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(Dix heures dix minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Présentation de pétitions. Lecture et réception de
pétitions. Présentation de rapports de comités
élus.
Comité de l'éducation
M. PROULX: M. le Président, le comité de l'Education a
l'honneur de soumettre à votre honorable Chambre son quatrième
rapport. Votre comité s'est ajourné au 19 décembre
prochain.
M. LE PRESIDENT: Présentation de motions non
annoncées.
M. LESAGE: Un instant, nous n'avons pas compris, M. le Président,
le rapport qui vient d'être fait.
UNE VOIX: Il dit que le comité s'est ajourné jusqu'au 28
de janvier c'est ajourné,
M. PROULX: Votre comité fait rapport qu'il réfère
à votre honorable Chambre, pour considération, les bills
suivants: Bill 56, Loi de l'enseignement privé de formation
générale et de l'enseignement privé pour l'enfance
inadaptée; Bill 61, Loi de l'enseignement privé professionnel par
correspondance ou de culture personnelle. Votre comité s'est
ajourné au 19 décembre prochain.
Respectueusement soumis,
Jérôme Proulx, président.
M. LAPORTE: Non, on a surtout compris votre respect, mais on...
M. LESAGE: M. le Président, pourrais-je demander au premier
ministre si c'est l'intention du gouvernement de présenter avant la fin
de la session un projet de loi qui remplacerait les bills 56 et 61?
M. BERTRAND: Je dois dire que le ministre de l'Education était
à Québec hier. On comprendra facilement qu'après la
bataille, il a dû se reposer, ce qui est normal. Je m'attends de le voir
aujourd'hui. Je serai probablement en mesure d'informer le chef de l'Opposition
cet après-midi.
M. LESAGE: M. le Président, dans les circonstances, il serait
peut-être imprudent d'adopter le rapport qui vient d'être
fait...
M. BERTRAND: Je n'ai pas d'objection.
M. LESAGE: ... parce que l'on propose l'ajournement du comité de
l'éducation au 19 décembre...
M. BELLEMARE : On peut le rappeler.
M. LESAGE: ... oui, je sais, mais il faudrait révoquer l'ordre.
Alors, est-ce qu'il ne vaut pas mieux, purement et simplement...
M. BERTRAND: Le retarder.
M. LESAGE: ... inscrire le rapport, laisser les choses suivre leur cours
normal? Autrement dit...
M. BERTRAND: Très bien.
M. LESAGE: ... que le rapport soit inscrit aux procès-verbaux et
au feuilleton. A la suite des pourparlers que le premier ministre aura avec le
ministre de l'Education, nous déciderons demain ce que nous devons en
faire.
M. BERTRAND: Avec le ministre, c'est ça.
M. BELLEMARE : C'est parce qu'on a toujours peur de l'article 409 du
règlement.
M. LE PRESIDENT:
Présentation de motions non annoncées. Présentation
de bills privés. Présentation de bills publics.
M. BERTRAND: C.
Bill 89
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre de l'Industrie et du Commerce
propose la première lecture de la Loi des heures d'affaires des
établissements commerciaux.
L'honorable premier ministre.
M. BERTRAND: M. le Président, au nom du ministre de l'Industrie
et du Commerce, je lis la note explicative. Ce projet propose
l'établissement d'un cadre d'ouverture et de fermeture des
établissements commerciaux dans les municipalités de plus de
1,500 habitants et l'abrogation de la Loi de la fermeture à bonne
heure,
ainsi que des dispositions analogues du code municipal. En vertu du
bill, aucun client en devra être admis dans un établissement
commercial avant huit heures le matin, du lundi au samedi, ni après six
heures le soir, les lundi, mardi et mercredi; dix heures, les jeudi et
vendredi; cinq heures, le samedi.
L'heure de fermeture sera 10 heures du soir, les lundi, mardi, mercredi
et samedi de la semaine qui précède le dimanche de Pâques
et au cours de la période du 7 au 24 décembre inclusivement.
Un client ne devra pas, non plus, être toléré dans
un établissement commercial plus de trente minutes après l'heure
de fermeture. Tout établissement devra demeurer fermé le 1er
janvier, le 24 juin, le 1er juillet et le 25 décembre ou le
lendemain de ces dates, si elles tombent un dimanche ainsi que le
premier lundi de septembre et tout autre jour fixé par proclamation du
gouvernement.
La loi ne s'appliquera pas aux établissements commerciaux dont le
fonctionnement est assuré du début à la fin d'une
journée par un effectif total de moins de quatre personnes comprenant,
entrepreneur, patron et employés ou uniquement par le père, la
mère et leurs enfants.
La loi ne s'appliquera pas, non plus, aux établissements
commerciaux ni aux parties d'établissements commerciaux où se
vendent exclusivement certains produits d'usage courant ou certains produits
qui ne sont que l'accessoire d'un service fourni par un
établissement.
Le projet prévoit aussi qu'au cas de contravention des amendes de
$300 à $2,000 pourront être imposées au
propriétaire, locataire ou gérant de l'établissement,
même s'ils n'ont pas participé à l'infraction. Ces montants
sont de $25 à $200 pour les contrevenants eux-mêmes, lorsqu'il
s'agit d'une personne autre que le propriétaire, locataire ou
gérant.
Quiconque pourra intenter une poursuite pour infraction à la loi
et le tribunal pourra accorder les frais aux poursuivants, si l'action est
maintenue.
Si mon souvenir est bon, ce projet de loi devait être
déposé d'ici la fin de la présente session et être
référé à un comité qui siégerait
après la prorogation. C'est ce que j'avais compris, quitte à
vérifier. Le leader parlementaire et celui de l'Opposition font signe
que oui.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LAPORTE: C'est ça. Il était convenu, je pense, que ce
comité serait autorisé à entendre des témoins.
M. BERTRAND: C'est cela.
M. LAPORTE: Alors, disons que c'est la première lecture
aujourd'hui et qu'on le réfère à un comité avant la
deuxième lecture.
M. BERTRAND: Voici la note: « Qu'un comité spécial
de l'industrie et du commerce, composé de il s'agira
d'établir le nombre de membres entre les deux leaders parlementaires
soit institué avec pouvoir d'entendre des témoins et de
siéger, après la prorogation, pour étudier la Loi des
heures d'affaires des établissements commerciaux, bill 89 ». Je
propose donc immédiatement qu'on le réfère à ce
comité qui sera formé. Les deux leaders parlementaires
s'entendront quant aux noms et au nombre des membres.
M. LE PRESIDENT: La motion de première...
M. LAPORTE: Oui, oui.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée?
M. LAPORTE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente. L'honorable
député de Chambly.
Articles rayés du feuilleton
M. LAPORTE: Avant que nous n'allions plus loin, je n'aurais pas
personnellement d'objection à ce qu'on raye du feuilleton les articles
a) et b) pour des raisons que tout le monde comprendra.
M. BERTRAND: L'on pourrait également enlever du feuilleton, pour
l'alléger, les articles 14 et 15. Cela rappelle des souvenirs au chef de
l'Opposition et à moi-même.
M. LESAGE: Le premier ministre ne croit-il pas que la prudence exige que
nous attendions que le Conseil se soit prononcé sur le bill du premier
ministre? Je préférerais cela de beaucoup.
M. BERTRAND: Disons que la prudence du chef de l'Opposition, quant
à moi, est excessive ce matin.
M. LESAGE: On ne sait jamais! Avec ce qui se passe de l'autre
côté!
M. BERTRAND: Disons que... M. LAPORTE: Quand siège-t-il? M.
BELLEMARE: Aujourd'hui.
M. LESAGE: Eh bien! attendons qu'il ait siégé. Lundi,
ça fera quand même.
M. BERTRAND: Si le chef de l'Opposition préfère que nous
laissions les articles 14 et 15 en suspens, je n'ai pas d'objection.
M. LESAGE: Oui, oui, il faudrait que je consente...
M. BERTRAND: J'avais suggéré d'alléger...
M. LESAGE: J'aimerais mieux consentir après avoir eu l'assurance
que le conseil s'est sabordé.
M. BERTRAND: Alors, les articles 14 et 15 sont suspendus. Enlever a) et
b).
M. BELLEMARE: S'ils n'adoptent pas le nôtre, ils n'adopteront pas
le vôtre.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. L'honorable député de
Mercier.
Questions et réponses
Pouvoirs d'emprunt de l'université
McGill
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition m'avait posé une question
quant aux pouvoirs d'emprunt de l'université McGill.
M. LESAGE: Oui.
M. BERTRAND: On m'indique ici qu'en ce qui concerne les pouvoirs
d'emprunt de la susdite institution de l'université McGill, on nous
réfère particulièrement aux paragraphes A, B, C d'un avis
juridique qui a été donné par l'étude légale
Ogilvy, Colt, Porteous, à l'effet que cette institution possédait
des pouvoirs d'emprunt et qu'en fait, elle a fait une émission
d'obligations au montant de $5,200,000, hypothèque série A de
l'institution susmentionnée, qu'elle posséderait des pouvoirs
d'emprunt et qu'il n'y aurait pas lieu, dans son cas, d'adopter de loi
spéciale.
M. LESAGE: Y aurait-il objection à ce que le premier ministre me
donne non pas toute l'opinion légale mais...
M. BERTRAND: Oui, j'ai apporté ça.
M. LESAGE: ... du moins les paragraphes pertinents.
M. BERTRAND: Je transmets au chef de l'Opposition copie d'une lettre qui
m'a été envoyée par M. André Charron,
vice-président exécutif de J.-L. Levesque et L.-G. Beaubien
Limitée et à laquelle est annexée l'opinion de
l'étude d'Ogilvy, Colt.
M. LESAGE: Je suis certain que cette maison de courtage s'est
assurée...
M. BERTRAND: Elle n'a pas l'habitude de prendre...
M. LESAGE: ... que McGill avait le pouvoir d'emprunt
nécessaire.
M. BERTRAND: Elle ne prend pas de risque.
M. LESAGE: C'est ce que je crois.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour. L'honorable député de
Mercier.
Investissements français
M. BOURASSA: M. le Président, une question au premier ministre,
à propos de la commission mixte franco-québécoise sur les
investissements. On sait que cette commission a été
établie, il y a environ un an et demi. Elle s'est réunie à
plusieurs reprises et on a annoncé, de façon
régulière, dans les journaux, qu'il y aurait des investissements
français très importants et que ce serait réalisé
de façon imminente.
Le premier ministre pourrait-il nous dire quand nous aurons les
conclusions de cette commission qui siège depuis tellement longtemps et
après qu'on ait annoncé tellement souvent des investissements
français au Québec?
M. BERTRAND: Je dois répondre au député de Mercier,
premièrement, que ceux qui sont membres de cette commission ont
été fort surpris que cette nouvelle filtre dans les journaux.
M. BOURASSA: Est-ce qu'elle était fondée?
M. BERTRAND: La nouvelle est venue, suivant les renseignements que l'on
m'a donnés, de Paris,
Deuxièmement, les membres du comité de cette commission
doivent me faire rapport, et, troisièmement, il n'est pas pour le moment
dans l'intérêt public que je communique à la Chambre les
renseignements que j'ai obtenus. Quant à ceux que j'obtiendrai, au sujet
des travaux de ce comité, dont les activités durent depuis au
delà d'un an, je verrai, s'il y a lieu, à les communiquer
à la Chambre avant le voyage à Paris.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
Manifestation
M. LAPORTE: M. le Président, comme le règlement me le
permet, je voudrais préfacer ma question des explications les plus
brèves possible pour la rendre possible ou l'expliquer. Nous avons
assisté hier à une démonstration peu édifiante en
face du Parlement. Le premier ministre, le chef de l'Opposition et le
député de Laurier ont exprimé sur ces
événements des propos qui, je le pense, reflètent
l'opinion de la grande majorité des Québécois.
Les rumeurs les plus fantaisistes, je veux le croire, circulent sur les
motivations ou sur les incitations que des élèves auraient
reçues pour venir participer à cette manifestation.
Le président de la corporation des instituteurs, M.
Laliberté, a annoncé qu'il avait demandé qu'une
enquête soit faite. Ma question au premier ministre, est la suivante: Le
gouvernement lui-même a-t-il ordonné une enquête? Si non,
songe-t-il à ordonner immédiatement une enquête pour
obtenir des réponses aux questions suivantes: Quelles sont les
écoles qui ont été touchées par cette
manifestation? Quels sont les élèves qui ont participé
à la manifestation? De quel niveau sont les écoles qui ont
été touchées par cette manifestation? Ces écoles
relèvent de quelles commissions scolaires? Les élèves sont
venus ici avec la permission ou à l'incitation de qui?
Je me permets de conclure en disant que le renseignement, non
confirmé que j'ai je veux être très positif
serait à l'effet qu'un directeur d'école a dit aux
élèves: Tous ceux qui voudront participer à la
manifestation vont bénéficier d'un demi-congé,, Ceux qui
n'y participeront pas, devront être à l'école et ceux qui
ne participant pas à la manifestation ne seront pas à
l'école, seront traduits devant le conseil de discipline. C'est sur
ça que je voudrais qu'on fasse enquête.
M. BERTRAND: Je prends bonne note de cette question de mon
collègue, le député de Chambly, leader parlementaire. On
aura noté que, dès hier matin, quand les élèves se
sont rendus ici, immédiatement, j'ai demandé au ministre d'Etat
délégué ou attaché au ministère de
l'Education de s'enquérir pour savoir si les autorités de la
Commission scolaire de la ville de Québec avaient accordé quelque
permission? La réponse a été non. Je dois dire que, depuis
ce moment, une enquête s'effectue, par le truchement du ministère
de l'Education pour obtenir une réponse aux différentes questions
formulées par le député de Chambly.
J'espère que nous serons en mesure dès lundi d'apporter
des précisions dans ce domaine.
M. LAPORTE: M. le Président, question supplémentaire qui
n'en est pas une. Nous pouvons compter que, l'enquête terminée,
cette Chambre aura un rapport circonstancié, c'est-à-dire
très détaillé de l'événement.
M. BERTRAND: En autant que nous aurons pu obtenir toutes les
informations, à la suite de l'enquête,, On sait que, dans ce
domaine, parfois, on est envoyé de Caiphe à Pilate. Nous allons
essayer de nous rendre directement chez Pilate.
M. LAPORTE: M. le Président, si l'on découvre, chez
Pilate, que le problème est beaucoup plus vaste qu'on ne l'avait
imaginé, le gouvernement a-t-il l'intention, dans ce domaine,
c'est-â-dire dans l'espèce d'embrigadement que l'on semble
actuellement noter au niveau d'un très grand nombre d'écoles,
d'aller au fond des choses et d'obtenir une enquête très
complète? Parce qu'il est bien inutile que cette Chambre, que les
citoyens raisonnables prennent une position raisonnable si nous avons toute une
génération qui est en train de se faire embrigader par quelques
cerveaux qu'un député, le député de Laurier,
à fort bien dépeint hier.
M. BERTRAND: Le député de Chambly a noté
tantôt, au début de ses propos, que non seulement le chef de
l'Opposition et moi-même, hier, avions été
sensibilisés à ce problème, mais que nous avions fait des
déclarations afin que l'on sache bien que nous allons faire tout notre
devoir et utiliser tous les moyens légitimes en vue de connaître
véritablement ce qui se passe à l'heure actuelle dans les milieux
scolaires, au niveau secondaire comme au niveau des CEGEP.
M. LE PRESIDENT: The Honorable Member for St. Ann.
M. HANLEY: Mr. Speaker, I would just add another question to those of
the Honorable Member for Chambly. I have had a couple of calls from French
speaking parents that the parents were not aware that their children
participated and they were furious when they were informed by their children
that they were forced to participate in this demonstration. I think that the
parents should be included in this investigation.
M. BERTRAND: I thank the Member for St. Ann.
M. LE PRESIDENT: Affaires du jour.
M. LESAGE: Bien, les parents ne le savaient pas, c'est clair. Sur les
affaires du jour, M. le Président.
M. BELLEMARE: Un instant, le ministre...
M. LESAGE: Je sais que le premier ministre est bien occupé...
M. BERTRAND: Non.
M. LESAGE: ... et je voudrais bien le libérer autant que possible
d'ici à demain. Nous allons, aujourd'hui et demain, tenter de terminer
l'étude de trois des bills du ministre du Travail. J'ai dit au premier
ministre, avant la séance, qu'après avoir examiné les
bills 83 et 84...
M. BERTRAND: Très bien.
M. LESAGE: ... quant à moi et à ceux que j'ai
consultés, il n'y avait pas d'objection à les adopter ce matin,
afin de libérer le premier ministre.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LESAGE: Quant au bill 83, j'aurais seulement une question à
poser au premier ministre.
M. BERTRAND: Je n'ai pas besoin de dire, M. le Président, combien
j'apprécie cette collaboration du chef de l'Opposition, qui comprend
d'autant mieux qu'il a déjà occupé le fauteuil que
j'occupe.
Bill 83, article 9.
M. LESAGE: Je pense que le Solliciteur général se meurt de
parler.
M. BELLEMARE: Non, non, après.
Bill 83
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre propose la
deuxième lecture de la Loi autorisant la Régie des alcools du
Québec à délivrer des permis d'amphithéâtre.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
M. LAFRANCE: M. le Président, une simple remarque.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
M. LAFRANCE: Une simple remarque. Disons que j'accepte ce bill avec une
certaine réserve. J'aurais aimé connaître les motifs
sérieux qui ont incité le gouvernement à le
présenter. Ce qui est autrement plus important que la simple observation
que je vais faire, c'est qu'au lieu d'ouvrir les digues, on devrait,
peut-être, endiguer un peu l'alcoolisme en présentant la Loi de
l'OPTAT.
M. BERTRAND: Je vais répondre tout simplement au
député de Richmond qu'il y a, à l'heure actuelle des
amphithéâtres: le Forum, à Montréal, le
Colisée, ici, il y aura également le Stade de baseball à
Montréal. A l'intérieur ou sous les gradins, l'on pourra
établir soit des salles à manger ou des bars, mais les gens ne
seront pas autorisés à apporter avec eux la boissons dans les
gradins.
A ce moment-là, il s'agit tout simplement d'un service
public.
Je pense que le député de Richmond comprendra fort bien
que si l'on accorde des permis à des restaurants, à des tavernes;
il me semble que, dans des endroits comme ceux-là, il n'y a pas d'abus.
Les gens vont là pour assister à une joute. S'ils veulent prendre
un repas ou se rendre à un bar, entre les périodes, avant ou
après, je crois que c'est légitime.
M. LESAGE: Pas après. Après, ils ne le peuvent pas.
M. BERTRAND: Ils ne le peuvent pas; seulement jusqu'à la fin du
match.
M. LESAGE: Ils ne pourront vendre de l'alcool que jusqu'à la fin
du match.
M. BERTRAND: II y en a à la Place des Arts,
à Montréal. Je ne crois pas qu'il y ait eu abus de la part
de la population. Je comprends fort bien les remarques du député
de Richmond, mais il comprendra également que les motifs sont
sérieux, raisonnables et honnêtes.
M. LAFRANCE: M. le Président, mon intervention était
surtout pour démontrer l'urgence de combattre un peu l'alcoolisme, en
présentant le bill de l'OPTAT. C'est autrement plus urgent, à mon
humble avis. C'est la simple observation que je veux faire.
M. LE PRESIDENT: La motion en deuxième lecture sera-t-elle
adoptée?
M. LESAGE: M. le Président, j'ai dit que je voulais simplement
une clarification. Je voudrais être bien sûr que le mot «
amphithéâtre » est défini clairement comme voulant
dire non seulement un amphithéâtre couvert, mais également
un amphithéâtre dont les gradins sont en plein air. Autrement,
cela ne couvrirait ni le stade de baseball ni ce qu'on appelle l'autostade de
Montréal, où l'on joue au football. C'est sur Terre des Hommes,
je crois.
M. BERTRAND: C'est cela. L'interprétation que donne le chef de
l'Opposition est la mienne.
M. LESAGE: Très bien.
M. BERTRAND: S'il y en a d'autres, on y verra.
M. LAPORTE: Un monsieur qui est propriétaire d'un
théâtre et qui décide de le rebaptiser «
amphithéâtre » aura-t-il un permis?
M. BELLEMARE: Non, il serait dans l'illégalité.
M. LE PRESIDENT: L'honorable Solliciteur général.
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'aurais...
M. LESAGE: Est-ce là-dessus?
M. BELLEMARE: M. le Président, tandis qu'on est à
l'article 9, le chef de l'Opposition pourrait dire qu'on a passé
l'article 10 aussi.
M. LESAGE: Oui, le Solliciteur général est impatient de
parler. Est-ce que je dois comprendre qu'il veut parler sur les bills 83 ou
84?
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: Ni un ni l'autre? Alors, trois lectures du bill 83 et trois
lectures du bill 84.
M. BELLEMARE: Merci. M. BERTRAND: Merci beaucoup.
Bill 84
M. LE PRESIDENT: Alors, du consentement unanime de la Chambre, il est
reconnu que les trois lectures ont eu lieu pour les bills 83 et 84.
M. BELLEMARE: Le lieutenant-gouverneur a été
consulté.
Déclaration ministérielle
M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, j'ai une
déclaration à faire qui constitue d'abord un exposé de
faits et, en deuxième partie, l'attitude du ministère. Voici
l'exposé de faits. Le 15 octobre dernier, l'émission de
Radio-Canada Femmes d'aujourd'hui consacrait une heure à un disque
intitulé « Ton sexe et l'autre », dont le narrateur est M.
Henri Bergeron. Ce disque, qui touche à la sexualité des
garçons et filles de 10 à 12 ans, a suscité de vives
controverses dans les milieux éducatifs, religieux et laïcs. Les
auteurs sont François Gagnon, professeur à l'université de
Montréal, et Jean-Yves Desjardins, psychologue. Le disque a
été lancé par les Ateliers de sexologie de
Montréal, sous le vocable de Sextant. C'est ainsi qu'il est connu sous
le nom de Disque de Sextant. Le réalisateur est Christian Marcel.
Le disque, lorsqu'il a été lancé dans les Ateliers
de sexologie, était accompagné de livres explicatifs et de
diapositives. L'émission de télévision Femmes
d'aujourd'hui, dont l'animatrice est Mme Aline Desjardins, a fait entendre ce
disque et a fait voir les diapositives, ainsi que des extraits d'un film
représentant des danses primitives que la dignité de cette
assemblée m'interdit de décrire.
L'émission a eu lieu en présence du père Labrosse
qui fait aussi partie des ateliers de sexologie. La présentation de
cette émission a soulevé une vague d'indignation et de
protestation. Monseigneur Lavoie, curé de Saint-Roch à
Québec, directeur de l'Office diocésain des communications
sociales et animateur d'une émission radiophonique, a
dénoncé vigoureusement, 1 la fois, le disque et l'émission
de télévision. Il l'a fait à la radio après avoir
écouté le disque ainsi que dans les journaux au
moyen d'un communiqué et à l'occasion d'une
conférence de presse.
Une autre figure bien connue du clergé, le pire Emile Legault
s'est aussi élevé contre cet enregistrement. Il a refusé
de le commenter à la radio, mais il a abondé dans le même
sens que monseigneur Lavoie, dans une déclaration faite dans un journal
de Montréal. D'autre part, d'après un journal de Montréal,
le docteur Serge Mongeau, spécialiste en sexologie estime que le disque
tombant entre les mains de personnes non compétentes ou de jeunes non
contrôlés peut offrir des dangers en présentant la
masturbation et les jeux sexuels comme des activités normales et
fréquentes. Le jeune qui ne se livrera pas à ces actes pourra
alors se demander si ce n'est pas lui qui est anormal. Les parents sont
bouleversés et l'écho de leurs protestations est parvenu aux plus
hautes autorités en matière d'éducation. Un éminent
membre de le hiérarchie catholique aurait dit que le disque est une
écoeuranterie, que s'il avait été édité
à Paris il aurait été saisi. Le disque se divise en huit
parties, sous les titres suivants: Vivre nu, Sexe féminin, Sexe
masculin, Jeux sexuels, Point de vue des parents, Masturbation,
Homosexualité et Horizons Nouveaux.
Les deux parties les plus controversées sont celles des jeux
sexuels et de la masturbation. Dans les jeux sexuels on transporte les enfants
dans l'île de Trobillan en Océanie avec accompagnement de musique
d'ambiance où les enfants de 10 à 14 ans jouent au jeu du mariage
entre eux devant leurs parents, les imitant en cela car les parents font aussi
l'amour devant eux. Cette mise en scène vise à expliquer à
l'adolescent que les jeux sexuels auxquels ils se livrent, soit seul, soit avec
d'autres jeunes de son âge, et de l'un et l'autre sexe, sont tout
à fait normaux. Pour ce qui est de la masturbation, on enseigne à
l'enfant qu'elle peut lui être d'un secours précieux lorsqu'il se
sent tendu dans ses problèmes en l'aidant à apporter une
détente en autant qu'il ne croit pas faire un péché. Pour
monseigneur Lavoie on ne peut accepter qu'on situe en dehors de la morale
l'éducation de l'initiation sexuelle des enfants. C'est un
véritable appel à la révolution contre les parents,
dit-il. N'importe quel agnostique pourrait réagir comme je l'ai fait,
affirme-t-il, quand on est rendu à prendre les primitifs pour
modèles. Monseigneur Lavoie ajoute: Ce disque nous est
présenté comme le sommet de la civilisation quand il tombe dans
le plus épais des matérialismes, et l'Etat ne devrait pas
permettre cette tentative de dégénérescence.
En conclusion, monseigneur Lavoie affirme, si nous continuons comme
peuple, à nous « en- farger » dans notre liberté, si
nous continuons à vouloir neutrifier la vie sous prétexte de
science, si nous continuons à servir des médicaments contre la
constipation, à des jeunes qui ont attrappé la diarrhée,
je pense que nous allons disparaître comme nation
canadienne-française.
Deuxième partie: Attitude du ministère. Devant la vague de
protestation soulevée par la diffusion du disque: « Ton sexe et
l'autre », dont tout le monde a pu prendre connaissance à
l'écoute du programme radiophonique et à la lecture des journaux,
les pouvoirs publics ne peuvent pas rester indifférents. Il appartient
au ministère de la Justice, gardien de l'ordre public de faire la
lumière sur un fait aussi grave qui bouleverse tous les parents et
éducateurs. Il incombe aussi à l'Assemblée
législative d'être éclairée sur ce que tant de
personnes dont le jugement ne peut être mis en doute considèrent
comme une forme à peine déguisée de la perversion de la
jeunesse.
Quand on connaît tout le mal que les hommes se donnent pour
éviter que les remèdes et les nourritures ne contaminent le corps
humain, on peut se demander si nous sommes aussi vigilants en matière de
réglementation pour empêcher que les esprits ne s'intoxiquent et
que ne pourrisse l'âme de nos enfants.
C'est pourquoi, depuis quelque temps déjà, avec l'appui de
mon collègue l'honorable Jean-Paul Cloutier, ministre de la
Santé, de la Famille et du Bien-Etre Social, j'ai demandé aux
officiers concernés du ministère de la Justice d'instituer une
enquête qui tirera au clair toute cette affaire et en confrontera les
données avec les dispositions des lois qui régissent la
distribution des instruments de communication sociale.
Je ferai part à la Chambre des conclusions de l'enquête,
dès que j'en aurai été informé. D'ailleurs, toute
la question de la littérature obscène et pornographique,
considérée dans les divers aspects que présente le
problème de sa diffusion, fait présentement l'objet
d'études spéciales que j'ai ordonnées en ma qualité
de Solliciteur général et de ministre associé de la
Justice. Un comité ad hoc a été formé. J'ai
jugé qu'il était devenu urgent de prendre cette initiative,
étant donné que nos mesures de contrôle des moyens de
diffusion sont actuellement contestées et je le dis a regret
avec un certain succès. Ce comité ad hoc a pour but,
premièrement, de faire connaître l'état de la
législation actuelle et les moyens qu'elle offre d'endiguer le
déferlement d'obscénités auxquelles nous assistons trop
souvent avec impuissance. Il a pour but, deuxièmement, de faire
connaître la façon d'amender cette légis-
lation et de lui donner des dents sans outrepasser la juridiction du
provincial dans ce domaine. Et, troisièmement, il se propose de faire
connaître et de préparer un mémoire à l'intention
des autorités fédérales, afin qu'elles agissent.
M. LAFRANCE: Un simple commentaire, M. le Président. Est-ce qu'il
n'y a pas une escouade de moralité? Est-ce qu'elle ne peut pas agir? Le
ministre vient de faire une très grande publicité au disque.
Est-ce qu'on ne pourrait pas le saisir en attendant?
M. BELLEMARE: C'est la même chose que pour le film « I A
Woman ». Vous l'avez constaté vous-même.
M. MALTAIS (Limoilou): Le député est très bien
placé pour connaître déjà la réponse à
la question qu'il vient de me poser. C'est lui-même qui, un jour, dans
cette Chambre, et de façon fort à propos, a soulevé le
problème du film « I A Woman ». Nous sommes allés en
cour et il sait avec quel résultat. C'est justement à cela que
j'ai fait allusion, et nous sommes malheureusement, dans les circonstances et
dans le contexte actuel, obligés d'être prudents. Toutefois, il y
a actuellement une enquête, et si l'enquête conclut à la
saisie, nous saisirons immédiatement.
M. LAPORTE: Avec toute cette publicité, est-ce qu'il restera
encore des disques à saisir?
M. LAFRANCE: Mais remarquons que la publicité vient des journaux
qui mettent cela en première page, quand on parle du film « I A
Woman ».
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! De nouveau en comité
plénier.
M. BELLEMARE: Je voudrais dire, M. le Président, avant de
commencer l'étude de l'article, qu'il apparaît maintenant...
M. LESAGE: Nous étions rendus à l'article 3,
adopté.
M. BELLEMARE: Je voudrais dire à l'honorable député
d'Ahuntsic que, ce matin, au feuilleton, apparaît un avis...
M. LESAGE: On ne l'a pas vu.
M. BELLEMARE: Est-ce que le feuilleton est...
M. LAPORTE: II n'est pas encore distribué.
M. BELLEMARE: Est-ce que le feuilleton est distribué de l'autre
côté?
M. LAPORTE: II est en retard.
M. LESAGE: A l'épreuve du feuilleton, mais il n'y avait pas
d'avis.
M. BELLEMARE: Non, non, c'est pour les prévenir - je n'aurais pas
besoin de le dire, d'ailleurs ... C'est parce que nous avons
réussi ce matin à avancer considérablement la
transcription des textes. Je pense que l'avis est donné ce matin, pour
la Loi des relations de travail dans l'industrie de la construction. Dès
que j'aurai une galée, j'en ferai parvenir une copie au chef de
l'Opposition.
M. LESAGE: Maraudage?
M. BELLEMARE: L'honorable député a le mot juste. Je serai
probablement en mesure de distribuer lundi matin ou lundi après-midi
toutes les copies. Elles seront, à ce moment-là,
imprimées. Alors, article 3.
M. LESAGE: Nous venons de recevoir le feuilleton.
M. BELLEMARE: Ah bon!
M. LESAGE: Et l'avis apparaît en appendice...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ... et ça se lit: « M. Belle-mare: Loi des
relations de travail dans l'industrie de la construction. » Entre
parenthèses : maraudage.
Bill 287 Comité plénier
M. BELLEMARE: Bien lu, mais mal cité. Alors, article 3, M. le
Président.
UNE VOIX: Trois, adopté. Article 4?
M. BELLEMARE: L'article 4, c'est l'autorisation du lieutenant-gouverneur
pour conclure des ententes avec le gouvernement d'Ottawa.
M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté?
M. BELLEMARE: Adopté. M. LE PRESIDENT: Article 5.
M. BELLEMARE: A l'article 5, il y a une différence. L'ancienne
loi disait: Le ministre doit, dans les dix jours qui suivent l'ouverture de
chaque session, soumettre...
M. LESAGE: C'est la nouvelle formule.
M. BELLEMARE: C'est la nouvelle formule qui existe dans les autres
ministères.
M. LE PRESIDENT: Article 5, adopté. Article 6?
M. BELLEMARE: Article 5, adopté. Article 6?
M. LESAGE: C'est l'article habituel dans toutes les lois semblables.
M. LE PRESIDENT: Article 7, adopté? M. LESAGE: Article 7,
même chose. M. BELLEMARE: Même chose. M. LE PRESIDENT: Article 7,
adopté. M. LESAGE: Article 8, même chose.
M. BELLEMARE: Même chose que dans les autres
ministères.
M. LESAGE: Article 9, même chose. Article 10, même article
que pour tous les autres ministères.
M. BELLEMARE: Même chose.
M. LESAGE: Article 11. Le ministre a des amendements à
suggérer, je crois.
M. BELLEMARE: Oui, j'ai un amendement. Le chef de l'Opposition disait
hier: J'attire l'attention de l'honorable député de Champlain sur
sa sincérité et je ne veux pas mettre en doute ses bonnes
intentions. Je veux lui prouver que j'avais seulement de bonnes intentions.
L'article va se lire comme ceci.
M. LEFEBVRE: En avez-vous des copies?
M. BELLEMARE: Nous avons répété toute la
journée hier dans nos déclarations que ce n'était pas
notre intention de vouloir faire de la discrimination ou d'aller dans la vie
privée des gens pour chercher des rapports qui concernent la finance ou
quoi que ce soit. C'est, d'ailleurs, en vertu de la Loi des syndicats
professionnels. On dit spécialement ce dont on a besoin, ce qu'on veut
avoir. « Le ministre peut, en outre des pouvoirs qui lui sont
conférés en vertu de chaque de loi qu'il est chargé
d'appliquer, exiger de toute personne ou association tout renseignement
touchant les effets économiques de toute ordonnance ou d'un
décret ». C'est sûr, nous avons besoin de cela, surtout sur
le marché de la main-d'oeuvre. Cela se limite à cela. C'est
exactement ce dont on a besoin.
M. LESAGE: Cela remplace le premier alinéa?
M. BELLEMARE: Cela remplace le premier alinéa, mais pas au
complet, parce que cela continue après.
M. LESAGE: C'est cela que je veux savoir.
M. BELLEMARE: Non, non, cela continue après: « ... pour les
fins des études, recherches, compilations, analyses et publications que
la présente loi ou toute autre loi l'autorise à effectuer. Il
peut aussi autoriser par écrit tout fonctionnaire ayant
prêté le serment... » Cela demeure. C'est changé
à partir des premières lignes, « le ministre peut »
jusqu'aux mots « pour les fins des études, recherches,
compilations, analyses et publications ».
L'article 11 est-il adopté?
M. LESAGE: Un instant. M. BELLEMARE: D'accord.
M. LESAGE: Si je comprends bien, le texte qui nous a été
distribué remplace le texte des quatre premières lignes de
l'article 11...
M. BELLEMARE: C'est cela.
M. LESAGE: ... jusqu'après le mot « association »
dans la cinquième ligne.
M. BELLEMARE: Oui. Voyez-vous, cela se lit...
M. GOLDBLOOM: Il est quand même à remarquer que le ministre
demande des pouvoirs que ses savants collègues je prends l'exemple
de son collègue du ministère de la Santé, de la Famille et
du Bien-Etre social n'ont pas dans
les lois qui constituent leur ministère. Il y a le Bureau de la
statistique. Si je comprends bien, les autres ministres même s'ils ont le
droit d'instituer des enquêtes comme le ministre de la
Santé vient de le faire dans le cas d'un hôpital particulier
sont obligés d'avoir recours au Bureau de la statistique pour
obtenir de tels renseignements.
Or, j'aimerais savoir pourquoi le ministre, qui aurait pu dire que
l'article 13 de la Loi du Bureau de la statistique est à peu près
superposable à l'article 11 de cette loi que nous avons devant les yeux,
a insisté pour avoir cet article dans sa propre loi, plutôt que de
dire que l'article 13 de la Loi du bureau de la statistique pourrait
s'appliquer, mutatis mutandis, à cette loi de fonctionnement de son
ministère?
Pendant que j'ai la parole, je voudrais souligner qu'hier, en
deuxième lecture, le ministre m'a suggéré de relire
l'article 88 de la Loi des accidents du travail. Je note que cet article nomma
l'officier de la commission et la personne autorisée à faire une
enquête en vertu de la présente loi, c'est-à-dire la Loi
des accidents du travail, mais n'inclut pas nécessairement le personnel
du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
Donc, il y a quand même une lacune dans la protection en ce qui
concerne les enquêtes, les recherches qui pourraient être faites.
Je voudrais expliquer au ministre la raison pour laquelle j'insiste un peu
là-dessus.
C'est à cause de l'expérience que j'ai eue personnellement
dans ce Parlement, dans mes relations avec des fonctionnaires. Comme je l'ai
dit hier, je ne cherche pas à impliquer des fonctionnaires dans des
actes repréhensibles. Mais le ministre comprendra que des personnes qui
ne jouissent pas d'une formation professionnelle peuvent déroger
à un secret professionnel sans comprendre qu'elles le font.
Justement, j'en ai fait l'expérience et j'en ai discuté au
moyen d'une question que j'ai posée l'an dernier au ministre des
Transports et Communications. Je me suis à certaines occasions
adressé à des fonctionnaires pour avoir des renseignements. Il y
avait des implications médicales personnelles dans les renseignements
que je cherchais. Je ne voulais pas connaître les détails
médicaux, mais j'ai dû empêcher les fonctionnaires de
révéler ces détails qu'ils étaient tout à
fait prêts à me communiquer de bonne foi, parce qu'ils ne
comprenaient pas ce qu'est le secret professionnel. J'ai dû leur dire:
Non, je ne veux pas savoir ce qu'il y a du côté médical; je
veux seulement savoir si le cas de la personne en question sera
réglé par l'action du ministère ou de la commission selon
le cas.
C'est pour cela que j'hésite un peu devant ces pouvoirs,
même avec les modifications qui sont à leur face raisonnablement
acceptables. Je ne suis pas encore convaincu qu'on ne devrait pas avoir recours
simplement au Bureau de la statistique, comme le font les autres
ministères.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable député a
voulu diviser en deux parties son intervention. D'abord, il nous demande
pourquoi la loi de la statistique, chapitre 207, ne pourrait pas
s'appliquer.
Je dis que nous allons plus loin que la loi de la statistique parce que
nous avons dans notre loi l'obligation de consulter la personne qui nous a
fourni le renseignement avant de le publier.
Il faut le consentement écrit de la personne qui nous a
renseignés avant qu'il soit publié. C'est là une garantie
que la loi n'avait pas. C'est encore une garantie qu'on donne à la
personne sur qui on doit faire enquête.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je ne voudrais pas interrompre le
ministre, mais si j'ai bien lu l'article 13 de la Loi du Bureau de la
statistique, il y a la même exigence là-dedans.
M. BELLEMARE: Oui, mais voyez ici: « Aucune publication du
ministère ne doit contenir des renseignements relatifs à une
personne ou une association en particulier si ce n'est avec le consentement
écrit. Tous les renseignements fournis doivent être
disposés de façon à permettre qu'il soit impossible de les
relier à une personne ou à une association. »
Je dis maintenant qu'en vertu de la Loi des accidents du travail, il est
permis à une personne de connaître son dossier médical.
Vous savez que la loi a été amendée dernièrement.
On permet maintenant de connaître l'opinion médicale de la
commission. On peut l'obtenir.
M. GOLDBLOOM: On le permet à l'intéressé, mais pas
à une personne.
M. BELLEMARE: A l'intéressé.
M. GOLDBLOOM: Pas à une autre personne.
M. BELLEMARE: A l'intéressé qui, par la voix de son
député ou par la voix de son médecin, peut l'obtenir. Il
n'est pas nécessaire que le consentement soit écrit. Si nous
avons la certitude que la personne est de bonne foi, nous avons le droit de
communiquer un renseignement.
D'ailleurs, dans la Loi des accidents du travail, on a amendé, il
y a quelques années, à la demande des centrales cet article
particulier qui disait qu'il fallait nécessairement que ce soit... Non,
je pense que nous y avons apporté tout notre coeur et surtout notre
désir de ne pas faire d'inquisition, de ne révéler aucun
secret. On l'a bien spécifié et on a dit nous avons besoin de ce
pouvoir d'enquête. D'accord, vous pensez que l'on veut aller trop loin.
D'accord, nous allons dire ce dont nous avons besoin. Alors, on a dit: au point
de vue économique, touchant toute la question des décrets, des
ordonnances, et particulièrement tout ce qui regarde le marché de
la main-d'oeuvre. Je pense que c'est bien spécifiquement
déterminé.
Je remercie l'honorable député de son intervention. Il
pourra certainement avoir confiance que nous allons mettre tout le
sérieux que mérite la loi dans son application.
M. BELLEMARE: Alors, article 11 adopté tel qu'amendé.
Article 12.
M. LE PRESIDENT: Article 11 adopté tel qu'amendé,, Article
12.
M. BELLEMARE: Cet article traite des pénalités qui
découlent de l'article 11. Vu que ce ne sont que des renseignements
techniques, statistiques, je ne peux pas appliquer l'article que discutait hier
l'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: D'ailleurs, ce n'est pas l'article 12 qui correspond à
l'article 15 de la Loi du bureau de la statistique, c'est l'article 13, et j'en
dirai un mot dans un instant.
M. BELLEMARE: Oui. Alors, j'en profite pour suggérer...
M. LESAGE: J'ai une modification à suggérer au ministre du
Travail...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: A l'article 13. Article 12, c'est correct.
M. LE PRESIDENT: Alors, article 12, adopté.
Article 13.
M. BELLEMARE: A l'article 13, je dirai ceci:
M. LESAGE: Si le ministre voulait m'écou-ter, ce n'est pas
tellement sur le montant de l'amende.
M. BELLEMARE: Je vais juste dire...
M. LESAGE: Avant d'arriver à l'amende, qui est le deuxième
alinéa,...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: ... je voudrais parler du premier alinéa.
M. BELLEMARE: Correct.
M. LESAGE: Au premier alinéa, les trois dernières lignes:
« ni révéler, sans y être dûment
autorisé quoi que ce soit dont il a eu connaissance dans l'exercice de
ses fonctions. »
M. BELLEMARE: « Ni révéler sans y être
dûment autorisé »... oui.
M. LESAGE: C'est-à-dire que l'on couvre beaucoup plus que les
renseignements qu'un fonctionnaire peut obtenir en vertu du projet de loi. On
couvre tous renseignements que ce fonctionnaire peut avoir obtenus dans
l'exercice de ses fonctions. C'est aller trop loin. Dans la Loi du bureau de la
statistique...
M. BELLEMARE: Monsieur le...
M. LESAGE: Si le ministre veut me laisser terminer mon argumentation,
avoir la patience des juges de la cour d'Appel.
M. BELLEMARE: Je ne l'ai pas. Je ne l'aurai jamais.
M. LESAGE: A l'article 15 de la Loi du bureau de la statistique, voici:
« Tout fonctionnaire ou employé du bureau qui: a)
révèle sans droit à un tiers les renseignements obtenus au
cours de son emploi et susceptibles d'influer sur les prix courants d'un
article de valeur, etc...»
Mais l'article 14b) s'applique mieux: « ne garde pas, selon qu'il
est prescrit par la présente loi, le secret des renseignements
recueillis ». Par conséquent, il s'agit des renseignements
recueillis en vertu de la Loi du bureau de la statistique et ce que je soumets
est que l'on doit restreindre la portée de la disposition, à la
révélation de renseignements obtenus en vertu de la loi du
ministère et non pas d'autres renseignements. Je voulais
suggé-
rer, en empruntant un peu la formule de la Loi du bureau de la
statistique, à l'article 14, la phraséologie suivante; « ni
révéler, sans y être dûment autorisé, les
renseignements qu'il a obtenus sous l'empire de la présente
loi.»
M. BELLEMARE: M. le Président, d'abord, première
observation...
M. LESAGE: Je ne parlerai plus de l'amende. J'ai très bien saisi
la distinction qu'il y a entre l'article 14 de la Loi du bureau de la
statistique et l'article 15. Cela va, je retire ce que j'ai dit hier. J'aurais
dû référer à l'article 14 et non à l'article
15. Cela va...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ...quant au point que je viens de soulever, je pense que le
ministre devrait le considérer.
M. BELLEMARE: On pourrait simplement ajouter: « Aucun
fonctionnaire du ministère autorisé à recueillir des
renseignements, en vertu de l'article 11, ne doit obtenir ou chercher à
obtenir, sous prétexte de l'accomplissement de ses devoirs, des
renseignements qu'il n'est pas autorisé à obtenir en vertu de la
présente loi, ni révéler, sans y être dûment
autorisé, les renseignements requis ».
M. LESAGE: Renseignements obtenus.
M. BELLEMARE: Oui, obtenus.
M. LESAGE: Les renseignements obtenus.
M. BELLEMARE: Vous avez raison, les renseignements obtenus.
M. LESAGE: En vertu de la présente loi. M. BELLEMARE: Obtenus
sous l'empire...
M. LESAGE: C'est plutôt « en vertu de la présente loi
».
M. BELLEMARE: En vertu de la présente loi.
M. LESAGE : Ou encore, si le ministre le préfère, il peut
dire « en vertu de l'article 11 », c'est encore plus
restrictif.
M. BELLEMARE: On en parle d'ailleurs au début...
M. LESAGE: Bien oui, en vertu de l'article 11.
M. BELLEMARE: On le caractérise, l'article 11 à l'article
13.
M. LESAGE: Je n'ai pas d'objection. M. BELLEMARE: Très bien.
M. LESAGE: Du moment que l'on restreint ça à la loi. Dans
la loi, il n'y a que l'article 11 qui permette d'obtenir des
renseignements.
M. BELLEMARE: C'est ça. Et, comme c'est bien défini par
notre amendement, que ça s'applique au point de vue économique et
spécifiquement aux recherches et aux investigations...
M. LESAGE: Cela va très bien.
M. BELLEMARE: Alors, article 13.
M.. LE PRESIDENT: Article 13 adopté tel qu'amendé. Article
14.
M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: Cela, c'est la reproduction de l'article 2 du texte
antérieur dans une phraséologie plus adaptée.
M. LE PRESIDENT: Article 14, adopté. Article 15.
M. BELLEMARE: Article 16, c'est la loi...
M. LE PRESIDENT: Article 15, adopté. Article 16, adopté.
Article 17, adopté.
M. LESAGE: Je crois que le ministre a amélioré son projet
de loi. J'espère que, lors de l'étude des deux autres projets de
loi, il fera preuve de la même compréhension.
M. BELLEMARE: C'était notre désir. M. LESAGE: Oui, oui. M.
BELLEMARE: On l'avait dit. M. LESAGE: Je vais continuer...
M. BELLEMARE: M. le Président, on nous a prêté une
foule de mauvaises pensées que nous n'avons jamais eues.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. FRECHETTE (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a
adopté le bill 287, avec les amendements qu'il vous prie
d'agréer.
M. LEBEL (président): Le bill amendé se-ra-t-il
adopté?
M. LESAGE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Troisième lecture à la
prochaine...
M., BELLEMARE: Non, non, je pense...
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du
Travail propose que le bill soit lu une troisième fois. Cette motion
sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: Six.
Bill 288
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la
deuxième lecture de la Loi du Conseil supérieur du travail et de
la main-d'oeuvre.
L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Bien, M. le Président, juste une minute.
M. LESAGE: Prenez votre souffle.
M. BELLEMARE: Il faut que je ma replace dans mes bébelles.
Deuxième lecture
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, la loi qui est présentement
à l'étude en deuxième lecture, et que l'on appelle le bill
288, Loi du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, est une
loi qui veut amender celle qui date de 1940, et qui ne répond plus aux
besoins d'un organisme d'étude et de recherche comme celui que constitue
le Conseil supérieur du travail.
Le bill apporte plusieurs nouveautés. Actuellement, il y a une
commission permanente, composée de douze membres, chargée
d'étudier les problèmes que lui soumet le ministre. Cette
commission fait ensuite rapport au Conseil su- périeur du travail qui
est lui-même composé de vingt-quatre membres et qui étudie
à son tour les recommandations de la commission permanente. C'est faire
siéger deux fois les mêmes hommes sur les mêmes choses. Et
unanimement, M. le Président, on a demandé que cette commission
permanente disparaisse pour reformer de nouveau le Conseil supérieur du
travail avec un nombre restreint de membres.
Le Conseil supérieur du travail sera désigné
à l'avenir sous le nom que nous avons adopté tout à
l'heure, pour faire un peu de concordance, de Conseil supérieur du
travail et de la main-d'oeuvre. Il s'agit, comme vous le voyez, d'un nom qui
désigne mieux le conseil, étant donné ce que nous avons
apporté dans la législation que nous venons d'adopter en
troisième lecture.
Le présent projet de loi fait aussi disparaître, comme je
l'ai dit au début, la commission permanente et réduit le nombre
des membres à treize, y compris le président du conseil. Ces
modifications majeures à la loi actuelle sont apportées à
la demande expresse du Conseil supérieur lui-même. On s'est rendu
compte, à l'expérience, que les discussions qui avaient lieu
à la commission permanente étaient souvent reprises
intégralement devant tout le Conseil supérieur. C'est à
l'unanimité que le conseil a décidé de recommander
l'élimination de cette étape inutile de la commission
permanente.
La loi prévoit en outre la nomination, par le
lieutenant-gouverneur, d'un président dont le mandat sera de cinq
années. Ce président aura comme fonction de diriger les
activités du conseil, d'assurer la continuité de ses travaux et
de faire la liaison entre le conseil et le ministre. Qu'il y ait une
continuité au Conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre, qu'il y ait un homme responsable de tous les travaux et de la
direction de toutes les études, voilà une chose
particulièrement nouvelle, mais nécessaire. C'est là que
se pose la question qui fera sûrement le sujet d'un débat tout
à l'heure: Pourquoi le ministre doit-il amorcer toutes les études
du Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre? Non. Ce n'est
pas juste de dire cela. Ce n'est pas notre intention, non plus. Au contraire,
nous voulons et cela est bien compris dans la loi que les
études se poursuivent, que les rapports soient
rédigés.
Si le président du Conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre, ou le conseil lui-même demandaient au ministre
l'étude de certaines propositions, de certains projets au sujet du monde
du travail, je verrais mal le ministre refuser sans donner de raisons valables.
Le rapport qui sera présenté annuellement le dira: Le ministre a
refusé de nous laisser étu-
dier telle chose. Il faudrait être irresponsable au dernier
degré pour refuser de répondre au Conseil supérieur du
travail et de la main-d'oeuvre, qui nous demande simplement notre opinion sur
l'étude d'un sujet précis, sans lui donner de raisons majeures.
Dans le rapport que devra soumettre le président du Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, il faudra que le ministre
justifie chaque fois son refus. C'est simplement une consultation que doit
donner le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, et ce
pour une seule et unique raisons Pour savoir si nous avons au budget les sommes
nécessaires pour permettre l'étude de certains projets, ou si
nous n'aurions pas, parmi notre équipe, des gens compétents qui
pourraient être mis à la disposition et au service du Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre pour étudier certains
effets d'une législation possible, ou tout autre aspect concernant le
monde du travail.
M. le Président, il n'y a rien là-dedans qui puisse en
faire un enfant mineur du ministre. Absolument rien. Le Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre demeurera autonome avec un
président, un bureau permanent installé pour assurer la
continuité des recommandations du conseil et amorcer d'autres
politiques. Mais le Conseil du travail et de la main-d'oeuvre est fait
pourquoi, en somme? Pour aider le ministre, pour aider la Chambre, pour aider
la députation. Ses membres prendront, eux, plus de temps pour
étudier d'une manière approfondie les implications de certaines
législations. Ils feront des recommandations, donneront leur avis. C'est
cela le devoir et l'obligation d'un Conseil supérieur du travail et de
la main-d'oeuvre, qui est créé pour être
consulté.
Pensez-vous qu'un ministre a le temps de faire des recherches, d'aller
partout pour obtenir toutes les opinions au point de vue de certaines
législations, ou des implications de certaines lois ouvrières?
Jamais.
Ce serait manquer sûrement d'objectivité que de vouloir
lier ces gens-là, les obliger à faire seulement ce que le
ministre va leur ordonner. Jamais. Au contraire, il y aura au Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre une liberté
complète. Tout simplement, notre législation, qui doit être
soumise à la Chambre, particulièrement d'ici la prochaine
session, fera l'objet de travaux considérables au conseil
supérieur. Il aura là un éventail de lois qu'il sera
obligé obligé c'est-à-dire qu'on lui
soumettra pour avoir son opinion. Recherches, études, consultations, et
le reste. Et si le conseil supérieur, par son président qui est
un lien qui n'existait pas autrefois, décide, à la demande du
conseil, d'entreprendre une nouvelle étude sur n'importe quel point, il
faudra à ce moment-là, M. le Président, que le ministre
ait de très bonnes raisons et les donne, ces raisons-là, parce
qu'elles apparaîtront au rapport que doit faire le président du
conseil supérieur du travail. Et ça, c'est un document
public.
Je dis donc que la grosse objection qu'on avait émise, en disant
que ça devient un enfant mineur du ministre du Travail, est fausse. Il
faut, si l'on veut que le Conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre produise véritablement ses bons effets, lui donner toute
liberté d'action, de consultation, sûrement, il y a un budget, que
doit contrôler le ministre, au point de vue des dépenses, au point
de vue de la responsabilité à la Chambre. Il faut
nécessairement, comme dans tous les corps organisés,
démocratiques, parlementaires, qu'on ait une responsabilité
ministérielle vis-à-vis des dépenses qui vont être
amorcées. Cela, M. le Président, comme ministre, je crois qua
c'est ma responsabilité de dire: sûrement, vous pouvez
fonctionner, et nous avons en main toutes les sommes nécessaires.
Après avoir fait un relevé des dépenses possibles, vous
pouvez y aller. D'ailleurs, nous avons aussi, au m'nistè-re, maintenant,
un bureau de recherche composé d'hommes de valeur. Ils pourront
sûrement être consultés par les membres du Conseil
supérieur du travail et ils pourront lui fournir là une foule de
renseignements qu'ils n'avaient pas autrefois et qu'ils ont
présentement.
Le Conseil supérieur du travail aura aussi le droit de former des
comités ad hoc sur sa propre autorité, et surtout
d'étudier certaines législations qui sont soumises par le
ministre, comme je viens de le dire, ou à leur propre initiative. En
formant ces comités ad hoc, ils pourront, de leur propre initiative,
étudier et la législation soumise par le ministre et celle qu'ils
veulent amorcer.
Je dis donc que, chaque année, soit au plus tard le 30 juin, le
conseil devra transmettre au ministre un rapport de ses activités pour
l'année précédente, un rapport des études qu'il
aura effectuées ou fait effectuer. Ce rapport je l'ai
demandé, je l'ai sollicité, je veux que ce soit dans la loi
sera soumis et communiqué à la Législature.
Là, si le ministre n'a pas fait son devoir, si le ministre n'a pas
rempli ses obligations, si le ministre n'a pas voulu entreprendre, n'a pas
voulu donner l'autorisation au Conseil supérieur et au président
du conseil supérieur d'entreprendre certaines études, ce sera ma
responsabilité, la responsabilité du ministre, de dire
pourquoi.
Alors, paix sociale, c'est une bonne médecine
préventive. On nous a dit qu'en politique, il fallait consulter.
Nous l'avons fait, et j'ai ici des statistiques très récentes qui
peuvent vous donner le nombre de séances qu'a tenues le Conseil
supérieur du travail, comparativement à certaines autres
années surtout depuis deux années. Ces consultations sont
nécessaires pour ceux qui sont dans la vie publique. Nous n'avons pas le
temps de faire toutes les recherches, de consulter toutes les autorités
pour établir chez nous une véritable paix sociale. Cela constitue
une voie avant-gardiste qui permettra à tous et chacun de bien remplir
son rôle, de mieux aider la grande cause syndicale et patronale, la paix
sociale et la sécurité du public.
M. le Président, j'ai vu dans les journaux ou entendu certaines
déclarations à l'effet que certains organismes voulaient qu'on
change le nombre de membres. Nous pourrons en discuter en comité. Je
suis bien ouvert à toute discussion et je n'ai aucune
arrière-pensée quant au nombre. Je dirai simplement qu'il y a,
dans le tiers- monde, des gens qui voudraient qu'on leur enlève le droit
de vote. Mais, ce n'est pas une assemblée où l'on sera
continuellement aux prises, les uns avec les autres, et où l'on va faire
arbitrer cela par le tiers-monde. Ce n'est pas cela. Si ces gens que nous irons
surtout chercher parmi les personnes autorisées dans le tiers-monde,
n'ont pas de responsabilités, c'est-à-dire s'ils viennent
là simplement pour être consultés et qu'ils n'ont pas le
droit de vote, quels sont ceux qui vont accepter? Ce n'est pas
nécessairement des universitaires qui seront nommés. Il y aura,
comme le dit la loi, des gens qui, au point de vue des relations de travail,
ont de la compétence et peuvent rendre service au Conseil
supérieur du travail et à l'administration du ministère du
Travail et de la Main-d'Oeuvre dans la province.
Il y a des gens qui, après nous avoir rencontrés, nous ont
donné leur opinion. Nous les avons bien reçus, mais nous avons
constaté qu'ils étaient fort déçus de voir qu'ils
avaient, premièrement, oublié de lire le bill comme il le faut.
Lorsque les détails leur ont été donnés, ils ont
dit: Bien, nous ne pensions pas que c'était tout ce que le ministre
voulait faire 1 Cela dépend un peu du battage de publicité qu'on
fait pour rien, souvent. Quand on va dans les faits et qu'on vérifie les
textes et les désirs de la législature, on se rend compte qu'il y
a moyen de trouver la meilleure façon pour rendre le plus service
à l'intérêt public.
Comme nous l'avons fait pour le code du travail, nous avons
montré ici véritablement nos désirs et notre ferme
volonté de coopérer. S'il y a des choses que les honorables
membres de l'Opposition peuvent nous signaler pour le bien
général, nous n'aurons aucune objection, ni de fausse honte,
à accepter certains amendements qui pourront être pour le plus
grand bien et surtout pour la plus grande paix au sein même du Conseil
supérieur du travail.
Ah, oui! M. le Président, le lieutenant-gouverneur de la province
a pris connaissance du bill et en recommande l'étude.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre me permettrait une question?
M. BELLEMARE: Oui, certainement.
M. LESAGE: J'ai dû aller à mon bureau un instant pour
chercher des documents. Est-ce qu'il a, au cours de son intervention, fait part
à la Chambre de modifications qu'il avait l'intention d'apporter au bill
à l'étude, lors du stade du comité plénier?
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: C'est parce que j'avais cru comprendre que le ministre
suggérerait lui-même des amendements. Il serait important pour
l'Opposition de connaître ces amendements. En effet, si ces amendements
sont le moindrement importants, ils peuvent, peut-être, modifier notre
attitude quant au principe du bill.
M. BELLEMARE: J'aimerais mieux entendre les honorables
députés et puis...
M. LESAGE: Ce n'est pas une question de marchandage !
M. BELLEMARE: Non, non, pas du tout! Ah non! au contraire! Non, ce n'est
pas une question de marchandage.
M. LESAGE: Si nous pouvions connaître, au moins, la nature des
modifications. Cela peut modifier le principe, parce que le bill que nous avons
à l'étude ne vise pas à établir un conseil
supérieur, mais à en modifier la structure.
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. LESAGE: C'est ça le principe. Alors, s'il y a des
modifications au bill...
M. BELLEMARE : Ce n'est jamais en deuxième lecture.
M. LESAGE : II m'est arrivé souvent, alors que j'occupais un
fauteuil de l'autre côté de la Chambre, d'annoncer, dès la
deuxième lecture,
les modifications de principe que j'avais l'intention d'apporter afin
que les députés de la Chambre, des deux côtés,
soient en mesure de prendre une décision quant au principe du bill, en
toute connaissance de cause.
Est-ce que le ministre ne nous donnerait pas une idée de ce qu'il
a l'intention de suggérer comme modification? Je ne demande pas le
texte.
M. BELLEMARE: Je sais où veut en venir l'honorable
député de Louis-Hébert. C'est en droit parlementaire un
homme extrêmement habile, et je comprends sa stratégie ce matin.
Si l'honorable député de Louis-Hébert voulait faire comme
on a fait dans la loi du ministère, la loi organique, on va entendre
l'honorable député...
M. LESAGE: Oui, mais le ministre du Travail nous a dit, au cours de la
discussion de deuxième lecture, qu'il apporterait des modifications et
il nous a dit quel serait le sens des modifications.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: Oui, dans sa réplique, le ministra a dit qu'il me
donnerait satisfaction.
M. BELLEMARE: Oui, mais après vous avoir entendu.
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: Ah! bon, je vais entendre. Dans ma réplique, je
dirai peut-être cela aussi.
M. Jean-Paul Lefebvre
M.LEFEBVRE: Je comprends mal le jeu de cachette que le ministre du
Travail semble vouloir jouer ce matin avec les membres de cette Chambre. A tout
événement...
M. LESAGE: II veut jouer au chat et à la souris.
M. LEFEBVRE: Bien oui, chacun, je le suppose, prend ses
responsabilités. Quant à nous, ces bills, auxquels nous attachons
la plus grande importance, sont soumis à l'attention de la Chambre
à un moment où, peut-être, chacun espère
secrètement la fin de cette session.
Je n'ai évidemment pas le droit de prêter au ministre des
intentions perverses dans le choix de la date de dépôt de ses
bills, et j'éviterai bien de le faire. Mais je voudrais vous assurer, et
assurer le ministre du Travail, que, quant à nous, il nous place dans la
position où nous devons, avec toute la vigueur dont c'est notre devoir
de faire preuve en tant que membres de la loyale Opposition de Sa
Majesté, critiquer le texte du bill tel que nous le connaissons
présentement.
Encore une fois, je le regrette. Je trouve que c'est un jeu un peu
factice. Si, d'aventure, le ministre avait l'intention de modifier le bill de
façon substantielle, je comprendrais mal les raisons qui
l'empêcheraient d'en informer la Chambre maintenant. Quoi qu'il en soit,
c'est son droit d'agir de la sorte. Nous agirons nous-mêmes en
conséquence.
Je voudrais le ministre a semblé hier s'intéresser
beaucoup à Platon amorcer mes remarques de ce matin en lui citant
une phrase de Platon. La sienne, hier, au sujet du bill 287, était en
fait un peu hors d'ordre, puisqu'elle traitait du respect de l'autorité.
La mienne, qui est aussi de Platon, traite de la souveraineté du peuple
et Indiquera peut-être d'une part la vigueur qui nous anime, les raisons
de cette vigueur et fera peut-être aussi regretter à un certain
nombre de Québécois de n'avoir pas été plus
viligants en juin 1966. Platon disait donc: « Ce qu'il en coûte aux
gens de se désintéresser de la chose publique, c'est d'être
gouvernés par des gens pires qu'eux-mêmes. » Voilà
pour Platon et l'édification du ministre du Travail.
Le bill dont nous entreprenons l'étude est, quant à nous,
dans sa forme actuelle, une mauvaise loi. Nous ne saurions donc approuver
même son principe, encore une fois, dans sa forme actuelle. En effet, il
propose de réaliser une transformation du Conseil supérieur du
travail selon des modalités qui nous apparaissent empreintes d'un
paternalisme dépassé et qui ne répondent aucunement
à l'attente des partenaires sociaux que, pourtant, le bill propose
d'associer à la bonne administration de la chose publique dans un
secteur extrêmement important, celui de la main-d'oeuvre et des relations
industrielles.
Je crois qu'il est absolument essentiel, pour l'information de cette
Chambre et pour la postérité, que le dossier de ce bill soit
entièrement versé au journal des Débats. C'est pourquoi,
au risque et je m'en excuse d'ennuyer ceux de mes
collègues qui auraient déjà pris connaissance du dossier
que je m'apprête à livrer par la voie des journaux, je crois de
mon devoir, parlant à la suite du ministre du Travail, et assumant la
responsabilité qui m'a été confiée au sein de
l'Opposition de faire la critique de ces bills, je crois de mon devoir de
passer brièvement en revue les témoignages qui nous ont
été apportés sur le bill 288. Ils démontrent en
effet à l'évidence que l'unanimité des employeurs
et des syndicats est faite contre le bill et contre la philosophie que ce bill
propose.
Encore une fois, si le ministre, par hasard dans sa sagesse, a
déjà décidé d'en changer la philosophie, de
transformer son bill d'une façon substantielle au point qu'il en serait
différent, quant à moi, j'aurais bien
préféré lui é-viter la volée de bois vert
que représente ce dossier et que je ne voudrais pas lui administrer
moi-même mais que lui administrent les dirigeants syndicaux et les chefs
d'entreprise comme en font preuve les documents que je m'apprête à
citer à la Chambre.
Le dossier n'est pas très long parce que les bills ont
été connus en dernière heure et déjà c'est
une critique, je pense, très fondée que plusieurs ont
formulée: Pourquoi ces bills ont-ils été connus si peu de
temps avant leur discussion par la Chambre alors que dans certains cas, on le
sait, des bills sont inscrits au feuilleton pendant des semaines et
portés à la connaissance du public?
Pourquoi le ministre refuse-t-il dans ce cas-ci de référer
les bills au comité des relations industrielles de la Chambre alors que
le ministre de l'Industrie et du Commerce, lui et je l'en
félicite a proposé que le bill, par exemple, sur les heures
de commerce soit référé à un comité de la
Chambre?
Eh bien il n'est pas étonnant que cette attitude de la part du
ministre du Travail, cet entêtement dont il dit qu'il voudrait bien ne
pas faire preuve mais dont nous avons évidemment beaucoup de
facilité à constater qu'au contraire il fait preuve, cet
entêtement a été durement critiqué par plusieurs
personnes, à mon avis respectables, et dont les opinions devraient
être prises en plus sérieuse considération par le
gouvernement et notamment par le ministre du Travail.
En date du 28 novembre, dans le journal le Devoir, je lis dans le cadre
d'un article qui s'intitule « Vive réaction des syndicats à
la réforme du Conseil supérieur du travail » le texte
suivant. Il s'agit d'un télégramme adressé au ministre du
Travail par MM. Louis Laberge, Marcel Pepin et Raymond Laliberté, dont
on connaît les fonctions. Ces messieurs sont les trois présidents
des grandes centrales syndicales, FTQ, CSN et CEQ.
Le message au ministre du Travail dit: « Nous apprenons avec
stupeur que le bill que vous a-vez déposé sur la transformation
du Conseil supérieur du travail est loin d'être en accord avec la
recommandation unanime de tous les membres de cet organisme. Nous insistons
pour que vous convoquiez dans les plus brefs délais le comité
parlementaire des relations industrielles afin que les intéressés
puissent se faire entendre ».
Je sais ce que le ministre répliquera à cela.
Il dira qu'à son avis, au contraire, son bill est conforme aux
recommandations du Conseil supérieur. Mais il aura à en fournir
la preuve. Comment peut-il refuser à des gens qui sont
précisément représentés à ce Conseil
supérieur et qui affirment que le bill est contraire aux recommandations
unanimes du conseil, comment si par hasard les deux parties étant
de bonne foi, le ministre affirmant que son bill est conforme à ces
représentations et les gens que je viens de citer affirmant qu'au
contraire il n'est pas conforme alors dans un cas comme ça ne
faut-il pas qu'il y ait rencontre pour qu'on s'explique?
Or, le ministre a refusé de recevoir ces gens-là dans des
circonstances dont nous avons déjà parlé en cette Chambre
et sur lesquelles je ne veux pas revenir. Y a-t-il seulement les syndicats qui
ont des critiques à formuler à l'égard du bill 288? Certes
non. J'ai ici copie d'un télégramme que le ministre a
reçu, daté du 29 novembre, et en provenance du centre des
dirigeants d'entreprise. Le télégramme se lit comme suit: «
Assemblée législative, Hôtel du gouvernement. « M. le
ministre, le CDE ne peut pas endosser le projet de loi sur le Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre. Bill 288 maintient statu
quo et ne répond pas aux exigences de la situation actuelle. CDE insiste
pour présenter ses vues devant le comité des relations
industrielles ou vous-même si le comité n'est pas convoqué
».
Or, je sais que des représentants du CDE ont effectivement
rencontré les autorités du ministère, sinon le ministre
lui-même ou l'un de ses représentants, et j'espère que le
ministre nous fera part des résultats nets de cette entrevue, du moins
selon son appréciation à lui, parce qu'une déclaration
subséquente et beaucoup plus détaillée du CDE nous porte
à croire que l'entrevue n'a pas été très
fructueuse.
En date du 2 décembre, dans le journal La Presse, je lis de la
part de M. Laberge la déclaration suivante: « M. Laberge a
répété l'urgence qu'il y avait de faire siéger le
comité des relations industrielles de l'Assemblée
législative sur les réformes suggérées au Conseil
supérieur du travail ».
Si le Conseil supérieur du travail demeure comme le voit M.
Maurice Bellemare, « le gouvernement se cherchera quelqu'un car nous,
nous n'y seront pas », a dit M., Laberge,
M. le Président, est-ce là un climat favorable à
l'établissement de la paix industrielle
dans le Québec? Est-ce là un climat de relations
favorables entre le gouvernement et les centrales syndicales, aux objectifs que
le bill poursuit et que le ministre prétend poursuivre en
présentant ce bill à la Chambre?
Nous sommes en droit de nous le demander. En date du 4 décembre,
dans le journal La Presse, on trouve cette fois une déclaration du
président de la CSN, M. Pepin, qui soutient que jamais dans l'histoire
du Québec un gouvernement, quel qu'il soit même le
gouvernement Duplessis n'a eu l'inconscience de poser un geste semblable
dans le domaine du travail, avec toutes les conséquences qu'on peut
imaginer, toutes les résistances que cela peut susciter chez
d'importants groupes de travailleurs, toutes les confusions qui peuvent
s'ensuivre.
C'est une véritable escalade de protestations. Le ministre se
cache derrière sa petite majorité parlementaire, le ministre se
cache...
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre. En vertu de l'article 285 de notre règlement, l'honorable
député n'a pas le droit de dire que le ministre se cache
derrière la majorité parlementaire. Je voudrais que l'honorable
député retire cette expression qui n'est pas parlementaire et que
ni de près ni de loin, il ne m'impute de motifs, que ni de près
ni de loin, il traite une partie de la Chambre de majorité brutale.
M. LESAGE: Il n'a pas dit cela.
M. BELLEMARE: M. le Président, il a dit: Se cache derrière
la majorité parlementaire. Le député sait que je ne suis
pas de ces gens. Pour clore l'incident, je sais que l'honorable
député voudra rester dans la ligne de notre procédure
parlementaire.
M. LE PRESIDENT: Je pense bien que l'honorable député
d'Ahuntsic conviendra qu'il doit retirer son expression.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je crois qu'en effet, mes paroles
ont peut-être légèrement dépassé ma
pensée. Ce bill m'indigne tellement que j'ai peine à contenir
cette indignation. Je voulais évidemment simplement dire que le ministre
se tenait derrière cette majorité, ce qui n'est pas lui
prêter des intentions, mais constater un fait.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas mieux, M. le Président. Il y a une
limite! Me faire passer pour un peureux!
M. LE PRESIDENT: Je pense que l'honorable député
d'Ahuntsic ne me forcera pas à faire des analyses logiques et
grammaticales de ses paroles. Je voudrais qu'il les retire tout simplement sans
condition.
M. LEFEBVRE: M. le Président, puisque vous me le demandez, je le
fais. Je ne voudrais pas, quant à moi, que nous déviions de
l'objet du débat.
Au dossier que je suis en voie d'élaborer, je constate
également qu'hier soir les trois centrales syndicales auxquelles j'ai
fait allusion précédemment: CSN, FTQ et CEQ, tenaient une
conférence de presse. Je ne voudrais pas avoir fait des présages
dont je regrette, remarquez, la gravité et la portée, mais
dès hier en Chambre, j'avais dit au ministre du Travail que, devant son
attitude, il ne faudrait pas s'étonner si les partenaires sociaux
décidaient de boycotter, par exemple, le futur Conseil supérieur
du travail et de la main-d'oeuvre tel qu'il nous est proposé dans les
formes et modalités que prévoit le bill 288. Or,
précisément, hier soir, les centrales syndicales donnaient une
conférence de presse et déclaraient notamment qu'advenant
l'accord des employeurs, les dirigeants des trois centrales décideraient
de former leur propre conseil supérieur du travail et de boycotter
l'organisme gouvernemental si on n'apporte pas d'importantes modifications au
présent texte de loi.
On demande, entre autres, d'accorder à la Commission des
relations de travail le droit de faire des recommandations publiques au
ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Des recommandations, de la part de la Commission des
relations de travail? Ce ne serait pas le Conseil supérieur du
travail?
M. LEFEBVRE: Oui, excusez-moi, c'est-à-dire que c'est une erreur
du journal.
M. BELLEMARE: C'est sûr.
M. LEFEBVRE: C'est au Conseil supérieur du travail, d'accord. Je
m'excuse, j'ai lu fidèlement ce qui était écrit.
M. BELLEMARE: Oui. Vous êtes servile.
M. LEFEBVRE: Non, mais je sais lire.
M. le Président, on s'interroge ici indirectement, dans cette
déclaration des chefs syndicaux, sur l'attitude des employeurs.
Or, M. le Président, j'ai en main une pièce assez
importante qui est une copie d'un télégramme adressé
à l'honorable Jean-Jacques Bertrand, premier ministre, Hôtel du
gouvernement, Québec, en date du 4 décembre. Ce
télégramme est signé de M. Jean Brunelle, directeur
général, et est adressé au premier ministre, au nom du
Centre des dirigeants d'entreprises.
Et que pensent les employeurs? Est-ce que, par hypothèse, les
syndicats auxquels je viens de faire allusion seraient les seuls à se
plaindre de l'attitude du ministre du Travail? Est-ce que ce serait parce
qu'ils n'aiment pas le ministre du Travail qu'ils lui font cette lutte? Est-ce
que ce serait au strict point de vue des intérêts syndicaux qu'ils
formulent des objections au bill? Eh bien, non, M. le Président, puisque
le télégramme du Centre des dirigeants d'entreprises prouve
à l'évidence que les employeurs partagent à peu
près les mêmes vues. Ils ne l'expriment pas tout à fait de
la même façon, mais, enfin, je laisse à cette Chambre le
soin de juger elle même de la similarité de leur point de vue
quant aux objectifs de base, en donnant lecture d'une partie de ce
télégramme adressé au premier ministre et dont nous avons
copie.
Au sujet du bill 288, on dit ceci: « L'amendement proposé
à la Loi du Conseil supérieur du Travail il s'agit, en
fait, d'une loi nouvelle: ça, c'est mon interprétation - ne
confère pas aux parties, patronale et syndicale, une liberté
suffisante à l'endroit du ministère. Que le Conseil
supérieur joue un rôle consultatif, soit, mais il devrait jouir
d'une autonomie assez large pour organiser et exécuter son travail sans
contrainte. A cette fin, nous croyons que le bill 288 devrait être
modifié, a) Hormis l'aspect consultatif de son rôle, le choix de
ses travaux ne devrait pas être soumis à l'approbation du
ministère, b) Le groupe des spécialistes devrait être
réduit à deux membres. S'il est maintenu à quatre, ceux-ci
ne devraient pas jouir du droit de vote, c) Le conseil devrait pouvoir publier
le résultat de ses recherches, quand il le juge à propos. »
Cela veut dire au moment où les problèmes se posent à
l'opinion publique et non pas un an après l'événement,
comme le ministre le propose dans le rapport annuel. Cela ne tient pas
debout.
M. BELLEMARE: M. le Président, ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. LEFEBVRE : C'est ce qui est dans la loi. M. BELLEMARE: J'ai dit, M.
le Président, que mon refus serait enregistré dans le rapport
annuel, avec les raisons qui l'ont motivé. C'est ce que j'ai dit. Ce
n'est pas le rapport des activités. Je n'ai pas parlé du rapport
et du moment où il pourrait être publié. C'est faux. Et on
verra le tissu de faussetés...
M. LESAGE: Bien, un instant.
M. BELLEMARE: ... qui sont contenues dans ça.
M. LESAGE: M. le Président, s'il vous plaît!
M. BELLEMARE: Oui, oui, oui!
M. LEFEBVRE: M. le Président, je demanderais au ministre ou bien
de prouver ce qu'il vient de dire ou bien de retirer ses paroles, parce que
« le tissu de faussetés » dont il parle...
M. LESAGE: II n'a pas le droit de faire ça.
M. LEFEBVRE: ... ce sont à peu près uniquement des
citations. Est-ce que tout le monde a menti, excepté lui, dans la
province?
M. BELLEMARE: On verra...
M. LEFEBVRE: Quand est-ce que ça va cesser?
M. BELLEMARE: On verra, en déposant des documents officiels,
quand le temps sera venu...
M. LESAGE: M. le Président...
M. BELLEMARE: ... si le député a dit la
vérité ou si ce sont les dirigeants d'entreprises
aujourd'hui...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: Je me suis...
M. BELLEMARE: ... ou le Conseil supérieur par l'attitude qu'il a
prise dans le temps.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai utilisé le mot «
fausseté » en Chambre l'autre jour, vous m'avez demandé de
retirer cette expression, parce que je l'avais attribuée à un
honorable ministre...
M. BELLEMARE: A une personne.
M. LESAGE: ... et je me suis rendu de bonne grâce à votre
demande.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas à l'honorable député que
j'ai dit ça.
M. LESAGE: Un instant.
M. BELLEMARE: Le tissu de faussetés qui sont contenues
dans...
M. LESAGE: Ah, cela ne s'applique pas au député?
M. BELLEMARE: Non, non, pas au député.
M. LESAGE: Ah! très bien.
M. BELLEMARE: Dans le télégramme.
M. LESAGE: Ah! du moment que c'est dans le télégramme
qu'il y a un tissu de faussetés...
M. BELLEMARE: Ah non! ce n'est pas à l'endroit du
député. C'est dans le télégramme.
M. LESAGE: ... le premier ministre s'arrangera avec le signataire du
télégramme.
M. BELLEMARE: Ah oui.
M. LESAGE: Pas le premier ministre, le ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Ah oui, d'ailleurs.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je constate que le ministre du
Travail a le don de se faire des amis.
M. BELLEMARE: Ah oui, cela, ce n'est pas nouveau. Ce n'est pas une
position pour...
M. LEFEBVRE: Je lui souhaite longue vie à son poste, mais, s'il
continue à être seul à avoir raison dans cette province, je
crois que l'administration de son ministère va être
légèrement compliquée.
M. BELLEMARE s On verra ça.
M. LEFEBVRE: A tout événement, ça, c'est sa
responsabilité à lui. Je poursuis, M. le Président, la
lecture de ce que le ministre du Travail appelle un tissu de faussetés
et que, mol, je considère comme un télégramme signé
par des gens responsables, à savoir le directeur général
du Centre des dirigeants d'entreprises.
M. le Président, j'en étais au paragraphe b). « Le
groupe des spécialistes devrait être réduit à
deux... »
M. BELLEMARE: Vous étiez au paragraphe d)?
M. LEFEBVRE: Oui, j'étais au paragraphe d).
M. BELLEMARE: « Ils devraient pouvoir envisager...
M. LEFEBVRE: «d) Ils devraient pouvoir envisager les questions les
plus aptes dans le domaine du travail, de la main-d'oeuvre, du plein emploi et
le reste. « A ce titre, il devrait inclure une représentation du
secteur public, ou, du moins, être autorisé, exclusivement,
à prendre l'initiative... »
M. BELLEMARE: Explicitement.
M. LEFEBVRE: Moi, je lis le texte que j'ai.
M. BELLEMARE: C'est « explicitement » qui est dans le
texte.
M. LEFEBVRE: Bon, très bien. Cela a plus de bon sens. C'est une
erreur de copie. Pour une fois, je donne raison au ministre du Travail.
M. BELLEMARE: C'est cela, vous êtes obligé.
M. LEFEBVRE: ... « être autorisé, explicitement,
à prendre l'initiative de collaborer avec le secteur de la fonction
publique ». Plus loin, dans ce télégramme, cela me fait
plaisir, parce qu'on y tient des propos qui se rapprochent
singulièrement de ceux que j'ai tenus dans cette Chambre, pas plus tard
qu'hier. Je regrette que le ministre du Travail n'ait pas voulu prendre plus au
sérieux les propos du député d'Ahuntsic. Apparemment, il
ne prend pas grand monde au sérieux.
A tout événement, je lui rappellerai quand même ce
que les dirigeants d'entreprises disaient dans leur télégramme au
premier ministre. Je lis la transcription que j'ai ici. Le ministre pourra
suivre et, si j'ai des erreurs de copie, il me corrigera. « Le CDR est
d'avis que cette situation est malsaine. » On parle de la situation qui
existe présentement dans le Québec, au point de vue des relations
patronales-ouvrières. « Pour des raisons d'économie,
d'efficacité et de progrès social, le gouvernement ne doit rien
faire de ce qu'il peut faire faire.
Dans les domaines de la formation, de l'emploi et plusieurs autres, les
entreprises et les associations patronales et syndicales pourraient assumer, si
on leur lançait le défi approprié, des
responsabilités qui les engageant dans le processus économique et
social, en feraient des partenaires actifs de l'Etat, et leur permettraient de
participer directement au règlement ou à la prévention de
multiples situations difficiles. « L'évolution des relations de
travail dans les pays plus avancés, notamment en Allemagne, en
Suède et aux Pays-Bas, peut servir de preuve à ce principe.
L'ignorer, ce serait compliquer inutilement l'administration du
ministère, confirmer l'indifférence des employeurs dans leur
devoir collectif et contribuer à accentuer le caractère de plus
en plus agressif des activités syndicales. Il nous semble que le
rôle de l'Etat n'est pas de multiplier les tracasseries administratives,
mais de convier le syndicalisme et le patronat à bâtir avec lui
une société plus harmonieuse et plus prospère. Il s'agit
d'un rôle de leadership que le gouvernement seul est en mesure d'assumer.
« De plus, il est évident que, dans la refonte des lois du
travail, les gouvernements procèdent avec une hâte inacceptable.
L'ordonnance no 3, qui oblige tous les employeurs à accorder deux
semaines de vacances à leurs employés àpartir du 1er
janvier prochain; le bill 289, qui réduirait la semaine de travail des
femmes et des jeunes de 60 à 48 heures, auront des répercussions
très sérieuses sur une multitude d'entreprises. Etc. »
M. le Président, je pense que vous aurez reconnu en tout
cas dans une grande partie de ces propos le genre de propos que nous
avons tenus souvent de ce côté-ci de la Chambre.
M. BELLEMARE: Lisez ce qu'ils disaient aussi sur le bill 287.
M. LEFEBVRE: Je n'ai pas... M» LESAGE: Il n'a pas le droit.
M. BELLEMARE: Ah, il n'a pas le droit, oui. Vous avez raison.
M. LESAGE: On ne peut pas référer à un débat
antérieur.
M. BELLEMARE: Vous avez raison. Vous verrez quelle belle
objectivité ils ont ce matin.
M. LEFEBVRE: M. le Président, si vous me le permettez, je n'ai
pas d'objection à le lire. C'est un document public. Il a
été remis aux journaux. Mais, je n'en vois pas l'utilité,
puisqu'on vient de voter le bill.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense bien que nos règlements,
surtout, ne nous le permettent pas.
M. LESAGE: N'allez pas croire qu'il s'agissait d'une approbation du bill
287.
M. BELLEMARE: Mais c'est dans le même genre et la même sorte
de style. Alors, imaginez-vous!
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'ai personnellement eu l'occasion
de causer avec un certain nombre d'employeurs. A titre individuel, comme
employeurs, ils ne sont pas nécessairement des officiers du CDF. En tant
que personnes responsables dans l'administration des entreprises et dans la
gestion du personnel, ils m'ont également fait part de leur
désaccord avec la philosophie du ministre du Travail et avec sa
façon de traiter et les employeurs et les syndicats. Quant à moi,
je trouve invraisemblable que cette Chambre soit témoin d'une telle
attitude de la part d'un homme qui, il l'a dit lui-même, porte une si
grande responsabilité dans la province et au sein du gouvernement.
Quant à nous, en tant que membres du parti libéral et
membres de cette Chambre, comment pourrions-nous approuver le principe de ce
bill 287, alors que nous avons voté, lors de notre dernier
congrès, j'attire votre attention sur la similitude, la ressemblance.
Cela ne veut pas dire que l'un est inspiré de l'autre.
Loin de moi l'intention de faire une telle allusion, mais vous
remarquerez que le parti libéral, dans sa résolution
adoptée lors de son dernier congrès, colle de très
près aux besoins que ressentent et les employeurs et les syndicats.
Justement, par ses attitudes, par les institutions qu'il mettrait sur pied s'il
était au pouvoir, contrairement à l'attitude du gouvernement
actuel dans son bill 288, le parti libéral désire faire toute la
confiance souhaitable aux partenaires sociaux.
Je tiens à verser au dossier le texte de cette résolution
qui se lisait comme suit: « Attendu que le congrès du parti
libéral du Québec a proposé la création d'un
ministère de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration; « Attendu que
les employeurs et les travailleurs du Québec portent une très
grande responsabilité dans l'utilisation maximale des ressources
humaines de notre province en vue du progrès économique et
social; « Attendu qu'un gouvernement libéral se de-
vrait d'accorder aux représentants autorisés des
employeurs et des travailleurs une confiance beaucoup plus grande et une
collaboration plus soutenue; « Attendu que les politiques de
main-d'oeuvre dans une économie en expansion sont d'une grande
complexité et requièrent la participation de tous les
intéressés; « Qu'il soit résolu 1) d'inviter le
prochain gouvernement libéral à créer un conseil
provincial de la main-d'oeuvre; 2) ce conseil devrait être formé,
en nombre égal, de représentants des employeurs et des
travailleurs. Le gouvernement devrait déléguer quelques
observateurs auprès de ce conseil vous voyez, M. le
Président, la différence de philosophie entre les deux approches,
celle du gouvernement et la nôtre. Vous voyez que nous ne sommes pas de
la même époque 3) Le conseil sera invité à
transmettre au gouvernement toute recommandation concernant les amendements
jugés nécessaires à la législation du travail ou
à toute autre législation relative aux politiques de
main-d'oeuvre et au développement économique en
général. 4) Le conseil devrait être invité
particulièrement, et dès sa création, à
étudier parallèle ment, mais de façon autonome par rapport
aux études entreprises par les services gouvernementaux... »
Remarquez-le, M. le Président, de façon autonome. Pourquoi
vouloir tout contrôler? Pourquoi vouloir tout étouffer en «
bureaucratisant » toutes les activités d'un conseil comme
celui-ci? Vous constatez que ce n'est pas notre attitude. Je poursuis la
lecture: « Parallèlement donc, mais de façon autonome par
rapport aux études entreprises par les services gouvernementaux les
problèmes suivants: le chômage saisonnier, l'emploi des
travailleurs handicapés et des personnes âgées, le travail
à temps partiel, le recyclage, le travail de la femme, le chômage
chronique et l'établissement de mécanismes permanents d'arbitrage
des conflits de droits, qui surviennent pendant la durée des conventions
collectives de travail. »
Voilà, une philosophie qui nous apparaît de ce
siècle. Voilà une philosophie qui nous apparaît
adaptée aux besoins actuels. Voilà une philosophie qui nous
apparaît au-delà des conflits d'intérêt, si vous
voulez, et au-delà des positions particulières des syndicats
d'une part et des employeurs d'autre part. Voilà une approche qui nous
apparaît justement vouloir favoriser les méthodes propres à
trouver les dénominateurs communs. Voilà une façon de
traiter qui pourrait assainir le climat des relations
patronales-ouvrières et, d'une façon générale,
l'utilisation de la main-d'oeuvre. Or, que fait le gouvernement? Plutôt
que de faire un pas en avant, il fait un pas en arrière. Le bill actuel,
tel qu'il est rédigé, est plus restrictif que la loi qui
régit présentement le Conseil supérieur. Or, c'est une loi
démodée; le ministre l'a dit lui-même. Mais, au lieu de
proposer son remplacement par une loi qui soit à la date de ce jour, le
ministre nous propose une loi de l'ancien temps. Le ministre nous en propose
une qui fait l'unanimité des employeurs et des syndicats contre lui.
Je vous ferai remarquer que ce n'est pas une chose tellement facile de
faire l'unanimité des employeurs et des syndicats. Cela fait plusieurs
fois, M. le Président, depuis que le député de Champlain
est ministre du Travail, qu'il réussit ce tour de force d'être
blâmé simultanément par les employeurs et par les centrales
syndicales. M. le Président bien que nous soyons à l'approche des
Fêtes, bien que nous soyons à la fin de la session, comment
voudriez-vous que nous puissions approuver le principe d'une telle loi, alors
qu'elle nous apparaît contraire à la fois, au sens de
l'histoire,à la prudence politique la plus élémentaire et
à la sagesse administrative la plus élémentaire
également?
M. le Président, je notais, à la suite de quelques
articles publiés sur ces sujets-là et exposant la philosophie de
mon parti sur ces questions de main-d'oeuvre.
J'ai reçu une lettre, dont je ne pense pas utile de
révéler le nom de l'auteur, parce que c'était une lettre
personnelle, mais je voudrais que le ministre comprenne qu'il pense être
le seul à avoir le pas dans la province, alors que la plupart des gens,
observateurs indépendants, représentants patronaux ou
représentants syndicaux, pensent différemment du ministre du
Travail.
Dans une armée, quand il n'y a plus qu'un soldat qui a le pas,
c'est un peu inquiétant pour ce soldat, et je crois que c'est ce qui est
en train d'arriver au ministre du Travail.
Mon correspondant me disait à propos de cette idée de la
création d'un conseil de main-d'oeuvre qui ait l'autonomie que
souhaitent les dirigeants syndicaux et les dirigeants patronaux:
attendez, excusez-moi « Ainsi, l'abolition du Conseil
supérieur du travail pour y substituer un conseil de la main-d'oeuvre,
m'apparaît le point de départ d'une vraie réforme. Pour ce
faire, il me semble essentiel que ce nouveau conseil ne soit plus exclusivement
consultatif du ministre du Travail et qu'il puisse vivre par lui-même.
L'action, plus ou moins coordonnée du ministère de l'Education et
du ministère du Travail, que l'on peut sentir et ressentir au niveau des
centres d'apprentissage et des écoles régionales, devrait
être étudiée davantage. » Là, c'est un autre
sujet... Mais, encore une fois, sur
les objectifs de base dont je parle présentement en cette
Chambre, sur les objectifs que devrait normalement rechercher le bill 288, tout
le monde dans la province me semble unanime. Ce n'est pas une question de
partisanerie politique. Ce n'est pas une question d'intérêts
syndicaux proprement dits, ni d'intérêts patronaux proprement
dits, c'est une question, encore une fois, et je viens de vous en donner
quelques preuves, qui fait l'unanimité de tous.
Or, devant cela, le ministre s'assied et dit: Non! Nous lui disons, vous
avez un bill arriéré, vous avez un bill qui retourne en
arrière, est-ce que, si vous êtes si sûr de votre affaire,
vous ne devriez pas le soumettre au comité des relations industrielles
de la Chambre? Il nous dit: NonI Nous pensons, M. le Président, que
l'attitude du ministre est une attitude qui n'est pas raisonnable. Quant
à nous, nous ne saurions l'accepter sans nous élever avec
force.
Il y a un point auquel le CDE fait allusion et qui m'apparaît fort
important. C'est la question du secteur public. Je regrette que, dans son bill,
le ministre n'ait pas prévu, justement, d'ajouter des paragraphes qui
nous eussent exposé son intention d'ajouter aux objectifs du Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre la dimension de secteur
public. Je pense, M. le Président, et le centre des dirigeants
d'entreprises en traite dans son télégramme, que c'est là
une dimension certes relativement nouvelle chez nous, mais qui prend de plus en
plus d'importance. Je pense qu'il est absolument nécessaire, dans
l'hypothèse d'un conseil de maiiKl'oeuvre qui serait relativement
autonome vis-à-vis du ministre, je pense qu'il serait intéressant
que le gouvernement fût représenté au sein du conseil, mais
cette fois, en tant qu'employeur. Il participerait, sur un pied
d'égalité avec les autres employeurs, aux débats
concernant les modifications à apporter aux lois. Il participerait avec
les autres employeurs aussi, et avec les syndicats, à la discussion de
grandes questions comme les politiques salariales à long terme, les
objectifs du développement économique et de l'utilisation de la
main-d'oeuvre, etc.
Evidemment, lorsque le premier ministre de cette province tient, sur le
problème des relations entre le gouvernement et ses employés, des
propos aussi étonnants et aussi démodés, à mon
avis, que ceux qu'a tenus le premier ministre actuel, lors d'un conflit
récent, alors qu'il s'opposait sans justification valable à la
simple nomination d'un médiateur, je pense que cette attitude-là,
évidemment, est conséquente, si vous voulez, avec la philosophie
que nous expose le bill 288, et avec l'absence de considération de ce
problème dans le bill 288.
Mais, je ne puis m'empêcher d'en exprimer le regret au nom des
membres qui siègent à votre gauche en cette Chambre. Je pourrais,
mais je m'en priverai de façon à ne pas allonger inutilement les
débats, notre objectif n'est pas de faire un « filibuster »
comme on le dit couramment.
Mais notre objectif est de faire sentir au ministre du Travail que c'est
peut-être sa dernière chance de regagner la confiance des partis.
Toutefois, je lui dirai et sur le ton le plus modéré, le
plus calme qu'on puisse imaginer qu'il devra pour cela faire un effort
considérable parce qu'en effet, il y a une certaine constance dans son
attitude, constance que l'on peut retracer, par exemple, lorsque le 5 mai 1967,
il a en cette Chambre exprimé sa conception d'un Conseil
supérieur du travail. Il est bien évident que cette conception
était l'apologie du bill que nous avons devant nous. Apologie
anticipée, puisque dans le cerveau du ministre cette théorie
vieillotte d'un ministre du Travail bon papa qui dirige tout le monde, qui
contrôle tout, avait déjà pris forme et nous
préparait déjà ce fantôme démodé
qu'est le bill no 288.
J'éviterai au ministre le déplaisir de relire trop en
longueur ce discours, mais je crois quand même de mon devoir d'attirer
son attention sur un passage du discours qu'il a prononcé à la
Chambre le 5 mai 1967, alors que nous parlions justement du Conseil
supérieur du travail.
Le ministre disait alors ceci: « Le Conseil supérieur du
travail, sa définition, son rôle, c'est d'étudier librement
toutes les questions qui regardent le travail, son organisation, ses rapports,
particulièrement les études, les questions relatives à la
protection des ouvriers et des salariés, la rationalisation du travail,
les conventions collectives de travail, les minima de salaire, les accidents de
travail, d'apprentissage, l'orientation professionnelle, et le reste »,
disait le ministre. Il y en a encore quatre lignes.
Tout cela, le Conseil supérieur du travail peut le faire tant
qu'il veut, sauf qu'il y a une exception à l'article 3 qui dit: «
Le Conseil supérieur, de son initiative,peut aussi diriger ses
recherches sur telle ou telle autre question sociale, et pour ce faire
c'est là le côté humoristique du ministre du Travail
il a le droit de faire ratifier son travail par le ministre. » II est
bien évident que le texte de la loi actuelle est clair. Il ne s'agit pas
de savoir s'il a le droit; il est tenu de faire ratifier ses choix par le
ministre. Je pense que, dès ce moment-là, le ministre ne
présentait pas une image réelle de la restriction à la
liberté du conseil, d9s limites à sa liberté d'action,
puisqu'il donnait da la loi
une interprétation qui, à mon avis du moins,
n'était pas exacte. Je pense que c'est assez évident,
d'ailleurs.
Or, le ministre a dit aux membres de cette Chambre qu'il appuyait son
bill sur les recommandations du conseil. Je voudrais msttre le ministre du
Travail en garde parce qu'il a suffisamment, à mon avis, mis les
pieds dans les plats au sujet de ces bills que je voudrais lui éviter
une occasion supplémentaire de le faire contre la tentation qu'il
pourrait avoir, qu'il me semble avoir de citer aux membres de cette Chambre des
recommandations du Conseil supérieur du travail qui ne seraient pas les
dernières en date. Je le vois sourire, mais il ms saura gré de
lui avoir évité au moins ce faux pas. Parce que nous, nous
savons, nous croyons savoir que les recommandations, dont le ministre m'a
lui-même fourni copie, d'ailleurs, pensant tout naïvement que
j'allais tomber dans le piège, sont datées de 1966.
DES VOIX: Ah!
M. LEFEBVRE: Le ministre m'a remis copie de ce document. Comme je n'ai
pas de correspondance secrète avec le ministre, je présume que je
peux informer la Chambre du fait qu'il m'a remis copie de ce document. Je
voudrais dire au ministre que mon petit doigt et celui de ma grand-mère
m'informent également que le Conseil supérieur du travail, tel
qu'il existe présentement, a transmis au ministre des recommandations
plus récentes et différentes.
M. BELLEMARE: Le 27 mars 1968.
M. LEFEBVRE: C'est ça. Là, vous avez la bonne date. Alors
je vous al évité un faux pas, vous l'admettrez...
M. BELLEMARE: Non, non, je l'ai, n'ayez pas peur.
M. LEFEBVRE: ... parce que le ministre s'apprêtait...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEFEBVRE: ... parce que si le ministre ne s'apprêtait pas
à faire ça, pourquoi m'a-t-il remis le procès-verbal de
1966 et pas celui de 1968? Je suis franc avec le ministre, moi.
M. LAFRANCE: Un piège à ours.
M. LEFEBVRE: Je vous parle franchement, mais je vous dis: N'essayez plus
les pièges à ours avec le député d'Ahuntsic.
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne vais pas laisser l'honorable
député mettre en doute mon intégrité et mon
honnêteté.
M. LEFEBVRE: Non!
M. BELLEMARE: C'est une question de privilège.
M. LEFEBVRE: Allez-y!
M. BELLEMARE: M. le Président, ni le député
d'Ahuntsic ni un autre ne pourra mettre en doute ni mon intégrité
ni mon honnêteté. Je lui al remis ce qui concernait directement
les recommandations du conseil du travail comme je les ai remises à tous
les autres membres qui en ont fait la demande, concernant directement chacun
des articles du bill du conseil supérieur.
Quant on parle de la résolution et des
délibérations du 27 mars 1968, c'est tout différent.
M. LEFEBVRE: C'est justement ce que j'affirme.
M. BELLEMARE: Pas quant aux conclusions, aux articles.
M. LEFEBVRE: Vous les lirez à la Chambre. Ce que j'affirme, c'est
qu'il est curieux que le ministre qui était si soucieux de porter
à ma connaissance le procès-verbal de 1966...
M. BELLEMARE: Non, c'est vous qui me l'avez demandé.
M. LEFEBVRE: ... a oublié. Le ministre m'en a parlé. Je
lui ai dit: Avez-vous objection à m'en passer une copie? Il m'a
répondu: Non, certainement pas. Mais pour compléter mon
information, il aurait dû me donner celui de 1968.
M. BELLEMARE: Il n'en a pas été question. D'ailleurs, ce
n'est pas le même sujet.
M. LEFEBVRE: Alors tout ce que je demande au ministre, c'est que s'il
veut faire allusion en cette Chambre aux recommandations du Conseil
supérieur du travail, je l'inviterai charitablement et fraternellement
à prendre les dernières en date. Autrement, il trouvera dans
cette Chambre des gens pour lui rappeler qu'entre
1966 et 1968, il a pu se passer des événements qui ont
amené certaines personnes à changer d'opinion.
Je terminerai sur ce mes remarques en deuxième lecture. Nous
avons évidemment et nous aurons au stade de l'étude en
comité et en d'autres stades forcément un grand nombre
d'amendements à proposer. Je tiens à dire une fois de plus
parce qu'avec le ministre du Travail ce n'est pas mal de répéter
que, quelquefois il a un peu la tête dure. Je lui dis ça en toute
amitié mais je regrette quant à moi que le ministre ait
voulu jouer à ce jeu de cachette parce que nous, nous avons
étudié le bill, nous allons présenter des amendements. Si
le ministre nous avait fait part de ses amendements, peut-être cela
aurait-il simplifié les débats.
Je ferai remarquer au ministre du Travail que c'est lui-même qui
se place dans une position qui est tellement indéfendable qu'on ne peut
pas faire autrement que de frapper assez fort. On n'aime pas ça, on est
des gens doux...
M. BELLEMARE: C'est effrayant!
M. LEFEBVRE: ... de ce côté-ci de la Chambre, on a le coeur
sensible. Mais que voulez-vous, le ministre ne nous donne pas le choix.
M. BELLEMARE: Quel bon acteur!
M. LEFEBVRE: Alors, quant à moi, j'ai terminé. Je
répète que le ministre a fait l'unanimité contre lui et si
je voulais être machiavélique je souhaiterais qu'il reste sur ses
positions actuelles parce qu'au point de vue politique cela sera terrible pour
lui.
Mais comme nous travaillons ici dans l'intérêt des citoyens
et non pas uniquement pour le plaisir d'avoir raison, j'espère que le
ministre voudra bien faire preuve de la souplesse qu'il nous a affirmé
avoir découverte depuis quelques jours. Il nous a dit qu'il était
devenu un homme souple. Tant mieux pour lui, s'il veut recommencer une nouvelle
carrière. Ce sont des choses qui arrivent. On a vu déjà
d'autres personnages changer de personnalité. Si le ministre s'est
découvert un nouveau tempérament, si le ministre maintenant est
prêt à ne pas nécessairement prendre la mouche quand les
gens diffèrent d'opinion avec lui mais au contraire à
écouter les suggestions constructives...
M. LE PRESIDENT: Malheureusement il n'y a pas d'article concernant la
personnalité du ministre dans ce bill et je dois rappeler à
l'ordre l'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: Je vous remercie, M. le Président, mais j'allais
justement vous remercier de votre patience et remercier les membres de cette
Chambre et répéter que lorsque viendra l'étude en
comité nous aurons sûrement plusieurs amendements à
soumettre à ce bill que nous considérons mauvais.
Quant à la deuxième lecture, je ne vois vraiment pas
comment nous pourrions nous permettre de voter en faveur du bill tel qu'il est
puisque nous pensons que c'est une mauvaise loi.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee,
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je serai bref, je ne suis pas
expert en relations de travail. J'ai quand même une certaine
expérience des relations humaines, non seulement au niveau des
individus, mais également au niveau des organismes et groupements.
Plusieurs organismes et groupements s'intéressent à ce
problème. Ils sont toujours moins importants que le gouvernement de la
province, c'est clair. Mais, quand même, la paix sociale, le bonheur
social, le progrès social dépendent non seulement des relations
qui pourront exister entre le gouvernement et de tels organismes, mais du
respect mutuel qui existera entre les milieux gouvernementaux et les milieux
patronaux et ouvriers, parce que c'est de ces milieux que nous parlons
aujourd'hui.
L'importance de ce genre de conseil se révèle par l'examen
que je ferai brièvement des attitudes du gouvernement dans le
passé. Il. y a à peu près deux ans, dans un discours du
trône qui nous a été lu, le gouvernement actuel a
proposé que le Conseil législatif soit aboli et soit
remplacé par un organisme où les corps intermédiaires
trouveraient leur place, une place juridique, et auraient l'occasion de
s'exprimer sur des questions de cette nature.
Or, nous venons de voter une loi qui abolit le Conseil. Nous ne sommes
pas encore au stade de constituer un autre organisme pour le remplacer. Pour ma
part, j'espère qu'on n'y arrivera pas. Nous sommes pourtant à
discuter ici...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, j'ai permis un début
de parenthèse à l'honorable député de D'Arcy-McGee,
mais il conviendra qu'on ne peut s'engager sur cette question-là
à l'occasion de l'étude du bill 288.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je fais simplement une
comparaison, à cause de la na-
ture du conseil que nous discutons aujourd'hui et des fonctions qui
seront attribuées à ce conseil. Je fais des comparaisons quant
aux mécanismes dont on peut se servir afin de consulter les milieux
intéressés sur des problèmes qui concernent toute la
société. Or, je faisais simplement cette comparaison pour dire
que je trouve ce mécanisme supérieur de beaucoup à ce que
le gouvernement nous a proposé, par le passé, parce que cette
idée d'une Chambre haute, constituée de ces corps
intermédiaires, me semblait empreinte d'un corporatisme
démodé et dangereux. Donc, je préfère de beaucoup
les conseils que nous avons constitués dans plusieurs ministères,
afin de permettre aux milieux intéressés de s'exprimer sur les
problèmes de l'heure.
Mais, quand même, j'ai des restrictions, dans mon esprit, quant
à la valeur du projet de loi, à cause des principes qui s'y
trouvent, et je dis au ministre que je suis loin d'être satisfait de ce
qu'il nous propose et des explications qu'il nous a fournies dans son discours
de deuxième lecture.
H me semble que c'est notre but principal d'étudier tout le
problème des relations patronales-ouvrières et, en ce faisant, de
fournir aux intéressés des lieux et des occasions de
rencontre.
Après tout, M., le Président le ministre
lui-même en a parlé lorsqu'il a fait allusion à beaucoup de
reprises à sa fameuse pilule la question de la prévention
des crises patronales-ouvrières, des crises du domaine du travail. C'est
une question extrêmement importante.
Il y a lieu le député d'Ahunstic l'a fait le
premier d'étudier ce qui se fait dans d'autres juridictions ou
dans d'autres pays de façon à trouver les meilleurs moyens de
prévenir les conflits et d'établir des relations entre patrons et
ouvriers, qui finiraient par leur permettre de résoudre leurs
différends au lieu d'arriver à des crises et à des
conflits répétés.
La constitution ou plutôt la modification de ce conseil
parce qu'il s'agit d'une modification de la composition et de la fonction de ce
conseil s'inscrit, j'espère, dans cette ligne de pensée,
parce qu'il est essentiel que nous arrivions à de telles solutions
à nos problèmes de paix sociale et industrielle.
Avec tout cela, je trouve qu'il y a lieu d'accorder à ce conseil,
pas nécessairement une autonomie absolue, mais quand même une
indépendance d'expression, qui n'est pas fournie par la loi que nous
avons devant nous. Nous ne voudrions pas que ce conseil devienne, par la
présente loi, un simple conseil maison. Il faut que ceux qui y
participeront puissent s'exprimer avec une certaine indépendance qui ne
sera pas restreinte par les intérêts du ministère du
Travail. En effet, il y a malheureusement des divergences de vues quant
à ce projet de loi et ces divergences sont soulignées par les
attitudes exprimées dans les milieux patronaux et dans les milieux
ouvriers. Nous ne voudrions pas que ce conseil demeure simplement un conseil
maison.
Je suis certain que le ministre, avec la bonne foi et avec les bonnes
intentions qu'on lui reconnaît, ne voudrait pas passer par-dessus les
objections des intéressés comme un rouleau compresseur je
ne dirai pas sur des chemins glacés, en un certain endroit de cette
province . Je crois que, s'il peut ouvrir son esprit aux recommandations
qui émaneront des députés de l'Opposition pendant la
discussion en comité plénier, ce sera utile pour les
intérêts de toutes les parties en cause.
Je préférerais, pour ma part, qu'il aille plus loin, qu'il
retienne son projet de loi, qu'il permette aux intéressés de
s'exprimer davantage et qu'il réfléchisse sur les opinions qui
seront ou qui ont déjà été exprimées, mais
que le ministre ne semble pas avoir voulu écouter.
Alors, je crois qu'il y a lieu de reviser considérablement le
projet de loi que nous avons devant nous. Les députés de
l'Opposition sont prêts à jouer leur rôle en
suggérant des modifications, mais, pour ma part, ce serait encore mieux
si le ministre trouvait moyen d'écouter ceux qui sont encore plus
experts dans ce domaine que celui qui vous parle.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond.
M. Bernard Pinard
M. PINARD: M. le Président, je tenterai d'être le plus bref
possible, mais je voudrais quand même dire ce que je pense du projet de
loi actuellement à l'étude.
Après avoir fait des comparaisons entre le bill qui nous est
présenté par le ministre du Travail et qui reconstitue, en
quelque sorte, l'ancien Conseil supérieur du travail, mais sous une
nouvelle appellation qui se lit comme suit: Loi du Conseil supérieur du
travail et de la main-d'oeuvre, je constate, après une étude
attentive des dispositions du chapitre 140, qui a constitué à
l'époque le Conseil supérieur du travail, et des dispositions du
bill actuellement à l'étude, qu'il y a quand même des
différences fondamentales dans la conception que se fait actuellement le
ministère du Travail du rôle du Conseil supérieur du
travail et de la main-d'oeuvre, de l'orientation de ses travaux et aussi de
l'espèce de rôle d'incitation qu'il pourrait jouer.
Je suis porté à croire que la nouvelle loi donnera moins
de pouvoirs au Conseil supérieur du travail que l'ancienne loi ne lui en
a donné jusqu'ici. Je me demande vraiment pourquoi le ministre ferait un
retrait ou une volte-face, en quelque sorte, alors qu'à mon avis le
problème des relations patronales-ouvrières est beaucoup plus
complexe aujourd'hui qu'il ne l'a été et que les
conséquences sur le plan social et économique sont plus graves
qu'elles ne l'ont jamais été.
Nous, de l'Opposition, croyons que toutes les législations du
travail, tous les organismes chargés de faire le pont entre les grandes
centrales syndicales et les grands conseils patronaux devraient avoir en main
des instruments modernes, efficaces et suffisamment adaptés pour jouer
le rôle qu'on attend d'eux, pour permettre un meilleur climat de
dialogue, un plus grand esprit de compréhension et aussi pour rapprocher
davantage les parties de sorte qu'elles puissent en arriver à des
solutions efficaces à court et à long terme, mais susceptibles
quand même d'apporter la paix, l'ordre et la prospérité
dans notre province.
Je me demande si les modifications proposées par le ministre
pourront avoir, sur le plan pratique, ces conséquences dont nous avons
parlé tantôt et dont surtout le député d'Ahuntsic a
parlé. Il faut quand même se demander quel doit être le
rôle de ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre.
S'agit-il pour lui d'avoir strictement un rôle de consultation ou s'il ne
devrait pas plutôt avoir un rôle d'incitation? Ne devrait-il pas
servir de chambre de compensation des problèmes qui se posent au niveau
des grandes centrales syndicales et des grandes associations patronales,
surtout lorsqu'arrivent des moments de crise grave? Le ministre du Travail ne
devrait-il pas plutôt se servir de cet instrument que sera le Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre comme d'un pare-chocs qui
aurait pour rôle d'absorber les coups, de les diminuer et d'agir beaucoup
plus directement au niveau des structures de dialogue entre la partie patronale
et la partie syndicale? Pour agir, en quelque sorte, comme chambre de
compensation des problèmes et tout à la fois pour jouer un
rôle de consultation et aussi un certain rôle de direction dans
l'étude des problèmes qu'auront à faire, ensemble, les
partenaires sociaux, comme on les a appelés tantôt.
Je crois que ce serait pour ce Conseil supérieur du travail et de
la main-d'oeuvre un objectif beaucoup plus valable à nous proposer et un
rôle beaucoup plus adapté aux besoins de l'heure. Encore une fois,
si nous faisons une étude comparative de l'ancienne loi et des
dispositions contenues dans le bill no 288, je crois que nous avons raison de
prétendre, nous de l'Opposition, qu'il y a régression, retrait,
diminution des pouvoirs accordés au Conseil supérieur du travail
et de la main-d'oeuvre par rapport à ceux que la loi organique contenue
au chapitre 140 lui accordait de façon effective.
Le ministre voudrait-il se substituer, en quelque sorte, à ce
Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre pour, lui, avoir
plus de pouvoirs d'incitation, plus de pouvoirs de direction, plus de pouvoirs
de décision, nous l'ignorons? Le ministre ne nous l'a pas
expliqué, pas suffisamment du moins, alors que nous, nous
prétendons, M. le Président, que le ministre devrait plutôt
se servir de ce Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre pour
lui faire jouer un rôle beaucoup plus direct auprès des grandes
centrales ouvrières, au sein des grands conseils patronaux pour leur
expliquer la conception, la philosophie des nouvelles lois du travail
actuellement en vigueur dans la province, pour mieux informer les partenaires
sociaux des nouveaux courants économiques qui se dessinent dans la
province, de l'orientation économique donnée par le gouvernement
actuel, et par les structures qu'il a créées afin de mieux
informer tous les partenaires sociaux des implications qui découlent
nécessairement des nouvelles législations que le Parlement du
Québec a adoptées, depuis disons 1960. Nouvelles
législations que le nouveau gouvernement a adoptées depuis 1966
par exemple, en matière de relations de travail, en matière
économique, en matière de planification économique, en
matière de planification économique, en matière
d'investissement industriel, d'incitation à l'investissement plus
considérable de nouveaux capitaux sur notre territoire.
Alors, M. le Président, voilà autant de questions dont le
Conseil supérieur du travail devrait être saisi, dont il devrait
faire l'étude, qu'il devrait mieux assimiler avec des
représentants plus spécialisés dans toutes ces questions,
pour être en mesure de jouer un rôle beaucoup plus direct
auprès des partenaires sociaux auxquels le député
d'Ahuntsic a fait allusion tantôt et je crois qu'en ce faisant le
ministre du Travail et ses hauts fonctionnaires pourraient jouer beaucoup plus
facilement le rôle d'arbitre qui normalement devrait leur être
dévolu lorsque surviendront des crises graves, des crises très
difficiles à régler.
A ce moment-là il aura eu plus de recueil se sera accordé
plus de liberté de manoeuvre, il aura eu recours pendant plusieurs mois
à une institution comme le Conseil supérieur du tra-
vail qui aura joué un rôle de pare-chocs comme je l'ai dit
tantôt à défaut de trouver un meilleur terme pour bien
expliquer le fond de ma pensée et en ce faisant, le ministre du Travail
aura une meilleure vue d'ensemble des problèmes et pourra être en
mesure de jouer un rôle d'arbitre beaucoup plus efficace et dont les
décisions pourraient être susceptibles de donner une plus grande
mesure de justice à toutes les parties en cause et satisfaire aussi
davantage l'opinion publique et en quelque sorte les citoyens du Québec
qui en définitive ont toujours la responsabilité et le
pénible devoir de payer la note quand ça ne va pas, et surtout
quand ça va mal.
Alors, M. le Président, ce sont là en résumé
l'esprit des remarques que j'avais à faire sur ce bill 288 et je me
demande si à la suite des remarques qui ont été faites par
le député d'A-huntsic et le député de D'Arcy-McGee,
remarques qui ne sont quand même pas le fruit de l'imagination de ces
deux députés de l'Opposition qui ont parlé avant moi, car
ils les ont puisées dans des communications qui nous viennent et cela
est surprenant, des deux grands partenaires sociaux, c'est-à-dire des
grandes centrales syndicales et aussi du centre des dirigeants
d'entreprise.
Il est quand même surprenant de constater que sur un bill comme
celui qui crée le Conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre, il y ait une espèce d'unanimité qui s'est faite
entre les grands dirigeants de l'entreprise et les dirigeants des grands
centrales ouvrières sur des dispositions législatives qui
à leurs yeux ne semblent pas les satisfaire du tout. Alors je crois que
cela devrait inquiéter le ministre, cela devrait l'inciter à se
demander s'il n'est pas en train de faire fausse route, s'il n'est pas en train
de passer à côté des grands objectifs qu'il avait
visés en proposant un pareil projet de loi. Et s'il n'est pas entrain de
passera côté des recommandations des organismes qui à titre
consultatif ont pu lui faire des recommandations.
Alors, nous ne prétendons pas, nous de l'Opposition, en savoir
autant que le ministre du Travail, parce que nous n'avons pas accès,
comme lui, à tous ces travaux de recherche, à toutes ces
études, à toutes ces recommandations. Il ne nous a pas mis au
courant, par exemple, des derniers procès-verbaux des assemblées
tenues par le Conseil supérieur du travail. Il y a peut-être
là dedans des choses qui seraient très valables, qu'il nous
serait très utile de connaître et qui modifiaient peut-être
aussi l'opinion des députés de l'Opposition. Le ministre du
Travail ne nous en a pas parlé. Comment pourrait-on connaître ces
recommandations, lorsqu'elles sont tenues secrètes?
Une chose quand même étonnante et surprenante, c'est que
les dirigeants des grandes centrales ouvrières, tout comme les
dirigeants des grandes entreprises, ne sont pas, eux non plus, au courant de
ces dernières recommandations, de ces derniers travaux relatifs à
la création d'un nouveau conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre. Force nous est de constater qu'étant dans la même
situation que nous ils dirigent, de façon assez vigoureuse, des
critiques acerbes contre le ministère du Travail, si ce n'est pas
personnellement contre le ministre du Travail qui, à leur avis et au
nôtre, aurait manqué gravement au plan de la consultation
préalable.
A moins que le ministre du Travail n'ait des surprises pour nous tout
à l'heure, je crois que nous avons raison de nous inquiéter,
surtout lorsque nous constatons que nous avons avec nous, pour nous appuyer,
des représentants de forces économiques très puissantes,
de mouvements sociaux très puissants dans la province qui, je le crois
bien, parlent au nom d'une très forte partie de la population active de
la province de Québec.
Alors, à ce point de vue aussi, le ministre du Travail devrait
s'inquiéter sur le plan des conséquences et sur le plan de la
mise en application des dispositions du bill 288. Je ne voudrais pas que
l'adoption rapide d'un bill comma celui-là serve de provocation
auprès des dirigeants d'entreprises et auprès des dirigeants des
grandes centrales ouvrières, qui seraient choqués de ne pas avoir
été consultés, dene pas avoir été entendus
avant la préparation définitive de ce projet de loi, alors qu'ils
auraient eu des points de vue à faire valoir au ministre et à ses
hauts fonctionnaires.
Le rôle du législateur, on le conçoit facilement,
c'est de bonifier les lois. Ce n'est pas de régresser sur le plan de la
législation, mais d'agir de façon à apporter des
remèdes efficaces aux problèmes de l'heure.
Je crois qu'il est de notre devoir de pousser le plus loin possible nos
études, nos travaux, nos suggestions pour que nous ayons, au moins, la
conscience nette et la satisfaction d'avoir apporté, avac les faibles
moyens que nous avons parfois, des solutions qui colleront le plus possible aux
besoins de ceux qui sont mis directement en cause par les structures nouvelles
qui nous sont proposées par le ministre du Travail.
A la lecture du projet de loi, il semblerait que le ministre du Travail
ne veuille pas donner au nouveau Conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre toute la liberté nécessaire pour lui permettre
d'aller au fond des problèmes du monde des relations
patronales-ouvrières, avec
toutes les implications que cela peut comporter. Pourquoi le ministre du
Travail ne voudrait-il pas laisser toute cette autonomie nécessaire au
conseil supérieur pour lui permettre de faire tous les travaux, toutes
les recherches, d'engager le dialogue avec les partenaires sociaux directement
impliqués dans les problèmes et d'agir en quelque sorte comme une
chambre de compensation, une chambre de discussions, une chambre
d'élaboration de réglementations susceptibles d'amoindrir les
rivalités entre les deux grands partenaires sociaux et de nous apporter
une plus grande paix sur le plan industriel, sur le plan patronal, sur le plan
ouvrier?
Il me semble que le ministre du Travail devrait comprendre qu'en 1968 il
faut déléguer beaucoup plus de pouvoirs qu'autrefois; que s'il
conserve quand même un ministère où les
responsabilités qui sont mises sur ses épaules sont très
graves et très lourdes de conséquences, il doit quand même
faire jouer tous les instruments qu'il a sous sa gouverne dans un degré
plus grand d'autonomie et de liberté, de façon que tous ces
représentants à l'intérieur du conseil supérieur ne
se sentent pas brimés, ne se sentent pas obligés de partager
nécessairement la philosophie sociale, la philosophie économique
du ministre du Travail ou de ses hauts fonctionnaires, afin qu'ils soient
capables en toute liberté de dire ce qu'il pensent de telle situation,
de tel problème, d'élaborer en toute liberté, en toute
autonomie, des solutions qui, d'après eux, seraient plus en mesure que
d'autres d'apporter des remèdes concrets, efficaces aux
difficultés que nous vivons en ce moment dans la province.
Je crois qu'avec ce recul, qu'avec ces instruments qui sont quand
même nécessairement au service du ministère, le ministre
devrait faire davantage confiance aux représentants de la partie
syndicale, aux représentants de la partie patronale qui composeront le
Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre, qu'il devrait les
laisser agir plus librement et qu'il devrait surtout leur permettre de faire
des travaux qui ne l'engageront pas nécessairement mais dont il pourra
bénéficier grandement et qui le convaincront peut-être
davantage que ceux dont le rôle est plus précisément
d'aller directement rencontrer ceux qui, tous les jours, ont à
négocier les nouvelles conventions collectives, ont à discuter
des problèmes qui leur sont communs. Le ministre devrait se convaincre
que ces personnes-là doivent être mieux qualifiées que
quiconque, être plus à même que d'autres de lui faire les
véritables recommandations susceptibles d'améliorer le climat des
relations patronales-ouvrières.
Là, nous avons l'impression que ce Conseil supérieur du
travail et de la main-d'oeuvre est quelque chose d'honorifique, est une
structure un peu factice, artificielle qui est mise en place pour donner
l'impression et aux dirigeants d'entreprise et aux dirigeants des grandes
centrales ouvrières que le ministre se soucie de leurs
intérêts collectifs, de leurs intérêts particuliers
mais qu'en définitive il se réserve tous les pouvoirs, toutes les
responsabilités surtout au plan des décisions à venir.
Je ne crois pas que le bill 288 tel qu'il nous est
présenté crée au départ ce climat de confiance dont
nous avons tellement besoin dans la province, dont les dirigeants d'entreprises
et les dirigeants des grandes centrales ouvrières ont tellement besoin
pour se convaincre que le ministère du Travail n'est pas un instrument
de combat contre les syndicats ou un instrument de protection en faveur des
dirigeants d'entreprise, alors que dans bien des milieux de la
société, nous entendons souvent des remarques comme celles-ci; Le
ministère du Travail est un ministère qui est créé
d'abord et avant tout pour protéger les intérêts des
puissants. Je ne dis pas que ceux qui le disent ont raison de le dire mais
peut-être qu'à cause des mauvaises expériences qu'ils ont
vécues dans le passé ils finiront par se convaincre que le
ministère du Travail joue peut-être un rôle
interventionniste mais toujours contre leurs intérêts à
eux.
Je ne partage pas non plus l'opinion de ceux qui prétendent que
le ministère du Travail est nécessairement un ministère
qui joue constamment en faveur des intérêts plus puissants. Je ne
le crois pas. Ce n'est pas son rôle non plus. Mais que le ministre se
donne donc cette liberté de manoeuvre dont j'ai parlé
tantôt, qu'il se permette donc d'agir comme un véritable arbitre
lorsque arriveraient les moments de crise très grave dans le monde
patronal-ouvrier. Il aura d'autant plus de chance de jouer ce rôle
d'arbitre qu'il aura laissé des mécanismes comme le Conseil
supérieur du travail et de la main-d'oeuvre jouer un rôle
autonome, jouer un rôle libre au niveau direct de ceux qui sont
impliqués dans le problème des relations
patronales-ouvrières, dirigeants d'entreprises, dirigeants des grandes
centrales ouvrières.
Ce climat de confiance sera nécessairement contagieux. Un climat
de confiance s'établira entre le ministre du Travail d'une part, ses
hauts fonctionnaires, les dirigeants des grandes entreprises et les dirigeants
des grandes centrales ouvrières.
Les crises que nous vivons à l'heure actuelle ne sont quand
même pas issues de problèmes
nés spontanément. C'est une longue succession de
problèmes qui se sont accumulés, qui n'ont pas reçu
d'attention suffisante de la part des autorités. A ce moment-là
certaines personnes, à cause de leur caractère plus ou moins
véhément ou agressif, s'emparent de problèmes comme
ceux-là pour en faire des causes-types et ceux qui ont à faire
des représentations auprès des autorités le font parfois
de façon exacerbée, de façon impatiente, de façon
violente.
Mais encore là on revient toujours au fond du véritable
problème qui est le problème de l'information. Celle-ci est
parfois à sens unique, ou parfois inexistante. L'information, le plus
souvent, n'est pas suffisante de part et d'autre.
M. le Président, si vous voulez me le permettre, je lirai
très brièvement un extrait d'un travail très valable qui a
été fait dans ce domaine par M. Gaston Descôteaux,
professeur à la faculté de droit de l'université d'Ottawa
et qui est intitulé « Le droit et les rapports collectifs de
travail, ses succès et ses revers. » Cette conférence a
été prononcée à Cornwall au mois de septembre 1966
devant le Conseil des chevaliers de Colomb de cette ville et portait sur tout
ce problème auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. Je cite
donc : « Notre but en faisant la revue de certains problèmes du
monde du travail n'était pas d'y apporter tellement des solutions
précises, mais plutôt de soulever certaines difficultés qui
méritent réflexion. Les solutions, d'ailleurs, ne seront pas
toujours pour demain. Des recherches nombreuses et sérieuses devront
être effectuées pour pouvoir y parvenir, et un climat de
collaboration entre les individus et les groupements intéressés
aux relations de travail devra remplacer de plus en plus l'agressivité
dont elles sont trop souvent imprégnées. « Ce thème
de la collaboration entre patrons et employés a fait l'objet de bien des
discours et de nombreuses recherches. En particulier, il faut souligner
l'excellent exposé du professeur Donald Wood de l'université
Queens de Kingston lors du colloque national sur les relations
patronales-ouvrières tenu en 1964 sous les auspices du Conseil
économique du Canada. Pour réaliser leurs buts respectifs,
patrons et employés ont intérêt à ce que la
prospérité règne dans le pays, et à cette fin ils
peuvent s'aider mutuellement. « Ainsi, pour que l'entreprise fasse des
profits, ses produits doivent être vendus. Et pour que les conditions de
vie des salariés soient convenables, il faut que les entreprises soient
prospères. Les deux ont donc intérêt à ce que notre
économie soit florissante, ce qui ne peut se produire que par un
rapprochement du ca- pital et du travail et non dans leur opposition. «
Cette collaboration, comme l'indique le professeur Wood, peut se faire sur deux
plans: au niveau national et régional et au niveau de l'entreprise. Au
niveau national et régional, patrons et employés ont l'occasion
de collaborer à l'établissement d'objectifs et de programmes
publics appropriés. C'est le niveau des grandes politiques
économiques où syndicats et entreprises collaborent avec l'Etat
à la planification régionale ou nationale. C'est l'occasion pour
eux de faire valoir leurs idées, de prévenir les dangers
provenant du dirigisme économique de l'Etat. « Au niveau de
l'entreprise, la collaboration prend un aspect plus concret. Patrons et
employés ne devraient pas se rencontrer uniquement autour de la table de
négociation, car les discussions auxquelles les négociations
donnent lieu sont loin de créer un climat propice à des
échanges dénués de passion, qui supposent chez les deux
parties une franche attitude de collaboration. « Cette bonne foi, elle
existe évidemment dans bien des entreprises, mais il semble que ce ne
soit pas là règle générale en raison,
principalement, de l'obscurité dans laquelle patrons et employés
sont plongés très souvent, en particulier s'ils ne sont pas
suffisamment renseignés sur les politiques économiques des
gouvernements ». J'ajoute que c'est le cas pour Québec, comme
c'est le cas pour d'autres gouvernements du Canada. « Il apparaît
aussi que plusieurs entreprises ne connaissent pas suffisamment les
problèmes du monde syndical et que l'absence de renseignements
concernant les entreprises est souvent la cause de l'agressivité
manifestée par les travailleurs dans leurs revendications. « II
ressort donc que l'absence d'information est une cause sérieuse de
conflits. C'est pourquoi il paraît indispensable que les gouvernements
fassent connaître au monde syndical et au monde patronal leurs grandes
politiques de développement économique. « C'est pourquoi,
également, il apparaîtra de plus en plus indispensable que les
entreprises fassent également part de certains de leurs projets
d'expansion ou de transformations, si ces projets élaborés
pendant la durée de la convention collective sont susceptibles
d'affecter les conditions de travail. « D'ailleurs, la réalisation
de plusieurs de ces projets peut, dans certains cas, être mieux
assurée par la collaboration entre les deux parties, comme ce peut
être le cas pour l'adaptation de la main-d'oeuvre aux nouvelles
situations ».
Je cesse de citer les propos du professeur
Gaston Descôteaux et j'invite de façon encore plus
pressante le ministre à laisser jouer un rôle beaucoup plus
autonome, beaucoup plus libre, au conseil supérieur du travail et de la
main-d'oeuvre, non seulement à titre consultatif, mais aussi à
titre d'agent incitatif d'une plus grande paix dans le monde patronal-ouvrier.
Ceci devra permettre à ce conseil de dialoguer beaucoup plus directement
avec les grands partenaires sociaux que sont les dirigeants d'entreprises et
les dirigeants des grandes centrales ouvrières. Le conseil pourra ainsi,
encore une fois, jouer le rôle d'une chambre de compensation, d'une
chambre qui aurait pour rôle plus immédiat d'applanir les
difficultés, de trouver des solutions à des conflits qui,
étant mineurs au départ, pourraient s'ils ne sont pas
étudiés à temps, avoir des conséquences très
graves et dégénérer en conflits majeurs.
Je crois que le ministre, encore une fois, aurait tout
intérêt à se libérer de ce travail presque quotidien
qu'il s'impose et à demander aux uns et aux autres de continuer à
négocier, de ne pas user d'un langage trop violent, d'un langage trop
agressif, de ne pas briser le climat des bonnes relations. Ce n'est pas au
ministre à faire ça. Il le fera en toute dernière
étape, si tous ces autres moyens n'ont pas donné satisfaction. Il
pourra alors être en mesure, lui, de jouer vraiment le rôle
d'arbitre, qui est, à mon avis, la véritable fonction qu'il
devrait avoir.
M. le Président, voilà autant de raisons qui motivent,
justifient, en ce moment, l'Opposition d'avoir des doutes sérieux quant
à l'à-propos de la présentation du bill 288, et aussi
quant à la justesse, quant aux avantages des nouvelles dispositions
législatives qui nous sont présentées aujourd'hui.
Pour ma part, je suis porté à croire que le bill 288
diminue, de façon dangereuse, les pouvoirs du Conseil supérieur
du travail, que le bill 288 donne moins d'autonomie, donne moins de
liberté d'action, donne moins de pouvoirs aux membres du conseil que ces
membres du conseil supérieur n'en avaient en vertu des dispositions du
chapitre 140.
A moins que le ministre du Travail ne nous explique quel est le fond de
la philosophie des relations patronales-ouvrières qui prévaut
actuellement dans son ministère, à moins que le ministre ne nous
explique clairement pourquoi il s'est cru obligé de présenter ce
bill 288, à moins qu'il n'explique clairement quels sont les grands
objectifs qu'il entend poursuivre, nous croirons, nous de l'Opposition, qu'il
s'agit d'un retrait ou d'une régression par rapport à ce qui a
été fait et par rapport au rôle qui a été
dévolu dans le passé au Conseil supérieur du travail.
Voilà les doutes, M. le Président, que pour ma part
j'avais à exprimer. Je crois que je ne suis pas le seul puisque le
député d'Ahuntsic a dit de façon très claire, lui
qui est beaucoup plus spécialiste que moi dans ce domaine, quelles
étaient les raisons qu'il avait de s'objecter à la
présentation du bill tel qu'il a été
préparé, et aussi, quels étaient les dangers que
courraient à la fois les dirrigeants d'entreprises et les grands
syndicats ouvriers s'ils acceptaient telles que rédigées les
dispositions législatives contenues dans le bill 288.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, je vais faire un grand effort pour
terminer mon intervention avant une heure, afin qu'à la reprise de la
séance cet après-midi, le ministre du Travail soit en masure de
nous dire quelles sont les modifications qu'il a l'intention de suggérer
en comité plénier au sujet du bill.
M. le Président, je n'ai aucunement l'intention de reprendre les
arguments qui ont été parfaitement exposés par les
députés d'Ahuntsic, de D'Arcy-McGee et de Drummond. Ces trois
députés ont parlé avec beaucoup de conviction, ont
prouvé que le projet de loi à l'étude est nettement
rétrograde, et à moins que le ministre du Travail ne soit
disposé à le modifier profondément, nous ne pourrons pas
l'appuyer.
Disons d'abord que le principe du bill 288, ce n'est pas la
création d'un conseil supérieur du travail puisqu'un tel conseil
existe déjà. Il s'agit, par ce bill, de redéfinir le
mandat du conseil et d'en réorganiser les structures. Je pense que sur
ce point le ministre du Travail et moi, nous sommes d'accord.
M. BELLEMARE: C'est ce que j'ai dit, d'ailleurs.
M. LESAGE: C'est peut-être le seul point!
M. BELLEMARE: D'accord, c'est ce que j'ai dit.
M. LESAGE: Avant d'aller plus loin, cependant, je me demande si le
qualificatif « supérieur » pendant que nous y sommes
appliqué au conseil n'est pas un peu ambitieux, un peu
pompeux.
M. BELLEMARE: C'est ce qu'avait dit le Conseil supérieur du
travail à sa réunion de mars 1968.
M. LESAGE: Le ministre me l'apprend, parce que...
M. BELLEMARE: Non, non. Il avait dit à ce moment-là que
c'était pompeux et que ça devrait être plutôt «
consultatif ».
M. LESAGE: C'est ça que je voulais suggérer.
M. BELLEMARE: D'ailleurs, c'est ça qu'il avait dit.
M. LESAGE: Si ce qualificatif « supérieur »
décrit bien le rôle du conseil, surtout le rôle très
restreint que veut...
M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois ici interrompre l'honorable
chef de l'Opposition en lui rappelant que c'est là, je pense, la
dernière formalité à être remplie par le
comité plénler. Je comprends que c'est une parenthèse
qu'il veut simplement faire à ce moment-ci, car ce travail est
réservé au comité.
M. LESAGE: M. le Président, ce que je voulais dire, c'est que le
rôle que veut faire jouer au conseil par ce bill, le ministre du Travail,
ce n'est pas un rôle supérieur, c'est un rôle consultatif,
et encore! Cela va au principe du bill.
Il s'agit de décrire le rôle du conseil. Je dis que son
rôle n'est pas un rôle supérieur. C'est un rôle
consultatif et, encore, c'est très restreint,, Le pouvoir consultatif du
conseil est très restreint, d'après les termes mêmes du
mandat que voudrait lui confier le ministre par le bill à
l'étude. Il me semble que le mot « consultatif » tel que
suggéré par le conseil lui-même c'est le ministre
qui vient de me le dire serait beaucoup plus adéquat et
décrirait beaucoup mieux le rôle du conseil.
Je ne reprendrai pas ce qu'ont dit mes collègues, mais il semble
bien que les syndicats, les associations d'employeurs, les membres du Conseil
supérieur eux-mêmes, sont unanimes pour demander, désirer
des modifications importantes au bill 288. Cette unanimité semble
s'être faite sur un nombre de points dont la plupart ont
été mentionnés par mes collègues. Mais, le ministre
et vous, M. le Président, me permettrez sans doute de les
résumer, parce que je les trouve très bien exposés et
expliqués dans le mémoire présenté par le Centre
des di- rigeants d'entreprises au ministre du Travail, au mois de
février 1968. Il est daté du mois de février 1968. «
Mémoire sur une réforme du Conseil supérieur du travail.
» Je citerai des extraits, très brièvement, sur chacun des
points sur lesquels je voudrais que le ministre du Travail
réfléchisse pendant l'heure du lunch, en vue d'apporter les
modifications qui s'imposent pour que son bill soit, en principe acceptable et
par les intéressés et par les députés de cette
Chambre.
Je cite donc, en ce qui concerne le statut consultatif, le
mémoire que je viens d'identifier: « Le Conseil supérieur
du travail est le seul véritable organisme patronal-ouvrier au
Québec. Les travaux qui s'y effectuent, et surtout ceux qui pourraient
s'y effectuer, sont des plus valables. Il est regrettable qu'il ait une
influence aussi négligeable, dû particulièrement au fait
que ses représentants n'ont aucune relation officielle avec
l'extérieur et que, de par la loi, le ministre du Travail décide
seul des questions à étudier, le convoque à volonté
et peut ignorer ses recommandations sur les questions dont il a lui-même
suggéré l'étude. »
Pour ce qui est des réformes au Conseil supérieur du
travail, d'abord l'objectif. « Il nous apparaît essentiel que le
Conseil supérieur du travail soit appelé à jouer un
rôle beaucoup plus positif que celui qu'il joue actuellement. Les
difficultés actuelles dans le monde des relations du travail, les
suggestions qui fusent de part et d'autre pour en améliorer le climat,
les expressions de plus en plus nombreuses de nécessité de
collaboration, autant de questions qui pourraient être confiées au
Conseil supérieur du travail, si on lui donnait les moyens de jouer un
rôle beaucoup plus étendu dans l'harmonisation des objectifs
économiques et sociaux. Ce rôle nouveau, il peut le jouer si le
gouvernement accepte de modifier substantiellement la Loi instituant le Conseil
supérieur du travail, et si une mentalité nouvelle se crée
autour de cet organisme. » C'est dire que ces messieurs du Centre des
dirigeants d'entreprises avaient déjà pris connaissance d'un
avant-projet de loi. Oui, évidemment.
Mais, nous nous n'avions pas eu cet avantage, nous les
députés. Il semble que tout le monde est mis au courant sauf ceux
qui ont à voter les lois, j'en profite pour vous le dire, M. le
Président...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça du tout.
M. LESAGE: Alors maintenant, la description des réformes. «
II nous apparaît essentiel, je cite: que les représentants des
parties au sein du conseil n'y agissent pas qu'à titre indi-
viduel. Les représentants devraient avoir le pouvoir de rendre
compte de leur mandat. Ils devraient pouvoir obtenir des commentaires et
suggestions sur les travaux en cours, sur les travaux projetés.
Deuxièmement, la représentation au sein du Conseil
supérieur devrait être modifiée. Dans un tel organisme qui
a spécifiquement pour but l'étude de questions ouvrières
patronales, on y devrait retrouver qu'une représentation paritaire
employeur employé, c'est-â-dire que les représentants du
secteur économico-social ne devrait pas avoir le droit de vote.
»
Les arguments qui ont été apportés par les
députés de ce côté-ci de la Chambre je les endosse.
Quant à moi, je suis parfaitement d'accord et je demanderais au ministre
du Travail de bien vouloir réfléchir sérieusement sur cet
aspect important, quant à la composition même du Conseil
supérieur du travail. « Maintenant, le Conseil supérieur,
je continue de citer, le Conseil supérieur devrait avoir la latitude en
plus de se consacrer aux études demandées par le ministre du
Travail de se saisir personnellement de sujets d'étude. Ces
études toutefois ne devraient pas excéder les limites de sa
juridiction et le ministre du Travail devrait être informé des
sujets d'étude qu'il entend ainsi aborder. » Là-dessus, M.
le Président, je dirai ceci, je crois que le Conseil supérieur du
travail devrait avoir le pouvoir de prendre l'initiative d'études, qu'il
pourrait poursuivre du moment qu'elles n'entraînent pas de
dépenses de deniers publics. S'il y a dépenses de deniers
publics, il est clair...
M. BELLEMARE: C'est bien sûr.
M. LESAGE: ... que le programme d'étude doit être
approuvé, du moins quant à ses...
M. BELLEMARE: Consulté.
M. LESAGE: Que le ministre ne se fâche pas!
M. BELLEMARE : Non, je ne me choque pas.
M. LESAGE: ... quant à ses implications financières par un
ministre de la Couronne...
M. BELLEMARE: Simplement consultation.
M. LESAGE: D'accord, ou encore s'il s'agit d'études qui sont
faites à l'intérieur du budget voté, le Conseil
supérieur devrait être libre de choisir les sujets.
M. BELLEMARE: D'accord, je n'ai aucune objection.
M. LESAGE: Oui, mais il faudrait le dire dans le bill.
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LESAGE: Oui, il va falloir le modifier. Nous y verrons en
comité; il faut modifier le projet de loi.
M. BELLEMARE: Pas du tout.
M. LESAGE: Il le faudra. Si le ministre est d'accord en principe
là-dessus, nous pourrons voir en comité à ce que les mots
utilisés dans le bill reflètent...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ... bien le principe qu'il vient d'énoncer. Mais,
à l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
M. BELLEMARE: J'ai dit consultation.
M. LESAGE: Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas une question de
consultation.
M. BELLEMARE: Non, pour les avis publics.
M. LESAGE: Si le conseil supérieur décide, de sa propre
initiative, de faire certaines études à l'intérieur des
limites de son budget, eh bien, alors, il ne s'agit pas de consulter le
ministre; il s'agit de l'en informer. C'est toute ladifférence du monde.
Le conseil n'a pas de permission à demander au ministre. S'il y a des
dépenses qui dépassent le budget, d'accord, il faut
l'autorisation du ministre. Mais cela devrait être la seule
limitation...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: ... à la discrétion du conseil, si on veut
vraiment avoir un conseil qui puisse rendre service.
M. BELLEMARE: Si l'honorable député veut me le permettre,
il y a juste...
M. LESAGE: J'ai terminé.
M. BELLEMARE: ... une petite divergence de vues entre nous deux,
là, qui va peut-être rejoindre ce que veut dire le
député et ce que je pense, moi. C'est que maintenant il y a une
présidence permanente, c'est ça. Dans la...
M. LESAGE: Cela ne change rien.
M. BELLEMARE: ... définition de ses responsabilités...
M. LESAGE: Le président permanent n'a pas la majorité au
conseil.
M. BELLEMARE: Ah, non, non! Il administre, lui.
M. LESAGE: Il administre, mais, si la majorité au conseil
supérieur, qui n'est pas le président permanent, décide de
faire certaines études...
M. BELLEMARE: C'est lui qui demande, voyons donc!
M. LESAGE: M. le Président, c'est justement la conception qu'a le
ministre du rôle du président permanent qui va être
nommé par le gouvernement qui me fait peur. Il semble bien que ce
président serait le seul à décider...
M. BELLEMARE: Non...
M. LESAGE: ... d'après ce que pense le ministre...
M. BELLEMARE: C'est le lien...
M. LESAGE: ... et cela rend son bill encore plus dangereux.
M. BELLEMARE: ... c'est le lien permanent, c'est ça que je veux
que vous compreniez.
M. PINARD: Il semble avoir un droit de veto, lui, contre les travaux des
autres.
M. BELLEMARE: Jamais dans cent ans. M. PINARD: Oui.
M. LESAGE: Le ministre du Travail vient de laisser entendre, par ses
interventions, que le président sera celui qui décidera des
travaux à effectuer. Or, il n'a pas la majorité au conseil. C'est
la majorité au conseil, d'après ce que je comprends, qui devrait
avoir le droit de décider des études à effectuer, non pas
le président qui sera une créature du ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Ah, M. le Président, créature!
M. LESAGE: Tout le monde sait bien; c'est dans le même sens que
l'on dit que les municipalités sont des créatures du gouvernement
de la province. Il faut bien comprendre. C'est du langage juridique, M. le
Président.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: Je dis que le ministre devrait en tenir compte, mais il
semble bien que sa conception du rôle et de la composition du conseil
n'est pas du tout ce que désireraient les intéressés. Il y
aurait certainement un très grand avantage à ce que le projet de
loi soit référé, après deuxième lecture, au
comité des relations industrielles, afin que nous puissions, dès
lundi, entendre tous les intéressés.
Je ne veux pas faire fâcher le ministre du Travail...
M. BELLEMARE: Non, non, pas aujourd'hui.
M. LESAGE: ... je ne citerai donc pas les extraits de la
conférence de presse qui a été donnée cette semaine
par M. Pepin, et au cours de laquelle il a employé un langage assez
coloré.
M. BELLEMARE: Une conférence de presse?
M. LESAGE: Oui. M. Pépin a donné une conférence de
presse...
M. BELLEMARE: Ah! lui, pas moi.
M. LESAGE: Je n'ai pas dit que le ministre avait donné une
conférence de presse. J'ai dit que M. Pepin avait donné une
conférence de presse au cours de laquelle il avait employé un
langage assez coloré et que j'épargnerais au ministre du Travail
la citation d'extraits de cette conférence de presse.
M. BELLEMARE: C'est dans tous les journaux.
M. LESAGE: II est clair que M. Pepin, au nom de la CSN, que les autres
dirigeants des syndicats, des centrales syndicales, de même que les
représentants des employeurs, en particulier les représentants du
Centre des dirigeants d'entreprises, désirent être entendus au
comité des relations industrielles. Télégramme au premier
ministre, le 4 décembre, télégramme au premier ministre et
au ministre du Travail, au chef de l'Opposition et au député
d'Ahuntsic, de la part du CDE, le 29 novembre, où l'on nous prie de
faire convoquer le co-
mité des relations industrielles pour entendre les
intéressés.
J'essaie de tenir parole. Je télescope mes remarques, et je
termine à l'instant pour dire que, quoi qu'il en soit, nous aimerions
bien que le ministre nous dise, dans sa réplique, s'il a l'intention de
suggérer des modifications au projet de loi sur les points qui ont
été mentionnés par mas collègues et que je viens de
mentionner à nouveau, que je n'ai fait que réitérer. Tout
cela est partie importante du principe du bill, je le répète,
puisqu'il s'agit non pas d'établir un Conseil supérieur du
travail qui existe déjà, mais d'en redéfinir et le mandat
et les structures.
Il convient donc, à mon sens, que le ministre du Travail,
dès la reprise de la séance, nous fasse part de ses intentions
afin que les députés soient en mesure, eux, de définir
leur attitude sur le principe du bill en deuxième lecture en toute
connaissance de cause.
M. BELLEMARE : M. le Président, je demande la suspension de la
séance avec mon droit de parole.
M. LESAGE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois
heures.
Reprise de la séance à 15 h 6
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
L'honorable ministre du Travail.
UNE VOIX: Adopté.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, simplement quelques mots pour
expliciter notre pensée et la pensée de tous ceux qui ont
travaillé depuis plusieurs années à trouver des formules
plus adaptées à notre monde du travail, par l'organisation d'un
Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre plus efficace.
Je dirai d'abord que, lorsque le premier ministre a reçu un
télégramme de la CDE qui protestait contre le bill no 288, je me
suis demandé, avec beaucoup d'autres, si au Conseil supérieur du
travail, ils étaient les seuls représentants du patronat. En
effet, il est bien important de savoir si on parle au nom d'un organisme ou si
on parle au nom de tout un corps qui s'appelle le patronat.
J'ai fait la comparaison. L'honorable premier ministre a reçu un
télégramme du Centre des dirigeants d'entreprise. D'accord, ils
ont droit à leur opinion; ils ont droit à la manifestation
publique de certaines revendications. Mais je n'ai pas reçu de
télégramme des autres membres qui font partie de la section du
bloc patronat du Conseil supérieur du travail, par exemple de la
Fédération de la construction, qui représente une grande
partie de l'économie canadienne au sein du Conseil supérieur. Je
n'ai pas reçu de protestation de l'Association des mines de la province.
Je n'ai reçu aucune protestation de la part des commissions scolaires du
Québec. Je n'ai reçu aucune protestation de la part des marchands
détaillants qui ont, eux aussi, des représentants au sein de
l'organisme. Je n'ai reçu enfin aucune représentation ni aucune
protestation de la CMA quant au bill.
Or, l'Opposition a pensé trouver un document qui faisait son
affaire pour critiquer la loi, pour dire que le ministre n'est pas bon.
C'est un homme qui ne se rend pas aux désirs de la population, de
la majorité, ni à ceux du patronat et des représentants
syndicaux. Je ne comprends pas comment il se fait que le ministre veuille faire
route seul. Est-ce qu'il n'y a que lui qui a raison? Ah non, M. le
Président, je suis sensible aux améliorations; il y a lieu aussi
d'en avoir et d'en faire.
Je dis que ces gens, qui ont envoyé le télégramme
qu'a lu ce matin l'honorable député
d'Ahuntsic, auraient dû - probablement qu'ils l'auraient fait
s'ils avaient reçu les explications que j'ai données ce matin et
celles que je vais continuer à fournir à la Chambre se
rendre compte que notre bill est conforme à ce qu'ils désirent.
Ils désirent obtenir un conseil supérieur libre, nous en sommes.
Je l'ai dit ce matin, je l'ai répété pendant des
années. Nous voulons qu'au sein de cet organisme il y ait, d'abord, une
paix entre les deux parties pour qu'on puisse travailler dans un excellent
climat. Ce n'est pas possible autrement.
C'est pourquoi, M. le Président, je suis allé
personnellement les rencontrer en plusieurs circonstances, leur dire que
j'appréciais leur coopération et que j'étais
désireux d'obtenir leurs conseils. Nous n'avons pas le temps, nous les
ministres en place, d'aller dans chaque domaine pour étudier et
approfondir chaque question, surtout quand il s'agit d'un domaine aussi
complexe que le travail.
Je dis que le Conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre
ne doit jamais être il ne l'est pas et ne le sera pas, je
l'espère un supergroupe de pression. Au contraire, nous voulons
que le conseil soit un groupe de persuasion vis-à-vis de la population,
des corps qu'il représente et du gouvernement qui, lui, a la
responsabilité de légiférer pour le plus grand bien de
tous et en vue de l'intérêt général.
Un groupe de superpression, non. Ce n'est pas ce qui doit diriger nos
débats aujourd'hui. Le Conseil supérieur du travail doit
être un conseil libre, autonome, qui continuera sa marche dans
l'étude des législations et pourra avoir tout ce dont il aura
besoin pour continuer la recherche et les travaux qu'il a entrepris. A la suite
de la recommandation que faisait, le 27 mars 1968, M. Pepin, au Conseil
supérieur du travail, on a fait observer que le mot «
supérieur » était un peu pompeux et qu'il vaudrait
peut-être mieux l'appeler le Conseil consultatif.
J'en suis. L'honorable chef de l'Opposition a repris, ce matin, cette
expression « conseil consultatif ». Je n'ai aucune objection et je
pense que c'est un conseil consultatif. Supérieur, cela a l'air un peu
pompeux et on l'a enlevé. Il n'y aura pas de conseil, ni mineur ni
supérieur, on l'a enlevé. Dans le Conseil supérieur de la
faune on a enlevé le mot « supérieur ». Mais, pour
caractériser plus particulièrement le nom parce qu'il y a
déjà trente ou quarante ans qu'il existe on dira Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
M. LESAGE: Ce sera un amendement?
M. BELLEMARE: Certainement, ce sera parmi les amendements que nous
ferons. Nous n'avons aucune objection à cela. D'ailleurs, dans l'article
2, on a semblé laisser entendre que le conseil ne serait pas autonoms,
qu'il ne pourrait pas amorcer lui-même les études de certaines
choses. Au contraire, je l'ai dit ce matin et je l'ai
répété assez clairement. On veut que cela soit
précisé. Je n'ai aucune objection. Pour que le Conseil
supérieur...
M. LESAGE: Y aura-t-il une modification pour le préciser, parce
que le ministre a dit une chose, mais le texte du projet de loi dit autre
chose.
M. BELLEMARE: Oui, mais entre ce que dit une loi et ce que pense toute
l'équipe qui, à un moment donné, travaille sur une loi
aussi con-tentieuse que celle-là... On peut avoir dit, dans une loi ou
un article, exactement ce que nous voulons dire, mais que cela soit
interprété différemment. C'est tellement vrai qu'on
ainstitué dans le monde entier...
M. LESAGE: Est-ce que le bill sera modifié?
M. BELLEMARE: ... une congrégation qu'on appelle les avocats,
justement pour interpréter les textes.
M. LESAGE: Pour créer des embêtements aux autres?
M. BELLEMARE: Les législateurs font la loi, mais les avocats,
eux, la plaident et les juges décident. C'est cela. C'est exactement ce
qui se présente dans notre esprit, dans l'esprit de tous ceux qui y ont
travaillé, même au conseil supérieur de la commission
permanente. On a toujours dit qu'on recherchait la liberté et
l'autonomie. Nous en sommes. J'ai dit, ce matin...
M. LESAGE: Le ministre apportera-t-il des clarifications, sur les
pouvoirs du conseil, pour que...
M. BELLEMARE: Le clarifier?
M. LESAGE: ... les avocats comprennent?
M. BELLEMARE: Oui. Je n'ai aucune objection à clarifier la
pensée du ministre.
M. LESAGE: Très bien.
M. BELLEMARE: A clarifier l'objectivité du ministre.
M. LESAGE: Alors, nous pouvons compter qu'il y aura une
modification?
M. BELLEMARE: II y aura sûrement quelque chose
d'intéressant, quelque chose qui rejoindra véritablement notre
pensée.
M. LEFEBVRE: De la nature d'un amendement?
M. BELLEMARE: D'une compréhension meilleure, de ce qui fait
l'objet peut-être d'un article du bill.
M. LESAGE: Cela prend un amendement, oui.
M. BELLEMARE: Je dis donc, M. le Président, pour être clair
que ça prouve ma bonne foi et surtout les bonnes dispositions, qu'on ne
veut pas reconnaître en certains milieux. Ma bonne foi de
coopération et surtout mon objectivité. Je ne veux pas je l'ai
dit tout à l'heure que le Conseil supérieur du travail devienne
un supergroupe de pression. Au contraire, je veux leur donner, à eux
particulièrement, tout ce qu'il faut pour même l'aider
personnellement, non seulement moi comme ministre mais aussi tous ceux qui
seront assujettis à la législation qui découlera de leurs
études.
Je dis donc, sur un point particulier, que je crois que l'Opposition a
eu raison d'attirer notre attention sur la représentativité du
tiers-monde. Nous avons, je pense, avec ceux qui ont travaillé
intensément à la préparation de ce projet de loi et ceux
qui les ont étudiés dans la partie des commissions permanentes,
il y a eu des gens qui, au Conseil supérieur du travail, ont dit ceci;
« ils ont dit: « Après discussion, les membres
suggèrent d'ajouter un paragraphe E qui indiquerait que le conseil doit
comprendre dans ses rangs les membres du groupe des économistes et
sociologues qui seraient cooptés, c'est-à-dire choisis par les
membres du conseil eux-mêmes. Tout le monde est d'accord sur cette
suggestion à l'exception de M. Louis-Marie Tremblay qui reste dissident.
»
Il y a cependant une unanimité totale et absolue pour que les
économistes, les sociologues, n'aient pas le droit de vote au
conseil.
M. LESAGE: Vous dites au conseil supérieur?
M. BELLEMARE: Oui, le 27, 68. M. LEFEBVRE: Soixante-huit?
M. BELLEMARE: Soixante-huit. Et ça, M. le Président, il y
a là peut-être une difficulté qu'il s'agit de pouvoir
contourner si nous demandons aux consommateurs par exemple d'être
présents parmi les quatre, qui seraient peut-être nommés en
vertu de notre loi, qui représenteraient le public, sans que ça
soit des sociologues, des économistes, des technocrates, appelez-les
comme vous voudrez, ou des hommes extrêmement compétents, mais qui
ne sont pas ni dans le monde ouvrier, ni dans le monde du travail, il y a que
s'ils s'en vont là sans avoir le droit de vote, il serait difficile
peut-être de trouver des personnes.
Pour contourner cette difficulté-là, puis donner
peut-être un peu raison au Conseil supérieur du travail qui ne
voulait pas unanimement qu'il soit là, qu'il ait le droit de vote, on
les placerait plutôt dans des comités ad hoc. Puisqu'on a le droit
de faire des comités ad hoc, nous allons les nommer... le
président avec le conseil, les nommeront sur des comités ad hoc
pour consultation et ils y seront quand même, et ça rendra
à ce moment-là je pense, véritablement le sens que
recherchaient les membres du conseil supérieur au moment où ils
disaient que les deux blocs devraient être paritaires.
M. LEFEBVRE: Si je comprends bien, M. le Président, le ministre
indique à la Chambre que c'est son intention de présenter un
amendement sur ce bill-là.
M. BELLEMARE: Bien j'ai dit... je fais de bonne foi une consultation
avec l'Opposition dans ma réplique. Je pense...
M. LESAGE: Cela a été notre suggestion. M. BELLEMARE:
C'était la mienne aussi.
M. LESAGE: Bien non, ce n'était pas le projet de loi.
M. BELLEMARE: Ah oui! Ah bien, non, non!
M. LEFEBVRE: Ce n'était pas le bill.
M. BELLEMARE: Sur ça, je dis que l'Opposition a raison. Mais je
dis que sur ça puisqu'il faut trouver la solution sans les
éloigner
parce qu'il y a des compétences parmi eux et, si on a
énormément de difficulté à les attirer, à
les faire assister à ce conseil, il vaudrait mieux peut-être les
attirer dans un comité ad hoc.
Ils y auraient pleine juridiction, et ils pourraient donner leur pleine
mesure et rendre service, en même temps, au Conseil supérieur du
travail.
Il ne sert à rien, je crois, de relever tout ce qui a
été dit ce matin. Je regrette que les règles de notre
procédure ne m'aient pas empêché de recevoir cet orage de
malédictions et de souhaits qui manquent un peu de courtoisie à
mon endroit. Je sais que nous sommes exposés à cela, quand nous
assumons des responsabilités. Je n'aurais qu'à me
référer à l'ancien chef du gouvernement, le
député de Louis-Hébert, qui a eu sa large part, pendant
qu'il était ici. Que voulez-vous, c'est la rançon de la gloire.
On est obligé de s'y soumettre. Kipling, un grand homme, disait un jour:
Tu seras véritablement un homme quand tu pourras, du même visage,
voir venir et ceux qui te louangeront et ceux qui te critiqueront.
M. LAFRANCE : Quand tu sauras aussi les écouter et te
corriger.
M. BELLEMARE: Ah, vous l'avez appris, vous aussi! C'est effrayant comme
vous avez progressé, vous aussi.
M. LEFEBVRE: Nous étudions ça à l'année,
dans notre parti.
M. BELLEMARE: J'ai relu, pendant les quelques minutes où je
mangeais mon sandwich, à l'heure du lunch, quelques expressions de
Platon.
M. LE PRESIDENT: Je préférerais qu'on revienne au bill
288.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais vous être
parfaitement soumis, comme le veut le règlement, mais, devant
l'éloquence de l'honorable député d'Ahuntsic qui, lui, a
cité Platon, ce matin, j'aurais tant aimé lui faire plaisir, moi
aussi, et lui en citer une bonne que j'ai découverte et qui le concerne
particulièrement. Je ne la citerai pas; je la lui enverrai.
Je sais que le temps de la Chambre est précieux, il ne s'agit pas
seulement de... Le bon esprit, qui anime la Chambre et qui se manifeste depuis
l'étude de ces bills du travail, mérite d'être
signalé.
Nous avons tous une responsabilité. Nous sommes des élus.
Nous avons un mandat. L'Opposition fait son devoir. Elle soumet ses suggestions
au gouvernement, fait des remarques et demande au gouvernement s'il n'y a pas
moyen d'expliciter mieux sa pensée.
Le gouvernement qui présente la législation dit : Dans les
circonstances, nous avons regardé de très près les textes
que nous avons soumis. Dans le public en général, il semble y
avoir de l'Incompréhension, ce qui créerait peut-être un
désaccord qui ne serait pas propice pour que les relations patronales -
ouvrières, que nous souhaitons des plus fraternelles, puissent se
continuer.
Je dis donc que le comité des relations industrielles est
sûrement nécessaire. Lorsqu'il s'agit de discuter de
législations qui ont déjà été, à
plusieurs stades, étudiées, revisées, recorrigées
et refaites, je crois que ceci appartient aux législateurs.
Je félicite les membres de l'Opposition d'apporter dans ces
débats un bon esprit, un esprit qui ma réjouit.
Il n'y a rien de plus troublant que de rencontrer de l'obstruction
systématique quand on a des problèmes difficiles à
régler. Lorsque l'Opposition nous fait des suggestions qui sont utiles,
qui sont pour le plus grand avantage de la législation et de ceux qui
devront s'y soumettre, nous sommes pleinement d'accord. Ceci, j'espère,
va détruire dans l'opinion publique la réputation que l'on m'a
faite d'être têtu. On a répété cela à
satiété: Bellemare, c'est un têtu, il ne bronche pas d'un
pouce.
M. COITEUX: Ce n'est pas vrai?
M. BELLEMARE: Ce n'était pas vrai, pas du tout. A preuve, ma
bonne humeur et mon désir de collaborer...
M. LEFEBVRE: C'est une nouvelle vie qui commence.
M. BELLEMARE: On dit que les autres s'améliorent et on le
constate avec plaisir. On se demande rarement si ce n'est pas soi-même
qui change. Pour le député d'Ahuntsic, cela peut être
vrai.
M. LEFEBVRE: Ce n'est pas moi qui change de position.
M. BELLEMA.RE: Je remercie donc ceux qui ont participé...
M. LESAGE: Est-ce que le ministre du Travail connaît l'anecdote de
Mark Twain?
M. BELLEMARE: De Mark Twain?
M. LESAGE: De Mark Twain.
M. BELLEMARE: Non, je ne la connais pas.
M. LESAGE: A savoir si c'est le sujet qui change ou l'objet.
M. BELLEMARE: Ah! ou, ah! oui!
M. LESAGE: Cela va prendre deux secondes.
Il a écrit: Lorsque j'avais dix-huit ans, je croyais que mon
père était le plus ignorant des hommes.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LESAGE: Lorsque j'avais dix-huit ans, je croyais que mon père
était le plus ignorant des hommes. Lorsque j'ai atteint l'âge de
vingt et un an, j'ai été émerveillé des
progrès énormes que le vieux avait fait dans l'espace de trois
ans.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire combien je suis d'accord
pour transmettre ce joli compliment à l'honorable député
d'Ahuntsic. Je vous demanderais l'adoption de la deuxième lecture du
bill.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture...
M. LESAGE: Je suis fort embarrassé. Je ne sais pas si mes
collègues le sont, mais moi je le suis. J'ai dit ce matin que le
principe du bill était les modifications au mandat et à la
composition du Conseil supérieur du travail. Le bill tel qu'il est
rédigé ne nous convient pas. J'ai donné les raisons ce
matin. Le ministre nous dit qu'il a l'intention de proposer des modifications
dont nous connaissons la teneur, du moins en principe, après ce qu'il
vient de dire. Mais devons-nous, M. le Président, et c'est à vous
que je m'adresse, devons-nous en deuxième lecture voter sur le principe
du bill tel qu'il se dégage du texte ou si nous devons voter sur les
engagements pris par le ministre d'apporter des modifications qui changeront le
principe.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M» LESAGE: On a toujours le droit de demander un conseil au
président.
M. BELLEMARE: M. le Président, me permettriez-vous de vous
suggérer, à l'occasion de la deuxième réplique de
l'honorable chef de l'Opposition a ma réplique principale, de lui dire
qu'il me fasse confiance et que s'il n'est pas satisfait, il aura tout avantage
à voter contre en troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée?
M. LESAGE: Pour nous protéger, disons sur division.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'objection, mais ce serait bien plus gentil
sans division.
M. LESAGE: Oui, je suis gentil, mais disons sur division. De plus, je ne
l'ai pas dit fort.
M. BELLEMARE: Vous ne l'avez pas dit fort. Alors, M. le
Président, vous ne l'avez pas compris.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose que je quitte
maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité
plénier pour l'étude du bill no 288. Cette motion sera-t-elle
adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, au premier article, je
proposerais un amendement. Au lieu de « conseil supérieur »
« conseil consultatif » et en anglais « Consultative Labour
and Manpower Council ».
M. LEFEBVRE: Au sujet du premier article, j'aimerais faire une
brève remarque, d'abord pour me réjouir du fait que le ministre a
en effet manifesté plus de souplesse qu'il n'en avait laissé
prévoir au sujet de ce bill. Pour ma part, je pense qu'avec
l'assentiment du chef de l'Opposition, nous serions disposés à
remettre au ministre ce que nous avions préparé pour le travail
en comité: une série d'amendements.
Il est possible que les amendements que le ministre vient de nous
remettre comblent un certain nombre de lacunes, enfin des suggestions que nous
avions à faire. Quant à moi, je n'ai pas d'objection, et je pense
bien que le chef de l'Opposition n'a pas d'objection, à ce que nous
remettions au ministre, tel qu'il était, le texte des amendements que
nous avions préparés. Au fur et à mesure, nous pourrons
suggérer les parties d'amendements que nous sommes disposés
à oublier, c'est-à-dire que, ce que le ministre aura couvert dans
ses amendements, nous n'en parlerons pas. Quant au res-
te, évidemment, nous ferons valoir notre point de vue comme c'est
normal, je crois.
Alors, si cela convient, M. le Président, je remettrai au
ministre...
M. BELLEM4.RE: Article 1 adopté? M. LEFEBVRE: Article 1, oui.
M. FRECHETTE (président du comité plénier): Article
1 adopté.
M. BELLEMARE: Article 2.
M. LESAGE: A l'article 2, il y avait une série d'amendements.
M. BELLEMARE: Oui, à l'article 2, il y a une série
d'amendements. On dit ceci:...
M. LESAGE: Un instant. Est-ce que le ministre pourrait me faire parvenir
sa série d'amendements?
M. BELLEMARE: Ah oui, j'en ai justement une copie. Excusez-moi.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela pourrait aider.
M. BELLEMARE: Est-ce que vous voulez aussi ceux du parti libéral?
Je n'en ai qu'une copie. Nous allons auparavant regarder ce que l'Opposition
nous soumet. Nous allons d'abord relire l'article 2, si vous me le permettez.
« Le conseil doit donner son avis au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre sur toute question que celui-ci lui soumet relativement aux
sujets qui relèvent de la compétence du ministre du Travail et de
la Main-d'oeuvre. « Sous réserve de l'article 16, il peut
ça, c'est le budget entreprendre l'étude de toute question
qui relève du domaine du travail et de la main-d'oeuvre et faire
effectuer les études et recherches qu'il juge utiles et
nécessaires pour la poursuite de ses fins. »
C'est exactement ce qui était dans notre esprit, et puisqu'il
faut le clarifier, nous avons dit: II n'y a pas d'objection dans les limites de
l'article 16.
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre constatera que les
clarifications qu'il apporte maintenant sont contenues dans les quatre premiers
paragraphes de l'amendement que nous voulions suggérer à ce
stade-ci de nos débats.
Maintenant, le ministre constatera aussi que les deux derniers
paragraphes de notre amendement ne sont pas couverts par son texte. Je propose,
quant à moi, que ce texte-là soit ajouté.
Pour l'instant, peut-être que je ne ferai pas de proposition
formelle. Je verrai si le ministre est d'accord pour l'entériner, pour
l'ajouter à son texte. Ce serait probablement la procédure la
plus simple. Notre suggestion se lit comme suit: « Le conseil
décide lui-même de l'opportunité de rendre publiques les
recommandations qu'il transmet au ministre. Le ministre peut toutefois attirer
l'attention du conseil sur les inconvénients qu'il peut voir à la
publication de tel ou tel avis que le ministre lui-même a requis du
conseil ».
Autrement dit, M. le Président, l'esprit de cette suggestion est
le suivant: Si le conseil, conformément à l'amendement dont le
ministre vient de faire part à la Chambre, décide d'entreprendre
lui-même l'étude d'une question, je crois qu'il est à ce
moment-là parfaitement libre de rendre publique toute recommandation qui
pourrait émaner de cette étude.
Si, d'autre part, c'est le ministre qui demande un avis au conseil, je
crois bien, M. le Président, que, tel que rédigé, il
serait assez étonnant que le conseil outrepassât une invitation du
ministre à l'effet que, sur tel point donné, pour telle raison
donnée, le ministre préférerait que l'avis du conseil
demeure privé et ne soit pas connu du public.
Autrement dit, je crois que la suggestion que nous faisons au ministre
va dans le même esprit que l'amendement qu'il nous propose, mais le
complète. Le ministre se souviendra que, tant du côté
syndical que du côté des employeurs, on a insisté sur le
fait que le conseil devait avoir cette liberté.
Par ailleurs, dans notre dernier paragraphe, nous admettons que le
ministre peut aussi avoir des raisons légitimes d'inviter le conseil
à la discrétion. Je pense donc qu'il y a là un
équilibre, et je souhaiterais, pour ma part, que le ministre
oublions les premières parties de notre amendement accepte la
suggestion de ces deux derniers paragraphes, qui m'apparaissent, encore une
fois, répondre à la demande, aussi bien des employeurs que des
syndiqués.
M. BELLEMARE: M. le Président, d'abord, il n'y a rien dans la
loi, si l'honorable député l'a bien lu, qui empêche ce que
demandent les deux derniers articles de l'amendement suggéré par
l'honorable député d'Ahuntsic. Il n'y a absolument rien dans la
loi qui l'empêche, absolument rien.
Au Conseil supérieur du travail, le 2 avril 1968, il avait
été entendu que les avis ou rapports
émanant du conseil supérieur à la demande du
ministre soient confidentiels. Cela a été accepté par le
conseil supérieur à la séance du 2 avril 1968. Nous
n'avons pas voulu mettre ça. Le conseil croit que, dans chaque cas, on
devrait décider, après consultation des parties, s'il devrait y
avoir publication ou non d'un tel document. On n'a pas mis ça, ni
confidentiel ni rien, pour lui laisser toute liberté. Je suis sûr
que, lorsque j'aurai à demander personnellement des avis au conseil
supérieur, les gens auront sûrement la responsabilité de
respecter le caractère strictement confidentiel des rapports qu'ils vont
nous faire. Mais qui peut empêcher ça? Même si vous le
mettez dans une loi, qui peut empêcher que ça sorte? A qui s'en
prendra-t-on?
A qui pourra-t-on faire des reproches si des rapports qui étaient
strictement confidentiels sont publiés? On n'a pas voulu ça. Vous
le verrez tout à l'heure dans un autre article de notre bill. Le conseil
doit faire rapport de toutes ses activités et de toutes ses
études. Là, M. le Président, c'est remis à la
Chambre. On établit clairement ses responsabilités.
M. LESAGE: Le ministre pourrait-il nous dire pour quelle raison
jusqu'à maintenant les avis du conseil supérieur ont
été traités comme des avis confidentiels?
M. BELLEMARE: Parce qu'en vertu de l'ancienne loi, on disait ceci: Le
ministre du Travail peut inviter le conseil supérieur à
étudier, premièrement, tel problème particulier
visé à l'article 2 ou toute autre question que le
développement de la vie économique et sociale impose à
l'attention du conseil supérieur. De son initiative, il peut aussi
diriger ses recherches.
Mais, là, on se réfère aux questions
d'administration et on dit: Le conseil a particulièrement pour mission
l'étude des questions relatives à la protection des ouvriers et
des salariés. Et, à la fin, on nomme les différentes
applications: l'apprentissage, l'orientation, et le reste. D'après la
tradition même qui s'est instaurée au conseil supérieur
depuis des années, les avis fournis au ministre sur les
différents sujets sont presque toujours demeurés confidentiels,
mais pas toujours.
Je dois dire que certains documents sont sortis du Conseil
supérieur du travail, à ma connaissance, du temps que
j'étais dans l'Opposition.
M. LESAGE: Ils ont été rendus publics, à ce
moment-là.
M. BELLEMARE: Ils ont été rendus publics après. Je
n'avais pas cité l'auteur; je n'avais donné aucune source de
renseignement, mais j'avais parlé d'un sujet particulier...
M. LESAGE: C'est le député de Champlain qui les avait
obtenus.
M. BELLEMARE: On me les avait remis. M. LESAGE: Qui les avait
obtenus...
M. BELLEMARE: Non, on me les avait remis.
M. LESAGE: Vous les avez reçus. M. BELLEMARE: Reçus. M.
LESAGE: Très bien.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas pareil. Dans une cause...
M. LESAGE: Très bien. Reçus.
M. BELLEMARE: Reçus. Je dis que, dans les circonstances...
M. LESAGE: Cela n'a pas d'importance. Si une tradition a
été établie de considérer comme confidentiels des
avis du conseil supérieur, n'est-il pas à craindre que cette
même tradition, étant fort ancrée, continue? La
façon de s'assurer que le conseil lui-même se sentira libre ne
serait-elle pas, justement, d'ajouter les deux alinéas suivants: «
Le conseil décide lui-même de l'opportunité de rendre
publics les avis qu'il donne au ministre. » Et, ce qui serait le
quatrième alinéa: « Le ministre peut toutefois attirer
l'attention du conseil sur les inconvénients qu'il peut y avoir à
la publication de tel ou tel avis que le ministre lui-même a requis du
conseil» »
M. BELLEMARE: Lors de la rencontre qui a eu lieu le 3 avril 1968, je le
redis, le conseil avait dans son procès-verbal, souligné cette
expression: « Les avis ou rapports émanant du conseil
supérieur à la demande du ministre sont confidentiels ». Il
l'avait inscrit, lui. J'ai dit à mes officiers: Je ne veux pas que ce
soit délimité à ce sens-là. Même si on met
que c'est confidentiel, il y aura des gens qui trouveront un moyen de le faire
savoir à d'autres. Ne le disons pas dans la loi, mais proposons un
article général, un article omnibus, qui va atteindre
véritablement le but que nous poursuivons: que quelqu'un le connaisse le
rapport, en temps
et lieu, au moment opportun, on fera le dépôt des documents
qui deviendront publics à cema-ment-là.
M. LESAGE: « En temps et lieu », c'est tellement devenu la
marque de commerce de l'Union Nationale que ça sort de la bouche des
ministres malgré eux.
M. LEFEBVRE: M. le Président, sur ce point-là, le ministre
a dit que, dans le passé, il est arrivé que certains textes
aient...
M. BELLEMARE: Pardon? Si vous voulez m'excuser, j'étais...
M. LEFEBVRE: Le ministre faisait allusion au fait que, dans le
passé, lorsqu'il était dans l'Opposition, certains
procès-verbaux ou documents du Conseil supérieur du travail
avaient quitté leur lieu d'origine pour aller tomber dans les mains du
député de Champlain.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil, cela. J'ai dit que je les avais
reçus.
M. LEFEBVRE: Bien oui!
M. BELLEMARE: Mais on n'était pas obligé de me les
donner.
M. LEFEBVRE: Je le sais.
M. BELLEMARE: Je ne peux tout de même pas attacher un homme qui
veut aller en voir un autre pour lui dire qu'il a une jolie femme.
M. LEFEBVRE: Justement. Quant à moi, deux hommes sont venus me
voir pour m'apporter des documents. Le ministre du Travail, qui m'a remis un
document de 1966 et quelqu'un d'autre qui m'a envoyé un document de
1968. Je lis ici parce que les faits, c'est importants - dans ce
document daté du 27 mars 1968: « Quant à la
publicité des travaux du conseil, le conseil pourrait publier ses
propres études, mais les avis que le ministre demande au conseil
seraient publiés à la discrétion du ministre ».
C'était un hypothèse. Quant à l'hypothèse que le
ministre vient de mentionner, elle n'émanait pas des membres du conseil,
mais du sous-ministre, M. Quimper, que je ne veux pas impliquer dans la chose,
ni attaquer. Je veux simplement rectifier les faits qui ont été
cités tout à l'heure par le ministre, parce que, d'après
les renseignements que j'ai, les intentions qu'il a prêtées aux
membres du conseil étalent plutôt la propriété du
sous-mi- nistre, en tant que porte-parole du ministre lui-même.
Le ministre n'aura qu'à prendre une autre formule. Nous ne tenons
pas absolument à ce que notre texte soit adopté par le ministre.
Nous demandons, puisque le ministre dit aux membres de cette Chambre que le
conseil a le droit de publier le résultat de ses études, que rien
ne l'en empêche, pourquoi on ne l'écrierait pas dans la loi? De
cette façon, la tradition à laquelle il a lui-même fait
allusion serait une fois pour toutes nettoyée et on repartirait en neuf.
Tout le monde saurait qu'en l'an de grâce 1968, le ministre du Travail a
recommencé une vie nouvelle, avec un nouvel esprit. Tout le monde serait
bien content. Quant à nous, nous serions satisfaits. Peu importe comment
le ministre et ses conseillers rédigeraient cela. Tout ce que nous
voudrions, c'est que le conseil supérieur ait la liberté de
publier ses recommandations.
Nous sommes convaincus que, dans des cas spécifiques, si le
ministre demande un avis confidentiel au conseil, il recevra cet avis
confidentiellement.
M. BELLEMARE: Et, d'après vous, il restera confidentiel?
M. LEFEBVRE: Honnêtement, il n'y a pas beaucoup de cas et je pense
que le ministre ne voudrait pas mettre en doute le sérieux des gens qui
vont siéger au conseil.
M. BELLEMARE: Il n'y a pas seulement les membres du conseil; il y aura
aussi des fonctionnaires.
M. LEFEBVRE: Bien oui. Les fonctionnaires sont en général
des gens fort discrets.
M. BELLEMARE: Oui, oui. M. Xerox.
M. LEFEBVRE: M. Xerox? Je ne le connais pas.
M. BELLEMARE: Non?
M. LESAGE: Est-ce que le ministre souffre de la maladie de la
persécution?
M. BELLEMARE: Pour répondre à cela - si l'honorable
député de Laurier me le permet - je voudrais que le
député d'Ahuntsic me cite un seul article dans la loi où
il est dit qu'ils n'ont pas le pouvoir de le faire.
M. LEFEBVRE: Je voudrais que le ministre me dise pourquoi il s'objecte
à ce que cela soit dit dans la loi.
M. BELLEMARE : Parce que ce n'est pas nécessaire. Ils peuvent le
faire.
M. LEFEBVRE: Oui, mais vous n'êtes...
M. BELLEMARE: C'est justement cela. Rien ne les empêche de le
faire.
M. LESAGE: Mais tout à l'heure, le ministre m'a répondu
qu'il existait une tradition bien ancrée de ne pas rendre publics les
avis donnés au ministre.
M. BELLEMARE: Les avis confidentiels qui me sont donnés, à
moi.
M. LESAGE; Oui. C'est pourquoi j'ai demandé si le moyen de mettre
fin à cette tradition bien ancrée n'était pas de dire dans
la loi qu'on y mettait fin.
M. BELLEMARE: Quand on ne le spécifie pas, c'est parce qu'ils ont
le droit.
M. LEVESQUE (Laurier): Pendant que le ministre...
M. BELLEMARE: Oui, je vous écoute.
M. LEVESQUE (Laurier): ... réfléchit là-dessus, je
voudrais faire une brève intervention sur l'article 2, sans le
débattre très longuement.
Il me semble que la clef de toute l'affaire est dans l'article 2 et que
cela tourne autour du mot « publication ». Cela dépend des
conditions qu'on y met. Si on met des conditions, à toutes fins
pratiques, on anesthésie d'avance le conseil.
M. BELLEMARE: Publication?
M. LEVESQUE (Laurier): Le mot « publication », par rapport
au deuxième paragraphe et à la façon dont on peut
l'amender. Je prends le texte original de la loi, c'est là que se trouve
tout l'esprit qu'on veut donner à ce conseil. Ou bien c'est un conseil
fermé, consultatif dans le sens de ligoté, un peu, comme
ç'a été toujours un peu la tradition.
M. BELLEMARE: Cela ne l'est pas, là.
M. LEVESQUE (Laurier): Si c'est ça qu'on veut...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): Non? D'accord. Mais enfin, je voudrais arriver
très vite à l'a- mendement du ministre. Seulement, il y a un
choix à faire entre deux traditions. On a dit: conseil consultatif. Cela
clarifie justement le fait qu'on souligne par ce mot-là à quel
point il ne s'agit pas d'un organisme qui est un service intégré
au ministère, etc. C'est un conseil consultatif. Il y a peut-être
l'ambiguïté qu'on y a mis des fonctionnaires. On n'aurait
peut-être pas dû, mais enfin, ça viendra dans un autre
article. De toute façon, étant un conseil consultatif dans un
domaine aussi vaste que la main-d'oeuvre et le travail.
Hier, je ne voulais pas me mêler au débat inutilement pour
répéter ce que d'autres disaient parce que tout le monde disait
en allant jusque dans les mines de l'Abitibi, etc., à quel point c'est
vaste, c'est complexe, ça implique toute notre société au
moins autant sous une autre forme que l'éducation ou que, si vous
voulez, les problèmes économiques à l'état pur,
ça fait une sorte de joint très souvent entre l'éducation
et l'économie, au niveau où vive le monde, c'est-à-dire au
niveau où vivent les gens là au niveau où ils travaillent
où ils ne travaillent pas.
Donc, il n'y a pas de sujet dont on puisse dire qu'il est plus
important. Vous avez un conseil consultatif. A l'article 2 il s'agit de savoir
quelle sorte de conseil et finalement vous savez n'oubliez pas une chose
c'est que ça veut dire aussi quelle sorte d'hommes vous allez
pouvoir attirer à ce conseil. Ou bien ça va être un conseil
fermé, plus ou moins ligoté d'avance, et à ce
compte-là vous n'aurez pas facilement des gens remarquables ou des gens
compétents qui vont accepter de siéger là. Ou bien ce sera
un conseil ouvert, un peu et le plus possible, j'espère beaucoup, dans
la ligne qui a été amorcée par le Conseil
économique du Canada et sauf erreur par le Conseil supérieur de
l'éducation dans le Québec, qui ont le droit strict ils ont aussi
les moyens et ça c'est important c'est là que l'amendement du
ministre me trouble un peu. Ils ont non seulement le droit, mais ils ont les
moyens étant des conseillers du gouvernement d'être aussi les
conseillers de l'opinion publique.
Alors, des gens de la plus haute compétence peuvent et,
sûrement, non seulement peuvent mais doivent, si on le leur demande,
être intéressés assez pour prendre ça au
sérieux. La version originale de l'article 2, parce que je laisse de
côté le premier paragraphe qui dit les choses là qui n'ont
pas changé, mais l'article 2, deuxième paragraphe, la version
originale disait: avec l'approbation du ministre. Elle ne parlait pas d'autres
choses que d'études et de recherches, pas de publication. Bon, la
ver-
sion amendée que le ministre apporte, enlève l'approbation
du ministre au 2e paragraphe et met sous réserve de l'article 16.
L'article 16 dit très bien que c'est forcément le ministre
qui décidera du budget, il n'y aura rien de statutaire en soi. Le budget
au début, puis plutôt que de rediscuter ça je veux
juste souligner en passant sera pris à même l'argent du
fonds consolidé pour l'année courante puis ensuite sera
voté et ça deviendra statutaire une fois voté, mais ce que
je veux dire, c'est qu'aucun service, aucun organigramme n'est prévu. Or
c'est de cette façon-là et on ne jouera pas là sur
les petites choses c'est de cette façon-là, les
détails, que l'ancien conseil d'après les renseignements que j'ai
eus puis l'expérience qu'on en a eu parce qu'on l'a vécu comme
ça aussi dans l'ancien gouvernement, l'ancien conseil est devenu
à toutes fins pratiques une sorte de « fixture », la plupart
du temps inopérante, où s'est établi une espèce
d'esprit de lassitude, les gars continuaient à y aller, parce que
c'était dans la loi, puis je ne sais pas s'il restait même un
semblant de gloriole à siéger là, mais de toute
façon à toutes fins pratiques, ç'a servi on peut dire
à quelque chose qui était proche de rien, de zéro.
Alors l'amendement du ministre, je dis qu'il est machiavélique
parce qu'il enlève l'approbation qui était écrite au 2e
paragraphe, qui disait qu'avec l'approbation du ministre, le conseil pourrait
faire l'étude de toute question qui relève de son domaine et
faire effectuer des études et recherches, bon, qu'il juge utile ou
nécessaire, ça ne va plus loin et là
confidentialité est là entre les lignes là dans la
tradition. Et c'est une mauvaise tradition, c'est elle qui a tué
l'ancien conseil.
Maintenant, on enlève l'approbation du ministre puis on dit il
peut, sous réserve des sommes qu'il obtiendra ou qu'il n'obtiendra pas
pour faire son travail. Or, nulle part dans la loi plus loin puis plutôt
que de faire à chaque article des retours en arrière etc., nulle
part dans la loi et je projette en avant, quand on verra le personnel par
exemple, on ne dit même pas s'il va avoir un secrétaire permanent.
On dit, si, à l'article 10. Si on décide d'avoir un
secrétaire permanent mais forcément l'article 16 dit: si le
ministre quel qu'il soit, celui d'aujourd'hui ou celui de demain, décide
qu'il a l'argent pour. On connaît la méthode que ça peut
ouvrir, bon. On ne parle pas de documentation. Je ne sais pas comment ils vont
faire de la recherche, s'ils n'ont pas un minimum de service de
documentation.
Il n'est pas prévu non plus du genre de personnel qu'ils
pourraient avoir. Tout ce qui est prévu, si on décide d'avoir un
secrétaire permanent, il sera permanent sinon ça sera un gars qui
fera ça à temps partiel, puis on nommera les fonctionnaires en
temps et lieu, enfin, je ne caricature pas, c'est ça que dit l'article
10.
L'article 16 dit bien on aura l'argent qu'on aura. Alors il n'y a pas de
service prévu, il n'y a pas de budget enfin qui correspondrait à
un minimum d'organigramme.
Alors, que prétend-on amender; dans le sens d'ouvrir la porte
à un conseil de ceux que j'appelle ouverts, c'est-à-dire un
conseil qui pourrait être vivant et aider la population à
comprendre, en même temps que le gouvernement, et pas
nécessairement sur la même longueur d'ondes? Je suis sûr que
les publications du Conseil économique du Canada ou du Conseil
supérieur de l'éducation, ici, ne font pas toujours l'affaire du
gouvernement mais c'est ce qui fait leur valeur. C'est, qu'au besoin, si on a
des gens compétents, des gens de valeur qui sont là, qui puissent
s'exprimer, il leur soit loisible de ne pas être ligotés,
ficelés à l'avance.
Alors, moi, je dis simplement que l'amendement du ministre, tel qu'il
est proposé, à toutes fins pratiques, implique: Vous aurez les
moyens, les gars, si vous êtes gentils, sinon vous serez affamés.
Il n'y a pas moyen de comprendre cela autrement, pour des hommes de valeur,
qu'on inviterait, sur la base de ce bill-là, à venir
siéger sur le conseil, désormais intitulé consultatif.
Il me semble à moi que l'amendement le plus clair serait de
prendre, si on veut, celui de l'Opposition, mais sans le dernier paragraphe,
qui me paraît inutile, parce que c'est vraiment «fa-finer »
sur les mots. C'est évident que le ministre n'a pas besoin
d'écrire cela, « peut attirer l'attention » à moins
qu'il n'y ait pas d'appareil téléphonique et qu'il ne connaisse
pas les gars, « qu'il peut attirer l'attention du conseil sur les
inconvénients », cela me paraît, à toutes fins
pratiques, être de la finasserie.
Ce qui est important, c'est le paragraphe précédent: Que
le conseil décide lui-même de l'opportunité de rendre
publiques les recommandations, non seulement les recommandations, mais les
études qu'il pourrait faire, si on lui en donne les moyens. Car on joue
avec lui, quand on lui permet d'entreprendre des études et des
recherches sans lui dire s'il va avoir un minimum de services, sans même
lui dire s'il va avoir un secrétariat minimum, ou même un homme
qui s'appellerait secrétaire permanent.
Alors, tenant compte du fait, et je n'ai pas d'illusion, parce que les
autres articles ne donnent pas l'impression que le ministre est prêt
à se rendre là, mais enfin il me semble que la clé est
là: Tenons compte du fait que le budget
devrait prévoir d'avance qu'il va répondre à un
minimum d'organigramme et de services, sinon, ne parlons pas d'études et
de recherches, on se moque du monde. Qu'ils aient un peu les moyens de faire
les études et les recherches qu'on évoque.
A ce compte-là, il me semble que l'amendement à l'article
2 pourrait tout simplement se résumer à ceci: Le conseil peut
entreprendre l'étude de toute question qui relève du domaine du
travail et de la main-d'oeuvre, et faire effectuer les études et
recherches, ainsi que les publications, qu'il juge utiles ou nécessaires
pour la poursuite de ses fins. Cela éviterait d'ajouter ces
espèces de précautions oratoires que je comprends bien, mais qui
sont, plus ou moins, à mon humble avis, pour essayer d'amadouer le
ministre en lui rappelant qu'il a le droit de faire ce qu'il a le droit de
faire, de toute façon. Je ne vois pas pourquoi une loi dirait cela,
qu'il a le droit de téléphoner aux gars pour leur dire, cela ne
serait pas opportun, les gars, de publier ça. Ce qui est important,
c'est qu'eux puissent dire, et cela, il suffit de l'écrire dans la loi
qu'ils ont le droit de publier, si on veut des hommes de valeur, encore une
fois, et non pas un conseil tampon, ou un conseil à toutes fins
pratiques, confidentiel au point où il n'existerait plus, encore une
fois, ou serait paralysé.
Ce qui est important, si on veut ce genre d'hommes-là, c'est de
leur assurer un peu les moyens de faire des études et des recherches, de
leur propre initiative, tout en répondant aux demandes du ministre
évidemment, c'est prévu au premier paragraphe, mais aussi de
faire des recherches et des études et les publications qu'ils jugeront
utiles ou nécessaires, soit au gouvernement, soit, sans le gouvernement,
à l'opinion publique, qui a le droit d'être éclairée
sur un domaine aussi important.
Il suffirait donc d'enlever avec l'approbation du ministre, et d'ajouter
à la fin: Ainsi que les publications, études, recherches, et j'ai
l'impression que si, un peu plus loin, on leur assurait un minimum de services
permanents, des hommes de valeur des deux côtés, capital, travail,
enfin patrons et travail, seraient très intéressés
à y aller. Autrement, on n'a pas besoin de commenter les journaux et les
prises de position, qu'on prépare tout simplement un avortement de
première classe.
M. BELLEMARE: Alors, c'est la première fois qu'on brise la
tradition. C'est la première fois que l'on dit, dans des textes de loi,
que le Conseil supérieur du travail pourra le faire. Je dis qu'on prend
la peine de le dire dans un article, l'article 15, exactement ce qu'il peut
faire.
On ne dit pas qu'il y a une défense, que c'est confidentiel, et
on ne le dit pas.
On dit et c'est la première fois que cela existe
ils ont le droit de le faire. Ils ont le droit de publier. Je le dis de mon
siège. Cela doit être encore une certitude, et non pas parce que
je m'en irai demain ou un autre jour. Je reconnais l'argument de l'honorable
député de Laurier.
M., LEVESQUE (Laurier): Le ministre me permettait-il juste une question
précise?
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Si vous mettez sous réserve l'article 16,
est-ce que vous pouvez ajouter « publications »? « ... les
études, recherches ainsi que les publications qu'il juge
nécessaires ».
M. BELLEMARE: Sous réserve de...
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non. Votre amendement...
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. LEVESQUE (Laurier): ... deuxième paragraphe. Ce qui
m'intéresse, ce serait de voir s'il n'y a pas moyen de s'assurer que des
gens qui en valent la peine vont aller là. S'ils doivent aller
là, ils vont vouloir que ce qu'ils font se sache. Autrement, cela va les
ennuyer.
Sous réserve de l'article 16, en présumant que le
gouvernement accordera les budgets, qui ne sont pas gros d'ailleurs, mais qui
permettent d'être sérieux et non pas de jouer avec le monde. Les
deux dernières lignes: « ... faire effectuer les études,
les recherches ainsi que les publications qu'il juge nécessaires
». C'est tout.
M. BELLEMAR.3: Quant à ceux qui vont devenir permanents, comme le
dit l'honorable député de Laurier, je peux lui dire que nous
avons réfléchi profondément. Nous avons déjà
eu des rencontres très sérieuses avec des personnes fort
qualifiées qui ont, dans le monde du travail, un standard
irréprochable et dont les qualifications, l'expérience et la
compétence les rendent extrêmement prêts à jouer un
grand rôle. Lorsque le nom de ces personnes sera connu, je vois
déjà la presse écrire cela en gros titres.
M. LEVESQUE (Laurier): Qui est-ce? M. BELLEMARE: Quoi?
M. LEV ESQUE (Laurier): Je suis prêt à prendre tout ce que
dit le ministre; je suis impressionné, je suis aplati, mais qui sont ces
gars, etc, qui seraient d'accord avec l'article 2 tel qu'il est?
M. BELLEMARE: Je ne psux pas le dire. La loi n'est pas
adoptée.
M. LEVESQUE (Laurier): Ah! bon! Nous sommes obligés... Ah! oui,
d'accord!
M. BELLEMARE: C'est vrai.
M., LEVESQUE (Laurier): Dans ce cas-là, moi aussi, j'ai
rencontré des gens d'une compétence inouïe, ayant des
qualifications incroyables et ils disent que l'article 2 est
l'étouffement du conseil, si on n'y fait pas attention.
M. BELLEMARE: Moi, je dis que ce n'est pas vrai. Je dis que j'ai une
autre conception. Lorsque ces personnes seront en place, c'est fantastique
combien on va nous rendre justice en disant: On a encore parlé trop
vite. On aurait dû faire confiance à ce bonhornme de
Bellemare.
M., LEV ESQUE (Laurier): Si vos gars sont si bons, si ce sont des
sommités je suis prêt à prendre votre parole
pourquoi les empêchez-vous de publier?
M. BELLEMARE: Nous ne les empêchons pas. L'article 15 va tout leur
donner. C'est justement par la discrétion qu'ils vont observer que l'on
va s'apercevoir que ce sont des bons hommes. Ils vont avoir le pouvoir de le
donner ou de ne pas le donner. Nous avons pris une infinité de
précautions avant de pressentir certaines personnes, parce que nous ne
voulons pas que ces nominations-là soient sujettes à caution.
Je pense que nous avons fait un effort louable pour définir, dans
notre article, ce qui était vraiment le fond de notre pensée.
Nous voulions un Conseil supérieur libre et autonome qui pourrait rendre
d'immenses services par les études qu'il sera appelé à
faire concernant les avis qu'il devra donner au ministre et aussi entreprendre
tout autre travail.
M.. LEFEBVRE: Quant à nous, nous prenons note de l'engagement
formel que le ministre a pris en tant que ministre du Travail de
considérer que le conseil a le droit de faire connaître ses
avis.
M. BELLEMARE: Pas au public.
M. LEFEBVRE: Nous regrettons qu'il ne juge pas à propos de le
mettre dans le texte de la loi. Je suis sûr que le ministre est conscient
qu'il lui sera difficile, à l'avenir, d'invoquer la tradition qui a
existé jusqu'à maintenant.
M. BSLLEMARE: Non, non, nous l'avons abandonnée. Nous avons
passé trois soirées complètes nos sous-ministres le
savent à nous demander: Est-ce bien cela? Va-t-on dégager,
une fois pour toutes, de l'esprit des gens que ce n'est pas le ministre qui va
mener cela? Les gens pourront le faire. Nous avons trouvé une formule.
Ce n'est pas facile.
M. LEFEBVRE: M. le Président, nous, nous ne passons
malheureusement pas nos soirées avec le ministre du Travail. Ce serait
agréable, remarquez. Mais il nous arrive de veiller en compagnie
d'autres personnes.
M. BELLEMARE: Et nous pouvons les nommer!
M. LEFEBVRE: Oui, nous aussi. Seulement, nous pensons que les textes
veulent dire ce qu'il y a d'écrit dedans et non pas ce qu'il y a dans la
tête du ministre. En tout cas, nous ne ferons pas une grosse chicane, car
nous trouvons que, par rapport à la semaine dernière et
même par rapport à hier, le ministre s'est déjà
amélioré considérablement.
M. BELLEMARE: M. le Président, je pense que le
député devrait dire: J'ai compris le ministre.
M. LEFEBVRE: Ah bon!
M. BELLEMARE: Avec ces explications, j'ai compris le ministre.
M. LEFEBVRE: Ceux qui ont lu le texte original de la loi et qui lisent
vos amendements jugeront si c'est moi qui n'avais pas compris ou si c'est vous
qui n'aviez pas écrit la même chose.
M. BELLEMARE: Ce n'était peut-être pas assez clair.
M. LEFEBVRE: II ne faut pas « charrier ». M. BELLEMARE:
Là, je clarifie ma pensée.
M. LEFEBVRE: On constate avec plaisir que vous reculez
élégamment.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas gentil, je ne reculerai plus.
M. LEFEBVRE: Je ne suis pas ici pour être gentil.
M. LESAGE: Reculez, reculez, M. le ministre.
M. LEFEBVRE: Quand vous êtes sur une mauvaise voie.
M. BELLEMARE: Je m'en vais dire comme un ancien ministre qui, à
un moment donné, dans la salle des comités, avait accepté
un amendement - et c'était rare. A un moment donné, il est
arrivé à un autre chapitre et il dit : Je viens de l'exclure de
mon dictionnaire.
M. LEFEBVRE : Quand le ministre est parti sur une mauvaise voie, c'est
excellent de reculer. S'il est sur la bonne voie, qu'il avance.
M. BELLEMARE: Alors, la voie, la vérité, la vie.
M. LE PRESIDENT: Article 2 adopté tel qu'amendé.
M. BELLEMARE: Article 3, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté.
M. BELLEMARE: Article 4. Il y a un amendement à cet article.
Là, je dis que c'est un amendement qui vient de l'Opposition, parce que
je suis convaincu que nous avons discuté avec nos officiers, nous avons
lu les textes, les procès-verbaux et surtout celui où on nous a
demandé d'enlever complètement et unanimement le droit de
vote.
Alors, nous nous sommes dit à ce moment-là: S'ils n'ont
pas le droit de vote, si le conseil, à l'époque de la commission
permanente, était unanime pour leur enlever le droit de vote, nous
serions beaucoup mieux, afin de ne pas frustrer ces gens-là, de les
nommer à des comités ad hoc et de respecter les deux parties,
comme l'écrit si bien le père Hébert, dans son article
qu'a lu sûrement l'honorable député d'Ahuntsic.
Il a été très éloquent sur la partie du
tiers-monde.
M. LEFEBVRE: Platon et Relations sont mes lectures courantes.
M. BELLEMARE: Nous allons quasiment chercher notre inspiration aux
mêmes sources, mais nous les interprétons peut-être
différemment,
M. LE PRESIDENT: Alors article 4.
M. BELLEMARE: Alors, il faut changer les articles 4 et 5.
M. LEFEBVRE; M. le Président, si vous le permettez, à
l'article 4, je ferai remarquer au ministre que nous avions l'intention de
soumettre un amendement mais, quant à nous, nous sommes heureux du
changement apporté, et nous oublions l'amendement qui avait
été suggéré.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, nous l'adoptons pour ceux
qui en sont heureux.
M. LE PRESIDENT: Article 4, adopté. Article 5.
M. BELLEMARE: Article 5. D'accord.
M. LE PRESIDENT: Article 5, adopté. Article 6.
M. BELLEMARE: Article 6. C'est sur un quorum...
M. LEFEBVRE : Un instant, nous avons une question sur ça.
M. LE PRESIDENT: Article 5.
M. BELLEMARE: Article 5, la durée du mandat.
Article 6, c'est l'expiration du mandat. Tant qu'ils ne sont pas
remplacés, ils sont en fonction.
M. LE PRESIDENT: Alors article 6, adopté.
M. BELLEMARE : Ce sont les vacances. Comment combler toute vacance?
M. LEVESQUE (Laurier): Vous allez tellement vite.
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): A l'article 6, n'est-ce pas un peu flou sur le
remplacement?
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LEVESQUE (Laurier): Parce qu'il y a ceci: C'est qu'auparavant, dans
l'ancien conseil
supérieur, je ne sais pas s'il y a eu unanimité chez les
parties, je pense surtout...
M. BELLEMARE: Je ne comprends presque pas.
M. LEVESQUE (Laurier); Je dis auparavant, au conseil supérieur,
si j'ai bonne mémoire, ça s'appliquait surtout ça
peut s'appliquer à d'autres à la partie syndicale, je
crois.
Lorsqu'un membre ne réflétait plus ses mandataires qui
l'avaient envoyé, il pouvait être remplacé. Une sorte de
destitution était prévue. Je ne me souviens pas du texte
exact.
Là, il n'y a rien de prévu. Autrement dit, si un
représentant d'une partie syndicale qui ne représente plus sa
partie, c'est à elle de décider. Et il peut continuer un mandat
indéfiniment, enfin, tel que la loi le prévoit.
Y a-t-il un mécanisme, quelque part, qui permettrait, pour
éviter des conflits, d'avoir la même chose?
M. BELLEMARE: C'est un peu ce qui se produit dans la vie courante. Un
député, à un moment donné, se présente sous
une étiquette politique et, pendant l'exercice de son mandat,
décide, lui, de changer. Il reste député. Pour
véritablement suivre la logique de l'honorable député de
Laurier, il faudrait le remplacer immédiatement.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non.
M. BELLEMARE: Mais c'est ça, votre logique.
M. LEVESQUE (Laurier): Là-dessus, je vous l'ai déjà
offert publiquement, vous ne l'avez pas pris, sans délai, de vous
permettre de voir mon mandat. Vous ne l'avez pas voulu.
M. BELLEMARE: Faites-le donc pour voir.
M. LEVESQUE (Laurier): Ah oui, attendez un peu. J'attends pour voir si
vous avez des élections au mois de juin. Je ne le ferai pas
exprès pour que vous vous débarrassiez de moi.
M. BELLEMARE: Non, non, pas au mois de juin...
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne vous débarrasserai pas de ma
présence à la dernière minute. Vous serez obligés
de vous débarasser de moi de force. Vous y viendrez.
M. BELLEMARE: De votre présence à vous?
M. LEVESQUE (Laurier): Vous n'avez pas profité de l'occasion.
Arrangez-vous avec vos troubles. Maintenant, n'entrez pas dans ce
domaine-là.
Ici, c'était une chose qui existait. Je ne sais pas comment elle
était formulée dans la loi.
M. BELLEMARE: C'était ainsi: « Toute association...
M. LEVESQUE (Laurier): Bon.
M. BELLEMARE: ... toutefois les associations qui ont recommandé
les personnes nommées au conseil supérieur peuvent demander le
remplacement de toute personne nommée sur leur recommandation si le
motif de ce remplacement est agréé par le conseil
supérieur en séance plénière. »
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, alors, vous avez enlevé
ça.
M., BELLEMARE: Comment?
M. LEVESQUE (Laurier): C'est-à-dire que vous ne reproduisez pas
quelque chose d'équivalent. Non, non, je comprends, mais enfin cela vous
frappe. A votre avis, est-ce mieux de l'enlever? Parce qu'à moi, il
semble que ça évitait certains conflits. C'est évident que
si un gars, parmi les quatre personnes choisies par les associations de
salariés, est désigné par la FTQ ou la CSN et qu'à
un moment donné il est en rupture de ban avec son groupe, il peut
peut-être rester dans le conseil mais, par définition, cela
cré un fossé entre le conseil et l'une des parties s'il
reste là dont le conseil a besoin comme interlocuteur valable. Ce
n'est pas la fin du monde, mais...
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne crois pas que s'il y a
rupture de ban, comme dit l'honorable député de Laurier, la
personne y demeure. Ce ne serait pas vivable pour elle au Conseil
supérieur du travail. Dans l'article 7...
M. LEVESQUE (Laurier): Il y en a qui ont vécu dans ce climat pas
vivable.
M. BELLEMARE: Je ne parle plus. Je ne dis rien. Mais dans l'article 7,
il y a justement un mécanisme qui prévoit que lorsqu'un
siège devient vacant, on le remplace selon...
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, d'accord, sauf que ça ne
prévoit pas...
M. BELLEMARE: Oui, sauf que je ne pense pas... Accordé. Article
6, adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 6, adopté. Article 7. Article 7,
adopté. Article 8.
M. LEFEBVRE: M. le Président, à l'article 8, je suis
prêt à faire grâce au ministre d'un discours s'il me dit
qu'il est d'accord avec l'amendement que nous lui avons
suggéré.
M. BELLEMARE: Une minute.
M. LEFEBVRE: Nous voulons collaborer au point que nous renonçons
même à faire la preuve tellement elle est éclatante.
M. BELLEMARE: Non, écoutez!
M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, comme le ministre n'est pas
d'accord, voici. Nous avons étudié sérieusement cet
article. J'ai, pour ma part, consulté des représentants de
plusieurs groupements intéressés au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre comme nous l'appellerons maintenant.
M. le Président, j'attire votre attention d'une part,
évidemment, sur la philosophie globale qui était celle du texte
original. Après avoir admis que les amendements que le ministre nous
propose maintenant améliorent considérablement cette philosophie
qui, à notre avis nous l'avons dit, je ne le répète
pas pour blesser le ministre, mais simplement pour être fidèle
à notre thèse était paternaliste, nous avons dit
que ce bill était directif de la part du ministre, qu'il nuisait
à l'autonomie du conseil, etc.
Or, malgré les adoucissements et les améliorations
indéniables que le ministre apporte, quand nous lisons l'article 8, que
voyons-nous? « Le président du conseil et je vous rappelle
que cette personne, quelles que soient ses qualifications, que nous ne mettons
aucunement en doute... nous imaginons que le gouvernement mettre la main sur un
homme bien qualifié, seulement,... pardon?
M. BELLEMARE: ... Que connaît le député.
M. LEFEBVRE: Je sais, je le connais très bien et j'évite
de dire son nom...
M. BELLEMARE: Vous n'êtes pas capable.
M. LEFEBVRE: Je le pourrais, je vais vous envoyer un petit billet.
M. BELLEMARE: Envoyez-moi ça.
M. LEFEBVRE: Oui, tantôt. Parlons d'abord du texte de loi, c'est
plus important que les hommes. D'ailleurs, je ne voudrais pas empêcher la
nomination d'un homme. Il suffit que je sache son nom pour que le ministre ne
veuille pas le nommer.
M. le Président, nous constatons donc qu'à l'article 8, le
président du conseil en dirige les activités; il prépare
l'ordre du jour des séances écoutez bien attentivement la
suite, M. le Président, c'est bien important qu'il convoque et
préside, coordonne les travaux du conseil, en assure la
continuité, veille à la préparation des dossiers, fournit
aux membres du conseil les renseignements relatifs aux questions à
étudier et assure la liaison du conseil avec le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre.
Or, notre impression très nette, c'est que cet homme, en vertu
même de la loi, jouirait d'un pouvoir très
considérable.
Nous croyons que, si le gouvernement met la main sur un homme dont
l'autorité, la compétence, les qualifications sont aussi
éclatantes que le ministre l'a dit, il n'aura aucune difficulté
à exercer sur le conseil consultatif le leadership qui est normal. Nous
pensons justement que l'excellence de cet homme lui permettra de supporter une
qualification quant à ses pouvoirs qui se liraient comme suit: «
Dans l'accomplissement de sa tâche, il est guidé par les
décisions prises à la majorité des voix du conseil.
»
M. le Président, je soumets que si ce président, un jour,
voulait, par exemple, empêcher le conseil de discuter d'une question, il
n'est pas clair du tout, et, en tout cas, on peut avec beaucoup de bonne foi
argumenter, que le président a pleine autorité pour
décider ce dont le conseil va parler. En effet, il prépare
l'ordre du jour des séances.
Alors, il prépare. Qu'est-ce que ça veut dire? Est-ce que
ça veut dire qu'il détermine? Est-ce que ça veut dire
qu'il décide? J'ai l'impression que oui. Or, encore là le
ministre va me dire: Non, ce n'est pas ça du tout. Soyons pratiques, ne
parlons pas des intentions du ministre, de ses désirs, de ses souhaits,
parlons du texte. Or, nous soumettons, et encore là, nous ne sommes pas
attachés à notre texte, nous voulons qu'il y ait une
clarification, pour indiquer que c'est quand même un organisme qui agit
un peu à la façon d'un exécutif, c'est-à-dire que
c'est l'organisme lui-même qui prend ses décisions. Le
président en est, en quelque sorte, l'exécutant, tandis
qu'actuellement on a l'impression que c'est le président qui
décide.
Je ne voudrais pas non plus que le président soit
l'exécutant. Je vois l'un des sous-ministres qui me regarde de travers.
Je ne voudrais pas que le président soit un exécutant, au sens
peut-être où une secrétaire est l'exécutante de son
paron. Dieu sait que je ne veux rien dire contre les secrétaires,
surtout pas contre la mienne, elle va cesser de copier mes amendements. Mais,
quand même, il nous semble que cet article devrait être
clarifié.
Si le ministre, fort de l'appui de ses conseillers, veut clarifier cet
article-là autrement, nous allons être d'accord. Nous disons que
son texte est équivoque.
M. BELLEMARE: Est-ce que vous me permettez, deux minutes,
maintenant?
M. LEFEBVRE: Ah oui, cinq minutes.
M. BELLEMARE: Je vais vous prouver maintenant que c'est exactement le
contraire de la thèse que vient de développer l'honorable
député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: Un instant. Dans votre tête ou dans le texte?
M. BELLEMARE: Dans le texte. Un instant. C'est tellement vrai, M. le
Président, que ce n'est pas ce que vient d'affirmer le
député qui va se produire, parce que si on lit
véritablement la loi et qu'on commence à l'article 2, on verra
que c'est le conseil qui doit donner son avis, ce n'est pas le
président.
A l'article 3, on voit encore que c'est le conseil qui peut solliciter
des opinions et des suggestions. Si on se rend à l'article 13 de la loi,
on verra que le conseil doit former des comités spéciaux pour
l'étude des questions. C'est toujours le conseil quia l'autorité
de faire, de produire, de dire et d'étudier et de soumettre son
avis.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, ça va être
en plein le temps, ce n'est pas clair. L'article 8 donne l'impression qu'il
devrait quasiment être, si c'est sérieux... Je dis, l'article
8...
M. BELLEMARE: Oui, oui, d'accord.
M. LEVESQUE (Laurier): Et je ne veux pas dériver d'ailleurs, en
dehors de l'argumentation...
M. BELLEMARE: Non, j'étais en train de finir...
M. LEVESQUE (Laurier): Parce que ça illustre un peu. Pour me
comprendre, moi, la somme des tâches qu'on lui demande à l'article
8 donne l'impression que, si le conseil fonctionne vraiment, il va passer son
temps là. Par ailleurs...
M. BELLEMARE: D'ailleurs...
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non. ... la partie financière de cet
article-là...
M. BELLEMARE: Oui, il y a deux choix...
M. LEVESQUE (Laurier): ...laisse entendre que ça peut être
un fonctionnaire.
M. BELLEMARE: II y a deux choix.
M. LEVESQUE (Laurier); Oui, mais ça laisse entendre que ça
peut être un fonctionnaire. Donc, un gars qui serait là nettement
à temps partiel, et qui serait relié au ministère. Alors
ça rejoint un peu l'argumentation que vous aviez entreprise tous les
deux. Si on précisait le rôle du président, ça
permettrait peut-être de voir à quel point il répond au
conseil ou non, ou à quel point il peut escamoter un peu le conseil.
M. BELLEMARE: En vertu de l'article 15, je comprends que ça peut
être un fonctionnaire, mais on dit aussi que, pour le paiement de son
salaire, le lieutenant-gouverneur en conseil fixe les honoraires...
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais quand on a...
M. BELLEMARE: ... ou son traitement, parce que sa nomination est de cinq
ans.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non, c'est quand on a un traitement
additionnel, c'est clair que l'on prévoit la possibilité d'un
fonctionnaire.
M. BELLEMARE: Oui, d'accord. C'est justement ça, parce que
ça peut être les articles 8 et 12, ici, quant au traitement
additionnel du président, parce que tous les frais normatifs, par
exemple, au point de vue maladie, ce sont des choses imprévisibles.
Cet homme, qui est engagé pour cinq ans, peut tomber malade au
bout de deux ans. Ce n'est pas prévu dans son engagement. On a
gardé beaucoup de souplesse pour avoir un meilleur homme et une
meilleure garantie. Ce n'est pas facile d'aller en décrocher un, dans
ces prix-là, surtout.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Mais, si le ministre me le permet, tout
ce que je voulais établir le député d'Ahuntsic et
le ministre avaient discuté d'un amendement, mais je crois que cela me
permet de mieux comprendre les implications c'est qu'il peut arriver que
le président soit un fonctionnaire.
M. BELLEMARE: Oui, c'est vrai.
M. LEVESQUE (Laurier): Merci, j'ai fini.
M. BELLEMARE: C'est cela. En terminant, parce que je voudrais en finir
avec l'honorable député, je dis, comme je viens justement de le
souligner au député de Laurier, que ce n'est pas facile, dans le
monde du travail, aujourd'hui alors que des recherches sont faites
à l'université et partout où se trouvent ceux qui
s'occupent véritablement du droit ouvrier de trouver des
compétences, des hommes qui ont le dévouement,
l'expérience, le goût de faire ces choses-là et qui
préfèrent accepter des salaires qui sont assez
considérables aujourd'hui dans le monde du travail. Quand on voit les
salaires qui sont payés, par exemple, à ceux qui acceptent
certains arbitrages ou certains postes au fédéral. Alors, il
fallait donner des garanties. Je pense que nous avons fait pour le mieux. Je
suis sûr que nous n'avons nullement voulu que le président du
conseil soit autre chose que le lien entre le ministère et le conseil.
La liaison, c'est bien dit dans l'article de la loi: « II assure la
liaison entre le conseil et le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
» II ne sert qu'à établir la liaison.
Je dis que l'honorable député peut être
assuré que le président qui viendra sera responsable de ses actes
et voudra sûrement respecter les deux blocs représentatifs qui
sont là pour donner selon les articles 2, 3 et 13 des avis
et surtout pour prendre des décisions.
M. GOLDBL00M: M. le Président, je m'excuse. Ce que vient de dire
le ministre m'inquiète quand même un peu, parce que j'aurais pu
interpréter ses paroles j'espère que je les
interprète mal de façon à dire que, pour
dénicher un homme de qualité et l'attirer vers la fonction
publique à ce poste de président du conseil consultatif, il
fallait lui offrir des garanties et que, de ces garanties, ferait partie
quelque chose que j'interpréterais quand même comme une dictature
sur l'ordre du jour des séances de ce conseil.
M. BELLEMARE: Oh non!
M. GOLDBLOOM: Ce n'est pas ce que le...
M. BELLEMARE: Celui qui acceptera de devenir président du conseil
consultatif devra cependant avoir un droit d'exercer sa fonction. Ils sont
rares ceux qui viendront pour diriger simplement, sans avoir le droit de
décider entre les deux et de garder les privilèges que leur donne
la présidence d'un tel corps.
On peut dire que c'est un intermédiaire. C'est bien logique, dans
les circonstances. Adopté, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Article 8, adopté.
M. BELLEMARE: Article 9, c'est unarticle qui concerne le remboursement
des dépenses. Je pense bien que personne ne s'oppose à cela.
M. LE PRESIDENT: Article 9? M. BELLEMARE: Article 9, oui.
M. LE PRESIDENT: Article 9 adopté. Article 10?
M. LEVESQUE (Laurier): A l'article 10, je voudrais proposer un
amendement qui rejoint ce que je disais pour l'article 2 et qui, je crois,
serait lié aux intentions que le ministre a exposées clairement.
Il nous réfère à l'article 15, quand il dit: Le conseil a
bien le droit de publier ce qu'ilaproduit, si l'on veut, une fois par
année, dans les limites d'un rapport. Là encore, il y a la
question du budget.
Pour plus de certitude, car après tout, à l'article 2, on
ne veut pas rire du monde. On dit: Ils feront des études, des recherches
et disons, via l'article 15, pourront les publier une fois par année,
s'ils croient que cela en vaut la peine.
Seulement, il y a cette incertitude totale de pouvoir fonctionner avec
un minimum de services à eux.
Voyez-vous, le ministre vient de nous dire à l'article 8
et ce n'est pas pour rien qu'on l'a écrit que le président
qui est l'homme clé là, tel que prévu, peut fort bien
être un fonctionnaire du ministère. Donc, il se peut et si
on l'a écrit, c'est parce que forcément on y a pensé
que le président soit choisi parmi les hauts fonctionnaires ou
les moyens fonctionnaires du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
A l'article 16 le budget est inconnu. Il a l'élasticité de
tous les budgets qui n'impliquent pas un personnel que la loi prévoit,
ou enfin un organigramme dont le minimum est prévu par la loi. Il peut
arriver qu'avec un président fonctionnaire, un ministre qui ne serait
pas
aussi libéral, entre guillemets je l'applique là en
dehors de toute partisanerie, comme le dictionnaire l'emploie, parce que Dieu
sait que ça ne s'applique pas toujours quand il parle des partis. A
moins que le ministre actuel, avec un haut fonctionnaire comme
président, un budget qui peut monter puis descendre comme des montagnes
russes à chaque année financière, selon la bonne ou la
mauvaise humeur du gouvernement, et avec un président fonctionnaire et
rien d'autre de prévu, ayant peut-être uniquement S. compter sur
les services du ministère; que le conseil finisse par ne produire que ce
qui fera l'affaire du ministère et du gouvernement.
Enfin, toutes les possibilités sont là pour un conseil
inexistant ou un conseil extraordi-nairement servile. Si ce n'est pas ce qu'on
veut, moi je proposerais un très simple amendement qui n'engage pas
très fort le gouvernement, qui serait celui-ci; premier paragraphe de
l'article 10. Cela impliquerait évidemment que le deuxième
paragraphe sauterait, le ministre va voir pourquoi. Le secrétaire
permanent du conseil ainsi que le personnel requis par les études et
recherches prévues à l'article 2, seront nommés etc., bon,
en changeant du singulier au pluriel, parce que le président ne sait
même pas s'il va être à temps partiel ou à temps
plein. Comme dit le ministre, c'est dur de trouver des hommes du niveau de
président, etc. Il se peut fort bien à cause des
précautions prises à l'article 8 que ça soit un
fonctionnaire.
Donc, par définition, un homme s'il a le prestige, qui va avoir
de grandes occupations ailleurs et on lui donne une masse de travail à
l'article 8, il se peut fort bien donc, le budget étant jusqu'à
un certain point si vous voulez fixer selon les disponibilités d'un
président qui n'aurait pas beaucoup de temps, que le conseil devienne
assez rapidement, même si ce n'est pas l'intention du ministre, quelque
chose de passablement insignifiant et qu'on retombe dans la tradition qui a
fait que le conseil supérieur était devenu inopérant. Il
me semble qu'a cause de la vasti-tude du domaine à couvrir, des
études, des recherches, si on est sérieux à l'article 2
qui devrait être valable, le minimum qu'on pourrait leur permettre, je
n'insiste pas davantage, c'est ce que prévoit l'amendement bien simple
que je propose qu'il y ait un secrétaire permanent, on l'a prévu
comme s'il y avait un secrétaire permanent. S'il y a un conseil, il
faudra tout de même qu'il y ait un secrétaire, oui, que ce soit
sûr que lui au moins puisse être à plein temps.
Il me semble que ça peut être quatre ou cinq personnes au
début, puis ça peut bien ne pas aller plus loin, et que le
secrétaire permanent du conseil ainsi que le personnel requis par les
études et recherches prévues à l'article 2, leur soit
accordé par la loi.
M. BELLEMARE: Bien, il y a deux choses. Si l'honorable
député veut me permettre, il y a deux choses. D'abord le
début, c'est nouveau. Le président qui rentre en fonction, va
lui-même à cause du dynamisme que possède cet homme assez
remarquable, va lui-même faire ses cadres et si après avoir mis en
place l'organigramme nécessaire, les hommes ou les personnes
nécessaires, ils deviennent des membres permanents c'est la
deuxième partie qui s'applique. C'est pour ça, qu'on a
discuté ça longtemps à mon bureau avec des officiers en
loi et on a dit ceci. Si on le met permanent en partant, ce n'est
peut-être pas la bonne personne que l'on va trouver, ni peut-être
même le bon personnel, mais par exemple on dit dans le 2e paragraphe, si
le secrétaire est nommé à titre permanent, il devient
à ce moment-là un homme une femme ou un homme qui
va collaborer étroitement avec le président en place.
M. LEVESQUE (Laurier): Non! non! Est-ce que c'est un lapsus que le
ministre vient de faire en disant une femme?
M. BELLEMARE: Ah oui, ah oui! Vous m'avez compris.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que c'est prévu?
M. BELLEMARE: Vous m'avez pris.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais regardez ce n'est pas convainquant
ça.
M. BELLEMARE: Non, mais regardez bien là. Bien ce n'est pas
convainquant parce que d'abord en partant il ne faut pas tout mettre le paquet
non plus simplement pour du personnel. Il faudra sûrement penser au
domaine que disait le député tout à l'heure aux
recherches.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, mais il faut du personnel pour
cela.
M. BELLEMARE: Oui, et il en a déjà un. M. LEVESQUE
(Laurier): Où?
M. BELLEMARE: Au ministère du Travail et avec une équipe.
D'ailleurs, le Conseil supé-
rieur du travail peut aller là en tout temps. Par ses
comités ad hoc, il peut organiser n'importe quel comité ad hoc
et, par le fait même que le comité ad hoc est institué,
surtout du côté de notre service de recherches, qui est
aujourd'hui un des meilleurs services qu'on ait institutionnalisés,
qu'on ait faits pour rendre ce service au ministère, il y a une foule
d'éléments, bibliothèque, statisticiens, recherchistes,
tout ce qu'il faut pour rendre service au conseil supérieur. Je sais
qu'on va s'en servir énormément et, il servira plus tard pour le
conseil lui-même, s'il y a lieu. En temps opportun, on pourra nommer un
secrétaire permanent ou une secrétaire permanente, je n'y ai
aucune objection, c'est prévu dans la loi.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais si le ministre me le permet... Je ne
veux pas insister, mais je ras permets quand même de souligner qu'il y a
une sorte d'illogisme dans ce qu'il vient de dire. Il a commencé par
dire: On va commencer par le début, on nommera un secrétaire au
départ et si on doit le rendre permanent, on verra d'abord la
qualité des hommes, on ne veut pas se tromper, etc.
M. BELLEMARE: C'est un premier aspect.
M. LEVESQUE (Laurier): Donc, cela donnait l'impression d'une intention,
je voulais bien essayer de voir si le ministre avait nettement cette intention,
mais il finit en disant: Bien, si on décide qu'il faut un
secrétaire permanent, donc...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas nous qui allons décider cela, c'est le
conseil.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, écoutez. D'abord, le premier
argument, c'est qu'un secrétaire commence toujours par être
temporaire avant d'être permanent, même si c'est écrit dans
la loi qu'il va être un secrétaire permanent, il faut normalement
six mois à la Fonction publique, là comme ailleurs, pour
l'évaluer, ou un an..,,
M. BELLEMARE: Quatre mois.
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, quatre mois.
M. BELLEMARE: Avant de devenir permanent? C'est six mois.
M. LEVESQUE (Laurier): Bon. Alors, à moins de ne pas s'en occuper
du tout, six mois, c'est un essai passable. Alors le secrétaire per-
manent ne peut être permanent qu'après six mois.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas dans ce sens-là qu'il est
employé. Pas du tout...
M. LEVESQUE (Laurier): Non, non. D'accord. C'est ce que je dis...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas cette permanence-là qu'il s'agit
d'atteindre.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais c'est pour cela que je dis au ministre,
quand il me répondait en disant: on veut d'abord... entre autres choses,
il a employé cet argument-là. On veut d'abord ne pas se tromper
sur les hommes, etc. Il y a quand même toujours les six mois temporaires
pour le secrétaire dont on parle.
Ce que je voudrais éliminer très simplement, c'est, au
deuxième paragraphe; Si le secrétaire est nommé à
titre permanent, ce qui implique, dans la loi, qu'on peut très bien ne
pas avoir de secrétaire permanent pour ce conseil consultatif, et
d'autre part, on dit: On va donc s'en servir, il va donc être important,
etc. Le minimum requis, c'est un minimum de secrétariat, au moins une
personne qui a le titre de secrétaire permanent. Si le ministre ne veut
pas, d'accord. Mais, cela implique qu'on n'est pas sûr qu'on veut
vraiment donner de l'importance, à mon humbre avis, à ce
conseil-là. Et cela me paraît grave. Et voici pour l'autre
personnel dont j'ai parlé, si le ministre le permet. Quand je dis
secrétaire permanent, ainsi que le personnel requis par les
études et recherches, vu qu'on est toujours lié par l'article 16,
qui dit que c'est le gouvernement qui décide le budget, cela peut
être une seule personne au point de vue recherche. Il ne s'agit pas de
doubler, le ministre a raison, ce serait baroque d'aller doubler les services
de statistiques, les services d'études, les services qui ont
été mis sur pied au ministère lui-même. Mais, il
faudrait que le conseil, s'il doit être libre, pouvant être
coiffé d'un président fonctionnaire, pouvant également,
à l'occasion, avoir de mauvaises humeurs à endurer de part et
d'autre entre lui et le ministère, il faudrait qu'il ait un minimum de
services. Autrement, il peut être paralysé là, de la
manière que la loi est écrite.
Il n'a même pas dans la loi l'assurance d'un seul fonctionnaire
permanent. Les intentions ne suffisent pas, parce qu'on sait ce qui arrive aux
meilleurs intentions. Il paraît que l'enfer en est plein.
Il n'a pas l'assurance d'un seul fonctionnaire permanent. Son propre
président peut
être, d'après l'article 8, un fonctionnaire qui viendrait,
à temps partiel, exercer ces fonctions-là. Le budget n'est
absolument pas prévu et ne peut pas l'être en détail, mais
c'est l'élasticité d'un budget qui s'applique à un conseil
qui est flou à ce point-là. Ceci revient à dire que la loi
elle-même fait qu'on peut être devant un conseil fantôme,
encore une fois. Je ne vois pas pourquoi on ne lui assurerait pas au moins un
secrétariat.
M. BELLEMARE: J'ai déjà vu le député de
Laurier plaider beaucoup mieux que cet après-midi.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien, je fais ce que je peux.
M. BELLEMA.RE: Oui, mais beaucoup mieux.
M. LEVESQUE (Laurier): Ne faites pas de plaidoyer ad hominem.
M. BELLEMARE: Je dis, par exemple, que c'est un non-sens que de penser
qu'on se donnerait aujourd'hui tant de peines et tant de troubles, qu'on
mettrait tant de dévouement pour servir la cause du monde du travail en
tâchant de rendre meilleur, le Conseil supérieur du travail et
qu'on l'abandonnerait, qu'on irait le paralyser.
M. LEVESQUE (Laurier): II n'y a rien qui garantit le contraire
là-dedans.
M. BELLEMARE: Il y a tout dans la loi qui le garantit à cause,
justement, de la nomination, de la représentativité. Je n'ai
jamais pensé un instant que le monde patronal et le monde syndical, qui
sont personnellement intéressés, laisseraient tomber le Conseil
consultatif...
M. LEVESQUE (Laurier): Qu'ont-ils fait avec le Conseil supérieur?
Ils l'ont laissé tomber à mort.
M. BELLEMARE: Je dis que l'honorable député est
sûrement mal informé si on considère les nombreuses
séances qu'ils ont tenues et ce qu'ils ont produit jusqu'à
maintenant. J'ai ici en main le nombre de séances qui ont
été tenues par les honorables membres de ce conseil
supérieur, malgré tout ce qu'on a pu en dire à l'effet que
c'était un organisme qui n'a pas fonctionné. J'ai ici, pour 1960,
1961 et toutes les années qui suivent, le nombre de jours où la
commission permanente a siégé et, ici, le conseil
supérieur, et tous les travaux...
M. LEVESQUE (Laurier): Bien oui, la commission...
M. BELLEMARE: ... qui leur ont été confiés et
qu'ils ont...
M. LEVESQUE (Laurier): La commission permanente, c'était les neuf
par rapport aux vingt-quatre, c'est-à-dire les gars qui
alourdissaient... Qu'est-ce que vous voulez...
M. BELLEMARE: Cela a été fait, mais le conseil
supérieur aussi a siégé.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est un démêlage.
M. BELLEMARE: C'est une comparaison que je voudrais bien faire avec
d'autres conseils.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, il y en a de pires.
M. BELLEMARE: Nous sommes parmi les meilleurs.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est assez peu dire.
M. BELLEMARE: Le député d'Ahuntsic dit qu'il y a le
Conseil législatif. Pour ma part, je prétends que nous verrons si
les prédictions défaitistes de l'honorable député
de Laurier vont se réaliser. Si elles ne se réalisent pas, j'aime
à croire que dès la prochaine session, il se lèvera et me
félicitera surtout de l'essor merveilleux que nous aurons donné
au conseil consultatif.
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne dis pas que je vais aller jusqu'à
des excès pareils, mais je suis prêt à dire que je me suis
trompé si je me trompe.
M. BELLEMARE: Bon, merci.
M. LEVESQUE (Laurier): Le ministre accepterait-il en enlevant...
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. LEVESQUE (Laurier): ... non, non, en enlevant recherches et tout
cela... S'il n'accepte pas de l'écrire, pourrait-il nous dire clairement
que son intention, dans le deuxième paragraphe, ce ne sont pas des
conditions qui vont dépendre des bons plaisirs... mais que vraiment on a
l'intention de donner au moins un secrétaire permanent à ce
conseil-là?
M. BELLEMARE: Je dis oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Bon, c'est très bien. C'est toujours cela
de pris.
M. BELLEMARE: Et gardez-le dans le journal des Débats pour
pouvoir vous en servir.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui?
M. BELLEMARE: Oui. Mais seulement, si c'est fait, j'espère que
l'honorable député de Laurier dira: Je rends témoignage
à la vérité.
M. LE VESQUE (Laurier): Je ne ferai pas un discours là-dessus,
mais je le dirai.
M. BELLEMARE: Non, non, je sais, vous ne serez pas long.
M. LEFEBVRE: Quant à nous, nous serons satisfaits, à
l'article 16, toujours en rapport avec le débat actuel, si on me permet
de me référer...
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LEFEBVRE: Je dis qu'à propos de l'argumentation du
député de Laurier sur l'article 10, nous croyons que nous
trouverons la réponse à cette inquiétude à
l'article 16, parce que c'est la Chambre qui va voter, sauf pour la
première année, le budget de ce nouveau conseil consultatif.
Quant à nous, si le ministre du Travail est encore avec nous dans deux
ans, nous nous faisons fort...
M. DE MERS: C'est vous qui ne serez plus avec nous.
M. LEFEBVRE: Nous verrons.
M. LESAGE: C'est dangereux de faire une telle déclaration.
M. LEFEBVRE: ... nous nous faisons fort - remarquez que j'ai
été très gentil d'analyser en détail les
crédits qu'il aura donnés au conseil non seulement pour la
nomination d'un secrétaire permanent parce que c'est bien peu de
chose mais aussi en fournissant les moyens matériels
nécessaires au point de vue de la recherche, et tout cela. Nous pensons
que sur ce plan-là, la Chambre est protégée parce que
c'est elle qui va voter les crédits, sauf pour la première
année.
M. BELLEMARE: C'est cela. Ce sera ici.
M. LEFEBVRE: D'accord.
M. BELLEMARE: Alors, article 10, adopté.
Article 11. Nous disons ici qu'ils peuvent siéger n'importe
où dans la province. Nous avons voulu mettre le quorum à sept, et
l'honorable député sait pourquoi.
M. LEFEBVRE: Oui, oui c'est parce que vous avez changé le nombre
de membres.
M. BELLEMARE: Nous ne l'avons pas changé. Nous l'avons
laissé à sept.
M. LEFEBVRE: II y a des fois que j'ai du mal à lire dans la
pensée du ministre.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est un quorum à 50%?
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas cela. M. LEVESQUE (Laurier): Pourquoi?
M. BELLEMARE: C'est à cause du bloc... M. LEFEBVBE: Ah! Oui?
M. BELLEMARE: ... du jeu des gens qui peuvent dire qu'ils vont
s'entendre entre eux.
Il faudra toujours qu'au moins deux parties composent la
majorité.
M. LEFEBVRE: Cela, c'est brillant.
M. LEVESQUE (Laurier): A propos de l'article 11, ne serait-il pas utile
d'avoir quelque chose dans le genre de la Loi du conseil supérieur? Si
j'ai bonne mémoire, il fallait au minimum deux réunions par
année.
M. BELLEMARE: Oui, oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Evidemment, si l'on tient compte de toute
l'euphorie dans laquelle le ministre nous présente sa loi, rien n'est
écrit, mais tout va bien se passer. Ne pourrait-on pas exiger un minimum
de rencontres?
M. BELLEMARE: Encore une fois, je ne peux pas penser que le
président du conseil consultatif va être inactif. Je ne peux pas
croire ça de lui; c'est impossible.
M. LEVESQUE (Laurier); Autrement dit, on se reverra dans un an et on
verra si ça marche.
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas dans la loi; ce n'est que dans
l'esprit du ministre.
M. BELLEMARE: Non, mais avec un président permanent.
Article 12, M. le Président. Là, il y a un amendement
à cause de l'article 4 où on a retiré D. « Au cas
d'absence du président à une séance du conseil, il est
remplacé alternativement par l'un des membres visés aux
paragraphes B et C de l'article 4, désigné à cette fin par
les membres du conseil présents à la séance. »
M. LE PRESIDENT: Alors, adopté, tel qu'amendé.
M. BELLEMARE: Merveilleux. Adopté. Article 13, là c'est
une concordance qui s'applique...
M. LEFEBVRE: M. le Président, si on me le permet, est-ce que le
ministre prendrait le temps de le lire? Il a une si belle voix. Lisez donc
votre amendement à l'article 13. Cela va nous permettre de comparer avec
celui que nous avions en vue, nous.
M. BELLEMARE: II s'agit de faire la concordance avec l'article 2. Il y a
une petite concordance aussi plus bas en enlevant E et D à
l'avant-dernière ligne.
M. LEFEBVRE: Le ministre aurait-il objection à le lire? Nous
essayons d'écouter ce qu'il dit et, en même temps, de lire ce
qu'il y a sur la feuille et ça nous mêle.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, me dispensez-vous de le
lire? On ne va pas recommencer toute la loi.
M. LEFEBVRE: Non, il ne s'agit que de le lire. Nous allons le lire,
nous.
M. BELLEMARE; Lire l'article?
M. LEFEBVRE: Oui, on veut lire l'amendement.
M. BELLEMARE: L'amendement que vous avez devant vous?
M. LEFEBVRE: Oui, celui que vous nous avez fourni.
M. BELLEMARE: M. le Président, voulez-vous me permettre de le
lire?
M. LEFEBVRE: Oui, il vous le permet
M. BELLEMARE: Alors, avec l'amendement, est-ce que c'est
accepté?
M. LE PRESIDENT: Article 13, adopté avec amendement.
M. BELLEMARE: Oui, adopté avec amendement.
M. LEFEBVRE: Article 13. Non, non. Nous voulons prendre le temps de le
lire. Si le ministre ne le veut pas, nous allons le lire pour lui. « Le
conseil peut, sous réserve de l'article 16, former des comités
spéciaux pour l'étude de questions particulières et les
charger de recueillir les renseignements pertinents et de faire rapport au
conseil... »
Là, évidemment, l'approbation du ministre n'est plus
nécessaire.
M. BELLEMARE: ... de leurs constatations et recommandations. »
M. LEFEBVRE: Autrefois, il fallait l'approbation du ministre
préalablement à la formation des comités. Cela, c'est
tombé.
M. BELLEMARE: Bien oui. On l'a dit au début.
M. LEFEBVRE: Je le sais, je veux être sûr. C'est une chose
sérieuse, puisque le ministre a dit qu'il avait passé des
soirées avec ses sous-ministres et un peu avec tout le monde...
M. BELLEMARE: Pas avec tout le monde.
M. LEFEBVRE: On ne va pas discuter de cela. On vient juste de
l'avoir.
M. BELLEMARE: Oui, j'espère.
M. LEFEBVRE: On vient juste de les voir. Il ne faudrait pas que le
ministre soit trop pressé.
M. BELLEMARE: Non, nous ne sommes pas pressés.
M. LEFEBVRE: « Ces comités sont composés de membres
du conseil choisis en nombre égal dans chacune des catégories de
membres. »
Cela, ça va bien. « Le ministre peut adjoindre à
tout comité ainsi formé, à titre de membres temporaires,
des personnes qui ne font pas partie du conseil. Ces personnes ne
reçoivent aucun traitement... »
M. BELLEMARE: Cela, c'est l'amendement que vous aviez
suggéré au début.
M. LEFEBVRE: Oui, on avait suggéré de le biffer,
justement, parce qu'il nous semble que ce dernier paragraphe est contraire
à l'esprit des amendements que le ministre a apportés. Pourquoi
serait-ce le ministre qui déciderait d'adjoindre des membres à
des comités formés par le conseil? Ne trouvez-vous pas que cela
fait frère directeur un peu?
M. BELLEMARE: Oui, mais cela je ne le ferai pas tout seul. Il va falloir
que le conseil me le demande.
M. LEFEBVRE: Oui, mais dites-le donc, alors.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas moi qui vais les nommer, c'est le
conseil.
M. LEFEBVRE: On aura tout vu. Si c'est ça que le ministre veut
dire, qu'il écrive: A la demande du conseil, le ministre peut adjoindre.
C'est cela que vous voulez dire?
Alors, ajoute-t-on « à la demande du conseil »?
M. BELLEMARE: « Le ministre peut adjoindre à tout
comité... » D'ailleurs, on vient de le dire plus haut: Le conseil
peut, sous la réserve de faire ceci ou cela; ces comités sont
composés de... On parle de comités et démembres; on ne
parle pas du conseil consultatif. On dit: « Ces comités sont
composés de membres du conseil choisis en nombre égal dans...
»
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre exige d'avoir ses
surveillants dans les comités?
M. LEFEBVRE: Cela n'a pas de sens.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, c'est ça qu'il faut dire.
M. BELLEMARE: « Peut », ce n'est pas « doit
».
M. LEVESQUE (Laurier): « Peut », cela veut dire qu'on a le
droit tout de même.
M. LEFEBVRE: M. le Président, nous soumettons, quant à
nous, que le ministre devrait ajouter la phrase qu'il a dite. Franchement, nous
voulons bien croire en la bonne foi du ministre, mais il admettra
lui-même que lorsqu'un texte se lit: « Le ministre peut » et
qu'il répond à ma question: C'est évidemment à la
demande du conseil.
Pour quelle raison au monde le ministre veut-il que nous croyions
à sa sincérité sur ce point, s'il refuse de
l'écrire?
Franchement nous faisons un gros effort M. le Président...
M. BELLEMARE: Nous autres aussi.
M. LEFEBVRE: Honnêtement, le ministre exagère. Nous lui
signalons une chose qui est exactement dans la ligne de ses amendements, ce
n'est pas pour le plaisir de faire reculer le ministre, mais nous lui disons:
Vous avez été d'accord pour éliminer, au paragraphe; 1,
« avec l'approbation du ministre ». Alors, au paragraphe 3, vous
avez oublié une petite chose. On dit mettez donc ça en ligne. Il
dit : C'est exactement ça que je voulais dire, mais il ne veut pas le
dire.
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas ça du tout, si le
député pensait un peu ce qu'est cet article 13,
M. LEFEBVRE: Pourquoi pensez-vous que j'ai exigé de le lire
tranquillement?
M. BELLEMARE: Non, mais, quand il s'agit des membres du comité
qui font partie du conseil, cela, c'est le paragraphe 2.
M. LEFEBVRE: J'ai compris ça.
M. BELLEMARE: Quand il s'agit de personnes de l'extérieur, est-ce
qu'on se comprend?
M. LEFEBVRE: Oui, tout à fait. M. BELLEMARE: De
l'extérieur.
M. LEFEBVRE: Bien oui mais, M. le Président...
M. BELLEMARE: « A la demande du conseil ».
M. LEFEBVRE: Bien oui, mais marquez-le, « à la demande du
conseil ». Autrement, de quoi avez-vous l'air, M. le Ministre? Vous avez
l'air - vous ne l'êtes pas, d'après ce que vous
dites mais vous avez l'air du grand frère qui tient par la
main une petite ficelle, vous savez, ses jeunes frères et qui dit:
N'allez pas trop loin. Faisons une hypothèse. Que, demain, le conseil
siège et décide de nommer un comité pour étudier
une question, disons le travail des femmes la nuit. Le conseil nomme trois de
ses membres et dit: Vous allez étudier ça. Le ministre, lui,
reçoit le procès-verbal et dit: Oh! Oh! on a nommé M.
Untel, Mme Unetelle, M. Untel, Moi, je leur adjoins M. Unautre, Mme
Uneautre.
M. BELLEMARE: Non, non, pas ça, pas là. M. LEFEBVRE:
Comment, pas ça?
M. BELLEMARE: Non, ces comités sont composés de membres
choisis en nombre égal dans chacune des catégories de membres
visées aux paragraphes... Bon.
M. LEFEBVRE: Oui, oui.
M. BELLEMARE: Le ministre peut adjoindre à tout comité
ainsi formé, à titre de membres temporaires, des personnes qui ne
font pas partie du comité.
M. LEFEBVRE: Je le sais. Alors, mon hypothèse que je viens de
faire est parfaitement véridique, elle est parfaitement plausible avec
votre texte. Tandis que si vous ajoutiez, à la demande du conseil, le
ministre peut, là, ça aurait du bon sens, parce que le conseil
nommerait trois ou quatre de ses membres en part égale, de chaque
côté, et il dirait au ministre: Ecoutez, on voudrait adjoindre M.
Untel ou Mme Unetelle au comité et le ministre pourrait dire ça a
du bon sens, on va l'adjoindre. Cela aurait de l'allure. Mais, dans le texte,
tel que rédigé, M. le Président le ministre ne peut quand
même pas, il a beau être bien puissant, il ne peut pas faire sortir
d'un texte une chose qui n'est pas là.
Alors, quand il nous dit que ce paragraphe là, ça veut
dire à la demande du conseil, je le regrette, mais ce n'est pas
possible. Ce n'est pas ça qui est écrit. Alors, nous disons au
ministre : De grâce, pourquoi ne pas l'écrire ce que vous avez en
tête? Vous feriez plaisir à tout le monde parce que vous savez
très bien que c'est d'ailleurs dans le sens des amendements que vous
avez acceptés et que c'est dans le sens des demandes qui ont
été faites aussi bien par les syndicats que par les patrons. Us
ont dit: On ne veut pas du grand frère qui va décider pour nous
autres. On aimerait ça, évoluer un peu comme des adultes.
M. BELLEMARE: Us n'auront qu'à ne pas m'en demander. Moi, je ne
peux pas leur en adjoindre dans des comités ad hoc.
M. LEFEBVRE: II ne veut pas admettre... Vous ne pouvez pas en adjoindre,
si on ne vous le demande pas.
M. BELLEMARE: Non. M. LEFEBVRE: En vertu de quel texte? M. BELLEMARE:
C'est là, M. le Président. DES VOIX: Ah non.
M. PINARD: Ecoutez, ça peut être nécessaire d'en
avoir, mais à la demande du conseil.
M. BELLEMARE: Ai-je le droit, comme ministre, d'adjoindre par exemple
des fonctionnaires qui pourraient rendre service à un comité ad
hoc, ce qui ne coûterait pas une cent?
M. LEFEBVRE: Là, vous dites quelque chose de
différent.
M. BELLEMARE: Oui mais, n'aurai-je pas le droit de le faire?
M. LEFEBVRE: On ne vous dit pas que vous n'avez pas le droit, mais on
vous dit que, d'après le texte qu'il y a là, il n'est pas du tout
certain, que vous n'avez, en aucune façon besoin de l'assentiment du
conseil pour adjoindre des membres. On dit que ce n'est pas normal. Qu'est-ce
que ça va donner, comme bonnes relations entre le ministère et le
conseil, si vous leur nommez des gens qu'ils ne veulent pas voir là?
Vous allez créer une situation qui ne favorisera pas du tout le travail.
Je serais bien curieux, moi, d'entendre là-dessus le
député de Maisonneuve. Il n'est pas là aujourd'hui, c'est
un ancien syndicaliste, peut-être qu'il aurait des vues là-dessus.
Il doit être à les méditer ailleurs. Je sais que le
député de D'arcy-McGee voulait parler là-dessus.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, faisons abstraction de la personne
du titulaire de ce ministère, pour le moment. Je regrette de dire que le
texte, tel que rédigé, dit précisément le contraire
de ce que le ministre vient d'exprimer.
Nous connaissons les intentions du ministre parce qu'il les a
déclarées à répétition. Mais le texte dit
que le ministre peut, sans consulter le conseil, adjoindre aux comités
d'autres person-
nes qui ne sont pas membres du conseil consultatif. C'est ça que
le texte dit, c'est simple et c'est clair. Le ministre peut les adjoindre. Il
n'est pas tenu de consulter qui que ce soit pour ces nominations-là. Le
conseil, par contre, n'a pas le droit de s'adjoindre qui que ce soit. Pas selon
le texte de cet article que nous avons devant les yeux, M. le
Président.
Il faut ou donner au conseil le droit de s'adjoindre des personnes avec
l'approbation du ministre, ou obliger le ministre à consulter le conseil
avant de faire ces nominations-là.
M. BELLEMARE: Je ne vois aucune objection, M. le Président:
« A la demande du conseil, le ministre peut ».
M. LEFEBVRE: Très bien. M. GOLDBLOOM: Très bien.
M. BELLEMARE: Article 13, amendé. Article 14, c'est le
conseil...
M. LE PRESIDENT: Article 14, adopté.
M. BELLEMARE: Article 15. On a discuté de l'article 15.
M. LEFEBVRE: A l'article 15, M. le Président, je pense que le
ministre conviendra qu'il y a un problème un peu de même nature.
Je comprends que ces amendements ont été préparés
forcément à la dernière minute.
M. BELLEMARE: Non, non, non!
M. LEFEBVRE: Voulez-vous dire que les amendements étaient
prêts avant le bill? Mais il ne faut pas « charrier », quand
même. Les amendements, je suppose que le ministre ne les avait pas hier.
Autrement, ce serait un crime grave. Il nous a fait perdre notre temps à
discuter d'une loi qu'il n'avait pas envie de présenter, voyons! On ne
peut pas...
M. BELLEMARE: II n'y a rien de changé dans le bill, sauf...
M. PINARD: Le ministre prend un fusil à deux coups.
M. BELLEMARE: ... il y a les notes explicatives.
M. LEFEBVRE: Vous ne pouvez pas vous moquer de tout le monde en
même temps.
M. PINARD: Des fois, un fusil à deux coups et un fusil
automatique.
M. LEFEBVRE: M. le Président, notre prétention c'est ceci:
Maintenant que le ministre veut bien accorder au conseil une certaine
autonomie, il nous semble que c'est vraiment en contradiction avec les
amendements que le ministre propose, que d'écrire à l'article 15,
en particulier, la dernière phrase: « Ce rapport doit aussi...
»
M. BELLEMARE: Non, non, cela, c'est très bien. On l'a
amendé.
M. LEFEBVRE: Vous avez un tas de choses dans la tête qui ne sont
pas dans le texte.
M. BELLEMARE: Non, non, ça, on l'avait enlevé. D'ailleurs,
regardez.
M. PINARD: Nous, on ne le savait pas. M. BELLEMARE: Avant qu'il ne le
dise.
M. LEFEBVRE: M. le Président, la meilleure chose, je pense
qu'à l'avenir, quand le ministre présentera des lois, qu'il nous
donne donc son dossier personnel, on va lui donner le nôtre. Comme
ça,peut-être que les discussions seront plus courtes.
M. BELLEMARE: On devrait s'asseoir tous les deux, et puis...
M. LEFEBVRE: Alors qu'est-ce que vous avez de biffé dans votre
texte?
M. BELLEMARE: Cela était enlevé.
M.LEFEBVRE: Oui, mais où est-ce que vous arrêtez, vous?
M. BELLEMARE: Après l'article 2, point. Pas deux points,
point.
M. LEFEBVRE: C'est très bien.
M. BELLEMARE: Cela, on avait...
M. PINARD: Echangez-vous vos cahiers?
M. BELLEMARE: Cela a été fait dès l'apparition du
premier bill en haut. C'est la première chose qu'on a
enlevée.
M. LE PRESIDENT: Article 15 adopté tel qu'amendé.
M. BELLEMARE: On avait oublié de le noter ici.
M. LE PRESIDENT: Article 16.
M. BELLEMARE: L'article 16, M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 17.
M. BELLEMARE: C'est l'application de la présente loi, ça
doit être moi, M. le Président, qui va être responsable, pas
le député d'Ahuntsic
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 18.
M. GOLDBLOOM: Rendons à César ce qui est à
César.
M. LEFEBVRE: On n'a pas de grief à ce sujet-là, nous
autres.
M. BELLEMARE: Le Conseil supérieur... M. LE PRESIDENT: Article
19.
M. BELLEMARE: L'article 19, maintenant, M. le Président, le titre
de la loi va être changé par le mot « consultatif
».
M. LE PRESIDENT: Article 20, également adopté?
M. BELLEMARE: Article 20.
M. LEFEBVRE: Est-ce qu'il y a un article 20?
M. BELLEMARE: C'est un amendement, c'est l'amendement de
redésignation du titre de la loi. On est obligé de le faire
seulement après que la loi ait été
étudiée.
M. LEFEBVRE: Très bien.
M. FRECHETTE: (Président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que le comité a
adopté le bill no 288 avec les amendements qu'il vous prie
d'agréer.
M. LEBSL (Président): Le bill amendé sera-t-il
agréé? Oui.
M. BELLEMARE: M. le Président, la troisième lecture.
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: De consentement unanime, l'honorable ministre du
Travail propose que le bill no 288 soit lu une troisième fois. Cette
motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
On ma permettra de communiquer à la Chambre un message
reçu du Conseil législatif.
Message du Conseil législatif
Conseil législatif, le 6 décembre 1968.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée
législative qu'il a voté sans amendement, les bills suivants;
Bill no 79 intitulé; Loi des enquêtes sur les
incendies.
Bill no 82 intitulé: Loi de la Société du parc
industriel du centre du Québec.
Bill no 83 intitulé: Loi autorisant la Régie des alcools
du Québec à délivrer des permis
d'amphithéâtre.
Bill no 84 intitulé: Loi modifiant la loi de l'exécutif et
d'autres dispositions législatives.
Attesté Léonard Parent greffier associé du Conseil
législatif. »
M. BELLEMARE: Article 7.
Bill 289
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la
deuxième lecture de la Loi modifiant la loi des établissements
industriels et commerciaux.
L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Une minute. M. le Président, voici une loi qui met
en lumière la nouvelle philosophie du ministère du Travail. C'est
une loi qui se veut sociale...
M. LESAGE: Le rapport Mailloux, c'est la nouvelle philosophie?
M. BELLEMARE: Je vous rendrai témoignage dans quelques minutes,
sûrement. Voici une loi qui se veut sociale, moderne et répondant
à toutes les exigences économiques du monde des affaires à
l'heure actuelle.
Tout d'abord, première observation, l'âge
de travail est porté de 14 à 16 ans. C'est sûrement
une mesure sociale qui s'impose à la suite des nombreuses
dépenses occasionnées à la province par un nouveau
système d'éducation devant permettre à nos jeunes de
s'instruire plus facilement et d'être moins tentés par
l'appât du gain que lorsque la loi leur permettait de commencer à
travailler plus jeunes. Nous devançons même l'âge scolaire
obligatoire, qui est de 15 ans. C'est le statut 272, chapitre 235 des Statuts
refondus de 1964. Cette loi fut adoptée avant notre venue au pouvoir.
Nous croyons qu'en 1968, l'âge de travail ne doit pas être
inférieur à 16 ans. Nous permettons cependant aux
étudiants de travailler durant les vacances scolaires pourvu qu'ils
aient 15 ans.
C'est aussi une mesure qui permettra de combattre le chômage. Vous
remarquerez que cette loi porte la semaine de travail de 60 à 48 heures.
Il s'agissait de faire une concordance entre cette loi et la Loi du salaire
minimum. Il y a aussi concordance nécessaire entre cette loi et la Loi
des conventions collectives qui applique les décrets et qui porte
maintenant les heures de travail à un niveau beaucoup plus bas qu'en
1964, 1965, 1966, etc. Nous revisons une loi qui date de 1885. Nous aurons
à la reviser de nouveau à la prochaine session pour faire des
concordances avec notre programme législatif.
J'en arrive maintenant au travail des femmes, la nuit, en milieu
industriel. Depuis longtemps, les femmes travaillent la nuit dans le secteur
des services, par exemple nos infirmières, les serveuses de nos
restaurants, et dans plusieurs autres domaines. Le monde industriel nous
demandait depuis de nombreuses années de donner les mêmes droits
aux employés du secteur industriel. Au Canada, la seule province de
Québec ne permettait pas le travail des femmes la nuit. Bien plus, cinq
provinces, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse,
l'Ile-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve n'imposent aucune restriction. Quatre
autres provinces, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et 1'Alberta,
permettent le travail de nuit des femmes, mais avec des restrictions.
Nous avons choisi nous, de le classifier dans le deuxième groupe,
afin de protéger les femmes qui pourront travailler la nuit, s'il est
établi que les circonstances de nature de la production et des
conditions du marché l'exigent. Le gouvernement qui nous a
précédé avait, dans une pensée fort heureuse,
organisé et soumis toute cette question fort contentieuse à une
commission d'étude présidée par l'honorable juge
Dussault-Mailloux, de la cour du Bien-Etre social. Je n'ai pas besoin de vous
dire,
M. le Président, que faisaient aussi partie de cette commission
le Dr Georgette Gélinas, directrice des services médicaux de la
ville de Saint-Laurent; mademoiselle Laurette Côté,
présidente de la JOCF; monsieur Jean-Paul Deschênes,
ingénieur professionnel à la Faculté des sciences sociales
à Laval, et monsieur Jean Sirois, directeur des relations
extérieures de la compagnie Dominion Textile.
Le rapport du comité, que vous trouverez d'ailleurs dans les
documents que nous avons remis à tous les membres de cette Chambre, a
répondu, après de longues études, à quatre voix
contre une, en faveur du travail de nuit. La loi qui est devant vous se veut
conforme aux principales recommandations.
M. LESAGE: Principales.
M. BELLEMARE: ... Par réglementation, nous couvrirons les deux
recommandations, 2 et 4 de la page 41 qui ne sont pas incluses dans la loi. Je
dis, M. le Président, que ce rapport Mailloux a été une
étude très bien faite et a surtout démontré que les
femmes du Québec pouvaient produire, comme président de
Commission royale d'enquête, des suggestions heureuses et surtout avaient
le sens pratique de protéger cette partie de notre population qui nous
est particulièrement très chère.
Et elles l'on fait avec une dextérité et surtout avec un
« adon » remarquable. L'on dit que les femmes ont plutôt de
la difficulté à juger de problèmes qui regardent les
humains, particulièrement dans le travail. Nous avons eu là un
exemple fort pratique, lorsque nous avons reçu et lu ce rapport du juge
Mailloux. Je vous le dis en passant, entre guillemets le juge Mailloux est une
dame que j'ai le plaisir de connaître et que je respecte beaucoup.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Du prénom d'Yvette.
M. BELLEMARE: D'Yvette, que je connais et que je respecte beaucoup.
M. le Président, ce rapport qui est arrivé au gouvernement
en janvier 1966 était resté en plan lorsque l'élection
générale de 1966 est arrivée. Dès mon
arrivée au pouvoir, j'ai reçu de la part de plusieurs industriels
de la province des demandes d'information, à savoir quand le
gouvernement prendrait prosition pour faire organiser et déposer devant
la Chambre cette législation.
Nous avons voulu, M. le Président, pousser plus loin cette
étude du rapport Mailloux, qui était bien faite.
Nous avons demandé l'avis du Conseil supérieur du travail
qui nous a fait un rapport très satisfaisant. Après l'avoir lu et
commenté, nous avons décidé, dès la reprise de la
session en 1968, d'apporter une législation concernant le travail de
nuit des femmes dans l'industrie.
A cause d'une foule de circonstances que je ne vous rappelle pas, M. le
Président, mais que vous connaissez, de toutes sortes d'autres
législations, de motions, etc, la Chambre fut très
occupée, au début de la session, par la législation et par
les travaux du budget.
Nous sommes heureux de présenter cette loi devant cette Chambre,
Cette loi se veut permissible mais non pas sans restriction, comme certaines
provinces le font par leur législation. Les pénalités ont
été sérieusement haussées. Nous voulons que cette
loi soit respectée et nous lui avons donné des dents. C'est
pourquoi nous avons pris les mesures énergiques qui s'imposaient. Cette
loi, quant à nous, se veut une mesure moderne et appropriée
à notre temps.
Dès cette deuxième lecture, je ferai remarquer à
cette honorable Chambre qu'il y aura peut-être quelques modifications,
par exemple, dans l'énoncé de certains textes de l'ancienne loi,
concernant les jeunes camelots. Nous aurons, à ce sujet-là, un
mot particulier à dire.
Je remercie donc la Chambre d'accueillir favorablement ce bill qui, je
l'espère, apportera au monde ouvrier et au monde du travail encore plus
de satisfactions et d'heureuses réalisations.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, le bill à l'étude a
pour objet de modifier la loi des établissements industriels et
commerciaux. C'est le chapitre 150 des Statuts refondus du Québec, 1964.
Les amendements qui nous sont proposés aujourd'hui ont quatre objets
principaux. Premièrement, hausse de l'âge minimum requis pour
occuper un emploi dans un établissement commercial et industriel,
c'est-à-dire que ce sera porté de 14 à 16 ans pour les
garçons. Deuxièmement, réduction de 55 à 48 du
nombre maximum d'heures durant lesquelles les personnes de sexe féminin
et les garçons de moins de 18 ans peuvent travailler par semaine et
réduction, par jour, de 10 heures à 8 heures, en retardant d'une
heure le début de la journée (6 à 7 heures) et en
avançant d'une heure la fin de la journée de travail, soit de 6
heures à 5 heures ou, si l'on veut être moderne, de 18 heures
à 17 heures.
M. BELLEMARE: On l'a changé, dans la loi, justement parce que les
gens ne comprennent pas cela.
M. LESAGE: Troisièmement, autorisation et réglementation
du travail des femmes la nuit, sur émission d'un permis à cet
effet. Quatrièmement, hausse substantielle des amendes en cas de
contravention aux dispositions de la loi.
Je voudrais faire, le plus brièvement possible, mes commentaires
sur les trois premiers principes qui font l'objet du projet de loi; le
quatrième, qui concerne les amendes, ne m'inspirant pas de commentaires
particuliers.
Je ne voudrais pas vous tracer un historique de l'évolution de
notre société industrielle, mais je donne suite à ce qu'a
dit le ministre du Travail lorsque je me permets de rappeler que, depuis cent
ans, notre société a fait d'incessants progrès dans
l'amélioration des conditions de travail qui étaient faites aux
enfants, aux jeunes gens et aux femmes.
On n'a qu'à se rappeler les conditions de travail qui
prévalaient dans les grandes usines, à la fin de XIXe
siècle, pour prendre la mesure des progrès accomplis dans ce
domaine. Je ne veux pas dire par là qu'il soit souhaitable que de jeunes
garçons de 16 ans soient occupés à la journée
longue dans nos usines, non plus d'ailleurs que je considère comme
absolument normal que des femmes, des épouses, des mères de
famille doivent travailler la nuit dans des usines et des industries du
Québec.
Mais les impératifs de la vie industrielle, les
inévitables insuffisances de notre politique d'éducation et de
formation professionnelle, la nécessité purement
économique elle-même font qu'il y a, en fait, sur le marché
du travail, et des mères de famille et des jeunes de 16 ans.
Les pouvoirs publics doivent faire en sorte que ces jeunes gens et ces
femmes puissent exercer leurs activités avec le maximum de protection et
dans des conditions de travail qui tiennent compte de leur situation
particulière.
J'ai dit tantôt qu'il était difficile d'admettre, en
principe, du moins, le fait que de jeunes garçons de 16 ans doivent
commencer à cet âge à gagner leur vie sur le marché
du travail. C'est un devoir de l'Etat, par une politique générale
d'accessibilité à l'éducation, de prolonger le plus
possible la période scolaire de sa jeunesse. C'est un devoir pour
l'Etat, un devoir d'autant plus impérieux que le progrès
même d'une so-
ciété exige que les pouvoirs publics utilisent à
leur maximum les ressources humaines dont ils disposent. II n'en demeure pas
moins que, malgré les efforts considérables que nous, du
Québec, avons faits à cet égard, un nombre important de
jeunes de 16 ans et plus sont actuellement sur le marché du travail dans
nos industries et dans nos commerces.
Il y a à cela, bien sûr, de multiples causes.
Il peut s'agir des aptitudes ou des handicaps individuels de certains
jeunes, û s'agit hélas, trop souvent, d'une conséquence
directe de l'état de pauvreté dans lequel est plongée une
trop grande partie de notre population.
Le directeur général du Bureau international du travail,
dans un rapport présenté à l'OIT à la
conférence internationale des droits de l'homme en 1968,
écrivait: « La pauvreté et la misère compromettent
les chances de l'individu dès sa tendre enfance. Les éliminer ou
du moins les atténuer semble être le seul remède
décisif ». Eliminer ou du moins atténuer les effets de la
pauvreté, particulièrement ceux qui font qu'un trop grand nombre
de jeunes sont lancés sur le marché du travail, sans avoir une
préparation suffisante, c'est là sans doute un des objectifs
premiers de tout gouvernement.
Mais l'ampleur même du problème à résoudre,
les difficultés énormes qui y sont rattachées forcent les
pouvoirs publics à admettre le fait que des jeunes de 16 ans ont
à travailler pour assurer leur subsistance et souvent celle de leur
famille. Il s'agit là d'une situation que l'on doit chercher à
corriger par tous les moyens mais, tout de même, c'est une situation
brutale, une situation réelle qui existe et dont nous devons tenir
compte.
C'est pourquoi, dans la plupart des pays, nous trouvons des lois qui
permettent et réglementent le travail des jeunes de 16 ans ou plus. Le
premier devoir de l'Etat, à mon sens, est de fournir à tous les
jeunes, quelle que soit leur fortune, des facilités
générales d'accès à l'éducation et à
la formation professionnelle.
Par ailleurs, les conditions sociales et économiques étant
ce qu'elles sont, l'Etat est amené à souffrir que des jeunes
gagnent le marché du travail avant d'avoir acquis toute cette formation
et toute cette éducation. L'Etat, comme le soulignait le
président du BIT, ne peut pas empêcher ces enfants de travailler
car, alors, ce serait risquer de les priver du droit à l'existence
même et à celle de leur famille.
C'est donc dire qu'il faut réglementer l'admission des jeunes au
travail. L'Organisation internationale du travail a adopté, à cet
égard, toute une série de conventions ou de recommandations qui
constituent pour tous les états mem- bres, et même ceux qui ne le
sont pas, un guide précieux dans l'élaboration des
législations qui s'imposent en vue d'assurer la protection des jeunes
qui oeuvrent ainsi sur le marché du travail.
Ces conventions ou recommandations concernent les garanties qui doivent
exister en vue de protéger la santé et la sécurité
de ces jeunes. Nous trouvons ces garanties dans la loi telle qu'elle existe ou
dans les modifications qui sont suggérées par le ministre du
Travail.
La loi des établissements industriels, en effet, prescrit
déjà un bon nombre de dispositions particulières au
travail des jeunes. Je ne veux pas entrer dans les détails de la loi
telle qu'elle existe, non plus que dans ceux du projet de loi à
l'étude, mais je voudrais rappeler que des règlements peuvent
être faits par le lieutenant-gouverneur en conseil pour déterminer
les prescriptions nécessaires à la sécurité,
à la santé et à la moralité des travailleurs ou
d'une catégorie particulière de travailleurs ou des jeunes dans
les établissements industriels et commerciaux ainsi que dans les
établissements classés comme dangereux, insalubres ou
Incommodes.
L'âge minimal des ouvriers ne doit pas être inférieur
à 16 ans pour les garçons et à 18 ans pour les filles. Il
y en a toute une série ainsi. Le bill no 289, qui prescrit le nombre
d'heures de travail des jeunes comme devant être de 48 heures au lieu de
55 par semaine et de huit heures par jour au lieu de dix heures, est
certainement une amélioration qu'il importait d'apporter à notre
loi.
Quant au deuxième objet du bill: la réduction du nombre
des heures de travail, il s'agit là du deuxième principe qui nous
est proposé par le bill no 289. Comme je l'ai dit tout à l'heure,
cela s'inscrit dans le cadre du progrès normal de notre
société industrielle. En effet, les développements
techniques et technologiques, l'accroissement de l'automatisation font que la
période de travail de l'homme diminue sans cesse.
C'est donc dans cette ligne que se situent les amendements qui sont
proposés par le bill no 289 afin de réduire le nombre des heures
de travail des personnes du sexe féminin ainsi que des garçons
âgés de moins de 18 ans. Par ailleurs, il apparaît
clairement qu'une pareille distinction des heures de travail vise
essentiellement à fournir à ces jeunes des conditions de travail
qui soient appropriées à leur situation particulière.
Je n'ai pas à insister, nous sommes d'accord quant au principe du
bill pour autant que ces deux objets sont concernés.
J'en arrive au travail de nuit des femmes. En vertu du bill, le travail
des femmes, la nuit, dans les établissements industriels qui ont obtenu
l'autorisation du ministre après en avoir établi la
nécessité, sera dorénavant admis. Cependant, seules les
femmes âgées de plus de 18 ans pourront ainsi travailler la nuit,
suivant certaines modalités quant à la durée et aux
conditions dans lesquelles s'effectuera ce travail de nuit.
Ce problème du travail des femmes la nuit avait fait l'objet de
notre attention et, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, nous
avions constitué un comité d'étude afin d'examiner tous
les aspects du problème. Ce comité était
présidé par le juge Dussault-Mailloux, et le rapport final a
été remis au gouvernement à la fin de janvier 1966. De
là le projet de loi qui est devant nous.
Je tiens de nouveau à remercier et à féliciter la
présidente ainsi que tous les membres de cette commission qui ont fait
une étude très valable, qui nous est aujourd'hui certainement
fort utile dans l'appréciation du projet de loi qui est à
l'étude.
M. BELLEMARE: Très rapide. Le comité avait
été nommé le 15 juin 1965...
M. LESAGE: Ah oui, très rapide.
M. BELLEMARE: ... par l'arrêté en conseil...
M. LESAGE: Oui, par l'arrêté en conseil 1206 du 15 juin
1965, de sorte que le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait
nous dire, à nous les hommes: placez une femme en charge d'un travail et
soyez assuré qu'il sera fait rapidement et efficacement.
M. BELLEMARE: Très bien!
M. LESAGE: Je n'ai pas l'intention de reprendre ici tout ce qui est
contenu dans le rapport Mailloux qui a été remis au gouvernement.
Cependant, je voudrais en rappeler très brièvement les principes
essentiels.
Premièrement, l'examen de la législation, de celle des
Etats-Unis et des autres provinces canadiennes démontre hors de tout
doute une tendance très nette à permettre le travail de nuit des
femmes dans les établissements industriels.
Deuxièmement, sur le strict plan économique, le travail de
la main-d'oeuvre féminine la nuit est devenu, à plusieurs
égards, une nécessité, particulièrement à
cause du fait que cette autorisation permet la création immédiate
de nouveaux emplois, puisque des industries peuvent alors avoir trois
équipes de travail.
D'autre part, nous savons tous que l'un des facteurs dont dépend
le progrès de l'économie du Québec est l'accroissement de
la productivité. Cet accroissement est fonction du volume des
investissements, de l'amélioration des techniques de la production et de
l'utilisation maximale des ressources humaines dont nous disposons.
Or, sur ce strict plan de la productivité, nous ne pouvons nous
permettre, au Québec, de sous-utiliser quelque portion que ce soit de
notre main-d'oeuvre, pas plus la main-d'oeuvre féminine que la
main-d'oeuvre masculine.
Troisièmement, il est bien évident que nous ne pouvons pas
permettre plus longtemps que des industries cela est prouvé, je
pourrais donner des exemples aillent s'établir ailleurs qu'au
Québec, à cause, entre autres raisons je le sais
d'expérience personnelle de nos lois et règlements actuels
qui interdisent le travail de nuit de la main-d'oeuvre féminine.
Je pense bien qu'il n'est pas d'intérêt public de donner le
nom de sociétés qui se sont établies ailleurs,
principalement parce que le travail de nuit des femmes n'était pas
permis ici au Québec, mais je pourrais en nommer.
M. BELLEMARE: Alimentation, produits chimiques, produits
électriques, textiles...
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: Pour toutes ces compagnies que cite Phonorable
député, ces choses sont parfaitement vraies.
M. LESAGE: II y a eu des cas avant 1966 et depuis 1966, à ma
connaissance.
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. LESAGE: Maintenant, je n'ai pas l'intention de reprendre une à
une chacune des recommandations du rapport Mailloux.
M. BELLEMARE: Elles sont presque toutes dans la loi.
M. LESAGE: Les principes qui avaient été retenus par la
commission Mailloux se retrouvent presque tous dans le projet de loi
présentement à l'étude. Mais, il me semble qu'il y a trois
recommandations, et non deux, faites par la commission Mailloux pour l'octroi
de permis spéciaux à l'effet de permettre à des
éta-
blissements industriels et commerciaux d'employer des femmes la nuit,
qui n'ont pas été suivies.
Je vais donner les trois. Premièrement, les équipes de
travail. Sur la troisième équipe, il devra y avoir, au moins,
deux femmes par salle de travail, ce qui n'inclut pas la personne
chargée de la surveillance. Le ministre a dit, au cours de son
intervention, qu'il avait l'intention d'édicter une telle obligation par
règlement.
M. BELLEMARE: D'accord. Parce que lorsqu'on doit...
M. LESAGE: Quand le ministre répliquera ou lorsque nous serons en
comité, il pourra, peut-être, nous expliquer pourquoi cette
condition ne peut pas être dans la loi ou pourquoi il est
préférable qu'elle soit dans les règlements plutôt
que dans la loi.
M. BELLEMARE: Parce que ça change.
M. LESAGE: Deuxièmement, la surveillance et les premiers
soins...
M. BELLEMARE: Ce sera prévu dans les règlements.
M. LESAGE: Une personne de sexe féminin doit être
spécialement désignée pour la surveillance de
l'équipe et être capable d'appliquer les premiers soins, si besoin
il y a. Il n'est pas question d'avoir une infirmière
diplômée. Ce peut fort bien être une surveillante qui
connaît le métier et qui est, pour me servir d'un terme qui est
bien connu, diplômée en premiers soins, « First aid
».
M. BELLEMARE: C'est-à-dire de l'Ambulance Saint-Jean.
M. LESAGE: Par exemple, qui a un certificat de l'Ambulance Saint-Jean ou
de la Croix-Rouge.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: Alors, c'est le deuxième point; c'était la
recommandation numéro trois.
M. BELLEMARE: Non, quatre.
M. LESAGE: A la page...
M. BELLEMARE: Oui, vous avez raison.
M. LESAGE: Le ministre avait dit quatre; je n'ai pas voulu le reprendre,
mais c'est la recommandation trois.
M. BELLEMARE: Vous avez raison, c'est deux et trois.
M. LESAGE: C'est deux et trois, au lieu de deux et quatre, à la
page 41 du rapport, comme l'a dit le ministre dans son intervention.
Alors, le ministre nous dira encore ici pourquoi il a
préféré que cette obligation soit imposée par
règlement plutôt que d'être prévue dans la loi.
Et, enfin, troisième point, une autre recommandation du rapport
Mailloux était de défendre le travail des femmes qui ont charge
d'enfants de moins de 16 ans.
Celle-là, le ministre n'en a pas parlé. Je n'insiste pas,
moi non plus, parce que, quant à cette recommandation, je vous avoue, M.
le Président, que j'hésite beaucoup à voir la
différence qu'on en peut faire quant aux effets sociaux ou moraux. On
peut fort bien dire que, si c'est une mère de famille avec des enfants
de moins de 16 ans, son mari est à la maison la nuit, et il est
peut-être préférable qu'elle travaille la nuit pour
être avec les enfants le jour. Evidemment, si son mari travaille le jour
et elle la nuit, ça ne fera pas d'autres enfants bien forts, mais...
M. BELLEMARE: Je n'ai pas dit ça, moi.
M. LESAGE: Non! Mais ils seront là chacun leur tour pour avoir
soin des enfants. Alors c'est sans doute pour ça que le ministre a
passé sous silence cette troisième recommandation. Quant à
moi, je n'insiste pas, parce que je ne vois pas que ce soit très
justifiable.
Mais, M. le Président, je me demande s'il ne serait pas bon de
prévoir, dans le projet de loi, qu'avant de statuer sur une demande de
permis...
M. BELLEMARE: Statuer sur?
M. LESAGE: Une demande de permis.
M. BELLEMARE: De permis, oui, d'accord.
M. LESAGE: ... le ministre soit tenu de demander l'avis des travailleurs
concernés en consultant le syndicat, s'il y en a, ou, s'il n'y en a pas,
en consultant les ouvrières impliquées. De plus, j'aimerais bien
que, quant aux facilités de transport pour les femmes qui auront
à travail-
1er la nuit aux conditions exprimées dans le bill, il soit dit
carrément que les frais de transport seront à la charge des
employeurs. Ce n'est pas dit clairement.
M. BELLEMARE: C'est-à-dire que c'est une...
M. LESAGE: Disons que ce n'est pas dit clairement et que ça
pourrait l'être. J'ai pensé que c'était l'intention du
gouvernement, mais elle n'est pas clairement exprimée. Je dirai au
ministre que, lui, connaissant les avocats comme il les connaît, devrait
craindre une interprétation du projet de loi qui ne serait pas celle
qu'il voudrait lui donner.
De même, il serait peut-être bon de songer à fixer
une période maximale pour la validité du permis, à rendre
les permis renouvelables, parce qu'il faudrait peut-être que la
nécessité économique, qui doit être établie
par celui qui demande un permis, continue d'exister tout au long de la
période de détention du permis.
M. BELLEMARE: Cela devient un peu de la contorsion.
M. LESAGE: En fait, je voudrais, à l'occasion de ce projet de
loi, en profiter pour sensibiliser le gouvernement et le ministre du Travail,
s'il a besoin de l'être, aux besoins qu'il y a d'établir au
Québec, dans toute la mesure du possible, au moins une raisonnable
parité de salaire entre la main-d'oeuvre féminine et la
main-d'oeuvre masculine pour un travail égal.
Je sais que ce n'est pas un problème facile, mais ce n'est pas
pour autant un problème que le gouvernement ou les gouvernements doivent
ignorer presque systématiquement. Il existe, bien sur, plusieurs moyens,
du moins en théorie, pour assurer cette parité de salaire entre
la main-d'oeuvre féminine et masculine.
Nous pourrions procéder par une loi spécifique qui
protégerait, à la grandeur de la province, les droits des
ouvrières en énonçant dans une loi le principe « A
travail égal, salaire égal ».
M. BELLEMARE: Cela va être de la discrimination.
M. LESAGE: L'action syndicale serait un autre moyen. Et enfin, la bonne
volonté des employeurs ne peut être complètement
exclue.
Les deux derniers moyens que je viens d'évoquer: l'action
syndicale et la bonne volonté des employeurs sont certainement, à
tout le moins, aléatoires. Pourrais-je, M. le Président, faire
part aux députés de ce qui m'appa- raît être le plus
efficace moyen à cet égard? Ce serait de faire en sorte que notre
assemblée légifère d'une façon spéciale pour
assurer cette parité de salaire. Cela me paraît
particulièrement important puisque nous sommes à étudier
le problème du travail de la main-d'oeuvre féminine la nuit.
Il me semble que nous devrions éviter à tout prix que les
autorisations qui seront émises à l'effet de permettre aux femmes
de travailler la nuit, puissent donner lieu à un certain opportunisme de
la part des employeurs qui pourront, de ce fait, employer de la main-d'oeuvre
féminine de préférence à la main-d'oeuvre
masculine, la première pouvant commander des salaires moins
élevés. Il y a là un danger qu'il faut éviter. Je
pense qu'il est important que le ministre du Travail nous fasse connaître
son opinion et nous fasse des commentaires sur ce que je viens de dire. Il y a
un danger qui n'existerait pas si le principe fondamental: A travail
égal, salaire égal était reconnu efficacement dans notre
législation.
La Fédération des femmes du Québec s'est
penchée à plusieurs reprises sur ce difficile problème.
Elle a d'ailleurs fait à cet égard des recommandations
précises au gouvernement. Je dis que ce problème est important
parce qu'il ne faut pas oublier que le Québec compte 28% de l'ensemble
de la main-d'oeuvre féminine du Canada, soit 600,000 à 700,000
femmes qui sont présentement sur le marché du travail.
Parité de salaire entre la main-d'oeuvre féminine et la
main-d'oeuvre masculine. Ce ne serait pas un précédent de prendre
les dispositions nécessaires pour l'accorder, puisque dans certains
secteurs elle existe déjà. Je donne des exemples: Par le bill 25.
Cela semble drôle, peut-être, que j'invoque le bill 25, mais disons
qu'il y avait dans ce bill un aspect qui était de nature à
bonifier la législation. C'est que par le bill 25 adopté par le
Parlement en février 1967, les institutrices se sont vues accorder cette
parité de salaire pour un travail égal. Cela existe.
M. BELLEMARE: Et dans le fonctionnarisme.
M. LESAGE: Oui, mais cela est plus difficile dans le fonctionnarisme,
parce qu'on peut toujours définir les tâches autrement. C'est
là le danger. Il existe d'ailleurs plusieurs textes, tant sur le plan
international que sur le plan national, qui sanctionent la formule: A travail
égal, salaire égal. Il y a la déclaration universelle des
droits de l'homme qui a été adoptée par les Etats-Unis.
L'organisation in-
ternationale du travail, dès 1951, adoptait la convention no 100,
une recommandation no 90 sur l'égalité de
rémunération de la main-d'oeuvre masuculine et de la
main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale.
Il est bien certain que la meilleure façon de combattre la
discrimination à l'égard de la femme, consiste à lui
fournir des chances égales d'accès à l'éducation et
à la formation professionnelle. A l'heure où l'on fait un si
grand état des faiblesses de notre système d'éducation,
peut-être n'est-il pas inutile de souligner une de ses plus grandes
qualités, c'est de savoir qu'il a permis, en ces dernières
années, un accroissement extraordinaire du nombre et de la
qualité des jeunes filles qui fréquentent nos institutions
collégiales et universitaires. Vous permettrez bien à
ceux-là qui ont tant fait pour adopter ce nouveau système
d'éducation, pour l'adapter aux réalités modernes, de
marquer leur satisfaction devant cette accessibilité nouvelle des femmes
à l'éducation et à la formation professionnelle.
En terminant, je voudrais demander au ministre de nous dire, lorsqu'il
répliquera, si le gouvernement est bien décidé à
prendre les mesures nécessaires afin que la permission accordée
aux industriels de faire travailler les femmes la nuit ne devienne pas une
pratique générale, que c'est bien le principe de l'interdiction
qui demeure, que c'est par exception que les permis seront émis. Je
voudrais savoir aussi si le gouvernement du ministre, si le gouvernement dont
il fait partie, a l'intention de donner suite aux recommandations suivantes du
rapport Mailloux.
C'est vrai que ce sont des recommandations formulées en obiter
dictum...
M. BELLEMARE: Obiter dictum.
M. LESAGE: Oui, oui, maintenant, le ministre du Travail le sait...
M. BELLEMARE: Je le sais, je l'ai appris.
M. LESAGE: ... en obiter dictum. Premièrement, congé de
maternité prénatal et postnatal. Deuxièmement, service de
pouponnière et, troisièmement, service de garderie.
Ce sont trois des recommandations du rapport Mailloux qui sont faites,
mais en dehors du mandat de la commission.
M. BELLEMARE: M. Goldbloom.
M. LESAGE: Oui, je sais. Bien oui, c'est ça. Je demande au
gouvernement s'il est prêt à agir. En terminant, M. le
Président, je dirai que nous sommes d'accord sur le principe du bill
289, mais j'ai demandé au ministre de nous faire certaines
précisions, certains commentaires que nous serons heureux d'obtenir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme Claire Kirkland-Casgrain
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, dans le domaine de
l'égalité de l'homme et de la femme au Québec, il y a
encore de nombreux pas à franchir et ce, dans les domaines
économique aussi bien que juridique, pour n'en mentionner que deux. Nous
étudions aujourd'hui une législation du domaine de
l'économique, qui accorde à la femme un certain degré
d'égalité. Je ne ferai pas, moi non plus, l'historique de cette
législation au Québec, puisque le député de
Louis-Hébert l'a fait avant moi, même s'il l'a fait
brièvement.
Je me contenterai cependant de souligner que le rapport qui a
donné naissance à ce bill a vu pour la première fois au
Québec, grâce à un gouvernement libéral, une femme
agir comme présidente d'une commission d'enquête sur le
travail.
Cette femme, nous le savons, est une femme de loi, une femme
spécialisée dans la matière, et juge à la cour du
Bien-Etre social. Elle a fait avec ses collègues, avec ceux qui ont
collaboré avec elle, un travail fouillé et extrêmement
sérieux, dans le domaine des problèmes ouvriers et
économiques et je m'en voudrais de ne pas le souligner, M. le
Président.
Elle a soumis des recommandations importantes, qui ont d'ailleurs servi
de base à la législation que nous avons devant nous. Et
j'aimerais mentionner ici que je considère regrettable, M. le
Président, que, depuis 1966, il n'y a pas eu d'autres femmes qui aient
accédé à un poste similaire, n'aient été
chargées de présider d'autres commissions d'enquête pour
des rapports également nécessaires à différents
ministères du gouvernement et de l'administration provinciale.
Puis-je souligner que le précédent créé
à l'occasion de la nomination du juge Dussault-Mailloux par un
gouvernement libéral n'a malheureusement pas été suivi
jusqu'à maintenant. Mais, avant de me faire rappeler à l'ordre,
M. le Président, je reviendrai à la question qui nous
préoccupe, celle du travail de la femme la nuit. Notre siècle a
connu la révolution industrielle et a été témoin
d'une évolution d'autres l'auront dit avant moi d'une
évolution
considérable et l'on sait que l'homme est entré dans le
marché du travail non seulement le jour mais la nuit et cela sans
condition. Ici vous me permettrez, M. le Président, de donner une
opinion bien personnelle et qui n'est peut-être pas partagée par
tous mes collègues, d'un côté ou de l'autre de la Chambre.
Je considère, M. le Président, qu'à notre époque,
il est normal que la femme, tout comme l'homme, travaille, que ce soit le jour
ou la nuit. Les incapacités soulevées contre elle, à
travers les siècles, soit dans le domaine juridique, dans le domaine
économique ou dans quelque autre domaine que ce ce soit, sont les
résultats du fait qu'on la considérait comme inférieure au
point de vue intellectuel.
A cause de cela, on la déclarait incapable et on la
protégeait contre elle-même. Vous-même, M., le
Président, qui avez fait des études légales, vous vous
souviendrez de certains articles du code, maintenant périmés,
gâce au bill 16, et vous vous souviendrez également d'autres
articles qui, malheureusement, sont encore en vigueur dans notre code
civil.
Je pense en particulier à l'existence de cet article qui prohibe
tout contrat entre les époux, entre le mari et la femme. La raison de
cette interdiction, vous vous en souviendrez, était due au fait qu'on
considérait que la femme pouvait être soumise à l'influence
indue de son mari. C'est pour la protéger elle-même qu'on lui
interdisait cette formule et qu'on la lui interdit encore, malheureusement.
C'est donc dire qu'elle ne peut pas, à l'heure actuelle, devenir partie
d'un contrat qui avantage son époux à son détriment
personnel à elle, parce qu'on considère qu'elle est capable,
parfois, dans certains cas, de subir son influence indue.
Je comprends toutefois que, conformément aux suggestions faites
dans le rapport Dussault-Mailloux, le travail des femmes est consenti, mais
à certaines conditions, évidemment. Il est peut-être bon
que ces conditions aient été déterminées, tout au
moins jusqu'à ce que la femme puisse faire ses preuves dans ce domaine
et établisse à la satisfaction générale que la
protection et la sollicitude dont elle est l'objet ne seront plus vraiment
nécessaires.
Le chef de l'Opposition a fait des suggestions constructives à
mon sens. Il a justement fait allusion à l'établissement de
règles devant encore protéger celles qui, tout à coup, se
voient attribuer un droit qui, de toute évidence, leur apporte de
nouvelles responsabilités. Le chef de l'Opposition a mentionné
qu'on devait faire un effort pour appliquer le principe: A travail égal,
salaire égal.
Plusieurs députés de cette Chambre se sou- viendront de
cette loi qui avait été adoptée en 1964 par
l'administration précédente. Cette loi était
intitulée; Loi contre la discrimination dans l'emploi. C'était
à mon sens, un excellent début. Mais par la suite, on a vu dans
certaines conventions collectives deux tâches identiques accomplies, dans
une mémo entreprise, d'une part par une femme, et d'autre part par un
homme, tâches qui avaient entre elles des différences aberrantes,
pour utiliser l'épithête préférée de M.
Parizeau, conseil du gouvernement en matière de politique salariale.
Dans les salaires payés à l'un et à l'autre, cette
différence était extraordinairement élevée et
vraiment aberrante. A l'un et àl'autre, c'est-à-dire à
l'homme et à la femme qui exerçaient la même tâche,
dont la description contenue dans la convention collective était
exactement identique. Malgré le fait qu'ils exerçaient la
même tâche, il y avait une différence de salaire pour l'un
et l'autre, l'homme, évidemment, ayant un salaire bien
supérieur.
Pour être plus spécifique, ceci a été vu dans
des conventions collectives de certains hôpitaux de Montréal
depuis 1966. Tout cela pour illustrer le fait que ce principe: « A
travail égal, salaire égal » est loin d'être mis en
pratique. Si on doit permettre aux femmes d'entrer dans ce nouveau type de
travail, il ne faudrait pas que ce soit pour exploiter ces travailleuses.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais ici citer un
extrait d'un ouvrage émanant du Bureau international du travail,
intitulé: La lutte contre la discrimination dans le travail et
publié à Genève en 1968. J'ai d'ailleurs l'impression que
cette brochure de quelque deux cents pages pourrait fournir une excellente
lecture de chevet au présent ministre du Travail.
Avec sa permission, je lirai quand même quelque extraits qui sont
très pertinents aux problèmes que nous étudions
aujourd'hui.
A la page 88, sous le titre « Effets de la discrimination
fondée sur le sexe », il est dit: « La discrimination
à l'égard des femmes en matière d'emploi et de profession
est liée à celle dont elles sont les victimes dans d'autres
domaines et constitue un élément du problème bien plus
large qui consiste à assurer de façon générale
l'égalité de la femme dans la société. Comme
lorsqu'il s'agit de la race et de la couleur, c'est généralement
en matière d'emploi et de profession que la discrimination a souvent des
conséquences particulièrement graves. « Pour ce qui est des
activités lucratives, les femmes, qu'elles soient ouvrières,
employées ou établies à leur propre compte, ont
généralement été en état
d'infériorité par rapport aux hommes. On a souvent
expliqué l'attribution de meilleurs salaires aux hommes par le fait
qu'ils sont généralement chargés de l'entretien d'une
famille. »
Mais, on ajoute: « Lorsque des jeunes filles, des femmes
célibataires ou des veuves dépendent entièrement de leur
propre gain, leur situation financière risque d'être bien plus
mauvaise, en raison de la discrimination dont leur sexe fait l'objet, que celle
des hommes ayant le même âge et le même état civil. Si
la femme mariée qui exerce un emploi, alors que son époux
travaille également, ne doit pas compter dans la même mesure sur
ses propres gains, le fait que le principe à travail égal,
salaire égal ne lui est pas appliqué n'en reste pas moins
condamnable. »
On continue: « Les femmes se voient refuser l'accès
à certains emplois et sont souvent affectées à des travaux
inférieurs à beaucoup d'autres qu'elles pourraient fort bien
accomplir. L'idée selon laquelle elles sont uniquement qualifiées
pour certaines tâches, désignées précisément
par l'expression « travail féminin », reste largement
répandue. De tout temps, les traitements et les salaires féminins
ont été bas, encore qu'ils aient désormais tendance
à se rapprocher de ceux des hommes. Les femmes demeurent souvent
désavantagées en ce qui concerne les conditions
générales de travail. »
Plus loin, à la page 92, sous le titre « Conditions de
travail », on dit: « II est également bien connu que la
discrimination à l'encontre des femmes s'exerce en outre dans le domaine
des conditions générales du travail. » Un peu plus loin, on
mentionne que « les cas particuliers où il pourrait y avoir
discrimination sont assez nombreux ici, on ne peut faire de reproche au
ministre du Travail, puisqu'on a diminué le nombre d'heures la
durée du travail, les périodes de repos, les congés
annuels payés, les mesures de sécurité et d'hygiène
de travail, la sécurité sociale, les services sociaux et les
prestations sociales en rapport avec l'emploi. » « II faut,
d'ailleurs continue le rapport relever que ces dispositions sont
censées s'appliquer à tout individu sans discrimination, de sorte
que l'on ne saurait perdre de vue qu'elles valent aussi pour les femmes qui
travaillent.
C'est donc là un autre domaine à ne pas
négliger.
Il me semble extrêmement important de conclure en mentionnant d'un
mot la condition de discrimination qui est faite, plus particulièrement
aux femmes mariées. Cette étude est ré- cente, elle date
de 1968, justement sur la question de la lutte contre la discrimination...
M. le Président, je dois dire qu'être obligée de
présenter un travail sérieux devant des députés qui
s'amusent en arrère, ce n'est pas tellement drôle. Je vois le
ministre des Affaires municipales qui rigole. Je comprends que cela ne
l'intéresse peut-être pas, mais il faudrait qu'il pense aux
électrices qu'il y a dans son comté.
M. SAUVAGEAU: Nous sommes toujours ici pour vous écouter, tandis
que les vôtres ne sont seulement pas là pour vous
écouter.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, cela, c'est une remarque
grossière. Je pense que c'est tout à mon honneur. S'ils ne sont
pas là, ils savent que je suis capable de me défendre. C'est plus
que ne peut en dire le député là-bas.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois dire que je n'ai vraiment pas eu
connaissance d'un désordre qui m'ait incité à rappeler les
députés à l'ordre. Je rappelle toutefois les règles
générales. Pour permettre à un député de
s'exprimer en Chambre, le climat était assez bon jusqu'à
présent. Je cède maintenant la parole à l'honorable
député de Marguerite-Bourgeoys.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je reviens donc à cette étude qui a
été faite et qui traite particulièrement des
problèmes de la femme mariée. L'on dit que la discrimination
àl'égard des femmes mariées est un autre aspect du
problème qui mérite de retenir notre attention. Comme l'a
signalé la commission d'experts du Bureau international du travail, on
rencontre des distinctions qui limitent les possibilités d'accès
ou de maintien à l'emploi, notamment à l'égard des femmes
mariées.
Il est de fait que les femmes mariées n'ont pas toujours
bénéficié des mêmes possibilités d'emploi que
les célibataires. Dans certaines professions, les femmes peuvent
être congédiées, si elles se marient. Dans certains pays,
des exclusions ou restrictions relatives à l'emploi des femmes
mariées dans le secteur public sont autorisées par la
législation ou par la pratique administrative.
Le droit au mariage des hôtesses de l'air a récemment
donné lieu à bien des controverses. Et on continue. Une
enquête faite par le Bureau international du travail et portant sur une
soixantaine de pays a montré que des progrès avaient
été accomplis au cours des vingt-cinq dernières
années dans l'élimination de la discrimination de droit ou de
fait dont les femmes mariées sont victimes en matière d'emploi et
de profession, mais que c'est là un problème qui, tout en perdant
de son importance relative, n'en doit pas moins continuer de retenir
l'attention, en tant qu'aspect particulier du problème de discrimination
contre les femmes qui travaillent.
On sait jusqu'à quel point l'ampleur de la discrimination a
existé et continue d'exister. J'en ai donné un exemple tout
à l'heure et je souhaite que le ministre du Travail soit conscient du
problème. C'est pourquoi l'on se doit, en l'occurrence, d'apporter dans
certains cas une protection spéciale aux travailleuses, protection
spéciale qui est d'ailleurs suggérée dans le rapport
Dussault-Mailloux, auquel le ministre lui-même et le chef de l'Opposition
ont fait allusion.
Je suis heureuse de voir que la majorité des recommandations du
rapport Mailloux ont été suivies et je fais miennes certaines
suggestions qu'a faites le chef de l'Opposition. Je pense que si elles
étaient suivies, M. le Président, elles seraient de nature
à améliorer cette loi.
Ainsi, le chef de l'Opposition a mentionné le transport
payé par le patron. Je comprends que le ministre semblait croire que
c'était entendu mais, il me semble qu'il faudrait que ce soit plus
spécifique et je ne vois pas...
M. BELLEMARE: Je pensais, moi, que le mot « assuré »
donnait l'obligation à l'industriel de payer.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je pense, mais je voudrais que ce soit
mentionné...
M. BELLEMARE: « Doit être assuré », « de
pourvoir... »
MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... parce que c'était peut-être sous
entendu dans l'esprit du ministre, mais comme l'a dit le chef de l'Opposition,
et connaissant le raisonnement de certains avocats, par exemple, qui feraient
du droit patronal, on comprend qu'ils pourraient fort bien interpréter
ces mots à leur façon.
M. BELLEMARE: « Assurer et pourvoir ».
MME KIRKLAND-CASGRA]N: Oui. Ainsi, je pense qu'une autre suggestion
heureuse est celle de la limite du temps du permis parce que l'on sait
parfaitement que l'économie d'un pays moderne demande qu'il y ait du
travail des ouvriers la nuit, soit des femmes ou des hommes mais l'on sait
également que ce n'est pas l'idéal et ce n'est surtout pas
l'idéal dans le cas d'une femme qui a des responsabilités autres
que celles du travail.
Alors, cette loi, vous le comprendrez, me plaît beaucoup et je
termine enfin en mentionnant que l'obiter dictum justement dont on afait
allusion me paraît extrêmement important. J'espère que les
officiers qui travaillent au ministère responsable de la
législation que nous étudions aujourd'hui, en collaboration avec
le ministre du Bien-Etre social, verront à ce qu'on étudie
justement la possibilité d'établir des garderies d'enfant.
On sait qu'il n'y a même pas de standard dans bien des cas pour
ces garderies. Mais, encore faudrait-il qu'on en établisse, et je pense
que c'est une priorité quand on parle du travail féminin, du
travail de la femme mariée.
M. le Président, il ne m'arrive pas tellement souvent de
féliciter le gouvernement mais, en l'occurence, je me permettrai de le
faire et de dire que je suis très heureuse de voir que cette loi vienne,
même si elle vient tardivement, parce que quand on considère que
le rapport a été donné en janvier 1966, mais je comprends
qu'il y a eu consultations avec le Conseil supérieur du travail, etc.
mais je suis très heureuse de cette loi et j'espère, M. le
Président, que c'est une autre étape que nous franchissons pour
faire progresser la femme dans son évolution.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, le député de
Marguerite-Bourgeoys a parlé des femmes: je voudrais dire quelques mots
au sujet des jeunes.
Cette loi doit faire deux choses: elle doit protéger le jeune
pendant la période de l'année scolaire, et elle doit lui fournir
des occasions, des moyens, des facilités pendant les vacances pour
apprendre ce que c'est que travailler.
En ce qui concerne l'année scolaire, il est évident que
cette loi s'inscrit dans le cadre de tout ce que nous faisons pour garder
l'adolescent à l'école, au CEGEP, si possible à
l'université, aussi longtemps que possible. Pour ce faire, il faut en
même temps aider les familles à faible revenu à
résister à la tentation de retirer leurs adolescents de ces
institutions d'enseignement. Cette tentation a deux bases principales: Le
besoin économique qui est, pour beaucoup de ces familles, terriblement
réel, et la faiblesse trop fréquente de la motivation de telles
familles en
ce qui concerne la scolarisation de leurs enfants.
Il faut donc appuyer de façon tangible la scolarisation des
adolescents et la pousser aussi loin et aussi haut que possible. Dans ce
domaine, nous avons déjà fait des commentaires sur l'affectation
des sommes qui sont versées en allocations familiales. Nous avons dit
qu'il ne suffit pas que ces allocations soient de nature familiale, il faut que
ces allocations soient de nature scolaire également.
Pendant les vacances, il importe que l'initiation au travail, à
la responsabilité, au financement de ses propres besoins et
désirs se fasse graduellement, avant le moment où le jeune aura
à prendre toutes ses propres responsabilités. Dans ce sens, j'ai
un seul commentaire à faire. Le gouvernement, par le truchement du
ministère de l'Education, base l'année étudiante sur neuf
mois, soit approximativement le temps réel passé à
l'université, au lieu de considérer que l'étudiant doit
vivre douze mois par année. Le travail d'été est
obligatoire pour les étudiants ou considérés comme tels,
tout au moins quant au calcul du montant des prêts-bourses, car
même ceux qui n'ont pu se trouver un emploi d'été sont
considérés comme ayant gagné de l'argent pendant dix
semaines.
Donc, M. le Président, le gouvernement, qui
légifère de façon à restreindre, en quelque sorte,
la possibilité pour l'adolescent de travailler, acquiert une
responsabilité à l'égard de cet adolescent qui est
réputé avoir travaillé pendant au moins dix semaines
durant l'été. Il faut que, tout en légiférant de la
façon dont nous le faisons aujourd'hui, le gouvernement accepte la
responsabilité de voir à ce que l'adolescent trouve ce travail et
fasse son apprentissage dans des conditions normales et utiles pour son
avenir.
A mon tour, je félicite le gouvernement de la présentation
de cette loi. Je suis très heureux de ce qu'elle vient faire pour
normaliser les conditions de travail, donc l'éducation de nos
adolescents.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: J'ai bien l'intention d'exercer mon droit de
réplique. D'abord, je vais commencer, comme toujours, par remercier ceux
qui ont participé au débat et dire combien ces discours m'ont
impressionné, particulièrement celui du chef de l'Opposition qui
était très bien charpenté et qui, sûrement,
mérite d'être signalé à l'attention de la Chambre.
Voici un homme qui est débordé d'ouvrage comme chef d'un parti
politique et à cause de ses nombreuses présences en Chambre, mais
qui a une étude bien faite et, surtout, donne des statistiques qui sont
réellement bien préparées. Je dis, cependant, que...
M. KENNEDY: Voici les fleurs. A quand le pot?
M. BELLEMARE: ...l'honorable chef de l'Opposition a commis quelques
petites erreurs. Je ne voudrais pas trop...
M. LACROIX: Le pot s'en vient.
M. BELLEMARE: II a d'abord fait état des quatre principes de la
législation.
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre m'accorde-t-il une
minute? Je voudrais excuser le chef de l'Opposition. Nous allons noter la
réplique du ministre. Le chef de l'Opposition a dû s'absenter de
la Chambre pour une raison très sérieuse. Si le ministre veut
répliquer à ses propos, il est quand même libre de le
faire, mais je voulais souligner que l'absence du chef de l'Opposition est due
à un motif très sérieux.
M. BELLEMARE: D'accord. D'ailleurs, c'est un des membres de la Chambre
qui mérite d'être signalé au tableau d'honneur de
l'assiduité et de la ponctualité.
M. LEFEBVRE: A bien d'autres tableaux aussi.
M. BELLEMARE: On a tous les deux, je pense, le même record.
M. LEFEBVRE: Vous l'encensiez pour mieux vous encenser
vous-même.
M. BELLEMARE: Je sais qu'il va le relire dans le journal des
Débats. D'ailleurs, il est très fidèle à la
lecture, dans sa bibliothèque comme il le dit. Les quatre amendements,
dit-il, les quatre principes qui font la base même de la
législation qui est en cours, il a bien situé cela; les
âges qui étaient requis, c'est-à-dire que nous la changeons
de 14 à 16 ans maintenant, la réduction des heures de travail,
ç'a été aussi un des principes qui nous ont guidés
d'abord à cause de nos décrets et surtout de nos conventions
collectives et du salaire minimum qui tendent à rendre les heures de
travail moins longues et à augmenter la productivité et le
salaire.
Quant au travail féminin, quant au travail des femmes la nuit, il
a dit que nous avions respecté presque textuellement le rapport
Mailloux, sauf deux recommandations qui concernent les équipes de
travail. Sur la troisième équipe, il devrait y avoir au moins
deux femmes par salle de travail, sans compter la contremaîtresse et
aussi, M. le Président, qu'une
personne du sexe féminin devrait être
désignée pour assurer les soins particuliers, les premiers
soins.
Je dis tout de suite à l'honorable chef de l'Opposition que ces
deux recommandations du rapport Mailloux ont été retenues, et
comme il nous est permis, en vertu de la loi des conventions collectives,
d'édicter des règlements, nous allons en promulguer toute une
série qui concerneront d'abord ces deux articles dont il est question
dans le rapport Mailloux, mais aussi, M. le Président, quant à
l'argument que m'ont fait valoir l'honorable chef de l'Opposition et
l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys. Je félicite
celle-ci également d'une manière particulière pour sa
lumineuse et bienfaisante intervention. Elle devrait intervenir plus souvent.
Je comprends qu'elle a de nombreuses occupations, mais j'aime bien sa
présence en Chambre.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est vrai.
M. BELLEMARE: Quand elle y est, M. le Président, c'est comme une
rose...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Vous ne m'avez pas manquée beaucoup cette
année, M. le Président, j'y étais assez
régulièrement.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas fait de rapport, mais je me suis aperçu
que de temps en temps le siège était vide et j'en ai
demandé les raisons à quelques-uns de mes collègues. On
m'a dit: Vous savez, elle a beaucoup d'occupations.
Maintenant, l'honorable député de Marguerite-Bourgeoys
comme le chef de l'Opposition a dit que le permis devrait contenir certaines
prescriptions pour savoir s'il peut être renouvelable, s'il peut
être révocable, comment il doit être émis. Tout cela,
je pense sera contenu dans l'article 44 de notre bill, Les
améliorations, M. le Président, vous allez les trouver dans
l'article 44: « déterminer les obligations auxquelles sont
assujetties les détenteurs d'un permis délivré en vertu de
l'article 8, y compris la forme, la teneur des demandes de permis, les
honoraires exigés et les documents qui doivent accompagner ces permis,
les renseignements qui peuvent être requis, les endroits où
doivent être affichées, les mentions qu'ils doivent comporter
ainsi que les cas dans lesquels, elles peuvent être
révoquées. C'est clair, c'est contenu dans notre loi, qu'il peut
être révoqué et, dans le cas d'un permis
délivré en vertu de l'article 18-a), le nombre de femmes requis
par salle, ou d'ateliers de travail et le nombre de surveillants requis et
leurs qualités.
Je crois que c'est pas mal rencontrer le désir de l'honorable
député de Marguerite-Bourgeoys et le voeu...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non!
M. BELLEMARE: ... que formulait le député de
Marguerite-Bourgeoys et le chef de l'Opposition. Elle a dit quelque chose de
bien intéressant, le député de Marguerite-Bourgeoys. Je
suis sensible quand elle parle des dames. Elle a dit quelque chose qui sentait
un peu...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Heureusement, le ministre du Travail n'est pas
toujours là, lorsque je fais des interventions sur ces problèmes
qui touchent la femme.
M. BELLEMARE: Ailleurs?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je voudrais qu'il soit sensible plus souvent.
Non, je parle d'ici.
M. BELLEMARE: Ah, j'ai toujours été ici, moi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non, je regrette, il y a eu plusieurs occasions,
je l'ai remarqué, d'ailleurs.
M. BELLEMARE: Mais, je dis qu'elle a dit quelque chose de bien
intéressant. Il y avait une petite pointe en finissant sa phrase. Le
parti libéral a réalisé...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais c'est un fait.
M. BELLEMARE: ... quelque chose que personne d'autres n'ont fait, quand
on a nommé une femme. J'ai dit à l'honorable député
de Marguerite-Bourgeoys de se référer à la nomination de
Mme Warren, sur la commission Castonguay...
MMii KIRKLAND-CASGRAIN: Non, je n'ai pas parlé de
nomination...
M. BELLEMARE: ... je dis à l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys de se référer à la nomination du
premier sous-ministre, Mlle Baron, à l'Education...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, mais on parlait de commission
d'enquête... D'ailleurs, j'en félicite le gouvernement...
M. BELLEMARE: Ah, bon, merci!
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ce n'est pas arrivé fréquemment. Il
faut dire qu'on avait créé plusieurs précédents qui
n'ont pas été suivis, malheureusement.
M. BELLEMARE: Nous étions pour nommer une femme au Conseil
législatif! Malheureusement...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est facile à dire.
M. LEFEBVRE: Ce que l'on souhaiterait, ce serait une jolie femme comme
ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LEFEBVRE: Ce que nous souhaiterions, c'est une jolie femme comme
ministre du Travail.
M. BELLE MARE: Une jolie femme pour moi?
M. LEFEBVRE: Non, non, non, une jolie femme à la place du
ministre.
M. BELLEMARE: Il faudrait qu'elle ait bon caractère parce qu'avec
le député d'Ahuntsic, sa patience serait souvent mise à
contribution. Je dis donc que l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys a fait une intervention fort appréciée. Elle
a sûrement plus qu'une autre le mérite d'avoir trouvé dans
des publications et surtout dans les lectures qu'elles a faites des choses fort
intéressantes. J'ai remarqué qu'elle avait des gros Uvres entre
les mains, des livres...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Deux cent pages. Je vous le recommande comme
livre de chevet»
M. BELLEMARE: Bon. Moi, j'en ai un tout petit, tout petit de quelques
pages...
MME KIRKLAND-CASGRAIN-. Ah! oui.
M. BELLEMARE: ... qui me fait souvent réfléchir...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'est peut-être le programme de l'Union
Nationale.
M. BELLEMARE: ... et qui pourrait, peut-être, être une
excellente réponse à l'honorable député.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Ah! bon, c'est intéressant cela.
M. BELLEMARE: On dit, par exemple, dans une loi de notre province,
adoptée en 1967, 12-13 Elizabeth II, Loi sur la discrimination dans
l'emploi...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Adoptée en 1964. L'original a
été adopté en 1964.
M. BELLEMARE: L'honorable député le connaît?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui, bien sûr.
M., BSLLEMARE: Bon, alors, que dit-il? Je me souviens...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Je ne le connais pas par coeur.
M. BELLEMARE: ... de son discours. Elle était ici, à deux
pas de moi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui, oui.
M. BELLEMARE: Elle avait dit, à ce moment-là: Nous allons
sûrement faire un pas...
MME KIRKLAND-CASGRAIN" C'est vrai.
M. BELLEMARE: ... important dans la parité et elle avait inscrit,
elle, dans son bill ceci: « Toute discrimination, toute distinction,
exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le
sexe... »
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui.
M. BELLEMARE: « ... la religion, l'ascendance nationale ou
l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer
l'égalité de chance ou de traitement en matière d'emploi,
de profession... Cependant, les distinctions, exclusions ou
préférences fondées sur les qualifications exigées
pour un mode d'emploi déterminé ne sont pas
considérées comme de la discrimination. »
A l'article 2 de ce même joli petit volume, nous relisons ceci:
« Aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une
association d'employeurs n'exercera une discrimination terme qui vient
d'être défini par la lecture que j'en ai donnée
n'exercera une discrimination dans l'embauchage, premièrement, dans la
promotion, deuxièmement, dans la mise à pied,
troisièmement, dans le renvoi ou dans les conditions de travail d'un
salarié.
Je crois que c'est faire oeuvre de bien au-
jourd'hui que de vouloir respecter cette parité. Et notre loi,
dans les amendements que nous apportons au bill no 150, dit aussi dans un
certain article je n'ai pas le droit de référer à
un article en particulier: « Les taux de rémunération des
employés ne doivent pas être inférieurs à ceux des
employés correspondants des deux autres équipes et si une prime
pour travail de nuit est payée à une personne faisant partie de
l'équipe, elle doit l'être aussi aux femmes qui en font partie
».
Je dis donc que nous avons certainement fait un progrès sensible,
et l'assurance d'une bonne collaboration nous a été fournie. E.
serait intéressant et c'est en comité que je fournirai ces
chiffres si on les demande de connaître le nombre de permis
émis pour les autres années. Je sais que ce sont des chiffres
assez éloquents.
Je dis donc, en remerciant tous ceux qui ont participé à
ce débat... J'oubliais l'intervention de l'honorable
député de D'Arcy-McGee. Je suis sûr que si nous ne pouvons
pas réaliser tout ce qu'il a souhaité dans la motion qu'il a
présentée l'autre jour et dans l'intervention qu'il a bien voulu
faire à l'occasion de ce bill, nous sommes sur une voie de
progrès, sur une voie de réalisation et de bonne entente.
Nous escomptons beaucoup avec l'honorable député de
D'Arcy-McGee et le concours de l'honorable député, ministre de la
Santé, comme l'a dit l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys, trouver, avec l'industrie qui est particulièrement
intéressée, les moyens de réaliser ces bons voeux.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée?
Adopté.
L'honorable ministre du Travail propose que je quitte maintenant le
fauteuil et que la Chambre se forme en comité plénier pour
l'étude du bill no 289.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. FRECHETTE (président du comité plénier): Article
1.
M. BELLEMARE: Alors, adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté. Article 2. Article 2, adopté.
Article 3.
M. BELLEMARE: Article 3, c'est la concordance de 14 à 16 ans, le
mot quatorze est changé pour seize.
M. LE PRESIDENT: Article 3, adopté. Article 4.
M. BELLEMARE: L'article 4 est une concordance de 14 à 16 ans est
permis à 15 ans pour les vacances scolaires.
M. LESAGE: Pour la liste des modifications à suggérer,
nous sommes disposés à adopter les huit premiers articles.
M. BELLEMARE: D'accord. Tout compris.
M. LE PRESIDENT: Articles 4, 5, 6, 7 et 8 adoptés.
M. BELLEMARE: Alors, article 9. M. LE PRESIDENT: Article 9.
M. LEFEBVRE: J'aimerais, M. le Président, dire un mot sur cet
article-là. L'honorable chef de l'Opposition, dans son intervention en
deuxième lecture, a déjà, de façon substantielle en
même temps que subtile,...
M. BELLEMARE: Disons donc que nous allons accepter la suggestion, et que
nous allons mettre ici: « Le ministre est tenu de demander l'avis avant
de statuer sur toute demande de permis. » C'est parce que nous aurions
accepté la suggestion de la demande de l'avis du syndicat.
M. LEFEBVRE: Oui, c'est bien, vous êtes d'accord pour ajouter le
texte? Alors, vous vous sauvez d'un discours.
M. LESAGE: Dans le cas où il y aurait un syndicat.
M. BELLEMARE: C'est ce qu'on dit. Nous allons dire ceci:...
M. LEFEBVRE: « Avant de statuer sur toute demande de permis, le
ministre est tenu de demander l'avis des travailleurs concernés et,
à cette fin... »
M. BELLEMARE: Non, non. Du syndicat accrédité.
M. LEFEBVRE: Alors, « du syndicat accrédité »,
d'accord.
M. LESAGE: S'il y en a un.
M. BELLEMARE: Oui, oui, s'il y en a. Cela va?
UNE VOIX: Une minute.
M. LEFEBVRE: Mais nous avons...
M. LESAGE: Alors, ça se lira: « Avant de statuer sur toute
demande de permis, le ministre est tenu de consulter le syndicat
accrédité, s'il y en a un. » C'est ça?
M. BELLEMARE: Il va falloir ajouter un paragraphe nouveau entre le
premier et le deuxième.
M. LEFEBVRE: Ah, peu importe où vous le mettez.
M. BELLEMARE: Bon, avant « La durée du travail de cette
troisième équipe... »
M. LESAGE: Cela doit venir après le premier alinéa, je
crois.
M. BELLEMARE: Alors, ça se lirait comme ceci: « Le ministre
est tenu de demander vous écrivez, M. le Président?
M. LE PRESIDENT: Out
M. BELLEMARE: l'avis du syndicat accrédité avant de
statuer sur toute demande de permis. »
M. LESAGE: Et ça sera un nouvel alinéa, après le
premier alinéa.
M. BELLEMARE: C'est ça. Je vais le relire: « Le ministre
est tenu de demander l'avis du syndicat accrédité avant de
statuer sur toute demande de permis. »
M. LESAGE: Très bien. On n'a pas besoin de dire s'il y en a
un.
M. BELLEMARE: Non.
M. LESAGE: Du moment qu'on dit: « syndicat accrédité
».
M. LEFEBVRE: S'il n'y en a pas...
M. LESAGE: On n'a pas besoin de dire s'il y en a un, parce que s'il n'y
en a pas, ça ne s'applique pas.
M. LE PRESIDENT: A quel endroit exactement de l'article?
M. BELLEMARE: Entre le premier et le deuxième paragraphe, M. le
Président, juste avant « La durée du travail de cette
troisième équipe ne doit pas excéder... »
Pour ce qui est de l'assurance des frais. Dans le même paragraphe,
en bas, le dernier.
M. LESAGE: C'est à la fin.
M. BELLEMARE: Oui, à la fin. Le patron doit assurer la
sécurité des femmes qui doivent quitter leur travail avant sept
heures du matin, et leur procurer, à ses frais...
M. LESAGE: C'est bien cela.
M. BELLEMARE: .. un moyen de transport au lieu de pourvoir.
M. LESAGE: Très bien.
M. BELLEMARE: Alors, « à ses frais », un moyen de
transport convenable et sûr pour le retour à domicile. M. le
Président, on ajoute après les mots « et leur procurer
à ses frais ». C'est sûr qu'il n'y a pas d'avocat qui
passera à travers cela.
M. LE PRESIDENT: Alors, article 9 adopté tel
qu'amendé.
M. LEFEBVRE: Non, non. Un instant. M. le Président, j'ai remis
tout à l'heure au ministre quelques suggestions d'amendements. Je lui ai
indiqué...
M. BELLEMARE: Le premier paragraphe: « Conformément aux
dispositions de la loi, les femmes qui travaillent...» Je viens de le
dire, c'est déjà prévu dans la loi de la discrimination.
C'est clair.
M. LEFEBVRE; La grande différence qui existe et ce pourquoi nous
formulons cet amendement, c'est qu'en le formulant, cela deviendra une
infraction au sens de cette loi, que de ne pas respecter la parité de
salaire. Cela, je pense que c'est quand même important. Le ministre
comprendra que nous avons indiqué que nous n'étions pas
opposés au principe du travail des femmes la nuit. Je pense qu'en
même temps qu'on ouvre les portes à cette initiative relativement
nouvelle dans notre milieu, faut-il s'assurer d'accorder à la
main-d'oeuvre féminine toutes les garanties nécessaires.
Déjà, le chef de l'Opposition et le député de
Marguerite-Bourgeoys ont insisté sur ce point-là.
Le ministre sait très bien, d'ailleurs, qu'en dépit de
l'existence de cette loi excellente con-
tre la discrimination dans l'emploi, en dépit du fait que
certaines conventions collectives prévoient la parité de salaire,
le ministre sait très bien c'est peut-être malheureux, mais
c'est quand même un fait que certains employeurs ont trouvé
le moyen de contourner le principe par le mécanisme des descriptions de
tâches. Ce que nous voulons, c'est que ce Parlement indique encore
une fois nous ne tenons pas à la formulation mais il me semble
que ce serait une chose intelligente et utile à faire dans la loi que
nous étudions présentement ou que de faire une
référence.
Cela nous apparaît tout à fait opportun de faire une
référence, parce que cela nous apparaît tout à fait
opportun de faire cette référence à la loi contre la
discrimination dans l'emploi et de bien indiquer que les femmes qui
travailleront la nuit, sur cette troisième équipe, devront
recevoir un salaire identique à celui que reçoivent les
travailleurs masculins qui accomplissent un même travail.
Le ministre pourra me répondre qu'il y a déjà, dans
le bill, un paragraphe qui se lit comme suit: « Les taux de
rémunération des employés ne doivent pas être
inférieurs à ceux des employés correspondants des deux
autres équipes. Et, si une prime pour travail de nuit est payée
à une personne faisant partie de l'équipe, elle doit aussi
l'être aux femmes qui en font partie. »
Or, M. le Président, j'ai étudié ce texte-là
avec deux savants conseillers qui, je pense, ont une compétence
égale à celle des conseillers du ministre. De l'avis de ces
conseillers et de mon humble avis, à moi qui ne suis pas avocat, mais
qui suis, comme le ministre, un homme de bon jugement...
M. LESAGE: Est-ce que l'un exclut l'autre?
M. LEFEBVRE: Pas du tout, ce n'est pas ce que j'ai voulu
inférer... je pense, que le paragraphe qu'il y a présentement
dans la loi signifie qu'une femme qui travaille sur la troisième
équipe ne doit pas être payée moins qu'une femme qui
travaille sur les autres équipes. La notion « d'employés
correspondants », ici, c'est loin d'être clair.
Or, ce que nous suggérons au ministre par notre texte
encore une fois, s'il veut le dire en d'autres mots, on n'est pas du tout
chatouilleux sur la question des mots c'est que, conformément aux
dispositions de la Loi contre la discrimination dans l'emploi, les femmes qui
travaillent sur l'une ou l'autre de ces trois équipes reçoivent
une rémunération égale à celle que reçoivent
les travailleurs masculins qui accomplissent un travail identique ou de
même valeur. Je pense que le ministre et ses conseillers en conviendront,
ceci est plus clair que le paragraphe que j'ai lu tout à l'heure et qui
était extrait du bill. Nous n'avons aucune objection au texte qui est
là, mais nous pensons que les deux textes sont complémentaires
l'un de l'autre, en ce sens que le texte proposé par le ministre couvre
bien la parité de salaire entre femmes qui travaillent sur
différentes équipes, tandis que notre texte couvre la
parité de salaire entre hommes et femmes.
Alors, puisque le ministre est pour la parité, qu'il est de bonne
humeur et que le député d'Ahuntsic n'a même pas
parlé en deuxième lecture et n'a pas pu faire fâcher le
ministre...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEFEBVRE: ... je me suis dit: Si je ne le mets pas dans tous ses
états, il va collaborer davantage et les suggestions de bon sens que
nous allons lui faire, il va les accepter.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai fait un effort
louable aujourd'hui.
M. LEFEBVRE: Ah, c'est vrai!
M. BELLEMARE: Je peux considérer que c'est ma meilleure!
M. LEFEBVRE: Je reconnais que vous avez fait une bonne journée,
mais il faudrait la finir en beauté.
M. BELLEMARE: Je pense qu'il faudrait aussi être raisonnable. Dire
que l'on met dans une loi de la Législature, l'obligation d'appliquer
une autre loi. Cela n'a pas de bon sens, c'est une loi comparée. La loi
s'applique par elle-même. Il y a une limite de dire qu'on met dans une
loi, il faut que l'application sévère de l'autre soit
respectée. Seulement, là où je rejoins le
député d'Ahuntsic, c'est dans ses autres propos, ses autres
suggestions, d'accord. Comme le disait cet après-midi, l'honorable
député de Louis-Hébert, nous avons deux recommandations du
rapport Dussault-Mailloux qui ne sont pas incluses dans notre
législation. D'accord, nous allons sûrement les insérer
dans un règlement bien particulier où nous allons, quant aux
permis, quant aux ateliers de travail et quant aux premiers soins à
être donnés, faire une recommandation au conseil des ministres qui
sanctionneront le principe d'une nouvelle réglementation quant à
ces différents aspects.
Je crois que nous avons fait véritablement
une loi qui a été dictée par de longues
études. Le rapport du juge Dussault-Mailloux est fort remarquable. Nous
avons accepté certains amendements qui semblent justifiés et
clarifié la situation encore plus, pour donner toutes les assurances que
c'est véritablement le but que nous recherchions et je pense que nous
avons déjà prouvé notre bonne foi et on ne peut pas
être taxés de vouloir se soustraire à l'obligation que nous
avons de protéger véritablement les femmes qui travaillent la
nuit. Adopté M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Alors article 9, adopté. Article 10?
M. BELLEMARE: Si les amendes deviennent très
sérieuses.
M. GOLDBLOOM: Est-ce que je pourrais me permettre un très bref
commentaire sur la traduction? Un genre de commentaire que je serais
peut-être appelé à faire plus souvent avec la disparition
du conseil législatif.
Je voudrais simplement attirer l'attention du ministre sur le fait qu'en
anglais le mot « gang »...
M. BELLEMARE: Quel mot?
M. GOLDBLOOM: ... a un sens très péjoratif surtout en ce
qui concerne les femmes. Le ministre me répondra peut-être que ce
mot...
M. BELLEMARE: Such a gang! What a gang! M. GOLDBLOOM: ... paraît
dans la loi...
M. BELLEMARE: ... « such a gang » ou « what a gang
» ou...
M. GOLDBLOOM: ... paraît dans la loi originale, et qu'il n'y
aurait pas moyen...
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député peut me faire
une bonne suggestion pour changer « such a gang »?
M. GOLDBLOOM: Le mot « shift ». M. BELLEMARE: « Shift
»?
M. GOLDBLOOM: Ah oui! Et vu que c'est un mot...
M. LESAGE: On s'en sert même en français, on dit le «
shift » de nuit.
M. BELLEMARE: C'est popularisé aujourd'hui. Alors, je n'ai aucune
objection à changer, dans le texte, le mot « shift »
pour...
M. LEFEBVRE: M. le Président, nous prenons note que le ministre
vient de changer de gang.
M. LESAGE: Comme on dit souvent, il a « shifté
»
M. BELLEMARE: Nous autres, nous ne disons pas « shifter »,
nous disons « switcher ».
M. LESAGE: En terme de chemin de fer.
M. BELLEMARE: En terme de chemin de fer.
M. LESAGE: Ah oui!
M. BELLEMARE: Alors, à l'article 10, M. le Président, ce
sont les amendes, qui deviennent très sérieuses et qui permettent
ainsi l'application de la loi. Comme cela, nous les adoptons.
M. LE PRESIDENT: Article 10, adopté. Article 11.
M. BELLEMARE: L'article 11. La loi est amendée pour enlever la
loi de l'emprisonnement. La loi permettait autrefois l'emprisonnement et nous
avons entendu, ici, dans cette Chambre, un grand exposé du
député de Louis-Hébert sur l'emprisonnement, la
discrimination. Alors, nous avons commencé à l'enlever, à
l'enlever complètement.
M. BELLEMARE: Article 12. M. LE PRESIDENT: Adopté. M. LESAGE:
Oui, ça va. M. LE PRESIDENT: Article 13.
M. LESAGE: Les seuls commentaires que nous avions à faire
étalent sur l'article 11.
M. BELLEMARE: L'article 5. Si vous voulez me le permettre, il y a de
marqué, les articles 9, 10 et 11 de la loi sont abrogés. Il y a
eu une erreur de transcription et c'est: les articles 10 et 11 de ladite loi
sont abrogés.
M. LESAGE: Alors, article 9.
M. BELLEMARE : Alors, article 9, parce que, dans les chiffres, ils se
sont un peu mêlés, dans la transcription, ce sont les articles 10
et 11.
M. LEFEBVRE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Rapport du président.
M. BELLEMARE: Un instant, M. le Président, y aurait ici un
amendement un peu particulier que je voudrais bien...
L'article 7, M. le Président, il faudrait remplacer le paragraphe
a). Est-ce que vous voulez en passer aux membres de l'Opposition?
Dans l'article 7, on disait, en remplaçant dans la sixième
ligne le mot 60 par 48. 48 par semaine, dans un établissement
commercial. Cela, c'est bien important.
M. PINARD: Quelle est la comparaison entre établissement
commercial et établissement industriel?
M. BELLEMARE: Pardon?
M. PINARD: Faites-vous une distinction entre établissement
commercial et établissement industriel?
M. BELLEMARE: Si nous faisons une distinction?
M. PINARD: Une distinction, oui?
M. BELLEMARE: Non, non, aucune.
Insérez, après l'article 8 du bill: 9) L'article 18 de
ladite loi est modifié en remplaçant dans les dixième et
onzième lignes du premier alinéa les mots « entre six
heures de l'avant-midi et onze heures de l'après-midi » par les
mots « entre sept heures de l'avant-midi et minuit », parce que
c'est un peu tôt pour les jeunes. A cause du troisième «
shift » comme dirait, l'honorable député de D'Arcy-McGee,
ça peut peut-être commencer après minuit. Parce qu'il y a
des équipes de sept à trois, de trois à onze et de onze
à sept heures. Mais il y a aussi des équipes travaillant de huit
à quatre, de quatre à minuit et de minuit à huit
heures.
M. LESAGE: Un instant.
M. BELLEMARE: Oui, d'accord. C'est à cause des...
M. LESAGE : Il y a une modification suggérée que je
voudrais bien examiner pour un instant.
C 'est la deuxième modification suggérée à
l'article 7 du bill. Je vais l'examiner, cela prendra deux minutes. «
L'article 16 de ladite loi...»
M. BELLEMARE: Nous enlevons « 10,000 âmes ».
M. LESAGE: Un instant.
M. BELLEMARE: L'article 16, troisièmement...
C'est l'article 16.
M. LESAGE: Si je comprends bien, le but de la modification
suggérée est de réduire de 60 à 48 le nombre
d'heures pendant lesquelles une femme ou un garçon au-dessous de 18 ans
peut travailler durant la période des fêtes, et cela dans toute la
province, au lieu que ce soit seulement dans les villes de 10,000
âmes.
M. BELLEMARE: C'est ça, on arrête juste
après»
M. LESAGE: J'ai bien compris, c'est cela?
M. BELLEMARE: C'est ça. Toute cette partie qui parle d'une
cité ou d'une ville de plus de 10,000 âmes est complètement
disparue, pour ce qui concerne le travail dans la période des
fêtes.
M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: Les articles 9 à 18 du bill deviennent
respectivement 10 à 19.
M. FRECHETTE (Président du comité plénier): Merci
beaucoup messieurs. M., le Président, j'ai l'honneur de faire rapport
que le comité a adopté le bill 289, avec des amendements qu'il
vous prie d'agréer.
M. LE PRESIDENT: Le bill amendé est-il adopté?
Adopté.
M. BELLEMARE: Troisième lecture.
Troisième lecture
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose, de
consentement unanime, que le bill 289 soit lu une troisième fois. Cette
motion est-elle adoptée?
M., LESAGE: D'accord, mais je ne voudrais
pas que ce soit pris comme un précédent. Voyez-vous,
lorsque nous apporterons à l'avenir des amendements comme nous venons de
le faire, étant donné que le Conseil législatif n'existera
plus, je pense bien qu'il faudra retarder d'une séance et, à ce
moment-là il faudra...
M. BELLEMARE: Ah oui.
M., LESAGE: ... avoir le texte des amendements, non seulement en
français, mais en anglais aussi.
M., BELLEMARE: J'avais justement préparé tous les
amendements pour en disposer immédiatement au début de
l'étude du bill. Ils sont restés ici sur mon bureau. J'aurais
voulu en distribuer aux membres de l'Opposition pour qu'ils aient le temps de
les regarder. Ce qui m'a le plus dérangé, c'est quand l'honorable
député d'Ahuntsic a dit: Moi aussi, j'en ai. Je me suis mis
à regarder ça avec lui pour les comparer et pour essayer de
trouver la meilleure façon...
M. LESAGE: Indépendamment de la distribution antérieure,
il reste toujours la traduction.
M., BELLEMARE: Oui, c'est vrai. D'accord.
M. LE PRESIDENT: Alors, la motion de troisième lecture est
adoptée.
M., BELLEMARE: M. le Président, j'ai l'honneur de demander
l'ajournement de la Chambre à trois heures lundi. Nous pourrions,
peut-être, commencer, lundi après-midi, avec le bill de
l'université du Québec.
M. LESAGE: Oui, je me suis entendu tout à l'heure avec le premier
ministre pour que nous commencions la journée...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE : ... avec l'étude en deuxième lecture du bill
concernant l'université du Québec.
M. BELLEMARE: Dès que je recevrai de l'Imprimeur de la reine le
bill sur la construction, à n'importe quel temps de la journée,
j'en ferai parvenir des copies à l'adresse de l'honorable chef de
l'Opposition qui les transmettra ou bien, s'il aime mieux que je les fasse
transmettre moi-même.
M. LESAGE: Bien, ce serait peut-être plus facile pour le ministre
de les faire parvenir à l'adresse du député d'Ahunstic,
à Montréal.
M. BELLEMARE: A Montréal, oui, c'est ça.
M. LESAGE: C'est plus facile pour lui que pour moi, en organisant le
service de la sûreté.
M. BELLEMARE: S'ils sont imprimés à ce moment-là
comme bills, je pourrai peut-être les lui faire parvenir, vu qu'il est
à Montréal. Il pourra peut-être voir des amis qui lui sont
chers et qui sont des amis communs,...
M. LEFEBVRE: Je ferai comme le ministre, je verrai mes conseillers.
M. PINARD: Vous commencez à avoir des relations bien
policées.
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. LEFEBVRE: C'est parce qu'il y a tellement de policiers dans le
Parlement, M. le Président.
M. BELLEMARE: Pardon?
M. LEFEBVRE: On parle de relations policées, c'est parce qu'il y
a beaucoup de policiers dans le Parlement.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, pas de balles de neige
à personne. Ajournement à lundi, trois heures.
M. LESAGE: Bonne fin de semaine!
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à lundi, trois heures.
(18 h 36)