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(Onze heures huit minutes)
M. LEBEL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs I
Présentation de pétitions. A l'ordre I Lecture et
réception de pétitions. Présentation de rapports de
comités élus. Présentation de motions non
annoncées. Présentation de bills privés.
Présentation de bills publics.
M. BERTRAND: D.
Bill 88
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première
lecture de la Loi de l'université du Québec.
L'honorable premier ministre.
M. LESAGE : Ce n'est pas ce bruit qui enterrera votre défaite
d'hier.
M. BERTRAND: Ah! mon Dieu! DESVOIX: Ah! Ah!
M. BELLEMARE: Vous faites pitié ce matin.
M. LESAGE: Après la défaite cuisante que vous avez subie
hier, vous avez l'air de gens qui sifflent devant le cimetière.
M. BELLEMARE: Vos prophéties ne se sont pas avérées
bien justes. Vos grandes prophéties!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: C'est effrayant. M. LE PRESIDENT:
A l'ordre!
M. BELLEMARE: C'est se donner un bien mauvais air.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que...
M. LESAGE: Vous rêvez en rose.
M. BELLEMARE : C'est rare qu'on vous voie rire en grimace.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: Le ministre du Travail n'est même pas capable de
sourire, ce matin.
M. BELLEMARE: Ah oui! Ah oui! M. LESAGE: Cela force!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! J'ai l'impression que les membres de la
Chambre ont mal compris l'article que j'ai appelé.
L'honorable premier ministre.
M. BERTRAND: Le projet que je propose crée l'institution de
l'université du Québec. Cette université, qui sera un
organisme cadre, groupera les universités constituantes, instituts de
recherche et écoles supérieures que le gouvernement pourra
constituer à la demande de l'université. Elle pourra
également grouper les autres établissements d'enseignement
supérieur et de recherche que le gouvernement pourra lui intégrer
avec son approbation, après qu'elles en auront fait la demande.
L'université du Québec, de même que les
universités constituantes, aura pour objet l'enseignement
supérieur et la recherche. Elles devront, notamment, dans le cadre de
cet objet, contribuer à la formation des maîtres.
L'université du Québec sera dirigée par
l'Assemblée des gouverneurs, qui comprendra le président de
l'université, nommé pour cinq ans par le gouvernement; le recteur
de chaque université constituante; trois personnes choisies parmi les
directeurs des instituts de recherche et des écoles supérieures;
trois professeurs et deux étudiants des universités
constituantes, instituts de recherche et écoles supérieures,
choisis respectivement par les professeurs et par les étudiants; trois
personnes nommées après consultation des associations les plus
représentatives du milieu des affaires et du travail et, au plus, quatre
vice-présidents de l'université du Québec
désignés par l'Assemblée des gouverneurs.
L'Assemblée des gouverneurs pourra adopter des règlements
généraux régissant l'administration des universités
constituantes, des instituts de recherche et des écoles
supérieures. Le défaut par ces institutions d'obtenir les
approbations qui y sont exigées pourra entraîner la nullité
des contrats qui n'auront pas été soumis à ces
approbations.
L'université comprendra un conseil des études, une
commission de planification, ainsi que toute autre commission qu'elle jugera
à propos de constituer. Le conseil des études,
présidé par le président de l'université,
comprendra le recteur de chaque université ou son
représentant;
quatre membres des cadres supérieurs de ces universités
constituantes, instituts de recherche ou écoles supérieures;
trois professeurs et trois étudiants de ces institutions, choisis
respectivement par le corps professoral et par les étudiants.
Ce conseil préparera les règlements généraux
qui régiront l'enseignement et la recherche dans les institutions
constituantes de l'université et diverses matières connexes. Ce
projet de loi, dans chaque université constituante, sera dirigé
par un conseil d'administration qui comprendra le recteur de
l'université; deux membres des cadres de l'université; trois
professeurs et deux étudiants choisis respectivement par le corps
professoral et par les étudiants; une personne nommée sur
proposition des CEGEP du territoire desservi par l'université; au plus,
quatre vice-recteurs de l'université et trois autres personnes
nommées après consultation de l'Assemblée des gouverneurs
de l'université du Québec.
Des dispositions similaires à celles qui régissent les
universités constituantes s'appliqueront aux instituts de recherche et
aux écoles supérieures. Les universités constituantes, les
instituts de recherche et les écoles supérieures
prépareront chaque année leur budget, ainsi qu'un rapport de
leurs activités pour l'année précédente et les
transmettront à l'université du Québec qui les incorporera
à son propre budget et dans le rapport annuel de ses activités.
Ce rapport sera transmis au ministre de l'Education et déposé
sans délai auprès de la Législature.
M. LESAGE: Le projet de loi prévoit-il l'affiliation de centres
d'études universitaires, soit à l'université du
Québec, soit aux universités constituantes?
M. BERTRAND: Quant aux modalités, je donnerai quelques
détails là-dessus en deuxième lecture, lors de la
présentation du projet de loi.
On pourra le lire. Il y a, à l'heure actuelle, des centres
universitaires à Chicoutimi et à Trois-Rivières. Il n'y a
aucun doute qu'ils pourront faire partie de l'université du
Québec.
M. LESAGE: Le premier ministre m'avait aimablement fait parvenir une
copie dactylographiée du projet de loi qu'il avait l'intention de
présenter. Je l'ai étudié et j'avoue que je n'ai rien
trouvé au sujet des centres d'études universitaires. De
là, ma question.
M. BERTRAND: On parle d'écoles supérieures.
M. LESAGE: Les écoles supérieures ne sont pas des centres
d'études universitaires.
M. BERTRAND: On le verra en comité.
M. LESAGE: Le premier ministre ne répond pas du tout à ma
question.
M. BERTRAND: On y verra en comité.
M. BELLEMARE: E.
M. BERTRAND: Première lecture.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture est-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente.
Bill 83
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première
lecture de la Loi autorisant la Régie des alcools du Québec
à délivrer des permis d'amphithéâtres.
L'honorable premier ministre.
M. BERTRAND: Ce projet de loi, le bill 83, a pour but d'autoriser la
Régie des alcools à délivrer des permis
d'amphithéâtres, en vertu desquels des boissons alcooliques, sauf
la bière en fût, pourront être vendues pour consommation sur
place aux personnes qui assistent à un match ou à un spectacle
dans un amphithéâtre.
La vente pourra se faire depuis une heure avant le début du match
ou du spectacle, lorsqu'il débute entre midi et minuit, jusqu'à
ce qu'il se termine.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture...
M. LAFRANCE: Est-ce que ça comprend les endroits où se
tiennent les matches de lutte et de...
M. BERTRAND: Il s'agit surtout d'amphi-
théâtres de la nature du Forum à Montréal, et
également du stade de baseball qui doit être construit à
Montréal.
UNE VOIX: Chaque cas va être étudié.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente. L'honorable
député de Gouin.
M. MICHAUD: M. le Président.,.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si on me permet d'appeler l'autre article
auparavant.
Bill 84
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre propose la première
lecture de la Loi modifiant la loi de l'Exécutif et d'autres
dispositions législatives.
L'honorable premier ministre.
M. BERTRAND: Le projet de loi, M. le Président, bill 84, a pour
objet d'instituer le poste de secrétaire général du
Conseil exécutif, dont le titulaire sera chargé d'assister ce
conseil dans l'exécution de ses fonctions.
M. LE PRESIDENT: La motion de première lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture à la prochaine
séance ou à une séance subséquente. Affaires du
jour.
M. LAFRANCE: Ma question s'adresse au premier ministre.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si on me le permet, l'honorable
député de Gouin avait d'abord demandé la parole.
Motion d'ajournement M. Yves Michaud
M. MICHAUD: M. le Président, en vertu de l'article 188 de notre
règlement, j'ai l'intention de proposer une motion d'ajournement de la
Chambre, pour discuter une question extrêmement grave et urgente et
d'importance provinciale, savoir: la concentration des entreprises de presse et
d'information dans les mains d'un même groupe financier.
L'affaire grave et urgente dont il importe de saisir la Chambre est
l'escalade du phénomène de concentration des entreprises de
presse au Québec entre les mains des mêmes intérêts
économiques et financiers.
Il n'y a pas, M. le Président, d'autre moyen de saisir la Chambre
de cette affaire. Nous sommes au terme d'une session. L'étude des
prévisions budgétaires des ministères est terminée.
Une motion inscrite au feuilleton différerait, à mon avis,
l'étude de cette question.
Question grave, parce que c'est toute la collectivité
québécoise qui est en cause. La qualité du système
démocratique est fonction, tout le monde le sait, de la qualité
et de la quantité des informations reçues par les citoyens.
La concentration abusive des entreprises de presse, parlée,
écrite ou télévisée, entre les mains des
mêmes intérêts économiques, laisse planer une menace
grave sur l'Etat, les partis politiques et les élus du peuple, les
groupes de pression, et sur la conduite des affaires publiques.
L'Etat, responsable de la satisfaction du droit à l'information,
doit voir à ce que toutes les voix de la discordance et de la
contradiction puissent être entendues. L'affaire est grave parce
qu'à l'heure actuelle, après l'acquisition par les journaux
Trans-Canada du groupe Communica, le 26 novembre 1968, les mêmes
intérêts économiques exercent aujourd'hui un plein
contrôle sur les entreprises de presse et d'information suivantes:
La Presse, Le Nouvelliste, La Tribune, La Voix de l'Est, Le Petit
Journal, La Patrie, Photo-Journal, Dimanche-Matin, Dernière Heure, les
journaux de porte à porte des publications associées, totalisant
1,447,000 exemplaires, plus les postes de radio suivants: CKAC, CHEF, CHLT, C
JBR et les stations privées de télévision: CHLT-TV et C
JBR-TV.
En faut-il davantage pour marquer le caractère grave d'une
situation qui, si elle n'est l'objet d'un examen détaillé,
scrupuleux et attentif tel que le permettent nos règlements
de la part des élus du peuple et des responsables de l'Etat,
risque d'abandonner dans les mains d'une oligarchie financière, une
puissance plus grande que celle de l'Etat, une force éventuellement
capable de contrecarrer les volontés des élus du peuple et de
l'Exécutif? Situation grave, mais également urgente parce que le
journal Le Devoir, il y a quelques jours, en date du 26 novembre 1968,
révélait que le groupe Gelco-Trans-Canada tente d'acquérir
à l'heure actuelle, au moment où je vous parle, le journal Le
Soleil, dont le tirage est de plus de 175,000 exemplaires et le quotidien Le
Droit d'Ottawa qui a un tirage de 45,000 exemplaires.
Question urgente, parce que si ces transactions venaient à se
faire dans un proche ou un moyen avenir, demain, après-demain ou la
semaine prochaine, elles compléteraient la boucle de la plus vaste
opération monopolistique jamais entreprise sur le territoire
québécois, et cela dans un domaine aussi vital, aussi
névralgique, aussi grave de conséquences pour l'avenir du peuple
québécois que celui de l'information. Il est urgent, grave et
impérieux que l'Assemblée législative et ses élus
prennent connaissance des faits qui ont contribué, depuis quelques
années, au phénomène de concentration des entreprises de
presse entre les mains des sociétés Gelco, Corporation des
valeurs TransCanada, Journaux Trans-Canada et Ultima Power Corporation.
Au nom des intérêts supérieurs que nous sommes
appelés à défendre et à protéger ici, nous
n'avons pas le droit de fermer les yeux sur des mouvements de capitaux, des
fusions de sociétés, des transports d'actions qui ont de
redoutables effets sur l'ensemble de la vie politique et économique des
Québécois. Il est urgent que, par le truchement d'une commission
parlementaire ah hoc, d'une commission d'enquête gouvernementale ou par
tout autre moyen que l'Exécutif voudra bien trouver et jugera efficace
et approprié, soit institué dans les plus brefs délais, un
« facts finding board » disposant de moyens légaux et
financiers pour reconstituer dans le menu détail le mouvement, la
mécanique et les véritables animateurs de toutes les transactions
qui ont abouti à la création d'un grand monopole des entreprises
de presse et d'information au Québec.
Il est urgent qu'une solution soit trouvée à brève
échéance. Aucune initiative privée ne pourra, en une
matière aussi complexe, aller au fond des choses, effectuer un travail
sérieux et efficace. L'Etat, par les moyens dont il dispose, est
habilité à intervenir. Il peut et doit le faire en raison de la
gravité et de l'urgence de la situation. Cette intervention de l'Etat
s'impose immédiatement. Elle pourrait, éventuellement, mener
à une revision et une refonte complète de nos lois
désuètes sur la presse au Québec.
Avant que vous-même, M. le Président, et que les
élus de cette assemblée puissent, en toute connaissance de cause,
décider du bien-fondé de cette motion d'ajournement que je
présente, motion explicitant la gravité, l'urgence de la
situation, il me semble essentiel, avec votre permission, que vous preniez
connaissance des faits qui ont provoqué l'escalade du
phénomène de la concentration des entreprises de presse entre les
mains des mêmes intérêts financiers, des faits bruts que je
donnerai sans commentaire. Je laisse, M. le Président, à votre
bon jugement et au bon jugement de mes collègues, le soin de relier ces
faits les uns aux autres, de retrouver le fil d'Ariane perdu dans ces
transactions complexes et inextricables, et d'en tirer les conclusions qui
s'imposent. La recherche bénédictine que je me suis
imposée constitue un dossier de départ, un essai de
compréhension d'un phénomène dont les dimensions
dépassent souvent l'entendement du profane et, parfois, la
compétence des experts. Mais ce n'est pas, M. le Président, parce
que la tâche est difficile qu'il faille abandonner. Pour bien comprendre
la situation, pour bien saisir tous les éléments, il est
nécessaire qu'en quelques minutes je donne le film des transactions qui
ont amené et créé le monopole de l'entreprise de
presse.
M. BELLEMARE: Non, non, non, non!
M. MICHAUD: M. le Président, le premier ministre me fait signe
que non...
M. BERTRAND: Quand on songe...
M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire à ce moment-ci une remarque,
quant à moi du moins. C'est que je veux affirmer mon droit strict
d'entendre l'honorable député de Gouin, chose qui m'est
très difficile présentement, à cause d'un murmure
constant. Deuxièmement, je sollicite le privilège des membres de
cette Chambre de l'entendre de façon très claire et très
nette, parce que j'aurai à rendre une décision. Je ne vous cache
pas, que depuis le départ, j'ai assez de difficulté à
entendre l'honorable député de Gouin. Si on me donne l'occasion
et la possibilité de l'entendre, et à ce moment-là, je
tiens aussi à signaler que, pour les députés qui sont au
fond de cette salle, il y a peut-être un problème que nous
discuterons avec les techniciens. Je voudrais bien, vu ces circonstances, qu'on
me donne l'opportunité et le privilège d'entendre parfaitement
l'honorable député de Gouin.
M. MICHAUD: Le 6 juin 1964, M. Jean-Louis Lévesque se porte
acquéreur du Petit Journal, au coût de $4 millions, par
l'entremise de la Société de gestion Trans-Canada, qui
détient déjà les intérêts de Dupuis &
Frères, l'Industrielle, la Prévoyance, L.-G. Beaubien, et Blue
Bonnets Raceway. Les rapports de presse indiquent que M. Lévesque a
l'intention de fonder un quotidien. Le 10 avril 1965, la Corporation de valeurs
Trans-Canada, M. Lévesque, et la Corporation Gelco, M. Paul Desmarais,
vont vers un rapprochement, M. André Charron, vice-président de
Trans-Canada, et M. Jean Parisien,
Gelco, révèlent, dans une conférence de presse, que
Trans-Canada cède à Gelco 2,200,000 actions à $13, valeur
de la transaction estimée à $31 millions. Le 2 avril 1966, M.
Jacques Brillant, propriétaire de Métro-Express, journal qui
était publié à l'époque et aujourd'hui journal
défunt, acquiert de M. Jean-Louis Lévesque, Corporation des
valeurs Trans-Canada, le Petit Journal, Photo-Journal et Dernière Heure.
Auparavant, Gelco, M. Paul Desmarais, avait recédé à M.
Lévesque ses intérêts dans le Petit Journal. Le 19
septembre 1966, la Tribune, Sherbrooke, la station de radio CHLT et la station
de radio de langue anglaise, de même que la station de
télévision CHLT-TV, passent aux mains de Power Corporation,
auparavant détenteur d'actions de Shawinigan Water and Power et d'autres
compagnies privées d'électricité
précédemment nationalisées. Montant estimé du
rachat de ces actions de Power Corporation, $50 millions à $60 millions.
Le 12 novembre 1966, M. Jacques Francoeur, propriétaire de
Dimanche-Matin, achète la Tribune. Le 25 novembre 1966, le premier
ministre du Québec, M. Daniel Johnson, déclare que le
gouvernement songe à intervenir dans la transaction par laquelle Power
Corporation s'est rendue acquéreur du poste de télévision
de Sherbrooke. Le 10 avril 1967, création d'un nouveau groupe de presse.
Les journaux Trans-Canada Limitée, M. Paul Desmarais, Gelco et M.
Jacques Francoeur fusionnent leurs intérêts. Le nouveau groupe
contrôle Dimanche-Matin, La Tribune, Le Nouvelliste, le Granby
Leader-Mail, les journaux de porte à porte et Les Publications
Associées.
M. Paul Desmarais, Gelco, accède à la présidence du
groupe. Le 7 juillet 1967, M. Paul Desmarais, au nom de la Corporation des
valeurs Trans-Canada, offre d'acheter La Presse, La Patrie et CKAC. L'offre est
faite, non au nom des journaux Trans-Canada, mais au nom de la Corporation des
valeurs Trans-Canada.
Le 8 juillet 1967, M. Claude Ryan écrit dans Le Devoir: « H
existe présentement dans la presse un malaise indéfinissable que
nul n'arrive à définir avec précision. Une commission
d'enquête compétente pourrait aider à saisir les causes et
la nature de ce malaise et en discerner les solutions.
Le 12 août 1967, une loi, sanctionnée par le Parlement du
Québec concernant la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume
et de la compagnie de publication La Presse Limitée, stipule: « La
Corporation de Valeurs Trans-Canada, compagnie constituée en vertu des
lois de la province, est autorisée à acheter les actions de la
compagnie de publication La Presse Limitée ».
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne voudrais pas être
désagréable envers l'honorable député. Sa motion
d'urgence doit se limiter à donner les raisons qui motivent l'urgence du
débat. Là, il est à plaider le fond même de la
motion, comme si elle était adoptée. Il y a une grande
différence entre l'adoption d'une motion d'urgence par la Chambre et la
discussion qui doit s'ensuivre sur le fond même de la question. A ce
moment-ci de nos procédures, l'honorable député doit
donner les raisons qui motivent une motion d'urgence et non pas, comme il le
fait présentement, réciter tout ce qui peut être contenu
dans sa motion.
M. MICHAUD: M. le Président, sur le point d'ordre soulevé
par le ministre du Travail. L'article 188 de nos règlements dit,
à la note 5: « Le député qui désire proposer
l'ajournement de la Chambre pour discuter une affaire grave et urgente doit
énoncer cette affaire ». Or, M. le Président, il est
question d'énoncer. Le dictionnaire Larousse dit au mot «
énoncé » « Ensemble des conditions auxquelles doivent
satisfaire les inconnues d'un problème ».
L'article 188, note 2, dit que « le droit de proposer
l'ajournement de la Chambre est un des droits fondamentaux dans toute
Assemblée législative ». L'on prend bien soin de
préciser qu'il s'agit là d'un des droits les plus fondamentaux et
les plus sacrés.
M. le Président, je soumets respectueusement que, pour saisir
toutes les dimensions de ce problème que je considère
extrêmement grave et urgent, il faut saisir les élus du peuple des
données. J'en ai pour cinq à dix minutes. J'arriverai à la
fusion de Power Corporation et de Gelco et, là, nous verrons où
sont les véritables mécanismes de toutes ces transactions. Je
vous demande respectueusement M. le Président, en vertu des
règlements, de me donner la permission de continuer mon
exposé.
M. LE PRESIDENT: J'ai déjà eu l'occasion de dire aux
membres de cette Chambre qu'il était extrêmement difficile de
traiter de la recevabilité de la question sans en effleurer le fond. Si
on me permet un peu de droit comparé, je dirai que le même
problème se présente en droit civil, au moment d'une injonction.
Par ailleurs, je sais que l'honorable député de Gouin se
réservera des détails intéressants pour la question de
fond, si la recevabilité était déclarée par la
présidence. Alors, je lui demanderais de résumer le plus possible
les détails qu'il veut faire valoir à l'effet qu'un monopole
pourrait s'installer dans le domaine
de la presse, en nous gardant toujours les détails pour le
fond.
M. MICHAUD: Sur la vente de la compagnie de publication La Presse
Limitée au groupe de la Corporation des Valeurs Trans-Canada, je voulais
simplement dire ceci. Je n'ai pas l'expérience juridique pour porter un
jugement, mais je pose la question. Est-ce que la vente par laquelle la
Corporation des Valeurs Trans-Canada propriétaire de la compagnie de
publication La Presse Limitée, a cédé ses
intérêts à Gelco, à M. Desmarais, était
légale? A ce moment-là, la Corporation des Valeurs Trans-Canada
n'est-elle pas obligée de venir devant le Parlement?
M. le Président, je continue...
M. LE PRESIDENT: Malheureusement, je dois interrompre ici l'honorable
député de Gouin parce qu'il va nettement au fond de la question.
A ce moment-là, je dois lui rappeler les directives que je viens de
tracer. J'espère bien qu'ayant établi qu'il s'agissait d'une
question de monopole je pense que c'est ce qu'il tente de faire
présentement il devrait s'en tenir aux très grandes lignes
et permettre ensuite à la Chambre de se prononcer éventuellement
sur la recevabilité.
M. MICHAUD: Après la vente de la Presse, le 12 octobre 1967,
vente de la Voix de l'Est de Granby au groupe Communica, Jacques Brillant; 26
mars 1968, fusion de Power Corporation et de Corporation de Valeurs
TransCanada. Il s'agit d'un actif de $225 millions et d'un contrôle de
capitaux de près d'un milliard de dollars. Le mardi 26 novembre 1968,
les Journaux Trans-Canada, c'est-à-dire messieurs Desmarais et
Francoeur, se portent acquéreurs des intérêts de M. Jacques
Brillant dans Communica. Ce qui veut dire que Le Petit Journal, Dernière
Heure, Photo Journal, le poste CHEF de Granby, le quotidien La Voix de l'Est et
le poste de télévision CJBR-TV, de même que le poste de
radio de Rimouski passent aux mains du groupe Desmarais-Francoeur.
Le groupe Desmarais, par les intérêts qu'il détient
dans Gelco, dans la Corporation des valeurs Trans-Canada et les journaux
Trans-Ca-nada, est à l'heure actuelle le maître incontesté
de la presse québécoise.
Le 26 mars 1968, les journaux annonçaient le projet de fusion de
Power Corporation et de Corporation des valeurs Trans-Canada. Cette
transaction, au moment où je vous parle, est complétée. La
fusion Power Corporation et Corporation des valeurs Trans-Canada implique une
participation égale de Gelco et de Warnock-
Hershey International, qui est une filiale de Power Corporation.
Il est intéressant, et là, nous arrivons non pas au fond,
mais à l'exposé du problème, de savoir qui est Power
Corporation et quels sont les intérêts que détient cette
société, qui vient de fusionner avec Gelco. Power Corporation
détient les intérêts suivants: Gesca Newspapers, on ne sait
pas très bien quelle sorte de société c'est, 100%; Canada
Steamship Line, 45.7%; Provincial Transport, 100%; Blue Bonnets Raceway, 68%;
Imperial Life Insurance Company, 51%; Consolidated-Bathurst, compagnie de
papier, 16.5%; Laurentide Financial Corporation, 48%; Québec
Télémedia incorporée, 50%, de même que des
intérêts dans d'autres sociétés
étrangères.
Le contrôle de Power Corporation est partagé par deux
sociétés. Gelco Entreprise limitée, société
privée contrôlée par M. Desmarais, et Warnock-Hershey
International, contrôlée par les intérêts de M. Peter
Thompson.
M. Paul Desmarais contrôle 56% de la Corporation des valeurs
Trans-Canada, par l'entremise de Gelco. Il y a là deux aspects de ce
problème. Le premier, la consolidation du monopole de presse par Gelco,
les journaux Tr ans-Canada, phénomène local circonscrit au
Québec. Il y a, bien sûr...
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel Je m'excuse d'interrompre l'honorable
député de Gouin, mais je procède dans ce cas-ci comme j'ai
l'habitude de procéder dans d'autres cas. Je me pose la question
à savoir quels seraient les arguments qui pourraient être
amenés lors d'un débat au fond de la question. A ce
moment-là, je ne vous cache pas que j'ai l'impression que l'honorable
député de Gouin nous prive d'une argumentation très
sérieuse, lors de la discussion du fond de la question, si la
recevabilité était déclarée par la
présidence. Je lui demande donc de résumer le plus possible ses
arguments à ce moment-ci, quitte à les réserver pour un
autre moment.
M. MICHAUD: Non pas sur le fond. J'ai réservé mes
arguments de détail, si la motion d'urgence est acceptée, mais,
en soi, le fait de placer le contrôle de la presse
québécoise sous l'autorité d'une seule personne, ou d'un
seul groupe de personnes, c'est constituer, à côté du
pouvoir de l'Etat, un pouvoir parallèle extrêmement puissant et
dangereux, quelles que soient d'ailleurs la qualité, la
compétence, l'impartialité des personnes mises en cause.
Le groupe Desmarais, à l'heure actuelle, par le monopole qu'il
détient, a le pouvoir de faire et de défaire les gouvernements,
de conditionner
l'opinion publique et de mettre au service de ses intérêts
économiques la redoutable puissance de la presse.
Gelco pourrait être, je ne dis pas qu'il l'est, mais pourrait
être le « lobby » le plus puissant auprès du pouvoir
politique. Il n'est pas dit que ce consortium, que ce monopole fasse abus,
à l'heure actuelle, de sa puissance. Mais il n'est pas dit qu'il ne sera
pas tenté un jour de faire sentir sa présence auprès de
ceux qui ont la responsabilité de l'administration des affaires de
l'Etat.
Sur le plan de la fusion de la Corporation des valeurs Trans-Canada
à Power Corporation, nous avons toutes les raisons de croire, bien
sûr, que la Compagnie de publication la Presse est excluse de cette
transaction. Mais que dire de tous les autres journaux qui ne sont pas
protégés par une loi du Parlement, de tous les autres moyens de
communication audio-visuelle, radio et télévision, qui pourraient
passer entre les mains de ce consortium Power Corporation et Gelco?
En ce qui concerne la Presse, le Parlement a signifié son
intention d'être consulté au cas où un seul journal
changerait de propriétaire. Devant une menace d'un transport possible
des actions, qui ferait que tous le s journaux de la presse
québécoise, ou leur ensemble ou leur presque majorité,
passerait à de puissants consortiums financiers, nous serions silencieux
et impuissants? Je dis que c'est grave et urgent de discuter de cette question.
Elle est complexe, je le sais. Elle est difficile, je le sais. Mais ceux qui
ont la responsabilité du pouvoir, au nom des intérêts
supérieurs qu'ils doivent défendre ici, doivent, sans chercher
les sorcières, sans se livrer à des attitudes ou sans se livrer
à des accusations, essayer d'aller au fond des choses. Le seul moyen que
nous ayons, c'est une discussion d'abord sur cette motion d'ajournement devant
le Parlement, et c'est ce comité parlementaire ou cette commission
d'enquête ou tous les moyens que le gouvernement pourra trouver pour
essayer d'aller au fond des choses.
Les intérêts économiques qui relient les
maîtres de la presse québécoise aux colosses de la finance
canadienne sont désormais trop connus, trop reliés pour que nous
n'exercions pas, au nom de la collectivité québécoise, une
surveillance de tous les instants sur les principaux circuits mais au
moins là-dessus et les principaux relais de l'éducation,
de la culture populaire qui sont la presse, la radio, la
télévision et subséquemment le cinéma.
M. le Président, il y a un homme au siècle dernier, qui
s'appelait Lamennais. Son journal mourait. Il a dit ceci: « Nous ne
sommes plus assez riches pour jouir du droit de parler. Silence aux pauvres!
» Est-ce que cela va arriver dans le Québec que des petits
journaux régionaux cela concerne tous les députés
que des voix indispensables au concert de la contestation politique
s'éteignent parce qu'elles ne seront pas assez riches pour parler?
Problème grave et urgent. Je crois qu'il s'agit là
peut-être du problème le plus difficile que nous ayons à
traiter. Mais devant l'ampleur, devant les dimensions gigantesques de ce
problème, il faut se mettre résolument à la tâche
tout de suite pour essayer de trouver des solutions qui satisfassent à
la fois les intérêts des personnes concernées, les
principes de la libre concurrence, de la liberté de mouvement des
capitaux mais aussi les intérêts supérieurs de la nation
canadienne-française dont on parle souvent dans les mots mais qu'on
protège si peu souvent dans les faits.
Pour ces raisons, je propose, appuyé par le député
de Mercier, que la Chambre s'ajourne maintenant pour discuter d'une affaire
grave et urgente, savoir la concentration des entreprises de presse et
d'information dans les mains d'un même groupe financier.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai écouté le
député de Gouin nous parler de l'importance d'un problème.
Il a lui-même ajouté que ce problème était complexe,
difficile, qu'il était important. Il a ajouté qu'il y avait la
certainement une situation qui dénotait de la gravité.
De là à dire que nous devions avoir un débat
d'urgence sur ce problème! Je crois qu'il y a une très grande
différence entre un débat d'urgence sur ce problème et le
problème lui-même. Je déclare immédiatement que,
quant à nous, le débat d'urgence n'apporterait pas grand chose,
même si nous pouvions obtenir des renseignements que nous avons et que le
député de Gouin a donnés a la Chambre, cela, c'est le fond
du problème.
Je puis à ce moment-ci dire ce que j'ai déjà
déclaré. J'ai demandé à nos officiers
légistes au ministère de la Justice d'examiner ce
problème.
Premièrement, examiner les lois qui y sont connexes. On a
parlé de la loi de la liberté de la presse. Nous sommes tous, je
pense, des deux côtés de la Chambre, très
sensibilisés à un problème où un monopole peut
être créé. Nous voulons tous, non seulement que les
parlementaires soient libres mais que, dans une démocratie vi-
vante et vigoureuse, la presse également soit libre. Donc,
premièrement, demande à nos officiers légistes du
ministère de la Justice d'examiner tout ce problème et de se
procurer tous les documents permettant au ministère de la Justice de se
former une opinion.
Deuxièmement, étant donné que ce problème
intéresse non seulement le Parlement, mais est d'importance capitale
pour le Parlement de Québec, pour les deux côtés de la
Chambre, je suis prêt à suggérer que le chef de
l'Opposition et moi-même, le leader parlementaire du gouvernement et le
leader parlementaire de l'Opposition se rencontrent pour voir quel serait le
meilleur moyen d'aborder l'étude de ce problème, peut-être
par la formation d'un comité spécial de la Chambre qui pourrait,
à la lumière des études faites par les officiers
légistes du gouvernement, du ministère de la Justice, faire un
examen en profondeur du problème, des documents qui y sont reliés
et voir jusqu'où nous pouvons aller, à l'heure actuelle, suivant
nos lois.
Nous voulons voir si les lois actuelles nous permettent d'aller aussi
loin que nous le devrions, afin de connaître l'ampleur et le rayonnement
de ce monopole pour que nous puissions faire des recommandations qui
permettraient au Parlement d'adopter les lois qui s'imposent, de manière
à parer à de telles situations.
Voilà, M. le Président, ce qu'à ce moment-ci, je
puis déclarer à la Chambre. Je crois qu'à ce
moment-là le député de Gouinpourrait retirer sa motion de
débat d'urgence.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. LESAGE: M. le Président, je pense bien que le
député de Gouin avait raison de dire qu'il s'agissait d'un
problème grave. Le premier ministre l'a admis.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LESAGE: Problème urgent, dans les circonstances dans
lesquelles nous nous trouvons et problème qu'il est urgent de
débattre, d'examiner. En effet, la session doit se terminer d'ici
quelques jours pour ne reprendre, me dit-on le premier ministre le sait
évidemment mieux que les gens qui croient être bien
renseignés vers le début ou le milieu de
février.
Je pense que, dans les circonstances, il était urgent de
débattre la question. Le premier ministre, acceptant la gravité
de la situation, acceptant indirectement l'urgence du problème...
M. BERTRAND: C'est-à-dire l'importance du problème.
M. LESAGE: Un peu aussi l'urgence.
M. BERTRAND: L'importance, non pas autant l'urgence d'un
débat.
M. LESAGE: J'ai dit « indirectement l'urgence du problème
». Je n'ai pas dit que le premier ministre admettait qu'il y avait
urgence de débat.
M. BERTRAND: Non.
M. LESAGE: Parce que je n'aurais pas dit la vérité; il a
dit le contraire. Je dis qu'indirectement, il a admis l'urgence du
problème.
M. BERTRAND: Ah oui! c'est juste.
M. LESAGE: L'urgence du problème puisqu'il a
suggéré une rencontre de quatre membres de l'Assemblée en
vue d'étudier la possibilité d'établir une commission
parlementaire, un comité de l'Assemblée législative,
comité qui pourrait examiner la situation à la lumière des
renseignements recueillis par les officiers légistes à qui le
premier ministre, comme ministre de la Justice, a donné
instructions...
M. BERTRAND: « A déjà demandé », il y a
plusieurs années.
M. LESAGE: « A donné instructions » je parle
au passé a donné instructions de faire enquête et
d'obtenir les faits pertinents.
Si le premier ministre donnait la garantie que cette réunion de
quatre aura lieu incessamment...
M. BERTRAND: Incessamment!
M. LESAGE: ... et qu'il y a possibilité que la commission
parlementaire qui a été suggérée par le
député de Gouin et que le premier ministre envisage comme mesure
possible, quipour-rait même être satisfaisante, s'il était
possible de prendre une décision avant la fin de la présente
session, de faire une recommandation après cette réunion de
quatre qui a été suggérée par le premier ministre,
je suis convaincu que le député de Gouin n'insisterait pas sur sa
motion. Je ne puis pas parler pour lui, mais je pense qu'il aurait atteint le
but qu'il poursuit puisque lui-même a fait, au cours de ses remarques, la
suggestion de la création d'une commission parlementaire.
M. MICHAUD: M. le Président, étant donné que le
premier ministre vient non pas de s'engager officiellement, mais de dire qu'il
constituerait un comité pour étudier les aspects de ce
problème-là, pouvant éventuellement déboucher sur
l'une ou l'autre des solutions que j'ai proposées, j'aurais simplement
une chose à dire: c'est que ce soit fait dans les délais les plus
courts et les plus rapprochés possible pour éviter si cela
peut se faire que d'autres journaux passent entre les mains du
même monopole.
Etant donné l'accueil agréable qui a été
fait, du côté des ministériels, à la suggestion que
j'ai faite, je consens volontiers à retirer ma motion d'ajournement et
j'espère que ce comité, dont a parlé le premier ministre,
sera constitué dans les plus brefs délais.
M. BERTRAND: Je rencontrerai le chef de l'Opposition avec le leader
parlementaire et notre leader pour examiner l'opportunité
d'établir ce comité et le rôle qu'il pourra être
appelé à jouer, et nous le ferons dans le délai le plus
bref possible. Je m'entendrai avec le chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Richmond.
Questions et réponses
Manifestation
M. LAFRANCE: M. le Président, ma question s'adresse au premier
ministre et peut-être également au ministre d'Etat
délégué à l'Education. Comment se fait-il qu'un
jeudi matin, à dix et onze heures, des milliers d'enfants, de 10 ans
à 16 ans, ne soient pas à leur cours, et qu'ils puissent venir
manifester, avec des autobus scolaires, devant le Parlement?
M. MORIN: M. le Président, j'ai pris certaines informations
auprès de la direction de la Commission scolaire de Québec. Je
n'ai pu malheureusement rejoindre le président, M. Bhérer. J'ai
d'abord parler à un M. Normandeau, de la direction
générale, et, par la suite, M. Emile Arteau, adjoint du
président, m'a téléphoné pour me dire qu'il n'avait
donné aucune autorisation à qui que ce soit dans ce
sens-là. Plusieurs directeurs d'écoles l'auraient appelé
pour lui demander l'autorisation de laisser les étudiants venir
manifester devant le Parlement. Il leur a dit qu'il n'en était pas
question, que les professeurs devaient être en classe de même que
les élèves, qu'il y avait de la classe comme d'habitude.
Cependant, il a ajouté qu'il avait dit aux di- recteurs: S'il y a
des étudiants qui veulent absolument quitter les classes pour aller
manifester, de ne pas les retenir de force.
M. LAFRANCE: M. le Président, question additionnelle. Comment se
fait-il qu'on laisse dans les écoles du Québec certains
professeurs, qui seraient les complices de certains agitateurs, et qu'on
manoeuvre comme ça des enfants qui viennent à une espèce
de « party »,qui ne comprennent absolument rien à ces
manifestations-là et qui mangeront des coups demain pendant que certains
agitateurs se cachent? Je pense qu'il y a des limites et le gouvernement est
responsable de l'ordre public. Je ne dis pas de prendre des matraques. On
devrait au moins exercer une certaine discipline dans nos écoles.
M. Jean-Jacques Bertrand
M. BERTRAND: M. le Président, nous vivons, et je me permettrai
seulement quelques mots, nous vivons à l'heure actuelle, aucun doute de
cela, une période troublée. Un article, ce matin, qui est
signé par André Poisson, dans le Journal de Québec,
s'intitule comme suit: « Menace de mort contre Bertrand. Le Parlement
pris d'assaut ce matin ». Et je lis la nouvelle: « Depuis au moins
cinq semaines, le chef du Mouvement pour l'intégration scolaire, M.
Raymond Lemieux, qui, apparemment, dirige le mouvement ce matin devant le
Parlement... »
M. HOUDE: II est entrain de parler.
M. BERTRAND: « ... parcourt les principaux centres du
Québec pour redemander à tous ceux qui s'objectent au projet de
loi du premier ministre Bertrand sur les droits linguistiques, d'occuper
l'immeuble principal du Parlement, aujourd'hui, le 5. « C'est
effectivement ce matin, à onze heures, que M. Bertrand doit
déposer son bill devant les membres de l'Assemblée
législative, projet de loi qui donnera aux parents le droit de faire
éduquer leurs enfants dans l'une ou l'autre des langues officielles.
« En conséquence, après la campagne intensive de M. Lemieux
et de divers groupements nationalistes, l'on s'attend à ce que pas moins
de 1,000 manifestants se rendent ce matin au Parlement et y occupent tous les
locaux. « M. Lemieux a déclaré que cette manifestation doit
montrer l'opposition de la population québécoise à la
politique linguistique du gouvernement. Déjà, l'on apprenait hier
qu'au moins dix autobus ont été nolisés pour transporter
des étudiants de l'UGEQ, des CEGEP et autres institutions de
Montréal à Québec.
« Enfin, un coup de téléphone anonyme reçu
à la station radiophonique CKLM à Montréal
révélait que si M. Bertrand présentait son projet de loi,
un groupe isolé verrait à le faire sauter. La police a
été alertée, mais elle n'a pu retracer l'individu en
question ».
M. le Président, les menaces qui peuvent être faites ne
m'effraient pas, pas plus qu'elles n'effraient aucun des membres du Parlement
de Québec.
Mais, il y a une chose certaine. Dans toute société bien
organisée, l'ordre doit régner. Cet ordre doit régner par
le respect de l'autorité. Que l'on exerce des libertés, qu'on les
exerce suivant les procédés démocratiques, mais de
grâce, qu'on ne dérange pas toute une génération
d'étudiants, d'enfants âgés de 10 à 12 ans, en les
conduisant devant le Parlement, en leur faisant poser des actes au sujet
desquels ils ne devraient porter aucune responsabilité. Que l'on veuille
donc comprendre, une fois pour toutes, qu'il y a un Parlement composé
d'élus, qui prendront leurs responsabilités devant la population
du Québec, et qui le font dans l'exercice de leurs droits
parlementaires, en respectant les opinions des autres. Mais, on est en train de
créer un climat d'agitation, de discorde, de chaos dont notre population
ne veut pas, j'en ai la conviction.
Si on nous reproche, à nous, parlementaires, nos défauts,
nos faiblesses, nos erreurs, que les maîtres d'écoles lisent donc,
dans le volume du rapport Parent, ces chapitres importants où l'on parle
de la qualité des maîtres, qui doivent appuyer l'autorité
dans les écoles et qui doivent également apprendre aux
élèves à respecter les institutions qui sont les
nôtres, les institutions parlementaires en particulier. Dans toute cette
affaire, il y a des extrémistes, des fanatiques, des gens qui ne veulent
pas entendre raison. Au Parlement de Québec, nous sommes tous conscients
de ces problèmes dont j'ai parlé dans les déclarations que
j'ai faites à la Chambre, le 27 novembre dernier, problèmes de
culture et de langue, problèmes délicats, problèmes
difficiles, problèmes où les préjugés raciaux
peuvent être facilement soulevés de même que les
passions.
Qu'on m'accuse de trahison, on peut être sensible à ces
propos. Je veux passer là-dessus. Je n'ai qu'un but. Mes
collègues n'ont qu'un but. Je pense que, des deux côtés de
la Chambre, nous n'avons qu'un but: assurer que la majorité francophone
au Québec puisse exercer davantage ses droits, que la minorité
anglophone voie les siens protégés dans le respect d'un
rayonnement plus grand du français au Québec.
Malheureusement, nous devons le constater tous, nous sommes, a ce
moment-ci, à tenter de régler des problèmes ou de poser
des jalons pour les régler. Ces problèmes, je les ai
qualifiés l'autre soir: problèmes quasi centenaires,
problèmes que nous avons laissés traîner, problèmes
qui se sont accumulés. Je ne veux faire de reproche à qui que ce
soit. Problèmes qui se sont aggravés, mais que nous pourrons
régler beaucoup plus facilement dans un climat d'ordre, où
régneront la justice, un esprit de compréhension, de bonne
volonté et de dialogue.
Devant les menaces, devant la force, devant le désordre nous ne
tolérerons pas et, s'il le faut, nous appliquerons la force pour que les
extrémistes entendent raison au Québec.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'honorable chef de l'Opposition me
permettrait juste une remarque à ce moment-ci? Ce n'est pas pour le
priver d'un droit de parole, que j'ai bien l'intention naturellement de lui
accorder, mais pour lui signaler que nous sommes à la période des
questions. Naturellement, la réponse de l'honorable premier ministre a
été plus longue que pré -vue, à cause de l'ampleur
de la question. Je voudrais être relevé de l'obligation que j'ai,
à ce moment-ci...
M. BERTRAND: Vous l'êtes, M. le Président, et le chef de
l'Opposition aussi.
M. LE PRESIDENT: ... de laisser le droit de parole.
L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, laissez-moi vous dire que, de ce
côté-ci de la Chambre, nous comprenons parfaitement les sentiments
qui animent le premier ministre et qu'il vient d'exprimer.
Nous partageons son inquiétude. Nous vivons une période
troublée, fort troublée, une période tris difficile. Il y
a, hélas, chez nous, trop de fanatiques qui ne mesurent ni les
conséquences de leurs actes, ni les conséquences de leurs
paroles.
On m'a dit que, dans une école de Québec, on avait dit, ce
matin, à des enfants de 13, 14 et 15 ans, de se présenter devant
le parlement pour sauver la langue française, parce que le Parlement
était pour abolir la langue française aujourd'hui, parce que le
Parlement était pour adopter une loi qui serait telle qu'à
l'avenir ils ne pourraient plus parler leur langue dans la province de
Québec.
UNE VOIX: C'est épouvantable.
M. LESAGE: Les jeunes qui ont été questionnés, des
jeunes impubères... Quand je pense qu'il y en avait de 12 ans, de
l'âge de mon petit gars, c'est épouvantable!
UNE VOIX: Six ans.
M. LESAGE: On embrigade ces pauvres enfants qui n'y comprennent rien.
Tout ce qui résulte de ces incitations à la violence...
M. BERTRAND: A la violence!
M. LESAGE: ... chez les jeunes, chez les petits jeunes, c'est de les
habituer à manifester et de leur préparer une vie où ils
croient que l'illégalité, c'est courant et c'est permis.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: Je ne saurais trop appuyer le premier ministre lorsqu'il dit,
en d'autres termes...
UNE VOIX: C'est scandaleux.
M. LESAGE: ... qu'il faut absolument que nous empêchions que
l'illégalité devienne une chose considérée comme
normale dans le Québec. C'est ça qui est dangereux. C'est
d'autant plus dangereux quand on commence à habituer tout jeunes nos
citoyens de demain à vivre dans un tel climat.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de parler très
longtemps. Le premier ministre a bien dit ce qu'il avait à dire et il
s'est exprimé en notre nom à tous. C'est entendu qu'il faut
prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser non seulement le
désordre, mais aussi les appels directs ou indirects au désordre
et à l'anarchie.
M. BELLEMARE: C'est vrai ça.
M. LESAGE: Je serai, évidemment, le dernier à proposer que
l'on réprime la violence par la violence, mais il faut quand même
que la liberté, qui est à la base même de notre
régime démocratique ne devienne pas l'agent, le moteur
même, de la destruction du régime.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. LESAGE: La loi doit être respectée. Nous devons
éviter par tous les moyens possibles l'utilisation de la violence et
même de la force physique. Nous devons prendre tous les moyens de
persuasion, d'éducation civique il y en a pour que nos
jeunes comprennent qu'il est essentiel, si l'on veut vivre et progresser, nous
au Québec, quelle que soit notre langue, quelle que soit notre origine
ethnique, il est essentiel dis-je, de vivre dans la légalité,
dans l'ordre et dans la paix.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Gatineau.
Etats des routes
M. FOURNIER: En l'absence du ministre des Transports, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. Le ministre des Transports a
transmi, avec les documents de renouvellement de permis d'automobile, une
indication voulant qu'un service de renseignements sur l'état des routes
soit établi dans toutes les régions du Québec» Or,
je constate que Hull n'est pas comprise dans les régions du
Québec et qu'il faut s'adresser à Amos pour avoir des
renseignements. Est-ce que le premier ministre a l'intention d'établir
un service de renseignements de routes pour la région de l'ouest du
Québec, soit à Hull?
M. BERTRAND: II n'y a aucun doute. Mais je prends avis de la question du
député de Gatineau.
Pouvoirs d'emprunt des universités
M. BERTRAND: Si l'on me le permet, le chef de l'Opposition m'avait
demandé si l'université Laval avait obtenu des pouvoirs
d'emprunt: Laval aurait obtenu de tels pouvoirs par la Loi 14, George VI,
chapitre 140.
M. LESAGE: Loi 14, George VI.
M. BERTRAND: Loi 14, George VI. Quant à l'université
McGill...
M. BELLEMARE: Chapitre 140.
M. BERTRAND: ... quant à l'université McGill, nous
attendons des nouvelles aujourd'hui; je donnerai également le
renseignement au chef de l'Opposition.
M. LESAGE: On comprend pourquoi j'avais posé cette question.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: C'est à cause de lanouvelle loi des investissements
universitaires.
M. BERTRAND: C'est ça. Bishop, de l'université Bishop.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président, ce serait pour les travaux de la
Chambre. Le comité du code municipal va siéger
immédiatement, de consentement unanime.
M. LESAGE: Enfin, est-ce que cela vaut réellement la peine?
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: Il y a un dîner officiel à midi et demi.
M. BELLEMARE: Ah oui, c'est vrai, vous avez un dîner.
M. BERTRAND: Nous avons un dîner. M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: Alors disons donc... Est-ce que nous pourrions nous
entendre pour cet après-midi, à 3 heures, à la reprise des
travaux? A 3 heures, le comité du code municipal siègera en bas.
Nous adopterions aussi en deuxième lecture, pour être
référé en bas, le bill 286 qui est similaire au bill 285:
les amendements au code municipal.
Je ferais motion pour que je sois remplacé à ce
comité par M. Leduc, le député de Laviolette.
M. LESAGE: Je crois que le député d'Olier est revenu
à Québec. De toute façon, je pense que mon nom devrait
disparaître de la liste des membres du comité du code municipal et
que celui du député d'Olier, M. Fernand Picard, devrait le
remplacer.
M. BELLEMARE: Six.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. LESAGE: Un instant! C'est l'intention du ministre de
référer tout de suite, au comité des affaires
industrielles, le bill du conseil supérieur et celui du travail des
femmes la nuit?
M. BELLEMARE: Six.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre. Auparavant, est-ce que je dois comprendre
que c'est le voeu de la Chambre que la loi modifiant de nouveau le code
municipal soit lue une deuxième fois ce matin?
Est-ce que c'est le voeu de la Chambre que la loi modifiant de nouveau
le code municipal...
M. BELLEMARE: Oui.
M. LE PRESIDENT: ... que le bill 286 soit lu une deuxième fois ce
matin?
La motion en deuxième lecture sera-t-elle adoptée?
Adopté.
M. BELLEMARE: Six.
M. LAFRANCE: M. le Président, est-ce que les galées du
bill de l'OPTAT sont disponibles? Le ministre a dit qu'elles étaient
sous impression. Il y a deux jours...
M. BERTRAND: Elles sont sous impression et dès que nous aurons
les galées, nous vous les transmettrons.
M. LAFRANCE: « Ses impressions » ou « sous pression
»?
M. BERTRAND: Non, sous impression. M. BELLEMARE: II fait bonne
impression. M.BERTRAND: Il vafaire bonne impression. M. BELLEMARE: Six.
Bill 287
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose la
deuxième lecture de la Loi du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Pour le comité du code municipal, c'est la liste de
ceux qui étaient sur la liste d'hier, moins mon nom et celui de M.
Leduc.
La tentation serait grande, ce matin, de succomber à des appels
démagogiques et de porter, à l'endroit de certaines personnes ou
de certains mouvements dans cette province, des accusations et surtout de faire
des mises au point que je pourrais sûrement faire très en-
flammées et qui auraient probablement le ton d'une
réplique. Ce n'est ni le temps, ni le lieu pour attaquer, et lancer
contre certaines personnes ou certains mouvements des accusations, des injures,
ou même susciter un débat sur la place publique.
J'ai déclaré à maintes reprises, depuis que
j'assume la lourde responsabilité du ministère du Travail, que le
ministère du Travail devait adopter des attitudes qui seraient en
conformité avec la réalité d'aujourd'hui. Je n'ai pas
besoin de vous dire qu'ici, ce matin, je ne veux pas faire un débat
général sur toutes les relations du travail. Il s'agit d'une loi
organique d'un ministère, d'une loi organique qui va d'abord
restructurer, et qui va apporter sûrement des avantages
bénéfiques à l'endroit de tout le monde du travail,
employeurs comme employés.
Il fallait d'abord, je crois, et avant tout, établir des
structures nouvelles pour répondre à de nouveaux besoins. Il
fallait, dans la seconde phase de l'opération, trouver les hommes les
plus compétents, les mieux renseignés, les esprits les mieux
préparés, pour les mettre en place, afin que ces hommes
compétents, extrêmement dévoués, puissent rendre
service à la collectivité et à l'intérêt
public.
Ces structures et ces hommes ayant été trouvés nous
permettent aujourd'hui d'entreprendre une grande politique de rénovation
au point de vue de la législation du travail. Ceci permettra, je crois,
dans la province de Québec, à tous ceux qui auront recours
à ces structures et à ces hommes, de pouvoir laisser passer
à travers ces hommes et ces structures, nos politiques bienfaisantes du
ministère du Travail.
Il y a, dans ce domaine du travail, beaucoup d'incompréhension.
Il y a aussi, en même temps, beaucoup d'intérêts en jeu.
C'est pourquoi le ministre du Travail, avec l'équipe qui est aujourd'hui
en place, est heureux de dire au monde du travail que nous n'avons jamais
été équipés de structures valables et d'hommes
compétents, comme nous le sommes présentement. C'est ce qui nous
permet aujourd'hui de pouvoir commencer une série de législations
fort importantes.
Je soumets d'abord à la Chambre, pour cette période de fin
de session, cinq projets de loi. Il est donc normal que ce nouveau programme
législatif commence par cette loi organique du ministère. La loi
qui nous régit, au ministère du Travail, remonte à
trente-sept ans, 1931, et n'a subi depuis que quelques amendements mineurs,
dont le changement de département du Travail en ministère du
Travail.
On avait pris l'habitude, depuis de nombreu- ses années, de dire:
Le ministère du Travail, c'est un petit ministère. Je suis
à la Chambre depuis plusieurs années, et combien, tous les
gouvernements, quels qu'ils soient, disaient du ministère du Travail:
Bien, cela passera pendant quelques heures, ce ne sera pas long, le
ministère du Travail est un petit ministère.
Je dis que ce n'est pas un petit ministère. C'est aujourd'hui un
grand ministère, dont le rayonnement à travers le monde ouvrier
permettra demain d'établir un meilleur climat de relations patronales et
ouvrières.
M. LESAGE: M. le Président, si l'atmosphère n'était
pas si bonne ce matin, je dirais que c'est vrai, c'est un gros ministère
avec un petit ministre.
M. BELLEMARE: M. le Président, je suis prêt à dire
que c'est un petit ministre, mais je n'en trouve pas beaucoup, ni de mon
côté ni de l'autre, qui le prendraient, le ministère du
Travail, aujourd'hui.
M. LESAGE: II n'est pas facile.
M. LAPORTE: Essayez donc. Faite s'en l'expérience.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis donc: établir un
meilleur climat Ce n'est pas avec des mots, des phrases ou avec de la
législation, quand même il y en aurait plein le livre, plein le
code du travail, ou avec toutes les lois administratives du ministère,
qu'on va pouvoir établir un meilleur climat industriel, de relations
patronales et ouvrières. Ce sont et les hommes et les faits qu'il faut
changer.
Dans l'esprit des gens qui ont à administrer les lois du travail,
il doit exister d'abord et avant tout le sens véritable de la
responsabilité ministérielle, ce sens qui veut qu'un ministre,
qu'il soit du ministère du Travail ou de la Santé, fasse
équipe, soit solidaire dans un gouvernement. Il reçoit les
félicitations, les injures et les blâmes. Nous sommes solidaires
les uns les autres, et nous n'avons posé, je pense, dans
l'administration de la chose publique au ministère du Travail, aucun
geste, sans être bien sûrs qu'au cabinet des ministres
particulièrement, on serait solidaire des politiques émises.
Pour être un homme public aujourd'hui, particulièrement au
ministère du Travail, il faut apprendre, d'abord et avant tout, à
se renseigner. Le ministre du Travail se doit d'avoir ses antennes, d'avoir ses
renseignements, d'avoir la chance, le privilège d'obte-
nir tous les renseignements nécessaires à la bonne
administration du ministère.
Le ministre du Travail doit être aussi conseillé, d'abord
par ses hauts fonctionnaires, sous-ministres, directeurs
généraux, par tous ceux qui, dans le mouvement du travail,
peuvent aussi lui apporter leur quote-part, centrales syndicales, monde
ouvrier, membres des groupes des employeurs, il doit se renseigner,
consulter.
M. LEFEBVRE: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. BELLEMARE: Certainement.
M. LEFEBVRE: Puisque le ministre parle de se renseigner, est-ce qu'il
pourrait informer la Chambre du résultat de l'entrevue qu'il devait
avoir hier avec les représentants des centrales syndicales?
M. GABIAS: Soyons sérieux.
M. BELLEMARE: M. le Président, consulter, se renseigner et
éviter de faire de la démagogie.
Pour faire de la démagogie avec le ministère du Travail,
on n'aurait qu'à adopter l'attitude que vient de prendre l'honorable
député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M. BELLEMARE: J'estime que ce serait de la démagogie.
M. LEFEBVRE: J'ai posé une question bien polie au ministre.
M. BELLEMARE: J'ai dit, au début de mes remarques, que la
tentation...
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'invoque mon privilège.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... est grande, ce matin...
M. LESAGE: Le ministre du Travail connaît mieux les
règlements que ça.
M. BELLEMARE: M. le Président, une question de privilège
ne peut être soulevée que quand l'honneur est mis en jeu.
M. LESAGE: Et tout de suite.
UNE VOIX: Ce n'est pas à vous d'en décider, c'est au
président.
M. BELLEMARE: Je ne crois pas que l'honneur de l'honorable
député ait été mis en jeu.
M. LAPORTE: Laissez décider le président. M. BELLEMARE:
Oui.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic, sur une
question de privilège.
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre du Travail...
M. GABIAS: II n'a pas parlé de vous; il a parlé de
démagogie.
M. LEFEBVRE: ... à la suite d'une question que j'ai posée,
a dit: Si l'on veut faire de la démagogie, on n'a qu'à faire ce
que vient de faire le député d'Ahuntsic. Je demande au ministre
de retirer ses paroles parce que tous les membres de cette Chambre admettront
qu'il n'y a rien de démagogique à poser une question comme celle
que j'ai posée. Si le ministre le prend sur ce ton-là, le
débat va être laborieux.
M. BELLEMARE: M. le Président, laborieux ou non, le chantage du
député... Je suis député de cette Chambre, je suis
ministre; j'ai des législations à présenter et je vais les
présenter envers et contre tous, même contre le
député d'Ahuntsic.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition sur une question
règlement.
M. LESAGE: M. le Président, je crois que le ministre du Travail
devrait se rendre de bonne grâce à la demande du
député d'Ahuntsic...
M. BELLEMARE: Qu'y a-t-il d'antiparlementaire?
M. LESAGE: ... et retirer l'accusation de démagogie qu'il a
portée à son endroit et retirer aussi, comme ça devrait
lui convenir ce matin, le mot « chantage ».
M. BELLEMARE: Non, non, M. le Président. C'est fini, il y a belle
lurette ces affaires-là. Je n'ai pas manqué au règlement.
Si j'ai manqué au règlement, dites-le moi.
M. LESAGE: Bien, oui, c'est ce que je demande au président.
M. BELLEMARE: Le président me le dira. Pas vous.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai procédé par forme
interrogative. Je n'ai pas cherché à imposer quoi que ce soit au
ministre du Travail. «Fai pensé, cependant, qu'avant que vous lui
imposiez de retirer les paroles antiparlementaires qu'il a prononcées,
je pouvais...
M. LAPORTE: II faudrait l'expulser de la Chambre.
M. LESAGE: ... indirectement, en m'adressant à vous, lui
permettre de réfléchir un peu et de retirer volontairement ce
qu'il regrettera dans une heure.
M. LAPORTE: M. le Président, vous devriez l'expulser,
comme...
M. LE PRESIDENT: J'ai, bien sûr, saisi le mot «
démagogie »; je n'ai pas compris, cependant, qu'il s'appliquait au
député d'Ahunt-sic lui-même.
M. LAPORTE: C'est peut-être aux lustres ou aux galeries!
M. LE PRESIDENT: J'ai également compris l'expression «
chantage » que l'honorable ministre du Travail a employée. Je sais
que, de très bonne grâce, il va accepter de retirer ces deux
expressions.
M. BELLEMARE: M. le Président, vu que vous êtes le
maître des débats dans cette Chambre et que vous jugez que ce
n'est pas parlementaire, je serais le dernier à vous
désobéir. Je continue donc, M. le Président.
M. LESAGE: II faudrait obéir.
M. LAPORTE: Vous avez continué, mais pas assez loin; il faudrait
retirer les paroles.
M. BELLEMARE: Alors, M. le Président, vu que c'est votre
désir que je continue mon intervention dans des termes parlementaires,
si j'ai manqué à mes devoirs, je m'en excuse auprès de la
présidence et je continue.
M. LESAGE: Ce sont des jeux d'enfant.
M. BELLEMARE: M. le Président, je disais donc qu'un homme public
doit, surtout lorsqu'il a la responsabilité de l'administration,
apprendre à se renseigner et à consulter.
La consultation il faut se comprendre ne se fait pas par
des télégrammes ou par des menaces, d'où qu'elles
viennent. Ce n'est pas cela que nous allons appeler de la consultation.
M. LAPORTE: Cela, c'est de la constatation.
M. BELLEMARE: Je dis que j'ai été celui qui,
jusqu'à maintenant, a le plus compris ses responsabilités d'homme
public, comme ministre du Travail, qui a consulté et qui a reçu
des conseils.
J'accepte le dialogue, j'accepte les représentations que les gens
veulent me faire quand elles sont constructives et faites dans le but d'aider
un gouvernement ou un ministre en place, mais pas quand on veut lui imposer des
décisions ou un point de vue qui ne serait pas dans
l'intérêt public.
La période du dialogue, des renseignements et des conseils
passée, je crois que, dans cette Chambre, notre responsabilité,
c'est de décider de faire quelque chose. Quand une législation a
été préparée après maintes consultations, il
appartient au ministre de légiférer et de décider dans
l'Intérêt public.
Est-ce que ce sont les mouvements de pression des corps
intermédiaires qui vont chercher dans le peuple des mandats pour
être députés et ministres? Quand on va se faire
élire auprès de la population, on demande un véritable
mandat pour être, dans cette Chambre, les législateurs et pour
décider, quand il y va de l'intérêt public, au nom de la
démocratie et de ceux qui nous ont confié ce mandat.
On ne peut pas accepter qu'on fasse des lois dans cette Chambre
et je ne participerai pas à ça qui auraient
particulièrement comme fin d'accorder tout ce qu'on demande d'un
côté et de refuser tout ce qu'on demande de l'autre
côté. Non, M. le Président. Après avoir entendu les
parties, ceux qui, dans le monde du travail, sont le plus près de moi,
mes meilleurs conseillers, ceux qui ont acquis un prestige exceptionnel reconnu
partout et qui ont vécu dans le monde du travail depuis des
années, je les ai associés à la grande mission que je me
suis donnée d'essayer d'établir dans la province de Québec
des structures et des législations qui soient conformes d'abord à
l'intérêt public bien servi et bien représenté et
à toute la population en général.
M. le Président, le pouvoir de décision nous appartient.
Nous allons, tous les 4 ans, devant le peuple chercher un mandat. Ce mandat
veut que l'on soit élu ou battu. Ensuite, nous faisons partie d'une
équipe qui va, elle aussi chercher
un mandat devant le peuple avec un programme. Cette équipe est
élue ou battue. Lorsqu'elle est élue, M. le Président, ces
hommes publics ont le pouvoir d'administrer.
Avant de passer à la loi organique du ministère du
Travail, vu que l'honorable député d'A-huntsic prétend que
j'ai refusé de recevoir une délégation hier soir, je
voudrais vous mettre bien au courant des faits pour que vous soyez
sensibilisés au problème. J'ai reçu, hier matin, à
dix heures trente...
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse auprès de l'honorable ministre du
Travail. Est-ce qu'il n'y aurait pas eu une entente à l'effet de
suspendre les travaux à midi trente, à cause de la
réception officielle?
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas eu connaissance de
l'entente; on ne m'a pas averti.
Mais je n'ai aucune objection à la suspension des travaux de la
Chambre jusqu'à trois heures. En même temps, je voudrais vous dire
que le lieutenant-gouverneur, que j'ai rencontré ce matin, est bien
d'accord pour recommander l'étude de ce projet de loi à la
Chambre.
M. LE PRESIDENT: La Chambre suspend ses travaux jusqu'à trois
heures cet après-midi.
Reprise de la séance à 15 h 2
M. LEBEL (président): Al'ordre, messieurs! A l'ordre! Je regrette
de mettre fin à ce dialogue intéressant, mais l'honorable
ministre du Travail a la parole.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable député
de Saguenay était à me rappeler des souvenirs d'une jeunesse fort
troublée...
M. LESAGE: Et bien remplie.
M. BELLEMARE: ... et bien remplie, ah oui! ah oui! A la fin de mes
remarques, à midi trente, à la suspension des travaux de la
Chambre, j'étais à établir clairement les faits, pour
qu'on ne les dénature pas dans l'opinion publique et pour qu'on puisse
avoir la vérité vraie comme on dit, sur les
événements qui se sont déroulés.
M. le Président, il a été question ce matin, dans
une intervention de l'honorable député d'Ahuntsic, d'une
délégation qui aurait demandé d'être reçue
par le ministre du Travail, hier.
Les faits sont les suivants: en arrivant à mon bureau, hier
matin, vers dix heures trente j'étais arrivé plus
tôt on m'a remis un télégramme, daté de
Montréal, le 3 décembre 1968, et qui m'avait été
expédié vers sept heures, la veille au soir. Ce
télégramme se lisait comme suit: « L'honorable ministre du
Travail, « Hôtel du gouvernement, « Québec. «
Des lois du travail ont été déposées la semaine
dernière devant les Chambres. Il s'agit des bills 287, 288, 289. Vous
avez indiqué qu'une loi concernant les relations intersyndicales dans la
construction serait déposée devant la Chambre le jeudi 5
décembre. Vous avez déclaré au téléphone,
lundi matin, au président de la CSN que vous prévoyiez que ces
projets de lois seraient adoptés avant la fin de la session qui,
d'après vous, doit se terminer samedi le 7 décembre. La CEQ, la
FTQ, la CSN sollicitent une rencontre avec vous pour discuter des projets de
loi. »
Nous vous demandons, en raison de la rapidité avec laquelle le
gouvernement entend procéder, une rencontre pour mercredi le 4
décembre 1968, à 2 h 30 p.m. àvos bureaux de ministre,
à l'édifice Delta, à Québec, ou encore à une
autre heure ou à un autre endroit qui pourraient vous convenir. «
Signé Louis Laberge, président FTQ, Raymond Laliberté,
président CEQ, Marcel Pepin, président CSN. »
Immédiatement, M. le Président, quelques minutes
après la réception de ce télégramme, j'ai
moi-même adressé à ces trois signataires le
télégramme suivant: « A 10 h 30 a.m., ce matin, mercredi le
4 décembre 1968, ai reçu votre télégramme
envoyé mardi 3 décembre à 6 h p.m. Recevrai avec plaisir
les trois personnes signataires du télégramme à mon bureau
du Parlement à 8 h p.m., ce soir. » Signé: Maurice
Bellemare.
On m'avait demandé, M. le Président, de dire l'heure,
l'endroit, et je pense que c'est aussi mon privilège comme ministre de
recevoir les présidents de la CEQ, de la FTQ et de la CSN, quand ils me
le demandent. Il n'était pas question de l'exécutif dans le
télégramme qu'ils m'avaient envoyé. Il était
question des groupements représentatifs mentionnés, et surtout
des présidents signataires. Alors, j'avais répondu: « Je
recevrai avec plaisir les trois personnes signataires du
télégramme à mon bureau, 8 heures, au Parlement, ce soir.
»
Ce qui est arrivé, M. le Président, c'est que vers 8 h 15
j'étais à mon bureau depuis 7 h 30 on est venu me
dire que les présidents de la FTQ et de la CSN étaient
arrivés. Je suis sorti et j'ai constaté qu'il y avait de
nombreuses personnes qui les accompagnaient. J'ai dit à ces messieurs:
tel qu'il a été entendu dans mon télégramme, c'est
mon désir, je suis ministre du Travail, et je suis certainement en droit
de vous recevoir avec beaucoup d'obligeance, d'ailleurs, ça me fait
plaisir de vous recevoir, Si les personnes qui ont signé le
télégramme, les trois présidents des trois grandes
centrales, veulent entrer, je suis prêt à les recevoir. Alors, ils
ont dit: Il faut que l'exécutif entre avec nous autres. J'ai dit: Il
n'est pas question, messieurs, de l'exécutif. Il est question d'une
rencontre des trois signataires du télégramme que j'ai
reçu. Si vous avez bien lu, j'ai dit, dans la réponse, que je
recevrais avec plaisir les trois signataires. Autant c'est peut-être leur
privilège de demander des rencontres avec tout leur exécutif,
autant c'est mon privilège à mol, comme ministre, de recevoir
ceux qu'il convient de recevoir dans les circonstances, les
présidents.
Ils ont dit: Dans ce cas-là, on retourne. J'ai dit: c'est votre
problème. Je n'ai pas à intervenir. La délégation
est retournée, ils sont partis. Ce sont les faits. Seulement, dans
l'après-midi du 3 décembre, il y avait eu un communiqué de
presse d'émis. Je ne sais pas si les honorables messieurs les
députés l'ont vu, un communiqué de presse de
Montréal, 3 décembre 1968, à 5 heures, p.m., juste une
heure avant l'envoi du télégramme.
Voici le texte intégral d'un communiqué re- mis aux
journalistes lors d'une conférence de presse tenue cet après-midi
à Montréal, déclaration du président de la CSN,
Marcel Pepin, en marge des cinq lois de l'Union Nationale, qui veut les adopter
à la vapeur d'ici samedi. Ce communiqué a été
transmis à la presse. Je n'ai pas besoin de vous dire...
M. LESAGE: Aujourd'hui même?
M. BELLEMARE: Le 3 décembre mardi. La même journée
que j'ai reçu...
M. LESAGE: Oui, nous l'avons lu dans les journaux.
M. BELLEMARE: Oui, cela a été publié dans les
journaux. Cela a été une avant-première du
télégramme que ces honorables messieurs ont bien voulu me faire
parvenir. Je pense que, dans les temps que nous traversons, où nous
avons des problèmes difficiles à régler, employer des
termes tels que ceux rapportés dans ce communiqué et contenus en
partie dans le télégramme, ce n'est pas ce qu'il y a de plus
courtois, quand on a à rencontrer un ministre qui est responsable d'un
organisme aussi difficile que celui du ministère du Travail.
Ce n'est pas avec des termes de cette sorte que nous allons marcher. Je
dis et je répète que je n'ai jamais manqué de
déférence à l'endroit de personne, à aucun chef.
Jamais, je n'ai traité quelqu'un, comme je l'ai été par
certains chefs syndicaux, avec des épithètes peu recommandables.
On peut critiquer un ministre, c'est un droit, c'est la liberté
syndicale. D'accord, on peut critiquer les lois. Mais quand on se
prépare à demander des entrevues, surtout pour discuter des
questions qui relèvent de l'administration et de la législation,
je pense qu'à ce moment-là, on pourrait peut-être faire
taire certaines personnes qui emploient des manières qui ne sont
sûrement pas dans les manuels d'étiquette, quand il s'agit des
bonnes relations qui doivent exister avec l'autorité, qu'on l'aime ou
qu'on ne l'aime pas.
Qu'on aime ma figure ou qu'on ne l'aime pas, qu'on aime mes
manières d'agir ou pas, une chose est certaine, c'est que je
représente présentement l'autorité. Cette autorité,
tant et aussi longtemps qu'elle ne sera pas changée, elle, et elle
seule, a le droit de décider en matière de législation
après que le cabinet des ministres a sanctionné les projets de
loi, les a approuvés, les a fait distribuer et amenés ici
à la Législature pour être discutés.
Je dis donc que certains ont prétendu que la loi organique du
ministère, vieille de 37 ans, im-
posait et c'est dans le principe de la loi de nouvelles
obligations au ministre et que c'était une loi coercitive. Je dis que
notre projet s'inspire des lois qui ont créé certains
ministères depuis quelques années.
Sans vouloir ouvrir un débat, je me permets de souligner que nous
avons changé la désignation du ministère pour consacrer la
réalité. C'est un fait probant.
Certaines gens ont pris la loi du ministère du Travail, l'ont lue
et l'ont comparée à celle qui existait en 1931 et à celle
qui existe aujourd'hui. Après l'avoir lue, ils ont prétendu que
les renseignements qui pouvaient être demandés porteraient
atteinte à la liberté. Je dis que ces gens-là, ou ont mal
lu la loi, ou ont oublié que dans la province de Québec et dans
le pays, il y a des lois qui sont bien plus restrictives et bien plus
coercitives que la nôtre. Je me réfère
particulièrement à la loi fédérale sur les
renseignements, les déclarations des corporations et des syndicats
ouvriers, 10-11, Elisabeth II, chapitre 26, qui a de très fortes
exigences et à laquelle toutes les parties, quelles qu'elles soient, se
soumettent.
Je me souviens que lorsque le gouvernement fédéral a
adopté cette loi, M. Jodoin qui représentait à
l'époque la CTC, avait dit: Nous allons nous soumettre, c'est une loi de
notre pays, et nous allons répondre à tous les questionnaires qui
nous sont envoyés. A ce moment-là dans la province de
Québec, une autre centrale syndicale avait dit: Non, nous ne
répondrons pas parce que c'est une intrusion du domaine
fédéral dans les relations du travail et dans des juridictions
provinciales.
Deux années se sont écoulées sans qu'une entente
ait été conclue et que des rapports aient été
soumis directement au gouvernement fédéral. On alléguait
à ce moment-là que le gouvernement fédéral n'avait
pas le droit de demander des renseignements à des centrales qui
étaient des centrales québécoises.
Mais après deux ans, on a adopté l'attitude qui veut qu'on
se soumette aux lois du pays ainsi qu'aux réponses et
déclarations que les corporations et les syndicats sont obligés
de faire de même qu'aux très fortes exigences auxquelles les
parties doivent se soumettre dans ces rapports au fédéral.
Nous pourrions aussi mentionner la Loi des « Employment standards
» de 1968, en Ontario, qui va dans le même sens. Je ne sais pas si
les honorables messieurs ont lu cette loi ou l'ont consultée. Au point
de vue des demandes de renseignements, elle est beaucoup plus restrictive que
la nôtre.
Ici même, au Québec, il y a quelques années, en
1964, nous avons adopté une loi créant le Bureau de la
statistique, que nous retrouvons au chapitre 207 des Statuts refondus.
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: II y a, dans la loi, des obligations extrêmement
sévères pour la désignation de la personne et pour les
renseignements qui peuvent être obtenus de différents
ministères, comme de différentes personnes ou organismes.
Cette loi a été adoptée afin qu'il y ait une juste
collaboration dans la statistique qui doit être établie par le
gouvernement de la province et pour fournir, particulièrement au
ministère qui s'occupe de ces données, le ministère de
l'Industrie et du Commerce, les statistiques voulues pour faire voir la
province de Québec sous son vrai jour, dans différents domaines:
l'économique, les différents secteurs où «
opèrent » l'industrie et le commerce, et leurs mouvements dans la
province de Québec.
Ces renseignements, qui ont déjà fait le sujet d'un grand
débat sur la place publique et qui ont été
critiqués, ne sont demandés que pour aider le ministre. Vu notre
évolution constante dans le domaine de la main-d'oeuvre et dans
l'application de la Loi de la commission du salaire minimum; vu les
différents services techniques qui sont aujourd'hui constitués
à notre ministère dans différents domaines, nous avons
besoin d'une foule de renseignements capitaux. Je dis que ces renseignements,
particulièrement en ce qui regarde la main-d'oeuvre, il nous faut
pouvoir aller les chercher chez les employés et un peu partout dans la
province. Quel mal y a-t-il à demander par une loi organique le pouvoir
d'obtenir des renseignements devenus absolument nécessaires pour
organiser le ministère et surtout pour répondre aux besoins
nouveaux et futurs de notre main-d'oeuvre?
Certains y voient un risque de perquisition. Qu'on attende donc avant de
vouloir juger et des hommes et des lois! Si, un jour, nous faisions de la
discrimination envers qui que ce soit, si nous nous servions de ce pouvoir
d'une manière arbitraire, il y a assez de gens dans ce Parlement, il y a
assez de journaux dans cette province, il y a assez de personnes
intéressées qui nous condamneraient sur la place publique.
Pourquoi cette crainte? Pourquoi cette hantise de la persécution ou de
la discrimination? Qu'a-t-on à cacher? Qu'est-ce qu'on ne veut pas
donner comme renseignements? Qu'est-ce qui pourrait nuire à la bonne
administration d'un ministère qui organise actuellement tout un
système au point de vue de la main-d'oeuvre? Je vous
demande, M. le Président, quel mal on peut voir dans une
législation pareille surtout quand on la compare avec la loi
fédérale qui, vis-à-vis des corporations et des syndicats
ouvriers, va beaucoup plus loin? Elle est en vigueur, cette Loi des
corporations et des syndicats ouvriers dans le Canada.
Est-ce qu'on a déjà vu des abus de ce
côté-là? Est-ce que quelqu'un a pu reprocher à la
loi fédérale de faire de la discrimination? Est-ce que l'on ne
veut pas plutôt essayer d'attirer l'attention publique sur le fait que
l'Union Nationale veut se servir de ce moyen pour faire de la discrimination?
Je dis, de mon siège, non. J'ai assez le sens de la
responsabilité, après l'avoir exercée depuis deux ans
comme ministre du Travail, pour dire que pas un de mes officiers, ni le
ministre ne veulent se servir de cet article de la loi pour persécuter,
pour faire de la discrimination ou pour vouloir imposer aux mouvements ouvriers
oui d'autres de la perquisition injustifiée. Mais ça fait beau
dans le portrait, on y sent un peu que c'est un moyen de dire: Le ministre du
Travail veut persécuter les syndicats, veut essayer de trouver quelque
chose dans le financement ou dans les rapports qui devraient être faits
et en public persécuter ces gens qui forment les corporations ou les
syndicats ouvriers. Non.
Il n'est pas question d'autre chose que des formules usuelles pour
assurer la bonne administration, l'organisation parfaite, si c'est possible,
d'une meilleure main-d'oeuvre, d'un meilleur service technique et surtout, je
crois sincèrement pour donner, en matière de recherche, un plus
grand développement à notre bureau. Cela est une des politiques
importantes que nous avons instaurées au ministère du Travail
avant d'arriver avec la législation que nous avons commencé
à présenter ce matin.
Nous avons pensé que la recherche était et devrait
être toujours à la base même d'une discussion, qu'elle soit
législative, administrative ou autre. Et nous avons organisé au
ministère du Travail un bureau de recherche qui fonctionne aujourd'hui
admirablement bien. Nous continuerons, M. le Président, pendant les
prochaines années, à aller chercher encore, dans nos
universités et dans le monde du travail ou des employeurs des cerveaux
qui pourront nous rendre d'utiles services pour organiser notre bureau de
recherche.
Non, M. le Président, aucune discrimination, aucune perquisition.
Je ne suis pas pour de la politique coercitive. Je suis pour le bon sens, la
paix sociale, le bon climat des relations entre le ministre et tous les
mouvements ouvriers, qu'ils soient patronaux ou syndicaux.
M. LESAGE: L'enfer est pavé de bonnes intentions.
M. BELLEMARE: M. le Président, si, jusqu'à maintenant,
nous n'avions pas prouvé à la province de Québec que le
ministère du Travail avait besoin d'une restructuration qui a
été faite, par ces structures et par ces personnes
compétentes que nous sommes allés chercher, qui ont
décidé un jour de se dévouer à cette grande oeuvre
que nous accomplissons présentement, d'une réforme
complète du ministère du Travail... Nous sommes allés
chercher des hommes extrêmement sympathiques, compétents,
dévoués, qui ne sont pas nécessairement de la couleur
politique du ministre. Non, ce n'est pas ça que nous avons
recherché. Nous avons recherché les meilleurs hommes aux
meilleurs endroits, les plus compétents, et ceux qui voulaient
véritablement faire action de bien en faveur du mouvement ouvrier dans
la province de Québec.
Ah, c'est beau, M. le Président, de prêcher de la
démagogie et d'être sur certains hustings publics de grands
orateurs qui se pensent quelqu'un, parce qu'ils sont applaudis par 300 ou 400
personnes qui partagent peut-être leur point de vue. Mais, quand on a le
sens de la responsabilité et qu'on a à justifier son sens des
responsabilités, non particulièrement devant l'électo-rat,
tous les quatre ans, non pas seulement les députés, mais tout le
gouvernement... Un député peut être élu, mais s'il
appartient à une équipe, il faut que l'équipe soit
élue aussi.
Et, partant de là, il faut que le ministre responsable puisse
réellement être un homme prudent, un homme d'une extrême
courtoisie.
Quand il y a moyen de le faire et que l'intérêt public me
le commande, je fais fi de ma petite personne. Je n'ai pas peur de recevoir
publiquement des reproches, j'en ai reçu. Mais qu'on cesse, dans la
province de Québec, d'accuser le ministre du Travail et tout le
ministère d'incompétence. Cette assemblée n'est ni la
place ni le lieu pour citer une liste complète des comparaisons qui
peuvent être faites avec toutes les autres provinces du Canada quant aux
conventions collectives déposées et signées, quant aux
grèves, aux interventions, à l'arbitrage, et le reste.
La province de Québec a un dossier comparable à bien
d'autres. D'autres provinces connaissent, elles aussi, des problèmes
difficiles au point de vue du travail. Ce n'est pas parce que l'Union Nationale
est au pouvoir à Québec que la situation est plus mauvaise
qu'ailleurs. Qu'on consulte les statistiques et qu'on compare province par
province. On verra que le Québec n'est pas en arrière. On parlera
de la pilule,
c'est vrai. Mais je dirai à ceux qui me parleront de la pilule
qu'une pharmacie s'en vient pour essayer d'améliorer nos lois. D'autres
lois ouvrières viendront. Des lois auxquelles nous avons
travaillé depuis plusieurs mois, qui nous ont été
demandées, dictées et surtout conseillées par des
mouvements ouvriers, d'accord, par des gens de l'industrie et du commerce, par
des employeurs, d'accord, par des gens du « tiers monde »,
universitaires ou autres, d'accord.
Mais toutes ces lois sont appelées à changer d'une
année à l'autre. Le code du travail de 1964, par exemple. Le
gouvernement qui nous a précédés nous avait
présenté une loi; nous y avons contribué, nous avons
travaillé avec le comité, nous avons discuté de bien des
aspects de l'application de la loi. Nous n'étions pas certains d'avoir
accompli une oeuvre parfaite Mais le gouvernement en place avait donné
un code du travail à la masse ouvrière. Depuis ce temps, à
la lumière de l'expérience, on s'est aperçu que bien des
articles du code devaient être épous-setés, changés,
améliorés et même complètement abandonnés.
Nous aurons l'occasion, lors de la prochaine session, de soumettre à la
Législature un projet d'amendement au code de travail qui touchera
plusieurs sections, particulièrement celle de
l'accréditation.
Malgré que nous aurons fait l'impossible pour faire beaucoup de
consultation à ce moment-là aussi, afin d'obtenir les meilleurs
renseignements, nous consulterons, comme nous l'avons fait, toutes les
organisations ouvrières, centrales syndicales et associations
d'employeurs; nous consulterons aussi tous ces gens intéressés
qui sont dans nos universités et qui s'occupent du code du travail. Nous
consulterons nos collègues et nous consulterons aussi l'Opposition. Mais
même après cela, lorsque tout le monde aura donné son
opinion, il faudra que le gouvernement se décide à adopter une
législation. Sera-t-elle au goût de tout le monde? Sera-t-elle en
accord avec toutes les parties? Ce serait impossible.
Il faudrait que nous tranchions entre l'intérêt public,
d'une part, et les revendications qui, pour certaines gens, sont raisonnables,
d'autre part.
C'est pourquoi aujourd'hui nous commençons cette nouvelle
réforme législative, en déposant d'abord la loi organique
du ministère. Cette loi organique, à cause de toutes les
situations qui nous sont faites, et pour répondre à des besoins
que nous avons connus au ministère, doit contenir tous les pouvoirs qui
sont demandés dans un des articles de la loi.
Vous savez qu'à notre ministère, et
particulièrement dans la section de la main-d'oeuvre, nous devons
répondre à de nouveaux impératifs.
Depuis quelques années, on emploie des termes nouveaux. On parle
de reclassement, de recyclage, de réadaptation, de reconversion. Ce sont
toutes des expressions nouvelles, fort populaires, qui décrivent,
chacune d'elles, des nouveaux secteurs où le ministère du travail
pénètre aujourd'hui plus qu'autrefois par ses services. Le
reclassement, c'est l'adaptation à un emploi ou à une place dans
la société, de personnes qui ne peuvent plus exercer leur
activité antérieure par suite d'une cessation d'emploi.
Le travailleur peut alors être placé ailleurs, dans la
même profession, ou plus souvent dans d'autres activités,
moyennant sûrement un temps limité de réadaptation. C'est
du reclassement. Le recyclage, lui, c'est une formule complémentaire qui
est donnée aux travailleurs pour leur permettre de s'adapter plus
rapidement à des progrès scientifiques et à une nouvelle
technologie dans le travail quotidien. Il y a eu depuis quelques années
de l'automatisation, il y a aujourd'hui des transformations très
importantes dans le progrès qu'assurent nos usines, au point de vue de
la technologie, il faut qu'il y ait là, maintenant que l'ouvrier est au
travail, un espèce de recyclage.
Je pense que c'est une remise à jour des connaissances qui
permettront de réintroduire les travailleurs dans de nouveaux cycles du
travail et dans la vie économique qui doit nécessairement faire
suite. La réadaptation, c'est le retour de F individu physiquement
diminué à un niveau physique, professionnel et social, voisin de
celui où il était auparavant. La réadaptation physique et
professionnelle doit aboutir à la reprise de l'ancienne profession et
des anciennes activités après une période plus ou moins
longue, ou à l'acquisition d'un nouveau métier, si le premier
exige des capacités qui ont été fort réduites, ou
supprimées par l'affectation en cause. Vous avez des cas nombreux de
réadaptation chez les accidentés du travail et dans certaines
usines qui, à un moment donné, transforment complètement
leur système de production. La reconversion, c'est l'adaptation d'un
ouvrier à de nouvelles conditions de marché du travail par
l'acquisition d'une nouvelle qualification professionnelle qui, sûrement,
le perfectionne, mais qui le rend plus apte à jouer, au point de vue du
travail, un meilleur rôle et à s'assurer aussi, par le fait
même, un revenu qui soit de beaucoup amélioré.
Ces nouveaux termes que nous entendons souvent à travers la
province sont sûrement des termes qui sont devenus populaires au
ministère du Travail. Nous les employons continuellement dans notre
appellation des nouvelles responsabilités.
M. le Président, nous aurons l'occasion, en comité
plénier, de fournir les indications que nous demandera l'Opposition et
de lui prouver que cette loi, bien loin d'être mauvaise, est
nécessaire aux administrateurs publics d'aujourd'hui. S'il faut faire,
dans les lois, quelles qu'elles soient, qui seront présentées
d'ici quelque temps, des changements qui nous seront dictés après
une période d'essai ou à la suite des expériences que nous
vivrons, nous n'aurons aucun respect humain à apporter des amendements
qui nous permettront d'améliorer notre loi. Nous ne sommes pas
hermétiquement fermés contre tout amendement possible. Non, nous
ne refusons pas les bonnes suggestions. Si nous pouvons ensemble
améliorer ces lois par des suggestions utiles, nous les accepterons sans
avoir l'idée que nous subissons un échec, au contraire.
Ce matin, je parlais de contestation et j'ai été fort
enthousiasmé par les discours qu'ont faits en cette Chambre le premier
ministre et le chef de l'Opposition. Le premier ministre a donné les
grands critères de ce que devrait être une civilisation en 1968 et
le chef de l'Opposition y est allé sûrement de commentaires qui
sont tout en son honneur, Je pense que, dans un Parlement et surtout dans une
province comme la nôtre, lorsque nous avons à traverser des
moments difficiles, c'est l'exemple que nous ont donné ce matin le
premier ministre et le chef de l'Opposition qui fait le plus d'impression sur
la population. Si le Parlement s'unit au lieu de se diviser, nous serons forts
et nous passerons à travers nos luttes.
M. le Président, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a de la
contestation. Nous n'avons pas inventé ce mot; au contraire, 500 ans
avant Jésus-Christ, cela existait. Platon, qui vivait 500 ans avant
Jésus-Christ, disait: « Lorsque les pères s'habituent
à laisser faire leurs enfants ou lorsque les fils ne craignent pas leurs
parents et ne tiennent pas compte de leurs paroles; lorsque des maîtres
tremblent devant leurs élèves et préfèrent les
flatter plutôt que de les conduire dans le droit chemin d'une main ferme;
lorsque, finalement, les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne
reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne,
alors, c'est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le
début de la tyrannie. » Ce n'est pas un membre de l'Union
Nationale ou un membre de l'équipe libérale qui a, un jour,
pensé d'écrire ces expressions.
Je termine cette première intervention en deuxième lecture
en souhaitant ardemment que l'on soit le plus objectif possible dans cette
discussion de toutes les lois du travail. Que le débat soit vif et
vigoureux, nous en sommes. Le seul et unique motif que nous recherchons tous,
c'est le bien de la collectivité. Nous en sortirons meilleurs, nous et
toute la population du Québec.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. Jean-Paul Lefebvre
M. LEFEBVRE: Ayant à deux reprises formulé la suggestion
que le ministre convoque le comité des relations industrielles pour
discuter du bill qui est devant nous et des autres qui doivent suivre, j'avais
trouvé le ministre plutôt fermé aux suggestions de
l'Opposition. Je suis heureux de constater qu'il n'est pas
hermétiquement fermé, du moins, c'est ce qu'il vient de dire en
terminant son intervention.
Je pense que c'est l'avenir qui démontrera la justesse de ce
propos, à savoir si le ministre est, oui ou non, disposé à
discuter de ces bills non pas dans l'intérêt d'un parti politique,
quel qu'il soit, ou dans l'intérêt de sauver la face, comme il a
dit, mais bien dans l'intérêt commun de la population du
Québec et notamment d'une meilleure utilisation de la main-d'oeuvre
québécoise.
J'aurai évidemment des remarques à faire sur le discours
du ministre. Cependant, j'y viendrai un peu plus tard au cours de mon
intervention.
Le ministre a cité Platon. Je le félicite d'avoir des
lectures, malgré qu'il soit, comme il l'a dit lui-même,
très occupé à la direction de son ministère.
J'avais préparé pour lui deux petites citations que je lui
livrerai avec d'autant plus de plaisir que je le constate sensible aux
idées.
Il s'agit de deux citations d'un livre bien connu de M. Jean-Jacques
Servan-Schreiber, « Le défi américain »...
M. BELLEMARE: Livre de?
M. LEFEBVRE: Jean-Jacques Servan-Schreiber.
M. BELLEMARE: Schreiber, oui.
M. LEFEBVRE: Vous verrez cela au journal des Débats. M. Schreiber
écrit ceci, notamment: « Les idées ne sont pas des
ornements, mais des outils pour transformer le monde, et rien n'est plus
rentable qu'une bonne idée. » Je trouve que cela a du bon
sens.
M. GABIAS: C'est dans « Le défi américain
»!
M. LEFEBVRE: Oui, je l'avais dit avant vous!
M. GABIAS: Nous avons des lettres, nous aussi!
M. LEFEBVRE: Je ne sais pas si le ministre de l'Immigration
préférerait se retirer ou écouter. Si je l'ennuie, je ne
serais pas insulté qu'il se retire. Mais j'apprécierais qu'il ne
m'interrompe pas.
M. GABIAS: C'est que quand vous dites des choses
intéressantes...
M. LE FEBVRE : Vous êtes bien aimable.
M. GABIAS: ... nous voulons que vous sachiez que nous le savons.
M. LEFEBVRE : C'est beau. J'aimerais citer au ministre du Travail un
autre petit extrait de M. Servan-Schreiber, ce que je fais en même temps
pour l'édification du ministre de l'Immigration: « La force
moderne, c'est la capacité d'inventer, c'est-à-dire la recherche
et la capacité d'insérer les inventions dans des produits,
c'est-à-dire la technologie. Les gisements où il faut puiser ne
sont plus ni dans la terre, ni dans le nombre, ni dans les machines; ils
résident dans l'esprit, plus précisément dans l'aptitude
des hommes à réfléchir et à créer. La
formation, le développement, l'exploitation de l'intelligence, telle est
la ressource unique. Il n'en existe pas d'autre ».
Or, j'ai voulu, en faisant ces citations, montrer dans quel esprit je
voulais aborder l'étude de ce bill. Je pense, quant à moi, que le
bill qui est devant nous pose des problèmes de philosophie politique de
toute première importance et que c'est à ce niveau-là
qu'il faut en aborder la discussion.
Je regrette que ni le texte du bill, ni le discours du ministre ne nous
éclairent beaucoup sur la philosophie du gouvernement qui, par son bill,
veut restructurer le ministère du Travail et de la Main-d'uvre et
donc, je le présume, mieux adapter nos institutions aux besoins actuels
de la société québécoise.
En effet, quel est le principe du bill qui est devant nous? Eh bien, on
le trouve aux notes explicatives, comme à l'ordinaire. On dit: «
Ce bill a donc pour objet de refondre la Loi du ministère du Travail et
d'accorder au ministre des pouvoirs nouveaux concernant les renseignements
qu'il peut obtenir ainsi qu'en matière de formation professionnelle, de
placement, de reclassement, de recyclage, de réadaptation, de
reconversion et de mobilité de la main-d'oeuvre. »
Or, bien que j'admette qu'il ne soit pas facile d'inclure dans un bill
les intentions profondes ou la philosophie politique du gouvernement qui le
propose à l'attention de la Chambre, on aurait dû s'attendre, tout
normalement je crois, à ce que le ministre, lui, dans son intervention
nous éclaire sur ces intentions du gouvernement. Je constate qu'en
deuxième lecture, il ne l'a pas fait. J'espère, quant à
moi, qu'il le fera au cours des débats postérieurs parce qu'en
effet, ce bill n'aurait pas beaucoup de portée s'il ne faisait, à
toutes fins pratiques, que changer le nom du ministère et ajouter
certains pouvoirs, dont certains sont fort mal déterminés et dont
au moins un a tout lieu d'inquiéter ceux qui se préoccupent de la
liberté des citoyens. En effet, nous sommes d'avis, contrairement
à ce qu'a dit le ministre du Travail, que les pouvoirs d'enquête
qui sont ici suggérés pour le ministre sont
légèrement exorbitants. Jusqu'à preuve du contraire, il
nous semble tout à fait impossible de nous rallier aux bonnes intentions
auxquelles le ministre a fait allusion tout à l'heure.
Ce bill ne propose pas et c'est malheureux la
réforme administrative profonde qu'eussent exigé les
circonstances nouvelles, dans le domaine des relations
patronales-ouvrières et dans le domaine des politiques de main-d'oeuvre
en général. Le bill nous propose d'ajouter quelques
responsabilités, mais encore une fois, on ne nous dit pas ce que le
ministre entend faire. Il vient de parler à la défense de son
bill, mais il ne l'a pas mentionné non plus, se contentant de dire qu'il
ne voulait rien faire de mal, ce qui est légèrement court, on en
conviendra, en tant qu'explication.
Dans la province de Québec, traditionnellement et cela
dépasse la personnalité, les intentions ou les
possibilités du ministre actuel il faut convenir que le
ministère du Travail a été considéré comme
le ministère des relations patronales-ouvrières. Aujourd'hui,
deux réalités nouvelles sautent aux yeux de tous ceux qui savent
voir. D'une part, c'est que l'espèce de rôle de police des
relations patronales-ouvrières, joué jusqu'ici par le ministre du
Travail et par son ministère en grande partie aussi, est largement
dépassé et suranné. D'autre part, le domaine des relations
patronales-ouvrières s'inscrit dans un ensemble qui n'est, en fait, que
l'une des facettes d'une réalité beaucoup plus complexe que l'on
définit comme une politique de main-d'oeuvre et, autant que possible,
une politique active de main-d'oeuvre, au niveau des institutions
internationales qui s'intéressent à cette question.
Or, je soumets aux membres de cette Chambre que le projet que le
ministre a déposé et que les explications qu'il nous a fournies
ne répondent ni à l'une ni à l'autre de ces deux
réalités nouvelles. En effet, pour accorder une véritable
autonomie aux partenaires sociaux, c'est-à-dire aux employeurs et aux
syndicats, pour favoriser une meilleure entente et une meilleure collaboration
à la productivité et au bien-être général des
travailleurs et de l'ensemble de l'économie, il eût fallu que le
ministre nous propose dans son bill des structures nouvelles, des structures
qui incarnent vraiment une nouvelle approche, une nouvelle philosophie du
problème des relations de travail.
En fait, il faut le constater, il eût été
téméraire de s'attendre à cela de la part du ministre
actuel. Il a tellement bien épousé le rôle traditionnel du
ministre du Travail en tant qu'extincteur d'incendie, si vous voulez, ou en
tant que responsable d'étouffer des conflits à droite et à
gauche qu'à mon humble avis et je ne le dis pas pour le plaisir
de le blesser ni pour le blesser du tout, d'ailleurs, mais parce que cela
m'apparaît la vérité il est presque devenu la
caricature de ce personnage.
Sans doute, le ministre fait-il des efforts. Il les fait surtout quand
il a des chances de réussir, comme je le dirai en le citant
lui-même dans un instant. Ces efforts et cette attitude du ministre
m'apparaissent cependant empreints d'un paternalisme qui risque de gâcher
passablement tout le domaine des relations patronales-ouvrières. Je
trouve que c'est de ce paternalisme que les lois que nous soumet
présentement le ministre font preuve; c'est contre ça que je
voudrais m'élever, au nom des membres qui siègent de ce
côté-ci de la Chambre.
A l'appui de cette hypothèse et pour prouver qu'elle est loin
d'être gratuite, je vous citerai un extrait que je considère, pour
ma part, comme une perle dans le genre. C'est un extrait du ministre du Travail
lui-même, tel que cité dans la Presse du 18 juillet 1968.
Il s'agissait, vous vous en souvenez, du fameux conflit à la
Régie des alcools et de la fameuse prophétie du ministre du
Travail, lui le grand responsable de la conciliation, prévoyant,
dès les origines, un conflit de six mois. A mon humble avis et
j'en fais une parenthèse seulement cette seule déclaration
eût été suffisante pour entraîner la démission
du ministre du Travail. C'était une bourde tellement énorme par
rapport au rôle qui lui est assigné que le gouvernement et le
premier ministre, à mon humble avis, auraient dû lui demander de
donner sa démission.
A tout événement, le ministre du Travail dé-
clarait notamment ceci toujours à propos de cette grève : «
Mes conciliateurs m'affirment qu'il n'y a pas possibilité d'entente
entre les parties. Lorsque j'interviens, d'ordinaire, c'est qu'il y a
possibilité d'entente ou de compréhension entre les parties.
»
M. BELLEMARE: M. le Président, je soulève un point
d'ordre.
M. LEFEBVRE: Certainement
M. BELLEMARE: En vertu du règlement, quand une chose comme
ça se présente, il faut que l'intéressé corrige
immédiatement.
Je nie, M. le Président, de mon siège, cette affirmation,
que je n'ai jamais faite, et qui a été publiée à
mon insu, comme bien d'autres choses le sont, je n'ai jamais dit ça.
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'espère que M. Gilles
Daoust est dans la tribune.
M. BELLEMARE: Oui, j'espère que d'autres vont se rectifier
aussi.
M. LEFEBVRE : Et qu'il prendra connaissance de l'affirmation du
ministre. Quant à moi, je dois prendre la parole du ministre à
l'effet qu'il n'a jamais dit...
M. BELLEMARE: Jamais.
M. LEFEBVRE: ... les paroles qui lui sont imputées. Le
ministre...
M. BELLEMARE: Est-il déjà arrivé à
l'honorable député de se faire mal rapporter...
M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne pense pas...
M. BELLEMARE: ... par M. Guy Cormier?
M. LEFEBVRE: ... devoir subir ici un interrogatoire...
M. BELLEMARE: Je lui demande simplement...
M. LEFEBVRE: ... sur les aléas de ma vie politique. J'ai
cité une déclaration reproduite. Le ministre dit qu'il n'a jamais
prononcé ces paroles.
M. BELLEMARE: Jamais!
M. LEFEBVRE: Quant à moi, l'incident est
clos. Maintenant, si le ministre a vraiment déclaré cela,
j'imagine qu'il y a des témoins qui pourront faire valoir leur point de
vue.
M. GABIAS: S'il est clos, ce n'est pas clos.
M. LEFEBVRE: C'est ça.
M. GABIAS: C'est clos de notre côté.
M. LEFEBVRE: Fiez-vous à moi.
Alors, M. le Président, je ne suis pas étonné, je
donne ça un peu pour l'édification de la Chambre. Remarquez que
je n'ai pas monté une charge contre le ministre du Travail à
l'occasion de ce bill, c'eût été trop facile, et
peut-être superflu. Mais j'aimerais ici citer un autre témoignage,
en ce qui concerne justement les réactions violentes que les attitudes
paternalistes du ministre ont provoquées en divers milieux. Il y a
notamment une citation de M. Laberge. Je ne sais pas si celle-là est
exacte. Le ministre corrigera une fois de plus, s'il n'est pas d'accord. Mais,
c'était dans la Presse du 3 septembre. Je donne la citation telle que
reproduite: « Le président de la Fédération des
travailleurs du Québec, M. Laberge, a déclaré hier soir,
devant quelque 35,200 personnes, réunies à l'occasion d'une
fête populaire à la Place des nations, à Terre des Hommes,
qu'on devrait changer le ministre québécois du Travail, M.
Maurice Bellemare. »
Evidemment, il eut été facile d'accumuler les critiques
à l'intention du ministre, ce n'est pas toutefois mon intention.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, je dois interrompre ici
l'honorable député d'Ahuntsic, pour lui rappeler l'article 556,
et lui rappeler qu'au cours du débat sur la motion de deuxième
lecture, il faut s'en tenir à l'à-propos, à la nature, aux
faits du bill, aux moyens d'y parvenir.
M. LEFEBVRE: Je vous remercie, M. le Président, de me rappeler
à l'ordre. Soyez convaincu que c'est tout à fait mon intention.
Si, par hasard, je m'en écartais, je vous serais obligé de bien
vouloir me le rappeler.
Tout de suite, je voudrais disposer d'une objection que, sans doute, le
ministre du Travail pourrait faire à la thèse que j'ai
déjà commencé à développer et que je
m'apprête à continuer, en disant: Ah, les libéraux n'ont
pas fait ça! C'est une ligne de défense qui est bien connue.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas dit ça.
M. LEFEBVRE: Je n'ai pas dit que vous aviez dit ça, j'ai dit que
vous vous prépariez à le dire.
M. GABIAS: Il n'a pas dit ça.
M. BELLEMARE: Ah non!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GABIAS: On a dit: Ils n'ont rien fait.
M. LEFEBVRE: II faudrait que vous soyez bien changé depuis hier.
Alors, M. le Président, je disais donc que c'est un fait que la
révolution tranquille n'était peut-être pas tout à
fait rendue au ministère du Travail, mais je veux dire, par exemple, et
ceci est de notoriété publique, que, dans le parti auquel
j'adhire, on a constaté l'évolution des choses et qu'on a
posé des gestes concrets pour adapter nos politiques aux faits que je
viens de mentionner.
Par exemple, dès 1966, on constatera, et sans doute le ministre
du Travail a-t-il pris là la bonne idée de modifier le nom de son
ministère, mais on constatera que le parti libéral du
Québec s'était engagé à créer un
ministère de la Main-d'Oeuvre et du Travail. Le député de
Champlain nous propose un ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre,
vous admettrez que ç'a l'air d'une copie.
En 1967 et 1968, également, les congrès pléniers du
parti libéral... Incidemment, nous nous intéressons toujours
à la possibilité d'un congrès de l'Union Nationale, nous
en constatons la rareté.
Quant à nous, nous avons tenu, en 1967 et en 1968, des congres
réguliers au cours desquels nous avons adopté des
résolutions précises que j'aurai l'occasion de citer plus tard au
cours du débat et qui démontrent bien que le parti libéral
est à l'heure de 1968 et se préoccupe, comme je viens de
l'indiquer, d'adopter ses politiques aux besoins d'aujourd'hui.
Or, M. le Président, quels sont justement ces besoins? J'ai, tout
à l'heure, fait allusionau fait que, d'une part, il fallait mettre de
côté la philosophie traditionnelle qui a inspiré le
rôle du ministère du Travail et en particulier de son titulaire,
le ministre lui-même, et que d'autre part, il fallait désormais
considérer les relations patronales-ouvrières comme une partie
seulement, comme une facette seulement des politiques de main-d'oeuvre.
Le gouvernement l'a bien senti, qui, à tout le moins, a voulu
changer le nom du ministère pour y ajouter le mot « main-d'oeuvre
». Ce gouvernement est assez habile dans les mots,
on ne peut le nier, puisqu'on a déjà au registre
l'Assemblée nationale, le Secrétariat d'Etat, la
Sûreté du Québec, etc. Bien sur, M. le Président, je
ne vais pas m'aventurer sur un terrain où je risquerais de devenir
très vite hors d'ordre.
Mais revenons donc au bill 287. Je voudrais, quant à moi,
suggérer l'hypothèse qu'il ne semble pas... et la meilleure
preuve en est le discours que le ministre a fait. On pourrait m'ob-jecter que
dans une loi, on ne peut pas tout mettre. Mais dans le discours d'un ministre
responsable, comme il dit, d'un ministre qui est l'autorité en cette
matière, on s'attendrait à ce que cette autorité, digne
d'elle-même et du prestige qu'elle désire imposer à la
province, éclaire le peuple et notamment les membres de cette Chambre
sur ses intentions profondes et sur sa philosophie.
Or, que nous a livré le ministre à ce sujet? Quelques
définitions tirées du lexique du fonctionnaire du
ministère de la Main-d'Oeuvre. C'est à peu près tout. En
matière de philosophie institutionnelle, en matière de
philosophie qui inspire cette loi et l'activité future du
ministère, nous sommes vraiment restés sur notre
appétit.
M. le Président, qu'est-ce qu'une politique de main-d'oeuvre,
puisque ce serait là l'objectif du nouveau ministère? Bien
sûr, une politique de main-d'oeuvre implique un très grand nombre
d'activités d'un gouvernement et on peut, dans une certaine mesure, dire
qu'elle exige, du moins qu'elle est impossible sans qu'un gouvernement se
préoccupe, par exemple, d'adopter des mesures favorisant l'expansion
économique. Bien sûr, une politique active de main-d'oeuvre est
impensable dans une économie qui stagne. En particulier dans la
situation de chômage où se trouve actuellement le Québec
chômage sans cesse croissant, jusqu'aux dernières
statistiques en tout cas il serait évidemment important qu'une
politique de main-d'oeuvre soit appuyée sur une politique d'expansion
économique.
Une politique de main-d'oeuvre exige également un système
d'éducation adéquat, continuellement adapté à
l'évolution des besoins du marché du travail. Mais finalement,
une politique de main-d'oeuvre exige surtout un ensemble de mesures
spécifiques et qui constituent ce qu'on appelle communément une
politique active de main-d'oeuvre.
Eh bien, M. le Président, pour se faire une idée de ce
contenu qui soit plus complète que celle que nous a
suggérée le ministre du Travail, on n'a qu'à s'interroger
sur les besoins des travailleurs. En effet, ceux-ci sont l'objet de la
politique de main-d'oeuvre et ce sont leurs besoins, tant individuels que
collectifs, qui vont nous dire ce que devrait faire un ministère de la
Main-d'Oeuvre.
Quels sont les besoins des travailleurs? Quels sont les besoins de la
main-d'oeuvre du Québec? Répondons à cette question et
nous aurons répondu aux fonctions du ministère du Travail et de
la Main-d'Oeuvre. Or, le tout premier besoin d'un travailleur, quel qu'il soit,
c'est d'apprécier ses propres goûts et ses propres talents. La
réponse à ce besoin-là, c'est l'orientation scolaire et
professionnelle. C'est-à-dire qu'un ministère du Travail devrait
d'abord être équipé pour établir le profil de tous
les métiers, de toutes les professions, les conditions d'accès et
d'admission à la pratique des différents métiers et
professions et fournir aussi à la masse des travailleurs la
possibilité, l'aide nécessaire pour les aider dans cette
difficile tâche de l'orientation professionnelle.
Je suis personnellement d'avis, M. le Président, bien que ce ne
soit pas encore une position officielle de mon parti, je tiens à le
dire, qu'il serait logique que les activités concernant l'orientation
professionnelle des jeunes aussi bien que des adultes soient désormais
exécutées au sein du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre dont nous parle le bill 287.
Je ne ferai qu'une brève parenthèse sur ce point qui
touche, d'ailleurs, le bill lui-même, puisqu'on parle de
main-d'uvre. Je mentionnerai à votre attention que ce qu'on a
convenu d'appeler la crise des CEGEP est due en grande partie aux
déficiences de l'orientation des jeunes. Je pense que cette crise
eût pu être grandement atténuée, si l'on avait
prévu, pour ces étudiants lorsqu'ils sont entrés au CEGEP,
des contacts avec les officiers du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, c'est-â-dire avec des orienteurs qui soient parfaitement
au fait de l'évolution des besoins du marché du travail. Pour
cette raison, je n'ai fait que citer l'exemple, je crois qu'il serait logique
de prévoir, à l'avenir, que l'orientation professionnelle soit
exécutée en tant que fonction à l'intérieur du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre.
M. le Président, le deuxième besoin d'un travailleur
toujours pour en arriver à faire le tour et à dresser le
portrait de cette politique de main-d'oeuvre que nous attendons et que nous
espérerions obtenir du gouvernement actuel, mais que ni le bill, ni le
discours du ministre ne nous fournissent c'est de connaître les
débouchés qui existent et les occasions d'emploi. Or, ceci trouve
sa réponse dans la fonction du placement. J'ai déjà eu
l'occasion d'en parler à plusieurs reprises et d'autres de mes
collègues en ont aussi parlé dans cette Chambre. La
fonction du placement est une fonction extrêmement complexe, qui est loin
de se restreindre, comme semble le croire le ministre actuel du moins si
on en croit ses agissements loin de pouvoir se limiter au
problème du classement des fichiers et au problème de fournir aux
travailleurs en quête d'emploi la liste des emplois disponibles.
La fonction du placement comporte d'abord des travaux de recherche
très considérables pour établir les prévisions des
besoins en main-d'oeuvre, à long terme, à moyen terme et à
court terme. Cette fonction exige également un inventaire permanent de
la main-d'oeuvre. Au delà du placement traditionnel, elle exige
également une notion qui me semble tout à fait
étrangère au ministre et au ministère, tel
qu'administré présentement. Je veux faire allusion au placement
préventif, par exemple dans les cas, hélas trop nombreux, de
fermeture d'usines et de réduction de personnel. J'y reviendrai
d'ailleurs dans un instant.
Le troisième besoin des travailleurs est certainement un besoin
de sécurité d'emploi. Bien sûr, il faut équilibrer
cette sécurité avec la mobilité qui est nécessaire
au point de vue du développement économique. Il ne s'agit pas de
figer chacun, éternellement à un emploi donné, mais on ne
peut pas, d'autre part, nier l'importance qu'il y a à préserver
les travailleurs je crois que c'est le rôle du législateur
de favoriser cela contre les mises à pied sans avis. Entre la
jungle absolue qui existe présentement et un excès de
rigidité qui proviendrait de l'impossibilité de changer d'emploi,
le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre doit trouver un juste
milieu.
Or, je crois que c'est l'occasion pendant que nous discutons du
bill qui doit, justement, représenter, du moins, ça semble
être cela dans l'esprit du ministre, ce nouveau départ des
politiques de main-d'oeuvre du gouvernement que c'est le temps de
rappeler au ministre que, nulle part dans son bill, ni dans son discours, il
n'a fait allusion à ce problème de la sécurité
d'emploi des travailleurs ainsi qu'au problème du préavis avant
les mises à pied, dont nous avons souvent parlé dans cette
Chambre. Le ministre, à plusieurs reprises, a dit: « Oui, oui, je
vais m'en occuper. » Mais, il ne semble pas que le ministre soit encore
éveillé à cette réalité, qui, pourtant,
représente, dans la vie de centaines de milliers de travailleurs
québécois, un drame réel.
J'aimerais bien que je ne veuille point traiter ce sujet en
détail ici vous citer un bref extrait d'un article paru dans la
Revue interna- tionale de droit comparé. Il s'agit de la livraison de
janvier-mars 1967, où l'on traite précisément de la
législation comparée en matière de préavis en cas
de congédiement. Encore une fois, je parle de cela, parce que c'est l'un
des besoins les plus cruciaux, les plus pressants actuellement dans les
politiques de main-d'oeuvre québécoise.
Or, le ministre n'en a pas dit un mot.
M. BELLEMARE: M. le Président, est-ce que le député
me permet juste une intervention?
M. LEFEBVRE: Oui.
M. BELLEMARE: Je ne peux sûrement pas, dans une loi organique,
donner âl'honorable député toute la nomenclature de ces
lois nouvelles qui vont faire l'objet de changements. Je dis à la
Chambre que le préavis lorsqu'un employeur ferme ses portes, dont parle
le député, c'est prévu dans la nouvelle
législation, et fort bien prévu.
M. LEFEBVRE: M. le Président, il nous est difficile je
pense que le ministre l'admettra de prendre la parole du ministre sur ce
genre de choses.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas l'endroit pour en parler.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis tenu de prendre la parole
du ministre sur des situations de fait; je ne pense pas qu'il y ait aucun
règlement de cette Chambre qui m'oblige à prendre au
sérieux les promesses du ministre, parce que je pourrais lui en
donner...
M. BELLEMARE: II n'est pas question, M. le Président, de discuter
des promesses du ministre ni de faire son procès; il s'agit de discuter
du principe du bill en deuxième lecture.
M.LEFEBVRE: D'accord. Mais, M. le Président, je ne crois
pas...
M. BELLEMARE: II ne peut pas être question dans ça, de
préavis, c'est clair.
M. LEFEBVRE: ... que le ministre ait à juger de l'à-propos
de mon intervention. Quant à moi, comme le ministre a parlé d'un
bon nombre de choses je pourrais lui relater ses propos et qu'il
ne s'est pas senti lui-même dans une camisole de force pour faire
l'éloge de son bill, du moins, je ne le crois pas, je ne vois pas
très bien pourquoi...
M. BELLEMARE: Ce n'était que le début, là.
M. LEFEBVRE: ... à moins que vous-même n'en jugiez
même si mes propos ne plaisent pas au ministre du Travail il
restreindrait ma liberté dans la façon dont j'entends
démontrer à cette Chambre la pauvreté de sa loi et de son
argumentation. Je revendique ce droit, M. le Président, et, tant que
vous serez assis, je me sentirai en parfaite sécurité pour le
faire.
Je disais donc à cette Chambre et à vous-même, M. le
Président, que, traitant de ce problème du préavis, on dit
ici ce qui suit, premièrement: « Dans tous les pays
européens qui ont apporté avec éclat leur contribution
à l'enquête qui a été faite sur le sujet, on
constate l'existence d'un corps très important de mesures
destinées à éviter au travailleur de perdre sa place dans
l'entreprise et d'être... »
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Est-ce que je dois comprendre que
l'honorable député d'A-huntsic ne fait qu'ouvrir une
parenthèse? C'est ce que j'ai cru, lorsqu'il a abordé ce
problème. S'il voulait plaider à l'effet que le ministère,
sous sa nouvelle appellation, apporterait quelque changement à cette
politique, je pense bien que nous pourrions permettre cette argumentation,
sinon, il conviendra, je pense, qu'il déborde les cadres de la motion de
deuxième lecture.
M. LEFEBVRE: M. le Président, mon intention n'était que de
donner lecture d'une citation et non pas de faire une longue argumentation sur
ce sujet-là. Je pense que, si vous me permettez de finir ma citation,
ça évitera au ministre des recherches, puisqu'il trouvera au
journal des Débats des propos qui, je pense, pourront lui être
utiles et, encore une fois, qui m'apparaissent pertinents. Maintenant, si vous
préférez que je ne termine pas la lecture de cette citation,
quant à moi...
M. LE PRESIDENT: C'est-à-dire qu'il faudrait que la lecture de la
citation se réfère au sujet et à l'objet du bill. Je pense
que l'expérience du député d'Ahuntsic est assez grande
qu'il conviendra avec moi qu'il faut s'en tenir, à ce moment-ci,
à la nature et à la valeur intrinsèque du bill, à
l'à-propos du bill.
M. LEFEBVRE: M. le Président, c'est ce que je prétends
faire. J'ai mentionné tout à l'heure que le bill prévoyait
des pouvoirs nouveaux pour le ministère dans le domaine et je
cite ici le texte de la note explicative « du placement, du
classement, du recyclage, de la réadaptation, de la reconversion et de
la mobi- lité. » Or, je soutiens, M. le Président que le
bill aurait dû contenir quelque chose aussi au point de vue de la
sécurité d'emploi. Il me semble que je suis bien dans les cadres,
mais, encore une fois, M. le Président, avec votre obligeance, je ne
veux que compléter la lecture d'une citation et, ensuite, passer
à autre chose.
Nous disions donc, M. le Président, que, « dans tous les
pays européens qui ont apporté avec éclat leur
contribution à l'enquête, l'on constate l'existence d'un corps
très important de mesures destinées à éviter au
travailleur de perdre sa place dans l'entreprise et d'être ainsi
exposé au chômage. A l'heure actuelle, les concentrations
d'entreprises et l'automation déterminent une accentuation de la lutte
pour la sécurité de l'emploi. Compte tenu d'abord de l'opposition
entre la situation du travailleur et celle du chef d'entreprise en cas de
rupture, des différences entre eux quant aux risques courus, le droit au
préavis, disposition la plus timide puisqu'elle ne contredit pas la
faculté de rupture, est aménagée différemment selon
que la séparation émane du chef d'entreprise ou du travailleur.
L'ancienneté des services entraîne son augmentation. « Ainsi
en Belgique, le préavis ne dépasse jamais trois mois, si la
rémunération annuelle n'est pas supérieure à
120,000 francs, lorsqu'il doit être donné par l'employé,
tandis que le délai-congé émanant de l'employeur, pour ce
taux de rémunération, est augmenté de trois mois
dès le début de chaque période de cinq ans chez le
même employeur. « De son côté, le Royaume-Uni, en
vertu de l'Income Tax of Employment Act de 1963, a décidé
qu'après dix ans d'ancienneté, le préavis légal
était doublé à l'égard du salarié, tandis
qu'il n'était pas modifié en cas de démission du
travailleur. « La loi française du 19 février 1958
n'institue un préavis minimum d'un mois pour six mois de services
continus qu'en faveur du salarié. »
Or, M. le Président, le but de cette citation était de
bien démontrer à cette Chambre, et au ministre du Travail en
particulier, que le problème de la sécurité d'emploi, dans
tous les pays où Pon se préoccupe d'adopter la législation
du travail aux besoins de l'époque, a fait l'objet d'études
approfondies et qu'il a fait l'objet de législations. Ceci est afin
d'activer à la fois l'imagination et le sens du travail du ministre et
du gouvernement de façon que les détails ne soient pas trop
grands. En effet, en montrant la lacune qui existe dans ce bill dont nous
entreprenons aujourd'hui la discussion, je souhaiterais, quant à moi,
surtout tenant compte de
l'ouverture d'esprit que le ministre a affirmé avoir tout
à l'heure vis-à-vis des lacunes qu'on pourrait lui souligner,
j'espère, quant à moi, que dès avant que ce bill soit mis
aux voix, le ministre voudra demander à ses fonctionnaires de
préparer tout de suite un amendement pour prévoir, dans les
fonctions du nouveau ministère, les garanties normales en matière
de sécurité d'emploi. C'est le sens de mon propos.
M. le Président, le quatrième besoin, j'en était
à traiter brièvement du troisième besoin des travailleurs
face à une politique active de main-d'oeuvre, c'est certainement celui
du soutien financier en cas soit de chômage, soit d'accident du travail,
soit pour toute autre raison de sous-emploi, par exemple. Or,
déjà, le ministère du Travail, traditionnellement, et le
nouveau ministère qui nous est proposé dans le bill 287, avait
juridiction sur les accidentés du tra-vai. Il était donc
responsable, par le truchement de la Commission des accidents de travail, de
subvenir aux besoins financiers des accidentés, soit sous forme de
prestations temporaires, soit sous forme de pension dans les cas
d'invalidité permanente.
Je pense, quant à moi, qu'il faudrait peut-être envisager
la possibilité que l'assistance financière temporaire aux
sans-emploi soit désormais coordonnée avec les politiques de
main-d'oeuvre. De cette façon, les travailleurs provisoirement sans
travail ou sous-employés et qui ont besoin du soutien des pouvoirs
publics pourraient trouver sur place auprès du même
ministère et auprès des mêmes personnes, dans un même
lieu physique, tous les services dont ils ont besoin, en matière
d'orientation, en matière de recyclage ou encore en matière
d'assistance financière ou de placement.
Le cinquième besoin des travailleurs, M. le Président,
c'est certainement le besoin de protection au travail. Et, à ce point de
vue déjà, l'ancien ministère, comme le nouveau, sera
responsable de l'application de la loi du salaire minimum. Le nouveau
ministère devrait, à mon avis et je regrette que le
ministre n'ait pas mentionné d'intention ferme à ce sujet
améliorer la protection présentement offerte pour les
travailleurs à domicile. De même, le nouveau ministère
devrait s'occuper il s'occupera sûrement de l'application
des lois actuelles concernant la sécurité sur les lieux de
travail.
Incidemment, M. le Président, en matière de
sécurité sur les lieux de travail, nous attendons toujours le
fameux bill, qui est l'une des promesses faites très souvent par le
ministre, mais qui n'a pas encore été réalisée.
Evidemment, un problème comme celui du travail de nuit, dont nous aurons
à causer à propos d'une autre législation, tombera aussi
sous l'application de l'ensemble des mesures, si vous voulez, de protection des
travailleurs, et il est compris dans la juridiction du ministère, tel
qu'il nous est proposé.
La question que je me pose à ce moment-ci, c'est dans quelle
mesure voulant apprécier, n'est-ce pas, les chances du futur
ministère de répondre à ces besoins, je m'interroge en
toute bonne foi ces besoins ont déjà trouvé leur
réponse, ont déjà été satisfaits par le
ministère du Travail tel qu'il existe. En toute bonne foi, mon
impression, c'est que si on dit 25% ou 30%, c'est la note la plus
élevée qu'on puisse donner au rendement du ministère du
Travail tel que nous le connaissons présentement, eu égard,
encore une fois, à l'ensemble de la tâche à laquelle je
viens de faire allusion, c'est-à-dire eu égard à
l'application d'une politique de main-d'oeuvre, eu égard à une
politique qui répondrait aux besoins véritables des travailleurs.
Ces trois affirmations s'enchaînent, à mon avis, comme deux et
deux font quatre.
Voilà donc pour les besoins individuels des travailleurs. Mais,
nous le savons tous, les travailleurs ont aussi des besoins collectifs. En
particulier, ils agissent par l'intermédiaire de leur syndicat et en
collaboration, dans une certaine mesure, avec leurs employeurs. Parfois, c'est
une collaboration qui a beaucoup plus l'allure d'une confrontation, mais enfin,
j'en arrive à ce besoin collectif de relations
patronales-ouvrières ou de relations ordonnées entre ce que l'on
peut appeler les collaborateurs sociaux ou les représentants des
différents facteurs du travail. Peu importe l'appellation qu'on en
donne. Ce qui compte et ce que nous savons tous, c'est l'importance, du point
de vue de la paix sociale, bien sûr, mais surtout du développement
de l'économie, de relations harmonieuses entre les employeurs et les
employés.
Or, à ce point de vue, le rendement du ministère du
Travail a été peu satisfaisant. On peut s'interroger, avec
à mon avis beaucoup d'à-propos, sur le fait de savoir si le
nouveau ministère qui nous est proposé dans le bill 287
répondra vraiment aux besoins tels que nous les connaissons, tels que
plusieurs membres de cette Chambre les connaissent.
D'abord, nous savons tous, évidemment, que ce qui complique un
peu et même beaucoup les relations patronales-ouvrières,
actuellement, c'est le fait que nos structures industrielles sont j'ai
envie d'employer un terme familier un peu mal foutues, et que la
restructuration de ce côté-là est impérieuse si on
veut faciliter des relations harmonieuses entre les em-
ployeurs et les employés, parce que la multitude d'entreprise et
l'anarchie des structures industrielles actuelles compliquent
singulièrement ce problème.
Mais ce qui le complique aussi beaucoup et je pense que c'est mon
devoir d'attirer l'attention de la Chambre là-dessus c'est le
fait que le ministère du Travail, à mon avis, a tout à
fait, jusqu'à maintenant et ceci depuis que le titulaire actuel
occupe ce poste perdu la confiance des deux partis. Je pense que le
ministre, au cours de la discussion sur ça bill, comme sur les bills qui
viendront un peu plus tard, devra informer cette Chambre sur les moyens qu'il
entend prendre pour regagner la confiance des partis. En effet, aucune loi ne
saurait être efficace si ceux qui l'administrent n'ont pas la confiance
de ceux avec qui ils doivent collaborer.
Je ne veux pas m'allonger ici. Il serait peut-être mesquin de
citer au ministre toutes les critiques dont il a été l'objet,
mais je pense, encore une fois, que sans pousser trop loin notre enquête
sur ce point, nous devons prendre connaissance du fait qui m'apparaît
indéniable et hors de tout esprit partisan, que le ministre ne semble
pas avoir actuellement la confiance des partis. Ceci est un fait d'une telle
importance que les quelques modifications mineures qui nous sont
suggérées dans le bill 287 ne sauraient suffire à mon avis
à rétablir un meilleur climat à ce point de vue.
Pour démontrer que mon attitude j'y ai fait allusion tout
à l'heure n'est pas une critique négative inspirée
par des motifs partisans, vous me permettrez de vous rappeler très
brièvement que justement, le parti auquel j'appartiens a
déjà je n'ai fait que le mentionner tout à l'heure
posé les jalons de cette politique que nous aurions aimé
voir proposer par le ministre du Travail au nom du gouvernement actuel.
Déjà, en 1966, je le répète, nous avions
inscrit à notre programme électoral la création imminente
d'un ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. En 1967, notre
congrès plénier a adopté plusieurs résolutions
d'une grande importance. Pour montrer justement que nous ne sommes pas un parti
ou un groupe d'hommes qui considèrent leurs prises de position comme
définitives et immuables et qui se considèrent comme
arrivés à la perfection, nous avions justement
amélioré le programme électoral de 1966. En effet, nous
nous étions rendu compte que les activités dans le domaine de
l'immigration, qu'il était grand temps d'entreprendre dans le
Québec sous la juridiction du gouvernement du Québec, devaient
logiquement tomber sous la juridic- tion d'un seul ministère, avec les
activités de la main-d'oeuvre, et constituer un ministère unique,
celui de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration.
Je constate que le député de Trois-Rivières me
regarde avec des yeux effarés parce qu'il craint de perdre cette
nomination qu'il vient d'avoir, mais il n'en reste pas moins...
M. GABIAS: Non, ce n'est pas à cause de ça; c'est à
cause de l'image que je vois.
M. LEFEBVRE: Parlez donc un peu; cela va me permettre de prendre un
verre d'eau.
M. GABIAS: Lorsqu'on ne parle pas, ça ne fait pas; lorsqu'on
parle, ça ne faitpas non plus.
M. LESAGE: Que le ministre en profite pour regarder autour de lui.
M. LEFEBVRE: Quand on vous y invite. M. LESAGE: Qu'on appelle d'autres
députés. UNE VOIX: C'est vide.
M. LEFEBVRE: Je disais donc que le congrès libéral...
M. LESAGE: II n'y a que des ministres dans le parti d'en face. Il y en a
un troisième qui vient d'entrer.
M. GABIAS: Oui, ce sont les meilleurs.
M. LESAGE: Les députés sont fatigués d'avoir trop
« bagoté ».
M. LOUBIER: Non, il y en a une dizaine ici. Voulez-vous qu'ils
entrent?
M. LEFEBVRE: Je disais donc que le congrès libéral, en
1967, a adopté comme idée l'intégration sous
l'autorité d'un même ministère des activités de
main-d'oeuvre et d'immigration. Vous me permettrez de regretter que le bill 287
n'ait pas fait ce mariage, à notre avis, tout à fait essentiel,
non pas entre le député de Trois-Rivières et le
député de Champlain, mais entre deux activités
gouvernementales qui nous apparaissent être de la même famille.
En 1967, le congrès du parti libéral avait
également adopté comme position la nécessité, afin
d'éviter le gaspillage des fonds publics, de coordonner les
activités du gouvernement du Québec et du gouvernement
fédéral dans le secteur de la main-d'oeuvre. Vous vous en
sou-
viendrez, car nous avons eu à ce sujet quelques échanges
de vues en cette Chambre. Je ne veux pas revenir sur ces débats, mais je
pense qu'il faut à nouveau constater que le gouvernement actuel semble
peu se soucier et c'est malheureux que le bill et le discours du
ministre ne nous laissent pas entrevoir une nouvelle attitude sur ce point
du gaspillage de fonds publics qu'il effectue présentement dans
le secteur de la main-d'oeuvre, en faisant une guerre malhabile plutôt
qu'une négociation virile avec les autorités
fédérales pour éviter la double taxation.
A notre congrès de 1967 toujours, nous avions adopté
et je ne fais que le mentionner une résolution concernant
la création de commissions de prévention des conflits de
travail» Au congrès de 1968, nous avons pris une position qui est
directement en relation avec ce bill 287 plus encore, peut-être,
que celle au-quelle je viens de faire allusion puisque nous avons
proposé la création au Québec d'un conseil de la
main-d'oeuvre qui soit entièrement autonome dans ses activités et
qui ne soit pas un enfant mineur du ministre du Travail, comme le sera le
conseil supérieur du travail et de la main-d'oeuvre dont le ministre
nous entretiendra à l'occasion de la discussion du bill 288.
Quant à nous, il nous semble que l'autonomie des partenaires
sociaux doit s'affirmer comme un fait et qu'elle doit être
encouragée par les pouvoirs publics. Je regrette de dire que je ne
serais pas le moins du monde surpris à moins qu'il ne la modifie,
car il nous a dit tout à l'heure qu'il était devenu un
modèle de souplesse depuis tout récemment que l'attitude
actuelle du ministre et du gouvernement entraîne de la part des
partenaires sociaux un boycottage des institutions que le ministre propose
parce que ces institutions seraient désuètes et que
l'autonomie des partenaires sociaux soit faite d'une certaine façon
contre les pouvoirs publics, au lieu d'être faite avec leur
encouragement, comme la chose serait tout à fait normale.
M. BELLEMARE: C'est l'annonce d'une nouvelle politique.
M. LEFEBVRE: Non, M. le Président, j'ai dit...
M. BELLEMARE: J'ai reconnu vos propos.
M. LEFEBVRE: Vous avez reconnu mes propos? Alors, j'espère que le
ministre, s'il a reconnu la justesse de mes craintes, agira de façon
qu'elles ne se réalisent pas et qu'il modifiera les attitudes
paternalistes qu'il a prises et qui sont d'ailleurs un peu dans la veine d'un
certain discours que nous avons entendu récemment en Chambre, où
le ministre semblait plus soucieux d'appliquer le code criminel que le code du
travail. Il y avait là une confusion des rôles qui a lieu
d'inquiéter, lorsqu'on songe aux pouvoirs d'enquête que le
ministre veut s'arroger. Lorsqu'on se rappelle son discours sur Saint-Casimir,
on peut se demander à qui on confie des pouvoirs d'enquê-te.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je saurais gré à l'honorable
député d'Ahuntsic de ne pas se référer à des
débats antérieurs ou à des discours antérieurs en
cette Chambre pendant la présente session.
M. GABIAS: L'embouteillage à Casimir!
M. LEFEBVRE: M. le Président, je me retire de ce terrain
glissant, à cause de nos règlements, pas autrement.
M. BELLEMARE: Vous êtes seul sur ce terrain-là. Vous
n'êtes pas nombreux sur ce terrain-là.
M. LEFEBVRE: Si on voulait parler de la glace, je pourrais faire
allusion au discours du premier ministre au Forum, mais ce serait
sûrement hors d'ordre.
M. le Président, je reviens à l'ordre. Alors, à
partir de là, je veux...
M. LOUBIER: Elle n'a pas été forte, celle-là non
plus. C'est le signe d'un grand politicien. Pas de personnalité,
rien.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEFEBVRE: Vous n'avez pas trouvé ça bon, vous?
M. GABIAS: C'est quelque chose de très digne.
M. GABIAS: Continuez, ça va bien.
M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, à partir de ces
positions élaborées par le parti auquel j'adhère, il m'est
arrivé de préparer un schéma. Je regrette que le ministre
du Travail n'ait pas jugé à propos de s'en inspirer un peu plus.
Je crois que ç'aurait été dans l'intérêt
public et qu'il en aurait retiré un bénéfice politique. Je
ne m'en serais pas plaint, parce que, si ç'avait pu être à
l'avantage du
bien public dans la province, je ne lui aurais certainement pas fait
grief d'avoir pigé quelques idées que je croyais et que je crois
encore valables.
Je veux toutefois, pour éviter toute équivoque, et je
pense que c'est de mon devoir de faire cette précision à ce
moment-ci, dans le bill que nous discutons présentement, il est fait
allusion à certains pouvoirs qui seraient conférés au
ministre en matière de formation professionnelle.
Or, je ne peux pas, bien sûr, faire allusion à un article
spécifique, mais j'attire votre attention sur le fait que ces pouvoirs,
en matière de formation professionnelle, ne sont pas définis.
Cependant, dame rumeur voudrait que ce fût l'intention du ministre
d'élargir, à partir de ces pouvoirs nouveaux, la fonction des
centres d'apprentissage. Ceci en ferait des écoles de formation
professionnelle, non pas polyvalentes au sens du rapport Parent, mais
polyvalentes peut-être au sens où le ministre l'entend,
c'est-â-dire qu'elles offriraient à la population, jeune et
adulte, une variété de cours préparant à
différents métiers.
Or, si je fais, à ce moment-ci, allusion à ce point
spécifique, c'est que, dans un document public auquel je sais que le
ministre a porté un grand intérêt parce que, me trouvant,
un soir, dans la galerie, je l'ai vu barbouiller en rouge, en vert et en bleu,
entourant de cercles, ici ou là, le texte en question ce texte
était une suggestion de schéma pour un futur ministère de
la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration au Québec. Je voudrais dire au
ministre que, quant à moi, bien qu'il y ait eu peut-être une
équivoque dans ce texte, je l'admets, je crois que ce serait
extrêmement malhabile et contraire à l'intérêt public
de s'éloigner le moindrement de la notion de polyvalence
recommandée par le rapport Parent. Ce serait, à mon avis,
contraire à l'intérêt des travailleurs et de tout le monde
que le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, dont on nous parle,
et que les pouvoirs nouveaux en matière de formation professionnelle
dont on nous parle au bill 287, signifiassent, le ministre des Affaires
culturelles devrait être là, pour lui remettre une couple de
subjonctifs en passant.
M. GABIAS: Signi... quoi?
M. LEFEBVRE: Signifiassent, disais-je, que le ministère du
Travail entrerait de plain-pied dans l'enseignement, dans l'exécution de
la formation professionnelle.
M. GABIAS: Signifiât.
M. LEFEBVRE: Si, en tout cas, un texte qui a été
publié sous ma signature a pu avoir l'air d'approuver cela, je tiens
à faire la correction. Je n'ai d'ailleurs pas à prendre le temps
de cette Chambre pour exposer des théories personnelles
là-dessus, mais je veux que toute équivoque soit dissipée
parce que cela n'a jamais été mon intention. Je crois cependant
que les nouveaux pouvoirs que le ministre réclame devraient s'appliquer
à lui confier la juridiction et l'autorité en matière
d'établissement des profils des métiers et en matière
d'établissement des normes d'admission ou d'accessibilité aux
métiers, mais non pas en ce qui concerne l'exécution de
l'enseignement lui-même. Qu'il s'agisse d'enseignement aux adultes ou
d'enseignement aux jeunes, je crois qu'il est normal de laisser cette
tâche au ministère de l'Education.
M. le Président, je regrette que le bill que nous propose le
ministre encore une fois, au-delà du texte, c'est son discours
qui nous en fournit la preuve ne nous donne pas l'image du Québec
à sa dimension actuelle et ne réponde pas aux besoins du
Québec tels que nous les connaissons présentement. Il eût
fallu, par exemple, je le répète, intégrer les
activités de l'immigration avec celles de la main-d'oeuvre.
Quant à nous, nous n'avons rien à retirer de ce que nous
avons dit page 2073 du journal des Débats du 28 mai 1968
concernant le bilan que nous faisons des activités du ministre de
l'Education. Je ne vais pas lui imposer une nouvelle lecture de ce bilan, bien
que j'en aurais le droit puisqu'il s'agit du journal des Débats...
M. GABIAS: Que le député le relise.
M. LEFEBVRE: ... qui provient d'une session antérieure. Si le
ministre de l'Immigration me provoque, je vais sûrement le relire, mais
je pense que son confrère n'en serait pas très heureux. Or, M. le
Président, encore une fois...
M. GABIAS: Je ne provoque pas, je constate.
M. LEFEBVRE: ... sans prendre plaisir à répéter ce
bilan, il nous semble et quant à moi, je le regrette que
le ministre ne s'est pas montré à la hauteur de sa tâche
dans tous les points que j'ai soulignés le 28 mai 1968. Il nous semble
également que la présentation de ce bill 287 ajoute une nouvelle
preuve à ce dossier dans le sens que le bill ne répond pas aux
besoins actuels en matière de main-d'oeuvre ni en matière de
relations de travail. Encore une fois, le discours du ministre, auquel j'arrive
dans un
instant, nous fournit une preuve éclatante si le mot
« éclat » peut être employé ici nous
fournit une preuve éclatante de ce fait.
M. le Président, je voudrais, pour faire plaisir,
peut-être, au ministre je sais qu'il n'apprécie pas
toujours mes interventions en Chambre, que parfois même il feint de
sortir pour aller écouter ce que nous avons à dire dans le bureau
du premier ministre où il y a un haut-parleur dire...
M. GABIAS: ... qui est intéressant.
M. BELLEMARE: Je ne peux même plus aller au petit endroit sans lui
demander la permission? Ce n'est pas là que je l'écoute.
M. LEFEBVRE: M. le Président, moi, je ne peux sûrement pas
y inviter le ministre, ce serait contraire au règlement.
M. BELLEMARE: II n'a pas compris.
M. LEFEBVRE: Bien oui, vous avez parlé du petit endroit et j'ai
dit: Je ne peux pas vous inviter à y aller, ce serait contraire au
règlement.
M. GABIAS: Continuez et nous allons tous y aller.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je voudrais, au risque de m'attirer
les foudres et la démagogie, parce que j'ai appris du ministre du
Travail que le terme « démagogie » était
permissible...
M. GABIAS: Non, démagogique.
M. LEFEBVRE: ... risque de m'attirer des déclarations
enflammées du ministre du Travail ou de quelques-uns de ses
collègues qui auront tôt fait de conclure que j'approuve tout ce
que fait le premier ministre actuel du Canada ou que j'approuve ses points de
vue sur toute question, prendre le risque énorme de citer une phrase du
premier ministre actuel, qui m'apparaît excellente et qui définit,
en tout cas, pour moi, la façon...
M. GABIAS: Bon!
M. LEFEBVRE: ... dont je conçois mon rôle en cette Chambre.
Ceci expliquera un peu l'attitude avec laquelle j'ai parlé
jusqu'à maintenant et celle que j'adopterai en critiquant de
façon plus directe le discours du ministre.
J'ai surtout parlé du bill jusqu'à maintenant, mais,
à partir de maintenant, j'ai l'intention de parler du discours du
ministre du Travail.
M. GABIAS: Cela fait une heure et quart qu'il parle.
M. LEFEBVRE: M. le Président, comme je donne la réplique
au ministre, je ne crois pas que mon temps soit limité.
M. GABIAS: Tiens, un autre chef de l'Opposition! Us sont rendus à
quatre.
M. LEFEBVRE: En tout cas, laissons au président le soin de
décider cela. Mais, mon impression...
M. GABIAS: C'est une heure et pas beaucoup plus.
M. LEFEBVRE: Le président décidera cela
lui-même.
M. GABIAS: Non, le règlement décidera de cela.
M. LEFEBVRE: Ce n'est pas mon impression.
M. GABIAS: C'est le règlement.
M. LEFEBVRE: Je comprends que vous lui donnez des suggestions, mais il
est capable de décider lui-même. Je disais donc que, dans un
numéro d'une excellente revue, Cité libre, le premier ministre
actuel du Canada...
M. GABIAS: Ah! Ah! Ah! Cité libre.
M. LEFEBVRE: J'attendais ce rire sardo-nique.
M. GABIAS: En voulez-vous au premier ministre du Canada?
M. LEFEBVRE: Non, pas du tout. Le premier ministre écrivait ceci:
«Dans une démocratie parlementaire, l'homme d'opposition est celui
qui fait profession de croire que le parti au pouvoir a tort d'y être.
Non pas nécessairement parce que ce parti... » Ecoutez, cela va
vous instruire.
M. GABIAS: Oui, il a tort d'y être. Vous avez raison.
M.LEFEBVRE: Vous en avez besoin. M. GABIAS: Vous avez raison.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je disais donc...
M. CROISETIERE: En quelle année?
M. LEFEBVRE: Je vais vous donner le numéro.
M. GABIAS: Cela devait être en 1952 ou en 1953.
M. LEFEBVRE: C'est en mal 1960. C'est une bonne année, 1960.
C'est un mois intéressant.
M. CROISETIERE: Cela a changé depuis. M. GABIAS: Ce fut une bonne
année.
M. LEFEBVRE: M. le Président, il ne faudrait pas qu'on
étire indûment mon discours. Je disais donc: « Dans une
démocratie... Je vais être obligé de recommencer, car le
ministre de l'Immigration ne comprendra pas si je reprend au milieu de la
phrase.
M. LAFRANCE: Il ne comprendra pas, de toute façon.
M. LEFEBVRE: « Dans une démocratie parlementaire, l'homme
d'opposition est celui qui fait profession de croire que le parti au pouvoir a
tort d'y être. Non pas nécessairement parce que ce parti agit
toujours mal, mais parce qu'un autre parti ferait plus souvent mieux
c'est instructif, cela Conséquemment, qu'il siège au
Parlement ou qu'il soit autrement actif dans la politique, l'homme d'opposition
doit critiquer systématiquement et impitoyablement les erreurs du
gouvernement et employer tous les arguments vrais et les moyens légaux
afin qu'éventuellement le peuple élise un autre parti à
l'exercice du pouvoir ». N'est-ce pas une belle citation?
Quant à moi, c'est dans cet esprit non pas pour faire de
la peine au député de Champlain, à qui je n'ai pas raison
d'en vouloir comme homme que j'aimerais, maintenant, faire quelques
remarques sur les propos qu'il a tenus en cette Chambre pour défendre le
bill 287. D'abord, le ministre a commencé en disant que, d'après
lui, ce n'était pas le temps de susciter un débat sur des
accusations qu'on avait formulées à son endroit. M. le
Président, c'est...
M. BELLEMARE: Si le député veut me citer, qu'il me cite au
texte.
M. LEFEBVRE: C'est ce que jefais.
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. LEFEBVRE: Alors, répétez ce que vous avez dit.
M. BELLEMARE: J'ai ici la transcription exacte de ce que j'ai dit. Je
veux que le député me cite.
M. LEFEBVRE: Je n'ai pas latranscription. Le ministre me ferait-il
l'obligeance... M. le Président, je crois que si le ministre
m'interrompt, c'est pour affirmer l'inexactitude de mon propos. En ce
cas-là., la seule chose intelligente qu'il puisse faire, c'est de
rappeler les propos qu'il a tenus. Alors, s'il veut le faire, je vais
l'écouter, mais, qu'il lise attentivement. Il ne veut pas? Alors, comme
le ministre n'a pas de réplique, je tiendrai pour acquis que ma citation
est honnête, bien que j'admette qu'elle ne soit pas au texte, parce que
je ne suis pas sténographe et que je n'ai pas eu l'occasion de...
M. BELLEMARE: Le député n'a pas le droit de ne pas avoir
la transcription des débats. Son parti la reçoit continuellement;
elle est transmise au bureau du chef de l'Opposition et du leader
parlementaire. Elle arrive continuellement en plusieurs copies en bas,
dès qu'elle est imprimée.
M. HARVEY: II vient de parler de la citation et il ne l'a pas.
M. LEFEBVRE: M.lePrésident, c'est la première fois que
j'entends dire dans cette Chambre qu'un député est tenu de relire
les discours du ministre du Travail. On a assez de les entendre une fois sans
les relire, voyons!
M. BELLEMARE: Je n'ai pas d'objection à ce que vous ne les
relisiez pas, mais, lorsque vous me citez, je voudrais bien que vous citiez mes
paroles telles qu'elles ont été prononcées pour ne pas
changer, non plus, l'aiguillonnage de votre raisonnement qui me semble
très, très farci.
M. LEFEBVRE: M. le Président, mon raisonnement est
peut-être farci...
M. LOUBIER: Arrêtez doncl C'est une perte de temps.
M. LEFEBVRE: ... mais, s'il est farci, c'est de vérités,
parce que je cite, le ministre le plus honnêtement possible. Encore une
fois, la seule preuve qu'il puisse donner que je le cite incorrectement, c'est
de relire lui-même des passages, je ne vais pas, quant à moi,
m'imposer cette tâche, il n'y a rien qui m'y
oblige. J'affirme répéter honnêtement ce que j'ai
entendu de la bouche du ministre. S'il n'est pas satisfait, il pourra toujours,
mais à condition que vraiment il prenne mon propos en défaut, je
suis sûr qu'il a la possibilité de corriger.
Mais à toutes fins pratiques est-ce que l'un des pages aurait
l'obligeance d'aller me chercher une copie du discours, au cas où le
ministre lirait mal?
M. LOUBIER: C'est effrayant comme c'est sérieux.
M. DEMERS: Cela paraît qu'il n'a plus rien à dire. C'est
effrayant!
M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, le ministre, au
début, faisant allusion aux attaques dont il avait été
l'objet, a dit: Ce n'est pas le lieu en cette Chambre de traiter de cela. Or,
justement, M. le Président, nous ne sommes pas d'accord avec lui. C'est
le lieu, en cette Chambre, pour le ministre du Travail, de justifier ses
gestes. C'est tout à fait le lieu. C'est ce que nous prétendons.
Je ne vois pas par quelle logique un ministre de la Couronne, qui invoque sur
lui tant de respectabilité et d'autorité, et qui demande à
tout le monde de le considérer aussi honorable qu'il l'est d'ailleurs,
je ne vois pas de quel droit il se sentirait exempté de la
nécessité de justifier ses actes. Et s'il croit que des gens
portent contre lui des accusations injustes, je pense que c'est le lieu pour en
discuter. Je n'accepte pas, quant à moi, ses attitudes de fausse vertu
et de pucelle offensée que le ministre prend, à l'instar
d'ailleurs de quelques-uns de ses collègues. Cela semble devenir un peu
une mode, dans le gouvernement actuel, de se faire passer pour Jeanne d'Arc ou
Madeleine de Verchères, je ne sais trop. Mais il nous semble, M. le
Président, que, lorsque le ministre est l'objet d'attaques, il serait
normal, surtout lorsque ces attaques viennent de personnes aussi respectables
que lui, aussi responsables que lui, il ne serait que normal et personne
dans cette Chambre ne lui en ferait grief de s'expliquer devant la
Chambre. Au contraire, nous croyons que le ministre devrait se sentir tout
à fait à l'aise de le faire.
M. le Président, le ministre a, aussi, longuement fait allusion
à l'excellence de son équipe, parlant des hauts fonctionnaires du
ministère. Quant à moi, je sais bien que je n'y réussirai
pas, mais je voudrais une fois de plus, et je le ferai aussi souvent que j'en
aurai l'occasion, inviter le ministre à cesser de se cacher
derrière ses fonctionnaires.
Ceci nous semble une altitude qui manque de grandeur. Quant à
nous, nous n'avons jamais fait le procès des fonctionnaires du
ministère du Travail, nous n'avons aucune intention de le faire. Pour
nous le seul homme dont la conduite doit être jugée par cette
Chambre et finalement par l'opinion publique, c'est le ministre du Travail, et
c'est le gouvernement auquel il participe. Mais personne ici ne fait le
procès des fonctionnaires, et il n'ajoute rien à sa taille en
affirmant l'excellence de son équipe. Au contraire, je pense que le
ministre se fait tort, parce que si son équipe est aussi excellente, les
résultats devraient être meilleurs.
M. le Président, le ministre a fait allusion au fait qu'il allait
soumettre cinq projets de loi. Il a semblé se vanter du chiffre cinq. Je
lui épargnerai de relire toutes les déclarations qu'il a faites
concernant l'imminence de la présentation des projets de loi. J'en ai
une ici en date du 15 octobre 1967. Cette fois-là, je pense que
c'était le premier ministre du temps lui-même qui promettait des
amendements. C'était pour être la semaine prochaine. J'en ai une
autre en date du 5 janvier 1968. Le ministre du Travail, d'après le
Devoir du 5 janvier, y disait ceci: « M. Maurice Bellemare a
annoncé hier que les nombreux amendements qu'il se propose de proposer
au code du travail d'ici quelques mois. » C'était au mois de
janvier 1968. L'arithmétique du ministre du Travail est
légèrement différente de la nôtre, mais, enfin,
c'était « d'ici quelques mois. » Cela devait contenir
évidemment des réponses à tous les problèmes qui se
posent, dans le secteur des relations patronales ouvrières
notamment.
Or, si je rappelle cela, c'est pour dire au ministre qu'à notre
avis, il n'a pas raison de se glorifier trop fort du fait qu'il arrive à
la fin de la session avec cinq projets de loi dont, d'ailleurs, dans deux cas,
nous n'avons même pas encore de copies, cinq projets de loi dont il tente
d'obtenir en vitesse l'approbation des membres de cette Chambre.
Le reproche lui a été fait en dehors de la Chambre, et je
pense...
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne puis accepter cette
assertion de l'honorable député. C'est archifaux que nous
voulions procéder avec vitesse. Au contraire, nous ne sommes qu'au 5
décembre et nous avons de nombreux jours encore qui nous séparent
de la fin de la session. Il n'y a pas de vitesse du tout, même si on se
sert de cela pour en faire un argument qui porte à faux.
M. LEFEBVRE: Mais, M. le Président...
M. LESAGE: Il est ineffable parfois, le ministre du Travail.
M. LEFEBVRE: Ce qui m'a fait croire que le ministre était
pressé, c'est qu'il n'avait même pas le temps d'entendre les
parties, par exemple. Lorsque nous avons demandé la convocation du
comité des relations industrielles, lorsque le centre des dirigeants
d'entreprises l'a demandé, lorsque les centrales syndicales l'ont
demandé, il y dit : Non, non, non, cela presse, cette affaire-là.
Il faut que cela passe...
M. BELLEMARE: Est-ce que le député dit qu'ils n'ont pas
été vus?
M. LEFEBVRE: Bien, j'affirme que le comité des relations
industrielles n'a pas été convoqué.
M. BELLEMARE : Est-ce que le député dit que le centre de
dirigeants n'a pas été vu?
M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le ministre
affirme...
M. BELLEMARE: Est-ce qu'il dit oui? M. LEFEBVRE: Non, je n'ai pas dit
cela. M. BELLEMARE: Ah bon! M. LESAGE: C'est un dialogue de sourds.
M. LEFEBVRE: M. le Président, puisque le ministre veut faire
allusion à ses rencontres avec certains groupes, est-ce que je pourrais
lui demander de dire à cette Chambre si le résultat de sa
rencontre avec les représentants du centre des dirigeants d'entreprises
a été fructueux? Est-ce que cela a apporté une meilleure
compréhension?
M. BELLEMARE : On verra cela en comité.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Malheureusement, je ne peux permettre des
questions et réponses de ce genre à ce moment-ci.
M. LEFEBVRE: Parfait, M. le Président, alors, on verra en
comité.
Alors, M. le Président, lorsque le ministre a parlé de ses
antennes, il a dit: Le ministre du travail doit avoir des antennes. Je l'ai vu
à ce moment-là se transformer en une sorte de martien survolant
de ses antennes les dif- férentes régions de la province,
recueillant les renseignements, en vertu de l'article 11. Alors, ces antennes
du ministre du Travail me semblent fonctionner d'une façon
légèrement originale. Par exemple, je ne vois pas comment ses
antennes fonctionnent alors qu'il nous présente des bills qui,
d'après les témoignages que nous en avons entendus, ne
correspondent aucunement à ce que sont les voix de ses antennes. Parce
que nous imaginons que l'une de ces antennes, dans son esprit c'est
tellement vrai que nous avons l'impression qu'il veut en faire son bras
à lui-même; son bras physique, c'est le Conseil supérieur
du travail, il est tellement proche du ministre dans la loi qu'il nous propose
mais à laquelle je n'ai pas le droit de faire allusion, M. le
Président, présentement nous avons l'impression que l'une
de ses antennes doit être cela.
Or, M. le Président, le ministre pourtant semble ne tenir aucun
compte des recommandations de ces messieurs du Conseil supérieur du
travail. Quelles sont donc ses antennes, M. le Président? Il nous a dit
que c'était le devoir du ministre d'entendre les parties. Eh bien, il
reçoit hier une délégation et parce que ces messieurs sont
un peu plus nombreux qu'il ne l'avait prévu ou espéré, il
refuse de les recevoir.
M. BELLEMARE: Je n'ai pas refusé.
M. LEFEBVRE: Vous n'avez pas refusé? Vous avez dit
vous-même tout à l'heure que...
M. BELLEMARE: J'ai dit et j'ai répété que j'ai
envoyé un télégramme et, dans le télégramme,
sont bien spécifiées les trois personnes signataires.
M. LEFEBVRE : Bien oui, je comprends cela, mais ce que j'ai
affirmé et ce que je répète, c'est que vous avez
refusé de recevoir les gens qui étaient là. Alors, cela,
c'est votre droit évidemment, votre droit sacré en tant
qu'autorité responsable et tout cela. Je veux bien. Mais, à notre
avis, en 1968, il nous apparaît légèrement curieux qu'un
ministre fort bien protégé contre tout danger physique ou moral
qui puisse survenir à l'occasion d'une telle entrevue, craigne, n'est-ce
pas, de recevoir des gens fort respectables et qui venaient faire part de leur
point de vue. Quant à nous, le ministre aura quelques difficultés
à nous convaincre que c'est là une attitude d'ouverture d'esprit
et que c'est là une attitude vraiment de dialogue et de collaboration
avec les différents groupes.
M. le Président, il y a un point qui m'apparaît fort
important dans l'intervention du mi-
nlstre pour expliquer sa philosophie. Le ministre a dit: A cinq heures,
un quart d'heure peut-être avant de m'envoyer le télégramme
demandant une entrevue : Il y a des gens qui ont convoqué...
M. BELLEMARE: Une heure, une heure.
M. LEFEBVRE: ... une conférence de pression pour dire à la
presse d'abord, avant de me le dire à moi, ce qu'ils pensaient. C'est
grave!
M. BELLEMARE: Ce n'est pas cela du tout. M. LEFEBVRE: Bien.
M. BELLEMARE: Encore une transformation à son goût de ce
que j'ai dit.
M. LEFEBVRE: Non, non, je regrette.
M. BELLEMARE: Vous relirez. Le député n'a pas le droit de
me citer de travers, comme il le fait là.
M. LEFEBVRE: Non, je regrette.
M. BELLEMARE: S'il veut faire un « show », qu'il le fasse
à son goût, en me citant, mais non en interprétant mes
paroles comme il le fait là. Je ne permettrai pas cela.
M. LEFEBVRE: Comme je devais parler immédiatement après le
ministre, je ne vais pas faire perdre le temps de la Chambre en recherchant
moi-même le passage. Toutefois, si je puis le retrouver à temps,
le ministre se rendra compte qu'il n'avait aucun intérêt à
m'arrêter, parce que l'exactitude de mon propos sera sûrement
démontrée par une citation exacte...
M. BELLEMARE: Jamais.
M. LEFEBVRE: ... de ce qu'il a dit. Le ministre a fait grief aux
dirigeants d'une centrale syndicale de s'être exprimés
publiquement avant d'être allés à son bureau. Ce que je
veux affirmer en cette Chambre, c'est que, quant à nous, nous sommes
prêts à nous battre, chaque fois que nous en aurons l'occasion,
pour empêcher qu'on revienne au système de « la grande
noirceur » où personne ne pouvait parler publiquement avant
d'être allé voir le chef.
La notion d'autorité que le ministre du Travail voudrait nous
vendre, nous ne sommes pas prêts à l'acheter. Pour nous,
l'autorité ça coexiste avec la liberté. Et je dis que la
notion d'autorité que le ministre du Travail a voulu relayer à la
province à l'occasion de ce discours comme de ses discours
antérieurs, nous n'en sommes pas. La position du ministre
là-dessus est aussi ridicule que serait celle d'un homme qui
reprocherait au premier ministre actuel, le député de Missisquoi,
de faire connaître son point de vue par la voie des journaux, disons,
avant d'aller à la conférence fédérale-provinciale
du 16 décembre. S'il fallait qu'en arrivant à Ottawa le premier
ministre fédéral frotte les oreilles du premier ministre du
Québec en disant: Monsieur, vous êtes allé dire à la
presse ce que vous pensiez avant de venir me le dire, je pense qu'il ferait
rire de lui.
Avec tout le respect qu'il faut avoir pour l'autorité et pour le
rôle que remplit le ministre du Travail dans cette province, je soumets
que sa notion de l'autorité est périmée, de même que
sa réaction devant ce fait-là. Je ne pense pas que le ministre
avance beaucoup en maintenant cette attitude-là. Si j'en parle, M. le
Président, ne croyez surtout pas que cela n'ait pas de rapport avec
l'étude du bill. D'abord, je réplique aux propos exacts du
ministre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Disons que je m'interrogeais très
sérieusement sur ce point. C'est qu'en fait l'honorable ministre du
Travail a, je pense, abordé ce sujet à un moment donné. Si
mon information est exacte, c'est lorsque le député d'Ahuntsic
lui-même lui avait posé une question ou l'avait interrompu. Je
pense que, d'un côté comme de l'autre, on conviendra que ceci ne
se rapporte pas à la valeur intrinsèque du bill ou à son
à-propos. J'ai permis ici une paranthèse, une explication, mais
je compte que l'honorable député d'Ahuntsic n'ira pas pous loin
sur le même propos.
M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, je terminerai, en effet, cet
incident. Mais, comme le ministre m'a accusé de fausser son propos et
comme je crois avoir retrouvé la citation exacte, pour répondre
à la demande du ministre, j'aimerais relire ce paragraphe: « M.
Bellemare: Oui, cela a été publié dans les journaux, cela
a été une avant-première du télégramme que
ces honorables messieurs ont bien voulu me faire parvenir. Je pense que, dans
le monde que nous traversons, où nous avons des problèmes
difficiles à régler, employer des termes tels que ceux
rapportés dans ce communiqué et rapportés en partie dans
ce télégramme n'est pas ce qu'il y a de plus courtois quand on a
à rencontrer un ministre qui est responsable d'un organisme aussi
difficile que celui du ministère du Travail. Ce n'est pas avec ces
sortes de ter-
mes que nous allons marcher. Je dis et je répète que je
n'ai jamais manqué de déférence, etc.. » Alors, je
pense que le texte que je viens de citer démontre que mon propos d'il y
a un instant n'était pas du tout faux ou hors de propos...
M. BELLEMARE: C'est différent de ce que vous avez dit.
M. LEFEBVRE: ... comme le ministre l'a affirmé.
M. BELLEMARE: C'est bien différent de ce que, vous, vous avez
affirmé.
M. LEFEBVRE: C'est-à-dire que, dans un cas, c'est au texte, et,
dans l'autre cas j'en ai cité l'esprit.
M. BELLEMARE: C'est de l'imagination.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je terminerai en rappelant au
ministre...
M. GABIAS: II est temps!
M. LEFEBVRE: ... qu'à la fin de son discours, il a lui-même
répété à plusieurs reprises: cette fois-ci,
f espère qu'il ne me demandera pas de citer le texte précis
Nous consulterons, nous consulterons. Cela, c'était pour les
prochaines lois, pour celles qu'il va déposer à la prochaine
session.
M. BELLEMARE: Vous, vous ne l'avez jamais fait.
M. LEFEBVRE: Or, si la consultation c'est bon pour les prochaines lois,
pourquoi ne serait-ce pas bon pour celle-ci?
M. BELLEMARE: Parce que cela a été fait. On le dira en
temps et lieu.
M. LEFEBVRE: Oui, en temps et lieu, cela, je comprends. Vous êtes
rendu que vous copiez le premier ministre dans toutes ses expressions.
M. BELLEMARE: C'est vrai. Je vais dire: Très prochainement.
M. LEFEBVRE: De grâce,ne vous mettez pas à tous vous copier
comme ça...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEFEBVRE: ... parce que cela va devenir...
M. BELLEMARE: II y a une chose que je ne voudrais pas copier, c'est
votre style.
M. GABIAS: N'ayez pas peur, personne ne va vous copier.
M. LEFEBVRE: C'est excellent. Alors, quant à nous je
termine mon propos sur la deuxième lecture de ce bill, je sais que
plusieurs de mes collègues ont l'intention de prendre part au
débat nous aurons évidemment aussi en comité
l'occasion de dire de façon plus précise les griefs que nous
pouvons avoir vis-à-vis de tel ou tel article précis. Cependant,
si nous votons en deuxième lecture en faveur du principe du bill, ce
sera à contrecoeur, en un sens, parce que nous aurions tellement
souhaité voir dans ce bill plus de choses. Nous aurions tellement
souhaité voir dans ce bill 287 véritablement un nouveau
départ dans le domaine non seulement des relations industrielles, mais
aussi dans le domaine de l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre.
Nous avons tenté, j'ai tenté de prouver, quant à
moi, et je sais que mes collègues feront de même, ce n'est pas une
question de parti-pris, pour le plaisir de nous attaquer au ministre du
Travail, je veux qu'il en ait la certitude, mais encore une fois, avec la
meilleure foi du monde, nous trouvons que le bill 287 ne répond pas aux
espoirs des partenaires sociaux, ni des employeurs, ni des
syndiqués.
Encore récemment, je rencontrais un représentant fort
autorisé du groupe des employeurs qui disait: Quant à moi, je
trouve que le bill 287 est encore plus conservateur que le bill 288. Ce qui
n'est pas peu dire. Alors, je pense que le ministre ne devrait pas se
surprendre si plusieurs d'entre nous ont à critiquer
sévèrement ce bill, ont à en noter les lacunes, les
omissions d'une part, et aussi les défauts.
Et sur ce, M. le Président, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Avec la permission des membres de la Chambre, nous
pourrions attendre l'arrivée de l'honorable chef de l'Opposition, qui a
manifesté le désir d'intervenir et qui a dû s'absenter pour
une recherche dans son bureau.
M. BOURASSA : M. le Président, j'aurais juste une question
à poser au ministre sur ce sujet. Je ne sais pas si ce serait à
l'occasion de la discussion en comité plénier, mais une chose me
frappe dans tout ce problème, et le ministre pourra peut-être me
répondre durant sa réplique. Il y a une catégorie de non
syndiqués auxquels j'attache un intérêt certain, du moins
j'essaye de défendre avec le plus d'objectivité et le plus
de vigueur possible leurs intérêts, ce sont les conducteurs
de taxi.
Dans le bill qui nous est présenté, on ne voit rien qui
puisse permettre à cette catégorie de travailleurs d'avoir un
minimum de protection. Vous savez que ces conducteurs de taxi, contrairement
à l'immense majorité des travailleurs, n'ont pas de vacances
payées, n'ont pas de jours de maladie, et qu'ils sont à la merci
des circonstances les moindrement défavorables.
Je pense qu'il est de la responsabilité du ministère du
Travail de trouver les mécanismes nécessaires qui puissent
protéger cette catégorie de travailleurs particulièrement
défavorisés dans leurs conditions de travail, que ce soit pour la
rémunération, que ce soit pour les heures de travail, que ce soit
pour les conditions dans lesquelles ils travaillent eux-mêmes, les
conditions de circulation par exemple. Je pense que ce devrait être
possible, puisque cela se fait ailleurs. J'ai eu l'occasion d'examiner dans
plusieurs centaines de villes nord-américaines les conditions des
conducteurs de taxi. Dans la presque totalité des cas, ils peuvent avoir
des vacances payées ou des jours de maladie.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOURASSA: Je demande donc au ministre c'est simplement le but
de ce bref exposé d'expliquer pourquoi, dans son bill, il n'y a
absolument rien qui...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre]
M. BOURASSA: ... nous permette d'assurer à cette catégorie
de travailleurs le minimum de protection accordée à l'ensemble
des travailleurs.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, le projet de loi à
l'étude est, en partie, du genre de ceux qui sont ordinairement
adoptés pour définir les fonctions, devoirs et pouvoirs d'un
ministre titulaire d'un ministère, de son sous-ministre et de ses
fonctionnaires.
Le député d'Ahuntsic a fort bien répondu non aux
vantardises, mais disons à l'enflure verbale du ministre du Travail qui
a voulu attacher à ce projet de loi une importance qu'il n'a
peut-être pas tellement.
Donc, ce projet de loi définit les pouvoirs que le gouvernement
veut attribuer au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre ainsi que ses
fonctions. Cependant, il y a ici un principe nouveau pour autant que les
projets de loi concernant l'établissement de ministères sont en
jeu, c'est que nous ne trouvons dans aucune loi établissant les
pouvoirs, devoirs et fonctions d'un ministre et de ses fonctionnaires des
pouvoirs aussi exorbitants que ceux que veut se voir attribuer par le
présent projet de loi le ministre du Travail.
Je discute bien d'un des principes du bill, puisqu'il s'agit de pouvoirs
additionnels qui seraient accordés au ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre. Il s'agit des pouvoirs exorbitants du droit commun qui seraient
accordés au ministre pour obtenir tous les renseignements dont il
pourrait avoir besoin. Ces pouvoirs sont extraordinaires, et malgré ce
qu'a dit le ministre, ils vont plus loin que tout ce que j'ai vu, tout ce que
j'ai pu lire, tout ce que j'ai pu constater ici et ailleurs. Le seul
ministère qui aurait les pouvoirs d'inquisition que nous demande le
ministre serait le sien. Tout pouvoir d'inquisition est une entrave à la
liberté des citoyens. Je pense que ça, c'est un principe sur
lequel nous nous entendrons tous.
Le ministre,lors de son intervention, a déclaré et
comme il semble être bien pointilleux aujourd'hui quant à
l'exactitude de nos citations, je cite à partir du feuillet R/5535 de
l'épreuve du journal des Débats, & 15 heures 11, cet
après-midi ceci: « Certaines gens ont pris la loi du
ministère du Travail c'est le député de Champlain
qui parle l'ont lue et l'ont comparée 3. celle qui existait en
1931 et à celle qui existe aujourd'hui. Après l'avoir lue, ils
ont prétendu que les renseignements qui pouvaient être
demandés porteraient atteinte à la liberté. « Je dis
que ces gens-là ou ont mal lu la loi ou ont oublié que, dans la
province de Québec et dans le pays, il y a des lois qui sont bien plus
restrictives et bien plus coercitives que la nôtre. »
M. le Président, je vous soumets bien humblement que j'ai lu le
projet de loi avec beaucoup d'attention, que j'ai examiné les lois de la
province de Québec, et d'ailleurs qui ont été
citées par le ministre du Travail, et j'en suis venu à la
conclusion qu'il était déraisonnable d'accorder au ministre du
Travail les pouvoirs d'inquisition je pense que c'est comme ça
qu'il faut les appeler que le gouvernement demande pour lui dans ce bill
287.
Le ministre a référé à la Loi du Bureau de
la statistique, c'est le chapitre 207 des Statuts refondus 1964. Il s'agit
d'une loi qui a
été adoptée en 1962 et, M. le Président, si
vous aviez été, à ce moment-là,
député de cette Chambre, vous auriez peut-être
été convaincu par les éclats de voix du
député de Champlain qui criait à la dictature, à
l'inquisition à cause de l'article 5 de la Loi du Bureau de la
statistique.
Or, cet article 5 dit ceci: « Le Bureau est chargé de
recueillir, compiler, analyser et publier des renseignements de nature
statistique sur toute matière de juridiction provinciale ». On a
bien remarqué, M. le Président, que ce sont seulement des
renseignements de nature statistique qu'on a le droit de demander» On ne
trouve même pas cette restriction dans le bill qui est devant nous.
Je ne veux pas faire de personnalité. Je sais que le
député de Champlain, ministre du Travail, aime tout savoir. Mais
il ne faudrait pas être trop nez-fourré-partout et puis, aller
demander des renseignements sur toute matière se rapportant au
ministère du Travail ou encore toute matière se rapportant aux
lois dont le ministre du Travail doit voir à l'exécution.
C'est aller beaucoup trop loin! J'ose espérer, M. le
Président, que le ministre du Travail ou bien abandonnera sa demande
d'obtenir ce pouvoir exorbitant parce que je ne trouve pas ça
raisonnable ou tout au moins en limitera très substantiellement
la portée.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas autre chose que ça qui est dans notre
intention.
M. LESAGE: Oui, mais l'intention, M. le Président, doit
être traduite dans un projet de loi.
M. BELLEMARE: M. le Président, je l'ai dit, js l'ai
répété, pour trois grandes raisons. A cause du nouveau
statut de notre ministère... Non, non, continuez...
M. LESAGE: Non, non, allez.
M. BELLEMARE: Non, non, mais à cause des impératifs de
notre main-d'oeuvre...
M. LESAGE: Oui.
M. BELLEMARE: ... de notre nouveau service technique et d'une foule de
renseignements nouveaux dont nous avons besoin au point de vue statistique
et...
M. LESAGE: Oui, mais tout de même, il ne faut pas...
M. BELLEMARE: ... que nous avons confiés à un bureau de
recherche.
M. LESAGE: ... entrer dans la vie privée des gens lorsqu'on parle
de travail et de main-d'oeuvre. Si on peut demander n'importe quel
renseignement à n'importe quel citoyen du Québec en ce qui
concerne son travail, sa capacité de travail, je dis que c'est de
l'abus. Je dis que c'est la négation de la liberté individuelle.
C'est une entrave que nous ne saurions tolérer. J'espère que le
ministre va y réfléchir.
Qu'il pense donc jusqu'à quel point il a tonné contre le
projet de loi établissant le Bureau de la statistique en 1962, alors que
ce projet de loi restreignait à des fins statistiques le pouvoir de
demander des renseignements. Or, il n'y a ici aucune limitation. Ce n'est pas
un bureauformé de fonctionnaires, mais un ministre, un homme politique
qui a le droit de demander n'importe quel renseignement, et d'exiger des
réponses, à n'importe qui, à n'importe quel citoyen, du
moment que cela touche on ne dit pas si c'est de près ou de loin
à une question de travail ou de main-d'oeuvre. Il faudrait
limiter très, très sérieusement le pouvoir
demandé.
Le ministre s'est également appuyé sur une loi
fédérale qui est le chapitre 26, 10-11, Elizabeth II,
adoptée en 1962. Or, la partie touchant les syndicats ouvriers est la
partie 2, intitulée Syndicats ouvriers. Cette partie s'applique aux
syndicats ouvriers du Canada, y compris ceux de la province de Québec.
Il y est dit que, pour chaque période visée par le rapport
concernant un syndicat ouvrier s'ouvrant en même temps que ladite
période, s'il en est, qui co'incide avec 1962, etc. doit produire. Le
gouvernement n'a pas le droit de demander de renseignements, le ministre non
plus.
M. BELLEMARE: C'est une obligation de produire.
M. LESAGE: Un instant. C'est la loi qui impose l'obligation de produire
une déclaration comprenant deux sections, respectivement
intitulées section A et section B, et contenant ce qui suit... La loi
elle-même détermine d'une façon très précise
quels sont les renseignements qui doivent être donnés. Aucune
discrétion n'est accordée, ni au gouvernement, ni à un
ministre, ni à un fonctionnaire, de demander des explications ou encore
des renseignements supplémentaires. C'est du droit statutaire qui doit
être interprété d'une façon stricte.
Qu'est-ce que le syndicat ouvrier est obligé de déclarer?
Premièrement, le nom du syndi-
cat. Deuxièmement, l'adresse du siège social.
Troisièmement, les dispositions de l'acte constitutif du syndicat. C'est
déjà public. Quatrièmement, le nom et l'adresse de chaque
dirigeant du syndicat ainsi que le poste qu'il occupe au sein du syndicat.
Jusqu'à présent, ce n'est pas plus que ce que nous exigeons, ici
dans le Québec, des compagnies: le nom, l'adresse, la nationalité
ou la citoyenneté de chaque dirigeant et employé du syndicat qui
réside au Canada. On comprend pourquoi. Sixièmement, le nom et
l'adresse de chaque syndicat local ou succursale du syndicat au Canada.
Septièmement, le nom de chaque syndicat local ou succursale du syndicat
au Canada que le syndicat a placé sous tutelle.
Huitièmement...
M. BELLEMARE: Et les raisons qui l'ont fait mettre en tutelle.
M. LESAGE: ... les raisons à l'appui de cette
décision.
M. BELLEMARE: Eh bien! Eh bien! M. LESAGE: Oui, et c'est très
précis. M. BELLEMARE: Eh bien! Continuons.
M. LESAGE: Huitièmement, le nom et l'adresse de chaque employeur
ou association d'employeurs résidant au Canada avec qui le syndicat a
conclu une convention collective. C'est la section A. C'est très
précis.
M. BELLEMARE: Continuons.
M. LESAGE: C'est tout pour la section A. Quant à la section B,
c'est l'état des finances de chaque syndicat. Cela semble être ce
qui intéresse le ministre du Travail. S'il veut obtenir...
M. BELLEMARE: Je dis, je déclare...
M. LESAGE: Si le ministre du Travail veut absolument mettre son nez dans
les finances des syndicats, qu'il le dise. Qu'il nous demande, à nous
les législateurs, d'adopter une loi semblable à la loi
fédérale, obligeant les syndicats ouvriers à produire
chaque année les renseignements qui peuvent être demandés
en vertu de la section A et de la section B de l'article 9 de la loi
fédérale.
Nous saurons alors où nous allons, tandis que, en vertu du bill,
nous donnerions un blanc-seing au ministre du Travail d'obtenir n'importe quel
renseignement de qui que ce soit, du moment que ça s'approche,
même si c'est de loin, d'une question de travail ou de main-d'oeuvre.
Je dis, M. le Président, que c'est exorbitant du droit commun et
que, quant à nous, nous devrons nécessairement voter contre les
dispositions en question, en comité, nous ne pouvons pas scinder le bill
à ce moment-ci. Nous devrons voter contre ces dispositions en
comité à moins que le ministre du Travail, en consultation avec
ses conseillers Juridiques, ne trouve une formulation qui limite
considérablement son pouvoir de demande de renseignements, de
façon à ne pas lui donner le pouvoir d'entraver la liberté
des gens. Le ministre peut bien dire, en élaborant un argument pro
domo...
M. BELLEMARE: Pro domo.
M. LESAGE: ... que, quant à lui, il n'a pas l'intention de se
servir de ce pouvoir pour se mettre le nez dans les affaires des autres, mais
M. le Président, c'est lui qui est ministre du Travail. Qui nous dit
que, dans quinze jours, ce ne sera pas le député de
Trois-Rivières?
M. BELLEMARE: II n'aime pas ça, lui.
M. LESAGE: Mais ça ne fait rien. Le premier ministre peut bien
lui imposer une pénitence, le forcer à accepter le
ministère du Travail, justement parce qu'il n'aime pas ça.
M. BELLEMARE: Le ministère du Travail? M. GABIAS: M. le
Président,...
M. LESAGE: J'ai parlé du député de
Trois-Rivières, parce qu'il est voisin du ministre en Chambre et qu'il
n'y a qu'une rivière qui sépare leurs deux comtés.
M. GABIAS: ... Je veux simplement dire ceci, M. le Président,
avec la permission du chef de l'Opposition. Il n'y a jamais eu un ministre du
Travail aussi excellent que celui-là. Pourquoi le changer? Jamais.
M. BELLEMARE: Je me suis attiré une paille.
M. LESAGE: Non, non...
M. PINARD: Ne vous choquez pas.
M. LESAGE: M. le Président, à part ça, je voudrais,
dès maintenant je sais que c'est peut-être en comité
que je devrais dire ce que je veux dire mais je ne
référerai à aucun ar-
ticle en particulier, je voudrais attirer l'attention du ministre du
Travail sur le fait, qu'en vertu de la Loi du bureau de la statistique, les
fonctionnaires qui dévoilent des renseignements qu'ils ont obtenus sont
passibles d'une amende de $5,000. Il n'y a rien de ça ici. Il n'y a rien
de ça. C'est $5,000, dans le cas de... Ici, le maximum, ce n'est
même pas prévu, je suis obligé, je pense que j'ai le droit,
en deuxième lecture, de mentionner ce que le bill ne contient pas. Or,
le bill ne prévoit aucune sanction, dans le cas où le ministre ou
des fonctionnaires dévoilent des renseignements obtenus sous le sceau du
secret. Je demanderais au ministre de bien examiner son bill.
Le projet de loi prévoit des sanctions dans deux autres cas, mais
pas dans celui-là. Or, c'est le plus grave, c'est l'offense la plus
grave qui puisse être commise. La preuve, c'est que, je le
répète, dans le cas de la Loi du bureau de la statistique,
l'amende va jusqu'à $5,000. Dans ce cas-là, ici, on ne
prévoit pas de sanction.
M. BELLEMARE: C'est le meilleur témoignage que vous pouviez me
rendre, de l'excellence de mon bill, et de mes bonnes intentions.
M. LESAGE: Ce n'est pas une réponse, ça. J'espère
que le ministre va répondre.
M. BELLEMARE: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet?
M. LESAGE: Je n'ai pas douté des intentions du ministre, mais je
dis qu'il n'est pas éternel, le ministre.
M. BELLEMARE: Non, non, mais est-ce qu'il me permet?
M. LESAGE: Oui, oui.
M. BELLEMARE: Je ne voulais pas être désagréable. Au
contraire, c'est une bonne journée pour le député...
M. LESAGE: Je ne veux pas être désagréable, moi non
plus.
M. BELLEMARE: C'est une bonne journée pour moi aujourd'hui...
M. LESAGE: J'essaye...
M. BELLEMARE: Les nouvelles d'hier, ça m'a fait plaisir.
M. LESAGE: Je pense qu'elles étaient bien meilleures pour moi que
pour le ministre, il était assez désappointé.
M. BELLEMARE: J'ai fait des tableaux comparatifs.
M. LESAGE: II a... moi aussi, nous comparerons nos comparaisons.
M. BELLEMARE: M. le Président.. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... je reviens à mon bill. Je répondrai
à ce que me dit l'honorable chef de l'Opposition quant aux
pénalités à être imposées, . en disant que
c'est tellement peu dans notre désir de vouloir nous fourrer le nez
partout, comme il le dit, et justement dans la partie qui concerne les
finances, que les renseignements que nous irons chercher, ce sont des
renseignements qui concernent la main-d'oeuvre, le service technique pour en
arrivera établir de la statistique pure et simple, chez nous, à
notre ministère.
M. LESAGE: C'est bien beau. Je n'ai pas dit...
M. BELLEMARE: J'ai fini, juste un instant. Et ces
statistiques-là, il va falloir que les officiers les donnent à
quelqu'un; il va falloir qu'elles soient communiquées à d'autres.
Nous voulons nous servir de ces statistiques-là; il va falloir qu'elles
soient remises à d'autres.
M. LESAGE: M. le Président, je vais relire les articles de la loi
du Bureau de la statistique. Est-ce que le ministre pense que les statistiques
du Bureau de la statistique, ce n'est pas pour être publié?
M. BELLEMARE: Voyons!
M. LESAGE: C'est un argument enfantin qu'il vient d'apporter» Je
cite l'article 5: « Le Bureau est chargé a) de recueillir,
compiler, analyser et publier des renseignements de nature statistique sur
toute matière de juridiction provinciale, b) de collaborer avec les
ministères du gouvernement dans la collecte, la compilation et la
publication de tels renseignements, c) de faire la recherche statistique.
Ici, c'est limité. Ce doit être pour fins de statistiques.
Je soumets que, dans le cas du ministre du Travail, cela ne devrait pas
exister. Je ne considère pas qu'il a justifié, dans son discours
de deuxième lecture, la demande de
pouvoirs que comporte le bill. De plus, les pouvoirs demandés
sont beaucoup trop étendus, même si nous admettions qu'il pouvait
nous convaincre de la nécessité d'obtenir des pouvoirs
d'enquête. J'ajoute que le moins qu'on puisse demander, c'est qu'il y ait
sanction. Si on obtient des renseignements qu'on a le droit de demander sous le
sceau du secret, il faut qu'il y ait une sanction lorsque celui qui a
reçu les renseignements les dévoile. C'est reconnu dans toutes
les lois, cela, sauf dans le projet de loi que nous propose le ministre du
Travail. Je pense que le ministre du Travail, entre 6 heures et 8 heures,
devrait prendre quelques minutes pour consulter ses conseillers juridiques et
pour relire ce que je viens de dire même s'il y a des
répétitions, je l'admets; au cours d'une discussion comme celle
que nous venons d'avoir, c'est inévitable afin de bien saisir les
points que je viens de souligner. Pouvoirs trop étendus, pas de
sanction. Qu'il relise les lois qu'il a lui-même citées et il va
comprendre exactement ce que je veux dire. Ses conseillers juridiques aussi
vont le comprendre.
Alors, M. le Président, j'ai voulu, comme, d'ailleurs, le
député d'Ahuntsic, apporter une contribution positive à
l'amélioration de ce projet de loi, parce que je ne voudrais pas que le
ministre du Travail passe pour un homme qui veut revenir aux années de
l'inquisition,, Je suis sûr qu'il est beaucoup trop féru des
principes de la liberté et de la démocratie pour cela. Je suis
sûr que c'est un homme qui veut respecter les droits des autres, et la
liberté des citoyens. Mais, pour en arriver là, pour atteindre ce
but qu'il recherche, je crois qu'il doit reviser le projet de loi qu'il nous
propose. Il y a une balance, vous savez, à toujours maintenir entre,
d'un côté, l'efficacité gouvernementale et, de l'autre, la
liberté des citoyens.
N'oublions pas que cnaque loi que nous adoptons constitue toujours en
principe une entrave à la liberté des individus au profit de la
communauté. Je pense que c'est passablement vrai ce que je viens de
dire. Qu'il s'agisse d'une loi par laquelle nous imposons des taxes, qu'il
s'agisse d'une loi en vertu de laquelle nous obligeons des citoyens à
poser ou à ne pas poser tels ou tels actes.
M. BELLEMARE: La vitesse sur la route.
M. LESAGE: ... c'est toujours en principe, chaque loi, une entrave
à la liberté individuelle en faveur de ce que nous croyons
être le bien de la communauté, le bien commun. Il ne faut jamais
entraver la liberté plus qu'il ne le faut pour assurer le bien commun.
C'est cette balan- ce dont je viens de parler qui est très difficile
à maintenir. Mais dans les efforts que nous faisons pour la maintenir,
s'il y a risque de commettre une erreur, nous devons toujours prendre le risque
de trop protéger la liberté individuelle même au prix
d'assurer moins d'efficacité.
Je voudrais que les lois que présente le ministre du Travail en
cette Chambre soient des lois parfaites. C'est par amitié pour lui que
je le dis. Je sais qu'il est sincère, qu'il a voulu être
sincère cet après-midi. Je fais appel à cette
sincérité pour lui demander, lui suggérer de ne pas, dans
sa demande de pouvoirs, aller au-delà de ce qui est nécessaire
pour assurer l'efficacité des services de son ministère.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. Jérôme Choquette
M. CHOQUETTE: II est indiscutable que les fonctions de l'Etat augmentent
d'année en année sinon de mois en mois et que, dans
l'intérêt de la collectivité, dans l'intérêt
de la société, les citoyens au plan individuel sont
obligés de subir cette intervention de plus en plus prononcée de
la part de l'Etat dans tous les domaines.
Que l'on soit progressiste, réformiste, libéral,
conservateur, je pense que c'est un fait inéluctable que celui de
l'expansion de l'Etat dans tous les domaines de l'activité humaine.
Evidemment, cette expansion des activités de l'Etat s'accompagne,
n'est-ce pas, de la nécessité pour l'Etat de recueillir les
renseignements qui sont nécessaires à son action et à son
administration.
C'est la raison pour laquelle il nous faut constater et
reconnaître, avec le ministre du Travail, ce besoin que l'Etat a
d'obtenir des renseignements propres à l'éclairer dans la
direction de sa politique.
Mais à l'opposé de cette réalité que je
viens de souligner, il y a cette autre réalité du droit de
l'individu à la privauté. Les anglais disent « right to
privacy », c'est-à-dire que les citoyens, qu'on les
considère sur le plan individuel ou qu'on les considère comme
groupe ou association ou collectivité, compagnie, syndicat, etc., ont
quand même le droit de ne pas subir l'inquisition vexatoire de la part de
l'autorité étatique. C'est la raison pour laquelle, à
chaque occasion qui nous est donnée lors de la présentation d'un
projet de loi, on doit limiter l'étendue du pouvoir d'être
informé de l'Etat de façon à éviter que des mesures
bienfaisantes, tout en permettant à l'Etat de se rensei-
gner, soient utilisées abusivement pour pénétrer
dans la vie de chacun, que ce soit sur le plan individuel ou au plan collectif,
que l'Etat en quelque sorte, abuse de son droit légitime de se
renseigner en vue de son activité nationale.
Je me rappelle avoir lu un livre, il y a déjà plusieurs
années, peut-être vingt ans, qui s'appelait « 1984 ».
C'était un livre d'un écrivain anglais, George Orwell. Le
personnage central de ce livre s'appelait: Big Brother. Ce Big Brother,
c'était ce dictateur que l'auteur prédisait que nous aurions en
1984, qui serait dans notre vie de tous les jours. Il prédisait qu'il y
aurait des appareils de télévision dans toutes les pièces
où on pourrait circuler. Il contrôlerait toutes les conversations
que des gens pourraient avoir, soit au téléphone, soit
privément.
En somme, l'auteur cherchait à montrer comment, dans l'avenir
plus ou moins prévisible, l'étendue des pouvoirs de l'Etat ayant
tellement grandi démesurément et il prévoyait
qu'ils continueraient à grandir il cherchait à imaginer
dans quel climat social on vivrait en 1984. Ce livre date, je pense, de 1944,
c'est-à-dire qu'il y a peut-être 24 ans de cela. Par
conséquent, il faisait une prédiction à environ quarante
ou cinquante ans de distance.
Eh bien c'était « épeurant » de concevoir
cette société dans laquelle nous pourrions vivre. Il faut avouer
qu'heureusement, ce n'est pas le cas, au Canada et dans le Québec. Mais
il y a des sociétés qui en sont presque arrivées à
ce point-là où la dénonciation existe dans les familles,
où les fonctionnaires dénoncent les citoyens, où il n'y a
pas de règne de la justice et où l'Etat a des moyens
d'information fantastiques.
Alors, nous n'avons certainement pas l'intention d'imputer au ministre
du Travail des intentions de cet ordre-là. Cela, je le sais, c'est
clair. Mais, d'un autre côté, on ne légifère pas en
fonction de la personne du ministre du Travail. Autant nous avons d'estime pour
lui personnellement, autant nous avons le devoir de voir à ce que les
lois qu'il apporte devant la Chambre ne puissent pas être
utilisées par lui peut-être. On ne sait pas dans quelles
circonstances le lion en lui pourrait se réveiller. Je ne sais pas sous
l'effet de quelle colère, sous l'impulsion de son tempérament,
à un moment donné, il pourrait dépasser la mesure, en
quelque sorte, et lui-même, ou ses fonctionnaires, malgré ses
bonnes intentions d'aujourd'hui, abuser des pouvoirs qui lui seraient
conférés dans la loi. Car qui nous dit que le ministre du Travail
a un contrôle absolu sur ses subalternes? Ceci est encore une
possibilité. Ou encore, un successeur éventuel du ministre du
Travail pourrait abuser de ces pouvoirs vraiment considérables que le
projet de loi requiert au chapitre des renseignements.
J'écoutais tout à l'heure le chef de l'Opposition. C'est
un législateur éminent, qui a véritablement de la
législation une conception tout à fait libérale, et tout
en reconnaissant la nécessité pour l'Etat de progresser, eh bien,
le chef de l'Opposition, à la suite d'autres de mes collègues,
entre autres le député d'Ahuntsic, soulignait la
nécessité de restreindre dans certaines limites le droit du
ministre et de ses fonctionnaires d'obtenir des renseignements. Il soulignait
la nécessité que l'on circonscrive le domaine ou les domaines
dans lesquels il pourrait obtenir ces renseignements, c'est-à-dire,
évidemment, le domaine des relations de travail pour une saine
administration de ce domaine particulièrement important aujourd'hui.
Je souhaite personnellement que le ministre se rende aux arguments qui
lui sont présentés par les membres de l'Opposition qui ont
souligné cette nécessité. Je pense qu'il s'en rendra
compte et qu'il ne voudra même pas, lui-même, se donner des
pouvoirs illimités, qu'il comprendra qu'après tout, c'est dans
son intérêt à lui de ne pas faire ça, et que c'est
dans l'intérêt de la province et de la société
d'aujourd'hui et de demain.
Maintenant, qu'on me permette de donner un petit exemple de l'usage
abusif qui pourrait être fait de ces pouvoirs. Je suis, en cela, le chef
de l'Opposition qui, je pense, y faisait allusion tout à l'heure.
Prenons le cas, par exemple, où le ministre du Travail appréhende
une grève très grave dans un domaine quelconque de
l'activité économique de la province.
Supposons que le ministre du Travail voudrait, savoir quelle est la
force économique des parties dans ce conflit syndical qu'il
prévoit. Si par exemple, il avait des renseignements sur la
capacité financière des syndicats ou de la compagnie de soutenir
une grève plus ou moins prolongée, à ce moment-là,
le ministre du Travail serait évidemment dans la position du « big
brother », que j'ai mentionnée tout à l'heure, le
personnage de « 1984 », et il pourrait faire une politique de
travail en fonction des renseignements qu'il aurait obtenus en sous-main sur la
situation financière des parties à ce conflit.
Je pourrais même aller plus loin. Admettons, par exemple, que le
ministre du Travail appréhende une grève dans la fonction
publique, une grève du genre de celle de la Régie des alcools,
alors qu'on sait que la CSN a payé $50 par semaine, je pense, ou, au
moins, $40 par semai-
ne aux employés qui étaient en grève pendant la
durée de la grève. Si le ministre du Travail avait su que la CSN,
par exemple, était incapable de soutenir le fardeau financier qui
était requis par une longue grève, est-ce qu'à ce
moment-là, il n'aurait pas pu modifier, suivant le cas, la politique
salariale et la politique de relations de travail du gouvernement? N'aurait-il
pas pu laisser échapper des renseignements à l'adresse de son
petit ami, le ministre d'Etat délégué à la Fonction
publique?
M. le Président, ce sont des hypothèses. Je connais la
probité morale du ministre du Travail; tous les membres de cette Chambre
sont unanimes à la reconnaître, mais on ne sait jamais, il faut
prévoir. Comme je le disais tout à l'heure, s'il survient des
conflits extrêmement difficiles, extrêmement durs, on ne sait
jamais ce qui peut se produire. A un moment donné,
l'intérêt pourrait affecter le jugement du ministre du Travail,
comme celui de ses fonctionnaires ou celui de ses successeurs
éventuels.
M. GABIAS: On a un bel exemple de l'intérêt qui affecte le
jugement d'une personne.
M. CHOQUETTE: Je ne comprends pas. Le député de
Trois-Rivières s'adresse-t-il à moi?
M. GABIAS: Oui.
M. CHOQUETTE: Je ne vois pas en quoi mes intérêts affectent
mon jugement. Je n'ai franchement aucun intérêt...
M. GABIAS: L'intérêt de parti vous force à dire des
choses que vous ne diriez pas autrement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. CHOQUETTE: Je suis content que le député de
Trois-Rivières vienne se mêler de ce débat, parce que
l'expérience que nous avons eue avec lui, en Chambre... Je ne voudrais
pas rappeler longuement les incidents auxquels il a été
mêlé personnellement alors qu'il se faisait l'inquisiteur d'un
autre député. Je suis content que ce soit le député
de Trois-Rivières qui vienne à la rescousse du ministre du
Travail.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je dois comprendre que l'honorable
député d'Outremont ne continuera pas sur ce sujet, mais reviendra
au principe du bill.
M. CHOQUETTE: Certainement, M. le Président.
M. GABIAS: Dans quel cas ai-je été l'inquisiteur d'un
autre député?
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel L'honorable député
d'Outremont.
M. CHOQUETTE: Je dis...
M. GABIAS: Dans quel cas ai-je été l'inquisiteur?
M. CHOQUETTE: Je respecte les décisions du président.
M. GABIAS: Vous reculez. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: Je recule? Je ne recule pas du tout. J'irai le dire
à l'extérieur de la Chambre. Tout le monde le sait, il s'agit de
l'ancien procureur général.
M. LE PRESIDENT: A l'ordrel M. GABIAS: C'est une inquisition.
M. LE PRESIDENT: Je saurais gré à l'honorable ministre de
ne pas poser de questions, parce que je serais dans l'obligation de demander
à l'honorable député d'Outremont de ne pas
répondre. Il est nécessaire, à ce moment-ci, de
s'arrêter au principe du bill et je ne sache pas que les propos qui sont
tenus actuellement des deux côtés de la Chambre, par les
honorables opinants, se réfèrent à ce principe.
L'honorable député d'Outremont.
M. GABIAS: Vous me permettrez tout de même, M. le
Président, sur une question de privilège, de dire que je n'ai
jamais fait l'inquisition au sujet d'aucun député. Si le
député veut faire allusion à une accusation que j'ai
portée, très bien, mais je n'ai jamais fait d'inquisition.
M. CHOQUETTE: M. le Président, le ministre de l'Immigration,
député de Trois-Rivières, m'a provoqué tout
à l'heure. Je n'aurais certainement pas dit ça de but en blanc,
dans un discours ou j'exposais, à mon avis, assez objectivement la
situation dans l'intérêt de la législation, dans
l'intérêt de la Chambre et, je dirais même, dans
l'intérêt du ministre du Travail et du gouvernement. C'est
à ce moment-là que le ministre de l'Immigration est venu me
prêter des motifs, m'accuser de parti pris et me dire qu'au fond je me
levais sans croire à ce que je disais, parce que mon chef avait
donné des ordres, peut-être.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je pense que l'honorable
député d'Outremont conviendra qu'il est temps de fermer le
débat sur cette question. Si l'honorable ministre de l'Immigration lui a
prêté des motifs, je pense lui avoir rendu justice par ma
décision et je l'invite maintenant à revenir au principe du
bill.
M. CHOQUETTE: Je le fais, M. le Président, mais je veux dire
simplement que l'on ne prenne pas mes propos comme voulant dire que je
considère que le député de Trois-Rivières est
nécessairement dangereux sur ce plan-là. Je dis simplement que
tout homme, à un moment donné, peut faire des erreurs. Cela
existe, et je signalais au ministre du Travail, à ce moment-là,
les dangers qu'il y a dans sa législation. J'essayais de lui montrer, le
plus objectivement possible, qu'il était dans son propre
intérêt, dans l'intérêt du projet de loi, pour qu'il
soit tout à fait acceptable et convenable, qu'il limite en quelque sorte
son droit d'enquête et son droit d'obtenir des renseignements.
Sans m'étendre inutilement sur ce sujet, je me rappelle que nous
avons connu des projets de loi similaires à l'époque où le
gouvernement était dirigé par l'ancien député de
Bagot, et que nous avions signalé au gouvernement qu'il demandait des
pouvoirs d'enquête excessifs. A la suite de débats qui ont
été assez longs à la Chambre avec l'ancien premier
ministre, M. Johnson, le gouvernement avait consenti à modifier son
point de vue initial et l'ancien premier ministre avait compris que,
franchement, il ne fallait pas qu'il dépasse la mesure, qu'il lui
fallait limiter son action dans ce domaine-là.
J'espère donc que le ministre du Travail saura gré
à l'Opposition d'avoir souligné cet aspect de son projet de loi
et fera les corrections voulues.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. Victor-C. Goldbloom
M. GOLDBLOOM: M. le Président, j'ai quelques brefs commentaires
à faire sur ce projet de loi. Il y a deux de ses principes que je
voudrais commenter, dont un que j'approuve et l'autre que je
désapprouve.
Il y a dans ce projet de loi, parmi les fonctions attribuées au
ministre, celle de faire effectuer des études et des recherches, entre
autres choses sur les conditions du marché du travail, sur les emplois
qui y sont disponibles ainsi que sur les effets des progrès technolo-
giques sur le marché du travail et les conditions du travail.
C'est là un principe que j'approuve. J'aimerais pouvoir dire que
ce projet de loi arrive à son heure, mais je suis obligé de dire
qu'il arrive un peu plus tard que cela parce que nous avons, à d'autres
occasions et dans d'autres circonstances... Je ne voudrais pas, ce que le
règlement ne me permettrait pas de toute façon, M. le
Président, revenir sur des débats qui ont eu lieu au cours de
cette session. Je voudrais dire quand même qu'il existe certaines
difficultés dans le domaine de l'éducation où justement ce
genre de recherches, ce genre de renseignements qui seraient le fruit de telles
recherches auraient grandement aidé à régler des
difficultés.
Quelques-uns ont qualifié ces difficultés de fouillis et
qui affectent plusieurs niveaux de notre système d'éducation,
surtout les niveaux les plus élevés, les niveaux dont les jeunes
sortent sur le marché du travail.
Il y a assez longtemps que nous, de ce côté-ci de la
Chambre, réclamons des études de cette nature. Nous
réclamons, en collaboration avec de telles études, une
orientationprofessionnelle, je dirais même universelle, au niveau des
écoles secondaires, des CEGEP et des universités pour permettre
justement à nos jeunes qui s'apprêtent à sortir sur le
marché du travail de savoir exactement ce qui les attend. Et ce qui est
encore mieux, nous ne devrions pas attendre le moment où ils quittent
l'institution d'enseignement, mais plutôt d'être bien
renseignés au moment où ils choisissent les options dont on se
vante dans notre système d'éducation, options qui sont
nécessairement liées intimement à ce qui existe sur le
marché du travail, donc aux possibilités, pour chaque jeune, de
trouver sa propre place et un avenir intéressant.
Sur ce principe du bill, je suis content, même si cela arrive en
retard, que le gouvernement accorde un intérêt particulier
à ce qui me semble être un côté négligé
de ce qu'onpeut appeler un aspect de notre système d'éducation,
mais qui dépasse clairement les cadres de notre système ou de
notre ministère de l'Education. Il y a une collaboration
interministérielle à faire. Depuis quelque temps, cette
collaboration laisse à désirer dans ce domaine particulier. Je
suis donc content qu'on accorde enfin l'attention nécessaire,
l'attention méritée à cette question extrêmement
importante.
Nous avons parlé trop souvent de nos chômeurs instruits.
Or, s'il y a des chômeurs, c'est le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre qui doit s'en occuper. Il vaut mieux prévenir que
guérir, disent non seulement les médecins, mais
d'autres professionnels. Il vaudrait donc beaucoup mieux prévenir
ce chômage, comme tout chômage d'ailleurs, que d'arriver par la
suite avec les meilleurs programmes de recyclage possibles.
Le recyclage est nécessaire en ce qui concerne certaines
personnes qui n'ont pas joui de la qualité d'enseignement,
d'éducation que nous pouvons offrir aujourd'hui. Nous n'offrons pas
encore ce recyclage, en partie à cause de ce qui manque dans notre
système d'éducation et dans les éléments connexes
de notre système gouvernemental. Ce bill arrive enfin pour corriger
cette lacune. Je félicite le ministre de s'être donné cette
responsabilité. J'aurais préféré que ceci ait
été fait bien avant et dans les cadres de notre système
d'éducation.
J'accueille quand même favorablement ce principe du bill.
L'autre principe que je n'accueille pas du tout, et auquel je m'oppose
aussi fermement que possible, est celui déjà discuté par
plusieurs de mes collègues, celui qui permettrait au ministre d'exiger
non seulement des renseignements mais même d'imposer ou de faire imposer
des peines aux personnes qui oseraient refuser des renseignements quelconques
que le ministre pourrait leur demander.
M. le Président, je note, parmi les fonctions du ministre, parmi
ses intérêts, la compilation de renseignements quant aux accidents
de travail et quant à la réadaptation des accidentés.
M. le Président, même si les malades dont j'ai eu soin
pendant bientôt vingt ans ne travaillent pas, selon les lois de notre
province je ne suis donc pas de ces médecins qui ont souvent
à entrer en relation professionnelle avec la Commission des accidents du
travail j'en connais quelque chose et je voudrais suggérer,
très simplement, très humblement que, dans les relations entre
médecin et malade que ces relations aient lieu au cabinet du
médecin, à l'hôpital ou dans le cadre d'une
évaluation par les mécecins attitrés de la Commission des
accidents du travail il faut quand même un parfait respect de
lapersonne et des renseignements qui touchent la personne de celui qui est
l'accidenté en question. Nous appelons cela le secret professionnel. Le
secret professionnel n'est pas réservé en exclusivité aux
médecins. Il y a d'autres professions qui respectent strictement les
renseignements qui leur sont fournis au cours de leurs activités
professionnelles.
Or, M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir et
l'honorable ministre du Travail n'est pas sans savoir que l'évaluation
des résultats d'un accident de travail sont souvent de nature à
provoquer des discussions entre médecins, des discussions quant à
l'importance des conséquences, quant aux effets lointains de cet
accident. Il y a des pourcentages d'infirmité, d'incapacité
à fixer en ce qui concerne ces accidents. Souvent le médecin qui
connaît cette personne, le médecin, qui est appelé à
voir cette personne en dehors de la question de l'accident du travail, est
obligé d'entrer en communication avec la commission, comme d'ailleurs
avec des compagnies d'assurances, au sujet de certaines maladies ou
accidents.
Donc, ce médecin, sait, par son devoir professionnel, qu'il ne
doit entrer en communication qu'avec un médecin qui représente
l'organisme en question, de façon à voir, à assurer que le
secret professionnel est parfaitement respecté. Je soumets, M. le
Président, que le fait de permettre au ministre d'exiger des
renseignements de cette nature comporte des risques, parce qu'il s'agit
après tout d'un ministère où il y a des fonctionnaires qui
sont assermentés, qui acceptent, de par leur fonction, de respecter tous
les renseignements qui traversent leur bureau. Je ne recherche pas noise aux
fonctionnaires. Je ne voudrais pas attribuer de mauvaise pensée ni de
mauvaise intention aux fonctionnaires, mais, quand même, M. le
Président, ces renseignements seraient traités,
évalués, compilés, rapportés par des
fonctionnaires. Il se peut que de tels renseignements transpirent, parce que
ces renseignements n'auraient pas été traités par des
professionnels sachant ce que c'est que le secret professionnel.
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député me permettrait
juste une suggestion, parce qu'en vertu de la loi des accidents de travail, il
retrouvera à l'article 88 ce qui fait le thème de son propos.
M. LESAGE: Oui, mais...
M. GOLDBLOOM: M. le Président, je regrette...
M. LESAGE: Le pouvoir que nous accorderons...
M. BELLEMARE: Regardez l'article 88. M. LESAGE: Cela ne fait rien.
M. BELLEMARE: Ah oui, cela fait de quoi. La loi ne peut pas se
déchirer. Vous ne pouvez pas effacer les articles.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. LESAGE: M. le Président, l'article de loi peut être
effacé par une loi subséquente.
M. BELLEMARE: Voyons donc!
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de D'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: Je regrette de devoir répondre au ministre que je
trouve le thème de mes propos ou que je dois le trouver dans le projet
de loi qui est devant nous et qui accorde au ministre certains pouvoirs que je
trouve excessifs.
Je terminerai mes brèves remarques en disant ceci: je me permets
de dire à l'honorable ministre entre avocats, il comprendra
très bien cela que son argument est précisément un
argument ad hominem. L'homme qu'il vise est lui-même et le ministre nous
dit: Je n'ai pas l'intention d'abuser de ces renseignements.
Je ne voudrais pas le voir disparaître, mais nous sommes tous
appelés à disparaître non seulement de ces lieux mais de
cette terre. Lui qui, certainement, n'a pas l'intention d'abuser ou de
permettre des abus de ces renseignements, ne sera pas toujours ici. Je ne fais
pas allusion à un gouvernement en particulier, mais nous avons connu
dans le passé des gouvernements qui se sont permis certains abus et les
citoyens de cette province en ont souffert grandement.
Je crois qu'il est de notre devoir de nous opposer fermement à
tout ce qui peut constituer des abus de la liberté individuelle et du
secret professionnel, quelle que soit la profession con- cernée. Si je
m'oppose à cet aspect, à ce principe du projet de loi, c'est
précisément parce que, avec tout le respect que je dois
personnellement à l'honorable ministre du Travail qui sera bientôt
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je ne suis pas en mesure d'accorder
cette même confiance à un inconnu qui pourra le suivre au
même poste, de quelque côté de la Chambre qu'il se
trouvera.
Il y a du bon dans ce projet de loi, il y a également du mauvais.
Au mauvais, je m'oppose comme ont fait, avant moi, mes collègues de ce
côté-ci de la Chambre.
M. PINARD: Est-ce que le ministre du Travail veut exercer son droit de
réplique là-dessus?
M. BELLEMARE: Oui, oui, c'est cela.
M. PINARD: Je ne sais pas si vous consentiriez à
considérer qu'il est six heures parce que mes remarques seront
certainement plus longues que le peu de temps qu'il me resterait pour les
faire.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que je dois considérer la motion
d'ajournement du débat de l'honorable député de Drummond?
Les travaux de la Chambre sont suspendus jusqu'à...
M. BELLEMARE: Huit heures quinze.
M. LE PRESIDENT: Huit heures quinze ce soir.
Reprise de la séance à 20 h 17
M. LEBEL (président): A l'ordre, messieurs!
M. LESAGE: Le député de Drummond sera ici à
l'instant.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Drummond,
M. Bernard Pinard
M. PINARD: M. le Président, j'espère que le ministre de la
Voirie reviendra au plus tôt du comté de Bagot pour s'occuper de
l'entretien de nos routes...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PINARD: ... parce que la circulation est très lente.
M. LOUBIER: Où est M. Courcy? Il est ici? Il a perdu, Alcide. Il
est en train de le chercher.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PINARD: Alcide s'occupait d'agriculture et le ministre de la Voirie
s'occupait de voirie, de « garnottes » comme on dit.
M. LE PRESIDENT: Pour rafraîchir la mémoire des honorables
députés, disons que nous sommes en train d'étudier le bill
287.
L'honorable député de Drummond.
M. PINARD: M. le Président, en prenant connaissance du bill 287,
intitulé Loi du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, j'ai
cru qu'il était de mon devoir de participer à la discussion qui a
été faite en Chambre des principales clauses de ce projet de loi.
Je ne voudrais pas être trop long dans mes remarques, mais que le
ministre du Travail me permette d'attirer son attention sur un problème
qui, à mon avis, est très grave: celui de la protection d'un
très fort groupe de travailleurs du Québec, qui, à l'heure
actuelle, ne sont pas protégés de façon efficace par les
diverses lois du travail qui relèvent de son ministère.
Je ne voudrais pas entrer dans un débat qui pourrait amener des
considérations partisanes, mais je crois que la discussion du bill 287 a
été quand même suffisamment large aujourd'hui pour que vous
m'accordiez la permission de m'éloigner quelque peu, non pas de la
question de principe, mais des exemples qui, jusqu'ici, ont été
donnés par tous les députés qui ont participé
à la discussion.
Je ne vois rien, par exemple, dans les dispositions du bill 287, qui
permettrait à un très grand nombre de travailleurs
salariés du Québec de recevoir une protection plus
adéquate que celle qu'ils reçoivent déjà en vertu
des lois existantes.
Mais le ministre admettra avec moi qu'il y a un très fort
contingent de travailleurs au Québec qui ne sont protégés
en aucune façon. Ni par les syndicats, ni par les lois du travail, ni
par les décrets ou les conventions collectives. Il y a encore de
très nombreux secteurs dans le Québec où les ouvriers ne
reçoivent absolument aucune protection parce qu'ils n'ont pas eu la
chance ou la force économique suffisantes pour se syndiquer, grouper
leurs forces, leurs effectifs afin de se donner et de se faire donner toute la
protection à laquelle ils ont droit.
Le ministre sait sans doute qu'il existe actuellement dans la province
de Québec un problème du camionnage qui cause des
difficultés innombrables aux autorités en place. Ces
difficultés, je les ai connues; d'autres après moi les
connaissent maintenant. Nous avons travaillé du mieux que nous avons pu
pour soulager les difficultés de ces travailleurs artisans et parfois,
devons-nous dire aussi, pour soulager leur misère. Le ministre admettra
avec moi qu'il y a des cas de misère, particulièrement durant
cette saison morte, comme ils l'appellent, parce qu'ils n'ont pas de travail ou
que le peu de travail qu'ils ont ne réussit pas à leur faire
gagner suffisamment d'argent pour faire vivre leur famille convenablement et
effectuer les paiements sur leur camion ou sur les outils dont ils sont les
propriétaires et qui leur servent en quelque sorte de gagne-pain.
Dans toutes ces dispositions du bill 287 qui constituent en quelque
sorte une nouvelle loi organique du ministère du Travail et de la
Main-d'Oeuvre, je ne vois pas beaucoup d'imagination, beaucoup d'innovations
qui pourraient, par exemple, amener le ministre à se montrer plus
interventionniste dans les secteurs auxquels j'ai fait allusion tantôt
pour permettre à son ministère et aux différentes
structures, aux différentes grandes directions générales
de prendre soin de ceux qui, aujourd'hui, n'ont pas la protection dont ils
auraient besoin pour faire face au défi de la technologie moderne, au
défi de plus en plus considérable de la compétition dans
notre société industrielle, et qui sont en quelque sorte
laissés pour marginaux dans une société qui se veut
évolutive, qui se veut progressiste. Il n'y a donc rien de surprenant
à constater que dans ces secteurs défavorisés il y a, en
quelque sorte, un sentiment de révolte qui se fait jour, un sentiment
d'irrespect des autorités ou des
institutions, car, à tort ou à raison, ils croient que les
gouvernements ne prêtent pas suffisamment attention à leurs
revendications.
Alors, M. le Président, j'ai pris la responsabilité de
discuter ces problèmes, non seulement au niveau des autorités
gouvernementales, mais aussi au niveau des autorités des grandes
centrales syndicales. J'ai alerté non seulement les grands
fonctionnaires des syndicats, mais aussi le président d'une très
forte centrale syndicale au Québec, de façon qu'il autorise les
services techniques de cette centrale à engager le dialogue avec ces
camionneurs-artisans, avec ces travailleurs forestiers, pour qu'ils puissent
avoir la force suffisante, et sur le plan de la technique et sur le plan du
nombre et sur le plan de l'organisation, pour faire face aux difficultés
qu'ils éprouvent en ce moment et pour être en mesure de faire
valoir, de façon efficace, de façon vigoureuse aussi, leurs
revendications auprès des autorités et, en particulier,
auprès du ministère du Travail.
Le ministre du Travail sait fort bien à quoi je fais allusion
puisque, de bonne grâce, il a accédé à ma demande de
faire siéger un comité spécial, qui serait plus
particulièrement chargé d'étudier les problèmes qui
nous sont expliqués par les camionneurs-artisans et aussi par les
camionneurs forestiers. Mais ce comité, devant la tâche complexe,
devant l'éventail presque trop considérable de tous les
problèmes qui nous ont été apportés jusqu'ici par
ce groupe de travailleurs du Québec, se sent en quelque sorte impuissant
à imaginer toutes les solutions qui seraient susceptibles d'apporter des
remèdes efficaces à court terme au malaise dont ils ont à
souffrir.
Je ne veux en aucune façon, M. le Président, chicaner le
ministre du Travail qui, je l'admets, a pris des dispositions spéciales
pour faire face à la situation. Je me demande si, dans l'état
actuel des choses, les dispositions qui ont été prises
jusqu'à présent sont suffisantes pour permettre au comité
qui était au travail de trouver des solutions suffisamment efficaces et
suffisamment rapides pour permettre à ce fort groupe de travailleurs du
Québec de recevoir des solutions susceptibles d'apporter des
remèdes immédiats à leur situation, au malaise dont ils
ont à souffrir.
M. le Président, j'aifait diverses suggestions à titre de
membre de ce comité. Je les ai faites devant les représentants
autorisés du ministère du Travail, devant les
représentants autorisés des autres ministères qui avaient
été appelés à écouter les mémoires
qui ont été présentés, d'une part, par des
représentants de l'Association des constructeurs de routes du
Québec et, d'autre part, par des représentants de l'Asso- ciation
des camionneurs-artisans du Québec.
Je pense que le travail effectué jusqu'ici ne pourra pas porter
fruit assez tôt pour venir en aide précisément à ces
personnes qui sont dans le besoin. Je n'exagère rien en l'affirmant et
le ministre du Travail le sait tout aussi bien que moi. J'ai bien peur que le
travail du comité ne puisse pas nous donner les moyens de leur apporter
une aide efficace et rapide.
Nous voulons tous rechercher cette société juste dont les
citoyens du Canada et du Québec parlent tellement et qu'ils veulent
tellement obtenir. Je me demande si nous sommes dans la bonne voie, dans la
bonne direction, si nous prenons tous les moyens mis à notre disposition
pour aplanir ces disparités régionales, pour mettre fin, si
possible, à tous ces problèmes de pauvreté que nous
connaissons et qui sont mis à jour dans tous les comtés de la
province. Je me demande si, en vertu des dispositions nouvelles de ce bill 287,
le ministre aura tous ces pouvoirs, tous ces moyens qu'il veut obtenir pour
travailler aussi efficacement qu'il le voudrait. Même si cette nouvelle
loi organique lui permettra de créer de nouvelles structures,
seront-elles suffisamment efficaces pour aller directement à la racine
des maux dont souffrent un très grand nombre de citoyens de la province
de Québec, surtout dans ces comtés où la pauvreté
est plus grande qu'ailleurs? Je me le demande.
Les grandes compagnies qui se sont formées en associations, comme
c'est le cas pour l'Association des constructeurs de routes du Québec,
ont à leur disposition tous les moyens financiers et toutes les
techniques modernes pour être capables de faire face au défi de la
société moderne et au défi que pose la
compétition.
M. PAUL: Sur un point d'ordre. Je suis, avec beaucoup
d'intérêt, l'argumentation du député de Drummond. Je
suis sûr qu'il conviendra, le premier, qu'il s'éloigne
énormément du principe du bill présentement à
l'étude. Je crois que, si nous voulons progresser dans l'étude de
cette loi, il faut nous en tenir à l'observance de notre
règlement.
UNE VOIX: C'est cela.
M. LE PRESIDENT: Effectivement, je ne voudrais pas que l'on
interprète comme un précédent l'intervention de
l'honorable député de Mercier, cet après-midi, qui a
été très courte. Je suis intervenu
précisément lorsqu'il terminait son intervention pour lui
signaler qu'elle n'était pas relative au projet de loi qui est devant la
Chambre. Heureusement, à ce moment-lâ, l'honorable
député de Mercier terminait son intervention. Je pense qu'au
début de son inter-
vention, ce soir, l'honorable député de Drummond a cru
s'appuyer sur ce précédent pour dire que le débat avait
été considérablement élargi. Cependant, connaissant
son expérience parlementaire, je suis convaincu qu'il s'en tiendra
à l'application stricte de l'article 556 de nos règlements, et
plus spécialement à l'à-propos du bill, à sa valeur
intrinsèque. Je le remercie à l'avance de sa
coopération.
M. PINARD: M. le Président, je crois avoir respecté le
principe du bill, surtout si je m'en réfère aux dispositions de
l'article 3 qui dit que les fonctions, pouvoirs et devoirs du ministre sont: a)
de favoriser des relations de travail harmonieuses entre employeurs et
salariés; b) de faire effectuer les études et recherches qu'il
juge utiles ou nécessaires sur les relations de travail entre employeurs
et salariés, sur les conditions du marché du travail et sur les
emplois disponibles ainsi que sur les effets des progrès technologiques
sur le marché du travail et les conditions de travail, etc.
Je crois que cet article 3 donne toute liberté aux
députés de discuter de façon plus large les pouvoirs qui
devraient être donnés au ministre du Travail et à ses hauts
fonctionnaires. Il permet également aux députés d'apporter
des exemples pour mieux sensibiliser le ministre à la
nécessité d'agir de façon urgente et efficace dans des
secteurs où une forte population de salariés, de travailleurs ne
reçoit presque pas ou pas du tout de protection.
C'est ce à quoi, je me suis appliqué jusqu'à
maintenant, et je pense que je reste dans l'ordre en discutant de cette
façon et en donnant des exemples qui permettront sans doute au ministre
du Travail de saisir le véritable motif de mon intervention de ce soir.
Si on tient pour vrai que 30% d'ouvriers du Québec seulement sont
actuellement accrédités dans de grands syndicats, il reste qu'un
fort pourcentage d'ouvriers de la province de Québec n'ont pas cette
force économique, n'ont pas cette force du nombre pour faire valoir
avantageusement leurs revendications auprès des autorités et pour
recevoir la même attention que ceux-là qui, à
l'Intérieur des grandes centrales syndicales, sont quand même
suffisamment puissants, et par le nombre et par la force économique,
pour obtenir le respect de leurs droits les plus légitimes ainsi que les
législations, les réglementations, les décrets et les
conventions collectives, qui leur permettent de travailler efficacement au
progrès de la nation et de travailler efficacement aussi à leur
avancement personnel et à la sauvegarde de leurs intérêts
individuels et collectifs.
M. le Président, ce sont là les propos que je veux tenir
à l'occasion de la discussion du bill no 287. Je crois que le ministre
du Travail plus que tout autre comprendra le motif de mon intervention de ce
soir. Etant lui-même député, représentant d'un
comté où il se fait beaucoup de travaux en forêt, plus que
quiconque, il sait que dans son territoire il y a encore des travailleurs
forestiers qui n'ont pas cette protection syndicale. Il ya encore des
camionneurs forestiers qui réussissent à obtenir du travail, mais
on leur donne les miettes, parce qu'ils n'ont pas la force nécessaire
pour faire valoir leurs revendications auprès des autorités
concernées, auprès des compagnies forestières qui
retiennent leurs services par l'entremise d'un entrepreneur ou d'un
sous-entrepreneur. L'enquête nous révèle M. le
Président, qu'à ceux-là on donne les miettes, on donne les
plus mauvaises conditions de travail, on donne les plus mauvaises
rémunérations. Je crois que cette preuve a été
faite de façon éclatante devant le comité de travail
où je siège et, à mon avis, aucun des membres n'a
réussi à mettre de l'avant des solutions qui permettraient au
gouvernement, au ministère du Travail et à d'autres
ministères qui, indirectement, sont impliqués dans ce
problème, d'apporter des solutions rapides et efficaces aux malaises qui
nous ont été exprimés par les représentants de
l'Association des camionneurs artisans du Québec, les travailleurs
forestiers et les camionneurs forestiers du Québec.
M. le Président, est-ce que le gouvernement, est-ce que le
ministre du Travail, vu les faits que je viens d'exposer, vu que les grandes
centrales syndicales n'ont pas jugé bon, peut-être pour des motifs
très valables...
Je ne veux faire de procès d'intention à quiconque,
puisque ces travailleurs ne se voient protégés en aucune
façon par les syndicats. Est-ce que le ministre ne croit pas qu'en vertu
des dispositions actuelles contenues dans le bill 287, il aurait des pouvoirs
qui lui permettraient d'être plus interventionniste, pour provoquer un
déblocage au niveau des solutions qui pourraient être
apportées? Ces solutions lui permettraient de venir en aide à des
ouvriers complètement démunis sur le plan de la sauvegarde de
leurs Intérêts personnels et de la protection de leurs droits face
à la concurrence dont je vous ai parlé tantôt, face aussi
à l'espèce de marchandage dont ils sont presque constamment les
victimes de la part de certaines puissantes compagnies forestières, et
d'autres spécialisées en construction routière. Je
l'ai
dit tantôt, les exemples sont très nombreux. Il y en a
beaucoup qui, à cause des contrats accordés par le gouvernement,
soit par le ministère de la Voirie, soit par le ministère des
Travaux publics, soit par des commissions gouvernementales, soit par
l'Hydro-Québec, réussissent à obtenir du travail mais, en
quelque sorte, ne reçoivent qu'une pitance, parce que ceux-là qui
reçoivent les contrats les plus plantureux, les plus
rémunérateurs, sont de puissantes compagnies qui ont toute la
force économique, tous les moyens technologiques modernes à leur
disposition pour aller chercher les travaux les plus payants.
M. le Président, il n'est pas surprenant de constater qu'au
niveau individuel, ces camionneurs-artisans représentent bien peu dans
tout ce domaine de la concurrence effrénée que nous vivons
à l'heure actuelle au Québec. Le ministre du Travail sait fort
bien que ces 5,000 camionneurs-artisans ont voulu se grouper en vue d'obtenir
la protection légale. Ils ont demandé, par exemple, d'être
protégés en vertu de la loi des sociétés
coopératives. Ceci leur a été refusé pour des
motifs juridiques valables, je l'admets. Ils ont demandé qu'on leur
permette d'obtenir l'accréditation syndicale, en présentant une
requête à la Commission des relations de travail. On leur a dit;
vous n'avez pas le statut nécessaire pour pouvoir obtenir cette
accréditation syndicale. On vous considère, c'est vrai, comme des
artisans, mais vous êtes aussi propriétaires d'équipements
assez dispendieux qui font que vous êtes, à toutes fins pratiques,
des entrepreneurs, même si, au niveau des définitions, on vous
considère comme des artisans.
Alors, encore un domaine oil ils n'ont pas pu obtenir la protection dont
ils auraient eu besoin. Ils ont demandé au ministère du Travail
d'être protégés par des décrets, par des conventions
collectives, mais, par voie de conséquence, à cause de ce que je
viens de dire, vu les refus qui leur ont été donnés sur le
plan de l'accréditation syndicale, sur le plan de l'association, en
vertu de la loi sur les sociétés coopératives, il va de
soi, M. le Président, que des décrets ne sont pas possibles pour
eux, que des conventions collectives ne sont pas non plus possibles pour qu'ils
soient protégé s de la façon la plus adéquate
possible.
Alors, M. le Président, ce sont autant de facteurs qui militent
en faveur d'une action peut-être plus interventionniste de la part du
ministre du Travail. Il me semble que ce ne serait pas trop demander au
ministre du Travail que de se montrer le plus attentif possible aux
revendications de ceux qui ont moins les moyens que les autres de se
défendre avantageusement dans cette vie de plus en plus
compétitive de la société moderne.
Il y a ceux qui sont obligés d'oeuvrer sur le plan individuel,
ceux qui, à cause de la faiblesse, de la carence de nos lois, ne sont
pas capables de s'organiser et de représenter une force
économique suffisamment puissante pour faire bouger les
autorités, pour faire en sorte aussi que les compagnies puissantes qui
les exploitent soient mises à la raison ou, à tout le moins,
soient incitées à les traiter de façon plus juste et
soient également incitées à les rémunérer
davantage, de sorte qu'ils pourront gagner leur pain de façon
honorable.
Je connais de ces camionneurs artisans, de ces travailleurs forestiers
qui sont pères de nombreux enfants et qui ne travaillent pas en ce
moment. Cela fait déjà plusieurs mois. Ils vont trouver l'hiver
dur. Je me demande si le ministre du Travail, dans ses considérations
lors de la présentation du bill 287 et dans la réplique qu'il
aura à donner tantôt aux propos des députés de
l'Opposition, ne voudra pas aller plus profondément dans les secteurs
que je viens d'indiquer. Ne voudra-t-il pas nous dire s'il a un message de
réconfort à apporter à toutes ces personnes auxquelles
j'ai fait allusion tantôt et dont je prends la défense ce soir de
façon très modeste, car je suis loin d'être un
spécialiste de toutes ces questions pour en traiter de la façon
dont je devrais le faire. Je demande au ministre du Travail de leur donner
toute la chance possible...
M. GABIAS: Le spécialiste, c'est le député
d'Ahuntsic.
M. PINARD: ... de leur prêter, à ces personnes, des
services techniques dont elles ont besoins pour pouvoir s'organiser de
façon efficace, pour avoir tous les moyens à leur disposition
pour faire face à la concurrence effrénée dans laquelle
elles ont à vivre tous les jours, pour leur permettre encore une fois,
d'obtenir un gagne-pain absolument essentiel, une rémunération
plus forte de façon à vivre selon un standard de vie au moins
équivalent à celui des ouvriers que nous connaissons dans nos
régions, dans nos comtés.
M. GABIAS: Vous allez voter contre un projet de loi qui assure cela.
M. PINARD: Je n'ai pas déclaré que je voterais contre le
projet de loi. Je fais des remarques de la façon la plus honnête
possible. J'alerte le ministre du Travail sur une situation qu'il connaît
tout aussi bien que moi. J'ad-
mets que cette situation est difficile à régler. J'admets
que les implications de cette situation sont multiples. Il faudra, tout
à la fois, aller dans de nombreux domaines pour être bien
sûr que nous allons prendre le mal à sa racine et que nous
apporterons des solutions à la fois efficaces et rentables pour ceux
dont nous voulons ce soir prendre la défense.
M. GABIAS: Est-ce que je comprends que le député de
Drummond va voter pour?
M. PINARD: J'ai remarqué une chose. Ceux qui m'interrompent sont
peut-être ceux-là qui connaissent le moins bien le problème
dont je parle ce soir. Ce n'est pas le ministre du Travail qui m'interrompt
dans les remarques que je fais en ce moment dans cette Chambre.
M. GABIAS: Je n'interromps pas...
M. PINARD: Je suis sûr d'une chose, c'est que, connaissant le
ministre du Travail comme je le connais, il aura, lui, le courage de
répondre aux remarques que je viens de faire. Je serais très
surpris s'il me faisait un procès d'intention dans les remarques qu'il
fera en réponse à mes propos.
M. GABIAS: Je demande si le député de Drummond va voter
pour.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. PINARD: Lorsque viendra le moment de prendre la responsabilité
de voter pour ou contre le projet de loi, nous dirons où exactement
l'Opposition se tient et je prendrai...
M. GABIAS: Ah!
M. PINARD: ... mes responsabilités.
M. GABIAS: Ils l'ont dit
M. PINARD: Je fais des remarques d'ordre général. J'ai
également fait des remarques d'ordre particulier, pour démontrer
au ministre du Travail jusqu'à quel point de nombreuses personnes de la
province de Québec ne reçoivent aucune protection adéquate
en matière de relation de travail. Toutes les lois du travail, à
l'heure actuelle, les ont laissées de côté. Je l'ai dit
aussi, les syndicats n'ont malheureusement pas jugé bon de les
protéger de la façon efficace, puisqu'ils ne protègent
actuellement que 30% d'ouvriers dans la province de Québec. C'est une
responsabilité conjointe. C'est la res- ponsabilité du
ministère du Travail, mais c'est aussi la responsabilité des
grandes centrales syndicales de voir à donner une protection
adéquate à ceux qui ne la reçoivent pas jusqu'à
présent C'est le devoir des députés de cette Chambre de
prendre la défense de ceux qui n'ont pas les moyens de venir revendiquer
devant les autorités, comme d'autres associations peuvent avoir les
moyens de le faire, parce qu'elles ont le nombre qui joue en leur faveur, et
parce qu'elles aussi ont la force économique pour pouvoir
pénétrer le mur du silence et aussi, parfois, le mur de
l'indifférence, que je crois déceler de ce
côté-là de la Chambre, ce soir.
Je pourrais faire d'autres remarques, mais je sais que j'aurai
l'occasion de le faire lors de la discussion de certaines autres lois du
travail qui seront présentées au cours de cette session qui se
termine et probablement au cours d'une autre session qui commencera à la
mi-février. Je pourrai également continuer le travail
amorcé jusqu'ici à l'Intérieur du comité de travail
dont j'ai parlé tout à l'heure. Je voudrais que le ministre du
Travail comprenne bien dans quel esprit je me suis levé, ce soir, pour
faire les remarques que j'ai faites. Ces remarques ont été faites
dans le seul et unique but d'alerter le ministre du Travail sur une situation
qui m'apparaît intenable à l'heure actuelle...
M. GABIAS: Voyons donc!
M. PINARD: ... pour un très fort pourcentage de notre
société québécoise. Il y a des pères de
familles nombreuses, qui ne peuvent plus supporter d'être pauvres comme
ils le sont, alors que, dans d'autres secteurs de la société, on
réclame constamment des augmentations de salaire et que d'aucuns dans la
province prétendent qu'ils en ont suffisamment.
Alors, quand on parle de disparités régionales...
M. GABIAS: Six ans de régime libéral.
M. PINARD: ... on parle également de disparités dans la
richesse, de disparités dans le gagne-pain, de disparités dans la
rémunération, de disparités aussi dans les chances de
survie et dans les chances de faire face à la compétition.
C'est de tout cela que j'ai parlé. J'attends que le ministre du
Travail se lève pour répondre aux propos que j'ai tenus et
j'espère qu'il aura, non seulement un mot de réconfort à
l'endroit de ceux dont j'ai pris la défense ce soir, mais qu'il pourra
aussi nous garantir qu'il mettra en oeuvre le plus rapidement possible des
mesures susceptibles d'apporter des remèdes valables.
efficaces et rapides aux maux et aux souffrances que ces gens ont
endurés depuis trop longtemps dans cette province.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je tiens à faire remarquer que
l'Intervention de l'honorable ministre du Travail mettra fin au débat en
deuxième lecture.
L'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. LESAGE: Peut-être le ministre du Travail aimerait-il en
recommencer un autre?
M. GAGNON: Il a tellement de bonnes choses â dire.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: Attendez.
Nous avons entendu d'excellents discours cet après-midi. Je
voudrais bien avoir le privilège de décerner des mérites
â chacun. Quelques-uns ont fait des efforts louables, d'autres ont fait
un travail très constructif et d'autres, enfin, ont fait un travail que
je peux considérer comme moins productif.
M. COITEUX: Nommez-les.
M. BELLEMARE: Je commencerai d'abord par l'honorable...
M. GABIAS: Le moins bon, c'est le député d'Ahuntsic.
M. BELLEMARE: ... député de Drummond. L'honorable
député de Drummond a bien fait les choses.
UNE VOIX: Dans Bagot?
M. BELLEMARE: II était complètement en dehors des
règlements, mais c'était plaisant de l'entendre.
M. LESAGE: A la place du député de Drummond, je serais
très inquiet.
M. BELLEMARE: Je sais que c'est un vieux routier de la politique. Dans
sa carrière, il a défini de façon assez
caractéristique ce qu'était le bon et le mauvais patronage. Mais,
ce soir, il a été un homme assez objectif.
Je dirai que la cause qu'il a plaidée est une cause qui m'est
particulièrement chère et à laquelle je suis
particulièrement attaché. Je comprends que, comme ministre du
Travail, ce soir, j'ai apporté devant cette Chambre une loi organique,
une loi qui définit les pouvoirs et les responsabilités du
ministre quant à l'administration de la chose publique dans son
ministère.
L'honorable député de Drummond a dit que les
camionneurs-artisans avaient une situation exceptionnellement difficile. Je
suis parfaitement d'accord, extraordinairement d'accord. Je dis, cependant, que
c'est une situation qui ne date pas de 1967 ni de 1966.
Il y a eu dans cette province un homme particulièrement
intéressant, qui avait une lourde responsabilité dans
l'administration publique, qui s'occupait particulièrement des
camionneurs-artisans et qui aurait pu s'occuper d'eux alors qu'il était
ministre de la Voirie.
Je n'ai pas besoin de vous dire que le mouvement lui-même, les
gens intéressés eux-mêmes, les pauvres qui sont pauvres
à cause du manque d'organisation ne le sont pas depuis hier. Ils ne le
sont pas depuis avant-hier. Ils le sont depuis des années. Cet
homme-là aurait pu, grâce à son influence auprès du
premier ministre du temps parce que c'était sûrement
l'homme le plus influent du cabinet lui dire: Nous allons faire quelque
chose de concret pour ces pauvres camionneurs-artisans. Je suis sûr,
connaissant le député de Louis-Hébert et l'amitié
qu'il a pour le député de Drummond, que le député
de Louis-Hébert aurait dit: d'accord, nous commençons
immédiatement.
Cela n'a pas été fait. Nous avons...
M. PINARD: ... a été fait par la commission
Lippé.
M. BELLEMARE: ... lu le rapport de l'enquête Lippé.
M. LESAGE: C'est vous qui l'avez reçu, pas nous.
M. BELLEMARE: M. le Président, est-ce une assemblée
contradictoire?
M. LESAGE: Non, mais...
M. BELLEMARE: Cet après-midi, j'ai eu la patience de vous
écouter, je n'ai rien dit...
M. LESAGE: Ne faites donc pas de politique partisane.
M. BELLEMARE: J'ai noté... nous allons nous rencontrer tout
à l'heure. J'en ai une partie pour vous tout seul.
M. LESAGE: Cela va barder.
M. BELLEMARE: M. le Président, l'enquête du juge
Lippé a été fort longue. C'était un problème
fort difficile à résoudre. Le rapport Lippé nous est
arrivé. Nous avons pris le temps de le regarder, de l'étudier et
à la fuite d'une motion qui a été faite en cette Chambre,
à la suite d'une entrevue qui a eu lieu en bas, au comité, il a
été décidé, à la demande du
député de Charlevoix, qu'un comité siégerait pour
entendre les intéressés. Nous avons siégé. A la
suite de ce comité, il a été décidé et
unanimement accepté qu'un comité serait formé des deux
côtés de la Chambre et des experts du ministère du Travail
qui s'occupent particulièrement de ce problème,
accompagnés des intéressés dans l'industrie du camionnage
de la province.
Ce comité a fait de l'excellent travail. Il a, pendant de
nombreuses séances, essayé de faire de la planification, de
dégager de grandes idées, de rechercher le problème
véritable et d'essayer d'orienter les efforts vers une solution
pratique. Malheureusement, c'était des hommes qui siégeaient
autour de ces tables et les points de vue se sont diamétralement
opposés dans certains cas.
Mais qu'importe, un travail constructif a été fait. Le
député de Drummond me demandait si j'étais prêt
à aller plus loin. Je dis que oui. Et plus loin que le pense le
député de Drummond. Assumant mes responsabilités comme
ministre du Travail, je suis prêt à mettre à la disposition
des camionneurs-artisans le temps d'un homme payé par nous, d'un homme
compétent qui va essayer, lui, au sein de l'organisation de ces gens qui
ont besoin d'être aidés, de trouver les ou la solution qu'il
apportera au comité de parlementaires des deux côtés de la
Chambre qui siégera entre les deux sessions. Il viendra là faire
son rapport et surtout donner son appréciation. J'ai sous la main, je
crois, un homme excellemment qualifié, un homme d'un grand prestige, qui
connaît à fond le problème de ces gens et que je suis
prêt à mettre à leur disposition pour prouver ma bonne foi
dans le problème épineux et difficile à régler que
traverse cette partie importante de nos travailleurs québécois,
les camionneurs-artisans et les camionneurs forestiers.
Le député a parfaitement raison. Il y a un problème
terrible, il y a une espèce de monopole. Je ne veux scandaliser
personne, mais une espèce de monopole s'est créé avec les
compagnies forestières qui exécutent les gens au premier avis. Et
ça, ce n'est pas une situation que nous tolérerons dans la
province de Québec. Nous ne pouvons pas tolérer que les gens
soient exécutés du jour au lendemain parce que ça ne fait
pas l'affaire. Si ce sont de bons travailleurs, à qualité
égale, ils doivent donner service égal.
Nous avons entendu un excellent député, qui se renseigne
et qui fait un travail fort louable dans cette Chambre, le député
de D'Arcy-McGee.
Il a formulé des suggestions heureuses et il a fait remarquer
à cette Chambre que, dans le bill que nous apportons, il y avait
peut-être des choses très intéressantes qui n'existaient
pas encore ailleurs et que nous définissions.
Je suis pleinement d'accord, s'il peut réaliser, lui, l'accord
avec un de ses collègues qui ne partage pas tout à fait son point
de vue. Je laisse à l'honorable député de D'Arcy-McGee le
soin de le pressentir et de le convaincre. Je suis persuadé que j'aurais
beaucoup de misère, moi, parce que je suis bien plus loin que lui de
cette organisation que l'on appelle le parti.
Je le félicite d'avoir si bien expliqué, cet
après-midi, ce point de vue de la formation professionnelle.
C'était très intéressant parce qu'il a touché le
problème à fond sans se prévaloir du pouvoir d'administrer
au point de vue pédagogique. Nous allons continuer la formation
professionnelle de nos ouvriers et ça, c'est important, dans tous les
domaines, domaines multipliés aujourd'hui par dizaines, à cause
de tous les nouveaux métiers, des nouveaux secteurs dans le domaine de
l'habitation et de la construction en général.
C'est ça que nous allons nous employer à faire.
D'ailleurs, le président général de tous les centres
d'apprentissage de la province était lui-même membre d'un
comité d'étude qui a siégé pendant des jours et des
jours, dont le rapport a été publié, pas à la
demande de personne, à ma demande personnelle. Le rapport de ces
études a été publié et, après de longues
études où tout le monde du travail était
représenté, il a été unanimement admis et
voté, lors du congrès des centres d'apprentissage de la province,
en juin dernier, que la formation professionnelle devait s'étendre
à toute la construction en général, mais plus loin que
ça, à tous les métiers connexes pour un ouvrier.
M. le Président, mes remerciements, d'abord, au
député pour m'avoir dit des choses très
intéressantes au sujet de la formation professionnelle, et d'être
devenu pour moi un allié. Je ne veux pas faire de chicane dans son
parti, je ne voudrais pas ça.
M. GOLDBLOOM: Il n'en est pas capable. M. BELLEMARE: L'honorable
député nous
a donc fait remarquer que, sur la loi des accidents de travail, il
pourrait y avoir certaines craintes quant aux recherches qu'il y a à
faire. Lorsque je serai rendu à l'honorable député de
Louis-Hébert, le député prendra pour lui les
réflexions que je voudrais offrir à l'honorable chef de
l'Opposition dans ma réponse.
Le député d'Outremont a été fort
éloquent.
Il a dit des choses sur un ton très calme. Surtout, il n'a
sûrement pas fait d'attaque personnelle, il a été
très objectif. Le député de Bourassa m'a posé une
question. Le député de Bourassa, c'est un député
qui connaît très bien la question économique et
particulièrement la question du taxi, qui le passionne
particulièrement de ce temps-ci. Je ne sais pas si c'est un voyageur
assidu de cette grande chaîne de Murray Hill...
M. HARVEY: Il est capable d'en faire.
M. BELLEMARE: ... il a l'air d'avoir une amitié
particulière pour certains d'entre eux. Je le félicite,
d'ailleurs. Il m'a posé plusieurs questions...
M. LESAGE: Pas seulement ceux de Murray Hill.
M. BELLEMARE: Ah non?
M. LESAGE: C'est parce qu'il y a de nombreux chauffeurs ou
propriétaires de taxis qui demeurent dans le comté de
Mercier.
M. BELLEMARE: Oui. Je suis content de dire à l'honorable
député que la solution que nous pourrons apporter sera
sûrement du même ordre que celle que nous apporterons à
d'autres questions assez épineuses, comme celle des camionneurs-artisans
de l'honorable député de Drummond. Celle qui concernera les taxis
devra faire l'objet d'une loi spéciale, probablement. Après
étude, le comité recommandera de légiférer dans ce
domaine. Nous prendrons la meilleure occasion pour rendre les plus grands
services dès que les études seront terminées. La
même chose se produira pour la demande que m'a faite l'honorable
député de Mercier, parce que parmi les nombreux amendements que
nous voulons apporter au code du travail, nous avons un article
spécifique concernant ces hommes qui ne sont protégés par
aucune juridiction.
L'honorable député de Louis-Hébert, quel homme
sympathique! Cet après-midi, franchement, il m'a impressionné.
Cela n'arrive pas souvent.
M. LESAGE: Vous me faites des compliments?
M. BELLEMARE: Non, J'ai dit que c'était un bon
législateur. Il a vécu dans une autre juridiction, comme avocat,
il a pratiqué le droit et il a ajouté à cela l'exercice du
droit parlementaire. Il a cependant manifesté certaines craintes cet
après-midi.
M. HARVEY: Du droit comparé.
M. BELLEMARE: Il a dit: Je crois que le député de
Champlain, le ministre du Travail, fait erreur. La loi fédérale
prévoit d'abord la section A qui consiste dans un état, fait en
double exemplaire, énonçant expressément les
détails suivants quant au rapport obligatoire que les unions et les
syndicats ouvriers doivent déposer entre les mains du statisticien
fédéral. Ces rapports faits en double concernant le nom, comme il
l'a dit... Il a récité tout le chapitre cet après-midi,
mais, il n'a pas cité la section B. Il a dit: Us sont obligés de
le faire au point de vue financier, et il a passé. C'était
justement sur le droit de connaître leur administration financière
que le gouvernement fédéral imposait une enquête
approfondie.
M. LESAGE: Ce n'est pas une enquête; c'est une déclaration
détaillée.
M. BELLEMARE: Un rapport officiel. On voit plus loin les sanctions qui
sont appliquées à ceux qui ne se rendent pas...
M. LESAGE: Ce n'est pas une enquête.
M. BELLEMARE: Sur ce rapport de la section B, le chef de l'Opposition a
dit: Bien, ce n'est pas mal. C'est raisonnable. Le député de
Champlain et ministre du Travail n'a pas raison de s'élever contre cela.
Non, mais je dis, cependant, que, lorsqu'on parle de renseignement au
degré...
M. LESAGE: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. BELLEMARE: Oui.
M. LESAGE: Je n'ai pas dit du tout ce que le ministre du Travail vient
de dire. J'ai dit: « Si le ministre du Travail veut avoir les mêmes
renseignements, qu'il le dise dans sa loi ». C'est cela que j'ai dit.
M. BELLEMARE : Si vous voulez me laisser finir, c'était la
conclusion de ma thèse.
M. LESAGE: Le ministre s'en est pris, cet après-midi, au
député d'Ahuntsic en prétendant qu'il rapportait mal les
paroles qu'il avait prononcées lors de son discours de deuxième
lecture. Je pense qu'il est normal que je rafraîchisse la mémoire
du ministre du Travail pour lui dire ce que j'ai dit et non pas ce qu'il a
pensé que j'ai dit.
M. BELLEMARE: J'ai dit et je répète que, dans les
circonstances, le rapport que devaient déposer ces messieurs du syndicat
était véritablement pour eux une enquête de
perquisition.
M. LESAGE: Ce n'est pas une enquête.
M. BELLEMARE: Ce rapport obligatoire qu'ils devaient déposer
n'est pas comparable aux demandes de renseignements qui nous sont utiles dans
l'administration de la main-d'oeuvre et des services techniques que nous
demandons à la Chambre,
Les droits d'admission, les redevances individuelles des membres, les
cotisations pour santé et bien-être, les cotisations pour
indemnité de décès, les cotisations pour indemnité
de grève, les amendes et les permis de travail, dans le cas où un
syndicat a son siège social en dehors du Canada, à un état
indiquant séparément le total des montants payés ou
crédités au syndicat durant la période visée par le
rapport pour les membres résidant au Canada, pour leur compte et
à leur égard, à titre et au compte de chacun des postes.
Nul état des revenus, des dépenses concernant la période
visée par le rapport présenté en la forme et contenant les
détails ainsi que les autres renseignements relatifs à la
situation financière du syndicat...
Oh, M. le Président, ce n'est pas ça que nous voulons? Si
nous, c'est ça que nous voulons, il y a un moyen de le faire, et quand
nous le voudrons, nous le dirons en amendant la Loi des syndicats
professionnels. Pas en amendant la loi organique du ministère. Nous le
dirons dans la loi qui est le chapitre 150 et qui nous donne droit de regard
sur les syndicats professionnels. Et tant que nous ne le mettrons pas dans la
loi des syndicats professionnels, il n'y a pas de danger que nous le mettions
ailleurs, parce que ces renseignements sont exclusifs. Ce sont des
renseignements... D'ailleurs, je remercie le chef de l'Opposition. Il m'a dit:
Vous allez semer de l'inquiétude, vous feriez mieux de dire
véritablement ce que vous pensez. Notre pensée, à nous,
c'était d'obtenir pour la main-d'oeuvre, pour les services techniques,
nos électriciens, nos plombiers, nos inspecteurs qui sont dans le
domaine des établissements industriels et commerciaux, pour tous ceux
qui ont à faire des rapports sur les machines fixes, des statistiques
concernant les activités de ces gens afin de mieux orienter la direction
que doit prendre dans la province de Québec notre Direction
générale de la main-d'oeuvre. Quand...
M. LEFEBVRE: Pourquoi ne le dites-vous pas dans la loi si c'est...
M. BELLEMARE: Voulez-vous me laisser finir, mon très cher.
M. LEFEBVRE: Je veux bien, mon très cher ministre.
M. BELLEMARE: Bien oui, je n'ai pas encore parlé de vous.
M. LEFEBVRE: Ah!
M. BELLEMARE: Est-ce que ça vous choque?
M. LEFEBVRE: Pas du tout.
M. BELLEMARE: Non? Peut-être que je n'en parlerai pas.
M. LEFEBVRE: C'est ce que j'ai prévu. J'ai prévenu mes
collègues que vous ne trouveriez pas de réponse.
M. BELLEMARE: Ah ça!
M. LEFEBVRE: Si vous la trouvez, tant mieux.
M. BELLEMARE: Si je vous disais ce que j'ai entendu dire pendant le
souper. Alors, M. le Président, le bill...
M.LEFEBVRE: Si je vous disais ce que j'ai entendu dire hier soir!
M. BELLEMARE: Ah oui, je sais de qui. M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LEVESQUE (Laurier): Contez-nous donc ça.
M. LESAGE: Nous sommes devenus une Chambre de commères.
M. BELLEMARE: M. le Président, je dis donc que ces
renseignements, qui sont des ren-
seignements bien spécifiques concernant des domaines bien
spécifiques sont nécessaires au ministre du Travail pour orienter
toute notre projection vers l'avenir, vers les différents
métiers, vers les différentes options que vont prendre nos jeunes
dans nos écoles de formation professionnelle, dans nos centres
d'apprentissage, soit par le reclassement, par le recyclage, par la
reconversion ou même par les déplacements. Là, nous serons
en possession de renseignements utiles et nécessaires pour donner au
ministère du Travail sa véritable place et surtout au Bureau des
recherches son véritable équipement pour fonctionner normalement
dans un monde où c'est nécessaire aujourd'hui.
Quelques-uns pourront peut-être me dire: C'est facile, n'importe
quel patron va vous donner ça. Vous allez lui demander des
détails, il va vous les donner. Pas si facile, M. le Président,
surtout lorsqu'on se présente devant une compagnie qui ne connaît
pas des affaires florissantes et qu'il s'agit de savoir s'il y aura des gens
à recycler ou à reclasser avant longtemps. On ignore souvent
notre présence et on ne répond pas à nos appels.
Il devient difficile de prévoir un préavis ou même
une organisation de reclassement ou de recyclage. Il y a de multiples autres
cas où il est devenu nécessaire d'obtenir des renseignements
utiles. Je crois que le chef de l'Opposition a raison. Votre intention,
disait-il, mais dites-la donc. Nous connaissons le ministre du Travail. Vous
êtes un homme honnête et tant que vous serez là, ça
ne se fera pas autrement. Merci, M. le chef de l'Opposition.
Mais je pense que je vais me rendre à votre requête et,
après y avoir bien pensé, après avoir regardé en
face, ce n'est pas notre intention, je l'ai dit dans le discours de
deuxième lecture, je l'ai affirmé, je l'ai
répété, ce n'est pas notre intention, mais nous voulons
obtenir des moyens, par exemple, qui nous permettront de réaliser les
buts que nous visons.
Aujourd'hui, dans ce développement gigantesque de la
main-d'oeuvre, on a besoin d'avoir une foule de renseignements et ce n'est pas
facile, M. le Président, avec des gens qui sont déjà dans
le champ, qui font déjà des enquêtes. Il y a une autre
juridiction qui exerce, dans la province de Québec, un contrôle
sur la main-d'oeuvre. Ces gens en font, eux, des enquêtes. Les rapports
de ces enquêtes-là, nous ne pouvons pas les voir. Je m'accorde
ici, pour une fois, avec l'honorable député de Laurier, quand il
a dit, lors de l'étude des crédits; C'est le temps de l'occuper,
la juridiction, et nous l'occupons. C'est difficile, c'est vrai que j'ai dit
cela.
Nous l'occupons, M. le Président, et nous sentons que la
population, plus que jamais, nous fait confiance. L'honorable
député d'Ahuntsic disait cet après-midi: Mais, ce sont de
pauvres structures que vous avez. L'honorable député n'est pas
juste. Il aurait dû s'informer. Il aurait dû demander à des
gens qui sont en autorité, comme le directeur général de
notre service de main-d'oeuvre, qu'il connaît bien, de lui montrer
l'organigramme que nous avons bâti pour établir, dans les dix
régions, des services régionaux et des services
sous-régionaux et des hommes compétents et prévoir, dans
différents secteurs, des hommes extrêmement bien
préparés comme conseillers en main-d'oeuvre. Il aurait dû
demander, l'honorable député d'Ahuntsic, au directeur
général de lui donner les noms des gens qui occupent ces
fonctions. Ce sont des noms qui l'auraient peut-être surpris. Ils
viennent d'autres juridictions et ils occupent, aujourd'hui, dans le
Québec, des positions extrêmement importantes dans le service de
la main-d'oeuvre.
M. LEFEBVRE: Est-ce que le ministre me permet une question? Je
voudrais... Je peux bien m'en aller à mon siège.
M. BELLEMARE: Oui, oui, à votre siège.
M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le ministre me
permet...
M. GABIAS: A votre siège. Pas de passe-droit, parce que nous
allons commencer. Le ministre en a pour une couple d'heures.
M. BELLEMARE: Non, M. le Président.
M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ceque le ministre me permet une
question? Je voudrais simplement savoir s'il admet, oui ou non, qu'il y a
actuellement double emploi et double imposition dans les activités de
placement. C'est la seule question en débat pour l'instant. Ni les
structures, ni la compétence des fonctionnaires engagés par le
ministre n'ont été mis en cause. C'est simplement le
problème de la double imposition payée par les contribuables.
M. BELLEMARE: M. le Président, je reçois la question, mais
pas le discours du député.
Double juridiction dans le crédit agricole. Double juridiction
dans la santé. Double juridiction dans les terres et forets.
M. LEFEBVRE: Imposition.
M. BELLEMARE: Double juridiction dans les richesses naturelles, double
juridiction à multiples autres endroits, et vous pensez que l'argument
de l'honorable député va valoir quelque chose en 1968, quand il
s'agit, dans cette province, de récupérer des droits qui nous
appartiennent et que, par un laisser-faire impardonnable, nous n'avons pas
occupé cette juridiction? Nous l'occupons.
M. LESAGE: Est-ce que le ministre du Travail a oublié que
l'élection partielle de Bagot est terminée?
M. BELLEMARE: Je n'ai pas oublié cela, et j'ai eu une bonne
pensée de sympathie à l'endroit du député de
Louis-Hébert...
M. LESAGE: Moi aussi pour ce qui est du ministre du Travail.
M. BELLEMARE: ... qui ne cessait de répéter, dans tous les
comités, ah, vous ne serez pas longtemps ici, vous, ministre. Où
est-il, votre ministre? Il va y être la semaine prochaine, votre
Ministre.
M. LE PRESIDENT; A Pordrel
M. BELLEMARE: Vous allez voir changer l'attitude du chef de POpposition,
quand il sera en Chambre ici.
M. LESAGE: Nous verrons cela, si le ministre y sera la semaine
prochaine.
M. BELLEMARE: Vous allez voir les gens qui ont lancé l'insulte
à ce grand homme...
M. LESAGE: Comment l'insulte?
M. BELLEMARE: ... et qui l'ont insulté, et qui ont fait de la
stratégie inqualifiable pour le tenir au comité durant P
élection partielle.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! En attendant l'arrivée du ministre,
nous pourrions peut-être étudier le bill 287.
M. BELLEMARE: Je disais donc, me fiant à la longue
expérience du chef de l'Opposition, que nous avions réellement
comme il l'a dit cet après-midi si c'est l'intention du
député de Champlain, que je sais honnête, que je veux dire,
il reconnaîtra que, pour la satisfaction, il devrait, lui, si c'est son
idée, faire un amendement pour dire véritablement ce qui en
est.
Oui, M. le chef de l'Opposition. Je pense que c'est raisonnable
d'expliciter véritablement notre pensée, de l'expliciter d'une
manière conforme à notre idée et surtout aux directives
que nous nous sommes données, d'orienter ce secteur particulier de la
main-d'oeuvre vers le succès.
Quant à l'honorable député d'Ahuntsic, les quelques
remarques qu'il a faites de temps en temps sur le bill étaient fort
intéressantes. Il a touché au bill. Il a fait une couple d'essais
d'atterrissage, mais de très rares. Il a fait un peu de rase-terre mais
pas beaucoup.
Je l'ai écouté avec toute la patience que vous me
connaissez, moi, surtout, qui n'aime pas son ton, moi surtout, qui n'aime pas
ses arguments, ses petits bouts de phrase qui sont entortillés un peu
de...
M. LEFEBVRE: J'ai du Platon pour vous ce soir, tantôt.
M. GABIAS: Cela, ça fait longtemps que vous êtes «
plate ».
M. BELLEMARE: L'honorable député d'Ahuntsic a parlé
de bien des choses. La philosophie, oui. Je n'ai pas eu l'avantage de
connaître cette thèse, cette particularité dans mon cours,
faire de la philosophie. J'ai été à la philosophie de la
vie, à l'école de la vie, qui est bien amère, bien
terrible. J'ai appris des choses, par exemple, auxquelles l'honorable
député d'Ahuntsic, s'il était moins teinté et
surtout n'avait pas trop l'odeur de la partisanerie qui l'enveloppe, pourrait
peut-être de temps en temps se référer.
Ce qui compte, ce n'est pas ce qui a été adopté
dans des congrès par résolution, ni les bonnes intentions qu'ont
ces honorables messieurs de l'Opposition, c'est surtout de vivre avec le temps
et l'actualité et de tâcher d'apporter des remèdes.
L'honorable député d'Ahuntsic en a dit une bonne. Il dit:
le député est fidèle à la tradition du
paternalisme, fidèle. Il est la caricature de ceux qui éteignent
les incendies. Il prévoit, pour les éteindre. L'honorable
député de Drummond, lui, dit, le député devrait
être un inter-ventiste...
M. PINARD: Interventionniste.
M. BELLEMARE: Interventionniste. Encore une autre...
M. LEFEBVRE: On ne parlait pas de là même chose. Lui
parlait des...
M. BELLEMARE : C'est bien rare que vous vous comprenez.
M. LEFEBVRE: Non, mais...
M. BELLEMARE: Je dis donc que M. le député d'Ahuntsic a
fait un effort, sûrement. Il a fait un effort. Il avait une grosse
mission à accomplir cet après-midi, il fallait démolir le
ministre du Travail. Il a essayé, par des arguments, des raisonnements
qui lui sont bien propres, en me laissant tomber quelques taloches, mais il a
été moins méchant que d'habitude. Il a dit: Je
concède que le ministre est un travailleur et je ne veux pas lui faire
de peine. Il a dit cela. Cela m'a consolé un peu. J'ai dit: Il est
à la veille de faire une autre retraite fermée.
M. GABIAS: Dans le corridor de Soeur Jeanne.
M. BELLEMARE: Bref, les arguments de l'honorable député
sont en cinq points. Premièrement, il dit que la loi ne sera pas
nécessaire, qu'elle ne changera rien. Deuxièmement, la loi n'a
rien d'avant-gardiste, aucune philosophie. Troisièmement, elle n'est pas
adaptée à nos besoins réels. Quatrièmement, le
ministre exerce un paternalisme d'Etat fort condamnable. Il dit, en terminant,
que l'orientation professionnelle n'est pas l'affaire du ministre.
M. LEFEBVRE: La formation professionnelle.
M. BELLEMARE: Oui, la formation ou l'orientation professionnelle.
M. LEFEBVRE: Ce sont des choses différentes.
M. BELLEMARE: Bien, c'est souvent dans le même collège.
Alors, ces cinq points que je voudrais développer pendant l'heure qu'il
me reste seront divisés en trois catégories différentes.
D'abord, je demanderai à l'honorable député: quelle est
l'objectivité? Deuxièmement, quel est le sens pratique des
conflits que nous traversons? Troisièmement, quelles en sont les
solutions?
Je vous fais grâce de mes cinq points et de mes trois tirets. Je
dis que nous allons travailler ensemble pour donner à la province de
Québec une législation nécessaire au point de vue du
travail. Ce n'est pas parfait, nous l'admettons. Nous avons
présenté ce bill persuadés qu'ici, dans cette Chambre, des
hommes sérieux qui ont vécu, dans le monde ou dans leur
pa- telin, des situations qu'ils peuvent nous raconter, des situations qui
peuvent nous influencer et nous aider à mieux saisir un problème
pourraient nous faire des recommandations fort justifiables.
Nous l'avons dit en deuxième lecture, nous sommes ouverts
à toute discussion et à tout amendement, quand c'est dans l'ordre
et quand c'est pour le bien public. Cette loi organique est la première
d'une longue série d'autres lois qui viendront s'ajouter à celles
que nous avons déjà pour assurer la paix sociale. Nous avons
besoin d'une paix raisonnée et raisonnable qui façonnera les
jugements, qui donnera à ceux qui font partie du mouvement ouvrier, qui
sont aujourd'hui dans le monde patronal ou qui exercent des fonctions comme
ministres et comme sous-ministres, l'avantage de voir passer à travers
ces hommes et ces structures, les services de nos lois qui seront très
utiles à toute la population.
Je termine sur un sujet qu'a abordé l'honorable
député d'Ahuntsic pour lui dire que le préavis dont il a
parlé cet après-midi avec une longue citation que nous
retrouverons, demain, dans le journal des Débats est un sujet
intéressant et nécessaire. Nous avons sûrement eu
l'occasion de l'étudier, depuis les nombreux mois que nous
étudions, comme dit le député d'Ahuntsic. On continue
encore d'étudier. Nous avons déjà un article de notre code
qui sera sûrement à l'avantage de ceux qui sont
particulièrement affectés par des situations inattendues lors de
la fermeture de certaines usines.
M. le Président, je remercie tous ceux qui ont participé
à ce débat de deuxième lecture. Soyez sûr que c'est
dans un bon esprit que nous allons maintenant entreprendre la deuxième
étape, celle du comité plénier.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée? Adopté.
LE GREFFIER ADJOINT: Deuxième lecture de ce bill. Second reading
of this bill.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Travail propose que je quitte
maintenant le fauteuil et que la Chambre se forme en comité
plénier pour l'étude du bill 287.
Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Comité plénier
M. BELLEMARE: M. le Président, l'honorable député
m'a toujours demandé d'identifier
les personnes qui m'accompagnent,, Je crois qu'elles sont connues: le
sous-ministre en titre, M. Donat Quimper et le sous-ministre adjoint, M.
Jean-Paul Savard.
L'article 1, M. le Président.
M. SAUVAGEAU (président du comité plénier): Article
1. Adopté.
M. BOURASSA: Pourrais-je poser une question au ministre du Travail sur
le problème que j'ai soulevé? Il n'a pas été
tellement précis sur l'amendement qu'il va apporter au code du travail
pour protéger les conducteurs de taxi. Pourrait-il élaborer un
peu?
M. BELLEMARE: Je n'ai aucune objection à répondre. Il est
difficile de vous donner le mécanisme que nous allons mettre dans le
code du travail.
M. BOURASSA; Cela voudrait dire quand?
M. BELLEMARE: Dès que le bill sera fini. Il est actuellement en
préparation. Nous allons le soumettre à la prochaine session,
c'est sûr.
M. BOURASSA: Cela permettrait aux conducteurs de taxi d'avoir des
vacances payées, des jours de maladie?
M. GABIAS: Ils sont toujours en voyage, ils n'ont pas besoin de
vacances.
M. BELLEMARE: Le député a certainement raison parce que
ces gens font de nombreuses heures.
M. BOURASSA: Oui.
M. BELLEMARE: II y a aussi les conditions au point de vue des heures de
travail, du salaire gagné. Cela sera couvert par une législation
qui sera dans le code du travail et qui s'appliquera. Comme la loi du salaire
minimum qui intéresse aujourd'hui 1,300,000 employés.
M. BOURASSA: Evidemment, le problème est assez complexe, il y a
des propriétaires-chauffeurs, il y a des locataires-chauffeurs, mais il
reste que ces gens-là sont à la merci de n'importe quoi et
qu'actuellement, ils sont l'une des catégories de travailleurs les plus
défavorisés.
Je remercie le ministre pour l'intérêt qu'il porte à
la question.
M. BELLEMARE: Merci.
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté?
Adopté.
Article 2, adopté?
Adopté.
Article 3.
M. BELLEMARE: M. le Président, à l'article 3, j'aurais un
amendement qui se lit comme suit:...
M. LEFEBVRE: M. le Président, à l'article 3, j'aimerais
d'abord demander au ministre s'il veut bien expliquer aux membres de la Chambre
quelles sont les intentions du ministère quant au paragraphe C qui se
lit comme suit: « D'adopter, en collaboration avec les autres ministres
responsables, les mesures qu'il juge propres à faciliter la formation
professionnelle ». Quelles sont au juste les intentions du ministre
à ce point de vue-là?
M. BELLEMARE: La question est fort au point parce que nous aurons les 10
et 11 décembre à Ottawa, une conférence de tous les
ministres de l'Education et où, pour la première fois, le
ministère du Travail sera représenté par son
représentant officiel de la Main-d'Oeuvre. Il sera justement question de
formation professionnelle. Un comité interministériel a
siégé pendant des semaines et des mois pour tâcher de
trouver un point d'approche, un point de ralliement entre l'éducation,
son domaine, et le travail quant à sa responsabilité au point de
vue de la formation professionnelle.
Je pense que la ligne se tire assez bien, maintenant que les discussions
semblent devoir se terminer d'ici à quelques jours, entre la
réflexion suivante: Tout ce qui est à l'école, formation
par l'éducation. Tout ce qui est à l'atelier, adultes, formation
professionnelle par le travail.
Je pense que ce sera terminé dans quelques jours. Pour les
ententes que nous sommes présentement en train de réaliser avec
Ottawa sur le renouvellement des anciennes ententes 4 et 5, je pense que
ça nous rendra énormément plus service à nous
particulièrement, et si jamais il y a, à un moment donné,
quelque chose qui concerne l'éducation...
M. LEFEBVRE: M. le Président, le ministre comprendra que nous
sommes fort intéressés par ses propos à ce sujet, et pour
ma part, je dois dire en toute franchise d'ailleurs j'y
ai déjà fait allusion dans le débat de
deuxième lecture, mais j'aimerais être plus spécifique
maintenant que nous avons entendu une rumeur à l'effet que le
ministre actuel du Travail avait comme intention, si vous voulez,
d'élargir les cadres des centres d'apprentissage actuels pour en faire
des écoles enseignant la formation ou préparant à
l'exercice d'un grand nombre de métiers et de retirer, en quelque sorte,
le secteur de la formation professionnelle de la juridiction du
ministère de l'Education. Est-ce que ces rumeurs, M. le
Président, ont quelque fondement ou non?
M. BELLEMARE: Il y a dans nos ententes et dans nos études avec le
ministère de l'Education trois ententes différentes. Quant
à la question que vient de me poser l'honorable député
à savoir si le ministère de l'Education est équipé
pour donner la formation, il n'y a pas de problème, l'Education la
donne.
Si le ministère de l'Education n'est pas organisé, centre
d'apprentissage. Et la troisième, si l'industrie, vers laquelle nous
allons diriger des jeunes au point de vue formation spécifique, est
prête à les recevoir, industrie.
Je dis donc que cette formation professionnelle est établie
aujourd'hui sur un nouveau réseau: le ministère de l'Education,
quand nous ne l'aurons pas, et qu'il sera équipé, le
ministère de l'Education dans ses locaux; quand le ministère de
l'Education ne pourra pas, centre d'apprentissage; et si nous pouvons organiser
cette formation par l'industrie, nous le ferons par l'industrie.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je pense que le ministre conviendra
que ces propos ont quelque chose d'inquiétant, parce que faire reposer
le problème de la juridiction d'un ministère ou d'un autre sur
l'existence ou non des facilités des équipements physiques, cela
m'apparaît une drôle de philosophie.
Je vais essayer d'être encore plus précis, peut-être
que je comprends mal le ministre ou peut-être qu'il ne s'exprime pas
clairement, je ne le sais pas, je ne veux pas faire un gros débat..
M. GABIAS: Oui.
M. LEFEBVRE: C'est fatigant ça, on parle sérieusement.
M. GABIAS: Oui, oui, continuez à parler sérieusement.
M. LEFEBVRE: J'aimerais ça, si le mi- nistre... Je vais faire une
hypothèse précise pour essayer de comprendre son point de vue.
Dans une régionale, disons, une école secondaire, en principe
polyvalente, on n'a pas encore d'atelier pour l'enseignement des
métiers. Par ailleurs, il existe un centre d'apprentissage où il
existe de tels ateliers. Est-ce que le ministre veut dire que, du fait qu'il y
a un début d'équipement physique facilitant la formation
professionnelle au centre d'apprentissage, plutôt que de
développer la polyvalence de l'école, on tentera d'élargir
les cadres du centre d'apprentissage? Est-ce que c'est ce que le ministre veut
dire?
M. BELLEMARE: M. le Président, c'est exactement ça, avec
une démarcation bien nette, que ce qui concerne les jeunes appartient au
ministère de l'Education et les adultes au ministère du
Travail.
M. LEFEBVRE: Ah bon!
M. BELLEMARE: C'est ça. Cela ne peut pas être plus
clair.
M. CLICHE: Je m'adresse au président du comité, mais ma
question, évidemment, est à l'adresse du ministre du Travail. Je
l'entends parler de centres de formation des jeunes. Je me demande s'il
réalise quelle est la situation qui existe ici et là dans la
province, dans les régions industrielles. Je me demande si son
ministère a en main les statistiques, les informations ou les
renseignements voulus pour permettre au ministre ou à ses officiers de
déterminer une politique immédiate à l'endroit de la
formation des jeunes, soit par des centres de perfectionnement, des centres de
formation professionnelle ou des écoles de métiers?
Je pense à une région comme celle du Nord-Ouest
québécois où, à mon point de vue, il serait urgent,
dans plusieurs centres miniers, que des centres de formation soient
installés. Je me demande si, dans le passé, on n'a pas
laissé un peu trop à la pression d'organismes ou de corps publics
le soin de demander, d'exiger. Je me demande si le ministère ne devrait
pas avoir, n'a pas en main les outils nécessaires pour prendre des
décisions et forcer le ministère de l'Education à agir ou
agir lui-même. Je me demande si le ministère a l'intention de
donner des politiques définitives à ce sujet-là.
M. BELLEMARE: Le député a raison 200%. M. CLICHE: Cela me
fait peur, quand vous
me dites que j'ai raison comme ça, je commence à
m'inquiéter. Continuez.
M. BELLEMARE: Bien, disons que le préambule n'est pas mauvais. Il
a raison, parce que nous avons sur les bras une succession d'écoles qui
ont été construites ou qui étaient en
parachèvement, et nous comprenons le problème, parce que nous
l'avons. On l'a tellement qu'à un moment donné, nous sommes
obligés justement, comme dit le député, d'avoir recours
à des conférences interministérielles qui ont duré
des semaines et des mois, pour dire: Ecoutez un peu, il y a une limite, il va
falloir trouver quelqu'un qui soit le responsable et qui va diriger ça.
Vous entrez dans un domaine où ça doit être le
ministère du Travail qui, vis-à-vis de la formation des
études, a le plus d'expérience et le plus de renseignements.
C'est pour cela, notre loi quand on demande des renseignements, dans ces
domaines-là. Nous irons les chercher là aussi. C'est ce qui s'est
produit dans des cas que je connais. Je ne veux pas nommer le
député que je connais très bien, et sur lequel je sais
quel tiraillement il s'est produit, entre certains comtés et d'autres.
Nous avons été extrêmement prudents jusqu'à
aujourd'hui. Je dis et le député a raison que les
écoles sont nées de par la loi de la formation des centres
d'apprentissage. Ceux-ci sont, en vertu de la loi, des comités
paritaires formés de parties contractantes qui, entre elles, trouvent
l'argent pour acheter des terrains, faire des plans et dire au ministre: Nous,
on a décidé qu'on bâtit un centre d'apprentissage ici.
C'est notre comité conjoint qui décide cela. Avant,
c'était cela.
Maintenant, nous avons voulu qu'aucune construction dans la province de
Québec ne soit décidée sans qu'on y participe pour diriger
un peu comme disait le député d'Abitibi-Est pour
qu'il n'y ait pas de confusion, et, pour dire comme l'honorable
député sa question était fort à point
s'il va là, pourquoi pas là? Qui s'en occupe, dans les CEGEP et
ailleurs? Il y a une multiplicité de gens qui vendent des outils, c'est
clair. Mais, ce n'est pas cela qu'il faut vendre. Des gens doivent venir
apprendre des métiers chez nous sans qu'on ait du doublage ou du
tri-plage dans la même rue.
On a des écoles qui ont été bâties et
équipées et qui sont vides. Il n'y a que trois ou quatre
élèves. C'est une situation de fait. On a de s professeurs
on avait de ce côté-là un problème immense
qui gagnaient plus, au point de vue salaire et avec moins de scolarité,
que ce qu'un professeur de la même ville avait mais avec beaucoup plus de
scolarité. Nous sommes jus- tement à uniformiser le
renouvellement de ces conventions collectives et surtout une planification
à base de raisonnement et de besoins dans les régions.
M. CLICHE: J'ajouterais, si mon collègue de Drummond me le
permet, que le ministère du Travail devrait intervenir davantage,
beaucoup plus qu'il ne l'a fait dans le passé. Le ministère de
l'Education a énormément à faire et ses décisions
tardent malheureusement trop souvent, au détriment de la population. Il
y a, entre autres, ce programme de formation des adultes. Des cours sont
donnés le jour ou le soir. Là encore, cela crée
énormément de difficultés, parce que le ministère
de l'Education, les commissions scolaires, soit locales soit régionnales
ont également un mot à dire. Le programme ne marche pas comme il
le devrait.
Il y a ce problème de la communication entre les commissions
scolaires, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral,
avec toutes les complications que cela peut comporter. A mon point de vue, il
n'y aurait que le ministère du Travail qui aurait un
intérêt très précis, à intervenir très
rigoureusement pour obtenir des décisions et faire fonctionner un
programme qui devrait être plus déterminé qu'il ne l'est
présentement. J'incite le ministre du Travail à connaître
la situation dans les régions, à prendre des décisions et
à obtenir des résultats dans l'intérêt des
travailleurs du Québec.
M. BELLEMARE: D'accord. C'est justement ce qui me donne raison
aujourd'hui de demander le pouvoir de faire des enquêtes, d'obtenir des
renseignements.
M. LESAGE: Tout à l'heure.
M. BELLEMARE: Oui. Vous allez voir que nous avons saisi le point de vue
du chef de l'Opposition cet après-midi. Je pense que c'est pour le plus
grand bien et le bénéfice de l'application d'une nouvelle
loi.
M. PINARD: M. le Président, j'entends le ministre dire que,
tantôt, il expliquera le genre de pouvoir d'enquête dont il veut
disposer pour en arriver aux objets prévus par la nouvelle loi du
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Mais, si l'on prend le
projet de loi tel qu'il nous est présenté, avec son titre de Loi
du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, cela signifie que le
ministre veut se montrer plus interventionniste dans un domaine qui s'appelle
le domaine de la main-d'oeuvre. Il ne veut pas seulement avoir la
responsabilité de voir à un
meilleur climat dans les relations de travail. Il veut aller un peu plus
loin. Si on prend les dispositions de l'article 3, alinéa six, je ne
vois rien dans...
M. BELLEMARE: Article 3, alinéa C?
M. PINARD: Article 3, alinéa C. Je ne vois rien là-dedans
qui permettrait, du moins parce que ce n'est pas écrit, qui permettrait
au ministre du Travail de parler davantage à la grande industrie,
à l'industrie moyenne et la petite industrie pour lui permettre de faire
un inventaire des besoins de la main-d'oeuvre, un inventaire des besoins au
niveau de la compétence, au niveau des métiers qui se veulent
à la fine pointe de la technologie moderne, au niveau des techniciens
qui seraient plus spécialisés que d'autres, parce qu'il y a dans
certaines industries du Québec et c'est vrai pour d'autres
provinces du Canada, mais limitons-nous au domaine du Québec des
industries naissantes qui se spécialisent dans la haute technologie.
M. BELLEMARE: Est-ce que le député veut lire, à
l'article 3b), les deux dernières lignes de la page? Est-ce qu'il a le
même texte que moi, toujours? Les deux dernières lignes de b):
« ... qu'il juge utiles ou nécessaires sur les relations de
travail entre employeurs et salariés sur les conditions, »
continuez...
M. PINARD: Oui, je pense que cette disposition serait assez large pour
accorder au ministre, les pouvoirs dont je parle mais enfin, mon propos
était à l'effet...
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. PINARD: ... de signaler au ministre que le travail d'inventaire n'a
pas été fait. C'est peut-être pourquoi le ministère
de l'Education n'a pas été capable d'adapter ses cours aux
situations nouvelles, situations qui évoluent très rapidement
dans le domaine de la technologie, comme je l'ai dit tantôt.
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. PINARD: Et il est vrai que ces exemples se multiplient de plus en
plus dans les écoles d'arts et métiers et je crois que mon
avis peut être partagé par bien des spécialistes de
l'éducation dans les écoles de technologie, des
métiers qui sont dépassés aujourd'hui, qui vont produire
des techniciens qui ne pourront pas aller demain sur le marché du
travail et obtenir l'emploi pour lequel ils ont été
formés. Je me demande donc si le ministre du Travail ne devrait pas
avoir plus de pouvoirs, comme il l'a souligné lui-même, pouvoir
d'intervention au niveau des enquêtes, au niveau du dialogue avec la
grande industrie, avec la moyenne et la petite industrie, de façon
à ce qu'il y ait un éventail beaucoup plus large de nouveaux
emplois disponibles en faveur de notre jeunesse qui veut prendre les moyens mis
à sa disposition pour se qualifier davantage mais qui commence
aujourd'hui à douter de l'efficacité des structures qu'on a mises
sur pied et qui constate parfois malheureusement qu'il n'a pas servi à
grand-chose de faire le sacrifice de longues études pour obtenir une
meilleure spécialisation, parce qu'elle constate que bien souvent les
emplois ne sont pas là pour lui permettre d'obtenir l'emploi plus
rémunérateur auquel elle avait rêvé et vers lequel,
nous les parents, nous les hommes politique, l'avions dirigée.
Je me demande si le ministre ne voit pas une anomalie, qui a
été plus grave à une certaine époque qu'elle peut
l'être aujourd'hui, et je me demande aussi si les structures de dialogue
entre son ministère et le ministère de l'Education seront
suffisamment efficaces, seront suffisamment nombreuses pour apporter à
brève échéance les remèdes dont nous parlons et
dont la jeunesse a un urgent besoin pour être bien sûre qu'elle se
dirige dans les voies où elle a un succès à entrevoir.
Alors, c'est de cela que je veux parler.
M. BELLEMARE: M. le Président, cela a été ardu,
difficile, extrêmement laborieux de parvenir à certaines ententes
surtout quand on connaît les structures qui existent au ministère
de l'Education.
M. CLICHE: Sans doute.
M., BELLEMARE: Oui, et je vous dis, M. le Président, que je dois,
ici, féliciter particulièrement tous ceux qui ont
participé, pendant des mois, à ces études et à ces
rencontres et qui en sont venus enfin à des ententes qui vont être
complétées ces jours prochains, pour le plus grand
bénéfice et pour l'ordre. Je dis à l'honorable
député qu'il a, lui aussi, vécu une époque
difficile au point de vue de vieilles théories dans nos écoles
d'arts et métiers. Ces écoles sont passées maintenant aux
CEGEP et, là encore, elles tombent sous une autre juridiction, parce que
ce sont des écoles. Nous avons, à côté de cela, la
formation de nos adultes qui sont rendus dans l'industrie et qui, eux, veulent
véritablement apprendre un nouveau métier ou
se spécialiser dans une nouvelle technique particulière.
Cela, c'est notre responsabilité. Et c'est cela que nous voulions faire
reconnaître pas seulement par le ministère de l'Education, mais
par les autres ministères fédéraux.
Nous allons passer à l'article 4 dans quelques minutes. Il y a un
article particulier pour cela.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je doute que nous passions à
l'article 4 dans quelques minutes, parce que l'article 3 n'est pas
terminé. Honnêtement, ce n'est pas pour le plaisir d'embêter
le ministre. Je suis sûr que le ministre en est conscient. D'ailleurs, il
a lui-même dit que, depuis des mois, le problème était
discuté entre les deux ministères. Je pense bien qu'il ne
s'étonnera pas et que personne ne devrait s'étonner que les
membres de cette Chambre veuillent consacrer plus que quelques minutes à
faire une étude que nous avons mis des mois à approfondir dans
les relations entre le ministère de l'Education et le ministère
du Travail. Quant à moi, je regrette un peu que le ministre de
l'Education ne soit pas en Chambre dès ce soir, parce que je ne suis pas
certain que le ministre de l'Education corroborerait tout ce que vient de dire
le ministre du Travail, qui m'apparaît...
M. BELLEMARE: M. le Président, je ne permettrai pas à
l'honorable député de douter de ma parole.
M. LEFEBVRE: Comment votre parole?
M. BELLEMARE: C'est ma parole que j'ai donnée.
M. LEFEBVRE: Oui, mais vous avez donné votre parole à quel
effet?
M. BELLEMARE: A l'effet que des ententes sont intervenues.
M. LEFEBVRE: Je regrette, M. le Président, j'ai
écouté le ministre et il a dit qu'il espérait que les
ententes seraient conclues dans trois ou quatre jours.
M. BELLEMARE: Le principe des ententes est accepté par les deux
ministres et par leurs hauts fonctionnaires.
M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, je me réjouis de
cela. J'espère que le ministre voit sur quel ton je discute; il ne
faudrait pas qu'il prenne la mouche. Je ne veux aucunement mettre en doute la
parole du ministre. Je veux seulement affirmer le droit des membres de cette
Chambre d'être éclairés sur les intentions du ministre,
à l'occasion de la discussion de ce bill. Le ministre a fait, tout
à l'heure, une première distinction. Il a dit: Lorsque les
équipements physiques sont disponibles dans les cadres du
ministère de l'Education, la formation professionnelle sera faite
là. Lorsqu'ils ne sont pas disponibles et que, par ailleurs, ils le sont
dans les cadres de centres d'apprentissage, la formation professionnelle sera
faite dans ce deuxième endroit. Par la suite, il a fait la distinction
entre les jeunes et les adultes. Il a dit: Les jeunes, ça va à
l'Education; les adultes, ça va au Travail. Est-ce que je vous cite
honnêtement, jusqu'à maintenant? C'est vrai ou ce n'est pas
vrai?
M. BELLEMARE: C'est qu'il peut y avoir des jeunes qui, sans être
des adultes, sont déjà sur le marché du travail.
M. LEFEBVRE: Oui. Mais les deux affirmations que vous avez faites,
est-ce que je les ai bien répétées?
M. BELLEMARE: Est-ce que le député veut me faire admettre
qu'il y a des jeunes qui vont subir de la formation par le ministère de
l'Education ou par le ministère du Travail ou par l'industrie, je dis
oui.
M. LEFEBVRE: Je vais poser une question plus précise au ministre
pour essayer de clarifier cela, parce que tout le principe ce pourquoi
j'insiste c'est qu'à mon avis, tout le principe de la
réforme de l'éducation et du rapport Parent est impliqué
dans ce débat. Je voudrais être certain que la population est bien
éclairée sur les intentions du ministre à l'occasion de
l'adoption de son bill.
Supposons qu'il y ait dans une ville mon Dieu! choisissons
Shawinigan une école polyvalente sous la juridiction de la
commission scolaire régionale, que cette école soit physiquement
très bien équipée pour enseigner un grand nombre de
métiers. Je comprends que l'école va donner l'enseignement
professionnel aux jeunes. Dans ce cas-là, est-ce que, à
l'école en question là, je parle des lieux physiques pour
l'instant est-ce que l'enseignement aux adultes organisé en
partie par les soins du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre sera
donné dans les lieux physiques que je viens de décrire, ou est-ce
qu'il sera donné dans d'autres lieux physiques, dans le cas où il
y a une polyvalente qui existe?
M. BELLEMARE: Je n'ai aucune objection à répondre,
malgré qu'actuellement on discute des pouvoirs...
M. LEFEBVRE: On veut savoir ce que vous allez en faire.
M. BELLEMARE: ... des pouvoirs et des devoirs d'adopter comme le dit
l'article six,, Ce sont des pouvoirs et des devoirs que l'on a. Maintenant, si
on entre dans tous les CEGEP, dans l'application de toutes les théories,
dans l'énumération de tout ce qui doit se réaliser, je ne
pense pas que ce soit l'endroit, ni la place. Je suis bien prêt à
répondre, je dis oui à l'honorable député.
M. LEFEBVRE: Vous dites oui à laquestion que je vous ai
posée?
M. BELLEMARE: Oui.
M. LEFEBVRE: A ce moment-là, l'enseignement des adultes se
donnera donc dans des locaux qui dépendent du ministère de
l'Education. Et maintenant les programmes? Je sais qu'actuellement, sauf
erreur, les programmes qui sont enseignés même dans les centres
d'apprentissage sont, au point de vue pédagogique, sous
l'autorité du ministère de l'Education.
M. BELLEMARE: Tous les profils des métiers chez nous.
M. LEFEBVRE: Ah! cela, je suis d'accord cent milles à l'heure, je
l'ai dit. Je ne parle pas des profils des métiers. Je parle...
M. BELLEMARE: Tout aspect pédagogique est à eux.
M. LEFEBVRE: Bon. Alors très bien. Disons que cela clarifie un
peu, mais quant à moi...
M. LESAGE: En pratique, ce n'est pas facile.
M. BELLEMARE: Non, ce n'est pas facile, mais on va atteindre cela,
M. LESAGE: Il va y avoir des tiraillements inévitables.
M. BELLEMARE: Oui, d'accord, mais c'est cela. Cela va s'appliquer comme
cela.
M. LESAGE: Je vous en souhaite avec votre...
M. BELLEMARE: Oui, j'en ai aussi. Ne m'en souhaitez pas plus.
M. LEFEBVRE: C'est parce que là, le ministre...
M. BELLEMARE: C'est justement ça, toute la question. C'est
d'avoir établi toute cette collaboration jusqu'à présent.
Cela, c'est un...
M. LESAGE: Tant que vous n'êtes pas obligé de l'appliquer,
ça va bien.
M. BELLEMARE: Le chef de l'Opposition sait trop, lui qu'il a eu à
trancher dans le vif, un bon matin, à savoir si les centres
d'apprentissage resteraient au travail ou ailleurs.
M. LESAGE: Si cela avait été seulement un bon matin.
M. BELLEMARE: C'est lui qui les a sauvés, les centres
d'apprentissage...
M. LESAGE: Cela a été bien plus qu'un bon matin.
M. BELLEMARE: ... de la main accapara-trice de l'Education. S'il n'y
avait pas eu un Jean Lesage, cette journée-là, et un
député de Champlain, je pense que tous les centres
d'apprentissage passaient à l'Education. Ah oui! je m'en souviens. Je
l'en remercie encore.
M. LESAGE: N'allez pas trop loin.
M. LEFEBVRE: Le ministre vient de clarifier une déclaration qu'il
avait faite antérieurement. Il verra comme je suis aimable, je n'ai pas
dit qu'il s'était contredit, j'ai dit qu'il avait clarifié.
J'espère qu'il a apprécié cela.
M. BELLEMARE: ... contredit.
M. LEFEBVRE: Non, j'ai dit que vous aviez clarifié une
déclaration antérieure à l'effet que ce n'est pas
tellement la distinction entre les jeunes et les adultes qui semble
prévaloir dans vos ententes mais que c'est plutôt la distinction
si je vous ai bien compris entre la détermination des
profils et la pédagogie.
Même pour les adultes, les programmes sont construits par le
ministère de l'Education. Est-ce exact?
M. BELLEMARE: C'est exact.
M. LEFEBVRE: Alors, quant à moi, à l'article 3...
M. BELLEMARE: Article 3.
M. LEFEBVRE: Un instant, je voudrais faire une suggestion au ministre.
Il en fera ce qu'il voudra. C'est fait dans le meilleur esprit du monde et
c'est purement technique. Si le ministre est le moindrement d'accord avec
l'idée qu'en ajoutant un mot au nom du ministère qu'il dirige,
cela a une portée, c'est vraiment une sorte de nouveau départ, ce
n'est plus l'ancien ministère du Travail, mais que la dimension
main-d'oeuvre prend de l'importance... Le ministre en a parlé souvent.
Je ne veux pas ici faire allusion aux hauts fonctionnaires parce qu'à
mon avis, il est bien difficile de parler des fonctionnaires en Chambre. Je ne
veux pas faire une chose que je reproche au ministre.
Mais disons qu'on peut imaginer que les hauts fonctionnaires du
ministère seraient d'accord sur l'importance qu'il y a lieu d'accorder,
à l'avenir, à l'aspect main-d'oeuvre par rapport au rôle
traditionnel du ministère. Si ceci est vrai et c'est purement
d'un point de vue psychologique le ministre ne croit-il pas qu'il
pourrait inverser les paragraphes de son article 3? J'admets que cela peut
sembler ne pas avoir une signification énorme, mais à mon avis,
cela aurait quand même une portée psychologique de ne pas mettre
en premier le sous-paragraphe a) qui se lit: «de favoriser des relations
de travail harmonieuses »... mais peut-être mettre en premier le
sous paragraphe c), justement, qui m'apparaît être dans la nouvelle
philosophie du ministère.
M. BELLEMARE: Lequel dites-vous? M. LEFEBVRE: Le C, voyez-vous.
M. BELLEMARE: Le c) « d'adopter, en collaboration... » Voici
pourquoi c'est fait comme ça. C'est d'abord parce que le
ministère du Travail existe toujours.
M. LEFEBVRE: Cela, je le comprends.
M. BELLEMARE: Alors, ministère du Travail, relations
patronales-ouvrières, cela ça existe. Nous ajoutons l'autre
partie, « main-d'oeuvre ». Nous élaborons en partant de ce
grand principe que le ministère du Travail doit être ça et
nous ajoutons l'autre paragraphe qui vient à c).
On ne peut pas faire une grosse lutte sur ça.
M. LEFEBVRE: Non, c'est une suggestion. M. BELLEMARE: Adopté.
M. CLICHE: Revenant sur les commentaires que je faisais tout à
l'heure, je veux rappeler au ministre que le gouvernement, à la suite
d'une motion qui a été présentée ici et
adoptée par l'Assemblée législative, doit faire un plan
d'aménagement pour tout le Nord-Ouest québécois.
Je pense que ce serait là le moment pour le ministre du Travail
d'intervenir dans la juridiction qui le concerne, évidemment, pour
connaître d'abord plutôt la situation et ensuite proposer les
remèdes appropriés, remèdes appropriés qui
aideraient à la formation des jeunes.
Il y a, dans notre région, deux genres d'industries ce
n'est pas tellement difficile l'industrie minière et l'industrie
forestière. Il faudrait que la formation professionnelle soit
orientée à l'endroit de ces deux industries. Je ne crois pas
qu'actuellement il y ait dans notre région d'écoles ou
d'institutions de formation, de centres de formation relativement à ces
deux industries de notre région. Au point de vue forestier, il y a
l'école forestière de Duchesnay, ici, à Québec, qui
accepte des jeunes qui viennent d'ici et là dans la province.
Evidemment, on ne peut pas donner la priorité à la région
du Nord-Ouest québécois. On admet des jeunes qui viennent d'ici
et là, mais je pense qu'on devrait, dans notre région à
nous, donner une priorité à cette industrie forestière qui
est en train de dépasser l'industrie minière.
Parlant de l'industrie forestière, il y aurait possibilité
de former des jeunes, d'en faire des techniciens de la technique moderne des
usines de sciage, des usines de déroulage, des usines de pâtes et
papier, ainsi que de toutes les fonctions qu'exercent les employés du
ministère des Terres et Forêts dans la région.
C'est une suggestion très pratique. Etant donné que le
ministre n'écoute pas actuellement les propositions que je fais, je
m'adresse à ses deux sous-ministres ici présents, et je leur
demande de tenir compte de ces considérations. C'est extrêmement
important pour l'avenir des jeunes et pour la formation des adultes
actuellement sans travail, ou qui n'ont pas un métier qui leur permette
de gagner leur vie douze mois par année. C'est au point de vue
forestier.
Au point de vue minier, les jeunes et les moins jeunes doivent
acquérir une formation, soit par le travail qu'ils font en entrant dans
les mines, en commençant au bas de l'échelle et en s'exposant
peut-être à des dangers, mais tout de même en
commençant de cette façon-là.
Il y aurait possibilité que, dans la région du Nord-Ouest
québécois, l'on forme des techniciens du monde minier, comme on
le fait dans le Nord-Est Ontarien. A Haileybury, je crois, il
y a une école de formation de techniciens miniers. Dans le
Nord-Ouest québécois, je pense, étant donné ce plan
d'aménagement que l'on fait présentement on devrait
prévoir pour la formation non seulement des adultes, mais des jeunes qui
se lancent dans la vie, qui cessent leurs études et qui s'en vont sur le
marché du travail. Qu'on aide à leur formation au moyen
d'écoles pour les former au point de vue technique minière. Je
suis convaincu que, si le ministère du Travail en particulier s'en
occupait, ça irait beaucoup plus rapidement que si c'était le
ministère de l'Education qui a énormément de
problèmes et de champs d'activités.
Je dis que le ministère du Travail devrait intervenir, en
essayant d'obtenir la collaboration et l'aide des entreprises minières
sur place, soit au point de vue du personnel enseignant, soit même au
point de vue du capital requis pour la construction et pour le maintien d'une
telle école. Maintenant, que l'école soit à Rouyn-Noranda,
à Val-d'Or ou à Malartic, ce n'est pas tellement ça qui
est important. L'essentiel, c'est qu'une école doit exister, non pas
pour former des ingénieurs miniers, car je comprends qu'on ne peut pas
les former dans notre région, mais pour former des techniciens. Les
présidents des entreprises minières ont dit qu'ils étaient
prêts à collaborer, même au point de vue monétaire,
pour aider à la formation des jeunes, parce qu'on doit aller les
chercher ailleurs et, souvent même, importer de la main-d'oeuvre des pays
étrangers.
J'espère que le ministre du Travail verra à faire quelque
chose de positif dans ces deux champs d'action.
M. BELLEMARE: Je pense que l'honorable député a
parfaitement raison. C'est justement pourquoi nous voulons agir, d'abord, au
point de vue des recherches et au point de vue des renseignements. Nous voulons
étoffer comme il le faut notre plan d'avenir et, en ce qui regarde le
développement minier et le développement forestier, apporter
notre coopération dans tout l'ensemble pour, à la base de la
formation, avoir plus de gens qui aimeront se diriger vers ces professions et
surtout qui voudront en faire des métiers fort
rémunérateurs.
M. le Président, me serait-il permis de demander à la
Chambre je comprends qu'il est dix heures et que nous avons une entente
selon laquelle nous devons arrêter nos travaux à dix heures
qu'on continue, vu qu'on siège très peu? On a la chance, ce soir,
peut-être...
M. LESAGE: Nous pourrons siéger demain à dix heures ou
à dix heures et quart ou à dix heures et demie; cela m'est
égal. Mais, le soir, à dix heures, c'est assez tard.
M. BELLEMARE: Je n'ai aucune objection, si l'Opposition nous dit
non.
M. LESAGE: Je n'ai aucune objection, quant à moi, à
siéger à dix heures ou à dix heures et demie demain matin.
Le matin, ça va bien, mais, le soir, j'aime bien à me coucher
à une heure raisonnable.
M. BELLEMARE: Non, mais, en vertu de la motion, c'est dix heures
trente.
M. LAPORTE: Dix heures demain.
M. BELLEMARE: Mais, si on faisait une heure de travail de plus...
M. LAPORTE: Siégeons demain matin à dix heures. Je n'ai
aucune objection.
M. BELLEMARE: Si on faisait un compromis; une demi-heure ce soir et une
demi-heure demain matin.
M. LESAGE: II me semble qu'au début de la session le premier
ministre et moi, nous avons été bien fermes.
M. BELLEMARE: M. le Président, je n'ai pas besoin que l'honorable
député de Louis-Hébert finisse sa phrase. Moi aussi, j'ai
été bien ferme avec le leader de l'Opposition. On s'est bien
entendu. Je ne voudrais pas que personne vienne déranger ce plan de
clarification qu'on a fait et qu'on a respecté pour le plus grand
bénéfice de tout le monde.
M. LESAGE: D'accord.
M. BELLEMARE: Je demande s'il n'y a pas possibilité, et on me dit
non. D'accord, aucune objection.
M. LAPORTE: Mais, nous n'aurions pas d'objection, demain, à
avancer d'une demi-heure.
M. BELLEMARE: D'accord, aucune objection.
M. LAPORTE: D'accord.
M. SAUVAGEAU (Président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité n'a pas
fini de délibérer et qu'il demande la permission de siéger
à nouveau.
M. LEBEL (Président): Quand siégera-t-il? A la prochaine
séance.
M. BELLEMARE: M. le Président, j'ai l'honneur de demander
l'ajournement de la Chambre à demain matin dix heures. Demain matin, il
sera question des lois du travail.
M. LAPORTE: Ah oui? Dans l'ordre?
M. LE PRESIDENT: La Chambre s'ajourne à demain matin dix
heures.
(22 h 3)
Education
Séance du 5 décembre 1968 (Dix heures trois minutes)
M. PROULX (président du comité): A l'ordre!
M. BELLEMARE: Je propose l'ajournement de ce comité au 19
décembre. Egalement, je propose un vote pour féliciter le
ministre de l'Education!
M. LAPORTE: Au moins, proposons un vote pour féliciter les deux
élus! (10 h 5) (Note de l'éditeur: Le comité de
l'éducation n'ayant siégé que deux minutes, il s'agit ici
de la suite des cahiers 1, 2, 3 et 4 de ce comité. Lors de sa prochaine
séance, nous en serons au cahier 5.)