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(Dix heures quarante minutes)
M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs !
Affaires courantes. Présentation de pétitions. Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
commissions élues.
Commission des Affaires sociales
M. FORTIER: M. le Président, la commission des Affaires sociales
a l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son deuxième
rapport. Votre commission s'est réunie pour étudier le projet de
loi no 65, réimprimé, Loi de l'organisation des services de
santé et des services sociaux, les 15 et 17 décembre 1971.
M. LE PRESIDENT: Ce rapport est-il lu et reçu?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Agréé. M. LE PRESIDENT:
Reçu.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je ne sais pas si c'est bien
conforme à la procédure mais je voudrais simplement indiquer,
suite à ce rapport du président de la commission, que les
amendements dont il a été question au moment de la discussion du
projet de loi et sur lesquels il devait y avoir vérification du texte
quant à la façon exacte de les rédiger seront
distribués avant la reprise des travaux à deux heures trente cet
après-midi.
M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés. Présentation de bills
publics.
M. LEVESQUE: D.
Projet de loi no 266 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
première lecture du projet de loi intitulé Loi sur la
pharmacie.
M. CASTONGUAY: Les notes explicatives sont très longues mais
elles sont de même nature que les autres.
M. LE PRESIDENT: De même nature.
M. LOUBIER: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?
Est-ce que le dépôt signifie que le délai court dès
ce moment-ci pour la présentation des mémoires?
M. LEVESQUE: Non. Ce sera le dernier et il ne sera pas
déposé ce matin, mais au cours de la semaine, probablement.
M. PAUL: Samedi matin.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
M. CARDINAL: On comprend que c'est la même motion que dans les
autres cas?
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, je retire la deuxième lecture.
M. CARDINAL: Nous sommes en train de devenir le gouvernement.
M. LEVESQUE: Je vais attendre que les deux soient appelés pour
faire la motion pour les deux en même temps.
M. CARDINAL: D'accord! M. LEVESQUE: F.
Projet de loi no 273 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
première lecture du projet de loi des infirmières et
infirmiers.
Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose que ces deux projets de
loi soient maintenant déférés à la commission
parlementaire spéciale sur les professions.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Agréable. M. LE PRESIDENT:
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents. Questions des députés.
Questions et réponses
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
Achat de firmes canadiennes par des Américains
M. ROY (Beauce): M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
Est-ce que l'honorable ministre des Institutions financières
pourrait nous dire s'il a pris connaissance d'une nouvelle de la Presse
canadienne, en fin de semaine, à l'effet qu'une compagnie
américaine s'apprêtait à acheter six maisons canadiennes,
maisons oeuvrant dans le domaine des finances?
Deuxièmement...
M. TETLEY: Pardon?
M. ROY (Beauce): Est-ce que le ministre a pris connaissance d'une
nouvelle à l'effet qu'une entreprise américaine, la Retail Credit
Company, s'apprête à acheter six maisons de crédit
canadiennes? Comme ceci aurait des répercussions sur les institutions
financières du Québec, est-ce que le ministre pourrait nous dire
s'il a pris connaissance de cette nouvelle? Si oui, est-ce que son
ministère entend faire des représentations auprès du
gouvernement fédéral? Si oui, encore, quelles sont les
représentations que le gouvernement entend faire?
M. TETLEY: Je prends note de la question, M. le Président. J'ai
eu certaines nouvelles, mais pas exactement les mêmes que les
vôtres. Je vais répondre demain.
M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que le ministère des Institutions financières a
l'intention d'étudier cette question à fond et de faire les
représentations qui s'imposent en vue de protéger les droits que
nous avons au Québec et d'éviter qu'il y ait trop d'implications
sur nos institutions financières québécoises?
M. TETLEY: J'en prends bonne note, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
Politique fiscale du gouvernement
fédéral
M. LATULIPPE: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre du Revenu. A dix jours de l'application du bill C-259,
est-ce qu'un travail sérieux se fait au ministère, surtout sur la
question de la politique fiscale du Québec? Quels sont actuellement les
objectifs du ministre, en regard de la nouvelle Loi C-259, qui, on le sait, va
révolutionner un peu la pratique comptable en économie
fiscale?
M. HARVEY (Jonquière): M. le Président, la politique du
gouvernement du Québec en ma- tière fiscale sera annoncée
par le ministre des Finances dans une déclaration ministérielle
qu'il fera dans quelques jours.
M. LATULIPPE: Question additionnelle, M. le Président. Dois-je
comprendre qu'elle sera annoncée avant la fin de la présente
session?
M. HARVEY (Jonquière): Oui, M. le Président.
M. LATULIPPE: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Dévaluation du dollar américain
M. LAURIN: Ma question s'adresse au premier ministre. Lors du
débat de samedi, le premier ministre a fait une minidéclaration
ministérielle sur les effets, au Québec, de l'abolition de la
surtaxe et de la dévaluation du dollar américain,
déclaration qu'il a reprise hier sur les ondes.
Est-ce que le premier ministre pourrait reprendre, dans une
déclaration plus complète, les effets possibles, sur le
Québec, de la nouvelle politique américaine, d'une part, et,
d'autre part, si le Québec entend prendre des mesures d'ajustement en
rapport avec la nouvelle politique américaine qui a été
annoncée?
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai dit, hier et avant-hier, que
dans l'ensemble, je crois qu'il faudra attendre quelques jours pour voir quel
sera l'état de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar
américain. La force concurrentielle du Québec pourrait être
accrue, notamment vis-à-vis des pays qui ont une hausse de leur monnaie.
La situation du Québec est améliorée également par
l'abolition de la surtaxe.
Il reste à voir quel sera l'effet, et nous le saurons au cours
des prochains jours. Il est très plausible qu'il n'y ait pas tellement
de changement entre le dollar canadien et le dollar américain,
étant donné que nous avons un taux flottant. Mais nous serons
fixés là-dessus d'ici quelques jours.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
Adoption du projet de loi no 64
M. PAUL: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup
d'intérêt certaines déclarations faites hier par
l'honorable premier ministre qui a dit notamment, sur les ondes, qu'il
espérait que la Chambre adopte avant Noël le projet de loi 65, le
projet de loi 28 et le budget supplémentaire.
Est-ce que c'était intentionnel de la part du premier ministre
d'écarter, du revers de la main, le projet de loi 64, car nous
désirons beaucoup plus d'agriculture que de procédure?
M. BOURASSA: M. le Président, avec la collaboration des
Oppositions. J'ai donné quelques exemples à l'émission
Bourassa dialogue. Il y a évidemment la question de l'intégration
des forces policières qu'il faut absolument adopter avant le 1er
janvier. Il y a les projets de loi sur la Société
générale de financement et sur les caisses populaires. Ce sont
d'autres projets et, évidemment, cela dépendra de la longueur des
débats, mais il paraît essentiel de les adopter.
Quant au bill 64 j'ai été relativement
modéré dans mes critiques de l'Opposition il reste que
nous aurions pu avancer beaucoup plus loin dans ce bill s'il n'y avait pas eu
le long débat sur la Loi de l'évaluation foncière.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que le premier ministre a pris
connaissance d'une déclaration faite par M. Allain en fin de semaine qui
demande au gouvernement de retirer le bill 48 ou de l'amender
immédiatement?
M. LEVESQUE: Il est adopté.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. ROY (Beauce): M. le Président, est-il exact que c'est
l'intention du gouvernement de tenir l'Opposition responsable du fait que le
bill 64 ne serait pas adopté avant les Fêtes?
M. BOURASSA: La population jugera, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Subventions aux universités
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de l'Education. A la suite
de la parution du rapport du Conseil des universités qui blâme le
gouvernement pour ne pas annoncer assez tôt ses subventions,
c'est-à-dire en juillet cette année alors que les
universités ont besoin que ces subventions soient annoncées en
février pour pouvoir effectuer leur rationalisation budgétaire,
est-ce que le ministre entend prendre des mesures ou a déjà pris
des mesures pour que la politique de subventions du ministère aux
universités soit annoncée à une date qui permette aux
universités de rationaliser leur budget?
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, les mesures ont
déjà été prises pour permettre aux
universités de connaître l'état de leur budget de
fonctionnement vers la mi-mars, ce qui nous semble satisfaisant compte tenu du
délai requis par les universités elles-mêmes pour
préparer leur état financier.
M. LAURIN: Les mesures ont-elles déjà été
prises ou si elles vont être prises, et est-ce que les universités
en ont été informées?
M. SAINT-PIERRE: Les mesures ont déjà été
prises, M. le Président. J'ai rencontré moi-même les
recteurs d'université il y a environ cinq semaines et le processus se
déroule normalement entre le Conseil des universités et le
ministère de l'Education pour l'établissement des critères
et la révision des budgets des universités, incluant les cas
particuliers.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales aimerait
répondre à une question posée à une séance
antérieure.
Hôpitaux à l'extérieur du
Québec
M. CASTONGUAY: C'est la question qu'on m'a adressée vendredi ou
samedi au sujet de la couverture de certains examens dans les hôpitaux
à l'extérieur du Québec. Il s'agit des examens ou services
rendus dans des cas d'urgence. Le problème se pose, non pas à
cause du fait que le Québec a dans son régime
d'assurance-hospitalisation une couverture plus limitée que les autres
provinces, mais c'est plutôt l'inverse.
Certains services sont couverts en consultation externe dans les
hôpitaux du Québec et ce n'est pas le cas dans les hôpitaux
à l'extérieur du Québec. Alors, c'est de là que
provient le fait qu'il y a des gens, des Québécois, qui se font
traiter à l'extérieur dans des cas d'urgence. Ils sont
facturés par les hôpitaux pour les services reçus, alors
que, s'ils les recevaient dans les hôpitaux du Québec, ils
n'auraient pas à payer ces frais.
Alors, nous avons amorcé des discussions avec le gouvernement de
l'Ontario sur cette question et il semble bien que, dans un cas, ces
discussions vont nous mener à une entente particulière avec un
hôpital puisque la solution générale de ce problème
dépend essentiellement du gouvernement des autres provinces. C'est
à eux à décider s'ils couvrent ce type de service, tout
comme cela a été fait au Québec déjà.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Nicolet.
Projet de loi no 64
M. VINCENT: M. le Président, en l'absence du ministre de
l'Agriculture et de la Colonisation, ma question s'adresse à l'honorable
ministre de l'Industrie et du Commerce. Est-ce que le ministre de l'Industrie
et du Commerce et leader parlementaire du gouvernement a informé le
ministre de l'Agriculture que, ce matin, le bill 64 ne serait pas appelé
contrairement à ce que, nous, de l'Opposition, pensions? Car nous nous
sommes préparés hier au lieu d'aller dans nos familles.
M. BOURASSA: M. le Président, j'ai discuté tantôt
avec les différents chefs de partis et le représentant du
Ralliement créditiste. Nous
sommes pris devant une situation d'urgence pour ce qui a trait au budget
supplémentaire. Il y a quand même un budget de $79 millions pour
les assistés sociaux. Il doit être voté pour que les
assistés sociaux puissent recevoir leur paiement. Alors, j'ai
prévenu les chefs de partis et j'ai obtenu leur accord sur le fait qu'on
procéderait immédiatement à l'étude du budget
supplémentaire.
M. VINCENT: Question supplémentaire au premier ministre. Comme
les agriculteurs deviendront bientôt des assistés sociaux à
cause du bill 48...
M. LE PRESIDENT: Question! Question! M. LEVESQUE: A l'ordre!
M. VINCENT: ... et des trente-six mesures d'assistance qui sont
disparues, est-ce qu'il ne serait pas urgent de revenir au bill 64 ce
matin?
M. LEVESQUE: A l'ordre!
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement
pour rectifier les faits. Le premier ministre a dit qu'il avait consulté
tout à l'heure les chefs de parti, dont le représentant du
Ralliement créditiste. Alors, la seule question que j'ai posée au
premier ministre, ce matin, était: Quels sont les travaux du jour, sur
quels sujets allons-nous discuter en particulier? Je tiens à dire qu'on
ne nous a pas demandé notre avis à savoir si on devait ou non
accepter d'étudier le bill 64. Je tiens à rectifier les faits. Je
n'ai pas de question à poser.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.
M. LOUBIER: Le premier ministre a, en fait, demandé ce matin
quelle était mon opinion sur l'ordre des travaux. Je dois dire qu'il est
vrai que le premier ministre m'a consulté quant à l'ordre
à suivre des travaux, sauf avec la petite nuance que j'ai
suggéré au premier ministre de commencer par le bill 64 parce
qu'il me paraissait urgent de vider cette question. Dans l'ensemble, nous
sommes prêts à discuter l'article qui sera appelé par le
gouvernement, mais j'ai manifesté ce regret qu'on n'appelle pas le bill
64 en premier.
M. LAURIN: Sur un point de règlement ou de privilège, M.
le Président. Le premier ministre nous a informé
plutôt que consultés ce matin de ses
préférences pour tel ou tel projet de loi. Ce que nous avons dit,
pour notre part, c'est que nos préférences allaient au projet de
loi 64 dont la discussion, qui avait été commencée,
devait, à notre avis, se poursuivre, mais que, s'il avait des raisons
très probantes à nous apporter, autres que celles qu'il vient de
nous donner et qui sont les mêmes que celles de l'an dernier, nous
serions peut-être prêts à discuter. Par ailleurs, nous lui
avons dit que nous ne sommes qu'au 20 décembre, qu'il y a encore 11
jours dans le mois de décembre et que nous sommes prêts à
siéger ici continuellement afin de faire notre travail et que tous les
projets de loi importants soient adoptés.
Un mort au pavillon Claude
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales. Il y
aurait eu, paraît-il un mort lors du transfert des enfants du pavillon
Claude à une autre institution à Aylmer. Est-ce que le
ministère a fait enquête? Est-ce qu'il est maintenant
prouvé que cette mort n'est pas du tout attribuable au
déménagement?
M. CASTONGUAY: Il s'agit d'un cas, à mon avis, extrêmement
pénible parce que l'on voit par cet exemple que l'Association des
hôpitaux privés semble être prête à utiliser
quoi que ce soit qui se produise pour compliquer le travail, pourtant
essentiel, que le gouvernement doit faire quant à la protection de la
santé publique, particulièrement dans des cas où il s'agit
de déficience mentale profonde où, bien souvent, les parents ne
sont pas en mesure, pour diverses raisons, d'exercer leur rôle
habituel.
Dans le cas du transfert des enfants du pavillon Claude, il y a eu,
quelques jours après le transfert, un décès. Il s'agissait
d'une personne qui avait vécu à l'état
végétatif depuis l'âge de cinq mois, qui avait atteint
l'âge de 18 ans. Il y a eu enquête du coroner. Cette enquête
a révélé que cette personne a passé très
près de la mort à quatre ou cinq reprises au cours de son
existence et que son décès n'était relié en aucune
façon au transfert des enfants du pavillon Claude à Aylmer.
J'en profite pour ajouter aussi que, lorsque cette rumeur a
été lancée, on a dit que des enfants se seraient
blessés par le fait que, dans le nouvel établissement, sous la
responsabilité du pavillon du Parc, ils n'étaient plus
attachés. Il y a eu un peu d'agitation, au début, chez les
enfants mais le tout est rentré normalement dans l'ordre.
Déjà les enfants, selon les rapports des inspecteurs du
ministère, ont un comportement beaucoup plus humain et normal
qu'auparavant.
J'espère que ceci répond à la question du
député. Je voulais en même temps en profiter pour
dénoncer ce genre de démagogie qui me paraît
extrêmement pénible puisqu'elle touche à des vies
humaines.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
Amendements au projet de loi du syndicalisme
agricole
M. BELAND: L'honorable ministre de
l'Agriculture a-t-il l'intention, dès ce matin, de déposer
les amendements à la Loi du syndicalisme agricole, amendements qu'il
devait déposer avant de continuer à étudier?
M. TOUPIN: M. le Président, j'ai déposé les
amendements samedi soir. Je pense que chacun des partis peut
présentement en prendre connaissance.
M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre pourrait-il faire
parvenir au Ralliement créditiste une copie de ces amendements? J'ai
été en Chambre jusqu'à minuit, samedi, et en aucun moment
on n'est venu nous les porter.
M. LEVESQUE: M. le Président, les amendements ont
été déposés sur la table du secrétaire de
l'Assemblée nationale. Ces amendements sont disponibles pour chacun des
membres de l'Assemblée.
Il est vrai qu'il y avait deux copies: Une est restée sur la
table et l'autre a été remise entre les mains du leader
parlementaire de l'Opposition officielle, qui l'a passée quelques
instants plus tard au député de Nicolet.
M. PAUL: M. le Président, je m'oppose si on a voulu traiter
l'Unité-Québec d'une façon préférentielle.
Je crois que tous les partis d'Opposition doivent être traités
équitablement et qu'on aurait dû également en donner une
copie à mon honorable ami, le député de Lotbinière,
et au spécialiste de l'agriculture, le député de
Sainte-Marie.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bagot.
Budget supplémentaire
M. CARDINAL: Maintenant que le ministre de l'Agriculture a fait son
apparition, est-ce qu'il pourrait accepter la collaboration de l'Opposition
pour étudier aujourd'hui le projet de loi no 64?
M. BOURASSA: Nous aurions préféré nous aussi
continuer avec le projet de loi no 64, mais le ministre des Finances m'a
laissé un S.O.S. ce matin en disant qu'il fallait absolument
procéder au budget supplémentaire si nous voulons que, notamment,
la classe la plus défavorisée de la société puisse
recevoir les paiements auxquels elle a droit et dont elle a extrêmement
besoin.
M. PAUL: Question additionnelle...
M. ROY (Beauce): Les cultivateurs ont également lancé des
S.O.S.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Est-ce que nous pourrions deman- der au ministre des Finances
de retirer temporairement son S.O.S.?
M. GARNEAU: Je le ferais bien, M. le Président, mais pour les
mêmes raisons que vient d'indiquer le premier ministre, d'autres
personnes ne seraient peut-être pas en mesure de le faire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Lotbinière.
Demande des garagistes
M. BELAND: J'aurais une question à poser au ministre des
Richesses naturelles. Est-ce que l'honorable ministre a reçu de la
Fédération des garagistes une demande bien spécifique
à la suite du bill no 90?
M. MASSE (Arthabaska): Je ne suis pas au courant, je prends avis de la
question. Il est possible que ce matin il y ait eu de la correspondance
à ce sujet.
M. BELAND: Question supplémentaire, à savoir que les
garagistes demandent à être consultés avant la
préparation des règlements.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Le but d'une question est d'obtenir des
renseignements, et non pas d'en donner.
L'honorable député de Chicoutimi.
Protestation des constructeurs d'habitations
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que je pourrais
poser une question au ministre des Affaires municipales? Est-ce qu'il a
reçu les télégrammes de protestation de l'Association des
constructeurs d'habitations concernant le projet de loi no 48 tel qu'il a
été adopté?
M. TESSIER: Non, je n'ai pas reçu de tel
télégramme.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle. Est-ce que le ministre
pourrait s'enquérir auprès des nombreuses personnes qui le
servent pour se faire traduire ce télégramme qui était en
français?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question à poser au premier
ministre. Est-ce que j'ai bien compris tantôt quand il a dit que
l'urgence du budget supplémentaire était créée par
le poste de l'aide sociale?
M. BOURASSA: Le budget est de $132 millions, et l'aide sociale est de
$89 millions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est la raison principale?
M. BOURASSA: C'est l'une des raisons.
M. CLOUTIER (Montmagny): Parce que j'ai fait un calcul rapide de l'aide
sociale, et il y en a avec le budget actuel pour jusqu'au 15 janvier.
DES VOIX: Ah! Ah!
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
député devrait savoir que si nous ne votons pas cela il
n'y aura pas de session aux mois de janvier et février avant le
31 décembre...
M. PAUL: On ne le sait pas.
M. BOURASSA: ... si ce n'est pas voté d'ici la fin de la session
je vois que le député veut blaguer il va y avoir
des problèmes extrêmement sérieux au mois de janvier. A
moins que les députés veuillent siéger tout le mois de
janvier et tout le mois de février.
M. PAUL: Nous sommes prêts.
M. BURNS: Nous avons dit à plusieurs reprises que nous
étions bien d'accord pour revenir. Il n'y a pas de problème. Je
ne vois pas pourquoi le premier ministre s'énerve.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous sommes payés pour ça.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M. VINCENT: Bill no 64. M. LEVESQUE:
Un instant.
M. BURNS: Le problème des taxis à Montréal, voyons
donc!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les camionneurs artisans !
M. BURNS: Qu'est-ce qu'ils vont dire, les chauffeurs de taxis de votre
comté, M. le premier ministre?
M. BOURASSA: Est-ce que le député est prêt à
discuter du bill 23 pour protéger les chauffeurs de taxi?
M. BURNS: Le bill 64.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les camionneurs artisans !
M. BURNS: M. le Président, non seulement le premier ministre a
trompé l'Opposition, mais il a trompé les agriculteurs qui ont
probablement passé la fin de semaine ici.
M. LEVESQUE: Voyons!
M. BOURASSA: J'invoque le règlement, M. le Président.
M. BURNS: Ah non! c'est exactement ça!
M. BOURASSA: C'est absolument faux, c'est de la démagogie.
M. BURNS: Pas du tout.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement. Est-ce que le
premier ministre a consulté son collègue, le ministre de la
Voirie, au sujet des camionneurs artisans, particulièrement ceux de
Drummondville?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai appelé les affaires du jour.
M. PINARD: Vous avez mal dormi! M. LEVESQUE: 1
Comité des subsides
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances propose que je quitte
maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité des
subsides.
Cette motion est-elle adoptée?
M. PAUL: Non, non! ne bougez pas!
M. BOURASSA: Cela va prendre du temps. Un autre filibuster.
M. Gabriel Loubier
M. LOUBIER : M. le Président, j'aurais
préféré me lever ce matin pour discuter du bill 64,
d'autant plus qu'on nous en avait laissé l'impression en fin de
semaine.
M. le Président, le leader sait que j'ai le droit de traiter de
tous les sujets, que j'ai la plus complète latitude de choisir les
thèmes de mon intervention; j'ai également le temps
accordé, par les règlements, pour faire un tour d'horizon, si je
le veux bien, des politiques du gouvernement. Il sait fort bien
également que j'ai le droit de préfacer le propos que j'entends
tenir sur le budget supplémentaire proposé par le ministre des
Finances. C'est pourquoi dans ma préface je voulais tout simplement dire
aux ministériels, et plus particulièrement au premier ministre,
que j'aurais été le député le plus heureux, ce
matin, de commencer nos travaux par l'étude du projet de loi 64.
M. LEVESQUE: M. le Président...
M. LOUBIER: M. le Président, est-ce que le leader a des
interventions?
M. LEVESQUE: Certainement, parce qu'il y a un débat en cours,
ceci paraît au feuilleton. Je ne crois pas que l'on puisse faire
allusion, dans un autre débat, à un débat non pas
seulement antérieur, mais en cours.
M. LOUBIER: M. le Président, disons que dans ma phrase
j'enlève l'allusion au bill 64 et dis simplement que nous aurions tous
souhaité ardemment, ce matin,...
UNE VOIX: Nous aussi.
M. LOUBIER: ... que les députés de cette Chambre puissent
se prononcer sur l'urgence et la nécessité d'étudier en
profondeur toutes les implications du syndicalisme agricole, des taxations, des
programmes que l'on pourrait apporter pour aider l'agriculture. De toute
façon, M. le Président, je pense que le budget
supplémentaire, tel que soumis par le ministre des Finances, est le
reflet le plus exact du gouvernement actuel.
Je dis ceci, M. le Président, parce que le budget principal et
les budgets supplémentaires sont là pour témoigner du
dynamisme d'un gouvernement, pour témoigner des priorités
auxquelles un gouvernement doit s'attaquer dans la conjoncture que nous
traversons. Je vous dis que ce budget manifeste, encore une fois, un geste de
déception et que le gouvernement provoque, par ce budget, la stagnation,
démontre son imprévoyance, son incapacité à
gouverner et également vient cristalliser son état de
sclérose qui devient de plus en plus alarmant au Québec.
C'est un budget tellement terne, M. le Président, un budget qui
manque tellement d'audace, de détermination et de dynamisme qu'on peut
dire, d'une façon très honnête, qu'il est à l'image
du gouvernement, inodore et incolore.
M. le Président, un budget supplémentaire, dans son
essence, est apporté pourquoi? Premièrement pour parer à
des imprévus qui pourraient provenir de cas fortuits et qui obligeraient
le gouvernement à manifester son souci de parer à ces
imprévus.
Un budget supplémentaire peut également avoir comme
motivation qu'il y a eu dépassement d'argent dans les politiques
d'immobilisation ou d'investissement du gouvernement, ce qui indique, la
plupart du temps, un manque de prévoyance dans les sommes à
être investies ou à être immobilisées et
témoigne également d'un manque de planification du gouvernement.
Un budget supplémentaire peut également avoir comme raison
fondamentale que des dépenses supplémentaires seraient les
conséquences de lois adoptées au cours d'une session.
Le budget supplémentaire pourrait s'expliquer également
parce que la conjoncture socio-économique est tellement
différente depuis le début de la session et que les perturbations
sont tellement momentanées que les priorités que le gouvernement
aurait dû tracer sont changées et qu'un accent très fort
doit être déplacé du social à l'économique ou
inversement. Or, quelle est la situation actuelle qui prévaut au
Québec? A quel contexte socio-économique avons-nous à
faire face actuellement? Je pense que ce n'est pas faire appel à la
démagogie que d'affirmer que nous traversons une période de
chômage des plus dramatiques et que le taux est en train d'atteindre un
sommet des plus alarmants pour le Québec.
En second lieu, nous avons à déplorer, d'une façon
très sincère, un ralentissement d'investissements. Nous avons
également à assister à la fermeture d'usines dans toutes
et chacune de nos régions, à la fermeture de mines dans des
régions comme le Nord-Ouest québécois, à un
ralentissement de notre marché international et, ce qui est
peut-être encore plus grave, à une fuite de capitaux qui laisse
prévoir, à brève échéance, et à moyen
terme, que la situation est loin d'être redressée. Il serait donc
urgent et essentiel pour le gouvernement, s'il voulait montrer de l'audace et
de la détermination, de l'originalité et de l'imagination, de
prendre toutes les mesures requises par le budget supplémentaire pour
redresser et apporter des correctifs à notre problème no 1 qui
est le problème de l'économique au Québec.
En regardant très rapidement le sommaire des budgets des
différents ministères, des sommes qu'on est appelé
à voter pour les différents ministères, on se rend compte
que sur un montant global de $132 millions, il y a grosso modo $90 millions
affectés aux Affaires sociales, soit 70 p.c. du budget
supplémentaire soumis à l'étude et à l'analyse des
députés de cette Chambre. Dans cette conjoncture
économique extrêmement perturbée, avec ce taux de
chômage effarant, quelles sont les mesures qu'entend prendre le
gouvernement à travers ce budget supplémentaire pour
démontrer qu'il veut, avec vigueur, injecter notre économie? A
peine 23 p.c. du budget actuel est consacré à des
ministères à coloration ou à vocation économique,
si on fait exception des $5,300,000 accordés au ministère du
Tourisme, je présume, pour payer la subvention à la ville de
Montréal relativement à Terre des Hommes.
Ce n'est pas mon intention de décrier les politiques sociales
pour les plus défavorisés. Je veux bien, au cours de mes
remarques, être bien interprété par les
ministériels. Je sais que depuis une vingtaine d'années le
Québec a connu un phénomène de socialisation de plus en
plus accéléré sur le plan social. C'est un
phénomène courant, normal et souhaitable dans toute
société civilisée et dans toute société qui
connaît de l'abondance ou encore un certain standard de vie plus
élevé que dans 90 p.c. des pays du monde.
Et à travers la gamme de toutes les mesures sociales, depuis
quinze ou vingt ans, nous avons amorcé d'abord ce
phénomène par l'assurance-chômage, nous en sommes venus
à l'assurance-
hospitalisation, à l'instruction prétendument gratuite,
aux allocations familiales, à l'assurance-santé, etc.
Et, M. le Président, je pense que ce phénomène de
socialisation sur le plan social est le propre, je le répète,
d'une société civilisée qui veut avoir une distribution
plus équitable des richesses et faire en sorte que ceux qui sont, pour
une foule de raisons, plus défavorisés dans la
société puissent bénéficier au moins d'un minimum
vital et qu'ils ne soient pas traités comme des animaux. D'autre part,
nous savons et nous avons conscience qu'il est extrêmement important pour
le gouvernement d'hier, pour le gouvernement d'aujourd'hui, pour le
gouvernement de demain, de consacrer des sommes très fortes à
l'éducation, au bien-être et à la santé. Parce que,
à ce moment-là, nous rejoignons les besoins et
l'épanouissement du capital le plus précieux de toute
société, son capital humain.
M. le Président, nous savons que, par exemple, au niveau de
l'éducation, ça rejoint l'impératif économique que
nous préparions notre jeunesse à faire face à ce monde
extrêmement avancé sur le plan scientifique et sur le plan
technologique. Nous voulons que par l'éducation, par une meilleure
formation plus adéquate de notre jeunesse, nous puissions rejoindre cet
impératif économique pour que nos jeunes, au Québec,
puissent véritablement tenir les postes de commande dans ce monde, dans
cette société de technologie et, alors, ce capital humain
étant en santé, vivant dans un certain bien-être, avec une
bonne formation, nous trouverons là une des clés pour que le
Québec puisse non seulement traverser cette période de survivance
mais véritablement atteindre son émancipation sur tous les
plans.
Cependant, M. le Président, je pense que tous ces
bénéfices sociaux que l'on accorde actuellement doivent
fondamentalement tenir compte de trois réalités, de trois
conditions, de trois subordonnés. Premièrement, il faut
considérer la capacité de payer des contribuables du
Québec. Je pense qu'il serait insensé pour un gouvernement de
procéder et d'accélérer davantage ce
phénomène de socialisation, de mettre un accent encore plus fort
sur les dépenses d'immobilisation ou d'investissement en santé et
bien-être si nous ne tenons pas compte de la capacité de payer des
contribuables du Québec.
Deuxièmement, je pense que lorsqu'un gouvernement veut
véritablement, sur le plan social, assurer une distribution
équitable des richesses, il faut essentiellement et d'abord que notre
société soit en état de progrès; il faut
nécessairement et d'abord que la conjoncture économique permette
la prospérité économique, permette toutes ces
générosités ou encore tous ces privilèges, ou
encore tous ces droits, selon le point de vue où on se place, qui sont
accordés à ceux qui sont le plus défavorisés. Dans
cette conjoncture économique, si l'on traverse une période de
ralentissement ou si encore on connaît une relance dans
l'économie, c'est ce mouvement vers le progrès ou vers le
ralentissement qui doit dicter au gouvernement jusqu'où il peut
être généreux ou jusqu'où il peut retenir ces
mesures pour permettre à l'économie d'être saine.
Un troisième subordonné, pour verser dans
l'accélération de la socialisation sur le plan social, il y a
également, je pense, une étude des abus et des fraudes qui se
commettent actuellement dans le Québec. Je dis qu'on est en train, dans
le Québec, de faciliter et de créer une classe d'assistés
sociaux qui sont de faux assistés sociaux. Il y a les vrais
assistés sociaux qui devraient être traités avec plus de
générosité, il y a ceux qui véritablement
répondent à tous les critères, qui répondent
véritablement à toutes les conditions et qui devraient être
aidés davantage.
Mais il y a actuellement dans le Québec des milliers de faux
assistés sociaux qui volent, à toutes fins pratiques, la
collectivité par toutes sortes de subterfuges et pénalisent ceux
qui auraient droit à en recevoir davantage. Ce qu'il y a de plus
dramatique, c'est qu'ils empêchent le gouvernement que ce soit le
gouvernement d'aujourd'hui ou le gouvernement de demain qui
empêchent le gouvernement, dis-je, de drainer, de canaliser des dizaines
et des dizaines de millions de dollars directement dans l'économique et
faire en sorte qu'il y ait, dans différentes régions, des
projets, des investissements qui permettraient de travailler à ceux qui
veulent travailler et qui ont le désir de travailler, par respect pour
leur personne, par respect pour leur famille et par respect pour la notion
sérieuse du travail, mais qui ne peuvent pas le faire parce que le
gouvernement est obligé de fermer les yeux ou de ne prendre aucune
mesure pour éviter le coulage de ces dizaines et dizaines de millions de
dollars qu'accaparent frauduleusement de faux assistés sociaux.
J'inciterais le gouvernement à prévoir des sanctions
extrêmement sévères pour ceux qui volent
littéralement la société, les contribuables et bloquent la
relance économique dans certains secteurs, à cause de leur
conduite extrêmement pernicieuse, à cause de leur absence du sens
des responsabilités, à cause de leur manque
d'honnêteté à l'endroit de ceux qui devraient en recevoir
davantage.
Je pense que le gouvernement pourrait alors récupérer
peut-être $50 millions, $75 millions, peut-être $100 millions
on ne le sait pas et faire en sorte que, sur le plan social, on
puisse, pour les vrais assistés sociaux, en accorder davantage et en
prendre une partie imposante pour stimuler notre économie. N'y aurait-il
pas lieu d'envisager même la possibilité qu'il y ait un
contrôle local, ou pour le moins régional, mais un contrôle
serré sur ceux qui demandent des allocations sous toutes ses formes,
qu'il y ait vérification sur les lieux, de l'état de ces
personnes, de leurs besoins et pour véritablement savoir par les gens
qui sont sur les lieux s'ils sont méritants ou non?
Je comprends que cela serait pius difficile d'application dans la ville
de Montréal ou dans le Montréal métropolitain. Mais, nous
sommes, je pense, rendus à un carrefour au Québec. Il est
important, avant de nous laisser entraîner dans ce tourbillon, peu
importe la démagogie que pourront faire certains citoyens ou certains
groupes de citoyens pour inciter davantage le gouvernement, quel qu'il soit,
à accorder sans cesse des gratuités et à amonceler des
gratuités dans tous les domaines avec, comme résultat net, que
nous allons continuer à vivre comme des quêteux montés
à cheval, que nous sommes en train de créer au Québec un
climat qui va favoriser une génération nouvelle d'assistés
sociaux, de gens qui vont perdre profondément le goût du travail,
qui vont également s'étioler ou se prostituer dans le chloroforme
des allocations sous toutes les formes.
Je voudrais revenir au début de mes remarques en disant que c'est
un phénomène social normal que de faire une distribution plus
équitable de nos richesses, mais je pense que c'est simplement en
respectant les trois ou quatre conditions que j'ai
énumérées que nous atteindrons les objectifs
visés.
Ce que je trouve le plus triste, le plus déconcertant, ce que je
trouve le plus frustrant dans le budget qui nous est soumis, alors que nous
traversons une crise de chômage exceptionnelle, alors que les prochains
six mois laissent entrevoir une situation économique qui va être
de plus en plus cruelle peut-être pour les Québécois, le
présent budget, à toutes fins pratiques, n'accorde que 23 p.c.
aux ministères à vocation économique. On n'a rien
prévu concernant une politique accélérée
d'habitation. Cela aurait été l'occasion. On me dira que cela a
déjà été prévu par d'autres budgets. On me
dira également...
M. BOURASSA: Je m'excuse de l'interrompre parce que le
député fait un discours disons intéressant. Mais je dois
lui dire que de 1970 à 1971 il y a eu une augmentation de 52 p.c. dans
la construction domiciliaire.
M. LOUBIER: Je répondrai au premier ministre que ce qui est,
encore une fois, le plus déplorable, même avec les statistiques
auxquelles il se réfère, c'est que ce n'est pas le Québec
qui a eu le choix de ces priorités, c'est le fédéral qui a
fait, encore une fois, le grand prince, le bon prince et qui a bien voulu
à ce moment-là...
M. BOURASSA: ... accepter les représentations du
Québec.
M. LOUBIER: ... permettre au gouvernement du Québec, à
cette région administrative de dépenser certains millions de
dollars concernant l'habitation. Cela ne répondait pas aux
priorités établies par le Québec, mais ça
obéissait aux priorités...
M. BOURASSA: Ce n'est pas exact.
M. LOUBIER: ... établies par le gouvernement
fédéral.
M. BOURASSA: Ce n'est pas exact. M. LOUBIER: C'est tellement vrai...
M. BOURASSA: Ce n'est pas exact, tout le monde a réclamé
des constructions d'habitations.
M. PAUL: Sur un rappel au règlement. Je crois que le chef de
l'Opposition à qui vous avez donné la parole a le droit de faire
son discours et l'honorable premier ministre ou tout autre ministre pourra
utiliser son droit de parole pour répondre aux remarques du chef de
l'Opposition.
M. LOUBIER: Je pense que M. le premier ministre sera de bon compte. Je
lui ai dit que toutes les politiques depuis particulièrement deux ans,
d'une façon plus accélérée, sont tracées,
orientées, dirigées et inspirées par le gouvernement
central. Je dis qu'au Québec actuellement, nous sommes
véritablement devenus une région administrative et tout ce qui
reste à faire c'est d'aller quémander et quêter et que nous
ne pouvons pas tracer nos propres priorités. Le budget
supplémentaire qui nous est soumis actuellement en est la plus belle
révélation. On aurait dû justement, parce que c'est une
période extrêmement perturbée, retrouver dans ces
crédits budgétaires un article important pour relancer d'abord
l'économie plus particulièrement dans la région de
Montréal et atteindre un autre impératif d'ordre social, à
savoir procurer à des citoyens qui vivent actuellement dans des taudis,
des logis convenables et on aurait alors atteint deux impératifs.
Dans ce budget, quel est le pourcentage que l'on consacre à
l'agriculture? Absolument insignifiant. Ce qu'il y a de plus regrettable, il y
en a qui veulent ridiculiser parfois la classe agricole au Québec. Il
faut peut-être être représentant d'un comté rural, et
pour ceux qui ne le sont pas, il y aurait avantage à se pencher un peu
plus sur l'agriculture. On est porté à exagérer
l'importance de l'agriculture au Québec. Si on savait que sur chaque
grappe de sept wagons de chemin de fer qui circulent dans le Québec, il
y en a un qui est lié directement à l'économie agricole.
Si on savait que sur huit ou dix camions je ne me souviens plus
exactement qui circulent dans le Québec actuellement, il y en a
un qui est lié directement ou indirectement à l'économie
agricole. Si on savait qu'il y a environ une centaine de mille ouvriers
agricoles au Québec. Si l'on se rappelait tous ces faits,
peut-être que l'on ferait moins de gorges chaudes lorsque l'on parle de
l'agriculture et des cultivateurs. Lorsque l'on se fait dire par
certaines personnes que c'est tout simplement de l'électoralisme,
que c'est de la démagogie que l'on veut faire sur le dos de la classe
agricole, regardez la situation de l'économie agricole dans le
Québec. Et ceux qui veulent voir et veulent entendre, ceux qui veulent
le faire non pas de façon partisane mais de façon
réaliste se rendront compte facilement que c'est peut-être
une des classes actuellement de notre société les plus
ballotées par les imprévues, une des classes de la
société qui actuellement manquent le plus de
sécurité pour le lendemain. C'est peut-être un des secteurs
de notre économie dans lesquels il n'y a aucune sécurité,
ni dans le coût de production, ni dans le coût de revient et
à plus forte raison, qui n'ont aucune sécurité, même
à moyen terme, dans le prix de vente.
Or, M. le Président, je pense que si le gouvernement voulait
véritablement, pas de façon émotive comme on l'a fait
samedi soir, dire: Cessons la procédure et parlons d'agriculture, mais
de façon très réaliste...
M. BOURASSA: Cela fait mal, cela fait mal!
M. LOUBIER: ... si le gouvernement voulait véritablement agir et
passer à l'action dans ce domaine, au moins nous pourrions retrouver,
dans ce budget, des orientations dynamiques, des correctifs apportés
pour faire en sorte, par exemple, que pour le porc, pour les oeufs et
différentes productions, on puisse arriver à des
règlements qui seraient satisfaisants pour les cultivateurs...
M. BOURASSA: Il y a $6 millions.
M. LOUBIER: ... et qui leur permettraient non pas de produire au jour le
jour, non pas de planifier leur travail et leur production à la petite
journée, mais qui seraient intégrés véritablement
à notre économie par le truchement de législations et par
des subventions qui pourraient être accordées d'une façon
peut-être plus rationnelle dans certains secteurs.
M. le Président, les cultivateurs du Québec aimeraient
mille fois mieux ne pas donner l'impression aux citoyens qu'ils sont toujours
en train de quêter du gouvernement pour obtenir des subventions. Ce
qu'ils voudraient du gouvernement, ce seraient surtout des politiques fermes,
intelligentes, à moyen et à long terme, faisant en sorte que ces
gens aient un peu de sécurité dans leur travail.
M. le Président, je pense que le budget actuel
révèle le manque d'imagination, l'imprévoyance, l'inertie,
l'inaction, l'insignifiance du gouvernement dans le domaine agricole. Si
j'avais le droit, M. le Président, de me référer à
l'attitude qu'on a eue dès le début de mes remarques, je dirais
qu'on aurait pu donner une autre preuve que le projet de loi no 48 pour
démontrer que le gouvernement a de la considération pour cette
classe. On aurait également pu essayer de dorer au moins la pilule par
la présentation de la Loi du syndicalisme agricole de la façon la
plus rapidement désirée par tous les membres de cette
Chambre.
Mais, M. le Président, combien retrouvons-nous...
M. BOURASSA: J'ai déjà répondu, M. le
Président. Le "filibuster" de vendredi nous a empêchés
d'adopter le bill 64.
M. VINCENT: Pardon?
M. BOURASSA: Le débat marathon sur l'évaluation
foncière nous a empêchés d'aller plus rapidement sur le
bill 64, M. le Président.
M. LOUBIER: M. le Président, le débat marathon a eu comme
conséquence que plusieurs députés de cette Chambre ont
mesuré toutes les implications et les conséquences du projet de
loi no 48. Lors du débat marathon, ce n'était pas par plaisir
qu'il y a eu front commun de toutes les oppositions pour démontrer
à toute la population, de façon non équivoque, que le
projet de loi no 48 n'était pas du tout celui qui pouvait favoriser la
classe agricole, mais celui qui pouvait le plus perfidement la matraquer sur le
plan de la taxation, avec comme conséquence que le président de
l'UCC, qui n'est pas...
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois bien qu'on ne reprendra
pas, sur un projet de loi qui a reçu l'approbation de tous les membres
de cette Chambre, un débat antérieur. C'est absolument contre
l'esprit et la lettre des règlements.
M. LOUBIER: Sur le point de règlement, M. le Président.
Est-ce que le leader parlementaire ne pourrait pas, très gentiment, dire
à son voisin de droite ou de gauche, suivant l'endroit où on se
place, Son Excellence le premier ministre, de se signaler autrement que par des
interruptions? Autrement, je suis provoqué, M. le Président, et
avec la meilleure volonté du monde je me sens dans l'obligation, lorsque
je suis provoqué, de répondre aux interventions qui sont faites
par le premier ministre.
M. BOURASSA: Moi aussi, je suis provoqué. On peut dire que le
premier ministre est également provoqué par les affirmations
gratuites du chef de l'Opposition.
M. PAUL: Il répondra.
M. LOUBIER: M. le Président, le premier ministre aura pleine
latitude de répondre à toutes les affirmations que je fais. Mais
le premier ministre aura beaucoup de difficulté à manipuler les
chiffres ou à les transformer lorsque, comme résultat net, ce
budget révèle
que 70 p.c. s'en vont aux affaires sociales et que si on enlève
les $5,300,000 pour payer la subvention, probablement, à la ville de
Montréal pour Terre des Hommes, il n'y a que 23 p.c. au ministère
à vocation économique.
Et le premier ministre sait fort bien qu'on aurait pu retrouver dans ce
budget des millions peut-être en nombre plus imposant pour
l'agriculture, pour l'habitation.
On aurait pu également retracer dans ce budget la
préoccupation, verbalement formulée depuis des mois par le
premier ministre, que le problème no 1 au Québec, c'était
l'économie. On aurait pu retrouver à travers ce budget cette
préoccupation cristallisée de façon véritable par
des politiques fermes et dynamiques du gouvernement dans des secteurs à
texture économique.
Par exemple, combien y a-t-il de consacré dans ce budget en
travaux publics? Combien dans ce budget retrouve-t-on de sommes pour essayer de
régler nos problèmes dans le domaine par exemple de l'industrie
des pâtes et papier, dans le domaine du textile?
Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir retrouvé dans ce budget des
sommes prévoyant des correctifs pour relancer notre économie au
chapitre des pâtes et papier? Je sais qu'on me dira: Les pâtes et
papier, c'est tout de même la première industrie au Québec.
Actuellement, le problème se gangrène à tel point que
différentes compagnies annoncent la fermeture, d'ici six mois, un an,
deux ans, de leurs usines. Quelles préoccupations retrouve-t-on du
gouvernement pour éviter cette catastrophe dans cette industrie
première? Dans l'industrie des pâtes et papier, pourquoi le
problème est-il tellement gangréné?
Actuellement le Canada et le Québec ont sur le marché
concurrentiel à lutter contre la production des Etats-Unis et celle de
la Suède. Si on analyse le moindrement le problème, on se rend
compte que les Suédois et les Américains sont en train
d'accaparer tout le marché. Pourquoi, principalement? Si l'on fait une
comparaison, on se rend compte que, simplement au niveau de l'impôt
direct, les industries de pâtes et papier du Canada et du Québec
paient 13 p.c. de plus que les industries de pâtes et papier aux
Etats-Unis et en moyenne sensiblement le même pourcentage pour les
industries de pâtes et papier en Suède.
Or, si le gouvernement voulait au moins apporter un cataplasme pour le
moment, s'il voulait au moins d'une façon très rapide corriger la
situation, quitte par la suite à tracer une politique à moyen
terme ou à long terme, soit par un rééquipement, soit par
un réaménagement, soit par l'étude plus approfondie du jeu
des droits de coupe, etc. Mais, pour le moment, si le gouvernement avait de
l'audace, s'il avait véritablement de l'épine dorsale il pourrait
momentanément, pour les six premiers mois de la prochaine année,
assurer un dégrèvement fiscal qui permettrait à toutes ces
compagnies de devenir au moins concurrentielles. Les compagnies s'engageraient
même s'il y avait un dégrèvement fiscal leur
permettant de faire concurrence avec les producteurs américains et
suédois à embaucher annuellement, pour les cinq prochaines
années, 2,500 employés dans les usines et 2,500 employés
dans les forêts, ce qui ferait par année, commençant tout
de suite, 5,000 emplois nouveaux par année. Cela démontrerait de
la part du gouvernement beaucoup de détermination, beaucoup de
lucidité et en même temps un désir véritable
d'apporter des correctifs à notre situation.
Mais je sais que l'on ne peut pas demander l'impossible au gouvernement
actuel. Et le gouvernement démontre son absence de politique
économique globale, à court terme et à moyen terme.
M. le Président, nous avons nettement l'impression au
Québec que le gouvernement continue à être ébloui
par de belles planifications savantes faites par des technocrates qui sont
loyaux, qui sont honnêtes et dont c'est le rôle de tracer sur
papier les solutions idéales. Mais il appartient aux
ministériels, à ce moment-là, d'humaniser les
planifications qui sont soumises, de les rendre réalistes, de les
corriger, et de ne pas croire que lorsque le problème est
réglé sur papier, le peuple doit être satisfait. En effet,
ça voudrait dire, à toutes fins pratiques, que nous n'aurions
tout simplement qu'à confier le sort de notre économie, le sort
de notre vie sociale, notre sort constitutionnel aux mains d'experts, qui, sur
papier, régleraient tous les problèmes. Je pense que ce dont nous
avons surtout besoin de la part du gouvernement actuel, c'est une cure de bon
sens, une cure de réalisme, une cure de détermination, c'est de
faire en sorte que l'on puisse passer rapidement à l'action, c'est de ne
pas devenir les marionnettes de technocrates de bonne volonté ou de
planificateurs qui trouvent dans les nuages toutes les plus belles solutions
qui n'ont jamais de lendemain et qui continuent à semer les germes de la
frustration, de l'indignation et même de la révolte au
Québec, parce qu'on ne peut pas impunément, durant des mois, des
mois et des mois vendre des illusions à une société. On ne
peut pas des mois, des mois et des mois durant, vendre des promesses à
une société, s'il n'y a pas de réalisation. Il ne faut pas
être surpris que partout, aux quatre coins du Québec, la
population gronde, parce que partout au Québec, ça va mal
actuellement. Cela va mal sur le plan social, ça va mal en
éducation, ça va mal aux affaires municipales, ça va mal
dans le domaine du bien-être et de la santé, ça va mal sur
le plan constitutionnel, ça va mal partout, M. le Président. Et
quels sont...
M. GARNEAU: Même dans l'Unité-Québec.
M. VEILLEUX: Là ça va mal!
M. LOUBIER: M. le Président, le ministre
des Finances, je le sais trop impartial, tellement peu politisé
tellement peu politisé que je pourrais en discuter des heures de
temps je le sais tellement intellectuellement honnête, je le sais
tellement serein et complètement dégagé de toute
contingence de patronage et de contrôle on y reviendra
qu'il devrait au moins avoir la décence, lorsqu'on discute de sujets
sérieux, ne pas politiser, ridiculiser les sujets que l'on discute.
Quelle que soit son attitude à mon endroit, je m'en fiche comme de l'an
quarante, mais il devrait avoir au moins la décence, M. le
Président, de dépolluer l'atmosphère qui a prévalu
la semaine dernière, et faire en sorte qu'il puisse s'exprimer tout
à l'heure. Je comprends que ça peut être difficile pour lui
de défendre ce budget-là. Je comprends que le ministre des
Finances se rend compte qu'il a manqué totalement d'originalité,
que c'est un budget qui manque complètement de vie, de dynamisme. Je
comprends tout ça. Mais qu'il contrôle sa nervosité, M. le
Président, et tout à l'heure il pourra lancer les injures qu'il
voudra, à l'endroit de qui il voudra, et ça ne me va pas aux
talons, M. le Président.
Si vous me permettez de continuer, M. le Président, c'est bien
évident qu'aujourd'hui, au Québec, on se rend compte que les
problèmes sont gangrenés, que les problèmes sont parfois
repris de façon démagogique par des gens de quelque milieu que ce
soit. Je comprends, M. le Président, la jeunesse qui est aujourd'hui
dans nos CEGEP ou même à l'université et qui ne trouve
même pas preneurs pour ses diplômes, qui sait qu'en
débouchant sur le marché du travail, un jeune ne pourra pas,
suivant ses diplômes, obtenir l'emploi désiré, selon sa
formation et selon son diplôme. Je comprends que cette jeunesse soit
extrêmement impatiente, et, ce qu'il y a de plus malheureux, c'est que
souventefois on profite de nos problèmes au Québec, parce que ce
n'est pas unique au Québec le climat de violence, ce n'est pas unique au
Québec, les perturbations que nous con-sons.
Il y en a qui voudraient faire croire à la population que, si
nous avons de tels problèmes au Québec, c'est dû à
un système en particulier ou à un autre système. Je pense
qu'il faut être infiniment plus sérieux et plus juste et tenter
d'aller à la racine de nos maux et non pas d'une façon
émotive ou passionnelle vouloir régler le tout par un changement
radical de système. Un système a la valeur, le dynamisme et
l'honnêteté des hommes qui vivent à l'intérieur d'un
système donné.
Je pense que l'Etat, que le gouvernement devrait actuellement aider ceux
qui ont véritablement de ces problèmes alarmants, les aider d'une
façon technique. Il devrait également essayer de recréer
un climat de confiance au Québec, parce que c'est le climat qu'il est
important de changer chez nous. Si le gouvernement continue à
présenter des budgets ternes, des budgets qui déplacent l'accent
de nos priorités, ce gouvernement passera dans l'histoire comme un
gouvernement de pompiers qui va éteindre les feux lorsqu'il y a un appel
d'urgence mais qui manque complètement de politique sur le plan
économique, qui se cherche sur le plan social, qui se cherche sur le
plan de l'éducation à un tel point qu'il y a des opinions
contradictoires, même au sein des hauts fonctionnaires du
ministère de l'Education.
Nous avons nettement l'impression que le gouvernement administre
à la petite journée, qu'il se satisfait de cataplasmes et qu'il
manque véritablement de leadership au Québec. Il y a un manque
d'énergie, un manque d'autorité qui fait que partout il y a
dégradation; dans les relations syndicales-patronales, dans les
relations en éducation, dans les relations
provinciales-fédérales, partout on sent l'absence d'un
leadership, on sent le manque d'audace et d'agressivité au sens
orthodoxe du mot. Je dirais que le budget supplémentaire est
fabriqué par des rêveurs, par des poètes, par des gens qui,
encore une fois, ne savent pas, dans la hiérarchie des problèmes,
placer le problème no 1, celui de l'économique.
Je suis extrêmement surpris de cette attitude du gouvernement,
surtout d'un gouvernement qui doit sa fortune électorale, en grande
partie, à l'exploitation à fond de train de l'économique,
surtout que c'est un gouvernement qui doit en grande partie sa fortune
électorale à de petits trucs comme la Brinks et comme l'affaire
Laferté pour démontrer que le problème no 1 était
celui de l'économique. Ces crédits supplémentaires
démontrent que ce n'était qu'une véritable farce
monumentale que ces trémolos dans la voix, que ces
pseudo-préoccupations pour le monde économique au
Québec.
Qu'on le veuille ou non, l'alarme demeurera toujours la même sur
le plan social. C'est dans un climat de pollution qu'auront à vivre les
différentes classes de la société et plus
particulièrement celle de la région de Montréal, et plus
particulièrement la classe agricole. Ces gens-là sont en train de
perdre totalement confiance non seulement dans le gouvernement, mais son en
train de perdre confiance dans nos sytèmes, dans nos institutions et
dans l'autorité, car on se rend compte qu'on s'est ri de la population,
et que ce budget supplémentaire ne met aucun accent qui nous permettrait
d'espérer une relance économique au Québec.
Il n'y aura jamais de paix sociale au Québec s'il n'y a pas de
prospérité économique si notre taux de croissance
économique ne se rétablit pas. On ne peut pas diviser la paix
sociale de la prospérité économique, comme on ne pourrait
pas diviser les trois concepts de la constitution, de l'économique et du
social.
Cela forme un tout, ils se sous-tendent. Ce sont ces trois concepts qui
vont marcher de pair et s'il y a, dans cette trinité, une
activité qui est "chambranlante", qui est anémique, cela a un
reflet sur les deux autres. Que nous le voulions ou non, ce qu'il y a
peut-être de plus drama-
tique dans ce budget, c'est qu'encore là nous avons non plus
l'impression, mais la plus complète assurance que le gouvernement actuel
se satisfait d'être à la remorque du gouvernement central, que le
gouvernement actuel, à quatre pattes, se soumet aux diktats d'Ottawa,
aux priorités du gouvernement central. A un tel point, M. le
Président, que si l'on considère les rebuffades que nous avons
subies de façon assez humiliante dans tous les secteurs depuis quelques
mois, si l'on se rend compte d'une façon très objective de toutes
les incursions nouvelles que le gouvernement central opère actuellement
avec la bénédiction du gouvernement actuel dans le domaine des
sports et loisirs, un domaine qui, pourtant, relève directement de notre
juridiction... Lorsque l'on veut déplacer le problème, on dit
ceci: Non, les sports et loisirs, c'est un prolongement de la santé, du
bien-être et, partant de là, c'est de la juridiction conjointe. Et
le gouvernement actuel ne plaide même pas que les sports et loisirs font
partie de l'épanouissement de la personne humaine, que c'est intimement
lié à l'éducation. On ne veut même pas plaider ces
principes qui avaient été reconnus à venir jusqu'à
il y a quelques mois par tous les gouvernements, qu'ils soient du temps de M.
Duplessis, du temps de M. Johnson, du temps de M. Lesage ou du temps de M.
Pearson ou des autres qui sont passés à Ottawa. Je me souviens
que sous le gouvernement de M. Bertrand nous avions obtenu que le surplus des
budgets d'Ottawa, le surplus de notre argent pour fins de sports et loisirs
nous soit accordé en fonction de nos priorités et suivant nos
planifications. Encore là, M. le Président, aujourd'hui, non.
Or, je pense qu'actuellement, que ce soit dans le bien-être, que
ce soit à la jeunesse, dans le programme Perspectives-Jeunesse, que ce
soit dans les travaux d'hiver, on se rend compte que le gouvernement, par ses
crédits supplémentaires, met un cataplasme et déplace
complètement l'accent en s'apitoyant sur les affaires sociales avec 70
p.c. du budget et en négligeant dans cette période
tourmentée de mettre un accent plus fort sur l'économique et,
entre autres sur le ministère de notre honorable collègue, le
ministre de l'Industrie et du Commerce. Ce ministère est
complètement oublié, ignoré, dans le budget actuel. C'est
pourtant le ministère qui devrait être la dynamo de
l'économie au Québec. C'est de ce ministère que devraient
partir les planifications à court terme. Or, nous ne retrouvons rien
dans les crédits supplémentaires qui permettrait aux
Québécois d'espérer que, sur le plan économique, il
y aura un redressement et qu'il y a un souci important du gouvernement pour
assurer ce relèvement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Avec la permission du chef de l'Opposition,
j'ai été très tolérant depuis le début de
son intervention. J'ai déjà rendu une décision en cette
Chambre à l'effet que j'avais un fort doute, à l'occasion de la
formation de la Commission plénière des subsides, à savoir
si on pouvait traiter tous les sujets. J'ai entendu le député de
Bellechasse, chef de l'Opposition officielle, parler d'agriculture,
d'éducation, d'industrie et de commerce, de l'économie de la
province en général. Les mêmes doutes que j'avais il y a
quelques mois existent toujours.
J'avais fait une distinction sur les débats, sur la formation du
comité des subsides. A l'article 377 il est dit qu'on peut parler sur
tout sujet d'intérêt public, au singulier, et je faisais une
différence avec le discours inaugural où la latitude est beaucoup
plus grande; à l'article 759, deuxièmement, où on parle de
tous sujets d'intérêt public, au pluriel.
La quatrième édition française de Beauchesne dit
bien et je vais lire le paragraphe parce que c'est assez important
: "Il arrive souvent, à propos de la motion invitant l'orateur
à quitter le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité des
subsides, que des députés exposent des griefs sans proposer
d'amendement. Un député parlera des taux de chemins de fer. Un
autre de la naturalisation, etc. Cinq ou six questions différentes
peuvent être alors portées à l'attention du gouvernement.
Une fois le débat terminé sur une question et qu'on passe
à une autre, les députés ne peuvent revenir à la
première. Nul député ne peut parler plus d'une fois sur la
motion. Il ne peut aborder tous les sujets qui peuvent alors être
soulevés. Lorsqu'il a parlé sur l'un d'eux, il a
épuisé son droit de parole sur la motion dont la Chambre est
saisie, soit que l'orateur quitte maintenant le fauteuil."
Cela confirme un peu mon opinion que ce débat sur la formation du
comité doit être restrictif et limité à un seul
sujet. C'est une remarque que je fais en passant au chef de l'Opposition
officielle.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander
une directive? Dans les circonstances, quelle serait votre
interprétation de l'article 2 du paragraphe 377, où il est dit
que, "par dérogation à l'article 72, il est permis de proposer
sur la même motion un amendement qui se rapporte à un ou plusieurs
des sujets ci-dessus mentionnés; mais l'amendement est, quant au reste,
soumis aux règles ordinaires relatives aux amendements"? Lorsque
l'amendement est proposé, je crois que vous devez faire respecter la
règle de la pertinence du débat. D'un autre côté, au
troisième paragraphe de l'article 377 on dit ceci: "Quand un amendement
a été mis en délibération, la discussion ne peut
porter que sur le sujet de celui-ci." Par conséquent, pourquoi vouloir
arrêter les propos d'un opinant sur un sujet déterminé? Je
me permettrais de vous faire remarquer qu'en droit civil le singulier comprend
également le pluriel.
Je comprends que c'est une situation très délicate, et je
vous sais gré de porter à l'attention des collègues de
cette Chambre cette
différence qui est établie entre le sujet, au singulier,
du paragraphe 377 et les sujets, au pluriel, de l'article 759. Mais, d'un autre
côté, en raison des dispositions du deuxième paragraphe de
l'article 377. Je m'interroge. Je voudrais, sans vous imposer de travail, M. le
Président, je le soumets bien respectueusement, que nous puissions en
temps opportun ou utile, à votre convenance, obtenir certaines
précisions sur l'interprétation des paragraphes 2 et 3 de
l'article 377 en tenant compte de cet argument a priori que vous nous avez
servi, ce matin, quant à cette distinction juridique qui devrait se
poser sur l'application stricte du terme "sujet" au singulier.
M. LE PRESIDENT: Vous mentionnez le paragraphe 2 de l'article 377,
où il est dit: "Par dérogation à l'article 172, il est
permis de proposer sur la même motion un amendement qui se rapporte
à un ou plusieurs des sujets ci-dessus mentionnés; mais
l'amendement est, quant au reste, soumis aux règles ordinaires relatives
aux amendements."
M. PAUL: C'est sûr. On ne répète pas "le sujet". On
dit: "les sujets." Je soumets bien respectueusement que si on avait voulu
garder le singulier, je crois que dans le deuxième paragraphe on aurait
également dit "le sujet".
M. LE PRESIDENT: Je vais tenter d'approfondir la question à
l'heure du déjeuner. Il n'y a pas d'erreur que s'il y avait un
amendement sur un sujet, le débat... D'ailleurs, selon l'économie
générale, on dit qu'il y a qu'un seul amendement à la
motion et il est bien clair que lorsque l'amendement est fait, on ne peut
traiter que de ce sujet-là. C'est déjà bloqué. On
ne peut plus arriver avec un autre amendement. On ne peut plus traiter d'un
autre sujet. Il y a une certaine analogie dans ça. Il ne faut pas
anticiper le débat non plus. C'est un peu pour ça que je me
levais lorsque l'honorable chef de l'Opposition voulait traiter de ce qu'il y
avait dans le budget supplémentaire, car je me demande s'il n'y a pas
anticipation du débat du fait que nous passerons en comité
plénier pour analyser chacun de ces titres, ou chacun de ces postes.
M. l'honorable chef de l'Opposition.
M. LOUBIER: Je comprends très bien vos directives, M. le
Président, mais d'autre part, je ne voudrais pas, à
l'étude de chacun des crédits pour chacun des ministères
donnés, commencer un débat...
M. LE PRESIDENT: C'est pour ça...
M. LOUBIER: C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je
voulais plutôt très rapidement ce serait peut-être
long pour le ministre des Finances mais pour vous, M. le Président, je
sais que c'est très court essayer de faire une analyse sur chacun
des ministères pour éviter qu'à chaque ministère
donné je sois obligé de démontrer au gouvernement son
manque de prévoyance, son manque de dynamisme.
M. LE PRESIDENT: J'ai une confiance énorme dans la parole du chef
de l'Opposition officielle, mais je ne peux pas présumer qu'il
représente tous les députés en cette Chambre.
M. PAUL: C'est un groupe important.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez raison.
M. LOUBIER: M. le Président, vous avez encore une fois
blessé mon humilité. Avec votre permission, je pense que les
ministériels et le gouvernement auraient peut-être
intérêt à repenser, à étudier et à
analyser le message très humain que l'on retrouve dans l'adage suivant:
"Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois. Si tu lui
apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie." Je pense que dans
cet adage, nous avons le message de ce philosophe qui pourrait s'adresser
directement au gouvernement actuel à la suite du budget qui nous est
présenté. On se rend compte que le budget tel que soumis, tel que
préparé, manque complètement de sens pratique, manque
complètement de désir de la part du gouvernement de reprendre des
structures, de reprendre tout ça aux fondations. On se contente de faire
des brèches dans l'édifice, d'ouvrir des volets pour donner un
petit plus d'espoir aux classes défavorisées mais sans s'attaquer
véritablement et traduire cette détermination dans des
crédits budgétaires. On ne veut pas s'attaquer d'une façon
réelle à des structures et à des politiques qui nous
permettraient de pouvoir espérer, au moins pour l'année qui vient
devant nous, que le climat social deviendra un peu moins pollué et que
nous ayons en même temps un peu plus d'espoir dans les perspectives
économiques du Québec.
Je pense que le gouvernement devrait partant de cet adage
se mettre à l'esprit qu'il est temps que l'on cesse de vivre comme des
quêteux montés à cheval au Québec, que ce n'est pas
tout d'avoir des richesses dans notre sous-sol, que d'avoir des richesses
renouvelables ou non, que ce n'est pas tout d'avoir toutes ces richesses.
Il faut tout de même, M. le Président, les exploiter, les
rendre commerciales, les rendre rentables pour l'économie du
Québec. C'est cette absence totale de politique économique du
gouvernement qui se traduit par l'insignifiance de ce budget.
Il est temps que l'on cesse également d'administrer à la
petite journée. Je pense qu'il est temps à mon sens, et le
gouvernement devrait je voudrais le lui dire de la façon la moins
insultante possible au lieu de vouloir acheter je dis bien
acheter la paix sociale par des
"beurrées de beurre", par de petites subventions pour
étouffer la voix de la révolte, la voix de l'indignation, au lieu
d'acheter à la petite journée cette paix sociale par des
suçons, s'attaquer d'une façon très résolue aux
racines de ces problèmes et en arriver avec des solutions
réalistes qui feraient que l'on pourrait donner le coup de barre, non
seulement pour demain et après demain, mais au moins pour un an ou
deux.
Or, M. le Président, je termine mes remarques d'ordre
général en déplorant et en réitérant ma
déception devant les crédits supplémentaires qui sont
soumis à l'attention et à l'analyse des députés de
cette Chambre. Je dis tout simplement que l'on a oublié, dans ce budget
qui nous est présenté à la veille de Noël, des
classes importantes de la société; on a oublié le
redressement des secteurs essentiels sur le plan économique; on a
oublié dans le budget qui nous est soumis, et les centres urbains, et
les centres ruraux.
On a également oublié d'essayer d'apporter ou d'injecter
un petit peu plus de bien-être sur le plan économique dans les
différentes régions. On a oublié également de
s'attaquer à la diversité régionale sur le plan
économique et sur le plan social. On a oublié, à la veille
de Noël, dans ce climat de joie qui devrait prévaloir, de semer au
moins une lueur d'espoir. Et, ce qui est le plus grave, je pense, ce qui est le
plus dramatique, c'est que justement, dans cette période où
doivent préveloir, dans le coeur de tous les citoyens civilisés,
un peu plus de fraternité, un peu plus de
générosité humaine, un peu plus de désir de
participation à faire en sorte qu'il y ait des distributions plus
équitables de nos richesses, on a oublié totalement de faire en
sorte que les Québécois puissent passer des fêtes dans
l'espoir et dans l'attente d'actions gouvernementales dynamiques.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, le gouvernement nous a
présenté un minibudget supplémentaire de $132,762,000 en
guise de complément à son budget initial, brut de $4,516,000,000
pour porter le tout à $4,648,000,000. Si nous faisons le calcul en
tenant compte de la population du Québec, on se rend compte qu'il s'agit
d'un budget qui complète ainsi $750 par habitant; $750 que le
gouvernement provincial coûte à chaque citoyen, homme, femme
vieillard et enfant du Québec.
C'est une somme de $750, M. le Président, pour faire quoi? Et
qu'est-ce qu'on retrouve dans ce budget?
On retrouve dans ce budget tout simplement des petits cataplasmes pour
permettre aux vingt différents ministères d'avoir des
crédits additionnels pour pouvoir terminer la présente
année financière, en tenant compte des engagements et de
certaines dispositions législatives que le gouvernement a prises.
On peut se demander devant les difficultés que nous avons
à envisager, devant les problèmes auxquels nous avons à
faire face, de quelle façon on pourrait analyser ce budget de $132
millions, et si, dans ce budget supplémentaire, on peut
réellement trouver les moyens de régler les problèmes qui
nous confrontent.
C'est tout simplement un budget de dépenses additionnelles, et
Dieu sait si ces dépenses additionnelles le gouvernement aurait
énormément besoin d'en faire dans différents
ministères. Uniquement aux Affaires culturelles, il y aurait davantage
à faire, et le gouvernement s'est limité à $325,000.
Aux Affaires municipales et nous connaissons les problèmes
de nos municipalités le gouvernement s'est limité à
demander un budget supplémentaire de $124,600. Aux Affaires sociales
nous savons quels problèmes il y a dans ce domaine la
grande part du budget $89,520,000.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
Je suis intervenu tout à l'heure durant le discours du chef de
l'Opposition officielle lorsqu'il a voulu aborder chaque poste du budget
supplémentaire. Je crois que c'est une anticipation du débat
parce qu'il y aurait débat sur la formation du comité et
répétition du même débat lorsque le comité
arrivera à ces postes-là.
La grande économie de ça est de relever des griefs ou
faire des motions de censure ou des motions de blâme ou de relever des
situations anormales dans la province. Je ne pense pas qu'on puisse faire deux
fois l'étude du budget.
M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Je n'avais pas
l'intention de soulever de débat, j'avais tout simplement l'intention de
souligner dans le préambule de mon exposé les différents
montants pour en venir à un problème global qui doit être
discuté à l'occasion d'un budget supplémentaire.
Pour me soumettre à votre décision, je
n'énumérerai pas comme j'avais commencé les
différents crédits attribués à chacun des
ministères, mais ce que je veux dire, c'est que tous les
ministères sans exception auraient besoin de crédits
supplémentaires beaucoup plus élevés que ceux que le
gouvernement a demandés. Pourquoi le gouvernement s'est-il
limité? Parce que les revenus du Québec ne lui permettent pas
d'aller davantage.
Ce n'est même pas une question de revenus, puisque le budget
supplémentaire qu'on nous présente à l'heure actuelle
n'est même pas financé par les sommes que le gouvernement va
percevoir au cours du présent exercice, il va être
financé par des emprunts sur le marché public, sur le
marché de l'épargne.
Le premier ministre s'est vanté lui-même, lorsque ce petit
budget supplémentaire a été présenté, qu'il
n'y aurait pas d'augmentation de taxes. Il a même fait des
déclarations publiques. Pas d'augmentation de taxes, mais seulement
augmentation de l'endettement public et augmentation des frais
d'intérêt et autrement dit en hypothéquant la future
génération. C'est de cette façon que le gouvernement nous
présente ce budget supplémentaire, en hypothéquant les
générations futures.
Ce budget démontre que le gouvernement est incapable
malgré toutes les promesses qu'il a faites à la population,
complètement incapable. Il est impuissant à trouver les solutions
aux problèmes économiques du Québec, impuissant, incapable
de relever l'économie de la province de Québec et de la
développer. Pourquoi? Parce qu'il n'a pas de pouvoirs de
décision; ils sont à New York, à Londres, à Paris
et on le sait de par les récentes visites qu'il y a eues ici, au
gouvernement de la province de Québec. On est obligé de se
promener chez les requins de la finance internationale pour avoir la permission
de mettre notre main-d'oeuvre au travail, pour avoir la permission d'avoir
quelques dollars pour soulager certains problèmes, c'est-à-dire
mettre des crédits à la disposition de certains postes
budgétaires pour permettre au gouvernement d'administrer la
province.
Le gouvernement ne veut pas y toucher à ce problème, il
continue à patauger dans un système économique du XVIe ou
du XVIle siècle, alors que toutes les entreprises modernes aujourd'hui
ont des pouvoirs, et depuis longtemps; elles peuvent utiliser le crédit.
Les banques leur servent d'agents pour ce faire et elles le font très
bien pour toutes les entreprises commerciales et industrielles. Le gouvernement
de la province de Québec se limite, comme au temps de la
Confédération, comme au temps de la découverte du Canada,
à aller emprunter des petites épargnes que les gens pourraient
avoir chez eux. Lorsque ces petites épargnes n'existent pas, que les
gens ne peuvent avoir l'argent chez eux, ils vont emprunter dans les
institutions financières, dans les sociétés de fiducie,
dans les caisses populaires. De ce fait, les caisses populaires trouvent plus
avantageux, à cause des frais d'intérêts qu'il faut payer,
de financer le gouvernement au lieu de prêter de l'argent à leurs
membres, à leurs concitoyens, à ceux qui en ont besoin. De ce
fait, ceux-ci se voient refuser leur emprunt, sont obligés d'aller chez
les compagnies de finance emprunter à un taux de 18 p.c, 20 p.c, 24 p.c.
et même 30 p.c. par année.
M. le Président, le problème est là, et nous le
savons. Nous le disons depuis que nous sommes dans cette Chambre. Nous avons un
gouvernement impuissant, un gouvernement qui justement, pour 1970-1971, nous
avait annoncé un budget d'austérité, mais
d'austérité productive. On a vu ce que cela a donné
l'austérité productive; je ne veux pas faire l'inventaire et
faire une tour d'horizon sur ce qui s'est passé en 1970-1971. Pour
1971-1972, le gouvernement ne pouvait pas donner comme excuse que le budget
avait été préparé par l'ancien gouvernement et
qu'il était lié par les engagements de ceux qui avaient
administré la province avant lui. Le gouvernement a administré le
Québec au cours de l'année 1970-1971 et il avait un an devant lui
pour préparer un véritable budget, un budget de son initiative
pour faire la relance économique qu'il a promise à la population
et pour laquelle il s'est fait élire. C'est pourquoi les gens ont
voté pour lui. On nous a présenté un beau budget de
relance économique; mais où est-elle la relance économique
du Québec?
On regarde, M. le Président, dans les crédits
supplémentaires pour voir s'il y aurait un soupçon de relance
économique.
Pour être honnête, je dois noter quand même que le
ministère de la Voirie a fait un effort réel, parce qu'il y a
tout de même des crédits supplémentaires qui nous
permettent de doter le Québec du réseau routier dont on a tant
besoin. Je déplore même que les crédits ne soient pas plus
élevés, mais tout de même il y a eu un effort de fait de ce
côté-là. C'est au seul endroit où il y a eu un
effort de fait, pour tâcher de relancer, de bâtir l'infrastructure
du Québec.
M. le Président, ce budget est tout simplement un budget de
petits cataplasmes.
Il n'y a absolument rien dans ce budget pour régler les
problèmes de chômage que nous avons et pas grand-chose pour la
relance économique du Québec. Ceci démontre, hors de tout
doute, que le gouvernement que nous avons ne sait pas où il va. Il ne
sait pas où il va, mais il y va quand même. Il essaie d'y aller le
plus vite possible, le plus rapidement possible. Je ne sais pas s'il a
hâte d'arriver, au bout de la route, dans le précipice, mais ce
serait peut-être une bonne chose pour la population du Québec. Si
le gouvernement se dirige dans le précipice et qu'il
accélère même pour y arriver le plus rapidement possible,
cela permettra peut-être au peuple du Québec de se
débarrasser d'un gouvernement qu'il ne mérite pas d'avoir, d'un
gouvernement qui a trompé la population lorsqu'il s'est fait
élire.
Le budget supplémentaire n'a aucune orientation. Si on compare
les $132 millions aux chiffres du budget précédent, on constate
que les $132 millions ne sont même pas le montant qu'a dû
coûter le service de la dette au cours de l'année. Le service de
la dette nous a coûté tout de même $169 millions. Si le
Québec était administré de façon logique, saine,
efficace, dynamique et moderne, en utilisant les possibilités qu'il y
aurait dans le Québec pour mettre tous ces agents de l'économie
à l'oeuvre, il resterait encore un montant de $38 millions de libre pour
peut-être permettre à des inaptes au
travail, à des veuves ou à des mères
nécessiteuses d'avoir un petit budget supplémentaire pour pouvoir
passer les fêtes dans une province riche comme la province de
Québec.
Si on regarde l'évolution de la dette du Québec depuis dix
ans, alors qu'au 31 mars 1961 la dette du Québec s'élevait
à $411,620,000, on constate par contre qu'au 31 mars 1971, la dette du
Québec s'élève à $2,478 millions.
L'intérêt de la dette est passé de $22,589,000 à
$134,415,000 pour l'année dernière; la dette a augmenté de
six fois au cours des dix dernières années. Au ministère
des Finances il y a des fonctionnaires très compétents et
très brillants, mais je demande au ministre de faire une projection pour
les dix prochaines années afin de voir la tendance de l'évolution
de l'endettement public de notre gouvernement. Si on maintient le même
pourcentage, on en arrive aux chiffres astronomiques d'un endettement de $14
milliards pour la province de Québec alors que le service de la dette
coûterait, en 1981, plus de $800 millions.
A ce rythme-là, je me demande rééllement où
l'on va, au Québec, je me demande si le gouvernement s'est donné
la peine de faire une projection, de regarder un peu devant lui, de regarder
où il va. Il me semble que ce n'est pas trop de demander à
quelqu'un où il va, de demander à nos administrateurs, ceux qui
ont le mandat d'administrer et d'orienter l'économie du Québec,
de nous dire où ils vont. Il me semble que ce serait une chose logique,
normale et légitime.
M. GARNEAU: Dans la Beauce.
M. ROY (Beauce): Vous devriez venir dans la Beauce, M. le ministre. Je
peux vous dire que dans la Beauce...
M. GARNEAU: Je vais y aller certainement!
M. ROY (Beauce): ... il y a des industries prospères, des
industries dynamiques, des industries qui font honneur au Québec et qui
sont encore la propriété des Québécois, qui sont la
propriété des Beaucerons. C'est le comté où il y a
le plus gros pourcentage de gens propriétaires de leurs industries, de
leurs commerces et de leurs entreprises.
Si les 108 comtés de la province de Québec étaient
comme le comté de Beauce, M. le Président, vous auriez des gens
dynamiques. Les gens de la Beauce sont des gens réveillés. Cela
fait longtemps qu'ils sont créditistes, les gens de la Beauce, parce que
ce sont des gens qui savent compter.
M. GARNEAU: Ils n'ont pas envoyé le bon.
UNE VOIX: Ils n'ont pas envoyé le meilleur ici.
M. ROY (Beauce): M. le Président, le gouvernement finance le
budget en empruntant $75 millions. J'ai de bonnes raisons de croire que nous
allons apprendre, par la voix des journaux, au cours du mois de janvier ou au
début de février, que le gouvernement va faire un autre emprunt.
Or, le gouvernement a emprunté cette année, en tenant compte de
l'émission d'obligations d'épargne qui a rapporté
$144,182,000 pour l'information du ministre, je peux dire que j'ai des
chiffres assez précis plus de $419 millions alors que le montant
annoncé dans un programme de relance économique était de
$350 millions. On le dépasse de $70 millions.
M. le Président, je pense qu'à la suite de tous ces faits
on ne peut que constater, malheureusement, que le Québec enregistrera,
au cours de la présente année financière, le plus gros
déficit de son histoire alors qu'en même temps il n'y a absolument
rien de réglé aux problèmes du Québec. Nous avons
encore le record du chômage, nos industries et nos commerces passent aux
mains des étrangers et on est obligé d'aller demander la
permission à New York et à Londres pour développer notre
économie.
M. le Président...
M. VEILLEUX: On peut aller à la Banque du Canada.
M. ROY (Beauce): Enfin, le député de Saint-Jean a compris.
Il y en a au moins un, M. le Président, c'est tout de même
consolant.
M. VEILLEUX: Si je peux faire plaisir au député de Beauce,
M. le Président.
M. ROY (Beauce): Est-ce que vous avez une question à poser?
M. VEILLEUX: Non. Vous allez me donner, comme réponse, la Banque
du Canada avec des prêts sans intérêts. Cela ne donne rien
de poser la question.
M. ROY (Beauce): M. le Président, quant on n'a pas de question
à poser, on se tait.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. ROY (Beauce): M. le Président, au cours du mois d'octobre, le
gouvernement a emprunté $50 millions de la Caisse de dépôts
et placement. A la suite de questions que j'ai posées en Chambre
à ce moment-là, on m'a dit que le gouvernement avait
emprunté à un taux de 8.40 p.c. alors que j'avais dit à
l'honorable ministre des Finances que ce taux d'intérêt
représentait un montant d'argent de près de 1/2 de 1 p.c. plus
élevé que le taux du marché. Le même jour, dans les
mêmes journaux, on pouvait voir que la ville de Longueuil avait
emprunté à 8.04 p.c.
Cela fait tout de même une différence de 0.36 de 1 p.c.,
soit 1/3 et qu'une municipalité dans le comté de Gatineau avait
emprunté à un taux de 7.89 p.c...
M. GARNEAU: Quelle échéance..?
M. VEILLEUX: Il a oublié de regarder...
M. ROY (Beauce): Dix ans et vingt ans.
M. GARNEAU: La nôtre était de vingt-cinq ans.
M. ROY (Beauce): Bien, pourquoi n'avez-vous pas emprunté sur
vingt ans, si cela coûtait moins cher? C'est aussi simple que cela. Le
ministre, pour ses propres entreprises, je suis certain qu'il l'aurait fait
pour ses propres besoins, il l'aurait fait. Mais lorsqu'il s'agit de servir les
intérêts des Québécois, on sert d'abord les
intérêts de la finance et, par-dessus le marché, en
empruntant de la caisse de dépôt qui nous appartient pour
maintenir un taux d'intérêt le plus élevé possible.
C'est ce qu'on a fait.
M. BELAND: Incompétents!
M. ROY (Beauce): M. le Président, le ministre ne nous fera pas
prendre des vessies pour des lanternes sur ce point, et nous n'avons pas de
leçon à recevoir de lui. N'importe quel industriel, n'importe
quel homme d'affaires le moindrement intelligent, habile et administrateur ne
commet pas les gaffes que le ministre des Finances commet sur ce point.
M. GARNEAU: Le député de Beauce suggère qu'on
emprunte à court terme uniquement?
M. ROY (Beauce): M. le Président, je ne permets pas de question.
J'ai des choses à dire et je vous demanderais de prendre des notes et
d'écouter au lieu d'essayer de réfuter ce que je dis à
l'heure actuelle.
M. GARNEAU: Vous ne voulez pas que je vous réfute?
M. ROY (Beauce): Nous avons eu, de plus, la conférence
fédérale-provinciale. Avant de présenter ce budget, le
gouvernement a assisté à Ottawa à une conférence
fédérale-provinciale à laquelle a assisté le
ministre des Finances et où il a été question de finances
pas du financement de la province mais des programmes dont les gouvernements
provinciaux pourraient bénéficier du fédéral et de
la possibilité de bénéficier davantage de la
péréquation. J'ai pris des notes. Après avoir
demandé au premier ministre de nous faire parvenir le rapport, de nous
faire connaître les vues de Québec qui avaient été
exprimées au cours de cette conférence, voici tout ce que je
trouve à la page 6 du rapport: "Le programme de subventions aux
municipalités et aux groupes communautaires,
l'accélération de prêts par la Société
centrale d'hypothèques et de logement, les dépenses que le
gouvernement fédéral doit consacrer à des travaux
d'entretien et d'amélioration de ses équipements, le programme de
prêts aux provinces ainsi que les allégements fiscaux consentis
aux particuliers et aux corporations sont évidemment toutes des mesures
susceptibles de favoriser l'emploi au cours de l'hiver prochain."
Ce sont de bonnes félicitations à l'ancienne mode que le
gouvernement du Québec a faites à l'endroit du gouvernement
fédéral. On parle plus loin, à la page 14, du projet DISC.
Ce projet de loi connu sous le nom de DISC nous inquiète
particulièrement.
On sait que cette législation non encore votée permettra
aux compagnies américaines de constituer aux Etats-Unis des compagnies
spécifiquement orientées vers l'exportation et
bénéficiant d'exemptions de taxes sur les profits. L'adoption
d'une telle législation risque de peser lourdement sur le
développement de l'économie canadienne, nous l'admettons. Pour
mettre en valeur les ressources de notre pays, nous avons besoin de l'apport
financier et technique technique, d'accord mais de l'apport
financier que peuvent nous fournir les investissements américains.
On s'en va tout bonnement dire à Ottawa: "Bien voici, nous avons
besoin de l'investissement américain pour développer le
Québec." Dans le rapport, je vois qu'il y a des demandes pour obtenir
que le Québec bénéficie davantage de la
péréquation, autrement dit qu'on taxe davantage les provinces
riches, les provinces qui ont eu l'initiative, qui ont pris la
responsabilité de développer leur économie pour
tâcher d'avantager leurs concitoyens.
On est rendu au Québec à aller se promener à Ottawa
et dire: Voulez-vous nous faire la charité, pour l'amour du bon Dieu."
C'est à peu près à ça que se résument nos
conférences fédérales-provinciales. On se promène
à Ottawa comme des mendiants, on se promène à Ottawa pour
aller quêter auprès des provinces riches.
Il est évident, que ça ne se sache pas trop, pour que ce
ne soit pas public, qu'on y va en cachette. Nous ne savons rien, en tant que
membre de cette Chambre, des dispositions, des mémoires, et des
propositions que le gouvernement du Québec entend faire. Une fois que la
conférence a lieu, on ne permet pas aux membres de la presse d'y
assister et encore bien moins aux représentants des partis d'Opposition
de cette Chambre. Lorsqu'on est revenu de la conférence
fédérale-provinciale, on est muet ou on fait quelques petites
déclarations et à ce moment-là on nous dit tout simplement
ce qu'on veut bien nous dire.
En conclusion, rien n'avance. On en est toujours au même point,
mais on a réussi par exemple à trouver un prétexte qui
fait l'affaire
des séparatistes: Cela dépend encore d'Ottawa si nous
avons des problèmes.
Comme il est midi et trente, je propose la suspension du
débat.
M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à
quatorze heures trente.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
Reprise de la séance à 14 h 37
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je disais donc, au moment de la
suspension des travaux pour le dîner, que la province ne pouvait plus
continuer longtemps à s'orienter de cette façon tenant compte des
taux d'intérêt, tenant compte des emprunts nombreux que le
gouvernement a dû effectuer au cours des récents mois, tenant
compte aussi des besoins urgents du Québec, des besoins pour le
développement économique de la province en plus de ses besoins
pour s'administrer et se donner des politiques économiques et sociales
appropriées et tenant compte de la possibilité physique des
Québécois.
M. le Président, l'endettement que nous connaissons actuellement
au Québec ne peut plus continuer. D'après M. Lesage qui
déclarait, lorsqu'il a quitté la direction du Parti
libéral, que n'eût été du Régime des rentes,
la province aurait connu la banqueroute, c'est-à-dire que n'eût
été du Régime des rentes qui a servi à alimenter la
Caisse de dépôt et placement du Québec qui, elle, a servi
à financer les dépenses courantes de l'administration du
gouvernement provincial, la province aurait été en
banqueroute.
A la suite de cette déclaration, M. le Président, on peut
se demander si les emprunts ont sauvé la province de la banqueroute, de
quelle façon le gouvernement prévoit se sauver de la banqueroute
en remboursant les emprunts plus les intérêts. C'est la question
qui se pose. J'aimerais que le ministre des Finances, qui prend des notes
actuellement, le prenne en note et nous explique, lors de sa réplique
tout à l'heure, comment il entend réorienter l'administration
financière de la province et comment il entend réorienter
l'économie du Québec parce qu'il est très bien au courant
de ce qu'a pu déclarer M. Lesage, du fait qu'il était son
secrétaire, je pense, du temps où M. Lesage était premier
ministre.
M. le Président, dans ce budget supplémentaire de $132
millions, il y a, comme je le disais tout à l'heure, certains
crédits qui sont affectés à certains ministères
alors que ces ministères en auraient réclamé davantage.
Mais il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention.
C'est sur le fait que les $132 millions n'auraient peut-être pas
été nécessaires si le gouvernement avait mieux
défini ses politiques, si l'administration du gouvernement avait
été faite de façon plus économique, plus
réaliste dans ses dépenses, car dans certains domaines, je les
considérerais abusives.
Pour citer certains domaines, M. le Président, où je
considère qu'il y a des dépenses abusives de la part du
gouvernement, je m'en voudrais de ne pas mentionner le ministère de
l'Education,
premièrement à cause du luxe qu'il y a dans les
écoles qu'on est en train de construire à l'heure actuelle. C'est
un problème que je tiens à souligner parce que toute la
population du Québec en parle à l'heure actuelle. Il y a un luxe
inoui', dans nos écoles neuves du Québec.
Un deuxième point, c'est qu'il y a un manque de planification
dans les investissements pour les écoles. On fait des investissements
beaucoup trop élevés dans certaines régions du
Québec pour construire des écoles polyvalentes et des
écoles neuves, alors qu'on ne tient pas compte du taux de
dénatalité et des conséquences que le regroupement des
commissions scolaires va avoir sur l'économie de certaines
régions du Québec, ce qui forcera en quelque sorte certaines
familles à aller vivre dans des centres plus gros.
Il y a, de plus, au ministère de l'Education, des projets qui
sont en voie de réalisation je tiens à le dire
qu'aucun pays au monde n'a les moyens de se donner. On organise ça de
cette façon dans la province de Québec et nous vivons dans une
société comme si nous étions des millionnaires.
Je pense que, dans ce domaine, le gouvernement aurait pu
économiser plusieurs dizaines de millions de dollars, au cours de
l'année, de sorte que le budget supplémentaire n'aurait pas
été nécessaire.
Il y a aussi un autre point concernant le ministère de
l'Agriculture. On sait qu'à ce ministère un montant est
alloué...
M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire remarquer ceci à l'honorable
député de Beauce. Depuis le début de ce débat, on
parle de la politique financière du gouvernement. Notre règlement
et les traités de droit parlementaire imposent certaines restrictions.
Je me suis confirmé dans l'opinion que j'avais exprimée ce matin
et j'aimerais que le débat, sans être trop restrictif, respecte
une certaine limite.
Je ne voudrais pas que les députés aillent au fond de
l'Education, au fond de l'Agriculture, mais qu'on nous parle plutôt de la
politique financière du gouvernement, quitte à donner des
exemples dans certains ministères.
M. ROY (Beauce): Merci, M. le Président. Je vais faire mon
possible pour suivre notre règlement. Je voulais, tout simplement,
illustrer le fait que ce budget supplémentaire n'aurait pas
été nécessaire s'il y avait eu une meilleure orientation
des politiques à l'intérieur du gouvernement et dans la
répartition des budgets dans certains ministères. On aurait
peut-être dû orienter les politiques de ces mêmes
ministères autrement, ce qui aurait contribué à
alléger le fardeau financier de la province.
Sans mentionner de ministère en particulier, j'aimerais
simplement dire que les ministères à vocation économique
n'ont pas eu, au cours de l'année, les crédits qu'ils auraient
dû normalement avoir, surtout si on considère que le gouvernement
a voulu mettre l'accent sur l'expansion et sur le développement
économique de la province.
Dans différents domaines, M. le Président, je pense qu'on
se rend compte, étant donné que dans ce budget il y a tout de
même certains montants qui sont attribués, que la plus grosse
partie est attribuée aux politiques sociales du gouvernement et surtout
à ce qui a trait à l'aide sociale... D'ailleurs j'aurai
l'occasion de revenir, lorsque ce poste sera appelé de façon plus
précise, lors de l'étude en comité plénier, sur ces
différents montants d'argent qui nous sont réclamés, mais
il y a tout de même des recommandations et des suggestions que nous
entendons faire au gouvernement sur ce point.
Alors, M. le Président, il y a peut-être un autre fait
à l'heure actuelle qui démontre que notre gouvernement se trouve
dans des difficultés sérieuses. Il serait peut-être bon de
s'interroger sérieusement, si ce n'est pas dû au fait que le
gouvernement a beaucoup de lois, beaucoup trop de lois restrictives,
c'est-à-dire qui empêchent, en quelque sorte, le
développement et la relance de l'économie, qui empêchent,
en quelque sorte, nos industriels de faire de l'investissement nouveau, parce
que justement ça devient de plus en plus compliqué de satisfaire
toutes les exigences et tous les rapports que le gouvernement réclame et
surtout en ce qui a trait à la politique du travail et de la
main-d'oeuvre.
M. le Président, nous avons, dans nos comtés et dans nos
régions, à l'heure actuelle, des gens qui se font poursuivre
devant les tribunaux pour oser travailler, au Québec pour oser
travailler. Nous avons des gens qui, à l'heure actuelle, au
Québec, ont osé engager quelqu'un pour faire des
réparations à leurs bâtisses de ferme, pour faire des
réparations à leur commerce, à leur édifice
commercial, des gens qui ont osé faire des réparations à
leur propriété. Et ces gens-là, nous en rencontrons par
dizaines toutes les fins de semaine, se font poursuivre devant les tribunaux,
$200 d'amende pour un travailleur, $200 d'amende pour que celui qui l'a
embauché, $200 parce qu'on n'avait pas suivi les lois ici et
là.
Alors, M. le Président, il y a des dizaines de milliers de
travailleurs du Québec à l'heure actuelle qui ne peuvent pas
exercer leur métier, ne peuvent pas exercer leur profession et, à
ce moment-là, le gouvernement est pénalisé, le
gouvernement se pénalise lui-même parce que ces gens-là
sont dans l'obligation de faire appel au bien-être social pour pouvoir
vivre, pour pouvoir manger trois maigres repas par jour, pour être
capables de payer leur loyer ou encore être capables d'habiller leurs
enfants, quand je dis habiller leurs enfants, je dis habiller leurs enfants
avec le strict minimum.
On ne peut pas parler d'un habillement normal, surtout quand on regarde
tous nos besoins et toutes les possibilités que nous aurions. Or, M. le
Président, devant ces faits que
nos lois sont trop restrictives, devant ces faits que le gouvernement
oriente l'économie du Québec vers un cul-de-sac économique
dans lequel nous nous retrouverons tôt ou tard, nous sommes en face d'un
autre fait que personne n'ignore.
Or, nous sommes en face du fait que nous assistons passivement, sans
dire un mot, à la dépossession de nos Québécois. La
dépossession d'abord de nos industries, tous les jours, chaque semaine.
Il y a des questions qui se posent, M. le Président, en cette Chambre,
par des personnes qui se plaignent, qui s'inquiètent avec raison du fait
que nos industries sont mises entre les mains des étrangers, et le
gouvernement déclare à chaque occasion qu'il peut le faire, qu'il
a l'occasion de le faire, qu'on invite tous les industriels de tous les pays du
monde, pour tâcher de venir investir au Québec, développer
l'industrie du Québec avec des capitaux étrangers, au profit des
étrangers, avec des gros salaires pour les étrangers.
Nous avons, du même côté, la dépossession de
nos institutions. On voit nos compagnies d'assurance
canadiennes-françaises qui, à cause de tout le contexte
économique dans lequel nous vivons à l'heure actuelle, se
trouvent dans l'obligation de songer à se vendre à des
intérêts étrangers parce que nous vivons dans le
Québec, à l'heure actuelle, un climat d'insécurité,
un climat d'inquiétude et on se demande où on va.
Nous avons aussi la dépossession de nos commerces on
pourrait en parler longuement la dépossession de nos richesses
naturelles. M. le Président, on fait appel à de grosses
entreprises multinationales et internationales pour les inviter à venir
exploiter nos forêts, nos mines, nos puits de pétrole au
Québec, faire le développement pétrolier. Et non content
de les inviter à venir développer nos richesses naturelles chez
nous, on en est rendu à leur donner nos richesses naturelles. Et non
seulement nous sommes encore contents, mais on leur donne des subventions, on
leur donne des privilèges qu'on n'a jamais voulu accorder à nos
industriels et à nos entreprises québécoises.
M. le Président, il est évident que ce n'est pas encore
assez. Il y a une autre forme de dépossession qui a pris naissance il y
a quelques années et qui s'accélère chaque semaine et
chaque mois. C'est la dépossession du salaire de nos travailleurs. J'ai
ici un exemple que je me permets de souligner, celui d'une personne qui,
à l'âge de 51 ans, reçoit un salaire de $148.60 par
semaine. Voici de quelle façon elle est rémunérée
pour son travail. On commence par lui garder $1.60 d'assurance-chômage;
$2.46 pour la Régie des rentes du Québec; $1.20 à
l'assurance-santé; $5.65 d'impôt fédéral; $10.95
d'impôt provincial; $11 de vacances; $2 pour le syndicat; $2.67 pour 1/2
de 1 p.c. de salaire minimum et $7.20 de .sécurité sociale. Avec
la conclusion que pour $148.60 gagnés, le travailleur reçoit
$92.87. Mais son employeur est obligé de payer sa part
d'assurance-chômage, sa part de la Régie des rentes, sa part
d'assurance-santé. Il lui en coûte 20 p.c, soit environ $30, pour
une personne qui a gagné un salaire de $148.60. Cela veut dire que, M.
le Président, pour une personne qui est obligée de payer $180 de
salaire à une personne qui a exécuté un travail pour elle,
par l'entremise d'un entrepreneur ou d'un employeur, le même travailleur
qui a fait le travail, reçoit 50 p.c. du salaire que celui qui fait
faire le travail est obligé de payer, c'est-à-dire $92.87.
M. le Président, je dis que ce système est archaïque,
qu'il n'est pas capable de s'adapter à l'économie moderne. C'est
un système que je pourrais qualifier de préhistorique ou
d'historique à peu près semblable à celui qui existait du
temps de Robin des Bois.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de parler plus
longtemps, mais je voudrais, avant de terminer, demander au gouvernement de
quelle façon il entend s'en sortir. Je voudrais demander au premier
ministre ou à l'Unité-Québec, par exemple, s'ils ont des
solutions. J'ai écouté attentivement, tout à l'heure, le
discours du chef d'Unité-Québec. J'ai cru, à un moment
donné, qu'il présenterait des solutions. Evidemment, il est venu
très près de présenter des solutions; j'écoutais,
j'avais l'espérance même qu'il en présente. Il a
constaté, comme nous d'ailleurs il a très bien fait
tous les problèmes, tous les malaises auxquels nous avons à faire
face. Mais, lorsqu'arrive le temps de proposer des solutions.c'est plus
difficile.
Tout à l'heure, nous aurons l'occasion d'entendre les
représentants du Parti québécois. Je me propose moi aussi,
de les écouter religieusement pour voir quelle solution ils vont
préconiser face à ces problèmes.
M. le Président, le gouvernement propose toutes sortes de
réformes: une grande réforme fiscale. On en parle tellement; il
faut réformer la fiscalité. Tout le monde manque de fonds. Les
municipalités et les commissions scolaires en manquent, le
fédéral et le provincial aussi. Alors, on fait des
réformes fiscales. On fait des réformes sociales
également; il en faut, des réformes sociales. On fait des
réformes municipales. Dieu sait tous les projets de loi qui ont
été présentés devant cette Chambre concernant la
réforme municipale! On fait des réformes scolaires. On a fait une
"réformette" administrative. On fait des réformes de la justice,
des réformes aux Terres et Forêts. On parle même de faire
une réforme électorale.
Mais, M. le Président, la réforme financière, quand
va-t-on s'y attaquer? Parce que ce n'est pas autre chose qu'un problème
financier que nous avons. Mais, la réforme financière, on ne veut
pas en parler. Pourquoi? Parce que, justement, ça pourrait
peut-être déranger les intérêts de certains
financiers internationaux ou certaines personnes qui ont peut-être de
grands intérêts à maintenir, par exemple, nos vieux partis
politiques au pouvoir, parce qu'elles sont
très bien servies. M. le Président, on peut se demander,
du fait qu'on ne fait pas la réforme financière, de quelle
façon le gouvernement songe actuellement à donner une nouvelle
orientation, si on veut, à l'administration financière. On a vu
que le ministre des Finances a déclaré, il n'y a pas tellement
longtemps, à Sainte-Adèle, que le gouvernement serait
peut-être dans l'obligation d'avoir recours à l'épargne
obligatoire. On a déclaré ça à Sainte-Adèle,
M. le Président.
Il faudra se souvenir d'un plan d'épargne forcée dont M.
Garneau a parlé, sans en faire une certitude, ni une possibilité.
Le jour n'est peut-être pas loin où le gouvernement devra en venir
là, si d'autres sources de financement lui deviennent inaccessibles.
C'est là qu'on voit tous les dangers qui nous guettent, tous les
dangers qui nous courent. Evidemment, imposer des taxes n'est pas populaire.
Augmenter les impôts n'est pas populaire. On va changer les taxes de nom,
on va changer les impôts de nom et on va dire tout simplement: Faisons de
l'épargne obligatoire. Vous allez épargner sur vos salaires. Vous
allez être obligés d'épargner pour que le gouvernement
puisse être en mesure de s'administrer.
Or, la réforme financière, la réforme
économique s'impose. Le pouvoir économique doit appartenir au
gouvernement. M. le Président, je termine. J'en ai à peu
près pour encore cinq minutes. Est-ce qu'on permet encore au maximum,
cinq minutes?
Le pouvoir économique, comme je le disais ce matin, n'est pas
à Québec. Le pouvoir économique n'est même pas
à Ottawa. Le pouvoir économique est à Londres, à
Paris ou à New York. Ce pouvoir économique, il va falloir le
reprendre. Il va falloir prendre nos responsabilités. Je sais que le
gouvernement est capable de le faire.
M. le Président, si on se reporte à l'esprit même
qui a présidé à la Constitution canadienne, la
constitution des provinces en 1867, on se souviendra, à l'article 91,
que les provinces, d'un commun accord, ont laissé au gouvernement
fédéral le pouvoir de légiférer sur le cours de la
monnaie, le pouvoir de légiférer sur les banques, le pouvoir de
légiférer sur l'impression de la monnaie, le pouvoir de
légiférer sur l'émission et l'emprunt des deniers sur les
crédits du Canada. Par contre, le gouvernement fédéral et
les provinces ont réservé une exclusivité à
l'article 92 qui stipule que la province a l'exclusivité de pouvoir
disposer de son propre crédit en empruntant elle-même et
directement ses deniers.
Justement sur ce point, la province a la responsabilité et
l'exclusivité de disposer d'elle-même de son crédit. La
province a la responsabilité et non seulement la responsabilité
mais le devoir envers les Québécois de se donner une institution
qui verra à monnayer le crédit du Québec directement. Elle
a le devoir de prendre nos responsabilités dans ce domaine et faire en
sorte que, ce crédit réel du Québec, basé sur la
capacité physique de notre population, basé sur nos richesses,
basé sur les ressources que nous avons, nous soyons capables de le
monnayer, ce crédit, et de le mettre à la disposition de notre
gouvernement pour que celui-ci soit en mesure d'administrer la province et
d'élaborer de véritables politiques de relance économique
qui permettront à tous les québécois de partager à
part entière les bénéfices, les richesses nationales que
nous avons.
Comme le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités, il est
à blâmer. Je blâme le gouvernement. Je blâme le
ministre des Finances d'être au service des intérêts
privés, d'être au service de la finance et d'exploiter des
citoyens de la province en leur soutirant de force, contre leur gré des
taxes et des impôts pour payer les rentes au système
financier.
M. le Président, nul ne peut servir deux maîtres, cela nous
le savons.
UNE VOIX: ... Samson.
M. ROY (Beauce): Il reste au gouvernement à faire...
M. GARNEAU: De Caouette à Samson.
M. ROY (Beauce): ... à faire son choix, ou servir le peuple du
Québec ou servir les intérêts de la finance.
M. le Président, me prévalant de l'article 377, comme nous
sommes à étudier les crédits supplémentaires, il y
a lieu, à cette occasion, de présenter une motion de blâme
à l'endroit du gouvernement.
Mais, comme il y a des cultivateurs, ici aujourd'hui, comme
également il y avait des cultivateurs la semaine dernière, qui
réclament, de toute urgence, l'adoption de la Loi du syndicalisme
agricole, le projet de loi no 64, je vais m'abstenir volontairement de
présenter une motion de blâme au gouvernement uniquement pour
permettre au gouvernement de passer, au plus vite, à l'étude des
crédits supplémentaires, tout en permettant aux
députés des différents partis d'Opposition d'exprimer leur
point de vue, et pour examiner le projet de loi no 64, Loi du syndicalisme
agricole, que nos cultivateurs réclament.
M. le Président, j'étais tenté, et c'était
notre privilège et nous pourrions profiter des circonstances, de
présenter une motion de blâme au gouvernement. Le gouvernement
mérite la motion de blâme. Mais par considération pour la
classe agricole, je ne me prévaudrai pas de ce privilège. Je
terminerai mes observations sur ceci: Pensez-y deux fois, vous avez deux ans et
demi pour choisir, ou administrer en fonction de l'intérêt des
Québécois ou administrer en fonction de l'intérêt de
la finance internationale.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. Guy Joron
M. JORON: M. le Président, l'étude des crédits
supplémentaires nous amène à discuter de l'ensemble de la
politique financière et économique du gouvernement. C'est, dans
un sens, sans joie et avec beaucoup de tristesse que je souligne, en
commençant, que nous allons bientôt fêter un anniversaire.
C'est l'expiration d'un délai, d'une promesse, d'un engagement, d'un
objectif de créer 100,000 emplois au Québec. Les jours sont
comptés. Il reste douze jours dans le mois de décembre et nous
allons devoir, à la fin de cette période, constater
l'échec cuisant et retentissant du gouvernement dans sa promesse la plus
importante, celle sur laquelle il avait fait reposer son appel au peuple, le
message qu'il adressait aux électeurs québécois en 1970.
Je dis que c'est avec tristesse que nous le faisons, mais vous comprendrez que
nous aurions pu nous réjouir que le gouvernement ne remplisse pas sa
promesse parce qu'électoralement, c'est bon ces choses-là. Mais
pas du tout.
Cela ne fait plaisir à personne de constater qu'au Québec
on n'arrive pas à cerner, à régler une fois pour toutes le
problème du chômage et de constater que plus ça va, plus
ça reste pareil et que plus' le temps passe, plus les choses demeurent
les mêmes.
Depuis longtemps, le Québec a toujours connu un taux de
chômage plus élevé que sa voisine immédiate,
l'Ontario. Historiquement, notre taux de chômage a toujours
été voisin du double de celui de l'Ontario. On s'aperçoit
que les mêmes politiques économiques que l'on continue
d'appliquer, sans à peu près jamais les modifier, aboutissent
évidemment à nous laisser dans la même situation.
C'est un horizon un peu triste que celui du Québec en cette fin
d'année 1971. Ce n'est pas seulement à cause des 200,000
chômeurs et de ce nouvel hiver de chômage libéral qui se
prépare, mais on s'aperçoit que, dans d'autres domaines, la
confusion, le brouillard blanc en quelque sorte sur le Québec, la
confusion la plus totale s'empare de nous collectivement, comme
société. Nous sommes désespérément à
la recherche d'une voie. Nous constatons que pendant que cela dure, c'est dur
et pénible, que les conflits ouvriers deviennent plus nombreux et plus
cuisants, plus raides et plus durs et que d'autre part, de son
côté, le pouvoir, que ce soit le gouvernement ou les employeurs,
se raidissent, deviennent eux aussi également plus durs. La confusion et
l'insécurité s'installent. D'un côté, les centrales
syndicales se radicalisent, cherchent désespérément une
voie nouvelle. De l'autre côté, le pouvoir se radicalise aussi et
devient de plus en plus conservateur.
On se demande, M. le Président, si tout cela n'est pas en train
de nous mener à une espèce d'affrontement, si tout cela n'est pas
en train d'annoncer une espèce de période anarchique de
confusion, de conflits durs à travers lesquels nous devrons passer. Plus
que jamais, j'ai l'impression que partout, au Québec, on est à la
recherche d'une solution, d'une voie. On attend le message qui permettra une
mobilisation, un ralliement des Québécois qui fera enfin que ce
brouillard se lève et que le soleil de l'avenir commence à
luire.
Pour traiter ce cancer économique qu'est la situation de notre
économie, le ministre des Finances, par voie des crédits
supplémentaires, nous propose d'avaler de l'aspirine. On ne traite pas
un cancer avec de l'aspirine. Il faudra s'interroger sur des solutions beaucoup
plus radicales et beaucoup plus fondamentales que celles qui ont tenu lieu de
débats dans cette Assemblée depuis un an et demi en tout cas que
j'y siège.
Ainsi donc, M. le Président, c'est après un long silence
que le Parlement du Québec est appelé à se pencher
à nouveau sur ces problèmes fondamentaux que sont ceux de la
politique financière et économique. On n'a pas eu l'occasion d'en
parler depuis le mois de juillet environ.
Pendant que la situation se détériore, le Parlement, lui,
reste silencieux. C'est la première occasion il faut le
souligner, M. le Président que nous avons de traiter de ces
problèmes qui sont les plus importants depuis le rapel du 26
octobre.
Il est grand temps que nous abordions ces questions-là, si nous
ne voulons pas que le Parlement de Québec perde le peu de
crédibilité qui lui reste encore face à l'opinion
publique. Et pourtant c'est important, parce que malgré tout
l'Assemblée nationale du Québec reste le seul lien direct
plus ou moins peut-être, je devrais peut-être dire indirect
le seul canal par lequel la majorité des Québécois
conserve encore un lien avec ce qu'on appelle le Pouvoir, parce que les autres
endroits dans notre système où le pouvoir est situé
échappent complètement à la grande majorité des
Québécois.
D'une part, parce que le système fédéral dans
lequel on vit, les principales attributions de l'Etat, en matière
économique, appartiennent non pas à ce Parlement-ci, mais au
Parlement central d'Ottawa. Les grands instruments d'action sur
l'économie ne relèvent pas de la juridiction de Québec,
mais d'un Parlement où les Québécois ne constituent que 28
p.c. de la représentation, celui d'Ottawa.
C'est donc un lien très lointain, un site du pouvoir très
lointain et auquel les Québécois ne se sont jamais de leur
histoire identifiés, pour cause, et aussi parce que, dans ce
Parlement central, nous sommes voués à tout jamais à
être minoritaires. Ce n'est donc pas pour nous un moyen, un canal de
communications par où on puisse accéder au pouvoir. En
voilà un d'éliminé.
D'autre part, les autres principaux sites du pouvoir et
principalement du pouvoir économique dans notre
société se trouvent dans des sièges sociaux
étrangers, puisque nous sa-
vons que dans cette partie de notre économie qui est une des plus
importantes, puisque c'est le moteur finalement de l'activité
économique, je veux parler du secteur industriel.
Nous savons que ce secteur est dominé au Québec par tout
au plus une cinquantaine d'entreprises, de très grandes entreprises, de
grosses compagnies et que plus des trois quarts de celles-là sont des
filiales de compagnies américaines. Il y a loin du peuple du
Québec au siège social de la General Motors, à
Détroit, ou de celui de Dupont de Nemours à Wilmington, Delaware,
ou à celui de Standard Oil of New Jersey, à New York, ou de
toutes ces grosses corporations dont les filiales représentent au
Québec l'essentiel de notre ossature industrielle.
Pour celles qui ne sont pas étrangères, nous savons
qu'elles sont, à ce moment-là, anglo-canadiennes,
anglo-canadiennes originaires du Québec, à l'occasion il y
en a quelques-unes comme ça mais, même si elles sont
anglo-québécoises, quelle distance il y a entre le
Québécois, le gars bien ordinaire, comme le dirait Yvon
Deschamps, et puis les sièges sociaux de ces compagnies-là, les
propriétaires de ces grandes compagnies anglo-québécoises,
qui se sont réfugiés dans leur ghetto de Westmount, du St. James
Club, et ainsi de suite! Quelle distance à l'intérieur même
d'une même société.
Tout ceci, pour dire: Finalement, que reste-t-il comme
possibilité pour le gars ordinaire au Québec d'atteindre un lieu
où il peut avoir une influence directe sur son avenir, sur son destin?
Il n'en reste qu'un: c'est l'Assemblée nationale du Québec, parce
que, là, il contrôle, là, il peut élire des gars,
puis, là, il peut avoir une influence directe. Il peut élire
à cette Assemblée nationale un gouvernement qui pourrait faire
quelque chose.
C'est le seul lien qui reste. De là l'importance d'avoir ici un
débat de fond sur ces questions-là. Cela est capital, parce que,
si on ne l'a pas et si, de Québec, ne se dégage pas un certain
leadership, bien les Québécois auront de plus en plus le
sentiment d'être laissés pour compte, d'être
délaissés. Ils auront de plus en plus le sentiment qu'ils ne
peuvent rien faire pour modifier leur avenir, pour modifier leur destin.
Qu'arrive-t-il dans une situation semblable? Bien, ils vont rentrer chez eux.
Les plus jeunes rentreront dans leur cave pour fumer du"pot"; les plus vieux
rentreront dans leur désespoir, puis, finalement, on va aboutir à
quoi? A une société qui ne sera peut-être plus gouvernable
du tout parce que ça n'intéressera plus personne de la gouverner,
et parce que la preuve aura été faite aux yeux de tous qu'ils ne
peuvent pas la gouverner, que ce n'est pas leur affaire. Ils s'en
détacheront et on verra une longue période de
dépolitisation.
Dieu sait ce qui peut nous tomber sur la tête par la suite. Cela
peut être l'anarchie, ça peut être la dictature. Dès
l'instant où les citoyens ont perdu confiance dans leur principale
insti- tution, la porte à n'importe quoi est ouverte. C'est ce que nous
voulons éviter; c'est pourquoi nous voulons faire ici un débat de
fond sur les politiques économiques.
On voudrait que le gouvernement du Québec devienne ce leader qui
va permettre à cette brume, à ce brouillard dont je parlais plus
tôt, de se lever tranquillement. Nous voulons qu'il devienne ce fort, cet
inspirateur d'une stratégie de développement qui va nous
permettre d'aller quelque part, puis qui va décider en disant: Voici, on
a telle et telle chose, tel bobo à guérir. On veut vous amener
là, voici comment on veut vous y amener. Etes-vous d'accord ou ne
l'êtes-vous pas?
C'est là le rôle de leadership d'un Parlement ou d'un
gouvernement.
Si on veut, en conséquence, tracer les grandes lignes de cette
action, il faut bien entendu faire la revue de la politique actuelle du
gouvernement. Que nous a-t-il proposé depuis vingt mois pour
répondre à ce problème capital et crucial? Quel a
été le fondement de sa politique de développement? Ce
n'est pas qu'une politique économique, ce n'est pas qu'une question de
créer plus ou moins d'emplois, de faire une conférence de presse
ou un communiqué de presse pour annoncer un investissement de tant qui
va créer 23 ou 42 "jobs" ici et là, ce n'est pas de la
comptabilité, une politique économique. Ce sont des choix
importants et c'est toute une série de mesures, ensuite, pour s'y
rendre. Mais on n'a jamais posé ces choix-là.
Jusqu'à ce jour, qu'est-ce que le gouvernement nous a offert? Il
a dit une chose: qu'il voulait créer de l'emploi. Je reviendrai sur ce
choix si on peut le qualifier comme tel, parce que ce n'est pas ça une
politique de développement. On ne peut pas dire aux gens: Tout ce qu'on
vous propose, c'est de créer de l'emploi. Il s'agit de savoir où,
pourquoi, à qui ça va bénéficier, qu'est-ce que
ça va donner, où est-ce que ça nous conduit? Ce sont
là les questions auxquelles il faut répondre. Ce n'est pas tout
d'additionner comme un comptable de bureau la liste des emplois à
créer ou de les créer. Cela aurait peut-être
été difficile, ç'aurait été une tâche
plus lourde l'additionner les fermetures depuis vingt mois au Québec que
la véritable création d'emplois. Mais enfin! ...
La politique du gouvernement, qu'est-ce qu'elle a été?
Elle a été fondée sur une foi aveugle, totale,
complète dans l'entreprise privée et dans l'entreprise
privée principalement étrangère. Un rappel à pied
levé au capital étranger. C'est le fondement principal de la
politique, si on peut la qualifier ainsi, que nous a proposé le
gouvernement à ce jour. Je voudrais en faire la critique.
Est-ce une voie, est-ce une solution d'avenir que de faire reposer, que
de faire dépendre l'essentiel de notre développement sur l'appel
au capital étranger? Il y a trois séries de questions que je veux
poser à ce sujet. Et je vous dis en
partant que je n'y crois pas à cette formule, pas du tout. C'est
même et c'est ce que je veux démontrer en trois points
la méthode la plus sûre de nous conduire à un
sous-développement plus tard, plus grave encore que celui que nous
connaissons dans le moment. Et voici comment: Quand on dit qu'un investissement
étranger vient se réaliser au Québec, parce que la
compagnie XYZ de New York, de Tombouctou, ou d'où vous voudrez, vient
construire une usine de $10 millions dans tel ou tel endroit dans le
Québec, ou que la filiale québécoise d'une entreprise
étrangère annonce tel ou tel investissement, on a l'illusion
qu'il entre au Québec de l'argent nouveau. Or, à 90 p.c. du
temps, ce n'est pas le cas parce qu'en Amérique du Nord, les
investissements industriels se financent pour plus des trois quarts par les
bénéfices et les amortissements accumulés par les
entreprises. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que quand, à titre
d'exemple, Coca-Cola annonce un investissement de X millions de dollars
à tel endroit pour y faire une nouvelle usine Coca-Cola est une
filiale à 100 p.c. d'une compagnie américaine pour bien
des gens, l'image première qui saute aux yeux est la suivante: c'est de
voir $5 ou $10 millions passer la frontière, ou un chèque de $5
millions posté de New York qui, à un moment donné, va
venir tomber comme la manne sur le Québec. On ignore que des entreprises
déjà installées depuis longtemps, comme l'exemple que je
mentionne, accumulent au Québec des profits depuis fort longtemps.
Profits qui viennent d'où?
Ils viennent forcément d'un pourcentage dans leurs ventes, qui
sont faites à qui? Aux consommateurs québécois.
C'est ainsi que les fonds qu'accumulent les entreprises, soit en
réserves d'amortissement ou en profits retenus, en profits
accumulés, proviennent essentiellement des consommateurs, ce sont les
Québécois qui financent ces investissements-là, en
achetant les produits des entreprises.
Deuxièmement, il y a une deuxième façon pour
laquelle ce sont les Québécois qui financent les investissements
étrangers. C'est lorsque nos banques locales prêtent à des
entreprises étrangères des fonds sous forme, par exemple, d'une
ligne de crédit, ouvrent un crédit de $10 millions, $15 millions
ou $20 millions, dans le cas d'une grande entreprise, un fonds de roulement.
Ces fonds que ces banques locales prêtent à ces entreprises sous
forme de crédit à court terme, c'est de l'épargne qui a
été déposée par les gens de la place dans les
banques.
C'est l'épargne des Québécois qui sert à
financer cette partie-là aussi des fonds qui sont donnés aux
entreprises dites étrangères.
Troisièmement, lorsque ces entreprises empruntent pour agrandir
leurs usines ou pour en construire des nouvelles, en émettant des
obligations, en empruntant de l'argent sur les marchés financiers, par
voie d'émission d'une obligation, c'est-à-dire d'une dette qui
devient remboursable dans tant de temps, dans vingt ans, dans vingt-cinq ans ou
peu importe, qui sont les acheteurs de ces obligations? Ce sont principalement
les institutions financières, ce sont nos caisses populaires, nos
banques, les compagnies d'assurance-vie, les caisses de retraite
publiques ou privées ce sont les sociétés de
fiducie, ce sont parfois les fonds mutuels, toutes des institutions qui
s'alimentent à partir de l'épargne locale, encore là par
l'intermédiaire d'institutions financières que nous ne
contrôlons pas malgré que ce soit notre argent qui y soit
déposé; je dirai un mot là-dessus tout à
l'heure par voie de ces institutions financières, c'est une autre
méthode, un autre canal à travers lequel les
Québécois financent l'entreprise étrangère. Et pour
ajouter la cerise sur le gâteau, si vous voulez, le gouvernement, avec
les taxes perçues chez les contribuables, vient rajouter encore à
ce pourcentage de financement québécois, en donnant des
subventions aux entreprises, ou en prêtant de l'argent aux entreprises
sous forme de prêts remboursables à faible taux
d'intérêt ou en prêtant de la machinerie gratuitement comme
Rexfor le fait à ITT sur la Côte Nord, et ainsi de suite.
Du total des investissements étrangers réalisés au
Canada, c'est près de 90 p.c. qui est financé par
l'épargne locale.
Je l'ai dit il y a déjà 18 mois en Chambre ici. A ce
moment-là, ça n'a pas semblé faire dresser l'oreille du
gouvernement. On aurait même dit que c'était quelque chose que le
premier ministre ignorait. Mais depuis, les témoignages se sont
accumulés sur ce sujet. Outre les témoignages les plus anciens,
par exemple de Walter Gordon, ancien ministre fédéral des
Finances ce sont les témoignages du département du Commerce des
Etats-Unis lui-même qui, dans un bulletin statistique, montrait comment
les entreprises américaines à l'étranger se
finançaient à 90 p.c. par de l'épargne puisée
là où ils allaient s'installer. Ce sont ceux qui viennent
investir ici qui nous le disent eux-mêmes.
Depuis, évidemment, il y avait eu le rapport Porter de la
commission d'enquête fédérale sur nos institutions
financières au début des années soixante et tout
récemment finalement le rapport Grey, dont une fuite a permis au public
de prendre connaissance d'un des rapports les mieux faits qui décrit ce
phénomène et le pose enfin une fois pour toutes devant l'opinion
publique, aussi bien canadienne que québécoise.
L'illusion qu'un investissement étranger signifie un nouvel
apport d'argent, ce n'est pas vrai.
Un investissement étranger veut dire un contrôle
étranger supplémentaire sur une partie de notre économie
mais n'implique pas l'arrivée d'argent frais, d'argent nouveau. Cela, ce
n'est pas vrai. Il y a pire que cela. L'effet à long terme de cette
politique, est que ces gens ne viennent pas s'installer ici, évidemment,
pour perdre de l'argent ou pour faire des cadeaux
aux Québécois, c'est bien évident, mais dans une
optique de rentabilité. C'est pour faire des profits. Des profits, il
faut, un jour, pour les toucher, les rapatrier sous forme de dividendes
versés aux actionnaires ou sous forme d'intérêts.
L'on constate qu'en moyenne cela prend huit à dix ans pour
ressortir le peu d'argent qu'on est venu investir dans un pays étranger.
En ayant financé l'essentiel par une dette locale et la balance, cette
petite partie qui aurait été financée par une
participation directe, par les actions que les étrangers
détiennent dans l'entreprise qu'ils viennent de créer, cela se
rembourse en moins de dix ans par les dividendes que la compagnie verse, quand
elle commence à réaliser des profits, à ses actionnaires
étrangers.
C'est ainsi que, accentuer cette politique de dépendance sur le
capital étranger se traduit à long terme et inévitablement
par une sortie nette de capitaux. De là, l'illusion de faire
dépendre notre destin ou notre développement économique,
la dangereuse illusion de la faire dépendre de l'apport de capitaux
étrangers, de l'entrée nette de capitaux étrangers. Un tel
contrôle que l'on permet, à long terme, évidemment,
cela ne sera pas visible enfin les effets de cette politique se feront
sentir bien longtemps après la défaite du gouvernement Bourassa.
C'est pour ça que cela ne les préoccupe pas, d'ailleurs. Ils sont
intéressés aux prochaines élections et pas davantage. Mais
le taux de sortie des capitaux du Québec, en 1980, cela ne les
préoccupe pas.
Il y a une deuxième illusion majeure dans cette politique de
capital étranger. C'est l'illusion aussi d'un apport technologique. On
dit: Québec est un petit pays. Il n'y a pas suffisamment de savants, de
chercheurs, etc., pour inventer, surtout dans des domaines dits de pointe.
C'est évident qu'on ne peut pas penser qu'on va se mettre à
faire, plus rapidement que les Américains, les ordinatrices IBM ou des
grands calculateurs électroniques et des choses semblables.
A partir, donc, de cette constatation, on se dit que l'arrivée de
ces grandes corporations étrangères, technologiquement
avancées, est donc une façon pour le Québec d'importer de
la technologie. Qu'est-ce qui se passe dans les faits, quand une entreprise
semblable vient s'installer au Québec ou, éventuellement, fait
l'acquisition ici d'autres entreprises locales? Est-ce que cela se traduit par
une augmentation de la recherche qui est effectuée localement? Est-ce
que cela se traduit par l'augmentation du nombre de chercheurs?
Pour répondre à cette question, il faudrait se placer dans
la peau de l'entreprise étrangère elle-même et voir quel
est son intérêt. Quel est son intérêt? Vous
êtes une compagnie américaine, par exemple. Votre souci premier
est de faire, chez vous, la maximum possible de ces recherches. Alors, pour
étendre la dimension de sa recherche, il faut étendre les
marchés. Il faut donc, autant que possible, aller capturer des
marchés à l'étranger pour pouvoir réduire les
coûts, les frais d'opération à la maison, par exemple,
à la compagnie mère et non pas à l'étranger. Dans
cette politique, pourquoi une compagnie étrangère aurait-elle
intérêt à multiplier ses centres de décision et
à faire faire de la recherche sur une petite échelle non
rentable, à gauche, à droite, au Québec, en Ontario, au
Basutoland ou dans n'importe quel pays.
L'intérêt premier, c'est d'empêcher, justement,
qu'une technologie locale ne se développe qui pourrait, peut-être,
même devenir concurrentielle avec la compagnie mère,
éventuellement, à plus long terme. La raison même de cette
soif, de cet appétit de dévorer les concurrents étrangers
ou de venir tout de suite occuper une place sur un marché
étranger, c'est précisément d'empêcher la naissance
d'un concurrent éventuel. Cette politique ne peut jamais se traduire par
un apport technologique pour le Québec. Bien entendu, si on vient faire
ici quelque chose qui ne se faisait pas avant, vous me direz que c'est une
technologie nouvelle.
Mais qui vient la faire? Une entreprise étrangère vient
construire quelque chose qui ne se faisait pas ici. Elle fait venir des
ingénieurs, ses ingénieurs forcément, pour monter une
nouvelle chaîne de production qui implique des façons de
procéder nouvelles et ainsi de suite, pour qu'une fois l'installation en
place la filiale joue le rôle que la compagnie mère lui aura
assigné. Toi, fais-nous telle pièce. Soit parce que la
main-d'oeuvre est meilleur marché au Québec ou soit parce que
nous avons besoin d'une ressource naturelle qui s'y trouve, c'est pour nous la
façon la plus économique de tirer la composition, si vous voulez,
de l'ensemble du produit que nous voulons faire.
Dans une perspective semblable, il est également illusoire de
s'attendre que, par une domination étrangère sans cesse
croissante sur notre économie, nous puissions atteindre le
développement technologique auquel nous aspirons. C'est une fausse
voie.
Il y a un troisième point très grave, c'est qu'il faut
bien comprendre que les entreprises étrangères viennent installer
des filiales ici dans un souci de développement à
l'intérieur de leur propre logique, pas nécessairement dans un
souci d'équilibre de l'économie québécoise ou dans
le cadre d'un plan de développement québécois. Cela ne les
intéresse évidemment pas. C'est leur propre plan de
développement qui les motive fondamentalement à venir ou à
ne pas venir s'installer ici.
Ce faisant, ces compagnies ont depuis longtemps, dans leur
stratégie de développement à elles parce qu'elles en ont
une stratégie de développement, attribué au Québec
le rôle qu'elles veulent lui voir jouer dans ce système-là.
Ce rôle-là, c'est celui de fournisseur de matières
premières ou cela avait été et ce l'est encore celui de
fournisseur de main-d'oeuvre à bon marché dans ce type
d'industries qui
emploient du "cheap labour", comme le textile, le cuir, le
vêtement et ainsi de suite, industries où l'on s'est
spécialisé dans le passé.
C'est pour ces deux raisons-là. Comment, à partir de ce
système-là, peut-on s'attendre que se développent ici les
autres industries dont nous avons besoin, celles justement qui croissent plus
rapidement et qui permettraient d'atténuer ce déséquilibre
de notre structure économique dont notre revenu national, plus faible
que celui de l'Ontario, est la principale cause? Comment peut-on s'attendre que
notre déséquilibre interne soit corrigé par ceux-là
même qui ont intérêt à l'entretenir, par
ceux-là même qui l'ont créé? Tant que nous
laisserons les centres ou les pouvoirs de décision à
l'étranger, nous continuerons d'avoir une économie de plus en
plus déséquilibrée, de plus en plus dépendante des
marchés étrangers.
Par exemple, ils continueront, dans la mesure où ils en ont
besoin, à développer des industries de papier au Québec,
jusqu'au jour où ils n'auront plus besoin de papier. Qu'est-ce que c'est
pour eux de les fermer, à ce moment-là, et de les laisser tomber?
Pour eux, c'est dans leur logique. Pour les 25 prochaines années, on a
besoin de papier, on va aller en chercher là où il y en a.
Après, si notre structure industrielle à nous, qui serons encore
là dans 25 ans, est toute fondée sur une industrie qui fabrique
un produit dont plus personne n'a besoin, que fera-t-on avec des usines de
pâtes et papier?
Peut-on faire des téléviseurs avec cela? Peut-on faire des
chaussures avec cela? Bien entendu, il y aura une machine industrielle
d'installée sur place, ici, mais pour laquelle il n'y aura plus de
marché et qui ne nous servira pas.
Nous disons que puisque c'est nous qui finançons ce
développement industriel essentiellement, il est aussi capital de
contrôler la décision d'investissement de façon que ce ne
soit pas ce type d'industrie qui continue à se développer ici et
à élargir le déséquilibre déjà
existant.
Cela, M. le Président, c'est toute l'illusion terrible et
dangereuse qu'il y a derrière une politique de développement, une
politique économique fondée sur la dépendance
vis-à-vis du capital étranger. A cela, le gouvernement ajoute
bien entendu... Je passerai plus brièvement là-dessus parce que
nous avons eu l'occasion, au moment de la présentation du projet de loi
créant la Société de développement industriel, de
démystifier du mieux que nous pouvions cette politique de père
Noël économique, de Saint-Vincent de Paul économique que le
gouvernement établissait à l'égard de l'entreprise
privée, utilisant les deniers du contribuable pour ajouter une part
publique dans le financement des entreprises mais qui ne se tranduisait pas par
une partie équivalente de propriétés publiques.
Je ne vois pas pourquoi on continuerait à encourager des
étrangers qui construisent chez nous une structure industrielle qui,
à long terme, nous conduit directement à la catastrophe avec, en
plus de cela, les deniers du gouvernement. Il y a bien d'autres façons
je les décrivais tout à l'heure par lesquelles ces
entreprises sucent l'épargne locale ici, dans le territoire du
Québec, sans que par-dessus le gâteau, le gouvernement vienne
rajouter les deniers publics comme source ultime de financement.
On est même rendu, dans ce secteur, à un point tel qu'on se
demande si l'entreprise privée a encore quelque justification que ce
soit. Historiquement, quelle était la justification de l'entrepreneur
privé? Il disait: J'ai le droit d'avoir le contrôle, de continuer
à gérer mon affaire, être le seul à prendre les
décisions parce que c'est mon argent que j'ai risqué
là-dedans. Donc, si ça va chez le diable, c'est moi qui le
perdrai et si ça marche, c'est moi qui encaisserai les profits. C'est le
raisonnement primaire. Mais quand l'entrepreneur conserve 100 p.c. du
contrôle mais que, finalement, il ne met pas plus que 5 p.c. ou 10 p.c.
de l'argent dedans, par exemple, où est la justification du
système? C'est à ce point qu'est rendu le régime de
l'entreprise privée tel qu'on le pratique au Québec et tel que le
gouvernement actuel, en plus de cela, l'encourage et l'accentue.
Le gouvernement, enfin, en faisant porter sur l'entreprise privée
et sur le capital étranger, l'essentiel de sa politique de
développement économique, s'écartait, ce faisant, d'une
ligne de conduite qu'avait tracée timidement, j'en conviens, le
gouvernement libéral précédent, celui de Jean Lesage au
début des années soixante. J'ai l'impression, aujourd'hui, qu'on
avait un peu compris alors les problèmes auxquels nous faisions face
à l'époque et qu'on avait vu l'illusion à long terme de
cette philosophie de dépendance sur le capital étranger et sur
l'entreprise privée. Le gouvernement avait donc tenté, timidement
j'en conviens, de commencer à même les fonds
québécois, à donner les premiers instruments de
développement sur lesquels nous pouvions nous-mêmes compter pour
assurer la quantité et la qualité de développement que
nous voulions. Cela a été l'Hydro, la Caisse de
dépôt et placement, la SGF, Sidbec et ainsi de suite.
La politique actuelle du gouvernement n'est pas une marche
arrière par rapport à ce qui avait été
dessiné au début des années soixante. C'est un
renversement total, une trahison, une négation de la politique du
précédent gouvernement libéral. C'est la voie absolument
diamétralement opposée.
En guise de témoignage, M. le Président, je rappelle ce
que deux des ministres, qui se font une vocation économique dans le
gouvernement, m'ont répondu à l'occasion de l'étude des
crédits de leurs différents ministères.
M. LEVESQUE: Le député de Gouin en a-t-il pour
longtemps?
M. JORON: Me prévalant du droit de parole du chef parlementaire
du Parti québécois, je...
M. LEVESQUE: Non, non, M. le Président.
Si on veut s'en tenir strictement au règlement, ça ne
s'applique pas au présent débat, du moins de la façon que
j'interprète le règlement. Cela s'applique lorsqu'on
répond au ministre des Finances au discours du budget.
Si on veut être procédurier, encore une fois, je suis
obligé de l'être. J'ai simplement demandé poliment au
député de Gouin s'il s'apprêtait à terminer.
M. BURNS: M. le Président, si le député de Gouin
vous avise qu'il sera, à la fin de son intervention, disposé
à déposer une motion de blâme contre le gouvernement, je
crois que notre règlement sessionnel lui permet de parler une heure.
M. LEVESQUE: Il ne s'agit pas d'une motion de fond.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je pourrais demander à l'honorable
député s'il désire terminer son intervention par un vote
de blâme ou de censure visant le gouvernement?
M. BURNS: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Vous avez le droit.
M. JORON: Merci, M. le Président.
Je n'insisterai pas davantage, je m'aperçois d'ailleurs que je
l'ai fait trop longuement sur ce qu'a été et sur ce qu'est le
semblant de politique de développement économique que le
gouvernement libéral nous a proposé jusqu'alors. Il est beaucoup
plus important de parler de ce qu'on devrait faire.
A ce sujet-là, je voudrais dire la chose suivante. Tout d'abord,
le gouvernement a, d'après nous, fort mal posé le problème
en faisant de la création d'emplois et en situant autout du
problème du chômage toute la question en limitant la question de
notre développement global à cette seule et unique question.
Pour nous, le problème n'est pas le chômage. Pour nous, le
problème, c'est la pauvreté. Le chômage est un canal qui
conduit à la pauvreté. Mais le problème le plus global au
Québec est celui de la pauvreté.
Or, ce n'est pas uniquement un problème de créer des
emplois pour faire moins de chômeurs. Cela ne règle pas du tout le
problème qui fait qu'un tiers des Québécois francophones
vit dans ce que les statisticiens et les différents ministères
appellent vivre en bas de ce qu'on appelle le seuil de la pauvreté, le
seuil d'un niveau de vie minimum décent.
C'est ça pour nous qui est le premier choix à faire, choix
fondamental que le gouvernement n'a jamais fait. Il faut d'abord et avant tout
faire ce choix-là. C'est la chose première. A quoi est-ce qu'on
s'attaque? Ce à quoi nous croyons devoir nous attaquer en premier lieu,
c'est le problème de la pauvreté.
A partir de ce moment-là, ce n'est pas du tout uniquement une
question de créer des emplois. A ce sujet-là, j'aimerais rappeler
les pages fort pertinentes que l'on retrouve dans le tome IIl de la commission
Castonguay-Nepveu. On y lit que ces droits les objectifs
immédiats du développement social seraient le droit au
travail, au repos et au loisir, à la santé, à
l'éducation, aux services sociaux, au logement et à la
sécurité du revenu.
Lisons, si vous voulez, ce qui suit, en en pesant bien les mots. "La
réalisation des objectifs immédiats suppose que tous les citoyens
ont une chance égale de se procurer les biens et les services
nécessaires à leur épanouissement personnel.
Cette égalité de chance ne doit pas être uniquement
une égalité théorique, mais doit se traduire par une
égalité réelle. Celle-ci entraînera obligatoirement
la disparition de la catégorie sociale d'assistés. Cette
proposition dépassait de loin le système actuel de la
sécurité sociale de l'assistance sociale.
Moi, j'en ai soupé de l'assistance sociale. Je décris ce
phénomène-là, ce système-là comme l'amende
que paye le système pour avoir placé des gens dans cette
condition d'indigence-là. Ce n'est pas un cadeau qu'on fait aux
assistés sociaux, c'est l'amende qu'on paye pour les avoir placés
dans une situation telle qu'ils ne peuvent subvenir à leurs besoins.
C'est une dette, et une partie seulement, que la société leur
rembourse. C'est pourquoi nous proposerions, en remplacement du système
actuel d'assistance sociale, un système fondé sur le revenu
minimum garanti.
Et je poursuis la lecture de la citation que je faisais du rapport
Castonguay-Nepveu: "Dans cette optique, toutes les mesures qui restreignent la
distribution des biens et des services à des catégories
particulières d'individus ou de familles défavorisés
doivent disparaître." Ils étaient clairvoyants les gens de la
commission, regardez comme les mots qui suivent sont presque adressés au
gouvernement actuel: "Il faut s'attendre à ce qu'une telle conception du
bien-être aussi intimement liée à la notion de
développement et aux exigences qui en découlent ne soit pas
spontanément et favorablement accueillie par tous c'est le moins
que l'on puisse dire car elle implique de nombreux changements. "Le
conservatisme naturel des uns, la recherche de la sécurité chez
les autres, la part de l'innovation et les habitudes de facilité du plus
grand nombre on jurerait que jusqu'à maintenant on a fait le tour
de toute l'équipe ministérielle engendrent la
méfiance qui constitue un puissant facteur d'opposition et même de
résistance aux changements non seulement dans l'ordre des idées
mais aussi dans l'ordre des
faits. Et on avertit. Quoi qu'il en soit, l'évolution sociale
actuelle rend inévitable l'acceptation du nouveau concept de
bien-être lequel devra, le plus tôt possible, inspirer une
politique, se traduire par des programmes, entraîner une modification des
attitudes et provoquer des changements importants dans le caractère et
la structure des institutions, sous peine, pour les sociétés qui
refusent ou sont incapables de se conformer à ces exigences, de se
retrouver rapidement dans une situation de retrogression."
Cela ç'a été écrit il y a plusieurs
années, mais quelle inspiration prophétique. On jurerait que
ça s'adressait à l'état actuel de la situation au
Québec et à l'équipe qui le dirige. Nous croyons donc que
ce choix premier implique de choisir, comme tâche immédiate, qu'on
s'attache à instaurer un système qui vise à mieux
distribuer les revenus et les richesses actuelles existantes au moment
où on se parle là, dans la société, ou si on vise
à un système qui promet de les augmenter plus tard, mais qui ne
s'attaque jamais aujourd'hui aux différences et aux écarts
scandaleux qui existent dans notre société.
Pour nous, le choix est clair. D'ailleurs, j'aimerais lire ce que disait
à ce propos-là un ancien ministre du gouvernement libéral,
qui a été aussi pendant un certain temps ministre à
Ottawa, Eric Kierans. M. Kierans disait ceci dans une conférence,
récemment: "Le concept de la croissance est une carotte visant à
cacher au peuple les inégalités actuelles dans la distribution de
la richesse." Cela ne peut pas être plus clair. Toute la politique des
100,000 emplois à venir, des grands développements futurs: une
carotte pour cacher les inégalités actuelles dans la distribution
des richesses. Cela s'adresse carrément à la politique que
poursuit le gouvernement. Il écrit un peu plus loin: "Si l'on
s'attaquait au problème de la répartition égale des
richesses, la croissance bénéficierait à tous
également, sinon l'écart entre les classes ne peut aller qu'en
s'élargissant et l'injustice sera encore plus profonde.
Le premier choix qu'une politique de développement doit faire, M.
le Président, est donc celui de s'attaquer à distribuer le plus
équitablement possible, par une réforme fiscale complète,
par un régime de revenu minimum garanti, les actuelles richesses, avant
de se demander comment on va s'organiser pour en créer d'autres dans
l'avenir. Bien entendu, on ne rejette pas comme telle l'idée de la
croissance, mais, avant de décider comment et pourquoi on va
croître, il faut s'attaquer d'abord à partager ce qui existe
déjà.
Cela m'amène à mon deuxième point qui est justement
l'organisation de la croissance. Juste avant de poser ce problème, je
voudrais rappeler ceci pour resituer le choix ou l'absence de choix qu'a fait
le gouvernement quant au problème premier que je posais tout à
l'heure. D'un côté c'est là qu'est toute la question
la production nationale brute augmente. Au point de vue des
statistiques, c'est vrai. Le revenu national augmente; c'est vrai, per capita
aussi, c'est-à-dire par habitant, qu'en chiffres absolus ça
augmente. Comment se fait-il, alors qu'en même temps augmente aussi le
nombre des chômeurs, le nombre des assistés sociaux et surtout le
nombre de ceux qui se sentent de plus en plus inquiets, qui ne savent pas quand
arrivera le moment où ils vont tomber dans ces catégories? Cette
contradiction peut-elle survivre longtemps? Combien de temps va-t-elle durer
avant qu'on s'aperçoive qu'il y a un non-sens dans le fait que,
globalement, la production augmente et qu'en même temps il y a de moins
en moins de gens qui en profitent?
Il est clair que les écarts que soulignaient aussi bien la
commission Castonguay qu'Eric Kierans dans le texte que je citais tout à
l'heure sont en train de s'élargir. C'est pourquoi il faut s'attaquer
d'abord à ça.
Une fois que cela est fait, il faut avoir une stratégie de
développement. Il faut se demander ce qu'on va développer et
comment on va le développer. Il y a un choix entre la croissance de la
quantité ou la croissance de la qualité à faire en premier
lieu, à ce moment-là. Il faut se demander si on va continuer
d'avoir un système économique dont la croissance va être
calculée au rythme de la caisse enregistreuse et de la capacité
d'absorption de nos poubelles. Parce que c'est ça que le système
actuel nous donne: un système qui est organisé pour faire
consommer les gens de plus en plus rapidement, pour que les ventes augmentent
et pour qu'on "sacre" ses affaires au panier le plus rapidement possible.
Il va falloir se demander si on veut des brosses à dents
électriques ou bien des chaussures; si on veut des motoneiges ou si on
veut des logements pour le tiers des gens qui habitent des taudis à
Montréal. Ce sont des choix économiques fondamentaux: le choix de
la qualité de la vie par rapport à la quantité des biens
utiles qui vont à la poubelle le plus rapidement possible auquel le
système économique, tel qu'il est pratiqué actuellement,
nous a livrés.
Je voudrais rappeler les propos extraordinaires qu'écrivait
Gérard Leach dans un article du Nouvel Observateur. Lisons bien: "Ce
n'est toutefois pas notre technologie qui pourra venir à bout de la
crise écologique. Au contraire, la situation de cette crise suppose un
bouleversement radical d'à peu près toutes nos options
industrielles, économiques, sociales et politiques. En particulier, il
nous faudra abandonner l'idée de ce qui importe par-dessus tout, c'est
la consommation, c'est-à-dire la rotation accélérée
des marchandises constamment renouvelées et dont l'innovation et l'usure
rapides gonflent artificiellement le produit national. En
réalité, disait-il, il est beaucoup plus important de conserver
aussi longtemps que possible."
Un peu plus loin, la meilleure solution consiste à allonger la
durée de vie de tous les
produits. Si vous voulez la doubler, par exemple, vous pouvez doubler la
prospérité matérielle sans accroître la consommation
de ressources et la production de déchets. C'est ce qu'il faut
comprendre, c'est que la qualité de la vie peut s'améliorer
autrement que par une production quantitative.
Aujourd'hui, disait-il et nous voyons à quel point ce
message est adressé aux gens qui siègent à cette
assemblée tous les hommes politiques prétendent vouloir
combattre la pauvreté, le chômage et d'autres plaies sociales par
une expansion quantitative de la production plutôt que par la vieille
exigence socialiste d'une redistribution des richesses. En fait, la croissance
quantitative n'a guère atténué la pauvreté relative
qui, à la différence de la misère physique, est le
sentiment que la société vous prive du niveau de vie normal et
à mesure que la crise de l'environnement s'aggrave, il n'est pas
difficile de prévoir qui en souffrira le plus, les masses pauvres des
villes, les chômeurs, ceux qui ne peuvent pas fuir la pollution et les
cages de béton. Peut-être les débats politiques de l'avenir
opposeront-ils les partisans de la croissance quantitative aux partisans de
l'amélioration qualitative exigeant d'autres priorités et un
autre système économique.
Ceci m'amène, en conclusion, M. le Président, à
vous dire que les moyens, après avoir posé ces choix, d'y arriver
impliquent un autre système économique. A ce sujet, je ne veux,
pour l'instant, qu'en présenter deux avant-coureuses, si vous voulez, de
l'un. Si l'on veut que les entreprises produisant aujourd'hui des biens
appelés à devenir rapidement des déchets, des biens qui ne
correspondent pas nécessairement aux priorités, aux besoins tels
que formulés par la population elle-même, il n'y a pas de doute
et nous n'y échapperons pas qu'il faudra modifier notre
régime juridique de façon à prendre le contrôle des
entreprises ou du moins d'un certain nombre, principalement celles qui
produisent pour les consommateurs.
Ce mouvement est déjà amorcé aux Etats-Unis,
peut-être par suite des actions de Ralph Nader par exemple dans le
domaine de la consommation, mais je vois le jour où les consommateurs
seront majoritaires au conseil d'administration de General Motors. Cela s'en
vient aux Etats-Unis, il faudrait peut-être que nous y pensions ici.
H faudra donc...
M. TETLEY: M. le Président,...
M. JORON: Je suis bien heureux de voir que le ministre des Institutions
financières m'approuve...
M. TETLEY: J'approuve cette partie du discours.
M. JORON: ... j'ai dans deux minutes une grande surprise pour lui
d'ailleurs qui fera du ministre des Institutions financières, nul doute,
le personnage le plus important du gouvernement, vous le verrez dans un
instant.
Un régime, dis-je, juridique différent qui enlève
à l'actionnaire le droit exclusif de voter des représentants au
conseil d'administration des entreprises. Il faudra évidemment faire des
distinctions considérables selon les secteurs, selon qu'il s'agit
d'industries vouées exclusivement à l'exportation, selon que ce
sont des industries dont les biens sont des biens de consommation par
opposition à d'autres qui produisent de l'acier. Par exemple, on ne peut
pas imaginer faire siéger les consommateurs d'acier, les individus comme
tels n'achètent pas d'acier. Toutes ces distinctions évidemment
devront être introduites. Il faut s'attaquer à un changement
substantiel de notre régime juridique qui va restreindre le choix des
administrateurs, c'est-à-dire qui va enlever l'exclusivité que
possèdent aujourd'hui les actionnaires au droit de décider dans
les entreprises et dans certains cas, il faudra aller plus loin.
Dans certains cas, il faudra carrément que la
propriété ne puisse être autre que collective, dans des
cas, par exemple, qui sont une illustration extraordinaire du système
que provoque la domination étrangère de notre économie.
Prenons le domaine de l'appareillage électrique. Vous avez au
Québec la filiale de RCA Victor, la filiale de General Electric, la
filiale de Westinghouse, toutes des morceaux qui reproduisent au Québec
la même concurrence que se livrent ces géants américains
sur le marché national. Avec quels résultats? Quatre ou cinq
petites chaînes de montage, dont aucune n'est véritablement
rentable, efficace.
Ce sont les lois antitrust américaines qui les empêchent de
se fusionner dans le territoire du Québec.
Une industrie, dans ce domaine et je l'ai fait à titre d'exemple,
n'a d'avenir que dans la mesure où elle est fusionnée, qu'elle
est une et intégrée. C'est un type de production qui demande des
chaînes de montage tellement longues qu'on ne peut pas, sur une petite
échelle, répéter quatre ou cinq fois la même chose
dans un marché aussi petit que celui qui est destiné au
Québec, surtout, si on a quelque prétention que ce soit à
vouloir exporter sur les marchés internationaux. Qu'est-ce qu'il faut
faire?
Si le système actuel empêche littéralement cette
rationalisation économique de se faire, il n'y a pas d'autre choix que
de nationaliser. Il faudrait, dans des cas semblables et je l'indique
seulement à titre d'exemple nationaliser les entreprises pour
faire la fusion, les intégrer et les soustraire aux lois qui les
régissent actuellement, qui sont les lois du pays d'origine des
compagnies mères. C'est un exemple dans le domaine des entreprises.
Mais le domaine où il va falloir être le plus radical,
c'est celui des institutions financières. Pourquoi? Parce que les
institutions finan-
cières, aujourd'hui, au moment où l'on se parle,
représentent au Québec une masse d'épargne de $20
milliards. Quelle est la principale source de financement de notre
développement public, privé, etc., dans tous les domaines? Que
cette masse d'épargne soit constituée exclusivement
d'épargne locale. Il faut donc être sûr que l'utilisation de
cette épargne corresponde aux investissements dont nous avons besoin. A
l'heure actuelle, le système qui permet la propriété
privée des institutions financières fait que le pouvoir de
décider de l'utilisation qui sera faite de la masse de l'épargne
des Québécois est prise par un tout petit nombre. Ce
privilège doit disparaître. Nous croyons qu'au chapitre des
institutions financières, la propriété privée doit
être carrément exclue. Il faudrait remplacer plutôt ce
système, s'inspirant possiblement d'une de nos institutions qui
représente le plus fidèlement le type d'organisation propre aux
Québécois, le genre d'organisation qui correspond à notre
mentalité et je veux parler du mouvement coopératif. C'est vers
un système financier, globalement "coopérativé", si vous
voulez, ou "communautarisé" qu'il faut s'en aller et exclure la
propriété privée de ce domaine. Parce qu'il s'agit de
l'épargne collective et nous faisons la traduction que seule, la
collectivité, doit avoir le droit de décider comment son
épargne doit être utilisée, si nous voulons nous assurer
qu'elle le sera en tenant compte de nos décisions, de nos besoins et de
notre volonté de développement.
M. le Président, je termine, parce que, déjà, je
vois que le temps achève. J'aurais aimé parler plus longuement,
en troisième lieu, du rôle que l'Etat doit jouer comme agent
entrepreneur dans l'économie. Si nous avons dit, dans un premier temps,
qu'il faut reprendre le contrôle collectif sur la masse de
l'épargne et qui est la source principale de financement, si nous avons
dit que, dans un deuxième temps, il faut revoir le régime qui
s'applique à l'entreprise privée, à l'entreprise
étrangère surtout, dans lequel cas plusieurs nationalisations
devront être considérées, nous disons,
troisièmement, que l'essentiel, évidemment, du
développement devrait venir via la création d'industries
nouvelles. Il faut se demander quels sont les agents économiques qui
sont en mesure, qui ont la taille, qui ont la possibilité, qui ont la
compétence, qui ont les sources financières pour pouvoir
réaliser ces implantations.
Or, quelle est la situation des entreprises au Québec? Si vous me
permettez de les catégoriser de la façon la plus simple, je dirai
qu'il y a les petites, les moyennes et les grandes. Jusque-là, c'est
insignifiant.
Dans le domaine des petites qui naissent et disparaissent par dizaines
de milliers presque à chaque année, qu'est-ce que l'on trouve?
Là, on trouve une initiative généralement locale,
l'entreprise privée, proprement québécoise, souvent
familiale. A l'autre bout, qu'est-ce qu'on trouve? A l'autre bout, on trouve
cette cin- quantaine de très grosses compagnies dont 48 ne sont pas
québécoises, deux seules, parmi les 50, sont
contrôlées par des intérêts québécois.
Il y a la SGF, Marine Industries et Dosco ainsi que Bombardier. En faisant, si
vous voulez, de la SGF, Marine Industries, Sidbec-Dosco, qui sont des
entreprises que l'Etat québécois a mises sur pied, une
unité, il reste, à côté, une seule autre entreprise,
parmi cette catégorie des cinquante grandes entreprises directement
contrôlées dans le secteur industriel par des
Québécois, c'est Bombardier. Il y en a deux sur 50. Les 48 autres
entreprises, c'est une kyrielle de très grandes entreprises
étrangères, principalement, ou filiales de compagnies
étrangères et qui sont responsables, c'est cela qu'il faut
retenir, de 75 p.c. environ de la production industrielle au Québec. Les
50 grosses, à un bout, occupent les trois quarts de la place. Les
milliers de petites et les quelques moyennes, cela il n'y en a pas beaucoup,
entre les deux, occupent le reste. Qu'est-ce...
M. LEVESQUE: ...cela fait une heure.
M. JORON: ...qui arrive, M. le Président, quand une petite
entreprise s'avise de devenir...
M. LEVESQUE: Cela fait une heure. M.. JORON: ...une moyenne
entreprise?
M. LEVESQUE: Il n'y a pas de consentement unanime.
M. BURNS: Nous n'avons pas besoin du consentement unanime. Sur la
question de règlement, vous n'avez pas besoin de consentement unanime.
Sauf erreur, je pense que le député de Gouin, ayant
annoncé qu'il a une motion de blâme à faire, son temps est
illimité.
M. LEVESQUE: Non, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Oui...
M. LEVESQUE: C'est lui-même qui a déclaré qu'il
parlerait pendant une heure.
M. LE PRESIDENT: ...en se basant...
M. BURNS: Oui, il parle depuis une heure. C'est un fait.
M. LE PRESIDENT: ...sur les règlements ses-sionnels
adoptés au début de la présente session, le
député de Gouin ayant annoncé qu'il présentait une
motion n'a pas de limite de temps.
M. LEVESQUE: Parlez éternellement et continuez l'obstruction.
M. BURNS: ...aux règlements sessionnels.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Il va être obligé de suivre des
cours de procédure.
M. JORON: M. le Président...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Prends ton temps!
M. JORON: ...je disais que lorsque quelques-unes de ces petites
entreprises privées, locales et québécoises parviennent
aux qualificatifs de moyennes entreprises, qu'est-ce qu'il leur arrive la
plupart du temps? A moins que quelques-unes de ces entreprises moyennes
puissent avoir un tel degré de complémentarité, plus la
volonté, plus l'occasion de se fusionner pour entrer dans les ligues
majeures, si vous voulez, plus généralement, ce qui arrive
très rapidement, c'est plutôt l'une des très grandes
entreprises qui vient la happer. Les grandes entreprises étant, en
elles-mêmes, en concurrence pour accroître leurs parts du
marché, il est évident que là...
M. LE PRESIDENT: Juste une remarque, si le député de Gouin
voulait bien me la permettre. Nous avons établi, au début, un
thème de ce débat qui était la politique financière
du gouvernement. Je voudrais bien quand même, même s'il y a
beaucoup de latitude, que cela se concentre vers ce thème.
M. JORON: Merci, M. le Président. C'est peut-être parce que
vous avez été absent pendant un certain moment que le fil
conducteur de la discussion et de mes propos vous a échappé. Mais
c'est justement dans le cadre de ce que devrait être la politique
financière, telle qu'elle émane du budget du gouvernement et de
ses implications sur son action dans le domaine économique, que je
parlais en essayant de voir quel est le rôle que le gouvernement pourrait
jouer comme entrepreneur dans notre économique, dans notre secteur
industriel. J'étais, au moment où vous m'avez rappelé
à l'ordre, à décrire justement comment, dans ce secteur
industriel, il y avait moyen de s'insérer. Vous comprendrez qu'il
m'était difficile de le faire sans décrire à quel endroit,
justement, j'appelais les pouvoirs publics à s'insérer dans ce
système industriel.
J'y arrivais, pour dire que justement, il n'y a pas moyen de sortir de
l'actuel cul-de-sac, tournage en rond, comme un chat qui se court après
la queue, dans lequel nous sommes plongés au point de vue
économique. Il n'y a pas moyen de faire autrement que d'aller
directement à la création d'entreprises d'Etat, mais au niveau
des grandes entreprises.
Cela, M. le Président, nous le faisons non pas à partir
d'un choix doctrinaire ou idéologique, nous le faisons parce que c'est
la nécessité et que c'est la condition même de
l'économie québécoise qui impose ce choix. Il n'y en a pas
d'autre. Si on veut entrer dans les ligues majeures, c'est comme cela qu'il
nous faudra procéder. Si on veut y entrer, nous, pas les autres à
notre place.
Je décrivais tout à l'heure ce qui arrivait, justement,
quand c'était les autres qui y entraient et qu'on aboutissait à
une structure industrielle qui ne correspondait plus du tout aux faits et qui
ne procurait plus du tout, non plus, les biens dont nous avons besoin et qui
nous sont prioritaires.
Il est important de faire remarquer l'effet qu'aurait cette politique de
création de grandes entreprises d'Etat dans le secteur industriel au
niveau de la très grande entreprise dans ces secteurs où, de
toute façon, on ne peut pas se permettre d'être petit, autrement
on n'y entre pas du tout. Je pense à la pétrochimie, je pense
à la sidérurgie. On est en train, bien entendu, de faire des
efforts dans ce domaine à l'heure actuelle et dans des domaines
semblables qui nécessitent, par définition, une taille presque
gigantesque dès le départ.
Je pensais donc à l'effet d'un tel système sur les petites
entreprises québécoises, sur toutes ces petites entreprises
privées qui apparaissent et disparaissent tellement rapidement, au
Québec, et qui sont prises dans ce tourbillon qu'est l'actuelle
situation de notre développement économique. Si nous avions de
grandes entreprises publiques québécoises qui, par une politique
de sous-traitance de fabrication, si vous voulez, de morceaux ou de
sous-traitance au niveau des services, enfin de contrats de sous-traitance
à la petite entreprise, on pourrait peut-être arriver à une
situation où la petite entreprise pourrait vivre, se développer
parce qu'il y aurait, au départ, un régime économique dans
lequel sa place serait définie au commencement.
Si on attribuait comme rôle à ces grandes entreprises
publiques d'adopter une politique de sous-traitance, peut-être
verrions-nous un peu moins de disparitions, quelque chose comme, combien, 2,000
faillites par année aa Québec... Peut-être que le ministre
de la Justice pourrait me répondre.
M. CHOQUETTE: Pardon?
M. JORON: Combien y a-t-il de faillites commerciales et industrielles
par année, au Québec?
M. CHOQUETTE: Il y en a 4,000, je crois. M. JORON: Il y en a 4,000.
M. CHOQUETTE: Je ne suis pas sûr de mon chiffre. Mais je pense que
c'est cela.
M. JORON: Disons quelques milliers de faillites annuellement.
Peut-être que là, on arriverait à voir ce chiffre
disparaître. Peut-être verrions-nous de petites entreprises
capables de passer au stade de la moyenne entreprise, sans
nécessairement se faire bouffer par une grosse entreprise.
Peut-être que, dans notre système économique, il y aurait
une place pour une moyenne entreprise.
Tout ce problème ne se réglera pas, la place, l'avenir, la
survie possible de la petite entreprise ne seront jamais réglés
tant que le Québec n'aura pas le contrôle de l'autre bout du
bâton, de la partie où le jeu est déterminé par les
grandes entreprises. Là, on n'a pas le choix. Il faut y aller à
même des capitaux considérables. Il faut, dans certains cas,
nationaliser carrément. Il y a des secteurs qui doivent être
complètement soustraits à la domination étrangère
parce qu'elle se traduit par une sclérose du secteur même dans
lequel ils sont engagés.
C'est ainsi, tout à l'heure, que je décrivais le secteur,
par exemple, des produits électriques. Il y en a bien d'autres pour
lesquels on pourrait faire le même raisonnement. On pourrait faire le
même raisonnement pour la pétrochimie. On aurait donc pu, à
ce moment-là, si on avait procédé au regroupement massif
des industries chimiques par voie d'intervention de l'Etat, au Québec,
faire en sorte qu'on n'assiste pas à la mise à pied de 700 ou 800
employés de la Gulf Chemical à Shawinigan.
Vu que les entreprises de cette taille-là répètent,
à échelle plus restreinte sur notre terrain, la concurrence que
les compagnies mères se livrent sur le grand marché
américain, cela est ruineux, inefficace et économiquement non
rentable à long terme. Continuer ce système-là, c'est
annoncer à l'avance la fermeture de l'industrie chimique au
Québec.
Il n'y a pas d'autre moyen de procéder que d'intervenir
globalement, au niveau de l'Etat, pour la reprendre en main complètement
et y exclure la propriété étrangère pour que ne se
répète pas sur le territoire du Québec la concurrence que
se livrent les compagnies mères sur leur terrain national. Cela, ce
n'est pas un choix doctrinaire, ce n'est pas un choix idéologique; c'est
une nécessité, c'est une étude froide et rationnelle du
fonctionnement de l'économie qui nous l'impose. Il va bien falloir s'en
rendre compte un bon jour et cesser à tout propos, dès l'instant
où l'on appelle l'Etat à intervenir d'une façon quelconque
dans l'économie, de lancer des qualificatifs ou des
épithètes et de coller des étiquettes à ces
gens-là, sans se rendre compte que ce raisonnement procède d'une
analyse pragmatique, rationelle de la situation même de notre
économie. Ce n'est pas un choix idéologique, ça.
Je dirai un dernier mot, en terminant pour répondre à la
question que d'aucuns se posent, évidemment: Ces grandes entreprises
publiques dont nous réclamons la création par l'Etat, comment
peuvent-elles se financer? Elles vont se financer exactement de la même
façon que les entreprises qui naissent aujourd'hui se financent. Avec
pas plus et pas moins d'argent, et avec de l'argent qui vient de la même
place, c'est-à-dire de l'épargne locale. Cela va venir de nos
institutions financières.
C'est pourquoi, au chapitre des institutions financières, nous
réclamions que l'ensemble du système financier tombe
désormais sous un régime public et que la propriété
privée soit exclue de ce système-là, de façon que
l'allocation des ressources que font les institutions financières soit
déterminée, d'une part, par la collectivité, par un
système communautaire à la façon des caisses populaires,
et, d'autre part, plus largement par l'Etat au nom de la collectivité.
Parce qu'il y a des types de décisions qui ne peuvent se prendre au
niveau local, que l'autre partie des décisions de l'allocation des
ressources soit prise par l'Etat.
Je voudrais illustrer cela par un exemple. Les caisses de retraite, tous
les régimes de retraite, les régimes de rente ne sont pas objets
d'appropriations privées; ce sont, par nature, des institutions
financières qui représentent un fonds mutuel. C'est
l'épargne des retraités ou des futurs retraités
eux-mêmes qui s'accumule.
Par la loi, nous devrions interdire que la gérance de ces fonds
qui sont collectifs, qui sont communautaires de par leur nature
même puisse être donnée à des institutions
privées, que ce soit le Royal Trust ou le Montreal Trust ou quelque
compagnie d'assurance-vie privée et dire qu'à cause de la nature
même de cette sorte d'épargne, ces fonds doivent obligatoirement
être canalisés vers la Caisse de dépôt qui
déjà administre le régime de rentes public. Nous proposons
que les régimes privés supplémentaires mais qui
sont constitués de réservoirs d'épargne collective dans
leur nature soient également ajoutés aux fonds
administrés par la Caisse de dépôt.
Nous irions plus loin et nous appliquerions le même raisonnement
dans le cas de l'assurance-vie. Déjà, à l'heure actuelle,
un peu plus de la moitié des compagnies d'assurance-vie fonctionnant sur
le territoire du Québec sont des mutuelles. Par définition, ce
sont des compagnies qui ne sont pas contrôlées par des
actionnaires, mais qui sont contrôlées par leurs
assurés.
Ce sont donc, si vous voulez, théoriquement parce
qu'évidemment, en pratique, c'est tout autre chose des compagnies
qui sont une manière de coopérative, qui n'appartiennent à
personne, sauf aux gens qui y contribuent, c'est-à-dire aux
assurés.
Le problème, c'est que dans une compagnie comme la Metropolitan
ou la Sun Life, qui n'opère pas et n'a pas l'obligation d'encadrer ses
opérations par un chapeau juridique, par une filiale proprement
québécoise, mais qui peut fonctionner simplement avec un permis
ou à l'échelle fédérale, il arrive
évidemment que, dans la masse totale des assurés de la Sun Life
par exemple, les Québécois ne redeviennent que 5 p.c, 10 p.c. ou
15 p.c. du total des assurés.
Evidemment, on ne peut pas prétendre à un contrôle
à ce moment-là. Nous disons que l'assurance vit de par sa nature
même et d'une opération collective. En effet, qu'est-ce que c'est
que l'assurance? C'est de faire partager les
risques par le plus grand nombre, par la collectivité. De par sa
nature même, nous croyons donc que l'assurance-vie fait partie du domaine
collectif, qu'en conséquence les agents privés dans ce
domaine-là devraient être également exclus. Ainsi, on
aboutirait à quoi? On aboutirait à un système
d'assurance-vie unique, si vous voulez, unifié, et unique à
l'échelle du Québec, de la même façon par exemple
et tout cela dépend du concept que l'on se fait de la fonction
d'assurance de la même façon qu'on est abouti, parce qu'on
a fait de l'idée d'éducation, de l'idée de santé ou
de l'idée d'électricité, une notion de service public.
A partir de cet instant-là, c'est bien évident que c'est
un monopole. C'est bien évident aussi que les agents étrangers ne
peuvent venir opérer sur le territoire national. C'est de cette
manière par exemple que, bien entendu, une compagnie faisant de
l'électricité à l'étranger, la Consolidated Edison,
de l'Etat de New York, pour prendre un territoire voisin du Québec, ne
peut pas venir vendre de l'électricité au Québec,
établir des réseaux de distribution, rattacher votre compteur
à la maison. C'est par définition un monopole, parce qu'on a fait
de cette notion-là un service public.
Nous appliquerions le même raisonnement et le même principe
à celui de l'assurance-vie. On aboutirait à quoi à ce
moment-là? On aboutirait à un système qui réunirait
dans le cas de l'assurance-vie par moins de $4 milliards d'épargne
au Québec ça, la part québécoise et
qui pourrait à nouveau être confiée à ce
réservoir collectif, géré au nom de la collectivité
par l'Etat qui représente la collectivité je parle encore
de la Caisse de dépôt . Nous aboutirions ainsi à un
réservoir qui, demain matin, si ces principes étaient
appliqués, aurait à son actif quelque chose comme $8 milliards
à $8.5 milliards de dollars, par l'application de ce régime
nouveau dans le secteur financier.
Dès cet instant,...
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une
question?
M. JORON: Certainement.
M. SAINT-PIERRE: Lorsqu'il expose ces notions de vie économique
applicable au Québec, est-ce que le député donne ses
opinions personnelles ou si c'est la position officielle du parti qu'il
représente?
M. JORON: Je suis donc content de la question que pose le ministre!
J'allais presque oublier de mentionner la chose suivante: Je donne à ce
moment-ci mon opinion personnelle et j'ajoute qu'à l'heure actuelle,
à l'intérieur du Parti québécois, nous sommes en
profonde période de réflexion justement sur le sujet des
instruments économiques et des politiques économiques nouvelles
qu'il faut appliquer pour sortir le Québec de ce brouillard que je
décrivais tout à l'heure.
M. HARVEY (Jonquière): Le droit à la dissidence!
M. JORON: Ce n'est pas du tout une dissidence, c'est quelque chose que
j'ajoute à ce qui est implicite entre les lignes dans le programme
actuel du Parti québécois et qui ne contredit en rien ce qu'on
trouve au chapitre économique du programme du PQ, mais qui le
complémente et qui l'oriente. C'est une opinion personnelle, parce que
chez nous, la raison pour laquelle, contrairement à un
député ministériel, qui ne pourrait pas le faire, la
raison, dis-je, pour laquelle moi je peux le faire, c'est qu'à
l'intérieur du PQ, la politique étant établie par ses
membres et la discussion étant ouverte, on peut de cette
façon-là lancer ses idées, on peut soumettre à la
réflexion de l'ensemble des membres toutes les opinions que tous et
chacun peuvent avoir sur ces problèmes économiques. C'est un
congrès éventuellement qui fera un programme et qui en
décidera.
Alors, si vous voulez, simplement à titre de personne qui a des
choses à dire à ce sujet, je tiens à les dire. C'est tout,
afin d'alimenter cette réflexion à l'intérieur du
parti.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet une autre
question? J'ai fort apprécié ses savants propos, mais est-ce
qu'il avoue que, s'il est obligé d'émettre des opinions
personnelles, c'est que son parti n'a pas de politique? Vous venez de le dire,
vous êtes en période de réflexion et au même moment,
vous formulez un vote de blâme à l'endroit du gouvernement?
M. JORON: Vous ne devriez pas me poser des questions, parce que ce n'est
pas à votre avantage. Je peux répondre plus longuement si vous
posez des questions. Vous me faites penser à des choses que j'avais
oubliées.
C'est avec plaisir que je vais dire la chose suivante: Le programme du
Parti québécois qui a été amendé lors des
derniers congrès mais dont l'essentiel, au chapitre
économique...
M. SAINT-PIERRE: Amendé ou abandonné?
M. JORON: ... amendé aux derniers congrès mais dont
l'essentiel date d'il y a environ trois ou quatre ans, nous croyons, nous,
et là je parle à titre collectif, l'aile parlementaire,
l'exécutif national du parti et l'ensemble des membres tel qu'ils l'ont
exprimé au dernier conseil national que ça date et qu'il
faut que ça change. Je n'ai pas peur de le dire du tout. Le programme
que nous avions il y a trois ou quatre ans était un programme pour
l'époque où les problèmes étaient
différents, où on pensait qu'il était encore possible de
parachever la révolution tranquille que l'actuel gouvernement a
complètement sabotée. C'est justement parce que vous l'avez
sabotée et que vous nous avez mis dans le trou économique qu'il
faut maintenant s'interroger pour trouver des solu-
tions autres. C'est ce que nous faisons et j'en suis fier.
M. CHOQUETTE: Faites attention parce qu'il va vous arriver la même
chose qu'au député de Maisonneuve. Votre chef va vous dire que
vous êtes sorti de l'orthodoxie.
M. BURNS: Une question de privilège.
M. CHOQUETTE: Et puis que vous enfreignez le code de discipline.
M. BURNS: Je soulève une question de privilège, M. le
Président. Ce que le député de Gouin est en train de dire
n'a rien à faire avec les événements récents et
que, de toute façon, pas plus le ministre de la Justice que quelque
député ministériel ne pourrait comprendre parce que le
genre de démocratie qui existe chez nous, à l'intérieur,
n'existe pas chez les libéraux, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. BURNS: Vous ne comprenez rien à cela, c'est bien normal.
UNE VOIX- Ce n'est pas compréhensible, non plus.
M. LACROIX: On ne ramasse pas les bandits, ce n'est pas notre
spécialité.
M. JORON: Vous les avez déjà tous! M. LE PRESIDENT:
Messieurs!
UNE VOIX: C'est tellement intéressant, laissez-les parler.
M. JORON: M. le Président, je vais résumer, pour terminer,
en disant que les grandes options sur lesquelles une politique de
développement globale, et qui corresponde aux aspirations des
Québécois, devrait se fonder, je le rappelle, s'établit
sur les points suivants: D'abord, pour l'immédiat, décider si on
s'attaque au chômage ou à la création d'emplois
spécifiquement ou si on s'attaque au problème plus large de la
pauvreté. Ce qui veut dire qu'il faut établir dès
aujourd'hui et en priorité des politiques visant à la
distribution la plus équitable des richesses, ce qui implique
forcément le revenu minimum garanti et un système fiscal autre
que celui que nous connaissons dans le moment. C'est un premier choix et
ça peut être fait assez rapidement.
Le deuxième choix, quand on s'interroge à savoir quelle
sorte de croissance on veut avoir maintenant pour l'avenir, il faut se demander
si on choisit la quantité ou la qualité, ou quel mariage des
deux. C'est un autre choix qu'on a à faire dans nos grandes
décisions économiques à prendre. Une fois ce choix
posé, si on a choisi d'attaquer le problème de la qualité
de la vie et, joint à cette option, un accroissement de la
quantité de certains biens spécifiés et plus
particulièrement ceux qui manquent ou ceux dont les déficients
sont les plus cuisants à l'heure actuelle dans la société,
il faut ensuite arriver aux instruments.
C'est pourquoi je disais que, dans le régime actuel non seulement
de dépendance sur le capital étranger mais dans le régime
où nos institutions financières drainent notre épargne
pour la reprêter ensuite à quelqu'un d'autre, à des
entrepreneurs, à des agents économiques, je disais aussi que
même l'entreprise privée locale, tout ça est à
revoir parce que le problème central c'est de décider, la masse
d'argent étant limitée, la masse d'épargne étant
limitée, la masse de l'épargne étant de toute façon
la nôtre, qui va investir où, comment et pourquoi?
Le système économique actuel ne nous permet pas de prendre
cette décision parce que les institutions financières sont
contrôlées en majorité, et surtout les banques, par des
intérêts privés. C'est pourquoi nous excluons la
propriété privée, ou du moins j'exclurais, moi, la
propriété privée du domaine financier globalement.
Deuxièmement, la notion de gérance des entreprises, qui a
le droit de décider, dans une entreprise? Moi, personnellement, je ne
pense pas non plus qu'on puisse laisser, comme le régime actuel le
permet, aux seuls actionnaires le droit de décider parce qu'ils sont
ceux qui déterminent l'utilisation qui sera faite de nos
épargnes, et je ne pense pas que le système actuel permette
l'allocation des ressources en fonction des véritables besoins.
Pourquoi? Je vais l'illustrer par un petit exemple. Pourquoi, dans un
quartier de Montréal comme Saint-Henri, trouve-t-on des taudis il
ne faut pas avoir peur de le dire et trouve-t-on aussi, aux coins de
rues, par exemple, des stations-service toutes rutilantes et resplendissantes
de modernité, de chrome, de verre, et le reste? Qui, dans la
société, a décidé que l'allocation des ressources
devait aller de façon plus prioritaire à une station-service
somptuaire pour remplir la fonction de mettre de l'essence dans sa voiture,
alors que tout à côté le besoin primaire du logement n'est
même pas rempli?
Si le système de l'entreprise privée ne permet pas
d'allouer les ressources de la façon dont elles doivent l'être, il
faudra modifier ou rem placer le régime de la propriété
privée. Ce n'est pas plus compliqué que ça.
C'est ainsi que nous pensons que la décision à
l'intérieur d'une entreprise ne doit pas être prise seulement par
les actionnaires. Si on n'élimine pas du coup la propriété
privée, elle devra être prise aussi par les travailleurs de
l'entreprise. C'est pourquoi nous introduirions le système de la
cogestion.
M. BOURASSA: M. le Président,..
M. JORON: ... à l'ensemble des entreprises et dans certains
types...
M. BOURASSA: Le député veut-il proposer ce qui avait
été proposé par le gouvernement français en 1946 ou
en 1945, l'espèce de cogestion qui avait abouti, selon l'aveu même
de ceux qui l'avaient proposé, à un échec lamentable?
M. DEMERS: Quelque chose comme ça.
M. JORON: Si le premier ministre aime faire de l'humour avec des
expériences qui ont été tentées, non poursuivies
par contre, qui n'étaient pas accompagnées d'une
réorganisation globale du système économique, il peut
évidemment s'amuser à dire: On a déjà tenté
quelque chose, qui ressemble à ce que vous dites, au Basutoland en 1833,
et ça été un échec lamentable...
M. BOURASSA: C'est le gouvernement français, M. le
Président.
M. JORON: ... cela n'a aucun intérêt ce que vous dites
là.
M. BOURASSA: C'est le général de Gaulle qui avait
proposé ça lui-même, et il a admis que ce n'était
pas applicable.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JORON: Ce genre d'argumentation n'a aucun intérêt.
Acceptez donc de répondre aux questions principales, de dire par
exemple, comment vous aboutirez à avoir un système qui permette
l'allocation des ressources selon les aspirations de la population, vous qui
quêtez des capitaux à travers le monde entier? Chaque fois que
vous le faites, vous aliénez davantage...
M. BOURASSA: C'est pour les travailleurs du Québec, pour les
travailleurs du comté du député de Gouin que je le
fais.
M. JORON: ... le destin, l'avenir économique des
Québécois.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): A l'ordre, le député de
Mercier!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gouin.
M. JORON: Je disais, M. le Président, qu'après avoir
réorganisé l'ensemble, après avoir revu les politiques
qu'il faut appliquer aux institutions financières, il faut revoir aussi
quel est le régime variable, suivant les cas, ça j'en conviens,
de la propriété privée, selon les secteurs, selon que ce
sont des entreprises étrangères, selon que ce sont des petites,
des moyennes ou des grandes, selon que ce soient des entreprises de produits de
consommation ou non, selon toutes ces distinctions, le régime sera
évidemment fort variable.
Dans certains cas, ce sera plus radical; dans d'autres, cela le serait
moins. Il y a tout cet éventail de situations qui fait que,
forcément, les solutions vont être variées et
différentes d'un secteur à un autre et d'un type d'entreprise
à l'autre.
Le troisième point sur lequel devrait se fonder la politique,
c'est, comme je l'exprimais un peu plus tôt, de faire de l'Etat,
maintenant qu'il aurait acquis, par la "communautarisation", si vous voulez, du
système financier, des sources de financement suffisantes pour jouer le
rôle d'entrepreneur, le véhicule qui va nous permettre d'entrer
dans les ligues majeures de l'industrie au Québec.
Ce dernier point est justement tout le contraire de la politique
actuelle du gouvernement qui est fort embarrassé de son
prédécesseur, le gouvernement Lesage qui, lui, timidement, avait
commencé à nous donner de tels instruments. Dans certains cas,
ces instruments ont évolué plus ou moins bien, par exemple, dans
le cas de la SGF on aura l'occasion d'en reparler lors de l'étude
d'un projet de loi qui viendra bientôt dans d'autres cas, ils ont
évolué assez bien. Ces instruments qu'on a vus, dans certains
cas, grossir en embarrassent considérablement le gouvernement
d'aujourd'hui, comme il aimerait s'en débarrasser, s'il le pouvait.
On a vu, justement, comment il y a presque réussi dans un cas, en
contournant l'Hydro-Québec pour aller faire une Hydro- James et en en
détachant le plus de morceaux possible continuellement. Cette politique
que nous proposons de la mise en place du plus grand nombre d'instruments de
développement possible dans le domaine industriel, va tout à fait
à l'encontre de ce que fait le gouvernement. C'est
précisément dans ce secteur que la trahison la plus grave, la
plus éloquente de l'actuel gouvernement, par rapport à ses
prédécesseurs libéraux du début des années
soixante, est la plus éclatante. Mais ça, c'est leur
problème.
En terminant, je veux dire ceci...
M. BOURASSA: Cela fait plusieurs fois que le député se
propose de terminer. Nous sommes prêts à l'écouter.
M. JORON: Réjouissez-vous, ça y est, parce que je commence
à être asséché.
M. BOURASSA: Il faudrait apporter un verre d'eau au
député.
M. JORON: Je termine en disant qu'au niveau des politiques
économiques le gouver-
nement nous a ramenés loin en arrière de ce que des
gouvernements précédents avaient commencé à tenter
de faire au début de ce qu'on a appelé la révolution
tranquille ou des années soixante. Est-ce qu'il nous a ramené
l'équivalent de ce qui existait au temps de Tachereau ou était-ce
Sir Lomer Gouin ou s'il faut reculer encore plus loin? Je ne le sais pas. Peu
importe.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. JORON: Constatant, après vingt mois de gouvernement
libéral, cet échec relatif; constatant cette situation de
"tournage en rond" où nous sommes, cette inquiétude qui
s'installe de plus en plus, cette acuité sans cesse croissante des
problèmes et des oppositions dans la société
québécoise, cette nécessité d'arriver à
redéfinir un grand projet collectif qui va mobiliser tout le monde, qui
va nous empêcher de nous en aller vers une forme ou une autre d'anarchie,
mais qui va ramener un consensus minimum chez les Québécois, qui
va faire qu'ils font pouvoir se redonner la main et marcher vers un objectif
clairement défini, nous pensons que le gouvernement est incapable de
nous y conduire. Il n'a pas eu la volonté de procéder à
ces interrogations capitales dans le domaine économique. Evidemment,
à cause de ses origines économiques, des intérêts
qui le lient à toutes sortes de milieux, il n'a pas la
possibilité, il n'a pas les mains libres pour pouvoir faire ces choix
capitaux, dans certains cas, radicaux, j'en conviens, qu'il faut faire pour
remettre le Québec sur la voie du progrès et le sortir de
l'espèce de "merry-go-round" où nous nous sommes
engagés.
Motion de blâme de M. Joron
M. JORON: En conséquence, je propose, appuyé par le
député de Maisonneuve, que la motion en discussion soit
amendée en en remplaçant tous les mots après le mot "que"
par les suivants: "La Chambre, tout en étant disposée à
voter à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est
d'avis que le gouvernement a manqué à son devoir et à ses
promesses en appliquant une politique économique insuffisante eu
égard aux besoins du Québec."
M. BOURASSA: Cela a pris du temps à plaider.
M. CHARRON: ... tellement impressionné. C'est la première
fois qu'on entend parler sérieusement de l'économie en
Chambre.
M. GARNEAU: Vous appelez cela de l'économie, vous?
M. TETLEY: Vous ne faites donc rien comme tout le monde.
M. GARNEAU: Vous appelez cela de l'économie?
M. CHARRON: Je tiens à dire, à part cela, M. le
Président, que l'opinion personnelle du député de Gouin,
c'est aussi mon opinion personnelle.
M. BOURASSA: Bon, il y en a deux! M. GARNEAU: Il y en a deux!
M. CHARRON: Le président pourrait-il demander le silence?
M. GARNEAU: Est-ce que les cinq autres sont d'accord?
M. BOURASSA: Est-ce que le député de Sainte-Marie est
d'accord?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui. UNE VOIX: Fermez les micros.
M. LE PRESIDENT: Nous allons suspendre pour quelques minutes.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
Motion jugée non recevable par le
Président
M. LE PRESIDENT: Je serais prêt à rendre ma décision
sur la recevabilité de la motion.
M. BURNS: M. le Président, avant que vous ne rendiez votre
décision, sans vouloir présumer des arguments que vous voudrez
peut-être nous soumettre, je ne sais d'ailleurs pas de quelle nature sera
votre décision, mais pour le cas où votre décision devrait
se référer à une motion qui a déjà pu
être entendue au cours de la même session, je vous souligne entre
autres que la fin de la motion se réfère aux besoins du
Québec et que la référence aux termes économiques
ou à la politique économique du gouvernement est tout autre,
étant donné sa qualification, à la fin, "eu égard
aux besoins du Québec", donc beaucoup plus large qu'une certaine motion
qui a déjà été soumise devant la Chambre.
C'est la seule remarque, M. le Président, que j'avais à
faire parce que, dans les notes qui apparaissent sous l'article 377, je
présume que sur le plan de la recevabilité, ce n'est que la fin
de la motion du député de Gouin qui pourrait mettre en doute sa
recevabilité puisque le début de sa motion est tout à fait
conforme à la formule qu'on aperçoit en regard de la formule no
43. Elle est identique. Donc, ce n'est sûrement pas sur le plan du fond,
cela pourrait si c'est là la question que vous vous posez, être la
question de forme.
Je signale donc, avant que M. le Président ne rende sa
décision, que la fin de la motion, même si elle fait
référence à la politique économique du
gouvernement, la qualifie différemment à mon humble avis de celle
qui a déjà
été faite, de l'insuffisance de la politique
économique du gouvernement en disant: "Eu égard aux besoins du
Québec".
M. LE PRESIDENT: Ma décision ne sera pas rendue sur la forme,
mais sur le fond.
Tout le monde se rappelle qu'au début de la session je
crois que c'est le 25 février l'honorable Jean-Jacques Bertrand,
au discours inaugural, avait fait la motion d'amendement suivante: "Que la
motion en discussion soit amendée en y ajoutant les mots suivants: "Nous
soumettons respectueusement que le gouvernement a manqué à son
devoir et à ses promesses en omettant d'élaborer et d'appliquer,
de concert avec les divers agents de l'économie, une politique propre
à stimuler la croissance économique du Québec et à
combattre le chômage."
A la lecture de cet amendement, il semble y avoir deux
éléments de base, problème économique du
Québec, problème du chômage.
Je lis maintenant la motion de l'honorable député de
Gouin: "La Chambre, tout en étant disposée à voter
à sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est d'avis
que le gouvernement a manqué à son devoir et à ses
promesses en appliquant une politique économique insuffisante, eu
égard aux besoins du Québec."
La motion de l'honorable M. Bertrand était même plus large.
Et j'en conclus que la motion du député de Gouin est comprise et
incluse dans celle de l'honorable Bertrand. Si j'en viens à cette
conclusion, je vous lis maintenant l'article 151 de notre règlement qui
dit: "Nulle motion ne doit soulever une question qui soit au fond identique
à une question dont la Chambre a décidé pendant la session
en cours." Qu'il n'y ait pas deux décisions de la Chambre sur une
même question durant la même session.
Pour ces raisons, je ne peux accepter et je n'accepte pas la motion du
député de Gouin.
M. BURNS: Cela veut dire, M. le Président, qu'on ne peut pas
soulever, par voie de motion de blâme, deux fois au cours...
M. LEVESQUE: Votre décision est rendue. M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. BURNS: C'est une directive, M. le Président, en vertu de
l'article 667. Cela veut dire qu'au cours d'une même session, on ne
pourrait pas soulever à deux reprises les questions de blâme
envers le gouvernement pour sa politique économique, aussi vaste que le
problème puisse paraître.
M. LE PRESIDENT: Et j'ajoute la note 1 sur l'article 151 et on
sait que les notes ont été établies par la coutume, par
les décisions, par la jurisprudence, par l'usage qui couvre cette
objection du député de Maisonneuve: "Cette règle est
applicable même si les circonstances ont changé."
M. BURNS: Alors, la politique économique du gouvernement, c'est
une fois, c'est ça?
M. LE PRESIDENT: Une fois par année, une fois par session.
M. BURNS: Merci, M. le Président. M. GARNEAU: M. le
Président...
M. LEVESQUE: M. le Président, je m'excuse auprès du
ministre des Finances, mais j'avais une directive à vous demander. A
deux reprises, je suis intervenu lors du discours du député de
Gouin, après une demi-heure et après une heure. Et dans les deux
cas on a laissé entendre à la Chambre que nos règlements
sessionnels permettaient au député de Gouin de poursuivre son
discours, et cela sans limite.
M. le Président, je conçois que si on a une motion
recevable, malgré que je n'approuve pas ce règlement mais j'y
suis soumis, d'autre part, je ne crois pas qu'on puisse donner la parole d'une
façon illimitée à quelqu'un qui n'a pas de motion, parce
qu'une motion irrecevable, d'après moi, ce n'est pas une motion.
Dans les circonstances, je me demande si c'est la directive que
je vous demande on ne devrait pas demander à l'opinant de
déposer sa motion.
Il me semble qu'on pourrait ainsi savoir de quoi il s'agit,
déterminer si la motion est recevable et, à ce moment-là,
lui donner le droit de parole. D'ailleurs, j'ajoute simplement que je n'ai pas
eu le bonheur d'avoir une copie de cette motion. On a jugé à
propos de ne pas nous en faire parvenir une copie, mais ceci est un
aparté. Ce que je vous demande, M. le Président, c'est une
directive pour l'avenir.
M. BURNS: Simplement sur le point, M. le Président, que je n'ai
pas...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas un point de règlement, M. le
Président; c'est une directive que j'ai demandée.
M. BURNS: Je veux tout simplement...
M. LE PRESIDENT: De toute façon, écoutez, je ne suis pas
prêt à donner ma directive immédiatement, avec la
permission du leader. Laissez-moi y penser. C'est décision par-dessus
décision, c'est directive par-dessus directive. J'ai eu le temps d'en
considérer une durant l'heure du déjeuner; donnez-moi l'occasion
d'en considérer une autre durant l'heure du dîner.
M. BURNS: Est-ce que je peux, avec la permission du leader du
gouvernement, lui poser une question sur ce qu'il vient de dire? Est-ce qu'il
me permet de lui poser une question sur ce qu'il vient de dire?
M. LEVESQUE: J'ai toujours manifesté un grand esprit de
collaboration.
M. BOURASSA: Avec plaisir, M. le Président.
M. LEVESQUE: Grand esprit de collaboration comme toujours.
M. BURNS: Comme nous, d'ailleurs. Est-ce qu'il me blâme de ne pas
lui avoir remis une copie de la motion du député de Gouin? Est-ce
cela que je dois comprendre?
M. LEVESQUE: Quoi?
M. BURNS: Dans ce que le leader a dit, devrais-je déceler qu'il
me blâme de ne pas lui avoir remis une copie de la motion du
député de Gouin?
M. LEVESQUE: Non, mais, ordinairement, celui qui propose une motion
ça s'est fait régulièrement dans cette Chambre,
depuis que je me le rappelle a toujours la gentillesse, la courtoisie
d'en faire parvenir une copie à chacun des partis.
M. BURNS: M. le Président, il est arrivé aussi,
récemment, qu'on a reproché au chef de l'Opposition, d'avoir
déposé une motion manuscrite. C'est arrivé aussi au
député de Bagot. Je ne voulais choquer personne; c'est pour
ça que je n'en ai pas remis de copie, parce qu'il y avait une toute
petite rature, M. le Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'avais fait cinq copies manuscrites
authentiques.
M. BURNS: Je m'en excuse, mais je ne veux pas blesser les
susceptibilités de l'autre côté de la Chambre.
M. BOURASSA: On vous pardonne.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Le ministre des Finances.
M. Raymond Garneau
M. GARNEAU: M. le Président, en faisant mes remarques sur la
motion actuellement en discussion, vous me permettrez de...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): In making my remarks; ça commence par
un anglicisme.
M. GARNEAU: Est-ce que le député de Chicoutimi a une
question à poser?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voulais simplement
signaler que le ministre commence en faisant un anglicisme: "by making my
remarks".
M. GARNEAU: M. le Président, je comprends que le
député de Chicoutimi n'a pas l'habitude d'intervenir sur les
questions écono- miques, mais lui qui faisait des reproches, depuis deux
ou trois jours, aux gens qui parlaient assis, je voudrais lui faire remarquer
que je me suis assis pour lui permettre de se lever, parce qu'il avait
parlé de son fauteuil.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement. Le ministre des Finances n'a pas le droit de dire ce qu'il
vient de dire, parce qu'il a eu l'honneur et le plaisir de m'entendre sur de
multiples sujets, depuis qu'il est assis à ce fauteuil.
M. GARNEAU: Bon, j'espère qu'on va me laisser continuer, M. le
Président. Je n'ai pas l'intention d'être long; j'ai droit
seulement à une demi-heure. Alors, je commencerai mes remarques
en...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Go on with your remarks.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais vous faire remarquer que le droit de parole
du ministre est illimité, en vertu du règlement.
M. PAUL: M. le Président, je désire avoir une directive. A
moins qu'il ne s'oppose à ce que vous ne quittiez le fauteuil, quelle
serait la procédure qu'il pourrait employer à ce
moment-là? Si le ministre des Finances s'opposait à ce que la
motion principale soit reçue, quelle serait la motion qu'il devrait
faire pour qu'il en soit ainsi?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pour étudier le syndicalisme
agricole.
M. LE PRESIDENT: De toute façon, s'il désire que je quitte
le fauteuil, je peux le quitter immédiatement, et le comité
pourra se former immédiatement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non! on veut vous garder, M. le
Président.
M. GARNEAU: S'il y avait consentement unanime, M. le Président,
pour accélérer les travaux de la Chambre, je serais prêt
à ne pas faire de remarques pour passer immédiatement en
comité plénier.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le comité est formé?
M. CHARRON: Vous n'avez pas le consentement unanime, M. le
Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Go on with your remarks, Sir.
M. GARNEAU: Je pourrais peut-être transmettre une copie traduite
en anglais au député de Chicoutimi immédiatement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout de suite, ce sera certainement meilleur
qu'en français.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. GARNEAU: M. le Président, participant à l'étude
de cette motion, je voudrais commencer mes remarques par...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez toute la liste.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): I will do that, Sir.
M. HARVEY (Jonquière): O.K. You are a gentleman.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On my own behalf, but not on behalf of this
House.
M. HARVEY (Jonquière): Your name should be John Christmas
Shaker.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): That is right. Go on, Sir, go on with your
remarks.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Finances.
M. GARNEAU: Je voudrais d'abord reprendre quelques-unes des observations
faites par le député de Gouin; je commenterai quelques instants
celles faites par le député de Beauce et le chef de l'Opposition
officielle pour faire quelques observations ensuite sur les crédits tels
que déposés.
M. le Président, en écoutant parler le
député de Gouin tout à l'heure, ça me rappelait un
bout de film...
M. PAUL: M. le Président, je fais appel au règlement.
Vu que l'honorable chef de l'Opposition a fait son grief, le ministre
n'aurait-il pas été dans l'obligation d'intervenir
immédiatement? Après que le député de Beauce eut
présenté son grief, est-ce que le ministre des Finances n'aurait
pas dû intervenir immédiatement. Lorsque le ministre des Finances
intervient après le discours du député de Gouin, ses
remarques ne doivent-elles pas être exclusivement en regard ou au sujet
du discours présenté par le député de Gouin? Il me
semble que ce fut une directive que vous nous avez donnée dans ce sens
au mois de juillet dernier.
M. LE PRESIDENT: Ce que j'ai mentionné au mois de juillet
et je pense bien que j'ai eu assez de suite dans les idées pour
l'expliciter davantage aujourd'hui c'est que lorsqu'un premier grief est
établi, il y a un lit de fait. Et aujourd'hui, j'ai
considéré que les discours du chef de l'Opposition officielle, du
député de
Beauce et du député de Gouin étaient sur la
politique financière du gouvernement. C'est une question qu'on doit
vider et avec la plus ou moins grande latitude que nous avons eue
jusqu'à maintenant, le ministre des Finances peut répondre ou
traiter des politiques financières du gouvernement.
M. GARNEAU: Le lit est donc fait, M. le Président. J'ai
écouté tout à l'heure parler le député de
Gouin. Evidemment, nous avons eu des travaux parlementaires assez intenses
depuis ces derniers jours mais hier, durant les quelques heures d'ajournement,
je me suis permis de regarder la télévision. Or, hier soir, il y
avait une émission qui s'appelait "L'homme à la valise".
L'histoire de cette émission de télévision, était
celle d'un fils à papa qui avait hérité d'une très
grande fortune mais qui ne voulait pas l'utiliser personnellement parce que,
disait-il, ça le répugnait d'utiliser des fonds qui
étaient le résultat d'une société capitaliste
embourgeoisée, etc. Mais ce même bonhomme qui ne voulait pas
prendre l'héritage de son père, s'empressait quand même de
dilapider les biens et de faire envoyer la facture à son frère
qui, lui, payait la note.
Les propos du député de Gouin, en fait, par analogie, se
rapportent très bien à cette histoire de la
télévision, peut-être pour des raisons personnelles et
d'autant plus qu'il a fait de ses propos non pas une question supportée
par son parti mais une question d'opinion individuelle, qu'il présentait
en son nom et non pas au nom du Parti québécois. En fait, c'est
bien l'histoire de l'homme à la valise que nous a
présentée le député de Gouin puisque sa valise,
dans son cas, en est une remplie d'illusions, d'illusions qui ont
été semées au cours des années par
différents économistes, sociologues, philosophes, et qui ont
été reprises au cours des siècles par des successeurs avec
une plus ou moins grande intensité.
En écoutant le député de Gouin, je pensais, par
exemple, à ce fameux système monétaire, ce système
bancaire que Proudhon avait déjà suggéré, ces
organisations communautaires où les gens partageraient
entièrement, à l'intérieur de phalanges ou je ne sais pas
l'organisation précise qu'avait suggérée Fourastier et
combien d'autre théoriciens de l'économie, à partir...
M. LAURIN: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre? Je
pense que le ministre vient de faire erreur en appelant les organismes
prônés par Proudhon des phalanges Il s'agit de
phalanstères.
M. GARNEAU: M. le Président, je n'ai pas relié du tout les
phalanges à Proudhon parce que ce que j'ai dit de Proudhon, c'est qu'il
avait suggéré un système monétaire, un
système de billets de banque relié à des institutions
financières, et que ça me faisait penser un peu à ce que
proposait tout à l'heure le député de Gouin. Dans
l'organisation communautaire, je n'ai pas relié
ça à Proudhon mais plutôt à un autre
théoricien qui a fait évidemment des suggestions dans ce
domaine.
Mais toutes ces théories reprises au cours des
siècles...
M. CHARRON: Le ministre des Finances me permet-il une question?
M. GARNEAU: Non, M. le Président, parce qu'autrement nous allons
assurer... J'ai évité de poser des questions...
M. CHARRON: Ce n'est pas Fourastier, celui dont vous parlez, c'est
Fourier, 1848,...
M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre!
M. CHARRON: Fourastier est un sociologue français
contemporain.
M. GARNEAU: M. le Président, si le député de
Saint-Jacques veut intervenir, il pourra le faire tout à l'heure.
M. CHARRON: Je veux seulement établir les faits historiques que
vous citez.
M. GARNEAU: Evidemment, cette valise d'illusions du député
de Gouin a été déjà utilisée à
plusieurs reprises. Certains Etats ont tenté d'utiliser, de mettre en
application ces théories, et jamais une réussite n'a pu
être constatée. La seule chose qu'on a pu réussir, M. le
Président, c'est en poussant à l'extrême les
théories du député de Gouin, les appliquant, et ç'a
été là, je pense l'exemple qui a été
donné par la mise sur pied de certaines sociétés de type
communiste qui ont poussé à l'extrême ces idées et
qui, pour réussir ce choix fait par l'Etat des productions, de la
répartition des richesses entre les brosses à dents et les
canons, ont dû imposer un contrôle complet des activités
humaines, des activités des différents groupes de la
société, fermé les frontières et fait entrer
l'armée pour qu'elle domine en reine et maîtresse de telle sorte
que l'on puisse appliquer à fond ces théories qui veulent que
l'Etat domine tout, s'occupe de tout, soit en quelque sorte le gardien non
seulement de la distribution de la richesse mais également de la
production de la richesse.
Le député de Gouin a également soutenu que le
gouvernement actuel avait failli à sa tâche et a
blâmé le gouvernement de ne pas avoir mis de l'avant des
politiques, dans le domaine des institutions financières en
particulier.
Il nous a reproché d'avoir mis de côté certains
instruments de développement économique que je reconnais
nécessaires comme, par exemple, la Société
générale de financement, le développement
hydro-électrique Sidbec, etc.
S'il y a des domaines à l'intérieur desquels le
gouvernement a oeuvré, ce sont bien les exem- ples mal choisis du
député de Gouin, puisque, dans le domaine de Sidbec, en 18 mois
d'activités, le gouvernement libéral actuel a proposé une
augmentation de la capitalisation de $36 millions plus une garantie de $30
millions de prêts effectués par la Caisse de dépôt,
ce qui veut dire $66 millions, ce qui est plus que le capital initial qui
mettait sur pied la société Sidbec.
Je me demande comment on peut accuser le gouvernement libéral
d'aujourd'hui d'avoir abandonné certains de ces instruments. Si on
regarde maintenant du côté des institutions de
développement d'é n e r g i e électrique, la mise sur pied
de la Société de développement de la baie James, je pense
que c'est la preuve irréfutable que le gouvernement du Québec n'a
pas reculé dans ce secteur-là. Si on regarde du côté
de la Société générale de financement,
malgré les erreurs et là je ne suis pas contre les
tentatives qui ont été faites par la Société
générale de financement c'est quand même je pense,
l'expérience que nous venons de vivre qui nous oblige à
être prudents lorsque l'on parle de l'intervention de l'Etat dans les
moyens de production si l'on regarde, dis-je les difficultés qu'a
connues la SGF et malgré ça, nous déposons ces jours-ci un
projet de loi qui prévoit d'accorder une somme de $10 millions
additionnelle à la SGF comme participation gouvernementale, ce qui veut
dire 50 p.c. de la participation que nous avions déjà dans cette
société?
Evidemment il y a d'autres gestes qui ont été
posés. Je pense par exemple à la formation de la
Société de développement industriel, qui est un instrument
mis à la disposition du ministre de l'Industrie et du Commerce et du
ministre du Revenu pour aider le développement de notre
économie.
Toute la discussion du député de Gouin relativement
à cette socialisation à outrance m'apparaît porter à
faux dans le débat d'aujourd'hui, d'autant plus qu'il en a fait une
question personnelle. Lorsque nous discutons en Chambre, nous
représentons nos vues personnelles, mais elles s'inscrivent
généralement dans la ligne de pensée d'un parti. Lorsque
je vois par exemple, le député de Gouin suggérer que
l'Etat se porte directement dans l'action du développement
économique et qu'il assure lui-même le partage des biens à
produire et que je songe en même temps au fait que le
député de Lafontaine proposait récemment dans un
débat la nationalisation de Bell Canada, je me demande comment on
pourrait régler ce problème en appliquant les suggestions
contenues dans le programme du Parti québécois de diminuer les
impôts de $1 milliard. Il y a toujours des limites à vouloir
leurrer la population.
D'un côté, on dit au gouvernement: Interviens, tu en as le
droit, tu as l'obligation d'intervenir, non seulement dans le domaine de la
redistribution de la richesse mais de la production de la richesse. D'un autre
côté, on
lui demande d'augmenter ses dépenses du côté social
et on l'oblige, en quelque sorte, à investir des milliards ou on lui
suggère d'investir des milliards dans le rachat de compagnies
existantes, ce qui ne créerait aucune richesse additionnelle, surtout
dans un domaine de services qui n'est pas essentiel au développement de
l'économie.
M. le Président, les remarques du député de Gouin,
concernant les marchés de capitaux et particulièrement en ce qui
regarde l'entrée des capitaux étrangers au Québec,
m'apparaissent également venir d'un bon esprit mais qui, à mon
sens, sont complètement en dehors de la réalité.
Ce qu'on nous demande de faire, aujourd'hui, au Québec, en
refusant l'entrée de capitaux étrangers, qu'ils soient
européens ou américains, c'est en quelque sorte se mettre dans
une camisole de force. S'il y a un moment où le Québec a besoin
de capitaux pour développer son économie, c'est bien au cours des
années que nous traversons actuellement, au moment où une
affluence considérable de jeunes arrivent sur le marché du
travail, des jeunes qui sont de mieux en mieux préparés à
faire face aux demandes de l'industrie, des jeunes dont l'éducation a
coûté de plus en plus cher à la population du Québec
et aux contribuables québécois. Ce que le député de
Gouin propose et ce que le Parti québécois, s'il l'appuie,
propose, c'est en quelque sorte de fermer les portes au développement
économique québécois et de forcer nos jeunes à
s'exporter, eux, sur les marchés du travail de l'extérieur du
Québec.
M. le Président, l'entrée de capitaux étrangers au
Québec est absolument nécessaire. Si nous suivions la voie qui
nous est suggérée par le député de Gouin, la
camisole de force dont je parlais tout à l'heure serait justement celle
de faire le jeu de Bay Street, de refuser l'entrée des capitaux, parce
que, eux, du côté anglophone au Canada, ils les ont
acceptés ces capitaux en temps opportun. Eux, ont
développé l'industrie manufacturière. Maintenant que le
développement ontarien, que le développement dans les provinces
les plus prospères au Canada est assuré, on voudrait fermer la
porte à l'entrée des capitaux au Québec, ce qui serait
évidemment aller à l'encontre des intérêts
économiques et surtout des intérêts véritables de la
jeune population qui arrivera sur le marché du travail au cours des
prochaines années. Cette évolution que l'on connaît
aujourd'hui n'est pas nouvelle. La plupart des pays qui se sont
industrialisés ont connu ces périodes. Il y a eu, au
départ, un déficit considérable dans les capitaux, dans la
technologie on a importé des capitaux étrangers, on a
importé de la technologie et où dans un premier temps, on a
exporté énormément de richesses naturelles. Dans un
deuxième temps, il y a eu, petit à petit, ces investissements qui
ont fait en sorte que l'entreprise manufacturière a pu s'établir,
ce qui a augmenté évidemment leur capacité d'exporta- tion
et diminué, en quelque sorte, le déficit des balances de
paiement.
Quand j'entendais le député de Gouin dire qu'au cours des
années 80, le Québec exporterait des capitaux, si on continuait.
Bien moi, je dis tant mieux. Si on exporte des capitaux, cela veut dire qu'on
va être dans une position concurrentielle favorable, cela veut dire que
nos exportations vont avoir atteint un palier tel qu'il y aura des devises
suffisamment importantes chez nous pour qu'on puisse exporter de ces
capitaux.
Moi, j'aspire à cette période de l'histoire du
Québec où nous serons en mesure d'exporter des capitaux, parce
que nous aurons atteint un stade de développement qui sera la preuve,
évidemment, que nous avons passé à travers la
période d'enfance et d'adolescence pour arriver, sur le plan
économique, à une maturité.
M. AUDET: Un retour en enfance.
M. GARNEAU: En ce qui concerne les propos du député de
Beauce, je voudrais uniquement reprendre ces affirmations concernant, en
particulier, l'endettement du Québec. J'ai déjà eu
l'occasion de souligner, à quelques reprises, le fait que, au
Québec, la dette per capita faisait que nous étions la
sixième province, dans l'ensemble du Canada, au point de vue de la dette
per capita. J'ai déjà eu l'occasion de souligner que les
provinces qui ont appliqué, qui ont été élues sur
des théories créditistes ont des dettes per capita plus
élevées que la nôtre, la Colombie-Britannique en
particulier.
Lorsque ensuite, on prend l'exemple de l'Alberta pour dire que, dans le
développement des richesses naturelles, on a su en profiter, alors qu'au
Québec on n'a pas su, il faut, je pense, considérer la
différence qu'il y a entre les richesses qui étaient exploitables
et la facilité qu'il y avait de les exploiter et, évidemment, le
marché de consommation qui était très grand en ce qui
regarde le pétrole.
Lorsque le député de Beauce, dans un même souffle,
nous dit, par exemple, qu'il faut augmenter les crédits des
ministères pour que le Québec puisse jouer un plus grand
rôle et que, du même coup, il nous dit qu'il faut couper les taxes
et diminuer les emprunts, évidemment je ne sais pas à quelle
théorie économique...
M. CARDINAL: Le député de Beauce.
M. GARNEAU: ... il se réfère et comment il peut accrocher
une telle théorie à la réalité. Mais si jamais, je
pense que la situation ne se présentera pas, il devait accéder
à ce côté-ci de la Chambre et occuper le fauteuil que
j'occupe, avec les mêmes responsabilités, je serais
extrêmement heureux de voir comment il pourrait boucler la boucle.
Concernant les propos du chef de l'Opposition officielle, je voudrais
seulement dire quant aux crédits supplémentaires que nous
proposons aujourd'hui, ce n'est pas là un budget dans le sens
véritable du terme parce que si cela avait été un budget,
il aurait été précédé par un exposé
de politique économique.
Actuellement, les crédits supplémentaires que nous
demandons touchent deux aspects: Dans un premier temps, ils touchent les
estimations qui ont été plus ou moins précises de certains
ministères; c'est le cas de la plupart des demandes que nous formulons
comme, par exemple, dans le cas des ministères des Affaires culturelles,
des Affaires municipales, des Communications, des Terres et Forêts,
etc.
L'autre aspect des crédits touche les ministères des
Affaires sociales, de l'Agriculture, de la Voirie et des Travaux publics. Dans
cette deuxième série de demandes, je crois qu'il s'agit là
de mesures qui ont des effets économiques. Même si le fardeau des
allocations sociales est lourd à porter, je crois devoir dire que c'est
là quand même une mesure de soutien du revenu qui est
extrêmement importante dans l'état actuel de notre
économie. Je dirais même que c'est une politique absolument
nécessaire à un développement économique
harmonieux. Sans cette politique de redistribution du revenu, il serait
impossible de passer à travers les périodes difficiles que l'on
connaît, non seulement sur le plan familial et individuel, mais
également sur le plan économique. Plusieurs auteurs soumettent
que si au cours des années trente il y avait eu des politiques sociales
aussi bien élaborées que celles que l'on connaît
aujourd'hui, la dépression économique des années trente
n'aurait peut-être pas existée ou si elle avait existé,
elle aurait été beaucoup moins grande.
Donc, dans la deuxième section, ce sont des crédits que
nous demandons pour soutenir le revenu. C'est le cas également de la
plupart des demandes que nous faisons du côté de l'Agriculture
où le principal montant a pour but de verser des subventions à
des agriculteurs, à des producteurs d'oeufs, de grosses dindes, de porcs
qui, évidemment, ont connu des difficultés...
M. LOUBIER: M. le Président, sur un point d'ordre. Je ne voudrais
pas être désagréable pour le ministre mais la
présidence a, à quelques reprises, invité les opinants
à ne pas plonger dans un poste budgétaire en particulier ou
à ne pas expliciter sa pensée ou son appréciation à
quelque poste budgétaire que ce soit des ministères. Et, on nous
a invités, M. le Président, à nous en tenir à des
généralités pour éviter, justement, de soulever un
débat, ce qui sera permis lors de la discussion des crédits
budgétaires de chacun des ministères.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Pour assurer la continuité dans les
décisions, j'inviterais les membres à s'en tenir à la
décision qui a déjà été rendue.
M. GARNEAU: M. le Président, je suis d'ac- cord avec le chef de
l'Opposition officielle. Mais comme les opinants qui m'ont
précédé, j'ai voulu donner quelques exemples seulement
pour répondre au chef de l'Opposition qui disait qu'il n'y avait pas de
politique, qu'il n'y avait aucune orientation dans ce budget
supplémentaire. J'ai voulu prendre les quelques exemples pour souligner
que, d'un côté, il y avait des demandes de crédits pour des
erreurs d'appréciation ou des politiques qui n'étaient pas
formulées au moment de la présentation du budget et indiquer que,
de l'autre côté, c'était le désir du gouvernement de
traduire ces crédits additionnels dans une politique de soutien du
revenu et de développement de l'économie puisque c'est là
l'essentiel des demandes qui viennent de deux ministères, en
particulier, la Voirie et les Travaux publics. Ds demandent des crédits
qui s'incorporent dans une politique de développement économique
où, en collaboration avec les autorités fédérales,
nous allons lancer, avec ces crédits, un programme de construction de
voirie de l'ordre de $120 millions, dont $63 millions seront
dépensés d'ici la fin de l'année budgétaire
72/73.
M. le Président, l'essence de l'orientation de la politique
économique du gouvernement a été donnée lors de la
présentation du budget principal.
Je voudrais référer, peut-être seulement quelques
instants, pour rappeler quelles étaient les orientations de cette
politique économique, aux notes explicatives du discours du budget. Si
on s'y reporte, on verra que les quatre objectifs étaient les suivants:
"1- Assurer une participation active des dépenses de l'Etat à la
reprise de l'activité économique par l'accroissement des
dépenses d'immobilisation. "2- Limiter le plus possible le taux de
croissance des dépenses courantes sauf pour les programmes ayant une
incidence plus immédiate sur le soutien de l'activité
économique. "3- Assurer une partie du rattrapage des sommes dues aux
commissions scolaires dans le domaine de l'éducation. "4- Faire
coïncider le niveau des dépenses apparaissant au budget avec le
niveau réel des dépenses dans le secteur des Affaires sociales,
compte tenu des nouvelles politiques de gestion proposées dans ce
secteur."
Au sujet du quatrième article, M. le Président, je dois
reconnaître que nous avons failli à la tâche, puisque nous
n'avons pas réussi, je pense, à atteindre l'objectif que nous
soumettions dès le début de l'année financière,
mais pour des raisons que le ministre des Affaires sociales pourra expliquer,
je pense, en détail.
D'abord, il y avait la difficulté de mesurer
précisément quels seraient les coûts de l'application de la
loi no 26 puisque nous n'avions que quelques mois d'expérience lorsque
nous avons préparé les crédits, la loi no 26 n'ayant
été mise en application qu'au cours du mois de novembre 1970. H y
a donc eu cette difficulté.
Il y a aussi eu le fait qu'un plus grand nombre de bureaux ont
été ouverts à travers la province, des services complets
ont été offerts à la population, ce qui a
évidemment amené un taux de croissance, dans les dépenses,
plus élevé que nous ne l'estimions au début. Mais je
voudrais laisser au ministre des Affaires sociales le soin d'entrer dans les
détails puisque les limites qui avaient été
acceptées ne nous permettent pas d'aller plus loin.
M. le Président, dans le cadre des 3 autres points, je pense que
la politique du gouvernement a été bien établie et qu'elle
a été suivie. Même les crédits additionnels que nous
demandons aujourd'hui s'inscrivent dans la même direction, surtout en ce
qui regarde les dépenses d'immobilisation.
Nous avions dit, lors de la présentation du budget, que le
gouvernement voulait mettre l'accent sur les dépenses d'immobilisation
parce que ces dépenses étaient créatrices d'emplois. Au
mois de mars ou d'avril, quand nous avons présenté les
crédits, nous avons suggéré des dépenses brutes
d'immobilisation de $438 millions. Les crédits additionnels que nous
demandons à la Chambre aujourd'hui porteront ces dépenses en
immobilisation, avec les mandats spéciaux qui ont été
approuvés, à près de $470 millions, ce qui donnera, dans
le domaine des immobilisations, un taux de croissance de près de 40 p.c.
comparativement à l'année précédente.
Je voudrais souligner que cette politique économique du
gouvernement a donné des résultats qui ne sont pas aussi
frappants, aussi flamboyants que nous l'aurions aimé mais je crois quand
même qu'il y a eu des résultats assez avantageux.
Sur le plan de la création de l'emploi, par exemple, nous avons
pu constater que sur une moyenne de onze mois, au-delà de 50,000
nouveaux emplois ont été créés, cela au cours des
onze premiers mois. C'est clair que ce n'est pas l'objectif qui avait
été établi mais quand même, si on tient compte des
difficultés à travers lesquelles nous avons passé, au
Québec, au cours des derniers mois, nous avons quand même
réussi à atteindre cet objectif que suggérait le chef de
l'Opposition lui-même, lorsqu'il...
M. LOUBIER: M. le Président, je regrette.
M. GARNEAU: ... traçait les grandes lignes d'une politique
économique au Québec.
M. LOUBIER: M. le Président, je suis obligé, parce que la
vérité a tout de même certains droits encore dans cette
Chambre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'inviterais l'honorable chef de
l'Opposition...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Laissez-lui le temps de parler avant...
M. LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable chef de l'Opposition, s'il a
des...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... parce qu'on va vous inviter à
quitter le fauteuil, cela ne sera pas long.
M. LE PRESIDENT: Si l'honorable chef de l'Opposition considère
que les propos du ministre des Finances sont inexacts, il aura, à la fin
du discours du ministre des Finances, le droit de rétablir les faits. Je
suis convaincu que là-dessus, l'honorable député de
Maskinongé me donnera raison. Quand on a des faits à
rétablir, au cours du discours d'un opinant, c'est à la fin de ce
discours qu'on doit le faire, non pas pendant le discours.
M. LOUBIER: Le ministre me permettrait-il de corriger des faits, de lui
poser une question?
M. GARNEAU: M. le Président, je ne pourrais pas permettre, par
mon acquiescement, que les règlements de cette Chambre ne soient pas
suivis. Il me fera plaisir de laisser au chef de l'Opposition, au terme de mon
exposé, le temps de rectifier les faits, s'il y a des faits à
rectifier.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Faites-vous donner de bonnes directives.
M. LOUBIER: En vertu de l'article 286, comme mon conseiller
spécial vient de me le souffler à l'oreille, pourrais-je poser
une question au ministre des Finances?
M. GARNEAU: Certainement.
M. LOUBIER: Je remercie le ministre des Finances de me permettre cette
question.
Où a-t-il pris ses renseignements indiquant que j'avais soumis
comme objectif 50,000 nouveaux emplois?
M. GARNEAU : Dans le journal qui appartient au chef de l'Opposition,
Montréal-Matin...
M. LOUBIER: A quelle date, dans quelle édition et dans quel
contexte?
M. GARNEAU: Je transmettrai au chef de l'Opposition une copie de ce
document que je n'ai pas devant moi.
M. LOUBIER: Et le ministre des Finances à ce moment-là se
ravisera je connais sa gentil-hommerie pour se rendre compte que
c'est absolument faux.
M. GARNEAU: Si ce n'est pas dans le journal de Montréal, mais
dans un autre journal, je me rectifierai certainement.
M. LOUBIER: Et le ministre se rendra compte que c'est
complètement faux.
M. GARNEAU: Or, avec tout près de 52,000 nouveaux emplois, nous
ne sommes donc pas tellement loin des objectifs que certains membres de cette
Chambre proposaient comme politique de développement économique.
Et j'oserais dire que n'eût été du développement
assez particulier que nous avons constaté dans les secteurs de la
main-d'oeuvre, en particulier en ce qui regarde le taux de croissance de la
main-d'oeuvre féminine, le rendement des investissements de la politique
économique que nous avons mis de l'avant aurait été plus
visible, plus frappant encore.
Quand on regarde les chiffres du taux de croissance de la
main-d'oeuvre...
M. LOUBIER: Cela aura donné un meilleur rendement.
M. GARNEAU: ... par exemple, au Québec, il y a eu une
augmentation de seulement 1,000 au point de vue de la main-d'oeuvre masculine
entre novembre 1970 et novembre 1971. Alors que chez les femmes, 31,000 de plus
sont présentées sur le marché du travail, si on compare le
mois de novembre 1970 au mois de novembre 1971.
M. LOUBIER: Elles étaient très en demande.
M. GARNEAU: C'est donc dire que des décisions prises par des
agents de l'économie, des citoyennes de se présenter sur le
marché du travail alors qu'elles ne l'étaient pas
antérieurement, ont fait en sorte que sur le plan économique le
besoin de nouveaux emplois s'est manifesté de façon encore plus
grande.
Si l'on regarde les autres indicateurs de l'économie, du
côté des expéditions manufacturières, de la vente au
détail, les taux de croissance en 1971 sur l'année
précédente sont quand même assez encourageants. Du
côté des expéditions manufacturières, il y a un taux
de croissance de 3.2 p.c. du côté des ventes au détail, de
7 p.c, si on compare les six premiers mois de 1971, par rapport aux six
premiers mois de 1970.
Il faut également reconnaître que, du côté du
revenu personnel des citoyens, il y a eu également une augmentation
considérable dans les prévisions mêmes que nous avions
faites au cours du mois de mars dernier. Si on regarde le revenu personnel des
individus, il y a un taux de croissance de 9.8 p.c. par rapport à un
taux de croissance de 6.9 p.c. pour l'année antérieure.
J'ai déjà indiqué que les ventes au détail
avaient augmenté au rythme de 7 p.c. Si l'on regarde les
prévisions d'investissement qui ont été faites à la
mi-année 1971, on constate un taux de croissance de 14 p.c. par rapport
à ce qui était constaté au milieu de l'année
1970.
C'est donc dire que les politiques mises de l'avant par le gouvernement
du Québec, tant du côté de sa politique budgétaire
que de ses autres lois et autres mesures qui sont appliquées par le
ministère de l'Industrie et du Commerce ont fait en sorte qu'on peut
constater maintenant chez nous une reprise de l'activité
économique qui s'est fait sentir dans la création de l'emploi,
dans l'augmentation des ventes au détail, dans l'augmentation des
expéditions manufacturières et également dans
l'augmentation des recettes de l'Etat, puisque du côté des
recettes fiscales, cette augmentation du revenu personnel s'est traduite par
une augmentation de revenus que nous estimons actuellement à environ $50
millions comparativement aux prévisions que nous avions faites au mois
de mars dernier.
Si on regarde parmi les autres indicateurs économiques qui nous
semblent manifester et traduire cette reprise de l'activité
économique, il y a le taux de croissance du côté des
profits des institutions financières, des compagnies qui connaissent un
taux de croissance de 8 p.c. alors qu'au cours des années
passées, ce taux de croissance était beaucoup plus faible et dans
certains cas était même négatif.
Le chef de l'Opposition nous a également blâmés de
n'avoir rien fait du côté des industries forestières, du
côté du ministère des Terres et Forêts. Je voudrais
rappeler à cette Chambre que nous avons pris une mesure, justement il
nous blâmait de ne pas avoir mis au point des mesures à court
terme et c'est ce que nous avons fait dans ce secteur assez vital de notre
économie, puisque le gouvernement du Québec a consacré une
somme de $8 millions pour faciliter le développement des industries de
pâtes et papier.
Ces dépenses additionnelles de l'Etat, qui se traduisent par une
baisse de revenu du côté des perceptions dans les concessions
forestières et les droits de coupe, pourront bénéficier
aux entreprises puisque les sommes ainsi prêtées aux entreprises
ne seront pas remboursables si elles sont affectées à des
dépenses pour la lutte contre la pollution en particulier.
M. le Président, nous avons pensé également que des
coupures du côté fiscal auraient pu apporter certains avantages,
comme le mentionnait le chef de l'Opposition ce matin, mais ce type
d'entreprises connaît des difficultés considérables sur le
plan économique, ces entreprises ne font pas de revenus actuellement.
Leur taux de rentabilité est extrêmement bas, ce qui veut dire que
des coupures d'impôt n'auraient pas d'impact puisque, pour payer de
l'impôt, il faut faire des profits. Si nous coupons de l'impôt au
moment où il n'y a pas de profits suffisamment volumineux qui se font,
évidemment des coupures fiscales ne donnent aucun avantage particulier
pour le développement de ces entreprises, du moins à court
terme.
En ce qui regarde le moyen terme, il y aura peut-être des
avantages à analyser plus à fond cette suggestion, mais encore
faudrait-il que cette collaboration se fasse entre les provinces et
également avec le gouvernement central, puisqu'il est difficile de
mettre au point une
politique qui se tienne, qui soit véritablement efficace, si elle
n'est pas coordonnée avec ce qui pourrait se faire en Ontario et au
Nouveau-Brunswick en particulier, qui sont les deux provinces voisines et
également avec ce qui pourrait se faire du côté
fédéral, compte tenu du fait que, dans le domaine fiscal, dans le
domaine de la taxation des entreprises, la part la plus importante de
l'impôt est versée au gouvernement central.
Je voudrais donner quelques indications additionnelles sur l'état
des revenus et dépenses qui peuvent être faits à la suite
de la présentation de ce crédit additionnel. Je ne sais pas si
c'est le meilleur moment de le faire ou s'il y aurait d'autres moments, lors de
la motion des voies et moyens; si je peux l'indiquer maintenant, ça
éviterait le débat à ce moment-là peut-être.
Je veux donc déposer, il y a donc devant la Chambre une analyse de
crédits additionnels de $132 millions.
On se souviendra que dans le discours du budget, le 25 mars 1971, je
proposais des crédits de $4,151 millions et je prévoyais des
revenus de $3,880 millions, ce qui laissait un déficit de $271 millions.
Les déboursés extrabudgétaires étaient
évalués à $195 millions, ce qui aurait donné un
montant de $466 millions à financer.
J'indiquais cependant qu'une partie des crédits votés ne
serait pas utilisée et servirait à compenser l'accroissement des
comptes à recevoir et une partie des besoins financiers. En
conséquence, j'estimais qu'il nous fallait emprunter $415 millions. De
cette somme, je prévoyais que $65 millions proviendraient de prêts
du gouvernement fédéral et que nous irions sur les marchés
ordinaires pour environ $300 millions, après avoir fait appel aux
obligations d'épargne.
Je voudrais maintenant faire part de nos nouvelles prévisions,
compte tenu des dépenses des six premiers mois, des demandes de
crédits supplémentaires ainsi que des variations dans les
revenus. En ce qui concerne les dépenses, il faut ajouter aux
crédits initiaux de $4,151 millions des mandats spéciaux de $28
millions et le budget supplémentaire de $132 millions
déposé il y a quelques jours et que nous analysons aujourd'hui,
ce qui donne un total de $4,312 millions pour l'année financière
1971/72.
A ceci, cependant, il faut ajouter les dépenses encourues en
vertu d'une nouvelle législation qui prévoit que ces
dépenses seront prises à même le fonds consolidé. Il
s'agit cette année d'une somme d'environ $11.3 millions. H faut
également ajouter des dépassements aux articles statutaires,
ceux-ci seront de $9.9 millions principalement pour tenir compte
de l'augmentation de près de $7 millions de la remise d'une partie de la
taxe de vente aux municipalités, par suite comme je l'ai
indiqué tout à l'heure et je le mentionnerai dans mes remarques
au cours des minutes qui vont suivre de l'augmentation des ventes au
détail, ce qui a donné une recette plus grande, qui doit
être partagée avec les municipalités. Avec quelques autres
sommes dont il nous faut prévoir le paiement et les mauvaises
créances dont il faut également tenir compte, c'est une somme
d'environ $25.2 millions qui s'ajoute aux crédits et mandats pour un
total de $4,337 millions.
Toutefois, l'expérience des années passées nous
indique que, pour obtenir les dépenses probables, on doit tenir compte
des crédits périmés, c'est-à-dire des sommes
autorisées, mais qui, pour diverses raisons, ne peuvent être
dépensées à chacun des articles et sous-articles du
budget. Ce résidu était d'un peu plus de 3 p.c. l'an dernier.
Pour plus de sécurité, je l'estime à $100 millions, soit
environ 2.3 p.c. du total des crédits originaux, des mandats
spéciaux et des crédits supplémentaires. Les
dépenses probables pour l'année 71/72 seraient donc de l'ordre de
$4,237 millions.
Du côté des revenus, maintenant. Les revenus font
également montre de changements significatifs. Alors qu'au mois de mars
je prévoyais des revenus de $3,880 millions la prévision est
maintenant de $3,930 millions, pour une augmentation de près de $50
millions. L'augmentation des revenus fiscaux réflète les facteurs
favorables de la conjoncture depuis le début de l'année.
L'augmentation de la production et de la demande globale ont atteint ou
dépassé les prévisions. Alors qu'au moment où les
prévisions de revenus ont été faites, avant le discours du
budget, on estimait le taux de croissance du revenu personnel à 9 p.c,
il a été de 9.8 p.c. au premier semestre de la présente
année financière.
Pour le revenu personnel disponible, la prévision était
basée sur un taux de 8.2 p.c, alors que la réalisation du premier
semestre de 1971 a été de 9.1 p.c. On estimait que les ventes au
détail augmenteraient de 5.5 p.c; la croissance constatée, au
cours des six premiers mois de l'année financière, donne un taux
de 7 p.c. Cette évolution de la conjoncture s'est
réflétée dans les revenus perçus pour les six
premiers mois de l'année financière 71/72. C'est sur la base de
ces perceptions réelles que l'on a révisé la
prévision pour l'ensemble de l'année.
Du côté des revenus fiscaux là, je fais le
détail des $50 millions que j'ai mentionnés tout à l'heure
on constate une augmentation de $34.8 millions. L'impôt sur le
revenu des particuliers rapportera $11.5 millions de plus que la
prévision originale. La taxe de vente rapportera $27 millions de plus
que la prévision originale. Certaines autres taxes donneront aussi des
revenus un peu plus élevés, mais il y a certaines diminutions de
revenus, principalement à l'impôt sur les successions. Les revenus
provenant de privilèges, honoraires et permis diminueront de $6.1
millions par rapport à la prévision initiale, dont $5 millions
aux Transports. La raison principale, c'est que nous avions prévu
l'établissement d'une série de balances pour contrôler la
pesée des camions.
Pour différentes raisons techniques, le programme n'a pas
été mis en application de façon aussi rapide que
prévu, ce qui explique la diminution des revenus dans ce secteur des
permis, honoraires et privilèges.
En ce qui concerne les revenus provenant du gouvernement
fédéral, divers ajustements dans les prévisions concernant
les arrangements fiscaux de 1967 indiquent des revenus de $699.8 millions
plutôt que de $723.3 millions. Par contre, les arrangements provisoires
sur les programmes établis devraient rapporter $304 millions,
plutôt que $265 millions par suite, en particulier, de l'augmentation des
dépenses pour l'aide sociale. Au total, les revenus provenant du
gouvernement fédéral seraient de l'ordre de $1,050, millions.
Avec des dépenses probables de $4,237 millions et des revenus de
$3,930 millions on en arrive donc à une prévision de
déficit aux comptes budgétaires de $307 millions. Le
déficit est donc augmenté de $36 millions par rapport à la
prévision du mois de mars et, évidemment...
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je ne voudrais pas
engager un débat avec le ministre, mais il y a une question qui me vient
à l'idée. Dans tout ce qu'il vient de dire comme ajustement de
chiffres s'il me permet la question il n'y a rien de prévu
pour les négociations. Il avait dit antérieurement que les
crédits périmés pourraient servir à défrayer
le coût de l'augmentation des nouveaux contrats de travail, mais il n'y a
rien de prévu dans ce qu'il vient de dire. Si les conventions
étaient signées avant le 31 mars, comment pourrait-t-il les
financer?
M. GARNEAU: M. le Président, j'ai eu une longue discussion avec
mes conseillers sur cette question. Je dois conclure qu'à la
lumière des renseignements qu'on m'a donnés et compte tenu de
l'évolution de la dépense du côté des traitements
qui avaient été indiqués aux différents postes du
budget, si les conventions collectives et je l'espère
étaient signées avant le 31 mars, il y aurait suffisamment de
crédits pour payer la très grande partie de la croissance des
taux de salaire à l'intérieur de la politique salariale
établie par le gouvernement.
S'il y avait une nécessité de crédits additionnels,
ce serait une demande extrêmement marginale par rapport à
l'ensemble des dépenses. C'est donc dire que si les conventions
collectives n'étaient pas signées, cela changerait la situation
en ce qui regarde les crédits périmés qui seraient
supérieurs aux prévisions que nous avons présentement et
diminuerait d'autant les besoins à financer, ce qui voudrait dire que
toute chose étant égale, et croisant les doigts pour les
prévisions qui ont été faites au niveau de chaque poste
budgétaire, je dirais qu'à l'article où je suis rendu
à l'effet que le déficit au compte budgétaire passe de
$271 millions à $307 millions, nous serions beaucoup plus près
des prévisions du début de l'année que celles que je fais
présentement. Mais tout ça est hypothétique, et je ne peux
pas répondre avec précision au député de
Montmagny.
Evidemment, j'aimerais beaucoup mieux que ces conventions soient
signées cette année puisqu'il nous faudra prévoir dans le
budget 72/73 le paiement non pas d'une seule année budgétaire
mais de deux années budgétaires parce qu'avec les
arrérages, si les conventions sont signées rétroactivement
à la fin du contrat...
M. CLOUTIER (Montmagny): L'année 72/73.
M. GARNEAU: ... en 72/73, il faudrait prévoir pour 71/72.
Donc, l'augmentation des dépenses résultant des mandats
des crédits supplémentaires de la nouvelle législation et
des dépenses non statutaires est couverte pour une bonne part par
l'augmentation des revenus et pour une autre part par les crédits
périmés.
On se souviendra que, lors du discours du budget, nous ne faisions pas
d'estimations des crédits périmés pour établir le
déficit, mais nous en tenions compte pour un montant de $50 millions
lorsque nous établissions nos montants à financer. La variation
des comptes à recevoir était déduite du montant des
crédits périmés retenus, ce que j'ai corrigé tout
à l'heure lorsque j'ai fait mention du montant de $25 millions dont il
fallait tenir compte pour en arriver au total de la dépense probable.
L'accroissement des comptes à recevoir ou plutôt la variation
entre les revenus non encaissés et les dépenses non
déboursées sera de l'ordre de $75,600,000. Quant aux
déboursés extrabudgétaires, nous prévoyons
maintenant qu'ils seront de l'ordre de $185,200,000.
Les sommes totales à financer sont donc de $508 millions. Au
moment du discours du budget je les ai estimés à $415 millions.
Le programme d'emprunts a donc été augmenté d'autant. Ce
programme est déjà réalisé avec l'emprunt de $75
millions que j'annonçais il y a quelques jours, et les prêts
spéciaux à venir du gouvernement fédéral, en vertu
du programme de prêts pour les travaux d'hiver à
l'intérieur du programme de cette caisse d'aide conjoncturelle dont une
partie sert à financer les crédits que nous demandons pour la
Voirie et les Travaux publics en particulier.
Enfin, il faut se rappeler que l'émission d'obligations
d'épargne que nous avons faite au début de l'année a
rapporté $144 millions, alors qu'au mois de mars nous n'avions retenu
qu'un chiffre approximatif de $50 millions à cette fin.
En conséquence, notre programme d'emprunts sur les marchés
ordinaires, qui était de l'ordre de $300 millions lorsque j'ai
présenté le discours du budget le 25 mars dernier, ne sera pas
dépassé et n'est pas dépassé malgré
l'aug-
mentation des sommes à financer que je viens d'indiquer.
Evidemment le député de Beauce, dans ses remarques,
faisait part du fait qu'il ne serait pas surpris qu'il y ait d'autres emprunts
d'ici la fin de l'année. Ce que le député de Beauce a
indiqué n'est pas nouveau, je l'ai dit moi-même en réponse
à des questions, soit de journalistes ou de députés en
cette Chambre. Notre programme d'emprunt pour l'année 71/72 est
complété.
Ce qui pourrait nous inciter à revenir sur les marchés
financiers au cours de la fin de l'exercice, ce seraient, évidemment,
des changements draconiens du côté des programmes de
dépenses qu'il nous faudrait mettre au point ou encore et c'est
là l'optique, je pense, qui pourra peut-être se réaliser le
plus possiblement c'est le fait que si les marchés financiers
étaient très avantageux pour le Québec, il se pourrait que
nous prenions de l'avance pour le programme d'emprunt de l'an prochain et venir
sur les marchés vers la mi-mars, début d'avril, de telle sorte
que nous pourrions commencer l'année financière sur un bon pied
et faciliter d'autant le financement des programmes d'investissement qui seront
certainement contenus dans le prochain discours du budget.
M. le Président, je pense que si on regarde ce qui s'est
passé au cours des années antérieures, relativement aux
crédits supplémentaires et qu'on compare les chiffres de demandes
de crédits que nous faisons maintenant à celles qui ont
été formulées par les gouvernements antérieurs,
qu'il soit de 1966 à 1970 ou qu'il soit de 1960 à 1966, toute
proportion gardée, je dirai que les crédits additionnels que nous
demandons sont inférieurs à certaines demandes de crédits
additionnels qui avaient été formulées au cours des
années passées.
Je ne crois pas que ce soit un critère absolument certain de
bonne ou de mauvaise gestion que de demander des crédits additionnels,
mais plutôt lorsque ces crédits s'inscrivent dans une politique
qui est bien rodée, dans une politique qui a été bien
expliquée par le gouvernement, je pense que ces demandes de
crédits traduisent plutôt une situation économique, une
situation où le gouvernement doit intervenir pour favoriser encore
davantage, dans le cas présent, le soutien du revenu du
côté des Affaires sociales et de l'Agriculture en particulier et
du développement économique en ce qui regarde les
ministères de la Voirie et des Travaux publics. Ceci s'inscrit
parfaitement dans le cadre de l'orientation budgétaire que nous avions
donnée au début de la présente année fiscale.
J'espère et je crois bien que d'ici le 31 mars 1971, à moins
d'événements imprévus, nous pourrons terminer
l'année et constater que les résultats que nous espérions,
en mettant de l'avant cette politique budgétaire, auront
été atteints, du moins dans une très large mesure.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, la présentation
de ces crédits supplémentaires m'oblige, sous forme de grief,
à examiner avec le gouvernement le dossier des relations du gouvernement
du Québec avec le gouvernement central.
Ce matin, le chef de l'Opposition et ceux qui l'ont suivi, ont
parlé des problèmes économiques. Je veux, ce soir, avant
que de mettre à la disposition de Sa Majesté des fonds dont elle
a besoin, faire un examen rapide d'un dossier qui, à notre sens,
manifeste, de la part du gouvernement, non seulement de la négligence,
des hésitations mais une faiblesse qui risque non seulement de
compromettre notre situation économique mais d'aggraver encore le climat
de tension qui prévaut à l'heure actuelle dans le Québec
et qui font que tous les citoyens s'interrogent sur l'avenir de ce territoire
et de ce gouvernement qui sont en voie de devenir "une municipalité" du
gouvernement d'Ottawa.
Ce dossier, M. le Président,...
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse de vous interrompre. Si je comprends bien,
votre grief vise les relations fédérales-provinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est bien ça!
M. le Président, comme le disait le général de
Gaulle, je vous remercie de m'avoir compris.
M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas la même prestance.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?
M. CHOQUETTE: Vous n'avez pas la même prestance.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je n'ai certainement pas...
M. CHOQUETTE: Mais l'assurance, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... la prestance, M. le Président, ni
l'intelligence, ni les talents, ni les mérites du général
de Gaulle, mais je déplore qu'il ne s'en trouve point dans le
gouvernement qui ait cette prestance et cette envergure.
M. le Président, ceci étant dit, et le ministre de la
Justice...
M. CHOQUETTE: ... d'après ce que je vois!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... m'ayant compris, je voudrais examiner avec
vous le dossier des relations fédérales-provinciales pour faire
comprendre au gouvernement que la mis-
sion qui lui avait été confiée par le peuple,
c'est-à-dire celle d'apaiser les citoyens, de les rassurer et d'engager
l'avenir du Québec sur des voies sûres, cette mission n'a pas
été accomplie mais, bien au contraire, le gouvernement s'en est
désintéressé à un point tel qu'il donne raison
à ceux qui, au Québec, s'autorisent de sa faiblesse pour proposer
des solutions irréalistes, pour provoquer l'agitation et pour entretenir
un climat qui n'est certes pas favorable à la paix sociale.
M. le Président, ce dossier, on peut le caractériser de la
façon suivante: D'abord, servage, hésitations, faiblesse et
démission.
Servage: Parce que le gouvernement actuel n'est au fond que le
porte-parole et l'exécuteur d'un autre gouvernement qui n'est pas ici et
qui se trouve au-delà des rives de l'Outaouais.
Servage: Parce que ce gouvernement n'est pas libre de ses actions, parce
qu'il n'a pas été capable de se faire élire lui-même
et que, devant rendre des comptes, il les rend en manifestant sa faiblesse, en
manifestant ses hésitations et, dans bien des domaines, en
démissionnant.
Servage, donc, M. le Président.
Deuxièmement, hésitation. Pris entre deux feux, pris entre
deux devoirs, tiraillé par deux exigences; celle de servir les citoyens
et l'Etat du Québec et celle de payer une dette électorale, le
gouvernement hésite. Sa politique est une politique de tergiversations
et une politique d'atermoiements. Certes, il y a de grandes
déclarations, des déclarations solennelles, des professions de
foi, mais les gestes que pose ce gouvernement démontrent à l'envi
que sa façon de négocier est marquée au sceau de la
faiblesse.
Faiblesse, M. le Président, pourquoi? Parce que, d'abord, le
gouvernement n'a pas la force de prendre lui-même les initiatives; parce
qu'il n'a pas la force, lorsqu'il se trouve devant un fait accompli, de dire
non. Faiblesse, parce que le gouvernement est impuissant à
dénouer les liens qui l'attachent à un gouvernement dont il
n'est, en réalité, qu'un enfant chétif et maladroit.
Servage, hésitation et faiblesse, M. le Président. Tout
cela se résume en ceci: démission. Quand on est asservi, M. le
Président, quand on hésite lorsqu'on doit agir, quand on
manifeste une faiblesse inqualifiable, il n'y a pas d'autre ressource, il n'y a
pas d'autre expédient que celui de démissionner. C'est ce que le
gouvernement a fait en face du gouvernement central. Il a
démissionné.
Certes, pour recréer, pour refaire son image devant le public, il
donne l'impression qu'il agit, mais son action se résume à
colmater des brèches. On ne voit pas encore quelle peut être la
pierre d'angle de la politique qu'il nous avait annoncée en
matière de relations fédérales-provinciales.
On le voit, dans l'action du gouvernement, ou plutôt, dans
l'absence d'action du gouvernement qui se caractérise par la lenteur des
négociations dans le domaine précis de la réforme
constitutionnelle.
On se rappelle que sous l'administration de M. Johnson, sous
l'administration de M. Bertrand, le gouvernement central avait accepté
d'entreprendre avec le gouvernement du Québec, et avec tous les autres
gouvernements des Etats membres de la fédération, des
négociations dans le but d'en arriver à une réforme
constitutionnelle globale, qui allait consister à remettre en cause les
assises du régime constitutionnel sous lequel nous vivons depuis
1867.
Où en sommes-nous à ce jour, le 20 décembre dans le
travail de la réforme constitutionnelle? Quelles étapes
avons-nous marquées? Quels progrès avons-nous enregistrés?
Aucun. La réforme se trame. Et elle se traîne, parce que deux
gouvernements sont d'accord pour la laisser tramer sans égard aux
conséquences que cela peut entraîner dans la population qui de
plus en plus s'inquiète et s'agite. Et le gouvernement se trouve ainsi
à donner des armes à ceux qui voudraient que l'on instaure ici un
Etat qui serait complètement affranchi de la tutelle du gouvernement
central et qui, à toutes fins utiles, se trouvera en dehors du contexte
naturel qui est le nôtre, le contexte canadien et le contexte
nord-américain.
Donc, à ce premier chapitre du dossier, on est obligé de
faire un constat, celui de la lenteur du gouvernement. Et que le gouvernement
n'aille point s'étonner après cela que les citoyens s'agitent,
que les citoyens descendent dans la rue et que naissent partout des mouvements
dont le seul but est de décider le gouvernement à mettre enfin en
marche un processus de négociations qui ne soit pas un processus secret
mais qui se manifeste de la même façon qu'on l'a
déjà fait lorsque s'est tenue à Toronto la grande
conférence constitutionnelle, intitulée: Confederation of
tomorrow.
M. le Président, on pourra vous dire qu'il y a eu depuis ce
temps-là des conférences, qu'il y a eu, il n'y a pas encore
très longtemps, la conférence de Victoria.
M. CHOQUETTE: La Confederation of today est plus difficile.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le ministre
de la Justice voudrait poser des questions, faire une intervention?
M. CHOQUETTE: Non, je voulais vous interrompre en vous disant que
c'était la Confederation of today qui était plus difficile
à régler.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre a raison.
Il a parfaitement raison. Le problème le plus difficile à
régler, c'est le problème de la Confederation of Today, Today's
Confederation. The Minister is right.
Mais le problème le plus difficile...
M. CHOQUETTE: Je prends acte.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... pour que soit réglé le
problème de la Confédération d'aujourd'hui, c'est de
régler le problème de la confédération des
ministériels. Il sont fédérés,
confédérés les ministériels.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas parlementaire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais ils ne sont pas convaincus, par exemple,
que le problème de la lenteur des négociations en matière
constitutionnelle fait que ce gouvernement est responsable de l'agitation, de
la contestation qu'il provoque par sa lenteur, sa faiblesse, ce servage et la
démission qui le caractérisent dans un domaine aussi capital.
M. le Président, le ministre de la Justice sait et il le
sait depuis longtemps que toute intervention des ministériels,
non seulement ne me dérange pas mais me stimule.
Je dis donc que, à ce chapitre de la réforme
constitutionnelle, le gouvernement a manifesté qu'il était dans
un état de servage, il a manifesté son hésitation, sa
faiblesse, et que tout cela se traduit par une démission du gouvernement
libéral en face du gouvernement central.
C'est sur cette note, M. le Président, que je vous signale qu'il
est six heures et que je demande la suspension du débat.
M. LE PRESIDENT: Vingt heures? M. LEVESQUE: Vingt heures quinze.
M. LE PRESIDENT: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à
vingt heures quinze.
(Suspension de la séance à 18 h 1) Reprise de la
séance à 20 h 23
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs !
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai l'intention de
reprendre les thèmes que j'avais abordés avant que vous ne
suspendiez le débat pour le dîner.
Je voudrais bien, toutefois, substituer à ces thèmes,
pourtant fort intéressants et capitaux, un autre thème de
discussion, celui de l'Agriculture, de la Loi du syndicalisme agricole, par
exemple. Malheureusement, le gouvernement, ce matin, n'a pas voulu appeler
cette loi et nous a demandé d'étudier les crédits
supplémentaires. Je me demande si je ne pourrais pas vous
suggérer et suggérer au leader du gouvernement, le
député de Matane, d'accepter une proposition d'ajournement de ce
débat pour étudier immédiatement la Loi du syndicalisme
agricole.
Nous serions prêts à passer tout de suite à
l'étude de cette loi, étant donné que le ministre de
l'Agriculture est là. Est-ce que le leader du gouvernement accepterait
ma proposition? J'imagine que bien des députés seraient d'accord
pour étudier cette Loi du syndicalisme agricole, si le gouvernement
voulait suspendre ou ajourner le débat. Il ne semble point que cette
demande éveille d'échos dans l'esprit de celui qui est leader
parlementaire à la place du ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. BIENVENUE: Dois-je comprendre que le député de
Chicoutimi est prêt, au nom de toutes les Oppositions, à adopter
le budget supplémentaire?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, M. le Président. Je dis, tout
simplement, que nous serions prêts à ajourner ce débat pour
étudier la Loi du syndicalisme agricole, quitte à le reprendre
ensuite, un autre jour, afin d'accélérer les travaux
d'étude de cette loi dans le but d'aider les cultivateurs et de corriger
la lenteur que le gouvernement a apportée à nous proposer cette
loi, alors qu'il eût dû le faire ce matin, tel qu'entendu samedi
soir.
M. LACROIX: C'est un piège à ours.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement, je m'en rends compte, ne veut
pas activer l'étude de cette loi. Je continue donc ce que je vous
disais.
Dans le domaine des relations fédérales-provinciales il y
a servage, hésitation, faiblesse et démission cela, dans tous les
secteurs, notamment celui de la réforme constitutionnelle;
démission du gouvernement dans le domaine de l'aménagement
régional et des affaires municipales, ce qui permet au gouvernement
central d'entrer dans des secteurs d'activité réservés
exclusivement aux gouvernements des Etats membres de la
fédération, c'est-à-dire aux gouvernements
provinciaux.
Le même malaise se manifeste dans les affaires sociales, et l'on
sait quelles sont les difficultés et les avatars des négociations
que poursuit le ministre des Affaires sociales qui voudrait bien activer son
gouvernement, lui donner plus de force et de vigueur, mais il semble qu'il ne
reçoive pas en tous points l'appui qu'il devrait avoir, que nous lui
avons donné et que nous sommes toujours prêts à lui
accorder.
M. le Président, même servage, même faiblesse,
même hésitation, même démission dans le domaine de
l'économie, des richesses naturelles où l'on se rend compte que
c'est encore une fois le gouvernement central qui va prendre le leadership et
qui vient de le prendre en créant sa propre société de
développement industriel qui va contrecarrer la planification
établie par notre propre ministère de l'Industrie et du
Commerce.
Même situation dans le domaine de l'éducation où,
là, c'est vraiment la ruée. Ruée dans l'éducation
comme telle, ruée dans le domaine des sports et loisirs, ruée
dans le domaine de la formation des athlètes, du sport amateur, etc,
toutes ces questions que nous avons déjà étudiées,
le recyclage des adultes, enfin l'ensemble des secteurs couverts par la
réalité de l'éducation sont devenus à toutes fins
utiles sous la surveillance et le contrôle du gouvernement central.
Même situation dans le domaine du travail où l'on se rend
compte que l'assurance-chômage, par exemple, sera soumise aux diktats du
gouvernement d'Ottawa. Même situation dans le domaine du tourisme
où, par le truchement des parcs et par tous autres moyens, le
gouvernement central veut régenter un domaine qui nous appartient et
pénétrer dans un territoire qui est le nôtre en
créant des enclaves qui constituent des fiefs fédéraux
à l'intérieur du territoire du Québec.
On ne se soucie même pas, dans ce domaine du tourisme et des
parcs, de l'intégrité du territoire.
Même situation de servage, de démission dans le domaine de
la culture, et là, il y aurait un long chapitre à écrire
sur les hésitations, les faiblesses du ministre des Affaires culturelles
qui n'a même pas poursuivi les négociations que j'avais
entreprises et qui avaient déjà aboutie, puisque les seuls gestes
dont puisse se targuer le ministre des Affaires culturelles proviennent des
ententes que j'avais réussi de peine et de misère à
conclure avec le secrétaire d'Etat, M. Pelletier. Même situation
dans le domaine de la langue et de la culture en raison de l'application
sournoise de la politique de multiculturalisme présentée et
défendue par le premier ministre du Canada, M. Trudeau.
Et que dire du domaine des communications? Nous avons
étudié trois projets de loi qui ne pourront pas être mis en
application tant et aussi longtemps que le ministre des Communications n'aura
pas reçu l'imprimatur du gouvernement central, c'est-à-dire la
permission d'utiliser les ondes même à des fins d'éducation
et de culture, qui sont pourtant des domaines réservés
exclusivement à la compétence législative des Etats
membres de la fédération.
Que dire du domaine de l'immigration où le ministre de
l'Immigration a consenti à signer une entente honteuse et humiliante
avec le gouvernement central qui fait qu'il se trouve actuellement dans les
bureaux d'immigration du gouvernement central à l'étranger des
serviteurs du gouvernement central qui ont un nom assez pompeux d'agents
d'information, qui n'ont même pas le titre d'agents recruteurs.
Même situation dans le domaine des relations internationales
où l'on n'a absolument marqué aucun progrès depuis le
moment où, grâce au travail de MM. Johnson et Bertrand, nous
avions réussi à conclure avec la France et les autres pays
francophones des ententes qui allaient permettre d'assurer la
souveraineté du Québec et de prolonger sa compétence dans
le domaine international, particulièrement dans les champs de la
culture, de l'éducation, de la technique, des communications, des
satellites, y compris la santé, enfin toutes ces matières qui se
trouvent inscrites dans les documents qui ont été signés
par nos gouvernements et dans ceux qui avaient été signés
par le gouvernement qui nous avait précédé.
M. le Président, même situation en matière de
planification. Prenez, comme exemple, le cas de Perspectives-Jeunesse. Nous
essayons de travailler dans les domaines de la santé, du sport, du
travail pour les jeunes. Nous essayons de préparer des plans, des
programmes d'action. Mais tout cela est soumis à la volonté du
gouvernement central où tout cela est devancé,
dérangé ou démantelé par des initiatives du
gouvernement central qui a, lui, cet avantage d'avoir l'argent. La situation
est la suivante: C'est que nous qui vivons près des citoyens, qui sommes
le gouvernement près des citoyens nous avons les problèmes, mais
nous n'avons pas l'argent. Celui qui détient le pouvoir d'argent a,
évidemment, toute la puissance. Et quelle que soit la planification dont
nous parle le premier ministre, quelle que soit la planification dont nous
parle le gouvernement, quelles que soient les grandes théories que peut
développer le ministre des Finances, il sait très bien que cela
restera lettre morte tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas les moyens
financiers d'appliquer les politiques que nous élaborons et que nous
préparons pour le mieux-être du Québec.
M. le Président, nous avons les problèmes mais nous
n'avons pas l'instrument qui est l'argent, le pouvoir de taxation et ce que les
anglais appellent le "spending power". Nous n'avons pas les moyens de payer les
réalisations que comporteraient cette planification dont nous parle,
à tout moment, le gouvernement. Il se passe ceci: Dans le domaine des
relations avec le gouvernement central, avec le gouvernement qui disait qu'il
avait un dossier extrêmement bien préparé, qu'il avait une
nouvelle
technique de négociation, il se passe que nous sommes encore
à attendre des rapports, des documents, le dépôt de
certaines ententes dont on nous dit qu'elles ont été
signées ou qu'elles vont être signées. Nous prions donc le
gouvernement c'est là l'objet de mon grief de nous
convoquer en commission parlementaire le plus tôt possible, de
déposer le dossier des relations fédérales-provinciales
dans tous les domaines que j'ai évoqués. Le ministre de la
Justice fait signe que ce dossier est épais.
Je comprends qu'il se prenne comme point de comparaison, mais si
épais que soit ce dossier, il est important que nous l'ayons entre les
mains, que nous puissions l'examiner et qu'en commission parlementaire nous
puissions faire au gouvernement des recommandations afin de lui indiquer
quelles sont les techniques de négociation, comment préparer un
dossier et comment amener le gouvernement central à comprendre que nous
avons la responsabilité d'un Etat qui doit atteindre ce niveau
d'autorité qui lui permette de se dire souverain.
M. le Président, on va me dire...
M. CASTONGUAY: Vous avez eu tellement de succès.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?
M. CASTONGUAY: Vous avez eu tellement de succès dans ce
domaine-là.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! M. le Président, pour la
première fois que j'entends le ministre des Affaires sociales
m'interrompre, je pense qu'il a bien mal choisi son moment. Quel succès
avez-vous eu dans les allocations familiales?
M. CASTONGUAY: Pas plus mais... Je n'ai pas dit qu'on en avait eu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui de votre gouvernement vous a
appuyé, M. le Président? Quelles sont les assurances que le
ministre des Affaires sociales peut nous donner ce soir? Combien d'argent le
gouvernement central lui a-t-il donné?
UNE VOIX: Deux cent millions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Où en est-il le ministre avec ses $200
millions? Quel est le montant d'argent, M. le Président que le ministre
des Affaires sociales a perçu, a recueilli...
M. BIENVENUE: Laissez-le répondre.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... de ce fonds perçu injustement par le
gouvernement central? J'attends la réponse du ministre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CASTONGUAY: Quel est l'objet de cette énumération, si
vous n'avez pas eu plus de résultat...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre me demande, imaginez, le ministre
me demande ceci...
J'aurais bien voulu que ces applaudissements, M. le Président,
saluassent l'annonce de l'étude du projet de loi du syndicalisme
agricole. Mais c'est le ministre qui les a provoqués. Le ministre me
dit: Quel est l'objet de cette énumération?
M. CASTONGUAY: Bien oui!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais c'est pour amener le ministre des
Affaires sociales à se rendre compte que tout actuaire qu'il soit, que
tout respectable qu'il soit, que tout brillant qu'il soit, le ministre n'a pas
avancé d'un pouce dans le domaine des affaires sociales, au contraire il
se butte à la résistance tenace d'un gouvernement à qui il
doit lui aussi son élection. Le ministre des Affaires sociales est un
homme que je respecte, M. le Président. Je connais très bien ses
idées. Je sais, M. le Président, je connais les théories
du ministre des Affaires sociales, je connais ses intentions socialisantes dans
le domaine des affaires sociales, mais pour réaliser sa politique,
ça va lui prendre de l'argent et il y a un monsieur là-bas qui
s'appelle Pierre Elliott-Trudeau, qui attend un enfant, mais qui n'a pas besoin
d'attendre un enfant, il en a vu un devant lui bien avant.
Il est là, M. le Président, ce grand enfant, animé
d'excellentes intentions qui réclamait à cor et à cri, cet
enfant tout élevé, qui s'en allait là-bas avec ses livres
sous le bras, le dossier des négociations.
Qu'est-ce que nous en avons retiré, M. le Président?
Rien.
M. CASTONGUAY: Vous?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon?
M. CASTONGUAY: Votre gouvernement, qu'est-ce qu'il en a
retiré?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah! Un instant, M. le Président. On va
le lui dire! Dans le domaine des sports et des loisirs, des relations
internationales, M. le Président. Dans le domaine de la
récupération des points d'impôts, M. le Président.
Le ministre n'a pas l'air de se souvenir de cela. Quand nous avons
négocié, au sujet d'une loi que le ministre a
présentée et qui était notre loi, dans le domaine de
l'assurance-maladie, qui avait préparé le dossier qui a permis au
ministre d'aller, par tout le Québec, se vanter de ses
réalisations?
M. CASTONGUAY: Non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le gouvernement qui était alors
dirigé par M. Bertrand et qui avait été dirigé par
M. Johnson. Le ministre des Affaires sociales ne sait pas encore ce que c'est
que la Chambre. Quand il pose des questions, qu'il soit prudent.
M. GIASSON: Zéro, l'Union Nationale.
M. CASTONGUAY: Qui a fait adopter la Loi de l'assurance-maladie? Est-ce
votre gouvernement ou si ce n'est pas, plutôt, votre gouvernement qui a
déposé la loi et qui, le lendemain, annonçait
l'élection?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, voilà la
question que j'attendais. Oui, nous avons préparé tout cela, nous
avons négocié tout cela pour que le gouvernement
fédéral consente, et le ministre en a eu le mérite.
M. GARNEAU: Avec les médecins aussi, vous avez
négocié.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais sa Loi de l'assurance-maladie, qui
l'avait préparée? Le député de Montmagny. Qui l'a
améliorée, qui l'a corrigée, qui l'a refaite, comme la loi
65 qu'on va nous proposer bientôt? Le député de Montmagny.
Vous récoltez les fruits d'une négociation qui a
été faite par le seul parti véritablement
québécois et nationaliste au Québec. Allez-y tant et
plus.
M. LACROIX: La Loi du syndicalisme agricole, est-ce vous qui l'avez
apportée?
M. CHOQUETTE: Comment se fait-il que vos efforts n'aient pas
été appréciés à leur juste valeur par
l'électorat?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, le ministre de la
Justice devrait savoir, lui qui s'occupe de la justice, ce que c'est qu'une
escroquerie. Il doit savoir qu'il y en a eu une faite par le Parti
libéral: l'affaire de la Brinks. Cela, c'est une escroquerie dont le
ministre de la Justice devrait s'occuper.
C'est la première demande que M. Bertrand a faite au nouveau
gouvernement, de faire une enquête sur l'affaire de la Brinks. Vous
n'avez pas eu le courage de la faire, parce que vous aviez des capitalistes
à protéger, ceux qui vous aident à Ottawa...
M. GARNEAU: La Brinks n'a rien à voir là-dedans.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre de la Justice est bien mal
avisé.
M. CHOQUETTE: Parlez-nous donc de la mafia au congrès de l'Union
Nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, les gens que j'ai
dénoncés,...
M. PAUL: Pardon! Qu'est-ce que vous voulez "zoune"?
M. HARVEY (Jonquière): ... prenez celle de votre voisin, il aime
ça. Celle de votre voisin, il ne hait pas ça, la mienne est pour
femmes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... là, au congrès de l'Union
Nationale, c'étaient des gens qui ressemblaient à ceux de la
Brinks et qu'on a sortis de notre parti, nous autres.
M. HARVEY (Jonquière): La mienne est pour les femmes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La Brinks, ça va vous coller au dos,
comme une honte, un déshonneur,...
M. GARNEAU: Comme le bill 63 sous l'Union Nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'un gouvernement qui plie tous les jours
devant Pierre Elliott Trudeau parce qu'il lui doit son élection, par la
Brinks, par l'affaire Lafferty, par tout le reste.
M. CHOQUETTE: Je pense que le député admettra qu'on ne
peut quand même pas accabler quelqu'un qui est dans les affres de la
paternité.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne savais pas que
le ministre de la Justice était dans cet état et qu'un homme
pouvait avoir un enfant. Alors, M. le Président, je ne veux pas accabler
le ministre de la Justice...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi, je voudrais mentionner au
député de Chicoutimi que j'ai permis ce court échange et
que son temps est expiré depuis déjà près de cinq
minutes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous avez compté les
interruptions, M. le Président? Les applaudissements?
M. LE PRESIDENT: Premièrement, il n'y a rien dans les
règlements qui me permet de déduire les interruptions.
Deuxièmement, il y a certaines interruptions que j'ai permis que vous
fassiez, il y eut un court échange. Vous avez vous-même
posé des questions...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On m'a posé des questions.
M. LE PRESIDENT: ... au ministre des Affaires sociales...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il n'était pas obligé de me
répondre. Je lui demandais simplement de sourire.
M. LE PRESIDENT: De toute façon, ce temps est expiré,
à moins qu'il y ait consentement de la Chambre.
DES VOIX: Oui. DES VOIX: Non.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je termine, de toute façon, M. le
Président, c'était ma péroraison. J'allais vous dire, M.
le Président, que je demande au gouvernement, dans les plus brefs
délais, de convoquer la commission parlementaire et d'apporter le
dossier des négociations avec le gouvernement central afin qu'on fasse
la preuve péremptoire qu'il a failli à sa tâche, dans ce
domaine comme en bien d'autres, que nous n'avons marqué aucun
progrès, qu'au contraire, on a accru ce sentiment et cette conviction
qu'a le peuple que dans ce domaine des relations
fédérales-provinciales c'est le servage, l'hésitation, la
faiblesse et la démission.
Je termine là-dessus. Je sais que le gouvernement souhaiterait
que nous proposions l'ajournement de ce débat pour étudier la Loi
du syndicalisme agricole parce que des cultivateurs sont venus ici pour
entendre le gouvernement discuter sa loi.
M. LACROIX: Vous n'avez rien fait, dans votre temps.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Abitibi-Ouest.
Aurèle Audet
M. AUDET: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre,
messieurs!
M. AUDET: ... à l'occasion de la présentation de ce budget
supplémentaire, vous me permettrez d'apporter quelques brefs
commentaires. Comme la part du lion de ce budget supplémentaire est
livrée aux Affaires sociales, nous nous devons de considérer
sérieusement la façon dont sont dépensées ces
sommes au niveau du ministère des Affaires sociales.
J'entendais le chef de l'Opposition officielle prêcher cet
après-midi la mise en place de contrôles adéquats dans ce
domaine pour empêcher les abus flagrants, les vols, les
détournements de fonds par le fonctionnarisme qui en est rendu à
coûter à la province beaucoup plus que la somme servant
effectivement à aider les personnes dans le besoin. Voilà les
coûts exorbitants qu'entraînent les contrôles et les
conditions apportées pour régir les politiques des Affaires
sociales et ce, en plus de toutes les tristes conséquences qui
découlent de ces contrôles, de ces conditions qui viennent avilir
la personne humaine dans sa fierté la plus profonde et la plus intime,
qui viennent inviter les personnes à s'éloigner du travail.
Ceci est ni plus ni moins qu'inviter les gens à accepter de
devenir des zéros en tuant l'initiative, l'enthousiasme, la
fierté, la responsabilité, qui sont des qualités
absolument nécessaires à une vie normale et heureuse, et on vient
nous demander d'ajouter d'autres contrôles M. le Président.
UNE VOIX: Ne me regardez pas !
M. AUDET: N'a-t-on pas la preuve des effets néfastes et
destructeurs de ces contrôles et de ces conditions? H faut être
aveugle pour ne pas voir dans ces contrôles et conditionnements à
la vie la plus grande partie de nos problèmes.
Tout à l'heure, j'entendais le chef de l'Opposition officielle
reconnaître tous ces problèmes cruciaux que nous vivons. Il voyait
tous ces problèmes comme quelque chose d'abominable, d'impensable, comme
une chose quasi incontrôlable. Pourtant, il vient nous offrir d'ajouter
de l'essence à cette addition de contrôle. On dirait qu'on veut
attiser le feu...
M. DEMERS: Cela va aller plus vite! M. LOUBIER: M. le
Président...
M. AUDET: ... en mettant plus de contrôles...
M. LOUBIER: ... le député d'Abitibi-Ouest devient explosif
dans ses propos.
M. AUDET: M. le Président, c'est exactement le contraire que nous
devrions faire. C'est en éliminant les contrôles et les conditions
que nous parviendrons à atténuer ce malaise épouvantable
que subit une trop grande proportion de nos familles
québécoises.
Je crois qu'il faudrait ici s'arrêter et étudier
sérieusement une formule positive pour rendre possible une politique
sociale accordant un revenu minimum garanti universel.
Abandonnons cette formule négative de la
sélectivité qui apporte tous ces contrôles et cette
multiplicité de formes d'aide aux individus.
Pourquoi ne pas en venir à concentrer dans un même fonds
toutes les sommes nécessaires à toutes les formes d'aide sociale
existantes. Cela réduirait le coût exorbitant du fonctionarisme et
de la bureaucratie nécessaire pour exercer les contrôles, si on
accordait ce revenu minimum garanti universel, à tous,
indépendamment des revenus.
En attendant que notre bon gouvernement libéral reconnaisse qu'il
est nécessaire de faire une réforme monétaire, comme nous
le préconisions, qu'on impose donc ce revenu minimum garanti
universel.
M. CHOQUETTE: Puis-je poser une question au député?
M. AUDET: Par la fiscalité, reviendrait dans ce fonds...
M. CHOQUETTE: L'honorable député me permettrait-il de
poser une question?
UNE VOIX: Il n'a rien entendu.
M. AUDET: ... pour le financement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs, à l'ordre!
M. AUDET: Je disais que, par le truchement de cette fiscalité sur
le revenu minimum garanti, reviendrait dans ce même fonds le financement
nécessaire pour couvrir les dépenses de ce revenu minimum
garanti.
Avec la mise en application de cette pratique du revenu minimum garanti
universel, nous libérerons la personne, les familles de cet esclavage
nuancé du bien-être social conditionné et, avec la
réforme économique qui devrait suivre, nous accorderions à
toutes les personnes...
DES VOIX: Adopté.
M. AUDET: ... ce qu'elles ont droit d'obtenir. J'ai perdu ma
feuille.
M. LOUBIER: M. le Président, le député vient de
mentionner qu'il a perdu la feuille. Est-ce seulement la feuille qu'il a
perdue?
M. AUDET: M. le Président, c'est parce qu'on ne peut pas
financièrement le faire avec le système actuel. Pour le faire, il
faudrait faire la réforme économique. Le député de
Gouin, cet après-midi, semblait tellement d'accord pour
reconnaître les mêmes problèmes que nous reconnaissons
nous-mêmes.
Le député de Gouin disait que c'était par la
nationalisation des grosses compagnies et de l'entreprise privée qu'on
viendrait à bout de mater cette finance et d'assainir l'économie
dans notre province. Je dis au député de Gouin que pour
réaliser ce que le ministre des Affaires sociales a participé
à avancer lui-même par ce rapport de la commission
Castonguay-Nepveu, ce ne sera pas la nationalisation des entreprises
privées mais bien la nationalisation de l'argent et du crédit.
C'est ce qu'il faut nationaliser et ramener au Québec entre les mains du
gouvernement.
M. SAINT-PIERRE: Vous avez sauté une feuille.
M. HOUDE (Fabre): Arrêtez de passer d'une langue à
l'autre.
M. AUDET: Le député de Gouin prétendait aussi tout
à l'heure que la faillite disparaîtrait si on étatisait les
grosses industries du Québec.
Je dirai au député de Gouin que ces faillites
400,000 cette année, comme nous le déclarait le ministre de
Justice, 4,000 ces faillites...
M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: La parole est à l'honorable député
de Beauce.
M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement. On a permis aux autres
députés de cette Chambre de s'exprimer. J'aimerais, M. le
Président, vous demander d'intervenir pour tâcher qu'on permette
au député d'Abitibi-Ouest de prononcer son discours, même
si certains députés de cette Chambre ont été trop
longtemps au restaurant ce soir.
M. LOUBIER: Sur un point du règlement, en vertu de l'article 273,
il faut tout de même que les propos tenus par l'opinant soient
pertinents.
M. CHOQUETTE: J'invoque le règlement. Le député
d'Abitibi-Ouest m'a mal cité. Je n'ai jamais dit 400,000 faillites au
Québec, j'ai dit au plus 4,000.
M. LE PRESIDENT: J'étais justement sur le point d'intervenir pour
une autre raison. Je suis bien prêt à demander à tous les
députés de cette Chambre d'accorder la collaboration voulue au
député d'Abitibi-Ouest pour qu'il puisse terminer son
intervention. Par contre, je voudrais également mentionner au
député d'Abitibi-Ouest qu'on peut faire un grief à ce
stade-ci du débat, mais il faut que ce soit un grief précis,
comme j'ai mentionné au début. Le chef de l'Opposition
officielle, le député de Gouin, le député de Beauce
avaient traité de la question des politiques financières du
gouvernement. On a épuisé cette question. C'est la raison pour
laquelle j'ai demandé au député de Chicoutimi son
thème qui était les relations
fédérales-provinciales. J'avais considéré comme
grief du député d'Abitibi-Ouest la distribution de l'aide
sociale. Ce n'est pas l'occasion de répondre aux avancés du
député de Gouin, il aurait fallu qu'il prenne la parole à
ce moment-là alors que nous traitions des politiques financières
du gouvernement. Il peut faire une courte digression, mais le thème
qu'il a adopté, la distribution de l'aide sociale c'est lui-même
qui a établi son propre corridor. Je voudrais bien qu'il le
respecte.
M. AUDET: C'est vrai qu'au début, je m'en suis surtout tenu
à parler des affaires sociales quoique j'aie remarqué cet
après-midi que plusieurs opinants se sont passablement
éloignés du sujet principal sur lequel ils avaient
débuté. C'est pour cette raison que je me plaisais à
faire
quelques remarques sur les avancés du député de
Gouin.
Cependant, si vous me permettez, je n'en ai que pour quelques minutes.
Maintenant, je m'excuse auprès du ministre de la Justice au sujet des
400,000 faillites, mais, c'est 4,000 faillites dont il a parlé cet
après-midi.
M. LOUBIER: Retirez-en 336,000.
M. AUDET: Mais c'est déjà beaucoup, et beaucoup trop.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. DEMERS: Retirez-en 300,000 et cela va régler le cas.
M. AUDET: M. le Président, je dirai au député de
Gouin que ces faillites sont un mal nécessaire et indispensable à
la survie du système financier actuel.
UNE VOIX: Remettez-en à la Banque du Canada.
M. AUDET: De plus, elles sont inévitables car l'ensemble de la
société ne peut rembourser un intérêt qui n'a jamais
été créé.
DES VOIX: Ah!
M. AUDET: On crée le capital mais l'intérêt on ne le
crée jamais. Comment peut-on rembourser un intérêt qui n'a
jamais été mis en circulation? Cet intérêt n'ayant
jamais été créé...
UNE VOIX: Elle est de passage.
M. AUDET: ... la société doit rembourser...
UNE VOIX: La théorie du député de Bellechasse.
M. AUDET: ... cet intérêt par des richesses réelles
et par des faillites. Donc, c'est par la réforme monétaire...
UNE VOIX: La théorie du député de Bellechasse.
M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député
d'Abitibi-Ouest me permettrait une question?
M. AUDET: Non.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! L'honorable
député d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît. A l'ordre,
messieurs!
M. AUDET: Donc, c'est par la réforme monétaire...
M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais poser une question au
député?
M. AUDET: Je viens d'en refuser une au député de
Saint-Jean.
M. CHOQUETTE: Non, mais j'ai une bonne question pour le
député. Est-ce que le député considère que
le règlement de la question monétaire auquel a participé
le président Nixon va aider la situation qui prévaut au
Québec, à l'heure actuelle?
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement.
Est-ce que la parole est au député d'Abitibi-Ouest ou non?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable député
d'Abitibi-Ouest.
M. ROY (Beauce): Si l'honorable ministre veut discuter de la question
monétaire, nous pourrons y revenir sur un autre sujet en une autre
occasion, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! A l'ordre! L'honorable
député d'Abitibi-Ouest.
M. AUDET: Donc, c'est par la réforme monétaire que nous
nous verrions la presque totalité des faillites disparaître. Il
serait à espérer que le Parti québécois, dans cette
période de réflexion dont on nous dit qu'elle est en train au
sujet des remèdes à appliquer à l'économie,
s'arrêtera quelque peu sur l'étude du non-sens du système
monétaire actuel et de la meilleure façon de le changer. Nous
pourrions efficacement et facilement, de cette façon, unir nos forces
pour faire le balayage qui s'impose dans la politique et ensuite le grand
ménage dans le système financier, l'unique responsable des
problèmes graves que nous vivons pour réprouver ses
méfaits. Je vous remercie, M. le Président.
M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député
d'Abitibi-Ouest me permettrait une question sur ce qu'il vient de dire?
M. TETRAULT: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
député d'Abitibi-Ouest a employé son temps de parole. Je
ne pense pas qu'il ait le droit de répondre aux autres questions...
M. VEILLEUX: Non!
M. TETRAULT: ... selon nos règlements.
M. VEILLEUX: M. le Président, le député
d'Abitibi-Ouest me l'a permis.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous permettez la question?
M. AUDET: Oui.
M. LE PRESIDENT: Bon!
M. VEILLEUX: Est-il vrai, qu'hier soir, le président Nixon a
demandé le député de Beauce à titre de consultant
pour baisser la surtaxe de 10 p.c. et d'évaluer le dollar
américain?
M. LE PRESIDENT: Bon. L'honorable... M. AUDET: Il n'est pas cher.
M. BOIS: M. le Président, il y a quelqu'un qui manque de
lumière.
M. LE PRESIDENT: La question est refusée, d'ailleurs. L'honorable
député de...
M. ROY (Beauce): Le député de Saint-Jean.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: Plutôt que de parler sur le budget
supplémentaire...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs. M. Camille Laurin
M. LAURIN: Plutôt que de parler sur le budget
supplémentaire, j'aurais, moi aussi, préféré, comme
le premier ministre, solennellement, samedi, parler sur le syndicalisme
agricole, mais comme le chef du gouvernement est le maître des articles
qu'il doit appeler et qu'il a manqué à sa parole, il me fait
plaisir d'ajouter mes remarques sur ce budget supplémentaire.
M. LEVESQUE: M. le Président, j'invoque le règlement. Il y
a toujours un bout à se faire dire des choses comme celles-là,
qu'on a manqué à notre parole. Si on se rappelle le débat
de samedi soir, ça n'a été aucunement le cas. Nous avons
tenu parole, nous avons répondu à l'invitation d'un parti de
l'Opposition, alors que d'autres partis de l'Opposition, spécialement
celui que dirige, ici en Chambre, celui qui vient d'avoir la parole, n'a
donné aucune collaboration. Et ce matin, le premier ministre a
expliqué, pourquoi nous avons commencé l'étude du budget
supplémentaire. S'il n'y avait pas eu cette obstruction
systématique qui se continue présentement, nous aurions pu
régler cette question du budget supplémentaire et passer
déjà à la loi du syndicalisme agricole. Qu'on cesse de
faire cela et on passera immédiatement aux débats de
deuxième lecture sur le syndicalisme agricole.
M. LAURIN: M. le Président, sur ce point de règlement, ce
sont des arguments unilatéraux auxquels le leader du gouvernement ne
croit pas lui-même et qu'il serait bien en peine de justifier.
M. LEVESQUE: Ça ne sert à rien.
M. LAURIN: De toute façon, M. le Président, par ce qu'il
contient et surtout qu'il ne contient pas, ce budget supplémentaire nous
fait mesurer l'immense écart qui s'est creusé entre les objectifs
que se fixait le premier ministre, dans son discours inaugural du mardi 23
février, et les maigres réalisations économiques et
administratives...
M. BOURASSA: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LAURIN: ... dont aujourd'hui peut faire état ce piètre
gouvernement.
M. CARDINAL: Quel numéro?
M. BOURASSA: M. le Président, c'est parce qu'on me dit que le
député de Bourget vient de dire que j'ai manqué à
ma parole pour ce qui a trait au bill 64.
M. BURNS: M. le Président, j'invoque le règlement.
L'article 270, si le premier ministre veut faire une correction, le lui
permettra, mais après que le député de Bourget aura
énoncé ce qu'il a à énoncer.
M. BOURASSA: M. le Président, je peux invoquer une question de
privilège. Référez-vous aux propos du leader, samedi soir,
qui disait...
M. BURNS: Ce n'est pas une question de privilège, M. le
Président, il veut rectifier des faits.
UNE VOIX: Certainement, il a été accusé de manquer
à sa parole, c'est une question de privilège.
M. LE PRESIDENT: Un instant, un instant. Est-ce que vous pourriez
expliquer, s'il vous plaît, votre question de privilège?
M. BOURASSA: M. le Président, on vient de me dire que le
député de Bourget avait dit que j'avais manqué à ma
parole. J'ai dit ce matin qu'il fallait absolument adopter le budget
supplémentaire avant la fin de décembre, pour des raisons que le
ministre des Finances a expliquées. Et, samedi soir, le leader a dit
qu'il y avait trois sujets qui pouvaient être débattus
aujourd'hui: le syndicalisme agricole, le bill 28, ou bien le budget
supplémentaire. Si on avait voté le budget supplémentaire
plus rapidement, on était prêts à passer
immédiatement au bill 64.
M. BURNS: En ce qui me concerne, les farces du premier ministre, j'en ai
soupé, M. le Président. J'en ai soupé, et ce sont
exactement des farces. Ce que le premier ministre fait depuis samedi soir ce
sont des farces. Il nous dit: Cessez la procédure, et occupons-nous de
l'agriculture, indiquant par là les cultivateurs
qui étaient venus ici en délégation qui ont fort
probablement, comme je l'ai dit ce matin...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! messieurs. M. BURNS: Je m'excuse, M. le
Président. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BURNS: M. le Président, heureusement que le fou rire m'a pris
parce que j'allais m'emporter, alors je ne m'emporterai pas.
UNE VOIX: Un peu de sérieux!
M. BURNS: Mais, j'allais dire tout simplement que...
M. CHOQUETTE: ... un verre d'eau.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. BURNS: Comme je l'ai dit ce matin, M. le Président, nous vous
avons demandé dès samedi soir de discuter du syndicalisme
agricole. J'ai répété que nous pensions qu'un certain
nombre de gens intéressés à ce projet de loi avaient
passé la fin de semaine ici, et de façon tout à fait
subreptice, inattendue, on nous présentait autre chose ce matin alors
qu'on nous avait convaincus qu'on appellerait ce projet de loi.
Qu'on ne nous accuse pas, ni le leader, ni le premier ministre de faire
de l'obstruction. Ce n'est pas du tout ça. Je répète
peut-être pour la xième fois que nous allons discuter tous les
projets de loi à leur valeur, tous les budgets à leur valeur,
examiner les choses comme elles doivent être examinées. Et je
pense que personne n'a de leçon à nous donner, de l'autre
côté de la Chambre, sur ce point-là, M. le
Président.
M. LOUBIER: M. le Président, sur une question de privilège
également. Je ne voudrais pas que le débat
dégénère en foire générale, sauf qu'il y a
une rumeur qui court actuellement à l'effet que ce sont les partis de
l'Opposition qui, par une sorte d'obstruction, empêchent l'adoption,
l'étude et l'analyse du projet de loi no 64. Or, je dois vous dire, M.
le Président, que le leader parlementaire ministériel n'a
qu'à demander l'unanimité de la Chambre et qu'il l'aura des trois
partis de l'Opposition pour suspendre le débat en cours et
procéder immédiatement à l'étude du bill 64. Je
pense, je réponds aussi aux voeux qui ont été
exprimés par le député de Beauce au nom du Ralliement
créditiste, et le député de Beauce me fait signe de
la tête que oui et par le leader parlementaire. Nous sommes
unanimement disposés à différer l'étude du budget
supplémentaire et à procéder illico comme dirait le
député de Chicoutimi à l'étude du projet de
loi 64.
Il y aura unanimité dans cette Chambre.
M. LEVESQUE: M. le Président, nous som- mes réunis dans
cette Chambre depuis 10 h 30 ce matin. Quel progrès ont permis d'y
réaliser les partis de l'Opposition dans l'étude des
crédits supplémentaires? Quels crédits ont
été adoptés dans toute la journée d'aujourd'hui?
Zéro cents. Il y a dans le budget supplémentaire de l'argent pour
payer les agriculteurs justement, $5 millions. Il' y en a pour payer les
assistés sociaux, $80 et quelques millions. Qu'est-ce que l'Opposition a
adopté aujourd'hui en crédits? Qu'est-ce que c'est? Zéro.
C'est simplement la motion que j'ai faite pour que le président quitte
le fauteuil et pour qu'on puisse se réunir ici pour étudier ces
subsides. L'Opposition ne nous a pas permis d'étudier un seul cents de
subsides sur les $130 millions que nous demandons à la Chambre. Est-ce
raisonnable? Tout ce que nous demandons présentement, c'est qu'on adopte
les subsides et qu'ensuite on puisse procéder positivement. Mais ces
subsides sont requis par toute la population du Québec. Toutes les
classes de la société se retrouvent dans ces besoins que l'on
veut combler en votant ces $132 millions de budget supplémentaire. Et on
a une obstruction systématique de certains partis de l'Opposition. Je
dois dire qu'il y a eu certaines manifestations de bonne volonté ici et
là mais, dans son ensemble, nous n'avons pas reçu de l'Opposition
la collaboration nécessaire à la bonne marche des travaux de la
Chambre.
M. BURNS: Parlons de la collaboration. Parlons-en.
M. LOUBIER: M. le Président, je pense que le leader parlementaire
vient justement de se démasquer. Nous avons adopté d'autres
projets de loi et nous ne sentions pas l'urgence, il y a à peine
quelques jours, d'appeler les crédits budgétaires
supplémentaires. On n'en sentait pas l'urgence et on a
étudié le bill 48.
Et aujourd'hui, le leader ministériel nous arrive, en disant,
sous forme de chantage: Si vous voulez que l'on procède à
l'étude du bill 64, commencez par adopter à la vapeur $132
millions de crédits supplémentaires. Mettez-vous à genoux
et, après, on verra. On n'est même pas sûr si on aura
l'étude du bill 64.
M. le Président, nous offrons au leader parlementaire
l'unanimité de toutes les Oppositions pour surseoir à
l'étude des crédits supplémentaires et aller directement
et spontanément, tous les députés...
M. LEVESQUE: Pour recommencer tous les débats.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre,
messieurs.
A l'ordre, s'il vous plaît. Bon, j'ai permis cet aparté au
député de Bellechasse. J'ai donné l'occasion de s'exprimer
au leader parlementaire du gouvernement, au premier ministre, au leader
parlementaire du Parti québécois et au
chef de l'Opposition officielle. Je pense bien, là, qu'on va
mettre fin à cet aparté, du fait qu'il n'y a pas entente d'un
côté ou de l'autre sur quoi que ce soit et je remets la parole au
député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'aimerais, au tout début, que vous
m'indiquiez quel est le thème de votre grief.
M. LAURIN: Bien, c'est toute la politique économique du
gouvernement et son administration. Il me semble que c'est une chose à
laquelle se sont livrés les chefs des autres partis.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Depuis le matin que je donne des
directives et que j'interprète le règlement suivant la
jurisprudence, la coutume. Dès ce matin, en vertu du règlement,
j'ai donné une latitude normale au débat. J'ai fouillé les
auteurs quant à l'article 377. J'ai cité Beauchesne et d'autres
auteurs de droit parlementaire. J'ai établi qu'on pouvait amener, lors
du débat sur la motion visant à la formation du comité des
subsides, des griefs.
Je cite encore rapidement ce sur quoi s'est appuyée ma
décision au cours de la journée: "Il arrive souvent, à
propos de la motion invitant l'orateur à quitter le fauteuil pour que la
Chambre se forme en comité des subsides, que des députés
exposent des griefs, sans proposer d'amendement. Un député
parlera des taux de chemin de fer, un autre de la naturalisation et ainsi de
suite. Cinq ou six questions différentes peuvent alors être
portées à l'attention du gouvernement." Les deux lignes suivantes
sont très importantes: "Une fois le débat terminé sur une
question et qu'on passe à une autre, les députés ne
peuvent revenir à la première. Nul député ne peut
parler plus d'une fois sur la motion."
C'est la raison pour laquelle j'ai répété à
plusieurs reprises que les trois ou quatre premiers orateurs ont traité
de la politique financière du gouvernement en général et
même que la motion de blâme du député de Gouin
couvrait l'économie de la province et les politiques financières
du gouvernement.
Lorsque l'honorable député de Chicoutimi s'est
levé, il m'a donné son thème qui était les
relations fédérales-provinciales. Lorsqu'un autre
député a demandé la parole, le député
d'Abitibi-Ouest, je lui ai bien demandé s'il voulait traiter de la
distribution de l'aide sociale. Ecoutez, à moins que je ne me trompe
dans l'interprétation, est-ce que ça veut dire que, chaque fois
qu'on va former le comité des subsides dans une session normale,
on est appelé à voter des crédits tous les jours dans les
25 ministères qu'il y a il y aura un discours inaugural où
tous les sujets peuvent être abordés par tous les
députés?
Si c'est ça l'économie de notre règlement, je pense
qu'il est plus que temps d'y voir. Si on concluait à ça, chaque
jour de session, pour la formation du comité des subsides, il y aurait
des griefs ou des motions de blâme qui pourraient durer toute la
séance. Raison de plus, c'est qu'en vertu de nos règlements le
droit de parole de celui qui fait une motion de blâme est
illimité.
A lui seul, un député de l'Opposition en Chambre un
seul pourrait tous les jours parler trois, quatre ou cinq heures et
conclure par une motion. Cela meurt avec la fin de la séance. Le
lendemain, le même député se lèverait, sur la
même motion pour former le comité des subsides, et il pourrait
encore parler trois ou quatre heures. La séance s'épuiserait et
le gouvernement je parle peut-être de l'extrême
serait dans la position de ne jamais voter de crédits durant toute une
session.
D'ailleurs, un auteur je crois que c'est Beauchesne
mentionne que déjà dans les années 1900 il y avait des
abus à Westminster sur le sujet, même en 1900. On a mis une
certaine limite à ce droit; déjà au début de ce
siècle-ci on a mis des restrictions à Londres à l'effet
que les lundi, mardi et mercredi, ou au moins trois jours par semaine, lorsque
le comité des subsides se formait, le président quittait la
Chambre sans consulter l'Assemblée. Cela veut dire que pendant au moins
trois jours je peux vous citer les jours par semaine, il
n'était pas permis de faire des griefs. Cela a été
décidé à Westminster et je peux vous donner exactement
l'année, si vous le voulez, au début du siècle.
Sur cette question, si on semble douter de mon interprétation, du
fait que la Chambre est souveraine, je demanderai des directives à la
Chambre. J'en reviens au député de Bourget. Je suis bien
prêt à lui accorder son droit de parole pour qu'il expose son
grief mais je ne voudrais pas qu'il revienne sur les politiques
financières ou l'économie, ce qui a été
traité déjà par trois ou quatre députés de
cette Chambre.
M. BURNS: M. le Président, sur la question de règlement.
Il est évident que, quand les crédits supplémentaires sont
déposés devant la Chambre, neuf fois sur dix tout grief qui peut
être fait en vertu de l'article 377 le sera en matière
économique. Nous n'avons qu'à examiner les interventions du
député de Bellechasse, celle du député de Beauce,
celle du député de Gouin, celle du ministre des Finances;
jusqu'à maintenant, ces quatre interventions, pour n'en prendre que
quatre, étaient sur des problèmes économiques.
A moins de ne pas avoir entendu ce qui s'est passé...
UNE VOIX: Vous me négligez complètement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): La mienne était indirectement aussi sur
les problèmes économiques.
M. BURNS: Le député de Chicoutimi, j'allais l'ajouter, a
parlé indirectement sur les problèmes économiques mais
avec une relation différente à l'égard du problème
des doubles juridictions.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une question de cents.
M. BURNS: M. le Président, avec tout le respect que je vous dois,
je pense qu'il ne faut pas examiner de façon trop restrictive la
question de la discussion en disant: Les affaires économiques c'est un
sujet. Sans présumer, mais le sachant, puisque j'ai parlé au
député de Bourget, de ce qu'il va nous dire, il va
peut-être nous parler d'un aspect différent des problèmes
économiques.
Il arrive que, dans les crédits supplémentaire qui nous
sont produits, vous avez: les Affaires culturelles, les Affaires municipales,
les Affaires sociales, l'Agriculture, l'Assemblée nationale, les
Communications, le Conseil exécutif, l'Education, les Finances, la
Justice, les Richesses naturelles, Terres et Forêts, Tourisme, Chasse et
Pêche, Travaux publics, Voirie. Ce sont tous des aspects
différents des problèmes économiques où
peut-être, les députés de l'Opposition considèrent
que le gouvernement n'a pas rempli exactement son rôle. J'irais
même plus loin. Il pourrait même être question des
ministères qui n'ont pas de crédits supplémentaires
à être votés.
Si on veut écouter le député de Bourget, je pense,
M. le Président, que vous allez comprendre qu'il s'agit justement d'un
ministère très important, qui n'a pas de crédits
visés par les crédits supplémentaires. Je pense que c'est
ce dont on va nous entretenir.
Avec tout le respect que j'ai pour vous, M. le Président, je
pense que c'est une interprétation étroite de notre
règlement que de dire qu'il n'est plus possible de parler de
problèmes économiques si le député de Beauce, le
député de Bellechasse, le député de Jean-Talon et
le député de Gouin en ont déjà parlé, et
qu'on refuse de donner un aspect des problèmes économiques
à discuter au député de Bourget. C'est ce que nous vous
soumettons, M. le Président, avec tout le respect que nous avons pour
vous, mais je pense que l'aspect sous lequel les problèmes
économiques vont être discutés par le député
de Bourget est assez nouveau et n'a pas été abordé comme
tel, sinon, peut-être, par le député de Chicoutimi, de
façon indirecte.
M. le Président, je vous soumets qu'il faudrait peut-être
écouter dans quel sens s'oriente l'argumentation du député
de Bourget avant de lui dire qu'il est hors d'ordre parce qu'il nous dit qu'il
va nous parler des problèmes économiques.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget pourrait-il
m'indiquer... on a parlé d'un ministère... d'ailleurs, pour
compléter l'opinion que je désire donner à la Chambre,
même si plusieurs ministères sont mentionnés dans le budget
supplémentaire, il est bien reconnu en vertu de l'économie du
règlement et de la jurisprudence, qu'il n'est pas permis, justement, de
parler des postes budgétaires. C'est reconnu bien clairement.
Je préfère même qu'on me parle d'un ministère
où il n'y a pas de crédits parce que le terme grief n'a rien
à voir avec les crédits soumis à la Chambre. Il s'agit de
juger la politique du gouvernement un problème de juridiction
provinciale mais j'aimerais que le député de Bourget
m'indique quel est le grief précis qu'il entend soulever.
M. LAURIN: M. le Président, j'ai donné tout à
l'heure une réponse un peu à l'emporte-pièce à
votre question. En réalité, si j'avais été plus
spécifique, je vous aurais dit que je voulais parler des omissions que
contient le budget, particulièrement en ce qui concerne un
ministère très important au Québec et dont la mission
principale est de créer des emplois. Je veux dire par là le
ministère de l'Industrie et du Commerce. Il y a aussi un autre
ministère qui a une relation assez directe avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce, en ce sens qu'il met en relation le
ministère de l'Industrie et du Commerce d'un gouvernement avec ceux
d'autres gouvernements, c'est-à-dire le ministère des Affaires
intergouvernementales.
C'est sur la politique telle qu'on peut la voir en filigrane dans ce
budget supplémentaire, c'est sur cette politique des deux
ministères que porte l'essentiel de mes remarques.
M. BURNS: Ce qui n'a pas été discuté, M. le
Président, jusqu'à maintenant.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Bourget
me permettrait peut-être de lui poser une question qui serait de nature
à aider à nos débats, parce qu'elle éviterait
peut-être de les prolonger.
Le député de Bourget n'est-il pas d'avis que le projet de
loi no 20 donne des crédits au ministère de l'Industrie et du
Commerce, crédits limités seulement par la faculté de
payer du gouvernement? Donc, il n'y a pas un ministère qui ait autant de
crédits que le ministère de l'Industrie et du Commerce. Alors,
pourquoi faire un débat là-dessus?
M. LAURIN: M. le Président, il y a tellement d'autres projets de
loi que le gouvernement aurait pu présenter que le projet de loi no 20
de la SDI. Il y en aurait eu tellement d'autres, dont l'absence
précisément se fait sentir au niveau de ce budget
supplémentaire, qui est précisément une conséquence
de cette omission ou de cette absence de politique. Je peux répondre au
leader parlementaire que c'est précisément un des aspects...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas un grief, cela, M. le Président.
M. LAURIN: ... dont je voulais traiter. Oh! c'est un grief très
important.
M. LEVESQUE: Cela fait partie d'un discours...
M. LE PRESIDENT: Parlez-moi, si vous voulez, quoi, du manque de
dynamisme.
M. LAURIN: C'est ça, le manque de dynamisme du ministère
de l'Industrie et du Commerce qui, pour moi, est un des ministères
clés du gouvernement, dont je voudrais particulièrement
parler...
M. LEVESQUE: Il ne connaît rien dans le ministère de
l'Industrie et du Commerce.
M. LESSARD: Vous avez bien peur d'être jugés tels que vous
êtes, un gouvernement incompétent, inefficace.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAURIN: Justement, au départ, je voulais comparer, mesurer
cette absence de politique au niveau du ministère de l'Industrie et du
Commerce tel qu'il paraît à travers le budget qui nous est
présenté, au programme que nous traçait le premier
ministre du Québec, précisément lorsqu'au mois de
février, au départ même de cette session, il mettait
l'accent précisément sur la lutte contre le chômage, sur la
promotion d'emplois dont justement le ministère de l'Industrie et du
Commerce est le principal responsable. D'autant plus que c'est le ministre
lui-même qui vient nous apporter tous les mois des statistiques sur
l'état de la main-d'oeuvre, sur l'état de l'emploi, sur
l'état du chômage, surtout lorsqu'il s'agit du mois d'août,
lorsqu'il y a des travailleurs occasionnels en très grand nombre et
qu'on puisse arguer, en utilisant une méthode de calcul, que je
récuse pour ma part, arguer de la création de 90,000 emplois,
alors qu'en d'autres moison ne peut faire état que de la création
de 12,000 ou de 13,000 emplois.
C'est justement pour rétablir cette situation, pour l'envisager
sur toute une année que je voudrais mesurer cette politique ou cette
absence de politique par rapport aux objectifs que le premier ministre nous
fixait il y a déjà dix mois, par rapport aux objectifs qui ont
fait presque le programme essentiel qu'il s'est fixé en tant que
gouvernement. Ici, je voudrais, pour mieux mesurer la largeur et la profondeur
de ce fossé, pour mieux apprécier la distance toujours plus
considérable qui sépare les lèvres de la coupe à
laquelle on voulait boire, je voudrais rappeler au gouvernement qu'il importe
pour lui de se souvenir, pour l'édification de toute la population, de
se souvenir de quelques-unes des déclarations par lesquelles cette
session était inaugurée.
Par exemple et là, je cite le premier ministre il
nous disait le 23 février: "Nous concentrons nos efforts sur le
développement économique et sur les problèmes
particulièrement aigus du chômage et du sous-emploi de nos
ressources". En même temps, il voulait dire probablement sur les
investissements dont, encore une fois, le ministère de l'Industrie et du
Commerce est particulièrement responsable au premier chef. Le premier
ministre continuait: "C'est précisément parce que nous voulons
dépasser le court terme que nous avons inscrit ce développement
économique au titre de nos objectifs. Nous mettrons de l'avant de
nouveaux programmes visant à ranimer le développement industriel
le ministère de l'Industrie et du Commerce le
développement commercial et surtout à réactiver l'emploi".
Encore une responsabilité particulière du ministère de
l'Industrie et du Commerce. Il continuait: "De nouveaux programmes d'aide
à certains types d'entreprises viseront à modifier la structure
industrielle québécoise".
Un peu plus loin, le chef du gouvernement nous parlait de sa conception
d'un fédéralisme qui devait l'aider justement à procurer
au Québec des investissements plus nombreux, des investissements plus
considérables et surtout des emplois qui devaient le rapprocher de la
promesse qu'il nous avait faite ainsi qu'à toute la population du
Québec de créer 100,000 emplois. Il disait alors: "Le
gouvernement du Québec fera en sorte que sa politique fiscale,
tarifaire, monétaire, économique, industrielle du gouvernement du
Québec soit conjugée à celle des autres gouvernements et
en particulier à celle du gouvernement central". Il disait: "Nous
insistons pour que celle-ci tienne compte des caractères particuliers de
la structure industrielle québécoise, de la
vulnérabilité de certains de nos secteurs comme des
possibilités d'expansion de certains autres". Il ajoutait encore:
"Affirmation culturelle, c'est-à-dire maîtrise par le
Québec et des moyens financiers et des compétences
constitutionnelles qui lui permettront de promouvoir l'avenir culturel des
Québécois". Il disait enfin: "Malgré les
difficultés inhérentes au processus de révision
constitutionnelle que demande l'avenir, la promotion industrielle du
Québec, je suis convaincu qu'il est possible d'harmoniser les politiques
indispensables au bien-être des collectivités dont les hommes de
bonne volonté ne sont que les serviteurs".
Le chef du gouvernement terminait enfin son discours par cette belle
envolée: "Prolongeant, disait-il, l'élan amorcé au
début des années soixante, le développement
économique ajoute aux valeurs de notre époque et participe
à la relève du défi posé par la science et la
technique.
Il constitue, à la limite, la condition essentielle du respect
véritable de la dignité et de la liberté de l'homme
moderne. L'année dernière, j'affirmais que le Québec
pourrait être une partie de la jeunesse du monde. J'en ai de plus
en plus la conviction, compte tenu des exigences d'une
société qui a la légitime et double ambition de participer
pleinement aux fruits de la prospérité économique, tout en
accentuant ces caractéristiques culturelles".
Même si l'on admet que l'enfer gouvernemental est pavé de
bonnes intentions, il suffit d'appliquer ces affirmations ronflantes et
euphoriques à la désastreuse conjoncture constitutionnelle,
économique et culturelle actuelle pour se rendre compte de leur
caractère à la fois dépassé, saugrenu,
irréaliste, ridicule et pitoyable.
Le ministre des Finances, tout à l'heure, voulait nous faire
oublier la promesse formelle des 100,000 emplois et le marasme
économique dans lequel se débat notre collectivité en nous
faisant miroiter quelques autres miroirs aux alouettes. Accordant une foi de
charbonnier à quelques indicatifs mineurs, il voulait nous faire croire
que la relance industrielle était désormais bien amorcée
et, surtout, que son gouvernement y était pour quelque chose. Par
exemple, disait-il, le revenu personnel et les ventes au détail auraient
augmenté à un rythme et à un taux supérieurs
à ceux que l'on prévoyait, c'est-à-dire de 9 p.c. à
9.8 p.c, dans le premier cas, et de 5.5 p.c. à 7.2 p.c, dans le
deuxième cas, ce qui aurait amené des revenus d'environ $35
millions dans les coffres du Québec.
Par ailleurs, les investissements industriels auraient augmenté
de 14 p.c. par rapport à l'an dernier. Disons tout de suite, à ce
dernier sujet, qu'il n'était pas difficile de faire mieux que l'an
dernier qui avait été une année creuse, une année
de stagnation par excellence, alors que ces investissements n'avaient
augmenté que de 0.4 p.c. par rapport à 1969. L'équipe
gouvernementale était quand même au pouvoir depuis le mois de
mai.
Quant aux augmentations au chapitre du revenu personnel et des ventes au
détail, elles peuvent tout aussi bien signifier le succès qu'ont
obtenu les syndicats dans leurs revendications salariales et
l'efficacité des campagnes de publicité destinées aux
consommateurs qu'un début de reprise économique dont le
Québec n'assume qu'une très mince responsabilité, quand on
sait que la politique du gouvernement n'a rien changé à son
état de dépendance quasi complète à l'endroit des
économies canadienne et surtout américaine.
Non, M. le Président, la situation économique et
industrielle du Québec n'est guère plus brillante que celle de
l'an dernier. Il faut rappeler ici au gouvernement d'autres indicateurs que le
ministre des Finances s'est bien gardé de mentionner, car ils auraient
desservi sa cause. Ces autres indicateurs montrent que la situation parait
encore des plus difficile à redresser. Ces indicateurs essentiels
restent encore pour nous le taux du chômage, tel que nous le
révèle, chaque mois, le Bureau de la statistique du Canada, le
nombre des mises à pied et le rythme des investissements. C'est
là-dessus, M. le Président, que je voudrais faire porter
maintenant mes propos.
Parlons donc, d'abord, du chômage. Parlons donc de cette fameuse,
de cette belle promesse des 100,000 emplois, qui a d'abord constitué, en
avril 1970, un engagement formel et qui, au fil des mois, est devenue
bientôt un engagement moins formel et, ensuite, un engagement pur et
simple et, enfin, surtout un objectif, au fur et à mesure
précisément qu'on s'éloignait de cet objectif.
Justement, M. le Président, devant l'impuissance où s'est
trouvé le gouvernement de créer ces emplois, il a commencé
à changer sa terminologie et aussi, pour se trouver des excuses, il a
commencé à chercher et a trouvé des boucs
émissaires qu'il n'avait pas trouvés, cependant, en avril ou en
mars 1970. Ces boucs émissaires, vous les connaissez aussi bien que moi.
On en a entendu parler souventefois à la période des
questions.
M. GARNEAU: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
président, tout à l'heure, a rendu une décision concernant
une motion que voulait présenter le député de Gouin.
Ayant cité un certain nombre d'articles de notre
règlement, il a conclu en disant que, comme cette question avait
déjà été débattue antérieurement,
elle ne pouvait faire l'objet d'un autre débat. Je me demande comment le
député de Bourget peut actuellement s'attaquer au même
sujet qui a été refusé tout à l'heure par le
président de l'Assemblée nationale.
M. BURNS: M. le Président, je m'excuse, vous n'étiez pas
président au moment où la décision a été
rendue, mais vous étiez probablement là. Vous n'étiez pas
là, M. le Président. Alors, il faudrait peut-être faire
revenir le président.
M. LE PRESIDENT (Blank): Je pense qu'il serait mieux, dans ce cas-ci, de
faire revenir le président pour rendre le jugement. Je n'étais
pas ici quand il a rendu le jugement ce matin.
M. GARNEAU: Le député de Bourget se lance, depuis quelques
minutes déjà, sur la question qui faisait l'objet de la motion du
député de Gouin, à savoir la situation économique
et le chômage. Vous avez déjà rendu une décision,
tout à l'heure, sur l'irrecevabilité de la motion du
député de Gouin. Je ne vois pas comment on peut faire un
débat sur le même sujet dont traitait la motion, puisque la motion
a été déclarée irrecevable.
M. BURNS: M. le Président, il n'est plus question de la motion du
député de Gouin. La motion du député de Gouin a
été jugée irrecevable par vous et nous nous sommes soumis.
Il n'est plus question de cette motion-là. Il est question de dire tout
simplement, comme je l'ai mentionné tantôt, que certains aspects
écono-
miques vont être développés par le
député de Bourget. Je pense que, si on l'écoute, on va
s'apercevoir que cela n'a pas nécessairement c'est dans le
même sens, évidemment, puisqu'on parle des problèmes
économiques ou exactement la même teneur, la même
couleur quant aux problèmes envisagés. Je ne vois vraiment pas
pourquoi le ministre des Finances s'énerverait d'entendre des
vérités que nous voulons dire au gouvernement. C'est le moment de
les lui dire.
M. GARNEAU: M. le Président, il ne s'agit pas de
s'énerver. Il s'agit de la pertinence du débat; on a
refusé cela tout à l'heure.
M. BURNS: Il n'est pas question de pertinence du débat; il est
question de faire un grief. Regardez l'article 377, vous allez voir. On est
actuellement au stade où l'on peut faire des reproches au gouvernement.
C'est exactement ce que le député de Bourget est à faire,
sur un aspect particulier. Si le ministre des Finances s'énerve, ce
n'est pas notre faute. Je ne le blâme pas d'être nerveux. Qu'on
écoute le député de Bourget, et on verra.
M. GARNEAU: Il est à relire le discours qu'il a fait pour appuyer
la motion du député de Gouin.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît. Il est vrai que la
motion du député de Gouin a été
écartée. Ce qui a été écarté, c'est
le thème des politiques financières du gouvernement. J'ai pris la
parole du député de Bourget, au début de son intervention,
à l'effet que son thème était le ministère de
l'Industrie et du Commerce. J'aimerais qu'il se limite, parce que, quand
même, j'ai donné une latitude absolue au député de
Gouin qui a pu parler, je crois, au-delà d'une heure, près de
deux heures, à ce qu'on m'informe.
M. LAURIN: M. le Président, j'étais
précisément en train de parler de la situation de l'emploi, du
chômage, de la main-d'oeuvre, des mises à pied, des
investissements toutes responsabilités directement rattachées au
ministère de l'Industrie et du Commerce, puisque c'est ce ministre qui,
toutes les fois qu'il a des bonnes nouvelles à nous annoncer...
M. GARNEAU: C'est de l'obstruction systématique. C'est un
"filibuster".
M. LAURIN: ... profite de toutes les occasions pour nous en faire part.
Je ne vois pas pourquoi, lorsque nous avons des choses un peu plus dures ou
désagréables à dire au gouvernement, on voudrait, au nom
de la règle de la pertinence du débat, nous empêcher de
dire des vérités qui choquent, qui blessent...
M. GARNEAU: On est habitué. Chaque fois que le Parti
québécois parle c'est la même affaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. LAURIN: ... qui s'incrustent sous la peau comme des échardes.
Donc, je continue. Je parlais précisément de cette promesse
formelle qui était devenue un engagement moins formel, pour, ensuite, se
transformer en objectif au fur et à mesure qu'il devenait plus difficile
de le réaliser.
J'étais en train de parler des raisons qu'on avait données
pour justifier cette impossibilité d'atteindre les 100,000 emplois: par
exemple, l'augmentation accélérée de la main-d'oeuvre, ou
encore le terrorisme, ou encore la crise d'octobre 1970, qui faisait fuir les
investisseurs, ou encore la politique anti-inflationniste du gouvernement
central, ou encore l'absence de sélectivité des programmes d'aide
fédérale dont précisément le ministre des Finances
a parlé un jour à Sainte-Adèle, ou encore l'absence de
politique sélective de certains organismes fédéraux, comme
celui de la Banque d'expansion industrielle, ou encore la politique
américaine à cause de la surtaxe et du programme qu'on a
appelé DISC, qui favoriserait la production des entreprises
américaines autochtones.
Je parlais de tous ces boucs émissaires, M. le Président,
simplement pour signaler que le gouvernement s'était voilé sous
ces excuses, sous ces rationalisations pour essayer de faire oublier, à
nous de l'Opposition et à la population du Québec, la
réalité de cette promesse formelle qu'il avait faite en ce qui
concerne la création d'emplois.
D'ailleurs, il faut peut-être remarquer ici que la disparition,
précisément, de cette surtaxe que le premier ministre nous
annonçait il y a à peine deux jours ainsi que la
dévaluation du dollar américain font aujourd'hui soupirer d'aise
ce gouvernement, soupirer d'aise ce premier ministre depuis justement que nous
lui avons dit que la politique du fédéral de maintenir flottant
le dollar canadien entraînerait une dévaluation correspondante de
celui-ci, ce qui améliorera nos positions sur le marché
européen, et que la surévaluation du yen protégera notre
industrie autochtone, particulièrement dans le domaine du textile et de
la chaussure, domaine qui intéresse particulièrement, encore une
fois, le ministre de l'Industrie et du Commerce, protégera donc notre
industrie autochtone et rendra nos entreprises, les mêmes et les autres,
plus concurrentielles sur le marché étranger.
Cela prouve incidemment deux choses. Premièrement, que la
dévaluation de notre dollar peut avoir de bons effets, contrairement
à ce que les coryphées libéraux disséminaient dans
leurs campagnes contre la souveraineté du Québec lors de la
bataille électorale d'avril 1970, et surtout que notre politique
économique et industrielle actuelle est presque totalement à la
remorque de la politique américaine,
ce qui fait de notre premier ministre un spectateur ou un dilettante qui
regarde passer les trains.
Mais voyons d'un peu plus près, M. le Président, ce que
nous révèlent ces statistiques sur le chômage. Il est vrai,
comme l'a dit en cette Chambre, comme l'a dit le ministre de l'Industrie et du
Commerce, qu'il faut tenir compte ici de trois facteurs, par exemple la
main-d'oeuvre, l'emploi et le chômage. Et nous avons nous-mêmes
trop le respect de l'objectivité et de la vérité pour n'en
pas en tenir compte et ne pas tenter de les relier.
Le gouvernement estime, et c'est son droit, qu'environ 53,000 emplois
auront été créés à la fin de 1971, et il a
raison, M. le Président. Avec cette réserve, cependant, que ce
n'est pas lui d'abord et avant tout qui les aura créés ces
emplois, mais les divers agents de la vie économique dont il ne
contrôle qu'une faible partie. Voyons d'abord ces chiffres
corrélatifs de la main-d'oeuvre, de l'emploi et du chômage.
Nous avons compilé un tableau qui en montre exactement la
situation. Par exemple, en janvier 1971, il y avait 2,341,000
Québécois au travail alors qu'en janvier 1970 il y en avait
2,232,000, ce qui fait une différence de 109,000. Et au point de vue de
l'emploi, le même mois, janvier 1971, il y avait 2,107,000 personnes au
travail alors qu'en janvier 1970 il y en avait 2,054,000. Ce qui montre en
effet que 53,000 emplois ont été créés en janvier
1971 par rapport à janvier 1970, ce qui n'empêchait quand
même pas, M. le Président, de constater qu'il y avait 234,000
chômeurs, c'est-à-dire 10 p.c. de toute la main-d'oeuvre.
Et nous pourrions continuer ainsi pour tous les mois; montrer par
exemple qu'en février il y avait 2,342,000 personnes aptes à la
main-d'oeuvre, montrer qu'il y avait 2,098,000 personnes au travail et
continuer à faire cette différence pour en arriver au taux de
chômage que nous avons connu et que je vous répète, M. le
Président. Janvier 1971: 234,000; février 1971: 244,000; mars
1971: 236,000; avril 1971: 234,000; mai 1971: 196,000; juin 1971: 191,000;
juillet 1971: 184,000; août 1971: 166,000; septembre 1971: 161,000;
octobre 1971: 162,000, et enfin, en novembre 1971, 175,000.
Durant ce temps-là, la main-d'oeuvre continuait elle aussi de
connaître des fluctuations. Par exemple, le nombre total de la
main-d'oeuvre, de 2,341,000 qu'il était en janvier 1971 était
passé, en novembre 1971, à 2,388,000, c'est-à-dire une
différence de 47,000 de plus, alors que le chômage, lui,
était passé de 10 p.c. en janvier 1971 à 7.3 p.c. en
novembre 1971...
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
pense que l'orateur parle depuis plus d'une demi-heure et qu'il est
évident qu'il doit cesser.
M. LAURIN: J'ai été interrompu tellement de fois, M. le
Président, que je suis sûr de ne pas avoir épuisé
mon temps de parole.
M. CHOQUETTE: Il n'y a presque pas eu d'interruption.
M. LAURIN: De toute façon, M. le Président...
M. PINARD: Parlez jusqu'au jour de l'An, si vous voulez.
M. LAURIN: D'accord, on est capable.
M. BURNS: Tout le long de la route jusqu'au Rond-Point.
M. PINARD : Oui, oui, on va vous en reparler de ça.
M. BURNS: Jusqu'au Rond-Point à la station-service.
M. PINARD: Oui c'est ça, on va vous en reparler.
M. BURNS: A la station-service on va arrêter.
M. LESSARD: On va en parler à la commission vous allez voir. Du
patronage, on va en parler. Les amis du régime, puis les frères,
puis les cousins puis la famille.
M. PINARD: Vous allez prendre un coup chez McDonald.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, Messieurs. A l'ordre.
M. BURNS: Est-ce que le problème est éclairci, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT: Il semble que la demi-heure n'est pas tout à
fait expirée.
M. LAURIN : Ceci pour dire, M. le Président, que nous acceptons
la méthode dont a parlé le ministre de l'industrie et du Commerce
pour le calcul des emplois, car la méthode utilisée pour ce
calcul des 53,400 emplois ou environ est celle utilisée dans toutes les
déclarations qui ont été faites par le gouvernement, aussi
bien celles du ministre des Finances, par exemple, le 26 octobre 1971, que
celle de M. Bourassa, le 3 décembre 1971, et de M. Lévesque,
ministre de l'Industrie et du Commerce, à toutes les fois qu'il nous en
a parlé en Chambre.
Ce chiffre de 53,400 nous paraît correspondre à la moyenne
des augmentations mensuelles du nombre d'emplois selon les données
fournies le 15 de chaque mois par Statistiques Canada. Ainsi il y avait au
Québec 53,000 emplois de plus en janvier 1971 qu'en janvier 1970, 50,000
emplois de plus en février 1971 qu'en février 1970...
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'invoque le règlement, le
député de Bourget fait un exposé de la situation de
l'emploi et du chômage au Québec. Cette question a
été discutée à la présente session et, en
vertu de décisions que vous avez rendues aujourd'hui même, M. le
Président, je prétends que le député de Bourget n'a
pas le droit de continuer et qu'il est en dehors du thème du grief qu'il
s'était lui-même fixé.
M. BURNS: M. le Président, si on veut dire que, parce qu'on a
parlé de chômage en cette Chambre depuis le début, on ne
puisse plus en parler, bien là c'est la fin des fins, M. le
Président. C'est aussi simple que ça. Il faudrait nous dire que
c'est ça, et on va tout simplement ne plus perdre notre temps ici, si
c'est ça, tout simplement ça. Si ce qu'on veut, c'est un
Parlement en dehors de la Chambre, qu'on nous le dise, on en fera un en dehors
de la Chambre. Mais pour le moment il y a des choses qui doivent être
dites et elles seront dites ici.
Maintenant, quand viendra le temps de juger de la recevabilité
d'une motion, là on parlera d'une motion. Cela, c'est bien
différent. Mais pour le moment, à toutes fins pratiques, si on
avait posé un problème de chômage au cours d'une
période de questions et qu'on suive le raisonnement du ministre de la
Justice, c'est fini on ne peut plus parler de chômage d'ici la fin de la
session. Mais c'est très différent et je pense que le ministre de
la Justice devrait réviser son règlement selon lequel on peut
quand même, en dehors d'un amendement, parler de certaines choses.
Autrement, qu'est-ce que vous voulez, il n'y a plus rien à faire ici.
Qu'on nous le dise.
M. CHOQUETTE: Je ne prétends pas être un grand expert dans
le règlement, mais j'ai au moins appris quelque chose durant la
période où j'ai été député dans
l'Opposition de 1966 à 1970. C'est qu'un grief ne peut pas porter sur
l'ensemble de la politique gouvernementale ou même sur une politique
gouvernementale. Un grief c'est quelque chose qui est dirigé contre un
événement isolé. C'est une circonstance de fait qu'il est
d'intérêt public de soulever à la Chambre à ce
moment-là, et c'est la raison pour laquelle, M. le Président, je
vous dirai, en toute humilité que je ne partage pas votre largeur de
vues sur l'interprétation du mot "grief".
A travers ce mot "grief" vous pouvez, comme vous l'avez indiqué
tout à l'heure lors d'une décision que vous avez rendue, laisser
n'importe quel député de la Chambre se lever et s'exprimer sur
n'importe quelle politique gouvernementale à l'occasion d'une motion
pour aller en subsides.
Je pense que ce n'est pas le sens du règlement. J'admets que les
députés peuvent parler sur la motion pour aller en comité
des subsides, qu'ils peuvent faire des motions de blâme, toutes les
motions qui sont habituelle- ment reconnues à cette période de la
procédure, mais je ne conçois pas que le mot "grief" soit une
manière de procédure qui permette de parler sur n'importe quoi au
moment où on a cette motion devant la Chambre. C'est la raison pour
laquelle, en toute humilité, je le répète, M. le
Président, je pense que vous avez donné une interprétation
beaucoup trop large au mot "grief"...
M. BURNS: J'invoque le règlement.
M. CHOQUETTE: ... et ceci n'en déplaise au député
de Maisonneuve alors que je suis debout.
M. BURNS: J'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! Sur le point de règlement,
j'ai permis au ministre de la Justice de donner son point de vue et je vous en
donnerai l'occasion, si vous voulez avoir le droit de parler sur le
règlement. Jusqu'à présent, c'est une opinion du ministre
de la Justice. Ce sera à moi de décider.
M. BURNS: M. le Président, on va en appel de l'une de vos
décisions, actuellement, par l'argumentation du ministre de la Justice.
C'est quelque chose que je n'aurais même pas le temps de faire pendant
deux ou trois secondes. Tout de suite des pions se seraient levés de
l'autre côté pour me le dire.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je ne vois pas pourquoi...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PAUL: ... le ministre de la Justice veut vous attribuer un jugement
erroné ou une interprétation fausse de nos règlements. Je
sais que vous les vivez, les règlements. Vous n'êtes pas de
passage dans cette Chambre, vous êtes constamment rivé à
tous les débats qui se déroulent dans cette Assemblée.
Cet après-midi, lorsque vous avez émis des directives, je
crois que tous les députés s'y sont conformés. Ce soir, le
député de Bourget, dans son argumentation, expose des points
précis sur un ministère bien déterminé de
l'administration gouvernementale, le ministère de l'Industrie et du
Commerce. Les statistiques, il a le droit de les analyser, elles viennent du
ministère de l'Industrie et du Commerce. Il a le droit de
prétendre qu'elles ne sont pas exactes; il a le droit de
prétendre qu'elles pourraient être meilleures si une politique
plus dynamique était mise en application au ministère de
l'Industrie et du Commerce.
Je ne vois pas pourquoi on soulève des points de règlement
dans le but de bâillonner le
député de Bourget qui nous sert une argumentation
très serrée, très logique, très
étoffée et qui nous montre davantage la faiblesse administrative
du présent gouvernement.
M. LE PRESIDENT: L'argumentation du député de
Maskinongé allait très bien jusqu'à la dernière
phrase.
M. PAUL: Je l'ai échappée.
M. LE PRESIDENT: Sur l'interprétation du règlement, j'ai
déjà eu l'occasion, au mois de juin, je pense, de donner une
directive à ce sujet. J'avais alors donné un sens restrictif sur
un sujet particulier. C'était une des premières directives que je
donnais,c'était la première fois que j'allais au fond de la
question.
L'article 377, premier paragraphe parle de "tout sujet
d'intérêt public rentrant dans le cadre des attributions de la
Législature ou du gouvernement de la province. Qu'est-ce que veut dire
"sujet d'intérêt public"? J'ai tenté de limiter ce
débat à un sujet assez précis. Où commence et
où finit exactement un sujet précis? Dieu le sait. C'est la
raison pour laquelle je voudrais j'ai déjà prévenu
le député de Bourget de ne pas répéter les
mêmes argumentations ou aborder, dans le fond, les mêmes propos que
le député de Gouin avait abordés lui-même dans le
courant du débat que le député se limite le plus
possible au thème qu'il a choisi.
Quant à parler de chômage, même s'il y a eu un
débat sur le chômage pendant le discours inaugural où il y
a eu une motion de censure qui a été débattue et
vidée par la Chambre et sur laquelle il y eut vote de la Chambre. Je ne
vois rien dans le règlement qui me permet d'empêcher un
député de traiter de ce sujet. Il n'y a rien, dans les vingt
paragraphes de l'article 285 qui m'autorise à limiter le débat
sur cette question.
La décision que j'ai rendue aujourd'hui même sur l'article
151, c'est lorsqu'il s'agit d'une motion et non pas de propos ou d'un discours
de député. "Nulle motion ne doit soulever une question qui soit,
au fond, identique à une question dont la Chambre a décidé
pendant la session en cours." C'était la base de mon argumentation
lorsque j'ai refusé la motion cet après-midi.
Mais rien ne me permet de défendre à un
député de traiter, dans le cours des débats, d'une
question d'intérêt public, comme le chômage. Je demanderais
à tout député qui n'est pas de mon opinion de m'invoquer
d'autres articles ou d'autres autorités qui m'autoriseraient à
empêcher quelqu'un de parler d'un sujet comme celui-ci.
Maintenant, je demanderais au député de Bourget de revenir
au problème de l'Industrie et du Commerce. J'aimerais peut-être,
du fait que j'interviens à ce moment-ci, lui demander s'il a l'intention
de terminer son intervention par une motion.
M. LAURIN: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Auriez-vous objection à m'en donner avis?
M. LAURIN: Pas du tout.
UNE VOIX: Vous continuez vote "filibuster".
M. BURNS: Il y a des gens qui ont appris un seul mot, M. le
Président, en procédure parlementaire, c'est "filibuster". Ils ne
savent pas autre chose.
M. LAURIN: M. le Président, je parlais de statistiques dont le
ministère, d'ailleurs, de l'Industrie et du Commerce est
particulièrement friand, puisqu'il en débite à longueur de
mois. Je disais qu'il y avait, au Québec, 53,000 emplois de plus en
janvier 1971 qu'en janvier 1970; 50,000 emplois de plus en février 1971
qu'en février 1970: 63,000 emplois de plus en mars 1971 qu'en mars 1970;
30,000 emplois de plus en avril 1971 qu'en avril 1970; 56,000 emplois de plus
en mai 1971 qu'en mai 1970; 31,000 seulement emplois de plus en juin 1971 qu'en
juin 1970. Tout à coup, 82,000 emplois de plus en juillet 1971 qu'en
juillet 1970, et, le sommet 90,000 emplois de plus en août 1971 qu'en
août 1970. Puis, tout à coup, dégringolade, 28,000 emplois
de plus en septembre 1971 qu'en septembre 1970; remontée, 69,000 emplois
de plus en octobre 1971 qu'en octobre 1970 et, enfin, dégringolade pour
le mois des morts, 35,000 emplois de plus en novembre 1971 qu'en novembre 1970.
D'où une augmentation moyenne de 53,363 emplois, observée pour
les onze premiers mois de l'année 1971.
Il arrive, cependant, quelquefois qu'on utilise une augmentation
observée pour un mois donné comme indice du nombre d'emplois
créés pour des raisons de fluctuations saisonnières.
L'utilisation de ce chiffre est abusive et n'a aucun sens, même si le
ministre de l'Industrie et du Commerce nous a servi cette médecine
à deux reprises. Car, ce genre d'exercice qui a été
pratiqué ici lorsqu'on disait avoir créé 90,000 emplois,
sans dire qu'il s'agissait d'un accident saisonnier ne nous paraît
conforme ni à la vérité, ni surtout à la meilleure
méthode qu'utilise habituellement et le premier ministre et le ministre
des Finances quand ils veulent nous parler de la situation de l'emploi.
Que doit-on conclure de ces statistiques? C'est que, si la tendance
observée au cours des onze premiers mois de 1971 se maintient, à
peu près 53,400 emplois auront été créés en
1971 au Québec. Parallèlement, en ce qui concerne la
main-d'oeuvre, puisqu'il faut toujours relier ces deux facteurs, l'augmentation
de la main-d'oeuvre prévisible pour l'année 1971, compte tenu de
l'évolution observée pour les onze premiers mois, se chiffre par
68,400.
Pour la cinquième année consécutive, donc, le
nombre d'emplois créés sera inférieur à
l'augmentation des emplois, le déficit prévisible pour
l'année 1971 est donc de 15,000 emplois. Pour mieux faire
apprécier la valeur de la statistique dont je viens de vous faire part,
il faut peut-être faire un retour en arrière et parler de la
situation qui a eu cours durant les cinq années
précédentes. Par exemple, nous voyons qu'en 1965 il s'est
créé 85,000 emplois; en 1966, 104,000 emplois
c'était l'année qui a précédé l'Expo, comme
vous le savez en 1967, 64,000 emplois; en 1968, seulement 3,000 emplois;
en 1969, 50,000 emplois; en 1970, 14,000 emplois; et en 1971, 53,400 emplois.
Ce qui fait un total cumulatif de 373,400 emplois, Si on compare ça
maintenant avec l'augmentation de la main-d'oeuvre, on voit que durant la
même période, c'est-à-dire de 1965 à 1970, la
main-d'oeuvre a augmenté de 444,000 personnes, ce qui fait un
déficit, pour cette période de cinq ans, de 71,800 emplois. C'est
là qu'est la véritable nature du problème. Même si
on vient nous dire qu'on a créé 53,400 emplois, on se rend compte
que c'est loin d'être suffisant puisque l'on ne peut même pas
absorber le déficit de plus en plus grand entre la main-d'oeuvre et les
emplois créés.
La conclusion c'est que non seulement la promesse des 100,000 emplois
n'aura été réalisée qu'à moitié
ce que nous savions depuis longtemps mais c'est que l'année
1971 sera déficitaire. Ceci est particulièrement
inquiétant parce qu'il s'agit d'une cinquième année,
depuis 1967, consécutive où le nombre d'emplois
créés est inférieur à l'augmentation de la
main-d'oeuvre, ce qui est un signe capital d'une maladie de notre
économie, maladie que le ministère de l'Industrie et du Commerce
non seulement n'a pas corrigée mais qu'il n'a même pas
analysée puisque jamais le ministre ne nous en a fait part, puisque
jamais le ministre des Finances ne nous en a fait part, puisque jamais le
premier ministre ne nous en a fait part. C'est là le diagnostic qu'il
faut porter sur l'état aussi bien de notre économie que de ce
ministère. C'est la raison pour laquelle nous le dénonçons
tellement souvent au point de vue de son organisation, de sa planification
quand on voit les résultats auxquels on aboutit. Ce qui veut dire que le
Québec n'a pas créé, encore une fois, plus d'emplois au
cours de l'année 1971 qu'il ne l'avait fait au cours des années
précédentes.
Et si on conjugue les constatations dont je viens de vous faire part
avec un autre élément morbide de notre structure industrielle
c'est-à-dire les mises-à-pied, on se rend compte encore davantage
à quel point notre structure industrielle est malade. Je ne veux pas
vous faire le décompte des mises-à-pied qui se sont
effectuées au Québec au cours de l'année. J'en ai une
très longue liste. Nous l'avons compilée. Par exemple, du 1er
novembre 1970 au 14 avril 1971, en utilisant les statistiques du Bureau
fédéral de la statistique parce qu'ensuite ces
données ne nous étaient pas disponibles nous avons
étudié systématiquement toutes les mi- ses-à-pied
qu'annonçaient les journaux du 15 mai 1970 au 1er novembre 1971. Nous
avons additionné ces chiffres. Nous arrivons à ces totaux
effarants. Par exemple, dans le secteur primaire, du 1er novembre 1970 au 14
mai 1971, il y a eu 581 mises-à-pied; du 15 mai 1971 au 1er novembre
1971, 570 mises-à-pied, pour un grand total de 1,151. Dans le secteur
secondaire pour la même période du 1er novembre 1970 au 14 mai
1971, il y a eu 11,308 mises à pied; dans la période qui a suivi,
du 15 mai 1971 au 1er novembre 1971, il y en a eu 3,000, pour un grand total de
14,308 mises à pied. Enfin, dans le secteur tertiaire, il y en a eu,
pour la même période, c'est-à-dire du 1er novembre 1970 au
1er novembre 1971, un total de 1,634.
Ce qui fait, si on additionne tous ces totaux dans les secteurs
primaire, secondaire et tertiaire, un grand total de 17,093 mises à
pied. Encore une fois, nous avons utilisé pour ces compilations aussi
bien les documents de Statistiques Canada, les documents du ministère du
Travail qui, en vertu de l'article 45 de la Loi sur la formation et la
qualification professionnelle de la main-d'oeuvre, reçoit les avis de
mises à pied des compagnies que les périodiques financiers
ou les journaux ordinaires. Pour rendre mes statistiques plus complètes,
on peut aussi ajouter que de ce total de 17,093 mises à pied, 10,603
l'ont été de façon permanente et 6,490 l'ont
été de façon temporaire ou de façon
espérée temporaire.
Il y a quelques remarques de plus à ajouter, M. le
Président. C'est que le relevé du ministère exclut les
licenciements concernant moins de dix employés, de même que ceux
qui font suite à des événements imprévisibles
puisque l'obligation de donner des avis de deux, trois ou quatre mois n'existe
pas dans pareil cas. Donc, le chiffre de 13,000 n'est pas exhaustif.
Deuxièmement, le relevé extrait des journaux nous
paraît très incomplet puisqu'ils ne rapportent que les
licenciements majeurs. Parmi les raisons invoquées lors des mises
à pied, quelques-unes reviennent plus souvent et indiquent, elles aussi,
le genre de maladie dont souffre notre structure industrielle, par exemple, les
changements technologiques, la désuétude des équipements,
le vieillissement des administrateurs et l'ouverture de nouveaux
établissements à l'extérieur du Québec.
En conclusion, M. le Président, de cette brève
étude sur les mises à pied on peut dire que compte tenu du fait
que nous ne possédons pas de relevés exhaustifs des licenciements
pour la période du 15 mai au 1er novembre 1971, le résultat de
17,000 mises à pied, dont 10,600 permanentes, entre le 1er novembre 1970
et le 1er novembre 1971, constitue un strict minimum. Un chiffre plus
réaliste serait de l'ordre de 25,000 mises à pied au
Québec au cours des douze mois écoulés entre le 1er
novembre 1970 et le 1er novembre 1971.
Si nous passons maintenant à un autre grand
indicateur économique, celui des investissements, il y a aussi
des vérités extrêmement intéressantes et importantes
à recueillir. Je ne voudrais pas, bien sûr, toutes les citer. Ce
serait vraiment trop long. Mais je me limiterai aux plus importantes.
Par exemple, nous savons que les investissements totaux au Canada, en
1970-1971, ont été de $19,321,000,000. Sur ce grand total,
l'Ontario en compte $7,462,000,000 alors que le Québec, dont la
population n'est pas tellement différente de celle de l'Ontario, ne
prend, pour sa part, que $3,833,000,000. Si, maintenant, on aborde ces
statistiques sous un autre angle, par exemple en étudiant la part
respective de l'Ontario et du Québec dans ces investissements totaux,
nous arrivons aux chiffres suivants. Peut-être que là aussi il est
important de remonter en arrière pour montrer la croissance de notre
maladie qui devient de plus en plus sérieuse.
Par exemple, en 1964, la part totale de l'Ontario dans les
investissements totaux au Canada était de 34.2 p.c; en 1965, elle
était de 34p.c; en 1969, de 37.3 p.c; en 1970, de 38.9 p.c et en 1971,
de 38.7 p.c. Au Québec, pour à peu près les mêmes
périodes, les pourcentages étaient les suivants: en 1960, 24.2
p.c; en 1964, 26 p.c; en 1965, 25 p.c; en 1969, 19.9 p.c; en 1970, 19.2 p.c. et
en 1971, 19.3 p.c. Ceci montre bien cette dégringolade progressive du
Québec quand on compare sa situation à celle de notre
voisine.
Si nous détaillons maintenant un peu mieux ces statistiques, nous
voyons que, dans les secteurs manufacturiers, la situation est absolument
identique. Par exemple, en 1970-1971, dans le secteur manufacturier, il s'est
investi au Canada $2,984,000,000 alors que la part de l'Ontario était de
$1,504,000,000 et celle du Québec uniquement de $584 millions. Là
aussi, répartie sur un certain nombre d'années, on voit la
même courbe dont je parlais tout à l'heure.
Par exemple, la part du Québec dans les investissements du
secteur manufacturier était en 1964 de 25.7; en 1965, de 22.6; en 1969,
de 23.8; en 1970, de 19.4 et en 1971 de 19.7. Dans un secteur
particulièrement névralgique de notre économie, celui de
l'habitation, que nous connaissons bien, dont nous parlons très souvent,
nous voyons aussi le même écart. Par exemple, en 1971 il s'est
investi, dans le domaine de l'habitation au Québec, $830 millions alors
qu'en Ontario il s'est investi $1,529,000,000, ce qui veut dire que la part du
Québec, dans les investissements totaux au Canada, en ce qui concerne
l'habitation, a été de 21.8 p.c. alors que la part de l'Ontario
était de 40 p.c.
Si l'on passe maintenant à un autre aspect de la question,
c'est-à-dire l'étude des secteurs générateurs
d'emplois ou encore des investissements différentiels que l'on peut
considérer comme nécessaires pour la création d'emplois,
on se rend compte là aussi que nous sommes en retard, non seulement par
rapport aux provinces voisines, mais également que notre
ministère n'a pas fait les choix adéquats, n'a pas fait les choix
rationnels qui auraient pu donner un coup de pouce à notre
économie.
Par exemple, nous savons que, dans le domaine de la construction, il
faut un investissement de $8,854 pour créer un emploi; dans le commerce,
l'investissement doit monter à $14,051; dans le secteur manufacturier,
$51,486 et dans le secteur primaire, c'est-à-dire les mines, $104,000.
Nous savons très bien, M. le Président, que dans le Québec
c'est surtout dans ce secteur primaire qu'on nous annonce constamment des
investissements. C'est le domaine d'investissements où il faut
dépenser le plus cher pour générer des emplois. Il n'est
donc pas étonnant qu'on retrouve l'effet de cette carence, au point de
vue de l'analyse et au point de vue du choix, dans les résultats dont
parlent et que révèlent les statistiques. Ce n'est donc pas
étonnant que dans un pays comme le Québec, où l'accent est
mis sur le développement du secteur primaire, d'une façon
privilégiée, on se retrouve avec des écarts au point de
vue du produit national brut, au point de vue des investissements, au point de
vue du niveau des salaires, au point de vue du niveau de vie quand on compare
la situation du Québec avec celle de l'Ontario.
D'ailleurs, M. le Président, cette critique n'est pas faite
seulement par nous, elle est faite par des économistes bien plus
éminents que je le suis. Mon collègue parlait aujourd'hui de la
critique que fait contre cette conception un ancien ministre libéral,
Eric Kierans, qui dit que, aussi longtemps que nous investirons d'une
façon privilégiée dans le secteur primaire, nous ferons de
très grosses mises de fonds sans créer énormément
d'emplois, en même temps que nous dilapidons nos ressources naturelles au
profit des étrangers. Selon lui, il faudrait bien davantage mettre
l'accent, en ce qui concerne les investissements, sur le développement
du secteur secondaire et du secteur tertiaire, puisque ça prend moins
d'argent pour créer des emplois, et ces emplois sont beaucoup plus
stables. On finirait ainsi par créer au Québec une structure
industrielle solide qui génère des emplois nombreux, des salaires
élevés et qui pourraient enfin donner à notre
économie une santé qu'elle ne possède malheureusement pas
à l'heure actuelle.
Ceci est encore plus grave quand on sait que ces investissements dont je
parle, dans le secteur primaire, sont plutôt faits à l'avantage de
sociétés multinationales étrangères dont le
procès rigoureux commence à se faire avec une sorte de rancoeur,
justement quand on constate les effets néfastes, nocifs auxquels cette
politique, que les gouvernements ont laissé se poursuivre, a
donné lieu dans le Canada tout entier, mais particulièrement dans
le Québec.
On sait en effet, maintenant que le rapport Gray a paru, quelles sont
les conséquences,
pour une économie particulièrement provinciale comme la
nôtre, de cette sujétion, de cet assujetissement aux
sociétés multinationales qui investissent beaucoup au
Québec. Je pense à ITT, je pense à Falconbridge et
à tant d'autres qu'on nous a annoncées ici.
Qu'est-ce qui arrive, M. le Président, en plus des
inconvénients dont je parlais tout à l'heure et qui ont
été signalés par l'ex-ministre Kierans? Il y en a
d'autres. Nous savons que les filiales deviennent des débouchés
pour les compagnies mères, qui profitent de leurs filiales pour leur
exporter leurs produits, alors que toute la technologie, toute la recherche ou
du moins une partie très importante se fait dans les
sociétés mères, ce qui réduit les filiales à
une sorte de rôle passif, ce qui en fait des créatures des
sociétés mères, ce qui leur enlève leur dynamisme
et ce qui les condamne malheureusement trop souvent à la stagnation,
à la sclérose.
Nous savons aussi que ces filiales servent à nous
débarrasser, à nous priver de capitaux dont nous aurions besoin
par l'exportation de profits et de dividendes qui, au lieu d'être
réinvestis dans le pays, vont enrichir les actionnaires
américains ou donner lieu à la création d'autres
entreprises dans ces pays ou encore à des emprunts que nos chefs de
gouvernement vont quêter lorsque le marasme économique atteint
chez nous des proportions trop élevées ou qu'on a besoin de ces
emprunts pour des relances économiques.
En somme, ces inconvénients dont je parle, M. le
Président, et qui sont maintenant bien connus parce qu'ils ont
été analysés, non seulement par mon collègue de
Gouin, Kierans, Gray mais beaucoup d'autres économistes très
sérieux, ces inconvénients sont tellement nombreux, tellement
graves, tellement profonds qu'ils sont loin d'être compensés par
ce que disait ce soir le ministre des Finances lorsqu'il déclarait
qu'à force d'implanter chez nous des capitalistes qui vont
développer notre secteur primaire ils vont finir par créer dans
notre pays des usines de transformation. Car, M. le Président, ces
usines de transformation sont encore très peu nombreuses, surtout quand
on compare notre situation à celle de l'Ontario. Et surtout ces usines
de transformation, un peu comme pour la sidérurgie, ne transforment
qu'un produit premier en un produit semi-fini, alors que les véritables
usines de transformation, celles qui produisent des produits finis, vont
plutôt s'implanter en Ontario ou aux Etats-Unis.
Il prendra donc beaucoup de temps avant que la prédiction que
nous faisait le ministre des Finances ce soir se réalise et que nous
puissions, grâce à l'aide prétendument
généreuse des capitalistes étrangers,
particulièrement américains, voir se développer chez nous
un grand nombre de ces industries de transformation qui pourraient venir
consolider notre secteur primaire.
Et, M. le Président, cette situation triste, malencontreuse que
je viens de vous décrire possède malheureusement des relations
avec un autre ministère dont j'ai dit que je parlerais, puisqu'une
façon de compenser pour cette faiblesse dans notre structure
industrielle serait précisément de négocier avec d'autres
gouvernements, avec nos voisins ou avec le gouvernement central des accords
qui, au moins, pourraient nous aider à rattraper le terrain perdu.
Ils pourraient nous donner les fonds dont nous avons besoin pour
créer chez nous ces usines de transformation, qui créent beaucoup
plus d'emplois et des emplois beaucoup mieux
rémunérés.
Nous comptons je n'ai pas besoin de vous le dire, M. le
Président sur la politique du ministère de l'Expansion
régionale, en plus de compter, bien sûr, sur la politique
tarifaire, sur la politique commerciale, sur la politique douanière du
gouvernement central. Cependant, nous ne nous faisons pas beaucoup d'illusions,
car le ministre des Finances et le premier ministre ont parlé surtout,
ces temps derniers, d'un fédéralisme de plus en plus ingrat
où toutes les demandes de consultation de la part du premier ministre et
du ministre des Finances se heurtaient à un mur de silence
obstiné qui amenait même l'ami québécois du
gouvernement central actuel à montrer un peu les griffes et à
laisser entendre qu'il ne tolérerait pas trop longtemps cette situation,
étant donné qu'elle nuisait d'une façon par trop
marquée aux intérêts du Québec. Cette politique
tarifaire, douanière, commerciale, ce manque de consultation du
gouvernement du Québec dans l'établissement de ces politiques a
nui beaucoup plus qu'on ne saurait le dire, M. le Président, à
notre économie, à notre structure industrielle, en ce sens
qu'elle n'a pas permis, justement, de conjuguer les politiques, comme le
gouvernement s'y était engagé.
Elle n'a pas permis d'harmoniser les politiques. Elle n'a pas permis de
drainer, du côté du Québec, des ressources dont on aurait
eu besoin pour compenser les lacunes, les insuffisances dont nous avons
parlé. D'une façon plus spécifique, M. le
Président, c'est le ministère de l'Expansion régionale
qui, par sa politique, qui devait être conjuguée avec celle du
ministère de l'Industrie et du Commerce, n'a pas apporté à
notre économie les fruits qu'on en escomptait.
Je me rappelle, par exemple, que, quand le ministre de l'Industrie et du
Commerce dénonçait les effets de la loi 23 et de la loi 24 pour
les remplacer par sa fameuse loi 20, qui devait créer la
Société de développement industriel, c'est
précisément un des arguments qu'ils invoquait, M. le
Président: Qu'on ne pouvait pas conjuguer la politique telle
qu'énoncée dans les lois 23 et 24 avec la politique du
ministère de l'Expansion régionale.
Est-ce qu'on en est arrivé à de meilleurs résultats
avec la SDI? Je ne le crois pas. D'après les rapports qui nous ont
été donnés et que j'ai
ici, M. le Président, il ne semble pas qu'avec les dix millions
de dollars que la Société de développement industriel a
dépensés au cours de ses six premiers mois d'opération
ce qui est un anglicisme, mais que je cite, parce que c'est paru dans le
journal la SDI ait fait beaucoup mieux que l'ancien gouvernement avec la
loi 23 et la loi 24. En effet, le gouvernement actuel s'est heurté aux
mêmes difficultés que l'autre.
Il est impossible ou il parait impossible, M. le Président, de
coordonner des politiques industrielles, des politiques commerciales,
tarifaires avec ce gouvernement. Il parait impossible d'articuler des besoins,
de faire des analyses qui se rejoignent, d'établir des priorités
qui permettraient au Québec de développer ses aspects
particuliers, de développer ses structures qui correspondent à
des besoins. Il semble que cela est absolument impossible. Le premier ministre
actuel s'y est cassé les dents, comme les autres premiers ministres s'y
sont cassé les dents également, parce que la politique du
ministère de l'Expansion régionale, actuellement, ne
réussit pas à éliminer ces disparités
régionales, alors que justement, ce devait être l'un de ses
buts.
La critique de cette politique du ministère de l'Expansion
régionale, nous la connaissons très bien, M. le Président.
C'est que les subventions du ministère fédéral, que ce
soit avec ou sans les avis ou la participation du ministère de
l'Industrie et du Commerce, ont plutôt favorisé les régions
qui déjà connaissaient un certain potentiel de
développement, en laissant de côté celles qui
étaient les plus négligées.
Citons, par exemple, la Gaspésie, l'Abitibi et le Lac Saint-Jean
qui n'ont reçu, d'octobre 1969 à la fin d'avril 1971, que 14 p.c.
des subventions totales et seulement 11 p.c. des emplois que l'on a pu
créer avec ces subventions, alors que les régions les plus
développées, elles, par exemple, Montréal, Québec
et Trois-Rivières, ont reçu 81 p.c. des subventions et ont ainsi
pu créer 88 p.c des emplois que l'on a créés grâce
à ces programmes, ce qui montre bien qu'il n'y a aucune orientation dans
cette politique qui devait être conjuguée, qui devait être
harmonisée. Ceci perpétue le problème des
inégalités.
Nous voyons également que cette politique de subventions, des
deux côtés, que ce soit celle de la SDI ou que ce soit celle du
ministère de l'Expansion régionale, n'a abouti et n'aboutira
qu'à maintenir et à accentuer la centralisation que nous
connaissons puisque maintenant nous savons que le Québec est une
région désignée et que probablement Québec,
Trois-Rivières, Montréal vont continuer d'engloutir la
très grande majorité des subventions, ce qui va amener un
développement économique de plus en plus centralisé.
Je pourrais ajouter beaucoup d'autres objections à la politique
actuelle, aussi bien celle du ministère de l'Industrie et du Commerce
que celle de son homologue fédéral, par exemple, en disant que
ces ministères donnent plus aux gros et pas assez aux petits, qu'ils se
révèlent impuissants à corriger les vices du
système étant donné que les subventions ne sont pas
accordées en raison d'une analyse, en raison d'un plan, en raison de
priorités que l'on établit, mais uniquement en raison des choix
des compagnies, en raison de l'analyse des demandes, en raison des pressions de
toutes sortes, que je ne veux pas qualifier et qui accompagnent ces
demandes.
La conséquence est que l'on voit que des subventions sont
données à des compagnies qui, bien souvent, se concurrencent
mutuellement, alors même que le gouvernement ne l'apprend que des mois ou
des années même après, à des compagnies qui se
concurrencent, qui se nuisent, qui se détruisent parfois à nos
frais, c'est-à-dire avec et malgré les subventions que nous leur
avons données. De cette façon, nous voyons notre économie
tomber de plus en plus dans une situation morbide, dans une situation maladive
dont il deviendra de plus en plus difficile de la tirer.
Lorsque nous voyons qu'à ces causes profondes de nos maladies
économiques s'ajoute cette conception d'un fédéralisme qui
n'arrive pas à lever de terre, qui n'arrive pas à nous apporter
les profits économiques que cela devrait nous rapporter, comment
pouvez-vous nous blâmer, M. le Président, d'être pessimistes
quand nous savons, par exemple, que les accords fiscaux, qui devaient
être négociés de 1972 à 1977, ne nous apporteront
rien de plus que ce que nous avons déjà, ne nous apporteront
aucun point d'impôt nouveau, ne nous apporteront pas de somme nouvelle
quant à la péréquation; quand nous savons qu'on ne s'est
même pas entendu sur une nouvelle méthode?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LAURIN: De toute façon, M. le Président, j'allais
terminer cet aspect de la question. C'est simplement pour vous dire qu'aux
raisons qui touchent particulièrement le ministère de l'Industrie
et du Commerce, particulièrement au Québec et aussi partiellement
son homologue fédéral, particulièrement à toutes
les raisons qui touchent le contentieux fédéral-provincial dans
quelque domaine que ce soit et en particulier dans les domaines tarifaire,
commercial, industriel et fiscal, nous nous rendons compte que le Québec
est dans une situation de plus en plus pénible, de plus en plus
difficile avec ce vieillissement de nos structures industrielles, avec cet
écart croissant qui le sépare de son voisin l'Ontario, aussi bien
en ce qui concerne le niveau des investissements, le produit national brut, le
niveau des salaires, en ce qui concerne l'exploitation irrationnelle de nos
ressources, en ce qui concerne le niveau très élevé de la
pauvreté.
Ce n'est pas moi qui ai dit que le tiers des
Québécois vivait actuellement en de ça du seuil de
la pauvreté. En ce qui concerne le nombre de plus en plus
élevé de chômeurs chroniques qui semblent condamnés
à une dépendance sociale définitive, en ce qui concerne
surtour et davantage cette impossibilité que nous voyons d'une politique
axée non plus seulement sur la création d'emploi mais sur le
véritable développement de la personne humaine, ainsi qu'en
parlait l'un des volumes signés par Gérald Fortin, de la
commission Castonguay-Nepveu. Comment pouvez-vous nous blâmer, M. le
Président, de nous sentir inquiets, de nous sentir pessimistes quant
à l'avenir du Québec? C'est bien la raison pour laquelle on voit
surgir de plus en plus, dans le Québec, des crises, non seulement en
ville mais à la campagne, non seulement dans le secteur ouvrier mais
également dans le secteur rural. C'est bien la raison également
pour laquelle un redressement s'impose. C'est pourquoi je ne surprendrai
personne en établissant ici un diagnostic de dépression profonde
sur l'état moral de notre société
québécoise.
Cet état de choses découle de tous les facteurs que j'ai
mentionnés et en particulier de la détérioration de notre
économie, une détérioration qui est le résultat, en
grande partie, de la faillite de la politique d'emploi et de relance
économique du gouvernement, de l'échec de la course aux
investissements étrangers, du dépérissement du secteur
public de l'entreprise, et aussi le corollaire du vieillissement de nos
structures industrielles et de l'exploitation irrationnelle de nos ressources
naturelles. L'espoir de renouveau qu'on a suscité en avril 1970 et le 23
février 1971, marqué au coin du fédéralisme
rentable, ne s'est pas matérialisé. Le maigre résultat des
conférences fédérales-provinciales, l'échec de
Victoria, l'impuissance du gouvernement, la multiplication des crises
économico-socio-politiques à l'échelle du Québec
nous donnent de plus en plus l'impression, au contraire, d'une dangereuse
carence du pouvoir. Ces échecs successifs ont pris pour le Québec
une signification plus grave parce qu'ils survenaient dans un climat social
fait de tensions, de luttes, de violence qu'ils ne faisaient d'ailleurs
qu'aiguiser. Ils ont engendré ce pessimisme, cette dépression
morale qui caractérisent notre société. C'est la raison
pour laquelle, M. le Président, nous sentons qu'il nous faut
blâmer sévèrement le gouvernement pour n'avoir pas
été à la hauteur de la situation et pour exiger qu'un
redressement véritable s'effectue enfin au Québec.
Motion de blâme de M. Laurin
M. LAURIN: Je propose donc, appuyé par le député de
Maisonneuve, que la motion en discussion soit amendée en
remplaçant tous les mots après le mot "que" par les mots
suivants: "la Chambre, tout en étant disposée à voter
à Sa Majesté les subsides qu'elle a demandés, est d'avis
que le gouvernement a manqué à son devoir en ne réalisant
pas sa promesse d'un fédéralisme rentable pour le Québec
et ses citoyens."
Motion jugée non recevable par le
Président
M. LE PRESIDENT: Je remercie le député de Bourget de
m'avoir donné avis de sa motion. J'ai peut-être un léger
reproche à faire au député de Bourget. Lorsque je lui ai
demandé, au début de son intervention, le thème du grief
qu'il entendait soumettre à l'Assemblée, il m'a bien
déterminé qu'il entendait exprimer un grief en ce qui concerne le
ministère de l'Industrie et du Commerce.
Je dirais que son débat, en grande partie, était dans
l'ordre. Il a réussi assez bien à s'en tenir à cette
question, à ce ministère de l'Industrie et du Commerce. Par
contre, sa motion ne fait pas mention du ministère de l'Industrie et du
Commerce mais plutôt d'un fédéralisme rentable. Je me pose
des doutes à ce moment-là. Il n'y avait pas tellement de
problèmes sur la pertinence du débat, parce que lui-même
avait établi le thème de son intervention. Je me demande s'il y a
autant de pertinence dans la motion. C'est la question que je me pose,
lorsqu'on dit "en ne réalisant pas sa promesse d'un
fédéralisme rentable." Depuis quelques heures, j'ai donné
des directives, des instructions et des décisions sur la manière
dont j'interprétais l'article 377. Quel devait être l'objet des
débats sur la formation du comité des subsides?
Si la motion, à la suite des directives que j'avais donné
assez clair, je crois, à plusieurs reprises, à l'effet qu'on
déterminait un grief ou un thème et qu'on le vidait. Je ne
voudrais pas me répéter inutilement. Le premier thème, on
le sait, avait été développé par deux, trois ou
quatre députés au début. Un deuxième thème
bien précis avait été déterminé par le
député de Chicoutimi quand je lui ai posé la question des
relations fédérales-provinciales. Je me suis également
levé pour que les choses soient bien claires lorsque le
député d'Abitibi-Ouest s'est levé, je lui ai
demandé s'il voulait traiter la distribution de l'aide sociale. Il m'a
dit oui. Lorsque le député de Bourget s'est levé, au
début, j'ai mis une certaine restriction à son débat, une
certaine limite. Lui-même m'a répondu qu'il voulait traiter d'un
point particulier du ministère de l'Industrie et du Commerce. Lorsqu'une
question de règlement a été invoquée par le
ministre de la Justice, j'ai donné raison au député de
Bourget pour qu'il puisse continuer dans son intervention.
On a oublié de mentionner peut-être que déjà
dans le passé cette situation s'était présentée
lors de la motion pour la formation du comité des subsides il y a
quelques années; je crois que ce fauteuil était occupé par
le député de Maskinongé. Dans la même
journée, il y avait eu quatre griefs. Si me rappelle bien, Lesage, le
chef de l'Opposition du temps, avait traité de
l'économie; M. Gérin-Lajoie, le député de
Vaudreuil-Soulanges de l'époque, avait traité un grief sur
l'éducation, un point précis; M. Wagner, le député
de Verdun de l'époque, avait traité un grief dans la même
séance sur les problèmes de justice. Je crois que M. Laporte, si
je me rappelle bien, avait développé les problèmes des
affaires municipales, un point précis.
Pour toutes ces raisons et ma décision est la suivante, je
l'ai bien pesée je dis que si la motion du député
de Bourget avait été faite immédiatement à la suite
du grief du député de Chicoutimi, s'il n'y avait pas eu cette
intervention entre ces deux discours le député
d'Abitibi-Ouest avait traité d'un autre sujet si la motion avait
conclu à une expression de blâme ou de défiance envers le
ministère de l'Industrie et du Commerce, je l'aurais acceptée.
Mais dans le but, je pense bien, de ne pas créer un
précédent qui pourrait être dangereux et être
invoqué à l'avenir, dans le but également d'accorder un
certain respect et une certaine autorité aux directives,
décisions, interprétations de la présidence, je me vois
dans l'obligation, pour toutes les raisons que j'invoque, de ne pas accepter la
motion.
M. LEVESQUE : Est-ce que cela implique que nous n'avons pas le droit de
répondre à ce tissu de faussetés qu'on vient
d'entendre?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît.
M. BURNS: Je serais bien d'accord que le leader réponde à
ce soi-disant tissu de faussetés. C'est d'ailleurs pour ça que
nous insistions pour que ces choses-là soient recevables dans la saine
démocratie parce que nous, nous ne voulons pas bâillonner le
gouvernement. Nous aimerions bien qu'il nous réponde. Je n'ai pas
d'objection s'il veut nous répondre là-dessus. Je n'objecterai
même pas la pertinence du débat en ce qui concerne le ministre de
l'Industrie et du Commerce.
M. PAUL: Je pense bien que votre décision est bien
justifiée. Mais, d'un autre côté, la Chambre est toujours
maître de ses travaux et de sa procédure. Devant le désir
assoiffé du leader du gouvernement, s'il y avait consentement unanime,
nous serions d'accord à ce moment-là. Nous respectons quand
même votre décision mais vous vous soumettez, en grand
démocrate que vous êtes, au désir unanime de la Chambre de
discuter de ce problème...
M. LEVESQUE: Devant ce concert de collaboration et ce consensus qui me
semble bien donné, je suis très heureux de prendre quelques
instants, parce que loin de moi l'idée...
M. BURNS: M. le Président...
M. LEVESQUE: Non, non, j'ai la parole, on me l'a donnée, qu'on
n'essaie pas de me la retirer maintenant.
M. BURNS: Je veux simplement savoir si c'est du consentement unanime que
cette motion va être reçue...
M. LE PRESIDENT: J'ai posé la question il y a quelques instants:
Est-ce qu'il y a consentement unanime? Je pense bien que c'est
enregistré aux épreuves du journal des Débats. Je n'ai eu
aucune opposition.
M. BURNS: Alors, merci, M. le Président. M. ROY (Beauce): M. le
Président... M. BURNS: Donc, elle est reçue.
M. ROY (Beauce): ... j'invoque le règlement parce que nous
aimerions savoir où nous allons.
M. le Président, nous n'avons pas voulu, en ce qui nous concerne,
abuser de notre droit de parole. Celui qui m'a précédé cet
après-midi, le député de Gouin, a parlé pendant une
heure trente minutes, en disant qu'il allait présenter une motion. Il a
fait toute la préface de sa motion. Il l'a expliquée en entier.
Une fois qu'il a eu fini de parler, vous avez rendu votre décision
à l'effet que sa motion n'était pas acceptable.
Or, nous n'avons pas pu, en ce qui nous concerne, réfuter
certains faits ou encore apporter notre point de vue sur la motion qu'avait
présentée l'honorable député de Gouin. Il se
produit encore exactement la même chose avec le député de
Bourget. M. le Président, je pense qu'il y a tout de même une
chose, si nous voulons être logiques: ou les motions sont
acceptées et on les discute, ou elles sont refusées et eux ne
parlent pas plus que les autres. Je pense qu'il y a, tout de même, une
question d'honnêteté, une question d'équilibre et de
justice pour tous les membres de cette Chambre.
M. le Président, je pense que, devant ces faits, il va falloir
que vous précisiez davantage. Une fois que l'honorable
député aura eu le droit de parler pendant une demi-heure, trois
quarts d'heure et même une heure sur la motion qu'il a l'intention de
présenter, qu'on permette aux autres représentants des autres
partis politiques de dire ce qu'ils pensent de ces motions.
M. LOUBIER: M. le Président, sur le point soulevé par le
député de Beauce, je pense qu'il n'a pas saisi ce que le
président venait de dire.
M. ROY (Beauce): Je ne veux pas, M. le Président, mettre votre
décision en cause. Je l'accepte.
M. LOUBIER: Non, mais laissez-moi finir. Je suis en train non pas de
soulever un débat, mais tout simplement, d'attirer l'attention du
député
de Beauce sur le fait qu'étant donné qu'il y a eu
unanimité pour permettre un débat sur la motion du
député de Bourget, à ce moment-là, le
député de Beauce et ses collègues pourront opiner dans le
sens de la motion, avec la latitude que leur permettent les règlements
de la Chambre.
M. LE PRESIDENT: Un instant, je voudrais établir et
réviser ma position, peut-être, après une journée
comme nous en avons eu une aujourd'hui et les multiples décisions et
directives que j'ai dû donner. A ce stade-ci, j'ai reconnu l'honorable
ministre de l'Industrie et du Commerce. Je n'ai même pas besoin du
consentement unanime de la Chambre pour la raison bien simple que, même
si la motion est rejetée, c'est la motion que je n'ai pas trouvée
dans l'ordre. Je l'ai trouvée non pertinente, dans un sens, parce que,
M. le député de Bourget, le thème que vous avez
traité et que j'ai reconnu, c'est une motion de blâme
vis-à-vis du ministère de l'Industrie et du Commerce.
Ce débat demeure sur le même grief, même si la motion
est écartée. Quel est le thème que nous traitons
actuellement? C'est le grief de l'honorable député de Bourget sur
l'administration du ministère de l'Industrie et du Commerce. C'est le
thème qui est devant la Chambre. Il conclut par une motion que je
n'accepte pas parce qu'on y parle du fédéralisme. Je reviens au
thème premier qui est devant la Chambre; le grief contre
l'administration du ministère de l'Industrie et du Commerce. J'ai
reconnu l'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. LEVESQUE: M. le Président, lorsque le député de
Bourget a commencé ses remarques, j'ai lancé une phrase que je
reprends à l'instant même: C'est que je me surprenais qu'il parle
de ce sujet-là: le ministère de l'Industrie et du Commerce. J'ai
dit que c'était un sujet qu'il ne connaissait pas. Nous avons
été témoins d'un discours qui prouve exactement ce que
j'avais dit, au tout début des remarques du député de
Bourget.
Il est vrai...
M. PAUL: Je m'excuse auprès de mon...
M. LEVESQUE: Est-ce que je peux continuer, s'il vous plait?
M. PAUL: Sur un rappel au règlement.
M. LEVESQUE: Il est vrai, M. le Président...
M. PAUL: Sur un rappel au règlement.
M. LEVESQUE: D est vrai, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Une question de règlement.
M. PAUL: M. le Président, tout à l'heure, après que
l'honorable député de Bourget eut présenté sa
motion, vous l'avez mise de côté. Je me suis levé pour ne
pas brimer le droit de parole de l'honorable député et vous avez
demandé: Est-ce que le consentement unanime est accordé?
M. LE PRESIDENT: J'ai retiré... M. PAUL: Votre question?
M. LE PRESIDENT: Oui, lorsque je me suis levé après
l'honorable chef de l'Opposition officielle, après avoir éclairci
un peu mes idées, j'ai pensé que cette question n'était
pas nécessaire.
M. LEVESQUE: ... qui a offert son consentement; est-ce qu'il veut le
retirer?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai retiré cette question et cette
nécessité de consentement unanime.
M. LOUBIER: Si je comprends bien, M. le Président, actuellement,
la motion cela va permettre au député de Bonaventure de
reprendre son sourire à toutes fins pratico-pratiques, est
écartée?
M. LE PRESIDENT: Elle est rejetée.
M. LOUBIER: Elle est rejetée, même s'il avait eu un
simulacre d'entente que s'il y avait consentement unanime... et même avec
le consentement unanime elle est rejetée, elle est
écartée.
M. LE PRESIDENT: Le consentement unanime avait été
donné pour accorder la parole à l'honorable ministre de
l'Industrie et Commerce, sur cette motion. C'est cela.
M. LOUBIER: Oui.
M. LE PRESIDENT: J'en reviens à ma décision que je rejette
la motion, et que j'accorde le droit de parole au ministre de l'Industrie et du
Commerce sur le thème établi...
M. LOUBIER: Par le grief?
M. LE PRESIDENT: ... par le grief par le député de Bourget
qui était une censure contre le ministère de l'Industrie et du
Commerce.
M. LEVESQUE: M. le Président, y aurait-il un autre
député dans ces éminentes, insignes formations qui
voudrait poser une autre question au président, demander des directives,
accorder ou retirer un consentement? Bon merci.
M. le Président, lorsque...
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je peux vous demander une
directive, s'il vous plaît?
M. LE PRESIDENT: Je vous la donne la directive j'espère
que ce sera pour la dernière fois que je n'ai pas l'intention de
donner des directives pendant un discours. Je donnerai les directives
après qu'un discours aura été prononcé.
A l'ordre, s'il vous plaît!
Cela fait déjà deux ou trois fois que j'ai établi
cette politique.
M. LEVESQUE: M. le Président, je disais donc, et je reprends le
discours là même où je l'ai laissé c'est vrai
que je n'ai même pas commencé encore je disais...
M. BURNS: C'est le plus loin qu'il va aller.
M. LEVESQUE: ... je disais, au tout début des remarques du
député de Bourget, qu'il s'aventurait sur un terrain qu'il ne
connaissait pas. Le discours qu'il a prononcé en est le meilleur
témoignage. Le député de Bourget, lorsque vous lui avez
demandé le thème de son allocution, a dit: Le ministère de
l'Industrie et du Commerce; j'ai un grief contre le ministère de
l'Industrie et du Commerce.
M. le Président, avez-vous entendu parler du ministère de
l'Industrie et du Commerce durant son allocution? Vous avez entendu parler
d'économie en général, vous avez entendu parler de
chômage, d'emploi. Mais avez-vous entendu parler de l'action du
ministère de l'Industrie et du Commerce? Des structures du
ministère de l'Industrie et du Commerce? Des fonctionnaires du
ministère de l'Industrie et du Commerce? Des politiques du
ministère de l'Industrie et du Commerce? Rien. Le député
de Bourget s'est contenté de lire un discours de recherchiste sur
l'ensemble des choses économiques à gauche et à droite. Il
a mentionné le bill 20, il a mentionné la Société
de développement industriel, mais a-t-il parlé des structures de
la Société de développement industriel? A-t-il
parlé des règlements de la Société de
développement industriel? A-t-il parlé de son fonctionnement?
A-t-il apporté quelques suggestions positives pour améliorer
l'action du ministère de l'Industrie et du Commerce et de la
Société de développement industriel? A-t-il parlé
du Centre de recherche industrielle? A-t-il parlé de la
Société de développement du centre du Québec
à Bécancour? A-t-il parlé du conseil général
de l'industrie? A-t-il parlé de toutes ces structures du
ministère de l'Industrie? Y a-t-il quelque chose dans l'action du
ministère de l'Industrie qu'il a pu toucher? Non, M. le
Président, tout ce que voulait faire le député de Bourget,
c'était une lecture plate et ennuyante d'un vieux texte
déjà complètement dépassé.
M. le Président, prenons-en quelques unes, parce que je n'ai pas
l'intention de retarder la législation gouvernementale, ce n'est pas moi
qui vais retarder les gens qui attendent des lois importantes ici. Je n'ai pas
l'intention de continuer ou d'encourager cette obstruction qui dure depuis des
jours et des jours.
M. le Président, je ferai simplement une remarque au
député de Bourget, je prends ce qu'il a lui-même dit.
Qu'a-t-il dit le député de Bourget? Il a dit: C'est vrai qu'il y
a 53,000 nouveaux emplois en moyenne dans les onze ou douze mois de 1971. Oui,
M. le Président, je sais comment ça marche, vous savez. Prenez
janvier, la main-d'oeuvre: 2,343,239 ou à peu près. Maintenant,
regardez dans l'autre colonne, il y a les emplois. Soustrayez ça et vous
arrivez à ça. Cela, c'est janvier.
Maintenant février, M. le Président, prenons le nombre de
la main-d'oeuvre. En 1971, 2,342,000 comparativement à février
1970, 2,243,000. Maintenant, M. le Président, dans la colonne de
l'emploi et ainsi de suite, pour arriver, après une demi-heure de ces
chiffres qui sont disponibles à tout le monde, à tous les
citoyens canadiens, à dire: Oui, mais c'est vrai. Quand on fait la
moyenne de tout ça, on arrive à 53,000 nouveaux emplois.
M. le Président, ça c'est une grande partie du discours,
et maintenant, on arrive aux mises à pied. M. le Président, voici
les mises à pied. Mises à pied dans le secteur primaire. Et
là, M. le Président, de telle date à telle date, il y a
tant de mises à pied. Et mes gens en haut qui font des calculs disent
que si on additionne les mises à pied de telle date à telle date
avec les mises à pied de telle date à telle date, ça fait
tant de mises à pied.
Et voilà M. le Président, voilà le grief que
voulait apporter le député de Bourget. Mais le
député de Bourget a-t-il voulu éclairer la population? Ce
qui était important de dire, c'était qu'il y avait 53,000 emplois
nouveaux net et que, quelles que soient les mises à pied, malgré
ces mises à pied, voilà quelque chose de positif, et plus le
nombre des mises à pied était élevé, plus les
53,000 sont éloquents parce que ce sont 53,000 emplois net
créés par le gouvernement actuel.
M. le Président, s'il avait voulu être honnête, il
aurait dit: Félicitations au gouvernement. Dans une conjoncture
difficile comme jamais nous n'en avons connue en Amérique du nord, dans
une situation difficile par certains événements, revenons un
instant aux événements d'octobre qu'il a lui-même
soulignés, les mesures de M. Nixon, la surtaxe, toutes ces circonstances
font que le résultat obtenu de 53,000 emplois nouveaux devrait
être l'objet de félicitations d'un homme qui doit avoir à
coeur les intérêts économiques de sa province, mais qui
semble avoir plus à coeur les intérêts d'un parti
moribond.
M. le Président...
M. CHOQUETTE: Tous ses députés l'ont laissé tout
seul.
M. LEVESQUE: M. le Président, si le député avait
voulu être honnête, il n'aurait pas fait ce qu'il a fait. Vous avez
entendu lorsqu'il a parlé des nouveaux emplois, lorsqu'il a parlé
des 53,000 nouveaux emplois, chose qu'il ne peut
pas nier, il a dit: Mais il ne faut pas dire que c'est grâce au
gouvernement du Québec. Non, ça, c'est grâce à tous
les autres agents économiques. Il a parlé du
fédéral, il a parlé de tout le monde, il a parlé
des industriels, c'est grâce, presque pas au gouvernement du
Québec.
Il a même mentionné que c'était, juste pour une
petite fraction, grâce au gouvernement du Québec, mais, quand il
est arrivé aux mises à pied, il s'est levé avec un bras
vengeur: Voilà la responsabilité du gouvernement du Québec
! M. le Président, pensez-vous que nous avons là le reflet d'un
parti qui se dit jeune? Non, je dis que c'est un vieux parti,
déjà moribond, lorsque son chef parlementaire utilise de tels
procédés. Or, M. le Président, 53,000 nouveaux emplois,
dit-il, mielleusement, ça, c'est grâce aux agents
économiques; le gouvernement du Québec n'a pas tellement une
grande responsabilité dans ça, infime, dit-il. Mais les mises
à pied, M. le Président, c'est la faute du premier ministre,
c'est la faute du ministre de l'Industrie et du Commerce, du ministre des
Finances. Tout le monde est responsable de ce côté-ci de la
Chambre. Soyons donc sérieux !
M. le Président, lorsque je regarde encore, pour quelques
instants, ce qu'il a dit dans ce discours, je vois, par exemple, qu'il a voulu
faire un petit tour d'horizon et vivement j'ai pris quelques notes, parce que,
devant un discours comme celui-là, je n'ai pas eu l'occasion de tout
noter. Ce que je voudrais dire et j'ai bien dit que je ne
m'étendrais pas c'est qu'il avait si peu de choses à dire
contre le ministère de l'Industrie et du Commerce qu'après
s'être perdu dans ce discours de recherchiste ce dont je le
félicite, parce qu'il y avait certains secteurs que l'on retrouve dans
les anciens discours du budget du gouvernement, etc., toutes sortes de choses
ressassées il n'a même pas pu conclure par une motion de
blâme contre le ministère de l'Industrie et du Commerce.
Il n'a pas pu être logique jusqu'à la fin et, là,
comme c'est une préoccupation qui devient presque une idée fixe,
il s'est tourné soudainement vers le fédéral et a conclu
par une motion contre le fédéralisme rentable. Voilà, M.
le Président, la logique que nous avons dans le discours que nous venons
d'entendre du député de Bourget !
M. le Président, le député de Bourget, s'il avait
voulu être logique, s'il avait voulu être franc, mais surtout s'il
avait connu quelque chose du ministère de l'Industrie et du Commerce
il n'en connaît rien et il l'a prouvé aurait pu,
à ce moment-là, nous parler soit du manque de réalisations
au ministère de l'Industrie et du Commerce! Comme il ne peut pas le
faire il aurait pu parler, au moins, des réalisations.
Il a dit que le ministère de l'Industrie et du Commerce faisait
des communiqués, annonçait continuellement des nouvelles
implantations, etc. Mais, M. le Président, s'il était au
ministère, il verrait le nombre de lettres qui nous viennent
d'industriels. Il a parlé des grands industriels, en disant qu'on
oubliait les petits et les moyens. Jamais, il n'y a eu tant de petits et de
moyens industriels, de petites et moyennes entreprises qui se disent heureuses
de l'action du ministère, dans l'assistance technique, l'assistance
financière, l'assistance par la recherche, l'assistance par les
paiements d'études de rentabilité pour les petites et les
moyennes entreprises, en particulier pour les aider dans leurs périodes
les plus difficiles.
Jamais a-t-on vu des hommes s'arracher le coeur comme les fonctionnaires
de l'Industrie et du Commerce, à travers la province, qu'il s'agisse des
délégués régionaux ou des conseillers industriels.
Les gens qui sont dans les secteurs manufacturiers, ceux qui connaissent
quelque chose de l'industrie, les députés qu'il y a ici, qui
s'intéressent particulièrement aux choses industrielles, qui sont
près des petites et des moyennes entreprises, savent, eux, ce que ne
savait pas le député de Bourget. Ce qu'il a lu ne correspondait
pas à un grief contre le ministère de l'Industrie et du Commerce.
Ce soir et demain, lorsque les fonctionnaires du ministère de
l'Industrie et du Commerce liront des propos si peu fondés, si peu
sérieux, évidemment ils jugeront, eux, ce que ce dit le Parti
québécois. Quelle politique pourrions-nous attendre de ce parti
et de celui qui en est le leader en Chambre?
M. le Président, on ne sait pas ce qui se passe dans les
comtés. Que le chef parlementaire du PQ aille à Montmagny, dans
le comté de mon ami d'en face. Qu'il aille dans le comté de
Kamouraska.
Qu'il aille demander à la population de Saint-Pascal si on ne se
penche pas sur les petites et les moyennes entreprises. Qu'il aille dans la
ville de Saint-Laurent pour voir la compangie Abex, qui fermait ses portes, et
qui, à cause de l'action du ministère de l'Industrie et du
Commerce, a empêché 600 mises à pied et a
créé 800 nouveaux emplois simplement par l'action dynamique de
gens du ministère de l'Industrie et du Commerce qui ne passent pas leur
temps à faire des discours d'obstruction en Chambre mais qui sont
à l'action.
Je parlais de Montmagny, de Chemcell qui devait fermer ses portes;
aujourd'hui, nous avons, grâce au ministère de l'Industrie et du
Commerce, grâce à ses fonctionnaires et grâce à la
collaboration qu'ils ont su aller chercher, tant du côté du
secteur privé que du secteur public, réussi à faire que
Montmagny va pouvoir vivre et progresser. Pourquoi? A cause de l'action des
gens du ministère de l'Industrie et du Commerce. Même chose pour
l'industrie Boucher, à Saint-Pascal. Qu'on aille aussi dans les petites
industries, comme l'usine de couture de Bonaventure, une petite usine qui
était fermée mais qui est ouverte aujourd'hui. Qu'on regarde
dans le domaine des pêcheries. Partout, les gens du
ministère de l'Industrie et du Commerce, dans tout l'Est du
Québec, sont présents et aident les pêcheurs soit
financièrement, soit par une aide technique. Ces gens-là sont
continuellement à l'oeuvre et seraient écoeurés ce soir,
s'ils étaient présents, d'avoir entendu un discours aussi
négatif que celui qu'a fait le député de Bourget.
De la Société de développement industriel, est-ce
qu'on en a parlé? A peine six mois à l'oeuvre et
déjà il y a deux fois plus de valeurs de prêts consentis
que dans un période semblable précédente. On ne fait que
commencer, on ne fait que mettre en place les structures. Il y a au-delà
de $70 millions de projets à l'étude à la SDI. Il ne le
sait pas, il ne connaît rien là-dedans. Tout ce qu'il a pris,
c'est le petit papier qu'on lui a remis. Il est temps qu'on redevienne
sérieux. Avant de porter des attaques comme celle portée par le
député de Bourget, on devrait au moins avoir un
intérêt dans la chose économique et cesser de rêver
en couleurs comme cela a été traduit par un discours qui
n'était que le reflet d'un penseur théoricien ou simplement d'un
lecteur.
Les nombreuses lettres, les nombreux télégrammes, les
nombreux témoignages que nous recevons quotidiennement au
ministère de l'Industrie et du Commerce de ceux que nous sommes
appelés à aider sont beaucoup plus réconfortants pour
notre équipe, au ministère, que ce genre de discours. Je suis
heureux que ça ne se termine pas par une motion parce que je n'aurais
pas voulu avoir six autres acolytes venir dire de pareilles bêtises.
M. le Président, j'ai dit que je ne serais pas long, je sais
qu'il y en a d'autres qui attendent que l'on passe à l'action. J'aurai
l'occasion de revenir, et ce au tout début de l'année 1972, et je
serai alors en mesure de donner, d'une façon beaucoup plus
complète, la situation économique et l'action du ministère
de l'Industrie et du Commerce de même que des autres ministères
à vocation économique.
Dans l'intervalle, je demanderais au député de Bourget de
repenser à ce qu'il a dit et à ce qu'il aurait dû dire,
à l'attitude complètement négative qu'il a jugé bon
d'utiliser dans un filibuster qui n'est certainement pas à son honneur
ni à celui de son parti. J'espère que, dans un grand sentiment de
prise de conscience collective, on cessera ces débats stériles et
qu'on passera à l'action pour le bénéfice des citoyens du
Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne me lève
pas pour prendre la parole. Simplement, j'observais le député de
Terrebonne applaudir le gouvernement, lui qui est vice-président de
cette Chambre.
M. LE PRESIDENT: La motion est-elle adoptée?
DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'avais
demandé la parole lorsque vous l'avez donnée.
M. LEVESQUE: C'est adopté.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'avais
demandé la parole...
DES VOIX: Trop tard!
M. LEVESQUE: Trop tard!
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... lorsque vous l'avez accordée au
leader parlementaire. J'ai entendu l'observation du leader parlementaire, et
j'ai...
M. LEVESQUE: C'est assez! Le président est parti.
UNE VOIX: C'est un appel au règlement.
M. LEVESQUE: Il ne peut pas revenir pour tout le monde.
M. LESSARD: Cela vous fatigue de faire juger le gouvernement pour ce
qu'il est?
M. JORON: Quelle sorte de démocratie est-ce?
M. TETLEY: Faites-en, des bêtises. M. SHANKS: Le fils à
papa. Etude des crédits
M. HARDY (président du comité des subsides): Affaires
culturelles, article 6.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais tout simplement vous poser
une question. J'ai suivi votre comportement pendant le discours qu'a
prononcé le leader du gouvernement, et je me demande si vous êtes
conditionné à présider nos délibérations
d'une façon tout à fait objective et indépendante.
M. LE PRESIDENT: Je demanderais que l'on attende au moins de voir ce que
je ferai pour juger mon comportement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... prêter des jugements.
M. LOUBIER: M. le Président, je sais que c'est un peu
disgracieux, je sais que c'est pénible pour vous que de vous faire poser
ce genre de question mais, étant donné les débats
antérieurs, l'attitude que vous avez eue à l'endroit des
députés des différentes Oppositions, je pense que la
question du député de Maskinongé est plus que bienvenue.
M. le Président, pour éviter que la fin de ce débat
dégénère de nouveau en invectives, en injures de toutes
parts, pour assurer la pleine sérénité de l'étude
des crédits budgétaires, je vous demanderais, M. le
Président, de réviser votre décision et de permettre
à votre adjoint de prendre votre place.
M. BOURASSA: M. le Président, si je peux demander la
collaboration des Oppositions, je crois que le vice-président a dit
tantôt qu'il serait normal que l'on fasse un essai. Nous sommes à
discuter de questions relativement techniques, je ne vois pas pourquoi,
dès le départ, on l'accuserait de partialité avant
même qu'il n'ait eu la chance d'exprimer son point de vue.
M. LAFONTAINE: C'est sa nature même.
M. LOUBIER: Si le premier ministre avait assisté aux
séances antérieures, il se serait rendu compte qu'à tous
les débats que nous avons eus depuis quelques jours en Chambre il a
fallu que le vice-président donne sa place au président pour
rétablir l'ordre et le décorum en cette Chambre. Je dis
qu'à la fin de cette séance c'est de nature à polluer
grandement les débats et à faire en sorte que l'efficacité
des travaux de cette Chambre soit particulièrement atteinte.
M. BOURASSA: M. le Président, disons que la majorité des
députés en Chambre fait confiance au vice-président et
souhaite qu'il reste à son poste.
M. LOUBIER: M. le Président, vous savez fort bien et le
premier ministre le sait que la présidence est là pour
protéger les droits et les privilèges de l'Opposition. La
présidence est là pour permettre aux membres de l'Opposition de
pouvoir exprimer leur point de vue avec au moins l'assurance que la
présidence représente pour eux une sorte de paratonnerre.
Or, M. le Président, on me force et je trouve ça
aussi pénible que disgracieux à vous dire qu'actuellement,
vous n'avez pas la confiance de la grande majorité et presque
totalité des députés de l'Opposition. Il s'avère
extrêmement difficile pour nous, à ce moment-là, de pouvoir
discuter avec l'assurance que les droits de la minorité seront
protégés. Je pense que ce n'est pas desservir les
intérêts des débats de cette Chambre et que le premier
ministre ne devrait pas tenter désespérément de sauver la
tête de la présidence. C'est pourquoi je réitère mon
invitation que vous quittiez le fauteuil et que votre adjoint prenne votre
place.
M. ROY (Beauce): M. le Président...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Est-ce qu'on a fini cette discussion? Est-ce qu'on
procède...
M. LE PRESIDENT: J'accorde le droit de parole à l'honorable
député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Je voulais tout simplement dire, avant de discuter de
l'article l, qu'à la suite des propos qui ont été tenus,
nous ne voulons pas nous associer à ce débat. C'est tout
simplement ce que je voulais dire.
M. LE PRESIDENT: Article 6.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, un instant...
M. LOUBIER: Si le député, le frère du grand
frère, veut porter des accusations ou faire son fin-fin, qu'il prenne
donc son siège et qu'il participe donc au débat au lieu de s'en
aller dans le coin et assez niaisement prendre je ne sais quoi de liquide et
venir insulter ceux qui veulent prendre part au débat.
M. LE PRESIDENT: Article 6.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président je devrais dire
M. le député de Terrebonne je n'aperçois pas le
ministre des Affaires culturelles qui est responsable d'un ministère
qui, aux yeux de bien des citoyens, n'a peut-être pas la dimension
économique qui en réalité est la sienne. Il y a, en
effet..,
M. BOURASSA : Il va être ici dans quelques minutes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, on peut l'attendre. On peut
réserver et on peut l'attendre.
M. BOURASSA: A moins qu'on commence les Affaires sociales ou un autre
poste.
M. GARNEAU: Les Affaires municipales? M. BOURASSA : Les Affaires
municipales.
M. GARNEAU: Du moment que j'ai vu que la motion allait être
adoptée, j'ai demandé à un de mes adjoints d'aller
chercher le Dr Cloutier, le ministre des Affaires culturelles. J'imagine qu'il
sera ici dans quelques instants. Peut-être qu'on pourrait passer aux
Affaires municipales. M. le ministre des Affaires municipales est ici.
M. LE PRESIDENT: Est-ce le désir des membres du comité de
passer à un autre ministère? Les Affaires sociales?
M. GARNEAU: Les Affaires municipales.
M. LE PRESIDENT: Dans l'ordre du budget, le comité est libre de
choisir le ministère qu'il désire.
M. GARNEAU: Les Affaires municipales.
M. PAUL: Est-ce que le ministre des Affaires municipales pourrait nous
donner la ventilation du montant de $69,000 et plus précisément
nous donner certaines précisions à l'article "honoraires et
commissions" au montant de $25,000? Est-ce que dans ce montant sont compris les
honoraires des avocats qui ont été chargés de
préparer la rédaction du bill 48 et est-ce que ce montant de
$25,000 comprend également certains frais spéciaux qu'on a
dû payer à des évaluateurs pour guider le ministre dans la
préparation de son projet de loi 48?
M. TESSIER: Pas du tout. Cela n'a aucun rapport avec le bill 48 ni de
près ni de loin. Le montant de $25,000 est le coût du
comité d'étude sur le transport en commun de la ville de Laval.
Pour le détailler, trois personnes ont été engagées
pour mener à bien cette étude sur le transport en commun. Ce sont
M. Raymond Lacasse, qui avait déjà fait des études
préalablement en ce qui concerne le transport en commun sur la rive-sud
de Montréal de même que pour la Communauté urbaine de
Québec, à qui nous avons payé des honoraires au montant de
$7,012.20. Le deuxième membre de cette" commission d'étude
était M. Robert Filiatreault qui a produit un compte d'honoraires de
$9,303.68 et, enfin, le troisième membre de cette commission
d'étude était Me Adolphe Prévost qui a produit un compte
d'honoraires de $9,000, pour un grand total de $25,315.88.
M. ROY (Beauce): M. le Président, au ministère des
Affaires municipales, ici, il y a un montant à la Commission municipale
de Québec. Est-ce que vous êtes au poste 1 ou au poste 13, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT: Nous sommes encore au poste 1.
M. ROY (Beauce): Vous êtes encore au poste 1.
Alors, j'aurais une question d'ordre général à
poser parce qu'elle revient dans la plupart des ministères. Lorsqu'il
s'agit d'administration, honoraires et commissions, est-ce qu'il s'agit de
personnel additionnel ou s'il s'agit d'augmentations de salaire, par exemple,
qui auraient été accordées aux employés au cours de
l'année?
M. TESSIER: Non.
M. ROY (Beauce): Cela revient.
M. TESSIER: Je viens de donner toutes les explications. Il s'agit de
trois personnes qui ont été engagées à titre
temporaire pour étudier toute la question du transport en commun dans la
ville de Laval. Elles ont soumis leur mémoire, leurs recommandations, ce
qui a donné lieu, par la suite, à l'adoption d'une loi
spéciale, si le député s'en souvient, qui a formé
une commission du transport en commun à Laval.
Pour compléter, peut-être la réponse au
député de Maskinongé, puisqu'il m'a demandé, au
poste 1 en général, de donner des détails sur le montant
de $69,600, le deuxième montant de $4,200 était pour les frais de
bureau ayant trait à la conférence provinciale-municipale
à Québec, les 27 et 28 mai 1971. Le montant de $44,400 est
également des dépenses qui ont été encourues pour
la conférence provinciale-municipale qui, en somme, a coûté
en tout la somme de $44,600. Le montant a été avancé par
le ministère des Finances à la suite des minutes du Conseil du
trésor. Il s'agit maintenant de rembourser le ministère des
Finances pour autant.
M. LOUBIER : En quoi consistaient principalement ces dépenses?
Est-ce que c'était pour la location de salles?
M. TESSIER : Oui, il y a eu la location de la salle du
Colisée.
M. LOUBIER: Est-ce que le ministre a le détail, rapidement?
M. TESSIER: Oui, j'ai tout le détail. Voici, cela comprend la
location de la salle de l'Exposition provinciale, $2,600. Il y avait des
étudiants qui ont été engagés et qui nous avaient
été envoyés par le ministère de l'Industrie et du
Commerce; ils avaient été engagés pour Terre des hommes;
ils venaient de Montréal; il y en avait 20 environ; cela a
coûté, pour les salaires, repas, taxis, etc., $1,400; il a fallu
les loger à Québec et cela a coûte $518.66;...
M. LOUBIER : En plus de la somme de $1,400.
M. TESSIER: Oui, en plus de la somme de $1,400. ... le transport par
train de Montréal à Québec, aller et retour, $142.50.
Ensuite, une réception a été donnée aux maires,
c'est-à-dire, que nous leur avons payé un repas ce n'est
pas une réception mais un repas que nous leur avons payé un midi
et cela a coût $1,200. Le ministre des Affaires municipales a
reçu, à cette occasion-là, au Cercle universitaire, les
maires de Montréal et de Québec, les présidents des deux
communautés urbaines, le ministre des Affaires municipales du
Nouveau-Brunswick ainsi que quelques autres fonctionnaires qui les
accompagnaient et cela a coût $88.22. Tantôt, j'ai mentionné
la location de la salle à l'Exposition provinciale à la ville de
Québec, $2,600, cela a été le gros montant. Location de
haut-
parleurs pour la conférence, $50. Il y avait également des
officiers de sécurité qui étaient là pour diriger
les gens, maintenir l'ordre et les renseigner, cela c'était la
Sécurité Canadiana Incorporée, $429.75.
M. LOUBIER: Si le ministre me permet, M. le Président, je ne
voudrais pas être ennuyeux mais ce que je décèle de tout
cela, pourquoi avoir fait venir 20 étudiants de Montréal alors
qu'au mois d'avril, je ne sache pas que Terre des Hommes soit ouverte?
M. TESSIER: Non.
Deuxièmement, pourquoi avoir payé pour eux environ $700 de
plus que si on avait pris des étudiants de la région de
Québec?
M. TESSIER: C'est que ce sont des étudiants qui avaient
travaillé au pavillon du Québec à Terre des Hommes
l'année précédente. Par conséquent, ils avaient
acquis de l'expérience et le ministère de l'Industrie et du
Commerce s'étant informé où on pouvait trouver des
hôtes et des hôtesses il y avait les deux, des jeunes gens
et des jeunes filles vu leur expérience, nous les avons
engagés.
M. LOUBIER: Il y a des étudiants et des hôtesses ici
à Québec aussi.
M. TESSIER: Oui, d'accord, mais peut-être qu'ils n'avaient pas
autant d'expérience que ceux-là, étant donné qu'ils
avaient travaillé, durant la saison précédente à
Terre des Hommes au pavillon du Québec. Vu leur expérience et le
fait qu'ils avaient déjà leur costume aussi, en plus
c'était déjà quelque chose nous les avons pris.
Nous aurions pu en prendre à Québec, bien entendu, mais ils
n'auraient peut-être pas eu autant d'expérience.
M. LE PRESIDENT: Maintenant...
M. TESSIER: On me dit également, M. le Président, qu'on
avait demandé des soumissions pour cela et que les soumissions qui nous
ont été données par certains organismes de Québec
étaient sensiblement plus élevées.
M. LOUBIER: Est-ce qu'il y a une nouvelle politique adoptée par
le gouvernement et plus spécifiquement tolérée ou
acceptée par le ministre des Finances à l'effet que les ministre
aient un compte de dépenses, c'est-à-dire qu'en plus du compte de
dépenses fixe qui est alloué aux ministre ils peuvent, par
surcroît, faire des réceptions et en faire payer les frais par le
gouvernement? Je pense que c'est une politique tout à fait nouvelle.
M. TESSIER: M. le Président, à ma connaissance, c'est une
chose qui a toujours existé, à ce qu'on me dit, lorsqu'il y a des
congrès...
M. GARNEAU: Cela a à ce point existé, M. le
Président qu'après mon assermentation, dès les
premières réunions que j'ai présidées au Conseil du
trésor, j'ai eu des comptes de ministres de l'ancien gouvernement, ce
qui était tout à fait normal et je n'en ai pas fait un
blâme. Nous avons payé les réceptions. Dans le cadre de ses
responsabilités je ne conçois pas qu'un ministre qui
reçoit à déjeuner les maires des villes de Montréal
et de Québec, des communautés urbaines, un ministre du
Nouveau-Brunswick et certains hauts fonctionnaires de son ministère,
à l'occasion d'un congrès, soit obligé de payer de sa
poche. C'est tout simplement normal, c'est dans le cadre de ses
activités et cela s'est toujours fait ainsi.
M. TESSIER: Et je crois qu'on le fait exclusivement à l'occasion
de congrès ou de manifestations spéciales, comme la
conférence provinciale-municipale. Evidemment, il n'est pas question
pour un ministre de le faire lorsqu'il reçoit même un
collègue d'une autre province en dehors d'une manifestation
quelconque.
M. LOUBIER: Sauf dans les événements officiels?
M. TESSIER: Oui.
M. LOUBIER: D'accord.
M. TESSIER: C'est toujours ainsi que je l'ai compris et c'est uniquement
dans ces circonstances, d'ailleurs, que les réceptions ont
été payées.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): Article 1, adopté.
M. BURNS: M. le Président, simplement une question. Il a
été fait référence, il y a quelques instants, par
le ministre à des conférences provinciales-municipales. Est-ce
que le ministre a l'intention d'institutionnaliser ces conférences?
M. TESSIER: Je l'espère bien.
M. BURNS: Vous l'espérez bien, mais est-ce qu'il y a moyen
d'avoir un petit peu plus de détails. Est-ce que vous avez, entre
autres...?
M. TESSIER: Tout ce que je peux dire, c'est qu'il n'y a pas encore eu de
décision définitive de prise pour une prochaine conférence
provinciale-municipale. Je crois que le résultat ayant tellement
été bon, cette année, il y aurait lieu de continuer cette
coutume.
M. BURNS: Est-ce que le ministre a discuté, entre autres, avec
l'Union des municipalités à ce sujet?
M. TESSIER: Bien évidemment, on a discuté quant
à...
M. BURNS: Au sujet de l'institutionnalisation dans...
M. TESSIER: On n'en a pas reparlé depuis ce temps.
M. BURNS: Depuis la conférence... M. TESSIER: Non.
M. BURNS: ... provinciale-municipale, il n'y a pas eu d'autre...
M. TESSIER: Non, le sujet n'est jamais revenu sur le tapis. Mais,
évidemment, avec le début de la prochaine année, il faudra
commencer à y songer.
M. BURNS: Mais cela figure dans les plans du ministre?
M. TESSIER: Oui.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté. Article 13?
M. ROY (Beauce): A l'article 13, M. le Président, honoraires et
commissions, je vous demanderais des détails se rapportant au paragraphe
1, mais surtout au paragraphe 3. En quoi consistent ces honoraires et ces
commissions?
M. TESSIER: A l'article 13? M. ROY (Beauce): C'est ça.
M. TESSIER: Un instant. L'article 13-3), $43,000, concerne
l'enquête de la Commission municipale à Saint-Léonard. Cela
comprend l'engagement de deux procureurs, de même que la transcription
des notes sténographiques.
M. BOIS: Il y a eu combien de temps de travail là-dessus, M. le
ministre?
M. TESSIER: L'enquête a commencé au mois de septembre et
elle se poursuit encore à raison, en moyenne, de deux journées
d'enquête par semaine.
M. LESSARD: M. le Président, on nous dit que l'enquête se
poursuit. Est-ce qu'on a déterminé une limite à cette
enquête-là ou si on va continuer éternellement de demander
les montants additionnels sans jamais recevoir de rapport? Est-ce que le
ministre a fixé une limite?
M. TESSIER: Il n'y a pas de limite, mais la Commission municipale est
censée terminer son enquête en dedans de six mois. Elle ne doit
pas dépasser ce délai. Maintenant, c'est à la Com- mission
municipale elle-même de juger lorsqu'elle aura suffisamment de preuves et
qu'elle aura enquêté sur suffisamment de points pour être en
mesure de présenter son rapport.
M. LESSARD: Cette enquête est faite par la Commission
municipale?
M. TESSIER: C'est bien ça.
M. DEMERS: Est-ce qu'on peut avoir les noms des procureurs?
M. TESSIER: Oui, avec plaisir. La Commission municipale a demandé
deux procureurs et j'ai communiqué avec mon collègue, le ministre
de la Justice. Ce n'est pas le ministère des Affaires municipales qui
les a nommés; c'est le ministre de la Justice. Il s'agit de Me Marc-E.
Cordeau et de Me Jacques Richard, tous deux du Barreau de Montréal.
M. LESSARD: Il ne s'agit pas du tout de fonctionnaires de la Commission
municipale?
M. TESSIER: Non.
M. LESSARD: Ce sont deux procureurs complètement
indépendants de la Commission municipale.
M. TESSIER: Le ministère des Affaires municipales n'a pas de
fonctionnaires membres du Barreau. Le service juridique au ministère des
Affaires municipales est constitué d'avocats qui sont
prêtés par le ministère de la Justice.
M. LOUBIER: Quel est le nom de l'étude?
M. TESSIER: Me Cordeau fait partie de l'étude Desjardins,
Ducharme, Cordeau et Tellier, 620 Dorchester Ouest. Quant à Me Jacques
Richard, il semble pratiquer seul au 827 Décarie, à ville
Saint-Laurent.
M. DEMERS: C'est l'ancienne étude de Choquette?
M. TESSIER: Je ne puis dire.
M. BURNS: Oui, c'est ça. Desjardins, Ducharme Choquette,
Cordeau.
UNE VOIX: Est-ce que ça s'améliore?
M. VINCENT: Le ministre vient de mentionner que le ministère n'a
pas de fonctionnaires qui sont membres du Barreau. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. TESSIER: C'est-à-dire que le service juridique au
ministère des Affaires municipales est composé d'avocats qui sont
payés par le ministère, mais qui appartiennent au
ministère de la Justice. C'est ce que j'ai dit tout à
l'heure.
M. LE PRESIDENT: Adopté?
DES VOIX: Adopté.
M. PAUL: On ne vous reconnaît plus.
M. LOUBIER: Vous collaborez, c'est merveilleux.
M. LE PRESIDENT: Affaires sociales, article 2?
DES VOIX: Adopté.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'aurais une couple de
questions à poser au ministre avant qu'on l'adopte, parce que j'ai
entendu crier adopté. Je voudrais d'abord demander au ministre si les
crédits demandés à honoraires et commissions s'appliquent
à la Commission Castonguay-Nepveu, étant donné qu'il nous
avait dit, lors de l'étude des prévisions budgétaires au
mois de juin ou juillet, que ses fonctionnaires avaient oublié
d'inscrire aux prévisions budgétaires les sommes
nécessaires pour l'année en cours.
Est-ce que le ministre voudrait nous donner des détails sur les
travaux de la commission, sur les échéanciers, sur les
différentes étapes qui restent à parcourir, avant la
remise du rapport final?
M. CASTONGUAY: C'est exact, M. le Président. Au moment de
l'étude des crédits, la commission d'enquête devait
terminer ses travaux pour le 31 décembre et aucune prévision n'a
été inscrite dans les crédits du ministère. Comme
vous le savez, nous avons regroupé d'une façon différente
les postes, et c'est probablement la raison de cet oubli. Depuis, la commission
a demandé une extension de son mandat, extension qui lui a
été accordée jusqu'au 31 mars 1972 et c'est la raison pour
laquelle, dans ce poste 2, article 1, sous-article 3: $245,000, un montant est
prévu pour honoraires et commissions, pour les travaux de la commission
d'enquête. Maintenant, comme l'ancien ministre le sait, ces travaux ou
ces contrats d'étude sont décidés par la commission et
nous n'exerçons aucun contrôle spécifique, nous n'avons pas
refusé ou accepté les études demandées, une par
une, mais plutôt transmis au Conseil du trésor les demandes de la
commission.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre pense que ce sera
définitivement le dernier délai, le 31 mars 1972, ou s'il y en
aura d'autres qui seront demandés?
M. CASTONGUAY: La dernière fois que j'ai parlé avec le
président de la commission, il y a environ un mois, je dirais, le
président m'a dit que, normalement, à moins de quelque chose de
tout à fait imprévu à ce moment-là, et il ne semble
pas croire qu'un tel imprévu pouvait se produire, les travaux seraient
terminés pour le 31 mars.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'on est à rédiger la
dernière tranche du rapport, les services sociaux?
M. CASTONGUAY: Il m'a dit, justement, être à la phase de
rédaction, d'intégration des diverses études.
M. LE PRESIDENT: Le poste 2, adopté? M. CLOUTIER (Montmagny):
Non, non!
M. BOIS: J'aurais justement une question, M. le Président. La
question du rapport Nep-veu-Castonguay, alors, M. le député de
Montmagny l'a posée. Maintenant, dans la question des frais de bureau,
à l'article 1, sous-article 4, est-ce que ce sont des frais
supplémentaires pour l'administration générale des bureaux
des Affaires sociales? A quoi est-ce que cela s'applique exactement?
M. CASTONGUAY: Ici, les frais supplémentaires de $130,000 au
sous-article 4, sont pour le ministère. Comme vous le savez, au cours de
l'année, nous avons procédé à l'intégration
des deux ministères. Dans certains cas, ceci a occasionné des
dépenses moins élevées, dans d'autres cas, des
dépenses plus élevées. Un tel regroupement rendait les
prévisions plus difficiles et ici, nous avons estimé à
$130,000 les frais de bureau et c'est la seule et unique raison de cette
demande de crédits qui provient d'une situation temporaire, où
les prévisions s'avéraient plus difficiles.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au sous-article 5, de quoi s'agit-il: $90,000
pour les communications?
M. CASTONGUAY: Pour les communications, il s'agit ici d'un sous-article:
Nous envoyons maintenant à tous les bénéficiaires de
l'aide sociale d'ailleurs, cela a déjà été
mentionné ici en Chambre, je crois, tous les bénéficiaires
qui sont considérés comme étant aptes au travail
une formule AS-7, avec une enveloppe affranchie, et nous demandons aux
bénéficiaires de nous retourner cette enveloppe. Il s'agit, ici,
d'un contrôle qui s'avère nécessaire, croyons-nous, pour
déterminer si les gens sont toujours admissibles à l'aide
sociale. Et comme l'enveloppe doit être préparée,
affranchie, cela représente les frais de cette opération de
contrôle.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est retourné au central, au
ministère ou dans les bureaux locaux du ministère?
M. CASTONGUAY: La formule est retournée au ministère.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au ministère. Est-ce que le ministre
pourrait nous donner des détails sur les services contractuels au
montant de $255,000?
M. CASTONGUAY: Au sous-article 11, services contractuels, vous avez
$134,000 de dépenses à la commission d'enquête. Comme vous
le savez, dans un bon nombre de cas, la commission d'enquête a ses
propres dépenses de fonctionnement, de location, etc. Il s'agit des
dépenses de la commission d'enquête pour son exercice.
Les $121,000 additionnels concernent le travail qui est en voie
d'être effectué au plan de l'informatique de telle sorte que le
système de l'administration de l'aide sociale, au cours des mois de
janvier ou février 1972, soit transféré et effectué
sur un ordinateur au ministère même. Il s'agit de travaux
d'informatique liés à l'administration de l'aide sociale.
M. BOIS: Est-ce que l'article 1, sous-article 11, par exemple, devient
quasiment un addendum à l'article 1, sous-article 3?
M. CASTONGUAY: Il y en a une partie dans l'article 1, sous-article 3, et
une autre dans l'article 1, sous-article 11, qui se rapportent à la
commission d'enquête. Une partie est honoraires et commissions; l'autre,
les services contractuels pour le fonctionnement de la commission.
M. BOIS: La différence, M. le ministre, s'applique à
quoi?
M. CASTONGUAY: Dans le cas de l'article 1, sous-article 11, cela
s'applique au service d'informatique du ministère.
M. ROY (Beauce): Est-ce que le miristre pourrait nous dire quel est le
montant précis, dans les sous-articles 3 et 11, qui est appliqué
à la commission d'enquête?
M. CASTONGUAY: Dans le cas de l'article 1, sous-article 3, le montant
appliqué à la commission d'enquête est de $133,300 et, pour
les besoins additionnels d'usage général du ministère, de
$111,000.
M. ROY (Beauce): Au sous-article 11, quel est le montant pour la
commission d'enquête?
M. CASTONGUAY: Au sous-article 11, le montant est de $134,000 pour la
commission d'enquête et de $121,000 pour les services d'informatique.
M. ROY (Beauce): En somme, il s'agit de $267,300 pour la commission
d'enquête?
M. CASTONGUAY: C'est cela.
M. LE PRESIDENT (Hardy): Est-ce que le poste 2 est adopté?
Adopté.
DES VOIX: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Poste 3.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au poste 3, M. le Président, il s'agit
d'un poste important de $800,000. Est-ce que le ministre peut nous
décrire le mécanisme qui a été utilisé pour
engager 250 employés occasionnels aux postes des bureaux
régionaux et locaux pour ensuite les intégrer dans la fonction
publique?
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord donner la
justification de l'opération. Comme vous le savez, nous avons mis la loi
en vigueur le 1er novembre dernier. Le nombre de bureaux qui étaient en
activité à ce moment-là était de l'ordre d'environ
89. Ils se sont avérés, au cours de l'année ou dans les
quelques mois qui ont suivi la mise en vigueur de la Loi de l'aide sociale,
plus ou moins adéquats, dans un certain nombre de cas, pour
répondre à la demande, avec le résultat que nous avons
scindé un certain nombre de bureaux, l'expérience ayant
été que les bureaux où le nombre de cas était de
l'ordre de 5,000 ou 6,000 s'avéraient très difficile à
administrer. C'est dans ces bureaux que nous avons eu le plus de
problèmes.
Il y a eu une division de bureaux dans tous ces cas où le nombre
s'avérait trop élevé, ce qui a nécessité,
dans un premier temps, une certaine augmentation du personnel.
Deuxièmement, la répartition des dossiers dans les bureaux ne se
fait pas d'une façon purement mathématique. Il y a des facteurs
de distance dont on doit tenir compte, aussi de la nature de ces cas.
Dans le regroupement des dossiers par bureau, il n'est pas toujours
possible de maintenir exactement la norme. En plus, nous avons
procédé au cours de l'hiver à la révision des
dossiers, ce qui a apporté des changements. Il y a eu également
le supplément du revenu garanti qui a été augmenté,
ce qui a occasionné un certain nombre de changements dans la composition
des bénéficiaires avec le résultat que pendant une bonne
partie de l'année le nombre de bénéficiaires dans les
bureaux a été sujet à variation.
Nous avions de plus, l'automne dernier, intégré, sur une
base d'essai, un nombre assez considérable de professeurs des anciennes
écoles techniques qui n'étaient pas retournés à
l'enseignement; nous les avons mis à l'essai dans les bureaux d'aide
sociale. Alors, c'est un autre facteur qui est venu s'ajouter dans ce cas-ci.
Le résultat fut que, pour faire face à la demande, avec tous ces
facteurs, toutes ces variations, le fait aussi qu'il y avait une partie de
fonctionnaires qui étaient plus ou moins aptes à rester de
façon permanente je pense aux enseignants nous
avons fait une première demande au Conseil du trésor pour un
nombre de postes à titre d'occasionnels en attendant que la situation se
stabilise.
Après ça, le ministère de la Fonction publique et
le Conseil du trésor ont fait une analyse détaillée de la
situation et ont approuvé, sur une base permanente, 245 postes de
fonctionnaires réguliers, soit 111 agents de sécurité
sociale et 134 agents de bureau.
On a fait aussi une étude du travail dans les bureaux et il s'est
avéré qu'il serait utile, nécessaire d'engager un plus
grand nombre d'agents de bureaux pour les tâches purement administratives
afin de libérer des agents de sécurité sociale, leur
permettre de faire leur travail auprès des personnes qui demandent de
l'aide sociale, faire les visites qui s'imposent à domicile, etc.
C'est de cette façon que nous avons procédé
vis-à-vis du ministère de la Fonction publique et le Conseil du
trésor. Celui-ci et le ministère de la Fonction publique ont
approuvé les postes, je ne me souviens pas exactement à quel
moment, mais ça s'est fait au cours des dernières semaines.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais poser des
questions au ministre afin que ce soit un peu plus précis. Il nous a
donné, dans les grandes lignes, le mécanisme. Il nous a dit
pourquoi il était nécessaire d'avoir recours à du
personnel occasionnel. Vous admettrez que 250 employés ça
commence à être un nombre important dans le fonctionnarisme.
Le ministre nous a dit qu'une partie de ces employés provenait du
ministère de l'Education, c'étaient des enseignants des
écoles techniques autrefois qui n'avaient pu être reclassés
ailleurs dans la fonction publique et dont les services ont été
requis comme employés occasionnels.
Combien y en a-t-il, sur les 245 postes permanents, qui ont
été remplis par des enseignants de ce type qui étaient
dans le réservoir et qui ont été intégrés?
Est-ce que le ministre a des chiffres?
M. CASTONGUAY: Je ne suis pas en mesure de répondre à
cette question présentement.
M. LOUBIER: Le ministre nous disait, tout à l'heure, qu'il y
avait, je pense, 111 agents de bureau.
M. CASTONGUAY: Cent onze agents de sécurité sociale et 134
agents de bureau.
M. LOUBIER: A l'intérieur de ce nombre-là, il n'y a pas
d'enseignants?
M. CASTONGUAY: Quand j'ai parlé des enseignants, j'ai
parlé des facteurs qui rendaient difficile la détermination du
nombre de postes à créer pour les agents de
sécrutié sociale et les agents de bureau. Un des facteurs que
j'ai mentionnés, outre ceux de la révision des dossiers, de la
multiplication des bureaux et de la répartition des dossiers entre les
bureaux, c'est que nous avions un certain nombre d'enseignants et qu'il
n'était pas possible de déterminer combien demeureraient en
fonction. Nous les avons mis à l'essai, au départ. Dans certains
cas, cela s'est avéré un succès; dans d'autres cas, cela
ne s'est pas avéré un succès. Il nous a fallu alors aller
recruter d'autres personnes pour les remplacer.
M. LOUBIER: Il y avait 111 agents de bureau. Combien y avait-il d'agents
de sécurité?
M. CASTONGUAY: Il y avait 134 agents de bureau et 111 agents de
sécurité sociale dans les 245 postes de fonctionnaires
réguliers.
M. LOUBIER: Est-ce que les professeurs dont vous parliez tout à
l'heure, qui avaient le statut de techniciens, sont inclus dans ce nombre de
245?
M. CASTONGUAY: Est-ce qu'ils sont inclus là-dedans?
M. GARNEAU: Si je peux répondre sommairement, c'est qu'à
la suite de la fermeture ou de l'intégration des écoles
techniques au ministère de l'Education il y a eu toute une série
de professeurs qui étaient en disponibilité. Qu'est-ce que vous
voulez que je réponde?
M. LOUBIER: Quel est le nombre? On veut le savoir, tout simplement.
M. GARNEAU: Je ne peux pas dire le nombre précis.
M. LOUBIER: Est-ce dans l'ordre de 10, de 20, de 30 ou de 40?
M. GARNEAU: De mémoire, il y en a eu à peu près
190, au départ, qui ont été référés.
Ce sont des gens qui étaient déjà payés par le
gouvernement et qui étaient à ne rien faire chez eux. Ces
gens-là ont eu des choix, à un moment donné, de retourner
dans les commissions scolaires.
M. PAUL: Ils avaient jusqu'au 30 août 1970.
M. GARNEAU: Cela dépend du moment où ils sont
entrés où ils sont redevenus disponibles au ministère de
la Fonction publique. Il y en avait qui étaient là depuis six
mois et d'autres, depuis un an. Il y en a même, parce ces gens-là,
qui, une fois qu'ils ont reçu une affectation, ont
démissionné parce qu'ils étaient à ne rien faire,
qu'ils avaient accepté d'autres fonctions ou qu'ils attendaient que le
gouvernement leur
dise: Voici, vous devez vous présenter à tel endroit
à tel moment. Il y en a un certain nombre qui ont
démissionné. De mémoire, c'est à peu près
130 professeurs qui sont restés au ministère des Affaires
sociales et les autres, ce sont des gens qui ont été
recrutés.
M. LOUBIER: Pour couper au plus court, est-ce que l'on pourrait avoir le
dépôt de la liste de ces 245 fonctionnaires qui sont
engagés sur une base permanente? Est-ce que l'on pourrait déposer
la liste demain?
M. CASTONGUAY: J'imagine qu'elle n'est pas dressée dans cette
forme-là. De toute façon, je peux, avec grand plaisir la faire
préparer.
M. PAUL: Le ministre peut-il nous dire...
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay me demande, depuis
fort longtemps, la parole, je l'avais donnée à l'honorable
député de Montmagny. Je reconnais l'honorable
député de Saguenay.
M. LESSARD: A la réponse que faisait, tout à l'heure le
ministre à la question du député de Montmagny me satisfait
plus ou moins. Je voudrais savoir, premièrement, quelles sont les normes
et les critères d'engagement; quelles sont les qualifications requises
pour devenir agent de bureau; le nombre d'années d'études et
l'expérience requises. De quelle façon est fait l'engagement?
Est-ce par le directeur du bureau local, par le directeur
régional ou est-ce qu'il y a eu publicité et annonces dans les
journaux régionaux? Et est-ce qu'il y a des concours pour ces postes?
Pour ma part, je ne suis pas particulièrement impressionné par
certains fonctionnaires à l'intérieur de ces bureaux. J'aimerais
bien, M. le Président, qu'on me donne des réponses
précises à ce sujet.
M. CASTONGUAY: M. le Président, comme vous le savez, la plupart
de ces questions relèvent de mon collègue, le ministre de la
Fonction publique. Les normes d'engagement, les procédures de concours
et d'émission de listes, etc., sont sous le contrôle de mon
collègue. Il n'est pas ici ce soir, mais de mémoire, je ne suis
pas en mesure de vous dire quelles sont ces normes pour un agent de
sécurité sociale ou pour un agent de bureau, etc.
M. LESSARD: Je n'ai pas eu connaissance qu'il y ait eu des annonces, de
la part du ministère de la Fonction publique. De toute façon,
est-ce qu'il pourrait y avoir dépôt des listes à ce sujet?
Est-ce qu'il pourrait y avoir aussi annonces, c'est-à-dire copies des
annonces qui auraient été publiées dans les journaux
régionaux de façon qu'on sache exactement... A l'intérieur
de ces annonces, il doit y avoir normalement des critères. Qu'est-ce
qu'un agent de bureau? Nous voulons savoir cela. Actuellement, je suis
obligé d'aller souvent dans les bureaux du ministère, de voir
quels sont les critères qu'on prend et je me pose encore des questions.
Alors, M. le Président, je me rallie à la demande qui vient
d'être faite: dépôt des listes avec copies d'annonces, s'il
y a lieu, contenant les critères, les normes, les concours, etc.
M. CASTONGUAY: Très bien, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
M. BOIS: M. le Président, le ministre a mentionné tout
à l'heure que, dans les bureaux des Affaires sociales, vous en aviez 89,
et que vous aviez scindé certains bureaux. Est-ce que ce nombre a
été augmenté de beaucoup? Est-ce que vous avez la
quantité des bureaux qui ont dû être ajoutés pour des
fins d'administration?
M. CASTONGUAY: Le nombre, présentement, est, à peu
près, de 126 ou 127 bureaux. Nous en avons ouvert, au cours des
dernières semaines, un certain nombre. Je ne suis pas capable de vous le
donner à l'unité près. Mais nous sommes rendus à
126 ou 127 bureaux.
M. BOIS: Alors, M. le Président, là-dedans, il y a une
bonne partie des traitements qui sont inclus dans l'article que vous
déposez ici.
M. CASTONGUAY: Dans le sous-article 3, ce sont exclusivement des
traitements pour ce personnel.
M. BOIS: D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, sur cette question des
employés dits occasionnels, on a demandé tout à l'heure
des dépôts de listes. Je voudrais que nous nous entendions bien.
Je voudrais que soient déposés: d'abord la liste complète
des 245 nouveaux postes permanents, les noms, les comtés, les bureaux
où sont envoyés ces gens-là, à quel moment ces
gens-là sont-ils devenus employés occasionnels, à quel
moment sont-ils devenus employés permanents, quelles ont
été les qualifications requises, et est-ce qu'on peut fournir
copie des listes d'éligibilité émises par la Fonction
publique dans chacun des cas avec les dates très précises des
engagements pour chacun des comtés et chacun des cas.
M. PINARD: Marié, célibataire, catholique ou
protestant!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, la question que je
pose est sérieuse, et je
sais que le ministre va y répondre sérieusement. Donc, M.
le Président, je résume: copie, d'abord, de la liste
complète, comportant tous les noms des 245 postes dont il s'agit, leur
répartition par comté, les bureaux où ils se trouvent
affectés, à quel moment ils ont été engagés
comme employés dits occasionnels. A quel titre, d'ailleurs, selon quels
critères, compétence et qualifications. A quel moment ils ont
été déclarés employés permanents. A quel
moment se sont tenus les concours. Et est-ce qu'on peut en même temps
joindre copie de la liste d'éligibilité pour chacun de ces
fonctionnaires? Quelquefois, il s'agit de listes qui comportent un certain
nombre de noms. La question est bien précise, là.
M. CASTONGUAY: Je puis déposer tous ces documents, mais je ne
suis pas convaincu qu'il est possible de colliger tous ces documents dans
quelques heures, par contre. Mais je vais les déposer.
M. VINCENT: Tous ces documents devaient certainement accompagner la
demande à la Trésorerie.
M. CASTONGUAY: D'accord. J'ai dit que je vais les déposer...
M. PINARD: On va vous donner un examen médical.
M. CASTONGUAY: Je vais les déposer, mais je dis que je ne suis
pas convaincu que le tout puisse être colligé dans quelques
heures. Je vais les déposer, ces documents.
M. VINCENT: M. le Président, le ministre de la Voirie a dit
quelque chose?
M. le Président, je pourrais peut-être dire au ministre des
Affaires sociales que, pour que ces employés occasionnels soint
payés à titre permanent, il fallait nécessairement que le
Conseil de la Trésorerie ait une liste d'éligibilité. Il
fallait nécessairement que le Conseil de la Trésorerie ait
également, de la part du ministre, un C.T. donnant tous les noms, dates
d'entrée en fonction. Donc tous ces documents sont déjà
prêts, parce que le ministre des Finances, comme responsable de la
Trésorerie...
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire remarquer juste une chose?
Ils n'ont pas été engagés dans un bloc. Cela s'est fait au
cours du temps. Je vais les obtenir mais la seule remarque que j'ai faite est
que je n'étais pas assuré que tout ceci pouvait être
colligé dans quelques heures. C'est tout ce que j'ai dit.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord.
M. DEMERS: On a le temps, on n'est pas pressé.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait
également nous dire combien de ces employés ont été
l'objet d'une mutation? Le ministre a parlé d'un certain nombre de
fonctionnaires venant du ministère de l'Education. Est-ce que le
ministre pourrait nous donner le nombre de mutations? Et ensuite, nous dire
combien seraient entrés sans passer par la Commission de la fonction
publique?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre nous a dit tantôt qu'il avait
ajouté presque 40 bureaux. Il part de 89 et il est rendu à 126 ou
127.
Il n'y a rien dans les crédits supplémentaires pour
l'ouverture de ces 40 bureaux; évidemment, je comprends qu'il y a du
personnel mais il y a aussi d'autres frais qui suivent. Est-ce qu'il est
capable avec les crédits déjà votés au
début de l'année sans que nous ayons des crédits
additionnels, de faire fonctionner ces bureaux jusqu'au 31 mars sans demander
à la Chambre d'autres crédits?
M. CASTONGUAY: M. le Président, dans les montants aux autres
postes, pour l'administration, il y a peut-être eu virement de
crédits mais il n'est pas demandé de montants pour la location de
ces bureaux ou encore des frais de téléphone ou autres,
spécifiquement pour ces bureaux.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre pourrait aussi nous
préparer la liste, même si nous ne l'avions pas tout de suite, de
ces nouveaux bureaux ouverts, les 40 postes de service?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: Pour revenir sur les qualifications de ces agents de
sécurité et agents de bureau, le ministre nous a dit tout
à l'heure que les critères relevaient du ministère de la
Fonction publique; mais, étant donné que ces agents doivent quand
même accomplir des fonctions qui regardent les Affaires sociales, est-ce
que le ministère a quand même émis ses propres normes quant
au type de personnel qu'il voulait avoir, le genre de formation que devaient
posséder ces gens-là? Deuxièmement, une fois que ces
gens-là sont acceptés, sont au travail, est-ce qu'il y a une
formation en cours d'emploi?
M. CASTONGUAY: Quant à la première question, M. le
Président, les premières normes
ont dû être faites par la Fonction publique sous l'ancien
gouvernement. Depuis, avec l'expérience d'une année
d'administration de l'aide sociale, au cours de l'été et de
l'automne, en association avec les étudiants en maîtrise de la
faculté des sciences de l'administration de l'université Laval,
nous avons étudié les fonctions spécifiques de ces agents
pour réviser les normes d'engagement. Et ce travail est, à toutes
fins pratiques, terminé. Nous allons le transmettre à la
Commission de la Fonction publique de telle sorte que certains changements
soient apportés aux normes. C'est de cette façon que nous nous
sommes associés, depuis que je suis dans ce ministère, à
la révision des normes de qualification des agents.
M. LAURIN: L'essentiel, est-ce que vous pouvez nous dire que les normes
seront beaucoup plus élevées ou plus spécifiques
qu'auparavant?
M. CASTONGUAY: Je n'ai pas pris connaissance du rapport, M. le
Président. Quant à la deuxième question, nous avons
élaboré un programme de formation et, justement, dans ce
programme de formation nous avons voulu associer d'abord les agents, les
directeurs de bureau et nous leur avons adressé, dans un premier temps,
un questionnaire qui visait à déterminer ou à
déceler quels étaient les aspects ou quels sont les aspects de la
loi avec lesquels les agents ont le plus de difficultés, les types de
renseignements qui leur sont demandés qui leur donnent le plus de
difficultés, parce que les renseignements ne sont pas toujours
spécifiquement reliés directement à la loi.
Nous avons fait de même avec les agents de bureau et avec les
directeurs de bureau, et au cours des rencontres périodiques que les
directeurs régionaux ou les coordonateurs régionaux auront avec
les officiers du ministère, un programme de formation a
été élaboré. Dans ce programme de formation, nous
voulons mettre les agents au travail, par la méthode active, dans toute
la mesure du possible, et les directeurs de bureau en leur faisant analyser des
cas, en leur faisant passer des examens pratiques, en les soumettant à
des séances de discussion. Et les premières séances de
formation, ou ce programme, en fait, débutent au cours du mois de
janvier 1972, les directives ont été envoyées à cet
effet.
UNE VOIX: H est minuit, Dr Schweitzer.
M. LE PRESIDENT (Hardy): M. le Président, j'ai l'honneur de faire
rapport que le comité a adopté les résolutions et demande
la permission de siéger à nouveau.
M. LE PRESIDENT: Ces résolutions sont-elles
agréées? Agréé. Quand siégera-t-il? A la
prochaine séance.
M. PAUL: A quelle heure?
M. PINARD: Huit heures et demie.
M. LEVESQUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la
Chambre à demain dix heures trente.
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne ses travaux à demain dix
heures trente.
(Fin de la séance: 0 heure)