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Version finale

29th Legislature, 2nd Session
(February 23, 1971 au December 24, 1971)

Tuesday, December 14, 1971 - Vol. 11 N° 106

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures trente-sept minutes)

M. BLANK (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre, messieurs!

Affaires courantes.

Présentation de pétitions.

Lecture et réception de pétitions.

Présentation de rapports de commissions élues

Présentation de motions non annoncées.

Présentation de bills privés.

Présentation de bills publics.

Projet de loi no 48

M. LEVESQUE: M. le Président, après consultation, je propose maintenant que, quant au projet de loi no 48, il y ait révocation d'abord, de la déférence à la commission parlementaire, ensuite, de l'ordre de deuxième et de première lectures et que le projet de loi réimprimé et déposé hier franchisse maintenant l'étape de la première et de la deuxième lectures et soit déféré à la commission parlementaire des Affaires municipales pour être étudié dès aujourd'hui après les affaires du jour.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que la motion est adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première et deuxième lectures de ce bill. First and second readings of this bill.

M. LE PRESIDENT (Blank): La motion pour que le bill soit déféré à la commission parlementaire des Affaires municipales est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Déclarations ministérielles.

Le ministre des Communications.

Négociations avec les agents de la paix

M. L'ALLIER: M. le Président, à titre de ministre de la Fonction publique, je voudrais faire une déclaration ministérielle sur l'état des négociations entre le gouvernement, d'une part, et le Syndicat des agents de la paix, d'autre part.

Je tiens à informer cette Chambre que les négociations entre le gouvernement du Québec et le Syndicat des agents de la paix de la fonction publique viennent d'entrer dans une nouvelle phase. Devant les représentations du syndicat, en ce qui a trait notamment à son régime syndical, le gouvernement a convenu de nommer un commissaire spécial, Me Claude Lavery, chargé de faire enquête et rapport sur le différend relatif aux traitements et au nombre d'échelons des échelles de salaire, étant entendu que ce commissaire ne pourra rendre une décision, ni formuler de réglementation, mais seulement constater les faits. Il devra faire rapport au 31 janvier 1972.

Les deux parties ont convenu de poursuivre les négociations en ce qui concerne les clauses normatives. Il est, toutefois, entendu que, durant la période où agira ce commissaire spécial, les représentants syndicaux recommanderont à leurs membres de n'entreprendre aucune action qui risquerait de compromettre le succès des négociations.

Grâce à cette décision, nous souhaitons que, dans le meilleur climat possible, les parties puissent mener à bien le renouvellement de cette convention collective.

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. LOUBIER: M. le Président, sans aucune malice, j'aurais aimé que le ministre puisse nous faire parvenir préalablement sa déclaration ministérielle, pour que nous puissions l'analyser mieux que par simple audition assez rapide du tableau qu'il nous a tracé. De toute façon, il apparaîtrait, d'après la déclaration du ministre, que ce commissaire spécial, à toutes fins pratiques, n'a pour mandat que de colliger les faits ou les représentations qui sont faites de part et d'autre et de rédiger un rapport qui serait tout simplement le reflet des représentations ou de l'état de la question au moment où nous en sommes aujourd'hui.

Or, est-ce que le ministre pourrait nous dire — pour la remise de ce rapport, la date fixée est le 31 janvier 1972 — quel est le calendrier des actions qui sont prévues par son ministère, dans le cadre des rencontres? Qu'est-ce qui arrivera à ce rapport-là? Sera-t-il remis en question par les parties en cause? Les parties intéressées se baseront-elles sur ce rapport pour essayer d'en venir à une entente? Ou ce rapport a-t-il tout simplement pour but de donner un meilleur éclairage au ministre et lui permettre par la suite, de façon assez unilatérale, de tirer ses propres conclusions et de dégager les tendances qui sont découvertes dans ce rapport et, ensuite, les imposer, non pas dans le sens odieux, mais de les imposer à l'autre partie? Ou ce rapport deviendra-t-il un document de travail aux mains des deux parties, pour fins d'entente sur des points qui auraient été soulevés et qui demeureraient litigieux?

M. L'ALLIER: Un bref commentaire, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, pour commenter brièvement la déclaration ministérielle, il sem-

ble de plus en plus difficile de négocier des conventions collectives. Chaque négociation semble se heurter à une phase critique, et on le voit de plus en plus, à chaque négociation. Que soit nommé un médiateur spécial, ça semble également une obligation et sans ça, ces négociations n'aboutissent pas à des ententes.

Quant au rapport que sera tenu de fournir le médiateur, je pense que c'est une chose absolument normale, parce que le gouvernement est en quelque sorte employeur.

Il doit, à certains moments, vérifier la bonne marche des négociations en cours. Nous souhaitons que toute négociation se fasse sans trop de bruit.

M. LAURIN: M. le Président, il semble que le gouvernement se soit décidé à nommer quelqu'un qui jouera le rôle d'observateur et de catalyseur, ce qui nous laisse soupçonner une situation difficile, et peut-être même tendue.

Le gouvernement a adopté une attitude très prudente, et nous espérons que le geste qu'il pose contribuera à hâter le règlement de ce problème. Nous souhaitons bonne chance à l'observateur et au médiateur gouvernemental.

M. LE PRESIDENT: Dépôt de documents.

M. L'ALLIER: Avec le consentement de la Chambre, M. le Président, je pourrais répondre à une question du chef de l'Opposition sur ce point. Je regrette, comme lui, de n'avoir pu distribuer copie de cette déclaration. Les derniers faits, dans ce dossier, se sont produits quelques minutes avant d'entrer en Chambre, ce qui ne m'a pas permis de vous en donner une copie.

Il ne s'agit, dans le cas présent, ni d'arbitrage, ni de conciliation, mais bien d'un commissaire spécial qui va analyser les faits, qui va faire rapport à chacune des parties afin que nous puissions, dans le contexte de cette négociation avec des employés qui ont un régime syndical très particulier, éviter des erreurs qui, dans le processus normal des négociations, seraient corrigées si ces employés étaient des syndiqués ordinaires.

Dans un premier temps, il suffit d'analyser des faits. Le rapport sera communiqué aux parties qui orienteront, leur action à partir de là. Pour ce qui est du calendrier de travail que nous suivrons après le 31 janvier 1972, il sera connu au 31 janvier, à la suite de la réaction de chacune des parties au rapport du commissaire.

M. LOUBIER: Je remercie le ministre, mais je comprends bien qu'il s'agit tout simplement d'une analyse des faits tels qu'ils sont, sans aucune recommandation ou sans aucune conclusion. C'est bien cela?

M. L'ALLIER: C'est exact.

M. LE PRESIDENT: Dépôt de documents.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du ministère des Affaires sociales pour l'exercice financier 70/71.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales.

M. TESSIER: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport des activités, pour l'année financière 70/71, de la Société d'aménagement de l'Outaouais.

M. LE PRESIDENT: Questions des députés.

Questions et réponses

M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition officielle.

Conflit de La Presse

M. LOUBIER: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail.

Pourrait-il nous faire une rétrospective des événements qui ont marqué les dernières négociations, les phases des différentes rencontres qu'il a eues avec les parties intéressées? A quel point critique en sont rendues les parties, sur le plan des décisions? Y a-t-il un délai pour faire connaître la réponse définitive sur la position des différentes parties en cause à La Presse? Je relie tout ça à La Presse, évidemment, mais je sais que le ministre est tellement imprégné de ce sujet actuellement, qu'il avait compris.

M. COURNOYER: Le chef de l'Opposition, M. le Président, a parfaitement raison, je suis tellement imprégné que je ne pense qu'à cela.

M. LOUBIER: D'ailleurs, cela presse tellement.

M. COURNOYER: Cela presse énormément. Je pense que je vais répondre par la fin. C'est aujourd'hui, semble-t-il, que les représentants des syndicats auront une décision de leurs membres quant à l'acceptation ou au refus des recommandations qui ont été faites par le ministre du Travail le 11. L'intervention du ministère là-dedans a commencé au mois de juin par la demande ordinaire de conciliation des services en vertu du code du travail. En juillet et août, comme tout le monde le sait, il y a eu le "lock-out" décrété contre quatre syndicats affiliés à la Fédération des travailleurs du Québec. Nous avons, à ce moment-là, nommé un commissaire-enquêteur spécial qui était chargé de faire de la médiation entre les parties. Il a fait tout son possible. Le 27 octobre, on a fermé La Presse vis-à-vis les autres employés de La Presse qui continuaient de travailler pendant le "lock out". Le 1er novembre, il y a eu une commission de médiation, formée du sous-ministre en titre, du sous-ministre adjoint, du directeur

général des relations de travail au ministère du Travail et du directeur du service de conciliation du ministère du Travail. Cela n'a pas donné grand-chose non plus et, au milieu de novembre, il a fallu que le ministre du Travail se joigne à cette équipe et fasse une recommandation globale de sécurité d'emploi, compte tenu de certaines concessions que nous demandions au syndicat de faire.

La FTQ a refusé ce système de sécurité d'emploi à l'époque, ce qui a remis les parties entièrement entre leurs propres mains. Le 26 novembre, le ministre du Travail, dans une dernière tentative, a demandé aux parties de retourner au travail, de rouvrir La Presse, selon une formule qui permettait de continuer la négociation pendant que les gens étaient au travail. Cela a été refusé par les représentants de la CSN. Au début de décembre, il y a eu une nouvelle intervention du ministre. Cette intervention-là a été sans arrêt. Au point de départ, nous avions les syndicats affiliés à la Fédération des travailleurs du Québec et les syndicats affiliés à la CSN qui formaient un front commun. Il fallait négocier cela tout ensemble. Il n'y avait pas un syndicat qui bougeait sans savoir ce qui se passait dans les autres syndicats.

C'est donc un engagement du ministre, à la table des deux centrales ensemble, d'étudier chacun des contrats particuliers, article par article, de tenter la médiation sur chacun des articles et de faire des recommandations en même temps aux onze syndicats impliqués, qui a fait qu'on a pu, au moins, avoir un éventail de ce qui se passait ou de ce qui se produisait à La Presse.

Nous avons donc divisé les syndicats en onze, sans briser le front commun des onze. Finalement, vendredi dernier, après des négociations sans arrêt — quand je dis sans arrêt, c'est au sens littéral du mot et non au figuré — j'ai fait des recommandations aux parties sur chacun des articles qui restaient en suspens et qu'elles n'avaient pas pu régler dans les onze conventions collectives impliquées. J'ai demandé aux parties de me rendre leur décision le 11 décembre, à cinq heures. C'était le 11 à deux heures du matin. Les parties avaient à me rendre leur décision le 11, à cinq heures.

Dans l'après-midi, à cinq heures, la partie patronale a remis sa réponse et la partie syndicale a remis une réponse. Cette réponse de la partie syndicale visait à blâmer le ministre de se conduire comme Ponce Pilate et de remettre La Presse — que je considérerai comme le Christ ici — entre les mains des Pharisiens, des sépulcres blanchis de quelque côté de la table qu'ils soient.

Ils n'ont pas dit la dernière partie, mais ce qu'ils ont dit de moi, c'est que j'étais le Ponce Pilate de la situation. Après tous ces efforts, Ponce Pilate a donc décidé de remettre La Presse entre les mains de ces sépulcres blanchis. De toute façon, on m'a blâmé aussi d'avoir donné un délai trop court. Je n'ai pas allongé ce délai.

J'ai tout simplement dit: Mon travail à moi, comme ministre, étant terminé, j'ai fait des recommandations. Lorsque vous serez prêts à vous communiquer les réponses que vous avez à vous faire, bien, vous le ferez en vos temps et en vos lieux, comme vous le voudrez.

Aujourd'hui, il y a les assemblées générales. Je conçois que, dans un conflit comme celui-là, comme dans d'autres conflits, ce sont les syndiqués qui doivent déterminer leur position. Ils ont la chance maintenant, par l'assemblée générale, de dire si, oui ou non, ils acceptent les recommandations que le ministre a faites et que, je l'espère, les syndicats leur soumettront telles quelles.

M. PAUL: Répétez donc cela.

M. COURNOYER: Si les syndicats ou les syndiqués acceptaient les recommandations du ministre, il est bien clair que les parties syndicales devraient communiquer à la partie patronale leur acceptation. La partie patronale m'avait communiqué non pas son acceptation, mais sa réponse que je n'ai pas publiée, mais remise à la partie patronale, car, en toute honnêteté, je me devais de le faire. Etant donné que je n'avais pas de réponse de la partie syndicale.

Alors, j'ai dit: En vos temps, en vos lieux, faites ce que vous voulez maintenant. Ponce Pilate s'est lavé les mains.

M. LOUBIER: M. le Président, question additionnelle. Est-ce que le ministre a prévu une autre forme d'action advenant le refus de la partie syndicale ou de la partie patronale d'accepter ses recommandations? En d'autres termes, si ce soir, par exemple, il y avait blocage absolu dans les négociations à la suite des recommandations faites par le ministre, s'il n'y avait pas entente des deux parties sur ses recommandations, est-ce que le ministre a prévu, advenant cette possibilité, une autre forme d'action ou si le ministre, se retirera tout simplement et littéralement du dossier?

M. BOURASSA: M. le Président, le chef de l'Opposition doit savoir, comme vient de le dire le ministre, qu'il y a eu presque 200 heures de médiation personnelle...

M. LOUBIER: M. le Président,... M. BOURASSA: ... par le ministre.

M. LOUBIER: ... je m'excuse. Je pense que la question est posée en toute bonne foi.

M. BOURASSA: Ah oui, d'accord!

M. LOUBIER: Je sais que le ministre a fait...

M. PAUL: Il est tellement compétent que vous l'avez reconnu.

M. LOUBIER: ... des efforts inouïs. M. BOURASSA: Oui.

M. LOUBIER: D'ailleurs, c'est pour cela que j'ai demandé au ministre de nous faire une rétrospective ce matin. Ce n'est pas malin, ce n'est pas sorcier. Je demande tout simplement au ministre du Travail s'il y a d'autres formes d'action, s'il y a un autre geste qu'il entend poser advenant un blocage complet à la suite des recommandations qu'il a faites. Le ministre est assez grand pour répondre...

M. PAUL: C'est une bonne "plorine".

M. LOUBIER: ... lui-même.

M. PAUL: C'est une bonne "plorine".

M. BOURASSA: M. le Président, ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que, par l'intervention du ministre et du ministère du Travail, le gouvernement est impliqué. Je suis moi-même intervenu à quelques reprises. J'ai eu des communications très fréquentes avec le ministre. C'est que le gouvernement a fait tout ce qu'il pouvait faire pour rapprocher les parties. C'est quand même un conflit privé. Comme vient de le dire le ministre, il y a eu 200 heures de médiation personnelle. Donc, le gouvernement, vis-à-vis de ce conflit, a fait le maximum de ce qu'il pouvait faire.

M. LOUBIER: Est-ce que le ministre du Travail pourrait maintenant répondre à la question après le petit commercial que vient de passer le premier ministre?

M. COURNOYER: M. le Président, pour répondre à la question, d'abord je pourrais dire qu'elle est hypothétique jusqu'aux résultats des assemblées générales. J'espère que ce genre d'intervention que le gouvernement a faite dans un conflit de nature privée indiquera à tout le monde qu'il y a des limites à ce que le gouvernement peut faire et que ces limites, pour autant que le ministre du Travail est concerné, il les a atteintes. Cela veut dire, à toutes fins utiles, qu'il n'y a pas d'autre issue que celle d'accepter les recommandations du ministre si on veut maintenir les activités de La Presse. Je les ai faites de bonne foi. A moins qu'on les juge de mauvaise foi et qu'on m'accuse non pas d'être un sépulcre blanchi ou Ponce Pilate, mais d'avoir délibérément faussé le jeu des négociations. C'est une autre affaire. Mais, comme nous avons fait notre travail d'une façon honnête, la seule issue qui, dans les circonstances, s'offre aux syndiqués et à La Presse, c'est d'accepter les recommandations du ministre. Elles ne sont pas fameuses, les recommandations du ministre. C'est vrai.

Mais, de toute façon, c'est la première fois qu'un ministre va se mettre de cette façon le nez dans un conflit privé. J'ai expliqué pourquoi nous y étions allés. A partir du moment où cela a été fait, j'ai exposé clairement à tout le monde que ceci mettait fin aux interventions de mon ministère. C'est assez. C'est tout.

M. LOUBIER: Une dernière question additionnelle. Le ministre, advenant l'hypothèse d'une non-acceptation, par les parties intéressées, de ses recommandations, nous fera-t-il connaître et fera-t-il connaître au grand public les recommandations qu'il avait faites et également les réponses qu'il aura reçues, pour qu'il n'y ait plus aucun doute dans l'esprit des citoyens quant à l'action exercée par le ministre?

M. COURNOYER: Je déposerai en Chambre, M. le Président, les recommandations du ministre parce qu'elles ont été faites au nom du gouvernement et du Parlement. En autant que je suis concerné, je suis un serviteur de ce Parlement. Je déposerai tout ce qui a été déposé dans les mains des chefs syndicaux ici, à la table, et vous en ferez ce que vous voudrez.

M. LOUBIER: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Le député de Rouyn-Noranda.

Contrat de la route Matagami-Baie-James

M. SAMSON: M. le Président, l'honorable premier ministre semble en très grande forme ce matin. Il répond même aux questions qui ne lui sont pas posées. J'espère qu'il pourra répondre à celle que je lui poserai.

Je lui ai demandé, hier, s'il était disposé à déposer, en cette Chambre, toute la documentation, la correspondance et la liste des soumissionnaires concernant les contrats pour la construction du chemin Matagami-Baie-James. Le premier ministre m'a répondu qu'il prenait avis de la question et que, si cela lui était possible, il y donnerait suite.

Deuxièmement, le premier ministre pourrait-il en profiter, dans sa réponse, pour nous dire s'il accepte de se renseigner et de faire part à cette Chambre des raisons, sûrement très spéciales, qui font qu'actuellement il y aurait environ une vingtaine d'hélicoptères en service dans cette région, en provenance de Toronto et de Montréal, qui ne seraient pas directement sous contrat avec la Société de la baie James ou l'Hydro-Québec mais qui seraient sous contrat avec un sous-traitant de Matagami qui n'a rien à voir avec l'industrie de l'aviation?

M. BOURASSA: M. le Président, pour la première partie de la question, je pense que le député pourrait poser cette question au feuilleton. Je pense que c'est le type de questions — sans être un expert en la matière — qui doivent être posées au feuilleton.

Comme je vous le disais, les explications ont été données par le ministre des Richesses naturelles. J'ai également pris des informations auprès de la société. On m'a dit qu'on avait suivi une recommandation du contentieux de l'Hydro-Québec dans la décision qui a été prise.

Quant à la deuxième partie de la question, je ne sais pas si le gouvernement doit à chaque jour répondre de toutes les décisions administratives de toutes les sociétés d'Etat pour les travaux qui sont faits. Je peux prendre avis de la question ou le député pourra poser toutes ces questions-là lorsque la société comparaîtra en commission parlementaire.

M. SAMSON: Question supplémentaire. Evidemment, le premier ministre a bien compris que, si je lui adresse ces questions, c'est qu'en vertu du bill no 50 il est bien le ministre responsable de la Société de développement de la baie James devant cette Chambre.

M. LEVESQUE: On comprendra que la même chose pourrait s'appliquer au ministre des Richesses naturelles, qui est responsable de l'Hydro-Québec. Mais, sur chacune des transactions, il n'est pas question qu'on pose des questions au ministre des Richesses naturelles. C'est pour ça qu'il y a une commission parlementaire pour les entreprises gouvernementales, pour les organismes d'Etat.

M. SAMSON: Je comprends que le leader du gouvernement veuille bien venir au secours du premier ministre, mais il m'a semblé que le premier ministre n'avait pas besoin de ce secours.

Ce que je trouve curieux dans la réponse du premier ministre c'est que...

DES VOIX: Question.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas une période de commentaires. Si vous avez une question additionnelle, posez-la.

M. SAMSON: M. le Président, si vous me permettez. Le premier ministre va bien comprendre ce que je veux dire. Dans sa réponse, il me dit que la première partie de ma question doit être posée au feuilleton, alors qu'hier à la même question il a dit qu'il prenait avis pour me répondre.

Est-ce que je dois la poser au feuilleton ou si je dois attendre une réponse? C'est simplement ça que je veux savoir.

M. BOURASSA: Comme je l'ai dit hier, est-ce qu'on doit répondre à toutes les questions sur tous les contrats de Sidbec, la Caisse de dépôt, l'Hydro-Québec, Soquip, Soquem. Je ne crois pas que le Parlement soit l'endroit pour répondre à toutes les questions de détail sur ces sujets.

M. SAMSON: Est-ce que le premier ministre se rappelle, lorsque nous avons adopté le bill 50, qu'il a accepté de l'amender pour être responsable devant le Parlement et répondre à toutes nos questions? D'ailleurs, relevez le journal des Débats et vous verrez.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois attirer l'attention du député de Rouyn-Noranda. Les questions auxquelles le premier ministre peut répondre ici en Chambre sont les questions permises par le président, des questions urgentes et d'intérêt général seulement.

M. SAMSON: Cela l'est, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois-Rivières.

La Belle-Vision

M. BACON: Ma question s'adresse au ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Est-ce que le ministre pourrait nous faire part de la position de son ministère à la suite de la demande d'un acte constitutif d'une coopérative pour l'achat des actifs de la Belle-Vision en Mauricie?

M. TETLEY: M. le Président, je dois annoncer que la deuxième demande de la Belle-Vision pour une charte coopérative a été refusée par le ministère, pour les raisons suivantes:

Tout d'abord, c'est une entreprise plutôt qu'une coopérative.

Deuxièmement, je crois que c'est notre devoir au gouvernement de protéger le mouvement coopératif, sa réputation et son avenir. En effet, la Belle-Vision n'était pas une vraie coopérative.

De plus, nous étions prêts à accorder une charte de corporation en vertu de la première partie de la Loi des compagnies. En vertu de cette loi, les investisseurs seraient protégés par un prospectus et les autres moyens de la loi.

Je note avec un certain plaisir que le prix, apparemment, entre les deux demandes a baissé de $2 millions. Je note aussi que le ministre des Communications lui-même, et le Conseil de la coopération m'ont conseillé de refuser la charte.

C'est pour ces raisons que nous n'avons pas accordé de charte à la Belle Vision.

M. PAUL: M. le Président, sur un rappel au règlement, considérant que vous venez de refuser de recevoir la question du député de Rouyn-Noranda, qui avait au moins ce caractère d'impliquer la dépense de deniers publics, et que vous venez de permettre la réponse que vient de donner le ministre des Institutions financières à une question régionale, je me demande si la question du député de Rouyn-Noranda ne pourrait pas être considérée comme recevable dans les circonstances.

M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget. M. PAUL: La démocratie.

Assurance-chômage

M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre de la Fonction publique. Est-ce que le ministre est en mesure de répondre aux deux questions que je lui posais hier et d'établir la position du gouvernement en ce qui concerne un problème dont il a été souvent question ici depuis une semaine, c'est-à-dire la directive que le gouvernement doit envoyer aux employés des commissions scolaires et des hôpitaux en ce qui concerne leur assujettissement à la loi C-259 de l'assurance-chômage?

M. L'ALLIER: J'avais l'intention, M. le Président, de répondre à cette question à la fin de la période des questions. Je suis heureux qu'elle me soit posée maintenant. Je crois en effet pouvoir donner les éléments de réponse qui satisferont cette Chambre. La nouvelle Loi fédérale sur l'assurance-chômage, qui est le bill C-229, exclut, en termes explicites et précis de la liste des emplois assurables, tout emploi exercé au Canada et relevant de Sa Majesté du chef d'une province. A l'article 3, paragraphe 2, sous-paragraphe 1.

La même loi prévoit cependant que, par la Commission d'assurance-chômage, il sera possible à un gouvernement provincial d'inclure dans l'assurance-chômage ses fonctionnaires. Par ailleurs l'expression "emploi relevant de Sa Majesté du chef d'une province", n'est pas autrement définie ni dans la loi C-229 ni par les règlements de la Commission d'assurance-chômage ou toute autorité législative ou réglementaire compétente.

Dans le cadre des discussions en cours à l'époque et en l'absence de réglementation requise de la part de la commission fédérale d'assurance-chômage, le Québec a pris l'initiative, par l'adoption du bill 82, en juillet dernier, de définir, conformément à ses intérêts, l'expression "emploi relevant de Sa Majesté du chef d'une province", de façon qu'elle comprenne les employés des hôpitaux, des commissions scolaires et des CEGEP. Il faut noter que la loi 82 n'avait pas pour but explicite et unique cette soustraction des employés des CEGEP et des commissions scolaires et des hôpitaux de la Loi de l'assurance-chômage fédérale, mais qu'elle avait pour but de préciser ce qu'est un fonctionnaire, au sens de la Loi de la fonction publique, et pour application lorsqu'il est fait référence à cette loi.

Aussi longtemps que les autorités fédérales n'auront pas réglementé dans cette matière, le Québec se considère justifié d'appliquer la définition qu'il s'est lui-même donné d'un emploi relevant de Sa Majesté du chef d'une province par la loi no 82.

C'est de même, et conséquemment, l'intention du gouvernement de donner des instructions à l'effet que cette définition soit appliquée par tous ceux qui emploient ou qui sont les employés directs de ce qui est défini comme étant un employé relevant de Sa Majesté, du chef d'une province et notamment les employés d'hôpitaux, de commissions scolaires et des CEGEP.

M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président. Est-ce que ceci veut dire qu'à partir du 1er janvier ces employés ne seront pas obligés de verser de cotisations?

M. L'ALLIER: Cela veut dire que, dans l'état actuel de la réglementation et en l'absence d'autre définition, c'est cette définition que nous entendons faire respecter sur le territoire québécois parce qu'il n'y en a pas d'autre. Cela signifie qu'en application de cette définition, ces employés n'auront pas à payer de prestations d'assurance-chômage à moins que le gouvernement fédéral n'intervienne d'une façon autre et précise, soit par règlement ou par législation, dans l'application de sa Loi d'assurance-chômage, ce qui créera une situation nouvelle que nous devrons, à ce moment-là, analyser.

M. PAUL: Question additionnelle. S'il arrive que le gouvernement fédéral prenne des procédures contre un ou des secrétaires-trésoriers qui ne se seraient pas conformés à l'ordonnance du ministère du Revenu du mois de septembre 1971, est-ce que le gouvernement assumera la défense de cet employé aux fins de faire décider de la constitutionnalité du bill no 82?

UNE VOIX: Question hypothétique.

M. LE PRESIDENT: Je pense que la question est illégale sur deux plans: premièrement, elle est hypothétique et, deuxièmement, vous demandez un avis juridique au ministre.

M. PAUL: M. le Président, ce n'est pas une question hypothétique, c'est une question de politique gouvernementale.

M. LE PRESIDENT: Votre question a commencé par le mot "si". "Si", c'est hypothétique. Le député de Maskinongé a une question à poser...

M. PAUL: M. le Président, je n'ai jamais employé le terme "si". Je comprends que vous auriez aimé cela, mais saint Louis ne m'a pas inspiré en posant ma question. J'ai dit ceci: Est-ce l'intention du gouvernement d'assumer la défense d'un individu poursuivi devant les tribunaux, soit un secrétaire-trésorier, pour ne pas s'être conformé à l'ordonnance du ministère du Revenu?

M. LE PRESIDENT: Ma décision est la même. C'est le tour du député de Maskinongé avec une question principale.

UNE VOIX: C'est une question importante, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je n'admets pas cette question, parce qu'elle est hypothétique.

M. PAUL: Dans les circonstances, je retire ma question principale.

M. LE PRESIDENT: D'accord. L'honorable député de Chicoutimi.

Réunion sur les loisirs

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, si vous me le permettez je vais poser une question d'intérêt public au ministre des Communications, s'il est là et si vous le jugez bon et agréable à Votre Excellence.

Est-ce que le ministre des Communications... Pardon, je m'excuse, M. le Président, je me suis trompé de ministre. Est-ce que le ministre de l'Education pourrait nous dire si...

M. PAUL: Ah, c'est hypothétique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...son gouvernement participera, aujourd'hui et demain, aux rencontres qui se tiennent à Ottawa et qui porteront sur le hockey amateur, les loisirs et les olympiques?

M. SAINT-PIERRE: Le député de Fabre est actuellement à Ottawa. J'aurais aimé moi-même m'y rendre, mais les débats du bill 28, qui revêtent un intérêt particulier, comme l'Opposition le sait, m'obligent à rester ici.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. Le gouvernement a-t-il préparé un dossier concernant ce problème du sport amateur et des loisirs? Le gouvernement pourrait-il déposer ces documents afin que nous connaissions sa politique qui doit viser à empêcher le gouvernement central d'envahir un domaine qui est de la compétence du gouvernement du Québec?

M. SAINT-PIERRE: Le gouvernement, évidemment, a préparé un excellent dossier et, compte tenu de la négociation qu'a évoquée le député de Chicoutimi, il me paraît inopportun d'en dévoiler la teneur.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle, M. le Président. S'il existe une association qui s'appelle Sports Canada, dont le très honorable Lester Bowles Pearson est président ou membre — je ne sais trop quoi — et qui s'occupe de la participation des Canadiens aux loisirs physiques, le gouvernement du Québec est-il membre de cette association? Est-ce qu'il y délègue des observateurs et est-ce que les décisions qui sont prises par cette association sont visées par les différents gouvernements des Etats membres de la fédération, dont celui du Québec?

M. SAINT-PIERRE: Le gouvernement du Québec n'a pas de représentant officiel à cet organisme.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

Loi de la qualification professionnelle

M. GUAY: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail. Est-il vrai que le gouvernement a l'intention de poursuivre tout travailleur ou employeur qui ne se serait pas soumis à la loi de la qualification professionnelle ou à l'arrêté en conseil 4793?

M. COURNOYER: Cela doit être vrai. M. le Président, si quelqu'un n'observe pas les lois qui sont faites, il y a des commissions qui sont censées s'en occuper. Particulièrement dans la construction, la Commission de l'industrie de la construction a tous les pouvoirs pour poursuivre les personnes qui ne respectent pas le décret de la construction ou la réglementation de la qualification professionnelle dans la construction. Le ministre n'a pas le pouvoir de dire aux gens: Ne poursuivez pas, ne faites pas observer la loi. Les commissions ont été créées exprès pour faire observer les lois. J'imagine que les commissions qui ont à faire observer les lois doivent les faire observer. Si elles ne les faisaient pas observer, je recevrais, avec beaucoup de joie, une question des députés qui me diraient: Comment se fait-il que vos commissions ne font pas observer les lois?

Quand on me demande si les commissions ont l'intention de faire observer les lois, je m'en réjouis. J'ai l'impression que c'est ce pourquoi elles ont été créées.

M. ROY (Beauce): M. le Président, question supplémentaire sur le même sujet. Le ministre pourrait-il nous dire s'il est exact que son ministère s'apprête à intenter environ 20,000 à 25,000 poursuites à l'endroit de travailleurs autonomes répartis dans plusieurs petites municipalités, dans tous les coins de la province de Québec, et que son ministère poursuivrait également les gens qui ont fait des petites réparations à leur propriété, incluant les cultivateurs?

M. COURNOYER: Le ministère du Travail ne poursuit personne dans le domaine de la construction et il ne poursuivra personne, non plus. Tout le décret de la construction a été administré par la Commission du salaire minimum et cela, ce n'est pas le ministère du Travail. Quant au reste, depuis le 1er novembre, en vertu de la loi amendant le bill 290, c'est la Commission de la construction qui est responsable maintenant.

Il y a des prescriptions là-dedans, et c'est

dans ces lois-là que l'on va trouver la réponse. Le ministère du Travail, encore une fois, est considéré comme un Ponce Pilate. Pas du tout. On a décidé que c'était une commission qui administrait ça. Si maintenant on pense que le ministre est mieux habilité pour administrer ces lois-là que les commissions, qu'on nous le dise, nous allons changer ça et nous prendrons pour nous toutes les responsabilités.

Aujourd'hui, nous disons, par esprit d'objectivité, que les décrets doivent être observés par tout le monde, même s'il y a 25,000 personnes qui ne l'observent pas. Nous pouvons peut-être modifier le décret pour dire qu'il était mauvais parce qu'il y a 25,000 personnes qui ne l'ont pas observé; c'est une question de mérite sur le fond, mais, tant et aussi longtemps que les décrets sont ce qu'ils sont, on ne peut pas empêcher une commission de les faire observer, puisque c'est son devoir de les faire observer.

M. ROY (Beauce): M. le Président, question additionnelle. Le ministre pourrait-il nous dire si son ministère est d'accord sur ces fameux décrets et s'il a l'intention de les modifier justement pour éviter que l'on ne pénalise les honnêtes travailleurs qui osent travailler au Québec en 1971?

UNE VOIX: Est-ce qu'il est d'accord avec la loi?

M. COURNOYER: D'abord, le décret a été adopté par mon ministère; il serait onéreux d'admettre aujourd'hui que je ne suis pas d'accord avec cela. C'est la première chose: le décret a été adopté par nous et des amendements multiples lui ont été apportés. Nous cherchons encore la vérité, M. le Président, nous cherchons encore. Mais il y a une chose que j'ai dite et que je me dois de répéter, c'est qu'il y a sept parties contractantes là-dedans.

Et si on veut leur enlever le pouvoir qu'elles ont de négocier les conditions de travail parce qu'elles ne représenteraient ni les travailleurs ni les salariés, qu'on le dise en Chambre et qu'on l'enlève.

Tant et aussi longtemps que ce sont elles qui ont la responsabilité de négocier et d'établir les conditions de travail, le ministre dit: C'est vous autres qu'il faut consulter pour pouvoir les modifier. A l'avenir, le ministre ne modifiera pas davantage de décret sans le consentement unanime des sept parties.

M. GUAY: Question supplémentaire, M. le Président. Dans une région où il n'y a pas suffisamment de travailleurs de la construction possédant des cartes, comment va-t-on procéder pour faire de la construction?

M. COURNOYER: M. le Président, c'est une question très intéressante dont je prends avis. Je n'ai pas encore vu des régions où il n'y aurait pas suffisamment de travailleurs de la construc- tion. Il y a des places où il n'y a pas de travailleurs de la construction, de charpentiers-menuisiers, il n'y a peut-être pas de plombiers non plus. Mais une autre chose s'applique à cela. Il y a aussi la mobilité des travailleurs.

Je ne répondrai pas davantage. Je prends avis pour voir ce qu'il faudrait faire dans ces régions.

M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je pense qu'il y a suffisamment de travailleurs dans ces régions, mais, ce qui manque, ce sont des travailleurs qui possèdent leur carte. On sait, ce printemps...

DES VOIX: Question! Question!

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député a une question à poser?

M. LEDUC: Venant de la Beauce, cela ne sera pas très très intéressant comme question.

M. ROY (Beauce): Si on veut me permettre de la poser...

M. LE PRESIDENT: Posez-la! M. SAMSON: Laissez-lui le temps.

M. ROY (Beauce): Je demanderais à l'honorable ministre du Travail s'il a l'intention de prendre des dispositions pour faire l'inventaire dans toutes les régions du Québec à ce sujet.

M. COURNOYER: Oui, monsieur. M. LE PRESIDENT: Le député de Nicolet.

Regroupement des fermes

M. VINCENT: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, qui vient de faire une entrée triomphale, comme si le bill 64 était adopté. En rapport avec la nouvelle politique annoncée par le ministre fédéral de l'Agriculture, la semaine dernière, selon laquelle un montant de $150 millions serait disponible, pour les sept prochaines années, pour le regroupement des petites fermes, est-ce que le ministre pourrait nous annoncer les détails de cette politique et nous dire, en deuxième lieu, si cette politique fédérale est conforme au désir des provinces exprimé à toutes les conférences depuis 1969?

M. TOUPIN: En octobre ou, du moins, l'an dernier, le gouvernement fédéral avait annoncé un programme qu'il avait appelé alors un programme de rajustement. Les ministres de l'Agriculture s'étaient réunis et n'avaient pas accepté ce programme. On avait convenu, à même occasion, de former un comité technique composé des sous-ministres de chacune des

provinces, lequel comité devrait préparer une politique nationale qui serait par la suite soumise au gouvernement fédéral. Ce fut fait. Nous nous sommes réunis à Toronto, je pense, la dernière fois. Nous avons fait accepter au gouvernement fédéral la politique que nous avions préparée, nous les ministres de l'Agriculture, par l'intermédiaire du comité technique des sous-ministres. Nous avons rencontré M. Olson, ministre fédéral de l'Agriculture, lequel a accepté les grands objectifs prévus dans le programme que nous avions proposé, les ministres de l'Agriculture.

La position du Québec était incluse dans la politique préparée par les ministres de l'Agriculture. Il a été convenu, après la rencontre avec M. Olson, qu'on se rencontre à nouveau pour discuter l'aspect administratif de l'application d'un tel programme. En vue d'aider les ministres d'Agriculture à prendre une décision sur l'aspect administratif d'un tel programme, on a convenu, une autre fois, de constituer un autre comité technique formé encore une fois de sous-ministres, lesquels se pencheraient non sur les objectifs à atteindre mais sur les moyens à prendre pour les atteindre.

Déjà une réunion de ce comité eut lieu, une deuxième doit avoir lieu, je pense, avant la fin de décembre et, au début de janvier, les ministres de l'Agriculture doivent se rencontrer avec le gouvernement fédéral pour établir comment on appliquera concrètement cette politique acceptée conjointement par les deux paliers de gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Je permets la dernière question.

M. VINCENT: Question supplémentaire. Si les détails concernant d'abord l'administration et les principaux projets à l'intérieur de cette politique ne sont pas encore acceptés par les provinces, le ministre croit-il que c'était opportun pour le ministre fédéral de l'annoncer publiquement avant d'en arriver à une entente complète avec les provinces?

M. TOUPIN: Ce qui a été convenu, c'est qu'il y ait un communiqué conjoint d'émis, ce fut fait. A la suite de notre rencontre avec M. Olson, un communiqué conjoint a été émis, lequel a été accepté par tous les ministres de l'Agriculture.

Nous nous sommes entendus sur les grands objectifs.

Maintenant, le ministre de l'Agriculture fédéral a jugé bon, par la suite, de dire: Nous sommes prêts à mettre là-dedans $150 millions. Mais il s'est toujours référé, par exemple, dans son communiqué, aux décisions prises par les ministres de l'Agriculture lors de la rencontre que nous avons eue avec lui. Il n'a pas parlé, dans ses communiqués, de la façon dont on administrerait ce programme, quelle serait, par exemple, dans le temps, la responsabilité des provinces et quelle sera la responsabilité du gouvernement fédéral. C'est de cela que nous allons discuter lorsque nous nous rencontrerons à nouveau.

Maintenant, à savoir si M. Olson aurait dû attendre pour faire cette communication, comme on le disait tantôt, c'est une question d'opinion.

M. LE PRESIDENT: Le député de Portneuf...

M. TOUPIN: Mais, à venir jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'il soit allé...

M. LE PRESIDENT: ... avec une dernière question.

M. TOUPIN: ... à l'encontre des décisions qui furent prises lorsque nous l'avons rencontré.

Autoroute no 40

M. DROLET: M. le Président, j'aurais une question à poser à l'honorable ministre de la Voirie. A la suite de l'annonce de grands projets de voirie dans la province, ces jours derniers, le ministre m'avait laissé entendre, il y a une dizaine de jours, qu'il aurait, sous peu, de bonnes nouvelles à annoncer concernant l'autoroute 40, plus spécialement la section débutant à Québec vers Donnacona. Est-ce que le ministre a l'intention d'annoncer ce début de projets avant les fêtes?

M. PINARD: M. le Président, je pense que l'annonce qui a été faite la semaine dernière est assez claire. Il y aura continuation des travaux sur l'autoroute 40 pour la prolonger de Berthier vers Pointe-du-Lac, et les plans sont en voie de parachèvement pour l'autre section qui passera dans la ville de Trois-Rivières. Je pense que tout a été annoncé.

M. DROLET: Question supplémentaire, M. le Président. A la suite de ma question, la semaine dernière, le ministre m'avait dit qu'il était en pourparlers avec les autorités fédérales concernant le secteur Québec-Donnacona, si vous voulez, l'autoroute 40. Est-ce que le ministre a eu cette rencontre avec le fédéral et est-ce qu'il aura des nouvelles à annoncer sous peu?

M. PINARD: C'est encore en discussion, et nous ne sommes pas arrivés à un accord là-dessus. Nous poursuivons nos discussions.

M. BOIS: M. le Président,...

M. LE PRESIDENT: Est-ce une question supplémentaire?

M. BOIS: Non.

M. LE PRESIDENT: La période des questions est terminée depuis dix minutes. Demain, nous vous donnerons priorité.

M. BOIS: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.

M. BELAND: J'invoque l'article 114 de nos règlements, M. le Président, pour poser une question au gouvernement concernant l'ordre du jour. Nous remarquons, encore ce matin, que l'article 21, concernant les rapports des commissions de la Chambre, plus particulièrement celui de l'Agriculture et de la Colonisation, n'est pas encore déposé. Alors, qu'est-ce que l'on attend pour déposer ce rapport?

M. LEVESQUE: J'attendais, M. le Président, que le député ait fini sa question, question qui retarde nos travaux parce que j'allais justement appeler l'article 21!

UNE VOIX: C'est effrayant! M. LEVESQUE: Article 21.

Commission de l'Agriculture et de la Colonisation

M. LE PRESIDENT: Il est proposé que la Chambre prenne en considération le deuxième rapport de la commission de l'Agriculture et de la Colonisation. Est-ce que ce rapport est adopté?

M. PAUL: Non, M. le Président.

M. Clément Vincent

M. VINCENT: M. le Président, avant de procéder à l'adoption de ce rapport par la Chambre. Non! Non! je regarde pour voir si le président de la commission est ici, l'honorable député de Huntingdon.

M. le Président, au cours de ces réunions à la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation, nous avons entendu des représentants d'organismes para-agricoles, des représentants d'agriculteurs. Ils nous ont fait part de leur désir de voir des changements à la Loi du syndicalisme agricole qui a été déféré à la commission parlementaire de l'Agriculture, et qui a siégé à quatre reprises sur cette question.

Au cours de la dernière réunion de la commission parlementaire, nous avons, de plusieurs façons, essayé de savoir du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation quels seraient, à son avis ou d'après les indications qu'il avait pu obtenir de ses principaux conseillers, les principaux amendements apportés au bill 64.

Le ministre nous a dit qu'il n'avait pas l'intention, à ce moment-là, de nous les annoncer. Il nous a également dit qu'il nous ferait part sous peu des intentions du gouvernement. Mais en aucune occasion, que ce soit devant la commission parlementaire, que ce soit ici devant la Chambre, à l'Assemblée nationale, le ministre ne nous a indiqué les amendements qu'il avait l'intention d'apporter.

Cependant, M. le Président — c'est là que le problème se pose avant que nous puissions nous prononcer sur ce rapport — entre-temps, à l'occasion de rencontres avec des journalistes, à l'occasion de rencontres avec des particuliers ou des groupes, le ministre a annoncé qu'il y aurait des amendements d'abord, à la définition du mot "producteur", deuxièmement, qu'il y aurait des amendements en ce qui concerne la ou les consultations dont il est question dans le bill no 64 et que, troisièmement, il y aurait des amendements dans d'autres domaines plus techniques qui ne touchaient pas le principe même du projet de loi.

Donc, M. le Président, il est très surprenant pour nous, membres de cette Chambre, après avoir demandé à plusieurs reprises au ministre quelles étaient ses intentions, de constater qu'il n'a jamais voulu nous dire si oui ou non il y aurait des amendements mais qu'à l'extérieur de la Chambre il a été plus enclin à donner son idée, son opinion sur le bill no 64.

De plus, M. le Président, nous aimerions savoir du ministre, aujourd'hui, quels sont ses principaux amendements. Quelle est sa position, maintenant qu'il a pu entendre les témoins, qu'il a pu lire les mémoires, qu'il a pu consulter ses officiers? Quelle est sa position? Ceci nous aiderait grandement, M. le Président, à répondre à ces dizaines et dizaines d'agriculteurs qui, tous les jours, viennent frapper à nos portes pour savoir ce qui se passe ici, à l'Assemblée nationale du Québec.

Ces agriculteurs, M. le Président, viennent à nos portes, viennent à nos bureaux de comté et à nos bureaux de Québec. Ils ont raison de le faire parce qu'au mois d'octobre 1970, à l'occasion d'un banquet, d'une réunion annuelle de l'UCC, le ministre de l'Agriculture a affirmé que lorsqu'un ministre voulait, il pouvait et qu'il y aurait une Loi du syndicalisme agricole avant la fin de 1970. Là-dessus — je lui en fais grâce — il s'est repris. Le lendemain, il a fait parvenir un télégramme pour dire qu'il s'était trompé, qu'il avait voulu dire avant la fin de 1971.

Je pense, M. le Président, que le 14 décembre 1971, il est important de connaître les intentions du ministre de l'Agriculture, les intentions du gouvernement. Si le rapport est agrée, que le ministre retourne à son bureau, retourne à son ministère et que nous attendions à la fin de la semaine prochaine pour qu'on nous annonce qu'il est trop tard pour adopter la Loi du syndicalisme agricole, nous n'aurions aucune autre occasion de nous lever ici, en cette Chambre, et de revendiquer un droit légitime des agriculteurs du Québec.

Si nous avons convenu, au cours des discus-

sions de la commission parlementaire, qu'en 1971 il était illogique de demander à un groupe de faire du porte à porte pour amasser les contributions ou les cotisations annuelles si nous avons convenu qu'en 1971 il était illogique d'exiger d'un groupe, contrairement à ce qui se passe dans tous les autres systèmes syndicaux, trois référendums: d'abord pour être accrédité, deuxièmement pour savoir si on doit cotiser, oui ou non, à la source un montant fixe et troisièmement un autre référendum advenant le cas où l'on veuille augmenter la contribution, si nous avons convenu qu'il était ridicule d'avoir cela dans une législation d'imposer ça aux agriculteurs du Québec, je crois qu'au 14 décembre 1971, nous devrions connaître les intentions du ministre.

Ainsi, il nous serait permis de répondre d'une façon intelligente aux agriculteurs qui viennent nous rencontrer tous les jours. Nous pourrions leur dire: Retournez chez vous, messieurs, nous savons exactement ce qui va se passer. Nous savons, par exemple, qu'en 1971 vous aurez ou vous n'aurez pas la Loi du syndicalisme agricole. C'est la première question qu'ils se posent.

M. MAILLOUX: Vous avez eu quatre ans pour leur dire ça; pourquoi ne l'avez-vous pas dit?

M. VINCENT: Le député de Charlevoix mentionne que nous avons eu quatre ans pour le dire.

M. MAILLOUX: Vous étiez muet à ce moment-là.

M. VINCENT: Le travail a débuté au mois d'octobre 1969. Je vais faire l'historique: Au mois d'octobre 1969, l'UCC a présenté au conseil des ministres un mémoire demandant, d'une façon précise et spécifique, une loi du syndicalisme agricole. Ce mémoire a été accepté par le conseil des ministres et le principe a été accepté par le conseil des ministres.

Immédiatement, nous avons demandé à Me Marcel Trudeau, avocat de Montréal, de se pencher sur cette question et de préparer un projet de loi en consultation avec les groupes intéressés. Après les élections de 1970, cela a été la responsabilité du gouvernement actuel, du ministre actuel de continuer le travail qui avait été amorcé au mois d'octobre 1969.

Nous en sommes, je le répète, au 14 décembre 1971 et nous voulons savoir où nous allons. Nous voulons savoir si la carte signée par la moitié plus un des agriculteurs sera acceptée. C'est ça que nous avons discuté devant la commission parlementaire.

M. LEVESQUE: J'invoque le règlement. M. le Président, je crois que nous assistons présentement à ce qui serait normalement un débat de deuxième lecture. On est en train de faire l'historique du projet de loi du syndicalisme agricole. On est en train également non seulement d'entrer dans le principe du bill, mais d'en faire une étude article par article, alors que tout ce que la Chambre a devant elle, à ce moment-ci, c'est la considération du deuxième rapport de la commission.

Que dit ce rapport? Simplement ce qui suit: La commission a l'honneur de soumettre son rapport. La commission s'est réunie à telle date et une dizaine d'organismes se sont présentés devant elle. Il n'y a pas de recommandation dans ce rapport, il n'y a pas de dissension d'indiquée, il n'y a pas de problème particulier de soulevé; c'est simplement un compte rendu, un résumé de ce qui s'est fait à la commission. On demande simplement à la Chambre de recevoir ce rapport, afin de passer justement à la deuxième lecture de ce projet de loi.

Présentement, on semble profiter de cette simple procédure — qui est une procédure de routine dans le cas actuel — pour essayer de faire un nouveau débat qui n'a pour conséquence que de retarder, encore une fois, l'adoption de ce projet de loi.

Ce n'est pas de cette façon que nous allons faire avancer les travaux de la Chambre. Deuxièmement, je crois que cette discussion est entièrement en dehors de ce qui fait l'objet de l'étude présente. On doit s'en tenir à la considération du deuxième rapport. Or, le deuxième rapport ne contient absolument rien de litigieux. Tout ce qu'il dit, c'est qu'on s'est réuni à telle date et qu'on a entendu tant d'organismes.

Est-ce qu'il y a quelque chose là-dedans qui ne peut pas être reçu ou qui doit être reçu? Si c'est le cas, recevons ce rapport et passons aux choses plus positives.

M. PAUL: Sur le rappel au règlement, M. le Président, je trouve étrange l'argumentation apportée par l'honorable leader du gouvernement quand il reproche au député de Nicolet d'énumérer certains événements. Il dit que le député de Nicolet essaie de faire un nouveau débat.

Je soumets respectueusement que nous n'avons encore eu aucun débat sur ce projet de loi. La preuve, c'est que le projet de loi no 64 a été déféré à la commission parlementaire dès la première lecture et avant l'acceptation par la Chambre des principes que l'on peut retrouver dans ce projet de loi.

Mais je suis sûr, M. le Président, que le député de Nicolet s'en tiendra au coeur de la motion présentement à l'étude et que ce n'est que par incidence qu'il a traité de certaines questions de nature à éveiller quelque peu l'attention du ministre de l'Agriculture et de la Colonisation.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

Sur un point de règlement?

M. BELAND:Non, non.

M. VINCENT: Je m'excuse, M. le Président, de m'être quelque peu éloigné de la discussion en cours, ce fut très involontaire. J'étais tellement convaincu que le ministre de l'Agriculture acceptait ces propos avec joie que j'ai pensé que j'avais le consentement unanime de la Chambre pour soulever un court débat sur cette question. En ce qui nous concerne, M. le Président, nous sommes prêts à accepter ce rapport qui ne dit rien. Nous sommes prêts à l'accepter, mais nous espérons qu'au cours des très très prochains jours nous aurons une indication du ministre de l'Agriculture ou du leader parlementaire des suites qui seront données à ce rapport.

Je pense que c'est important. Si le rapport est accepté, s'il reste là, même s'il ne dit rien présentement, il y a quand même du travail qui a été fait et nous espérons que le ministre sera en mesure de nous donner des indications sur les suites qui seront données à ce rapport.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.

M. Jean-Louis Béland

M. BELAND: M. le Président, à mon tour je désire apporter quelques notes relativement à ce dépôt du rapport de la commission de l'Agriculture et de la Colonisation, faisant suite au bill 64. Sur celui-ci, nous avons entendu différents mémoires, différents exposés, différentes observations, notamment faites par l'UCC, la Coopérative fédérée, le Conseil d'alimentation du Québec, je ne les nommerai pas tous. Dans la plupart, il y a eu des choses très intéressantes de notées. J'espère que le ministre de l'Agriculture s'en est inspiré pour apporter quelques amendements parce que les cultivateurs désirent avoir, non pas un bill compliqué avec lequel ils auront de la difficulté à travailler, mais quelque chose de clair, de précis.

Le ministre sait que beaucoup de cultivateurs viennent tour à tour en cette Chambre pour voir ce qui se passe. Il y a une quantité de bills comme ça que la population désirerait, mais elle attend. Par contre, d'autres nous sont présentés et ceux-là, la population n'en veut pas. Qu'est-ce qui se passe? Etant donné que la population veut le bill 64, est-ce que quelqu'un ou quelque organisation freine le ministre de l'Agriculture? J'espère qu'il sera accepté, parce que je suis d'accord pour accepter le rapport de la commission de l'Agriculture et de la Colonisation.

Mais, dans les minutes qui suivront, est-ce que nous pourrons avoir la joie de voir le dépôt des amendements pour que le bill soit acceptable pour les cultivateurs du Québec? C'est là que nous allons voir si le ministre veut servir le peuple ou les trusts ou la finance. C'est là que nous allons le voir. S'il veut réellement servir les cultivateurs, il fera en sorte que les principales observations qui ont été faites soient acceptées. Il y en a eu de très sages dans les mémoires qui ont été présentés.

Ceci dit, le ministre a dû s'en inspirer et il a dû préparer des amendements très précis, pour faire en sorte que le bill soit très clair, pour que les cultivateurs soient en mesure de pouvoir travailler avec ce bill-là et s'en servir de façon à ce que, dans le plus bref délai possible, ils ne soient pas obligés de recueillir les cotisations à la mitaine.

Ces choses-là sont périmées. Est-ce normal que ceux qui ont à cultiver les produits qui entretiennent notre vie soient obligés de travailler un peu comme le cultivateur qui travaillerait avec son boeuf et sa charrue?

M. LE PRESIDENT: Je pense que le député de Lotbinière s'éloigne un peu du sujet.

M. BELAND: Merci, M. le Président, de me rappeler à l'ordre. Ce terrain est tellement glissant, j'espère que vous m'excuserez. C'est notre voeu...

UNE VOIX: Il y a de la glaise.

M. BELAND: ...que le ministre aille de l'avant, avant les fêtes, pour qu'on en finisse avec ce bill-là. Qu'on l'accepte, qu'on le refuse, mais qu'on en finisse. Je crois que les cultivateurs seront satisfaits. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Le rapport de la commission.

M. Normand Toupin M. TOUPIN: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Agriculture.

M. TOUPIN: ...juste quelques mots sur cette question. Bien sûr, on a reçu plusieurs mémoires à la commission parlementaire de l'Agriculture. Tous les députés ont eu l'occasion de lire ces mémoires et d'entendre ceux qui les ont lus. Par la suite, j'espère bien que chacun des députés a pris le temps de les étudier pour voir exactement ce qui pouvait se dégager de l'ensemble de ces mémoires afin, par la suite, de faire des suggestions, soit en apportant des amendements ou en améliorant certains articles qui se trouvent déjà dans le projet de loi.

Si ma mémoire est fidèle, après que la commission parlementaire se fut réunie à quelques reprises et eût entendu les mémoires présentés par ceux qui voulaient faire des représentations, il avait été convenu que la commission se réunisse à nouveau en vue de donner aux membres de la commission l'occasion de faire valoir leurs points de vue. J'ai toujours soutenu, au moment où des mémoires furent présentés et par la suite, quand la

commission parlementaire se fut réunie pour entendre les propos des membres de la commission, que nous étions disposés à réviser certains articles du projet de loi si, à la lumière des mémoires et à la lumière des suggestions faites par les membres de la commission, cela devenait nécessaire.

J'ai toujours soutenu cela et je ne me suis jamais opposé à des idées qui venaient de l'extérieur du ministère ou du gouvernement dans ce domaine-là. Il avait été convenu qu'une fois la commission réunie et après avoir entendu les membres, on préparerait, nous, un travail qu'on soumettrait au conseil des ministres et que, par la suite, on prendrait la procédure normale et régulière. C'est toujours ce que j'ai soutenu et je ne pense pas avoir dérogé à ce principe que j'ai soutenu au cours des discussions. Je ne vois pas pourquoi, ce matin, on tente de soutenir que nous hésitons à agir, que nous hésitons à continuer notre action dans ce domaine-là. Cela fait à peine huit mois que nous travaillons sur le projet de loi et nous sommes parvenus, je pense, à une étape importante. La première lecture a été présentée, la commission parlementaire s'est réunie et nous avons entendu les parties; il reste maintenant à faire accepter par le conseil des ministres l'essentiel de tout ce qui se trouvera dans le projet de loi et, par la suite, à prendre les procédures régulières pour en arriver à son adoption, s'il y a lieu.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de vous signaler que la conduite des différents ministres n'est pas la même. Effectivement, nous avons eu des séances à la commission des Affaires municipales les 30 novembre et 1er décembre pour compléter l'étude du projet de loi 48.

Nous sommes actuellement, au moment où je vous parle, à étudier en commission parlementaire un projet de loi réimprimé, alors que le ministre de l'Agriculture nous dit: Depuis un mois, nous travaillons à des amendements.

Il y aura un mois, dans deux jours, que la commission de l'Agriculture et de la Colonisation s'est réunie pour étudier certains amendements éventuels à la Loi du syndicalisme agricole et nous n'avons encore rien.

Si nous voulons faire certaines remarques au sujet du rapport dont l'adoption a été proposée par le député de Huntingdon, c'est que ce rapport est incomplet, qu'on devrait y relever, entre autres, une excellente suggestion faite par le député de Nicolet à l'effet que si les amendements proposés n'étaient pas arrêtés dans leur texte définitif, que si le gouvernement avait besoin de consultation additionnelle, le gouvernement présente un très court projet de loi par lequel il décréterait que toute personne qui vend des produits agricoles pour une somme d'au moins $100 par année soit obligée de verser une cotisation de $15 à l'UCC avec un délai de trois mois à cette personne pour fournir une lettre de désengagement si elle ne veut pas participer à la mise en application du syndicalisme, et ce à compter du 1er janvier 1972. Cela aurait été une mesure législative temporaire, efficace, cependant, et, entre-temps, le ministre de l'Agriculture et de la Colonisation aurait pu étudier davantage les textes d'amendement qu'il a l'intention de soumettre, à la lumière des différentes recommandations qui furent faites devant la commission parlementaire de l'Agriculture et de la Colonisation, par l'étude plus poussée des dix mémoires qui furent présentés devant cette commission.

C'est pourquoi, M. le Président, nous ne pouvons pas comprendre que dans un mois moins deux jours le ministre n'ait pas encore réussi à faire accepter ses amendements par le cabinet des ministres alors que son collègue, le ministre des Affaires municipales, a réussi à faire adopter 101 amendements à la Loi sur l'évaluation foncière, le projet de loi no 48.

M. TOUPIN: M. le Président, je ne pense pas avoir dit que je ne suis pas parvenu à faire accepter les amendements par le conseil des ministres. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je ne les ai pas présentés encore. C'est clair, quand je les présenterai, vous jugerez après.

M. PAUL: C'est encore pire. Voici que depuis un mois le ministre dort; il n'a pas soumis de rapport d'amendement à ses collègues du cabinet. Nous voulons que le ministre agisse. Quant à nous, nous avons complété nos remarques, nous allons adopter ce rapport incomplet, insignifiant, vide, et que le ministre commence à bouger pour satisfaire aux exigences de la classe agricole qui veut avoir la Loi du syndicalisme agricole.

M. Gérard-D. Levesque

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ajouterai qu'un mot. Il n'y a pas un gouvernement qui a manifesté autant d'intérêt pour la classe agricole; il n'y a pas un ministre qui s'est autant penché, avec autant d'efficacité, sur le problème agricole, particulièrement sur la question du syndicalisme agricole.

Deuxièmement, M. le Président, la Chambre est au courant, nous l'avons informée continuellement des progrès de cette législation. En particulier, lorsque le ministre a eu à répondre à des questions, le ministre et moi-même avons tenu la Chambre au courant. Nous avons parlé du comité de législation qui devait normalement regarder les amendements proposés par le ministère de l'Agriculture. C'est normal.

Enfin, nous avons mentionné que, lorsque

ces amendements auraient été adoptés au comité de législation, ils seraient présentés au conseil des ministres. Il y a quelques minutes seulement, le comité de législation travaillait justement à ces amendements. Alors, dès que le ministre pourra le faire, ce sera probablement demain, il les apportera devant le conseil des ministres.

Nous ne pouvons pas aller plus rapidement, plus efficacement. Tout ce que je demande, c'est qu'on adopte ce rapport et qu'on cesse de perdre du temps.

Adoption du rapport

M. LE PRESIDENT: Le deuxième rapport de la commission de l'Agriculture et de la Colonisation est-il adopté?

Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, voici une motion que je veux faire, à la suite de consultation avec les divers partis. Pour avoir plus de flexibilité dans le travail des commissions, je propose que, d'ici la fin de la présente session, l'on puisse, alors que les commissions permanentes siègent, changer les membres sur simple proposition, sans être obligé de revenir en Chambre.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

Projet de loi no 66 Rappel d'inscription de troisième lecture

M. LEVESQUE: Article 3, M. le Président. Mais je voudrais faire une motion pour révoquer l'ordre de troisième lecture et revenir en comité plénier pour permettre au ministre de présenter certains amendements. Je ne sais pas, mais je pense bien que le ministre a eu l'occasion d'en parler aux leaders parlementaires, le député de Maskinongé ou les autres. De toute façon, le ministre m'a laissé entendre qu'il aimerait revenir en comité plénier pour suggérer quelques amendements qui se sont présentés.

M.PAUL: M. le Président, le ministre fait motion pour rescinder le rapport qui avait été fait à l'issue de l'étude de ce projet de loi par le comité plénier? Par voie de conséquence, cela s'impose.

M. LEVESQUE: Oui, M. le Président. M. PAUL: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Les deux motions sont-elles adoptées?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 66.

Comité plénier

M. CARPENTIER (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs!

M. LOUBIER: Est-ce que le Solliciteur général est parti plaider à la cour Suprême?

M. PAUL: Non, il est devant tous les commissaires.

M. CHOQUETTE: Je croyais que le ministre de l'Agriculture était pour vous occuper toute la matinée. Vous aviez l'air bien partis.

M. VINCENT: Je regrette.

M. CHOQUETTE: Vous vous êtes dégonflé?

M. VINCENT: Si le ministre de la Justice avait mentionné cela au leader parlementaire, nous aurions pu continuer pendant encore quelques instants.

M. PAUL: J'avais prévenu le ministre que cela durerait deux jours.

M. LOUBIER: Le ministre de la Justice ne pourrait-il pas demander à son chef ou à M. Desrochers d'organiser cette Chambre avec des walkie-talkies pour qu'on puisse rejoindre les ministres et les députés?

M. CHOQUETTE: Oui, je crois que ce serait une excellente idée.

M. LOUBIER: Il y aurait unité de présence, à ce moment-là.

M. PAUL: Par la pensée.

M. LACROIX: Quand on est plus nombreux, on peut se parler plus facilement.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais faire un petit retour en arrière, si vous me le permettez, et expliquer pourquoi j'apporte aujourd'hui cette série d'amendements au bill 66. Si vous vous le rappelez bien, lorsque nous avons discuté ce bill...

M. BURNS: Est-ce qu'on peut avoir des copies des amendements?

M. CHOQUETTE: Je les ai remises au président.

M. PAUL: Ah! mais il n'est pas pour bouger, lui. Aie, les amendements!

UNE VOIX: Est-ce qu'il y a des pages quelque part? Aie, les pages!

M. LEVESQUE: Est-ce qu'il y a des pages quelque part? Des feuilles et des pages.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Donc, je disais que, lorsque nous avons discuté du bill 66, en comité, après la deuxième lecture, il a été souligné par un des honorables députés qu'il y aurait peut-être intérêt à ce que nous revoyions certaines lois où il était question de l'âge de la majorité de façon à apporter, immédiatement, les amendements aux lois particulières en question.

C'est l'objet, justement, de la série d'amendements que je vous soumets, M. le Président.

D'autre part, je dois vous dire que je suggère un amendement qui fera en sorte que l'âge de la majorité, que nous fixerons, dorénavant, à 18 ans, entrera en vigueur le 1er janvier 1972 plutôt qu'immédiatement, et ceci à cause de certaines élections qui se déroulent actuellement dans les fabriques. On a attiré notre attention sur le fait que, dans les fabriques, des élections étaient prévues pour le mois de décembre et que, si nous apportions immédiatement des changements à la loi de la majorité, ceci aurait pour effet de rendre obligatoire d'appeler les personnes de plus de 18 ans à voter et que, par conséquent, ce n'était peut-être pas utile, vu les complications administratives qui résulteraient d'un changement de régime au point de vue de la majorité.

C'est la raison pour laquelle je vous propose que le changement de l'âge de la majorité s'effectue le 1er janvier 1972. Egalement, je crois que le premier de l'année est une bonne date pour faire un tel changement. Les dispositions qui s'appliquent à l'indemnité additionnelle commenceraient également le 1er janvier 1972. Alors, nous sommes à très peu de jours du 1er de l'année. Je vous suggère donc que pour cette disposition nous adoptions le même principe que pour celle du changement de l'âge de la majorité.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M. PAUL: Un instant, M. le Président. Je comprends votre hâte de partir en vacances. D'un autre côté, nous avons nos obligations nous aussi, notamment de faire certaines remarques, fort au point, au sujet des amendements que nous propose le ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice a tenu compte des recommandations qui lui furent faites. Il semble qu'il ait eu recours aux différentes lois administratives pour apporter les amendements qui s'imposent afin que le texte soit conforme à celui que nous retrouverons dans le code civil amendé. Je n'ai aucun doute que le ministre s'empressera, lors de la prochaine session, d'ap- porter de nouveaux amendements si, par hasard, il lui était signalé que certaines lois n'ont pas été corrigées par les amendements qu'il nous propose ce matin.

Ce sont des amendements de corrélation logique. Je suis sûr que mon collègue, le député de Maisonneuve, a jusqu'ici pris le temps de vérifier l'interrogation que nous nous sommes posée tout à l'heure. Je ne veux pas lui enlever le mérite de sa curiosité intellectuelle. Je suis désireux de connaître la réponse à la question qu'il m'a posée.

De toute façon, M. le Président, ce sont des amendements que nous appuyons, et je profite de l'occasion pour féliciter le ministre de s'être rendu aux remarques que nous lui avons faites. C'est regrettable qu'il n'y ait pas la même efficacité administrative parmi tous ses collègues, ce qui faciliterait notre travail.

J'espère que le ministre ne sera pas mortifié par ce compliment que je lui décerne; cela devrait constituer un excellent stimulant chez ses collègues pour obtenir une efficacité administrative qui leur permettra d'être à temps et à point dans les amendements que l'on doit préparer, fût-ce même dans le domaine du syndicalisme agricole.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Portneuf.

M. DROLET: M. le Président, notre parti politique appuie aussi les amendements que vient de déposer l'honorable ministre de la Justice.

Nous n'avons pas grand-chose à ajouter, sinon le féliciter. Je fais miennes les paroles de l'honorable député de Maskinongé pour remercier le ministre d'avoir répondu à ce que l'Opposition avait demandé et d'avoir déposé ces amendements dès maintenant.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, nous sommes évidemment aussi entièrement d'accord sur ces amendements. Je pense que ce qui sous-tendait les points de vue de l'Opposition quand nous demandions d'uniformiser les lois donnant la capacité, soit dans des domaines précis ou dans des domaines généraux, aux personnes de 18 ans et plus, c'était justement, dans notre esprit, pour que les majeurs de 18 ans soient véritablement majeurs à tout point de vue.

Malheureusement, je viens à peine de vérifier la Loi des jurés du Québec. Il me semble qu'il y a peut-être eu un oubli dans cette loi. Je n'ai pas le texte définitif que nous avons adopté récemment mais, sauf erreur, nous n'avons pas changé les mots de l'article 2, paragraphe b), quand nous avons amendé cette loi.

L'article 2 nous dit: "Nul ne peut remplir les fonctions de juré à moins d'être à la fois a) du sexe masculin." Cette chose faisait l'objet de

l'amendement que le ministre de la Justice a soumis récemment. Le paragraphe b) qui, à ma connaissance, n'a pas été touché, se lit: "âgé de 21 ans révolus". Alors au sens de la Loi des jurés, je pense que ce serait une occasion d'ajouter, peut-être, un amendement dans la liste de ceux proposés par le ministre pour que, véritablement, une personne de 18 ans soit majeure à tout point de vue.

C'est la seule remarque que j'avais à faire. Quant au reste, nous sommes entièrement d'accord sur les amendements proposés.

M. VINCENT: M. le Président, n'y aurait-il pas lieu, par exemple, dans cette loi, au lieu d'apporter des amendements comme ceux-là, d'avoir un certain article, omnibus — je ne sais pas si c'est possible...

M. CHOQUETTE: C'est justement ce qui a eu lieu.

M. VINCENT: Pardon?

M. CHOQUETTE: C'est justement ce qui a été fait.

M. VINCENT: Pour quelle raison apporte-ton tous ces amendements? S'il y avait eu possibilité — je ne sais pas, je ne connais pas tellement la technique législative dans les détails...

M. CHOQUETTE: Si le député de Nicolet avait été ici lors de la discussion de la première lecture, il saurait que, justement, nous avons changé l'âge de la majorité au code civil. Donc, cela a une application générale.

Mais, d'un autre côté, nous nous sommes posé, par la même occasion, la question: y a-t-il des exigences, au point de vue de l'âge, dans d'autres lois? C'est là que nous avons fait des recherches dans d'autres lois. A la suite de ces recherches, nous apportons cette série d'amendements.

M. VINCENT: Oui, mais pour éviter cela, si on trouvait une autre loi dans laquelle la majorité est bien spécifiée et qu'elle s'applique à 21 ans, n'y aurait-il pas possibilité d'avoir un simple article omnibus disant que dans toute loi qui relève de la compétence du gouvernement du Québec, on devra lire 18 ans au lieu de 21 ans, très simplement? Cela couvrirait toutes les lois. Je ne sais pas. Je pose simplement la question à un juriste savant comme le député d'Outremont.

M. CHOQUETTE: La qualification de l'âge ne se rapporte pas toujours à la majorité ou à la non-majorité. Il peut y avoir des circonstances ou des lois où l'on exige tel âge mais où cela n'est pas nécessairement en rapport avec la majorité.

Comme dit le député de Saint-Louis, par exemple, pour ie mariage, on exige dans le code civil qu'un garçon ait au moins 16 ans et qu'une fille ait au moins 14 ans. Alors, il faut quand même faire certaines différences suivant les ordres d'activité dans lesquelles on est.

Evidemment, par l'amendement qui était apporté au code civil, nous changions l'âge de la majorité pour l'exercice des droits ordinaires d'un citoyen, soit son droit de se marier, son droit de contracter, enfin l'ensemble de l'exercice de ses droits civils. Donc, nous avons adopté ce principe. Je pense que c'est conforme à l'expression d'opinion du député de Nicolet. Mais nous avons eu une discussion à ce moment-là.

Les honorables députés de l'Opposition, dont le député de Maskinongé, le député de Maisonneuve et le député de Portneuf, qui assistaient à la discussion ont alors dit: Mais est-ce qu'il n'y a pas des lois où on fixe l'âge de 21 ans comme étant une condition pour remplir certaines fonctions, obtenir certains avantages ou exercer certaines activités? Incidemment, je signale que, dans la Loi du crédit agricole, par exemple, il y avait des exigences de cette sorte. Pour obtenir des prêts, il fallait avoir 21 ans.

Nous avons fait la revue de l'ensemble de ces lois-là, et c'est le fruit de cet examen qui se trouve dans les amendements que j'ai déposés. Nous donnons donc suite au voeu du député de Nicolet par une énonciation générale à l'effet que, dorénavant, l'âge de la majorité sera 18 ans. En plus de ça, nous révisons nos lois particulières dans chaque cas, avec des exceptions, cependant.

J'ai pensé au cas de la Loi des jurés, qui a été signalé par le député de Maisonneuve. J'ai pensé également au cas de la Loi des compagnies qui exige qu'un directeur de compagnie ait 21 ans. Je ne propose pas que nous changions ces deux lois pour le moment parce qu'il me semble que dans ces deux domaines, celui qui est appelé à exercer une responsabilité ne règle pas seulement ses droits et ses obligations à lui; il règle les droits et les obligations d'autrui.

Comme juré, il siège, en somme, comme partie du processus judiciaire et il est appelé à se prononcer sur la culpabilité ou la non-culpabilité. Comme directeur de compagnie, il administre des biens, en somme, comme fiduciaire d'autrui. Je pense que dans ces domaines, pour le moment du moins, nous devrions laisser les lois telles quelles, parce que là nous atteignons un seuil de responsabilité où le mineur actuel ne fait pas que s'engager lui-même, mais il va beaucoup plus loin que cela; il règle les droits d'autrui.

Je pense que l'on devrait se contenter des amendements que nous suggérons et de l'expression d'opinion générale. Quand il s'agit de régler les droits d'autrui, qu'on fasse l'expérience, nous verrons et peut-être que, dans un certain temps, nous pourrons apporter des amendements visant à réformer ces deux lois, la Loi des jurés et la Loi des compagnies. Pour le moment, je pense que ce serait prématuré.

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Dois-je comprendre que les articles 21 à 33 sont adoptés?

M. PAUL: Adopté. M. DROLET: Adopté.

M. BURNS: Adopté. M. le Président, je voudrais simplement, très brièvement, exprimer ma déception que le ministre, qui d'habitude est très d'avant-garde dans ses législations, fasse cette distinction. Pour nous, au départ, le principe était: on est majeur ou on ne l'est pas. Dans le cas de la Loi des compagnies et dans le cas de la Loi des jurés, il est évident que la référence à l'âge de 21 ans signifiait l'âge de la majorité.

Si on commence à faire des distinctions comme ça, on peut continuer indéfiniment. Pourquoi, par exemple, ne dirions-nous pas que, dans la Loi des jurés, ça prendrait 35 ans, parce qu'à 35 ans une personne est habituellement plus stable qu'à 21 ans? Il n'y a pas de raison de faire de distinction dans ce sens-là.

Je voulais, tout simplement, exprimer ma déception à l'égard de ces deux détails.

M. CHOQUETTE: La déception du député de Maisonneuve étant exprimée, je vais en appeler à son bon sens, parce qu'il en a une forte dose. En plus de ça, il a une formation juridique; il est appelé, en somme, à plaider beaucoup de causes dans divers domaines d'activités. Je sais que, dans son for intérieur, il admet que l'exercice de la fonction judiciaire demande pas mal de sens des responsabilités et de maturité.

Je lui demande de retenir sa déception pour le moment. Nous verrons comment la nouvelle loi, d'ailleurs, qui a été élargie, va fonctionner. Nous verrons dans quelques années s'il n'y a pas lieu d'aller plus loin.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a siégé et adopté le bill no 66 avec des amendements qu'il vous prie d'agréer.

M. BLANK (président): Les amendements au bill no 66 ont été agrées. Le rapport est-il adopté?

Adopté.

M. LEVESQUE: Troisième lecture. Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: La troisième lecture du bill no 66 est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

M. LEVESQUE: Article 11.

Projet de loi no 280 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture de la loi concernant le paiement d'une indemnité et d'une pension à M. Armand Courval.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, ce bill que j'ai l'honneur de proposer nous ramène bien des années en arrière, alors que le service de police de la ville de Montréal, ainsi que toute l'administration de la ville de Montréal, avait fait l'objet d'une enquête qui a été connue sous le nom d'enquête Caron à laquelle ont été mêlées beaucoup de personnes. Entre autres, fut mêlé, à cette époque, à toute l'activité qui régnait dans la ville de Montréal M. Armand Courval qui fait l'objet de la loi que je présente aujourd'hui.

On se souviendra peut-être que M. Courval, à la suite de certaines accusations de parjure, avait été reconnu coupable le 23 avril 1956 et condamné par la cour des Sessions de la paix. Beaucoup d'années se sont écoulées et voilà que récemment, c'est-à-dire le 22 juillet 1971, le gouverneur général du Canada a accordé un pardon complet à M. Courval. Je vais donner lecture du document. "Attendu qu'à la séance du tribunal tenue à Montréal dans la province de Québec devant son honneur le juge W. Proulx Armand Courval a été reconnu coupable de parjure le 23e jour d'avril 1956 et en conséquence condamné à une journée d'emprisonnement et à $500 d'amende ou à défaut à trois mois d'emprisonnement additionnel, et attendu que l'honorable Solliciteur général nous a fait rapport à ce sujet, en conséquence, sachez que nous, considérant que vous, ledit Armand Courval, n'étant pas coupable de ladite accusation portée contre vous, et pour laquelle vous avez été condamné comme susdit, ne devez plus être sous le coup de ladite condamnation et de ladite sentence, ni ne devez plus en subir la flétrissure, vous pardonnons, vous libérons et vous accordons par les présentes le pardon absolu et la rémission à cet égard de toutes et chacune des peines auxquelles vous, le nommé Armand Courval, étiez, êtes ou si ce n'était du présent pardon absolu, auriez pu être soumis à cause de ladite condamnation du délit décrit à cet égard et de ladite sentence. Donné sous mon seing et sceau d'office à Ottawa, ce 22e jour de juillet en l'an de grâce 1971, le 20e du règne de Sa Majesté. Par ordre, signé sous-régistraire général du Canada".

Par conséquent, il devenait nécessaire de donner suite à ce pardon absolu, et c'est une requête qui nous est parvenue de la ville de Montréal à l'effet de permettre à la ville, ainsi qu'à l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal, de restaurer M. Courval dans ses droits.

Par conséquent, le projet que je vous présente aujourd'hui a tout d'abord pour but d'autoriser la ville de Montréal à payer les montants dus tant par la ville que par M. Courval à l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal de façon à pouvoir lui permettre de payer une pension à M. Courval, tout comme s'il avait été à l'emploi de la ville de Montréal jusqu'à aujourd'hui.

Je rappelle, à ce sujet, que M. Courval, quelque temps après la condamnation qu'il a subie en cours des Sessions de la paix, avait donné sa démission comme policier de la ville de Montréal. Par conséquent, la ville de Montréal, en présentant cette requête, s'engage, en somme, implicitement à payer à la fois les contributions de M. Courval lui-même et celles de la ville comme employeur à l'Association de bienfaisance et de retraite, qui elle, à son tour, versera à M. Courval une pension qui a été calculée par l'Association de bienfaisance et de retraite et qui correspondrait à la pension à laquelle M. Courval aurait droit si ce n'avait été de cette condamnation.

La ville de Montréal demande également une autorisation, dont elle a besoin, pour payer à M. Courval une indemnité à la suite de sa condamnation et de sa démission. On sait que, dans la période qui s'est écoulée entre le 23 avril 1956 et aujourd'hui, M. Courval n'a pas travaillé comme policier de la ville de Montréal. Il a peut-être travaillé ailleurs et je pense bien que la ville tiendra compte de ses gains. De toute façon, ce n'est pas notre problème comme législateurs aujourd'hui; il s'agit tout simplement d'autoriser la ville à payer une indemnité à M. Courval pour tenir compte de cette période d'environ quinze ans où il n'a pas toujours travaillé, à ce que l'on me dit.

Quant à la négociation de l'indemnité, c'est une matière qu'il appartient aux autorités de la ville de Montréal de discuter avec M. Courval et sur laquelle nous n'avons pas à nous prononcer, sinon autoriser la ville à négocier cette indemnité.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, il s'agit d'une législation humanitaire. Je ne m'oppose pas à ce que le dénommé Armand Courval puisse bénéficier des avantages de la retraite après avoir obtenu son pardon du gouverneur général. Ce qui m'intrigue quelque peu, ce n'est pas le cas d'espèce que nous étudions, je ne connais pas M. Courval. Cependant, j'ai été informé qu'il avait été un policier d'action, intelligent, et il semblerait qu'il aurait été imprudent dans les circonstances qui ont entraîné l'accusation qui fut portée contre lui. Il a écopé d'une journée de prison et d'une amende de $500.

Je me réjouis, M. le Président, pour M. Courval et les siens, qu'il puisse aujourd'hui bénéficier, d'une façon rétroactive, des avantages qu'offre le système de pension de la ville de Montréal à ses policiers.

Mais il est à craindre que d'autres fonctionnaires de la ville de Montréal ne soient placés dans de mêmes conditions pour des accusations différentes et qu'ils n'obtiennent eux aussi — je le leur souhaite — le pardon du gouverneur général. A ce moment-là, nous serions mal venus de ne pouvoir accorder à ces graciés éventuels le même traitement que l'on accorde aujourd'hui à M. Armand Courval.

Je n'en n'ai pas contre le principe de ce projet de loi que je vais appuyer, avec la réserve cependant, du précédent — je ne dirai pas qu'il est dangereux — que nous créons et que nous devrons perpétuer à l'endroit de ceux qui se trouveront dans les mêmes conditions que M. Courval, pour autant, cependant, que ces requérants éventuels puissent obtenir une négociation acceptée de la part de leur ancien employeur.

Considérant que c'est une requête de la ville de Montréal, considérant qu'il n'y a pas d'objection de l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal, je ne verrais pas pourquoi le législateur ne donnerait pas à la ville de Montréal ce privilège ou ce droit exceptionnel et bien déterminé qui lui est accordé par le projet de loi no 280.

Je voulais tout simplement attirer l'attention sur le précédent que nous créons aujourd'hui et qui devra être maintenu à l'endroit de tout autre citoyen du Québec qui se trouverait placé, je le répète, dans les mêmes conditions que M. Courval.

Je n'inclus pas dans les conditions une réserve d'application seulement à l'endroit des employés de la ville de Montréal, mais je parle d'un statut découlant d'un pardon que peut accorder le gouverneur général. Lorsque ce pardon aura été obtenu, il incombera toujours au bénéficiaire du pardon de négocier et, s'il réussit à obtenir un consentement de la part de son employeur, j'espère que le législateur se servira du précédent que nous créons aujourd'hui pour accorder non seulement à M. Courval, mais à tout autre contribuable québécois qui deviendrait placé dans les mêmes conditions les mêmes avantages que ceux qui sont consentis indirectement à M. Courval par un pouvoir bien spécifique accordé à la ville de Montréal aux fins de ratifier l'entente intervenue entre la ville et son ex-employé Armand Courval.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, quant à nous, au sujet du bill 280 concernant M. Armand

Courval et la ville de Montréal, nous n'avons pas l'intention de nous ériger en juges de la situation. Nous nous en tiendrons aux faits portés à notre connaissance, étant donné que ce bill permet à la ville de Montréal de prendre des dispositions compensatoires, étant donné la situation, étant donné que M. Courval a reçu le pardon et, également, prenant en considération que durant ces nombreuses années, il a sûrement dû faire face à des nombreuses difficultés causées par cette situation, et en plus du manque à gagner, il y a aussi la question de la réputation d'un homme qui a sans doute été gravement atteinte pendant ces nombreuses années.

Quant à nous, nous croyons qu'il est plus que raisonnable que nous adoptions aujourd'hui une telle loi pour permettre à M. Courval de recevoir une compensation non seulement pour ce qu'il a perdu pendant ces nombreuses années, mais surtout — et c'est là-dessus que nous insistons — pour compenser l'atteinte à sa réputation qui, évidemment, est automatique dans de tels cas.

Je n'ai pas à faire tout le procès, je n'ai pas non plus à faire l'étude complète, si vous voulez, de tout ce que cela a pu apporter comme difficultés ou comme problèmes à M. Courval pendant ces nombreuses années.

Tout ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que c'est heureux qu'après ces nombreuses années on puisse en arriver à conclure que la réputation de M. Courval est rétablie par ce pardon et qu'on permette de l'indemniser. Si on veut calculer en fonction de signes de piastres, je crois qu'il n'y a pas de signe de piastre suffisant pour rétablir tout le préjudice qu'aura sûrement dû subir M. Courval pendant ces nombreuses années. C'est pourquoi nous allons de tout coeur voter, en faveur de ce bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, devant les faits qui nous ont été soumis par le ministre, devant l'existence de ce pardon qui a été accordé à M. Courval, nous aussi nous voterons en faveur du principe de ce bill qui se veut une indemnisation, sous forme indirecte, à M. Courval pour ce qu'il a subi au cours de ses années de tribulations judiciaires.

Notre attitude aurait peut-être été différente si cela avait été l'Association de bienfaisance et de retraite de la police de Montréal qui avait fait les frais de cette indemnisation. Or, le projet de loi nous démontre que ce sera la ville de Montréal qui fera les frais de cette compensation. Quand on connaît l'intérêt que les policiers de la ville de Montréal portent à leur fonds de retraite et comment ils l'administrent, comme ils veulent en garder jalousement le contrôle, nous nous serions opposés à ce que ce soit cette association qui paie pour les pots cassés. Remarquez que le même principe peut peut-être se soulever à savoir que si ce n'est pas une association de bienfaisance qui paie, ce sont les contribuables de la ville de Montréal. Mais, comme c'est perdu dans une plus grande masse monétaire, nos réticences sont beaucoup moindres.

M. CHOQUETTE: A part cela, les policiers sont dans les galeries.

M. BURNS: Ils sont là, à part cela ! Alors, je vais faire attention, parce que je vois que M. Marcil est directement derrière moi.

M. CHOQUETTE: Il est souriant, ce matin!

M. BURNS: J'ai assez confiance en lui pour l'avoir derrière moi.

J'émettrais les mêmes réserves que le député de Maskinongé sur le précédent que cause un tel projet de loi, en ce sens que peut-être cela obligera l'Assemblée nationale à prendre des attitudes constantes dans des cas semblables à celui-là. Je pense qu'en principe ce n'est pas mauvais.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, nous voterons en faveur de ce projet de loi en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous me permettez, je vais faire quelques brèves observations à la suite de l'intervention du député de Maskinongé et reprise par le député de Maisonneuve.

J'attirerai leur attention sur le fait que, dans le cas actuel, il s'agit d'un pardon absolu. Ce pardon fait en sorte que l'infraction dont M. Courval a été tenu coupable n'a jamais existé.

Donc, l'acte posé par le gouverneur général en conseil efface complètement le passé, le met à néant. Sur le plan juridique, je pense qu'il est normal que la ville de Montréal et que nous, de l'Assemblée nationale, donnions suite à ce pardon de la façon que j'ai indiquée.

M. PAUL: L'honorable ministre me permet-il une question? Cette requête en pardon a-t-elle été accordée à la suite d'une demande faite par le requérant au Solliciteur général du Canada consécutivement ou en rapport avec, je crois, le bill no 110 — je regrette de ne pas avoir le numéro exact du projet de loi — qui permet une réhabilitation après cinq années de bonne conduite?

M. CHOQUETTE: Je ne pense pas que ce soit du tout dans le même ordre d'idée. Je commence à comprendre les interrogations du député de Maskinongé dans son exposé, tout à l'heure, en deuxième lecture. Ce n'est pas du

tout dans le même ordre d'idée. Je crois que, dans le cas actuel, nous sommes devant l'usage de la prérogative royale qui fait que, dans un cas comme celui-ci, on puisse absoudre quelqu'un complètement.

Si le gouverneur général a posé ce geste, je pense qu'il a de bonnes raisons.

M. LE PRESIDENT: Cette deuxième lecture du bill 280 est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LEVESQUE: Plutôt que d'aller en comité plénier, la troisième lecture. D'accord?

M.PAUL: D'accord.

Comité plénier et troisième lecture

M. LE PRESIDENT (Blank): La troisième lecture de ce bill est-elle adoptée?

DES VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LEVESQUE: M. le Président, juste avant la suspension, il serait peut-être intéressant simplement de noter qu'à la reprise de nos travaux nous passerons au projet de loi no 285, article 14, ensuite au projet de loi no 282, article 15, et finalement au projet de loi no 281, qui apparaît à l'article 13.

M. CHOQUETTE: M. le Président, ne pourrait-on pas prendre les projets de loi nos 283 et 284 également?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas d'objection. Cela dépend évidemment de l'Opposition...

M. SAMSON: ...semaine.

M. LEVESQUE: Non, non! C'est parce qu'il y a des projets de loi très courts là-dedans. C'est pour cela que je les mentionne.

M. SAMSON: Les projets de loi 283 et 284?

M. LEVESQUE: Prenons les articles, si vous préférez. J'avais ici une indication, 14, 15 et 13. Maintenant, le ministre de la Justice vient de m'indiquer qu'il aimerait également inclure les articles 17 et 18, si je comprends bien.

M. PAUL: M. le Président, l'article 18, avec une certaine réserve pour me permettre de faire certaines consultations auprès de mes confrères de Trois-Rivières.

M. LEVESQUE: Le bill n'a été déposé qu'hier.

M. PAUL: Oui, il n'a été déposé qu'hier. Disons qu'en principe je ne m'y oppose pas.

J'espère que, d'ici ce soir, je pourrai obtenir des renseignements qui me sont nécessaires pour connaître l'attitude du Barreau de Trois-Rivières à l'endroit de ce projet de loi.

M. LEVESQUE: S'il y avait du temps après ça, ce soir, nous pourrions commencer l'étude du budget supplémentaire.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice fait motion pour que le projet de loi no 280 soit maintenant lu une deuxième fois. Il fait aussi motion pour qu'on suspende les travaux de la Chambre jusqu'à deux heures trente.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

Reprise de la séance à 14 h 34

M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs !

M. CHOQUETTE: Article 14.

Projet de loi no 285 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi no 285, Loi modifiant la Loi de police.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, dans un certain sens, il aurait été plus normal que je présente ce projet de loi après la seconde lecture, au moins, du bill no 281 qui vise à l'intégration sur une base régionale de la police de l'île de Montréal.

En effet, certains amendements qui sont contenus dans le bill 285, bill qui a pour objet d'amender la Loi de police, résultent de la situation qui prévaudra une fois que la police de Montréal aura été intégrée. En particulier, M. le Président, l'article 1 du projet de loi qui a pour but d'accroître le nombre de membres de la Commission de police de cinq à neuf. Non seulement le travail actuel de la Commission de police, qui a en grande partie été consacré à des enquêtes sur des corps de police — et ceci à la demande du procureur général, de municipalités ou d'autres personnes intéressées — non seulement dis-je, le volume des enquêtes sur les corps de police a-t-il augmenté, ce qui en soi nécessiterait l'accroissement du nombre de membres de la Commission de police, mais le bill no 281, que j'espère présenter plus tard cet après-midi, confiera des fonctions particulièrement importantes à la Commission de police. Il s'agira en particulier de la normalisation des grades des policiers ou des officiers des corps de police qui seront intégrés sur l'île de Montréal et également de l'examen et de l'audition des parties sur le plan d'intégration des ressources humaines et physiques, qui devra être préparé par le futur chef de police de l'île de Montréal et sur lequel les parties intéressées pourront faire des représentations à la Commission de police qui agira comme arbitre des intérêts qui peuvent être divergents quant à la valeur de ce plan d'intégration.

D'autre part, M. le Président, vous ne serez pas sans noter que le bill 285 propose des précisions quant au pouvoir d'enquête de la Commission de police en matière de crime.

En fait, à l'heure actuelle, la Commission de police a le pouvoir de faire des enquêtes sur les aspects de la criminalité que lui indique le lieutenant-gouverneur. Or, j'ai déjà annoncé, en d'autres circonstances, l'intention du gouvernement de procéder à une ou des enquêtes sur les activités ou les phases d'activités des gens qui sont dans le crime organisé. C'est dans ce but que nous demandons un amendement à la Loi de police de façon à élargir et à préciser les pouvoirs de la Commission de police lorsque le lieutenant-gouverneur en conseil jugera opportun de lui confier des responsabilités précises au point de vue de l'enquête sur le crime organisé. C'est là le but d'un des amendements proposés au texte de loi.

Certaines revendications nous sont venues en particulier des chefs de police et d'officiers dans des corps de police que ne sont pas représentés par des syndicats. Nous avons cru opportun de donner suite à ces revendications de façon que la Commission de police puisse établir des échelles indicatives de traitements qui pourraient être suivies par les municipalités intéressées. Les échelles indicatives ne seraient pas obligatoires pour les municipalités, mais, d'un autre côté, je pense que les municipalités se feraient un point d'honneur de suivre les recommandations de la Commission de police en rapport avec le paiement de salaires de leurs chefs de police ou des autres officiers qui ne sont pas protégés par un syndicat.

Finalement, la commission de police pourrait également être habilité à recommander l'octroi de décorations et de citations à des personnes qui, par leurs actions, ont démontré un intérêt certain pour la protection du public en général.

Il s'agirait, en somme, de récompenser des citoyens et des policiers qui ont posé des actes de bravoure ou des actes d'éclat ou, d'un autre côté, qui ont porté une assistance très utile à une personne alors qu'elle était dans des difficultés dans le domaine de la justice ou de l'action criminelle, enfin dans cet ordre d'idée.

Il s'agit donc d'habiliter la Commission de police à recommander l'octroi de citations ou de décorations pour des personnes qui se sont illustrées de cette façon. J'ai moi-même eu le cas récemment d'un chauffeur de taxi, à Montréal, qui a rendu un très grand service à la justice en faisant un rapport rapide et intelligent sur des circonstances qui entouraient l'enlèvement d'un enfant. N'eût été cette action de ce chauffeur de taxi, je suis sûr que la justice aurait eu beaucoup de difficulté à élucider cet incident et à trouver les responsables.

Ce genre de citoyen qui prête volontairement son concours aux autorités, en particulier à la police et à l'appareil de la justice, doit être, à mon sens, récompensé d'une façon tangible. Je crois que l'octroi de telles citations et décorations sera de nature à accroître et élever le niveau de l'esprit civique dans le Québec, par la collaboration que les citoyens voudront bien donner à ceux qui ont primordialement la responsabilité du respect des lois, c'est-à-dire les policiers ainsi que toutes les autres autorités politiques, qu'elles soient provinciales ou municipales. C'est là l'objet du projet de loi que je présente.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, en juin 1968, le député de Missisquoi se faisait le parrain d'un projet de loi aux fins d'instituer une Commission de police dans le cadre d'une loi générale de la police. Je me rappelle fort bien qu'à l'époque certains collègues, qui siégeaient ici dans cette Assemblée, étaient perplexes et s'interrogeaient sur l'efficacité et le rôle d'une Commission de police et se demandaient quels seraient l'application et les avantages de la Loi de police. Il s'agit, pour le savoir, d'avoir suivi les activités de la Commission de police et spécialement des commissaires, à qui je veux rendre un témoignage d'admiration, de considération pour l'excellent travail qu'ils accomplissent parfois dans des circonstances difficiles.

Je dis donc qu'au fur et à mesure que notre société évolue, la Commission de police se voit attribuer des responsabilités qui deviennent de plus en plus nombreuses mais qui correspondent au but visé par le législateur à l'occasion de la présentation de ce projet de loi à l'époque et que l'on retrouve aujourd'hui dans nos statuts de 1968, au chapitre 17.

M. le Président, le ministre nous a proposé certains amendements mineurs au cours de la dernière session et, aujourd'hui, il se doit de nous présenter cette loi en raison tout d'abord du travail que devra accomplir, la contribution que devra apporter la Commission de police, surtout comme conséquence et par suite de l'adoption du projet de loi no 281, Loi constituant le service de police de la Communauté urbaine de Montréal et modifiant de nouveau la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que depuis que cet organisme est en place, jamais il n'a été attaqué, tant en raison du soin que mettent messieurs les commissaires et tout le personnel de bureau dans l'accomplissement de son travail qu'en raison de l'utilité, de la sagesse et de l'opportunité des recommandations que fait cette même Commission de police et surtout de l'empressement avec lequel les enquêtes sont faites. Je dis l'empressement, nonobstant le fait qu'à un moment donné on ait eu à faire face à plus de 50 demandes d'enquête sur les différents corps de police qu'on était incapable de mener rapidement à bonne fin d'où la nécessité d'amender la loi nommant des commissaires ad hoc. Par la suite, nous avons encore modifié cette loi et, aujourd'hui, le ministre, par le projet de loi no 281, veut fixer dans des cadres bien déterminés et à caractère de permanence le nombre de commissaires qui oeuvrent au sein de la Commission de la police.

C'est pourquoi nous voyons que le gouvernement nous invite à adopter une loi qui augmentera le nombre de commissaires, à la Commission de police, de cinq à neuf membres. Point n'est besoin de vous signaler que les membres ayant une sécurité d'emploi en raison du caractère judiciaire de leurs fonctions et en raison également de la confiance que leur donnent non seulement le ministre responsable devant la Chambre de la Commission de police mais tous les parlementaires également, tous les conseils municipaux et les corps de police permettent à cette commission de remplir efficacement les tâches que l'on veut bien lui confier.

Parmi celles-ci, il y en aura une nouvelle, soit celle d'envisager l'intégration rationnelle des différents corps de police de la Communauté urbaine de Montréal. En même temps, la Commission de police pourra entendre les parties sur le plan d'intégration et faire les recommandations qui s'imposent pour atteindre l'objectif visé par le ministre de la Justice à la suite de l'adoption de son projet de loi no 281.

M. le Président, qui plus est, c'est que nous allons maintenant demander à la Commission de police, seul organisme vraiment compétent pour le faire, d'établir une échelle indicative de traitements que nous pourrions verser aux différents directeurs de corps de police qui oeuvrent au Québec. Je dis que le travail de la Commission de police devra également s'arrêter à étudier l'opportunité ou les raisons qui pourraient permettre soit à des policiers ou à des citoyens de recevoir certaines décorations ou citations. J'espère que les normes qu'établira la Commission de police seront extrêmement sévères parce qu'aujourd'hui il est permis de se demander si les véritables citoyens honorables de l'Etat ne sont pas ceux qui n'ont jamais reçu aucune décoration quelconque.

De plus, la commission se verra confier l'application de l'une des recommandations de la commission Prévost, soit celle de "faire enquête sur les activités d'un réseau, ses ramifications et les personnes qui y concourent", dans la lutte contre la criminalité. Ce mandat pourra lui être confié par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre de la Justice.

M. le Président, nous sommes appelés à confier de lourdes responsabilités à la Commission de police, puisque les commissaires ont vécu une expérience, depuis la mise en place de cet organisme. Considérant que ces hommes ont le souci constant de travailler non pas contre les corps de police mais avec eux, considérant le souci qu'ils apportent dans la sauvegarde et l'étude des plaintes qui peuvent être portées par des citoyens contre des corps ou des policiers, considérant surtout le dévouement, l'empressement, l'objectivité qui ont toujours caractérisé les études et les enquêtes de la Commission de police et du fait que cet organisme jouit du respect et de la considération de tous les milieux, c'est avec beaucoup de confiance et de quiétude que nous demandons à la Commission de police d'assumer de nouvelles responsabilités pour travailler, une fois de plus, avec le législateur aux fins de s'acquitter de responsabilités que ce dernier veut bien lui accorder.

M. le Président, c'est une législation qui

s'imposait, surtout devant l'évolution qu'on commencera à connaître dans l'intégration des différents corps de police. Nous serons appelés, dans le cours de la journée, à analyser l'intégration sur un territoire donné. Mais je sais que c'est le projet que caresse le ministre de la Justice que d'étendre, au fur et à mesure des exigences, après des études rationnelles, en tenant compte des exigences du milieu, de l'opportunité et de la nécessité d'une telle intégration qui ne doit pas, cependant, être laissée à tout hasard ou dépendre des exigences d'hommes sans aucune expérience en la matière.

M. le Président, c'est un projet de loi qui s'imposait. Nous sommes heureux de saisir cette occasion pour rendre hommage à la Commission de police et apprécier l'excellent travail accompli, jusqu'ici, par messieurs les commissaires, en même temps que nous leur demandons d'assumer de nouvelles responsabilités, responsabilités qu'ils assumeront avec empressement et objectivité, toujours dans la sauvegarde des droits de tous et chacun.

C'est une législation que nous appuyons et acceptons tant dans le principe que nous retrouvons dans le projet de loi no 285 que dans les modalités ou le texte que l'on nous demandera d'approuver en comité plénier.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, nous croyons très raisonnable que le ministre de la Justice nous ait présenté ce projet de loi no 285. Si on en étudie les conséquences, on verra qu'en augmentant le nombre des membres de la commission de 5 à 9 c'est bien évident qu'on permettra à cette commission d'être d'autant plus efficace, surtout si on prend en considération les nombreuses demandes qui sont faites à cette Commission de police. De plus, on sait qu'en pratique, elle a toujours du travail de tracé à l'avance.

Quelques points nous intéressent grandement dans ce projet de loi, par exemple la normalisation dans l'obtention des grades. Je pense que c'est plus que raisonnable que l'on en arrive à cette normalisation pour que, sur l'ensemble des territoires du Québec, chaque policier puisse avoir les avantages d'être reconnu à son mérite, et ce, suivant des normes qui sont reconnues à travers la province de Québec.

Une chose nous intéresse davantage, c'est lorsqu'on voit dans les dispositions de ce projet de loi l'incitation à la population, ainsi qu'aux policiers, mais surtout à la population de collaborer avec les corps de police. Cette incitation on la retrouve dans le principe de la remise de décorations ou de citations aux personnes concernées.

Et ceci m'amène à dire que nous trouvons cette disposition très importante, parce qu'il faut concevoir le rôle du policier tel qu'il existe aujourd'hui. Et ce n'est un secret pour personne que le métier de policier est actuellement, au Québec, un des plus ingrats. Quand ça va bien, quand il n'y a pas trop de problèmes, on ne parle jamais des policiers; mais si par malheur quelque chose se produit, si ça va mal, tous sont sur le dos des policiers et réclament des policiers à ce moment-là.

Or, nous savons par l'expérience que le rôle du policier n'est pas un rôle tellement populaire, jusqu'au jour où on a besoin d'eux. Et ça se retrouve dans toutes les régions de la province de Québec.

On rencontre des gens qui ont peur de l'Etat policier, qui ont peur de la police. On pourrait dire que cela existe depuis de nombreuses années, mais ç'a été surtout, je pense, comme exemple frappant, la crise d'octobre 1970 qui a permis à la population du Québec de prendre conscience de ce qu'est exactement le policier au Québec, de son rôle et surtout des dangers auxquels les policiers ont à faire face régulièrement.

Dans cette crise d'octobre, tout le monde était aux abois, tout le monde avait peur des conséquences. Et dans ces circonstances, le rôle du policier, qui n'est peut-être pas tellement devenu populaire aux yeux de quelques-uns, est devenu grandement populaire aux yeux de la majorité de la population du Québec qui voulait se sentir protégée. Nous devons, honnêtement rendre un hommage à tous les corps policiers du Québec qui, dans la circonstance, ont été plus qu'à la hauteur de la situation et ce malgré tous les dangers, malgré toutes les situations auxquelles ces gens-là ont eu à faire face.

Alors, quand on retrouve des dispositions dans la loi qui nous permettent de décorer ou de faire remise de citations à des gens qui veulent aider ou qui veulent collaborer avec les policiers, M. le Président, c'est une mesure incitatrice que nous aurions dû retrouver dans notre législation depuis longtemps. Si on veut reculer un peu dans le temps, nous savons qu'il y a plusieurs années, par exemple, si un malfaiteur avait commis un méfait devant des témoins, la population aurait été la première à collaborer avec les policiers pour que justice soit faite.

Mais, aujourd'hui, c'est un changement de mentalité qui existe depuis quelques années. Par ce changement de mentalité, malheureusement, quand il se produit quelque chose, il arrive que les témoins oculaires vont collaborer en ce sens qu'ils vont téléphoner aux policiers, mais se dépêchent de s'en aller avant que les policiers arrivent pour ne pas être pris comme témoins. Alors c'est une mentalité qu'il faut défaire. C'est une mentalité qu'il faut changer. Il faut absolument inciter la population à collaborer, parce que rien ne sert, je le dis, je le répète, rien ne sert de former des corps de police, rien ne sert de leur donner des avantages particuliers si

la population — et quand je dis la population, je dis qu'on en fait partie de cette population — si nous tous en général ne sommes pas disposés à faire tous nos devoirs de citoyens, c'est-à-dire de collaborer au maintien de l'ordre et de la loi, de la justicte. Alors quand on aura réussi à reformer une mentalité dans ce sens-là, le rôle du policier évidemment redeviendra plus populaire et le policier redeviendra celui qu'il aurait dû toujours être, c'est-à-dire l'homme qui n'est pas celui qui fait peur, mais qui redresse.

C'est celui qui protège la population, qui protège l'ensemble de la population, parce que la majorité est encore celle qui a besoin d'être protégée. Même s'il se commet plusieurs méfaits, même si plusieurs problèmes se posent à différents niveaux, dans différentes municipalités ou villes du Québec, il demeure que la majorité est honnête et veut se faire protéger.

Evidemment, ces mesures incitatrices ne font que nous plaire, étant donné que cela peut contribuer à corriger cette situation et aider le policier, l'aider à nous aider. Si le policier est là pour protéger la société, nous sommes là aussi, la société, pour protéger le rôle du policier. Protéger les citoyens, cela se fait en autant que ceux qui ont le devoir de faire respecter la loi sont eux aussi protégés. Cela nous plaît énormément.

Ce qui nous plaît beaucoup aussi, c'est de retrouver, à l'article 5, des dispositions — je m'en réfère aux notes explicatives — qui permettent qu'un chef de police ne soit pas destitué de ses fonctions sans avoir un droit d'appel. Cela protège le directeur de police. Evidemment, nous savons que c'est très humain. Nous avons l'expérience du passé. Certains policiers qui ont voulu faire leur devoir ont parfois été victimes de pressions, pressions qui peuvent venir de part et d'autre. Je ne mentionne personne et aucune espèce d'organisation mais je retrouve là, dans cet article, la prudence du ministre de la Justice qui permet de protéger davantage les directeurs de police. Ce sont des gens à qui l'on donne beaucoup de responsabilités mais il nous faut absolument leur laisser le loisir d'accomplir leur devoir totalement.

En ce sens, nous devons les mettre à l'abri de toute pression possible, et c'est ce qui nous plaît dans ce projet de loi no 285. En plus d'inciter la population à collaborer davantage avec les corps policiers, avec le policier, on garantit une protection aux directeurs de police contre les pressions qui pourraient venir de toute part. Je n'ai pas besoin de donner de détails, je n'ai pas besoin de donner d'exemples, mais, si on voulait en donner, on pourrait se servir d'exemples outre-frontières, si vous voulez. Parlons des Etats-Unis, mais la même chose pourrait se produire chez nous. Nous savons, par l'expérience et par ce que nous avons pu lire dans les différents media d'information, que dans ce pays l'histoire des corps policiers veut que souventefois ces gens, ces directeurs ont été victimes de pressions politiques ou autres.

Evidemment, j'espère que cela ne se fait pas sur le territoire du Québec, mais je pense qu'on doit féliciter le ministre de le prévoir, dans l'article 5 du bill no 285, et de s'assurer que cela ne se fera pas. Si jamais des directeurs étaient victimes de pressions quelconques et si ces directeurs, voulant faire leur devoir comme ils le font généralement — il faut rendre hommage aux corps de police du Québec — à ce moment-là, ces gens-là seraient assurés de ne pas être victimes d'injustices.

S'ils sont assurés de ne pas être victimes d'injustices, s'ils sont assurés de la protection par la loi, nous pourrons, tous ensemble, les citoyens québécois, dire enfin que nous avons une protection et que nous avons aussi le maintien de l'ordre, de la loi.

Les policiers ont un devoir, une tâche très ingrate parfois, mais c'est tout à leur honneur de nous faire voir jusqu'à quel point et dans quelles proportions ils savent s'acquitter de leurs responsabilités, malgré, parfois, certaines pressions. Je ne parle pas là de pressions politiques, mais il y a toutes sortes de pressions que les policiers peuvent subir. Les gens qui ont affaire à la police évidemment, ne sont jamais très très heureux de cela, mais c'est pour le plus grand bien de l'ensemble de la population que les policiers travaillent.

Que voulez-vous, M. le Président, nous sommes ici pour adopter des lois et nous demandons à ces gens-là de les faire appliquer. Ils font leur devoir en les faisant appliquer et j'espère que cette loi 285 sera un outil qui leur permettra davantage d'appliquer ces lois et de le faire en toute justice évidemment, mais aussi en toute liberté d'action et ce pour le plus grand bien des citoyens de la province de Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, que le policier joue, dans notre société, un rôle difficile, souvent ingrat, qui peut l'exposer à la critique de ses concitoyens, tout le monde l'admet. Que les corps policiers aient besoin, de temps à autre, de se sentir supportés dans leur devoir difficile et parfois ingrat par la population et, en particulier, par les autorités constituées, tout le monde l'admet également, mais tel ne me semble pas être l'objet principal de la loi 285 que le ministre soumet actuellement à notre attention.

Ce projet de loi me semble plutôt s'inscrire dans le processus de modernisation, de mise à jour de notre organisation policière, processus qui a reçu un élan considérable par la constitution de la Commission de police en 1968 et qui nous est imposé par le progrès même de notre société. La police joue, en effet, un rôle tellement important dans notre société qu'il faut veiller à lui procurer, par voie de législation et de règlement, des conditions de travail, aussi

bien psychologiques que financières, qui lui permettent de s'acquitter de ses immenses et importantes responsabilités.

A ce titre, nous nous rendons compte, par la présentation de la loi 285, qu'on accordera à la Commission de police un rôle et des pouvoirs de plus en plus importants, rôle dont témoigne déjà le souhait du ministre d'augmenter les membres de la Commission de police, puisqu'on porte ce nombre de cinq à neuf. Incidemment, nous nous demanderons en comité plénier, étant donné que le nombre des membres de la Commission de police vient d'être augmenté, s'il demeurera toujours nécessaire de conserver l'article 9a) de la Commission de police qui prévoit la nomination de membres temporaires. Etant donné que cette commission comptera maintenant un nombre plus respectable de membres qui assureront toujours un quorum et probablement une composition qui ne variera guère selon les circonstances, peut-être serait-il opportun maintenant de réviser d'autres articles de loi qui peuvent s'avérer moins nécessaires.

Donc, le législateur, par la présente loi, accroît encore d'une façon qui nous semble considérable les pouvoirs de la Commission de police, rapproche du gouvernement, en une certaine façon, le rôle et l'influence exercés par cette commission en l'éloignant d'autant des conseils de villes, des conseils municipaux. Parmi ces fonctions très importantes qu'aura à assumer la Commission de police, on voit, par exemple à l'article 2, un pouvoir de déterminer les fonctions, les grades et, évidemment, les traitements qui sont corollaires de ces fonctions et de ces grades.

Ce sujet, nous aurions aimé peut-être pouvoir étudier la loi d'intégration avant d'étudier la Loi de la Commission de police, car il y a un lien très direct entre les deux projets de loi, un lieu conjoncturel que les circonstances nous forcent à examiner.

Nous voyons, en effet, dans un autre projet de loi qu'on intégrera bientôt des corps policiers appartenant à plusieurs villes différentes et que les problèmes de cette intégration toucheront particulièrement les fonctions et les grades de plusieurs officiers appartenant à plusieurs villes d'une grande région. On peut penser que dans les pouvoirs qui sont impartis au conseil de sécurité dans la loi de l'intégration, il y a je ne dirai pas une certaine lacune, mais une certaine absence que viennent combler précisément les pouvoirs de la Commission de police définis par la présente loi. au point que l'on puisse dire que la Commission de police peut même servir de sorte de cour d'appel au conseil de sécurité régional prévu par toutes les lois d'intégration actuelles et à venir. Dès tors, nous voudrions bien que le ministre précise davantage les liens qui uniront le conseil de sécurité des régions à la Commission de police. De quelle façon fonctionneront ces deux corps que sont le conseil de sécurité et la Commission de police, respectivement à l'en- droit l'un de l'autre? Quelles mesures peut-on envisager qui peuvent ou qui devront être prises pour s'assurer que les droits acquis soient respectés, pour s'assurer qu'on ne procédera pas, en vertu de ces pouvoirs accordés à la Commission de police, à des démarches qui peuvent nuire aux intérêts légitimes de certains cadres qui se sont justement acquittés de leurs fonctions dans des circonscriptions limitées, avec le sens du devoir qui les caractérise?

Nous sommes d'accord et nous comprenons que la Commission de police, si elle veut véritablement exercer le rôle que le législateur veut lui impartir, doit être dotée de ces pouvoirs très importants d'évaluation des tâches, des fonctions, des grades et des traitements qui y sont appropriés.

Par contre, nous voulons que ceci soit fait dans un esprit de justice et que le progrès ne vienne pas ici nuire à des droits qui ont été acquis dans le passé et à des conditions de travail qui, même si elles ont été imparfaites jusqu'ici, doivent quand même, si elles doivent être améliorées, ne pas amener d'autres excès ou d'autres dommages ou d'autres difficultés qui pourraient accroître des perturbations ou même créer des tensions qui pourraient devenir facilement nocives ou dommageables à l'action des policiers.

Nous demandons donc au ministre, dans sa réplique, d'éclairer notre lanterne à ce sujet et de mieux définir les relations à exister entre les futurs conseils de sécurité régionaux et la Commission de police.

Nous voyons également que la Commission de police aura d'autres fonctions très importantes. Par exemple, ce pouvoir de faire enquête sur toute organisation qui pourrait être liée avec le crime organisé. Ceci est un autre pouvoir qui nous paraît opportun car, étant donné que le crime ne connaît plus de frontière, qu'il peut choisir de s'incruster dans certaines municipalités ou certaines banlieues qui ne tomberaient pas sous l'effet d'une loi générale, nous comprenons que le législateur veuille donner à sa Commission de police des pouvoirs qui lui permettront d'agir à l'échelle du Québec dans son entier afin de traquer, de façon la plus scientifique, la plus moderne, la plus efficace possible, le crime organisé dans tous les recoins où il voudrait s'infiltrer. Mais, là encore, étant donné qu'il s'agit d'un pouvoir important, nous faisons des voeux pour que la Commission de police soit dotée des moyens, ainsi que la Fraternité des policiers nous le rappelait l'autre jour, et des pouvoirs qui lui permettent de s'acquitter au mieux de ses fonctions.

Nous sommes d'accord sur ce processus de modernisation. Nous sommes d'accord sur l'augmentation du nombre des membres qui formeront la Commission de police. Nous espérons, justement, que cette commission remplira les objectifs pour lesquels elle a été créée. Mais précisément à cause des pouvoirs accrus qui seront les siens, nous voulons bien nous assurer

que cette Commission de police, qui fonctionnera presque comme une émanation directe du gouvernement, comme le bras du gouvernement, soit rendue absolument imperméable à toute pression politique qui pourrait s'exercer aussi bien dans un avenir prochain que dans un avenir éloigné. Nous voudrions que le gouvernement nous assure qu'il prendra toutes les précautions pour que cette autonomie soit telle que la Commission de police soit imperméable à toute influence politique indue qui pourrait s'exercer sur elle, étant donné ce que nous connaissons de la nature humaine, dans quelque période que ce soit. Ce qui revient à dire que pour que la Commission de police remplisse véritablement les buts pour lesquels elle a été créée, buts importants entre tous, il faut que le gouvernement s'assure que les membres de cette commission soient au-dessus de tout reproche.

Il faut que ces membres aient manifesté d'une façon tangible leur attachement à la cause du bien public, qu'ils témoignent de toute la compétence désirable en la matière et, surtout, que des précautions soient prises pour qu'ils puissent exercer leur travail dans des conditions de liberté, dans des conditions de sécurité politique qui feront qu'ils puissent non pas se rire du gouvernement — là n'est pas l'objectif — mais poursuivre ce travail sans tenir compte, d'une façon trop électorale ou d'une façon trop intéressée, des pressions politiques.

Puisque nous tendons à rapprocher la Commission de police du gouvernement par ce projet de loi, nous ne voudrions pas retomber dans les mêmes difficultés, dans les abus que nous avons connus dans le passé quand le corps de police était lié de trop près aux gouvernements municipaux. Pour vouloir éviter des difficultés que nous avons connues, nous ne voudrions pas tomber dans des difficultés analogues qui s'exerceraient à un autre palier, à un autre niveau.

Ce ne sont pas là, M. le Président, des critiques à l'endroit du projet de loi, mais simplement des observations qui pourraient devenir des craintes si le législateur ne s'assurait pas et ne rassurait pas la population qu'il entend prendre toutes les assurances et toutes les précautions pour que le travail du policier, précisément à cause de son importance et de sa noblesse, puisse s'exercer à tous les paliers de la façon la plus objective, la plus impartiale et la plus libre qui soit.

Etant donné que je suis sûr que ces assurances nous seront données, il nous fait plaisir de souscrire, en principe, à ce projet de loi.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice, qui exerce son droit de réplique, mettra fin au débat sur la motion de deuxième lecture.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais remercier les trois partis de l'Opposition qui, par leur porte-parole, ont tous apporté un éclairage particulier sur ce projet de loi. Je crois que les trois partis ont vu, dans le projet de loi, certains aspects qui, malgré que le projet soit court en soi, signalent un progrès dans l'organisation de la police en général, sûrement, mais aussi dans l'organisation, des organismes du gouvernement qui ont une responsabilité en matière policière.

Pour répondre à l'interrogation du député de Bourget quant au rôle de la Commission de police, tel que le gouvernement le conçoit, par rapport aux futurs conseils de sécurité qui exsiteront d'abord à Montréal en vertu du projet de loi no 281 que nous aborderons tout à l'heure ou en vertu d'une législation plus étendue qui est encore à venir et qui aura pour objet d'encourager, d'inciter ou de promouvoir la régionalisation des corps de police municipaux, je lui dirai ceci: C'est que la Commission de police est essentiellement, à la fois un organisme normatif des corps de police et des policiers et un organisme d'enquête. Il est essentiellement normatif en ce que la Commission de police a déjà des responsabilités en matière des prescriptions que l'on doit imposer à ceux qui sont admis comme cadets policiers ou qui deviennent aspirants policiers. Si l'on consulte la Loi de la police telle qu'elle existe à l'heure actuelle, on verra, à l'article 17, l'étendue des pouvoirs de la Commission de police au point de vue de la réglementation qu'elle peut imposer aux policiers et aux corps de police.

Dans ce projet de loi, nous étendons, dans un certain sens, ce pouvoir de réglementation. Nous le maintenons et nous l'accroissons en fait. A notre sens, la Commission de police continuera sûrement à jouer le rôle de promoteur, par voie de réglementation, de l'accroissement du niveau de compétence de nos corps policiers et de nos policiers en général. C'est donc un impératif de qualité, en somme, de la police et de l'action policière que traduit ce pouvoir de réglementation très général qui appartient à la Commission de police.

D'autre part, la Commission de police est également un organisme d'enquête, c'est-à-dire que déjà, par les lois qui existent, elle a le pouvoir de faire enquête sur tel corps policier ou sur telle activité à l'intérieur d'un corps policier.

On sait que, par exemple, l'année dernière, la commission a fait plus de cent enquêtes sur des incidents ou sur l'ensemble de certains corps policiers.

Ces rapports ont pour objet d'indiquer, soit aux autorités municipales, soit au chef de police, soit aux membres mêmes du corps de police des défaillances, des fautes, et ces rapports se concluent en général par des recommandations que les corps de police peuvent adopter et qui viennent améliorer l'action policière.

Quant au rôle de la future Commission de police, avec les amendements que nous apportons aujourd'hui — le bill no 281 — je ne crois

pas que l'on puisse dire que le rôle de la Commission de police change sur l'essentiel. La Commission de police n'est pas un organisme qui s'occupe des opérations policières. Elle n'entre pas dans le domaine de l'action policière dans le quotidien, tel qu'il est organisé par les chefs et tel qu'il est déployé par les hommes, les policiers eux-mêmes.

Ceci reste la responsabilité de la direction des corps de police avec leurs membres. Donc, la Commission de police ne s'immisce pas dans ce domaine, mais elle remplit une fonction de surveillance et de réglementation des corps de police dans leur ensemble, et je pense qu'elle continuera à remplir cette fonction, et ceci avec des pouvoirs accrus, sans aucun doute, des pouvoirs qui se trouvent déjà au projet que je présente et des pouvoirs qui viendront plus tard parce que l'organisation policière est une de nos préoccupations importantes à l'heure actuelle, à cause de la complexité de la société actuelle et du développement du crime. C'est dans ce sens-là que je vois le rôle de la Commission de police.

Dans le projet que nous présentons aujourd'hui, il y a un aspect qui mérite d'être signalé et que l'on a, d'ailleurs, relevé tout à l'heure au cours des interventions qui ont été faites, soit par moi ou par des honorables députés de l'Opposition: la commission avait déjà le pouvoir, par l'ancien article 19, de faire des enquêtes sur des aspects de la criminalité.

Mais, dans le projet que nous présentons aujourd'hui, nous élargissons son mandat et nous le précisons en ce qui concerne des enquêtes sur le crime organisé. Et là la Commission de police jouera le rôle des "Crime Investigation Commissions" qui existent aux Etats-Unis et qui ont rendu des services dans divers Etats américains où les autorités gouvernementales ont demandé à ces commissions de faire enquête sur tel aspect de l'action du crime organisé ou tel autre aspect.

Les commissions ont le pouvoir d'entendre les témoins, de les interroger, de recueillir de la preuve documentaire et de recueillir les faits, soit pour que le gouvernement et l'opinion publique soient renseignés ou soit également et surtout pour qu'on puisse apporter des preuves pour justifier une éventuelle action judiciaire.

Notre projet de loi augmente le mandat de la Commission de police au point de vue de sa compétence comme organisme d'enquête dans le domaine du crime et en particulier dans le domaine du crime organisé. Et il me semble que c'est par une mesure comme celle-là — plus d'autres qui viendront dans d'autres domaines, qui sont déjà en marche — que nous pouvons avoir une action énergique, non seulement contre le crime occasionnel ou sporadique qui est le résultat de l'action individuelle de certaines personnes qui sont traduites devant les tribunaux, mais surtout cette forme de criminalité qui est la criminalité organisée et systématique qui résulte de cette conspiration du crime organisé.

Je pense que j'ai quelque peu décrit les fonctions de la Commission de police telles que je les envisage. Cette commission ne sera pas mêlée à l'opération policière, mais elle est là comme organisme de surveillance et d'enquête dans les ordres d'idée que j'ai mentionnés. Et elle peut rendre de très grands services dans l'accélération du progrès de nos corps policiers et de notre lutte à la criminalité dans tous les domaines.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture sera-t-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier.

Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée?

M. PAUL: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Comité plénier

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier. Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. HARDY (président du comité plénier): Article 1.

M. LAURIN: M. le Président, j'adresse ma question au ministre de la Justice à propos de l'article 9a). Est-ce qu'il croit toujours que l'article 9a) soit nécessaire?

M. CHOQUETTE: Bien, je ne voudrais pas profiter de l'accroissement du nombre de membres de la Commission de police pour éliminer l'article 9a) parce que, au rythme où vont les choses, il peut devenir nécessaire à un moment donné que nous nommions un commissaire ad hoc ou un commissaire sur une base temporaire.

Comme vous le savez, dans le livre blanc intitulé La police et la sécurité des citoyens, nous proposons qu'un commissaire-enquêteur puisse être autorisé par le lieutenant-gouverneur en conseil à faire des enquêtes sur l'opportunité d'intégrer des forces de police sur une base régionale. Je dois vous dire franchement que nous avions pensé que tout naturellement ce rôle de commissaire-enquêteur dans le domaine de l'intégration des forces policières incomberait à la Commission de police.

Alors, si on doit prévoir un certain dévelop-

pement sur le plan de la régionalisation ou de l'intégration régionale des corps de police, je ne suis pas sûr, M. le Président, qu'il serait opportun d'éliminer dès maintenant l'article 9a) parce que nous avons augmenté le nombre de membres permanents de la Commission de police de cinq à neuf.

D'autant plus — comment pourrais-je dire — que le travail de routine de la commission augmente constamment. Il y a de plus en plus d'enquêtes sur des corps policiers ou certaines activités dans le domaine policier. La commission a de plus en plus de responsabilités au point de vue de la réglementation. Elle doit aussi réunir des corps de police dans divers comités d'étude, soit de législation, soit d'action policière. Elle a vraiment des fonctions qui sont appelées à se développer à un rythme considérable. Je pense donc que pour le moment nous devrions maintenir l'article 9a). Je ne dis pas que le gouvernement va s'en servir, car je pense bien que les quatre commissaires additionnels que nous pourrons nommer, satisferont nos besoins. Mais il est possible que, dans un avenir rapproché, nous ayons besoin de nommer des commissaires additionnels. D'autant plus que je dois rappeler au député de Bourget que la plupart du temps, sauf quelques exceptions que l'on verra dans le bill no 281 que nous discuterons tout à l'heure, la commission doit siéger à deux membres, ce qui mobilise déjà deux personnes pour une enquête en matière policière. Evidemment, il y aura des exceptions dans le cas du bill de la Communauté urbaine de Montréal pour la constitution du service de police de Montréal, mais la Commission de police siège généralement à deux membres. Si on fait le tour des responsabilités de la commission, je ne pense pas qu'il serait sage de supprimer l'article 9a) dans l'état actuel des choses.

M. PAUL: M. le Président, j'abonde dans le sens des remarques du ministre de la Justice et je comprends bien qu'en gardant l'article 9a) il s'agira pour lui d'un certain fonds de réserve, d'un bassin de secours si le travail des commissaires permanents devient trop lourd ou les fonctions trop nombreuses. Je crois cependant que nous verrons de moins en moins le gouvernement faire appel à la nomination de ces commissaires ad hoc. C'est pourquoi, M. le Président, tout en reconnaissant le bien-fondé des arguments du député de Bourget, je ne puis du même coup qu'approuver la sagesse administrative dont fait preuve le ministre en retenant les dispositions de l'article 9a).

M. LE PRESIDENT: L'article 1 est adopté?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Article 2.

M. LAURIN: M. le Président, à l'article 2, je voudrais préciser un peu le sens des remarques que je faisais tout à l'heure en deuxième lecture. Par exemple, on voit dans le bill no 281, dans les pouvoirs du conseil de sécurité, aux paragraphes g) et h), que le conseil de sécurité négocie le convention collective de travail, le plan de retraite, le régime de rentes, le fonds de pension, etc., qu'il détermine les traitements et les conditions de travail. Je me demande comment concilier cela avec le paragraphe h) de l'article 2 du bill no 285 qui dit: "déterminer les fonctions qui peuvent être exercées et les grades qui peuvent être décernés..."

Je sens bien qu'il y a une corrélation à faire et qu'elle sera faite, mais c'est la détermination spécifique des fonctions et des tâches de chacun, conseil de sécurité et Commission de police, que je voudrais connaître. Je sens bien qu'il s'agit de paliers différents et qu'il doit y avoir un passage d'un palier à un autre, mais cela ne me paraît pas clair.

M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de Bourget ne connaît peut-être pas la situation qui se présente au point de vue des corps policiers dans le Québec. Aujourd'hui, dans le Québec, nous avons peut-être 275 corps policiers qui s'échelonnent d'un policier jusqu'à, lorsque nous aurons intégré la police de Montréal, 5,000 policiers. Il y a une grande diversité de situations dans les corps policiers. On peut nommer, dans un petit corps, plusieurs capitaines et on peut les investir de certaines fonctions sans que ce soit opportun.

L'objet de la réglementation que pourrait émettre la Commission de police en vertu de l'article h), c'est justement de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'abus au niveau de petits corps de police, qu'on ne nomme pas trop de supergradés en rapport avec les effectifs totaux du corps et, en même temps, qu'on ait certaines exigences pour la nomination à ces grades, soit au point de vue de l'instruction formelle ou au point de vue de la formation policière. Justement, cela fait partie de la responsabilité traditionnelle de la Commission de police d'arrêter des conditions, des prérequis à l'obtention de grades ou à l'exercice de certaines fonctions.

M. LAURIN: Ce n'est pas que je conteste la légitimité ou la rationalité de cet article 2h), mais je me rends compte que nous aurons à faire face, très bientôt, à une situation très complexe. Il y avait plusieurs corps policiers, il y aurait des droits acquis, il y aurait même des définitions de tâches que probablement la Commission de police n'entérinera pas. Je pense, par exemple, aux policiers-pompiers qui sont plus policiers que pompiers ou qui sont plus pompiers que policiers. Là, il y a des situations très précises. Je me demande qui aura à les régler. Est-ce que ce sera d'abord le conseil de sécurité et, ensuite, la Commission de police ou si c'est la Commission de police qui émettra

des directives qui permettront au conseil de sécurité de régler le problème? Ce sont simplement des éclaircissements sur cette situation que je demande.

M. CHOQUETTE: Je pense que le député de Bourget nous précède un peu, parce qu'il est déjà rendu au bill 281. Etant donné que le député soulève la question, je peux lui dire que, dans le bill no 281, le rôle de normaliser les grades dans les corps policiers appartiendra à la Commission de police. Ce sera elle qui examinera les qualifications des personnes en cause et qui déterminera leur grade, mais, évidemment, toujours avec le droit d'être entendu pour les intéressés. Il n'y a pas de contradiction, en somme, entre la fonction que nous allons donner à la Commission de police d'exercer son droit de normaliser les grades en vertu du bill no 281 et celle qui est habituelle et traditionnelle que lui confie l'article 2h), du présent bill.

M. LAURIN: On peut penser que certains policiers ne pourront pas conserver leur grade. En vertu de quels critères certains perdront-ils leur grade ou seront-ils promus, démis ou rétrogradés? Est-ce la Commission de police qui va faire ce travail-là ou si c'est le conseil de sécurité?

M. CHOQUETTE: C'est la Commission de police.

M. LAURIN: Selon des directives qui seront transmises en temps utile au conseil de sécurité ou au moyen de normes très générales?

M. CHOQUETTE: Au moyen de normes très générales que la Commission de police va adopter. Si on me demande mon avis, malgré que je n'aie pas été consulté et que cela n'ait pas fait l'objet d'une discussion, elle prendra, je pense bien, les critères moyens qui s'appliquent dans la région de Montréal, la compétence moyenne pour l'exercice de certaines fonctions et de certains grades.

Elle devra se baser sur l'état de choses qui prévaut dans la région de Montréal. J'espère bien que la Commission de police donnera le bénéfice du doute à celui qui fait l'objet d'un examen au point de vue de son grade. Evidemment, on peut concevoir toutes sortes de situations. Si quelqu'un, disons au mois de novembre, a fait partie d'une promotion de quatre capitaines à l'intérieur d'un petit corps de police, cela devient tout de suite un cas douteux, auquel il faudra que la Commission de police s'intéresse. Comment se fait-il qu'on ait subitement accordé une promotion à quatre capitaines d'un coup?

Est-ce que c'était en vue de l'intégration? Ce sont des questions que la commission devra se poser et résoudre suivant le bon sens et les standards qui prévalent en général dans la région de Montréal.

M. PAUL: M. le Président, dois-je comprendre qu'à compter de l'adoption de cette loi il deviendra impossible pour les corps de police municipaux d'accorder certaines promotions? Ou si, tout en continuant à les accorder, ces corps de police verront-ils leurs promotions réduites ou annulées par suite de l'adoption de certains critères de base ou par l'adoption d'un règlement émanant de la Commission de police déterminant quels peuvent être les critères de promotion qui peuvent justifier un corps de police d'accorder des promotions à l'intérieur de son effectif?

M. CHOQUETTE: Non, M. le Président, je ne pense pas que le rôle de la commission aille jusqu'à ce point-là, que ce soit ce qu'elle a en vue. Lisons l'article 2, alinéa a): Cela consiste à ajouter à l'article 17a) les mots suivants: "Ainsi que pour exercer une fonction ou obtenir un grade dans un corps de police municipal." Donc, il s'agira pour la commission de dire: Pour être promu à tel grade, il faut avoir telles exigences. C'est tout ce que fera la commission, ce n'est pas elle qui va donner les promotions.

M. PAUL: Elle va obliger les municipalités à se conformer à ces règlements.

M. CHOQUETTE: Elle n'a aucun moyen de les obliger de par la loi, mais je pense bien que les municipalités se plient, en général; aux règlements de la Commission de police. Elle va dire: Pour être nommé capitaine, ça prend telle exigence. Pour être nommé inspecteur, ça prend telle exigence. C'est ce qu'elle va faire, elle va fixer les prérequis pour obtenir ces grades-là.

C'est une de ses fonctions; l'autre, à h), c'est "déterminer les fonctions qui peuvent être exercées et les grades qui peuvent être décernés dans un corps de police municipal, eu égard aux effectifs du corps".

Déterminer les fonctions, d'après ce qu'on me dit, cela veut dire, par exemple, qu'il n'y a pas de raison qu'on permette à un petit corps de police de sept ou huit membres de commencer à faire des enquêtes sur des homicides. On n'aurait pas d'enquêteur compétent au sein d'un si petit corps de police et le policier qui, sans expérience ou sans la compétence voulue, tenterait de faire une enquête dans un homicide risquerait de faire échouer l'enquête quand celle-ci tomberait éventuellement entre les mains de la Sûreté du Québec ou d'autres spécialistes.

Donc, la commission pourra, jusqu'à un certain point, circonscrire l'activité des corps de police municipaux et leur dire : Vous ne pouvez exercer vos fonctions que dans tel rayon d'activité qui paraît compatible avec votre compétence et le nombre de policier que vous avez.

Deuxièmement, "les grades qui peuvent être décernés dans un corps de police municipal, eu égard aux effectifs du corps". C'est la même chose. Multiplier exagérément ou indûment le nombre d'officiers par rapport au nombre

d'hommes ou d'agents qui sont dans un corps policier, c'est encore une autre exagération contre laquelle il faut prémunir les municipalités. Je pense que la commission pourra le faire par cette réglementation.

M. PAUL: M. le Président, n'y a-t-il pas un danger, une fois que la Commission de police aura émis des prérequis — comme dit le ministre — pour certaines promotions, que certaines municipalités, constatant que leurs propres candidats ou que leurs propres officiers de police ne satisfont pas à ces prérequis, fassent subir à ces officiers une rétrogradation?

M. CHOQUETTE: Non, parce que je ne crois pas du tout que la réglementation.. .

M. PAUL: Surtout s'il n'y a pas de convention collective.

M. CHOQUETTE: Ecoutez, je pense que le député de Maskinongé admettra avec moi que l'adoption de certains règlements dans ce domaine-là devrait respecter les droits acquis.

M.PAUL: Si on ajoutait, M. le Président: Tout en gardant le statu quo?

M. CHOQUETTE: Il ne peut pas être question de rétrogradation ou de destitution, je pense en vertu de ces articles. Il ne peut absolument pas en être question.

M. PAUL: Pas de la part de la Commission de police mais de la part des conseils municipaux à l'endroit de leurs officiers, s'ils ne répondent pas aux prérequis exigés par la Commission de police.

M. CHOQUETTE: On me dit que l'article 63 protège justement les policiers contre cela.

M. PAUL: Bien, il y aurait un droit d'appel.

M. CHOQUETTE: Oui, le droit d'appel, justement.

M. PAUL: Mais encore là, ce sera une recommandation de la commission à l'endroit de la municipalité.

M. CHOQUETTE: De quoi? En matière d'appel?

M. PAUL: Oui.

M. CHOQUETTE: Non, en matière d'appel, c'est plus qu'une recommandation de la commission. Un conseil municipal, par exemple, ne peut pas destituer un chef à moins de suivre la procédure...

M. PAUL: Je ne parle pas du chef, je parle d'un officier.

M. CHOQUETTE: Tous les gradés, tous ceux qui ne sont pas protégés par une convention collective. Alors, dans ce domaine, un conseil municipal ne peut pas adopter une action à l'égard d'un gradé...

M. PAUL: ... d'un promu...

M. CHOQUETTE: ... sans que cela soit sujet à l'appel.

M. SAMSON: Mais est-ce que le ministre ne serait pas d'accord pour nous donner immédiatement cette garantie dans le bill? Je veux dire par là que je rejoins peut-être l'idée du député de Maskinongé en ce qui regarde les petits corps où il y a déjà des promotions de faites, etc. Au paragraphe h), on dit' "déterminer les fonctions qui peuvent être exercées et les grades qui peuvent être décernés dans un corps de police municipal, eu égard aux effectifs du corps;"

Je pense qu'on est bien d'accord là-dessus, mais voulant respecter les droits acquis, est-ce qu'on ne pourrait pas ajouter quelques mots qui régleraient tout le problème, pour qu'on puisse garantir à ces gens-là qu'on ne les rétrogradera pas? Je comprends qu'il y a le droit d'appel, mais le droit d'appel veut dire des démarches, des dépenses de la part des candidats, etc. Je pense qu'il ne faut pas astreindre...

M. CHOQUETTE: Non! mais quand on apporte une réglementation comme celle-là, que ce soit une réglementation par la Commission de police ou une réglementation municipale, on ne peut jamais toucher à une situation où des droits sont acquis. Si le conseil municipal de la ville de Rouyn-Noranda passe un règlement disant qu'à partir d'aujourd'hui les immeubles ne devront pas avoir plus de cinq étages, celui qui a un immeuble de six étages n'est pas atteint par le règlement parce que sa situation existait avant qu'on adopte le règlement. Alors, on n'a pas besoin de le dire...

M. PAUL: Cela arrive.

M. CHOQUETTE: Bien, on ne peut pas toucher aux droits...

M. PAUL: Non, non, mais je suis sûr que le ministre se rappelle que l'ancien gouvernement — pas celui qui a été dynamique, le nôtre — celui de l'honorable Jean Lesage, avait amendé les dispositions du code civil au sujet de la clause de dation en paiement, un avis de 60 jours, et on avait donné une rétroactivité de cinq mois à la loi.

M. CHOQUETTE: Oui, mais si on le dit... M. PAUL: Oui, justement, il faut le dire. M. CHOQUETTE: Il faut le dire.

M. PAUL: Il faut le dire, sinon on ne peut pas donner de rétroactivité à une loi...

M. CHOQUETTE: C'est ça.

M. PAUL: ... si cela n'est pas spécifié dans le texte.

M. CHOQUETTE: Comme dit le député de Maskinongé, le principe général, en droit, c'est qu'il n'y a pas d'effet rétroactif. Pour qu'il y ait un effet rétroactif à une loi, il faut le dire spécifiquement et clairement. Alors, vu qu'on ne fait aucune allusion au passé, ici, cela veut dire que cela laisse la situation de ceux qui sont en place telle quelle, sans qu'elle subisse de modification. Mais la réglementation qui pourrait être adoptée par la Commission de police, là, elle pourrait affecter l'avenir.

M. SAMSON: Autrement dit, si j'ai bien compris, lorsque vous faisiez allusion tantôt aux petits corps, là où il y a un seul policier, vous ne voulez pas avoir plus qu'un chef.

M. CHOQUETTE: Plus que...? M. SAMSON: Plus qu'un chef. M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté?

M. LAURIN: M. le Président, au paragraphe i): "Etablir une échelle indicative des traitements susceptibles d'être versés au directeur ou chef d'un corps de police municipal..." Est-ce que le ministre pourrait nous dire si la Commission de police aura loisir d'établir sa propre échelle indicative ou si cette échelle indicative devra se référer ou tenir compte d'une échelle identique ou similaire ou analogue établie par la Commission de la fonction publique, étant donné que, d'une certaine façon, les policiers peuvent être considérés comme des membres de la Fonction publique?

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Bourget dit qu'il y a déjà une échelle indicative ou une échelle pour les officiers de police?

M. LAURIN: Je dis que la Commission de la fonction publique établit quand même des échelles de traitements. D'autres échelles de traitements pourraient inspirer la Commission de police; elles témoignent d'une certaine politique gouvernementale à cet effet. C'est simplement un éclaircissement que je voudrais avoir. Est-ce que la Commission de police tiendra compte de ce qui se fait ailleurs dans le gouvernement?

M. CHOQUETTE: Il le faut, il le faut! Mais cet article est surtout pour pallier les abus au sujet de salaires trop inférieurs payés à des chefs ou à des personnes qui ont des grades dans des corps de police. L'objet est de rehausser, dans la mesure du raisonnable, le salaire de ceux qui ne sont pas couverts par une convention collective.

M. LAURIN: Vous ne verriez pas l'utilité d'établir un lien plus étroit avec les échelles de la Commission de la fonction publique?

M. CHOQUETTE: Je ne vois pas comment on pourrait le définir dans un texte de loi. Je pense qu'il faut compter que la Commission de police va agir avec bon sens et qu'elle va prendre connaissance, un peu, de la situation telle qu'elle existe, d'autres échelles comparables ou analogues ou rapprochées. Mais nous ne pouvons pas l'établir dans le texte même et dire: Vous devrez vous reporter à telle échelle comme moyen de comparaison.

M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté. UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: Article 3? Adopté? UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: A l'article 4, l'honorable ministre de la Justice propose un amendement.

M. CHOQUETTE: Je propose un amendement qui n'a pas pour but essentiel de changer ce qui se trouvait déjà au projet de loi. On pourra constater que nous avions, dans la version originale du projet de loi no 285, éliminé le premier alinéa de l'article 19 de la Loi de police. L'objet de mon amendement est de rétablir le premier alinéa de l'article 19 et de lui ajouter un second alinéa qui serait le texte de l'article 4 contenu au projet de loi. De la sorte, l'amendement définitif, tel qu'adopté, ne consisterait qu'à ajouter un alinéa à l'article 19 tel qu'il existe.

Alors, je vais donner lecture de l'article 19, tel que proposé: "La commission doit faire enquête, chaque fois que demande lui en est faite par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur tout aspect de la criminalité qu'il indique."

La commission doit aussi faire enquête sur les activités d'une organisation, d'un réseau, ses ramifications et les personnes qui y concourent dans la mesure qu'indique le lieutenant-gouverneur en conseil lorsque ce dernier a des raisons de croire que dans la lutte contre la criminalité il est d'intérêt public d'ordonner la tenue d'une telle enquête.

M. LE PRESIDENT: L'article 4, tel qu'amendé, est adopté? Adopté.

Article 5? Un amendement propose un nouvel article 5.

M. CHOQUETTE: Oui, M. le Président. Dans l'ancien article 19, un second alinéa traitait des enquêtes que la Commission de police pouvait

faire sur la Sûreté du Québec ou un corps de police municipal. Alors, nous ne voulons pas mêler les enquêtes de la Commission de police sur certains aspects de la criminalité ou sur le crime organisé avec les enquêtes qu'elle peut faire sur les corps de police, soit les corps de police municipaux ou la Sûreté du Québec. C'est la raison pour laquelle nous proposons, en somme, que l'ancien deuxième alinéa de l'article 19 tombe maintenant dans l'article 20 et en devienne le premier alinéa. Le nouvel article 20 du projet de loi sera l'article qui traitera des pouvoirs de la commission en matière d'enquêtes sur les corps de police.

M. LE PRESIDENT: Le nouvel article 5, adopté?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 5 devenu article 6, adopté?

Article 6 devenu article 7, adopté.

M. HARDY (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que votre comité a étudié le projet de loi no 285 et qu'il l'a adopté avec des amendements.

M. BLANK (président): Ces amendements sont-ils agrées? Agrée.

Ce rapport est-il adopté? Adopté.

M. CHOQUETTE: Troisième lecture.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: La motion de troisième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. CHOQUETTE: Article 17.

Projet de loi no 283 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT (Blank): Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture de la Loi concernant le régime de retraite des membres de la Sûreté du Québec.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur de la province a pris connaissance de ce bill, et il en recommande l'étude à la Chambre.

Je ferai des remarques très brèves sur ce projet de loi qui, tout en étant peut-être complexe au point de vue technique, est quand même assez simple.

Le projet a pour objet de permettre la mise en vigueur du régime de retraite applicable aux membres de la Sûreté du Québec, qui a été négocié entre le gouvernement et l'Association des membres syndiqués de la Sûreté, et d'étendre ce régime aux cadres de la Sûreté, c'est-à-dire aux officiers de grade supérieur.

Comme vous le savez peut-être, M. le Président, la négociation d'un régime de retraite avec les membres de la Sûreté a fait l'objet de discussions et de négociations depuis plusieurs années. Nous en sommes arrivés à un accord avec l'Association des policiers provinciaux du Québec, d'une part, et nos officiers, d'autre part, avec qui nous avons eu des consultations sans qu'ils soient représentés par une association professionnelle ou syndicale. A la suite de ces pourparlers, nous en sommes arrivés à un accord qui, à mon sens, rencontre pleinement les besoins de la Sûreté du Québec et de ses membres au point de vue de la retraite.

Le projet de loi que nous avons élaboré avec, à la fois, nos cadres et les agents est un des plans de retraite les plus avantageux pour un corps policier au Canada et au Québec en particulier.

L'objet du projet de loi est simplement de faciliter la mise en application de ce plan de retraite. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres observations à ajouter à celles-là.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, ce qu'il est intéressant de noter, à la suite des remarques du ministre, c'est cette entente qui est intervenue entre les membres de l'Association des policiers provinciaux et les officiers de la Sûreté, ainsi qu'avec les autorités du ministère de la Justice.

Lorsqu'on se rappelle, M. le Président, certains événements malheureux du mois d'octobre — je crois que c'est du 4 ou du 11 octobre — alors qu'il y a eu débrayage à la Sûreté du Québec, il est consolant de constater que, chez les membres de la Sûreté du Québec, il existe toujours cet esprit de corps, ce souci de la protection du citoyen, ce désir de combattre le crime.

Nous aurons, M. le Président, un corps de police animé de ce zèle de lutte constante contre le crime, pour autant que les conditions de travail qu'on offre à ses membres leur procurent sécurité et satisfaction.

C'est pourquoi, M. le Président, le projet de loi que nous présente le ministre reçoit notre entier appui.

Nous souhaitons que les membres de la Sûreté du Québec continuent de faire confiance à leurs officiers et que leurs officiers, d'un autre côté, reçoivent toujours une oreille attentive de la part des autorités gouvernementales et spécialement de la part du ministre de la Justice. Certainement que par osmose cet excellent climat de relations, de sécurité, de retraite, de conditions de travail de toutes les clauses normatives aura un effet bénéfique sur les

autres corps policiers du Québec et spécialement sur les membres du corps de police de la Fraternité des policiers de Montréal et c'est ainsi que nous pourrons compter davantage sur le dévouement de ces hommes affectés à la sécurité de l'Etat, à la protection du citoyen.

Donc, il s'agit d'une loi excessivement technique et, comme je ne suis pas un expert comptable, comme je ne suis pas un spécialiste dans toute cette étude actuarielle sur laquelle se sont penchés tant les représentants de l'Association des policiers du Québec que les officiers cadres et les officiers du ministère de la Justice, je fais donc confiance — sans réserve cette fois — à la déclaration que nous a faite le ministre, et, quant à nous, nous sommes disposés à procéder à l'étude en comité de ce projet de loi.

M. Antoine Drolet

M. DROLET: M. le Président, le ministre de la Justice semble parti sur une bonne veine cet après-midi en nous présentant ces différents projets de loi, qui, à nos yeux, semblent tous — à venir jusqu'ici du moins — très acceptables.

En ce qui regarde le bill 283, nous n'avons pratiquement pas autre chose à ajouter aux paroles du ministre et à celles de l'ancien ministre de la Justice. A la suite de ces pourparlers — comme nous a dit le ministre — il y a eu accord et on ne peut faire autrement que de rendre hommage à ceux qui ont négocié et travaillé pour en venir à cet accord. Je pense que cette loi que vient de nous présenter le ministre est une loi qui est très à point et en ce qui nous concerne, nous sommes également disposés à en discuter en comité plénier.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture pour le bill no 283 est-elle adoptée? Le député de Bourget.

M. Camille Laurin

M. LAURIN: M. le Président, nous avons peu de remarques à faire à l'occasion de ce projet de loi. Mais cependant, nous aimerions signaler que le projet de loi ne semble pas se conformer, selon nous, d'une façon exacte aux recommandations du rapport Raynault qui recommandait plutôt — même s'il s'agit d'un régime de retraite qui a été négocié — un régime de "pay as you go".

Alors que, du fait que le régime de retraite est maintenant incorporé dans un autre fonds de retraite, il semblera difficile pour le gouvernement de se conformer à la recommandation du rapport Raynault sans que le ministre nous ait donné les raisons pour lesquelles il juge ces recommandations inacceptables. Nous aurions aimé qu'il éclaire un peu notre lanterne à cet égard.

D'autre part, le fonds de retraite a fait l'objet de négociation — donc est inscrit dans la convention collective — qui est intervenue entre les parties. Et là, c'est une loi qui fixera ce qu'il en adviendra. Et ceci nous semble un principe qui peut paraître un peu difficile à accepter en l'occurrence.

Lorsqu'il s'est agi des enseignants, c'est la loi elle-même qui déterminait le taux des cotisations et des prestations à être versées. Tout était en somme sous le couvert de la loi.

Alors qu'actuellement c'est par convention collective que le taux des cotisations et des prestations a été déterminé, c'est dorénavant par une loi que ceci se trouvera entériné. Il me semble que nous nous écartons de la ligne suivie en d'autres domaines et qu'il y a peut-être un manque de cohérence dans la pratique qui a été suivie jusqu'ici.

Et, là aussi, nous aurions aimé que le ministre nous explique les raisons pour lesquelles il s'est écarté de la ligne de conduite qui a été suivie dans le cas des fonctionnaires et des enseignants et qu'il nous en donne des raisons probantes.

Donc, pour ces deux raisons, M. le Président, nous gardons quelques réserves à approuver le projet de loi jusqu'à ce que le ministre nous fasse un historique un peu plus complet, un peu plus détaillé des négociations qui ont été faites, des points de vue différents, divergents qui ont été exposés, aussi bien en ce qui concerne les types de régimes de retraite, par exemple le régime de "pay as you go" ou de l'autre régime qui est préconisé dans le projet de loi et, deuxièmement, en ce qui concerne l'écart auquel on semble se résoudre ici entre le régime de retraite des enseignants et des fonctionnaires d'une part et le régime de retraite des policiers d'autre part.

Lorsque le ministre aura éclairci davantage notre lanterne à ce propos, lorsqu'il nous donnera toutes les raisons pour lesquelles le gouvernement a adopté la politique qu'il entend suivre par ce projet de loi, peut-être que nos réserves fondront et que nous serons prêts davantage à accepter le principe de ce projet de loi.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je puis dire au député de Bourget, pour dissiper ses inquiétudes, que le projet de loi que je présente aujourd'hui, le bill 283, Loi concernant le régime de retraite des membres de la Sûreté du Québec, n'est pas le produit de l'action unilatérale du gouvernement, mais le fruit de négociations entre les intérressés et l'Etat et que, par conséquent le contenu du bill no 283 est le résultat d'un accord entre toutes les parties.

Par conséquent, dans le domaine des relations de travail, je pense qu'on ne peut jamais espérer une meilleure solution à un litige ou à des difficultés qui peuvent se produire entre partie patronale et partie syndicale que l'accord librement consenti entre les parties. Je crois, M.

le Président, que cet argument, si simple soit-il, devrait être de nature à dissiper les interrogations ou à répondre aux interrogations du député de Bourget.

Maintenant, quant aux désaccords qui ont pu se produire il y a un an, il y a six mois et il y a quelques mois sur certains points particuliers, ils ont fait l'objet de discussion entre les parties au niveau du comité paritaire qui a été institué entre le gouvernement et les agents de la Sûreté du Québec et ces difficultés, après des négociations, ont été aplanies. Le projet de loi que nous présentons est le fruit de cette négociation.

Maintenant, j'ajouterai que le rapport Raynault, me semble-t-il, traitait beaucoup plus des fonds de pension municipaux que de ceux qui sont garantis par le gouvernement du Québec, parce que la pension qui est donnée aux agents de la Sûreté en vertu du bill no, 283, pension qui est également donnée aux officiers de la Sûreté, fait l'objet d'une garantie gouvernementale, ce qui est sans doute la meilleure garantie que l'on puisse offrir dans les circonstances.

Finalement, quant au régime de pension applicable, je ne pense pas que l'on puisse se dire qu'il s'agisse d'un régime de "pay as you go". C'est plutôt un régime qui est fondé sur des calculs actuariels et qui donne toutes les garanties du paiement de la pension à ceux qui vont en bénéficier éventuellement.

M. LAURIN: Est-ce que je peux poser une question au ministre à ce sujet? Est-ce qu'on ne demande pas, par exemple, au fonds consolidé de compenser pour le déficit que pourrait encourir le fonds de retraite du fait que le montant des cotisations serait inférieur au montant des prestations et est-ce que ceci ne constitue pas un précédent, si l'on compare cette situation avec la situation qui prévaut pour les fonctionnaires et les enseignants?

M. CHOQUETTE: Bien, je ne pourrais pas répondre dans les moindres détails, parce qu'il s'agit d'une question technique. Si le député veut attendre que nous allions en comité, je pourrai lui répondre à ce moment-là.

M. LAURIN: Oui.

M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill 283 est-elle adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill no 283.

Comité plénier

M. CARPENTIER (président du comité plénier): Bill no 283, article 1?

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 2? Adopté. Article 3?

M. LAURIN: La question que je posais au ministre pourrait justement être reposée à propos de l'article 3. Je ne sais pas si le ministre est maintenant en mesure de me répondre. En somme, il s'agit toujours de cette concordance entre le régime de retraite des enseignants et des fonctionnaires où tout est déterminé par voie législative: le montant des cotisations, le montant des prestations, l'appel au fonds consolidé du revenu, pour réduire les déficits éventuels, alors que, dans le présent projet de loi, une partie est négociée par convention collective et une autre est déterminée par voie législative. Cela me semble être un précédent, et je voulais savoir s'il y avait des raisons à l'appui de cette position.

M. CHOQUETTE: Dans le cas des policiers, leurs contributions sont nettement plus élevées que celles des autres fonctionnaires. Ils ont accepté cela en échange de prestations, d'avantages ou de bénéfices qui seraient plus élevés.

Il faut, quand même, situer le problème du policier dans son contexte particulier par rapport aux autres employés de la Fonction publique. On accepte, en général, que le policier doive prendre sa retraite plus tôt que le fonctionnaire ou l'employé habituel. C'est la raison pour laquelle la structure d'un fonds de pension de policiers est, en général, différente de celle qui s'applique aux autres occupations. Dans le cas actuel, il s'est produit que les policiers ont, d'une part, accepté que leurs contributions soient plus élevées que celles des fonctionnaires ordinaires. D'un autre côté, le gouvernement accepte également que sa contrepartie soit plus élevée.

Vu que le régime, par son fonctionnement, va donner une pension plus avantageuse, compte tenu de la fonction de policier, des risques du métier et des exigences de la profession de policier qui sont nettement plus contraignantes que celles qui s'appliquent aux fonctionnaires ou à d'autres employés, on a accepté, après négociations, que la partie qui pouvait ne pas être garantie de façon actuarielle soit imputable au fonds consolidé.

M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté. Article 4, adopté. Article 5, adopté. Article 6, adopté?

M. PAUL: M. le Président, un instant. A l'article 6, la retraite est obligatoire à 60 ans depuis plusieurs années pour un membre de la Sûreté du Québec.

M. CHOQUETTE: Oui, mais pas pour un officier. Là, le bill rend la retraite obligatoire pour un officier à 60 ans, à compter du mois d'avril qui sera la date, je pense, de la mise en vigueur du nouveau plan de pension.

M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 7, adopté. Article 8, adopté. Article 9, adopté. Article 10, adopté. Article 11, adopté. Article 12, adopté. Article 13, adopté. Article 14, adopté. Article 15?

M. PAUL: M. le Président, pourquoi à compter du 11 décembre, à l'article 15? Pourquoi cette date et non pas le 1er décembre ou le 15 décembre? Pourquoi le 11? C'est rare qu'on voit cela.

Est-ce à compter du jour du dépôt en première lecture de la loi? Pourtant, c'était un samedi. Est-ce le ministre des Finances qui vous a conseillé dans ce sens-là?

M. CHOQUETTE: Non, c'est une question de concordance par rapport à certains articles adoptés dans une loi du 11 décembre 1970. C'est la raison pour laquelle il faut se référer à ce texte de loi qui avait adopté certains articles applicables...

M. PAUL: Pour qu'il y ait concordance entre les deux lois.

M. CHOQUETTE: ... aux policiers municipaux. En fait, c'est un article de concordance par rapport à la législation de l'année dernière.

M. PAUL: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Article 16, adopté. Article 17, adopté.

M. DROLET: Adopté.

M. CARPENTIER (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a siégé et a adopté en entier le bill 283.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le rapport du comité plénier est-il adopté?

M. PAUL: Adopté. M. DROLET: Adopté.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT: Adopté. Motion de troisième lecture.

M. DROLET: Adopté.

M. PAUL: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté.

M. LACROIX: Numéro 15.

Projet de loi no 282 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi intitulé Loi prolongeant et modifiant la loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, l'année dernière, lorsque je présentais un bill équivalent — à la suite de mes prédécesseurs, les députés de Maskinongé et de Missisquoi — bill qui avait pour but de prolonger la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, je disais que je pensais pouvoir apporter cette année une refonte complète de cette loi qui a fait l'objet de nombreux amendements ainsi qu'apporter un régime général applicable au Québec en matière de réglementation des loyers.

Malheureusement, malgré que nos travaux dans ce domaine soient très avancés, puisque le président de la Commission des loyers ainsi que le sous-ministre associé à la Justice...

M. PAUL: M. Alarie.

M. CHOQUETTE: ... à l'ancien Secrétariat de la province, aient fait des travaux très valables dans ce domaine, qui je pense se solderont par une législation générale à la prochaine session, je ne suis pas en mesure d'apporter aujourd'hui — et plus particulièrement parce que nous sommes à la fin de la session — cette législation générale. C'est la raison pour laquelle je propose à la Chambre que nous prolongions l'application de la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires pour une autre année, ce qui, évidemment, conservera intacts les droits acquis des locataires et des propriétaires en vertu de la législation antérieure. Je propose aussi que nous adoptions les mesures adoptées tous les ans depuis un certain nombre d'années prolongeant les baux qui arriveront à échéance le printemps prochain, ceci dans le but de protéger les locataires contre des évictions ou des accroissements indus de loyers.

Je compte qu'à la lumière des travaux qui se font actuellement à mon ministère et qui ont amené des fonctionnaires ainsi que le président de la Commission des loyers à examiner l'ensemble de la législation qui existe dans le monde, dans ce domaine des relations entre locataires et propriétaires, il me sera possible lors de la prochaine session, c'est-à-dire le printemps prochain, de présenter une législation générale. Celle-ci, je crois, donnera plus de satisfaction et fondra les droits des locataires et des propriétaires sur des assises plus permanentes que celles de cette loi qui revient tous les ans et qui, en somme, vient prolonger les baux annuellement à cette date de l'année, comme d'ailleurs prolonger l'effet de la loi temporaire qui avait été adoptée, il y a maintenant, je crois, plus de vingt ans.

Alors, M. le Président, je ne pense pas que ceci requière d'autres observations, parce que le bill, dans sa teneur, est identique à ceux que nous avons adoptés au cours des années antérieures.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez sans doute d'exprimer ma grande déception en écoutant le ministre nous présenter pour adoption le projet de loi no 282, Loi prolongeant et modifiant la Loi pour favoriser la conciliation entre locataires et propriétaires, nom modernisé qui servait autrefois à décrire la loi dite Loi de la Régie des loyers.

La première loi remonte effectivement à l'année 1951, alors qu'il y avait, à ce qu'on disait à l'époque, un état de crise dans le logement au Québec. Cela faisait suite à l'adoption d'une loi identique par les autorités fédérales, consécutivement à une cession partielle de nos droits par le premier ministre de l'époque, M. Godbout. Nous avons donc adopté, en 1951, une loi...

M. CHOQUETTE: ...temporaire...

M. PAUL: ...temporaire et qui est devenue permanemment annuelle. C'est tellement vrai que, lorsque j'occupais la charge de ministre responsable de cette loi, je subissais l'influence du milieu. J'étais, moi aussi, un peu captif de la tradition qui veut que cette loi soit présentée dans les derniers jours de la session, alors qu'il y a plus de vapeur et alors que nous sommes moins dégagés que nous avons l'esprit moins libre pour analyser toutes les implications de cette loi qui a pour but, en quelque sorte, de protéger près de 80 p.c. de la population du Québec. On sait que 80 p.c. de la population du Québec ne sont pas propriétaires, mais plutôt locataires.

M. le Président, j'étais resté ému, traumatisé, sensibilisé, ébranlé à la suite d'une motion que nous avait présentée le ministre de la Justice. Alors qu'il était — et comme il est encore aujourd'hui — député d'Outremont mais député simple, il nous avait présenté une excellente motion. Je le prends à témoin pour dire que j'avais compris le bien-fondé de sa motion puisqu'au nom du gouvernement, j'en avais reconnu le bien-fondé, la logique et la nécessité, et c'est avec plaisir que nous nous étions rendus à sa motion aux fins d'analyser le problème du logement, non pas seulement dans la ville d'Outremont ou dans la périphérie de la ville d'Outremont, mais d'étudier la situation des locataires à travers tout le Québec.

Le ministre, à l'époque, avait fait un excellent travail. Je voudrais maintenant faire trêve de plaisanterie et non pas lui reprocher de n'avoir pas encore présenté de loi cette année, mais simplement lui signaler qu'il y a urgence à légiférer en la matière. Tout d'abord nous assistons, depuis environ deux ans, à la forma- tion de groupements de locataires un peu partout qui, aujourd'hui même, songent à se fédéraliser en groupements de locataires. Point n'est besoin de vous dire que la nécessité d'une loi en cette matière, qui serait une loi uniforme pour tout le Québec, s'impose d'autant plus que l'indice des prix à la consommation nous cite des chiffres vraiment bouleversants. Si nous prenons l'année 1961 comme indice de 100, nous verrons que, pour le logement, en 1964, cet indice est passé à 104.8 pour l'indice normal du coût de la vie et l'indice pour le logement à 106.1, toujours en prenant comme indice de base le chiffre 100.

En 1966, l'indice général était de 111.4 et l'indice pour le logement était de 112.3.

En 1968, c'était 120.1 pour l'indice général et l'indice pour le logement était de 124.6.

En 1969, l'indice général était 125.5 et l'indice pour le logement, 133.1.

En 1970, l'indice général était de 129.7, à comparer à 100 pour l'année 1961, et c'était 141.8 pour l'indice du logement.

En 1971, de janvier à avril — par conséquent, les statistiques sont récentes — nous constatons que l'indice général a été porté à 132.2 et l'indice pour le logement à 148.5.

C'est donc dire qu'il y a une véritable crise du logement dans le Québec. M. le Président, est-ce que vous pourriez m'aider quelque peu? J'entends des voix, et je craindrais qu'on ne m'attribue toute la sainteté qui marqua la vie de Jeanne d'Arc. Alors, je m'en voudrais de ne pas attirer votre attention sur cette situation qui existe dans le logement et, également, sur des situations anormales et illogiques dans un territoire donné.

Ainsi, par exemple, dans la ville de Québec, les autorités de la ville, se prévalant du bill 12, ont adopté une résolution qui fut reçue par le lieutenant-gouverneur en conseil pour établir que les dispositions de cette loi favorisant les relations entre locataires et propriétaires toucheraient les loyers de $125 par mois et moins. A quelques milles d'ici, nous avons la ville de Charlesbourg où les loyers sont affectés par la régie jusqu'à concurrence d'une somme de $150 par mois. A proximité de la ville de Québec, nous avons la ville de Sainte-Foy où les autorités municipales ne se sont pas rendues aux pressions des locataires de cette ville, d'où situation tragique dans la ville de Sainte-Foy pour les locataires qui sont protégés, dans la ville de Québec, pour autant que le loyer soit de $125 et moins par mois et de $150 par mois dans la ville de Charlesbourg. C'est pourquoi un employé de la Régie des loyers, du nom de Bernard Lacroix,...

M. LACROIX: Un excellent employé!

M. PAUL: Est-ce que, par hasard, vous le connaissez?

M. LACROIX: Certainement, c'est mon frè-

M. PAUL: C'est votre frère!

M. LACROIX: Et son assistant a été mon adversaire aux élections de 1966, M. Gérard Gingras.

M. SAMSON: Avez-vous d'autres renseignements à nous donner?

M. PAUL: M. le Président, c'est sans doute l'utilisation maximale de la compétence que le ministre responsable de la régie a voulu appliquer! Farces à part, toujours, M. le Président, parce que nous sommes vers la fin de la session, je vais résister à la tentation que j'ai de voir une influence de main noire dans toute cette nomination. Je sais que M. Lacroix fait son possible pour tâcher de répondre...

M. LACROIX: C'est commun dans la famille chez nous, cela!

M. PAUL: Je n'ai pas dit qu'il était efficace! M. SAMSON: Ne charriez pas trop, là.

M. PAUL: Je dis donc que M. Lacroix avait raison de mentionner récemment que 50 p.c. des plaintes reçues à la Régie des loyers provenaient de locataires résidant dans la ville de Sainte-Foy. Alors, il y a un certain malaise. Il y a également un malaise parce qu'il y a un manque d'information. On me dira: Vous auriez dû corriger cette situation dans le temps où vous étiez là.

Je répondrai: Oui, j'aurais peut-être dû la corriger. Mais je ne l'ai pas corrigée parce qu'on ne m'a pas signalé toutes les complications qu'apporte aujourd'hui cette liberté donnée aux conseils municipaux de se prévaloir ou non des dispositions du bill no 12. Au fur et à mesure que nous rencontrons des différences de normes ou l'absence d'application de la loi, nous assistons nécessairement à un certain égarement chez beaucoup de locataires qui sont à la recherche d'informations précises. C'est à bon droit qu'on s'adresse à la Régie des loyers pour obtenir lesdites informations.

A la Régie des loyers, M. le Président, on invite constamment ces locataires à se présenter à la régie pour étudier de près leur problème et tâcher d'y trouver une solution, tout en respectant également le droit des propriétaires. Il ne s'agit pas de reconnaître des droits exclusifs aux locataires. Il y a également des droits qui doivent être sauvegardés et qui appartiennent aux propriétaires.

Je dis donc, M. le Président, qu'il y a manque d'information. Il y a manque d'information et surtout de disponibilité ou de facilité d'accès à l'information. Comme les employés de la régie ne sont pas syndiqués ou qu'ils ne sont pas régis par une convention collective, je me demande si le ministre ne devrait pas envisager la possibilité d'accroître son personnel ou de le déplacer pour que les bureaux d'information, spécialement dans les grands centres, puissent être ouverts au moins deux, si ce n'est pas trois soirs par semaine et également le samedi, au moins dans la matinée.

La plupart du temps, M. le Président, c'est le locataire lui-même, l'homme — parce que l'épouse a ses responsabilités de famille — qui est obligé de s'adresser à la Régie des loyers. Il doit assez souvent manquer une matinée de travail pour se rendre à la Régie des loyers exposer son problème, faire valoir son droit ou son prétendu droit.

M. le Président, même si le ministre n'est pas prêt à présenter une loi uniforme, je suis informé qu'on aurait arrêté le texte d'environ 60 articles — peut-être un peu plus — dans cette loi qu'entend nous présenter le ministre, mais pour qu'il n'ait pas l'impression qu'il y a eu déloyauté de la part de ses fonctionnaires, je lui dirai que ces informations m'ont été transmises par un M. Nadeau, qui a rencontré les officiers du ministère de la Justice aux fins de discuter du projet de loi cadre qu'entend présenter le ministre. Il s'agit de M. Michel Nadeau. Alors, que le ministre soit sans inquiétude quant à la loyauté de ses fonctionnaires.

M. le Président, le ministre, en attendant la présentation de cette loi, devrait donc permettre une accessibilité plus facile aux renseignements, en n'obligeant pas les intéressés à perdre des heures de travail pour obtenir lesdites informations.

De plus, M. le Président, le ministre devrait tout mettre en oeuvre pour qu'il y ait beaucoup de publicité en faveur des dispositions de la loi que nous renouvellerons aujourd'hui dans son application. Mais il ne faudrait pas cependant que tous les locataires fassent supporter au ministre ou au gouvernement des situations qui, en fait, peuvent être corrigées par les autorités municipales qui peuvent toujours se prévaloir avant la date du 1er novembre, si ma mémoire est fidèle, des avantages du bill no 12 en adoptant un règlement que le lieutenant-gouverneur en conseil acceptera. C'est pourquoi nous avons des barèmes différents d'une municipalité à l'autre, en raison de cette liberté qu'accorde la loi aux autorités municipales de légiférer en la matière.

Je dis que le ministre doit continuer son travail de préparation d'une loi-cadre pour que les normes soient uniformes à travers tout le Québec, comme par exemple dans les villes où il y aurait 5,000 de population et plus.

Il faudra également que le ministre envisage cette possibilité d'information — comme je vous le signalais — cette publicité nécessaire en faveur du projet de loi. Après que le ministre aura mis l'information à la disposition du public, des locataires, après qu'il aura fait donner de la publicité à la loi, il pourra, j'en suis sûr, avoir recours avec beaucoup de facilité au dévouement du personnel de la régie, que ce soit de Québec, de Montréal ou de partout où la loi trouve son champ d'application.

Et ce n'est pas sans regret — en terminant, je

le répète — que nous constatons que le ministre se voit encore dans l'obligation de répéter le geste de ses prédécesseurs et de demander à l'Assemblée de voter une loi à caractère annuel. Mais — comme je vous le disais tout à l'heure — c'est devenu permanemment annuel, parce que depuis 1951 nous avons toujours ce texte très peu modifié, si ce n'est dans la modification des millésimes. Et je ne sais, M. le Président — ah! pas vous, je croyais que c'était l'honorable député de Saint-Louis qui occupait la présidence — mais vous, votre profession ne vous met pas en contact quotidien avec l'application de la Loi de la Régie des loyers; je voudrais que vous vous arrêtiez pour essayer de comprendre le texte original de la loi qui a été présentée en 1951, concernant la Régie des loyers.

C'est une loi constamment amendée — et il le faut — puisque c'est toujours, comme je vous le disais tout à l'heure, d'une année à l'autre que nous espérons que la situation se corrigera. Mais c'est devenu un mal permanent chez nous entre, d'une part, les exigences quelquefois abusives de certains propriétaires et, d'autre part, les exigences trop souvent abusives de certains locataires.

Je souhaite que le ministre dès le début, ou du moins dans cette première partie de la prochaine session, puisse nous présenter une législation dans laquelle nous retrouverons tous les sentiments généreux, tous les grands principes sociologiques contenus dans le discours qu'il prononçait dans cette Chambre alors qu'il occupait le fauteuil près de moi ici. Dans ce débat qui passera à l'histoire, il a agi comme un homme animé des plus grands sentiments de protection à l'endroit des locataires. Il faudra que sa réputation soit maintenue et consacrée dans un texte de loi qui pourra sauvegarder non seulement les droits des locataires, mais également les droits des propriétaires.

Je considère l'aveu que nous a fait le ministre et la nécessité d'adopter cette législation, spécialement pour le comté de Jean-Talon. Dans le comté de Jean-Talon, beaucoup de locataires ont besoin de cette législation, même si on compte beaucoup sur le dévouement du ministre des Finances pour corriger le problème du logement dans ce territoire de la Communauté urbaine de Québec.

M. CHOQUETTE: Le gouvernement compte beaucoup sur la générosité du ministre des Finances.

M. PAUL: Mais je sais que le ministre de la Justice, comme bien d'autres, est fortement et souvent déçu de cette générosité de tous les ministres des Finances.

Alors, M. le Président nous allons appuyer ce projet de loi et j'espère que le ministre comprendra que les propos que j'ai tenus ne sont pas précisément des reproches à son endroit, mais pour lui rappeler, une fois de plus, la nécessité et l'urgence de légiférer en la matière, pour qu'une loi-cadre s'applique dans tout le territoire du Québec.

M. Paul-A. Latulippe

M. LATULIPPE: M. le Président, au nom de mon groupe, qu'il me soit permis de souligner que nous sommes favorables au principe de ce bill et que nous y souscrivons. Nous avions une seule remarque que nous jugions importante à faire et elle a été réfutée dans le préambule, par le ministre, à l'effet qu'il nous préparait une loi à caractère général qui devrait, nous l'espérons, tenir lieu de remède au malaise que l'on retrouve présentement à la Régie des loyers, par suite d'un manque d'uniformité qui a été brillamment démontré tout à l'heure par le député de Maskinongé.

Manque d'uniformité qui se traduit dans les faits aussi, par une situation quelque peu inconfortable et des contradictions d'ordre administratif qui n'ont pas leur raison d'être dans une administration saine telle que le veut le gouvernement en place actuellement. C'est pourquoi nous espérons beaucoup de la loi qu'entend nous soumettre le ministre, à la reprise des travaux parlementaires, l'an prochain.

Sur ça, M. le Président, nous réitérons notre approbation à ce projet de loi. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: Merci, M. le Président. J'aurais le goût, dans cette discussion du projet de loi en deuxième lecture, de me "péter les bretelles", selon l'expression consacrée, et de rappeler le débat qui avait eu lieu l'année dernière, sur ce projet de loi visant à protéger ce que j'appelais alors une catégorie de consommateurs. Déjà, à ce moment-là, la Loi de protection des consommateurs était sur la table et, sauf erreur, c'était le ministre de la Justice, alors aussi ministre des Institutions financières, qui en était le parrain. Nous avions à ce moment-là fait valoir un certain nombre de recommandations à l'égard de la loi ou dans le but de l'améliorer, et le ministre avait, semble-t-il, accepté, du moins en principe, sinon dans les faits, de se pencher sur ce problème.

Pour nous, ce fut une grande déception de voir ce projet de loi revenir dans son état actuel, c'est-à-dire cette loi temporaire que, d'année en année, depuis 1951, la Législature — ou l'Assemblée nationale maintenant — adopte régulièrement. Je me garderai bien d'entrer dans tous les détails de la discussion qui avait eu lieu l'année dernière et qu'on peut retrouver au journal des Débats, à la page 2139, de l'année dernière.

Je ne pourrai cependant pas me garder de rappeler au ministre de la Justice les discussions

qui avaient eu lieu le 17 juin 1971, lors de l'étude des crédits du ministère de la Justice.

Et je cite, de la page 2624 du volume 11 no 60, les mots mêmes du ministre de la Justice lorsqu'il disait: "Sur le problème spécifique de la Commission des loyers, j'ai à mes côtés le juge Ross, qui est le président de cette commission, et qui prépare, avec Me Alarie, le sous-ministre associé au secrétariat, un projet de refonte de la Loi de la commission des loyers. Ce projet est assez avancé, m'a-t-on dit. Ils ont étudié la législation étrangère, en particulier la législation new-yorkaise et la législation française." Et on continue un peu plus loin: "Tout cela évidemment, dans le but d'en arriver à un excellent projet de loi. Je considère que nous pourrons peut-être le présenter l'automne prochain."

M. CHOQUETTE: Je suis content d'avoir dit "peut-être."

M. BURNS: Ah! oui, vous êtes content! M. CHOQUETTE: Je vous remercie.

M. BURNS: C'est votre formation d'avocat qui vous a permis de vous en sortir sans doute de cette façon-là, mais, pour nous, c'était...

M. CHOQUETTE: Vous laissez une petite porte.

M. BURNS: ...pas seulement pour nous en tant que membres de notre formation politique, mais pour nous, l'ensemble de la population, pour qui c'est important de régler le problème des locataires comme consommateurs.

Je pense que c'est un élément de consommation assez important dans la société actuelle. Pour nous, c'était, dis-je une lueur d'espoir très sérieuse. Je ne peux m'empêcher de dire au ministre ma déception de le voir revenir cette année avec un petit projet de loi qui n'est pas véritablement une refonte ou même un code de relations entre locataires et locateurs.

Je ne peux, non plus, m'empêcher de rappeler certaines réclamations que nous avions faites l'année dernière. Je peux avertir immédiatement le ministre — pour ne pas utiliser le temps de la Chambre d'une façon qui pourrait être jugée abusive — que je n'ai pas l'intention de reproduire les amendements que j'avais soumis l'année dernière et qui ont été défaits. Je ne peux m'empêcher de lui rappeler nos principales réclamations à l'égard de cette loi. La première, avions-nous dit, était de faire de la Loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires une loi permanente; ce qu'elle n'est pas. Le ministre a admis le bien-fondé de la discussion de l'année dernière et, l'extrait des discussions au moment de l'étude des crédits du ministère de la Justice prouve bien que le ministre est d'accord, en principe, avec cela.

Nous lui avions également demandé que cette loi devienne universelle sur le plan territorial et sur le plan de la juridiction, c'est-à-dire que toutes les municipalités puissent être couvertes et que tous les baux puissent être couverts, si vraiment on désire en venir à un véritable code de relations entre locataires et locateurs. Je rappelle également une autre suggestion que nous avions faite l'année dernière et à laquelle, personnellement, je tiens beaucoup. Elle a peut-être malheureusement, à certains égards, été moins bien comprise. Il s'agissait de la possibilité que ce soit la régie ou un organisme sous contrôle gouvernemental qui, à l'aide de l'augmentation de l'indice du coût de la vie, puisse décréter quelle est la hausse normale d'année en année. Tout propriétaire qui voudrait y contrevenir aurait lui-même le fardeau de prouver qu'il est normal, dans son cas, de demander plus que la régie pourrait accorder.

Enfin — à notre avis, ce n'était pas la moindre des suggestions que nous avions faites, bien au contraire — nous avions suggéré qu'un bail type soit adopté et qu'il soit mis en annexe de la loi. Sur ce plan du bail type, ceux qui ont la moindre expérience des relations entre propriétaires et locataires ont pu se rendre compte que, de la façon dont les baux se signent actuellement à travers le Québec, ce n'est pas, à toutes fins pratiques, des contrats bilatéraux ou, comme le dirait le député de Maskinongé des contrats synallagmatiques, comme il se doit.

M. CHOQUETTE: Des contrats d'adhésion.

M. BURNS: Ils deviennent, à toutes fins pratiques, comme le dit le ministre, des contrats d'adhésion. A notre avis, comme dans tout autre contrat bilatéral, chaque partie devrait donner son point de vue quant à la formation du contrat et finalement, quand l'accord est obtenu, le signer. Nous prétendons qu'en matière de baux on devrait aussi se retrouver dans le domaine des contrats bilatéraux, c'est-à-dire où chacun donne son adhésion.

Dans les faits, ce n'est pas ce qui se produit. Vous avez des formules de baux préparées d'avance que le locataire très souvent par nécessité, va signer sans trop les lire et sans trop insister sur la disparition de telle ou telle clause qui ne fait pas son affaire.

Même s'il insiste pour qu'elles disparaissent, ces diverses clauses qui ne font pas son affaire, il ne le peut pas, à toutes fins utiles, puisqu'on lui dit: Si tu n'es pas content on va prendre un autre locataire, ce qui, à mon avis, en fait un contrat d'adhésion, c'est-à-dire où le locataire n'a aucune chance de discussion.

A ce sujet, le ministre a sans doute — je ne suis pas seul à réclamer de telles modifications — reçu un mémoire qui lui a été présenté en novembre 1971 par le Groupement des locataires de Québec. On retrouve justement certaines de ces réclamations chez ce groupe de personnes qui s'est donné comme fonction de

faire connaître les problèmes des locataires et de tenter de sensibiliser la population à l'égard de ces problèmes et aussi, évidemment, en définitive de trouver des solutions.

Je lisais à la page 11 de ce mémoire certaines réclamations de gens qui disent qu'ils en ont assez. Or, les locataires sont, sauf erreur, dans une proportion assez importante des gens qui ont des domiciles au Québec. J'oserais même avancer, si la proportion montréalaise est applicable au reste de la province, que 80 p.c. des gens sont locataires. Ce n'est peut-être pas exact en dehors des grandes agglomérations.

M. CHOQUETTE: A Montréal, c'est 70 p.c.

M. BURNS: Alors, cela a beaucoup baissé depuis peu, si c'est ça, mais disons que je ne ferai pas de grosse chicane au ministre sur le pourcentage. De toute façon, je pense que tout le monde peut admettre que le pourcentage est plus élevé que 50 p.c. et cela justifie que nous nous préoccupions davantage de cette catégorie de consommateurs.

Ces gens qui disent qu'ils en ont assez, voici comment ils s'expriment, et je parle toujours du mémoire du Groupement des locataires de Québec, à la page 11: "Nous en avons assez de l'anémie et de la mollesse de prétendues lois visant à améliorer les relations propriétaires-locataires, des belles promesses électorales concernant un logement convenable pour tous à prix raisonnable, des hausses exagérées et abusives de 14 p.c. en moyenne dans la région de Québec au cours des trois dernières années, de l'arbitraire de certains propriétaires quant aux conditions infrahumaines qu'ils imposent à leurs locataires — cela rejoint encore ce que je disais tantôt les contrats d'adhésion, il ne faut pas qu'il y ait d'enfant, de chien, plus d'un certain nombre de meubles ou de certain genre de meubles — de l'ignorance des locataires savamment entretenue par l'absence totale d'une politique d'information." Cette réclamation m'a frappé en ce sens que non seulement le ministère devrait faire des efforts dans ce sens — comme cela semble être son intention et je considère la bonne foi du ministre à cet égard bien que malheureusement il n'ait pas prouvé cette bonne foi par des résultats mais uniquement par son énoncé — mais que je considère que ce serait aussi le rôle du ministère de la Justice de faire connaître les droits des locataires aux gens qui doivent s'en servir éventuellement, et c'est pourquoi j'ai retenu cette recommandation.

Ils disent aussi qu'ils en ont assez de la vieillesse des structures administratives de la Régie des loyers et des nominations partisanes que chaque élection amène. Enfin, ils en ont assez aussi d'une loi qui n'est plus efficace pour corriger une situation où l'injustice, l'arbitraire et l'exploitation sont de plus en plus les règles en vigueur. Ce sont des gens qui sont mêlés aux problèmes qui vous parlent. J'essaie d'ajouter leurs voix à la mienne pour insister sur le fait qu'il est urgent non pas que l'on fasse de belles promesses, que l'on dise qu'il est nécessaire d'améliorer cette loi, mais qu'effectivement — comme cette lueur d'espoir nous avait été donnée au moment de l'étude des crédits, le 17 juin — une véritable refonte se fasse de cette loi qui vise quand même une grande proportion de la population.

Il est évident, malgré les remarques que je fais et malgré les souhaits que j'exprime pour l'avenir, que nous voterons pour le projet de loi qui est déposé, aussi imparfait soit-il, aussi linéaire soit-il.

Pour le moment, malheureusement, c'est tout ce que nous avons au Québec pour protéger les locataires, même si c'est très peu, c'est toujours cela. Pour cette raison, nous voterons en faveur du projet de loi qui est actuellement en discussion.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, seulement quelques brèves remarques. Evidemment, par ce projet de loi, nous prolongeons la loi qui régit présentement les locataires et les propriétaires. Le ministre nous a mentionné, dans son discours de deuxième lecture, son intention de nous présenter, à brève échéance, une loi-cadre. Evidemment, je fais miennes plusieurs des remarques faites par l'honorable député de Maskinongé, en partant du rapport qui nous a été soumis par l'Association des locataires de Québec hier, et dans lequel on demande une loi qui aurait un caractère réellement permanent.

Mais, tout en passant, j'ose suggérer au ministre, pour cette loi qui nous a été annoncée tantôt, qu'elle soit préparée en consultation non seulement avec l'Association des locataires de Québec mais aussi avec d'autres associations de locataires existantes sur l'ensemble du territoire — je pense que cela est possible — et différentes associations de propriétaires.

Il y a là comme ailleurs, les deux côtés de la médaille à prendre en considération. L'association des locataires nous a fait certaines remarques très objectives, je pense, à l'effet que les heures d'ouverture pourraient permettre davantage aux travailleurs de se prévaloir des dispositions que nous retrouvons dans la loi. Egalement, le ministre pourrait peut-être prendre en considération le fait qu'on nous a souligné qu'il serait très juste pour les locataires de pouvoir obtenir assistance devant la régie pour les cas où ils ont à être entendus. Il devrait être possible d'envisager cette situation pour offrir assistance aux locataires, qui, généralement, ne connaissent pas toutes les dispositions de la loi. Nous savons qu'il est plus facile aux propriétaires de connaître ces dispositions, étant donné qu'ils ont des logements à louer et que c'est leur

commerce. Les locataires, eux, ne connaissent généralement pas toutes ces dispositions. Des dispositifs d'assistance auprès de la régie seraient sûrement très bien vus de leur part.

Egalement, on a demandé, et ce de façon très juste, je pense, qu'une certaine publicité se fasse quant aux dispositions, quant aux avantages dont pourraient se prévaloir les locataires. Ceci pourrait se faire par la promotion par les media d'information reconnus tels que la radio, la télévision, les journaux ou, encore, il serait peut-être possible à la Régie des loyers de présenter un dépliant explicatif qui serait à la portée de tous les locataires et même des propriétaires.

Ceci dit, je ne prendrai pas plus de temps de la Chambre. Je sais que le ministre prendra sûrement ces suggestions en considération aussi bien que celles très à point qui ont été faites par le député de Maskinongé, en se basant sur l'excellent rapport qui nous a été soumis par l'Association des locataires de Québec.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: S'il n'y a pas d'autres députés qui veulent prendre la parole, je vais conclure par la réplique.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres députés désirent prendre la parole? L'honorable ministre de la Justice.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les honorables députés. J'ai noté, dans leurs observations, deux choses qui me semblent très bien fondées. Je l'admets avec franchise.

Premièrement, un besoin d'information auprès du public. Je pense que c'est le député de Maskinongé qui a été le premier à soulever ce point.

Il a été repris par le député de Maisonneuve et, finalement, par le député de Rouyn-Noranda sous une autre forme. Sans aucun doute, M. le Président, une information appropriée quant à la fonction de la Régie des loyers est une nécessité. D'un autre côté, je crois qu'il faut admettre que la Commission des loyers offre déjà un service d'information au public, parce qu'on me disait qu'elle avait, au cours de l'année qui précède, donné plus de 200,000 renseignements à des gens qui avaient demandé des informations sur l'état de la législation, sur leurs droits vis-à-vis des propriétaires, etc.

Par conséquent, il y a déjà, quand même, une fonction d'information qui s'accomplit à la Commission des loyers. Je note, d'un autre côté, que cette fonction est peut-être insuffisamment développée et requerrait une attention de la part du ministère de la Justice.

En deuxième lieu, M. le Président, je puis assurer les députés que la loi à laquelle j'avais fait allusion lors de l'étude des crédits de la Justice et à laquelle le député de Maskinongé a fait allusion, ainsi que le député de Rouyn-Noranda et son collègue du Ralliement crédi-tiste, est, en somme, très avancée à l'heure actuelle. Enfin, les mémoires ont été rédigés, les études ont été faites. Je crois que nous envisageons un projet d'envergure.

Mais, parce que la session doit se terminer, en somme, à brève échéance et parce qu'en somme...

M. PAUL: Est-ce que le ministre n'est pas trop optimiste?

M. CHOQUETTE: Non, je veux dire: Parce que la session ne peut pas s'éterniser et qu'un projet comme celui-là doit être vraiment au point avant d'être présenté à la Chambre, je puis assurer les honorables députés que ce projet de loi fera partie de la législation du gouvernement à la prochaine session, ce qui sera au printemps.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de deuxième lecture sera adoptée?

UNE VOIX: Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice propose que je quitte maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour l'étude du bill 282. Cette motion est-elle adoptée?

M. BURNS: Adopté.

M. LE PRESIDENT: Adopté?

M. PAUL: Oui.

Comité plénier

M. CARPENTIER (président du comité plénier): A l'ordre, messieurs!

M.PAUL: Je voudrais saisir l'occasion de l'étude de l'article premier du projet de loi pour demander non pas une opinion au ministre de la Justice, responsable de l'application de la loi favorisant la conciliation entre locataires et propriétaires, mais une enquête sur un événement qui se produisait récemment à Granby.

Nous pouvions lire, dans le journal La voix de l'Est du lundi 22 novembre 1971 — c'est assez récent — "En flânant sur la rue principale", l'information suivante: "Il paraît que le chèque de $30,000 représentant la dernière tranche de la subvention de $150,000 consentie par l'ancien gouvernement à la Société zoologique de Granby — cela, c'est l'ancien ministre

du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, le leader d'Unité-Québec, le brillant député de Bellechasse —... Plus fort que cela, je vous en prie!

M. LACROIX: Là, nous cherchons la relation avec le projet de loi.

M. PAUL: ... est entre les mains d'un Granbyen. On se demande bien quand et comment il sera remis." La somme de $30,000, c'est de l'argent, M. le Président! La réponse vient, le 1er décembre, dans le journal La voix de l'Est. Il paraît que M. Papa Doc Desrochers a une voix autorisée dans le milieu. C'est un nommé André Laguë, président de l'Association libérale. C'est le patroneux de l'endroit. Alors, nous avons une photographie. Nous voyons comme titre: "Un chèque de $30,000. "La Société zoologique de Granby vient de recevoir, par l'entremise de l'Association libérale provinciale de Shefford." Ce n'est plus le ministère, M. le Président. Je sais que cela vous intéresse, vous qui êtes pressenti comme futur ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Cela ne se passera pas sous votre ministère, j'en suis convaincu: "La Société zoologique de Granby vient de recevoir un chèque de $30,000 représentant la dernière tranche de la subvention globale de $150,000 consentie par le gouvernement provincial il y a déjà quelques années."

M. CHOQUETTE: Une subvention pour quoi?

M. PAUL: Pour le zoo.

M. CHOQUETTE: Ah ! Pour le zoo.

M. PAUL: Le zoo de Granby.

M. CHOQUETTE: Oui mais...

M. PAUL: Ah! cela s'en vient. J'attendais le ministre. J'avais assez hâte qu'il pose la question. Ma question est la suivante...

M. LACROIX: On pensait qu'il y avait une bibitte qui s'était sauvée.

M. PAUL: M. le Président, j'inviterais mon bon ami, l'honorable député des Iles-de-la-Madeleine, à ne pas me déranger. Je sais que cela l'énerve quand je parle de patronage mais là, c'est bon. Vous allez voir cela.

Dans l'ordre habituel, on peut reconnaître Me Gilles Poussard, conseiller juridique de l'Association libérale, et, en même temps, administrateur de la Régie des loyers à Granby.

M. CHOQUETTE: Gilles Poussard. M. PAUL: Un M. Poussard. UNE VOIX: Un autre chanceux.

M. PAUL: Ensuite M. André Laguë, président de l'Association libérale du comté de Shefford; M. Coulombe, président de la Société zoologique, et un dénommé Marcel Leclerc, directeur de la société.

Or, ma question est la suivante. L'honorable ministre pourrait-il ordonner une enquête aux fins de savoir quelle main mystérieuse a dirigé le chèque de $30,000 entre les mains du patroneux Laguë plutôt qu'entre celles de la Société zoologique de Granby ou, par voie de conséquence de décence politique, plutôt qu'entre les mains de mon collègue, le député de Shefford?

Comme deuxième question, le ministre accepte-t-il l'attitude d'un administrateur de la Régie des loyers — par conséquent un quasi-fonctionnaire — de se laisser photographier avec le patroneux libéral du comté de Shefford?

M. LACROIX: C'est un honnête homme.

M. PAUL: Ce n'est pas de cela que je parle, M. le Président. Je ne parle pas de cela.

M. LACROIX: Pourquoi aurait-il honte d'être photographié en sa compagnie?

M. PAUL: Je sais, M. le Président, que tous les patroneux doivent passer par les ordres du commandant Louis-Philippe. Je le sais. Mais quand il s'agit d'un homme soi-disant responsable comme Me Gilles Poussard, administrateur de la Régie des loyers à Granby, qui se permet de participer à la distribution illicite, par un dénommé Laguë, d'un chèque de subvention de $30,000, je me demande si le ministre, avec toute l'honnêteté professionnelle que je lui reconnais, désapprouve une telle méthode des employés de la Régie des loyers.

M. LACROIX: C'est une bonne mesure d'économie. C'est pour économiser les timbres.

M. PAUL: Je pourrais répéter, M. le Président, mais disons que, pour aujourd'hui, c'est seulement un échantillon.

M. CHOQUETTE: M. le Président, quant à la première question du député de Maskinongé — Comment le chèque de $30,000 s'est-il rendu entre les mains de M. André Laguë? — je suggère au député de Maskinongé de diriger sa question au ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche.

M. PAUL: Je ne le fais pas. J'ai peur de ne pas avoir de réponse.

M. CHOQUETTE: Quant à la présence de M. Poussard sur la photographie, est-ce que la photographie indique que M. Poussard tient le chèque?

M. PAUL: Un instant. Il n'est pas loin, en tout cas. C'est un avocat.

M. CHOQUETTE: Le touche-t-il? Le tient-il?

M. PAUL: Bien oui! Et de la main droite! De la main droite !

M. CHOQUETTE: Je vais voir cela, M. le Président.

M. PAUL: Mais vous allez me promettre, M. le Président, de me retourner le document, pour les générations futures.

M. CHOQUETTE: Oui, c'est sûr. C'est la pièce à conviction P-l, n'est-ce pas?

M. PAUL: Allez montrer cela au ministre.

M. LACROIX: En attendant que le ministre regarde le document, je peux vous dire une chose, c'est que mon adversaire de l'Union Nationale en 1966, M. Gérard Gingras, a été un excellent administrateur à la régie. Il s'est occupé du comté des Iles-de-la-Madeleine régulièrement de 1966 à 1970 — un peu ce que vous reprochez là — il est encore à son poste et il s'acquitte très bien de son travail.

M. PAUL: Je serais bien surpris si le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche de l'époque avait donné une subvention de $30,000 aux Iles-de-la-Madeleine.

M. CHOQUETTE: Je regarde la photographie qui est dans la pièce à conviction P-l produite par l'avocat de la demande, le député de Maskinongé, et je ne vois pas que Me Poussard, conseiller juridique de l'association...

M. PAUL: Mais c'est de notoriété publique.

M. CHOQUETTE: ...attendez une minute. ...tienne le chèque, il ne fait que regarder.

M. PAUL: Ah, non! Le premier, ce n'est pas M. Poussard.

M. CROISETIERE: C'est probablement la main mystérieuse qui tient le chèque.

M. CHOQUETTE: Ah, oui, il a même des lunettes noires. En plus de ça, je pense qu'on ne dit pas que M. Poussard est administrateur à la Régie des loyers.

M. PAUL: On n'avait pas besoin de le dire pour la photographie, mais les gens de là le savent.

M. CHOQUETTE: Tout ce qui identifie M. Poussard, c'est qu'on dit Gilles Poussard, conseiller juridique de l'association, présumément d'une certaine association qui honore l'actuel député de Shefford.

M. PAUL: De la FLQ.

M. CHOQUETTE: Je ne vois absolument rien d'incriminant dans tout ça pour Me Poussard.

M. PAUL: Je savais que le ministre était habile, mais pas aveugle.

M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté? M. PAUL: Adopté sur division.

M. LE PRESIDENT: Article 2, adopté.

Article 3, adopté.

Article 4, adopté.

Article 5, adopté.

Article 6, adopté.

Article 7, adopté.

Article 8, adopté.

Article 9, adopté.

M. CARPENTIER (président du comité plénier): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que votre comité a siégé et a adopté dans son entier le bill no 282.

M. BLANK (président): Le rapport du comité sur le bill no 282 est-il adopté?

M. PAUL: Adopté. M. BURNS: Adopté.

Troisième lecture

M. LE PRESIDENT (Blank): Troisième lecture, adopté.

M. LACROIX: Article 18.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Maskinongé est prêt à aborder le projet de loi no 284?

M. PAUL: M. le Président, que le ministre prenne ses responsabilités et je vais prendre les miennes.

M. CHOQUETTE: Procédons.

Projet de loi no 284 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable ministre de la Justice propose la deuxième lecture de la Loi modifiant la loi de la division territoriale et modifiant de nouveau la loi des tribunaux judiciaires.

Cette motion est-elle adoptée?

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: Je vais parler très brièvement, M. le Président.

Ce projet de loi a pour but de créer un nouveau district judiciaire qui portera le nom

de district de Mingan, et dont le chef-lieu sera Sept-Iles. On sait qu'actuellement le district judiciaire de Saguenay a pour chef-lieu Haute-rive, mais qu'il y a également un palais de justice à Sept-Iles, ce qui, à cause de l'importance de la ville de Sept-Iles, entraîne une situation où il y a un district judiciaire bicéphale.

Etant donné le développement de la région de Sept-Iles et des environs, il a paru utile de créer un nouveau district judiciaire dans ce secteur, qui portera le nom de Mingan, d'après le nom d'une rivière bien connue dans cette région.

D'autre part, le projet de loi vise à incorporer l'ancien district judiciaire de Nicolet au district actuel de Trois-Rivières. Les circonstances, me semble-t-il, ont changé considérablement la géographie de cette région d'où vient le député de Maskinongé et dont il a les intérêts à coeur.

Depuis la construction du pont de Trois-Rivières, Nicolet est aussi prêt de Trois-Rivières que Louiseville, où réside le député de Maskinongé, je pense.

D'autre part, on sait que la ville de Nicolet a, jusqu'à un certain point, je ne dirai pas perdu de l'importance, parce que c'est le siège de l'Institut de police, mais elle s'efface comme capitale régionale, dans un certain sens, si je peux m'exprimer ainsi. Il nous semble tout aussi avantageux de traiter les affaires judiciaires du district de Nicolet à Trois-Rivières et, ainsi, de supprimer l'obligation d'avoir un palais de justice à Nicolet, malgré que la cour pourra, à l'occasion, siéger dans la ville de Nicolet, lorsque cela sera nécessaire.

Je pense, M. le Président, que c'est simplement adapter le fonctionnement des cours à la réalité économique et sociologique que d'incorporer le district de Nicolet au district de Trois-Rivières.

M. Rémi Paul

M. PAUL: M. le Président, je ne voudrais pas que vous soyez dans l'obligation de vivre les mêmes heures difficiles qu'a vécues le député de Maskinongé lorsqu'il a fallu qu'il explique au bâtonnier du Barreau de Trois-Rivières la législation que présentait le gouvernement.

M. LACROIX: Il s'est fait bâtonner? Vous vous êtes flagellé?

M. PAUL: J'ai lutté, M. le Président jusqu'à la dernière énergie pour faire comprendre au bâtonnier de Trois-Rivières que la disparition du district judiciaire de Nicolet était une évidence, était imminente parce qu'avec la majorité dont dispose le gouvernement il va de soi que toute objection, tout entêtement, toute revendication logique de la part du député de Maskinongé ne pourrait pas venir à bout de la force numérique du gouvernement.

M. le Président, vous comprendrez qu'en principe je me dois de m'opposer à la disparition du district judiciaire de Nicolet. Je dis "en principe". Maintenant que j'ai fait part de l'opinion du bâtonnier de Trois-Rivières sur le problème, je vous dirai que le député de Maskinongé, en tant qu'avocat, n'a pas beaucoup d'objections à la disparition de ce district judiciaire. En effet, comme le signalait tout à l'heure le ministre, la situation économique est changée dans la région, par suite de la construction et de l'ouverture du pont de Trois-Rivières, surtout du fait qu'il est sans péage, grâce aux revendications bien légitimes du dynamique député de Trois-Rivières de l'époque, l'honorable juge Yves Gabias.

Considérant, M. le Président, cette circulation facile entre Trois-Rivières et Nicolet, je reconnais que les affaires se brassent maintenant surtout aux Trois-Rivières, d'autant plus que, dans la ville de Nicolet, il ne reste qu'un avocat pratiquant, très brillant cependant, homme d'action, dynamique, à clientèle florissante, l'avocat Pierre Smith. L'autre avocat, M. le Président — je fais appel aux connaissances de mon ami, le député de Yamaska, car c'est dans sa région — qui a une excellente réputation — tous ont été à même de constater sa finesse d'intelligence, sa logique d'argumentation, lorsque nous l'avons entendu en bas devant la commission parlementaire des bills privés et des bills publics — c'est Me André Vigeant. Me André Vigeant, même s'il vit à Nicolet, pratique aux Trois-Rivières, dans le bureau des avocats Lajoie, Gouin, Vigeant, Desaulniers, etc.

M. BURNS: Est-ce que ce sont des commerciaux permis par la Loi du Barreau?

M. PAUL: Ah oui! c'est surtout permis quand ça vient du bâtonnier. C'est parce que j'ai une couple d'accidents d'automobile à régler avant le 31 décembre.

Je dis donc, M. le Président, qu'il va de soi que cette modification, cette redistribution des districts judiciaires s'imposait. Comme le signalait le ministre, il y aura toujours cette activité de la cour Provinciale qui va demeurer à Nicolet. Il va y avoir aussi cette activité de la cour des Sessions de la paix qui va continuer à Nicolet. Je comprends que le greffe de la cour Supérieure sera transféré aux Trois-Rivières.

Il n'y a plus d'assises criminelles depuis de très nombreuses années à Nicolet. Il y avait de moins en moins d'actions inscrites au greffe de la cour Supérieure de Nicolet. En principe, en tant que bâtonnier du Barreau de Trois-Rivières, je me vois dans l'obligation de m'opposer à ce projet de loi-là. Par contre, en tant que législateur je trouve que c'est une réforme logique, dans les circonstances.

Pour ce qui a trait à la création d'un nouveau district judiciaire, celui de Mingan, je sais que le ministre de la Justice met en application un rapport qui a été préparé dans toute cette réforme administrative. Je sais que la création de ce nouveau district judiciaire s'imposait. Pour ce qui est des autres articles du projet de

loi, il s'agit beaucoup plus d'articles de concordance que de nouveaux principes. Hésitant, d'une part, entre mon rôle de bâtonnier et, d'autre part, celui de député de Maskinongé, je vais quand même voter pour le principe de ce projet de loi no 284.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: Seulement quelques mots, M. le Président. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si la création de nouveaux districts judiciaires s'intègre à une planification qui est en train de se faire au ministère de la Justice et qui modifierait ou apporterait la création de nouveaux districts judiciaires, ou si ce n'est qu'un incidence, ces modifications, et que dans l'ensemble, pour les districts judiciaires existants, il n'y aura pas de modifications territoriales, ou si, d'autre part, il n'y en a pas de prévu, au moment où cette loi est présentée, la création de nouveaux districts judiciaires?

M. CHOQUETTE: M. le Président, en réponse à la question du chef de l'Opposition, nous avons un comité de la planification au ministère de la Justice qui cherche à établir un plan général des activités du ministère de la Justice. Je ne peux pas dire au député, comme cela, que la création du district judiciaire de Mingan s'inscrit dans la logique du plan parce que je ne connais pas la nature des travaux du comité sur ce plan-là.

Je puis assurer le chef de l'Opposition que ce qui importe le plus dans la planification c'est sa nécessité et le service que nous pouvons rendre aux citoyens. Une chose est certaine, il y a une population considérable dans la région de Sept-Iles et les environs. Il y a là une ville, je pense que Sept-Iles a atteint 25,000 ou 30,000 habitants, il y a tout un développement économique, comme le sait le chef de l'Opposition, qui se fait dans cette région. Les distances entre Sept-Iles, Baie-Comeau et Hauterive sont quand même considérables. Tout cela a fait que la création d'un district judiciaire à cet endroit-là n'est réellement pas une fantaisie de notre part mais correspond à la réalité actuelle.

M. LOUBIER: Je voudrais dire au ministre que je suis complètement en faveur de ces réformes, surtout qu'elles sont les conclusions très pratiques d'études sérieuses menées par les fonctionnaires du ministère. Je reviens à la charge parce qu'il me semble qu'il serait important que nous sachions si cela s'intègre à des modifications qui seront apportées dans différents districts judiciaires, et si cela s'intègre également à une planification qui assurerait la création de nouveaux districts, ou si ce ne sont que des incidences répondant aux besoins de telle ou telle région donnée.

Si le ministre n'est pas en position, actuellement, de répondre à cette question, peut-être qu'ultérieurement, à l'occasion de l'étude d'un autre projet de loi, il pourra répondre à cette question qui ne se veut aucunement embarrassante, insinuante ou insidieuse. C'est tout simplement pour savoir si l'on peut s'attendre que l'an prochain, ou à la prochaine session, vous arriviez avec un projet de loi plus important dans les répercussions pour les différents districts judiciaires, ou si ce n'est là qu'accidentel dans la transformation des districts judiciaires, c'est tout. C'est là l'objet de ma question.

M. CHOQUETTE: Je pense que le chef de l'Opposition a raison de soulever la question d'ordre général de la planification des districts judiciaires.

Evidemment, nous essayons de faire en sorte que nos districts judiciaires se rapprochent le plus possible de la planification des régions administratives qui a été décidée par le gouvernement il y a déjà un certain temps. Mais il ne faut pas oublier que nous partons, dans le domaine des districts judiciaires, avec un certain nombre d'habitudes acquises, de faits existants, de palais de justice existants. Alors, je ne pense pas qu'il soit possible radicalement de passer aux dix régions administratives et de faire en sorte que ça corresponde à la carte judiciaire.

Je puis dire au député que nous sommes très sensibles à cette question de nécessité de planification des districts judiciaires et qu'autant que possible nous essayons de nous rapprocher des cartes adoptées par les autres ministères du gouvernement.

M. LE PRESIDENT: Le député de Frontenac.

M. Paul-A. Latulippe

M. LATULIPPE: M. le Président, au nom de notre parti, j'aimerais souligner que nous sommes également favorables à ce projet de loi. D'autre part, n'ayant reçu aucune représentation de type négatif, il nous est permis de croire que le présent projet de loi constitue une nette amélioration. Il s'impose au nom de l'efficacité administrative et l'augmentation de rendement au niveau des services que le ministère entend dispenser.

C'est pourquoi nous croyons qu'il représente, de fait, la volonté de la population des territoires concernés et qu'il aura pour elle un effet bénéfique. Nous souscrivons au principe de ce bill. Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, j'ai trop longtemps été de ceux qui se sont plaints de l'évolution trop lente du milieu judiciaire par rapport à l'évolution sociale pour que je puisse m'opposer à des mesures qui me semblent

sensées et qui correspondent tout simplement à une évolution sociologique sur le plan territorial, etc.

M. LACROIX: ... voyage.

M. BURNS: M. le Président, ai-je droit à la parole?

M. BIENVENUE: Le député s'améliore.

M. BURNS: Je profite simplement de l'occasion pour souligner au ministre — étant donné que l'on touche non seulement deux districts judiciaires mais également à des chefs-lieux de bureaux d'enregistrement, je pense, dans ce projet de loi — qu'il semble presque notoire que depuis l'évolution des concentrations urbaines et des chefs-lieux, si on peut les appeler comme ça, plusieurs bureaux d'enregistrement, à cause de leur situation et de la façon dont le développement municipal s'est fait, sont à des endroits non désirables pour l'ensemble de la population. Le cas de Sainte-Scholastique, Saint-Eustache est un des exemples les plus évidents; il y en a plusieurs autres. Je profite de l'occasion pour suggérer au ministre, si, comme le disait le député de Bellechasse, il envisage une révision de tout l'ensemble des districts judiciaires, qu'il révise également la distribution des principaux bureaux d'enregistrement dans les différents districts électoraux.

M. le Président, nous voterons en faveur du projet de loi également.

M. LE PRESIDENT: Cette motion de deuxième lecture est-elle adoptée? Adopté.

M. PAUL: Adopté.

Comité plénier et 3e lecture

M. LE PRESIDENT: Faisons-nous les inscriptions pour le comité plénier et la troisième lecture?

M. LOUBIER: Adopté. M. LACROIX: Numéro 13.

Projet de loi no 281 Deuxième lecture

M. LE PRESIDENT: Le ministre de la Justice propose la deuxième lecture du projet de loi intitulé Loi constituant le service de police de la Communauté urbaine de Montréal et modifiant de nouveau la loi de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, le projet de loi que je présente maintenant va passer, je pense bien, les étapes normales d'un bill tout aussi facilement que les cinq ou six lois que j'ai eu l'honneur de présenter cet après-midi.

Est-ce là trop présumer des intentions de la Chambre?

M. BURNS: C'est de la présomption.

M. CHOQUETTE: Là, je m'adresse au député de Baldwin.

M. PAUL: C'est pour le moins de la fantaisie.

M. CHOQUETTE: Evidemment, M. le Président, certains projets sont de nature à soulever plus d'interrogations que d'autres, et c'est normal.

Aussi, je ne me fais pas d'illusion, au moment où j'ai l'honneur de présenter ce projet de loi, sur le fait que celui-ci requiert passablement plus d'explications et d'arguments que ceux qu'il a été nécessaire de donner sur les projets de loi que j'ai présentés précédemment au cours de la journée.

Parce que le projet de loi no 281 apporte, je le pense, des changements importants dans l'organisation des forces policières sur l'île de Montréal, parce qu'il touche plus de 2 millions de citoyens — je pense que c'est environ 2,200,000 citoyens qui se trouvent sur l'île de Montréal — parce qu'il affectera leur sécurité, par la modification des organisations policières qui s'occupent du maintien de la paix et de l'ordre, le projet de loi aura naturellement des répercussions considérables à ce point de vue.

Par conséquent, je présente ce projet de loi fort convaincu qu'il est légitime, qu'il arrive au moment approprié, qu'il était impossible, au gouvernement de ne pas donner suite à ce projet qui avait déjà été discuté à d'autres niveaux, entre autres au niveau de la Communauté urbaine de Montréal et qui avait fait l'objet de législation antérieure par d'autres Parlements.

Je dis donc que, c'est fermement convaincu de la nécessité pour le gouvernement de légiférer dans le sens de l'intégration régionale des forces policières sur l'île de Montréal, que je me présente devant vous.

Je crois qu'un bref rappel historique serait cependant utile, car si je suis si persuadé de la nécessité de ce projet de loi au moment où nous arrivons presque dans l'année 1972, c'est que des événements ont eu lieu antérieurement qui me semblent nous conduire tout naturellement à ce projet de loi qui a pour objectif d'intégrer les forces policières sur l'île de Montréal à compter du 1er janvier 1972.

Je rappelle que le 1er janvier 1970, le gouvernement mettait en application la Loi de la Communauté urbaine de Montréal. Or, parmi les dispositions les plus importantes de ce projet de loi se trouvaient celles créant l'intégration des budgets des corps policiers municipaux de l'île de Montréal. On se rappellera que les

arguments soulevés à l'époque, au moment où nous adoptions la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, étaient principalement, non, je ne dis pas principalement, mais étaient, en grande partie, des arguments qui visaient la situation financière de la ville de Montréal. Or, les autorités de la ville de Montréal avaient attiré l'attention des députés sur le fait que la ville de Montréal était obligée de supporter, à cause de la situation de son territoire, à cause de sa fonction propre à l'intérieur de l'île de Montréal, à cause du fait que le coeur de cet ensemble urbain qui est toute l'île de Montréal se trouve naturellement dans les limites de la ville de Montréal, était obligée d'assumer des coûts considérables au point de vue du maintien de son corps policier tandis que d'autres municipalités qui avaient une population de banlieue, qui administraient un territoire où l'activité économique et l'activité dans tous les autres ordres d'idées étaient moins abondante, avaient des coûts inférieurs pour les corps policiers.

Par conséquent, dès le 1er janvier 1970, le législateur a mis en application la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, qui avait pour effet de fusionner ou d'intégrer les budgets des différents corps policiers et, à partir de cette intégration budgétaire, de répartir les coûts sur la base des valeurs immobilières à l'intérieur de chacune des municipalités. C'est le régime sous lequel nous avons vécu depuis et c'est le régime qui fait que l'ensemble des coûts des corps policiers sur l'île de Montréal sont répartis sur les citoyens au prorata des valeurs immobilières normalisées dans chacune des municipalités.

De plus, la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1970, avait également d'autres dispositions importantes, qui instituaient un Conseil de sécurité publique. A ce conseil, on donnait le pouvoir de faire des recommandations en vertu des articles 208, 210, 217, 220, 239 et 233. Ce Conseil de sécurité était composé, comme on le sait, d'un juge, le juge Coderre, ainsi que de trois chefs de police que je mentionnerai: le directeur général de la Sûreté, M. Maurice Saint-Pierre, le chef de la police de Montréal, M. Marcel Saint-Aubin auquel a succédé l'actuel chef de la police de Montréal, M. Jacques Saulnier et, finalement, le chef de la police de Mont-Royal, M. Walter Bowen.

Ce Conseil de sécurité, dans sa conception législative, avait encore comme tâche de faire des recommandations à l'exécutif et au conseil de la Communauté urbaine de Montréal. Ce conseil, à la suite de son institution, a fait diverses recommandations à la communauté urbaine. Ces recommandations ont pris la forme d'un certain nombre de règlements visant à améliorer la coordination de l'action policière des différents corps policiers municipaux, au nombre de 25 sur l'île de Montréal.

Mais le travail le plus important accompli par le Conseil de sécurité publique, tel que constitué par la loi entrée en vigueur le 1er janvier 1970, a sans doute été son rapport, intitulé "Rapport du Conseil de sécurité publique, Communauté urbaine de Montréal, 1970". Ce rapport a été présenté à la communauté urbaine le 26 août 1970. C'est le rapport que j'ai ici présentement. Il a été rédigé conformément à l'article 233 de la loi entrée en vigueur le 1er janvier 1970. En effet, l'article 233 disait que le Conseil de sécurité devait, avant le 1er septembre 1970, préparer un rapport, lequel devait être suivi d'un règlement de la Communauté urbaine de Montréal relativement à l'intégration partielle ou totale des corps de police, dans la mesure où elle est nécessaire en vue d'assurer à la population du territoire une protection policière efficace et prévoyant: premièrement, les étapes de l'intégration; deuxièmement, les modalités de transfert à la communauté urbaine de policiers et fonctionnaires civils; troisièmement, les biens des municipalités affectés à la police et transférés à la communauté urbaine; quatrièmement, les biens des municipalités affectés, en partie, au corps de police et qui devraient être mis à la disposition des corps policiers; cinquièmement, toutes autres conditions de l'intégration.

Par conséquent, le projet de loi disait que le Conseil de sécurité devait préparer un rapport sur cette question, lequel devait être soumis avant le 1er septembre 1970. La loi disait également que le conseil de la communauté urbaine devait adopter, avant le 1er décembre 1970, un règlement visant les objets que je viens d'énumérer, c'est-à-dire les modalités de l'intégration des corps de police sur l'île de Montréal.

Le rapport du Conseil de sécurité a été produit suivant les délais, puisque, comme je le disais tout à l'heure, il a été produit le 26 août 1970.

D'autre part, le conseil de la communauté urbaine a adopté un règlement visant à l'intégration des corps de police, soit le règlement no 26, seulement le 2 mars 1971. Quoi que l'on puisse penser du délai apporté à adopter le règlement no 26, une chose est certaine, me semble-t-il: c'est qu'il faut retenir que, par un vote majoritaire, la Communauté urbaine de Montréal a donné suite à l'article 233 et a manifesté son accord à l'intégration des forces policières sur l'île de Montréal.

Mais le règlement no 26, suivant la loi qui a crée la Communauté urbaine de Montréal, devait, comme étape définitive, être soumis à la Commission des Affaires municipales.C'est justement le rapport de la Commission des affaires municipales qui fut rendu public au mois de mai ou de juin dernier, rapport qui a conclu que le règlement no 26 n'observait pas toutes les conditions arrêtées par la loi qui régissait la Communauté urbaine de Montréal et que, par conséquent, le règlement ne pouvait être entériné ou accepté dans sa teneur. C'est là l'objet du rapport de la Commission des affaires

municipales, qui porte la date du 9 mai 1971.

Simultanément à ces travaux faits et poursuivis par la Commission des affaires municipales pour déterminer si le règlement no 26, adopté par la Communauté urbaine de Montréal et visant à l'intégration des corps policiers, était conforme à la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, le ministère de la Justice, par divers fonctionnaires, hauts fonctionnaires ou membres de la Commission de police, faisait de son côté des travaux sur la situation de la police dans le Québec. De ces travaux a résulté la publication du livre blanc intitulé "La police et la sécurité des citoyens", qui concluait à une politique de régionalisation des corps policiers et de constitution de conseils de sécurité publique suivant une forme différente de celle qui existait en vertu de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

Etant donné que le gouvernement ne pouvait, en fonction des lois existantes, en fonction de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, donner suite au règlement 26, étant donné le rapport de la Commission des affaires municipales, mais étant donné, d'autre part, qu'il était nécessaire, suivant la politique du gouvernement, de donner suite à une politique d'intégration régionale des corps policiers, il nous a paru qu'il fallait, M. le Président, déposer un projet de loi qui, tout en respectant la volonté de ceux qui avaient voté majoritairement le règlement 26 de la communauté, tout en respectant la politique du gouvernement énoncée dans son livre blanc de l'opportunité d'intégrer des corps policiers régionaux, donnerait suite, d'autre part, à l'objectif énoncé par le gouvernement de constitution de conseils de sécurité constitués différemment de celui de la Communauté urbaine de Montréal actuelle et qui, également, réglerait le problème de l'obstacle juridique existant à l'intérieur de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal qui faisait que nous ne pouvions pas, au niveau du lieutenant-gouverneur en conseil, donner suite au règlement no 26.

C'est dans ces conditions, M. le Président, que l'actuel projet de loi est présenté à la Chambre. Il correspond à la nécessité, d'une part, de satisfaire aux besoins de régionalisation ou d'intégration régionale de corps de police en particulier, ceux qui se trouvent sur l'île de Montréal et de régler en même temps le problème juridique résultant des obstacles qui se trouvent à l'intérieur même de la loi de la Communauté urbaine de Montréal et qui font qu'on n'a pu arriver au résultat désiré par la voie normale du règlement municipal no 26 qui ne répondait pas aux exigences de la loi. D'autre part, il correspond à cette nécessité de créer un autre genre d'autorité sur la nouvelle force de police intégrée.

C'est la raison pour laquelle, à mon sens, le projet de loi comporte deux grands principes: la régionalisation ou l'intégration régionale de la police sur l'île de Montréal, et la direction de la police par un conseil de sécurité investi de pouvoirs plus étendus que ceux qui ont été reconnus précédemment dans la Loi de la communauté urbaine de Montréal, avec un chef de police désigné par le gouvernement du Québec.

D'abord, sur le principe de la régionalisation ou sur le principe de l'intégration régionale des corps policiers, je voudrais faire un exposé à la Chambre pour relater — même brièvement — l'expérience étrangère et la pensée de ceux qui ont réfléchi sur le problème.

Est-ce qu'il y a lieu de quitter un système de protection policière par l'intermédiaire de petits corps policiers ou de corps policiers relativement peu nombreux pour aller vers des systèmes de surveillance ou de protection policière par l'intermédiaire, de corps nationaux, ou de corps régionaux? L'expérience universelle est à l'effet que l'on va de plus en plus vers des corps nationaux ou régionaux. Aucune expérience en la matière ne va dans le sens de la régression vers des corps de police plus fractionnés, plus petits, plus limités.

Je ne citerai que quelques exemples, non pas pour dire que nous avons copié le système que nous proposons sur ces cas particuliers, mais pour indiquer la direction qui me semble suivie universellement.

En France, on a complété seulement récemment l'unification de la préfecture de police de Paris, qui avait le contrôle de la police parisienne, avec la Sûreté nationale, et aujourd'hui il n'y a qu'un seul corps de police.

En Angleterre, on avait déjà, avant 1962, évolué vers une réduction du nombre des corps de police et, par conséquent, un accroissement des effectifs des corps de police régionaux. Mais, depuis 1962, à la suite de la publication du rapport intitulé Royal Commission report on the Police, on a réduit les corps de police de 120 à 50 pour tout le territoire de l'Angleterre, qui comporte, d'après ce que l'on me dit, environ 50 millions d'habitants. En Hollande, au Danemark et en Suède, on me dit qu'en pratique il n'y a qu'une autorité policière sur un corps de police déterminé.

Quant à l'expérience même dans notre pays, dans une ville qui est, tout le monde le reconnaîtra, d'avant-garde, la ville de Toronto, on a procédé, dès 1957, à la création d'un seul corps de police dans le Toronto métropolitain. Ayant réexaminé l'expérience que l'on avait vécue à Toronto en 1964, la conclusion a été que cette initiative de créer une seule police pour le Toronto métropolitain avait été une expérience heureuse et favorable.

Voilà, M. le Président, l'évolution des corps de police dans un certain nombre de pays ou de villes que nous connaissons. D'autre part, M. le Président, dans un rapport intitulé The Présidence Commission on law enforcement and the administration of Justice, rapport qui est autrement connu sous le nom de rapport Katzenbach, on a énoncé ce qui suit et je pense que je

vais le lire étant donné l'importance de ce texte: "A fundamental problem confronting law enforcement today is that of fragmented crime repression efforts resulting from the large number of uncoordinated local Governments and law enforcement agencies. "It is not uncommon to find police units working at cross-purposes in trying to solve the same or similar crimes. Although law enforcement officials speak of close cooperation among agencies, the reference often simply means a lack of conflict. There is in fact little cooperation other than an informal basis, not a very effective means of meeting current needs. "Formal cooperation or consolidation is an essential ingredient in improving the quality of law enforcement. Crime is not confined within artificially created political boundaries but rather extend throughout the larger community. A workable program of formal cooperation on consolidation for law enforcement services within a common community of interest is the desired goal for improving the quality of law enforcement at the local level."

D'autre part, M. le Président, le comité canadien sur la réforme pénale de 1969 présidé par le juge Ouimet, concluait à l'élimination des petits corps policiers. La Commission d'enquête sur l'administration de la justice en matière criminelle et pénale au Québec, connue sous le nom de rapport Prévost, concluait également à la nécessité de régionaliser les coprs de police au Québec.

Je pense que je devrai donner une citation du rapport Prévost: "Il nous parait absolument anormal et inquiétant qu'une population de six millions possède plus de 400 corps policiers différents et autonomes. Si jamais le risque d'un Etat policier s'est présenté au Québec, c'est dans ce contexte de morcellement et d'improvisation qui laisse constamment subsister le risque et l'arbitraire. "Pour ces motifs, nous croyons qu'il faut suspendre l'obligation faite aux cités et villes de posséder leur propre service de police et insister plutôt sur l'urgence de former, grâce à des accords et à des plans conjoints, de grands corps policiers régionaux. L'île de Montréal, avec sa trentaine de corps policiers, constitue un exemple tragique du danger que représentent les frontières municipales actuelles dans la lutte au crime. Le morcellement prive sans raison la société d'une protection adéquate et ne profite qu'aux criminels. "Pour remplacer les corps policiers de dimension trop restreinte, qui demeureront toujours incapables de professionnalisation, la commission recommande au gouvernement de créer une dizaine de grands corps policiers régionaux, soumis professionnellement à la comission québécoise de police et administrativement à des gouvernements régionaux soutenus financièrement par le gouvernement du Québec".

Finalement, notre propre livre blanc, après une étude de la situation, concluait exactement au même effet puisqu'à la page 131, après une étude complète, nous avons conclu comme suit: "En préférant la régionalisation à la fragmentation des corps de police, nous retenons les avantages suivants: 1) la régionalisation évite l'enchevêtrement des juridictions sur un même territoire; 2) en regroupant les corps locaux qui, morcelés, sont incapables, en raison des limitations dans les ressources financières ou humaines, de remplir toutes les fonctions de police sur un territoire, on constitue un corps de police qui peut assumer tout ou une partie déterminée des fonctions policières; 3) la régionalisation n'a pas pour effet de faire disparaître les services donnés par les corps locaux mais d'améliorer le service par l'institution d'un corps plus considérable; 4) la régionalisation facilite la coordination des forces sur un territoire géographique étendu, coordination qui favorise l'amélioration du personnel et des moyens, qui assure un meilleur contrôle des incidents, une détection et une répression plus efficace du crime; 5) la régionalisation n'écarte pas le concept de la représentation locale mais au contraire, y fait appel; 6) la régionalisation permet de tenir compte des particularités d'une région. Tout en étant uniforme dans ses grandes lignes, la régionalisation demande une certaine souplesse pour adapter la structure aux situations diverses. "Ainsi, dans les régions à forte densité de population, la régionalisation des corps de police se traduira par la constitution d'un corps unique, tandis que, dans les régions à faible densité de population, la régionalisation sera axée sur la mise en commun de différents services soit à l'égard des communications, de l'enquête ou des services techniques, etc. 7) "La régionalisation dans l'ensemble du Québec ne peut se faire que graduellement et suppose au préalable une enquête sur tous les aspects de la question."

Par conséquent, toutes les données de faits et les données scientifiques que nous possédons à l'heure actuelle nous conduisent à la conclusion qu'il faut procéder, au moins, à l'intégration régionale des corps policiers pour assurer une lutte efficace à la criminalité. C'est dans ce sens que le bill 281, conclut, puisqu'il vise à intégrer les 25 corps de police existant sur l'île de Montréal en un seul corps policier sous une direction unique.

Maintenant, quelle est la situation sur l'île de Montréal? Comment se présente-t-elle suivant les différents points de vue où l'on peut se placer pour examiner l'opération qu'il s'agit d'effectuer, c'est-à-dire l'intégration de ces 25 corps policiers?

Il y a un corps policier, celui de Montréal, qui a 4,000 agents et officiers et, d'autre part, 24 corps policiers qui ont 100 policiers ou moins, c'est-à-dire en tout environ 1,000 policiers.

Je mentionne en passant que quelques corps policiers dépassent le chiffre de 100, mais ce n'est que par quelques dizaines de policiers. Par conséquent, des 24 corps policiers existant sur l'île de Montréal, presque tous sont composés de moins de 100 policiers. Certains de ces corps de police ne comportent que 10 policiers, d'autres 30, d'autres 40, d'autres 50, d'autres 75.

Par conséquent, nous sommes, dans la ville de Montréal, devant une situation d'une très grande diversité au point de vue de la composition des corps policiers à intégrer. Mais l'inégalité des conditions et la diversité des situations est également une réalité dont il faut tenir compte dans la région de Montréal. Cette inégalité et cette diversité peuvent se constater dans les domaines suivants: premièrement, dans le domaine du taux d'encadrement policier. Le taux d'encadrement est extrêmement variable suivant les villes où on peut se trouver à Montréal; il varie de un à cinq policiers par 1,000 habitants.

Certaines villes n'ont qu'un policier par 1,000 habitants, tandis que d'autres vont jusqu'à cinq policiers.

Le taux d'encadrement, de plus, n'est pas nécessairement le plus élevé là où les besoins sont les plus grands, là où la criminalité existe d'une façon plus prononcée qu'ailleurs, car ce taux d'encadrement dépend à la fois de la capacité de payer de la municipalité intéressée ou même de sa volonté de payer. C'est-à-dire qu'il faut bien reconnaître que certaines villes sont plus capables, à cause de leur assiette fiscale plus considérable, de l'aisance de leurs habitants ou encore d'une volonté plus grande de protection, de s'assurer une protection policière plus considérable que d'autres qui, à cause des obligations financières qu'elles ont par ailleurs, à cause du taux de la criminalité, à cause des circonstances où elles se trouvent sur le plan fiscal, sont obligées de se contenter d'un taux d'encadrement relativement restreint.

Ainsi, par exemple, la ville de Montréal qui — il faut l'avouer ici et le dire clairement et franchement pour que cela soit particulière- ment bien compris — assume la principale partie du fardeau financier et du fardeau de la lutte à la criminalité à Montréal, a un taux d'encadrement de 2.6 policiers par 1,000 habitants. Je mentionne en passant qu'elle se trouve dans la moyenne du taux d'encadrement que je disais être de 1 à 5. Mais il faut quand même reconnaître, je pense, que la ville de Montréal, à cause de sa situation, à cause de sa composition sociologique, à cause du fait qu'elle contient le centre des affaires, le centre de l'activité, à cause du fait qu'elle est en plein au milieu, de l'activité montréalaise, est quand même obligée de subir les coûts les pîus élevés avec une assiette fiscale qui n'est pas à la hauteur de ses obligations sur le plan de la lutte à la criminalité et sur le plan des coûts de ses services de police.

Je continue à décrire les inégalités qui peuvent exister dans les diverses municipalités de la région montréalaise. Ainsi, je vais donner un autre ordre d'activités où l'on peut constater des inégalités assez frappantes: les appels des citoyens. On sait que les appels des citoyens sont un indice de l'activité policière. En effet, que ces appels aient lieu pour des fins d'indiquer un crime ou la commission d'une infraction ou d'un incident, ils nécessitent néanmoins la mobilisation d'un ou de plusieurs policiers.

M. le Président, je constate qu'il est six heures. Je demande donc la suspension des travaux de la Chambre jusqu'à vingt heures.

M. LACROIX: Vingt heures.

M. CHOQUETTE: Vingt heures quinze.

M. PAUL: Vingt heures quinze.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a consentement pour vingt heures quinze?

M. PAUL: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Adopté. La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt heures quinze.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

Reprise de la séance à 20 h 16

M. LE PRESIDENT (Hardy): A l'ordre, messieurs! Est-ce que la motion de deuxième lecture est adoptée?

M. CHARRON: Un instant, est-ce que mon collègue de Maisonneuve a fait son savant entretien en deuxième lecture sur le sujet?

M. CHOQUETTE: Il n'a pas fait un savant entretien mais il a dit qu'il était d'accord.

M. CHARRON: Je veux dire, est-ce qu'il a fait son discours de deuxième lecture?

M. CHOQUETTE: Non.

M. CHARRON: Est-ce que c'était...

M. CHOQUETTE: Il a l'intention de laisser tomber!

M. CHARRON: ... l'heure...

M. LE PRESIDENT: Je rappelle à l'honorable député de Saint-Jacques qu'en ce moment il est en train d'épuiser son droit de parole sur la motion de deuxième lecture!

M. CHARRON: M. le Président, en attendant mon collègue de Maisonneuve, je peux bien donner mes impressions générales sur l'intégration de la police sur l'île de Montréal. Non, mais, sérieusement, est-ce que le député de Maisonneuve l'a fait?

M. CHOQUETTE: M. le Président, au moment de la suspension, j'avais la parole.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Si les honorables députés veulent que nous procédions immédiatement au vote, je suis tout à fait prêt.

M. PAUL: Qui vous dit que vous allez avoir un vote?

M. CHOQUETTE: Pardon?

M. PAUL: Qui vous dit que vous allez avoir un vote?

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres de la Chambre sont prêts à se prononcer sur la motion de deuxième lecture?

M. PAUL: M. le Président, je vous connais pour plus sérieux que cela. Le ministre n'a pas fini son discours de deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT: J'ai cru comprendre que l'honorable ministre était prêt à interrom- pre ses remarques si la Chambre manifestait le désir de voter immédiatement.

M. PAUL: Vous avez bien dit que vous avez cru comprendre.

M. CHARRON: La Chambre n'est pas prête et se meurt d'envie d'entendre le ministre de la Justice.

UNE VOIX: Adopté.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, je reprendrai donc mes propos là où je les avais laissés. Je faisais état, au moment de la suspension des travaux de la Chambre, des inégalités et des disparités qui existent dans le domaine policier à Montréal. J'avais déjà passé en revue certaines têtes de chapitres, en particulier le taux d'encadrement policier dans les diverses municipalités. J'en étais arrivé, au moment de l'ajournement, aux appels des citoyens qui sont de nature à indiquer l'étendue des besoins des citoyens sur le plan policier.

Pour les années 1967, 1968 et 1969, on a dénombré dans la région de Montréal dans les différents corps de police, 850,000 appels; 650,000 de ces appels ont été adressés à la police de Montréal tandis que 200,000 étaient adressés aux corps de police de banlieue.

On sait qu'en matière policière un appel signifie la mobilisation d'un ou de plusieurs policiers, soit à la suite de la commission d'un crime, d'une infraction ou encore d'un incident qui requiert la présence d'agents de la paix.

La moyenne de la communauté urbaine, pour ces années, s'établissait à 260 appels par agent en fonction. Or, M. le Président, suivant les statistiques qui ont été préparées sur le sujet, l'inégalité entre les municipalités est manifeste. Dans certaines municipalités, les appels sont beaucoup plus nombreux que dans d'autres et les proportions sont extrêmement variables d'une municipalité à l'autre.

Nous devons donc conclure, à la lumière de la distribution du personnel affecté à la gendarmerie qu'il y a une très grande disproportion entre les appels et le personnel affecté à la gendarmerie. En conséquence, il appert que le personnel affecté à la gendarmerie, qui est normalement appelé à répondre à ces appels, est distribué d'une façon qui n'est pas rationnelle sur le territoire de l'île de Montréal.

Sur le plan des enquêtes, l'analyse des corps policiers nous a également menés à la conclusion que la distribution du personnel des enquêteurs n'est pas, non plus, rationnelle. Certains corps de police ne possèdent aucun enquêteur. D'autres corps de police ont un groupe d'enquêteurs qui est affecté à un domaine de l'enquête ou à un autre. Mais, là encore, nous constatons des inégalités flagrantes

entre les municipalités dans la constitution de leur groupe d'enquêteurs, qui nous conduisent à la conclusion que le personnel affecté aux enquêtes en matière policière n'est pas distribué, non plus, de façon rationnelle.

Quant à la différence qualitative de personnel, il s'agit, là encore, d'un problème qui existe à l'échelle de l'île, mais qui tend à se résorber à la suite de l'adoption de normes d'embauche qui sont devenues identiques dans toute l'île de Montréal.

Il reste que ce fut autrefois un problème aigu, puisque chaque municipalité pouvait recruter des agents ayant une instruction plus ou moins avancée, ayant des qualifications plus ou moins différentes des autres. Mais depuis que le conseil de sécurité a adopté certaines mesures dans ce domaine et aussi depuis l'adoption de normes beaucoup plus précises par la Commission de police, la différence qualitative de personnel tend à se résorber.

Quant à la formation professionnelle et quant à l'espoir d'une carrière intéressante dans les corps policiers, il va de soi que, là encore, nous subissons les contrecoups de l'existence de petits corps policiers qui ne sont pas aptes à fournir à ceux qui sont recrutés dans les corps de police l'occasion de gravir un certain nombre d'échelons et les amener dans un certain nombre d'activités policières susceptibles de les intéresser.

Quoi qu'il en soit de cette situation, il faut admettre que sous ce chef, l'uniformisation des normes d'embauche a néanmoins tendance à faire en sorte qu'il y ait une certaine uniformisation dans la formation professionnelle des policiers. Sur le plan personnel, sur le plan de l'intérêt que l'un ou l'autre de ces policiers peut porter à sa carrière et à sa profession, il va de soi, me semble-t-il, que de faire partie d'un corps plus important représenterait des avantages plus considérables.

Mais c'est surtout au plan de l'effort budgétaire que les différences entre les municipalités de Montréal sont frappantes. C'est surtout dans le fardeau fiscal qui repose sur diverses catégories de citoyens de l'île de Montréal, suivant qu'ils sont dans telle ou telle autre municipalité, que l'on peut constater des disparités vraiment étonnantes.

Ainsi, en 1970, par exemple, le fardeau fiscal de la sécurité publique dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, comprenant: police, protection civile ou encore incendie, s'élevait à la somme de $97 millions. Et de ces $97 millions, 80 p.c. étaient assumés par les citoyens de la ville de Montréal, alors que Montréal n'avait à ce moment — et n'a encore, je pense — qu'environ 66 p.c. de la population de toute l'île.

Cela indique jusqu'à quel point les disparités et les inégalités, tant dans la situation du crime que dans les besoins au plan d'effectifs policiers, se répercutaient sur le plan financier, pour faire en sorte que le fardeau principal de la sécurité publique dans l'île de Montréal était supporté par les citoyens de Montréal.

Une autre base de comparaison que l'on peut utiliser pour expliciter la situation qui prévaut à Montréal est le coût per capita des services policiers. Or, voici encore des chiffres particulièrement éloquents sur la situation qui prévaut dans l'île de Montréal. Le coût per capita des services policiers, pour un Montréalais, est de $34.27 tandis que le coût per capita, pour un habitant de banlieue, est de $17.89, soit exactement la moitié du coût assumé par un Montréalais. Ou encore peut-on examiner la question des coûts des services policiers, en scrutant la question sous l'aspect de l'évaluation foncière normalisée. Ainsi, si l'on envisage la comparaison entre Montréal et la banlieue sous ce chapitre, on arrive à la conclusion qu'à Montréal le coût par $1,000 d'évaluation est de $8.24 tandis qu'en banlieue il est de $3.23. Ceci évidemment, M. le Président, vous l'aurez facilement compris, résulte de l'assiette fiscale différente entre Montréal et la banlieue.

Je conclus donc cette partie de mes observations en disant que Montréal, avec 60 p.c. de l'évaluation foncière totale de l'île de Montréal, assume 80 p.c. des coûts des services policiers tandis que la banlieue, avec 40 p.c. de l'évaluation foncière totale, assume 20 p.c. des frais de police, dans l'île de Montréal.

Il va de soi, me semble-t-il, que cette situation requiert une intervention du législateur pour que le principe de la justice fiscale soit rétabli.

Envisageons maintenant, la question sous un autre aspect, M. le Président, qui saura sans doute vous intéresser, celui de l'étendue des services des différents corps de police sur l'île de Montréal.

Ainsi, dans la plupart des corps de police de banlieue, note-t-on l'absence d'un certain nombre de services policiers pourtant importants dans la lutte contre la criminalité. Ces services, naturellement, sont ceux de corps policiers modernes ou de grands corps policiers parfaitement adaptés à la lutte contre la criminalité. Pourtant, certains corps de banlieue peuvent se dispenser de ces services, et le font en fait, s'appuyant, implicitement je pense, sur le corps policier de Montréal.

Voici des services qui existent jusqu'à un certain point et souvent n'existent pas dans un certain nombre de corps de banlieue: les archives, l'identité judiciaire, le centre d'enregistrement et de détention des détenus, la section statistique et d'analyse du crime, un réseau de télécommunications moderne, un bureau du personnel, la planification et la recherche, les relations humaines, une section administrative, des conseillers juridiques et des services d'enquête à des degrés divers. Ce sont là des services qui, la plupart du temps, n'existent pas dans les corps de banlieue.

D'un autre côté, le corps de police de la ville de Montréal comporte un certain nombre d'ac-

tivités et de sections très spécialisées. Par conséquent, il doit assumer des coûts considérables dans certains domaines de l'activité policière. J'en ferai une énumération: le domaine du crime organisé, le terrorisme, les homicides, les vols à main armée, les vols de véhicules automobiles, les fraudes, les mineurs, les stupéfiants, la moralité, la filature, les renseignements. Voilà des services dont la police de Montréal est équipée et dont la plupart des autres corps de police peuvent se dispenser, étant donné qu'ils peuvent se retrancher sous l'argument de l'exiguïté de leur personnel ou encore dire que les problèmes qui se posent sous ce rapport n'ont pas l'acuité qu'ils ont dans la ville de Montréal.

D'un autre côté, il ne faudrait pas oublier, lorsque nous envisageons la situation de la police sur l'île de Montréal, que, même si nous concluons à une disparité très considérable entre l'éventail des services fournis par un grand corps de police comme celui de Montréal et des services fournis par les corps de police des banlieues sous un autre rapport il peut y avoir et il y a duplication de personnel et de services.

C'est-à-dire qu'en permettant que subsistent sur un territoire de 190 milles carrés, ce qui est le territoire de la ville de Montréal, 25 corps de police, on permet qu'il y ait une duplication de services à un grand nombre de niveaux, c'est-à-dire au niveau ou les services sont identiques dans chacun des corps de police. On pourrait citer de nombreux exemples de duplication de services, que ce soit au niveau des services téléphoniques, par exemple, ou au niveau de l'utilisation du matériel automobile où on multiplie les coûts en maintenant sur le territoire de la ville de Montréal 25 corps policiers.

Pourtant, le tout se passe dans un système administratif où il y a insuffisance de coordination et de coopération entre les corps policiers parce que même encore récemment, malgré les efforts du conseil de sécurité publique dans ce domaine, le système des télécommunications n'était pas uniforme à travers l'île de Montréal. Les corps de police avaient même recours au système de télécommunications offert par la protection civile, ce qui nous montre jusqu'à quel point ont été insuffisamment développés les moyens de communication entre les corps de police alors qu'aujourd'hui, dans la lutte à la criminalité, la communication est un aspect essentiel de la réussite policière parce qu'aussitôt qu'un crime se produit, que ce soit un vol à main armée ou un autre incident, si la communication se fait rapidement entre les différents corps de police entre' les escouades ou entre la gendarmerie d'une part et l'enquête, nous sommes assurés d'un succès beaucoup plus grand si le système de communication est complètement adapté à la situation moderne où le criminel se déplace avec une très grande rapidité.

Il s'ensuit donc que dans l'établissement d'une force policière adaptée aux conditions de la lutte à la criminalité moderne, le système des communications est essentiel. Je ne voudrais cependant pas décrire la situation comme totalement déplorable à Montréal parce qu'avec le conseil de sécurité publique qui existait en vertu de la Loi de la communauté urbaine et les efforts qui ont été faits par les corps policiers, on tend de plus en plus à obtenir de meilleures communications.

Mais, je pense que seule l'intégration des différents corps de police nous permettra d'atteindre à ce niveau de communication souhaitable entre tous ces policiers qui sont appelés à exercer leurs fonctions dans Montréal.

Je termine, au chapitre des services, en parlant des services de l'avenir pour les corps de police. Certains services, dans l'état actuel des choses, même s'ils sont nécessaires pour l'avenir, sont d'un coût prohibitif si nous maintenons les cloisons étanches entre les différents corps de police, si nous ne procédons pas à l'intégration. Je n'ai qu'à mentionner, par exemple, les services d'ordinateurs, la télévision en circuit fermé, la patrouille en hélicoptère, voilà des services extrêmement coûteux mais qui font partie de la police de l'avenir. Si l'on devait maintenir la fragmentation des corps policiers, il va de soi que le coût de ces services serait tel qu'il ne pourrait être assumé par aucun d'entre eux. Tandis que réunis en une seule unité, l'on pourra envisager de doter notre corps de police de la Communauté urbaine de Montréal des instruments les plus modernes pour assurer son efficacité.

Je voudrais maintenant aborder la question de l'efficacité de l'action policière à Montréal à l'égard du crime. On sait que Montréal, suivant les dernières statistiques, arrive après Vancouver au plan du taux de criminalité au Canada. Montréal arrive, en fait, tout près de Vancouver, et suivant les chiffres que nous possédons, le taux de criminalité à Montréal est de 2,500 par 100,000 de population. Pourtant, le taux de solutions du crime est particulièrement bas à Montréal. Ainsi le taux de solutions de crimes contre la personne n'est que de 20 p.c, tandis que le taux de solutions de crimes contre la propriété n'est que de 10 p.c. Ceci indique, soit par rapport à la situation de Toronto ou soit aux situations qui prévalent dans les villes américaines, un taux extrêmement bas de solutions de la criminalité, au point qu'on peut se demander si les chances à Montréal ne sont pas beaucoup plus du côté du criminel que du côté de ceux qui veulent faire respecter la loi.

Il va de soi qu'une intégration des services policiers, une action coordonnée de l'action policière dans les 15 corps policiers de l'île de Montréal, une fois qu'ils seront intégrés, nous permettrait d'espérer d'atteindre un taux de solution du crime beaucoup plus élevé que celui que nous possédons malheureusement à l'heure actuelle.

M. le Président, je conclus ces observations en disant ceci: Seule une intégration des corps policiers de Montréal nous permet d'entrevoir une lutte efficace à la criminalité et une

répartition adéquate des ressources humaines et physiques dans les différentes parties de l'île de Montréal pour que les citoyens aient une protection égale devant la loi, pour que les citoyens soient traités avec justice et équité devant le phénomène de la criminalité.

Par conséquent, je conclus en disant que nous devons donner suite à toutes ces discussions qui ont eu lieu dans le passé et qui tournaient autour de la question, à savoir si l'on devait procéder à l'intégration de la police ou s'y refuser. Après avoir mûrement considéré la situation qui prévalait à Montréal, j'en suis venu à la conclusion que seule une intégration permettrait d'atteindre, d'une part, la justice fiscale et, d'autre part, permettrait que la lutte à la criminalité soit menée de façon énergique.

M. le Président, je ne voudrais pas allonger mes observations mais, me semble-t-il, à l'occasion de ce discours, il faut donner des points de repère qui intéressent les citoyens lorsque l'on discute de l'intégration de la police sur l'île de Montréal.

Un aspect qui est particulièrement intéressant, ce sont les coûts comparatifs entre les services policiers de Toronto et ceux de Montréal. Les services policiers, à Montréal, coûtent $20 millions de plus qu'à Toronto. Dans l'île de Montréal, à l'heure actuelle, nous avons plus de 1,000 policiers et nous pouvons nous demander si une intégration des forces policières ne permettrait pas de réaliser des économies par rapport à la situation qui prévaut à l'heure actuelle. Evidemment, je sais que le taux de la criminalité est plus élevé à Montréal qu'à Toronto et que, par conséquent, ceci peut expliquer que nos coûts soient supérieurs. Mais il ne me semble pas que seul le taux de la criminalité soit l'explication de la différence de coûts entre Montréal et Toronto.

D'autre part, nous savons que l'intégration de la police sur l'île de Montréal permettra non seulement peut-être la réalisation de certaines économies par la suppression de certains dédoublements de services, mais permettra une administration, une gestion plus rationnelle de l'ensemble des corps policiers.

Tant que ces corps policiers sont dispersés en 25 administrations diverses, la gestion de l'ensemble de ce personnel de 5,000 policiers et de, peut-être 800 fonctionnaires offre des difficultés particulières, on l'admettra.

Je considère donc qu'à la faveur de l'intégration on peut, au moins, espérer que l'autorité qui sera chargée de l'administration de cet ensemble pourra adopter des politiques administratives beaucoup plus rationnelles. Par conséquent, nous pourrons espérer réduire les coûts et nous rapprocher de la situation qui prévaut à Toronto.

Evidemment, je sais qu'une bonne partie des coûts supplémentaires que Montréal encourt, au chiffre de $20 millions, s'explique par du temps supplémentaire, par un nombre plus grand de véhicules automobiles, par des bénéfices so- ciaux plus élevés et aussi par le fait que l'on a plus de policiers à Montréal que de fonctionnaires, tandis qu'à Toronto on fait faire une certaine partie du travail par des fonctionnaires, alors que le coût des fonctionnaires est inférieur à celui des policiers.

Mais ce sont là des domaines qu'un conseil de sécurité publique ou une administration bien définie, telle que proposée par le projet de loi, peut étudier et tenter de régler en rationalisant notre administration policière pour faire en sorte que nos coûts ne soient pas trop élevés.

Ainsi, M. le Président, même si, l'année dernière, nous avons dépensé à Montréal $75 millions pour nos services policiers, tandis que le Toronto métropolitain où la police est intégrée a dépensé $55 millions, je pense qu'en appliquant des méthodes de gestion moderne nous pourrons réduire nos coûts et faire en sorte que le contribuable de Montréal ne subisse pas les répercussions d'une fragmentation excessive des administrations dans le domaine policier.

M. le Président, je pense aussi que je dois faire état de la croissance des coûts de l'administration de la police sur l'île de Montréal, parce que je pense que c'est un fait qui vous intéresse. Ainsi, je me dois de signaler à l'Assemblée que la hausse des coûts entre 1970 et 1971 dans l'administration de la police à Montréal a été de 15 p.c. En 1970, le coût total de la police a représenté $70 millions, tandis qu'en 1971, les prévisions sont que le coût total de la police sera de $82 millions. L'accroissement de 15 p.c. des coûts, soit $12 millions, s'explique en grande partie par le coût du personnel ou les salaires. Je pourrais donner quelques détails qui offrent un intérêt, me semble-t-il. Le temps supplémentaire est un facteur qu'il faut considérer, de même que les bénéfices sociaux et les augmentations de personnel.

Quant aux hausses résultant des conventions collectives, elles représentent $2.6 millions dans l'accroissement total des coûts d'une année à l'autre.

Par conséquent, on peut dire que la hausse totale des coûts policiers s'explique, pour deux tiers, par un accroissement de surtemps, de bénéfices sociaux et de personnel, tandis que, pour un tiers, elle s'explique par l'accroissement des salaires à la suite des négociations des conventions collectives. Et une bonne partie de ces accroissements qui ont été réflétés dans les conventions collectives s'explique par le rattrapage au niveau des banlieues par rapport à Montréal.

Et ici j'arrive au fait qui me parait particulièrement significatif, c'est que depuis le 1er janvier 1970, depuis que les budgets des corps policiers ont été intégrés et ceci jusqu'à ce jour, l'île de Montréal est dans un processus de réalignement des salaires des banlieues par rapport à la police de Montréal. Je veux dire que le processus d'intégration des corps poli-

ciers est déjà en voie de réalisation et que les ajustements qui se font au niveau des conventions collectives ne font que réfléter la tendance très profonde et très inscrite dans les faits de la réunion de tous ces corps policiers en un seul, ce qui est l'objectif naturel à atteindre.

Par conséquent, ne pas adopter ce projet de loi serait, à mon sens, maintenir une situation d'incertitude, de flottement, quant à la responsabilité des corps policiers, qui ne serait de nature qu'à nous priver de certaines économies possibles, nous faire encourir des coûts supplémentaires et ceci sans offrir un service uniforme et valable à l'ensemble de l'île de Montréal.

Je dis donc que, dans la situation telle qu'elle se présente sur l'île de Montréal, l'intégration des forces policières est inscrite dans les faits, elle doit être réalisée. La reporter à plus tard — sous quelque prétexte que ce soit — serait recréer une situation qui a malheureusement prévalu cet automne, alors que nous avons assisté à un certain nombre de débrayages policiers, alors que les autorités locales étaient plus ou moins sûres de leur position, étant donné que tout le monde savait que nous allions vers l'intégration. Par conséquent, la situation d'incertitude dans laquelle on pourrait laisser l'île de Montréal aujourd'hui, sur le plan de l'autorité des corps policiers, ne serait que défavorable à tous les points de vue, que l'on se place au point de vue des coûts, au point de vue de l'efficacité de l'action policière, ou du maintien de l'ordre public, parce que les syndicats ne sauraient trop à qui et à quelle autorité se vouer pour régler leurs problèmes de conventions collectives.

Je dis donc que c'est un autre argument qui milite en faveur de l'intégration, que la situation incertaine qui a prévalu jusqu'à récemment, alors que le gouvernement a annoncé qu'il procédait à l'intégration. Dans les conditions actuelles, l'Assemblée nationale se doit de rétablir une situation claire, nette et précise au point de vue de l'administration des corps policiers dans l'île de Montréal. Ceci sera de nature à ouvrir des perspectives intéressantes, à la fois au point de vue de l'efficacité et de l'action de la police, sûrement, à la fois au point de vue du contrôle des coûts. Il faut bien admettre que, dans l'Etat actuel des choses, il y a une part de manque de contrôle. Il faut assurer que les conventions collectives et les règlements des conditions de travail dans les corps de police sur l'île de Montréal se feront avec une autorité bien déterminée, reconnue par la loi et qui traitera ces matières avec l'énergie, la fermeté et aussi la compréhension qui sont requises dans ces circonstances.

M. le Président, je m'en voudrais de ne pas faire état d'une situation qui prévaut à l'heure actuelle et du changement de régime qui va s'ensuivre par l'adoption de la loi qui est devant vous.

En effet, dans le régime d'intégration des budgets policiers, le régime financier qui préva- lait était un régime d'attribution ou de répartition des dépenses excédentaires des corps policiers par rapport à l'évaluation foncière normalisée. Or, il va de soi, M. le Président, qu'en adoptant le bill 281 nous changeons de régime financier. Nous adoptons un régime budgétaire où là, il faudra faire des prévisions budgétaires au début de l'exercice et répartir le fardeau fiscal sur les citoyens, suivant les valeurs immobilières dans l'île de Montréal.

Mais en ce faisant, ceci impose l'obligation à la Communauté urbaine de Montréal de faire une période de rattrapage, parce que l'année financière de la Communauté urbaine de Montréal, qui est du 1er janvier de chaque année au 31 décembre, et l'année financière qui prévalait alors qu'on était sous le régime de l'intégration des budgets policiers, qui était au 31 août de chaque année, font qu'il y a un décalage de quatre mois entre ces deux périodes de temps. Ce décalage ainsi que le changement de régime budgétaire, M. le Président, vont rendre nécessaire de faire assumer les coûts par la population en 1972, alors que ces coûts ont été encourus dans le passé et devront en quelque sorte être répartis sur les contribuables de 1972 à cause du changement de régime.

A ce sujet, malgré que les citoyens de Montréal et de la banlieue puissent être obligés d'accepter des coûts additionnels dans l'année 1972, le gouvernement a quand même prévu un mode d'allègement du fardeau fiscal en permettant qu'une part de ce coûts, soit environ $16 millions, puisse faire l'objet d'un emprunt et puisse être répartie sur une période de vingt ans.

Mais même ceci dit, il faut quand même dire les faits tels qu'ils sont et ne pas tromper la population. Il est fort possible et même probable que la population de l'ensemble de l'île de Montréal devra assumer des coûts accrus dans le domaine policier en 1972. Mais, si le gouvernement reculait au moment d'adopter cette mesure sous prétexte que certaines parties de la population de l'île de Montréal peuvent se sentir durement frappées par des coûts policiers en 1972, le gouvernement ne ferait pas son devoir, parce que si le gouvernement retardait la mesure d'un an ou deux, la situation s'aggraverait dans l'intervalle et ces rattrapages — dont je parlais tout à l'heure — il faudrait y faire face en 1973 ou en 1974.

Par conséquent, je considère, M. le Président, que, compte tenu de la situation dans son ensemble, et même si, dans certaines municipalités, l'absorption des coûts additionnels due au rattrapage par le changement de régime budgétaire au moment du 1er de l'année 1972, il faut envisager et reconnaître que le fait de reporter l'échéance à l'année prochaine ou à l'année suivante n'est que de nature à accroître les effets de ce rattrapage. Il faudrait bien reconnaître, M. le Président, même si on devait retarder la mesure d'un an, que les coûts policiers vont continuer à croître dans l'intervalle, que les 25, 26 ou 29 autorités municipales

qui ont la compétence dans l'administration des corps de police actuellement vont continuer à administrer dans le système actuel. Par conséquent, reporter la mesure à plus tard serait une pire mesure au plan fiscal, que de prendre nos responsabilités aujourd'hui, même si, pour l'année 1972, les coûts sont élevés, dans certains endroits de l'île de Montréal.

Il faut faire comprendre aux citoyens que l'intégration de la police est une mesure devenue nécessaire, non seulement pour établir les bases d'une saine administration financière, d'un contrôle approprié de la force policière dans son ensemble mais également — je pense que tout le monde le reconnaîtra à la lumière des arguments que j'ai déjà exposés — pour assurer une action policière efficace sur toute l'île de Montréal. Je termine donc ces observations sur le principe de la régionalisation ou de l'intégration de la police en disant qu'à tout point de vue la mesure est devenue nécessaire.

Je termine ce discours en parlant d'un autre aspect du bill qui me semble important. C'est la constitution du conseil de sécurité tel qu'il est préconisé dans le projet de loi. Vous allez constater, à la lecture du projet de loi, que le conseil de sécurité dont nous proposons la création sera composé de six membres, dont trois désignés par le conseil de la Communauté urbaine de Montréal et trois désignés par le gouvernement du Québec,

Le gouvernement du Québec se réserve le droit de désigner le président qui, au cas d'égalité des voix, aurait une voix prépondérante. Pourquoi cette formule? Pourquoi avoir adopté un système qui a fait l'objet de quelques observations, en particulier du président de la Communauté urbaine de Montréal, M. Lucien Saulnier, bien que je doive dire que les titres des journaux ont beaucoup exagéré la portée de ces observations? M. Saulnier a signalé que le système que nous proposions était un changement par rapport à la tradition existante au Québec. Je suis bien obligé d'admettre ce fait et d'en reconnaître la véracité.

M. Saulnier ne s'est pas opposé au projet de loi pour cette raison et M. Saulnier n'a pas pris une attitude d'opposition ferme à l'égard du système que nous proposons. Par conséquent, je dis que les titres des journaux ont exagéré énormément la portée des observations de M. Saulnier. Ceci dit, je pense qu'il fallait arriver à un régime tel que celui que nous préconisons. Il fallait arriver à ce régime parce qu'on ne constitue pas une force policière de 5,000 policiers au coeur de l'économie québécoise — il faut bien dire que l'île de Montréal est le coeur de l'économie québécoise — sans que le gouvernement y soit présent et sans que le gouvernement y soit représenté.

Je me dirais que le gouvernement du Québec serait bien négligent, bien insouciant, bien frivole s'il laissait se constituer une force policière de 5,000 hommes appelés à combattre la criminalité sous toutes ses formes et en particulier sous la forme du terrorisme, sous la forme du crime organisé sans être présent pour orienter l'action de ce corps policier. Il me semble que ce serait beaucoup trop laisser aller les choses. On ne peut pas traiter une force telle que celle que nous allons constituer par cette loi comme n'importe quelle autre force de police municipale. On ne peut pas traiter cette force, qui sera la plus nombreuse de tout le Québec, comme une force de police municipale ordinaire.

Donc, l'Etat doit être présent. Je ne dis pas que l'Etat doit diriger entièrement et complètement les destinées de cette force policière, car je conçois très bien que les contribuables aient leur mot à dire puisqu'ils paieront la plus grande partie des coûts. Par conséquent, il est tout à fait légitime que les élus locaux représentent les contribuables de l'île de Montréal dans l'action du conseil de sécurité. Je ne peux pas admettre que l'on traite l'opération à laquelle on se prépare à procéder comme si c'était une affaire banale qui n'intéresserait pas tout l'Etat.

C'est la raison pour laquelle nous avons, tenant compte de cette situation, proposé que le Conseil de sécurité soit composé moitié de personnes désignées par le gouvernement et moitié de personnes désignées par lui-même.

Il ne faut pas prendre pour acquis, non plus, que les trois personnes que le gouvernement va désigner vont être obligées constamment et en toutes circonstances de suivre les dictées et les ordres soit du ministre de la Justice ou du gouvernement du Québec, parce qu'une fois nommées elles auront leur indépendance et pourront agir suivant leur conscience.

Mais je crois que, dans le système que nous mettons sur pied, le maintien de l'ordre public, de la paix, la lutte contre la criminalité sont un domaine d'intérêt général, qui touche, en somme, la société dans son ensemble. C'est là que l'Etat doit être présent, non pas pour dicter ses vues, mais pour s'assurer que les personnes qui seront là prendront leurs responsabilités à la lumière de l'intérêt général, quitte à ce qu'il y ait des représentants des contribuables locaux qui, eux, prennent leurs responsabilités à la lumière des intérêts des citoyens de Montréal, comme contribuables ou comme citoyens de l'île de Montréal purement et simplement.

C'est ce compromis que nous avons cherché entre le rôle de la force policière que nous allons constituer qui sera la plus grande force policière du Québec — par conséquent, elle aura naturellement des responsabilités très considérables au point de vue du maintien de l'ordre public et du respect des lois — et, d'un autre côté, le fait que cette force policière agira sur un territoire déterminé, ce qui intéresse les citoyens qui y résident.

Alors, la formule que nous préconisons est sûrement nouvelle par rapport à la tradition du Québec, mais elle n'est pas nouvelle par rapport au conseil de sécurité tel qu'il existe à Toronto. On sait qu'à Toronto on a constitué un conseil

de sécurité d'une façon passablement similaire à la formule que nous proposons. On est même allé plus loin puisque, comme me l'indique le député de Baldwin, le gouvernement est représenté d'une façon encore plus prépondérante qu'il ne l'est dans la formule que je propose.

Pour rassurer le député de Baldwin qui, je le sais, prend un intérêt très considérable à ce projet de loi et à tout le débat qui va s'ensuivre, j'ajouterai que la formule que nous proposons aura également l'avantage de faire en sorte que les banlieues auront un traitement équitable de la part de l'organisme qui va administrer la police intégrée. Ce ne sera pas une municipalité qui, à cause de son importance, en l'occurrence c'est Montréal, va prendre le contrôle de toute la police de l'île de Montréal de sorte que les banlieues, par exemple, la ville de Pointe-Claire dont le député de Baldwin est le maire, pourraient ne pas recevoir un traitement équitable. Il est sûr que c'est un facteur que nous avons pris en considération dans la formule de composition du Conseil de sécurité que nous avons constitué. Nous nous sommes dit: Si nous avons trois représentants des élus locaux et trois représentants désignés par le gouvernement, mais qui représentent l'intérêt général, nous allons arriver à un conseil qui va administrer de la façon la plus objective et la plus impartiale possible les forces policières sur l'île de Montréal.

Je termine mon argumentation au sujet de la composition de ce Conseil de sécurité, en disant que la formule proposée donne de meilleures garanties contre l'immixtion indue de la politique dans l'action des forces policières. C'est un sujet qui a fait l'objet de nombreuses plaintes en de nombreuses circonstances.

Je ne juge pas de la situation actuelle, je ne voudrais pas commencer à porter des jugements sur l'action de telle ou telle personne ou de tel ou tel conseil de ville ou de tel ou tel groupe. Mais, je pense que tout le monde se rend compte, dans la période d'agitation sociale, dans la période d'action difficile contre la criminalité, en particulier contre le crime organisé, que la police doit rester d'une objectivité et d'une impartialité très grandes en toute circonstance. Négliger cette dimension est de nature à discréditer l'ensemble de l'administration d'un gouvernement, l'ensemble d'une société.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement actuel ne peut pas courir de risque sur ce sujet. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé un conseil de sécurité qui, à mon sens, nous donnera de meilleures garanties que la police, en toute circonstance, va être administrée pour l'intérêt général et non pas dans une ou l'autre option politique ou dans l'un ou l'autre intérêt de qui que ce soit. Je pense que je suis assez clair sur ce sujet. Je considère que la formule n'est peut-être pas parfaite. Elle pourrait peut-être être plus parfaite le jour où le gouvernement du Québec aura les disponibilités financiè- res pour contribuer à la force policière de Montréal, qui le mériterait réellement à cause du rôle qu'elle joue, à cause de son importance au point de vue du nombre.

Je le reconnais mais, dans l'état actuel des finances, ceci me parait difficile. Il faut quand même prendre les faits tels qu'ils sont: Parce que l'état des finances du gouvernement ne nous permet pas de fournir des sommes considérables à la future force policière intégrée, je ne suis pas pour la reléguer au plan d'une force municipale purement et simplement, avec toutes sortes de difficultés prévisibles, toutes sortes d'abus possibles. A cause de son importance, à cause des moyens techniques qui sont mis à sa disposition, à cause de la nature des escouades qu'elle possède, je ne suis pas pour laisser faire une chose pareille alors que je sais qu'il faut que l'administration de cette force policière soit équilibrée. Il faut qu'il résulte, en somme, un équilibre délicat entre les besoins des contribuables locaux, entre leur capacité de payer et, d'un autre côté, les impératifs de la société, qui est en état d'agitation et de difficultés, et de contrôle de la criminalité.

Or, ce sont tous ces aspects que nous avons pris en considération pour proposer cette formule. Quand même des hommes politiques, si bien intentionnés soient-ils comme M. Lucien Saulnier, nous diraient: Ce n'est pas conforme à la tradition, je pense qu'il faut changer la tradition. Aujourd'hui, quand on est devant des faits nouveaux, quand la vie nous bouscule, quand l'évolution de la société fait qu'on s'en va vers des zones de puissance de plus en plus considérables, soit qu'elles soient concentrées au niveau de la police ou au niveau du syndicalisme, il ne faut pas hésiter à avoir recours à des formules nouvelles. Je pense que la formule nouvelle que nous proposons est raisonnable et ne préjuge pas de la contribution éventuelle du gouvernement du Québec à cette future force de police intégrée, à la fois pour aider les contribuables montréalais mais également parce que la fonction, le rôle de la force de police de Montréal n'est pas un rôle de force de police purement municipale.

M. le Président, je terminerai mes observations en disant tout simplement ceci. C'est que je considère que le projet de loi que nous présentons a été mûrement pensé et délibéré, qu'il a fait l'objet de réflexions à beaucoup de niveaux du gouvernement et qu'il devrait être adopté unanimement par cette Chambre. Merci.

M. LE PRESIDENT (Phaneuf ): L'honorable député de Maskinongé.

M. Rémi Paul

M. PAUL: Je ne sais pas pourquoi le ministre de la Justice nous a donné l'impression d'être inquiet au sujet de l'acceptation de son projet de loi no 281, Loi constituant le service de police de la Communauté urbaine de Montréal

et modifiant de nouveau la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

Je vais féliciter le ministre quant à la documentation qu'il a requise de ses fonctionnaires pour nous faire passer en revue l'activité policière du corps de police de Montréal. Les statistiques qu'il nous a données ont sûrement ébranlé les plus récalcitrants ou les tenants d'une opposition ferme et énergique à l'adoption de ce projet de loi.

Je me permettrai d'adresser des reproches au ministre de la Justice et à ceux qui sont chargés de nous présenter les législations pour étude, analyse, considération et finalement adoption. M. le Président, nous avons eu deux séances de la commission de la Justice la semaine dernière, les 7 et 8 décembre, alors que le ministre de la Justice nous invita à étudier le livre blanc: La police et la sécurité des citoyens. A cette occasion, le ministre de la Justice informa les corps intermédiaires qui présentèrent des mémoires ainsi que les membres de la commission de son intention de soumettre, pour consultation, analyse et présentation de mémoires, tout projet de loi qu'il pourrait présenter concernant l'intégration d'une force policière. Dans les circonstances, il s'agit de l'intégration ou de la formation de la police de la Communauté urbaine de Montréal.

Je me demande pourquoi le ministre, dans son discours, ne nous a pas mentionné son intention de déférer, après la deuxième lecture, ce projet de loi à la commission parlementaire de la Justice alors que nous pourrions avoir l'avantage d'entendre les représentations d'hommes du métier, du milieu comme, par exemple, la Fraternité des policiers de Montréal. Nous serions intéressés de connaître l'attitude de ce corps de police de Montréal et d'entendre M. Guy Marcil nous donner ses commentaires, son appréciation, ses suggestions quant aux modalités que nous retrouvons dans le projet de loi no 281.

Je sais qu'il y a également une délégation de l'Association des policiers de Westmount qui, hier, était inquiète et qui se demande comment va être imbriquée cette loi tant dans le milieu de la ville de Montréal que parmi les villes du Montréal métropolitain. Je suis sûr que les membres de l'Association des policiers de Westmount sont désireux eux aussi de présenter un mémoire, de se faire entendre devant la commission parlementaire afin de nous faire des représentations.

J'aimerais que le ministre soit en mesure de répondre à l'inquiétude décrite dans un bref mémoire adressé au ministre, le 11 décembre 1971, et par lequel on attire l'attention du ministre sur les articles 10 et 43. Et, dans ce mémoire, on se pose des questions; on est inquiet; on veut savoir comment l'intégration des forces policières se fera sur l'île de Montréal sans que personne ne perde des droits acquis et afin que tous ceux qui oeuvrent dans le service municipal de l'un ou l'autre des corps policiers de Montréal puissent voir leurs droits acquis sauvegardés, leur intégration rendue facile et pour qu'ils puissent réellement communier à l'activité policière de la ville de Montréal.

M. le Président, je ne puis pas comprendre le silence du ministre sur ce point et je souhaiterais qu'il s'agisse d'un oubli de sa part. Connaissant trop l'esprit démocratique du ministre, je suis sûr que, dans sa réplique, il tirera d'inquiétude les membres de la commission parlementaire et ceux qui, dans les galeries, regardent ce soir cette chemise clairvoyante du ministre et qui les appelle quasiment à combattre un incendie. Je vois que le sourire du ministre est un signe approbateur et que nous, membres de la commission de la Justice, et que ces vaillants soldats, gardiens de l'ordre et de la paix, pourrons nous faire entendre. M. le Ministre, nous vous remercions à l'avance.

Mais il y a un autre point sur lequel je ne puis pas pardonner une négligence au ministre: c'est le délai si court qu'il nous impose dans l'étude d'un projet de loi d'une extrême importance alors que nous allons innover, ici, dans l'Assemblée nationale, dans cette forme nouvelle d'activité policière au Québec. M. le Président, on nous a remis la loi vendredi après-midi; lors de l'ouverture de notre séance, le projet de loi était appelé en première lecture. Tous savent que nous avons siégé jusqu'à 4 heures vendredi après-midi et que nous sommes retournés chez nous pour être en mesure de recevoir nos électeurs et être fidèles aux engagements que nous avions pris. Je sais qu'il y a même des députés qui ont eu l'honneur de recevoir des ministres dans leur circonscription électorale et ces ministres se sont promenés en promettant des subventions de $1 million, $1.5 million.

Mais pour nous, M. le Président, députés de comtés ruraux, toujours près de nos électeurs — c'est dans le projet de loi ça, M. le Président, vous ne connaissez pas ça, vous vivez à Montréal, vous ne connaissez pas les problèmes et le rôle que doivent jouer les députés auprès de leurs électeurs. Je vois, par exemple, le député de Kamouraska; je sais qu'il a été aux prises avec de nombreux problèmes en fin de semaine, spécialement dans la production des oeufs — mais pour nous, M. le Président, pas de délai. Le ministre, je le comprends. Il a toute une armée de fonctionnaires avec qui il a travaillé, et je sais combien ils sont compétents, efficaces, loyaux et sincères. Et nous sommes revenus lundi matin; durant toute la journée d'hier nous avons étudié un important projet de loi; nous avons terminé à minuit et, ce matin, nous avions des engagements, des rendez-vous, justement, pour essayer de calmer l'inquiétude des gens qui sont aux prises avec des lois de dernière minute que nous présente le gouvernement.

M. le Président, je reproche au ministre de la Justice de ne pas nous avoir donné le temps de nous préparer adéquatement afin, nous aussi, d'apporter une contribution logique et valable à

l'étude de ce projet de loi. Nous n'avons pas le choix, alors quant à nous, nous allons appuyer ce projet de loi. Pourquoi? Parce que c'est la suite logique d'une loi que nous avons adoptée au mois de décembre 1969 lorsque nous avons créé la Communauté urbaine de Montréal.

Dans ce projet de loi, M. le Président, il y avait la formation d'un Conseil de sécurité. Cet après-midi, le ministre nous a énuméré les dispositions que l'on retrouve dans la loi, spécialement à l'article 233, et il nous rappelait l'obligation qu'avait le Conseil de sécurité de produire un rapport au Conseil exécutif avant le 1er septembre — ce qu'il a fait — aux fins de faire des recommandations au conseil exécutif pour établir un plan d'intégration partielle ou totale des corps de police des municipalités, dans la mesure où elle est nécessaire en vue d'assurer à la population du territoire de la communauté une protection policière efficace et de qualité.

A la suite de la présentation de ce rapport, le conseil de la communauté urbaine s'est réuni et, à la majorité des voix, on adopta le règlement 26 qui prévoyait l'intégration des forces policières sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Il faut rappeler que ce projet de loi n'a pas été adopté à l'unanimité, c'est à la suite de discussions, parfois orageuses, que majoritairement ce projet de loi a été adopté.

Comme le règlement no 26 ne respectait pas toutes les obligations que l'on peut retrouver à l'article 233 du chapitre 84, Loi de la Communauté urbaine de Montréal, la Commission municipale était dans l'impossibilité de donner son nihil obstat à ce règlement municipal qui, par voie de conséquence, ne pouvait entrer en vigueur.

Durant la même période, comme nous le signalait le ministre, cet après-midi, il y avait une équipe de fonctionnaires au travail au ministère de la Justice aux fins de préparer une loi-cadre où d'envisager certaines recommandations pour l'intégration des forces policières sur tout le territoire du Québec.

Ce n'est pas une initiative nouvelle que nous présente le ministre de la Justice, ce soir. Je ne lui en fais pas reproche. Les arguments qu'il a apportés au soutien de la présentation de la deuxième lecture de son projet de loi ont, du moins, je l'espère, convaincu tous les députés, sans exception, de la logique, de l'impératif, de l'obligation dans laquelle nous sommes placés d'adopter une telle législation.

Quand on sait que, dans la métropole... M. le Président, est-ce que vous pourriez inviter — vous qui êtes ordinairement d'une vigilance remarquable , - vos collègues qui siègent à votre droite, et spécialement le député de Bourassa, à parler moins fort? Je comprends qu'il va sans doute vaquer à ses obligations de président de l'Office des autoroutes; ça nous permettra de continuer en paix l'étude de ce projet de loi.

Je dis que, dans le Toronto métropolitain, il y a intégration des forces policières depuis 1957 ou 1958. Il y avait, dans le Toronto métropolitain, 13 corps de police qui ont été unifiés. Chez nous, dans le Québec, à Montréal — la métropole du Canada — il y a environ 24 ou 25 corps de police, dont l'effectif se compose, pour quelques-uns, de trois membres et, pour d'autres, de 100 à 125 membres.

Il y a 13 de ces corps de police où les officiers ou les membres jouent, à la fois, le rôle de gardien de la paix, de l'ordre, de la protection des citoyens et, en même temps, ils agissent comme pompiers.

M. le Président, il faut accepter une évolution dans ce domaine comme nous acceptons le modernisme chez nous, comme nous acceptons l'évolution sociale. Je me demande pourquoi nous n'accepterions pas une façon nouvelle de combattre efficacement, dans l'île de Montréal, le crime sous toutes ses formes, par la coordination des forces policières, non plus seulement par la coopération, qui hélas dans le passé, malgré la bonne intention qu'avaient nos chefs de police ou les membres de nos corps policiers, n'a pas donné les résultats désirés et que nous aurions souhaités meilleurs.

Que ce soit dans les corporations municipales les plus riches ou les plus pauvres, une chose est certaine, c'est que la capitale du crime au Québec, c'est Montréal. Et il faut à tout prix que les citoyens de l'île de Montréal acceptent de jouer le jeu du bien commun et de participer peut-être davantage aux coûts de l'administration policière dans la ville de Montréal, si nous voulons obtenir un résultat encore meilleur du travail de nos policiers.

Pourquoi? Parce qu'il faut que nous ayons des méthodes modernes de lutte contre le crime et assimilables aux moyens modernes que prennent les bandits dans l'exécution de leur crime. Et ce travail de coopération n'apportera de résultats qu'en autant que nous combattrons le crime avec une planification arrêtée et qu'en autant que l'on ne divisera pas le travail des forces policières.

M. le Président, si nous voulons réellement protéger la société, combattre le crime sur le territoire de l'île de Montréal, il faut que les moyens soient communs,il faut que ce soit un travail de coordination de tous les corps policiers. Par cette législation, M. le Président, je crois que nous voulons atteindre cet idéal que nous propose le ministre dans son livre blanc où, au tout début, il nous dit que le maintien de l'ordre, la protection des citoyens et la sécurité de l'Etat sont essentiels au fonctionnement normal de toute société.

M. le Président, nous avons la Loi de police. Lorsque des événements malheureux se sont produits dans le passé, le gouvernement en place, que ce soit celui de l'Union Nationale ou du Parti libéral, a pris ses responsabilités et nous nous sommes prévalus des dispositions de la Loi de police, pour combattre un événement extraordinaire qui se déroulait sur le territoire de l'île de Montréal. Cela choque, lorsqu'on est

obligé d'employer des méthodes qui peuvent surprendre, qui peuvent révolter certaines gens.

Mais nous avons dans une législation cette coordination, ce travail de lutte constante contre le crime ou contre la violence, les gens ne seront pas surpris et le législateur, le gouvernement en place ne sera pas dans l'obligation d'adopter des mesures exceptionnelles pour atteindre le résultat qu'on veut obtenir par l'intégration des différents corps de police sur le territoire de la ville de Montréal.

Nous n'avons pas le choix. Si nous n'acceptons pas le principe de ce projet de loi, c'est que nous mettons de côté un chapitre important de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal et les dispositions de l'article 233 de la loi actuelle deviendront, à toutes fins pratiques, inopérantes et caduques.

Cela ne veut pas dire cependant que le projet de loi tel qu'il est rédigé ne crée pas certaines appréhensions. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui seront affectés par l'entrée en vigueur de cette loi restent calmes et insouciants devant les mesures législatives que l'on retrouve dans ce projet de loi. Ah, il y a ce nouveau conseil de sécurité que l'on va nommer. On va en augmenter le nombre des membres de quatre à six. Ce qu'il y a de consolant, c'est qu'on y retrouvera la protection des banlieusards par la nomination d'au moins un membre de ces municipalités qui entourent la ville de Montréal.

Trois nominations par le conseil et trois par le lieutenant-gouverneur en conseil. Est-ce qu'on peut reprocher au gouvernement, comme le disait tout à l'heure le ministre, d'avoir au moins un droit de regard sur les agissements de cet important corps de police qui deviendra le plus nombreux du Canada? Je crois que ce nouveau corps de police imposera des obligations administratives. Le conseil de sécurité, que l'on augmente de deux membres par ce projet de loi, jouera un rôle efficace pour autant que les nominations qui seront faites seront dictées par la sagesse et surtout pour autant qu'elles seront complètement dépolitisées.

Je crois que le gouvernement précédent a donné l'exemple, lorsque nous avons nommé comme président du conseil de sécurité le juge Coderre, lorsque nous avons nommé comme commissaire M. Maurice Saint-Pierre. A l'époque, nous avions nommé M. Saint-Aubin qui, aujourd'hui, est remplacé par M. Saulnier et M. Boyd, je crois, de la ville de Westmount.

M. CHOQUETTE: La ville de Mont-Royal.

M. PAUL: De la ville de Mont-Royal. Je présume que le gouvernement ou le conseil de la communauté urbaine n'aura pas de raison de mettre de côté ces quatre commissaires déjà en place et qu'on procédera à la nomination des deux autres commissaires. Je souhaite sincèrement que l'on aille chercher des hommes de panache et de prestige pour les marier avec les compétences que l'on retrouve actuellement en place au Conseil de sécurité de la Communauté urbaine de Montréal.

Il y a un problème sur lequel je voudrais attirer l'attention du ministre, sans vouloir me référer d'une façon précise à des articles de la loi. C'est tout ce chapitre qui traite des conventions collectives de travail, les articles 32 et suivants de la loi.

Je me demande si le ministre n'a pas oublié de consulter son collègue, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à ce sujet. Je serais surpris qu'il y ait eu consultation parce que c'est un peu la marque du gouvernement actuel de voir les ministres prendre chacun leur chemin et dans la plupart des cas ne pas savoir où ils vont. On sait cette petite friction naturelle qui doit découler des événements que l'on a connus en octobre lorsque les membres de la Sûreté du Québec ont reconnu le prestige du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre au détriment de la haute compétence que s'attribuait le ministre de la Justice dans les négociations en cours avec la Sûreté du Québec.

Mais au cas où je me tromperais, je demande au ministre de me le signaler. Je serais heureux que les remarques que je fais actuellement soient fausses ou erronés mais, d'un autre côté, je demande au ministre d'avoir la loyauté et la sincérité de nous dire qu'il n'a pas consulté son collègue, le ministre du Travail. C'est ce qui inquiète les différents corps de police des différentes municipalités de l'île de Montréal. Ce n'est pas que ces gens ne veulent pas travailler ensemble pour combattre le crime, pour protéger la société, pour protéger le citoyen. Ils sont prêts à le faire, mais ils sont un peu inquiets devant cette absence de communication entre le ministère du Travail et le ministère de la Justice.

Si, demain ou après demain, le ministre nous déclare qu'il a consulté son collègue, le ministre du Travail, et qu'ensemble ils ont arrêté une politique de reconnaissance et de protection des conventions collectives déjà en vigueur, je suis certain que le ministre créera de l'enthousiasme chez les différents corps policiers qui sont appelés à s'imbriquer ou à s'intégrer dans le corps de police de la ville de Montréal.

Je suis certain que les officiers de police verront certains droits acquis protégés. Je sais qu'il y a dans la loi des dispositions qui permettront toujours un appel à la Commission de police de la part d'un officier ou d'un policier qui ne semblerait pas recevoir justice par suite de l'intégration de son corps de police dans le corps de police de la ville de Montréal.

Ce qu'il y a de consolant, c'est que le ministre a reconnu le prestige, la compétence de la Commission de police. C'est elle qui verra à une intégration rationnelle, à la normalisation des grades et des fonctions des membres des corps de police des municipalités en vue d'indiquer le grade et la fonction de chacun des policiers de ces municipalités dans le service de

police de la Communauté urbaine de Montréal.

M. le Président, l'idéal visé par le ministre est excellent; déjà, il est assuré de la collaboration des différents corps de police, parce que nous avons eu deux séances d'étude de la commission de la Justice pour connaître la réaction des intéressés quant à la politique que vise le ministre dans son livre blanc sur l'intégration des forces policières et tous sont pour le principe de l'intégration des corps de police.

Je comprends qu'il faut faire une distinction entre l'intégration qui s'impose dans un territoire urbain comme Montréal et l'intégration qui deviendrait illogique et ridicule dans les milieux ruraux du Québec, dans certaines parties du Québec rural.

Le ministre nous a donné des statistiques généreuses et, indirectement, il fait l'éloge, l'apologie du corps de police de la ville de Montréal. C'est avec raison, parce que c'est le corps de police qui est le plus exposé actuellement et c'est lui qui doit être le plus raffiné dans la lutte contre le crime organisé. Je voudrais m'associer aux félicitations indirectes qu'a adressées le ministre. J'ai écouté les remarques du ministre et j'ai conclu qu'il adressait des compliments et des félicitations au corps de police de la ville de Montréal quand il nous a parlé de l'efficacité des opérations policières de ce corps policier.

Je m'en voudrais de ne pas joindre ma voix à celle du ministre, mais je vais être plus ouvert que le ministre. Je vais demander à M. Marcil d'accepter les félicitations de l'Opposition officielle pour tout le travail que lui et son équipe accomplissent sur le territoire de la ville de Montréal en vue de protéger la société, l'individu et nos institutions.

UNE VOIX: Surtout le ministre.

M. PAUL: Malheureusement, ils n'ont pas la garde du corps du ministre. Je ne peux pas les féliciter pour cet excellent travail, mais je les invite à craindre toujours l'habileté du ministre dans la manipulation de son 38.

Je voudrais terminer mes remarques; je n'ai pas l'intention de prolonger l'étude de ce projet de loi, que nous avons nécessairement escamotée dans l'appréciation des différents principes qu'on peut y retrouver. Je me demande si, réellement, il y aura quelqu'un dans cette Assemblée qui se lèvera et qui sera capable de nous convaincre de la non-nécessité de l'adoption de ce projet de loi. Je me demande s'il y a quelqu'un dans cette Assemblée qui, mettant de côté ses petites rancunes personnelles avec certaines autorités en place dans la communauté urbaine, sera en mesure de combattre ce projet de loi, toujours au détriment du bien commun. Quand on est membre de la Communauté urbaine de Montréal, on est d'abord membre de la communauté avant d'être membre d'un conseil municipal.

Les deux fonctions ne se contredisent pas. Mais, parce que le législateur a adopté une loi, dite de la Communauté urbaine de Montréal, et que la législation qui nous est présentée par le ministre est nécessaire, nous ne pouvons pas la mettre de côté. Il y a toujours les modalités que nous pouvons discuter mais le principe lui-même est nécessaire en raison des explications que nous a données, cet après-midi, le ministre et en raison de l'échec juridique connu par le Conseil exécutif dans la rédaction de son règlement no 26.

Je dis, M. le Président, en terminant, que nous allons appuyer le projet de loi avec une réserve, cependant, soit celle de voir le ministre de la Justice, dans sa réplique, nous confirmer ses bonnes intentions de convoquer la commission parlementaire de la Justice. Cette demande n'est pas faite dans le but d'adopter une mesure dilatoire mais elle est nécessaire pour garder l'excellent esprit qui anime actuellement les différents corps policiers de la ville de Montréal. Comme ils veulent travailler ensemble et comme tous ces corps policiers, par la voix de leur exécutif, se sont prononcés en faveur de l'intégration des forces policières, surtout en milieu urbain, nous demandons au ministre de convoquer la commission parlementaire. Je suis sûr que dans une bonne séance, puisque nous avons déjà accepté le principe de l'intégration à l'Occasion de l'étude du livre blanc du ministre de la Justice les 7 et 8 décembre, il s'agira pour nous, membres de la commission, d'entendre certains mémoires, certaines craintes éventuelles, soit de la Fraternité des policiers de Montréal ou de tout autre corps de police. Ensemble, il nous sera possible d'arrêter des amendements parce que je ne crois pas que ce projet de loi soit l'oeuvre d'un parti politique. Ce doit être l'oeuvre de l'Assemblée nationale pour que nous puissions nous aussi, avoir au Québec un excellent corps de police soucieux de combattre le crime, soucieux de protéger le citoyen et surtout pour qu'il mette tout en oeuvre pour sauvegarder nos institutions.

M. le Président, nous écouterons avec beaucoup d'attention la réplique du ministre sur son projet de loi.

M. LE PRESIDENT (Blank): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. Camille Samson

M. SAMSON: M. le Président, nous avons également écouté, avec beaucoup d'attention, le discours que nous a fait le ministre de la Justice concernant le projet de loi no 281. C'est un discours assez complet, alimenté de nombreux détails et statistiques. Sûrement que le ministre était beaucoup mieux préparé que ne peuvent l'être certains députés à débattre ce bill 281 étant donné qu'on a déposé ce bill, devant l'Assemblée nationale, il y a quelques jours seulement.

Toutefois, nous retrouvons, en toute objectivité, dans ce projet de loi un principe fonda-

mental qui est celui, si on se base sur les renseignements qui nous sont fournis et sur ce qui est écrit dans le projet de loi, d'une meilleure coordination des mouvements de police sur l'île de Montréal et le principe, probablement, d'une meilleure administration ou, en tout cas, des grandes possibilités d'un travail plus complet avec de meilleurs outils ou de meilleures facilités une fois ces corps de police intégrés.

Toutefois, il y a le principe administratif, c'est-à-dire le temps de mise en oeuvre de cet immense chantier parce que nous considérons que, quand même, ça ne se fera pas du jour au lendemain, il y aura sûrement une période d'adaptation, il y aura sûrement une période d'études même si les études sont assez poussées présentement. Il faudra que les différents corps policiers s'habituent à travailler ensemble. Il y a cette question qui a été soulevée de l'intégration des officiers gradés, des membres qui ont certains avantages présentement dans certains corps policiers dont on ne retrouve pas tout à fait les mêmes avantages dans d'autres cadres et vice versa.

Evidemment, M. le Président, si on regarde le projet de loi avec l'optique d'une meilleure protection pour les citoyens de Montréal, d'une meilleure protection en provenance de leur corps de police, c'est bien entendu que nous sommes favorables à cette meilleure protection. Nous sommes favorables à ces améliorations appréhendées. Mais est-ce que — et ça nous permet de nous poser certaines questions auxquelles le ministre voudra sûrement répondre dans sa réplique — au nom de cette meilleure coordination des mouvements, est-ce qu'au nom de cette efficacité que l'on recherche, on l'atteindra par le projet de loi no 281? Est-ce qu'on l'atteindra sans que ça nous occasionne plus de problèmes que nous n'en avons présentement ou est-ce que, si je pose le problème d'une autre façon, la population qui est en droit de s'attendre à des améliorations constantes de la part de son service de police comme, évidemment, de la part de tous les services municipaux, recevra exactement ce qu'elle est en droit de s'attendre, c'est-à-dire des services meilleurs avec une efficacité accrue?

Nous nous posons ces questions en nous demandant si l'intervention généreuse du gouvernement dans cette intégration, puisque nous remarquons dans le projet de loi qu'il y a à plusieurs endroits des interventions possibles de la part du gouvernement et même des interventions nécessaires suivant les dires du ministre, interventions qui pourront se répéter, ne risqueront pas d'envenimer la situation ou, au contraire, est-ce que ces interventions, étant nécessaires, seront la garantie de sécurité dont nous avons besoin pour accepter ce changement? Nous posons le grand problème de cette période d'adaptation et de cette période d'ajustement, etc. Ce problème, on ne peut malheureusement y répondre présentement; je pense que nous devons à ce moment-ci laisser la chance au coureur et permettre au ministre d'appliquer son projet de loi.

C'est dans la pratique que nous verrons encore le mieux si le projet de loi est parfait, et s'il ne l'est pas, évidemment c'est encore dans la pratique que nous verrons quelles seront les modifications à y apporter dans un délai bref ou plus ou moins long.

De toute façon, il y a plusieurs questions qu'on peut se poser, la question budgétaire, évidemment, mais on me dira que lorsqu'il est question de la sécurité des citoyens, lorsqu'il est question de la protection accrue des citoyens, la question budgétaire ne doit pas être le premier barème à étudier.

J'en conviens, puisque les citoyens de plus en plus, surtout dans la région de Montréal, — et ils ont raison d'ailleurs — avec les manifestations, avec les événements que nous avons connus, que nous connaîtrons peut-être encore, sont des gens qui sont un peu inquiets du développement de la situation que nous connaissons présentement.

Il y a perturbation et ces gens-là ont raison d'être inquiets. Et devant cette situation, qui n'est voulue par personne d'entre nous, nous reconnaissons que les corps policiers doivent être munis de tout ce qu'il y a de plus moderne au point de vue des appareils, au point de vue de l'outillage et au point de vue des systèmes de travail, à tous les points de vue, pour faire face à cette situation.

En ce sens, si on assiste à un regroupement de ces forces de police, nous avons toutes les chances que ce regroupement permette une meilleure efficacité, une meilleure coordination des mouvements et une meilleure protection des citoyens de la région de Montréal.

Mais est-ce que nous atteindrons ce que nous visons? C'est la question que nous posons, parce que le bill no 281 — le ministre l'a dit lui-même — est très complexe. Il est très technique. Il y a sûrement des passages dans le bill qui seront plus ou moins facilement applicables, mais de toute façon je crois que le ministre est disposé à faire le maximum pour que ce bill soit appliqué de la meilleure façon possible.

Toutefois, le ministre nous a signalé son souci de la consultation. Et ça correspond passablement aux idées que nous pouvons émettre. Etant donné que ce bill concerne en particulier la région de Montréal, que les députés de l'Assemblée nationale représentent l'ensemble du territoire du Québec et que plusieurs d'entre eux ne sont pas localisés dans la région même de Montréal, il est bien évident que nous avons besoin de consulter les intéressés, et ce directement. Le ministre l'a probablement fait, son ministère, ses fonctionnaires l'ont sûrement fait. Mais si on nous demande à nous de formuler une opinion, si on nous demande à nous de prendre une position vis-à-vis de ce bill, nous sommes en droit en même temps de demander qu'on nous permette cette facilité de consulter les intéressés.

Je crois savoir — ça ne serait dévoiler aucun

secret — que le ministre est disposé à entendre les intéressés en commission parlementaire. J'espère que mes renseignements sont bons et qu'il est vrai que le ministre accepte de rencontrer tous les intéressés à cette commission parlementaire, pour nous permettre de les questionner et même à l'occasion d'émettre certaines suggestions qui pourront peut-être bonifier la loi.

D'un autre côté, le ministre en profitera sûrement lui aussi pour poser des questions et il sera peut-être le premier — qui sait — à offrir certaines suggestions, à la lumière des questions qui nous seront posées, à la lumière des témoignages que nous entendrons devant cette commission.

Evidemment, nous serions très intéressés à entendre devant la commission parlementaire la Fraternité des policiers de Montréal — et son président, M. Marcil — ainsi que les différentes associations de police existantes dans la région de Montréal; également, les représentants des conseils municipaux de la région de Montréal, ainsi que M. Saulnier lui-même.

On a fait allusion à M. Saulnier, tantôt. On a dit qu'un journal avait mentionné que M. Saulnier n'était pas d'accord avec le bill. Le ministre a rétorqué que, peut-être, le titre était tendancieux et que, dans le fond, M. Saulnier est peut-être d'accord ou sûrement d'accord.

Evidemment, il n'y a pas de meilleure façon de le savoir que d'avoir l'occasion d'entendre M. Saulnier lui-même devant la commission parlementaire. Je suis certain qu'il se ferait un plaisir de venir rencontrer des députés et je suis persuadé que le ministre se fera un devoir de le convoquer ou de lui demander de venir devant cette commission.

M. le Président, également, nous en profiterons pour entendre les témoignages, comme l'a dit tantôt le député de Maskinongé, des représentants ou de la délégation de l'Association de police de Westmount, que nous avons eu l'honneur de rencontrer ce matin et qui nous ont fait part, de façon très objective, de différentes dispositions qu'ils aimeraient ou bien voir changées ou bien voir modifiées dans la loi. Peut-être qu'ils aimeraient aussi avoir plus d'explications sur la portée de certains articles de cette loi.

Ces personnes veulent savoir si ce bill respectera suffisamment les droits acquis, la sécurité d'emploi, et si la classification permettra davantage des avancements aux personnes intéressées. Probablement que les autres associations de police auront des commentaires à nous faire. L'association de Westmount, par exemple, n'a pas de congés de maladie accumulés, parce que ce corps de police est payé pour les congés de maladie au fur et à meusre que c'est nécessaire. Donc, il n'y a pas d'accumulation de congés de maladie, alors qu'ailleurs il y en a peut-être. Evidemment, c'est un ajustement qui s'impose.

C'est ce genre de questions que les policiers voudraient nous poser ou voudraient poser au ministre. C'est le genre de questions, je pense, qui, de façon objective, peuvent nous permettre de trouver une solution acceptable pour tous et chacun. Est-ce que la solution serait de faire une moyenne des réserves de congés de maladie de l'île de Montréal et de faire bénéficier ceux qui ont des dispositions différentes, comme le groupe de policiers de Westmount, d'un montant équivalent à la moyenne des réserves qui existent présentement? C'est peut-être une solution. Du côté des fonds, cette association, comme d'autres associations de police sur l'île de Montréal, évidemment, a des fonds d'accumulés. Alors, ces fonds-là ne sont sûrement pas les mêmes pour toutes les associations de police existantes.

Le moyen de satisfaire tout ce monde-là, c'est peut-être de les écouter et de prendre certaines de leurs suggestions ou même de leur en faire. Le ministre pourrait peut-être considérer que, du côté des fonds des différentes associations, encore là, on établisse une certaine moyenne et qu'on permette à ceux qui dépassent la moyenne d'être remboursés et à ceux qui ne sont pas tout à fait dans la moyenne, de faire un certain rattrapage sur une période donnée.

M. le Président, évidemment, beaucoup de suggestions, qui sont, à notre avis, excellentes, nous sont faites dans le mémoire qui nous a été présenté par l'Association des policiers de Westmount et qui, évidemment, vous le comprendrez, a dû être rédigé à la hâte puisque le bill que nous avons devant nous a été déposé il y a très peu de temps. Quand même, je reconnais et je dois souligner l'effort que font les différents corps de police et les différentes associations pour être présents aujourd'hui. Je rends hommage, M. le Président, à ces associations, à la Fraternité des policiers de Montréal, à tous ces gens-là qui se font toujours un devoir de rencontrer les représentants des différents partis politiques.

Je pense que c'est là un souci de démocratie de leur part.

Ils reconnaissent, par le fait même, que les différents partis politiques peuvent avoir des opinions politiques en ce qui concerne la politique en général mais que sur des domaines particuliers comme ceux-là, sur des questions particulières il y a moyen que cela se discute au-dessus des différentes couleurs politiques et ce pour le plus grand bien de la population concernée dont eux, les policiers, sont les représentants appelés à assurer cette protection que nous recherchons toujours évidemment pour l'ensemble de la population du territoire qu'ils représentent.

Evidemment, cela nous fait plaisir de les recevoir et nous remarquons que chaque fois qu'ils nous rencontrent, ils nous font toujours d'excellentes suggestions dépourvues de toute partisanerie politique. Je pense que c'est de cette façon que j'aimerais voir tous les groupements venir rencontrer les différents partis

politiques lorsqu'ils ont, devant cette Chambre, des lois à faire adopter ou encore des lois à discuter ou à faire discuter par l'entremise des parlementaires.

Devant cette situation, devant la façon dont on a procédé, devant cette courtoisie dont nous ont gratifiés les représentants des différentes organisations de police, c'est avec plaisir que nous irions à la commission parlementaire les rencontrer, discuter avec eux, les questionner et au besoin même nous laisser questionner par eux. En terminant, il s'agit maintenant pour le ministre de nous confirmer — je pense que ce sera facile pour lui, on ne le forcera pas tellement, on n'aura pas besoin de lui forcer la main; je le crois tout à fait disposé à rencontrer tous les intéressés à la commission parlementaire — qu'il est d'accord et fixer la date de cette commission parlementaire.

Nous nous donnerons évidemment rendez-vous à cette commission parlementaire pour continuer le travail que nous avons amorcé aujourd'hui concernant le bill 281. Evidemment, je n'ai pas besoin de vous dire qu'en deuxième lecture, sur le principe, nous allons voter en faveur du bill, quitte à garder certaines réserves, à savoir le résultat des discussions des la commission parlementaire. Si les résultats de ces discussions à la commission parlementaire sont favorables ou sont ce que nous croyons qu'ils seront, nous pourrons aussi, en troisième lecture voter pour le bill. Pour le moment, sous toute réserve, nous allons appuyer le bill 281 en deuxième lecture.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.

M. Robert Burns

M. BURNS: M. le Président, autant émettre tout de suite la note désagréable que je veux mettre dans ce débat. Elle sera très brève, cependant. C'est un peu de la même façon que le député de Maskinongé en a fait reproche au ministre, soit de nous avoir soumis un projet de loi d'une telle importance il y a moins d'une semaine, que nous ayons à le discuter en deuxième lecture alors que, pour la plupart, nous n'avons pas eu, autant que nous l'aurions voulu, la possibilité de fouiller tous les coins et recoins de ce projet de loi et surtout sans que les parties intéressées, que ce soit les municipalités ou encore les fraternités, associations ou syndicats visés, aient eu le temps d'en fouiller tous les coins et recoins.

Je me devais de faire cette remarque au début pour ensuite passer au principe du bill lui-même avec lequel nous sommes entièrement d'accord. Les deux grands principes qui se dégagent du projet de loi sont celui de l'intégration des forces policières de l'île de Montréal et celui de la mise sous contrôle de ces forces policières, ou sous la direction du conseil de sécurité. Nous sommes entièrement d'accord avec ces deux principes.

Cependant et c'est pour cela que je tenais à faire la remarque préliminaire désagréable dès le début, comme il s'agit de la Communauté urbaine de Montréal, d'une part, comme il s'agit également de la première opération d'intégration des forces policières, je considère ce projet de loi comme d'une importance capitale dans le sens qu'il servira sans aucun doute de baromètre à l'intégration des forces policières d'autres régions éventuellement. Je pense que le livre blanc que le ministre de la Justice a soumis à la commission récemment est très clair sur les intentions du ministre quant à cette généralisation de la politique d'intégration en autant que les conditions idéales se présentent.

Là-dessus, nous sommes d'accord avec lui. Nous sommes particulièrement d'accord entre autres, dans le livre blanc, sur certaines des conclusions que nous faisons nôtres à la page 131, quand, en prenant position en faveur de la régionalisation, on nous dit: En préférant la régionalisation à la fragmentation des corps de police, nous retenons les avantages suivants: Premièrement, la régionalisation évite l'enchevêtrement des juridictions sur un même territoire. En second lieu, en regroupant les corps locaux qui, morcelés, sont incapables, en raison des limitations dans les ressources financières ou humaines, de remplir toutes les fonctions de police dans un territoire, on constitue un corps de police qui peut assumer toutes ou une partie déterminée des fonctions policières.

Troisièmement, la régionalisation n'a pas pour effet de faire disparaître les services donnés par les corps locaux mais d'améliorer le service par l'institution d'un corps plus considérable.

Quatrièmement la régionalisation facilite la coordination des forces sur un territoire — et j'en passe parce que le paragraphe est très long — la régionalisation n'écarte pas non plus, dit le livre blanc, le concept de la représentation locale mais au contraire y fait appel. La régionalisation permet aussi de tenir compte des particularités d'une région.

A cela, j'ajoute que, par l'amélioration des forces policières dans une région, on ne peut que contribuer à revaloriser la fonction de policier, qui, je l'admets, n'est pas toujours facile à remplir.

Certains députés ont fait mention des problèmes sociaux qui agitent constamment en particulier la région métropolitaine. Je sais que les policiers eux-mêmes souffrent de cette situation où très souvent ils servent de bouclier à des institutions en place, plus particulièrement à Montréal — les événements récents en ont été un exemple — servent de bouclier à des personnes qui se cachent derrière les forces policières. Au fond, on fait faire aux policiers un travail qui n'est pas agréable pour eux, qu'il

est nécessaire, dans certains cas, pour eux d'accomplir. C'est pour ça que je suis d'autant plus d'accord sur une forme d'intégration ou de régionalisation qui contribuera, je pense, à revaloriser le travail du policier, à augmenter son efficacité et surtout — c'est une autre raison que j'ajoute en faveur de l'intégration des forces policières — cela va retirer les corps policiers de la domination, et le mot n'est pas très fort dans certains cas, de certaines administrations municipales locales.

On pourrait croire, quand on parle de domination d'administrations locales, que ça ne s'applique qu'à de petites municipalités, qu'à de petits conseils municipaux. Mais, nous avons eu un exemple très récent à Montréal même lors du naufrage d'un certain vaisseau où une personne dirigeante de la municipalité de Montréal a écarté très gentiment des policiers qui avaient été appelés par des citoyens sur les lieux.

Je pense que c'est peut-être l'exemple le plus concret et le plus clair d'un autre avantage qui n'est peut-être pas mentionné dans le livre blanc mais qui vaut la peine de l'être en faveur de l'intégration ou de la régionalisation des forces policières. Ceci m'amène à dire que c'est aussi pour cette raison que je suis favorable à la mise sous direction des corps policiers d'un organisme qu'on appelle le conseil de sécurité, qui, ne nous le cachons pas, dans le cas du projet de loi no 281, sera, jusqu'à un certain point, sous contrôle gouvernemental par voie de nomination.

Encore une fois, je suis entièrement d'accord. Il n'est pas normal qu'on laisse des autorités locales qui, souvent, fonctionnent en vertu d'intérêts très particuliers, comme je l'ai mentionné tantôt, diriger une force aussi importante que la force policière. Je préfère énormément un conseil de sécurité où la moitié des nominations, y compris celle du président, qui a vote prépondérant en cas d'égalité, vient du gouvernement — et par voie de conséquence, contrôle gouvernemental jusqu'à un certain point, de façon indirecte, de ces conseils de sécurité — à un contrôle qui risque d'être typiquement d'ordre particulier.

Cependant, je me pose certaines questions relativement à d'autres principes qui apparaissent dans le bill, qui n'en sont peut-être pas les principes fondamentaux, mais qu'on ne peut pas écarter en cas d'intégration.

J'ouvre une parenthèse ici tout simplement pour dire que je suis heureux, comme les autres députés de l'Opposition qui se sont exprimés sur le sujet, de savoir que le ministre, comme il nous l'annonçait lors des séances de la commission permanente de la Justice, la semaine dernière, a l'intention de soumettre le projet de loi aux parties qui voudront se faire entendre. Je pense que ce sont elles qui pourront venir nous éclairer sur certains points qui, pour moi, à ce stade-ci, sont des points d'inquiétudes. Je ne veux...

M. PAUL: Est-ce que je peux poser une question à mon honorable collègue?

M. BURNS: Certainement.

M. PAUL: Est-ce que, par hasard, il aurait eu des confidences que je n'ai pas eues quant à la convocation de la commission parlementaire?

M. BURNS: M. le Président, je n'ai eu aucune confidence, sauf que j'ai posé la question au ministre de la Justice, la semaine dernière. Le député de Maskinongé, je crois, était présent. Le ministre a dit: Oui, je pense que s'il y a des gens qui veulent se faire entendre, nous les entendrons. Or, je pense que les députés de Rouyn-Noranda et de Maskinongé se sont référés entre autres à des représentations de la part de l'Association des policiers de Westmount, que j'ai reçues également sous forme de copie de lettre adressée au ministre de la Justice. J'en ai reçu également de la part de la Fraternité des policiers de Beacons-field et de la part de la Fraternité des policiers de Hamstead. Je présume que plusieurs autres fraternités, ayant discuté avec des représentants de diverses fraternités, associations ou syndicats de policiers, ont l'intention de faire de même.

N'ayant pas reçu de confidence précise à ce sujet, mais additionnant le fait que le ministre, nous dit que s'il y a des personnes qui sont intéressées à se faire entendre il sera prêt à les entendre et sachant que déjà au moins trois associations veulent se faire entendre, je présume qu'il va de soi qu'il y aura commission parlementaire pour entendre ces personnes.

Personnellement, de toute façon, je trouve qu'il serait souhaitable que cela ait lieu, que ces personnes viennent nous faire part de leurs points de vue non seulement sur les choses qui les concernent immédiatement — et quand je parle des choses qui les concernent immédiatement, je pense surtout aux associations syndicales — mais aussi sur des problèmes peut-être plus généraux.

Entre autres, dans le projet de loi, une de mes inquiétudes est née à la lecture d'un article que je ne citerai évidemment pas, pour être conforme au règlement, mais qui nous laisse entendre que le conseil de sécurité devra dresser son budget chaque année pour l'exercice financier qui vient, le déposer chez le secrétaire de la communauté avec son rapport annuel et que là, ce budget préparé par le conseil de sécurité fera partie du budget de la communauté urbaine. Là-dessus, je me pose de sérieuses questions. Peut-être que le député de Robert-Baldwin m'appuiera là-dessus et se posera des questions du même genre. Je ne veux pas lui imputer d'intentions, mais je présume que c'est une de ses préoccupations.

Je me demande donc si, véritablement, on ne fausse pas le rôle des personnes élues à l'échelon municipal si le conseil est contrôlé par l'Etat québécois, contrôlé indirectement, le ministre

pourra faire les distinctions, je présume. Mais il reste quand même qu'il y a contrôle de l'Etat québécois, celui qui nomme, contrôle jusqu'à un certain point, et, en l'occurence, il nomme de façon majoritaire. Je me demande si on ne fausse pas, dis-je le rôle des élus municipaux qui, eux, quand ils retournent chacun dans leur municipalité, doivent justifier auprès de leurs contribuables des augmentations de taxes, si nécessaire.

Or, la préparation du budget de police, en vertu de ce projet de loi, est, à toutes fins pratiques, laissée à des corps autres que ceux qui sont élus localement. Je n'ai pas de solution à présenter au ministre à ce sujet. Je ne fais tout simplement que me poser la question tout haut, à savoir quelles conséquences cela pourrait avoir. Est-ce que M. le maire de telle ou telle municipalité, quand il retournera chez ses contribuables, devra se cacher derrière le projet de loi no 281? J'espère que non. Est-ce que, d'autre part, ce n'est pas cela qu'on voulait dire dans le projet de loi et que le texte est imparfaitement rédigé? Encore une fois, ce sera peut-être quelque chose que le ministre pourra nous dire éventuellement. Mais quant à ce problème budgétaire, ou bien on accepte ce principe que les personnes nommées par l'échelon québécois, par l'Assemblée nationale, plutôt par le lieutenant-gouverneur en conseil, peuvent poser de tels gestes, et alors s'ensuit, comme voie de conséquence, ce avec quoi je n'ai pas, en principe, d'objetion, le fait que l'Etat québécois devra donner un coup de main à la Communauté urbaine de Montréal et aux autres communautés qui auront à faire face à ces mêmes problèmes.

Je conçois difficilement que ce conseil de sécurité dépose, sans plus, son projet de budget et que ce projet de budget, sans autre forme de discussion — à moins que le ministre, encore une fois, nous dise que le texte, ce n'est pas cela qu'il voulait lui faire dire — doive intégrer à son budget, donc au budget de l'ensemble de la communauté urbaine, un projet décidé par des personnes majoritairement nommées par l'Etat québécois. Alors, là-dessus, je me pose de très sérieuses questions.

Relativement, d'autre part, à un énoncé qui, pour moi, est un principe très important, qu'on retrouve également à un autre article du projet de loi que je m'abstiendrai de citer, c'est surtout le texte qui nous laisse entendre que le conseil de sécurité devra, sans délai, soumettre à la Communauté urbaine de Montréal un projet de règlements uniformisant les divers règlements des municipalités concernant des matières de maintien d'ordre et de sécurité publics.

A une autre partie du projet de loi, on s'aperçoit qu'évidemment il y a le mécanisme de rapport qui doit être fait au lieutenant-gouverneur en conseil de ces constatations d'uniformisation. Je veux bien que cela existe. Mais il reste quand même que si l'on s'y arrête, quand on pense à une réglementation en matiè- re de maintien d'ordre et de sécurité publics, on risque, je ne dis pas qu'à tout coup on le fait, de toucher à des libertés fondamentales, à des droits civils fondamentaux et, par le fait même, on réussirait peut-être, je ne le souhaite pas, je souhaite exactement le contraire, à restreindre ces libertés fondamentales non pas par voie de législation comme ce serait normal mais par voie d'une simple réglementation recommandée par le conseil de sécurité et endossée par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Alors, sur ce point, je me pose également de très sérieuses questions et cet énoncé, d'ailleurs, est tout à fait, dans le projet de loi, conforme à la recommandation 95 que nous retrouvons dans le livre blanc du ministre de la Justice.

La proposition se lit comme suit: "Que, sous l'autorité du ministre de la Justice et du ministre des Affaires municipales, soit adopté un règlement uniforme relatif au maintien de la paix, de l'ordre et de la sécurité publique dans les municipalités et que, sur approbation de tel règlement par le lieutenant-gouverneur en conseil, les dispositions réglementaires des divers règlements municipaux sur le sujet cessent d'avoir force de loi." Donc, cette réglementation, elle, a force de loi.

La recommandation 95 est tout à fait conforme à ce principe que nous retrouvons dans le projet de loi no 281, mais, personnellement, je ne pourrai jamais être d'accord avec le fait qu'on puisse, même de façon très indirecte, limiter des droits fondamentaux par voie de réglementation et que ce ne soit pas les gens qui ont été élus à l'Assemblée nationale — et, pour le moment, ceux qui ont été élus à la Chambre des communes — qui puissent limiter ces libertés fondamentales, si c'est ça que ça peut donner comme résultat, et je le pense.

Dès qu'on parle du maintien de l'ordre, de la paix et de la sécurité publique, il est fort possible, M. le Président, que des règlements interviennent de façon que ces libertés fondamentales soient, sinon abolies, du moins, dans certains cas, très réduites. On n'a qu'à penser au règlement 3926 qui, actuellement, est contesté à Montréal et auquel le ministre, dans certaines de ses interventions, a fait référence comme étant un des règlements possibles en faveur du maintien de l'ordre, de la sécurité publique et de la paix.

Sur ce point, M. le Président, non seulement je préférerais, mais j'insisterais pour que toute réglementation de cette nature vienne à régir les gens de la Communauté urbaine de Montréal par voie de législation si nécessaire et, si possible — ce serait encore plus souhaitable — par voie de législation générale applicable à toute la province.

Enfin, M. le Président — c'est peut-être la dernière réserve que j'ai relativement à ce projet de loi, mais sans doute, en ce qui me concerne, la réserve la plus importante — en lisant le projet de loi, je constate qu'on parle d'intégra-

tion. Je constate que tout le monde est d'accord avec l'intégration. Au fond, si on se pose la question: Qu'est-ce que c'est que l'intégration, à Montréal, ça veut dire réduire à un corps de police 24 ou 25 corps de police. Ce que je ne voudrais pas, c'est que cette intégration se fasse sur le dos des policiers eux-mêmes. Je m'inquiète particulièrement sur ce point à la lecture du projet de loi parce que, tout en parlant du principe de l'intégration, on ne nous parle pas de mécanismes précis d'intégration.

Au contraire, on nous laisse entendre qu'il y aura des mécanismes d'intégration qui pourront nuire aux droits acquis des policiers. Même si cela est souhaitable, même si tout le monde fait l'unanimité autour du principe de l'intégration des forces policières à Montréal, je dis que cela ne doit pas se faire sur le dos des policiers.

Derrière l'uniforme que, très souvent, certaines gens, et moi-même le premier, ont eu l'occasion de critiquer, il y a quand même le salarié, le travailleur qui s'appelle en l'occurrence le policier, qui a des droits acquis. Je me réfère à ce que le député de Maskinongé disait tantôt. C'est un fait que les policiers de Montréal composent un corps de police — je ne me suis jamais caché pour le dire — très perfectionné, probablement, sans vouloir choquer les gens de la Sûreté du Québec, un des corps les mieux organisés au Québec. Mais il ne faut pas oublier qu'il y en a 24 autres aussi.

Les inquiétudes, justement, d'associations comme celles de Hampstead, Westmount et la troisième, Beaconsfield, et les autres qui viendront sans doute, nous démontrent que, même si ce grand corps de police qui s'appelle le corps des policiers de Montréal va être le coeur ou la cheville ouvrière de cette intégration, il ne faudra sûrement pas oublier comment on va intégrer les gens qui ont déjà des conditions de travail, qui se sont déjà battus pour les obtenir, par voie de négociation, par voie d'arbitrage dans bien des cas.

Encore une fois à la lecture d'un des articles du projet de loi, je ne peux que me poser de très sérieuses questions quand je lis que le plus tôt possible la Commission de police du Québec devra procéder à l'évaluation du personnel policier, ainsi qu'à la normalisation des grades et des fonctions des membres des corps de police, etc.

Si j'étais policier de l'une ou l'autre de ces municipalités-là, je me sentirais en droit d'être très inquiet. On parle d'intégration, mais on ne parle pas de mécanismes.

Est-ce qu'à cette opération d'évaluation du personnel policier et de normalisation des grades, etc, les fraternités, syndicats et associations de policiers vont avoir droit de parole? Ils vont avoir droit de parole — me fait signe le ministre — mais dans un cadre très restreint, lorsqu'on leur dira: Vous faites vos représentations et après ça nous, nous faisons rapport; ensuite c'est ça qui va s'appliquer. Cela m'inquiète énormément.

On a exprimé une autre chose dans les lettres adressées au ministre de la Justice. Dans cet article que je ne peux pas citer dans mon discours de deuxième lecture, on peut lire quand même un énoncé qui fait que le conseil de sécurité peut annuler toute augmentation de traitement ou d'avantages sociaux consentis par une municipalité après le 1er septembre 1971.

Or, des conventions collectives ont été signées après le 1er septembre 1971. Il y en a. Le ministre a l'air d'en douter. Nous allons trouver entre autres, c'est l'une des trois — je ne veux pas faire perdre le temps de la Chambre — soit Hampstead, Beaconsfield ou Westmount — parce que j'ai lu ça tantôt avant de vous en parler. Ou encore plus d'une des trois a signé une convention collective postérieurement à cette date.

Vous avez également le problème des fonds de pension des policiers qui, à mon avis, est traité très à la légère. Surtout quand on retrouve à certains endroits dans le bill que la communauté urbaine ne devra pas assumer le déficit actuariel. Cela semble peut-être ne vouloir rien dire, mais je le demande au ministre; peut-être le sait-il et pourra-t-il calmer mes inquiétudes là-dessus. Peut-être n'y en a-t-il pas de déficit actuariel dans l'un ou l'autre des plans de pension qui vont être intégrés.

S'il n'y en a pas, il n'y a pas de problème, mais ça me surprendrait beaucoup puisqu'on prend la peine dans le bill de dire que la communauté urbaine n'assumera pas les déficits actuariels. Habituellement un législateur intelligent, je pense, rédige un texte pour qu'il ait un effet plutôt qu'il n'en ait pas. C'est un des principes de droit les plus fondamentaux que le ministre de la Justice connaît sans doute encore mieux que moi.

Mais qu'est-ce qui va advenir de ces déficits actuariels? C'est une question qu'il faudra se poser et tenter d'y trouver une solution. Est-ce que ce sont les policiers qui vont faire les frais de ça? Est-ce que ce sont les municipalités individuellement? La réponse viendra en temps et lieu. J'espère qu'il me rassurera.

Encore une fois c'est ce que je veux dire quand je dis que j'espère qu'on nous assurera que cette intégration-là ne se fera pas sur le dos des policiers. Egalement, M. le Président, dans la région de Montréal, j'ai été étonné d'apprendre qu'il y a, je pense, quatorze corps qui sont également des policiers et pompiers. Comment va-t-on régler pour eux cette intégration-là?

Dans certains cas, il y a des policiers qui, agissant comme pompiers, reçoivent un surplus annuel et ont des conditions particulières de travail. Comment va-t-on pouvoir faire cette uniformisation qu'on veut faire? Il y a également, et je cite un autre exemple qui est verifiable dans les faits...

M. CHOQUETTE: Vous seriez peut-être mieux en commission avec un discours comme ça.

M. BURNS: Je vous dis, tout simplement, les choses que, selon moi, le projet de loi ne semble pas couvrir et que j'aimerais voir couvrir. J'aime autant le faire tout de suite, parce que, après l'adoption de la deuxième lecture on se dirigera sans doute en commission parlementaire. Comme il est à présumer que cette adoption sera faite ce soir, puisqu'il semble que tous les partis en Chambre soient d'accord, je veux, en ce qui me concerne, orienter le sens de mes inquiétudes. Si vous le voulez, M. le Président, je voudrais juste expliquer dans quel sens je l'ai fait. Ces questions-là sont — je suis d'accord avec le ministre — des questions que je pourrais poser en commission, mais je les relie au fait qu'à mon avis les mécanismes de l'intégration ne sont pas assez précis. Pour moi, les mécanismes d'intégration sont une chose très importante, reliée intimement aux principes.

De toute façon, M. le Président, je terminais tout simplement sur un dernier exemple. On sait que, dans la région métropolitaine, il y a un certain nombre de policiers qui, de par la situation locale de leurs municipalités, n'ont pas à être bilingues. Cela va peut-être vous surprendre que je me porte à la défense des policiers unilingues anglais, mais c'est ce que je fais exactement en vous disant que je ne trouve pas et que je ne trouverais pas normal que, dans ce grand processus d'uniformisation auquel il est fait référence dans le projet de loi, on ne tienne pas compte justement de cette situation, qu'on peut déplorer, avec laquelle on peut ne pas être d'accord, mais dans laquelle un certain nombre de policiers se sont installés à cause de facteurs très locaux.

Je vois mal, par exemple, un policier d'une certaine municipalité, qui est unilingue anglais, à cause de son intégration, se faire transférer dans un quartier francophone à Montréal. Il reste que c'est une inquiétude pour le policier en question. Comment va-t-on arriver à l'amener au niveau de l'ensemble des policiers de la région métropolitaine? Je pense qu'il faudra qu'on nous le dise et ça entre dans les mécanismes qui ne sont pas couverts.

Nous aurons, M. le Président, d'autres remarques éventuellement à faire qui sont beaucoup plus précises et qui s'appliquent beaucoup plus directement à des articles, mais, dans l'ensemble, ce sont les remarques que nous avions à faire sur le projet de loi. Une seule en terminant, c'est la présence des fraternités, des syndicats et des associations de policiers. Je voudrais qu'elle soit clairement établie et non pas uniquement escamotée avec une possibilité, pendant une période d'une quinzaine de jours, d'aller se faire entendre, etc., à la suite de quoi une décision serait rendue.

Je comprends, M. le Président, que le président de la Communauté urbaine de Montréal réclame à hauts cris cette législation. Je comprends aussi que, quand le président de la Communauté urbaine de Montréal crie, comme il le fait, pour une législation, il y a des gens en face qui s'énervent, puis qui ont hâte de se rendre au désir de M. Saulnier. Si, comme, d'ailleurs, la majorité des gens, je le présume, je devrais même dire, en vertu du règlement, la totalité des gens dans cette Chambre le font, nous prenons notre rôle au sérieux, à ce moment-là, je pense que nous n'avons qu'une chose à faire.

Si M. Saulnier est trop pressé pour son projet de loi, nous le laisserons crier et nous n'adopterons pas à la vapeur des projets de loi qui risquent de causer des dommages très sérieux à des personnes qui, en définitive, feraient les frais d'une intégration alors qu'au fond ce qu'on veut, c'est un changement de structures. Or, derrière les structures — c'est ce que je veux qu'on n'oublie pas dans l'étude de ce projet de loi — il arrive qu'il y a des hommes. Des hommes, on ne change pas cela comme des structures. Des hommes qui ont des droits acquis, qui ont des conditions de travail, il faudra qu'on en tienne compte.

C'est pour cela que je veux, même si le temps est un facteur dans ce cas, voir les associations représentatives des policiers présentes à tous les échelons de cette mise en place qu'on appelle l'intégration de la communauté urbaine.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable député de Robert-Baldwin.

M. Arthur-E. Séguin

M. SEGUIN: M. le Président, j'ai écouté avec énormément d'intérêt, durant une partie de l'après-midi et surtout ce soir, les propos tenus par trois ou quatre de mes collègues. Je voudrais dire immédiatement, en ce qui concerne le député de Maisonneuve, que lorsqu'il se pose des questions au sujet du principe de détermination budgétaire par le conseil de sécurité, c'est un propos très intéressant et qui ne me déplaît aucunement, avec certaines autres objections que je pourrais avoir en ce qui concerne le bill et l'intégration.

Je me pose les mêmes questions que le député de Maisonneuve, leader en Chambre du Parti québécois, s'est posées au sujet des modalités et au sujet justement de la position que pourraient occuper certains policiers et certains corps policiers que nous reconnaissons présentement dans l'île de Montréal comme étant en fait 22 ou 23 corps distincts. J'ai entendu les propos du député de Rouyn-Noranda qui, même hésitant, a voulu indiquer qu'il avait certaines réserves au sujet du bill. Même si, à l'occasion de ses commentaires, il a voulu se prononcer pour le principe, il a quand même indiqué qu'il avait certaines réserves et qu'il voulait surtout entendre ceux qui voudraient se présenter devant une commission parlementaire et essayer de comprendre leur point de vue.

J'ai écouté également les propos du député de Maskinongé qui, avec son éloquence habituel-

le et sa façon de bien présenter les choses, nous a dit, en cette période de Noël: Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. Il est quasi impossible qu'en cette occasion les gens ne s'entendent pas et ne se donnent pas la main autour de ce projet de loi pour l'approuver immédiatement.

Je comprends son attitude pour la simple raison que c'est son gouvernement qui, en 1969, a créé la communauté urbaine avec le bill no 75 de l'époque. Comme il en était quasi co-parrain, à la suite de ce qu'on peut lire dans le journal des Débats, je comprends qu'il puisse avoir un intérêt tout particulier à approuver tous les principes qu'on voudra apporter entourant ou améliorant le bill no 75 ou la Loi de la communauté urbaine.

Le ministre nous a expliqué d'une façon très éloquente et très détaillée son point de vue en ce qui concerne ce projet d'intégration. Dans ses propos et au cours de l'explication des faits qu'il nous a exposés, j'ai reconnu en lui l'excellent vendeur; j'ai reconnu en lui l'excellence, si vous voulez du "soft-sell"; c'est dire qu'il ne s'agissait aucunement d'imposer à qui que ce soit quoi que ce soit, mais qu'il s'agissait tout simplement de reconnaître l'inévitable. Si le viol est inévitable, il s'agit d'en tirer le meilleur parti possible.

Alors, je comprends et je reconnais son attitude en l'occurence. Je regrette tout de même qu'en présentant ce projet de loi on tombe exactement dans le même panneau que la communauté urbaine en présentant le règlement 26 l'an dernier. Avec le règlement 26 de la communauté urbaine et encore avec ce projet de loi no 281, nous partons immédiatement dès une certaine date avec l'intégration, quitte ensuite à essayer de trouver les solutions au cours des mois prochains. C'est le même problème qui existait avec le règlement 26. On me dira: Non, on établit dans le nouveau projet de loi certaines modalités. Je reconnais qu'il y a une amélioration mais nous sommes quand même tombés dans le même panneau, dans le même problème, dans la même situation; en établissant l'intégration immédiatement à une certaine date, quitte ensuite à se reconnaître à l'avenir, c'est six de l'un et une demi-douzaine de l'autre. C'est à peu près la même chose mais on emploie des termes différents pour s'exprimer.

Je voudrais, si vous voulez, faire miens les propos suivants. Je ne citerai le nom de qui que ce soit mais je dirai que c'est en date du 10 décembre 1969. Je voudrais qu'on reconnaisse les paroles que je lirai comme faisant partie intégrale de ce que je veux dire ce soir.

Je voudrais tenir les propos suivants à cette Assemblée: "Est-ce que l'on veut intégrer pour des raisons d'efficacité, de services accrus ou est-ce que l'on veut intégrer pour des questions de répartition du coût du service de police de Montréal à tous les contribuables de l'île de Montréal — première question — Je pense qu'il faut se poser la question. On peut considérer le service que l'on rend à l'ensemble de la population ou encore le coût. Evidemment, si le président de la communauté urbaine — je ne nomme personne mais le personnage — et les autorités de la ville de Montréal peuvent justifier qu'ils sont obligés de supporter un coût additionnel qui libère en quelque sorte les contribuables locaux ou ceux des municipalités de banlieue et, en fait, leur donne un avantage, à ce moment-là, j'aimerais qu'on en fasse la preuve devant la commission". Je reviens avec cette même question à l'occasion du bill 281; qu'on fasse la preuve qu'on tient sur cette question du bill 281. De preuve, il n'en existe pas à ma connaissance. Je continue à citer le texte à la page 4075, le mercredi 10 décembre 1969: "Mais je n'admets pas, M. le Président — comme le ministre le fait — comme prémisse, que nécessairement l'intégration représente une amélioration du service policier dans les banlieues et dans les municipalités avoisinantes de Montréal. Je ne sais pas si c'est assez clair. Est-ce que l'on envisage l'intégration des forces policières sous son aspect financier ou sous un aspect économique, principalement, ou est-ce qu'on l'envisage parce que c'est une nécessité au plan du service et de protection à donner à tous les citoyens des banlieues? Sur le plan de l'efficacité, je doute que la raison principale soit la question du service, parce que des banlieues se trouvent assez bien servies par leurs corps policiers, tels qu'ils existent à l'heure actuelle. Je me dis que c'est une opération financière. "J'en arrive à la conclusion que l'intégration des corps de police est, principalement, une opération financière dans l'esprit du ministre et dans l'esprit des autorités de la ville de Montréal. Mais, si cela est nécessaire, qu'on nous en fasse la preuve, qu'on nous apporte des chiffres, qu'on nous démontre que la ville de Montréal dépense plus qu'elle ne doit, que ses contribuables sont obligés de supporter un fardeau fiscal indu et que les contribuables des municipalités avoisinantes s'en tirent avantageusement à cause de la simple présence du corps policier de la ville de Montréal".

Je voudrais m'empresser de dire, après ces paroles, que je suis totalement et parfaitement d'accord avec le député d'Outremont. Parfaitement d'accord jusqu'à maintenant, aucun problème en ce qui concerne le bill 281, si les propos tiennent.

M. CHOQUETTE: J'ai fait le discours que le ministre des Affaires municipales aurait dû faire en 1969.

M. SEGUIN: Alors, je reviens à cette partie économique et je donne à la Chambre et à mes distingués collègues les commentaires suivants sur la base économique. Je vous demande s'il y a justice en réalité, en prenant le bill 281 tel qu'il est et tel qu'il existe et tel qu'il nous est présenté et même avec certains amendements,

tant qu'on maintiendra le principe, et si, en réalité, on est sincère en disant: intégration il faut, implication économique et financière, on y verra. Parce que, en fait, c'est ce que le bill nous dit. Intégration en janvier, on verra plus tard.

Voici l'estimation du président de la Communauté urbaine de Montréal, estimation pour les coûts de la police pour 1972, telle que parue dans le Montreal Star en fin de semaine. J'ai remarqué les commentaires qu'a faits le ministre cet après-midi, commentaires que les journaux auraient pu, d'une façon ou d'une autre, exagérer. Mais prenons ce qui a été écrit. On avait suggéré que le coût de la police pour 1972 serait de l'ordre de $90 millions. De ces $90 millions, enlevez le montant que la communauté urbaine reçoit de sa taxe de $0.40 par $100 d'évaluation sur les immeubles de $100,000 et plus, soit un revenu pour la communauté urbaine de $16 millions. Alors, des $90 millions, enlevez $16 millions et je crois que le solde serait de $74 millions et je prends des chiffres ronds.

En date du 2 août 1971, les évaluations de la communauté urbaine se chiffraient par $10,743,741,000, et les cents, on les donnera à la quête. Pour Montréal, les évaluations sont de l'ordre de $6,273,867,000. Pour les banlieues, $4,469,854,000, soit la répartition, dans les deux camps, de l'évaluation totale de $10 milliards. Si on distribue $64 millions à la population, cela représenterait — ou à l'évaluation — .688888 et à l'infini, donc $0.69 par $100 d'évaluation. Je vous donne les exemples suivants: Dans la ville de Pointe-Claire, les évaluations imposables sont de l'ordre de $220,736,000 présentement multipliés par vos $0.69 ou $0.68 si vous voulez, cela représente une somme de $1,500,000. Plus la taxe perçue des $0.40 qui représente $346,845 pour un total de $1,800,000. Le budget de la municipalité pour l'année 1972, pour son service de police représente $743,000 avec un service total et complet.

Pour avoir le bénéfice de l'intégration, à partir du 1er janvier, cette municipalité pourrait s'attendre à payer non pas $743,000 mais $1,800,000 soit pour un service équivalent ou égal ou un service moindre. Certainement pas plus.

La ville de Beaconsfield, dans le secteur ouest de la ville, aura un compte à payer, pour la police, de l'ordre de $824,000, toujours en me basant sur le même calcul, sur les mêmes chiffres énoncés auparavant, $824,935 à comparer à son coût budgétaire présent $330,000.

Montréal-Nord, me basant encore sur les mêmes chiffres, se verra forcée à payer, pour un service intégré, $2,118 millions. Dans le budget actuel de la ville de Pierrefonds, le coût de police est de $425,000; avec l'intégration, ce chiffre serait dans les environs de $1 million. Dans chaque cas, nous avons des augmentations, pour le service intégré, de l'ordre de 200 p.c, 250 p.c. et de 300 p.c.

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député me permet une question? Est-ce que les chiffres qu'il cite seraient fondés sur une intégration budgétaire des corps de police, tel que cela existe en vertu de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal actuelle ou si on suppose que la Loi de la Communauté urbaine de Montréal n'existe pas?

M. SEGUIN: Les chiffres que je donne, par exemple, $330,000 à Beaconsfield, représentent les estimations budgétaires de ces villes pour leur service de police...

M. CHOQUETTE: A eux.

M. SEGUIN: ... représentant un montant net, une fois qu'ils auraient reçu les redevances, s'il y en a, de la communauté urbaine. C'est le chiffre net budgétaire.

M. CHOQUETTE: Abstraction faite de leur obligation de contribuer au budget général de la police à Montréal, sans intégration?

M. SEGUIN: C'est ça.

M. CHOQUETTE: Les chiffres que le député nous donne représentent les coûts encourus par les municipalités, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas intégration de la police.

M. SEGUIN: Non, je dis que le montant de $330,000, M. le Président, représente le chiffre net, une fois que les ristournes de la communauté urbaine ont été faites à la municipalité. C'est le coût net à la municipalité de Beaconsfield: $330,000 pour son service, mais, avec l'intégration et sa part des $15 millions additionnels qui ont été autorisés par le bill 75, la semaine dernière, le coût serait majoré et porté, à ce moment-là, à $824,934, soit au-delà de 200 p.c. d'augmentations pour l'année, c'est-à-dire seize mois. Les quatre mois précédents, c'est à ajouter aux huit mois. On a déjà payé un montant, par exemple, à la communauté urbaine. Oublions ces quatre mois-là et disons douze mois sur les seize. Pour les douze mois, ce sont ces chiffres-là.

Même si nous acceptons le principe qu'il y a des municipalités ou des secteurs de l'île de Montréal qui sont peut-être reconnus, avec raison ou non, peu m'importe, comme étant plus fortunés et plus capables de payer, il faut quand même reconnaître que, dans ces municipalités, il y a un très grand nombre de gens qui ont un revenu fixe. Un très grand nombre de gens ont un salaire que nous pouvons considérer comme minimum, même si un fort pourcentage de la population aurait peut-être les moyens, en se serrant la taille et la ceinture, de payer.

Mais qu'est-ce que ces municipalités vont faire pour payer une majoration de $200 ou de $250 pour le coût de police simplement, quand on considère que, dans tous ces secteurs, il existe présentement une majoration de taxes

pour fins de salaires, fins de contrats, fins de services municipaux? Il y a une limite!

Il ne s'agit pas ici de défendre celui qui peut payer, mais il s'agit surtout de défendre celui qui ne peut pas payer. Qu'est-ce qu'il va faire? Est-ce que ce coût additionnel de $125 ou de $150 par année pour le service police va l'empêcher de demeurer dans sa résidence, dans sa maison? Est-ce que cela va forcer, cet individu-là, à occuper un milieu inférieur à celui qu'il a présentement, soit en qualité, en grandeur ou en quantité? Je ne le sais pas. Ce sont des préoccupations, ce sont des questions qu'on se pose.

Alors, je reviens au bill 275 et j'essaie, M. le Président, d'éviter de faire allusion à un article plutôt qu'à un autre ou d'y référer. Le règlement ne me le permet pas. Je voudrais rester sur les grands principes, si vous voulez, entourant la présentation du projet de loi no 281 sur l'intégration.

Tous les mémoires que nous avons vus jusqu'à présent, ceux de Beaconsfield, de Westmount et de Hampstead ou encore les mémoires qu'on aura lus ou étudiés devant la commission parlementaire de la Justice, à l'occasion de l'étude du livre blanc sur la sécurité des citoyens seront inclus. Chacun de ces mémoires sans exception, a commenté à profusion les conditions de travail, les avantages sociaux, les conditions de pension et, si ma. mémoire est fidèle, aucun des mémoires ne nous a donné l'assurance qu'avec l'intégration ou une réorganisation des structures de la police on pourrait, d'une façon ou d'une autre, si peu soit-il, améliorer l'efficacité ou le service au citoyen.

Encore là, M. le Président, je me pose une question. Je suis très intéressé aux avantages sociaux du policier. Je suis très intéressé, comme tous les membres de l'Assemblée nationale, sans doute, à ce que chaque policier ait son droit, le salaire qui lui convienne, son fonds de pension. Cela nous intéresse, sans quoi nous serions contre la maternité et en faveur du péché. Mais quand viendront-ils nous dire de quelle façon, avec l'augmentation continuelle des charges, des taux et des prix, ils nous donneront "100 cents dans la piastre" de rendement et d'efficacité? Je n'ai pas vu cela dans les mémoires qui ont été présentés.

Un autre fait à noter, c'est que chaque mémoire qui a été présenté devant cette commission parlementaire nous est parvenu d'une association d'employés. Avez-vous eu connaissance, avez-vous entendu parler ou vous a-t-on donné l'explication de la part de l'administrateur, du directeur, de l'échelon des officiers et des administrateurs de ces corps de police? Non. Pourquoi sont-ils dans le silence? Je ne le sais pas. Encore là, je me pose des questions en ce qui concerne la réglementation future à l'intérieur de l'intégration.

Doit-on conclure naturellement que plus nous dépensons, plus nous donnons de centralisation, plus nous syndicalisons, plus nous don- nons d'avantages sociaux, plus nous donnons de plans de retraite bien structurés, bien garantis, bien capitalisés, plus l'efficacité ou encore les résultats impossibles à atteindre, jusqu'à maintenant, découleront naturellement de cette procédure? Encore là, je me pose une question.

Le projet de loi fait même, à plusieurs reprises, une distinction entre Montréal, d'un côté, et les autres. Quelle distinction que d'être parmi les autres? Je me demande encore ce que cela veut dire. Les autres municipalités, sans doute.

M. le Président, si nous voulons réellement former une force policière intégrée, si nous voulons réellement contribuer à l'efficacité, au rendement total de cette force, de ce groupement qui doit avoir un seul intérêt, soit de fournir à nos citoyens la sécurité qui leur est due et pour laquelle ils paient, ne devrait-on pas toujours considérer sur un pied d'égalité et les policiers de banlieue et les policiers de la ville de Montréal? Pourquoi fait-on constamment cette répartition entre les deux? Pourquoi dans certains cas exclure un groupe de la nécessité d'être évalué mais obliger les autres de l'être? Dans le rapport Coderre sur la sécurité, étude qui a été faite à la suite de l'adoption du bill no 75, le juge Coderre, du Conseil de la sécurité, a fait une étude très sommaire, très en surface, non pas du côté social, psychologique, culturel ou autre ou des effets que tout cela pourrait avoir sur la force policière dans l'île.

Elle porte plutôt sur les équipements, sur les outils qu'on aura en main et on liste tous ces effets dans les rapports, tous les tableaux statistiques nous donnent ce qui en est au sujet de la police sous tous rapports.

Et que pouvons-nous déduire des statistiques? La recommandation qui découle de ce rapport, soit l'intégration. Il me semble qu'en lisant les statistiques données, les résultats des différents corps de policiers, le coût des services dans différents cas évalués aux populations qu'ils desservent, il aurait fallu plutôt dire: Il y a des différences.

Et s'il y a des différences, que faut-il faire pour monter les uns ou retenir les autres pour qu'enfin à un moment donné à l'avenir on puisse dire: Oui, nous pouvons intégrer, nous pouvons retenir ces corps.

Mais non, on a conclu, je pense, le contraire de ce que le bill no 75 disait à l'article 112 du règlement de la communauté urbaine au paragraphe k), page 29: "D'abord la coordination". C'était ça l'objectif, d'après le règlement passé par cette Chambre. Et après la coordination, on dit: "... et, le cas échéant, l'intégration des services de police et la coordination des services de protection contre l'incendie".

Il fallait d'abord faire un effort de coordination, d'après le texte de loi que j'ai devant moi. Et on a mis de côté cet effort de coordination pour se diriger immédiatement vers un service intégré. Pourquoi?

Et je reviens au texte que j'ai lu, et que

j'appuie, tiré du journal des Débats, à la page 1040, du 10 décembre 1969. J'ai la même inquiétude qu'on ait passé outre, qu'on ait sauté ce mot très important qui était le premier à l'article 112, qui disait: Travaillez pour la coordination, mais si c'est impossible passez à l'intégration.

Je n'ai jamais vu de rapport, je n'ai jamais vu d'énoncé démontrant que la coordination des forces était impossible ou qu'on ne devait pas d'abord réaliser cette coordination et cette coopération nécessaire parmi les forces consta-bulaires dans l'île, pour peut-être ensuite — si c'était nécessaire — arriver à l'intégration. Malheureusement, on a mal lu peut-être ce texte et on s'est référé immédiatement à l'article 233 où il s'agissait de procéder à une intégration, et c'est là que la communauté urbaine est tombée en pleine face en préparant un règlement qui n'était pas... Je n'ajouterai pas autre chose là-dessus, ce n'est pas nécessaire, on le sait déjà.

Pour adopter un aspect positif, maintenant que, depuis quelques instants, je maintiens un commentaire qui semble condamner en quelque sorte le principe, au moins je voudrais dire à la Chambre que mes pensées n'ont pas changé depuis deux, trois ou cinq ans. Non pas que je sois pas capable d'évoluer, mais plutôt étant en place, non pas dans le comté de Maskinongé, non pas dans le comté de Saguenay...

M. LESSARD: Non, je ne parlerai pas.

M. SEGUIN: ... mais en place, voyant ce qui se passe à tous les jours, il me semble que s'il s'agissait pour un moment de penser autrement, je pourrais fort bien être le premier à le faire. C'était le ministre des Affaires municipales qui, l'autre jour, disait en Chambre: Ah! oui, dans l'ouest de l'île, on sait que c'est très bien administré. C'est dire que nous savons évoluer en temps et lieu, et lorsque le moment s'y prête.

J'aurais proposé, M. le ministre, votre conseil de sécurité, oui sans doute et sans hésitation, tel que vous le suggérez. Mais je voudrais aussi, par exemple, qu'en suggérant que les municipalités de banlieue y soient représentées, que ces municipalités, contrairement à ce que dit la loi, soient autorisées à elles seules à nommer leurs représentants, tandis que le projet de loi tel qu'il est amendé dit que le représentant des banlieues pourra être nommé par n'importe qui. Ce n'est pas spécifié dans la loi.

J'ai dit tout à l'heure que je voudrais pas référer aux articles, mais c'est un cas si je parle surtout, ou si je parle tout d'abord du conseil de sécurité.

Conseil de sécurité donc oui, sans objection, directeur général de la police dans l'île de Montréal, oui, sans considération. Le meilleur homme que vous pouvez trouver sur le continent nord-américain mettez-le en charge. Payez-le très cher, mais qu'il fasse son ouvrage. A la dépense de la Communauté urbaine, certainement. Intégration de certains éléments du service, j'en suis, toutes les municipalités de banlieues en sont là, sans hésitation, mais avant de faire l'intégration totale et complète, avant de définir une date d'intégration telle que le 1er janvier 1972, ou le 1er janvier 1973, peu importe la date. Avant de fixer une date d'intégration, il faudrait d'abord, je crois, faire un effort sérieux, de coordination et par coordination je voudrais dire tout d'abord normalisation de toutes sortes de choses uniformes, information centrale, communications, formules à employer, des normes pour le personnel, l'entraînement, tout l'aspect personnel, l'aspect qui se rattache à l'individu.

Tout d'abord les apprendre à ces gens-là, à travailler ensemble, avant d'intégrer apprenez leur à travailler par l'entremise d'une coordination, à une coopération étroite. Si cette coopération-là n'est pas volontaire qu'on passe en Chambre la réglementation nécessaire, les lois nécessaires pour obliger chaque municipalité, chaque corps de police d'observer à la lettre ce que l'Assemblée nationale, le ministère de la Justice voudrait dicter en ce qui concerne la conduite des policiers dans la région de Montréal.

J'irais plus loin et je l'ai même dit en cette Chambre, il n'y a pas tellement longtemps. Je n'hésiterais pas à placer tous les corps de police directement sous la responsabilité de la Commission de police, sans hésitation. Il ne s'agit pas jamais pour un instant de la part des municipalités, ni en banlieue ni autrement de retenir à leur charge et à leur trousse la responsabilité du service, c'est que la Loi des cités et villes présentement oblige nos municipalités de le faire.

Elles n'ont pas l'opportunité, elles n'ont pas l'occasion de le faire, de ne pas le faire, ils doivent le faire. Mais avant d'intégrer ces forces policières, ces groupes de sécurité qu'on dit différents les uns des autres, pour des raisons tout à fait valables, tout à fait justifiables dans beaucoup de cas, il s'agirait de les coordonner d'abord. C'est assez facile à amener un cheval à l'auge pour le faire boire, mais de là, de la conduite à l'auge, et au moment où vous pourriez le faire boire il y a une marge. Alors j'en arrive à ce point-là.

Il y a certains services qui peuvent être intégrés immédiatement, des services hautement spécialisés, je voudrais dire quoi, service d'alcool, narcotique, des choses où on a besoin de gens spécialement entraînés. De là, nous ne voyons aucune objection à ce qu'il y ait intégration immédiate sous le chef directeur de l'organisation ou de la police. Mais je demanderais avant avec toute la sincérité dont je suis capable, d'utiliser en ce moment, qu'avant l'intégration, qu'avant de prendre 22 ou 24 groupes d'hommes différents, travaillant avec des méthodes différentes, ne se reconnaissant même pas les uns les autres que dans ce moment, à cause d'associations de fraternité, de

plans de pension différents, travaillant pour des municipalités qui ont des buts, des principes et une opération et une administration différente, avant de les grouper, il faudrait un effort sur une période de temps, pour les habituer à travailler ensemble.

Je pense que c'est une façon pratique de voir les choses. Je pense que c'est une pratique de faire réussir éventuellement une intégration à un coût beaucoup moindre, parce qu'on aurait habitué ces gens-là à suivre une règle commune, bien à l'avance ne se sentant quand même chez eux, en suivant cette règle commune. Abolissons des règlements qui peuvent exister dans les municipalités qui disent si le feu est à Outremont n'y allez pas, si vous êtes de Mont-Royal, abolissez ça. Qu'il y ait absolu coordination entre ces groupements, et pour cela vous n'êtes pas obligés d'intégrer. C'est peut-être là la réponse, M. le Président.

C'est peut-être là cet effort qu'il faudrait apporter à un processus d'intégration. C'est certainement celui que je recommanderais. En ce qui concerne le principe de l'intégration le 1er janvier, si on peut considérer cela comme un principe plutôt qu'une date, c'est une intégration immédiate, un coup de hache, la fermeture de la lumière à un moment donné. On créera, pour une période à venir, une confusion, je vous l'assure. Ceux qui vous le diront avec beaucoup plus d'éloquence que je ne saurais le faire sont justement les policiers qui travaillent dans les municipalités de banlieue.

J'entendais avec beaucoup d'intérêt les orateurs qui m'ont précédé et qui disaient: Oui, faites-la venir, la Fraternité des policiers de Montréal, devant la commission. Faites venir la Fraternité des policiers de Montréal mais faites venir aussi les autres fraternités. Ce n'est pas un chemin à sens unique. Si on veut travailler ensemble, il faut d'abord apprendre à travailler ensemble pour commencer, pour ensuite intégrer. Il ne faut jamais — je pense que c'est un vieux principe qu'on se doit de garder et de respecter — baser le changement sur l'expérimentation ou sur l'essai mais plutôt baser le changement qu'on veut faire sur une expérience acquise. L'expérience, en fait d'intégration dans l'île de Montréal, n'est pas acquise. On pourrait quand même expérimenter des possibilités. C'est par voie de coordination, par un effort sérieux vers la coordination qu'on viendra peut-être à s'acheminer vers un but que tous et chacun ici ont exprimé avec beaucoup d'éloquence au cours de la soirée, exception faite de celui qui vous parle naturellement.

Ils vous ont certainement dit qu'ils voulaient l'intégration. Je ne suis pas contre mais dans d'autres termes peut-être que ceux dictés par 281. Dans les mémoires présentés et les conclusions de la commission municipale, après avoir entendu les municipalités qui avaient des commentaires à faire, je pense qu'on aurait préféré, si on ne l'a pas fait verbalement, vous recom- mander une coordination étroite d'abord et ensuite une intégration.

Si on procède de cette façon-là, vous avez la quasi-assurance, certainement plus qu'aujourd'hui, d'une réussite. On se demande si quelqu'un, il y a deux ou trois ans, n'aurait pas fait tourner un disque, un ruban magnétique. Sur ce disque, on n'entend qu'une chose: L'intégration, c'est bon. L'intégration, c'est bon. L'intégration, c'est bon. C'est une tactique employée dans des pays que je ne nommerai pas, mais de récente histoire, où il s'agissait tout simplement — c'est un vieux dicton — de répéter un mensonge, si petit soit-il, assez souvent et on viendrait à le croire.

J'entends des commentaires sur l'ingérence politique dans la police. Je ne connais pas de municipalité — je parle pour le secteur ouest, naturellement, puisque je n'ai pas la connaissance de l'autre partie de l'île, non pas par préférence ou par prédilection mais plutôt du fait que je demeure dans un secteur plutôt que dans un autre — je n'ai jamais entendu dire, ni par un policier ni par un corps de police, que le conseil municipal ait eu la moindre ingérence sur les agissements du directeur. Nous sommes là pour une chose, pour approuver les fonds nécessaires au bon fonctionnement du service de police dans la municipalité dont nous sommes responsables. Si c'est cela l'ingérence, on est aussi bien d'enlever les administrateurs locaux et de louer un ordinateur qui pourra probablement très bien compter et distribuer des fonds.

S'il y a une exception au règlement, cela prouve que l'ordre général est vrai. S'il y a de l'ingérence de la part d'une municipalité ou d'une autre.

Alors, coupez l'avancement, enlevez cette ingérence — on a le pouvoir de le faire — mais ne condamnez pas toutes les autres municipalités sous ce faible prétexte que, peut-être, il y a de l'ingérence politique dans les agissements du corps de police. Jamais! Je le dis en connaissance de cause après une quinzaine d'années passées à cette administration locale.

Je défendrai tous les administrateurs que je connais sans exception, mais, de grâce, qu'on oublie ces façons peut-être très désagréables de condamner indirectement, de jeter l'ombre sur des gens qui travaillent à la journée longue, bien souvent, et très tard dans la nuit, pour leurs concitoyens, y compris les corps de police.

M. le Président, je pense qu'étant donné que je ne suis pas leader en Chambre je n'ai pas le droit à tout le temps voulu, mais je ne vous ai pas vu vous lever encore pour me dire que mon temps était écoulé.

M. PAUL: C'est parce que nous trouvons ça bon.

M. SEGUIN : Ai-je encore cinq minutes?

M. PAUL: Nous ne pouvons pas vous refuser ça.

M. LESSARD: C'est unanime, nous vous le permettons.

M. LOUBIER: Le ministre de la Justice est tout yeux, tout oreilles.

M. SEGUIN: M. le Président, je connais, depuis quelques jours déjà, les intentions du ministre en ce qui concerne une commission parlementaire. Je pense qu'il se joue un peu de nous ce soir en gardant cette bonne nouvelle pour la fin, Je sais à l'avance que nous devons avoir une commission de la Justice pour entendre tous ceux qui voudront venir faire des représentations, toujours avec la réserve, naturellement, d'éliminer les répétitions, d'être brefs, d'aller directement au point, de répondre d'une façon pondérée et bien correcte aux questions qui pourraient être posées par les membres. A cette commission, pourrait venir une section une "cross-section" pour employer un terme bien précis, comprenant les gens qui représentent les fraternités, les administrateurs municipaux, les administrateurs des corps de police, les directeurs, les inspecteurs, enfin, les officiers qui peuvent être là, qui ne sont pas membres d'union, mais qui, quand même, ont quelque chose à dire. Si, déjà, ils sont officiers, s'ils sont déjà responsables de corps de police, c'est que, normalement, ils ont acquis une expérience, au cours de longues années, sur le travail du policier. Si nous pouvions les entendre tous, il me semble que le ministre pourrait procéder avec un bill, avec un règlement. Si c'est le bill 281, j'aurai fait ma part pour essayer d'exprimer un autre point de vue. Si c'est le bill 281 modifié, à cause de l'insistance et des énoncés très convaincants de ceux qui paraîtront devant la commission, bien, tant mieux ; nous aurons tous gagné.

Je voudrais dire que le ministre et moi-même, le député de Robert-Baldwin, ne sommes pas tellement éloignés. Je pense que c'est surtout sur le modus operandi que nous avons peut-être de la difficulté à nous entendre.

M. PAUL: Me choisissez-vous comme arbitre?

M. SEGUIN: Non, ce serait une décision judiciaire que je ne pourrais pas comprendre. Alors, j'hésiterais énormément à vous nommer arbitre.

M. LESSARD: Il n'y a pas eu de menace.

M. SEGUIN: M. le Président, j'espère qu'à la suite de la commission parlementaire nous pourrons nous réunir à nouveau et étudier le projet de loi article par article pour contribuer à en faire un excellent projet de loi. Je voudrais qu'on examine de très près, même si ce n'est pas important aux yeux du député de Maskinongé, ce facteur économique. Même s'il y en a qui sont plus capables de payer que les autres, il faudrait quand même jeter un coup d'oeil de ce côté-là, parce que ce n'est pas facile, une fois que les municipalités ont fait leur budget, d'être aux prises avec un budget supplémentaire.

Naturellement, ce serait imputé à la communauté urbaine et la communauté urbaine en serait responsable. Cela rendrait la fonction de la communauté urbaine plus difficile.

Il faudrait aussi passer, même en ce qui concerne les corps de police que, parfois, nous devons prendre la responsabilité de les protéger contre eux-mêmes, parce que, avec les exigences qu'on impose aux municipalités au point de vue des redevances salariales ou autres et surtout si nous devons, dans nos municipalités, envoyer des comptes à nos contribuables avec des augmentations de 200 p.c. ou de 250 p.c. sur l'année précédente pour les coûts de police, je me demande quelle sera l'attitude des citoyens en général vis-à-vis de leurs policiers. Je me demande aussi quelle tâche auront ces mêmes policiers vis-à-vis des citoyens sans qu'il y ait abus, sans qu'il y ait de commentaires très désagréables et sans que nous démoralisions jusqu'à un certain point cet excellent groupe qu'on appelle le groupe de la sécurité responsable de nos citoyens en ce qui concerne la sûreté dans la région de Montréal.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT (Hardy): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Gabriel Loubier

M. LOUBIER: M. le Président, simplement quelques mots, d'abord pour féliciter le député de Maskinongé d'avoir discuté avec autant d'intelligence et de dialectique le projet de loi soumis par le ministre de la Justice.

Je voudrais également rejoindre, dans mes félicitations, le député de Robert-Baldwin d'avoir utilisé son franc-parler habituel et d'avoir profité à satiété de son droit de parole, au grand contentement du ministre de la Justice qui, au fur et à mesure que le député de Robert-Baldwin s'exprimait, buvait littéralement ses paroles. Je suis sûr que les propos, les mises en garde, les réticences et les points d'interrogation exprimés par ce brillant député de l'équipe ministérielle permettront au ministre de la Justice de constater que son projet de loi est loin de rejoindre la perfection. Mais le député de Robert-Baldwin a tout de même souligné que c'était toujours perfectible. Je pense que le ministre de la Justice a dû écouter avec infiniment d'intérêt et de plaisir cette intervention ce soir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Olier.

M. Fernand PicardM. PICARD: M. le Président, ce n'était pas

mon intention d'adresser la parole ce soir sur ce projet de loi, mais en tant que citoyen de l'île de Montréal, après avoir entendu les propos de mon collègue et ami, le député de Robert-Baldwin, je crois de mon devoir de vous faire part de mon point de vue et surtout d'apporter certains éclaircissements sur les propos qu'il vient de tenir.

Je trouve non pas malheureuse la position qu'il a prise sur ce projet de loi, mais c'est une note discordante par rapport à ce qu'on avait entendu dire par les quatre ou cinq opinants qui l'ont précédé. Je vais prendre les remarques du député de Robert-Baldwin, en commençant un peu par la fin. Non seulement il a semblé dire, mais il a dit qu'il ne croyait pas dans l'ingérence de politiciens dans les corps de police municipaux, plus particulièrement sur l'île de Montréal. Je ne sais pas où il était au cours des deux ou trois dernières années alors qu'on a eu des situations qui nous ont été présentées à la suite de certaines enquêtes, plus précisément peut-être dans l'est de l'île de Montréal, mais il y a eu aussi quelques cas dans l'ouest de l'île de Montréal.

Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi il nous a dit qu'il ne croyait pas à l'existence d'une telle ingérence de la part des politiciens.

M. SEGUIN: M. le Président, est-ce que le député me permettrait une question, puisqu'il s'agissait d'un commentaire que j'ai fait à la suite de ce que vous avez dit? Vous avez dit, il y a un instant, si j'ai bien compris, qu'il y avait des cas d'ingérence politique vis-à-vis des corps de police. Vous avez mentionné l'Est et vous avez mentionné l'Ouest de l'île.

Dans l'Est, pourriez-vous nommer les municipalités et nous dire où elles sont aujourd'hui? Dans l'ouest, quelle municipalité voulez-vous mentionner en disant qu'il y avait ingérence?

M. PICARD: M. le Président, je vais me servir de mon privilège de répondre ou de ne pas répondre à une question d'un collègue député pour la simple raison qu'il y a de ces municipalités qui existent encore. Une est disparue, je veux mentionner la ville de Saint-Michel, qui est maintenant annexée à Montréal. Les autres municipalités existent encore comme telles et je vais me servir de mon privilège de ne pas nommer personne. Mais je suis certain que n'importe qui a lu les journaux de la région métropolitaine de Montréal est au courant et il sait de quoi je veux parler. Je n'irai pas plus loin parce que je vais être obligé de les nommer.

M. le Président, le député de Robert-Baldwin a parlé, par exemple, d'un effort qui aurait dû être fait dans le cas de la coordination entre les divers corps policiers municipaux. C'est un point sur lequel je ne peux pas être d'accord avec lui parce que, lorsque nous parlons de coordination, il faut tout de même avoir deux corps policiers qui sont à peu près au même niveau. Si, par exemple, on demandait d'avoir une coordination sur le plan de l'identification des criminels entre la ville de Montréal et la ville, par exemple, de Montréal-Est, je suis certain que le corps policier de Montréal-Est, si compétent soit-il, n'a pas un service d'identification de criminels. Alors, comment voulez-vous avoir une coopération entre deux corps policiers puisqu'un des deux n'a même pas le service? Cela s'applique dans plusieurs domaines. Je pourrais mentionner, par exemple, la lutte contre le crime organisé. La question de la fraude; est-ce qu'il y a des escouades antifraude dans tous les corps policiers municipaux à l'extérieur de Montréal? Je ne le crois pas, M. le Président. Comment voulez-vous avoir de la coordination, à ce moment-là?

La question des statistiques, par exemple, la question des enquêtes; cela prend des personnes absolument spécialisées pour faire des enquêtes qui puissent mener à l'arrestation de prévenus et à leur condamnation devant les tribunaux. Ce n'est pas un corps policier avec deux ou trois policiers qui est en mesure d'avoir des experts dans ces domaines-là.

Alors, tout ceci pour vous dire que non seulement il n'était pas possible d'avoir cette espèce de coordination ou de coopération entre les divers corps policiers sur l'île de Montréal, mais aussi cela explique pourquoi, dans certaines municipalités, on a été capable de fonctionner à des coûts moindres que ce qu'il en coûtait à la ville de Montréal. C'est facile de couper un budget en éliminant des services. A ce moment-là, cela coûte moins cher pour fonctionner. Le ministre a mentionné, tout à l'heure, que dans la ville de Montréal il en coûtait, par habitant, environ $8.24 à Montréal alors qu'il n'en coûte que $3.23 dans les villes de banlieue. C'est facile d'économiser sur un budget des forces policières; il faut tout simplement éliminer les services.

Maintenant, l'importance de la coordination, je vais vous en donner un exemple. Avant, j'aimerais, M. le Président, féliciter le ministre pour son projet de loi parce que je pense que c'est le premier effort réel qu'on fait pour une planification des corps policiers dans la province de Québec. On a dit, tout à l'heure, que ce n'est qu'un départ que l'intégration des corps policiers sur l'île de Montréal, qu'on aura des corps policiers intégrés dans différentes régions de la province. Je vais vous citer un exemple. Tous se rappellent les événements d'octobre 1970. On ne peut pas les oublier. La police de Montréal, par son service d'identification, était au courant de l'existence de ces fauteurs de troubles, de ces personnes qui, présentement, sont devant les tribunaux. La police de Montréal savait où ils demeuraient, plus particulièrement sur la rive sud: Longueuil, Jacques-Cartier et Saint-Lambert. Elle le savait, la police de Montréal.

Mais, comment pouvait-elle collaborer avec des corps policiers qui, aussitôt qu'on leur aurait dit: M. X, au sujet duquel nous avons des

doutes, demeure dans votre localité, auraient laissé sortir le chat du sac? Il n'y a aucun doute que les corps de police ne sont pas expérimentés, en dehors de la ville de Montréal, pour manipuler ces choses.

Lorsque la police de Montréal vous dit que, présentement, elle peut vous dresser la liste des 100 contestataires professionnels qu'il y a à Montréal; que ces 100 individus que vous voyez à chaque contestation, à chaque parade, la police de Montréal les connaît; lorsqu'à un moment donné, à la suite d'une manifestation quelconque, vous voyez dans les journaux la liste des personnes qui ont été arrêtées, ce ne sont pas toujours des gens de Montréal. Il y a des gens de toutes les municipalités autour de Montréal qui ont été arrêtés. Et pourtant, la police connaissait ces gens d'avance. Elle ne pouvait pas communiquer cette information à d'autres corps policiers qui n'ont pas ces services dans leur service de police.

Ce sont là des choses, M. le Président, que j'aurais aimé que quelqu'un d'autre plus compétent que moi ait pu expliquer aux membres de cette Chambre. C'est bien beau les propos de mon collègue de Robert-Baldwin, mais c'est un côté de la médaille. Il y a l'autre côté de la médaille qu'il ne faut jamais oublier.

M. le Président, je voudrais peut-être donner l'occasion au ministre de la Justice de faire sa réplique avant l'ajournement, à minuit. Alors je terminerai tout simplement en disant que je suis heureux de voir que ce projet de loi est un départ dans le domaine de l'intégration des corps de policiers et que, sur l'île de Montréal, avec 24 corps policiers dans les banlieues et celui de la ville de Montréal, c'est une chose absolument inconcevable.

Pour vous permettre de comprendre le ridicule d'une telle situation, nous avons, actuellement, sur l'île de Montréal, 26 corps de police pour une population d'environ deux millions ou deux millions et quart, alors qu'en Angleterre, aujourd'hui, pour une population de 46 millions, on a 25 corps de police. Alors la situation des corps de police, dans la province de Québec, est un peu comme la situation qui existait, à venir jusqu'à il y a quelques mois, dans le domaine des commissions scolaires dans la province de Québec. On a réussi à les regrouper avec le bill 27. C'est un peu la même situation qui existe, présentement, dans le domaine des municipalités. On vient d'adopter un bill pour favoriser le regroupement municipal. Je pense donc que, par cet effort, par le bill 281, on réussira à réduire à un nombre plus rentable les 270 corps policiers qui existent présentement dans la province de Québec.

Il n'est pas nécessaire de vous dire, M. le Président, que je suis très heureux. Je félicite le ministre de la présentation de ce projet de loi. Je voterai nécessairement pour.

M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de Verdun.

M. Lucien Caron

M. CARON: M. le Président, je n'avais pas l'intention de parler en deuxième lecture pour ne pas répéter tout ce qui s'est dit ce soir en Chambre. Mais vu qu'un journal a mentionné que le député-conseiller Lucien Caron, de Verdun, était contre ce projet de loi, je tiens à dire que je suis pour l'intégration.

Je suis pour l'intégration pour plusieurs raisons. Je suis en faveur pour les disponibilités du personnel et les effectifs policiers plus forts, en cas d'urgence, dans les années que nous passons, c'est-à-dire que dans les cas majeurs de toutes sortes, la centralisation policière requise est plus facile à obtenir. La formation d'escouades spéciales, dont nous avons besoin, nous donnera un meilleur contrôle et les crimes que nous avons dans plusieurs municipalités seront plus faciles à éclaircir: "hold-up", loteries, autos volées, terrorisme.

De plus, je ne suis pas d'accord avec mon collègue de Robert-Baldwin. Je veux empêcher l'infiltration de la politique municipale dans certaines villes, comme mon collègue l'a mentionné, et je veux l'uniformisation des formules des rapports, ainsi que des méthodes de travail policières.

La question qui m'inquiète le plus, c'est les corps de police des environs de Montréal. Vu que le ministre nous donne la certitude que nous irons en commission parlementaire, je suis convaincu qu'il apportera aux fraternités des policiers des environs de Montréal la réponse qu'il faut. Mes autres questions, je les poserai en commission parlementaire. Merci.

M. LE PRESIDENT: S'il n'y a pas d'autres opinants, je donne le droit de réplique au ministre.

M. Jérôme Choquette

M. CHOQUETTE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de répliquer longuement. Si le député de Duplessis continue, je vais lui révoquer son district judiciaire.

Je voulais simplement dire que j'ai écouté avec beaucoup d'attention les observations du député de Robert-Baldwin. Si je comprends ses appréhensions, ses réserves à cause de l'impact financier qui sera sans doute ressenti chez lui, et que je n'ai pas caché dans mon exposé en deuxième lecture, je dois quand même lui réitérer que, si nous ne procédons pas immédiatement, l'impact financier sera pire.

Je pense qu'il faudra qu'il fasse comprendre à ses électeurs que si, jusqu'ici, ils ont eu un traitement préférentiel, il fallait qu'un jour ça se termine et que l'intégration se fasse.

Quant aux procédés qui sont inscrits au bill, en vertu desquels l'intégration devra se faire, je pense que le député de Robert-Bladwin, s'il était en Chambre, reconnaîtrait, quand même, que nous avons pris d'immenses précautions

pour que la façon dont l'intégration va se faire soit conforme aux règles impératives de l'équité, sous la surveillance de la Commission de police et avec les mécanismes de consultation, tant au niveau des municipalités intéressées, en particulier des municipalités de banlieue qu'au niveau des fraternités policières, que ce soit celles de la ville de Montréal ou d'elles des villes de banlieue.

Dans ces conditions, je dis que nous n'avions pas d'autre choix que de procéder actuellement à cette intégration, ce que nous faisons à partir du 1er janvier en désignant un commandement unique présidé par un conseil de sécurité.

Mais, pour la période requise pour la mise en place de la future force de police intégrée, nous laissons les divers corps policiers agir dans leurs municipalités respectives.

Pendant ce temps-là le travail de coordination auquel le député de Baldwin faisait allusion et le travail de préparation du plan d'intégration se feront. J'ai pleine confiance, M. le Président, que l'intégration, en définitive, se fera dans l'ordre. Ceci d'autant plus que si on lit le projet de loi de près, on constate qu'il comporte beaucoup de garanties à l'égard des policiers, que ce soient ceux de Montréal ou ceux des villes de banlieue . C'est-à-dire que nous avons pris un souci très particulier pour protéger les policiers syndiqués ainsi que les policiers qui ont des grades ou qui sont des chefs de police dans les divers corps policiers. Leurs droits ne seront pas mis en péril par l'action de l'intégration, excepté dans les cas où cela est absolument légitime. Je pense même que le processus de l'intégration va favoriser de meilleures conditions de travail au moins dans certains secteurs des corps policiers, en particulier de certains corps de banlieues.

Par conséquent, M. le Président, je pense que sur le plan des effectifs humains des corps policiers, nous avons pris déjà par les dispositions du projet de loi, des mesures appropriées, mais je suis prêt à étudier toutes les modalités du bill. Comme je l'ai déjà dit à la séance de la commission parlementaire, et je le répète, il n'est pas question de procéder avec un bill comme celui-ci, qui affecte immédiatement 5,000 policiers et une population de deux millions et plus d'habitants, sans avoir les consultations appropriées en commission parlementaire de la Justice.

Il me fait plaisir de rassurer le député de Maskinongé, le député de Rouyn-Noranda, le député de Maisonneuve — s'il était présent à son siège — sur le fait que nous allons aller en commission parlementaire et que nous allons étudier les représentations des municipalités, des fraternités de policiers ou des autres groupes intéressés sur le contenu et sur les modalités du projet de loi. Aussitôt après la deuxième lecture, je ferai une motion pour que le bill soit déféré à la commission de la Justice jeudi matin, afin que nous commencions les auditions.

M. PAUL: Est-ce que vous n'auriez pas décidé au caucus que c'était vendredi?

M. CHOQUETTE: M. le Président, on m'a dit que nous avions le choix de procéder, soit jeudi ou vendredi, mais je me disais...

M. BIENVENUE: Jeudi.

M. CHOQUETTE: L'assistant leader me dit que c'est jeudi. Cela nous donnera si nécessaire des heures additionnelles vendredi, mais je pense que dans une journée nous pourrons vider le problème. Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion de deuxième lecture est adoptée? Adopté.

M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading of this bill.

Déférence à la commission de la Justice

M. CHOQUETTE: M. le Président, je propose que le bill soit déféré à la commission parlementaire de la Justice pour entendre les personnes intéressées à faire des représentations et qu'elle siège jeudi matin après la période des questions.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée à l'effet que la commission parlementaire de la Justice siège jeudi matin, après la période des questions pendant que la Chambre siégera?

M. PAUL: Adopté.

M. BIENVENUE: M. le Président, il est minuit moins onze...

M. LE PRESIDENT: Il est minuit?

M. BIENVENUE: Moins onze.

Avant de demander l'ajournement, M. le Président, je voudrais informer cette Chambre que, demain matin, nous allons procéder avec le bill 65. Le temps le permettant, nous pourrions étudier le bill 84, peut-être 90 et, toutes choses allant bon train, nous pourrions peut-être nous pencher sur le budget supplémentaire.

M. PAUL: M. le Président, ça fait quasiment une semaine que le ministre parle de se pencher. Si cela continue, nous allons être obligés de l'appeler Méo Penché.

M. BIENVENUE: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain matin, dix heures trente.

M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?

Adopté.

La Chambre ajourne ses travaux à demain, dix heures trente.

(Fin de la séance à 23 h 49)

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