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(Quinze heures six minutes)
M. LAVOIE (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Affaires courantes.
Présentation de pétitions.
Lecture et réception de pétitions.
Présentation de rapports de commissions élues.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
M. LEVESQUE: M. le Président, article 1).
Projet de loi no 270 Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales propose la
première lecture de la Loi des acousticiens en prothèses
auditives.
M. CASTONGUAY: Ce projet de loi a pour principal objet de constituer la
Corporation professionnelle des acousticiens en prothèses auditives du
Québec et d'établir des règles concernant l'exercice de la
profession, en tenant compte des dispositions du projet de code des
professions. Entre autre choses, à la section IV, on décrit
l'exercice de la profession comme "tout acte qui a pour objet d'exécuter
une ordonnance d'un médecin, d'un orthophoniste ou d'un audiologiste en
vendant, fournissant, posant, ajustant ou remplaçant des
prothèses auditives", et on réserve le droit de poser ces actes
aux acousticiens en prothèses auditives.
Egalement, aux notes explicatives, le projet de loi précise que
"la Loi des acousticiens en prothèses auditives n'aura pas pour objet de
prohiber le commerce en gros des prothèses auditives, ni d'autoriser la
Corporation professionnelle des acousticiens en prothèses auditives
à réglementer ou contrôler les prix des prothèses
auditives, non plus que les conditions de paiement".
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LEVESQUE: Référence à la commission
parlementaire qui étudie le code des professions.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
UNE VOIX: Adopté.
M. LEVESQUE: Article n).
Projet de loi no 276
Première lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires municipales propose
la première lecture de la Loi favorisant le regroupement des
municipalités.
M. TESSIER: M. le Président, ce projet de loi autorise le
ministre des Affaires municipales à établir des unités de
regroupement pouvant comprendre des municipalités tant urbaines que
rurales. A la demande de la moitié des conseils municipaux des
municipalités de l'unité, représentant 50 p.c. de la
population globale de l'unité, le gouvernement pourra approuver la
fusion des municipalités de l'unité.
Les municipalités qui désirent se fusionner et qui ne sont
pas comprises dans une unité de regroupement pourront le faire
également. Des procédures prévues au cas de fusion de
municipalités comprises dans une unité de regroupement
s'appliqueront.
La requête des municipalités désirant la fusion sera
publiée dans la Gazette officielle du Québec et dans un journal
circulant dans le territoire. De plus, elle sera déposée au
bureau de chacune des municipalités de l'unité, de façon
que les propriétaires et les locataires puissent en prendre connaissance
et soient avisés de la façon dont ils peuvent, en cas
d'opposition de leur part aux principes et aux modalités de la fusion,
en aviser la Commission municipale.
Celle-ci tiendra une enquête publique, si des oppositions y ont
été adressées ou si le ministre le requiert. Lorsque la
commission a terminé son enquête, elle fait rapport au ministre et
transmet ses recommandations au conseil des municipalités. Elle pourra
aussi recommander au ministre d'ordonner que les municipalités
soumettent le projet de fusion aux propriétaires et aux locataires, et
d'ordonner également qu'il soit procédé à une
étude sur tout le sujet qui devrait faire l'objet d'examen.
Si le ministre des Affaires municipales estime que
l'intérêt public le justifie, il peut ordonner à toutes les
municipalités comprises dans une unité de regroupement de
procéder ou de faire procéder, dans un délai qu'il fixe,
à une étude conjointe sur l'opportunité pour ces
municipalités de se fusionner. En un tel cas, le rapport de
l'étude devra être transmis au ministre et aux
municipalités. Une fois en possession du rapport et si ce dernier
conclut qu'une fusion serait souhaitable, le ministre pourra demander à
la commission de tenir une enquête publique au cours de laquelle les
propriétaires et les locataires pourront faire connaître leur
opinion et il pourra, sur la recommandation de la commission, ordonner la
tenue, dans toutes les municipalités intéressées ou dans
certaines d'entre
elles, une consultation des propriétaires et des locataires,
c'est-à-dire un référendum.
Le gouvernement pourra modifier, sur la recommandation de la Commission
municipale, les conditions de fusion qui avaient été
envisagées. Si le gouvernement approuve la fusion, avis en sera
donné dans la Gazette officielle du Québec et la fusion sera
effective à compter de la date de la publication ou de toute autre date
ultérieure mentionnée dans l'avis. Advenant une fusion, les
anciennes municipalités disparaissent et c'est la nouvelle qui leur
succède dans leurs droits et obligations, et les fonctionnaires et
employés de ces anciennes municipalités passent au service de la
nouvelle.
Le projet prévoit que, pendant que se déroulent les
procédures préalables à une fusion, la Commission
municipale exerce une surveillance sur les opérations financières
des municipalités susceptibles d'être fusionnées.
Le projet prévoit également que le ministre des Affaires
municipales pourra accorder, à toutes les municipalités qui
seront fusionnées après l'entrée en vigueur de la loi, une
subvention pouvant atteindre $15 per capita. La subvention qui sera
accordée sera payable en cinq versements annuels et consécutifs.
Le projet remplace la Loi de la fusion volontaire des municipalités;
cependant, les procédures entreprises en vertu de la loi de la fusion,
avant l'entrée en vigueur du présent projet, seront, en tout
état de cause, continuées suivant les dispositions du projet.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
M. LE SECRETAIRE-ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture, prochaine séance ou
séance subséquente.
Déclarations ministérielles. Dépôt de
documents. Questions des députés.
Questions et réponses
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
L'assurance-chômage
M. PAUL: M. le Président, j'ai une question de caractère
omnibus puisqu'elle peut affecter plusieurs ministères dont, entre
autres, celui de la Fonction publique, celui de la Justice, ceux des Affaires
sociales, de l'Education et du Travail.
En l'absence de l'honorable premier ministre, je voudrais poser ma
question à l'honorable leader du gouvernement. Le 14 juin dernier, le
gouvernement fédéral a adopté une loi, le bill
C-229, aux fins d'amender la Loi sur l'assurance-chômage. Le 14
juillet 1971, l'Assemblée nationale a adopté une loi aux fins de
modifier la Loi de la fonction publique. Or, en vertu de cet article de la loi,
il est bien dit que le champ d'application de l'assurance-chômage sera
soustrait de la compétence du gouvernement fédéral lorsque
le gouvernement est l'une des parties à la négociation de
conventions collectives pouvant régir les employés de cet
organisme qui sont des salariés au sens du code du travail.
Le leader du gouvernement voudrait-il prendre avis d'une certaine
directive émise par le ministère du Revenu national aux fins
d'imposer aux employeurs la retenue, en vertu du bill C-229, Loi modifiant la
loi sur l'assurance-chômage, à l'endroit des employés
d'hôpitaux, des employés des institutions de charité, des
employés à titre d'enseignants.
Le premier ministre pourrait-il nous dire quelles sont les mesures qu'il
entend prendre pour que les autorités fédérales respectent
l'autonomie législative du Québec en la matière, par voie
de conséquence le projet de loi no 82? Quelles sont les
représentations que lui-même ou qu'un ministre
désigné aurait faites auprès des autorités
fédérales pour s'assurer du respect du bill no 82? En dernier
ressort, le gouvernement a-t-il l'intention de donner des directives aux
commissions scolaires, c'est-à-dire aux
secrétaires-trésoriers aux fins de ne pas s'occuper des
directives fédérales qui viennent d'être émises au
sujet de la participation des enseignants au fonds de la Commission
d'assurance-chômage?
M. LEVESQUE: M. le Président, je prends avis de la question.
C'est le ministre de la Fonction publique qui y répondra
probablement.
M. LAURIN: Question additionnelle, M. le Président.
J'avais déjà posé la même question la semaine
dernière au ministre des Affaires sociales qui avait en effet
répondu qu'il en saisissait le ministre de la Fonction publique, mais je
voudrais ajouter une autre question à celle du député de
Maskinongé. Le ministre de l'Education est-il au courant que des
inspecteurs fédéraux parcourent actuellement les écoles en
demandant aux administrateurs et aux trésoriers de préparer les
formules de cotisation pour la mise en vigueur de la loi dès le 1er
janvier? Est-ce que les divers ministres intéressés, le ministre
des Affaires sociales et le ministre de l'Education peuvent promettre à
cette Assemblée nationale qu'une décision sera prise dans un
avenir extrêmement rapproché afin de faire cesser le malaise dans
nos institutions et de voir à ce que la loi québécoise
soit respectée sur le territoire?
M. SAINT-PIERRE: Le ministre de l'Education, M. le Président, est
conscient de cela.
Compte tenu de la réponse qui a été donnée
à la première question, nous allons tenter dans les plus brefs
délais de donner, par directives, aux commissions scolaires les
renseignements pertinents touchant ce point précis.
M. PAUL: Question additionnelle, M. le Président. Pourrais-je
demander au leader du gouvernement de noter que les directives
fédérales doivent trouver champ d'application à compter du
2 janvier, ce qui, dans les circonstances, présente un certain
caractère d'urgence?
M. LEVESQUE: Nous en sommes pleinement conscients.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Rouyn-Noranda.
Allocations familiales
M. SAMSON: M. le Président, j'aimerais poser une question
à l'honorable ministre des Affaires sociales. Le premier ministre aurait
déclaré, samedi dernier, qu'il y aurait une formule de rechange
québécoise touchant les allocations familiales. Le ministre des
Affaires sociales pourrait-il, à ce moment-ci, nous faire le point des
négociations que son ministère entretient avec Ottawa concernant
justement cette question des allocations familiales?
M. CASTONGUAY: Essentiellement, M. le Président, ce qu'a dit le
premier ministre et ce que j'ai dit également dans une autre
émission.
Si les négociations avec le gouvernement du Canada, au sujet des
allocations familiales, ne donnaient pas lieu à un accord à ce
moment, un projet de loi serait déposé en Chambre avant
l'ajournement des travaux comportant les dispositions d'un régime
québécois d'allocations familiales qui ne serait pas pleinement
coordonné et intégré pour ne faire qu'un seul
régime d'allocations familiales au Québec.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre peut nous confirmer à savoir
que si le gouvernement d'Ottawa veut maintenir son service de distribution, ce
que le Québec désire surtout, c'est de qualifier lui-même
ou de désigner les récipiendaires? Est-ce que le ministre peut
nous commenter cette déclaration? C'est une déclaration faite par
le premier ministre, samedi.
M. CASTONGUAY: Je ne vois pas tout à fait l'objet de la
question.
M. SAMSON: Bien, peut-être que cela permettrait au ministre de me
donner une meilleure réponse si je pouvais lire l'article du journal,
mais le règlement ne nous le permet pas. Il a été dit tout
simplement que ce qui intéresse surtout le Québec, c'est de
pouvoir désigner les récipiendaires. Alors, si Ottawa veut
conserver la politique des allocations familiales, s'il veut conserver, si vous
voulez, la juridiction en cette matière, le Québec, lui, serait
prêt à accepter, à la condition qu'il désigne
lui-même les récipiendaires des allocations familiales.
M. CASTONGUAY: Cet aspect fait partie des négociations que nous
avons eues avec le gouvernement du Canada. Un des objets de ces
négociations c'est la désignation des
bénéficiaires, et également, la définition des
montants de prestations à verser à ces
bénéficiaires. C'était, au plan très concret, ce
que signifiait la primauté législative dont nous avons
parlé, en définitive.
M. ROY (Beauce): Question supplémentaire, M. le Président.
Est-ce que le Québec exige de désigner lui-même les
récipiendaires pour pouvoir appliquer la Loi des allocations familiales,
l'argent du gouvernement fédéral dans les prestations
d'assistance sociale surtout en ce qui regarde à l'heure actuelle les
mères nécessiteuses, les veuves ou encore les familles
nombreuses? Autrement dit, est-ce que le gouvernement veut
légiférer lui-même sur la qualification ou la
désignation des récipiendaires pour pouvoir intégrer le
système d'allocations familiales à l'intérieur des
prestations sociales actuelles?
M. CASTONGUAY: Non. L'objet est de faire en sorte qu'il n'y ait qu'un
seul régime d'allocations familiales intégré.
Ceci est la dimension de la question qui a été
négociée avec le gouvernement du Canada. Ce qui sera fait dans le
domaine des allocations familiales aura une incidence sur ce qui a trait aux
allocations sociales ou à l'assistance sociale et des ajustements aux
règlements devront être faits par la suite, mais cette question ne
fait pas l'objet des négociations avec le gouvernement du Canada, pour
le moment.
M. ROY (Beauce): Une autre question supplémentaire, M. le
Président. Est-ce que les délais qu'entrafne la poursuite des
négociations ne risquent pas de retarder l'application de cette loi
fédérale qui est attendue depuis longtemps par la population?
M. CASTONGUAY: Bien...
M. LE PRESIDENT: Je crois que le ministre a déjà
donné un délai, disant que, s'il n'y avait pas entente, avant la
fin de la session il y aurait un projet de loi. Je pense bien que cela couvre
la question que le député de Beauce pose actuellement.
M. ROY (Beauce): Si le Québec exige continuellement des
délais additionnels pour les négociations, cela ne risque-t-il
pas de retarder l'application de ce projet de loi du gouvernement
fédéral?
M. CASTONGUAY: M. le Président, nous n'avons pas exigé de
délais additionnels. Nous avons dit, il y a un certain nombre de
semaines, que nous entendions, dans le domaine des allocations familiales,
légiférer de telle sorte qu'au printemps 1972 le régime
d'allocations familiales soit modifié. Justement, ce que
vous-même, M. le Président, venez de rappeler, c'est que nous
avons dit que, s'il n'y avait pas entente, nous déposerions un projet de
loi avant la fin de la session. C'est précisément afin qu'il n'y
ait pas de délai indu.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
Hôpital à Saint-Henri
M. LAURIN: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales.
Est-ce que le ministre entend prendre position, dans un avenir
rapproché, sur les deux thèses qui s'affrontent en ce qui
concerne l'équipement sanitaire de Saint-Henri, l'une proposée
par une corporation composée de notables et l'autre, par un conseil
composé plutôt de représentants des groupements populaires,
quant au terrain qui sera choisi, quant aux types de projets qui seront
réalisés ou acceptés par le ministre, dans un cas, un
foyer et, dans l'autre, un hôpital de 120 lits?
UNE VOIX: C'est urgent, M. le Président?
M. LEVESQUE: M. le Président, est-ce que l'on va permettre ce
genre de questions? Nous n'en finirons pas.
M. LAURIN: M. le Président, je soumets que le problème a
fait l'objet de plusieurs reportages et même d'éditoriaux. Comme
il touche des zones défavorisées et que le but principal
poursuivi est l'accessibilité aux soins, il me semble que c'est
très important que la population soit informée.
M. LEVESQUE: Le règlement n'est pas basé sur de telles
considérations.
M. LE PRESIDENT: Vous êtes prêt à
répondre?
L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Bien...
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne suis pas d'accord. Non.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
Manifestation à l'édifice Delta
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je ne sais trop
à qui poser ma question. A tout hasard, je la poserai au leader
parlementaire du gouvernement. Pourrait-il nous dire ce qui se passe à
l'édifice Delta, qui provoque l'attroupement des policiers et
empêche les employés du ministère du Travail de
pénétrer dans les bureaux de ce ministère à
l'édifice Delta? Le gouvernement a-t-il pris des décisions
à ce sujet? Le ministre de la Fonction publique ou le ministre du
Travail a-t-il pris des décisions au sujet de cette histoire du
stationnement, à l'édifice Delta?
M. CHARRON: Cela, c'est d'intérêt public.
M. LEVESQUE: Quant à moi, M. le Président, je ne suis pas
au courant.
M. CARDINAL: Ah tiens!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, une question
additionnelle. Le ministre n'étant pas au courant, vous me permettrez de
la préfacer. Cela se rattache aux négociations que poursuit
actuellement le ministre de la Fonction publique avec les employés de
l'Etat et qui provoquent actuellement un blocus de l'édifice Delta, non
plus par les employés mais par les policiers de la Sûreté
du Québec. Est-ce qu'un membre responsable du gouvernement pourrait nous
faire, d'ici à ce que la situation se règle, un rapport sur la
question?
M. PINARD: M. le Président, comme j'ai l'ingrate
responsabilité de faire respecter la politique du stationnement sur la
colline parlementaire et partout où il se trouve des édifices qui
regroupent les services gouvernementaux, je fais l'enquête sur la
question que vient de poser le député de Chicoutimi et demain, si
j'ai le rapport, il me fera plaisir d'en faire état devant la
Chambre.
Pour le moment, M. le Président, j'ignore ce qui peut se passer
à l'édifice Delta, sauf qu'un autre conflit de travail affecte
les travaux qui se poursuivaient au complexe G et met en cause les ouvriers qui
se livraient à des travaux de burinage et de plâtrage. Comme les
travaux de burinage sont terminés dans l'édifice G, que cela
affecte 40 ou 50 ouvriers spécialisés dans ce métier et
que ces ouvriers ne veulent pas quitter les chantiers, après en avoir
reçu l'avis conformément aux règlements et à la
loi, après que cet avis eut été signifié aux
représentants syndicaux de la FTQ et de la CSN, il s'ensuivit un blocage
des travaux au complexe, à partir de jeudi mais surtout vendredi,
blocage qui se continue aujourd'hui.
Voyant donc, M. le Président, que la situation risquait de se
gâter, comme toutes les précautions avaient été
prises au plan de l'application des règlements et de la loi, nous avons
demandé aux représentants du ministère du Travail de bien
vouloir convoquer une réunion des parties.
Il s'agit du maître-d'oeuvre, du représentant du
ministère des Travaux publics, des représentants de
l'entrepreneur général et du sous-
traitant, de la compagnie Wallcrete, ainsi que les représentants
des centrales syndicales, de façon à savoir s'il y a vraiment une
motivation à l'arrêt des travaux et au conflit qui sévit en
ce moment.
On m'a informé tantôt avant que je n'arrive à
la Chambre que les négociations se faisaient en ce moment au
ministère du Travail. Je ne sais pas s'il peut y avoir une relation
directe ou indirecte avec les événements dont a parlé
tantôt le député de Chicoutimi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Question additionnelle. Je remercie le
ministre de ces renseignements. Toutefois, je me demande s'il n'a pas confondu
le problème du complexe et le problème de l'édifice Delta.
Le problème de l'édifice Delta est relié aux
négociations collectives avec les employés du secteur public.
Est-ce qu'il s'agit du même problème là-bas? Je
l'ignore. J'imagine que le ministre voudra bien demain nous faire rapport sur
les deux situations et leur relation possible, afin que se termine le blocus
qui existe actuellement à l'édifice Delta.
M. PAUL: Question additionnelle. Est-ce que le ministre des Travaux
publics aurait l'intention de consulter son collègue le ministre de la
Justice aux fins de connaître la motivation de la présence d'aussi
nombreux agents de la Sûreté du Québec près de
l'édifice Delta?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
Institutions d'hébergement
M. BOIS: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des
Affaires sociales. Concernant la politique d'administration des institutions
d'hébergement pour enfants retardés, est-ce que le ministre
pourrait nous dire s'il prêterait l'oreille à tout un groupe de
parents qui demandent une enquête impartiale sur une institution en
particulier?
M. CASTONGUAY: S'il s'agit de la même question que celle que le
député de Rouyn-Noranda me posait vendredi, je crois que j'ai
donné la réponse à cette question vendredi matin.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Saint-Sauveur
pourrait préciser sa question?
M. SAMSON: Question supplémentaire. Puis-je demander au ministre
s'il a reçu une invitation pour assister ce soir à une
assemblée publique concernant cette question du pavillon Claude, de
Gatineau?
M. CASTONGUAY: Il est peut-être arrivé une invitation
à mon bureau, mais je n'en suis pas au courant.
M. CHARRON: M. le Président, c'est la même question que
celle du député de Bourget.
M. LEVESQUE: En effet, je suis d'accord avec le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: Si vous êtes si prompt quand elles viennent de ce
côté-ci, soyez-le donc aussi quand elles viennent de
là.
M. LE PRESIDENT: Question refusée. L'honorable
député de Sainte-Marie.
Nomination de M. Robert Boyd
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président, j'aurais aimé
poser ma question au premier ministre. En son absence, je la poserai au
ministre des Richesses naturelles.
Est-ce que le ministre peut confirmer ou infirmer les nouvelles à
l'effet que la recommandation qui a été faite par le
président de l'Hydro-Québec de nommer M. Robert Boyd au poste de
président de la filiale hydro-électrique de la
Société de développement de la baie James aurait
été refusée par le premier ministre et, si oui, quelles en
sont les raisons?
M. LEVESQUE: Est-ce que le député se réfère
à un article de Québec-Presse?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Oui.
M. LEVESQUE: Alors, je crois que cette question est
irrégulière, parce qu'il vient d'affirmer que c'est puisé
là et je ne crois pas que cela puisse faire l'objet d'une question
sérieuse.
M. CHARRON: M. le Président, le règlement nous interdit de
citer un journal, mais il ne nous interdit pas de puiser une question à
partir d'un journal, sans le citer, je pense.
M. LE PRESIDENT: Je ne rendrai pas ma décision sur cette
question, mais je crois que l'engagement d'une personne en particulier, dans
une fonction particulière, n'est pas une question d'intérêt
public.
M. CHARRON: Comparé au parking là... M. LE PRESIDENT: J'ai
rendu ma décision.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): M. le Président,...
M. JORON: Le parking de la Delta, ça c'est important !
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): ... une question supplémentaire, M.
le Président. Est-ce que je suis dans l'ordre, pour une question
supplémentaire?
M. LE PRESIDENT: Si la question principale est refusée, avez-vous
une autre question?
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): J'ai une autre question.
M. LE PRESIDENT: Allez.
Contrat à une compagnie
américaine
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Je m'adresse encore au ministre des
Richesses naturelles. A la suite de l'attribution de contrats pour la route de
Matagami à la baie James à une compagnie américaine, une
entreprise qui s'appelle KIEWIT, du Nebraska, est-ce que le ministre a
l'intention de prendre des mesures pour que les contrats futurs aillent en
priorité à des sociétés
québécoises?
M. MASSE (Arthabaska): M. le Président, j'ai demandé des
renseignements sur cette nouvelle qui est parue en fin de semaine, mais je n'ai
aucune déclaration à faire maintenant.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que le ministre nous fera une
déclaration en temps et lieu lorsqu'il aura des informations?
M. MASSE (Arthabaska): Je dois dire que ces contrats...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Est-ce que vous prenez avis de la
question?
M. MASSE (Arthabaska): Je prends avis de la question, mais je dois dire
que ces contrats qui sont donnés le sont par la Société de
développement de la baie James et non par le gouvernement du
Québec.
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): Qui n'est pas responsable devant aucun
ministère.
M. LE PRESIDENT: Le député de Beauce.
Examens imposés aux garagistes
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'aurais une question à
poser au ministre du Travail, mais en son absence je vais demander au leader du
gouvernement de lui transmettre la question.
Est-ce que le gouvernement a l'intention de prendre des dispositions
pour abolir le décret sur les garages qui oblige à l'heure
actuelle les propriétaires de petits garages à passer des examens
pour obtenir une carte de compétence, les propriétaires
eux-mêmes, même s'ils n'ont aucun employé. Parce que nous
recevons, M. le Président, énormément de protestations de
part et d'autre, de la part de milliers de propriétaires de petits
garages dans tout le Québec qui, à l'heure actuelle, sont
lésés dans leurs droits qui sont tout de même des droits
acquis.
M. LEVESQUE: Très bien.
Projet de loi no 90
M. PAUL: M. le Président, une question au ministre des Richesses
naturelles, pour rester dans le même genre d'affaires. Est-il vrai que le
ministre des Richesses naturelles a l'intention de retirer son projet de loi no
90 pour nous en donner une autre version qui contiendra, cette fois, de
véritables articles de la loi?
M. LEVESQUE: Cette question me semble hors du sujet. Il y a au
feuilleton une loi qui est présentement discutée. Nous ne parlons
pas à ce moment-ci des travaux de la Chambre et je ne vois pas pourquoi
on attacherait plus d'importance qu'il le faut à la motion du
député de Missisquoi.
M. PAUL: M. le Président, dans le cadre des travaux
parlementaires en vertu de l'article 114, j'ai tout simplement posé une
question anodine au ministre des Richesses naturelles.
M. LE PRESIDENT: Il a eu une réponse anodine.
Le député de Rouyn-Noranda.
Exploration dans le Nord-Ouest
québécois
M. SAMSON: J'aimerais poser une question également au ministre
des Richesses naturelles. Est-ce que le ministre pourrait nous annoncer,
à ce moment-ci, une bonne nouvelle à savoir où en sont
rendues les démarches concernant le programme de $25 millions avec
TARDA, l'exploration minière dans la région du Nord-Ouest
québécois?
M. MASSE (Arthabaska): Concernant ce programme de TARDA dans le
Nord-Ouest québécois, effectivement, comme je l'ai
déclaré il y a quelques semaines, les programmes inclus dans ce
projet de cinq ans de TARDA n'étaient pas conformes, à mon avis,
aux besoins du Nord-Ouest québécois.
Je dois vous dire qu'il y a actuellement des examens très
sérieux de ce projet qui se font au ministère des Richesses
naturelles, surtout quant à la portée de ce projet sur le
développement économique et quant au nombre d'emplois que cela
pourrait créer dans le Nord-Ouest québécois. Il est fort
possible que les programmes qui m'avaient été soumis il y a
quelques semaines soient transformés.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
Travaux de la baie James
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je désirerais
poser une question, je ne sais plus trop à qui, mais je vais l'adresser,
encore une fois, à mon excellent ami, le député de
Bonaventure.
Premièrement, est-il exact qu'on a commencé à
embaucher des gens pour les travaux d'aménagement de la baie James?
Deuxièmement je demande au ministre de faire enquête
et de nous donner une réponse est-il exact que ces
employés seraient embauchés sans que l'on passe ni par le Centre
de main-d'oeuvre du Québec, ni par le Centre de main-d'oeuvre du Canada?
Je lui donne avis de cette question afin qu'il la transmette à qui de
droit, à celui qui se découvrira une responsabilité dans
le gouvernement.
M. LEVESQUE: Très bien. M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. M.
LEVESQUE: Projet de loi 28. Article 7.
Projet de loi no 28
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, celui qui m'a
précédé vendredi dernier, le député de
Montmorency, lors de l'étude de ce projet de loi concernant la
restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal, a
tenu, à l'endroit des députés de notre groupement
politique, des propos stupides, insignifiants, voire inqualifiables, en
employant des termes permis par notre règlement.
Je n'ai pas l'intention de relever ses propos et ses affirmations
gratuites parce qu'il n'est pas libre de ses propos, ni de ses affirmations. Il
est lié par la ligne du Parti libéral. Il pense en fonction du
parti et il agit par lui. Il vote selon les directives reçues, peu
importe ce que pensent ses électeurs.
Pour le bénéfice de tous les membres de l'Assemblée
nationale, du côté ministériel comme du côté
de l'Opposition, je vous dirai que ce projet de loi a des implications qui
concernent tous les Québécois d'une façon
particulière. En voici les raisons. Ce projet de loi, concernant la
restructuration scolaire de l'île de Montréal, s'étendra,
dans un avenir très rapproché, dans tout le territoire du
Québec ou bien nous nous retrouverons avec deux systèmes dans le
Québec, soit un pour l'île de Montréal et un autre pour
Québec, Trois-Rivières, Sherbrooke et le reste du territoire.
Deuxièmement, d'une manière ou d'une autre, ce projet de
loi comprend des dispositions qui concernent tous les citoyens du
Québec, peu importe la région où ils demeurent. Ce projet
de loi aura des répercussions sur l'avenir de la langue
française, sur notre foi, sur notre culture, et sur l'avenir même
du peuple canadien-français. On ne peut donc rester indifférent
devant ce projet de loi. Ce serait manquer à notre devoir d'élus
du peuple de ne pas faire connaître notre point de vue avec le plus de
vigueur possible.
Au nom de l'efficacité administrative terme bien connu et
répété à satiété, mais nous pourrions
appeler cela, à bon droit, de l'efficacité administrative
inefficace le gouvernement nous propose le projet de loi no 28 pour
restructurer les commissions scolaires de l'île de Montréal. Ce
projet de loi a pour objet de remplacer les municipalités et les
commissions scolaires de l'île de Montréal par onze nouvelles
municipalités scolaires et commissions scolaires.
Toutefois, dans une déclaration pieuse, qu'il a qualifiée
de déclaration ministérielle, le ministre nous a annoncé
qu'il pourrait les réduire à sept, selon son bon vouloir. Nous
sommes justement à étudier, le projet de loi no 28 en
deuxième lecture et nous devrions l'avoir en main au complet. Nous
savons; parce que le ministre l'a annoncé, que d'importants amendements
seront apportés à ce projet de loi. Contrairement à la
règle de procédure parlementaire établie, nous discutons
du principe du projet de loi no 28 sans en connaître toutes les
modalités, sans avoir pris connaissance de tous les articles et des
modifications que le gouvernement a l'intention d'y apporter.
Ce gouvernement se veut tellement efficace, il est tellement
pressé dans sa législation qu'il n'a même pas le temps de
préparer ses projets de loi comme il devrait le faire et les
présenter aux membres de cette Chambre pour que nous puissions
discuter.
Le gouvernement brûle les étapes, il nous présente
un projet de loi incomplet. Suite aux séances de la commission
parlementaire, il a annoncé son intention de le modifier, nous a fait
une déclaration ministérielle qui pourrait être
appelée une déclaration pieuse pour dire que des amendements
seraient apportés; mais nous attendons encore ces amendements et
pourtant chaque député élu en cette Chambre devra se
déclarer en deuxième lecture pour ou contre ce projet de loi.
C'est tout de même anormal que le gouvernement procède de
cette façon, et j'espère qu'il ne créera pas un
précédent pour agir de cette façon à l'avenir; il
est tout de même inadmissible, inacceptable, pour un gouvernement qui se
gargarise de démocratie, qui parle de démocratisation à
coeur de jour, de procéder de cette façon.
Il y a place pour le doute entre les intentions du gouvernements et ses
paroles.
Ce projet de loi a aussi pour objet de fixer à quinze le nombre
de commissaires qui seront élus conformément aux
différents articles 95 à 183 de la Loi de l'instruction publique.
Nous tenons à souligner que cette disposition constituera une grande
amélioration sur le passé et nous tenons à le
reconnaître.
Dans la section IIl de la loi, il y a la formation des comités
confessionnels, j'y reviendrai tout à l'heure. Il y a aussi des
dispositions concernant la constitution et la composition des conseils
scolaires ainsi que d'un comité exécutif.
Les trois dernières sections de ce projet de
loi concernent la taxation, l'évaluation et les taxes scolaires.
Nous savons qu'au niveau de la taxation il y avait des améliorations
à apporter, des injustices à corriger. Nous le reconnaissons et
cette facette du projet de loi constituera une nette amélioration de
façon à répartir équitablement la taxe scolaire sur
l'île de Montréal.
Mais, point n'était nécessaire de chambarder toutes les
structures administratives pour équilibrer le système de taxation
dans l'île de Montréal. C'est sur ce point que nous ne sommes pas
d'accord, non plus que sur l'esprit qui a présidé qui a
inspiré le gouvernement dans l'élaboration de toutes les clauses
aussi complexes que possible de son projet de loi no 28.
Comme nous pouvons le constater, il s'agit d'un projet de loi qui touche
directement près de 2 millions de Québécois. Nous
manquerions à notre devoir en ne faisant pas connaître notre point
de vue, en n'exigeant pas des amendements d'intérêt
général, en ne dénonçant pas certaines intentions
camouflées ou inconscientes et en n'alertant pas l'opinion publique sur
les conséquences à long terme de son application.
Si certains aspects de ce projet de loi sont une nette
amélioration sur le passé, par contre il y en a d'autres qui
constituent, à notre avis, un recul, surtout en ce qui a trait à
la langue française et à la confessionnalité. La lutte que
nous menons seuls sur ce point précis n'est pas nouvelle et nous
comprenons mal l'attitude des trois autres partis en cette Chambre.
Cette bataille n'est pas nouvelle; elle dure depuis près de deux
siècles, mais aujourd'hui nous devons constater que ce sont les
nôtres qui refusent de continuer la lutte, de préciser leur
position et, plus, le danger vient de notre propre gouvernement à grande
majorité francophone. C'est à n'y rien comprendre. Pendant que
l'on réclame partout le français comme langue de travail, pendant
que l'on fait des manifestations en faveur des droits du français,
pendant que l'on multiplie les échanges avec la France et les pays
francophones, pendant ce même temps notre gouvernement provincial
s'apprête à faire adopter le bill 28 sans opposition, si ce
n'était des députés du Ralliement créditiste...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque la question
de privilège...
M. ROY (Beauce): Mais que s'est-il donc passé pour justifier
cette trahison?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, le député de Chicoutimi, sur
une question de privilège.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois que c'est de mon devoir de le faire
tout de suite, dès que des paroles répréhensibles ont
été prononcées. Le député de Beauce
s'attribue beaucoup de mérite en disant que seul son parti a posé
les problèmes fondamentaux, que le gouvernement d'ailleurs
lui-même a exposés, au sujet de la question linguistique et de la
question religieuse. Les députés du Parti québécois
et les députés d'Unité-Québec de même qu'un
grand nombre de parlementaires du gouvernement libéral ont
exprimé leur avis à ce sujet.
Je crois que c'est tenter d'induire la Chambre en erreur que d'avoir de
telles prétentions. M. le Président, nous nous chargerons
d'établir de façon très précise que, si les
députés du Ralliement des bérêts blancs ont des
opinions aujourd'hui, c'est la première fois qu'ils les expriment parce
qu'ils ont été absents constamment des réunions de la
commission parlementaire.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je pourrais invoquer le
règlement pour rectifier les faits et les propos du député
de Chicoutimi, parce qu'en voulant rectifier les faits, il commet
lui-même des infractions à notre règlement. Mais cela ne
change en rien ce que j'ai dit et je n'ai pas l'intention d'en modifier un seul
mot. Ce que vient de dire le député de Chicoutimi nous prouve
exactement ce que je venais d'énoncer à l'effet qu'ils sont pour
en paroles et qu'ils sont contre en pratique. Alors, une patte de chaque
côté de la clôture, cela se résume à peu
près à cela. Nous savons quelle a été l'attitude de
l'ancien gouvernement de l'Union Nationale face aux problèmes de
l'éducation dans la province de Québec.
M. le Président, que s'est-il donc passé au Québec
pour justifier cette trahison et je dis bien trahison, quoi qu'en pense
le député de Chicoutimi envers un peuple qui a
lutté pendant près de deux siècles de façon
héroïque, avec des moyens de fortune pour conserver sa foi, sa
langue et sa culture?
En tant que représentant des Beaucerons, M. le Président,
je n'ai pas le droit de laisser ce gouvernement adopter ce projet de loi dans
sa teneur actuelle sans protester avec toute mon énergie. Les Beaucerons
ont toujours été et sont encore des nationalistes convaincus.
L'exemple qu'ils ont donné aux Québécois nous fait honneur
et nous prouve qu'il est possible, avec du courage, de la
ténacité, de nous donner des institutions bien à nous,
pour nous, afin de conserver notre héritage culturel en cette terre
d'Amérique.
Il me fait plaisir de citer le docteur Raoul Poulin,
député fédéral de la Beauce, qui a lutté
farouchement et seul à Ottawa pendant de nombreuses années, pour
faire reconnaître les droits des Canadiens français. En 1962, ce
sont encore les Créditistes qui ont repris le combat. Nous pouvons dire
qu'ils ont de grandes victoires à leur crédit. Aujourd'hui, ce
sont encore les Créditistes qui s'opposent seuls à ce projet de
loi qui constitue une menace à notre avenir culturel.
Je le dis et je répète que ce projet de loi est une menace
directe à notre avenir culturel, une menace à notre foi
chrétienne et à notre langue.
Ne nous laissons pas compter d'histoires par n'importe qui. Notre foi et
notre langue sont partie dominante de notre culture. Il ne faudrait pas non
plus être assez naifs pour ne pas voir le jeu de nos adversaires qui
veulent à tout prix inclure les pensées de Mao dans notre
culture, remplacer l'évolution harmonieuse par la révolution
violente. Devant ces dangers, l'attitude du gouvernement est
incompréhensible. Le gouvernement se fait rouler de la plus belle
façon par une clique de séparatistes comme le disait le
député de Rouyn-Noranda, et je fais miens ses propos ayant
des postes de commande au ministère de l'Education et qui attendent
l'occasion idéale pour mettre en branle un mouvement de contestation
d'envergure provinciale afin de renverser le régime actuel.
Cela, je le prédis. Où sont donc nos nationalistes dans
cette Chambre, qui veulent imposer le français chez General Motors et
qui ne se lèvent même pas pour l'exiger prioritairement dans nos
écoles? Où sont donc ces nationalistes qui nous ont cassé
les oreilles pendant un an sur l'étiquetage bilingue? Où sont
donc ces nationalistes qui participent à des manifestations bruyantes en
faveur du français et qui ne se lèvent même pas pour
souligner le danger qu'il y a dans le bill 28 et le dénoncer? Serait-ce
qu'au lieu d'être des nationalistes, ils seraient tout simplement des
"nationalouches"? C'est à se poser la question. Serait-ce qu'ils sont
à préparer une stratégie pour contester et faire descendre
nos enfants dans la rue à la première occasion, une fois qu'on
tentera d'appliquer le projet de loi no 28? Pour sauver notre culture et notre
langue et pour conserver notre foi chrétienne que professent 90 p.c. de
la population, il n'y a qu'un moyen. C'est de conserver les droits des parents
qui sont les premiers responsables de l'éducation. Ce rôle
n'appartient pas à l'Etat. Le rôle de l'Etat, c'est de leur en
faciliter la tâche en mettant des moyens à leur disposition. Le
rôle de l'Etat est donc supplétif.
Il incombe aux parents de décider en premier lieu de
l'éducation de leurs enfants. Pourquoi? Parce que c'est tout simplement
un droit naturel. Un gouvernement qui se gargarise de démocratisation,
comme le gouvernement actuel, devrait le savoir d'abord et le respecter
ensuite. Dans un mémoire présenté par la
Société Saint-Jean-Baptiste à la commission
d'enquête sur la langue française sur les droits linguistiques au
Québec, en mai 1970, on disait, pour parler de la situation du
français. "La Socitété Saint-Jean-Baptiste de
Montréal, dans ses récents mémoires, notamment dans ceux
présentés à la commission parlementaire de la Constitution
du gouvernement au Québec et à la commission
fédérale d'enquête sur le bilinguisme et sur le
biculturalisme ont fait un historique du statut de la langue fraçaise au
Canada.
Rappelons que si le Traité de Paris de 1763, l'Acte de
Québec de 1774 et l'Acte constitutionnel del791 ne reconnaissaient pas
de droits juridiques écrits à la langue française, la
situation de la langue française comme langue de travail n'en est pas
moins, pour cela, sortie de la coutume selon les traditions propres aux droits
britanniques. La tentative d'établir l'anglais comme langue des
tribunaux par la proclamation royale de 1764 ayant échoué, le
français s'est progressivement affirmé comme étant la
langue du pays à la fois par la restauration des droits civils
français dans l'Acte du Québec de 1774 et par les motifs qui ont
inspiré la séparation de 1791."
Le mémoire continue: "En 1867, l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique établissait, par l'article 133, l'usage des deux
langues dans les Chambres du parlement du Canada et de la Législature du
Québec, devant tout le tribunal fédéral du Canada et
devant tout tribunal du Québec. Les registres et les
procès-verbaux dans les Chambres du parlement du Canada et de la
Législature du Québec ainsi que les lois du parlement du Canada
et de la Législature du Québec doivent être
libellés, rédigés et publiés dans les deux
langues."
Alors, nous avons gagné du terrain, M. le Président,
pendant de nombreuses décennies. Maintenant, si nous regardons, dans le
même mémoire, les statistiques les chiffres parlent et le
gouvernement aime se gargariser de statistiques de temps à autre
publiées par la Société Saint-Jean-Baptiste, on dit ceci:
"D'après les statistiques du recensement fédéral de 1961,
le français est parlé, au Québec, par 87.35 p.c. de la
population et est ignoré par seulement 12.65 p.c. Il constitue donc la
langue du pays selon le régime coutumier qu'ont établi nos
constitutions avec, pour l'anglais, les privilèges que lui
confère l'article 133." Ces statistiques établissaient ainsi la
proportion de la population des diverses régions qui parlent le
français. Voici ce que l'on dit: "Dans la région du bas
Saint-Laurent et de la Gaspésie, 95 p.c; Saguenay-Lac-Saint-Jean, 98
p.c. Québec, 98 p.c; dans la région de Trois-Rivières, 98
p.c; dans la région de l'Estrie, 90 p.c; dans la région de
Montréal, deuxième ville française du monde, 80 p.c, . le
plus faible pourcentage; dans le Nord-Ouest québécois et dans
l'Outaouais, respectivement 91 p.c. et 85 p.c ainsi que 84 p.c sur la
Côte-Nord et au Nouveau-Québec."
Ainsi, on dit: "Dans tout le Québec, la minorité qui
ignore le français doit raisonnablement l'apprendre plutôt que de
demander à la grande majorité de pratiquer le bilinguisme
unilatéral." C'est ce que disait le mémoire de la
Société Saint-Jean-Baptiste. Aujourd'hui, nous nous trouvons
devant un gouvernement qui propose de tout chambarder dans l'île de
Montréal au niveau scolaire sans préciser sa position en ce qui a
trait à l'enseignement du français prioritairement dans nos
écoles. Les
politiques ne sont même pas précisées et le
gouvernement s'oriente vers deux systèmes d'éducation. Des droits
égaux pour la minorité comme pour la majorité, mais sous
prétexte de sauver les droits de la minorité, on est en train,
actuellement, de sacrifier les droits de la majorité parce que
bientôt, puisque nous vivons en Amérique du Nord, il y a risque
que la majorité canadienne française devienne une minorité
chez nous, à l'intérieur du Québec.
Or, il n'y a rien, absolument rien dans le bill 28 qui puisse garantir
les droits des Canadiens français, les droits de la langue
française dans la restructuration scolaire de l'île de
Montréal. Le gouvernement s'aventure dans le projet de loi no 28
à l'aveuglette sous prétexte qu'il doit équilibrer la
taxation foncière des taxes scolaires.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député me permet...
M. ROY (Beauce): Or, c'est là qu'est le problème, M. le
Président,...
M. SAINT-PIERRE: ...une question? Est-ce que le député me
permet une question?
M. ROY (Beauce): Certainement.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que le député pourrait me dire
quel article, dans le projet de loi no 28, brime les droits de la
majorité? De quelle façon la majorité canadienne
française n'a plus son droit à l'école française,
n'a plus son droit à l'épanouissement de son dynamisme propre par
le projet de loi no 28?
M. ROY (Beauce): M. le Président, je pense que le ministre m'a
mal compris tout à l'heure. Je n'ai pas dit qu'il y avait des articles,
dans le projet de loi no 28, qui brimaient les droits des Canadiens
français. J'ai dit qu'il n'y avait aucun article dans le projet de loi
qui les garantissait. Ce n'est pas la même chose.
M. SAINT PIERRE: Est-ce que le député est
également d'accord avec Mgr Grégoire? J'aime citer cela parce que
je crois à cette formule-là qu'au-delà de la nature des
structures, il y a quelque chose de plus important qui s'appelle l'engagement
des personnes. Autant que ceci s'applique dans le plan de la
confessionnalité, autant, je pense, ceci s'applique sur le plan
linguistique. Est-ce que le député est d'accord avec cette
proposition-là?
M. ROY (Beauce): M. le Président, je pensais...
M. SAINT-PIERRE: Il pourra peut-être, après cela, cesser de
nous parler de...
M. ROY (Beauce): ...que le ministre voulait me poser une question.
M. SAINT-PIERRE: ...structures et de parler d'engagements.
M. ROY (Beauce): Je pensais que le ministre voulait me poser une
question. M. le Président,...
M. SAINT-PIERRE: Je vous ai posé une question: Etes-vous
d'accord...
M. ROY (Beauce): ...au 30 septembre 1970...
M. SAINT-PIERRE: ...avec cela?
M. ROY (Beauce): Je n'ai pas à répondre à cette
question, vous ne m'avez pas posé une question. C'est une affirmation
que vous avez faite.
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. le Président.
M. ROY (Beauce): C'est une affirmation gratuite.
M. SAINT-PIERRE: Le député est-il d'accord avec
l'affirmation de Mgr Grégoire à l'effet que l'engagement des
personnes est plus important que la nature des structures?
M. ROY (Beauce): M. le Président, l'engagement des personnes,
dans votre projet de loi, vous en parlez comme d'un voeu. Mais il n'y a rien,
dans le projet de loi, qui garantit les droits de ces mêmes personnes,
Comment voulez-vous analyser l'engagement de ces personnes?
M. le Président, le 30 septembre 1970...
M. SAINT-PIERRE: Je démissionne!
M. HARVEY (Chauveau): Laissez-le aller, oui. Laissez-le aller!
M. ROY (Beauce): ... à Montréal cela fait un
contraste assez important avec les statistiques de 1961 et le ministre pourra
se rendre compte jusqu'à quel point nous avons raison de nous interroger
et de nous inquiéter il y avait 255,300 enfants dans les
écoles francophones, soit 64 p.c. tout à l'heure, on
parlait de 80 p.c. en 1961 et il y en avait 143,425 dans les
écoles anglophones, soit 36 p.c. Si le ministre veut justement garantir
les droits des francophones, les droits des Canadiens français, dans les
écoles de Montréal, qu'il nous publie donc des statistiques sur
la tendance à venir. Je peux vous garantir que, si le ministre ose le
faire, il ne pourra pas faire autrement qu'admettre que la majorité
francophone perd du terrain chaque année au bénéfice de la
minorité anglophone.
Je ne voudrais pas qu'on croie, à ce moment-ci, M. le
Président, que j'en ai contre la minorité anglophone de
l'île de Montréal. Au contraire, nous avons d'excellents amis de
ce côté et nous voulons respecter les droits de ces personnes.
M. SAINT-PIERRE: En avez-vous contre la pilule?
M. ROY (Beauce): Mais, M. le Président, il s'agit, pour le projet
de loi no 28, de garantir les droits et de préciser la politique en
matière d'enseignement du français dans les écoles de
l'île de Montréal. Or, M. le Président, vers quoi le
gouvernement se dirige-t-il?
M. TETLEY: Est-ce que le député me permet une question? Je
remercie l'honorable député de Beauce. Vous avez parlé des
anglophones et des francophones dans les écoles de Montréal. Les
chiffres sont importants et vous avez raison de souligner le fait, mais vous me
permettrez de vous demander ceci: Savez-vous que, parmi les anglophones
protestants, il y en a un nombre élevé je n'ai pas ce
chiffre: le ministre ne l'a pas et nous ne l'avons pas reçu du
Protestant School Board of Greater Montreal qui quittent le
système anglophone protestant pour le système francophone
protestant? C'est un chiffre qui est, je l'espère, élevé
d'enfants qui, depuis trois ans, suivent leurs études en
français. Ce chiffre doit être ce n'est pas votre faute, je
ne vous critique pas compris parmi les autres chiffres que nous avons et
qui sont, je l'admets, désagréables.
M. ROY (Beauce): M. le Président, pour répondre à
l'honorable ministre, je lui dirai tout simplement que je ne me suis pas
basé sur certains groupes d'individus pour citer ces chiffres. J'ai
cité les chiffres globaux qui nous étaient fournis justement dans
le mémoire que nous a remis Mgr Grégoire, auquel le ministre
semble vouloir faire référence souventefois. Lorsque nous
regardons ces chiffres, nous ne pouvons que constater, à l'heure
actuelle, que la majorité francophone perd du terrain. Je maintiens donc
ce que j'ai dit.
M. le Président, si le gouvernement veut être logique dans
sa politique concernant le français, c'est-à-dire dans ses
déclarations... J'ai ici "Opinion du premier ministre du Québec",
dans le Journal de Québec du 30 juin 1970: "Le français langue de
travail au Québec". Voici ce qu'il dit: "Hier, à Montréal,
nous avons rencontré un groupe de présidents de compagnies
possédant des installations au Québec. Ces compagnies
représentent les plus gros employeurs de travailleurs
québécois. L'objet de cette rencontre était de permettre
au gouvernement de décrire à ces hommes d'affaires les moyens que
nous entendons mettre à leur disposition afin que le français
devienne, partout au Québec, la langue de travail". On veut donc que le
français devienne la langue de travail. "Comme j'ai eu l'occasion de
l'exprimer à maintes reprises, ces derniers temps, l'un des objectifs
prioritaires du gouvernement est précisément de faire du
français la langue de travail au Québec. Nous avons
décidé de mettre à contribution tous les ministères
concernés, no- tamment ceux du Travail, de l'Immigration, de l'Industrie
et du Commerce, des Affaires culturelles et de l'Education. Aussi, nous avons
mis au point un projet à cet effet et nous nous sommes empressés
de demander la collaboration des entreprises établies au Québec,
afin que se concrétise d'une façon aussi efficace que rapide
l'implantation du français comme langue de travail".
Or, cela se résume à ceci: le gouvernement fait des
déclarations pieuses, il veut faire la promotion du français,
mais ce n'est qu'au niveau des déclarations; il ne fait absolument rien
de concret pour préciser, garantir les droits des Canadiens
français, les droits de la langue française, pas seulement
garantir des droits à des individus, par rapport à la
participation comme le ministre le disait mais leur donner des
droits juridiques.
C'est le point que je voulais soulever à l'occasion de ce
débat, pour dire que non seulement le projet de loi a des incidences en
matière de confessionnalité, mais il en a également au
niveau de la langue. Comme la confessionnalité et la langue ont des
implications directes dans la culture, c'est toute la culture des Canadiens
français, des Québécois, qui risque de se trouver mal en
point une fois que ce projet de loi sera mis en application.
C'est tellement vrai que j'ai noté ceci et je ne suis pas
le seul à le dire dans 1'éditorial de samedi du
rédacteur du journal l'Action-Québec, M. Bruneau: "Il est
à remarquer ici que la majorité des individus et des groupes qui
se sont prononcés sur le bill28 ont considéré sous des
aspects totalement différents la question linguistique et
confessionnelle. Nous croyons personnellement que ces deux
éléments subissent également de furieuses attaques
d'ennemis inavoués. Les deux éléments sont
réclamés par la majorité et rejetés par la
minorité. La langue et la religion jouent un rôle très
important dans la culture et le mode de vie d'un peuple comme le nôtre.
Le pluralisme ne saurait être une raison pour faire disparaître
l'une ou l'autre. En d'autres termes, ce que l'on dit pour la protection de la
langue dans nos coles, on pourrait également le dire pour la protection
de la confessionnalité et vice versa."
Nous exigeons que le gouvernement prenne ses responsabilités et
accepte de préciser le statut de la langue française en
éducation. On ne peut plus laisser résoudre ce problème
à la bonne franquette. Si nous ne réagissons pas, dans 20 ans la
majorité de Montréal sera anglicisée; nous ne devons
jamais oublier que nous vivons dans le continent nord-américain et que
nous sommes entourés de 250 millions d'anglophones.
La question qui se pose est la suivante: Voulons-nous sauver la culture
des Québécois, oui ou non? Si nous voulons la sauver, il va
falloir qu'on ne fasse pas qu'en parler, il va falloir que nous posions des
actes positifs, que des décisions soient prises.
Si le gouvernement refuse de prendre posi-
tion, s'il refuse de s'engager de façon précise, s'il ne
veut pas donner des garanties juridiques pour sauver notre langue, notre
culture et notre foi, qu'on cesse d'en parler une fois pour toutes.
Le gouvernement est en face d'un choix, nous sommes à la
croisée des chemins; il devra prendre une orientation, mais, peu importe
celle qu'il prendra, il devra s'engager et préciser sa position, s'il
veut être logique.
Comme je viens de le dire, le même problème concernant la
langue se pose aussi pour la confessionnalité. Dans les statistiques
qu'on nous a remises en date du 30 septembre 1970 concernant les inscriptions
des élèves dans les écoles de Montréal, 81.5 p.c.
des élèves étaient inscrits dans des écoles
catholiques et 18.5 p.c. dans des écoles protestantes ou autres. C'est
donc dire qu'à 81.5 p.c. il y a lieu de nous interroger et d'exiger du
gouvernement des garanties juridiques en matière de
confessionnalité.
Nous avons raison de nous interroger sur les dangers qu'il y a dans nos
grosses écoles, dans nos superstructures et dans ce que le peuple
appelle les grosses patentes scolaires imposées par l'Etat.
Déjà notre langue, notre culture sont en danger. On dit ici dans
un article qui a paru dans le journal Le Devoir du 23 juin 1970, écrit
par M. Gilles Prévost: "Les structures actuelles des écoles
polyvalentes de la CECM, notamment Edouard-Montpetit, mettent en danger la
confessionnalité de ces grosses écoles. Dans ces polyvalentes,
l'aumônier, au lieu de relever directement du directeur, serait
considéré comme un service aux étudiants parmi d'autres,
sans fonctions officielles au sein de la direction."
M. le Président, ce n'est pas un peu la même chose, la
même tendance, la même orientation que dans le projet de loi no
28?
C'est ce qu'ont dit l'aumônier et une animatrice de pastorale de
la polyvalente Edouard-Montpetit, le père Guy Blais et madame Rufiange
qui prétendent avoir été renvoyés parce qu'ils
cherchaient à réaliser une véritable
confessionnalité dans cette école. Ils étaient
accompagnés de l'abbé Yvon Marcoux qui a annoncé son
intention de refuser le poste d'aumônier à la future polyvalente
de Pointe-Saint-Charles, à moins que les structures d'autorité ne
soient modifiées.
M. le Président, ce sont les bons voeux pieux du gouvernement, du
ministère actuel de l'Education, de l'ancien ministère de
l'Education dans l'ancien gouvernement qui l'a précédé
comme de celui qui l'avait précédé auparavant, et c'est
là le danger que nous courons. Alors le service de pastorale de la
polyvalente Edouard-Montpetit, pour sa part, affirme que le fait de
considérer la pastorale comme un simple service aux étudiants
rend l'aumônier tout à fait incapable d'influencer l'ensemble de
la vie de l'école et d'élaborer des politiques d'ensemble avec la
direction dont il ne fait plus partie.
M. le Président, dans le projet de loi, à la section no 3,
nous avons examiné avec attention les articles concernant les
comités confessionnels, et nous n'avons trouvé aucune garantie
juridique en matière de confessionnalité. Et pourtant, si on
regarde, au chapitre des devoirs des comités catholiques et protestants,
dans la loi du Conseil supérieur de l'Education, on peut lire, à
l'article 22, que les comités sont chargés de faire des
règlements pour reconnaître les institutions d'enseignement
confessionnel comme catholiques ou protestants, selon le cas, et pour assurer
le caractère confessionnel. b) De reconnaître' comme catholique ou
protestant, selon le cas, des institutions d'enseignement confessionnel et de
révoquer au besoin cette reconnaissance, de faire des règlements
concernant l'éducation chrétienne, l'enseignement religieux et
moral, les services religieux dans les institutions d'enseignement reconnues
comme catholiques ou protestantes, selon le cas. Et il y a une série de
règlements, dans cet article 22, qui donne quand même des pouvoirs
au comité catholique et au comité protestant, alors que les
comités confessionnels, dans le projet de loi no 28, n'ont aucun
pouvoir.
On leur a accordé quelques responsabilités, d'accord, mais
des responsabilités sans pouvoir, M. le Président, ça
constitue tout simplement une impossibilité pratique de remplir son
mandat et ça constitue pour le gouvernement un bon moyen d'offrir une
belle confessionnalité de façade à l'île de
Montréal en la refusant dans les faits puisqu'on rend l'application des
règlements à peu près impossible.
Alors, M. le Président, si nous insistons tant sur ces deux
points, c'est que nous avons raison de déplorer, à l'heure
actuelle, bien des lacunes, bien des erreurs et une certaine philosophie de
base qui a guidé le ministère de l'Education dans
l'élaboration de ses politiques, et, justement, le projet de loi no 28
fait partie de ces politiques.
Pourquoi répéter au Québec les erreurs
désastreuses de l'éducation américaine? On a eu le fameux
bill 62, le rapport Parent et les erreurs de l'éducation à
l'américaine. Comment expliquer que nos législateurs, sur la
colline parlementaire, veuillent tenter de répéter
l'expérience américaine? Ou bien, M. le Président, ils
sont ignorants des désastres intellectuels et moraux accumulés
par l'éducation matérialiste et athée chez nos voisins
américains, ou bien ils en sont conscients, et ils sont poussés
à cela par des forces laïcisantes et athées qui s'infiltrent
partout et font des assauts constants et se forgent des lois.
Alors, M. le Président, ceux qui se veulent les grands
modernistes et qui ont proposé ces grandes réformes... M. le
Président me fait signe qu'il me reste une minute. Est-ce que M. le
Président a tenu compte des interruptions? J'ai eu au moins quatre
à cinq minutes d'interruption, M. le Président, si vous voulez me
permettre...
M. LE PRESIDENT (Brown): Nous en avons tenu compte. M. le
député de Beauce, et c'est terminé à quatre heures
et dix.
M. ROY (Beauce): J'avais commencé à moins vingt, M. le
Président, et j'ai eu des interruptions.
M. LEVESQUE: Deux questions.
M. ROY (Beauce): Si vous me permettez, deux ou trois minutes. Je disais
donc, M. le Président, que ceux qui se gargarisent de modernisme
devraient aller voir ce qui s'est fait ailleurs. On a dépensé des
sommes d'argent au Québec pour faire des voyages en Europe, on s'est
même permis d'aller en Russie, pour aller trouver de l'inspiration. Et
pourtant ce système d'éducation que le Québec tente
d'imposer à l'heure actuelle dans ses structures, les Soviets l'ont
répudié complètement en 1932, après douze ans
d'expérimentation. Pourquoi? Parce que, d'après la Pravda, le
système américain était en train de peupler le pays, la
Russie, d'une génération d'ignorants et de
dépravés.
La révolte actuelle aux Etats-Unis contre le père de
l'éducation américaine j'ai pris ça dans une petite
brochure contre son athéisme, John Dewey, s'est
cristallisée, en Californie, par l'élection du Dr Rafferty pour
remettre Dieu dans les manuels scolaires.
La révolte contre son sociologisme est générale et
l'on peut dire que les livres les plus lus aux Etats-Unis sont ceux d'Eric
Stromm, le farouche individualiste.
Je pense que l'occasion se prête très bien, à ce
moment-ci, pour demander au gouvernement non seulement de nous parler de
démocratisation, mais d'élaborer une véritable
démocratisation; non seulement de donner des droits aux parents, mais de
leur donner des garanties juridiques pour qu'ils puissent exercer leurs droits,
pour qu'ils puissent réellement avoir une participation dans le
système de démocratisation, chose qui n'existe pas dans les
faits. On sait que le mot "démocratisation" dont on se sert à
l'heure actuelle ne veut pas dire grand-chose.
Je termine en donnant un exemple. Le gouvernement décide au
niveau de la taxation, le gouvernement contrôle les commissions
scolaires, le gouvernement établit lui-même les programmes, le
gouvernement impose des structures, le gouvernement négocie le salaire
des enseignants, le gouvernement décide de la construction des
écoles, le gouvernement décide de l'école obligatoire, le
gouvernement accepte ou refuse les bourses aux étudiants. Le
gouvernement vient ensuite nous parler de démocratisation. Ce que nous
voulons, ce n'est pas une démocratisation dans les mots, mais une
démocratisation dans les faits. Nous voulons que cette démocratie
soit assurée par des garanties juridiques. Je termine mes observations
là-dessus.
M. SAMSON: M. le Président...
M. LE PRESIDENT ( Brown ): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: ... du consentement unanime de la Chambre. On vient
d'apprendre que le député de Mégantic, leader
parlementaire de notre parti, vient d'être victime d'un accident
d'automobile assez grave et qu'il est présentement hospitalisé
à l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska. Je voudrais, au nom de nos
collègues, lui souhaiter un prompt rétablissement.
M. LEVESQUE: M. le Président, nous sommes très
affectés par cette nouvelle et nous nous empressons de nous joindre au
chef du Ralliement créditiste pour souhaiter un prompt
rétablissement à son leader parlementaire.
M. PAUL: M. le Président, comme la députation forme une
grande famille, il nous est impossible de rester indifférents à
l'annonce que vient de nous faire le député de Rouyn-Noranda.
C'est pourquoi nous formulons des voeux pour que l'honorable
député de Mégantic retourne au plus tôt chez lui.
Nous formulons des voeux de prompt rétablissement et souhaitons que cet
accident ne reste, en définitive, qu'un incident, bien qu'il soit
malheureux.
M. CHARRON: M. le Président, comme mes autres collègues,
j'espère que les blessures subies par le député de
Mégantic ne sont pas si graves que cela et que nous le reverrons
très bientôt avec nous en Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Verdun.
M. Lucien Caron
M. CARON: M. le Président, le projet de loi présentement
devant nous, concernant la restructuration scolaire sur l'île de
Montréal, a été l'objet de plus d'un mémoire. Je
voudrais, dans mon intervention, signaler d'une façon
particulière l'avis du comité catholique du Conseil
supérieur de l'éducation sur ce projet de loi concernant la
restructuration des commissions scolaires sur l'île de
Montréal.
Dans un document remis au ministre de l'Education, sous la signature de
M. l'abbé André Naud, prêtre de Saint-Sulpice, cet avis
soulignait que le comité catholique est évidemment conscient de
la nécessité et même de l'urgence d'une restructuration de
l'administration scolaire sur l'île de Montréal. Il va plus loin.
Il faut établir, dit-il, les bases d'une plus grande
démocratisation de l'administration scolaire, ce qui rendra plus
efficace et plus réelle une participation des parents à
l'école.
Nul doute, selon le comité catholique, qu'il y a
opportunité d'instituer des commissions scolaires unifiées.
Dans ces commissions scolaires, l'avenir des écoles catholiques
est assuré, et ce depuis les derniers amendements qui ont
été élaborés de façon convaincante pour
entraîner une adhésion confiante.
Désormais, à la lueur des amendements, et sans contredire
ses avis antérieurs qui furent donnés en des circonstances
différentes, le comité catholique peut recommander une
création immédiate et généralisé des
commissions scolaires unifiées dans les termes prévus par le
projet de loi no 28. Il apparaît au comité catholique que la
meilleure manière de montrer que l'on prend au sérieux les
problèmes qui sont soulevés est d'établir cette
expérience avec certains échanges, ce à quoi s'est
engagé le ministre de l'Education en échelonnant la
restructuration jusqu'en 1975.
Je m'en voudrais de ne pas signaler d'une façon
particulière les recommandations concernant les comités
catholiques, lesquelles recommandations ont été accordées
d'emblée par le bill 28. Il s'agit d'assurer une meilleure
représentativité et une meilleure coordination des tâches
à l'intérieur des cadres des commissions scolaires, le
responsable des questions religieuses étant d'office membre adjoint sans
droit de vote. Ce droit, à l'école, est accordé par les
derniers amendements du ministre de l'Education.
Afin d'assurer plus de continuité dans le travail des
comités catholiques, la durée du mandat de leurs membres est un
droit reconnu par le ministre de l'Education qui est totalement d'accord avec
ce principe. Enfin, la loi verra à l'application des règlements
du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation
pour que ses membres soient consultés dans le choix des directeurs des
écoles catholiques.
C'est une des charges spécifiques du comité de veiller
à la promotion de l'éducation catholique. Je m'empresse d'ajouter
que ce dernier point a été largement couvert par les
amendements.
Quant aux recommandations du comité concernant les
responsabilités des questions religieuses, vu l'importance de la
fonction du responsable de ces mêmes questions religieuses pour les
catholiques, le choix devra se faire après consultation du comité
catholique visé à l'article 593. Ce avec quoi le ministre de
l'Education est d'accord.
La tâche du responsable des questions religieuses pour le
comité catholique devra être définie ou approuvée
par le comité catholique du Conseil supérieur de
l'éducation. Ce avec quoi le ministre de l'Education est toujours
d'accord.
J'ai suivi de très près les séances de la
commission permanente de l'Education sur le bill 28, et ma présence
à ces séances m'a convaincu du travail immense et de la belle
besogne accomplis. D'ailleurs, les amendements apportés par le ministre
de l'Education prouvent hors de tout doute la vérité de mes
dires.
Le bill 28 donne aux catholiques plus de garanties que les lois
actuelles. Pour le prouver, je cite le ministre de l'Education. Lorsqu'il
annonce les amendements au projet de loi, il dit notamment qu'il y aura
"comité d'implantation sur chaque territoire des futures commissions
scolaires permettant aux responsables actuels de l'éducation, tant
catholiques que protestants, de chacun de ces territoires de préparer
concrètement l'implantation des nouvelles commissions scolaires au 1er
juillet 1975."
De plus, les comités confessionnels sont instaurés au
niveau de la commission scolaire et ils doivent veiller à la promotion
de l'éducation catholique ou protestante, selon le cas. De plus, le
mandaté des questions religieuses aura la responsabilité de
l'orientation et de l'animation religieuses.
Il est vrai que le régime de taxation n'a pas toujours
été adéquat. L'amendement du ministre sur les
étapes de la mise en oeuvre de la loi corrige cette anomalie.
I would like to say a few words in English to show my cooperation to the
English community. I can assure, Mr. Speaker, that with this bill the
English-speaking people will be well served and for the first time the parents
will have a word to say about education.
For the first time, equally, the Protestant people will be assured that
their religion is respected in this by-law.
There is a guarantee in the bill 28 that they never had before. Two
observers will be selected on the boards where, for example, the protestant
people will be on minority.
M. le Président, pour la minorité, il s'agit d'un droit
fondamental, celui de la participation des parents à l'école. Il
ne faut pas perdre de vue que le directeur général adjoint sera
assisté de personnes compétentes touchant les domaines les plus
variés, tels le service du personnel, le service des études et le
service linguistique.
N'oublions pas que le comité des parents, comité
consultatif, a sa raison d'être précisément à cause
du rôle prépondérant de ces derniers.
Les élections par quartiers témoignent d'une
liberté rare que jamais projet de loi n'avait jusqu'à maintenant
accordée. Bref, le bill 28 est un bill d'avant-garde qui met le
Québec en tête de liste dans le domaine éducatif, ce, non
seulement en Amérique du Nord, mais dans le monde entier.
Je félicite et remercie le ministre de l'Education d'avoir
été à l'écoute de la population du Québec,
car ce bill est non seulement le sien mais celui d'une
génération.
Pour toutes ces raisons, je serai fier de voter pour le bill 28,
convaincu de rendre un service d'envergure à ma province, à mon
comté et aux générations futures. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chicoutimi.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, nous avons
examiné très longuement le projet de loi qui est devant nous.
J'entendais tout à l'heure l'un de nos collègues parler du danger
énorme que courent la langue et la culture françaises au
Québec. Je suis tout à fait de son avis, puisqu'il en
administrait en même temps une preuve péremptoire.
Mais, M. le Président, je tiens à vous dire tout de suite
que je ne me sens quand même pas solidaire de cette langue en formation
que j'ai entendue tout à l'heure et qui, d'ici quelques
générations, deviendra peut-être le patois, le dialecte ou
le moyen de communication de certains secteurs, de certains groupes de citoyens
que je ne reconnaîtrai pas comme des ambassadeurs de la langue et de la
culture que nous prétendons défendre.
Et je me disais, écoutant ce que j'entendais ou ce que je croyais
entendre, qu'il est grand temps qu'on cesse de parler de la langue ici et
qu'enfin on la parle. Cette réflexion, je me l'étais
déjà faite alors que je siégeais à Ottawa, alors
que j'entendais des députés de diverses formations politiques
demander que l'on respecte la langue et la culture. Je ne me suis jamais senti
solidaire de ceux qui parlaient alors au nom de ce qu'ils appelaient "leur
peuple", "leur nation", "leur famille culturelle et linguistique".
Il est toutefois important d'attirer l'attention des parlementaires sur
certains aspects du projet de loi qui nous paraissent, encore aujourd'hui,
obscurs sinon ténébreux. Le député de Verdun disait
tout à l'heure qu'à la lueur des amendements qu'il avait
perçue, il avait été convaincu et qu'il se proposait de
donner son accord à ce projet de loi. Il s'agit, en effet, de lueurs
d'amendements. Jamais je n'ai entendu, en Chambre, un terme employé
à si bon escient puisque ce que le ministre nous a
déclaré, ce qu'il a déposé comme document
concernant les amendements éventuels qu'il se propose de soumettre, ce
sont vraiment des lueurs d'amendements puisque nous attendons encore le texte
qui nous permettra de porter un jugement de valeur sur le projet de loi qu'il
propose à notre adoption.
Nous avons tenu de nombreuses séances de la commission
parlementaire. Nous avons entendu de nombreux témoins. Nous avons
examiné les mémoires qui nous étaient soumis. Nous avons
questionné les personnes qui sont venues devant nous. Si l'on faisait la
somme de toutes les propositions qui nous ont été faites, M. le
Président, il serait extrêmement difficile de dire exactement, de
façon précise, ce que veulent les citoyens et ce que les citoyens
ne veulent pas. Cela, dans deux domaines particuliers auxquels je me suis
intéressé: celui de la langue et celui de la religion.
A propos de la religion, M. le Président, le ministre n'a pas
été explicite. Que le ministre ne s'inquiète pas, le temps
des croisades est terminé et je ne vais pas emboucher la trompette
héroïque pour lui demander de sauver la langue, la foi, la
religion, etc. Je veux tout simplement lui demander de réfléchir
à l'avertissement que nous a soumis qui est un exposé de
doctrine l'archevêque de Montréal au sujet des propositions
du projet de loi no 28 et qui, selon Son Excellence Mgr Grégoire,
comporteraient quelques dangers pour le maintien, la préservation et
l'expansion de l'enseignement religieux sur l'île de Montréal dans
ce cadre qui sera défini par le projet de loi que nous
étudions.
Alors que comparaissaient devant nous les représentants de
l'archevêché de Montréal, je leur ai fait un reproche,
reproche dont certains journaux ont fait état. Je leur ai fait le
reproche suivant: De parler bien tard et de parler bien mal parce que,
même si la position de doctrine de Son Excellence Mgr Grégoire
était excellente et fort rassurante en ce qui concerne les dogmes, il
reste que les propositions concrètes qui devraient normalement suivre
cet exposé de doctrine ne nous ont été
présentées que sous forme de questions.
On nous a interrogés ou l'on s'est interrogé en disant:
Qu'est-ce qu'il adviendra de ceci? Qu'est-ce qu'il adviendra de cela?
Comme catholique, M. le Président je ne fais pas
mystère de mes croyances j'avoue que j'ai certaines
inquiétudes en ce qui concerne les garanties que le projet de loi donne
aux diverses confessions religieuses. Mais je reconnais toutefois que dans la
société pluraliste qui est la nôtre c'est un mot qui
n'a aucun rapport avec celui que l'on employait à tort, tout à
l'heure, soit le mot modernisme compte tenu du pluralisme qui existe
à l'heure actuelle, M. le Président, il est assez difficile de
retourner à ces propositions que l'on faisait au milieu du XIXe
siècle, à la fin du XIXe et même jusqu'à
l'époque de 1930, au Québec, quand, associant langue et religion,
l'on défendait les écoles catholiques et l'on voulait que l'Etat
reconnût uniquement les écoles dites confessionnelles.
Depuis lors, il faut le constater et surtout l'admettre, la
société a évolué. La pensée mondiale a
évolué. La rigueur doctrinale s'est assouplie, adoucie ou
peut-être ramollie. Mais il reste le fait que nous ne sommes plus en
présence, sur le plan religieux, de blocs monolithiques et que nous
devons faire face à cette réalité internationale,
universelle du pluralisme religieux.
Il est à propos de rappeler ce que mon collègue, le
député de Bagot, disait en commission parlementaire, ce que le
ministre a repris ici en Chambre, que le dynamisme personnel, l'engagement
personnel sont peut-être aujourd'hui de meilleures garanties que les
textes juridiques, ce qui ne veut pas dire toutefois que l'on ne
m'interprète pas faussement que l'Etat n'a pas le devoir
d'inscrire, dans des
textes juridiques, des garanties qui permettent à des
majorités importantes de voir leurs droits respectés,
particulièrement dans ce domaine des croyances religieuses.
Mais personnellement, M. le Président, ayant suivi ou ayant
essayé de suivre, dans le mesure de mes moyens, l'évolution de
l'Eglise catholique romaine, qui est la mienne, je me dis qu'il y a quand
même eu, depuis un certain nombre d'années, des étapes
extrêmement significatives. Il y a eu ce mouvement de
l'oecuménisme, il y a eu Vatican Il, il y a eu encore, tout
récemment, le Synode des évêques catholiques romains. Tous
ces hommes, qui sont quand même des gens de doctrine, des gens de
pensée, qui n'ont pas besoin de citer des textes qu'ils ne comprennent
pas pour appuyer leurs avancés, ont quand même indiqué aux
fidèles catholiques quelle était l'orientation
générale de l'église, quelle pouvait et devait être
l'orientation du chrétien qui se sent engagé dans une religion et
relié intimement à une foi, à un credo qu'il professe.
Je demande donc au ministre dans sa réplique, il nous
fournira sans doute des renseignements, des éclaircissements
d'expliquer les mécanismes qui permettront au comité catholique,
au comité protestant d'assurer, à l'intérieur de
l'école qu'on la prenne comme entité morale, qu'on la
prenne comme entité physique des garanties à tous ceux qui
veulent que subsiste dans l'école un enseignement confessionnel conforme
aux différentes religions qui s'y trouvent
représentées.
Je ne veux pas insister beaucoup sur cette question de la religion, sauf
comme je viens de l'indiquer pour demander au ministre de nous
fournir tous renseignements utiles sur les mécanismes. Je voudrais faire
observer en même temps je pense que c'est une
réalité que l'on oublie que nous vivons en régime
démocratique, que les structures scolaires qui sont proposées
pour l'île de Montréal seront quand même des structures
démocratiques et que la démocratie, à ce palier comme
à tout autre niveau, sera vécue, exercée par des gens qui
seront des maîtres, des parents, des catholiques, des protestants, des
juifs, des neutres, par conséquent des gens qui ont tous
intérêt à ce que ce qu'ils considèrent comme des
valeurs fondamentales soit respecté.
Je trouve que c'est parler sans raison que de dire: Bien, on crée
une structure gigantesque. Certes, j'ai peur des structures gigantesques et
j'ai peur de cette structure que l'on va créer pour l'île de
Montréal, à cause des mécanismes nombreux qu'elle
comportera et de la lourdeur de ces mécanismes.
Mais je crois que lorsqu'on parle de structure gigantesque et que l'on
compare cela à la pratique de la démocratie, l'on oublie que ce
sont des hommes qui mettent en pratique les principes qui inspirent la
démocratie. Par conséquent, si ce sont des maîtres, si ce
sont des parents, des gens qui, comme vous et comme moi, sont
intéressés à ce qu'il y ait à l'école tel
type d'enseignement, ces gens, usant des moyens démocratiques qui sont
mis à leur disposition par la loi no 28, voudront s'assurer que les
valeurs qu'ils défendent seront défendues. Par qui? Par
eux-mêmes. Et cela, s'il le faut, contre le gouvernement et contre
certaines personnes qui seront mises en place lorsque l'on aura
procédé à la création des diverses structures et
des divers mécanismes que propose le projet de loi no 28.
Je crois donc que c'est fausser le problème que de dire: Il n'y a
pas de démocratie, on ne consulte personne, on bâtit une structure
gigantesque, les parents n'auront plus rien à voir à
l'enseignement. Mais ce sont des parents, ce sont des maîtres qui vont
être dans les structures et ce sont eux qui vont les bâtir, puisque
ce sont eux qui auront le droit de voter lorsqu'il s'agira de choisir les
personnes qu'ils croiront capables de les représenter et de
défendre les valeurs dont on parle, sans trop jamais les
définir.
Par conséquent, je rappelle au ministre qu'il a l'obligation de
nous rassurer, de nous montrer comment vont se manifester dans les textes
législatifs les garanties dont il a parlé lors du discours de
présentation de son projet de loi, ces garanties dont il a parlé
d'ailleurs à maintes reprises au cours des auditions devant la
commission parlementaire.
Il y a un autre problème qui me préoccupe, c'est le
problème de la langue. Sujet délicat, sujet explosif, sujet dont
tout le monde nous rebat les oreilles à tout instant du jour: la langue
française. La langue française parlée par une
communauté qui est ici en majorité de langue et de culture
françaises, mais parlée Dieu sait comment!
Ici même en ce Parlement, les défenseurs de la langue
française, quand les avez-vous entendus parler français?
C'est la question que je me pose lorsque j'écoute ces discours
émouvants, ce que j'en comprends qui peut m'émouvoir. Il y a dans
le projet de loi no 28, des garanties en ce qui concerne la langue. Je me pose
toutefois la question et je me la pose en toute honnêteté
par-devers moi. Est-ce que le ministre, même si ce projet de loi
n'a pas pour but de régler la question linguistique, ne risque pas de
provoquer inutilement des conflits violents en légiférant, par le
projet de loi no 28, en matière de langue, sans qu'auparavant son
gouvernement nous ait fourni des indications sur la politique qu'il entend
suivre?
Nous avons vu devant la commission parlementaire minorité et
majorité linguistiques s'affronter et de façon violente. On avait
critiqué le projet de loi déposé par mon collègue,
le député de Bagot, le projet de loi no 62. On est venu nous dire
qu'à cet égard, au sujet de la langue, le projet de loi no 28
marque un net recul.
Nous avons, encore une fois devant cette commission parlementaire, vu
défiler des gens
qui nous ont ballottés entre deux formes d'extrémisme. Et
des formes d'extrémisme assez difficiles à percevoir,
appréhender au sens philosophique du terme, puisqu'il est venu devant
nous des gens qui nous demandaient, demandaient au gouvernement de
décréter l'unilinguisme français au Québec, de
décréter que tout l'enseignement serait donné en
français dans les écoles de Montréal y compris dans les
écoles de langue anglaise, l'anglais devenant une langue seconde, et ces
mêmes gens, du même souffle, déclaraient qu'ils voulaient
protéger les droits de la minorité anglophone.
En face de propositions comme celles-là, M. le Président,
en toute honnêteté intellectuelle, en toute honnêteté
morale et au regard de ce que l'on appelle les droits fondamentaux, je me
demandais: Mais comment puis-je me résoudre moi, législateur,
à prendre une attitude définie, rigoureuse, qui respecte à
la fois ces exigences que l'on formulait et, d'autre part, les droits dont on
nous disait qu'ils devaient être défendus?
A propos de ce projet de loi, M. le Président, toujours dans le
domaine de langue, on a parlé de la langue de l'administration de cette
future grande commission scolaire, de ce futur grand organisme scolaire de
l'île de Montréal. On a proposé que, pour cette grande
structure, la langue de communication soit le français. Je n'aurais pas
personnellement objection à cela, sous toute réserve que l'on
veuille bien nous indiquer de quelle façon cela pourrait être mis
en pratique, de quelle façon cela pourrait, si vous voulez, permettre
des relations faciles, efficaces.
Mais, je vous le dis, personnellement je n'objecterais rien en principe
à une proposition de cette nature. On nous a demandé de
créer des écoles rigoureusement françaises et cela
partout, même dans les écoles anglophones, où l'anglais
deviendrait la langue seconde. Comment concilier cette proposition avec ce que
l'on appelait le respect des monorités?
Naturellement, vous le pensez bien, M. le Président, on a
parlé de la loi no 63, dont on a dit qu'elle avait été le
point de départ d'un recul épouvantable sur le plan de la
qualité du français, du nombre de gens qui s'inscrivent dans les
écoles et qui parlent couramment le français, sans toutefois
pouvoir nous donner des chiffres, sans nous fournir des statistiques valables.
Je ne parle pas des statistiques récentes que l'on a
interprétées dans les journaux de toutes sortes de façons,
de façon insidieuse et fausse.
Sont, quand même, venus devant nous des gens responsables qui
n'ont pas été capables de nous dire quels avaient pu être
les effets de la loi 63 dans l'ensemble de la structure scolaire de l'île
de Montréal et dans la population scolaire de l'île de
Montréal.
M. le Président, je vais vous dire une chose qui va
peut-être en surprendre plusieurs. Je demanderais au gouvernement de
rappeler la loi 63. Qu'il la rappelle, qu'il la change, qu'il en propose une
autre, mais que sa démarche soit précédée de
l'exposé d'une politique globale de la langue, qui rejoigne les grands
objectifs dont on nous a parlé tant et plus, en commissions
parlementaires ou ailleurs et qu'exposait le premier ministre: le
français, langue de travail dans le Québec.
Je suis prêt à demander au gouvernement de rappeler la loi
63 et de proposer un projet de loi-cadre ou un ensemble de projets de loi qui
permette à deux communautés linguistiques et culturelles de vivre
en paix et de s'épanouir conformément aux exigences de leur
culture respective, de leur histoire, de leur psychologie. J'ai, depuis des
années, parlé de la langue. J'ai travaillé dans le domaine
de la langue. J'ai enseigné la langue française, et c'est un
problème qui m'a toujours préoccupé au premier chef.
J'ai suivi, dans ce domaine, une sorte d'itinéraire. Ma
démarche aujourd'hui en est à ce point que je me pose la question
suivante: Est-ce que, par le moyen d'un décret j'entends un
décret portant sur la langue le gouvernement provoquerait ce
dynamisme dont nous avons besoin pour poursuivre cette lutte ardue que nous
avons menée pendant des années et des années et nos
devanciers bien avant nous afin de conserver l'héritage culturel
français? Est-ce qu'une loi viendrait y changer quelque chose? Est-ce
qu'une loi viendrait accroître ce dynamisme? Je me pose
sérieusement et honnêtement la question.
En me posant la question, cela ne signifie pas que je me refuse à
l'idée d'une loi qui irait dans ce sens-là, mais je voudrais voir
quel cas les citoyens en feraient. Est-ce que, demain, si par hypothèse
on imposait le français comme langue obligatoire dans le Québec,
à tous les paliers, dans tous les domaines, la population s'en
trouverait pour autant plus forte? Est-ce que son dynamisme s'en trouverait
accru et est-ce que la qualité de la langue se manifesterait à un
point tel que l'on dirait: C'est cela que nous attendions, c'était
là la mesure salvatrice?
J'ai des doutes, j'ai de sérieux doutes, même si,
personnellement, compte tenu des circonstances, compte tenu d'une conjoncture
favorable, compte tenu d'un accord entre les composantes humaines de notre
collectivité, on adoptait une loi comme celle-là, je n'aurais pas
d'objection et je n'aurais pas d'objection à la proposer moi-même.
Mais, ayant entendu ce que j'ai entendu à la commission parlementaire
qui a étudié le projet de loi no 28 comme j'avais entendu les
personnes qui s'étaient présentées devant nous lors de
l'étude du projet de loi no 62, comme nous avions entendu les gens qui
avaient discuté avec nous le projet de loi no 85, je suis encore
aujourd'hui dans l'incertitude absolue et surtout dans une sorte de gêne.
J'éprouve une sorte de gêne, de malaise en me disant: Est-ce que
cette démarche satisferait les gens qui nous demandent de la faire,
est-ce que ce geste contenterait les gens qui nous deman-
dent de le poser et, surtout c'est là le plus important
est-ce que ce geste apporterait quelque chose qui soit de nature,
à brève échéance et de façon efficace,
dynamique, à améliorer la qualité de la langue qui nous
sert de moyen d'expression?
En étudiant le projet de loi no 28, ici en Chambre comme en
commission parlementaire, je me pose toujours cette question: Comment concilier
les exigences que personne ne nie... Quand j'entendais tout à l'heure un
député nous dire qu'il était le premier à en parler
en cette Chambre, vous vous imaginez bien que j'en ai ri. Je l'ai d'ailleurs
fait observer, M. le Président, naturellement sous toutes
réserves de ce que j'avais pu comprendre parce que je ne croyais pas que
ce député s'exprimait en français. Mais quand j'entendais
ça tout à l'heure, je me disais que ce n'est quand même pas
nouveau que l'on parle de la langue ici. Nous en avons parlé depuis des
années, des années et des années, et après toutes
ces heures d'audition, après toutes ces heures de travail en commission
parlementaire, ayant entendu les voix de toutes sortes d'organismes, nous ne
sommes pas plus avancés que nous ne l'étions.
On nous dit: Vous manquez de courage, vous avez trahi la nation, vous
manquez de force. M. le Président, je m'excuse de rappeler ce terme en
Chambre, on nous a même dit: Tous les députés, tous les
parlementaires d'hier et d'aujourd'hui sont des prostitués parce qu'ils
n'ont pas défendu la langue. Je me dis que les premiers
prostitués que je connaisse sont ceux qui ne savent pas s'exprimer en
français lorsqu'ils viennent nous parler de la langue française
en commission parlementaire.
Alors, aujourd'hui, je vous avoue que je suis encore très
perplexe, très hésitant. Je me pose une question, qui est une
question sérieuse et je la pose au ministre: N'eût-il pas mieux
valu, avant que de toucher à cette question de la langue dans le cadre
du projet de loi no 28, nous dire exactement ce que le gouvernement du
Québec entend faire? Et je vais donner tout de suite la réponse
au ministre. Le gouvernement du Québec ne fera pas plus qu'aucun autre
gouvernement n'a fait avant, sinon d'apporter des correctifs, des mesures qui
vont progressivement améliorer la situation dans le domaine, par
exemple, de l'affichage, dans le domaine des raisons sociales, dans le domaine
de la révision de la codification des lois, dans le domaine scolaire
pour permettre un enseignement plus dynamique du français, pour exiger
des anglophones qu'ils apprennent davantage le français. La seule chose,
je crois et nous en avons fait l'expérience avec la loi no 63
qui pourrait être immédiatement corrigée, c'est le
cas des immigrants, et encore là cela pose le problème des droits
fondamentaux. J'ai dit en commission parlementaire que je n'aurais aucune sorte
d'objection à ce à condition de bien définir ce
qu'est, en 1971, un immigrant que l'immigrant soit obligé de
s'inscrire à l'école française.
Mais le reste sera des mesures qu'il nous faudra prendre
progressivement, afin d'y habituer les citoyens, afin de les engager dans un
mécanisme qui mette en valeur, une fois pour toutes, leur dynamisme
latent. Parce que, quoi que fasse l'Etat et l'histoire est là
pour le prouver les langues, depuis des siècles, se font et se
défont, et cela en raison du dynamisme interne des populations qui les
parlent. C'est une loi constante des civilisations.
Que sera la langue française parlée en France, dans 50
ans? Que sera la langue française parlée en Amérique du
Nord, dans 50 ans? Je ne le sais pas. Pas plus qu'on ne savait, à la fin
de la grande époque du latin à Rome et dans les provinces
romaines, que cette langue était déjà sur le point de
disparaître pour faire face, en ce qui nous concerne, au roman, qui est
devenu finalement la langue française que nous parlons encore
aujourd'hui.
Plusieurs témoins qui ont comparu devant la commission
parlementaire et des gens de langue française représentant des
organismes canadiens-français nous ont demandé de mettre dans les
programmes d'enseignement beaucoup plus d'anglais, afin que les
étudiants fussent préparés à faire face à la
situation qui sera la leur, celle d'une intégration dans le milieu
nord-américain qui sera non seulement leur milieu de vie mais leur
milieu de travail.
Toutes ces exigences qui, à bien des égards, sont
contradictoires me laissent, comme je vous le disais tout à l'heure,
perplexe. Je demande au ministre de nous indiquer, de façon plus
précise, quel est le cas que le ministère de l'Education entend
faire de la langue française par l'application du projet de loi no 28.
Quels sont les programmes d'enseignement du français qui seront mis de
l'avant à la suite de l'application du projet de loi no 28? Est-ce qu'il
y a des choses nouvelles qui s'amorcent dans ce domaine? Est-ce que le ministre
peut nous dire maintenant quelles seront, à plus ou moins brève
échéance, les grandes étapes que devra marquer le
gouvernement pour faire du français la langue de travail au
Québec?
Vous savez, dégageant toute la question de son contenu
émotif, et vous me permettrez, M. le Président, de terminer
là-dessus, dégageant tout ce problème de son contenu
émotif, il faut se dire que le problème de la langue restera,
pour une collectivité numériquement aussi peu importante que la
nôtre je dis numériquement et cela, d'une
façon constante, permanente, le grand défi qui sera toujours le
nôtre. Notre devoir à nous, c'est, par un dynamisme personnel, de
manifester que nous voulons, en dépit d'un environnement anglophone
nord-américain, manifester notre identité, notre
personnalité.
L'Etat a, à cet égard, des devoirs, des
responsabilités, mais ce sont les citoyens qui sont les premiers
responsables de cette manifestation de ce qu'ils sont essentiellement comme
êtres humains et comme personnes.
M. le Président, en terminant, je vous dis que
le projet de loi no 28, nous l'avons étudié très
longuement. Nous attendons les amendements du ministre de l'Education. Quant
à moi, à ce stade-ci des débats et au moment où je
vous parle, je ne suis pas encore en mesure de vous dire si, en dépit de
certains principes que j'approuve, je donnerai mon agrément au projet de
loi en deuxième lecture.
M. LE PRESIDENT (Blank): Le député de
Lotbinière.
M. Jean-Louis Béland
M. BELAND: M. le Président, aujourd'hui, nous avons, en cette
Chambre, à parler du bill 28 concernant la restructuration des
commissions scolaires de l'île de Montréal. Or, il est entendu
que, nous du Ralliement créditiste, nous acceptons cette idée
première qu'il y a un besoin de restructuration des commissions
scolaires sur l'île de Montréal.
Cependant, je dois vous dire qu'entre ce besoin de restructuration et la
restructuration pour le plaisir de faire des structures, eh bien, il y a toute
une différence. En somme, par le bill 28, ne se dessine, à notre
sens, qu'une chose: on restructure pour restructurer, un point c'est tout.
Or, à ce moment-ci, pour que les parents de l'île de
Montréal puissent avoir la possibilité de donner à leurs
enfants un enseignement adéquat, est-ce que l'on ne doit pas regarder
plus profondément à l'intérieur de ce qu'est le bill 28?
L'aspect administratif semble être le but premier de la restructuration,
les besoins réels des enfants devant passer en deuxième ou en
troisième lieu. On sacrifie des valeurs de fond pour arriver au but qui
semble être de créer un climat d'enseignement qui transformera nos
enfants, plus précisément sur l'île de Montréal, en
robots sans but, sans idéal, sans esprit d'initiative. En effet, selon
un des principes mêmes du bill, l'initiative à être
inculquée à nos enfants semble être une partie taboue,
dépassée. Nous devons en déduire que l'Etat veut
créer un climat pour que nos enfants désirent plutôt
n'être que des jouets sans défense de l'Etat.
Les valeurs de fond, donc, sont foulées aux pieds. Le
gouvernement Bourassa, par le ministre de l'Education, veut réduire
à néant toutes les valeurs morales qui, à notre sens, sont
les valeurs premières dans toute éducation.
En mettant les valeurs morales de côté, on fausse les
éléments premiers de l'ordre naturel de la vie. Un enfant ne peut
devenir un véritable être humain, dans le vrai sens du mot, s'il
ne reçoit pas un enseignement moral confessionnel. C'est évident.
L'Etat ne peut remplacer les parents. L'Etat ne peut remplacer l'enseignant
conscient de ses responsabilités par des agnostiques aux idées et
aux tendances dangereuses pour la survie de notre peuple. Le pire, c'est que
ces gens emploient des tactiques très subtiles qui ne laissent pas
présager les conséquences véritables de leurs actes.
Faire ressortir tous les principes qui se dégagent du bill 28
n'est certainement pas facile, car c'est un fouillis qui se cache sous
l'idée d'un besoin de restructuration. Qu'il y ait une certaine
restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal
je l'ai dit tantôt j'en suis. Il y a un besoin de
changement pour que l'enseignement et les formules administratives soient plus
adaptés aux besoins de cette population. Cela, c'est bien. Mais pas
n'importe comment. On ne doit pas fouler aux pieds, et même
écraser avec un rouleau compresseur, toute possibilité d'un
enseignement confessionnel pour cette région ou pour les autres
régions de la province, compte tenu du fait que les parents le veulent
confessionnel.
Après un certain relevé statistique, environ 98 p.c. de la
population désirent un enseignement confessionnel comme système.
Pourquoi le ministre ou ses adjoints veulent-ils doter la province d'un
système d'enseignement quasi totalement neutre, s'il n'y a que 2 p.c. de
neutres parmi cette même population?
En commission parlementaire, Mgr Grégoire a fait ressortir
certaines nécessités d'adaptation de notre système en
tenant compte de l'émancipation de notre société. Il
disait drôlement vrai. Il y a un besoin de certains changements, oui,
mais pas n'importe lesquels.
Les Chevaliers de Colomb du Québec ont fait valoir certaines
nécessités absolues en matière d'enseignement. Si le bill
était adopté tel que présenté, quelle serait la
part de décision que pourraient apporter les parents? C'est sur cela que
les Chevaliers de Colomb du Québec s'interrogent.
A ce moment-ci, M. le Président, je me permettrai de lire un
télégramme qui a été adressé par l'honorable
Maurice Perron, député d'Etat, Chevaliers de Colomb du
Québec, à beaucoup de membres de cette Chambre. Il disait, entre
autres: "Les 65,000 membres unis des Chevaliers de Colomb du Québec vous
demandent de tenir sérieusement compte du mémoire adressé
à la commission parlementaire de l'Assemblée nationale par Son
Excellence Mgr Paul Grégoire, archevêque de Montréal. "Ce
mémoire sur le projet de loi restructuration scolaire de l'île de
Montréal a été appuyé sans réserve par tous
les évêques du Québec. Il propose: "1. Une restructuration
scolaire progressive. "2. La mise en place d'un conseil scolaire au niveau de
l'île de Montréal".
Je pourrais continuer à énumérer comme cela.
Toutefois, je me limiterai à la toute fin de son
télégramme, lorsqu'il dit: "J'espère que vous voterez en
toute conscience non pas pour imiter les autres banquettes mais en toute
conscience sur ce projet de loi important, pour la paix et le progrès de
la liberté religieuse de tous les citoyens du Québec, dans le
domaine de l'éducation". Lorsqu'il parlait de liberté religieuse,
cela prévaut pour n'importe laquelle confessionnalité, qu'elle
soit catholique, protes-
tante, juive ou autre. Or, M. le Président, l'Etat doit-il dicter
aux individus la faction religieuse que ceux-ci doivent embrasser ou si le
système doit être adapté en fonction des voeux des
différentes formations confessionnelles? Le ministre ignorera-t-il les
65,000 personnes qui ont des principes de vie sains, qui ont des principes de
vie humains, des principes de charité et de fraternité
inébranlables?
Si l'on ne change pas lés principes de base dans le bill,
sera-t-on obligé de penser que le ministre prétend que ces 65,000
chevaliers de Colomb du Québec, aux pensées honnêtes, sont
des imbéciles?
M. le Président, ce bill 28, à notre sens, n'est que
source de conflits passionnels, il n'est que source de désordre futur.
Même le comité protestant de Montréal, dans un
éditorial qui a paru récemment, dit qu'il rejette le projet
d'intégration tel que proposé. Les communautés juives nous
ont également envoyé de la documentation dans ce sens.
M. SAINT-PIERRE: Me permettez-vous une question? C'est que jusqu'ici,
venant de votre secteur, on était très intéressé
par l'aspect de la confessionnalité, non pas par les protestants et les
juifs, mais par la religion Catholique avec un grand C et la
langue française. Pourriez-vous peut-être citer, sur le plan du
principe même du projet de loi c'est-à-dire la commission
scolaire unifiée les appuis qui sont venus de groupes que je
considère, qui représentent sûrement autant de voix que les
Chevaliers de Colomb et qui, eux, ont endossé le principe de la
commission scolaire unifiée comme étant un mécanisme
permettant d'atteindre les objectifs que vous partagez et qui, d'autre part,
donnent dans le texte de loi des mécanismes pour assurer des garanties
constitutionnelles?
Vous nous parlez de la religion catholique et de la langue
française, mais vous me citez les juifs et les protestants. Cela ne
m'impressionne pas.
M. BELAND: M. le Président, je ne sais à qui fait allusion
le ministre, dans ses allégations. Par contre, nous n'avons jamais tenu
qu'aux catholiques. Nous avons regardé, dans l'étude que nous
avons faite du bill 28, toute autre confessionnalité comme celle des
catholiques, toute autre confessionnalité. A ce moment-là, cela
les comprend toutes, non pas une d'entre elles.
Je crois que l'honorable ministre devrait relire son bill. Reporter
l'application administrative totale de la tour de Babel parce que
j'appelle tour de Babel le bill 28 tel que rédigé au 1er
juillet 1975...
M. SAINT-PIERRE: Le ministère de l'Education, c'est quoi, si le
bill 28 est une tour de Babel?
M. ROY (Beauce): C'est la plus grosse.
M. SAINT-PIERRE: Il n'y a qu'une tour de Babel dans l'histoire.
M. SAMSON: C'est la tour de contrôle des tours de Babel.
M. BELAND: C'est d'ailleurs celle qui s'apprête à
être le plus haut sommet de la ville de Québec.
D'ailleurs...
M. SAINT-PIERRE: C'est le phare qui va éclairer toute la
population.
M. BELAND: ...taxer à partir du 1er juillet 1973, taxer tout le
temps. Des taxes pour le financement ou par le financement ou sur le
financement. On a essayé de redorer le blason, si blason il y a.
Dans l'énumération au niveau des principes, on parle, par
exemple, de minorités linguistiques. On dit qu'il y aura deux personnes
seulement comme observateurs. Ils doivent être forts, ceux-là.
On dit que le responsable des questions religieuses, catholiques ou
protestantes, sera sous l'autorité de la commission scolaire neutre. En
canadien-français, ça veut dire quoi exactement? Cela veut dire
jusqu'à quelle ampleur? On ne le sait pas. La participation des parents
est trop fictive pour être acceptable.
M. SAINT-PIERRE: Est-ce que M. le député me permet une
question? C'est parce que c'est très intéressant ce qu'il
soulève.
Mgr Lafontaine vous le connaissez qui représente
l'Office de catéchèse du diocèse de Montréal
à la commission parlementaire, lorsqu'il est venu témoigner
j'ai beaucoup de respect pour son point de vue, je sais qu'il s'est
penché avec attention sur le problème disait ceci,
à la page b)...
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, j'ai posé une question,
on m'a accordé le droit de parole, le député est
assis.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. SAMSON: M. le Président, en vertu de notre règlement,
l'honorable ministre doit demander à notre député s'il
peut lui poser une question.
M. SAINT-PIERRE: C'est ce que j'ai fait.
M. SAMSON: Mais nous constatons que, depuis le début de ses
interventions, l'honorable ministre ne pose pas de questions, il fait des
affirmations. Alors, si ce sont des affirmations qu'il veut faire, qu'il les
fasse lors de sa réplique et nous l'écouterons avec beaucoup de
plaisir.
M. BOIS: Deux heures, trois heures, si vous voulez.
M. SAINT-PIERRE: M. le député, est-ce que c'est
bien une question ça vous êtes d'accord avec Mgr Lafontaine
qui dit: "Au moins si vous appeliez le directeur de l'enseignement catholique,
il y aurait une responsabilité au niveau des cadres." Et dans
l'amendement nous disons: "Le responsable des questions religieuses est un
conseiller auprès du directeur général."
Est-ce que vous êtes d'accord que c'est satisfaire une des
demandes que formulait Mgr Lafontaine sur le plan de la
confessionnalité? Et que, réellement, le placer au niveau du
directeur général, c'est le placer au niveau des cadres de la
commission scolaire.
M. BELAND: M. le ministre, je dois vous répondre que nous sommes
en faveur qu'il y ait suffisamment de garanties juridiques, et nous avons des
comptes à rendre strictement aux électeurs de la province de
Québec.
Et je continue dans ce sens-ci. Le Parti libéral n'avait pas
à son programme la neutralisation de notre système d'enseignement
au Québec. Et je me demande comment il se fait qu'on apporte cette
neutralisation d'une façon intégrale, d'une façon
complète à l'ensemble de la province dans le bill présent?
Non, peut-être, mais ce sera dans un an ou deux ans que cela sera
appliqué au reste de la province.
Nous ne pouvons certainement pas accepter des choses semblables. Par
conséquent, le gouvernement reporte l'odieux de la mise en application
de tout le système en 1975, parce qu'il sait à l'avance
qu'après l'établissement intégral de ce dit
système, il va se faire battre à la prochaine
élection.
Les anglophones menacent de porter le bill 28 devant les tribunaux.
M. VEILLEUX: Pas par vous autres. Vous avez de l'ouvrage à
faire.
M. BELAND: Nous avons vu cela également. Que veulent les neutres?
Ici, je crois que l'honorable ministre devrait se déboucher les
oreilles. 1- la dépersonnification et la déshumanisation de nos
enfants, également la destruction du développement du dynamisme
personnel. 2- Le remplacement de la logique appuyée sur la morale
confessionnelle par le goût de l'absurde, imaginez! 3- Une mainmise de
l'Etat par l'intermédiaire de règlements dictés par des
neutres et acceptés, pour ne pas dire bénis, par le ministre de
l'Education. En d'autres mots, la création d'un Etat éducateur
neutre qui impose ses quatre volontés au peuple tout en prenant bien
soin d'effacer petit à petit tout enseignement par des religieux ou
religieuses, cela dit dans une phraséologie qui ne laisse à peu
près rien soupçonner au même peuple; 4- Au lieu d'un
éventail de pouvoirs de décision aux parents, il ne restera que
de très petits paliers pour eux et simplement à titre soi-disant
consultatifs; 5- L'enfant, devenant petit à petit sans morale
confessionnelle et en même temps, à cause de la soi-disant
évolution certains autres députés ont parlé
tantôt de la soi-disant évolution; ce n'est pas que nous sommes
contre l'évolution, au contraire, mais une évolution dans le bon
sens l'enfant, dis-je, peut de moins en moins dialoguer avec son
professeur, lui-même devant changer de local d'enseignement après
chaque période de cours. Celui-ci, et je parle de l'enfant, deviendra
perdu dans cette gigantesque marée. N'ayant personne avec qui communier,
dialoguer continuellement, il perdra fatalement l'équilibre et
s'adjoindra à des gangs de hippies, de prêts à tout faire.
Donc il sera vite un candidat possible à la "felquisterie" ou à
d'autres mouvements analogues, après quoi cela justifiera le ministre de
la Justice et ses adjoints d'intervenir et de le fouter en prison.
C'est vers cette avenue de révolution sanglante que nos bons
ministres du gouvernement Bourassa veulent diriger les jeunes de
Montréal et, dans deux ou trois ans, les jeunes du reste de la province.
Et le ministre de l'Education affiche la mine d'une personne toute
scandalisée du fait que nous n'appuyons pas ce bill. La population qui
nous a élus, nous du Ralliement créditiste du Québec, est
une population honnête et réaliste, qui veut le bien réel
de la jeune génération. Donc, l'Etat contribue à
désorienter notre jeunesse, et cela justifie le ministre de la Justice,
et le ministre de l'Education dans l'engagement de quantités
d'orientateurs et par le fait même contribue aux 100,000 emplois,
difficile amalgame.
La confessionnalité, maintenant. En ce qui concerne justement un
autre aspect de ce qui est traité à l'intérieur du bill no
28, la confessionnalité est-elle un handicap ou a-t-elle
été un handicap à la formation professionnelle dans le
passé? Moi, je dis non, et très loin de là. Nous avons de
multitudes d'exemples au niveau de médecins très consciencieux au
Québec, au niveau, par exemple, d'ingénieurs. Qu'on se rappelle
un tout petit exemple, qui est quand même un exemple formidable, celui
des cinq ingénieurs qui ont tracé les plans du barrage de la
Manicouagan et qui l'ont exécuté. Ce n'étaient quand
même pas des fous, ces gars-là et ils ont été
instruits...
M. SAINT-PIERRE: Cinq?
M. BELAND: ... éduqués à l'intérieur de
cadres confessionnels. Il y a également à l'intérieur de
la province de Québec...
M. VEILLEUX: Est-ce qu'ils ont mis une croix sur le barrage?
M. BELAND: ... d'éminents avocats, peut-être pas en cette
Chambre, mais à l'extérieur de
la Chambre. Il y a également d'éminents historiens,
d'éminents sculpteurs. Leur esprit a tout été bâti
à l'intérieur du système d'enseignement qui existait. Il
vaudrait mieux, je crois, M. le Président, tendre à
améliorer ce que l'on a plutôt que de tout fouter par terre et
essayer d'inventorier quelque chose qui n'a été mis en pratique
que sous des régimes totalitaires ou autres.
Il vaut mieux prévenir que guérir. Ah, me direz-vous, elle
est vieille, celle-là! Oui, c'est un vieux cliché, mais qui a
toujours sa vérité. Et je termine par là, M. le
Président, mes observations, car je ne veux pas m'aventurer dans
d'autres domaines. Je serais trop long, peut-être pour le ministre; ce
serait trop dur pour ses oreilles.
Motion de report à six mois
M. BELAND: En terminant, je me base sur les articles 557 et 558 de notre
règlement, selon la formule 60, pour apporter une motion devant la
Chambre. J'ai l'honneur de proposer, appuyé par le député
de Saint-Sauveur, que la motion en discussion soit amendée en
remplaçant tous les mots "après que" par les suivants: La Chambre
est d'avis que le bill 28, intitulé Loi concernant la restructuration
des commissions scolaires sur l'île de Montréal, ne soit pas lu
maintenant, mais reporté à six mois.
M. VEILLEUX: On l'attendait, celle-là. On l'attendait. Vous
voulez faire perdre le temps des membres de l'Assemblée nationale.
Là, on vous reconnaît !
M. BOIS: Non, on veut empêcher vos enfants de perdre leur temps,
plus tard.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il des députés qui veulent parler
sur la motion?
L'honorable député de Rouyn-Noranda.
M. TETLEY: M. le Président, tout simplement sur la
recevabilité. Je ne discute pas votre opinion, mais, si tout bill est
mort au 31 décembre je vois une erreur de forme dans la motion
comment peut-on remettre le bill à six mois? C'est aujourd'hui le
6 décembre, on peut remettre le bill pour 25 jours peut-être, mais
tout bill sera mort au 31 décembre.
M. LE PRESIDENT: Le règlement ne tient pas compte de la
prorogation de la Chambre. Le règlement donne le droit de remettre un
bill à deux, trois ou six mois. C'est la coutume habituelle.
M.TETLEY: C'est peut-être la coutume, mais le règlement ne
peut pas contredire la loi, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Peut-être, avec le changement du règlement
cette section sera-t-elle changée, mais, pour le moment, le
règlement donne droit à cette motion.
M. TETLEY: J'accepte votre décision, mais tout règlement
doit suivre la loi.
M. Camille Samson
M. SAMSON: Merci, M. le Président. La motion que nous avons
devant nous est, évidemment, très importante, à notre
point de vue. Pourquoi demandons-nous de reporter à plus tard
l'étude du bill? Evidemment, nous avons des raisons; nous ne
demanderions sûrement pas de reporter à plus tard l'étude
du bill uniquement pour retarder les travaux de cette Chambre. Loin de
là notre pensée.
M. VEILLEUX: C'est ce que vous faites.
M. SAMSON: Nous croyons tout d'abord, et ce en partant...
M. PAUL: Sur un rappel au règlement, M. le Président, en
présentant mes excuses à l'honorable député de
Rouyn-Noranda. Dois-je comprendre que vous avez reçu la motion?
M. LE PRESIDENT: Oui, j'ai même reçu la motion avant le
discours du député de Notre-Dame-de-Grâce. C'est seulement
par courtoisie que je l'ai laissé parler.
M. SAMSON: Merci, M. le Président. Ce qui nous a incités
à présenter la motion pour retarder la deuxième lecture du
bill, c'est que nous voulions permettre au gouvernement de faire certaines
démarches. Je me base sur des nouvelles parues ce matin, dans le journal
Montréal-Matin. On peut y lire ce qui suit et c'est assez important pour
que nous soyons amenés à présenter cette motion: "Le bill
28 contesté en cour. Des groupements anglophones et francophones,
protestants et catholiques, se préparent à contester
conjointement, par des actions en justice, le bill 28 après son
adoption. Lors d'une réunion générale spéciale de
l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, tenue
samedi, le président, M. B.F. Coolon, a fait rapport de ce fait nouveau
aux délégués venus de tous les coins de la province. La
réunion spéciale avait été convoquée pour
discuter et décider du moment où serait entreprise l'action
judiciaire proposée, telle que recommandée par les conseillers
juridiques, à la lumière de l'actualité. "Participaient
à la réunion, les quatre membres du comité juridique
spécial: le professeur Frank Scott, Me Jean Marineau, Me T.P. Howard,
Peter Laing, ainsi que Me Robert Stark, conseiller juridique de l'ACSPQ. "Par
un vote quasi unanime de plus de 100 délégués
présents, l'association a résolu que la ou les actions en justice
prévues par cette
organisation, relativement au projet de loi no 63, au règlement
no 6 et au projet de loi no 28, soient instituées à une date et
dans un ordre à déterminer par les administrateurs et, si
possible, en consultation avec les membres du comité exécutif.
"Une action et ce passage de l'article du journal est assez important
du même genre fut approuvée, par résolution
distincte, quant aux articles du projet de loi no 28 réorganisant les
commissions scolaires de l'île de Montréal qui sont
considérés anticonstitutionnels. Les
délégués ont été informés
d'objections au projet de loi no 28 du côté catholique et des
tentatives effectuées par des représentants catholiques en vue
d'en arriver à une action commune. Les délégués
représentant des commissions scolaires de plusieurs régions de la
province ont fait état des relations harmonieuses existant entre les
organismes scolaires anglophones et francophones dans leur localité et
de la profonde inquiétude que ressentent nombre de francophones quant
à la protection des droits des Québécois anglophones en
matière d'éducation. Le point de vue des personnes
présentes à la réunion fut exprimé par l'un des
conseillers juridiques qui déclara: "Compter sur la bonne
volonté, non, ce qui compte c'est la loi."
Evidemment, nous nous attendions à une telle prise de position.
Déjà aux commissions parlementaires nous avions senti que des
groupes se préparaient à contester la constitution-nalité
du bill 28. C'est pourquoi nous demandons aujourd'hui, par la motion que nous
proposons devant cette Chambre, de reporter à plus tard la
deuxième lecture de ce bill afin de permettre au gouvernement de le
soumettre à la cour Suprême, de demander des avis avant que nous
ne soyons devant le fait accompli, avant que des associations, des groupes de
personnes ou des individus qui ont déjà fait connaître leur
intention d'attaquer la constitutionnalité du bill 28 ne le fassent.
Evidemment il y a aussi le fait que le gouvernement n'a pas suffisamment
démontré, dans les amendements ou les thèmes d'amendements
qui nous ont été suggérés, l'urgence de lire
maintenant en deuxième lecture le bill 28 puisque nous retrouvons, dans
des voeux pieux, qu'il y aurait possibilité d'application progressive du
bill 28 une fois qu'il aura été adopté en cette Chambre.
Cela veut dire, application progressive, que le bill ne sera peut-être
pas appliqué avant 1975 et l'aspect de la taxation a été
largement exploité, je pense. On parle d'appliquer la nouvelle taxation,
suivant les principes du bill 28, en 1973 seulement; cela voudrait dire,
à toutes fins pratiques, que même si le bill 28 était
adopté immédiatement son application intégrale ne se
ferait pas, suivant les voeux que nous avons cru comprendre, avant 1975 et que
l'application de la nouvelle formule de taxation ne se ferait pas, elle avant
1973.
Donc il n'y a pas urgence.
M. VEILLEUX: Il n'a pas encore compris.
M. SAMSON: Il n'y a pas urgence en nous basant sur ce qui nous a
été dit, parce que nous n'avons pas, devant cette Chambre, les
amendements tels que le ministre les a suggérés. On nous a, bien
sûr, fait part de thèmes d'amendements, on nous a fait part de
certains principes d'amendements mais ceux-ci ne sont pas là. Le
ministre attend le comité plénier pour nous les faire
connaître. Mais, comme nous ne sommes pas actuellement tellement certains
de ce qui s'en vient comme amendements, comme nous ne sommes pas tellement
certains s'ils vont changer réellement les principes de base du bill 28,
nous demandons au gouvernement d'accepter cette motion de reporter la
deuxième lecture de ce bill à six mois. Cela lui permettrait de
réétudier toute cette question et peut-être de faire part
sûrement, si nous avons un peu de temps devant nous de tous
ces amendements avant la deuxième lecture.
Qui sait, si nous connaissons l'ensemble des textes des amendements qui
sont à soumettre en cette Chambre, peut-être aurons-nous à
réétudier nous aussi, d'une tout autre façon, ce bill 28,
dans une optique peut-être différente.
Pour le moment, nous sommes obligés de nous baser sur ce que nous
avons devant nous. Nous sommes obligés de prendre position sur le bill
28 tel qu'il existe, tel qu'il a été présenté et
sur les renseignements que nous en avons. Mais il y a ce grand point
d'interrogation que le ministre se réserve. Je reconnais que le ministre
a évidemment le droit de réserver et de déposer ses
amendements seulement après la deuxième lecture, mais, quand
même, il y a que les députés de cette Chambre ont le droit
de savoir, parce que nous, nous avons à discuter sur un bill qui est de
la plus haute importance. Ce que nous avons à décider
aujourd'hui, si on passe immédiatement à la deuxième
lecture, cela pourra être grave de conséquences, selon le cas,
pour des années et des années à venir.
Cela veut dire que, dans 30 ans ou dans 50 ans d'ici, les gens qui
auront à appliquer cette loi et qui devront oeuvrer dans les cadres de
cette loi no 28, évidemment, pourront ou bien nous faire des reproches
ou bien nous dire que nous avions fait tout notre devoir.
Ce que nous voulons, nous, c'est ne pas nous tromper. Nous voudrions
que, justement, la loi no 28 soit une loi qui représente bien les
aspirations légitimes de tous les citoyens de la province de
Québec et qu'une fois adoptée nous n'ayons pas à nous
faire de reproche.
Devant tous ces faits, je considère et nous considérons,
dans notre groupe, que le gouvernement devrait retarder, devrait accepter
même de voter pour cette motion, afin de permettre davantage la
consultation, encore une fois. Je conçois que le ministre a bien voulu,
à l'occasion de commissions parlementaires, écouter les groupes
qui se sont présentés devant cette commission parlementaire, mais
encore faudrait-il penser que les commissions parlementaires ne permettent pas
tellement et pas facilement aux individus de se présenter parce que,
quand même, il faut une certaine organisation pour
présenter des mémoires à ces commissions parlementaires.
Cent mémoires, deux cents exemplaires de mémoires
abrégés, si vous voulez, cela prend une certaine organisation, et
les individus ne peuvent pas facilement se présenter et donner leurs
points de vue. Ce qui veut dire que si on veut réellement une vraie
consultation et si on ne veut pas se tromper parce que je suis
persuadé que le ministre lui-même est le premier à ne pas
vouloir se tromper il y a ce genre de consultation à la base
qu'il faudrait faire.
Cela permettrait au gouvernement, avec les six mois de délai que
nous réclamons, de faire davantage cette consultation. Cela permettrait
aussi de demander cet avis à la cour Suprême du Canada et de
donner suffisamment de temps pour que nous ayons le résultat de ces
avis. Cela ne retarderait pas, si on reporte le bill à six mois,
l'application qui est prévue pour 1975. Cela ne retarderait pas non plus
l'application de la nouvelle formule de taxation qui est prévue pour
1973. Tout ce que cela pourrait donner serait d'être davantage certains
du bien-fondé du bill 28. Cela permettrait davantage d'être
certains que des groupes ne se prévaudront pas de l'article 93 de la
Constitution canadienne de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique pour
attaquer le bill 28 constitutionnellement.
C'est évidemment en toute bonne foi que nous suggérons cet
amendement aujourd'hui et que nous demandons au gouvernement de l'accepter. Je
suis persuadé que, si le gouvernement l'accepte, il trouvera, chez les
députés de cette Chambre, les autres partis et nous aussi, des
gens qui veulent bien collaborer, si vous voulez, à l'avancement de
l'éducation dans notre province de Québec.
Encore une fois, en terminant, loin de nous l'idée de
présenter cette motion uniquement pour retarder les travaux de la
Chambre. L'idée de base et le principe de cette motion, quant à
nous, sont de permettre davantage au gouvernement d'épargner du temps,
d'avoir un délai qui lui permettra d'être certain que ce bill ne
sera pas attaqué constitutionnellement.
M. VEILLEUX: Vote! Vote! Vote!
M. Guy Saint-PierreM. SAINT-PIERRE: M. le Président... M.
LE PRESIDENT: Sur la motion?
M. SAINT-PIERRE: Oui, sur la motion.
On me donnera quelques minutes pour répondre à cette
motion de remettre à six mois l'analyse, en deuxième lecture, du
projet de loi no 28.
L'urgence? On a prétendu qu'il n'y a pas d'urgence. Je pense, au
contraire, que l'urgence de voter le projet de loi no 28 est établie
d'une façon, il me semble, très claire et très pertinen-
te. Dois-je rappeler au député de Rouyn-Noranda que la commission
Parent je l'ai mentionné dans mon texte de deuxième
lecture en 1965, il y a six ans de cela, en parlant du problème
de la restructuration scolaire de l'île de Montréal, utilisait
d'une façon abondante les mots "réforme urgente", "réforme
immédiate". Six ans se sont passés, M. le Président.
Doit-on reprendre les débats de deuxième lecture? Doit-on
reprendre l'historique qu'a fait le député de Bagot, mentionner
tous les comités d'étude qui l'ont analysé à
l'échelle de l'île de Montréal, par le biais des
consultations de groupes de travail particuliers, l'analyse de documents,
l'analyse de mémoires, le projet de loi no 62, le projet de loi no 28,
déposé le 6 juillet? Nous n'avions aucune intention d'adopter
rapidement un projet de loi, de prendre les gens à la gorge. Nous avons
eu les séances qu'il a fallu. Aucun groupe au Québec ne peut
prétendre qu'il n'a pu venir à la commission parlementaire dire
ce qu'il avait à dire.
Il y a des gens qui pouvaient représenter peut-être dix
personnes et qui ont accaparé le travail de la commission pendant une
heure pour nous dire qu'ils avaient à dire. Nous les avons
écoutés. On enregistre tous les travaux. Cela représente
des pages et des pages. A cela, lorsqu'on parle de consultation, il faudrait
ajouter tous les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi no
62 de l'ancien gouvernement qui se penchait sur le même problème.
Après cela, on vient nous dire. Ce n'est pas urgent. Après cela,
on vient nous dire: Il n'y a pas eu suffisamment de consultation. Après
cela, on vient nous dire: Il y a des groupes qui, comme l'Association des
commissions scolaires protestantes, prétendent que votre projet de loi
est anticonstitutionnel. Il faudrait attendre et soumettre cela à la
cour Suprême du Canada. J'ai mon voyage!
UNE VOIX: Très bien.
M. SAINT-PIERRE: En légiférant sur le projet de loi no 28,
le gouvernement légifère sur une juridiction qui est
exclusivement provinciale. Dieu sait que le député, à
l'occasion, est capable de nous rappeler les gestes d'Ottawa. Nous sommes dans
un domaine il n'y en a peut-être pas beaucoup à 100
p.c. québécois. Nous entendons le conserver. Est-ce que l'on va,
parce qu'il y a un groupe dans la province de Québec qui prétend
que sur le plan constitutionnel il y a peut-être quelque chose qui ne
fonctionne pas, arrêter une réforme que plusieurs groupes
je vais les énumérer tantôt nous décrivent
comme urgente afin d'aller à la cour Suprême et demander si c'est
correct, notre affaire? Est-ce que l'on peut avancer d'un pas pour corriger les
injustices qui se produisent à Montréal dans le domaine scolaire
et dont tous les groupes qui sont venus ici nous ont parlé? A cela, M.
le Président, je dis qu'il y a des gens sur la terre qui ont comme
devise, pour
ne pas se faire d'ennemis, de toujours dire: Remettons à plus
tard ce qu'on peut faire maintenant.
UNE VOIX: Très bien.
M. SAINT-PIERRE: Mais ce n'est pas la devise de ce gouvernement-ci. Ce
gouvernement-ci, même si à l'occasion il peut froisser des
anglophones, des protestants ou d'autres groupes, les exigences du bien commun
lui commandent de ne pas reporter ceci à six mois. Nous allons le faire
maintenant.
UNE VOIX: Très bien.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, s'il fallait reprendre les
propos des différents organismes qui sont venus devant nous, s'il
fallait réexaminer... Je les ai cherchés et je ne les ai pas
trouvés. J'ai beaucoup de respect pour le Parlement, je vais même
commencer par ceux qui représentent le peuple ici. Est-ce qu'il y a
quelqu'un parmi les 72 députés du côté de
l'équipe ministérielle qui a dit que ce n'était pas un
projet urgent? Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'Unité-Québec? Je
tentais de trouver la formule, je l'ai ici à la page 4609 de nos
Débats où le député de Bagot me disait, m'en
faisant peut-être un reproche, que nous avions perdu 18 mois, que nous
aurions peut-être dû le faire avant. Il ne me faisait pas un
reproche, mais il trouvait, et je suis d'accord avec lui, que c'était un
problème très urgent et qui méritait d'être
résolu. "L'usage des mots"urgent et immédiat" est abondant dans
cette section du rapport Parent". Les objectifs fondamentaux qu'il
mentionnait... Lorsqu'on analyse, M. le Président, les différents
mémoires je n'ai pas eu le temps de le faire en détail,
mais nous pourrions en citer c'est vrai que d'un côté vont
se retrouver l'Association des parents catholiques, la Commission des
écoles protestantes de Montréal et l'Association des commissions
scolaires protestantes du Québec. Mais, de l'autre côté, on
va retrouver l'Alliance des professeurs de Montréal, l'Association des
cadres de la CECM, l'Association des commissions scolaires de la région
de Montréal, les éducateurs de l'ouest, les étudiants
adultes, les principaux de Montréal, l'Association de
mathématiques, l'Association des Catholic Principals of Montreal, le
Comité consultatif de la CECM, la Commission des écoles
catholiques de Montréal, la Commission scolaire de Baldwin-Cartier, la
Confédération des syndicats nationaux, le Congrès juif
canadien, la Corporation des enseignants du Québec et j'en passe.
J'en passe, parce que 1'énumération serait trop longue.
Tous ces groupes sont venus nous dire ici : Vous avez un devoir urgent de
régler ce problème. Vous vous êtes attaqués à
six ou sept objectifs dans ce projet de loi, et nous les faisons nôtres.
Il n'y a personne qui n'est pas d'accord sur l'objectif. Je l'ai moi-même
dit en deuxième lecture: S'il y a un point sur lequel nous sommes
d'accord, c'est sur l'urgence des réformes et sur le fait que nous ne
pouvons pas nous permettre d'attendre six mois.
M. le Président, je suis un peu surpris de voir que des gens qui
ont tenté de mettre en doute l'aspect constitutionnel du projet de loi
no 28 aient trouvé soudainement des alliés un peu curieux chez
les créditistes qui, là, trouveront des prétextes pour
attendre six mois.
Je sais que pour un gouvernement, qui a toujours cette tâche
extrêmement ingrate de tenter de satisfaire tout le monde et son
père, c'est toujours délicat. Il y a toujours une tentation qui
est de croire qu'en ne faisant rien on ne se crée pas d'ennemis, mais
cela n'a jamais été la vocation de ce gouvernement-ci. Nous
entendons, comme je l'ai mentionné tantôt, ayant à l'esprit
les exigences du bien commun, poser des gestes et avoir le courage de les
poser. Nous n'entendons pas reporter indéfiniment le
problème.
Même à cela, j'ai été surpris, dans les
journaux de fin de semaine, qu'on nous ait accusés de faire preuve de
faiblesse, parce que nous reportions l'implantation complète du projet
de loi à 1975. Nous ne le faisons pas parce que nous avons peur de faire
face à nos responsabilités. Nous ne le faisons pas parce que nous
avons peur de défendre l'urgence de ce projet vis-à-vis de la
population montréalaise. Nous le faisons par souci de démocratie.
Après avoir entendu 50 organismes, on nous a personnellement, tous les
membres du parti ministériel, convaincus je reprends ici encore
l'exemple de Mgr Grégoire de l'urgence de prendre peut-être
un peu plus de temps pour faire l'implantation de ce projet.
Le député de Rouyn dit que, puisqu'on parle de 1973 pour
le financement, on a encore deux ans et qu'on peut donc perdre six mois. Mais
on oublie, M. le Président, que, dès le 15 janvier 1972, il y a
des commissions scolaires qui doivent désigner des membres au conseil
provisoire, que dès le 15 février 1972 c'est assez proche
ce conseil provisoire doit se pencher sur l'épineux
problème de la carte scolaire, de la division et des frontières.
Là aussi, c'est un problème et on a dit: Peut-être qu'on
pourrait le régler. Mais, dans le projet de loi, on n'en reporte pas
indéfiniment la solution. On la confie à un organisme.
Ce même organisme, M. le Président, en novembre 1972, doit
être capable de prendre les mesures nécessaires pour faciliter
l'intégration. C'est dire qu'entre 1971 et 1973 on ne vit pas dans le
néant. On a des responsabilités.
Il est toujours curieux de voir, d'une part, des gens
particulièrement les députés créditistes
reprocher à ce gouvernement-ci et à celui qui l'a
précédé, en matière d'éducation, d'avoir
bousculé les gens, de ne pas avoir pris leur temps pour les CEGEP et
pour l'Université du Québec. Lorsque nous touchons à la
restructuration scolaire, après en avoir parlé pendant six
ans dans le projet de loi, nous donnons une autre période
de trois ans pour compléter les structures on voudrait nous faire
perdre six mois simplement pour regarder ce qu'en pense la cour
Suprême.
Je dis, M. le Président, qu'en matière d'éducation
il y a autre chose à faire que de demander à la cour
Suprême ce qu'elle pense de la constitutionnalité d'un projet de
loi en éducation, un champ qui relève complètement de la
juridiction du gouvernement du Québec. Nous nous appuyons
particulièrement, M. le Président, sur les opinions je les
déposerai demain que nous avons obtenues de l'Institut de droit
public de l'Université de Montréal où trois professeurs
ont fait une étude détaillée non pas sur l'article 93,
mais sur le projet de loi no 28. Je déposerai ces rapports demain en
cette Chambre. En même temps, j'annoncerai la décision du
gouvernement pour pallier, peut-être, ce qui pourrait être une
interprétation restrictive de la constitution. Il s'agira de voir ce
qu'on peut faire pour le droit à la dissidence. Il ne s'agit pas de
changer l'essence du projet de loi, mais peut-être, par une modification
très mineure, de nous donner un dossier vierge sur le plan de la
constitutionnalité et un dossier qui ne nous ferait pas perdre six mois
à attendre.
En résumé, je pense qu'il y a plusieurs projets de loi
il y en a en éducation entre autres où on peut se
permettre de perdre six mois. Mais s'il y a une chose dans la province de
Québec pour laquelle on ne peut pas se permettre de prendre six mois,
c'est de dire aux francophones de l'île de Montréal, aux
catholiques, même aux anglophones qui ont réclamé l'urgence
de réforme, que nous ne sommes pas prêts. Cela fait six ans qu'on
étudie, cela fait des centaines d'heures que nous écoutons ce que
les gens ont à dire. Les media d'information en parlent depuis trois ou
quatre mois, il n'y a pas un journal qui est publié sans qu'il ne
mentionne quelque chose sur le projet de loi no 28. Nous ne pouvons pas dire
que nous ne sommes pas prêts, qu'il faut prendre encore six m ois pour se
pencher sur le problème.
Le gouvernement est prêt, le gouvernement va agir. C'est ça
notre devise.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Beauce.
M. Fabien Roy
M. ROY (Beauce): M. le Président, je viens d'écouter
l'honorable ministre de l'Education dans sa réplique...
M. COITEUX: Démagogue.
M. ROY (Beauce): ... à l'endroit de la motion qui a
été présentée par le député de
Rouyn-Noranda, pour notre groupe. Et j'ai été surpris de ses
propos. Dans le discours qu'il a prononcé en cette Chambre lors de la
deuxième lecture de ce projet de loi et dans un document qu'il nous a lu
en cette Chambre document qu'il a qualifié de déclaration
ministérielle il a dit qu'il allait établir les
étapes de la mise en oeuvre de la loi: "Nous nous proposons de reporter
au 1er juillet 1975 l'application intégrale de la loi, les commissions
scolaires nouvelles et le conseil scolaire exerçant, à partir de
cette dernière date, les devoirs et pouvoirs prévus. Entretemps
le conseil provisoire, dont la formation devrait être
complétée avant le 15 février 1972, aurait en plus des
devoirs qui lui sont dévolus dans le projet de loi no 28, tel que
présenté en première lecture, les responsabilités
suivantes: "Proposer au lieutenant-gouverneur en conseil, avant le 15 novembre
1972, une répartition définitive des territoires des commissions
scolaires, tout en respectant le nombre minimum de sept et le nombre maximum de
onze commissions scolaires et en visant le meilleur équilibre
démographique possible."
Et on dit plus loin: "Appliquer à partir du 1er juillet 1973 des
sections de la loi portant sur la taxation et le financement." Le ministre nous
dit qu'il ne peut pas attendre six mois pour présenter son projet de
loi, alors que nous ne connaissons même pas encore les amendements qu'il
entend apporter.
Est-ce que la déclaration qu'il a faite est réelle? Est-ce
qu'on peut s'y fier? Ou le ministre nous a-t-il tendu tout simplement un
appât pour nous faire voter en deuxième lecture pour le projet de
loi, alors que les amendements, tels qu'ils seront rédigés, ne
seront pas complètement en accord avec les principes qu'il a
énoncés dans sa déclaration ministérielle?
Je pense que nous avons le droit de nous poser de sérieuses
questions. Si ça presse tant, pourquoi retarder? Et si ça ne
presse pas, pourquoi ne pas attendre? C'est aussi simple que ça, il me
semble. Le gouvernement dit qu'il ne peut pas attendre, parce qu'il est
pressé, mais il va attendre une fois que le projet de loi sera
adopté. Qu'est-ce que le gouvernement veut en matière
d'éducation? En matière de restructuration scolaire de
l'île de Montréal? Est-ce qu'on veut tout simplement se moquer des
membres de la Chambre? Est-ce qu'on est sérieux? Nous sommes en droit de
nous poser ces questions.
Une question que nous sommes en train de nous poser et je pense
que c'est celle-là qui pourrait susciter à peu près notre
façon de voir les choses, qui pourrait démontrer ce qui se passe,
qu'il y a en réalité.
Le ministre subit actuellement des pressions très fortes à
l'intérieur de son ministère, des pressions très fortes
venant de ses technocrates, de ses technocrates qui ont hâte d'engager le
Québec, dans un débat constitutionnel. Nous l'avons vu pour les
autres projets de loi et nous allons le voir ici également.
Le ministre nous a dit, aux commissions parlementaires, qu'il allait
avoir des consulta-
tions et que la Chambre serait informée de la consultation
concernant la constitutionnalité du projet de loi. Il nous l'a dit en
Chambre lors des séances de la commission parlementaire, mais nous ne
sommes pas au courant, M. le Président, des consultations que le
ministre a eues et nous ne sommes pas au courant des rapports qui ont
été faits.
Le ministre vient de nous dire qu'il y a des professeurs qui ont fait
des études de la loi et qui l'ont mis au courant de certains aspects de
la constitutionnalité. Nous aimerions les connaître, les rapports.
Nous aimerions nous aussi prendre connaissance de ces rapports, M. le
Président, parce que nous n'accepterons pas, nous le disons et
nous le répétons de faire le jeu d'une clique de
séparatistes au Québec, bien infiltrés dans votre
ministère, qui, à l'heure actuelle, veulent orienter le
Québec vers le débat constitutionnel.
C'est facile à voir, M. le Président, que c'est ce qui se
passe derrière toute cette procédure. C'est facile à voir.
Le ministre dit qu'il va falloir évidemment le faire, par rapport
à l'urgence, suite aux recommandations qui avaient été
faites dans le rapport Parent. Quand est-ce que le rapport Parent a
été une loi? Quand est-ce que le rapport Parent a
été soumis à la Chambre? Quand est-ce que le rapport
Parent a été soumis à la population? Quand est-ce que la
population a accepté le rapport Parent? Pourquoi le gouvernement
marche-t-il uniquement en fonction du rapport Parent pour faire toutes les
réformes à l'éducation? Ce qui a causé la perte du
Parti libéral, du gouvernement Lesage en 1966, c'est
l'éducation.
Ce qui a causé la perte de l'Union Nationale en 1970 et
ils le savent, eux c'est encore l'éducation. Votre fameux rapport
Parent, c'est une faillite totale dans la province de Québec, c'est ce
que vous avez appliqué.
M. le Président, il ne faut tout de même pas accepter des
vessies pour des lanternes. Le rapport Parent n'est pas une loi qui a
été sanctionnée, c'est tout simplement un rapport, et un
rapport, selon les dires du ministre, qui a émis des recommandations,
mais en prenant bien soin, par exemple, d'ignorer plusieurs
représentations qui avaient été faites lors des
séances de la commission Parent et ça, ç'a
été dit.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais la collaboration du
député de Beauce, pour qu'il revienne à la motion de son
collègue de gauche.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Demandez-lui de parler français
aussi.
M. LE PRESIDENT: Il doit strictement invoquer les raisons pour
lesquelles le projet de loi ne doit pas être lu aujourd'hui, mais dans
six mois. Cela doit se limiter à ça.
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'ai tout simplement
répondu aux allégations du ministre. Ce n'était pas mon
intention de parler du rapport Parent, mais le ministre s'est
référé au rapport Parent, pour prouver qu'il était
urgent de refuser la motion du député de Rouyn-Noranda.
M. COITEUX: Pourquoi en parler, vous ne l'avez pas lu?
M. ROY (Beauce): C'est la raison pour laquelle, M. le Président,
j'ai fait référence au rapport Parent, pour mettre les choses au
clair...
M. VEILLEUX: Ce n'est pas le député de Rouyn-Noranda qui a
fait la motion, c'est le député de Lotbinière.
M. ROY (Beauce): ...pour dire nous aussi ce que nous en pensons du
rapport Parent. Nous voulons donc que le gouvernement reporte ce projet de loi
à six mois, pour qu'il ait le temps de préciser ses intentions.
Nous voulons savoir ce à quoi le gouvernement va s'engager sur la
question constitutionnelle. Nous voulons connaître les rapports des
experts que le gouvernement entend consulter avant que nous nous engagions dans
un débat qui peut nous conduire où.
Le gouvernement ne connaît même pas l'issue du débat
sur lequel cela peut nous engager. Dans le débat constitutionnel
je tiens à préciser ceci il ne s'agit pas, pour nous, de
nous cacher derrière la constitution de 1867 pour sauvegarder les droits
des minorités des autres provinces. Le ministre a dit tout à
l'heure que l'éducation est un domaine où la province a
l'entière juridiction. C'est vrai, mais nous nous référons
à la Constitution pour garantir les droits de la majorité au
Québec. C'est pour cela que nous nous référons à
là Constitution.
A l'heure actuelle, ce sont les droits de la majorité au
Québec qui sont en danger. La Constitution, sur ce point, donne des
garanties dont nous pourrons nous prévaloir si cela devient
nécessaire. Pour éclairer les lanternes de ceux qui parlent en
arrière et qui n'ont pas l'air de savoir quoi dire...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Allumez votre cierge, vous.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je comprends que le
député de Chicoutimi s'inquiète énormément
pour l'éducation de ses enfants. Que voulez-vous? On le comprend.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... c'est la coutume catholique.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je comprends que cela fait mal
à l'ancien gouverne-
ment. Nous le comprenons très bien et c'est légitime.
Article 93: "Pour chaque province, la Législature peut
exclusivement édicter des lois sur l'enseignement, sous réserve
et en conformité des dispositions suivantes. C'est clair.
Premièrement: Rien, dans une telle législation, ne doit porter
préjudice à un droit ou privilège que la loi, lors de
l'union, attribue dans la province à une classe particulière de
personnes quant aux écoles confessionnelles." C'est clair.
Nous avons parlé de la confessionnalité; nous n'avons pas
parlé de la catholicité, comme l'a dit le député de
Chicoutimi, nous avons parlé de la confessionnalité pour
respecter et garantir les droits de la majorité au Québec. C'est
cela que nous avons dit. Paragraphe 2: "Tous les pouvoirs, privilèges et
devoirs conférés ou imposés par la loi aux écoles
séparées et aux commissaires d'écoles des sujets
catholiques romains de la reine, dans le Haut-Canada lors de l'union, doivent
être et sont, par les présentes, étendus aux écoles
dissidentes des sujets protestants et catholiques romains de la reine dans la
province de Québec."
C'est justement là qu'il y a litige. Nous voulons savoir, avant
d'accepter le projet de loi no 28, où cela nous conduit. Nous voulons
savoir quelle sera l'issue de la consultation qui pourra être faite.
On l'a dit dans les journaux de ce matin et le député de
Rouyn-Noranda le disait tout à l'heure: Il y a déjà des
groupes, à l'heure actuelle, qui ont l'intention d'attaquer la
constitutionnalité du projet de loi.
Si le ministre nous faisait connaître ses amendements, s'il
était plus clair, plus précis dans sa loi, s'il nous avait fait
connaître les droits de la majorité francophone au Québec,
ce qu'il entend faire en matière d'enseignement du français, n'en
déplaise au député de Chicoutimi, quelle
législation il entend adopter en ce sens, il est probablement certain
que personne ne songerait à attaquer la constitutionnalité du
projet de loi.
Mais, étant donné l'ambiguïté,
l'indécision qui caractérise le gouvernement,
l'imprécision surtout, il est évident que la porte est ouverte
à la contestation, pour attaquer le projet de loi devant les tribunaux.
C'est pourquoi nous estimons qu'il est de notre devoir d'exiger et le
gouvernement devrait l'accepter cet amendement visant à reporter
l'étude du projet de loi à six mois.
DES VOIX: Vote!
M. SAMSON: Ils sont "nerveuses".
M. CADIEUX: Nous ne comprenons rien de ce qu'il dit.
M. ROY (Beauce): Dites donc à vos collègues de se taire et
vous allez comprendre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. CADIEUX: J'entends, mais je ne comprends rien.
M. ROY (Beauce): On disait, dans un autre journal, ce matin: Si le bill
28 est adopté, ses auteurs seront poursuivis; des actions en justice
seront prises conjointement par des groupements anglais et français,
protestants et catholiques, contre le bill 28 dès son adoption. C'est ce
qu'a annoncé le président de l'Association des commissions
scolaires protestantes, M. Coolan...
M. LACROIX: Ne soyez pas inquiet; ce n'est pas vous qui allez payer.
M. ROY (Beauce): ... aux délégués venus de tous les
coins de la province...
M. CADIEUX: Est-ce Coca-Cola?
M. ROY (Beauce): ... pour assister à une réunion
générale spéciale, tenue à la fin de la semaine
dernière. L'assemblée avait été convoquée
afin de discuter du moment où l'action judiciaire serait instruite. En
outre, les délégués de plusieurs régions de la
province...
DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs!
M. ROY (Beauce): ...ont rapporté que des relations des plus
harmonieuses existaient entre les organismes francophones et anglophones,
ajoutant que de nombreuses familles françaises s'inquiétaient
quant à la protection des droits des Anglais en matières
d'éducation.
Le projet de loi no 28 suscite des inquiétudes partout. On ne
connaît pas les amendements que le gouvernement entend proposer. Le
gouvernement ne nous a pas informés des rapports des experts qu'il a
consulté à ce sujet. C'est pourquoi nous allons maintenir
l'amendement que nous venons de déposer en cette Chambre à
l'effet de reporter l'étude de ce projet de loi à six mois.
DES VOIX: Vote, vote!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, sur la motion du
député de Lotbinière, est-ce que je peux vous signaler
qu'il est presque six heures et vous demander de considérer qu'il est
six heures?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est d'accord?
DES VOIX: Oui.
M. LE PRESIDENT: Suspension du débat.
M. CHARRON: Suspension du débat.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à vingt
heures.
DES VOIX: Jusqu'à vingt heures quinze.
M. LE PRESIDENT: ...jusqu'à vingt heures quinze. (Suspension de
la séance à 17 h 59)
Reprise de la séance à 20 h 18
M. LAVOIE (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable député de Saint-Jacques.
M. Claude Charron
M. CHARRON: M. le Président, ma première intention
était de ne pas intervenir dans le débat sur cette motion parce
que, comme la plupart des députés de la Chambre, je souhaite une
adoption rapide, quoique bien étudiée, du projet de loi no 28 en
deuxième lecture. Il reste quand même que depuis
déjà quelques minutes, quelques heures, les députés
d'un des partis d'Opposition se livrent à ce qu'ils
considèrent...
UNE VOIX: Nommez-le.
M. CHARRON: ... une opposition systématique au projet de loi.
C'est un vieux moyen du bord que, lorsqu'on se livre à une opposition
systématique sur un projet de loi, la traditionnelle motion,
présentée par le député de Lotbinière,
apparaisse tôt ou tard.
C'est une motion qui figure dans notre règlement et qui est
fondée; elle a son droit d'existence. A un moment ou l'autre,
d'ailleurs, les députés du Parti québécois l'ont
utilisée, et même dernièrement le député de
Missisquoi, au nom de son parti, l'utilisait sur un projet de loi. Mais ce
genre de motion est toujours utilisé quand il y a des modalités
de la loi qui nous semblent inacceptables et qu'on juge important que le
gouvernement reprenne sa loi pour y travailler pendant quelque temps, ou alors
on l'utilise comme dans le cas du bill 90, je crois, celui du pétrole,
où la loi est complètement mal rédigée, mal
conçue et n'a aucun intérêt à être
étudiée par les députés de la Chambre. A ce
moment-là, la motion est utilisable.
Mais lorsqu'on utilise cette motion de renvoi à six mois parce
que, d'une manière ou d'une autre, c'est au principe du projet de loi,
au principe de restructuration scolaire qu'on en veut, c'est un moyen
détourné et inutile. J'aurais voulu répondre mais
cela aurait été reprendre mon discours de deuxième lecture
au député de Lotbinière et lui expliquer pourquoi
je m'oppose à sa motion de renvoi en reprenant la défense que
j'ai voulu la plus honnête possible du principe, je dis bien du principe
et non pas des modalités parce que ça, ce n'est pas encore venu,
mais du principe du projet de loi présenté par le gouvernement
actuel.
Or, j'ai essayé de comprendre ce qui tient lieu de logique aux
députés du Ralliement créditiste depuis qu'ils ont
apporté leur opposition.
J'ai tout entendu. J'ai même accepté, lorsque le temps d'un
des députés était expiré, de le laisser poursuivre
pour qu'il ait le temps de mettre le "crémage" sur le gâteau qu'il
avait lui-même conçu.
Il y a 19 mois que j'occupe la fonction de porte-parole en
matière d'éducation pour mon parti. Il y a 19 mois que je
participe à tous les travaux de la commission parlementaire de
l'Education et à tous les débats qui ont traité de
l'éducation en cette Chambre. Je pense qu'il y a un moment où on
doit mettre fin à ce genre d'interventions qui non seulement retardent
les travaux de la Chambre si, au moins, ce n'était que ça
mais retardent l'évolution du Québec purement et
simplement. Pour une raison ou pour une autre, que l'on ait parlé de
n'importe quoi en Chambre, sur n'importe quel sujet, que ce soit le bill 27, le
bill 28, le bill 30 du CEGEP de Saint-Laurent, le conflit de la classification
des enseignants qui nous avait occupé pendant quelques semaines, pour
n'importe quelle raison, on revient avec le problème des autobus
scolaires, de la drogue, du sexe, de tout ce que vous voudrez à
l'intérieur des discours. Il y a toujours bien une limite à
essayer de s'opposer à des phénomènes que tous les membres
de la Chambre, à tour de rôle, ont voulu expliquer comme
peut-être condamnables parfois, mais quand même existants et avec
lesquels une société doit compter.
M. le Président, si la motion ne visait à s'attaquer qu'au
principe du projet de loi, je dirais que c'est un moyen de combattre le
principe et, en bataille parlementaire, pour un parti d'Opposition tous les
moyens sont bons. Mais ce n'est pas au principe du projet de loi qu'on en a,
c'est au principe même de l'éducation. C'est au principe
même du nouveau. Qu'est-ce que ça donnerait de retarder à
six mois une confrontation sur ces problèmes? En effet, je vous
parierais ma chemise que, dans six mois, les députés du
Ralliement créditiste, sur ces questions, n'auront pas
évolué d'une miette plus qu'actuellement. Je vous parierais ma
chemise que, dans six mois, quels que soient les résultats et le
comportement de la société à ce moment-là, on
s'attachera encore à des principes dépassés,
démentis, contredits, dévalués et on s'acharnera à
défendre ici des lambeaux de XIXe siècle, quand tout le
monde...
M. ROY (Beauce): M. le Président, j'invoque le règlement,
article 285 dix-neuvièmement. Je pense que le député de
Saint-Jacques n'a pas le droit d'interpréter nos intentions et de
déformer les propos que nous avons tenus.
Nous avons été très clairs, nous avons exigé
des garanties juridiques sur deux objets précis et c'est sur ces points
que nous avons bataillé.
Le député de Saint-Jacques est rendu dans le sexe, dans la
drogue; s'il veut aller dans ce domaine, qu'il y aille, mais qu'il y aille
seul. Nous, nous ne le suivrons pas sur ce terrain.
M. CHARRON: M. le Président, vous aurez noté comme moi que
cette question était hors d'ordre et ne reposait sur aucun article du
règlement.
Mais je rappellerai quand même parce que je l'ai entendu
l'intervention du député de
Beauce, je lui ferai relire ses propres crises d'épilepsie
mentale de cet après-midi. Je lui ferai relire ses attaques sur le
rapport Parent, sur le système d'éducation public.
M. ROY (Beauce): Cela fait mal, hein?
M. CHARRON: C'est lui qui a dit ça, je ne fais que le citer. Il
était loin du principe du projet de loi et à plusieurs occasions,
si vous aviez été rigoureux, M. le Président, vous auriez
pu rappeler au député de Beauce qu'il parlait non pas du projet
de loi no 28, de la restructuration scolaire de Montréal, mais
simplement de la civilisation moderne à laquelle il n'a rien compris.
Vous ne l'avez pas fait, parce que vous respectez ce que représente en
cette Chambre le député de Beauce et vous avez bien fait.
Mais là où on respecterait trop, là où on
s'enfoncerait et là où on retarderait l'évolution du
Québec et il y a déjà suffisamment d'occasions
où on la retarde en cette Chambre c'est lorsqu'on accepterait la
motion qui est présentement débattue.
Cette réforme urgente, déjà retardée de
façon inacceptable par le gouvernement jusqu'en 1975, que tout le monde
a réclamée, que tous les témoins à la commission
parlementaire sont venus demander tous les témoins sans
exception, y compris les anglophones et Mgr Grégoire si on
retardait à six mois le débat sur ce projet de loi, quel serait,
pensez-vous, l'attitude de chacun des partis de cette Chambre?
Le gouvernement, lui, aurait eu le temps de céder encore plus aux
anglophones. La loi serait un petit peu plus modifiée et encore plus
tiède qu'elle ne l'est actuellement.
Les députés du Parti québécois seraient
encore plus désireux de voir arriver cette réforme et la voudrait
encore plus radicale, parce que le retard ne ferait que l'exiger.
Les députés d'Unité-Québec auraient eu
pendant ce temps-là leur congrès et auraient probablement pris
position.
Mais les députés du Ralliement créditiste, quelle
attitude croyez-vous qu'ils prendraient? Exactement la même.
M. BELAND: Au moins nous en aurions une, tandis que vous vous n'en
auriez pas.
M. CHARRON: Je les ai entendus faire ces remarques lors du premier
débat que nous avons eu ici en cette Chambre en matière
d'éducation.
Les autobus scolaires, les boîtes à lunch, les douches des
polyvalentes, j'ai tout entendu, M. le Président, à chacune des
occasions. Et, aujourd'hui, on traite d'un problème qui doit
répondre à des urgences, des nécessités sociales,
économiques et politiques à Montréal, puis nous
voilà rembarqués dans les autobus, dans les bottes à
lunch, encore une fois.
En aucun temps, en 19 mois, leur idéologie, leur
compréhension de ce qui se passe au
Québec et de l'évolution du Québec n'a
évolué d'un sacré pouce et on voudrait maintenant leur
accorder six mois supplémentaires, probablement pour reculer encore plus
loin. Non, M. le Président, les membres de la Chambre ne doivent pas
accepter ce genre de motion absolument inutile qui ne vise qu'à retarder
l'arrivée d'un projet de loi dont tout le monde s'accorde à voir
la nécessité.
M. le Président, si la motion ne visait qu'à retarder
l'adhésion d'une structure qu'on ne juge pas suffisamment
démocratique et qu'alors on voudrait que le gouvernement reprenne et
étudie sa loi encore plus profondément; si la motion disait: On
juge que les correctifs aux inégalités sociales dans
Montréal ne sont pas profondément inclus dans la loi et le
gouvernement devrait la reprendre. Si on disait que le principe de la taxation
foncière dans le projet de loi est inacceptable et qu'on doit
évaluer la possibilité de financer l'éducation par
l'impôt progressif sur le revenu, je dirais: Soit. C'est une position que
même nous aurions pu prendre parce que ce sont là les positions
que nous défendons. Mais nous croyons telle l'urgence de la
réforme que nous sommes prêts à nous battre et fermement en
comité plénier pour obtenir ces gains mais en aucun temps pour
vouloir retarder l'application de la loi.
Au contraire, M. le Président, vous savez déjà
je vous l'ai dit en deuxième lecture notre intention
d'apporter un amendement pour avancer l'application du projet de loi. Mais ce
n'est pas ça; le principe contre lequel on se bat, c'est simplement le
principe d'un Québec de 1971. Quand même on retarderait de six
mois le principe du Québec de 1972, M. le Président, je vous
parierais encore une fois tout ce que j'ai de plus cher pour vous dire
j'aimerais ça au fond, ce n'est pas ma chemise, M. le Président
que j'ai de plus cher que nous aurons l'occasion d'avoir d'autres
débats en éducation dans six mois.
Venez assister, M. le Président, au débat que nous aurons
sur les crédits du ministère de l'Education lorsqu'ils seront
présentés au mois de mai ou de juin de l'année prochaine.
Venez voir quelle sera l'idéologie que défendront les
députés du Ralliement créditiste à ce
moment-là.
Vous verrez alors que votre Chambre aura eu raison de refuser la motion
du député de Lotbinière parce qu'elle n'aurait servi
absolument à rien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Sauveur.
M. Armand Bois
M. BOIS: M. le Président, avant de parler sur la motion
d'amendement présentée par l'honorable député de
Lotbinière, j'aimerais faire une mise au point à mon
prédécesseur. Dans cette mise au point, je voudrais être
extrêmement pratique. Je pense bien que tous les représen-
tants de cette Assemblée nationale vont comprendre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas sûr.
M. BOIS: Si c'est avec votre français, je pense bien qu'il n'y en
a pas beaucoup qui vont comprendre. Nous n'avons pas de leçon
d'étiquette parlementaire à recevoir des représentants du
Parti québécois et voici pourquoi. Si on prend le bill no 50...
Je pense que le premier ministre connaît très bien le projet de
loi no 50, celui du développement de la baie James.
M. BOURASSA: C'est un des meilleurs!
M. BOIS: Les membres du Parti québécois nous ont
tramés du 7 au 14 juillet, c'est-à-dire de la page 3123 à
la page 3859 des Débats, soit un joli total de 736 pages. Je crois
vraiment que le premier ministre se le rappelle de même que plusieurs
autres ministres dans cette Chambre.
M. LESSARD: Le Crédit social...
M. BOIS: Vous êtes très sages, mes chers amis, nous allons
continuer.
Dans l'amendement qui nous concerne, voici pourquoi nous demandons de
reporter l'étude du projet de loi à six mois. C'est parce que ce
projet de loi est un peu du style omelette, qu'on trouve depuis quelques
années dans la province de Québec. C'est justement pourquoi nous
ne voudrions pas aujourd'hui que le gouvernement replonge encore dans une autre
erreur, où il va heurter exactement lés mêmes
écueils.
Un projet de loi où il est question de structures
administratives, de langue, de religion, de pédagogie, de revenu par
taxation et éventuellement de construction de nouveaux locaux, nous
croyons que si ce n'est pas une omelette au fromage ou aux champignons, c'est
certainement un projet de loi qui comprend beaucoup trop de choses du
même coup, qu'on offre et qu'on veut faire digérer dans une
même occasion.
Si les députés qui sont à notre droite, M. le
Président, étaient assez polis pour savoir écouter, je
pense que ce serait peut-être plus agréable de les entendre eux
aussi.
Il y a une mention que je voudrais faire ici au tout début, c'est
l'allusion au français dont a parlé un député, cet
après-midi, quand il disait que nous devrions parler le français
et non pas parler du français. C'est extrêmement bien mais je
crois que les allusions qui sont faites souven-tefois sous cet angle sont
beaucoup plus vicieuses qu'autre chose. Je crois que les allusions du
représentant qui les fait en cette Assemblée nationale visent
à rire de ses électeurs qui sont beaucoup plus près du
Ralliement créditiste que de la méthode du langage de l'honorable
député qui a fait cette mention.
UNE VOIX: ...qui vous ont élu.
M. BOIS: M. le Président, depuis des années, les partis
ici en cette Chambre, bleu ou rouge, ont trop souvent négligé la
question d'éducation pour aujourd'hui en venir à parler des
structures administratives. Un député mentionnait, cet
après-midi, que l'archevêque de Montréal n'avait fait
aucune suggestion, que ce n'étaient que des questions. Je voudrais le
référer au mémoire de l'archevêque de
Montréal, page 10, paragraphes 2, 3 et 4 où il est fait des
suggestions au gouvernement, et c'est justement là-dessus que nous
allons nous baser pour étayer la défense de notre amendement par
lequel nous visons à reporter ce projet de loi à six mois d'ici.
L'archevêque de Montréal a fait des suggestions.
Un autre point : l'allusion aux minorités. J'ai lu un article, ce
printemps, dans un journal de Montréal, où quelqu'un mentionnait
qu'il serait tellement heureux d'aller à l'école française
si elle était non confessionnelle. Ici, je n'attaque personne parce que,
dans notre mouvement, nous tenons à respecter la langue des
autres...
M. LE PRESIDENT (Blank): Je voudrais attirer l'attention du
député sur le fait que nous discutons maintenant la motion pour
reporter le bill et non le fond ou le principe du bill.
M. BOIS: Très bien, je vais y revenir, M. le
Président.
Alors la raison pour laquelle nous voulons justement retarder ce projet
de loi de six mois est que l'on précipite les choses pour venir imposer
à la population de Montréal une chose que la majorité
française regrettera dans un avenir extrêmement rapproché,
non seulement elle mais aussi la plus grande partie des Anglo-Saxons de
l'île de Montréal.
Même s'ils n'osent pas le dire en cette Chambre, cela se
révélera la vérité d'ici quelque temps.
C'est une des raisons fondamentales qui nous amènent justement
à demander ce délai, parce qu'au point de vue de la
non-confessionnalité ou de la confessionnalité je crois que les
Québécois n'ont pas d'exemple à recevoir non plus.
Si on se reporte à 1930, on pourra voir encore les lois qui ont
été adoptées. J'aurai l'occasion de revenir sur ce
sujet.
Un autre point: la question de religion. On nous accuse d'être
strictement religieux pour dire que nous voulons retarder le projet de loi afin
d'avoir un organigramme, si vous voulez, et des écoles qui soient
strictement confessionnelles. C'est la raison pour laquelle nous insistons pour
que l'amendement suggéré cet après-midi soit
définitivement approuvé.
Si on a supporté des choses pendant dix ans, quinze ans et vingt
ans sous les anciens gouvernements... Le député qui rit
présentement là-bas, je crois, devrait cesser de faire des gorges
chaudes, parce qu'en réalité il serait peut-être le
premier à qui on pourrait reprocher son inactivisme au point de
vue du français appliqué dans la province de Québec.
Au point de vue pédagogique comme au point de vue de la taxation,
c'est encore la même chose. On a oublié, depuis des années,
de penser à la question de la taxation. On y pense seulement aujourd'hui
et on voudrait que le projet de loi soit immédiatement
sanctionné. Non. Nous croyons fermement qu'à l'heure actuelle le
gouvernement ne se nuira pas du tout en retardant ce projet de loi, parce
qu'à toute éventualité même le projet de loi no 48,
qui concerne la taxation et l'évaluation foncière municipale,
donnera suffisamment de temps pour que cette chose-là soit mise en
application, mais d'une façon correcte, dès l'an prochain.
Ce sont les principales remarques que je voulais apporter. J'en aurai
sûrement d'autres lorsque l'on reprendra le débat sur le projet de
loi lui-même. Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bagot.
M. LACROIX: M. le Président, est-ce que le député
de Bagot me le permettrait?
M. CARDINAL: Bien, cela dépend de quoi?
M. LACROIX: Quelques observations, mais, si vous voulez, je reprendrai
après vous.
M. Jean-Guy Cardinal
M. CARDINAL: Ce sera tellement bref.
Je ne sais pas si je dois exprimer ma surprise ou non devant cette
motion présentée par un parti qui est à notre
gauche...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les bérets blancs.
M. CARDINAL: ...et qui n'a en rien participé au travail de la
commission parlementaire il vous suffit de lire le journal des
Débats qui brillait par son absence, n'ayant été
là qu'à une seule occasion et complètement en dehors de la
question.
Je ne prendrai certainement pas une demi-heure pour rappeler ce que le
ministre a lui-même rappelé cet après-midi en citant le
journal des Débats. Voilà déjà non pas six ans
je me permets de corriger le ministre mais sept ans, le
quatrième rapport de la commission Parent étant paru en 1964, que
l'on discute de cette question. Contrairement à ce qu'on a dit cet
après-midi, le rapport Parent a été publié,
distribué en cette Chambre en grands volumes, en petits volumes, en
moyens volumes. Au ministère de l'Education, il a été
étudié de fond en comble et il est question en cette Chambre de
ces choses depuis des années.
Mon prédécesseur, le député de Missisquoi,
le sait; celui qui m'a succédé le sait aussi et celui qui n'est
plus en cette Chambre, mais qui a été le premier à ce
ministère, le savait aussi. Par conséquent, je ne puis absolument
pas accepter une motion semblable qui, comme l'a dit un autre
député qui siège à ma droite, n'est pas une motion
sur la forme, mais une motion déguisée sur le fond. On veut
reprendre à l'occasion d'une motion le débat de deuxième
lecture en recommençant les mêmes litanies.
M. le Président, je ne puis certainement pas accepter, au nom du
parti que je représente, que l'on perde le temps précieux de
cette Assemblée nationale à la date où nous sommes rendus,
à ce jour du 6 décembre 1971, alors que voilà
déjà plus de deux ans que l'on discute en cette assemblée
de ce projet de loi, de son père, le projet de loi no 62 ou de son fils,
le projet de loi no 28...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Un tout petit garçon.
M. CARDINAL: ...son premier petit-fils. Par conséquent, je ne
prendrai pas plus de temps de cette assemblée, laissant aux
députés ministériels le soin de défendre leur
ministre. Mon but n'est ni d'attaquer un parti ni d'aider le gouvernement, mais
simplement de rappeler aux membres de cette assemblée qu'il faut
être sérieux et que c'était à la commission
parlementaire qu'il était temps de parler, pas sur une motion.
M. LE PRESIDENT: Le député des Iles-de-la-Madeleine.
M. Louis-Philippe Lacroix
M. LACROIX: M. le Président, mon intervention sera très
brève. La raison première qui m'a amené à faire de
la politique active a été justement le déblocage de la
politique d'éducation que je voulais en 1958, en 1960, en 1962 comme je
la veux en 1971.
Comme député des Iles-de-la-Madeleine, je n'ai pas
l'intention d'aller imposer aux citoyens de la petite île de
Montréal les moyens pacifiques et réalistes de résoudre
leurs problèmes. Mais il reste que depuis de nombreuses années
à Montréal nous connaissons des problèmes extraordinaires
dans le domaine de l'éducation, des problèmes quasi insolubles.
Les gouvernements qui nous ont précédés ont fait un effort
considérable.
Je vois le député de Missisquoi qui a connu le
problème qu'avait vécu avant lui le député de
Vaudreuil-Soulanges et, aujourd'hui, grâce à leur travail mais
grâce aussi à la vaillance et à la ténacité
de notre ministre de l'Education, nous faisons quelque chose de valable pour
résoudre le problème de l'éducation dans l'île de
Montréal.
M. le Président, mes quelques remarques porteront uniquement sur
une formation politique où je compte de nombreux amis, des gens fort
sympathiques. Mais je voudrais bien savoir.
par exemple, quelles sont les autorités religieuses, quels sont
ces gens qui ont donné aux 12 apôtres le droit de défendre
seuls la religion catholique, religion que je partage avec autant
d'efficacité, peut-être avec moins d'hypocrisie que le
député de Lotbinière, ou le député de Beauce
ou le député de Rouyn-Noranda, mais j'essaie de pratiquer ma
religion à ma façon. J'essaie de défendre la
confessionnalité et surtout la liberté parce que c'est
fondamental pour tout citoyen. J'ai des enfants qui ont 21, 19 et 18 ans et je
ne puis pas leur imposer la confessionnalité que moi je professe, mais
je puis, par exemple...
M. ROY (Beauce): J'invoque le règlement, M. le Président.
Le député des Iles-de-la-Madeleine n'est pas du tout sur le
principe de la motion, il discute du fond du projet de loi.
M. LACROIX: M. le Président, je m'excuse, on veut reporter
à six mois l'étude d'un projet de loi en parlant de la
confessionnalité, en parlant de toute la responsabilité de tout
le monde mais sans parler de notre propre responsabilité. La
responsabilité de la confessionnalité, la responsabilité
de la religion, du principe religieux que nos enfants auront demain, il
appartient non pas au gouvernement de la leur imposer, il appartient aux
parents de donner l'exemple et de démontrer à leurs enfants que
la religion qu'ils pratiquent est celle qui pourra faire en sorte que nous
vivrons dans une société meilleure. Ce n'est pas par hypocrisie,
ce n'est pas en se prétendant, pour des fins strictement politiques, les
défenseurs de la foi, de la confessionnalité, de la religion et
de la culture que nous avancerons dans la province de Québec, mais c'est
en étant conscients de nos responsabilités, en étant
conscients qu'il appartient à tous et à chacun d'entre nous,
comme citoyens du Québec, de faire en sorte...
M. BOIS: Est-ce que je pourrais poser une question à l'honorable
député des Iles-de-la-Madeleine?
M. LACROIX: ... d'élever nos enfants de façon qu'ils
obtiennent la meilleure éducation possible.
Quant à l'instruction, M. le député de
Saint-Sauveur, avec le salaire qui vous est payé par le gouvernement du
Québec, par le peuple du Québec comme député
créditiste, comme député libéral, comme
député de l'Union Nationale ou du Parti québécois,
avec nos salaires, M. le Président, nous sommes capables de donner
à nos enfants la meilleure instruction possible, mais
l'éducation, il appartient à tous et à chacun d'entre
nous, les parents, de l'assurer à nos enfants et c'est aux parents qu'il
appartient d'assurer l'éducation aux enfants.
Le bill no 28 permet de doter la ville de Montréal du meilleur
système scolaire possible dans les conditions actuelles. Demain,
après- demain, dans dix ans, si les lois ne sont pas suffisantes, nos
successeurs y verront. Mais, aujourd'hui, on voudrait que l'on règle les
problèmes pour cent ans à venir, alors que les gars du Ralliement
créditiste vivent cinquante ans dans le passé, que les gars
d'Unité-Québec vivent cinq ans dans le passé et que les
gars du PQ vivent cent ans dans l'avenir, et ils ne seront même pas un
pour défendre ce qu'ils disent.
M. CHARRON: Nous ne serons pas un, nous serons soixante.
M. LACROIX: Mais nous, du Parti libéral, nous sommes conscients
de nos responsabilités; nous avons la responsabilité de
l'administration de la chose publique et grâce à notre chef,
grâce à notre gouvernement nous allons l'assumer pleinement et
entièrement.
L'Opposition, la minorité a le droit de se faire entendre dans la
province de Québec. La minorité, la majorité ont pu se
faire entendre à la commission parlementaire, ça ne s'est jamais
connu au Québec, ça. Mais, à l'heure actuelle, il est
temps que des décisions soient prises et les Oppositions irresponsables
porteront devant nos enfants la responsabilité du retard qu'elles
veulent nous imposer par leur motion irresponsable.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. Léo Pearson
M. PEARSON: M. le Président, la Constitution canadienne, c'est un
drôle de manteau pour les créditistes. Ils le revêtent ou
l'enlèvent selon les besoins. Aujourd'hui ils l'ont revêtu pour
contester le bill no 28. Tant de soumission constitutionnelle de leur part
surprend, surtout après avoir lu les déclarations
antérieures de leur chef et particulièrement leur manifeste.
S'ils veulent aller jusqu'au bout de leur pensée et
paraître au moins logiques...
UNE VOIX: Cela ne fera pas un grand voyage!
M. PEARSON: ... ils devraient s'aligner derrière les meilleurs
apôtres du statu quo. Si jamais la Constitution, qui est la base de leur
argumentation, empêchait par une décision de la cour Suprême
le Québec de vivre même dans un domaine reconnu par tous
depuis toujours, même par les plus conservateurs, du domaine provincial
ne croyez-vous pas qu'ils auraient alors un travail gigantesque à
effectuer pour empêcher la population de la faire simplement sauter?
Pour réussir ça, je leur suggérerais de
dépeupler le Québec pour remplacer la population actuelle par une
autre composée uniquement de nouilles, d'imbéciles ou de
morons.
Cela ne fait pas sérieux, M. le Président. Le simple fait
d'apporter de tels arguments sans
même rire me porte à dire que quelques-uns ont
manqué leur vocation. Ils ne devraient pas être
députés, mais comédiens.
Je ne veux pas être méchant, M. le Président, mais
je suis d'avis qu'ils ont déjà fait de meilleurs discours, de
meilleures luttes. En faisant comme ils le font, je suis assuré qu'ils
ne feront pas élire un député de plus dans la
région de Montréal et je me demande comment ils pourraient
améliorer leur sort chez eux.
Ils sont contre le bill, d'accord, mais, en même temps, ils
semblent se dire que, pour contrecarrer le projet, tous les moyens sont bons,
même la démagogie. Ils risquent même leur réputation
puisqu'ils deviennent les seuls défenseurs au Québec de statu quo
constitutionnel. Ils ont le droit de se distinguer, mais non pas de se
ridiculiser. Ou bien ils sont drôlement plus politiciens que je ne le
pensais, puisque, même à l'intérieur du bill no 28, ils
réussissent à se proclamer les champions du statu quo
constitutionnel. Je leur souhaite bonne chance, mais leurs électeurs et
leurs parents seront amenés à dire qu'ils sont les seuls à
avoir le pas contre la majorité.
M. SAMSON: M le Président, j'invoque le règlement, en
vertu de l'article 270 pour rectifier des propos. Le député qui
vient de parler a mentionné que nous nous cachions derrière la
Constitution pour faire retarder de six mois la deuxième lecture du bill
28; c'est complètement faux, M. le Président.
Ce que nous avons invoqué, c'est justement le fait que certains
groupes c'est ça que je veux absolument que le
député comprenne, s'il est capable de le faire
s'apprêtent présentement à contester constitutionnellement
le bill 28. Nous avons demandé de retarder à six mois
l'étude du projet de loi pour demander un avis de la cour Suprême,
afin d'éviter au gouvernement ces problèmes qui l'attendent avec
ces groupes qui veulent le contester constitutionnellement.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se
prononcer?
DES VOIX: Vote.
M. BELAND: M. le Président... Je n'ai pas parlé sur la
motion. Alors, est-ce que vous me donnez le droit de parole?
M. LE PRESIDENT: Qui a fait la motion? DES VOIX: C'est lui.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il s'est levé pour faire la motion? A
l'ordre!
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Il ne s'en souvient pas, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Je n'étais pas au fauteuil à ce moment.
Qui a fait la motion?
UNE VOIX: C'est lui. Il a parlé pendant 45 minutes.
M. BELAND: M. le Président, simplement une explication. J'ai
parlé en deuxième lecture sur le principe du bill, à la
fin de quoi j'ai présenté une motion.
M. LE PRESIDENT: A la fin de quoi vous avez présenté la
motion.
M. BELAND: J'ai présenté la motion.
M. LE PRESIDENT: Si vous voulez vérifier le règlement,
celui qui fait la motion n'a pas le droit de parler deux fois. Vous avez
épuisé votre droit de parole et, en l'occurrence, vous n'avez pas
le droit de réplique non plus. Ce n'est pas une motion de fond.
UNE VOIX: Vous lui rendez service.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Chambre est prête à se
prononcer?
M. SAMSON: M. le Président, on voudrait le vote
enregistré, s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT: Vote enregistré? Qu'on appelle les
députés!
Vote sur l'amendement
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement
de l'honorable député de Lotbinière veuillent bien se
lever, s'il vous plait.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Samson, Roy (Beauce), Béland, Bois,
Roy (Lévis), Audet.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont contre veuillent bien se lever.
M. LE SECRETAIRE ADJOINT: MM. Bourassa, Lévesque, Pinard,
Garneau, Tessier, Parent, Harvey (Jonquière), Tetley, Drummond,
Saint-Pierre, Lacroix, Massé (Arthabaska), Mailloux, Cadieux, Coiteux,
Bienvenue, Perreault, Brown, Blank, Saint-Germain, Picard, Pearson, Fortier,
Bacon, Bossé, Caron, Carpentier, Cornellier, Dionne, Faucher, Harvey
(Chauveau), Houde (Limoilou), Lafrance, Lamontagne, Larivière, Marchand,
Ostiguy, Pelletier, Pépin, Phaneuf, Pilote, Shanks, Springate, Veilleux,
Loubier, Paul, Cardinal, Tremblay (Chicoutimi), Boivin, Lavoie, Bertrand,
Demers, Laurin, Léger, Charron, Joron, Tremblay (Sainte-Marie),
Lessard.
M. LE SECRETAIRE : Pour: 6. Contre: 58.
M. LE PRESIDENT: La motion me semble rejetée.
Est-ce que la Chambre est prête à se prononcer sur la
motion principale?
DES VOIX: Vote!
Reprise du débat de deuxième
lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. William Tetley
M. TETLEY: M. le Président, le bill 28 est d'une importance
primordiale affectant les droits de tout citoyen de l'île de
Montréal. Comme député du comté de
Notre-Dame-de-Grâce, comté entièrement situé sur
l'île de Montréal, il est juste que je présente mon point
de vue.
Lorsqu'on lit le texte du bill proposé, on est frappé par
le soin qu'a apporté le ministre de l'Education à protéger
les droits des minorités, tant des points de vue religieux que
linguistique. L'importance de ce bill et les droits en cause justifient
pleinement cette attention particulière.
En raison de l'influence qu'exercera le bill 28 sur le futur
système d'éducation dans l'île de Montréal, la
commission parlementaire de l'Education a tenu des réunions publiques au
cours desquelles elle a reçu environ 40 recommandations. J'ai
assisté à la plupart de ces réunions et j'ai pris
connaissance de toutes ces recommandations. Je dois admettre que j'ai
été impressionné par l'intérêt public. Il est
très encourageant de constater que la démocratie fonctionne d'une
façon aussi constructive. Je dis constructive parce que plusieurs des
recommandations formulaient des critiques constructives et stimulantes.
Voilà qui est encourageant, et Dieu fasse que le jour ne vienne pas
où le public ne pourrait ou ne voudrait pas participer librement
à la procédure démocratique.
La commission a reçu quelques recommandations de groupes
extrémistes. Le gouvernement est aussi sujet à des pressions
d'éléments extrémistes dans ce domaine comme dans d'autres
domaines. Il est important toutefois que le gouvernement prenne aussi la
défense de la majorité. C'est l'historien Thomas Carlyle qui a
émis l'avertissement suivant: "La soumission la plus tyrannique peut
bien être celle de la minorité à l'endroit de la
majorité."
Le présent gouvernement et la présente Assemblée,
en vérité tous les citoyens doivent se préserver des
pressions antidémocratiques des éléments
extrémistes de part et d'autre. Notre gouvernement ne ferait pas le jeu
des extrémistes dans leurs techniques ou leurs croyances. Je ne me
réfère pas seulement aux éléments
extrémistes tels que le FLQ ou l'incitation occasionnelle à la
violence de la part de certains chefs syndicaux.
Non, je me réfère aussi à certains de mes
concitoyens Anglo-Saxons qui entretiennent des points de vue
extrémistes. Lorsqu'on invoque la victoire des Plaines d'Abraham en 1759
pour adopter un certain régime constitutionnel aujourd'hui, on appuie
aussi indirectement la thèse du FLQ selon laquelle il a le droit de
créer un Etat québécois séparé par la
violence et la force. Les gens du FLQ ont fait éclater des bombes qui
ont tué d'innocentes victimes, puis ils ont assassiné Pierre
Laporte. Les gens sont de plus en plus contre les guerres et la violence comme
solution aux problèmes constitutionnels; c'est également mon
impression en ce qui concerne le Québec et le Canada.
Cette incursion de la violence, des procédés non
démocratiques et de la violence verbale doit se heurter à la
résistance de tous les éléments de notre
société, du gouvernement et des individus. La menace des
éléments extrémistes retarde la croissance de notre
province, ce qui nous touche tous. Je le sais dans mon ministère. Il est
bien évident que nous devons résister, mais nous devons le faire
par des moyens démocratiques. Je sais que le gouvernement actuel a le
courage de poursuivre cette voie et je crois également que la grande
majorité des individus a le même courage.
Après avoir abordé l'aspect philosophique du
problème, permettez-moi de discuter d'une façon plus
précise les termes du présent bill. Comme vous le savez, le
comté de Notre-Dame-de-Grâce est composé d'environ 80 p.c.
d'Anglo-Canadiens ou de Canadiens d'expression anglaise et de 20 p.c. de
Canadiens d'expression française.
J'ai reçu 70 lettres de divers groupes et groupements et j'ai
passé mes fins de semaine à rencontrer personnellement les gens
chez eux et à connaître leurs points de vue. Je suis donc au
courant de leurs sentiments sur cette question.
En général, mes électeurs canadiens-français
sont en faveur du bill. Lorsqu'ils m'ont parlé de cette loi, ils ont
profité de l'occasion pour me faire remarquer que les enfants des
Canadiens anglais avaient beaucoup de chance d'être bilingues. Ils ont
souligné que mes enfants auront de meilleures chances d'obtenir un
emploi que les enfants unilingues français. Je crois sincèrement,
après les études que j'ai faites dans mon comité et
ailleurs, que la grande majorité des Canadiens français veulent
que leurs enfants soient bilingues tout en protégeant, en même
temps, la langue française.
Il y a trois points principaux qui rendent mes électeurs de
langue anglaise inquiets au sujet du bill 28.
First: English-speaking Quebecers are concerned with the future of
Quebec and their future in Quebec. This is always raised as their first
apprehension when they discuss bill 28 with me. It is not the bill that worries
them, but the general climate, political and linguistic, in our province. This
is the major worry of English-speaking Quebecers in N.D.G. riding and I suspect
elsewhere because I have received many letters from outside the riding. In
fact,
one third of my letters are from outside the riding.
Secondly: The English-speaking population in respect to bill 28 is
concerned that the educational standards of the Protestant system and the
English Catholic system might be diminished under the new organization.
Thirdly: The right of the English Catholic Teachers (PACT) and English
Protestant Teachers (PAPT) to negotiate as separate bodies, side by side, with
the French Catholic Teachers (CEQ) is to them in doubt or a possible loss of
rights under the bill.
Voici les trois soucis des anglophones, du moins les anglophones que
j'ai rencontrés et avec qui j'ai parlé.
Let me deal first with their first "souci". If Quebec is to flourish,
all Quebecers must learn to work together in harmony. I am confident in the
future in Quebec and in Canada because it is an established fact that Quebecers
have the right to speak French or English in Parliament and in the Courts.
Article 133 of the B.N.A. Act ensures this, no other province gives this right.
This is not to say, however, that we must not be vigilant and concerned for the
future.
Si nous ne croyons pas à l'existence d'un Québec
séparé du Canada, nous ne pouvons pas plus croire à une
séparation des communautés anglophone et francophone sur la
question des commissions scolaires. C'est pourquoi j'appuie fortement le bill
28.
Les Québécois anglophones et les Québécois
francophones doivent s'entendre sur ce qui touche l'administration de leurs
écoles comme ils doivent le faire à l'échelle du
Québec et du Canada tout entier. Je crois personnellement que le bill
28, qui unit les commissions scolaires, mais non les écoles, constitue
une législation saine et progressive. Je crois également que le
bill 28 prévoit une protection pour les minorités linguistiques
et religieuses.
Le fait de travailler ensemble au Québec et ensemble au Canada
implique des sacrifices mutuels. C'est un défi et notre peuple s'est
formé en acceptant les défis, en surmontant les
difficultés et en travaillant ensemble dans l'harmonie. Nous devons
et j'ai confiance que nous y arriverons faire en sorte que la
nouvelle administration scolaire profite à toute la population du
Québec pour faire un Québec uni à l'intérieur d'un
Canada uni.
Le deuxième souci des anglophones. Que dire du deuxième
point qui vise à garder au système scolaire anglais son
efficacité? Sur le plan historique, il a toujours été
reconnu que le système scolaire protestant jouissait d'une bonne
administration et qu'il donnait de bons résultats. Je vous donne tout
simplement un exemple de la bonne administration. La Commission scolaire
protestante de Montréal, the Protestant School Board of Greater
Montreal, procède depuis 30 ou 40 ans à des études
démographiques de la population de Montréal.
Ces études leur ont permis d'anticiper l'accroissement de la
population scolaire et d'acheter du terrain à un prix minime (2 cents ou
3 cents le pied carré) bien avant d'en avoir besoin. Dans une
municipalité que je connais très bien, une commission scolaire
protestante a acheté, il y a de cela des années, de vastes
superficies de terrain assez grandes pour y construire des écoles et des
terrains de jeu, alors que dans cette même municipalité
vous la connaissez, je crois, M. le Président la commission
scolaire catholique, par manque de prévoyance, n'a fait aucun achat et
prélevait des taxes représentant un septième de celles
imposées par la commission protestante, en dépit du fait que les
contribuables catholiques de cet endroit, de cette municipalité,
étaient des gens à l'aise. Il résulte, aujourd'hui, M. le
Président, que cette municipalité n'a aucune école
secondaire catholique pour les garçons, celle des filles est
insuffisante et le terrain de jeu est inadéquat. Cette commission
catholique est maintenant aux prises avec le besoin d'acheter du terrain
à $4.00 et $5.00 le pied carré sur lequel sont construites des
maisons de $50,000 à $60,000, ce qui porte le prix réel de ce
terrain à $10 et $20 le pied carré.
Voilà l'efficacité dans le passé de
l'administration protestante. C'est cette administration efficace que les
protestants ont peur de perdre. J'ai déjà parlé au
ministre de l'Education et j'espère et il croit aussi que nous allons
garder cette administration efficace.
Avant d'être accusé d'être trop partial, laissez-moi
vous indiquer que, jusqu'à récemment, le système des
écoles protestantes avait une faiblesse dans un certain domaine, une
faiblesse très regrettable. Cette faiblesse se rapporte à
l'enseignement de la langue française. Au cours des dernières
années, certaines mesures ont été prises afin de rectifier
cette situation, mais le travail est loin d'être terminé. Un
exemple de cette amélioration: des écoles du système
protestant donnent l'enseignement complètement en français. Les
enfants qui fréquentent ces écoles sont l'espoir de demain. Cette
nouvelle génération sera apte à participer pleinement
à la vie et à la culture particulière du Québec. Je
suis conscient des problèmes des unilingues anglophones de 40 à
50 ans qui craignent d'avoir beaucoup de difficulté à apprendre
le français et gagner leur vie. Cependant, soyons très clairs, ce
n'est pas le but visé par ce bill 28. Ce bill, en effet, a pour but
d'améliorer l'administration générale du système de
l'éducation de l'île de Montréal, d'assurer une
distribution équitable de la taxe scolaire et de perfectionner la
qualité de l'enseignement dans ce système. Il y a une crainte
générale que la qualité de l'éducation dans
certaines écoles ou dans certaines régions soit
réalisée aux dépens des autres écoles.
Permettez-moi de vous lire un télégramme que j'ai
reçu dernièrement, c'est-à-dire vendredi
passé, exprimant une telle crainte. Ce télégramme
nous venait de la Fédération des enseignants catholiques de
langue anglaise et est signé: Ross Corbett. "La Fédération
des enseignants catholiques de langue anglaise appuie le principe d'unification
le principe du bill du ministre et du gouvernement mais à
la condition que les étudiants anglophones catholiques soient
assurés de recevoir un enseignement de qualité égale ou
supérieure à celui qu'ils reçoivent présentement.
Nous n'accepterons pas l'unification si elle divise notre population
étudiante dans le but d'apaiser la majorité. Espérant que
vous pourrez transmettre nos vues au ministre de l'Education..." C'est
signé Ross Corbett.
J'ai transmis ces voeux au ministre et je crois qu'il n'y a pas de vrai
problème.
May I say that the Bill is not intended to reduce educational standards
while fragmentation of students is not really possible because school boards,
not schools, are united. It must be noted as well that the provisional council,
not the Government, will fix the number of school boards and thus
democratically decide the question of fragmentation.
Il serait peut-être bon de souligner que nous ne devons pas
être trop pessimistes au sujet de l'habileté des francophones et
des anglophones à travailler ensemble. La Commission scolaire catholique
de Montréal est responsable depuis nombre d'années de
l'éducation des francophones et des anglophones catholiques.
Ce dernier groupe, même s'il était un groupe minoritaire, a
toujours été traité d'une façon juste. C'est
pourquoi j'ai lu le télégramme d'un groupe catholique anglophone
ce soir. En effet, les différentes organisations qui représentent
ce groupe n'ont cessé d'insister sur ce fait dans la présentation
de leur mémoire devant la commission.
D'autres excellents exemples de bonnes relations existent entre la CECM
et la Commission scolaire de Baldwin-Cartier.
Le troisième souci des anglophones concerne les
négociations par leurs associations d'enseignants. Les enseignants
anglophones, catholiques et protestants craignent de perdre leur droit de
négocier séparément en tant que PAPT (Provincial
Association of Protestant Teachers) et PACT (Provincial Association of Catholic
Teachers) avec la CEQ (Corporation des enseignants du Québec).
Le ministre, cet après-midi, a affirmé et soutenu que,
compte tenu de la jurisprudence récente, les droits individuels du PACT
et du PAPT demeureront intacts. Je remercie, encore une fois, le ministre de la
position qu'il a prise.
Mes conclusions, M. le Président, Ainsi donc, l'avenir s'annonce
difficile, mais encourageant. Nous devons tous, en tant que
Québécois, relever le défi. Il nous faut repousser les
pressions des éléments extrémistes avec une fermeté
non dénuée de compassion.
Je dis fermeté non dénuée de compassion, parce que
les cris des éléments unilingues, même extrémistes,
d'une part comme de l'autre, sont souvent des cris de désespoir, de
frustration et même des appels à l'aide. Nous devons tous tenir
compte des raisons qui sont derrière ces cris.
Pour notre part, nous les anglophones, nous devons reconnaître la
qualité et la beauté de la langue française, la
fierté du francophone pour son pays, les racines profondes de cet
héritage et de cette culture et les dangers auxquels la langue fait face
aujourd'hui.
Les Canadiens français, pour leur part, doivent reconnaître
les soucis des anglophones. Serait-il trop présomptueux ou
serais-je trop naif d'espérer que le bill 28 sera, avec le recul
du temps, interprété comme la première mesure
législative qui ait permis aux enfants du Québec, francophones et
anglophones, de grandir et de se développer dans une province où
ils avaient toute liberté de communiquer entre eux, d'apprécier
et de profiter de leur héritage commun et de construire ensemble un
nouveau Québec à l'intérieur d'un nouveau Canada.
C'est mon désir. J'espère que le bill no 28 va aider notre
province et l'unité du Québec. Tout le monde parle pour ou contre
l'unité du Canada, mais on oublie souvent l'unité de notre
province, l'unité du Québec. Je crois que le bill no 28 va aider
notre unité, ici au Québec, autant qu'au Canada. C'est pourquoi,
en dernier lieu, j'appuie totalement le bill no 28. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontaine.
M. Marcel Léger
M. LEGER: M. le Président, le bill 28 devrait poursuivre le but
de démocratiser le système scolaire et atteindre cinq buts bien
particuliers: 1- donner une chance égale à l'éducation
à tous les citoyens; 2- remettre le contrôle du système
scolaire aux citoyens; 3- répartir également le fardeau
financier; 4- reconnaître le pluralisme religieux; 5- construire un
système scolaire dans l'intérêt de la majorité
francophone dans le respect des minorités ethniques.
M. le Président, concernant le premier point, quand on parle de
chances égales à l'éducation pour tous les citoyens, si on
regarde actuellement la situation sur l'île de Montréal, on
s'aperçoit qu'il y a des régions défavorisées
à un point tel que des études ont démontré que dans
les régions défavorisées du sud et de l'ouest de
Montréal, il y avait plus d'étudiants qui doublaient leur
année que dans les régions favorisées, qu'il y avait plus
de gens qui étaient promus dans les régions favorisées que
dans les régions défavorisées.
Deuxièmement, les statistiques nous ont appris que les
résultats scolaires étaient encore plus faibles en
général dans les milieux défavorisés que dans les
endroits où le revenu des
parents était supérieur. On s'est aperçu aussi, M.
le Président, que dans le domaine des on m'excusera l'expression
"dropout", dans le domaine du départ des écoles... C'est
un terme qui devient pratiquement français le "dropout", c'est tellement
courant...
UNE VOIX: Non, non, on veut l'avoir dans notre langue.
M. LEGER: Dans ce domaine, on s'est aperçu que les régions
les plus défavorisées étaient celles où les
statistiques démontraient que la plus grande quantité
d'élèves quittaient l'école prématurément.
D'un autre côté, M. le Président, on s'est aperçu
que dans les régions défavorisées, les professeurs plus
jeunes étaient plus nombreux que dans les régions
favorisées.
Les professeurs avec moins d'expérience étaient
dirigés dans les régions où le milieu économique
était inférieur à celui d'autres milieux et les
professeurs plus expérimentés, plus âgés
étaient dirigés dans les endroits favorisés.
On s'est aperçu...
M. CADIEUX: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au député, s'il le permet? Selon quelles statistiques?
Cela fait au moins cinq ou six fois que j'entends "selon les statistiques"...
"selon les statistiques."
M. LEGER: Ce sont les statistiques de la Commission des écoles
catholiques de Montréal pour 1968-1969...
M. CADIEUX: Que les moins bons professeurs viennent d'un certain...
M. LEGER: Non, M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai dit.
J'ai dit qu'on envoyait les professeurs qui commençaient, avec moins
d'expérience, plus jeunes dans les milieux défavorisés et
que les professeurs plus expérimentés avaient le choix d'aller
dans les milieux plus favorisés. Cela, ce sont les statistiques de la
Commission des écoles catholiques de Montréal, que le
député pourra vérifier lui-même.
Finalement, M. le Président, il y a l'âge des
écoles. On s'est aperçu aussi que les écoles plus
vieilles, se retrouvaient spécialement dans les régions
défavorisées. On peut même dire que l'école
défavorisait certains enfants.
L'égalité des chances pour tous en ce qui concerne
l'éducation est un mythe qui ne résiste pas aux faits. C'est la
raison pour laquelle, M. le Président, le bill no 28, en ce qui nous
concerne, est le bienvenu, parce que l'objectif premier d'une restructuration
scolaire sur l'île de Montréal doit être le rattrapage de
ces régions défavorisées de façon à
égaliser les chances de succès scolaire.
M. le Président, une autre chose dont on s'est aperçu,
c'est le besoin d'une participation des citoyens, si on veut résoudre ce
problème.
Une des causes possibles des injustices dans la répartition des
ressources humaines et matérielles sur l'île de Montréal
est peut-être attribuable, actuellement à l'absence de
participation des citoyens sur le plan scolaire.
On sait que ce n'est pas facile de réunir des comités de
parents suffisamment nombreux pour s'intéresser à des
écoles. Jusqu'à dernièrement, à la Commission des
écoles catholiques de Montréal, les commissaires n'étaient
pas élus par la population, mais nommés: trois par
l'archevêché de Montréal et quatre par le gouvernement.
Plus tard, on s'est aperçu, dans les derniers temps du cardinal
Léger, que le cardinal s'était départi de ce désir
de nomination.
Dans les commissions où ils sont élus, il semble que les
citoyens se laissent parfois mener par des gens qui défendent peu leurs
intérêts. D'autre part, la participation des parents et des
citoyens en général n'est pas institutionnalisée. C'est la
raison pour laquelle nous croyons que, dans le bill 28, on devrait donner
davantage de pouvoirs aux parents pour permettre à la majorité
des citoyens de se rendre compte que c'est possible de réaliser quelque
chose en participant à des comités de parents parce
qu'actuellement ils n'avaient pas de pouvoirs.
Il y a bien un certain nombre de comités consultatifs
d'école mais ces comités servent surtout de canaux d'information
des administrateurs aux parents et n'ont aucun pouvoir de décision. Il
faut remettre le système scolaire de l'île entre les mains de la
population d'une façon intégrale, tant par l'élection
démocratique des commissaires et la création d'organismes de
participation au niveau de l'école et des commissions que par les
pouvoirs confiés aux commissaires et aux membres de ces organismes.
Le deuxième point que je voulais toucher ce soir c'est de
remettre le contrôle du système scolaire aux citoyens par la
participation. Nous sommes d'accord que l'élection, pour tous les
commissaires de l'île, soit faite et qu'il n'y ait pas de nomination par
le gouvernement. Nous sommes d'accord aussi pour donner plus de pouvoirs au
conseil de l'île. Actuellement le conseil de l'île n'a pas
suffisamment de pouvoirs. Nous sommes d'accord pour donner plus de pouvoirs aux
comités de parents, soit à l'école, soit dans des
comités confessionnels.
M. ROY (Beauce); M. le Président, j'invoque le règlement.
En vertu de l'article 87 nous n'avons pas quorum en cette Chambre. Il n'y a pas
un seul député d'Unité-Québec.
M. LE PRESIDENT: Trente et un. L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: Merci, M. le Président. Le troisième point que
je voulais soulever, c'est la possibilité qu'offre le bill 28, de
répartir égale-
ment le fardeau financier. Si on regarde la situation actuelle, on
s'aperçoit que la taxe foncière est la source de revenu
principale de la Commission des écoles catholiques de Montréal,
malgré qu'on soit obligé de recueillir des subventions
gouvernementales pour contrebalancer la différence dans les ressources
entre la Commission des écoles catholiques de Montréal et The
Protestant School Board Of Greater Montreal.
Selon les statistiques de 1968-1969, 25 p.c. des ressources
financières nécessaires à la Commission des écoles
catholiques de Montréal proviennent de l'impôt foncier des
catholiques, alors que 60 p.c. de l'impôt foncier des protestants
proviennent justement de l'impôt foncier perçu à la base de
l'impôt foncier des protestants. La Commission des écoles
catholiques de Montréal doit reprendre, de la taxe des neutres, 46 p.c.
pour équilibrer son budget, tandis que le Protestant School Board n'a
besoin que de 18 p.c.
Tout de suite, on décèle que les sources de revenu sont
supérieures et que l'on doit, par un mécanisme
d'équilibre, remplacer par les subventions provinciales et par la taxe
des neutres les revenus des commissions scolaires catholiques comparativement
à la commission scolaire protestante. Si on regarde actuellement le
nombre d'anglophones catholiques et le nombre de francophones catholiques, aux
derniers chiffres de 1969, il y avait 73,075 étudiants catholiques
anglophones contre 69,875 protestants anglophones sur l'île de
Montréal.
Cela faisait un total de 142,000 anglophones, en comparaison de 251,275
catholiques francophones, pour 2,694 protestants francophones. C'est donc dire
qu'il y a, du côté catholique, une majorité, mais une
grande différence entre les protestants anglophones et les protestants
francophones. Ce qu'il est important de remarquer, c'est le fait que les deux
organismes se financent surtout par l'impôt foncier. Or, l'impôt
foncier contribue plus au budget du Protestant School Board of Greater Montreal
qu'à celui de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. Cette situation est normale puisque les propriétaires
catholiques contribuent à la Commission des écoles catholiques de
Montréal, alors que les protestants contribuent à la Protestant
School Board et que les corporations contribuent à la taxe des neutres,
qui, en 1968, était distribuée à peu près au
prorata du nombre d'élèves.
Donc, ce qu'il est important de noter, c'est qu'un locataire catholique
francophone contribue indirectement, par son loyer, au budget de la Protestant
School Board of Greater Montreal s'il a un propriétaire protestant. On
sait qu'il y a beaucoup plus de propriétaires protestants que
catholiques. Ce système de taxation qu'il faut changer permettait aux
protestants de dépenser en 1968, $709 par étudiant, alors que les
catholiques devaient se contenter de dépenser $603 par
étudiant.
M. TETLEY: Le député me permetrait-il une question? En
quelle année?
M. LEGER: C'est en 69/70.
M. TETLEY: Je pourrais peut-être rétablir les faits, sans
vous contredire.
M. LEGER: Si le député me le permet, il pourra
rétablir les faits à la fin de mon discours.
M. TETLEY: Pardon.
M. LEGER: M. le Président, une telle injustice répartie
sur des décennies peut expliquer, en bonne partie, le système de
qualité dont se vante le Protestant School Board of Greater Montreal. Le
système de taxation suivant la confessionnalité
défavorise, au départ, les catholiques par rapport aux
protestants. Seules des subventions massives du gouvernement, que tous paient,
pourraient contrebalancer les effets de ce type d'impôt foncier.
On s'aperçoit encore, par les statistiques de la Commission des
écoles catholiques de Montréal, qu'au niveau de la taxation
provenant de l'impôt foncier, plus le revenu de la personne est bas, plus
grosse est la portion de son revenu qui contribue à l'éducation
et, plus haut est son revenu, plus bas est le pourcentage de sa participation
au niveau de l'éducation par l'impôt foncier. C'est la raison pour
laquelle, depuis toujours, le Parti québécois propose que le
système d'éducation soit financé par un impôt sur le
revenu et non par un impôt foncier.
Ce phénomène s'ajoute au phénomène canadien
exprimé dans les chiffres suivants: la moyenne des gens gagnant $2,000
par année c'est le revenu des défavorisés
dépensaient 8 p.c. de leur revenu en impôt foncier, alors que ceux
qui gagnant $10,000 et plus dépensaient 4.1 p.c. En chiffres absolus,
ils dépensaient plus, c'est sûr, parce que celui qui gagnait
$2,000 versait, d'après les statistiques, $137 sur $2,000, ce qui
faisait quand même une proportion de 8 p.c. tandis que celui qui gagnait
$10,000 et plus versait près de $500, ce qui équivalait,
cependant, à 4 p.c. de son revenu.
Ces chiffres montrent que, bien que ce soient les pauvres qui consacrent
une part plus grande, proportionnellement, de leur revenu à
l'impôt foncier, ce sont eux qui reçoivent le moins pour
l'éducation. Par conséquent, M. le Président,
l'éducation sert à effectuer un transfert des richesses des
citoyens les plus pauvres vers les plus riches. Le bill 28 peut amener, quand
même, une véritable restructuration scolaire permettant à
un conseil scolaire, muni de pouvoirs suffisants, d'injecter des sommes plus
importantes là où les besoins sont les plus grands, soit dans les
zones défavorisées. C'est la raison pour laquelle nous avons
été heureux d'apprendre que le ministre avait l'intention de
faire du rattrapage pour les zones défavorisées.
J'aimerais apporter un quatrième point con-
cernant la confessionnalité. Trop souvent, on mêle la foi
et la pratique religieuse. On l'a vu dernièrement dans la région
de Montréal-Hochelaga et de Maisonneuve.
Les statistiques de l'Archevêché de Montréal
montraient qu'il y avait une proportion de 25 p.c. de pratique religieuse dans
cette région. Mais, des enquêtes ont été faites pour
demander aux habitants de cette région s'ils préféraient
une école catholique, confessionnelle. A la surprise peut-être de
plusieurs, beaucoup de personnes, si ce n'est une majorité, parmi les
gens qui ne pratiquaient pas et qui avaient quand même la foi
désiraient une école confessionnelle.
Je pense qu'il faut faire une différence marquée entre la
foi et la pratique religieuse. Une école chrétienne n'est pas
simplement une école où l'on donne à côté des
matières profanes un enseignement proprement religieux ou encore
où l'on consacre des moments à la prière ou au culte. Une
école chrétienne embrasse l'ensemble de la vie humaine à
la lumière des valeurs auxquelles on croit et qui doivent transcender
l'enseignement même des matières profanes à travers
même le personnel qui l'enseigne.
Derrière le professeur, il y a l'homme avec ce qu'il
témoigne comme individu à travers les valeurs auxquelles
lui-même croit. On mélange tellement souvent la foi et la pratique
qu'on est porté à croire que des gens qui ne pratiquent pas
n'auraient pas la foi. C'est le contraire. Mais, d'un autre côté,
à travers l'éducation qu'on veut donner dans nos écoles,
il faut réaliser qu'un vrai chrétien ce n'est pas celui qui parle
uniquement de religion, mais c'est d'abord un témoin, un témoin
de la foi qu'il professe, non uniquement ce qu'il dit, mais ce qu'il est.
Aussi on parle de confessionnalité dans les écoles et on
en a parlé depuis quelque temps à l'Assemblée nationale.
Le christianisme embrasse l'ensemble de la vie humaine et donne une inspiration
et un éclairage particulier à toute l'activité de l'homme.
Cette vision globale des choses s'applique même à des
matières profanes comme la langue maternelle par exemple. Il ne suffit
pas que les élèves aient un cours de français
quotidiennement. Il est aussi nécessaire que la langue écrite et
orale, même dans les autres matières comme l'histoire et la
géographie, soit correcte, pour tous les cours. Je pense qu'il en va de
même pour les valeurs chrétiennes qu'il faut retrouver à
travers l'enseignement des matières profanes.
Pour assurer sa neutralité, l'Etat doit respecter les
différences de foi dans sa réforme de l'éducation. C'est
au niveau de l'école et non de la commission scolaire qu'il faut assurer
la confessionnalité selon le choix des parents. Jusqu'à
aujourd'hui, on a vu des gens des deux extrêmes, des gens qui veulent
enlever complètement la religion dans les écoles alors que
d'autres veulent y ramener des structures du XVIIle siècle au niveau de
la confessionnalité.
Le problème, c'est que les parents n'ont jamais eu un choix
précis pour envoyer leurs enfants à l'école. Ceux qui
étaient catholiques et ceux qui ne l'étaient pas ne pouvaient
choisir une école précise selon leurs aspirations. C'est
seulement quand les parents pourront avoir le choix d'une école neutre,
d'une école catholique et d'une école protestante, avec un
sondage ou un recensement fait au préalable, qu'il pourra y avoir cette
liberté du choix de l'école de leur confessionnalité.
Alors, on évitera d'imposer dans les écoles catholiques,
à des gens qui ne le sont pas, des structures qui leur déplaisent
et qui ne leur conviennent pas. Quand les parents auront un choix pour dire:
"Mes enfants, je veux les envoyer dans une école neutre, ceux qui les
enverront dans une école catholique pourront établir les
critères voulus pour donner à cette école l'enseignement
catholique qu'ils auront choisi.
Contrairement à ce que mes amis créditistes ont
évoqué tantôt, je pense que c'est au niveau de
l'école et non au niveau de la structure des commissions scolaires ou du
conseil de l'île qu'il faut voir à installer la
confessionnalité des écoles. La même chose au niveau de la
langue. C'est à l'école que, du choix des parents, soit anglais
ou français, la langue d'enseignement doit exister. Quant à la
commission scolaire, la langue de travail doit être celle de la
majorité. Au niveau de l'école, cela devrait être une
école anglaise parce que les parents veulent une école anglaise.
Cela ne veut pas dire que la commission scolaire devrait être une
commission scolaire avec des structures anglaises.
C'est au niveau de l'école, comme au niveau de la
confessionnalité qui doit être au niveau de l'école, qu'on
doit transmettre l'enseignement soit dans une confessionnalité de son
choix, soit dans une langue de son choix. Mais au niveau de la structure, ce
n'est la place ni de la confessionnalité, ni d'une langue qui n'est pas
celle de la majorité.
Cependant, même si ce n'est pas au niveau de la commission
scolaire que nous voulons qu'on établisse des structures
confessionnelles, il ne faut pas oublier non plus que l'administration doit
poursuivre les mêmes buts et les mêmes objectifs que les
écoles qu'elle veut servir. Aussi, c'est au niveau de l'école
qu'il faut s'attaquer et trouver une solution au problème de la
confessionnalité de l'école.
L'école chrétienne est un milieu de vie qui contribue
grandement à l'éducation de la foi des parents qui l'ont choisie
et cela d'une manière spécifique et irremplaçable. Une
société peut être pluraliste, mais un individu ne l'est
pas. Il doit faire son choix. Il ne peut pas dire: Je suis pluraliste. C'est
une société qui peut l'être. Il serait un être
amorphe s'il n'avait pas fait son choix. Ce serait un être sans
épine dorsale, sans conviction et il serait vite rejeté par notre
société qui est à la recherche d'authenticité.
L'école chrétienne est un moyen de former des
chrétiens éclairés et convaincus qui soient capables de
porter leur message dans le respect des autres et dans le respect de la
vérité qui est à la base même de
l'oecuménisme. Les parents qui auraient choisi et
déterminé que l'école de leurs enfants serait catholique
parce qu'ils ont eu le choix de le faire et ceux qui, ne le voulant pas,
auraient le choix d'envoyer leurs enfants à l'école neutre ou
protestante devraient avoir maintenant les moyens de rendre cette école
soit catholique soit protestante soit neutre. Seule la possibilité d'une
école neutre permettra, sans frustrer personne, d'exiger que
l'école catholique ou protestante fonctionne selon les critères
d'une école catholique ou protestante.
Mais le bill no 28 m'amène actuellement à me poser
plusieurs questions, même si dans l'ensemble nous appuyons le principe.
Est-ce que le comité des parents, malgré les amendements que le
ministre veut nous apporter, ne sera qu'un comité de vigilance sans
aucune assurance que l'on donne suite à ses recommandations? Comment
assurer et là, c'est une question que je me pose; peut-être
que lorsque les amendements du ministre arriveront, je serai convaincu
une permanence dans l'esprit d'une école chrétienne que je viens
de définir? Si un comité est élu d'une façon
annuelle, comment voulez-vous que ce comité soit efficace,
compétent, stable et permanent? Nous verrons d'après les
amendements que le ministre nous apportera. Trop souvent, ceux qui sont
élus à un comité de parents, jusqu'à aujourd'hui,
n'étaient pas nécessairement ceux qui étaient les plus
compétents, mais ceux qui parlaient le plus fort, ceux qui avaient le
tour de se mettre en évidence. Dans une question aussi importante que la
confessionnalité d'une école, est-ce qu'on doit se fier
uniquement à une élection démocratique ou s'il ne devrait
pas y avoir des mécanismes quelconques qui assureraient une permanence
à l'intérieur de l'école? En tout cas, c'est une question
que je me pose.
Il y a d'autres questions que je me pose: En cas de conflit avec la
commission scolaire, ces comités de parents auront-ils des
mécanismes de recours possibles et efficaces? Est-ce que ces
comités ne seront que consultatifs? Nous avons proposé en
d'autres circonstances le député de Saint-Jacques en a
parlé des amendements que nous espérons voir
étudiés par le ministre en comité plénier. La
consultation pour la nomination des directeurs d'école est-elle
suffisante? Est-ce suffisant de consulter ce comité des parents, le
comité confessionnel, avant la nomination des directeurs d'école
quand on sait qu'une école aujourd'hui, une école secondaire
surtout, c'est maintenant une école qui est dirigée par une
équipe? Ce n'est pas uniquement le principal qui parle, qui dicte, mais
il travaille en équipe. Quand on veut faire transposer des valeurs
à travers un personnel enseignant, seulement un rôle de
consultation pour la nomination du principal, je pense que c'est utopique si on
veut réellement réaliser dans les faits ce que le bill veut
proposer.
Une autre question: Que veut dire "question religieuse"? Est-ce
l'enseignement religieux? Est-ce seulement la pastorale? Est-ce que c'est toute
une étude d'un comportement à l'intérieur d'une
école? Nous avons des craintes parce que nous savons que beaucoup de
gens au niveau de la pratique religieuse ont décroché depuis dix
ans, huit ans, sept ans. Ils ont décroché de l'Eglise et ce sont
ceux-là mêmes souvent aui veulent des écoles
confessionnelles.
Mais je fais quand même confiance aux parents, à un
comité démocratique qui aurait la fonction précise de
déterminer le comité confessionnel de son école. Ce
dernier devrait avoir cependant le pouvoir de nommer les responsables des
questions religieuses au niveau des commissions scolaires.
Mais, M. le Président, jusqu'à ce jour, le bill nous
présente des pouvoirs trop limités pour le comité des
parents.
Quel rôle jouera ce responsable des questions religieuses dans la
sélection, l'affectation du personnel pour les écoles
catholiques? Quel lien existera entre le responsable des questions religieuses
et le comité confessionnel? Est-ce qu'il sera nommé? Quelle
garantie juridique avons-nous que les parents auront le pouvoir de
réaliser dans les faits ce que nous souhaitons aujourd'hui? De toute
façon, nous pensons qu'au niveau des écoles catholiques,
protestantes et neutres un recensement devrait être fait avant que ce
bill devienne en vigueur et qu'on établisse des écoles dans les
commissions scolaires.
Le cinquième point que je voudrais toucher c'est qu'il faut
construire un système scolaire dans l'intérêt de la
majorité francophone et dans le respect de la minorité
ethnique.
Une façon de régler ce besoin, de construire un
système scolaire dans l'intérêt de la majorité
francophone c'est, premièrement, au niveau du conseil de l'île ne
pas permettre la nomination par le gouvernement des quatre personnes
mentionnées sur quinze. Je pense que toutes les personnes devraient
être élues au niveau du conseil de l'île.
Deuxièmement, le conseil de l'île n'a pas suffisamment de
pouvoirs actuellement. Nous proposerons, en particulier, des amendements en ce
sens à l'occasion du comité plénier.
Troisièmement, nous ne sommes pas d'accord qu'il y ait
continuellement une double nomination aux différents postes de directeur
des services pédagogiques, directeur du service du personnel, service
des étudiants. Cette nomination en double d'une personne selon la langue
de la minorité, nous pensons qu'il ne faut pas la faire parce que
ça institutionnaliserait le bilinguisme au Québec, chose contre
laquelle nous sommes complètement puisque c'est seulement au
Québec qu'existe le bilinguisme dans les faits. Il ne faut pas le faire
dans la loi.
M. le Président, il faut agir en majorité en installant un
nouveau système scolaire; c'est la raison pour laquelle nous croyons
qu'il faudrait que la langue de travail, la langue de communication entre les
structures, c'est-à-dire à l'intérieur du conseil de
l'île, soit le français, un unilinguisme français
intelligent. La langue de travail entre le conseil de l'île et les
commissions scolaires devrait être le français pour les onze
commissions scolaires constituées. La langue française devrait
être la langue de travail entre les commissions scolaires et les
écoles. Cependant, au niveau des écoles, nous sommes d'accord que
les écoles qui réclament l'enseignement anglais devraient avoir
comme langue de travail, c'est sûr, l'anglais. Mais, dans les relations
entre les différents paliers de cette structure scolaire, uniquement la
langue française devrait être utilisée dans les
contacts.
Finalement, M. le Président, nous félicitons le
gouvernement d'avoir enlevé le système de votation par rotation
parce que cela aurait réellement dilué le pouvoir des
électeurs qui auraient voulu changer les commissaires d'écoles
qui auraient agi, durant leur mandat, contrairement aux voeux de la
majorité. En ne les changeant que par rotation, on n'aurait pas pu
changer la politique des commissions scolaires.
Je termine, M. le Président, en demandant que les commissions
scolaires dans l'île de Montréal soient de langue française
parce qu'actuellement, sur les onze commissions scolaires proposées,
sept sont à majorité francophone où, je pense, il y aurait
beaucoup moins de difficulté à assimiler les immigrants à
la langue française mais il y aurait beaucoup plus de difficultés
à intégrer la minorité des immigrants dans les commissions
scolaires anglophones. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut
absolument choisir le français comme la langue de travail et des
communications. Si on ne rend pas légalement obligatoire l'utilisation
du français au Québec, c'est se leurrer de penser qu'on aura une
politique de la langue française au Québec. On ne l'aura pas plus
au travail que dans aucun autre lieu.
Pour terminer, M. le Président, pour réaliser toutes ces
choses, il faut absolument que le gouvernement ait le courage d'abolir le bill
63 pour que nous puissions recommencer à neuf dans la restructuration
scolaire sur l'île de Montréal.
M. LE PRESIDENT (Blank): Le député d'Abitibi-Ouest.
M. Aurèle Audet
M. AUDET: M. le Président, je me fais un devoir d'apporter, moi
aussi, quelques commentaires sur ce projet de loi no 28 concernant la
restructuration du système scolaire sur le territoire de l'île de
Montréal.
Je suis très conscient que ce projet d'envergure présente
beaucoup de complexité et que nous devons reconnaître tout le
travail, l'étude et les recherches qu'ont dû effectuer toutes les
personnes responsables.
Je voudrais tenter de faire le point. Cette société de
1971 se veut moderne, mais on ne doit pas oublier que c'est de la
pluralité des idées et de la diversité des organismes que
cette province sera forte et inspirera un idéal à tous nos
jeunes, tout en respectant les valeurs fondamentales d'un passé qui a
produit une nation relativement forte.
Je voudrais d'abord définir ici les buts de l'éducation
qui sont, à mon sens: former la personne humaine et développer la
personnalité de chacun pour en faire des citoyens compétents et
libres et des chrétiens éclairés. Ce dernier aspect vaut
dans la mesure où la majorité sociologique est
concernée.
Qu'il soit bien compris, au départ, que j'admets la
liberté des non-chrétiens à recevoir l'éducation
qui leur convient. Le christianisme étant un choix libre, cette
conception élevée doit se retrouver dans toute la vie de
l'école, dans son ordonnance, dans la philosophie de l'éducation
et dans ses conceptions pédagogiques.
Quelques structures administratives que puisse impliquer ce projet de
loi, nous pouvons avancer, tout au moins, que ces structures doivent et devront
respecter les principes de vie et de démocratie, si on veut que nos lois
soient respectueuses des droits des personnes et de leur liberté de
choix.
Un de ces droits incontestables qui revient à la famille, aux
parents, comme l'a si bien dit tout à l'heure le député
des Iles-de-la-Madeleine, et qui devrait continuer à être reconnu,
c'est bien celui de choisir la langue et la foi dans lesquelles leurs enfants
doivent être éduqués. Ce droit fondamental des parents est
reconnu par tous et je dirais que cette reconnaissance a même
été manifestée par le député de
Saint-Jacques dans une volte-face qui a faite par rapport à ce qu'il
avait jusqu'alors soutenu.
M. CHARRON: M. le Président, sur une question de
privilège. J'ai déjà expliqué mais, pour les
créditistes, il faut expliquer au moins douze fois que ce
n'était pas une volte-face; il s'agissait simplement de préciser
une position que nous avions acceptée. J'espère, M. le
Président il en reste encore quatre ou cinq qui n'ont pas
parlé que je n'aurai pas besoin de le dire quatre ou cinq autres
fois.
M. BOIS: Non, nous avons compris.
M. SAMSON: C'est une volte-face quand même.
M. AUDET: Donc, si on veut bien reconnaître ce droit de choix en
matière d'éducation, pour les parents envers leurs enfants, il
faudra aussi donner aux parents les pouvoirs de décision et non
seulement le droit d'être consultés.
Il me semble que ce droit des parents d'être consultés,
plutôt que d'avoir le droit de choisir et de décider en
matière de langue et de confessionnalité dans l'enseignement,
devrait nous ouvrir les yeux. Que nous a valu, dans le passé, ce droit
de consultation reconnu aux parents dans la formation des fameux ateliers
pédagogiques?
Qu'est-ce, au juste, que ces ateliers pédagogiques ont eu
à décider dans le passé? Qu'est-ce que ces parents,
faisant partie de comités, ont eu à choisir au sujet de
l'éducation, si ce n'est de recevoir des informations sur les
décisions du gouvernement au sujet de cette neutralité qui
s'amplifie de plus en plus?
Si le ministre de l'Education croit réellement que ce droit de
regard et de décision des parents en matière d'éducation a
été respecté, qu'il nous prouve cette participation
effective de leur part et qu'il évalue quelque peu les résultats
obtenus de cette prise en main globale par le gouvernement de la
destinée de notre éducation au Québec.
Est-ce que le ministre est satisfait du climat religieux qui existe chez
notre gent étudiante en 1971, depuis l'existence de cet esprit
neutralisant au Québec.
Ce bill no 28, M. le Président, est inacceptable, parce qu'il
donne à l'Etat beaucoup trop de pouvoirs qui devraient être et
demeurer entre les mains des parents, surtout en ce qui concerne le choix de
l'enseignement de leur langue et de leur foi.
M. VEILLEUX: Il n'a rien compris.
M. AUDET: Le député de Lafontaine reconnaît la
nécessité du libre choix des parents. Nous nous accordons
là-dessus très bien, mais nous maintenons que l'école
contrôlée par une commission scolaire neutre, qui prend ses
directives d'un Etat neutre, ne peut pas garantir la confessionnalité
à des parents...
M. VEILLEUX: Voyons donc!
M. AUDET: ...à un comité consultatif.
M. VEILLEUX: M. le Président, est-ce que le député
d'Abitibi me permet une question?
M. AUDET: Parfait.
M. VEILLEUX: A vous écouter, est-ce que vous avez lu le projet de
loi no 28 avant de vous exprimer ce soir?
M. SAMSON: Est-il assez innocent celui-là!
M. AUDET: Les parents feront partie d'un comité consultatif et on
les consultera seulement. Ils n'auront aucun regard, aucun pouvoir de
décision dans l'éducation, n'est-ce pas?
M. VEILLEUX: Ils l'ont via les commissaires.
M. AUDET: ...et cette attitude que prend le gouvernement
vis-à-vis des parents en leur assurant la consultation n'est aucunement
une garantie pour le respect de la confessionnalité d'enseignement au
Québec. Et pour cette raison nous ne pouvons appuyer ce projet de
loi.
M. LE PRESIDENT: Le député de Laurier. M. André
Marchand
M. MARCHAND: M. le Président, depuis six mois exactement
aujourd'hui, le bill 28 était déposé en cette Chambre.
Tous les membres de cette assemblée ont pu en prendre connaissance ainsi
que plus de 40 groupements quels qu'ils soient, majoritaires ou minoritaires.
Tous les membres de cette assemblée ainsi que les associations ont pu
disséquer article par article et étudier ce bill sous toutes ses
formes, y apporter les suggestions et amendements qu'ils croyaient
nécessaires, afin de clarifier si possible ou d'améliorer ce
projet de loi pour le plus grand bien de la population du Québec.
Aussi, le ministre, avec la compétence que tous nous lui
reconnaissons, a pris bonne note de ces suggestions, les a
étudiées, et le mercredi, 1er novembre, il nous donnait l'essence
de ces amendements. Aussi j'appuierai ce bill no 28, parce qu'après
plusieurs rencontres avec les gens de mon comté, avant et après
ces amendements qui respectent la confessionnalité et les droits des
minorités linguistiques, après avoir assisté aux
commissions traitant du projet de loi no 28, après avoir
été présent à l'Assemblée nationale,
à toutes les sessions sur le bill, comme je le suis toujours sur les
autres projets de loi, je me prononce en faveur du projet de loi no 28.
And now, Mr. President, may I say that all the ethnic groups are ready
to learn French, but they do not want to lose their culture and they do want to
be bilingual.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.
M. Jacques Veilleux
M. VEILLEUX: M. le Président, n'ayez aucune crainte, je ne serai
long pour la simple raison que je ne possède pas la volubilité de
l'ensemble des députés du Ralliement créditiste pour
pouvoir vous entretenir longuement. Cependant, j'ai attendu que les honorables
membres de ce parti s'expriment afin d'être mieux éclairé
et peut-être réussir à comprendre le ou les points de vue
qu'ils essayaient de nous donner depuis qu'ils ont commencé à
discuter. Cependant, je ne suis pas plus avancé que lorsque le premier
député du Ralliement créditiste s'est exprimé. J'ai
constaté une chose: Ils n'ont absolument rien compris.
J'ai eu l'occasion d'assister à presque toutes les séances
de la commission parlementaire de l'Education. Si j'analyse les mémoires
qui nous ont été présentés, je constate que les
gens qui
sont venus s'exprimer devant les commissions parlementaires, notamment
celle de l'Education, avaient des points de vue diamétralement
opposés; tellement opposés qu'il y a même un de mes
électeurs qui m'a dit : Votre projet de loi doit être "pas trop
pire" puisque d'un côté vous avez les tenants de la francophonie
qui disent qu'avec le projet de loi no 28 on voulait faire disparaître le
français sur l'île de Montréal et d'un autre
côté les tenants du parler anglais qui disaient qu'on voulait
faire disparaître l'anglais sur l'île de Montréal. Si deux
groupes ayant des idées aussi opposées viennent dire que le
projet de loi veut faire disparaître et le français et l'anglais,
il est probable que le projet de loi protège, à sa façon,
ces deux choses.
La même idée peut surgir si nous analysons le
côté religieux. Je ne reprendrais pas ici toutes les discussions
qui ont eu lieu devant l'Assemblée nationale relativement à la
protection ou la non-protection de la religion catholique ou protestante. Mon
collègue de Saint-Henri, décoré douze fois de
médailles religieuses, a su défendre...
M. SAMSON: Nommez-les.
M. VEILLEUX: Je dirai au député de Rouyn-Noranda que mon
collègue de Saint-Henri est notamment chevalier de l'Ordre de
Malte.
M. SAMSON: Nommez les décorations.
M. VEILLEUX: Il a su, avec la verve qu'on lui connaît, prouver aux
membres de l'Assemblée nationale que le projet de loi no 28
protégeait la confessionnalité et ce sans équivoque. Mon
collègue de Saint-Henri a eu l'occasion de discuter de ce point de vue
avec les électeurs de son comté, puisqu'il a eu l'occasion d'en
visiter les onze paroisses. Il a eu aussi l'occasion d'en discuter longuement
avec l'archevêque de Montréal. A la vue des amendements
apportés par le ministre de l'Education, M. Saint-Pierre,
l'archevêque de Montréal ne pouvait qu'avouer, après toutes
les séances de la commission parlementaire et les amendements
apportés par le ministre, qu'effectivement la confessionnalité
était protégée.
J'ai eu l'occasion, moi aussi, d'aller rencontrer différents
groupes de parents sur l'île de Montréal. Je me rendais notamment,
la semaine passée, dans le comté de Sainte-Marie où je
rencontrais un groupe de parents. Nous avons discuté du projet de loi.
Le premier problème soulevé était un problème que
les gens du Ralliement créditiste ont qualifié de
neutralité, problème qu'on remarque dans le projet de loi.
Je dis que le projet de loi, loin d'être neutre, reconnaît
pour la première fois sur l'île de Montréal la
multiconfessionnalité parce que pour la première fois sur
l'île de Montréal les gens de religions différentes
pourront recevoir un enseignement religieux valable.
Le point sur lequel les parents ont surtout discuté ce
soir-là parce que dans trois heures de discussion il y a eu au moins
deux heures où la discussion portait uniquement sur le comité
consultatif de parents. Ils avaient peur de ce comité consultatif disant
que parfois le parent qui prendrait ses responsabilités, le parent
siégeant à ce comité consultatif qui prendrait ses
responsabilités pourrait subir ou son enfant pourrait subir de la part
des enseignants de l'école certaines pressions si le ou les parents ne
sont pas sur la même longueur d'ondes que les enseignants de
l'école.
Il est entendu, M. le Président que, si tous les parents sont
animés de cet esprit, le comité consultatif de parents est
voué à l'échec dès le départ. Il s'agit pour
les parents de prendre réellement leurs responsabilités. Pour la
première fois, sur l'île de Montréal, on reconnaît
juridiquement un droit de parole, un droit de regard aux parents à
l'intérieur non seulement des commissions scolaires mais à
l'intérieur aussi de chacune des écoles.
Le député de Lotbinière disait, cet
après-midi, que le projet de loi no 28 déshumanise les enfants.
D'abord, on ne peut pas déshumaniser des enfants parce qu'alors on se
retrouve à l'ère des robots. On peut déshumaniser ou
humaniser une école. Et qui fera que l'école sera plus ou moins
humaine? Ce sont d'abord les parents, au niveau des comités consultatifs
des écoles, ce sont aussi les enfants à l'intérieur de
l'école, aussi les enseignants et la direction. Moi, je suis prêt
à faire confiance à tous ces groupes qui vivront et qui
oeuvreront au niveau de chacune des écoles afin de rendre nos
écoles plus humaines.
Lorsque l'on demande au gouvernement d'humaniser les écoles, je
dirais aux représentants du Ralliement créditiste de lire quelque
peu, par exemple, Saint-Exupéry qui disait qu'on retrouve deux
catégories de gens: des gens qui vivent pour construire, d'autres qui
vivent pour humaniser.
Moi, je dis que le projet de loi no 28 fait que le ministère de
l'Education, que les différentes commissions scolaires sont là
pour construire mais que le rôle d'humaniser revient d'abord aux parents,
en deuxième lieu aux directeurs d'écoles et aux enseignants, et
en troisième lieu aux enfants eux-mêmes.
Un dernier point, tout simplement ici pour remercier le ministre de
l'Education d'avoir retardé de quelque deux ans le début du
fonctionnement des nouvelles commissions scolaires, c'est-à-dire d'avoir
reporté le délai du 1er juillet 1973 au 1er juillet 1975. Le fait
pour le ministre de prendre cette décision permettra à tous les
gens vivant sur l'île de Montréal, qu'ils soient catholiques,
protestants ou professant une autre religion, qu'ils soient de langue
française ou de langue anglaise, d'apprendre à vivre ensemble
pour construire un système scolaire cohérent sur l'île de
Montréal.
A l'instar de mon collègue de D'Arcy-
McGee, je dis qu'il est temps que la population de Montréal
accepte de vivre dans la même maison, et probablement que, si nous
permettons aux enfants de différentes croyances et de différentes
langues de se côtoyer dès l'école, lorsqu'ils seront
arrivés à l'âge adulte, ces gens-là pourront vivre
au Québec dans un état d'esprit beaucoup plus sain que celui que
nous connaissons aujourd'hui.
De plus, ce délai permettra aux syndicats d'enseignants de
régler un problème extrêmement délicat, issu de ce
projet de loi. Des représentants de la CEQ, de la PACT et de la PAPT
m'ont demandé ce qui arriverait à leur reconnaissance syndicale
étant donné qu'on retrouverait un régime scolaire
unifié sur l'île de Montréal.
Il y a, si vous voulez, dans le code du travail une certaine
ambiguïté, mais ce délai permettra aux parties en cause
d'abord, les trois centrales syndicales que j'ai mentionnées, et
aussi les autres personnes intéressées qui seront
éventuellement les futurs employeurs d'en discuter et de trouver
un terrain d'entente.
M. le Président, comme le disait mon collègue de
Saint-Jacques, cet après-midi, il est temps d'arrêter de parler,
il est temps de faire l'annexion, il est temps de voter le plus rapidement
possible ce projet de loi no 28 qui permettra au système scolaire de
l'île de Montréal de prendre un élan nouveau. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de L'Assomption.
M. Jean Perreault
M. PERREAULT: M. le Président, le projet de loi no 28 constitue
une épreuve majeure pour la survie harmonieuse du ménage
montréalais. Le mariage de raison entre les deux solitudes, qui
constitue la caractéristique la plus fondamentale de la
communauté montréalaise, est ici sérieusement remis en
question.
Il s'est dit et écrit sur le projet de restructuration scolaire
de l'île de Montréal les meilleures et les pires choses. On
pourrait en faire un sottisier, une anthologie.
Ceci n'étant guère utile, je ne le ferai pas. Je laisserai
ce soin aux spécialistes de la petite histoire. Depuis la fin de la
seconde guerre mondiale, la société du Québec remet en
cause ses structures et son développement. Dans les domaines municipaux
et scolaires, plusieurs commissions d'enquête diverses et des
comités d'étude ont souligné l'urgente
nécessité d'une réforme politique et administrative.
La réforme municipale s'est faite sur l'île de
Montréal par la création de la Communauté urbaine de
Montréal. La naissance et les premiers pas de cette communauté
ont été très difficiles et douloureux. On peut, cependant,
entrevoir aujourd'hui que la Communauté urbaine de Montréal
résoudra ses problèmes par la suppression de l'esprit de clocher
qui caractérisait les différentes municipalités de
l'île.
Cette communauté urbaine fait présentement ses muscles et
nous pourrons, dans très peu d'années, constater le dynamisme de
cette communauté qui permettra de garder le grand Montréal comme
métropole du Canada.
Le deuxième volet de cette réforme, la réforme
scolaire, est tout aussi important que la réforme municipale. Ces deux
réformes sont complémentaires. L'une ne va pas sans l'autre. Le
projet de loi no 28, intitulé Loi concernant la restructuration des
commissions scolaires sur l'île de Montréal, est justement cette
réforme scolaire tant attendue.
A l'heure où les municipalités auront à
négocier avec l'organisation scolaire l'usage en commun des biens
physiques appartenant au système scolaire, il importe que
Montréal ait une voix à l'échelle de l'île, tant
dans le domaine scolaire que municipal.
Le projet de loi no 28 est d'abord et avant tout une réforme
administrative et a trois objectifs fondamentaux. Le premier: améliorer
la rationalité de l'administration scolaire à Montréal ou
des commissions scolaires de dimensions extrêmement variées pour
répondre à une vaste clientèle.
Deuxième objectif: favoriser la distribution équitable des
ressources entre les diverses régions de Montréal. Il s'agit
essentiellement d'introduire dans le système scolaire de Montréal
un organisme, le conseil scolaire, qui aura pour mission principale de
distribuer des fonds supplémentaires affectés par le
ministère de l'Education ou recueillis par la taxation scolaire et
mettre sur pied des services particuliers ou de l'équipement
supérieur dans les milieux défavorisés.
Troisième objectif: démocratiser les structures scolaires
en accroissant le rôle des parents institutionnalisé dans les
comités d'écoles, comités confessionnels ou conseils des
parents, et favoriser la démocratie par la libre élection des
commissaires au suffrage universel selon des critères
d'éligibilité minimum.
Pour réaliser ces objectifs, le projet de loi no 28 créera
entre sept et onze commissions scolaires unifiées et coiffera ces
organismes régionaux d'un conseil scolaire dont la création est
essentielle et reconnue. Ce conseil scolaire, qui équivaut à un
gouvernement régional scolaire, sera le porte-parole de la
communauté montréalaise auprès du gouvernement du
Québec. Il décrétera les taux de taxation scolaire
municipale et distribuera les excédents en subventions spéciales
en fonction des besoins spéciaux de certaines zones.
Plusieurs ont exprimé des craintes sur le plan confessionnel. Le
bill 28, tout en créant des structures administratives neutres,
favorisera le développement religieux des écoles confessionnelles
du fait de l'existence de l'école neutre où des parents
agnostiques pourront envoyer leurs
enfants. La responsabilité de l'enseignement religieux revient
aux comités catholiques et protestants du Conseil supérieur de
l'éducation qui possède au Québec des droits clairs et
précis à cet effet.
Au niveau de chaque commission scolaire unifiée, on retrouvera
des responsables jouissant des pouvoirs qui découlent directement des
pouvoirs des comités catholiques et protestants. La
décentralisation des tâches religieuses, des prérogatives
laissées aux comités d'école quant au choix des principaux
d'école confessionnelle, le droit de regard permanent des membres de
comités confessionnels sur les activités religieuses de
l'école offrent des garanties suffisantes qui améliorent
grandement la situation actuelle.
Faisant suite à l'évolution de la société
montréalaise, deux constatations se dégagent avec clarté.
La première est que le facteur linguistique est devenu plus
déterminant à Montréal d'un point de vue sociologique et
politique que le facteur confessionnel. Deuxième facteur: les
francophones et anglophones forment, dans la région montréalaise,
non pas une seule mais deux communautés. On peut considérer qu'il
s'agit là d'un mal tragique et être tenté en
conséquence de chercher par tous les moyens sinon à
l'éliminer, du moins à en atténuer les effets.
On peut estimer au contraire que cette dualité est non seulement
un fait, mais une richesse et qu'il faut plutôt en favoriser le
développement dans le respect des exigences supérieures du bien
commun et de la démocratie. Ces commissions scolaires unifiées,
recommandées par le rapport Parent et le Conseil supérieur de
l'éducation, nous vaudront une économie de plusieurs millions de
dollars si elles sont sagement administrées et que la planification y
joue son rôle véritable.
Si on y met l'intelligence et le jugement voulus, c'est aussi une
occasion rêvée d'établir un équilibre
véritable entre les communautés francophone et anglophone de
Montréal. Retranchés jusqu'ici dans nos solitudes respectives,
nous avons mal joué nos rôles. La seule façon de garantir
pour l'avenir une coexistence harmonieuse de nos deux communautés, c'est
que la majorité ne recule plus devant ses responsabilités en tant
que groupe majoritaire et que la minorité ait sa sécurité
linguistique et culturelle garantie.
C'est le voeu de la majorité des citoyens anglophones et
francophones du Québec. Nous avons tendance à croire le
contraire, mais nous oublions toujours que la majorité silencieuse et
pondérée n'a pas la même résonance dans les
média de communication que le petit groupe des sectaires et des
passionnés qu'on retrouve tantôt à l'extrême gauche,
tantôt à l'extrême droite et ce, dans les deux groupes
ethniques.
En terminant je veux témoigner toute mon admiration à
l'endroit du ministre de l'Education, M. Guy Saint-Pierre. Comme
ingénieur, je suis à même de comprendre les
difficultés qu'il a dû affronter et la patience dont il a fait
preuve pendant les longues heures de consultation tant au niveau de
l'Assemblée nationale qu'au niveau des différents groupes
ethniques.
UNE VOIX: Il n'a pas dormi des nuits entières.
M. LESSARD: Le ministre n'était même pas là,
recommencez!
UNE VOIX: Il est arrivé. Envoyez-lui votre texte.
M. PERREAULT: Je veux rappeler le souhait qu'exprimait le ministre lors
de son discours de deuxième lecture et je cite...
M. TREMBLAY (Sainte-Marie): On vient d'apprendre que vous êtes un
bon ministre.
M. PERREAULT: ... "Ce que je souhaite pour ce bill c'est qu'en
entreprenant de rapprocher à la même table les
Québécois de Montréal, en leur suggérant des
mécanismes communs et démocratiques nous parvenions à une
harmonie plus grande entre les composants de ce peuple du Québec pour
qui nous voulons travailler comme gouvernants, sans tenir compte des
états de religion, de langue, de fortune ou de parti de chacun."
J'affirme que les générations futures reconnaîtront Guy
Saint-Pierre comme un grand patriote.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Jacques-Cartier
M. Noël Saint-Germain
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je ne voudrais pas
répéter tout ce qui a été dit relativement au bill
28 durant ces longs mois, on pourrait même dire ces longues années
de discussions. Seulement, appartenant à un de ces comtés
où le système scolaire sera profondément modifié
par ce bill, j'ai cru qu'il était de l'intérêt de mes
concitoyens que je puisse émettre mes opinions concernant ce projet de
loi.
H me semble, M. le Président, que ce projet de loi va modifier
d'une façon profonde le système traditionnel que nous avons eu
dans l'île de Montréal, et ceci déjà depuis de
très nombreuses années. Ces modifications vont modifier
premièrement l'éducation jusqu'à un certain point,
l'éducation religieuse, et aussi va modifier certains points concernant
les deux cultures qui caractérisent l'île de Montréal.
Dans le passé, il n'est jamais arrivé que les protestants
et les catholiques soient soumis à une seule autorité, à
une seule commission scolaire.
A ce point de vue, il faut toujours lorsqu'on tente de modifier
des facteurs religieux ou culturels être d'une extrême
prudence car il est très facile de passionner les gens avec des lois qui
peuvent modifier ce qu'ils ont de plus humain et ce qui les caractérise
le plus profondément au point de vue de la culture comme je l'ai
dit et de la religion.
Au point de vue culturel, la modification sera certainement moins
profonde, parce que là il y a des antécédents. Il y a
déjà des années que des enfants de culture anglaise et des
enfants de culture française étudient ensemble avec une
autorité unique. Comme cette façon d'agir a relativement bien
fonctionné, on peut espérer qu'il continuera d'en être
ainsi, même si dorénavant les protestants de culture anglaise
seront fondus dans un tout.
Il y a deux commissions scolaires importantes qui disparaîtront
par cette loi, c'est le Protestant School Board of Greater Montreal et la
Commission des écoles catholiques de Montréal.
Comme vous le savez, la commission scolaire protestante
traditionnellement, a toujours joui à Montréal d'un large
degré d'autonomie et elle a vécu du moins jusqu'à
l'établissement du ministère de l'Education d'une
façon pratiquement autonome. Depuis l'établissement de ce
ministère, il va sans dire que l'autonomie de la commission scolaire
protestante a été quelque peu modifiée, mais c'est avec ce
bill qu'elle subira les transformations les plus profondes.
Personnellement, il m'est facile d'admettre que les protestants de
langue anglaise de Montréal soient quelque peu anxieux, surtout ceux qui
oeuvrent comme employés, ou les commissaires mêmes. Les
employés voient leur employeur disparaître sans savoir
nécessairement quel sera leur nouveau patron.
Alors, que les protestants de l'île de Montréal voient ce
bill sans enthousiasme, il ne faut pas, à l'échelle humaine, en
être décontenancé. Lorsqu'on peut oeuvrer dans notre
maison, seul, en toute indépendance, on n'est jamais
nécessairement heureux d'y voir entrer des tiers.
Mais d'un autre côté, si on croit que cette entière
liberté laissée à la commission scolaire protestante est
une garantie d'avenir, je pense que l'on fait fausse route.
Je crois que, dans le contexte actuel du Québec, dans son
contexte politique, croire que garder le statu quo est encore la meilleure
garantie pour ce qui regarde la culture anglaise et les protestants, est de ne
pas concevoir les modifications profondes qui ont marqué le
Québec de ces dernières années. Je dirais même que
vouloir garder le statu quo pour la commission scolaire est quelque peu
utopique.
A Montréal, les protestants de langue anglaise ont toujours, au
point de vue culturel, vécu un peu en marge de la majorité,
surtout à cause de la grande indépendance, de la grande
liberté qui leur était laissée. Je vois personnelle- ment
plus de garanties pour les anglo-protestants de Montréal dans le fait
que dorénavant ils devront oeuvrer à l'intérieur
même du système au lieu d'oeuvrer en marge de ce même
système. Je crois que pour y faire passer leur façon de voir, ce
qu'ils considèrent leur échelle de valeurs, ils auront là
pour l'avenir de meilleures garanties que leurs droits seront
sauvegardés.
Il y a aussi un autre point de vue qui inquiète les protestants
de langue anglaise: c'est le point de vue administratif. Il faut tout de
même admettre, M. le Président, que les protestants de langue
anglaise ont su se donner à Montréal un système efficace
bien administré, avec une pédagogie adaptée au temps
moderne et aux besoins modernes.
En ce qui regarde le côté de langue française, nous
savons tous qu'il y a quelques années, c'étaient les
collègues privés qui avaient la crème des professeurs et
la crème des administrateurs scolaires dans la province de
Québec. Même au point de vue économique, le gros des
dépenses était fait au niveau des institutions privées. Ce
qui a fait que, dans le passé, il a existé un décalage
considérable entre les services scolaires protestants et catholiques.
Mais il faut tout de même admettre que depuis ces dernières
années ce décalage a diminué en importance, à tel
point que je ne crois pas que la fusion des deux commissions scolaires
veuille dire qu'il y aura, pour un groupe ou pour l'autre, une baisse dans la
qualité des services qui seront rendus.
Il ne faut pas oublier un autre facteur. J'entends souvent certains
administrateurs de langue anglaise affirmer que le rendement des écoles
ou des classes protestantes sera diminué. Il faut penser tout de
même, M. le Président, que ces valeurs acquises, que ces
expériences acquises parmi les administrateurs de langue anglaise, au
point de vue pédagogique ou au point de vue administratif, ne seront pas
nécessairement perdues, car tous ces gens resteront à l'emploi
des différentes commissions scolaires. Elles seront simplement
étendues à tout le système de Montréal et ces gens
seront un actif valable.
Leur activité permettra de relever le rendement de
l'administration scolaire dans l'ensemble de l'île. Leur
expérience et leur valeur ne sont certainement pas perdues. Cela reste
un actif énorme sur lequel les nouveaux commissaires sauront bien
compter.
En ce qui regarde la commission scolaire catholique de Montréal,
je suis toujours un peu surpris je le suis davantage à ce
stade-ci de nos travaux que l'on dise qu'avec les nouvelles structures
il y aura certainement un abaissement de protection pour les parents qui
veulent que leurs enfants soient éduqués dans des écoles
catholiques. J'ai assisté, comme de nombreux députés,
à tous les travaux de la commission parlementaire. Nous avons tous
entendu des mémoires et les représentants des professeurs
des écoles catholiques de Montréal nous ont donné
leur point de vue sur cette législation.
Nous avons tous remarqué que plusieurs de ces porte-parole se
disaient catholiques, mais semblaient, par leur comportement et leurs
déclarations, être antireligieux et anticatholiques. Je me pose de
sérieuses questions sur la valeur de l'éducation catholique qui
peut se donner dans les écoles de la Commission des écoles
catholiques de Montréal, considérant que plusieurs responsables
de classes se déclarent ouvertement non catholiques eux-mêmes.
Dans ces conditions, il faut admettre que, comme ce projet de loi
établit des classes neutres et que les personnes qui enseigneront dans
ces classes je parle surtout de celles de langue française
viendront des milieux qui se disent actuellement, officiellement du moins,
catholiques, elle permettra certainement aux différentes commissions
scolaires de débarrasser je dis bien débarrasser, en
prenant comme point de vue la question religieuse les catholiques de ces
professeurs qui ne peuvent pas transmettre ou créer dans leur classe une
atmosphère catholique.
J'espère bien que les parents catholiques, comme ceux qui dans le
milieu de Montréal sont responsables de l'éducation religieuse
catholique, verront à se servir efficacement de cette chance qu'ils ont
avec le bill 28 d'avoir des écoles et des classes où les
titulaires qui se disent catholiques seront aussi des catholiques
éprouvés dans leur vie.
M. CHARRON: Est-ce que le député de Jacques-Cartier me
permet de lui poser une question?
M. SAINT-GERMAIN: Certainement.
M. CHARRON: Effectivement, M. le Président, le
député de Jacques-Cartier a assisté à toutes les
séances de la commission parlementaire. Les interrogations qu'il vient
d'émettre m'incitent à lui poser la question suivante: Est-ce
qu'il serait prêt à accepter un amendement au projet de loi qui
donnerait des pouvoirs de décision aux parents en ce qui touche toutes
les modalités affectant la confessionnalité à
l'intérieur des écoles?
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, avec le bill qui existe
présentement et surtout avec les modifications qui ont été
apportées dernièrement par le ministre, je crois qu'en fait les
parents auront assez d'influence, pourront voir à ce que leurs
professeurs et leur directeur soient catholiques, et je leur dis: surtout
à cause de la structure même du bill.
Les commissaires d'écoles qui seront élus seront
responsables de leur administration directement aux parents. Les commissaires
d'écoles, si les parents sont assez vigilants, sensibilisés aux
problèmes parce que le bill leur fait confiance
nécessairement devront en fait tenir compte des avis des parents
catholiques au niveau des classes comme au niveau des écoles. Je vois
difficilement et j'ai été commissaire d'écoles dans
le passé comment un commissaire responsable aux parents pourrait
se moquer d'eux ou prendre à la légère leur façon
de voir lorsqu'il est directement responsable à eux. Je ne crois pas
d'ailleurs que les grandes garanties de chaque citoyen soient dans les lois,
bien spécifiques, comme telles. Il faut faire confiance à la
population, aux parents. Si les parents sont sensibilisés, comme je le
disais tout à l'heure, à ces problèmes, leur
volonté passera; mais, s'ils jouent un rôle passif, aurions-nous
la meilleure loi au monde,...
M. AUDET: Le député me permettrait-il une question?
M. SAINT-GERMAIN: ... leur opinion ne pourrait pas passer. Allez-y.
M. AUDET: Dans le passé, dans les commissions scolaires
confessionnelles, vous avez admis vous-même qu'il existait des
professeurs qui étaient contre le catholicisme ou l'enseignement de la
religion dans les écoles; c'est ce que vous disiez tout à
l'heure?
M. SAINT-GERMAIN: Oui.
M. AUDET: Comment prétendez-vous qu'avec des commissions
scolaires neutres vous aurez plus d'attention aux avis des parents?
M. SAINT-GERMAIN: Ce qui arrive, M. le Président, c'est que, je
ne sais pas si c'est nouveau pour le député, mais il y a des
contrats de travail. Il est très difficile pour un employeur, surtout
lorsque les gens sont syndiqués, de demander à un professeur s'il
est catholique ou protestant, s'il pratique la religion ou pas. C'est une
question qui, dans notre contexte, ne se pose pas.
Il y a des gens qui, aujourd'hui, dans les écoles catholiques de
Montréal, ne sont pas catholiques mais il n'y a pas d'écoles
neutres. Alors, s'ils n'enseignent pas en français dans les
écoles de Montréal, où enseigneront-ils?
C'est une perte d'emploi. Ils ne sont même pas capables d'exercer
leur profession. Ils sont protégés par leur syndicat et à
bon droit. Les employeurs catholiques, les commissaires catholiques de
Montréal ne peuvent pas, avec le statu quo, sélectionner leurs
professeurs. Bien plus, ils ne peuvent même pas refuser un nouveau
professeur, qu'il soit catholique ou non, parce que, si le type veut
travailler, il n'a pas à se déclarer protestant ou athée.
Il sait qu'en ce faisant il va être refusé. On ne peut toujours
pas se permettre, à titre de commissaire, de faire des enquêtes
sur les principes religieux des individus.
Mais, avec ce projet de loi, il y aura certainement un nombre
considérable de pro-
fesseurs qui ne pratiquent plus de religion qui seront heureux
d'enseigner dans des écoles neutres. Je crois que les employeurs et les
parents pourront faire les pressions voulues pour que ces soi-disant
professeurs ne soient pas responsables d'enfants de foi catholique.
M. le Président, je dois, avant de terminer, féliciter le
ministre pour les modifications au projet de loi qu'il a apportées la
semaine dernière. C'est le résultat des nombreuses
journées que nous avons passées à la commission
parlementaire. Ces modifications sont à point. Nous avons dit, au tout
début des travaux, que si on voulait à tout prix conserver
l'unification, les commissions scolaires uniques, nous étions
prêts à apporter toutes les modifications possibles de
façon que les droits des minorités dans ces commissions scolaires
soient protégés. C'est ce que nous avons fait. Ces modifications,
comme je l'ai dit, sont extrêmement importantes, à point, bien
adaptées aux nécessités du moment. Je l'en
félicite.
Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais aussi
développer en quelques mots un autre point de vue. Je crois que les
garanties qu'on peut donner par une loi aux droits culturels ou religieux des
individus sont valables.
Mais ces droits qu'on leur accorde par législation
même si cela reste important ne sont pas nécessairement la
garantie ultime que ces droits seront respectés. Je crois que la grande
garantie qui existe dans Montréal, actuellement, relativement aux droits
des minorités, est la mentalité, la façon de vivre, la
philosophie, je dirais cette philosophie démocratique, cette
tolérance des citoyens de Montréal.
Je ne crois pas que les citoyens de Montréal, quelle que soit
leur langue ou leur religion, permettraient que les droits des minorités
ne soient pas respectés. Et je crois que c'est là la garantie
ultime.
Quelle que soit la perfection de ce bill, si les gens qui sont
appelés à travailler à l'intérieur de cette loi ne
veulent pas s'entendre, ne veulent pas collaborer les uns avec les autres ou ne
veulent pas se faire confiance mutuellement, le système ne fonctionnera
pas. Et, aurions-nous une législation boiteuse, si les gens qui seront
obligés de travailler ensemble veulent travailler avec
coopération, avec une confiance mutuelle, le système
fonctionnera. Je dois vous dire tout de même que je suis sensible aux
risques que le gouvernement prend actuellement en proposant cette loi. Mais il
faut bien que le problème soit résolu. Nous avons remarqué
qu'entre les extrémistes d'un groupe et les extrémistes du
côté opposé, le gouvernement s'est toujours trouvé
au milieu de cet éventail d'opinions qui nous ont été
émises.
J'espère, dans l'intérêt de la province de
Québec et du pays, que cette loi apportera les bienfaits que nous en
espérons, parce qu'elle sera la preuve que les Québécois
sont prêts à vivre ensemble, veulent vivre ensemble afin de
construire un Québec meilleur, un Québec plus civilisé,
où l'échelle des valeurs humaines sera respectée.
C'est l'espoir que je formule parce qu'autrement, pour tout le
Québec, cela pourra avoir un résultat extrêmement
fâcheux.
M. VEILLEUX: M. le Président, sur une question de
privilège, avant que le député de Bourget demande
l'ajournement. C'est pour répondre à la question du
député de Rouyn-Noranda tout à l'heure. Une demi-minute,
M. le Président.
M. SAMSON: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Avec le consentement...
M. SAMSON: ... j'invoque le règlement. Je n'ai pas posé de
question au député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Vous m'avez posé une question pendant mon
intervention, et je voudrais...
M. SAMSON: Aucunement. M. le Président, j'invoque le
règlement. Je n'ai pas posé de question. H n'y a pas de question
de privilège à poser là-dessus.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: Etant donné l'heure, M. le Président, je
demanderais l'ajournement du débat.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion est adoptée?
M. PAUL: Adopté.
M. LEVESQUE: M. le Président, demain matin, il y aura, à
dix heures, au salon rouge, réunion de la commission parlementaire de la
Justice. Contrairement à ce qui apparaît en appendice, la
commission parlementaire des Affaires municipales, chargée de
l'étude du bill 84, Loi constituant la Commission de transport de la
rive sud de Montréal, se réunira, non pas à dix heures
demain matin, mais à seize heures en la salle 81-A.
M. PAUL: Si le leader me le permet, même si ce n'est pas sous
forme de motion, je peux vous dire que nous appuyons la motion que fera le
leader du gouvernement.
M. LEVESQUE: Je remercie le député de
Maskinongé.
M. LEGER: Moi aussi.
M. LEVESQUE: Ensuite, M. le Président,
demain, nous pourrons continuer l'étude en deuxième
lecture du projet de loi no 28 et nous pourrons aborder, par la suite,
l'étude des projets de loi suivants: 86 et 90. Ces deux projets de loi
seront probablement appelés, mais pas nécessairement, car nous
allons tâcher de libérer le feuilleton des projets de loi
suivants: 78, 274, 277, 275 et 93.
M. CARDINAL: M. le Président, est-ce que je peux poser une
question au leader?
M. LEVESQUE: Oui.
M. CARDINAL: J'essaie de le suivre avec beaucoup d'attention. Vous avez
dit que, si le projet de loi no 28 est terminé, les nos 86 et 90
pourraient venir. Mais est-ce que j'ai compris que, par
préférence, les autres viendraient avant?
M. LEVESQUE: C'est que peut-être le ministre des Affaires
municipales ne sera pas en Chambre, parce qu'il devra participer à
l'étude du projet de loi no 84. Lorsqu'il reviendra en Chambre, nous
pourrons revenir à ces lois; tout dépendra du progrès que
nous aurons fait dans l'un ou l'autre des nos 86 et 90.
M. CARDINAL: Comptez sur ma collaboration pour le no 86.
M. LEVESQUE: Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cette motion du leader parlementaire
à l'effet que les commissions siègent pendant que
l'Assemblée siège est adoptée?
UNE VOIX: En vrac.
M. CHARRON: Une dernière question au leader parlementaire sur
l'ordre des travaux. Après l'adoption en deuxième lecture du
projet de loi no 28 ce qui devrait se faire demain est-ce que le
comité plénier va commencer mercredi, jeudi ou vendredi?
Quand?
M. LEVESQUE: Il est possible que nous déférions le projet
de loi pour étude article par article en commission parlementaire de
l'Education.
M. CHARRON: C'est inutile, parce que nous allons reprendre le
débat en comité plénier ici.
M. LEVESQUE: Enfin. Nous prendrons nos responsabilités.
M. CHARRON: Vous le savez d'avance, un projet de cette
importance-là, ne faites pas le naif. Nous sommes allés dix fois
en commission parlementaire de l'Education, le reste du débat va se
faire en Chambre. Nous pouvons bien aller tramer en bas, les règlements
nous permettent de reprendre le débat en haut.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE: M. le Président, je crois que le jeune
député manque un peu d'expérience.
M. CHARRON: J'en ai suffisamment pour connaître le
règlement.
M. LEVESQUE: Je crois qu'il devrait faire attention à l'opinion
publique, parce que nous avons un devoir à faire ici. Nous tâchons
de le faire avec tout le sérieux, la diligence, la
célérité qui s'imposent, mais également avec
l'efficacité qui doit être la devise de tout le monde. Si on veut
répéter les débats, qu'on le fasse et on sera
jugé.
M. CHARRON: Très bien.
M. LE PRESIDENT: L'Assemblée ajourne ses travaux à demain
quinze heures.
(Fin de la séance à 23 h 1)