cela vous donne, comme corollaire, une grande latitude pour l'accepter.
Permettez-moi, M. le Président je ne veux pas être
long là-dessus, loin de là de vous dire bien franchement,
bien ouvertement que la question préalable de tout temps, dans un
Parlement qui fonctionne dans le système parlementaire britannique, est
une motion dilatoire, aussi drôle que cela puisse paraître. C'est
une motion qui permet aux députés de l'Opposition d'allonger leur
temps de parole.
Je ne m'en cache pas, M. le Président. C'est carrément et
clairement dans ce but qu'on le fait. Il y a un tas de gens qui nous ont dit
qu'on faisait un "filibuster", une obstruction systématique à ce
projet de loi.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas vrai! LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: C'est rendu, M. le Président, que ce sont eux qui
disent que ce n'est pas vrai.
Vous vous contredisez. Vous vous contredisez. C'est vous autres qui nous
criez cela par la tête tout le temps.
M. LEVESQUE: Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai !
M. BURNS: Moi, je vous dis, M. le Président: Oui, c'est vrai.
C'est cela qu'on fait. Au cas où il y en aurait qui dormiraient encore,
c'est cela qu'on fait. Et une des méthodes de rallonger notre droit de
parole, c'est de poser la question préalable.
Vous avez, M. le Président, une latitude, une latitude qui est
bien drôle. Je vais en discuter. En vertu du paragraphe 2 de l'article
83, vous pourriez juger qu'elle est irrecevable, cette motion, seulement pour
deux raisons. Seulement. Il n'y en a pas dix, il y en a deux. Les deux raisons,
M. le Président, je vous les lis, au paragraphe 2: "Le président
peut refuser que soit posée la question préalable s'il juge que
le débat sur une motion n'a pas été prolongé
indûment ce n'est pas ce que nos amis d'en face nous ont dit, soit
dit en passant, depuis le début du débat ou s'il croit que
les droits de la minorité seraient lésés par l'acceptation
de la question préalable."
M. le Président, je vous dis que vous n'êtes dans aucun des
deux cas qui sont cités au paragraphe 2. Le débat, je vous le
dis, M. le Président, a été indûment prolongé
par nous. Nous sommes d'accord, nous avons indûment prolongé le
débat, indûment au sens que le gouvernement voudrait l'entendre.
Nous avons, M. le Président, jusqu'à maintenant, utilisé
toutes les possibilités de prolonger ce débat.
Nous avons fait jusqu'à maintenant une obstruction
systématique à ce projet de loi, nous avons tenté et nous
continuons de tenter de bloquer ce projet de loi par tous les moyens que le
petit livre vert nous donne.
Je vous dis que non seulement le débat n'a pas été
prolongé indûment, je vous avoue et l'aveu de la partie
adverse, le ministre de la Justice le sait, c'est...
M. CHOQUETTE: ... le député...
M. BURNS: ... peut-être ce qu'il y a de plus fort que nous
avons prolongé...
M. CHOQUETTE: ... sa propre turpitude.
M. BURNS: ... que nous avons prolongé, dis-je, indûment le
débat jusqu'à maintenant.
M. CHOQUETTE: Alors, M. le Président...
M. BURNS: M. le Président, je n'ai pas fini sur ma question de
règlement.
M. LACROIX: La procédurite du député de
Maskinongé qui reprend.
M. BURNS: Quant aux droits de la minorité, je vous dis que tous
les députés de l'Opposition officielle ont parlé et
reparlé sur toutes et chacune des motions, que ce soit les motions
dilatoires comme celle de deuxième lecture, que ce soit la motion de
fond pour reporter la deuxième lecture à six mois, qui est une
motion...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, tant et aussi longtemps que vous ne
vous déclarerez pas satisfait de mon argumentation, je pense que j'ai le
droit... Ce n'est surtout pas le député des Iles-de-la-Madeleine
qui va me dire... Parce que lui ne comprend strictement rien à ce qu'on
se dit tous les deux actuellement.
M. LACROIX: Vous êtes donc bien intelligent!
M. BURNS: Ce n'est sûrement pas lui qui va nous dire
ça.
M. LACROIX: Si vous aviez été aussi intelligents que vous
le pensez vous auriez été plus de six rats ici.
UNE VOIX: Grugeur de dunes! LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: J'essaie de le faire, je pense, le plus succinctement
possible. Ce n'est pas sur des questions de règlement que je vais faire
de l'obstruction. Je vous dis simplement que cette motion est recevable, d'une
part, parce que vous avez la preuve qu'il y a eu obstruction jusqu'à
maintenant. Donc, le débat a été indûment
retardé, c'est sûr.
Parce que si tout avait été normal, vous auriez eu un
discours. Il y en a eu je ne sais pas combien, je ne suis même plus
capable de les compter.
D y a eu toutes les motions possibles et impossibles. Il y a eu aussi,
je pense, l'expression de tous les députés, tous les
députés de l'Opposition jusqu'à maintenant, sauf le
député de Beauce-Sud. Et j'en viens au cas du
député de Beauce-Sud.
C'est là que je retrouve la sagesse de votre règlement. Le
député de Beauce-Sud peut prononcer son discours de
deuxième lecture, s'il le veut, sur la discussion lors de la mise en
délibération de la motion préalable. C'est ce que veut
dire le paragraphe 6 de l'article 83.
Lorsqu'on dit que le débat peut porter, cela en "achale" du
monde, en face, cette affaire.
LE PRESIDENT: Allez! Allez! A l'ordre! M. LACROIX: Obstruction!
M. BURNS: Lorsqu'on dit au paragraphe 6 que le débat peut porter
tant sur la question préalable que sur la motion principale, je dis
que le député de Beauce-Sud n'est pas privé de ses
droits. Il pourra faire son discours de deuxième lecture sur le
débat...
M. TETLEY: Laissez-le parler.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. TETLEY: C'est injuste, vous voulez bâillonner le
député de Beauce-Sud.
M. BURNS: Vous n'avez rien compris, ça paraît.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: Mon Dieu, que vous ne vous aidez pas quand vous parlez.
LE PRESIDENT: S'il y a des interventions, des débats ou des
échanges...
M. BURNS: Qu'est-ce que vous voulez, on parle entre adultes et il y a
des enfants qui se mêlent à des jeux d'adultes.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LACROIX: Voulez-vous qu'on aille chercher Robert Lemieux?
M. BURNS: Voilà un autre enfant qui se mêle à un
débat d'adultes.
LE PRESIDENT: Est-ce que vous avez terminé?
M. BURNS: Non, c'est mon dernier argument. Je vous dis simplement
ceci...
M. LACROIX: On va aller chercher les Rose.
M. BURNS: Si...
UNE VOIX: ...les dunes.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Si l'hésitation que vous pouvez avoir porte sur le fait
qu'une telle motion peut brimer les droits du député de
Beauce-Sud, je vous dis: Pas du tout. Je vous dis que le député
de Beauce-Sud aura le droit de parler avec toute la latitude voulue, sans
être bloqué par les règles de pertinence du débat
sur la tiuestion préalable. D pourra dire ce qu'il pense du projet de
loi augmentant le salaire des juges sans que le président doive le
rappeler à l'odre.
Je vous dis que les deux seules raisons en vertu desquelles vous
pourriez ne pas accepter notre motion pour une question préalable en
vertu de l'article 83 sont décrites au paragraphe 2) de l'article 83. Je
vous dis qu'aucune des conditions décrites à l'article 83,
paragraphe 2), ne sont en mesure de vous justifier de juger irrecevable cette
motion.
LE PRESIDENT: J'ai retenu surtout dans l'argumentation de l'honorable
député de Maisonneuve son insistance sur le paragraphe 6 de
l'article 83 qui dit que le débat peut porter tant sur la question
préalable que sur la motion principale.
Il a oublié, peut-être, de mentionner que, dans notre droit
parlementaire, il existe un autre principe sacré ou un principe reconnu,
établissant qu'on ne peut pas avoir deux fois le même débat
sur une même question.
M. BURNS: Qu'est-ce que ça vient faire là, alors?
LE PRESIDENT: Justement, je vais répondre à votre
remarque. Cela vient là pour la protection de ceux qui voudraient parler
sur la question principale, lorsque la question préalable est
acceptée. Si la question préalable était acceptée
par le président et si le débat s'était limité
uniquement à la question préalable, ça priverait les
députés qui voudraient parler sur la question principale... A
l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! C'est déjà assez
compliqué de prendre des décisions, je demanderais votre
collaboration. Bon!
Pour cette raison, je crois, justement qu'en insistant peut-être
trop sur ce sixième paragraphe l'honorable député de
Maisonneuve a déprécié son argumentation, parce qu'il m'a
prouvé qu'il voulait justement faire deux fois le débat sur la
même question, ce qui n'est pas reconnue en droit parlementaire.
Maintenant, l'autre point; c'est vrai que ça peut être
considéré comme une motion dilatoire...
M. BURNS: C'est ça.
LE PRESIDENT: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît! Mais je ne
peux pas mettre de côté l'article 82 qui dit que "la question
préalable a pour objet d'obtenir c'est l'intention de l'honorable
député de Saint-Jacques, son but en la faisant un vote
direct" et le plus rapidement possible sur cette question.
Rejet de la question préalable
LE PRESIDENT: Dans les circonstances, je trouve que le mode le plus
direct et le plus rapide serait de laisser parler l'honorable
député de Beauce et de voter sur cette motion. Pour cette raison,
je refuse la question préalable.
M. LEVESQUE: Très bien.
Reprise du débat de deuxième lecture M.
Fabien Roy
M. ROY: M. le Président, qu'il me soit permis d'intervenir
à mon tour dans ce débat de deuxième lecture du projet de
loi no 8 qui a pour objet de modifier à nouveau la Loi des
tribunaux judiciaires. Comme on le sait, cette loi concerne
l'augmentation de salaires des juges au Québec. Il n'y a pas beaucoup de
catégories de fonctionnaires ou de personnes dont le salaire est
fixé par l'Assemblée nationale du Québec. A part les
députés et les juges, je pense qu'il y a seulement le Protecteur
du citoyen, l'Auditeur général ou quelque chose comme ça.
Je n'ai pas la liste, M. le Président.
Si ce système a été voulu je me pose la
question j'imagine facilement que c'est pour être en mesure
d'examiner l'appareil judiciaire et de se rendre compte de quelle façon
la justice est administrée. Je pense que c'est l'occasion idéale,
lorsque ces ajustements ou ces augmentations de salaires sont demandés
pour regarder tout l'appareil judiciaire dans son ensemble, de façon
à être en mesure de tirer les conclusions qui s'imposent ou encore
de faire des suggestions pertinentes en vue d'apporter des améliorations
ou des modifications à notre système.
M. le Président, cette loi est venue devant l'Assemblée
nationale le 6 juillet dernier. On rappellera qu'à ce moment-là
le gouvernement, devant l'obstination des députés du Parti
québécois qui avaient publiquement manifesté leur
intention de faire un "filibuster", avait ajourné les travaux de la
Chambre au 23 octobre, pour aller devant l'électorat du Québec
par la suite, avec les résultats que nous connaissons. Il est
évident que, suite aux résultats des élections, le
gouvernement a dû revenir devant l'Assemblée nationale avec un
nouveau projet de loi.
Cependant, il y a une question que je me pose: Pourquoi le gouvernement
a-t-il capitulé l'été dernier devant ce projet de loi?
Est-ce qu'il avait peur du "filibuster" du Parti québécois?
Est-ce que, d'autre part, il avait peur de l'opinion publique et, à
partir de ce moment-là, refusait de faire face à ses
responsabilités? De quelles raisons le gouvernement s'est-il
inspiré pour se justifier? D'après ce que j'ai entendu depuis le
début de ce débat c'est le cas de le dire, c'est un
débat je me pose la question suivante:
Est-ce qu'on n'est pas en train à l'heure actuelle de se servir
des juges pour en faire les boucs émissaires de tous les maux que
connaît la société québécoise? Je pense que
c'est une question que nous avons le droit de nous poser, et c'est une question
que personnellement je me pose sérieusement.
M. le Président, tout ce débat a pour conséquence
de discréditer l'appareil judiciaire auprès de l'opinion
publique. On est en train d'élargir le fossé entre le peuple et
ceux qui ont la lourde responsabilité d'administrer la justice au
Québec et de voir à ce que la justice suive son cours.
Or, dans les pays où on a procédé à
discréditer l'appareil judiciaire au point que le peuple y perde toute
confiance, l'appareil judiciaire a été remplacé par un
appareil militaire, et on sait ce que ça donne. M. le Président,
je suis conscient et nous sommes conscients qu'il y a des réformes
importantes qui s'imposent dans la justice. La population du Québec se
plaint, et de bon droit, de la lenteur des procédures judiciaires. C'est
le cas de tous les députés qui sont conscients de servir leurs
électeurs. Il n'y a personne parmi les membres de l'Assemblée
nationale qui n'ait eu des gens qui se sont rendus à leur bureau pour
dire: Cela fait huit mois que j'attends un jugement, ça fait douze mois
que j'attends un jugement, ça fait dix-huit mois que j'attends un
jugement. Ou encore venir nous dire : Cela fait quatre ans que j'attends que ma
cause passe et elle ne passe pas.
Qu'on fasse le tour de la province de Québec, à l'heure
actuelle, et on se rendra compte que la population se plaint de ces choses, et
se plaint de bon droit. Le gouvernement aurait pu, à l'occasion de
l'étude de ce projet de loi, apporter des modifications majeures
à l'administration et à l'exécution de la justice au
Québec. Le gouvernement, encore une fois, se contente tout simplement de
présenter une petite loi de quelques petits paragraphes où on
augmente le salaire des juges et tout est réglé. Les juges mieux
payés, comme le disait le député de Saint-Jacques, les
juges mieux payés, c'est un critère d'une meilleure justice.
M. le Président, je pense que c'est complètement ridicule.
Ce n'est pas de cette façon qu'un gouvernement responsable, un
gouvernement consciencieux doit agir devant une population. Mais il y a quand
même un autre fait aussi. Il faut faire la part des choses, appeler les
choses par leur nom, prendre nos responsabilités. Qui donc à
l'heure actuelle, à part l'Assemblée nationale du Québec,
peut permettre aux juges d'avoir une augmentation de salaire?
Quelle est la catégorie d'individus au Québec, à
l'heure actuelle, qui dit: Moi des augmentations de salaire je n'en veux pas?
Je n'en connais pas, M. le Président. Je me demande si vous en
connaissez vous, des catégories d'individus au Québec qui
à l'heure actuelle disent ceci: Des augmentations de salaire on n'en
veut pas. Mais, c'est à l'Assemblée nationale qu'incombe cette
responsabilité.'On a parlé de 3 p.c. de la population qui,
à l'heure actuelle, vit de mieux en mieux alors qu'on laisse des masses
laborieuses, des quantités de gens dans la province de Québec
avec leurs problèmes. Le gouvernement n'est pas tellement soucieux de
prendre ses responsabilités pour améliorer leur sort.
C'est vrai, M. le Président, je me dois de l'admettre, c'est
absolument vrai et c'est la réalité. Mais, je me demande, le fait
de ne pas augmenter le salaire des juges, si ça réglerait le
problème. C'est une autre question que nous devons nous poser
également. Lorsqu'on dit qu'avec $28,000 de salaire...
M. BURNS: Je m'excuse auprès du député de Beauce,
mais je vous demanderais de vérifier le quorum. Je considère
qu'il n'existe pas.
LE VICE-PRESIDENT (M. Lamontagne): Qu'on appelle les
députés!
J'inviterais les honorables députés à prendre leur
siège pour que je vérifie le quorum.
L'honorable député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, on a parlé d'un écart de
salaire entre certaines catégories de la population et une
catégorie de personnes privilégiées. Disons qu'on peut
être entièrement d'accord. Je pense que toute personne qui voit
clair, qui est consciente de la réalité ne peut faire autrement
que d'admettre que ces choses existent, que c'est réel au Québec.
Il y a quand même d'autres points sur lesquels nous devrions
réfléchir sérieusement, examiner avec toute l'attention
possible. C'est pourquoi je me permettrai, à ce moment-ci, de poser une
question on n'est pas obligé de me répondre à
l'Assemblée nationale à mes honorables collègues du
Parti québécois. Est-ce qu'ils seraient prêts, eux,
à participer à un débat et à prendre position, ici
à l'Assemblée nationale du Québec, pour plafonner les
salaires des hauts fonctionnaires et des hauts technocrates du gouvernement, en
incluant les juges, à $30,000 par année? De cela, je n'en ai pas
entendu parler.
Pourtant, je me suis permis de fouiller dans les comptes publics et de
regarder quelles sont les échelles de salaire, au niveau du haut
fonctionnarisme dans la province de Québec, au niveau des postes de
sous-ministre. Naturellement, comme je n'ai pas eu les livres de 1972/73, je me
suis référé aux comptes publics de l'année 1971/72.
M. le Président, je vais taire les noms par respect pour ces personnes
qui sont quand même des gens qui travaillent dans la province de
Québec. Si le principe vaut, à la suite de tout ce que j'ai
entendu, à l'endroit des juges, je dis qu'il vaut également pour
ces personnes-là. Nous allons être justes avec tout le monde pour
ne pas faire de catégorie de personnes et dire aux juges de la province
de Québec: Vous, messieurs les juges, vous allez être les seules
personnes au Québec qui allez avoir un salaire plafonné dans
l'avenir. Vous autres, les juges de la province de Québec, pas
d'augmentation de salaire. C'est réglé, on n'en veut pas.
Pourtant, pour d'autres catégories de hauts fonctionnaires au
Québec, je constate des salaires de $33,340, de $31,873, de $30,331, de
$33,341, de $53,084, de $35,975, de $31,217, de $32,199, de $33,728, de
$34,818, de $35,976. Je vais aller dans un ministère cher à ces
messieurs, le ministère des Affaires intergouvernementales. Un monsieur
retire $31,873; en lisant le salaire, M. le Président, il va se
reconnaître. Un autre, $35,600; un autre $30,331; $53,084; $31,876;
$41,419; $38,673; $34,700; $34,623. Avec, évidemment, des augmentations
de salaire l'année dernière, avec encore des augmentations de
salaire cette année et une clause de sécurité d'emploi, de
même que tous les bénéfices marginaux qui s'y rattachent.
Cela, je suis surpris, on n'en parle pas.
On a fait des comparaisons avec les Etats-Unis, on a fait des
comparaisons avec l'Ontario mais je ne suis pas aux Etats-Unis, je ne suis pas
dans l'Ontario; je suis ici dans la province de Québec, dans le
Parlement de Québec. Si on veut être honnête, si on veut
être juste, il faut traiter des personnes qui occupent des fonctions
équivalentes sur un même pied. Je pense que c'est un principe de
justice que nous nous devons de respecter. Si on veut remettre en cause ce
principe, on doit le remettre en cause dans son ensemble. Il y a des choses
élémentaires sur lesquelles nous devons faire preuve
d'objectivité, nous devons faire preuve de sérieux et nous devons
être des personnes capables de prendre leurs responsabilités et
dire les choses telles qu'elles sont.
Je comprends qu'aller crier dans la province de Québec: Nous
avons été contre l'augmentation du salaire des juges cela fait
applaudir bien du monde. Nous le comprenons mais faire la lutte des classes,
cela a toujours été la chose la plus facile. Pour démolir,
on n'a pas besoin de spécialistes; bâtir, c'est plus
difficile.
Dans une société, c'est de bâtisseurs que nous avons
besoin et, pour bâtir, il faut faire preuve d'objectivité, il faut
faire preuve d'esprit de justice. C'est sur le point, M. le Président.
Si on veut engager un débat dans cette Assemblée nationale pour
dire que les salaires vont être plafonnées au Québec pour
tous les employés du gouvernement, de la fonction publique ou du secteur
parapublic, incluant les juges à $30,000 par année, cela pourrait
être intéressant. Mais laisser toutes ces catégories de
personnes de côté pour créer des écarts à des
niveaux de personnes, de compétence, d'instruction et de connaissances
à peu près égales, je trouve que c'est de la
discrimination. Je ne verrais pas pourquoi on se servirait de l'appareil
judiciaire et des juges, à l'heure actuelle, pour faire une lutte de
classes, pour faire un débat discriminatoire à l'endroit d'autres
personnes de la même compétence qu'eux, qui peuvent avoir des
responsabilités équivalentes.
M. le Président, devant tous ces faits, les créditistes
n'ont jamais eu peur de prendre leurs responsabilités. En ce qui me
concerne, je vais prendre les miennes, aujourd'hui. Je vais prendre mes
responsabilités, mais avec certaines réserves. Je dirai, d'abord,
que le gouvernement doit, premièrement, s'assurer qu'il y ait
suffisamment de juges et faire en sorte d'en augmenter la qualité par
des critères de sélection.
M. le Président, mon collègue, le député de
Portneuf, qui s'est acquitté de la responsabilité que je tente
d'occuper, de la meilleure façon possible il s'en est
occupé avec brio, puisque cela lui a valu le titre,
conféré par l'honorable ministre de la Justice, d'avocat
populaire a été très explicite sur ce point dans le
passé. Il est intervenu à l'Assemblée nationale, à
plusieurs reprises. La population du Québec demande qu'il y ait plus de
juges à sa disposition de façon que nous puissions
éliminer les délais, de façon qu'elle puisse être
jugée et que les
jugements puissent être prononcés avec beaucoup moins de
délais que ceux que nous connaissons, à l'heure actuelle, dans
malheureusement beaucoup trop de cas.
M. le Président, deuxièmement je ne suis pas un
spécialiste en ces matières; j'en suis bien conscient tout
le monde admet, tout le monde reconnaît, à l'heure actuelle, que
la procédure judiciaire est trop longue et trop lourde. Il faudrait
l'assouplir. Il faudrait faire quelque chose de ce côté, de
façon à pouvoir améliorer l'exécution de la
justice, pour tâcher d'éliminer les délais. Il est
important, troisièmement, qu'on procède à la
révision du mode de nomination des juges. Qu'on cesse de regarder le
critère de récompense politique, à la suite de la
participation ou de l'appartenance à telle ou telle formation politique.
Je pense quand même que c'est important. C'est un troisième point
sur lequel, j'insiste aujourd'hui. Nous demandons aussi un système
d'indexation permanente et un mécanisme de révision de l'appareil
judiciaire. M. le Président, il serait important qu'au moins tous les
quatres ans, non pas au moment où nous procédons à
l'étude des crédits du ministère de la Justice, mais au
moins une fois par Législature, qui dure normalement quatre ans, il y
ait des séances de commissions parlementaires spécialement
convoquées à cette fin, qu'il y ait un mécanisme de
révision de l'appareil judiciaire et que ce mécanisme de
révision soit sous l'autorité du pouvoir législatif et non
du pouvoir exécutif. Si je dis ces choses, c'est qu'il ne faut pas, pour
aucune considération, que le pouvoir judiciaire devienne l'appareil du
pouvoir exécutif. Il faut absolument que l'appareil judiciaire demeure
sous l'autorité complète, totale du pouvoir
législatif.
M. le Président, pour toutes ces raisons et vu que mon temps de
parole s'achève, je dirai que je regrette que ce débat ait pris
la tournure d'un débat hypocrite. Je le dis: Cela a pris la tournure
d'un débat hypocrite. On a voulu procéder, à ce moment,
d'une façon fausse pour tâcher de parler, et pour dire qu'on veut
sauver la population, le peuple du Québec, en demandant qu'on fasse en
sorte que nous ayons un plus grand nombre de propriétaires au
Québec, à cause de certains pourcentages de locataires dont j'ai
entendu parler tantôt.
M. le Président, on ne m'a pas convaincu et on ne pourra jamais
me convaincre que c'est par le salaire des juges qu'on pourra faire en sorte
que nous aurons un plus grand nombre de propriétaires au Québec
et que la basse classe sera mieux traitée.
M. le Président, c'est par un ensemble de dispositions
législatives et c'est par des changements profonds, des changements
radicaux d'un système économique et d'un mode de financement que
nous utilisons au Québec, qui, à l'heure actuelle, est en train
de nous coûter jusqu'à $2.25 millions par jour en
intérêts seulement, qu'on pourra le faire.
Alors, quand on voudra sauver le peuple du Québec, on ne
s'orientera pas dans des débats de ce genre pour tâcher de prendre
une catégorie, surtout les juges, ceux qui ont la responsabilité
de l'appareil judiciaire, pour en faire les boucs émissaires de tous les
maux de la société québécoise.
Alors, pour cette fois-ci, je dis bien pour cette fois-ci, nous serons
d'accord pour que les juges puissent avoir un rajustement de traitement, non
pas un changement de palier dans la société, mais un rajustement
de traitement de façon qu'ils puissent se retrouver à peu
près proportionnellement à ce qu'ils étaient au moment
où la dernière loi a été votée à
l'Assemblée nationale.
Mais j'ajoute les réserves suivantes. C'est conditionnel. C'est
à la condition qu'on ait pris bien note et qu'on prenne bien note des
cinq recommandations que j'ai faites parce que nous aurons certainement
l'occasion de revenir sur le sujet et d'examiner, avec toute l'attention, la
bonne foi du gouvernement, la sincérité du gouvernement et,
surtout, la bonne intention que le gouvernement devra avoir afin de faire en
sorte que les Québécois puissent avoir la meilleure justice
possible et la justice de la meilleure qualité possible.
UNE VOIX: Très bien.
LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres de l'Assemblée
qui aimeraient participer à ce débat de deuxième
lecture?
DES VOIX: Vote!
LE PRESIDENT: Vote!
M. LEGER: Ceux qui étaient contre la dernière fois.
LE PRESIDENT: Un vote enregistré?
M. BURNS: M. le Président, il n'y a même pas de
réplique de la part du ministre.
LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que c'est un vote enregistré?
M. LESSARD: Tout ce qu'il veut, c'est de passer sa loi.
M. BURNS: Passer sa loi sans aucun...
LE PRESIDENT: A l'ordre! ... A l'ordre! ...A l'ordre! ...
Un vote enregistré?
M. BURNS: Enregistré.
LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Vote de deuxième lecture
LE PRESIDENT: Que celle et ceux qui sont en faveur de la motion de
l'honorable ministre de la Justice, proposant la deuxième lecture du
projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires veuillent
bien se lever s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle,
Berthiau-me, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Bienvenue,
Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Desjardins, Giasson,
Brown, Kennedy, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote,
Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg), Springate,
Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Côté,
Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malouin,
Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Vallières,
Verreault, Roy.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
LE SECRETAIRE: Pour: 51 Contre: 5
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
Projet de loi déféré à la
commission
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ce projet de loi no
8, Loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires, soit maintenant
déféré à la commission parlementaire de la justice.
Et je propose que cette commission siège immédiatement au salon
rouge et continue de siéger selon l'horaire présentement en
vigueur, et cela même après l'ajournement de la Chambre.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
m'apprête à vous soumettre que la motion que le leader du
gouvernement vient de faire est irrégulière. Pour justifier cet
argument, j'ai l'intention de me baser sur certains textes du règlement.
Je vous dis tout de suite que, connaissant votre désir de trancher le
problème et c'est peut-être la première fois que
ça se pose, c'est bon que ça se pose à un moment
donné ou à un autre dans toute la
sérénité possible et avec l'étude nécessaire
que ça peut requérir, vous pourrez peut-être vouloir
et je ne m'y opposerai pas suspendre la séance pendant quelques
instants pour y réfléchir ou pour délibérer.
La motion qui est faite actuellement est une motion qui devrait
être normalement faite en vertu de l'article 122 de notre
règlement. Je dis qu'elle devrait être faite en vertu de cet
article, qui nous dit: "Après la deuxième lecture, un projet de
loi, sauf s'il est de subsides, doit être envoyé à la
commission élue appropriée sur une motion non annoncée du
leader parlementaire du gouvernement..."
Je vous épargne la lecture du reste. J'admets que la motion, si
elle était faite comme ça, n'est pas débattable; elle
n'est aucunement débattable, c'est écrit clairement dans le texte
qui suit où on nous dit: "... Sur cette motion, qui ne peut subir
d'amendement, chaque parti reconnu..." Cela c'est sur l'autre, celle qui envoie
en commission plénière.
Mais celle-là, c'est tout simplement le renvoi à une
commission élue, c'est le processus législatif normal. Sauf que,
de la façon que le leader vient de la faire, je suis pris dans un
dilemme. Il y a une partie de sa motion qui est le renvoi à la
commission, qui n'est pas débattable. Il y a une autre partie, c'est
quand la commission va siéger, ça ne parait pas à
l'article 122. Je vais vous dire un peu plus loin où je pense que
ça parait.
Cela devrait être débattable. Et cela je ne peux pas le
débattre s'il le fait de la façon qu'il l'a fait. Il aurait
dû, d'une part, faire une première motion, nous dire que le projet
de loi, en vertu du processus législatif normal est
déféré à la commission parlementaire de la justice.
D'accord, et nous aurions pu voter pour ou contre, peu importe, mais sans
débat et sans amendement.
Il y a aussi l'article 140, celui-là qui traite de la
deuxième partie de la motion du leader du gouvernement, où on lit
ceci: "Une commission élue est convoquée par le secrétaire
des commissions à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La
demande et l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet
de la réunion et aucun autre sujet ne peut y être discuté."
Je pense que c'est bien clair, c'est le projet de loi no 8 qui devrait
être discuté là.
Sauf que l'article 140 nous dit qu'on doit savoir l'endroit, l'heure,
etc. Comment, maintenant? ... "La convocation se fait continue l'article
par un avis donné à l'Assemblée ou remis à
chaque membre de la commission personnellement au plus tard la veille du jour
pour lequel la commission est convoquée ou déposé au
bureau de poste de l'Assemblée au plus tard quarante-huit heures avant
ce jour." M. le Président, la motion qui est faite est absolument
irrégulière, cette commission ne peut pas siéger
aujourd'hui. Cette motion, si le leader voulait la faire, il y a une autre
méthode; il pourrait la faire aux motions non annoncées. Je lui
dis parce que c'est demain matin qu'il pourra faire cela. Il pourrait la faire
aux motions non annoncées demain, auquel cas cette motion deviendra
débattable, auquel cas j'aurai le droit de dire que je ne veux pas
qu'elle siège à tel endroit, à telle heure ou à
tel
moment. Mais là, dans le moment, de la façon que la motion
est faite, M. le Président, on me prive de ce droit clairement
établi en vertu du règlement 140.
Je demande que la motion soit déclarée
irrégulière. Je n'ai pas d'objection que la
déférence soit faite, c'est le processus législatif normal
mais j'ai objection qu'elle siège aujourd'hui parce que je n'ai pas
reçu l'avis la veille de cette commission. Je n'ai pas reçu non
plus un avis donné par voie de motions non annoncées en Chambre,
mais qui pourrait être débattu en Chambre. Je demande tout
simplement, M. le Président, que vous jugiez que cette motion est
irrégulière, que seulement la partie régulière de
cette motion peut être mise aux voix.
M. LEVESQUE: M. le Président, parlant sur ce point d'ordre
ou de désordre je ferai remarquer à l'honorable
député de Maisonneuve que ma motion, tel qu'il l'admet
lui-même, est faite en vertu de l'article 122 et que la dernière
partie ou les dernières remarques que j'ai faites c'était
simplement un avis. Je l'ai fait évidemment en vertu de l'article 142
mais un avis n'est pas débattable. Cela permet d'indiquer...
M. BURNS: Votre avis est irrégulier.
M. LEVESQUE: ... l'endroit et l'heure où la commission va
siéger.
M. BURNS: Votre avis est irrégulier.
M. LEVESQUE: Pardon?
M. BURNS: Votre avis est irrégulier.
M. LEVESQUE: Non, il est fait en vertu de l'article 142 et se fait par
un avis devant l'Assemblée, un avis verbal.
M. BURNS: Bien oui mais...
LE PRESIDENT: Vous voulez dire quelques mots?
M. ROY: Je voulais tout simplement dire que le gouvernement est
très soucieux...
M. LEVESQUE: II faut bien qu'on le dise.
M. ROY: ... de nous faire suivre le règlement à la lettre;
je demanderais au gouvernement de l'appliquer, les mesures qu'il nous fait
appliquer à nous, de suivre le règlement.à la lettre. Il
est bien dit au paragraphe 2 de l'article 140: "La convocation se fait par un
avis donné à l'Assemblée ou remis à chaque membre
de la commission personnellement au plus tard la veille du jour pour lequel la
commission est convoquée ou déposé au bureau de poste de
l'Assemblée..."
LE PRESIDENT: Bon! Voici, sans aucun doute la première partie de
la motion est faite en vertu de l'article 122, où il y a
déférence du projet de loi à la commission, sans
débat ni amendement. Bon! L'honorable député de
Maisonneuve me mentionne l'article 140 et je vais vous donner mon
interprétation. L'article 140 dit bien ou du moins la conception
que j'en ai ou l'interprétation que j'en donne: "Une commission
élue est convoquée par le secrétaire des commissions
à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La demande et
l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet de la
réunion et aucun autre sujet ne peut être discuté. "2. La
convocation se fait par un avis donné à l'Assemblée..."
Bon! Ce que je vois dans ça c'est que l'article 140 s'applique surtout
lorsque les commissions doivent siéger alors que la Chambre ne
siège pas, disons, durant l'inter...
M. BURNS: M. le Président...
LE PRESIDENT: Laissez-moi, je n'ai pas fini. Je n'ai pas fini,
laissez-moi terminer, laissez-moi terminer.
M. LEVESQUE: Ils sont nerveux.
LE PRESIDENT: Bon, laissez-moi terminer. "La convocation se fait
lorsque l'Assemblée siège, mon interprétation est la
suivante par un avis donné à l'Assemblée
maintenant ou remis à chaque membre de la commission
personnellement au plus tard la veille du jour pour lequel la commission est
convoquée ou déposée au bureau de poste de
l'Assemblée au plus tard 48 heures avant ce jour."
Je crois que depuis que ce règlement existe, cela a toujours
fonctionné ainsi, mais il y a un article très important que vous
oubliez, que vous ne m'avez pas mentionné, c'est l'article 150 où
il est dit: "Les commissions élues peuvent siéger en tout temps.
Toutefois, une seule commission élue peut siéger durant les
séances de l'Assemblée sur une motion qui n'est pas
annoncée, qui peut être faite en tout temps et qui ne peut
soulever de débat, mais elle ne peut siéger durant la
période des affaires courantes. "2) Pas plus de deux commissions
élues ne peuvent siéger en même temps que..."
Je vais demander au leader parlementaire de corriger sa motion, de faire
premièrement une motion de déférence et,
immédiatement après, une autre motion en vertu de l'article 150.
En vertu de l'article 150, vous dites que la commission élue doit
siéger pendant la séance de la Chambre. Vous pouvez faire cette
motion en tout temps.
M. LEVESQUE: M. le Président, je me rends à votre
décision et je m'exécute immédiatement. Je propose donc
que ce projet de loi no 8, Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires, soit
maintenant déféré à la commission parlementaire de
la justice. Et en vertu de l'article 150, M. le Président...
M. BURNS: Un par un, quand même!
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. BURNS: Non, M. le Président, je demande un vote
enregistré.
M. LEVESQUE: Est-ce qu'il y a un vote là-dessus?
LE PRESIDENT: Est-ce qu'on est prêt à voter?
M. LEVESQUE: Nous sommes prêts, M. le Président.
M. BURNS: Qu'on attende, je demande que l'appel soit fait, M. le
Président.
M. LEGER: Pour la protection des minorités!
LE PRESIDENT: A l'ordre! De toute façon, pour le moment, il n'y
avait pas de préjudice. Qu'on appelle les députés, mais on
va voter assez rapidement. Je vous demanderais de garder vos fauteuils. On va
voter assez rapidement.
Qu'on appelle les députés!
Que ceux qui sont en faveur de la motion de déférence de
l'honorable leader parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il
vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle,
Berthiau-me, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Bienvenue,
Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Desjardins, Giasson,
Brown, Kennedy, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote,
Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher Harvey (Charlesbourg), Sprin-gate,
Beauregard, Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron, Côté,
Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance, Lecours, Malouin,
Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif, Verreault.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
LE SECRETAIRE: Pour: 49
Contre: 5
Abstention : 1
LE PRESIDENT: La motion est adoptée.
M. LEVESQUE: M. le Président, en vertu de l'article 150 de notre
règlement, je propose que cette commission parlementaire de la Justice,
à laquelle a été déféré il y a
quelques instants le projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi des tribunaux
judiciaires, siège immédiatement au salon rouge, dans cet
édifice...
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, immédiatement.
C'est un avis, une motion et tout ce que vous voudrez.
LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE: Non, je n'ai pas fini... immédiatement, et que cette
commission continue de siéger je vais vous demander une
directive, si vous m'empêchez, M. le Président.
LE PRESIDENT: Je préférerais que vous arrêtiez
là, puis vous demanderez une directive.
M. LEVESQUE: D'accord.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de cette motion...
M. BURNS: M. le Président, j'ai une directive à vous
demander. Moi, j'en ai une directive.
M. LEVESQUE: Moi j'ai demandé une directive et il a dit non.
M. BURNS: Ecoutez, M. le Président, je ne sais pas dans quelle
limite je vais devoir me prononcer sur cette motion-là.
LE PRESIDENT: Le leader du gouvernement m'a demandé...
M. BURNS: II a demandé une directive? D'accord.
M. LEVESQUE: M. le Président, comme il faut s'attendre à
tout, la première question? Si cet avis indique le salon rouge et que,
par mégarde, ces messieurs mettaient le feu ce soir au salon rouge,
est-ce que la commission peut siéger ailleurs?
Deuxième question, M. le Président.
M. BURNS: C'est vraiment très fort, c'est exactement au niveau de
l'attitude que vous avez maintenue depuis le début; c'est très
fort.
M. LEVESQUE: M. le Président, dans un genre d'obstruction comme
celui que conduit le député de Maisonneuve, on peut s'attendre
à tout. Deuxièmement, M. le Président, je comprends que le
règlement le dit, mais je veux votre "ruling", si on peut dire,
là-dessus. Nous
comprenons que lorsqu'une commission reçoit le mandat de
siéger et qu'elle commence à siéger, c'est elle-même
qui décide de s'ajourner, autrement dit si cette commission siège
jusqu'à minuit ce soir, et qu'elle s'ajourne à demain matin, dix
heures, elle siégera demain matin à dix heures sans qu'un avis
soit nécessaire, en vertu du règlement, si je comprends bien le
règlement, et elle peut siéger ainsi, et elle doit siéger
ainsi, de dix heures du matin, selon l'horaire de la Chambre, jusqu'à
minuit demain soir. Et si, au moment où elle décide de
s'ajourner, à onze heures ou à minuit demain soir, la commission
propose de siéger de nouveau lundi matin, à dix heures, ou
à une autre heure qu'elle décide de siéger, cela se
continue tant que le mandat n'aura pas été changé par la
Chambre. Est-ce que j'ai bien compris qu'il n'est pas nécessaire,
autrement dit, de faire un avis pour samedi et lundi à l'heure
présente? C'est ça que je veux que ce soit bien clair.
LE PRESIDENT: Est-ce que c'est dans le même sens?
M. BURNS: Non, c'est un peu plus que ça. Il n'est pas question de
mettre le feu, mais vous êtes en train de nous le mettre, par
exemple.
LE PRESIDENT: Surtout ne le mettez pas dans l'Assemblée.
M. BURNS: Non, non, d'ailleurs, M. le Président, vous savez,
c'est peut-être un signe de la couleur du complet que je porte, c'est
froid le bleu.
LE PRESIDENT: Non, mais c'est un feu symbolique.
M. BURNS: Bon. M. le Président, je veux tout simplement dire ceci
et c'est là la directive que je vous demande: Vous avez eu recours
à l'article 150 et la raison pour laquelle j'ai eu recours à
l'article 140, c'est la façon dont le leader avait fait sa motion,
c'est-à-dire: Ce soir, demain soir, etc. Moi, je ne sais pas si la
Chambre va siéger ce soir, je ne sais pas si elle va siéger
demain, je ne sais pas si elle va siéger lundi. Si la Chambre
siège durant toutes ces périodes, je suis d'accord sur votre
interprétation, M. le Président. On va très bien
s'entendre au départ. "Les commissions élues peuvent
siéger en tout temps. Toutefois, une seule commission élue peut
siéger durant les séances de l'assemblée sur une motion
qui peut être faite en tout temps." La motion doit être faite quand
la Chambre siège. D'accord.
Mais si c'est l'intention et c'est cela que je vous demande tout
simplement, si vous ne croyez pas que cela doive changer votre attitude
du leader du gouvernement d'ajourner la Chambre et de faire siéger la
commission, parce que je pressentais cela dans sa façon de formuler: Ce
soir, demain, amusez-vous tant que vous voudrez, jasez et nous autres on se
promènera chez nous et on fumera notre cigare, à ce
moment-là, je pense que l'article 140 reprend son importance. Si nous
sommes ici en séance, cette motion peut être faite et c'est vrai
qu'elle n'est pas débattable. Mais si, par contre, l'idée est de
faire siéger la commission parlementaire sans faire siéger la
Chambre, je pense que cela prend une motion particulière qui, elle,
devient débattable, que j'aimerais bien débattre, d'ailleurs.
LE PRESIDENT: Dans cette demande double de directives, mon opinion est
la suivante, pour ce qui est de procéder à la tenue d'une
séance d'une commission pendant que la Chambre siège, ce qui est
notre cas actuellement. Une fois qu'un mandat est confié à une
commission, la commission devient maîtresse de ses travaux. Mon opinion
est que la commission qui va aller siéger, qui sortira de cette enceinte
tout à l'heure pour aller siéger ailleurs, a un mandat
d'étudier le projet de loi no 8. Elle-même, étant
maîtresse, décidera si elle doit siéger ce soir, ou demain,
ou demain après-midi, sauf dimanche, et on dit que les règlements
de l'Assemblée s'appliquent aux commissions. J'interprète que les
heures de l'Assemblée, que nous avons adoptées récemment,
s'appliquent aux commissions. Le seul moment où cette commission ne
pourra pas siéger elle pourra ajourner ses travaux et c'est la
commission qui le décidera est le dimanche,
nécessairement, et elle ne pourra pas décider de siéger si
la Chambre siège demain ou lundi, pendant les affaires courantes. Elle
pourra s'ajourner comme elle le voudra et elle travaillera comme elle
l'entendra.
M. LEVESQUE: A l'endroit qui lui plaira.
LE PRESIDENT: Bien ce serait le salon rouge, d'après moi. Ne me
compliquez pas...
M. LEVESQUE: Oui mais si demain le salon rouge est pris pour autre
chose, disons, elle peut, d'elle-même...
LE PRESIDENT: Le grand principe, c'est que...
M. LEVESQUE: Oui, oui.
LE PRESIDENT: ... la commission est maîtresse de ses travaux.
M. LEVESQUE: Bon. D'accord. LE PRESIDENT: C'est un principe. M.
LEVESQUE: Bon.
LE PRESIDENT: Alors, cette motion, faite en vertu de l'article 150,
est-elle adoptée?
M. BURNS: M. le Président, je demande le vote
enregistré.
LE PRESIDENT: Même vote?
M. BURNS: Non, M. le Président. On demande un vote. Qu'on appelle
les députés!
M. LESSARD: H y a 53 députés qui sont partis. Qu'ils
viennent voter.
LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Si je comprends bien...
M. BURNS: C'est parce qu'il y a des députés qui ne sont
pas à leur place.
LE PRESIDENT: Nous allons voter dans deux minutes. Appelez les
députés.
Que celle et ceux qui sont en faveur de la motion de l'honorable leader
parlementaire du gouvernement veuillent bien se lever, s'il vous
plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Levesque, Mailloux, Choquette, Lachapelle,
Berthiaume, Goldbloom, Quenneville, Mme Bacon, MM. Tetley, Bienvenue,
Massé, Harvey (Jonquière), Vaillancourt, Desjardins, Giasson,
Brown, Kennedy, Lamontagne, Veilleux, Brisson, Houde (Limoilou), Pilote,
Ostiguy, Picard, Carpentier, Dionne, Faucher, Harvey (Charlesbourg),
Sprin-gate, Beauregard Bonnier, Boudreault, Boutin (Johnson), Caron,
Côté, Denis, Déziel, Dufour, Harvey (Dubuc), Lachance,
Lecours, Malouin, Massicotte, Mercier, Pagé, Picotte, Sylvain, Tardif,
Verreault.
LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Morin, Burns, Léger, Charron,
Lessard.
LE PRESIDENT: Y a-t-il une abstention? Abstention de l'honorable
député de Beauce-Sud.
LE SECRETAIRE: Pour: 49
Contre : 5
Abstention : 1
LE PRESIDENT: A l'ordre! La motion est adoptée.
Etude des crédits supplémentaires
(suite)
LE PRESIDENT: L'honorable député de Jeanne-Mance, s'il
vous plaît.
M. BRISSON (président de la commission plénière): A
l'ordre! Page 107, transports. Services aux usagers, élément 1,
information, contrôle et sécurité,
M. LESSARD: Est-ce que le ministre pour- rait nous donner des
explications concernant cette augmentation à $1,510,000?
M. MAILLOUX: II s'agit en fait de deux articles dans le montant de
$580,000. Il y a un montant de $380,000 en supplément pour les
subventions accordées aux clubs de motoneiges. L'estimation qu'en avait
faite le ministère nous avait fait accorder par la Chambre un budget de
$315,000. Par la suite, les clubs de la province qui ont réussi à
recevoir leur agrément ont été tellement nombreux que le
ministère est obligé de demander un budget supplémentaire
de $365,000. Et la différence de $15,000 concerne cinq subventions, la
première au Conseil canadien de la sécurité
routière, la deuxième à la Fédération des
jeunes chambres du Canada français, la troisième à l'Ecole
de cyclisme et promenade...
M. LESSARD: C'est $20,000.
M. MAILLOUX: C'est $15,000 globalement.
M. LESSARD: $15,000 et vous me dites que ça se divise en trois
subventions.
M. MAILLOUX: En cinq subventions, Sécurité routière
de Sherbrooke et Corporation village de sécurité routière
de Chicoutimi-Nord.
M. LESSARD: Cinq de $3,000?
M. MAILLOUX: Possiblement, mais je ne pourrais pas l'affirmer. J'ai le
montant de $15,000 pour les cinq.
M. LESSARD: Bon.
M. ROY: Est-ce que vous avez la liste, M. le ministre, des subventions
qui ont été accordées pour les $580,000?
M. MAILLOUX: Je n'ai pas la liste des subventions.
M. ROY: Est-ce qu'il serait possible de nous fournir la liste?
M. MAILLOUX: Oui, nous pourrions avoir la liste de tous les clubs qui
ont reçu du ministère des Transports leur agrément durant
la saison et la déposer en Chambre, je pense, dans un délai de
quelques jours, même avant l'ajournement de la Chambre.
M. LESSARD: Est-ce qu'il s'agit, M. le Président, concernant les
clubs de motoneige, du programme qui avait été accepté
l'an dernier et qui était au montant de $600,000? C'était un
programme d'aide selon le nombre de membres dans un club, le nombre de milles
de construction de pistes de motoneige. Est-ce qu'il s'agit de ce
programme?
M. MAILLOUX: II s'agit en fait, je pense, d'un règlement
découlant du règlement numéro 7, où tous les clubs
qui rencontraient les exigences du ministère des Transports et qui
pouvaient recevoir, en se conformant à ces exigences, leur
agrément, recevaient une subvention statutaire, suivant le nombre de
milles de route qui étaient entretenus par les clubs de motoneige et le
nombre de membres. Malheureusement, plusieurs clubs n'ont pu satisfaire
à ces exigences, principalement sur la rive nord du Saint-Laurent, et
n'ont pu avoir la subvention donnée. Cela s'est produit malheureusement
également dans mon comté où les clubs n'ont pu recevoir
cet agrément. Mais tous les clubs qui ont satisfait aux exigences du
ministère ont reçu la subvention au prorata des membres et du
millage que ces clubs devaient entretenir.
M. LESSARD: Maintenant, à quelle date doivent se faire la
date finale ces demandes? Est-ce le 1er décembre ou si encore,
actuellement, certains clubs pourraient faire la demande au
ministère?
M. MAILLOUX: Non. Dans les clubs auxquels je me référais,
de la rive nord, qui n'ont pu être acceptés, il y avait une date
limite où les demandes devaient être enregistrées au
ministère. Tous les clubs qui, par la suite, ont fait des demandes, ont
été reportés aux prochaines prévisions
budgétaires. Il faudra forcément attendre après le 31
mars. Je pourrai informer ultérieurement le député de
Saguenay de la date finale à laquelle les clubs auront à se
conformer, s'ils désirent être éligibles aux subventions du
prochain budget.
M. LESSARD: Est-ce que le ministre...
M. ROY: M. le Président, sur cette information...
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que vous fassiez
rapport.
M. LESSARD: C'est une motion débattable, ça. M. le
Président, c'est une motion débattable. M. le Président,
on ne sait pas trop où on s'en va; il faudrait que le leader
parlementaire nous explique un peu dans quelle direction il a
décidé d'aller d'ici à demain soir. On vient de commencer,
il y a à peine quelques minutes, la discussion sur les crédits du
ministère des Transports. Or, je ne sais pas quelle mouche le pique de
ce temps-ci ou s'il n'est pas capable de planifier son travail, mais
voilà que le leader parlementaire du gouvernement nous dit: Je propose
qu'on fasse rapport.
M. le Président, même si on est six députés
en cette Chambre, nous n'avons pas l'intention de nous laisser bousculer avec
des tracasseries comme semble vouloir le faire actuellement le leader
parlementaire du gouvernement. Il sem- ble que le leader parlementaire du
gouvernement veut faire de la procédurite; il nous le prouve, ce n'est
pas la première fois.
Ce matin, et si c'était la première fois encore, mais ce
matin, alors que mon collègue et d'autres collègues avaient
l'intention de discuter sur un projet de loi concernant l'agriculture,
voilà qu'une autre mouche le piquant le leader parlementaire du
gouvernement nous propose l'ajournement du débat. Je voudrais bien que
le leader du gouvernement soit un peu plus logique, que le leader du
gouvernement planifie un peu mieux son travail, que le leader du gouvernement
aide, en tout cas, les parlementaires de l'Opposition à pouvoir
planifier leur travail aussi.
Nous nous préparions pour discuter des crédits du
ministère des Transports. Après quelques minutes, deux ou trois
minutes d'autant plus que nous étions en train de discuter d'un
article particulier au moment où on avait engagé le
débat avec le ministre des Transports, au moment où ce ministre
commençait à nous donner un certain nombre de renseignements,
voilà que le leader nous coupe tout simplement, le leader nous
arrête de parler, et là il fait une motion. Il me semble que non
seulement c'est de l'impolitesse pour l'Opposition officielle, M. le
Président, mais c'est même de l'impolitesse pour le ministre, qui
n'a même pas été consulté dans la décision du
leader parlementaire du gouvernement.
Le ministre a attendu depuis ce matin pour discuter des crédits
des Transports, et voilà qu'on coupe la parole au ministre, voilà
qu'on arrête le ministre de nous donner...
M. MALOUIN: ... il n'a rien compris. LE PRESIDENT (M. Brisson): A
l'ordre!
M. LESSARD: Voilà, M. le Président qu'on coupe la parole
au ministre, on devrait plutôt couper la parole aux députés
qui n'appliquent pas les articles 26 et 50 du règlement. Depuis ce matin
au moins ils auraient dû apprendre un certain nombre d'articles. Alors,
on veut nous, en tout cas, faire un travail efficace, un travail utile dans
cette Chambre. Pour faire ce travail efficace et utile, on a besoin...
M. LEVESQUE: On va être franc.
M. LESSARD: ... de savoir ce qu'on va avoir à discuter
aujourd'hui, puis ce qu'on va avoir à discuter demain, M. le
Président. Il me semble que c'est une chose qui est logique. Je
comprends que les libéraux ont le feu à la bonne place, et ce ne
sont pas les députés du Parti québécois qui vont
mettre le feu au salon rouge.
J'ai l'impression, M. le Président, que les députés
du Parti québécois, la seule chose qu'ils ont faite depuis ce
matin, en plus de discuter sérieusement sur un projet de loi important,
ç'a été de mettre le feu à la bonne place des
députés libéraux et en particulier du leader
parlementaire du gouvernement. Avec la quantité de députés
qu'on a, de l'autre côté de la Chambre puis tout autour de nous,
il me semble que le leader du gouvernement devrait être capable d'avoir
de l'esprit de décision.
Quand il décide que ce sont les crédits qu'on discute, il
me semble, M. le Président, que si le leader parlementaire est quelque
peu responsable des décisions qu'il prend, il ne doit pas modifier ces
décisions-là deux ou trois minutes par la suite, après
qu'un engagement sérieux ait commencé à se faire entre les
membres de l'Opposition et le ministre des Transports. Je trouve cela
absolument illogique, je trouve cela absolument insensé, je trouve cela
absolument irresponsable de la part du leader du gouvernement qui devrait, lui
qui nous demande de prendre nos responsabilités et qui nous accuse
à tort et à travers, comme il l'a fait ce matin, justement de ne
pas respecter notre parole, il me semble que le leader du gouvernement devrait,
lui aussi, nous prouver qu'il a organisé son travail, lui aussi nous
prouver qu'il sait où il va, lui aussi nous prouver qu'il est prêt
à montrer une certaine collaboration aux députés de
l'Opposition et nous dire quel travail nous aurons à faire d'ici les
quelques heures qui nous restent à siéger avant d'ajourner
à lundi prochain.
Il me semble que c'est quelque chose d'élémentaire,
quelque chose d'important pour les six députés que nous sommes et
les deux députés créditistes qui sont ici en cette
Chambre. Nous avons malheureusement, à cause du nombre, des dossiers
importants à assimiler et on doit les assimiler très vite, ces
dossiers-là. Pour pouvoir, en tout cas, partager le travail entre les
six, et aussi pour les deux autres députés créditistes, il
faut savoir quel travail nous avons à faire. Toutes ces tracasseries
administratives, ce n'est pas la première fois, M. le Président,
que cela se présente. Dès l'ouverture de l'Assemblée
nationale, nous avons eu à discuter de ce problème-là, des
tracasseries administratives que le gouvernement tente de nous créer
pour nous mettre des bâtons dans les roues continuellement.
C'est justement là qu'on voit ce que le gouvernement tente,
à cause, comme dit le député de Saint-Jacques, de sa
représentation grotesque; il tente de bloquer l'Opposition, il tente
d'empêcher l'Opposition de faire son travail; il essaie d'empêcher
l'Opposition de planifier son travail pour, justement, écraser les
représentants de 45 p.c. de la population.
M. VEILLEUX: 45 p.c, il sont rendus à 45 p.c.
M. LESSARD: Qui n'ont pas voté pour le Parti libéral, quoi
qu'en dise le député...
M. VEILLEUX: Cela va finir qu'ils vont avoir gagné, M. le
Président.
M. LESSARD: ... insignifiant de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: M. le Président, question de privilège.
M. LESSARD: Quoi qu'il en dise, M. le Président.
M. VEILLEUX: Question de privilège, qu'il retire le mot
"insignifiant" qu'il vient de prononcer. Cela s'applique à lui, pas
à moi.
M. CHARRON: Votre leader vient de vous faire signe.
M. VEILLEUX: Cela, ça ne te regarde pas le jeune.
M. CHARRON: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! A l'ordre, messieurs!
M. VEILLEUX: Qu'il retire ses paroles, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! A l'ordre !
M. CHARRON: M. le Président, j'invoque le règlement. Il me
semble qu'à l'intérieur d'un parti comme celui-là il doit
y avoir un minimum...
LE PRESIDENT (M. Brisson): Quel article?
M. CHARRON: J'invoque le règlement pour rétablir les
faits, M. le Président.
M. LESSARD: Une question de règlement, M. le
Président.
M. CHARRON: J'ai l'impression qu'à l'intérieur d'un parti
comme celui-là, il doit y avoir un minimum d'autorité. Le leader
fait signe à son "back-bencher" de ne pas intervenir pour ne pas
prolonger inutilement les débats, c'est-à-dire qu'il se
résigne à assister passivement au débat mais il intervient
quand même, M. le Président.
M. LEVESQUE: M. le Président, ce n'est pas une question de
règlement, cela.
DES VOIX: A l'ordre! A l'ordre!
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre! Je ne crois pas que ce soit une
question pertinente au débat et j'inviterais le député de
Saguenay à continuer.
M. CHARRON: C'est un manque de respect de l'autorité.
M. LESSARD: M. le Président, comme je suis très
respectueux des règlements et qu'il est vrai que j'ai probablement
utilisé un terme non parlementaire à l'égard du
député de Saint-Jean et comme il nous est impossible quelquefois
de dire à certains députés la vérité en
cette Chambre, alors j'accepte de retirer mes paroles, tout en n'en pensant pas
moins.
M. VEILLEUX: C'est réciproque.
M. LESSARD: M. le Président, il semble que les 102
députés libéraux...
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je ferai remarquer au député de
Saguenay que son temps est expiré.
M. LESSARD: M. le Président, je termine en disant que nous avons
l'intention de faire notre travail malgré les tracasseries du leader du
gouvernement. Malgré les tracasseries du gouvernement actuel pour
essayer de nous écraser, on va le faire.
LE PRESIDENT (M. Brisson): A l'ordre, messieurs!
La motion est-elle adoptée?
M. ROY: M. le Président...
M. LEVESQUE: M. le Président, non.
M. ROY: ... en vertu de l'article 50, je soulève une question de
privilège et je suis dans mon droit. L'article 50 dit ceci: "Un
député qui soulève une question de privilège doit
se borner à protester." Je vais me limiter à protester contre
cette façon de procéder. On fait des petites motions, puis on
dit: Toi, Roy, tais-toi. On dirait qu'on est revenu aux années 1950,
1955, 1956. Je proteste, M. le Président, en vertu de l'article 50,
contre cette façon de procéder, contre ce manque de
planification, contre ce bâillonnement continuel et je proteste
également...
M. LEVESQUE: Il n'a pas le droit de parler, M. le Président,
à ce moment-ci.
M. ROY: ... en vertu de l'article 50... LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ROY: ... contre cette perte de temps continuelle. On s'amuse,
à l'heure actuelle, comme des enfants aux frais des contribuables du
Québec. Je pense qu'on devrait faire preuve de beaucoup plus de
sérieux.
M. MALOUIN: C'est pour vous autres, ça.
M. ROY: Si nous avons des petites questions à poser à
l'honorable ministre des Transports c'est normal que nous ayons des
questions à poser; j'en ai posé et j'en ai à poser aussi
je n'entends pas être bâillonné...
LE PRESIDENT (M. Brisson): La motion, s'il vous plaît.
M. ROY: ... et être manipulé par des motions sur lesquelles
je n'ai pas droit de prendre la parole. M. le Président, en vertu de
l'article 50, je proteste.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Cette motion est-elle adoptée?
M. LESSARD: M. le Président, motion dé-battable.
M. LEVESQUE: Non, non.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Motion dé-battable par un
représentant de chaque parti.
M. LESSARD: Donnez-moi l'article.
M. CHARRON: Nous sommes en commission plénière.
M. LESSARD: Nous sommes en commission plénière.
M. LEVESQUE: Non, non. Un instant, lisez votre règlement. Vous
m'avez demandé de lire le règlement.
M. CHARRON: Lisez-le donc. Vous vous êtes mal pris, hier. Vous ne
connaissiez même pas l'article 77, comme leader du gouvernement.
Lisez-le, l'article du règlement qui m'interdit de parler, actuellement.
Lisez-le donc. Vous ne le connaissez même pas.
M. LEVESQUE: 157.
M. LESSARD: Oui, d'accord.
M. LEVESQUE: 1. "En commission plénière, un
député peut proposer de rapporter à l'Assemblée que
la commission n'a pas fini de délibérer et qu'elle demande la
permission de siéger à nouveau. En commission élue, un
député peut proposer que la commission ajourne ses travaux. 2.
Ces motions sont mises aux voix, sans amendement, et elles ne peuvent
être faites qu'une fois au cours d'une séance, sauf par un
ministre. Elles ne peuvent être débattues, sauf qu'un
représentant de chaque parti reconnu peut prononcer un discours de dix
minutes chacun à leur sujet."
Je demanderais au député de Saint-Jacques de
s'excuser.
M. LESSARD: M. le Président, on peut quand même
s'essayer.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. LEVESQUE: Adopté.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Adopté.
M. LESSARD: Sur division, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Sur division, d'accord.
M. LEVESQUE: Le rapport.
M. BRISSON (président de la commission plénière):
M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission n'a
pas fini de délibérer et demande la permission de siéger
à nouveau.
LE PRESIDENT: Très bien.
M. LEVESQUE: Je propose l'ajournement de la Chambre à mardi, dix
heures de la matinée.
LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à mardi
prochain, dix heures.
(Fin de la séance à 17 h 48)