Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Vendredi, 20 octobre 1967.
(Trois heures de l'après-midi)
M. PAUL (président): Qu'on ouvre les portes. A l'ordre,
messieurs!
Faites entrer le messager. Admit the messenger.
Message du lieutenant-gouverneur
LE MESSAGER: M. le Président, Son Honneur l'honorable
lieutenant-gouverneur désire la présence] des members de cette
Chambre dans la salle du Conseil législatif.
Mr. Speaker, it is the Honourable Lieutenant-Governor's pleasure that
the members of this House do attend immediately in the Legislative Council
Chamber.
(Note de l'éditeur: Les membres de l'Assemblée
législative se rendent alors à la salle du Conseil
législatif pour entendre la lecture du discours du Trône. Et de
retour à l'Assemblée législative.)
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.
Motion du premier ministre
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer la motion
suivante:
Attendu que la grève en cours des employés de la
Commission de transport de Montréal compromet l'ordre, la santé
et la sécurité publiques;
Attendu qu'il est impérieux de suspendre certains
règlements de la Chambre pour procéder d'urgence à
l'adoption de mesures propres à remédier à cette grave
situation;
Cette Chambre déclare qu'il est urgent de procéder
immédiatement à l'étude du bill numéro 1,
intitulé « Loi assurant aux usagers la reprise des services
normaux de la Commission de transport de Montréal ».
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
Retour du premier ministre
M. LESAGE: M. le Président, vous me permettrez sans doute de
déroger aux strictes dictées de notre règlement pour
offrir nos hommages, en particulier au premier ministre qui nous revient en
excellente santé d'un repos dont il avait besoin. Et personne ne peut
comprendre mieux que celui qui vous parle jusqu'à quel point les
fonctions qu'occupe le député de Bagot peuvent affecter, à
un degré plus ou moins intense, le physique de celui qui occupe la
charge de premier ministre.
M. le Président, nous sommes tous heureux de le revoir, de lui
souhaiter la bienvenue et il peut être assuré de recevoir de la
part de l'Opposition, même si elle se doit de faire valoir ses points de
vue avec énergie, de recevoir dans une tentative de règlement
d'un conflit, qui a trop duré et qui doit cesser, la collaboration de
l'Opposition.
Maintenant, M. le Président, je voudrais laisser au
président de notre caucus qui s'occupe plus particulièrement de
la procédure en Chambre le soin de faire les commentaires sur la motion,
c'est-à-dire que je lui laisse le soin de parler dans l'ordre alors que
j'ai été hors d'ordre avec le consentement unanime. Je voudrais
m'assurer cependant que la procédure que nous établissons
n'empêchera pas le premier ministre, avant que nous étudions un
prochain article à l'ordre du jour et le bill numéro 1, de nous
faire rapport sur ce qu'on m'a dit à l'effet que la grève des
radiologistes serait réglée.
M. JOHNSON: M. le Président, vous me permettrez avec le
consentement unanime des députés de l'Union Nationale, des
députés libéraux et des indépendants anciens et
nouveaux, je veux dire merci au chef de l'Opposition et à tous ceux qui
partagent ces sentiments pour les paroles extrêmement aimables à
entendre même si, sur le plan politique, nous devons, dans des clubs
différents, lutter tellement durement des fois. Il est bon de savoir que
même sur la glace avant que la partie ne commence les joueurs peuvent se
parler poliment et sincèrement s'offrir des voeux. Je le remercie de se
dire réjoui de me voir de retour d'un repos que je n'aurais pas voulu
prendre mais que j'ai dû prendre. Je me suis rendu compte il y a
déjà quelques mois que j'en avais besoin lorsque, vers la fin de
la session, je devenais, moi, impatient.
M. LESAGE : J'aurais pu conseiller au premier ministre plusieurs repos
au cours des sept dernières années.
M. JOHNSON: M. le Président, la population
de cette province apprendra avec énormément de plaisir que
l'Opposition, même si elle se réserve le droit sacré de
critiquer, peut quand même coopérer à l'adoption d'une loi
que nous voulons la meilleure possible et dont le seul but est de régler
un conflit qui, comme l'a dit le chef de l'Opposition, a trop duré.
Je remercie donc l'Opposition de son offre de collaboration. Je
présume que j'ai celle des indépendants. Tous collectivement,
libéraux, Union Nationale, indépendants, nous représentons
100% de la population qui a voté lors des dernières
élections et nous sommes, je crois bien, mandatés pour faire
quelque chose.
Grève des radiologistes
M. JOHNSON: Le chef de l'Opposition a demandé et je crois
qu'il est d'intérêt public de répondre à sa demande
si les nouvelles ou rumeurs qu'il avait entendues relativement aux
radiologistes étaient exactes. Vous me permettrez de faire lecture d'un
communiqué que j'ai moi-même dicté, corrigé et
permis la diffusion: « Le premier ministre du Québec annonce la
fin de la grève des radiologistes. Les représentants de ces
derniers et ceux du gouvernement s'apprêtent même au moment
où je vous parle à signer une entente basée sur les
offres monétaires faites par le gouvernement au cours du mois de
septembre. L'entente prévoit pour les radiologistes le même statut
que pour les autres médecins spécialistes. Entre autres
conséquences, ils pourront dispenser de leur cabinet leurs services aux
assistés sociaux ».
Je suis très heureux de voir que les radiologistes,
répondant à l'appel que je leur ai lancé, de concert avec
le ministre de la Santé et le ministre d'Etat à la Santé,
ont consenti à placer le bien commun au-dessus de leur
intérêt particulier. Les radiologistes avaient d'ailleurs,
dès hier soir, donné l'assurance à celui qui vous parle et
à ses deux collègues qu'ils reprendraient leurs activités
avec ou sans entente avec le gouvernement.
Je voudrais remercier la Fédération des
spécialistes et ses porte-parole, l'exécutif de l'Association des
radiologistes, le Collège des médecins et les membres d'un
comité spécial de médiation d'avoir collaboré au
règlement d'un conflit aussi complexe. Je crois bien lire sur la figure
de plusieurs membres de cette Chambre quelques questions...
M. LESAGE: OUI.
M. JOHNSON: Je voudrais tout de suite ré- pondre à
quelques-unes de ces questions, sans tomber évidemment dans tous les
détails, toutes les clauses.
Fondamentalement, au point de vue monétaire, il n'y a pas un sou
de plus que ce qui avait été offert au mois de septembre.
Deuxièmement, nous sommes heureux que les assistés sociaux
puissent recevoir des soins dans les cabinets radiologistes. Ils
étaient, avec quelques autres spécialistes, les seuls qui ne
pouvaient pas dispenser dans leur cabinet des services pour les assistés
sociaux. Nous sommes heureux, on comprendra pourquoi, le problème de la
gratuité des examens dans les hôpitaux pour toute la population
ayant causé une ruée vers les hôpitaux. Or, les cabinets de
radiologistes qui se trouvent situés surtout à Montréal et
à Québec j'aurais peut-être dû dire presque
exclusivement dans la région de Montréal et dans la région
de Québec seront à la disposition des assistés
sociaux. Cela dégagera les hôpitaux de Montréal et de
Québec surtout.
Les droits de la population en général, en vertu de
l'arrêté ministériel du mois de juin 1967
décrétant la gratuité des examens pour tout le monde dans
les hôpitaux, demeurent inchangés. Donc, il n'y a rien de
changé, quant aux droits qu'avait la population en
général. Il y a cependant quelque chose de nouveau. Les
assistés sociaux ne seront pas astreints à aller à
l'hôpital; ils pourront aussi aller dans les cabinets des
radiologistes.
Voilà ce qu'ils ont gagné, et ce que nous avons
gagné sur le terrain des principes. Sur le terrain des principes aussi,
ils ont gagné d'être considérés comme les autres
médecins spécialistes et 11 est entendu que dans les
négociations futures... Dans l'hypothèse de la gratuité de
certains services comme la maternité, s'il doit y avoir des examens
radiologiques, ils seront dans leur cabinet capables de les dispenser comme le
cardiologue dans son cabinet est habilité à dispenser des soins
de cardiologie et â faire des examens de cardiologie. Donc, les
médecins ont compris. Leur engagement de retourner au travail,
même sans entente, était la raison qui motivait mon optimisme
d'hier soir et je suis très heureux de les remercier d'avoir compris,
après beaucoup de temps, qu'il était extrêmement plus
important de sauvegarder le bien commun que de continuer â se chicaner
peut-être sur des fractions.
M. le Président, voilà les renseignements que cette
Chambre devait connaître. Je pourrais en donner beaucoup plus et le
ministre de la Santé pourrait vous en parler pendant bien longtemps,
vous donner bien des détails, mais je crois avoir couvert
l'essentiel.
M. LESAGE: M. le Président, une question seulement au premier
ministre, et ce n'est pas sur les détails de l'entente, c'est sur la
signature de l'entente. Est-ce qu'il croit que cette entente sera signée
dans le cours de l'après-midi?
M. CLOUTIER: Oui, M. le Président. Actuellement les conseillers
juridiques des deux côtés, ceux de la Fédération et
ceux du gouvernement, sont à mettre la dernière main à la
formulation de l'entente et sur les principes de base qui vont servir à
la formulation de l'entente. Alors ce n'est actuellement qu'une question de
formulation et...
M. MALTAIS (Limoilou): De rédaction.
M. CLOUTIER: ... d'ici quelques minutes, disons d'ici la fin de
l'après-midi je pourrai ici à mon bureau du parlement signer
l'entente au nom du gouvernement.
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le ministre accepterait
d'aviser les membres de cette Chambre dès l'instant où l'entente
aura été signée?
M. CLOUTIER: C'est très bien, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, si le premier ministre
permet...
M. JOHNSON: M. le Président. Ah! je vous demande pardon...
M. LEVESQUE (Laurier): ... ce serait seulement pour avoir un
éclaircissement final pas dans les détails-là
sur ce cas des radiologistes qui le premier ministre
lui-même à son retour l'admettait implicitement en traitant des
deux cas, des deux conflits dans la même conférence de presse et
dans les mêmes phrases mêmes celui des radiologistes comme
celui de la Commission des transports. Le premier ministre vient de nous dire
qu'il y a une entente qui est basée au point de vue monétaire sur
les conditions du mois de septembre, telles qu'elles avaient été
offertes, et je crois que ça touche les conditions monétaires
faites dans le système hospitalier, enfin tel qu'on l'a défini
couramment.
M. JOHNSON: C'est ça.
M. LEVESQUE (Laurier): D'autre part, dans les cabinets privés des
radiologistes, le premier ministre nous apprend et je pense bien que tout le
monde trouvera ça éminemment réconfortant, que les
assistés sociaux désormais pourront profiter de ces services
gratuitement et que c'était déjà entendu d'ailleurs ce
paiement des services. Maintenant, une question très simple. Dans ce
conflit qui dure lui depuis près de trois mois et à propos duquel
une demande d'injonction est en suspend depuis une semaine ce qui est un
délai assez, enfin comparativement exceptionnel est-ce que la
paix qui est en train de se rétablir, en particulier du
côté des cabinets où il y avait d'autres problèmes,
entre autre les contrôles requis par le gouvernement, je donne ça
comme exemple, est-ce que le premier ministre peut dire à cette Chambre,
en fonction de l'autre conflit qu'on va discuter, si la paix a
été achetée de quelque façon que ce soit par
rapport non, c'est une question qu'on a le droit, non seulement qu'on a
le droit mais je crois que le parlement a le devoir de se poser est-ce
qu'elle a été achetée de quelque façon que ce soit,
quelle que soit la façon qui peut être très acceptable, par
rapport à ce qui était la fermeté inébranlable
depuis près de trois mois du gouvernement?
M. JOHNSON: M. le Président, je pense que la question du
député de Laurier va servir à éclaircir certains
aspects du problème, que les députés de cette Chambre
doivent connaître. D'abord, le problème des radiologistes, des
négociations avec les radiologistes, dans le système
d'assurance-hospitalisation, durent depuis 1962, ç'a été
renouvelé à différentes reprises, on sait ça, il
est bon de se le rappeler. Nous avons pris une attitude très simple. Le
législateur doit traiter tout le monde également et je puis dire
au député de Laurier et à tous les membres de cette
Chambre et au public que nous avons pris un soin méticuleux non
seulement de ne pas acheter la paix, mais de ne même pas donner
l'apparence que la paix était achetée, car dans le climat actuel
c'eût été une injustice.
Nous avons pris une injonction contre les médecins. Il
n'était pas clair si oui ou non ils tombaient sous la juridiction du
code. Cette prétention de l'un de nos procureurs que les radiologistes,
quant à leur travail à l'hôpital, pouvaient être
considérés, au sens du code du travail, comme des
salariés, a été utilisée. Elle a été
révélée à mes collègues en mon absence et
ils ont décidé sur l'avis du ministère de la Justice de
tenter l'expérience. Par ailleurs, il est bon de savoir que nous avons
averti les radiologistes que s'ils n'étaient pas de retour au travail,
nous ajournerions la présente session, après avoir
disposé du bill No 1, jusqu'à ce que le jugement soit
rendu afin de pouvoir, s'il y avait lieu, prendre les mesures qui s'imposaient
ou qui se seraient alors imposées s'ils n'étaient pas
retournés au travail.
Nous avons averti le Collège des médecins, qui a des
pouvoirs délégués du législateur quant I la
surveillance de la santé publique certains pouvoirs qui vont
jusqu'à qualifier ou décertifier des médecins que
s'il n'exerçait pas ces pouvoirs délégués, leur
mendant le gouvernement, la Législature verrait à
les exercer, ce qui aurait été extrêmement
désagréable. Par ailleurs, on sait que dans le rapport
Castonguay, il y a une suggestion d'élaborer une loi qui régirait
les mécanismes des relations entre médecins et gouvernement, et
qui pourrait, dit le rapport Castonguay, éventuellement, être
étendue graduellement à toutes les autres professions.
Alors, nous avons dit aux radiologistes, comme au Collège des
médecins, que parallèlement à ce que nous ferons dans le
code du travail, nous allons faire ce travail. Dans le code du travail, nous
l'avons dit je m'excuse d'anticiper un peu dès que le
problème sera réglé ici, nous travaillerons avec tous les
intéressés à amender le code du travail qui est,
évidemment, inadéquat, tout le monde s'en rend compte. Nous
verrons aussi à préparer des mécanismes nouveaux pour
négociations entre professionnels.
Par ailleurs, pour répondre à une incidente de la question
telle que posée, je voudrais faire remarquer au député de
Laurier que la grande différence entre les deux conflits, c'est que dans
un cas, le gouvernement était directement impliqué, donc
responsable de négocier, tandis que, dans l'autre cas, la partie
patronale, ce n'est pas le gouvernement, c'est la CTM, et la CTM est un
organisme contrôlé par la ville de Montréal, au
déficit duquel 19 municipalités contribuent depuis deux ans.
Alors, on voit la différence entre les deux cas. Le gouvernement
directement impliqué dans le cas des radiologistes, donc responsable de
négocier et de faire l'impossible pour en arriver à une entente
sans acheter sa paix; dans l'autre cas, effort du gouvernement pour amener les
parties à négocier, insuccès de celui qui vous parle
à faire changer des positions irréversibles de part et d'autre,
d'où nécessité d'une réunion.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: II y a quand même une motion devant cette Chambre en
dépit des digres- sions importantes qui viennent d'avoir lieu. Nous
voudrions simplement avoir l'assurance, comme elle a toujours été
donnée en pareil cas, que l'adoption de cette motion ne change
absolument rien au reste de l'ordre du jour, à l'adoption d'une adresse
en réponse au discours du trône et que ce bill étant
adopté et que la Chambre en ayant disposé, nous reviendrons
à la procédure normale en cette Chambre.
M. BELLEMARE: Vous me permettrez, M. le Président, c'est pour
nous conformer au règlement lui-même qui veut qu'il soit fait deux
motions.
D'abord, cette motion d'urgence qui est faite et l'autre motion que je
vais immédiatement proposer dans un instant, mettant en cause l'article
219.
M. LAPORTE: Encore une fois, nous n'avons pas d'objection, les
restrictions que je viens de suggérer étant devant cette
Chambre.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est-elle
adoptée? Adopté.
M. JOHNSON: Adopté.
Articles du règlement suspendus
M. BELLEMARE: M. le Président, je fais motion que vu qu'il est
urgent de procéder rapidement à l'adoption du bill no 1,
intitulé Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la
Commission de transport de Montréal, les articles du règlement
ci-après mentionnés soient suspendus et inopérants durant
le cours de la présente session. Le paragraphe 12 de l'article 89 et
l'article 462, pour autant qu'ils concernent la formation des comités
permanents et le choix de leurs membres, l'article 509 concernant la
présentation des pétitions, l'article 531 qui exige que les trois
lectures d'un bill se fassent dans des séances différentes,
l'article 570 qui interdit plus d'une lecture d'un bill au cours d'une
même séance,les articles 594 à 665 inclusivement concernant
les bills privés, les articles 666 à 688 inclusivement concernant
les questions écrites seulement et les articles 689 à 704
inclusivement concernant les rapports et les documents.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre du Travail est-elle
adoptée?
M. LAPORTE: Adopté.
Bill no 1
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'honorable ministre du Travail propose
la première lecture du bill no 1, Loi assurant aux usagers la reprise
des services normaux de la Commission de transport de Montréal. Cette
motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LESAGE: Adopté.
M. LE GREFFIER ADJOINT: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. LE PRESIDENT: Deuxième lecture de ce bill à la
même séance.
M. JOHNSON: Peut-être l'Opposition serait-elle prête
à adopter les deux motions qui seraient des motions de forme, à
la fin?
M. LESAGE: Non, j'aimerais en discuter avec le premier ministre.
M. JOHNSON: D'accord. Pas de problème.
M. LESAGE: La première, nous pouvons l'adopter tout de suite.
Pour ce qui est de la deuxième, je voudrais en dire un mot au premier
ministre.
M. JOHNSON: La première... pour les fins de... Bon! ... Quant
à la deuxième, on aurait...
M. LESAGE: Je voudrais dire un mot au premier ministre à ce
sujet.
M. JOHNSON: D'accord. La première est-elle adoptée?
M. LESAGE: Bien, je pense que, sur la première, le
député de Chambly aurait un mot à dire.
M. LAPORTE: M. le Président, cette motion propose que la
Chambre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Peut-être que la Chambre devrait
d'abord être saisie de la motion de l'honorable ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Je propose, pour les fins de la présente, qu'une
résolution adoptée par cette Chambre le 23 février soit
acceptée. Est-ce que celle-là est acceptée?
M. JOHNSON: De consentement unanime.
M. BELLEMARE: De consentement unanime?
M. LESAGE: Bien, c'est là-dessus que le député de
Chambly voudrait dire un mot.
M. LAPORTE: Sur les heures de séance.
M. LE PRESIDENT: Je crois que la motion de l'honorable ministre du
Travail est celle qui apparaît en appendice concernant les heures de
séance, et de consentement unanime, l'honorable ministre du Travail
propose sa motion.
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais simplement attirer
votre attention sur le fait que l'honorable premier ministre a demandé
le consentement unanime de la Chambre pour faire accepter les deux motions qui
sont à son nom, mais l'honorable chef de l'Opposition...
M. LESAGE: Non, non. Alors, j'ai mal compris. C'est la
première... Je voulais dire que nous acceptions de discuter celle qui
est au nom du député de Champlain mais pour ce qui est des deux
qui sont au nom du premier ministre, je voudrais lui en toucher un mot.
M. BELLEMARE: D'accord. Alors, M. le Président, de consentement
unanime de la Chambre, je voudrais que la Chambre, au cours de la
présente session, tienne une séance par jour tous les jours de la
semaine, excepté le dimanche, de dix heures trente du matin
jusqu'à onze heures du soir avec suspension des travaux de une heure
à deux heures trente de l'après-midi et de six heures à
huit heures du soir. Et qu'à chacune de ces séances, l'ordre du
jour soit celui qui est prévu pour la journée du mardi à
l'article 115 du règlement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: M. le Président, nous n'avons aucune objection
à l'adoption de cette motion, mais je n'en ferai pas un
amendement, il s'agit strictement d'une question d'urgence si à
onze heures, nous n'avions pas terminé le travail ce soir, nous
n'aurions pas d'objection à ce que le débat se poursuive et si,
par hasard, nous n'avions pas terminé samedi, nous n'aurions pas
d'objection, bien au contraire, à ce qu'exceptionnellement la Chambre
siège dimanche pour étudier ce bill et que la Chambre puisse en
disposer.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable ministre du Travail est-elle
adoptée?
M. LAPORTE: Adopté.
Bill no 1 Deuxième lecture
M. LE PRESIDENT: Adopté. L'honorable ministre du Travail propose
la deuxième lecture du bill no 1, Loi assurant aux usagers la reprise
des services normaux de la Commission de transport de Montréal.
L'honorable ministre du Travail.
M. Maurice Bellemare
M. BELLEMARE: M. le Président, être ministre du Travail,
c'est être un homme qui est souvent sur la sellette, et
particulièrement de par ce temps. Je n'ai pas besoin de vous dire que
j'ai accepté d'être parrain de ce bill à titre de ministre
du Travail parce que je crois qu'il est de mon devoir de vous relater tous les
faits, de vous exposer d'abord nos positions de principe, puis la chronologie
des faits et ce que nous pensons atteindre par le bill que nous
présentons.
M. le Président, le titre même de la loi vous dit que la
loi est rédigée et le Parlement a été
convoqué pour assurer aux usagers la reprise normale des services de la
Commission de transport de Montréal. Donc, il y a là un
problème majeur. Nous ne pouvons pas convoquer les Chambres pour chacun
des conflits qui se présentent. Le titre vous dit qu'il y a urgence,
qu'il y a nécessité, qu'il y a un droit et un devoir, pour le
Parlement et ses mandataires, d'exercer ce droit. Ce n'est pas la
dénégation du droit à la grève que nous voulons
aujourd'hui par ce bill, mais il s'agit bien de redonner au public qui attend
l'usage du transport en commun pour lequel il paye. Qu'il y ait grève ou
non, le client du transport en commun à Montréal paye. C'est son
service à lui. Le droit à la grève ne prime jamais sur le
droit du public à utiliser ces services privés et ces services
publics auxquels il a droit. Le droit à la grève n'est jamais un
droit absolu. Le droit à la grève finit où commence le
droit du public à la sécurité, à sa vie, au bon
ordre, au mieux-être de la collectivité.
Par exemple, si sur une route il m'est permis par la loi de voyager
à une vitesse de 60 milles à l'heure, je n'ai pas le droit de
tuer le piéton parce qu'il est devant moi. Lui aussi a un droit: celui
de la vie. Et c'est son droit Alors, je dis donc que le droit de grève
finit toujours où commence le droit du public à sa
sécurité, à sa vie, à sa santé, à son
mieux-être et au bon ordre de la société.
Les droits à la grève que l'Etat a donné
ici-même dans cette Chambre, unanimement, aux ouvriers n'empêchent
jamais le gouvernement de remplir son mandat pour protéger la
collectivité, le bon ordre, la paix et son mieux-être. Si l'Etat
doit un jour intervenir, ce doit être essentiellement lorsque tous les
moyens ont été épuisés: moyens de
négociation, moyens de conciliation, moyens de médiation, quand
tous les autres moyens légaux se sont avérés
insuffisants.
C'est là la responsabilité de l'Etat qui a donné un
droit à la grève dans un code qu'on appelle le code du
travail.
M. le Président, plusieurs personnes ont trouvé que les
syndicats n'étaient pas raisonnables, mais il faut savoir qu'une
grève cause toujours des inconvénients au public. Plusieurs ont
critiqué en disant que le gouvernement n'agissait pas assez rapidement.
Mais que vaudrait dans la société une loi qui accorde aux
ouvriers le droit légalement après que les délais sont
obtenus de se mettre en grève si demain, parce qu'il y a un
inconvénient majeur on doit lui supprimer son droit à la
grève? Non, nous avons et je le répète, l'Etat ne doit
jamais intervenir sauf quand tous les moyens ont été
épuisés: négociation, conciliation, médiation, tous
les autres moyens légaux épuisés.
La position du gouvernement est donc claire, elle est absolument claire.
Il faut comprendre que la grève de 1965 à la CTM à
Montréal ne peut pas se comparer à celle d'aujourd'hui. La
grève de 1965 groupait en somme un seul syndicat, celui des chauffeurs
et des hommes de garage, la grande convention qui a régi depuis 1965
tous les rapports entre la CTM et ses employés. Mais depuis ce
temps-là d'autres syndicats sont nés au sein des employés
de la CTM. Il y a aujourd'hui cinq grandes unités de négociation.
Il y a d'abord la convention collective qui a été signée
en 1965 et qui a expirée le 12 juillet 1967. H y a ensuite d'autres
syndicats par accréditation. Ils ont obtenu du service de
l'accréditation leur droit à la négociation. Il y a eu la
formation du syndicat des commis de bureau, et celle du syndicat des hommes de
la sécurité. Sont venues s'ajouter à ça deux autres
unités de négociation, les inspecteurs et les contremaîtres
qui, eux, par la formation d'une association reconnue par le patron, rentre
dans l'unité de négociation.
Donc, M. le Président, cinq syndicats, en 1967. Les
négociations directes, et c'est important que vous remarquiez cette
date, elle va sûrement être, au cours de mon exposé,
très importante. Les négociations directes permises en vertu du
code du travail ont commencées
avec les quatre syndicats dont le nouveau que je viens de vous
énumérer, avec la CTM au mois de décembre 1966. Ces quatre
nouveaux syndicats, les commis de bureau, les agents de la
sécurité, les contremaîtres et les inspecteurs qui
formaient quatre nouveaux syndicats ont commencé des négociations
directes avec la compagnie, avec la CTM en décembre 1966. C'est au
début d'avril 1967 qu'on nous a demandé les services d'un
conciliateur. C'est M. Jacques Villeneuve qui a présidé la
première séance de conciliation à Montréal le 12
mai. Durant ce temps-là la première convention qui groupait et
les chauffeurs et les gens de garage, la convention de travail est venue
expirer le 12 juillet 1967. C'est là que, quelques mois avant, comme le
veut dans les relations patronales et dans les conventions collectives, il y
ait entre les patrons et les employés des syndicats des discussions
avant la fin de la convention collective, deux mois, soixante jours.
C'est le 29 mal que l'on a commencé entre patrons et syndicat les
premières approches Ces négociations à l'échelle de
la compagnie et du syndicat directement ont duré jusqu'au 9 août.
Alors je répète, M. le Président, le 20 juillet jusqu'au 9
août, donc négociations directes.
On a demandé pour cette première convention collective les
services d'un conciliateur, et la conciliation a débuté à
Montréal le 20 juillet. Elle a duré jusqu'au 28 septembre. 20
juillet 28 septembre. J'attire votre attention aussi sur un rapport qui
est signé par mon officier qui était le conciliateur dans le
conflit: 326 heures de conciliation ont été apportées
à ce conflit. Et la grève a éclaté le 20
septembre.
On a gardé en place M. Dansereau, le 20 septembre, et on a
demandé à notre conciliateur en chef à Montréal, M.
Moreau, de prendre avec lui la relève. Ils ont essayé jusqu'au 28
septembre. Et là, voyant l'incapacité de pouvoir régler
à la satisfaction des parties le conflit, ils en ont fait rapport au
ministre. Le ministre du Travail, le 28 septembre, recevait de son conciliateur
l'avis qu'il ne pouvait plus rien faire dans le conflit. Immédiatement
dans la même journée, je vous prie de remarquer les dates,
immédiatement dans la même journée, le 28, nous avons
réuni le cabinet des ministres et nous avons fait nommer un
médiateur spécial en la personne de l'honorable juge
François Chevalier.
L'honorable juge a siégé immédiatement pendant cinq
jours cinq jours, pour essayer d'élucider le problème et
d'apporter aux parties en cause satisfaction et compréhension. Les
recommandations du rapport Chevalier ont été
déposées entre les mains des parties, le 3 octobre. Le 3 octobre
le juge Chevalier fait rapport de sa médiation aux parties et, le 4
octobre, le lendemain, la CTM, par une lettre que nous avons au dossier,
accepte les recommandations qui sont dans le rapport Chevalier. Dans la
même journée, les membres de la CSN, les cinq syndicats
groupés ensemble, font une assemblée générale et
disent qu'ils ne peuvent pas répondre à l'appel du juge et
à ses recommandations.
Donc, le 4 octobre, nouveau « deadlock ». Dans l'avant-midi
du 5, le juge Chevalier se rend à Québec et fait rapport au
ministre qui, devant le conseil des ministres, explique la situation. Nous
avons pensé après plusieurs heures de séance que nous
devrions, nous, le premier ministre intérimaire, l'honorable
député de Saint-Jacques et moi-même, rencontrer les
parties. Alors l'honorable député de Saint-Jacques a
convoqué le président de la CSN et le président du conseil
exécutif de Montréal pour une rencontre qui a eu lieu le 7
octobre dans l'avant-midi ici même à Québec. Le 7 octobre
donc, rencontre à Québec des deux chefs devant les
autorités du gouvernement. Nous avons essayé de les voir en
particulier et de comprendre le problème et de faire des suggestions et
nous leur avons demandé de nous transmettre lundi, le 9, leur
réponse. La CTM a répondu qu'elle acceptait la formule
suggérée qui était l'arbitrage des clauses qui
étaient en suspens, moyennant retour au travail et paiement
rétroactif à la date du 12 juillet en se basant sur le rapport
des recommandations du juge Chevalier, les fixations tout de suite et, tout de
suite, discussion à l'arbitrage de toutes les autres clauses.
L'honorable député de Saint-Jacques a reçu lundi,
le 9 dans la matinée, la visite du président de la CSN, M. Pepin
qui lui a remis un document provenant des cinq syndicats et une lettre
officielle dans laquelle il disait regretter de ne pouvoir se rendre à
notre suggestion. Dans la même journée, M. Pepin, le
président de la CSN m'a téléphoné, personnellement.
Il m'a demandé de le recevoir à Québec. Je lui ai dit que
je n'avais aucune objection. Si cela peut aider au règlement du conflit,
ai-je dit, je suis entièrement à votre disposition. Je l'ai
rencontré lundi, le 9 dans la soirée. Nous avons discuté
longuement de la nouvelle formule qu'il me proposait. J'ai retransmis la
formule suggérée le 10 octobre, dans l'avant-midi, lors d'une
journée entière d'étude qu'a faite le conseil des
ministres» Nous avons modifié, nous avons changé la teneur
de la proposition de M. Pepin et nous sommes allés le rencontrer ayant
eu l'approbation préalable du
président du conseil exécutif de Montréal, qui
acceptait ce que nous allions proposer à M. Pépin. Cette formule
nouvelle consistait dans un CWS, un Cooperative Wages System, ou
Sécurité, ou Study. C'est un système qui est établi
aux Etats-Unis et qui est en vogue aussi dans la province de Québec dans
le monde ouvrier qui consiste à évaluer les tâches en
établissant pour chacun des différents degrés des
boîtes, comme on appelle, des « encasement » et des salaires
différents. Le lendemain, donc le 10 dans la soirée, j'ai
rencontré de nouveau M. Pépin, je lui ai fait part des
recommandations du conseil des ministres pour essayer de trouver une solution.
Après une soirée assez longue, nous n'avons pas pu nous entendre
sur cette formule.
Donc, M. le Président, le 10 dans la matinée, je refaisais
un rapport complet au conseil des ministres, et, après avoir
essayé ces différentes solutions, nous avons décidé
de recourir aux injonctions. Le 11 octobre, le gouvernement obtenait une
injonction.,,.
M. JOHNSON: Selon le code du travail.
M. BELLEMARE: ...selon la loi qui nous régit dans les relations
patronales et ouvrières, loi consignée au code du travail. Le 13
octobre, tentative de la CTM pour remettre en service son système. A
cause des injonctions qui avaient été signifiées, la
compagnie s'est crû justifiée d'essayer de remettre en service son
système.
Je voudrais que vous compreniez que je récite des faits. Je n'ai
à blâmer ni l'un ni l'autre, ni à décerner des
couronnes, ni à l'un ni à l'autre. Comme ministre du Travail,
ici, je ne suis pas un médiateur, je suis un législateur qui
rappelle à la Chambre les faits, faits qui sont indéniables.
Donc, le 13, tentative de la CTM de remettre en opération son
service.
Le 16, dans la matinée, réunion au cabinet des ministres
et décision finale d'appliquer les sanctions, les
pénalités, et de convoquer une session pour vendredi le 20
octobre. Session annoncée le 16 octobre. Retour du premier ministre.
Rencontre au sommet encore avec la CTM et la CSN, des principaux dirigeants. Le
premier ministre a fait là encore des démarches et a
essayé de prendre toutes les informations nécessaires pour
trouver la solution. Impossible. Les parties tenaient à leur position
et, nécessairement, vous êtes rendu au 20, en session, et la
grève dure encore.
Dix mois de négociation, 326 heures de conciliation, 5 jours de
médiation de l'honorable juge Chevalier, intervention directe du
ministre des Finances, du Travail et de l'honorable premier ministre, prise des
injonctions selon le co- de du travail, application des
pénalités, tel qu'il est prévu au code civil et, devant
tous ces faits, impossible de reprocher au gouvernement de ne pas avoir fait
tout ce qui était humainement possible avant de décréter
par une loi le retour au travail. La grève dure toujours. Personne ne
pourra nier ces faits que je viens d'énumérer et qui prouvent que
le gouvernement et surtout le ministre du Travail, respectueux des droits qui
appartiennent aux parties, a bien voulu laisser le temps malgré les
pressions qui ont été faites, malgré les appels qui nous
ont été lancés, malgré certaines menaces qui nous
ont été faites, nous avons voulu laisser le temps à la loi
en épuisant tout ce qui était possible dans les
négociations, dix mois, 326 heures de conciliation, 5 jours de
médiation par le juge Chevalier, intervention directe des ministres,
application de l'injonction et des pénalités, mais la
grève dure. C'est pourquoi le gouvernement se doit maintenant d'agir.
Conscient de ses responsabilités comme législateur, pour mettre
fin à une grève, qui a des conséquences
désastreuses au point de vue social, au point de vue économique
et au point de vue bonne réputation de la province à
l'étranger et de par le monde. Je n'ai pas besoin de vous rappeler ici,
M. le Président je ne me porte pas juge mais simplement
l'Expo subit un grave préjudice.
Mais, qu'est-ce que vous voulez, c'est dans le mécanisme. Nous
recevions ici, des gens, nous étions les hôtes du monde entier et
notre exposition avait une renommée universelle. C'est comme si on
assistait à un grand concert, de la plus belle musique, dans le plus
grand amphithéâtre du monde, nous laissant un peu bercer par ce
flot de mélodies, et qu'à la fin, presque à la toute fin
du concert, quelqu'un monterait sur l'estrade et viserait quelqu'un avec une
tomate sur un beau plastron blanc Pas besoin de vous dire qu'il oublierait
toute la musique, puis il se souviendrait du gars qui a lancé les
tomates.
M. le Président, l'Expo pour nous c'est une chose sacrée
au point de vue de l'investissement, du bon renom. Nous sommes les hôtes
du monde entier. L'économie de la région de Montréal
métropolitain, de toute la région, en a grandement souffert, et
11 est temps je crois par l'application de cette loi, après que tout a
été essayé, de ramener l'ordre. Ce sont les gagne-petit
qui en ont le plus souffert, parce qu'à eux on a imposé surtout
l'obligation de travailler deux heures de plus par jour dans bien des cas. Au
moins 500,000 à 600,000 personnes, 500,000 à 600,000 ouvriers et
ouvrières ont dû travailler deux heures de plus par jour avant de
retourner dans leur foyer. C'est encore 1,375 employés
de magasin, des substituts peut-être qui ont été mis
à pied. C'est la sécurité publique, ce sont les
embouteillages considérables dans la métropole, c'est le danger
des incendies, des ambulances qui apportent des malades aux hôpitaux qui
prennent un temps plus considérable à cause de l'embouteillage.
C'est la moralité. Je n'ai pas besoin de vous donner ici ce que certains
journaux ont rapporté. C'est aussi une question de bon ordre, une
question de respect des droits des autres et je crois que nous avons atteint
présentement l'heure de la décision...
Je n'ai pas besoin de vous rappeler non plus que c'est peut-être
le premier conflit ouvrier majeur qui draine, sous une pression extraordinaire
de l'opinion publique, les éditorialistes de presque tous les journaux,
la radio, la télévision, qui demandent au gouvernement de la
province de passer une loi pour rétablir l'ordre. Je vous l'ai dit, je
vous l'ai répété preuves à l'appui, nous avons agi
comme des hommes qui voulaient respecter le droit des autres, le droit qui a
été donné aux parties par un code qui a été
voté unanimement en cette Chambre. Nous avons voulu laisser passer tout
ce qui était humainement possible au point de vue de négociation,
de conciliation, de médiation, d'interventions, même
d'interventions légales avant de prendre le dernier moyen qui
était à notre disposition; la loi.
Maintenant, nous avons la loi. C'est une loi spéciale et pour
cause. Dans ce domaine-là, je tiens a vous le répéter,
c'est une loi d'exception. Je vous ai donné les motifs les raisons qui
nous ont obligés de remplir fidèlement notre mandat et nous
devons agir. Cette loi a deux objets bien particuliers. Premièrement,
donner aux usagers de Montréal leur service. C'est à eux ce
service. C'est par leurs taxes, c'est par leurs billets d'autobus et de
métro qu'ils maintiennent ce service. C'est à eux. C'est leur
service propre et c'est un service public. Voilà le premier objet de la
loi; donner aux usagers de Montréal leur service, l'usage de leur
service. Deuxièmement, deuxième objet de ce bill, régler
le conflit.
Dans la loi, vous verrez un mécanisme nécessaire pour
parvenir à un règlement équitable, honorable pour les deux
parties. Ce n'est pas prendre part pour l'une ou pour l'autre des parties que
d'édicter une loi comme celle qui est devant vous. C'est notre
responsabilité de législateur d'entrer dans ce mécanisme
qui est un mécanisme d'exception, d'accord, mais obligatoire. Il n'est
pas déshonorant de retourner au travail avec des conditions comme celles
qui sont spécifiées dans le bill, selon les recommandations du
juge Chevalier: $3.05 l'heure, rétroactivement au 12 juillet avec toutes
les autres questions normatives qui ont été réglées
et avec application immédiate. Non, ce n'est pas perdre la face que de
retourner au travail avec une augmentation dans une convention collective de
$5,250,000. Non, les syndicats ont ferraillé, ont bataillé pour
obtenir certains avantages. D'accord, ce n'est pas parfait, il reste des choses
à régler. C'est pourquoi la loi, maintenant que nous sommes
rendus a ce stade, va y pourvoir.
Je n'ai pas besoin de vous dire non plus que ce n'est pas un
déshonneur que d'avoir sur le champ de bataille livré un combat
comme celui que la CSN a livré. Non, on s'est battu avec les moyens que
donnait le code du travail et aujourd'hui, devant l'immensité du
problème, devant tout ce qui a été fait au point de vue
négociation, de conciliation, de médiation, d'interventions,
même légales, on ne peut pas régler le conflit. Le
gouvernement a attendu le temps propice, celui que nous commande votre mandat,
celui d'agir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable chef de l'Opposition.
M. Jean Lesage
M. LESAGE: M. le Président, je remercie le ministre du Travail de
nous avoir donné des détails qui, en certains cas, étaient
des détails inédits sur la marche des tentatives de conciliation
et même des séances de conciliation qui ont eu lieu dans la
grève qui oppose la Commission de transport de Montréal à
ses employés. M. le Président, par le code du travail que nous
avons adopté en 1964 le ministre du Travail, tout à
l'heure, y a référé et que nous avons
modifié en 1965, nous avons voulu donner les mêmes droits aux
employés des services publics qu'aux employés du secteur
privé, qu'aux autres travailleurs.
Certaines distinctions étaient cependant nécessaires,
inévitables à cause de la nature même des services publics.
Ainsi, dans le secteur privé, l'exercice du droit de grève est en
fait l'utilisation par les employés de la force économique pour
amener l'employeur à accorder de meilleures conditions de travail. Et
dans ce secteur le secteur privé le recours à la
grève par les employés est contrebalancé par le droit qu'a
l'employeur de se servir de cette autre force économique qu'est le
« lock-out », la fermeture de l'usine ou de
l'établissement.
Dans les services publics, les employés, lorsqu'ils exercent leur
droit de grève, se servent encore une fois, dans ce cas-là, de la
force
économique contre un employeur qui, lui, n'a pas le contrepoids,
puisque, clairement, il ne peut pas avoir recours au lock-out. Il ne peut pas
faire cesser de son gré, lui, le service public affecté. En
effet, dans le secteur public, la grève se fait beaucoup moins contre
l'employeur que contre le public que l'employeur sert. La seule
véritable force qui reste pour contrebalancer l'exercice du droit de
grève, c'est le poids de l'opinion publique.
Lorsque nous avons proposé l'adoption du nouveau code du travail
en 1964, nous avons voulu, justement pour contrebalancer la force
économique du droit de grève dans le secteur public,
prévoir que dans les cas où la santé et la
sécurité publiques seraient mises en danger par une grève
ou par une menace de grève, les tribunaux pourraient émettre une
injonction afin de donner d'abord une période additionnelle aux parties
pour s'entendre, et qu'en même temps, durant cette période
additionnelle de 80 jours, je crois, une enquête publique ait lieu sur
tous les faits pertinents au conflit, de façon que l'opinion publique
soit éclairée et que son poids puisse se faire sentir. Si on
admet que c'est l'opinion publique qui, dans une grève dans les services
publics, peut faire contrepoids au droit à la grève qu'ont les
employés, il faut que cette opinion publique soit
éclairée.
C'était une des raisons de l'article 99, de ce que l'on a
appelé le « cooling off period », mais c'était en
même temps une période durant laquelle se tenait une enquête
publique par un juge qui recherchait et par le fait même rendait publics
tous les faits pertinents au conflit.
Or, dès la discussion du bill 54, qui est devenu le chapitre 45
du statut de 1964,1e premier ministre actuel ainsi que le ministre des Finances
et le ministre du Travail ont pressé le gouvernement d'alors d'accorder
le droit de grève sans condition dans tout le secteur public. On se
souviendra que, lors d'une séance du comité parlementaire des
relations de travail, en 1964, les représentants de l'Union Nationale
sur ce comité c'était le député de
Saint-Jacques, le député de Montmorency et le
député de Joliette, je crois alors ces
représentants de l'Union Nationale sur ce comité des relations
industrielles avaient présenté au nom du caucus de l'Union
Nationale un mémoire énonçant certains principes que ce
parti voulait faire accepter par le gouvernement d'alors.
La troisième partie de ce mémoire réclamait
et je cite les paroles du député de Bagot que je retrouve
à la page 4,880 du journal des Débats de 1964:
«Troisièmement: droit de grève à tous les
employés du secteur gouvernemental, hospitalier, municipal et scolaire,
sauf aux poli- ciers et pompiers et autres titulaires de fonctions semblables.
»
M. JOHNSON: D'accord.
M. LESAGE: Lors du débat sur le bill 54, les
députés de l'Opposition du temps... L'on se souviendra que les
discussions avaient eu lieu surtout en ce qui concerne les dispositions
proposées dans ce bill 54 qui est devenu le code du travail, les
dispositions concernant le secteur public. Alors les députés de
l'Opposition du temps, les députés de l'Union Nationale, leur
chef en tête, ont insisté pour que le droit de grève soit
donné pratiquement sans restriction dans le secteur public. Et ils ont
alors particulièrement critiqué l'article 99 en prétendant
que l'injonction n'avait en pratique aucune valeur. Et le ministre des Finances
d'aujourd'hui, le député de Saint-Jacques, s'exprimait ainsi, et
je le cite, page 4,887 du journal des Débats: « Mais je me demande
si le moyen que l'on veut utiliser par l'article 99 est un moyen bien efficace
et qui va donner satisfaction aux parties. Cela n'empêchera pas
nécessairement la grève, ça va la retarder, ou on finira
peut-être par la prohiber lorsqu'on aura constaté certains faits.
» Et à la page 4,888, page suivante, au cours de la même
intervention, il ajoutait: « Maintenant, j'admets qu'en certaines
circonstances il aurait pu y avoir des conflits qui auraient
nécessité l'intervention de l'autorité. Est-ce qu'on
aurait pu donner ce pouvoir au lieutenant-gouverneur en conseil d'intervenir
dans un conflit qui était évidemment un conflit qui mettait la
sécurité en danger? Le gouvernement fédéral l'a
fait à l'occasion de la grève des chemins de fer et deux fois a
convoqué le Parlement. On aurait pu également prévoir, ou
ne pas le prévoir, mais tout simplement avertir les unions qu'en cas de
conflit et quand le gouvernement jugerait les conditions assez graves, qui
auraient justifié l'appel d'une session, si on n'était pas en
session, le Parlement peut se convoquer à très brève
échéance, dans l'espace de quelques heures, 24 heures
peut-être je rappelle ça au député de
Saint-Jacques, le Parlement peut se convoquer en 24 heures, il était
premier ministre intérimaire la semaine dernière et mettre
fin à une grève par une loi spéciale. J'aurais
préféré qu'on donne liberté à tout le monde
et obligé le Parlement à agir en cas de conflit grave qui
mettrait vraiment la sécurité en danger. »
Le député de Saint-Jacques suggérait donc
l'inutilité de l'article 99 et il soutenait qu'en toute circonstance
où la sécurité ou la santé publique seraient en
danger, il y aurait lieu de
convoquer le Parlement et il a donné comme exemple les
fois où ce Parlement avait été convoqué dans les
cas de grèves de chemins de fer et que la convocation ait lieu
dans le délai de 24 heures de la création de l'urgence.
En 1965, lors de l'étude du bill 15 qui avait pour but de
modifier le code du travail pour inclure parmi ceux qui avaient le droit de
grève tous les employés dans le secteur de l'éducation et
particulièrement les enseignants, l'on constate que les
députés de l'Opposition d'alors se sont attaqués encore
à l'article 99 du code du travail. Le premier ministre d'aujourd'hui
avait formellement proposé qu'un tel article ne puisse s'appliquer lors
d'une grève dans le domaine de l'éducation, Il avait dit
lui-même et je retrouve cela à la page 1091 «
Conséquemment nous demandons que l'article 5 du bill 15 soit
supprimé ». Et l'article 5 du bill 15, c'était l'article 99
tel qu'il apparaît présentement dans le code du travail tel que
modifié.
Le ministre du Travail, au cours du même débat, le
lendemain, le 10 mars 1965 et l'on trouve cela à la page 1134
a vertement critiqué... C'est vrai dans le même
débat, mais on change de volume ce jour-là. Le lendemain,
c'était le 10 mars 1965 et à la page 1134, il a vertement
critiqué le gouvernement et a prétendu que l'article 99 n'avait
pas de valeur. Ce qu'il a dit à ce moment-là est
particulièrement intéressant aujourd'hui à cause de la
grève des radiologistes qui vient de se régler; « Ah! oui,
je reviens! » Lorsque le ministre du Travail est hors d'ordre, il
s'empresse toujours de nous rassurer, n'est-ce pas, en disant qu'il revient au
sujet.
M. BELLEMARE: J'allais chercher la déclaration de Marchand!
M. LESAGE : « Je reviens! Je reviens! »
M. BELLEMARE: Marchand, qu'est-ce qu'il disait dans ce
temps-là?
M. LESAGE: « Je voudrais dire que dans l'article 5 les
instituteurs ayant atteint une maturité, comme ils l'ont exposé
l'année passée, ne devraient pas, à mon sens, être
aujourd'hui brimés dans leur liberté cela c'était
à cause de l'article 99 Et je dis que tout en étant
sûrement bien favorable à l'application raison-née et
raisonnable... On reconnaît bien le ministre du Travail.
M. BELLEMARE: Cela sonne bien!
M. LESAGE: « ... raisonnée et raisonna- ble d'un droit de
grève, je dis que ça peut se présenter dans toutes les
classes de la société. Si demain matin les médecins
décidaient de faire une grève, qui peut les empêcher? Et ce
serait une perturbation extraordinaire dans les hôpitaux et partout.
» C'est arrivé!
M. JOHNSON: Avez-vous écouté la bande?
M. LESAGE : C'est arrivé malgré la pilule du ministre du
Travail.
M. BELLEMARE: Ah! oui.
M. LESAGE: « Est-ce que le gouvernement aurait le droit de se
servir de l'article 5? » Mais c'est le gouvernement de l'Union Nationale
qui s'en est servi.
M. JOHNSON: Article 5? M. BELLEMARE: Du bill 15.
M. LESAGE: C'est le nouvel article 99, c'est l'article 5...
M. JOHNSON: Si le chef de l'Opposition me permet, a-t-il
écouté la bande pour adopter le même ton que le ministre du
Travail?
M. LESAGE: Pardon?
M. JOHNSON: A-t-il écouté la bande sonore pour adopter le
même ton?
M. LESAGE: Non, je n'ai pas le talent d'imitateur!
M. COURCY: Le premier ministre a encore les sons du jet dans les
oreilles!
M. LESAGE: Alors, est-ce qu'il aurait le droit de se servir de l'article
5, et j'explique, n'est-ce pas, qu'à ce moment-là le ministre du
Travail, député de Champlain alors, parlait de l'article 5 du
bill 15 qui est l'article 99 tel qu'il apparaît dans nos statuts.
M. JOHNSON: D'accord.
M. LESAGE: « Si demain matin tous les ingénieurs de la
province disaient: On fait une grève ils ont droit, en vertu du
code du travail, de se syndiquer par profession, très bien
qu'est-ce qui se produirait? Est-ce qu'il faudrait un article 5?
Et il ajoutait, c'est à la page 1135: « Non, M. le
Président, je dis que les professeurs et
les instituteurs sont des gens qui doivent être traités sur
un pied d'égalité comme tous les professionnels, à part
égale. » Le ministre du Travail à ce moment-là avait
dit que ceux qui avaient le droit de se syndiquer, comme les ingénieurs
ou les médecins, s'ils faisaient la grève, ils ne pourraient pas
être l'objet d'une injonction en vertu de l'article 99 du code du
travail. Or, c'est le gouvernement dont il fait partie qui a demandé
l'émission d'une injonction contre les médecins radiologistes.
« Non, je dis que les professeurs sont des gens qui doivent être
traités sur un pied d'égalité comme tous les
professionnels à part égale, il serait de valeur... »
M. JOHNSON: Qui parle?
M. LESAGE: C'est toujours le député de Champlain.
M. JOHNSON: Ah bon! très bien.
M. LESAGE: Ah, c'est une longue citation.
M. JOHNSON: Le ton était changé.
M. LESAGE: « Il serait de valeur, extrêmement de valeur
qu'on commence à mettre dans le code du travail des lois d'exception. On
a parlé des lois d'exception dans le passé et des lois
rétroactives, ça va être un article de loi du code du
travail et ça va être un article de loi restrictive. J'en suis, M.
le Président, pour l'éducation de nos enfants, j'en suis...
»
UNE VOIX: C'est du vol à l'étalage.
M. LAPORTE: C'est vraiment une citation!
M. GRENIER : Aquin va retourner à vous.
M. LESAGE: ... « j'en suis aussi pour que dans les hôpitaux,
les médecins continuent à soigner, qu'il n'y ait pas de
grève parmi les gardes-malades, les médecins. Mais on s'en va
graduellement vers une étatisation et des commissions scolaires et des
professeurs. Avant longtemps, vous verrez ça dans la province de
Québec. »
M. BELLEMARE: Je ne me suis pas trompé.
M. LESAGE: Les députés de l'Union Nationale, M. le
Président, ont en toutes circonstances tenté de détruire,
ou tout au moins de diminuer, dans l'opinion publique le respect dû aux
ordonnances des tribunaux. Le gouvernement d'aujourd'hui ne doit pas être
surpris que ceux qui reçoivent des injonctions n'y obtempèrent
pas, puisque ce sont justement ces dirigeants qui, alors qu'ils étaient
dans l'Opposition et depuis qu'ils sont au pouvoir, ont tout fait pour miner
l'autorité des tribunaux lorsqu'il s'agit d'injonction en vertu de
l'article 99 du code du travail.
Je n'ai pas l'intention de multiplier les citations, mais je voudrais
dire que dès le premier conflit ouvrier dans le secteur public, les gens
de l'Union Nationale se sont appliqués à combattre l'injonction,
et pour des fins électorales ils ont au moins grandement diminué
l'effet que pouvait avoir cette procédure comme élément de
solution dans les conflits du secteur public. Le 25 mai 1966, durant la
campagne électorale, le premier ministre a dénoncé
à Thetford-Mines le gouvernement d'alors comme étant le patron
qui prend le plus d'injonctions contre les syndicats. C'est dans un article de
la Presse du jeudi 26 mai 1966. Et le ministre du Travail déclarait
à Trois-Rivières: « Ce n'est pas un gouvernement de «
marchandeux » et de « maquignonneux » qu'on va avoir. Notre
position sera claire, ferme, précise, sans pour autant en arriver
à un dirigisme d'état. »
M. BELLEMARE: Nous avons été élus.
M. LESAGE: « Nous appliquerons la même justice pour tous...
»
M. LAPORTE: Tout le monde en grève.
M. LESAGE: ... « nous allons amender le code du travail de
façon que la population n'ait plus à souffrir de situations
semblables à celle qu'on a connue dans le domaine hospitalier. »
Et Dieu sait qu'il y en a eu une grève des hôpitaux pas longtemps
après. « Nous allons prévenir les grèves
néfastes dans le domaine de l'éducation. » Cela,
c'était durant la campagne électorale de 1966. Et je cite...
M. BELLEMARE: L'héritage.
M. LESAGE: ... la Presse du 26 mai 1966.
Au journaliste du Soleil qui lui demandait, ça
c'était au mois de décembre, le 27 décembre il lui
demandait si c'était l'intention d'avoir recours aux injonctions, au
mois de décembre alors que nous craignions la grève des
instituteurs à Montréal. Le ministre du Travail a répondu:
« Le moins possible et c'est pour ça qu'on va les tuer, les
injonctions ».
M. BELLEMARE: Est-ce cité au texte ça?
M. LESAGE: Oui, monsieur. Bien oui: « Est-ce l'intention du
gouvernement texte que je cite est-ce l'intention du gouvernement
actuel de faire appel aux injonctions? » avons-nous demandé.
« Le moins possible, et c'est pour ça qu'on va les tuer, les
injonctions ».
M. LAPORTE: Elles ont la vie dure.
M. LESAGE: A la suite de la grève des hôpitaux de 1966, le
premier ministre a manifesté l'intention de mettre fin à cette
« scandaleuse situation scandaleuse situation, ce sont des mots
qui viennent de sa bouche qui fait que les ordres des tribunaux ne sont
pas respectés ». En ce qui concerne les injonctions, le premier
ministre s'est déclaré persuadé que, dans la situation
actuelle, il s'agissait là d'un remède illusoire. C'était
l'Evénement du 4 août 1966 peu de temps après la prise du
pouvoir, et avant que l'Evénement cesse de publier.
Après avoir laissé pourrir complètement le conflit
qui oppose la CTM à ses employés et le conflit qui opposait le
ministre de la Santé aux radiologistes, voici maintenant que l'arme que
le premier ministre, le ministre des Finances et le ministre du Travail avaient
tellement combattu et contre laquelle ils avaient fait les gorges chaudes,
c'est-à-dire l'injonction, est utilisée par le premier ministre
par intérim, en vertu de l'article 99 du code du travail, contre les
radiologistes et contre les employés de la Commission des Transports de
Montréal.
Le gouvernement, je vous le soumets, M. le Président, a
totalement failli à ses responsabilités. Si les conflits ouvriers
dans le secteur public sont si difficiles à résoudre aujourd'hui,
si la négociation véritable on peut parler d'heures, de
centaines d'heures de séance mais si, d'un côté
à l'autre de la table, on ne se parle pas comme cela s'est produit dans
le cas des séances de conciliation entre la Commission des Transports de
Montréal et les syndicats de ses employés...
M. BELLEMARE: Non, non...
M. LESAGE: Là je pense que le ministre...
M. BELLEMARE: Non, non, c'est faux ça, c'est faux ça.
M. LESAGE: ... ferait mieux de demander aux témoins.
M. BELLEMARE: C'est faux ça.
M. LESAGE: Si la négociation est devenue presque impossible,
c'est parce que des chefs irresponsables de l'Union Nationale ont enlevé
à la loi la force de frappe que le législateur avait voulu lui
donner au départ.
Quand on est ministre du gouvernement et qu'on s'exprime de façon
à diminuer l'autorité des tribunaux, on n'a pas à se
surprendre de l'anarchie qui en résulte.
Mais, pour en revenir au principe que j'exposais au début, je
veux rappeler que, dans le secteur public, la véritable force pour
contrebalancer l'exercice du droit de grève, c'est le poids de l'opinion
publique. Or, dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, celui de la Commission
de transport de Montréal, il semble bien que malgré une opinion
publique nettement tranchée qui exige le retour au travail des
employés, ces derniers ne sont pas disposés à faire cesser
le chaos presque indescriptible créé par le conflit qui les
oppose à leurs employeurs. Dans les circonstances, la force de l'opinion
publique, M. le Président, n'a plus qu'une seule façon de
s'exprimer et c'est par la voix des législateurs. Les
législateurs doivent donc intervenir.
Malgré notre répugnance pour me servir d'un mot
qu'avait employé M. St-Laurent en 1950, lorsqu'il avait
présenté une loi pour mettre fin à une grève des
chemins de fer malgré notre répugnance, malgré le
fait que l'Union Nationale soit grandement responsable du présent
état de chose, il est de notre devoir de prendre nos
responsabilités. Le seul mot que j'ai emprunté à M.
St-Laurent c'est le mot répugnance...
UNE VOIX: C'est une citation de St-Laurent. M. LESAGE: ...
répugnance...
M. GRENIER: A part du discours de M. Bellemare.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. LESAGE: M. le Président, j'avais cru que pendant quelques
semaines de repos ceux à qui répugnent les règlements de
la Chambre auraient appris à les observer, mais je m'aperçois...
On ne pourra m'empêcher... La dernière chose que je voudrais,
c'est d'être accusé de profiter de la situation pour faire de la
petite politique. Ce n'est pas ça que je veux faire. On ne pourra
m'empêcher de dénoncer certains faits. L'Union Nationale n'a pas
seulement enlevé au code du travail, à l'article 99 en
particulier,
toute son utilité et toute sa force par ses agissements
irresponsables, je dis qu'elle a de plus négligé et
ça c'est une négligence coupable de remplacer ce qu'elle
avait détruit. En minant l'autorité des tribunaux, les dirigeants
de l'Union Nationale ont toujours prétendu qu'ils pouvaient
établir dans le secteur public, des procédures de
règlement des conflits qui étaient grandement
préférables. Or l'Union Nationale est au pouvoir depuis juin
1966, depuis 500 jours, et elle n'a absolument rien fait de ce
côté, absolument rien fait. Et, le 12 mai 1966, durant la campagne
électorale, le premier ministre actuel, député de Bagot,
déclarait à Drummondville: « Cela n'a pas de bon sens de
laisser des grèves pourrir pendant des semaines et des mois, des
grèves que les ouvriers n'ont pas les moyens de porter. Ce qu'il faut au
Québec, c'est de la médecine préventive. Je connais les
ouvriers, il n'y en a pas un qui est heureux de faire la grève, mais
sous le régime libéral, ils n'ont pas d'autre alternative, car
leur dignité est en jeu. Un régime d'Union Nationale encouragera
la syndicalisation de tous les travailleurs. Je souhaite qu'il y ait des
syndicats partout. » C'est le rapport d'une assemblée politique,
le 12 mai 1966, rapporté dans le Devoir du 13 mai, le lendemain 13 mai.
Le 25 mai 1966, à Thetford-Mines, le premier ministre déclarait
encore: « Le gouvernement libéral est le patron qui prend le plus
d'injonctions contre les syndicats. Son programme préconisait un nouveau
code du travail pour garantir les droits des ouvriers, entre autres à
propos des grèves. « Par une commission »,je cite le
député de Bagot d'alors, le chef de l'Opposition d'alors, «
par une commission tripartite d'enquête » les syndicats seront
invités à participer avec les patrons et le gouvernement à
une étude de la situation économique et sociale. Au lieu d'avoir
des grèves illégales, il y en aura beaucoup moins et celles
déclenchées le seraient en toute connaissance de cause. Il n'y a
pas eu d'amendement proposé par le gouvernement au code du travail
après 500 jours de pouvoir et l'on me dit que le premier ministre lors
d'une conférence de presse, lors d'un communiqué de presse ce
midi a répété les mêmes promesses de médecine
préventive contre les grèves, après 500 jours de
négligence coupable, M. le Président.
Et, quant au ministre du Travail, aussitôt après avoir
assumé ses fonctions de ministre du Travail, le député de
Champlain déclarait, le 17 juin, c'est dans le Devoir du 18 juin:
« Ma première intention est d'intervenir personnellement chaque
fois qu'une grève se prolongera ou mettra en danger le bien-être
public. »
M. BELLEMARE: C'est ce que j'ai fait
M. LESAGE: Il nous a dit que sa politique était de ne jamais
intervenir sinon à la dernière minute.
M. BELLEMARE: Pas vrai.
M. LESAGE: Il l'a dit cet après-midi en Chambre.
M. BELLEMARE: Oui, le parlement
M. LESAGE: Il l'a dit cet après-midi en Chambre...
M. BELLEMARE: Oui, le parlement
M. LESAGE: ... qu'il ne devait intervenir personnellement qu'à la
dernière minute...
M. BELLEMARE: Je n'ai jamais dit ça! Le parlement.
M. LESAGE: ... qu'il devait laisser aux parties le soin de
négocier, que le gouvernement devait intervenir le moins possible.
J'entends encore ses paroles, il les a dites tout à l'heure.
M. BELLEMARE: Le gouvernement, oui. là, vous revenez.
M. LESAGE: Le gouvernement devait intervenir le moins possible.
M. BELLEMARE: Mais le ministre, lui, oui. Il l'a fait Il a
été obligé de régler de gros problèmes.
M. LAPORTE; Cela n'a pas donné de gros résultats.
M. BELLEMARE: Vous demanderez ça à Carrier Fortin.
M. LESAGE: Sa pilule n'a pas été riche. M. LAPORTE: Oui,
surtout
M. LESAGE: Quand on sait jusqu'à quel point le ministre du
Travail a critiqué l'ancien ministre du Travail, l'honorable Carrier
Fortin...
M. BELLEMARE: Et avec raison.
M. LESAGE: ... pour avoir suivi la politique que suit Factuel ministre
du Travail, exactement la même politique au ministère du
Travail.
M. BELLEMARE: Jamais!
M. LESAGE: Exactement. Et ça, le ministre du Travail et
député de Champlain le sait très bien.
M. BELLEMARE: Je dis que c'est faux.
M. LESAGE: Combien de fois en cette Chambre, a-t-il
déclaré: « Je dois intervenir le moins possible; le
gouvernement ne doit intervenir qu'à la dernière minute. »
Je pourrais citer du journal des Débats de la dernière session,
je ne sais combien de paroles du ministre du Travail à cet effet. Et
nous nous poussions toujours du coude en souriant et disions: Il
répète ce que Carrier a toujours dit. Il suivait exactement la
même politique. Il est clair que tous les citoyens de la province de
Québec savent maintenant que les paroles du premier ministre et du
ministre du Travail, c'étaient des paroles en l'air, que le premier
ministre, lorsqu'il en a parlé, n'avait pas de politique définie
en tête, que ni lui, ni le ministre du Travail n'avaient, qu'ils n'ont
jamais eu, qu'ils n'ont pas encore de solution efficace en ce qui concerne les
grèves dans le secteur public
Si tel avait été le cas, comment se fait-il qu'on n'a pas
donné priorité à la législation nécessaire
au cours de la longue session de huit mois et demi qui s'est terminée le
12 août? Parce que le gouvernement ne sait pas quoi faire en dépit
des déclarations du premier ministre aujourd'hui. C'est la
répétition des mêmes déclarations depuis la campagne
électorale. Le gouvernement, il n'en a pas de solution. C'est parce que
le gouvernement, dans ce domaine-là, comme dans d'autres, s'est fait
élire sous de fausses représentations, et tout le monde le sait
maintenant.
Ou encore, le gouvernement a les solutions. Les a-t-il? S'il les a
nous sommes prêts à siéger toute la semaine
prochaine, dans l'autre semaine, dans l'autre semaine eh bien, qu'il
nous propose immédiatement l'adoption d'une législation
comportant les principes d'une politique salariale dans le domaine des services
publics! Qu'il propose une législation pour la création
immédiate de commissions de prévention des conflits dans les
relations patronales-ouvrières! Le temps où l'on réglait
les grèves comme les pompiers éteignent les feux, c'est
révolu et je voudrais bien que celui qu'on a appelé ces jours
derniers « le pompier de la onzième heure, » le ministre du
Travail, en prenne note.
M. BELLEMARE: Petit politicien!
M. LESAGE: Hélas! nous n'avons qu'un petit pompier pour les gros
feux. La perle des perles, c'est qu'on nous présente aujourd'hui un
projet de loi qui ressemble, mais avec des faiblesses inexcusables, à
ceux qui avaient été adoptés par le parlement
fédéral en septembre 1950, en 1958 et en septembre 1966, pour
mettre fin, en 1958, à une grève de transport maritime en
Colombie-Britannique et, en 1950 et en 1966, à une grève
générale de chemins de fer.
Or, voici ce que disait, de la loi fédérale de 1966,
l'actuel ministre du Travail; « Je me demande pourquoi le gouvernement
fédéral n'est pas intervenu comme médiateur. Il a
posé un geste arbitraire ». Il était ministre du Travail a
ce moment-là, le député de Champlain, et il commentait une
loi fédérale! Une loi dont les principes étaient
sensiblement les mêmes que ceux de la loi que lui-même
présente aujourd'hui. Et il a déclaré, je le
répète; « Je me demande pourquoi le gouvernement n'est pas
intervenu comme médiateur. Il a posé un geste arbitraire ».
Il s'est qualifié lui-même.
Et donnant son opinion à titre d'employé de chemin de fer,
le député de Champlain a précisé qu'on n'avait pas
le droit de priver de leurs droits des gens de bonne foi qui avaient
déclenché la grève en toute légalité. Et il
a dit, c'est dans le Soleil du 9 septembre 1966: « Si on demande au
patronat et aux syndicats de respecter la loi, le gouvernement doit en faire
autant ». C'était son reproche contre la loi du premier septembre
1966 forçant les employés de chemins de fer à retourner au
travail. Même nature, même principe que le bill qu'il nous
présente aujourd'hui pour forcer les employés de la Commission
des transports de Montréal à retourner au travail. Et si je vous
dis toutes ces choses, ce n'est pas pour vous dire que je suis opposé au
principe, mais c'est pour vous démontrer l'irresponsabilité de
ceux qui siègent à votre droite.
M. le Président, tout le monde s'entend pour dire que la
grève du transport en commun dans la région de Montréal a
déjà beaucoup trop duré. Elle aurait dû être
réglée dès ses débuts et elle a, depuis longtemps,
pris l'allure d'une tragédie et d'une catastrophe. Il suffit de
parcourir les éditoriaux des journaux depuis le début de cette
grève pour constater les invitations pressantes faites au gouvernement
pour qu'il se décide enfin à agir et à y apporter une
solution. Déjà dans un éditorial du Devoir, sous la
signature de M. Vincent Prince, en date du 22 septembre, le lendemain ou le
surlendemain du déclenchement de la grève, on lit ceci; «
Le premier ministre suppléant, M. Paul Dozois, a laissé entendre
qu'il était prêt à convoquer les
Chambres c'était le 22 septembre mais qu'aucune
demande ne lui avait été faite en ce sens. Il n'a pas à
attendre pareille demande. C'est une responsabilité qui est sienne et
à laquelle il ne saurait échapper ». Et le 25 septembre, un
autre éditorialiste demande: « Qu'attend le premier ministre
intérimaire pour faire connaître ses intentions à la
population?
Quand se propose-t-il de convoquer les Chambres? Attendra-t-il que tout
le mal soit fait? La parole lui appartient. »
Dans un autre éditorial en date du 25 septembre, je cite encore:
« Le gouvernement, de toute évidence, hésite à
imposer son autorité tant que les parties en présence n'auront
pas exploré toutes les possibilités d'entente. Son
hésitation ne saurait se prolonger beaucoup plus longtemps sans
être taxée de faiblesse extrême ou d'indifférence
à l'endroit du bien commun. » C'était le 26 septembre.
Enfin les journaux tour à tour ont parlé de
Montréal, la métropole sinistrée, la ville
exacerbée. On a affirmé que « le public était en
otage », tandis qu'un autre écrit que « la colère
gronde sur la ville ». Devant tant d'inquiétude, de souffrances,
de mécontentement, qu'a fait le gouvernement de l'Union Nationale? Il a
fait comme d'habitude, M. le Président, il a attendu. Ne bougez pas! Ne
bougez pas! Mais, dans la grève qui nous occupe, on a même
poussé plus loin le cynisme et la désinvolture.
Déjà même, avant que la grève ne se
déclenche, un député de l'Union Nationale avait
déclaré à un journaliste de la presse: « Que les
dirigeants de la ville de Montréal se débrouillent avec leurs
problèmes ».
Ces mots représentent bien l'esprit d'un gouvernement qui n'a
d'autre souci, hélas, que le patronage on le sait maintenant!
et d'autres préoccupations que de tenter une
réélection impossible.
Qu'un domaine vital du secteur public soit sérieusement
menacé, que notre grande métropole soit pour ainsi dire
paralysée, que l'Expo 67 risque de se terminer en fiasco après
avoir été une réussite magistrale, tout cela ne touche pas
tellement ces messieurs qui siègent à votre droite. Ils ont vu
d'autres grèves: celle des hôpitaux et celle des instituteurs. Ils
les ont laissé durer, pourrir, continuer de pourrir, de repourrir,
jusqu'à ce que l'écoeurement, oui l'écoeurement, soit tel
de toutes parts qu'on pouvait alors en invoquant l'intérêt public
et l'urgence les régler les unes et les autres sur le dos et aux frais
des principaux intéressés.
Cette manoeuvre typique de l'Union Nationale du laisser-faire, du
ne-bougez-pas, de l'immobilisme, du on-verra, attendons-à-demain, on-
ne-sait pas, peut-être, demain, elle s'avérait en somme tellement
plus facile que des interventions énergiques, mais peut-être moins
rentables sur le plan électoral. Pas étonnant que la grève
des transports dure toujours à Montréal. Je dirais même, M.
le Président, que c'est inhérent à lapensée
politique du gouvernement actuel et que cela remplace à nos yeux les
mesures radicales et courageuses qui seraient évidemment dictées
par la raison et l'intérêt commun.
Quant à nous de l'Opposition, dès les premiers jours du
conflit, nous avons élevé la voix pour demander au gouvernement
d'intervenir sans retard dans une grève qui avait des effets tragiques,
non seulement pour Montréal mais pour toute la province. Et samedi, le
30 septembre, à Repentigny, je suppliais le gouvernement, le premier
ministre intérimaire, de convoquer sans délai une session pour
mettre fin à la grève des transports de Montréal et
à la grève des radiologistes.
Ah! on a bien aperçu ici et là, comme l'a dit le ministre
du Travail, des velléités d'intervention gouvernementale. Le
gouvernement, par la bouche du premier ministre intérimaire, a
affirmé périodiquement qu'on avait bon espoir de pouvoir parvenir
à un règlement.
On est passé de la consultation à l'arbitrage, de
l'arbitrage à l'injonction puis de l'injonction à la session
d'urgence, mais tout cela après d'interminables tâtonnements,
après une hésitation pénible à subir et avec des
lenteurs, des retards et des gaucheries impardonnables. On pouvait croire, tous
les moyens ayant été finalement épuisés, que la
grève durant depuis trente jours, le premier ministre, dès son
retour, n'aurait rien de plus pressé que de convoquer l'Assemblée
législative. Le premier ministre intérimaire, qui était en
constante communication avec le premier ministre, aurait pu convoquer cette
session d'urgence pour mardi alors que le premier ministre pouvait être
à Québec, puisqu'il revenait lundi soir. Il ne l'a pas fait Le
premier ministre lui-même aurait pu, dès son retour lundi soir ou
mardi matin, convoquer la session spéciale pour mercredi ou jeudi, hier
ou avant-hier. Mais non, mais non! Cela aurait demandé du
caractère, des décisions immédiates et on ne peut pas
attendre ça de l'Union Nationale. Ainsi, on continue la politique du
petit train, à la petite journée, à la petite semaine, pas
trop vite. Et c'est au grand étonnement de la province que M. Johnson a
annoncé mardi que ce n'était qu'aujourd'hui que les
députés se réuniraient en session spéciale pour
discuter du problème.
Je dis, M. le Président, qu'une attitude aussi irresponsable, une
politique aussi tatillonne ne s'était pas vue au Québec dans un
état
de crise aussi aiguë. Ah, le gouvernement antérieur a connu,
lui aussi, des conflits et des grèves! Il a pu commettre des erreurs,
c'est humain, mais parce qu'il a agi. Lorsqu'on ne fait rien, on ne commet
qu'une seule erreur, celle de ne pas agir. Je ne pense pas que le gouvernement
antérieur ait jamais démontré un aussi souverain
mépris de l'intérêt public, que le gouvernement
antérieur ait jamais démontré un tel manque du sens de
l'urgence des problèmes que le gouvernement actuel.
Mais puisque nous voici aujourd'hui, il faut quand même remercier
le premier ministre de m'avoir fait parvenir chez moi, la nuit dernière,
une épreuve du projet de loi. Je l'ai étudié seul la nuit
dernière et à fond avec mes collègues en caucus ce matin.
Nous considérons, M. le Président, que le projet de loi comporte
des modalités qui ne sont pas acceptables, comme par exemple la
dissolution possible des syndicats en cas d'infraction à la loi. En
vertu du code du travail, le seul cas de dissolution qui est prévu est
celui des syndicats de boutique.
M. BELLEMARE: Il y a un autre article.
M. LESAGE: Une compagnie peut être condamnée à
l'amende et subir des peines très considérables, par exemple pour
avoir enfreint la loi de l'impôt sur le revenu, pour avoir commis des
crimes. Mais jamais on ne prévoit la dissolution forcée d'une
compagnie pour avoir commis une infraction ou un crime quelconque.
Ce que l'on propose, dans le fond, M. le Président, dans ce
cas-ci pour les syndicats, c'est la mort civile. Autrefois, il y a longtemps,
on prévoyait pour les personnes qui étaient trouvées
coupables de certains crimes la perte de leurs droits de citoyens.
C'était ça, la mort civile. C'est une peine moyenâgeuse
qui, grâce à Dieu, n'existe plus.
Or, dans le bill, je dis qu'on tente de la faire revivre. C'est
impensable qu'on veuille imposer la mort civile aux syndicats. Nous en
reparlerons en comité et en troisième lecture. En effet, nous
croyons que le but principal que veut atteindre le projet de loi, le retour
immédiat au travail des employés de la Commission de transport de
Montréal, transcende ces modalités. Il est impérieux que
les usagers puissent sans délai utiliser les moyens de transport en
commun. C'est pourquoi, malgré les objections que nous avons à
certains aspects du projet de loi, nous voterons pour le principe en
deuxième lecture.
Mais il faut bien reconnaître qu'une fois que les moyens de
transport en commun seront en service dans la région de Montréal,
les em- ployés alors auront le maximum des bénéfices tant
au point de vue salarial qu'au point de vue des autres conditions de travail
déjà prévues dans la conciliation et dans le rapport
Chevalier. Je crois que c'est ce que le bill prévoit, ça nous a
été expliqué par le ministre du Travail tantôt. Et
alors, il y a le reste de la différence. Il faut qu'ils retournent au
travail avec le bénéfice du résultat de ces
négociations et du rapport Chevalier, avec la
rétroactivité nécessaire.
Une fois retournés au travail, il faut qu'il y ait les
mécanismes pour que la différence entre les réclamations
et les conditions qui prévaudront au moment du retour au travail puisse
se régler. Je dis que nous, les législateurs, nous devons faire
tout en notre pouvoir pour prévoir un règlement du conflit qui
respecte les principes que nous avons tous reconnus en 1964 en votant le code
du travail. Je dis qu'une fois les employés retournés au travail,
cette fois-ci, le jeu normal de la négociation doit reprendre.
Or, le projet de loi n'impose pas aux parties la négociation
avant la nomination de l'arbitre. Ah! je veux bien que si l'on examine les
articles du bill, l'on constate que les parties pourraient peut-être
négocier dans le délai de sept jours prévu pour la
nomination de l'arbitre, mais la loi elle-même, le projet de loi ne fait
pas une obligation aux parties de négocier de bonne foi. Or, on sait que
l'employeur, la Commission de transport de Montréal, a
systématiquement refusé toute négociation depuis trente
jours. Je ne crois pas, quant à moi, que le climat entre les
représentants des employeurs et des employés nous permette
d'espérer que durant la période de sept jours en question, ils
négocieront proprio motu et de bonne grâce. Pas dans le climat
actuel. Je pense que l'on peut facilement croire que la Commission de transport
de Montréal voudra plutôt attendre le résultat de
l'arbitrage obligatoire. De toute façon, M. le Président, c'est
ma conviction personnelle et je pense que nous n'avons pas le droit, tout ce
que nous en sommes, de prendre de risque de ce côté. A mon sens,
il faut qu'une fois les employés retournés au travail, tout soit
mis en oeuvre pour que le conflit soit réglé par
négociation.
C'est ça qui a été l'esprit des modifications
apportées au code du travail en 1964, pour autant que le secteur des
services publics est concerné. On se souviendra en effet qu'avant 1964,
les conflits de travail dans le secteur public devaient finalement se
régler par arbitrage obligatoire. Le gouvernement nous propose
aujourd'hui, nous demande de revenir à ce système désuet,
d'y revenir directement sans passer
par l'obligation de négocier. Je dis, M. le Président, que
ce n'est pas acceptable. Le bill devrait prévoir qu'avant de
procéder à la nomination de l'arbitre, les parties devraient
entreprendre sans délai des négociations de bonne foi avec ou
sans l'aide d'un médiateur pour tenter d'en arriver à une
entente...
M. BELLEMARE: ...
M. LESAGE: Faire l'examen de certaines lois adoptées ces
dernières années au Canada dans des circonstances similaires nous
permet de conclure que le législateur avait dans ces cas insisté
sur cette obligation de négociation pour les parties. Je voudrais
attirer votre attention sur une loi de 1958 du parlement fédéral
concernant la navigation sur la côte de la Colombie-Britannique, 7
Elisabeth Il chapitre 7, article 6. « La compagnie et chaque syndicat
doivent immédiatement entamer des négociations en vue de la
solution de tout différend entre eux quant aux modalités d'une
modification ou revision de la convention collective existante. Ils doivent
engager de bonne foi des pourparlers et faire tous les efforts raisonnables
pour conclure un arrangement et entreprendre une nouvelle convention collective
modifiant ou revisant la convention collective existante. » Et ce n'est
qu'après que viennent les articles concernant l'arbitrage
obligatoire.
Mais l'exemple le plus typique, c'est celui de la loi adoptée par
le parlement au début de septembre 1966 à Ottawa et qui
s'intitule c'était le bill C-230: Loi de 1966 sur le maintien de
l'exploitation des chemins de fer. C'était une loi basée sur les
mêmes principes que la présente loi et sur une situation
similaire, c'était une grève de chemins de fer à travers
le Canada.
On prévoyait premièrement le retour au travail
immédiat. Deuxièmement, on imposait la négociation aux
parties avec médiateur et, troisièmement, l'on disait
c'était dans les premiers jours de septembre: Si le 15 novembre il reste
quelque chose qui n'est pas négocié, le gouvernement
décidera s'il y a lieu de prolonger la période ou d'envoyer
immédiatement l'arbitrage, période de négociations.
L'article 8...
M. JOHNSON: Laquelle des lois est-ce?
M. LESAGE: C'est le bill C-230. Je n'ai pas le statut, je m'excuse,
c'est 14-15 Elisabeth IL..
M. JOHNSON: Quatorze-quinze.
M. LESAGE: Au début de septembre 1966. L'article 8 se lit comme
suit:« Les compagnies de chemins de fer et les syndicats... » Un
instant, je crois que j'ai ici est-ce que vous me permettez, M. le
Président c'est la loi 14-15 Elisabeth Il, chapitre 50,
sanctionnée le 1er septembre 1966.
L'article 8 se lit comme suit: « Les compagnies de chemins de fer
et les syndicats doivent engager sans délai en vue de régler les
questions qui sont l'objet du conflit actuel entre eux, des négociations
relatives aux modalités d'une modification ou revision des conventions
collectives visées par la présente loi et doivent négocier
de bonne foi et faire tout ce qui peut raisonnablement être fait pour
parvenir à un accord et pour conclure de nouvelles conventions
collectives modifiant ou revisant les conventions collectives visées par
la présente loi. Mais, en aucun cas, aucune de ces nouvelles conventions
collectives n'expirera avant le 31 décembre 1967 »
Obligation aux parties donc, obligation sous peine des amendes
prévues, obligation de négocier de bonne foi jusqu'au 15
novembre, on va le voir, à l'article 9: « Le ministre du Travail
doit nommer un ou plus d'un médiateur, ci-après appelé le
médiateur, qui doit immédiatement intervenir en
s'ef-forçant de trouver une solution aux questions en litige, entre les
compagnies de chemin de fer et les syndicats et de mettre les compagnies et les
syndicats d'accord et de faire rapport au ministre du Travail au plus tard le
15 novembre 1966, sur l'état des négociations entre les
compagnies de chemin de fer et les syndicats ».
Dieu sait qu'il y avait un grand nombre de compagnies de chemins de fer,
et il y a aussi un grand nombre de syndicats qu'on appelle les
fraternités de cheminots, les « brotherhoods ».
On a obligé dans la loi les parties à négocier de
bonne foi. On a nommé le médiateur, c'est un de nos
confrères au Barreau de la province de Québec, M. Carl
Goldenberg. Il est intervenu comme médiateur entre les parties. Au
début de novembre il a fait rapport au ministre du Travail à
Ottawa que toutes les questions étaient réglées, qu'il
avait réussi. Toutes les questions étaient réglées
entre les parties. Il ne restait plus qu'une seule question technique avec un
seul groupe de machinistes et il recommendait au gouvernement
fédéral que cette question technique qui n'avait pas de
conséquence monétaire, pas du tout, soit
référée à un tribunal d'arbitrage. On était
à 100 lieues de s'entendre au moment de la grève. On sait que le
climat qui précède immédiatement une grève est un
climat difficile qui souvent n'est pas propice au règlement des
conflits, surtout
des conflits graves comme ceux des chemins de fer et de la Commission de
transport de Montréal, on sait ça. Mais lorsque les
employés, en vertu d'un ordre des représentants du peuple,
lorsque le peuple a parlé par la Législature, lorsqu'ils doivent
reprendre le travail et que l'employeur doit reprendre le service, lui, lorsque
les employés recommencent aux conditions maximales obtenues au cours des
négociations jusqu'au jour de la reprise du travail et qu'il ne reste
plus que la différence à régler, je dis que le climat est
changé. Je dis que l'employeur et l'employé ne vivent plus le
même climat. Les relations sont améliorées parce que
l'opinion publique a parlé par la voix des législateurs. Non
seulement alors pouvons-nous retourner à une façon plus normale
de régler des conflits graves, mais l'expérience nous a
prouvé l'année dernière, dans une grève de chemin
de fer, qu'une négociation postérieure à une grève,
à une grève à laquelle le parlement a mis fin, que cette
négociation avait eu tout le succès.
Je dis, M. le Président, que nous devons, par tous les moyens,
éviter de retourner à l'arbitrage obligatoire, c'est
ça que les ouvriers détestent, c'est ça que les syndicats,
les unions détestent s'il y a moyen de le faire.
Les employés seront retournés au travail, nous le votons,
ça. Pourquoi ne pas les obliger à négocier une bonne fois
ces articles 8 et 9?
D'autant plus, M. le Président, que les articles 8 et 9 de la loi
fédérale de 1966 ont subi la terrible épreuve de
l'expérience. En conséquence, je répète que nous
voterons pour le bill en deuxième lecture, mais je demande au
gouvernement en attendant, par exemple, de penser à ma suggestion. Il
est 5 h 25, on peut suspendre les travaux de la Chambre pour une demi-heure
afin que le cabinet ait le temps de siéger pour examiner les articles 8
et 9 de la loi de 1966 et surtout de lire ou de s'informer des
conséquences de l'adoption de ces deux articles par le gouvernement
fédéral, règlement par négociation.
Dans les circonstances, pour donner au gouvernement le temps de
réfléchir, je propose, secondé par le député
d'Ahuntsic, que tous les mots après « que » soient
supprimés et remplacés par les mots suivants: « La Chambre
refuse de procéder à la deuxième lecture du bill 1, qui ne
prévoit pas une période raisonnable de négociation entre
les parties après le retour au travail, mais avant l'arbitrage
obligatoire. »
M. JOHNSON: M. le Président, relativement à la motion, je
voudrais invoquer le règlement et vous dire qu'elle est
irrégulière à ce stade de la procédure. Nous
aurons, en comité plénier et en troisième lecture
également, l'occasion de discuter de cet aspect du problème.
Alors, sur une question de forme et de règlement, je vous demande
de déclarer la motion irrégulière, ce qui ne
préjudicie pas au fond. C'est-à-dire que nous aurons l'occasion,
en comité plénier, d'en discuter et même de discuter entre
nous, de six à huit heures, du bien-fondé de certaines
suggestions qu'elle contient en capsule.
M. LESAGE: Monsieur...
M. JOHNSON: M. le Président, elle est
irrégulièrement introduite sauf et nous n'aurions pas
d'objection, en temps normal, à causer un précédent
que si nous commençons tout de suite à admettre des motions qui
sont irrégulièrement amenées, parce que
présentées à un stade où le règlement ne le
permet pas, nous allongerons inutilement les débats. Toute latitude sera
donnée au gouvernement comme à l'Opposition d'amender, s'il y a
lieu, la loi en comité plénier. Ou encore, même en
troisième lecture, on pourra faire une telle motion.
M. LESAGE: Juste un mot. Je voudrais signaler à votre attention
le fait qu'exactement la même situation s'est présentée
à la Chambre des communes le 30 août 1966, qu'un amendement
similaire, de même nature, a été reconnu comme valide par
le président de la Chambre.
M. JOHNSON: Vous en avez...
M. LESAGE: En s'appuyant sur tous les auteurs, j'attire votre attention
aux pages...
M. JOHNSON: Vous avez plusieurs précédents à
Québec des années passées, 1963, 1964, 1965.
M. LESAGE: Pardon, 1966, M. le Président, sur le bill des chemins
de fer.
M. JOHNSON: A la Chambre des Communes, à Ottawa.
M. LESAGE: Oui, monsieur. Le même règlement.
M. JOHNSON: Mais ici...
M. LESAGE: Mais, M. le Président, est-ce qu'on va me laisser...
On a invoqué le règlement, j'ai le droit, quand même, de
discuter de la question. Je vais le faire très brièvement...
M. JOHNSON: D'accord.
M. LESAGE: D'autant plus que c'est le député d'Outremont,
à qui j'ai demandé d'étudier la question qui est
prêt à la discuter à fond et nous voulons faire un
débat sérieux de cette question de règlement parce que
nous considérons qu'un amendement peut être présenté
dans la forme que je l'ai présenté, peut l'être en
deuxième lecture, comme l'a maintenu le président de la Chambre
des Communes, en 1966. La même chose s'était produite en 1960 et
en 1958, je crois.
M. JOHNSON: Nous sommes à Québec.
M. LESAGE: M. le Président, ce sont les mêmes
règles.
M. JOHNSON: Non.
M. LESAGE: Et l'objection qu'ont soulevé...
M. LAPORTE: Il ne l'a pas dit tout le temps, au Québec.
M. LESAGE: Voici ce que le président... M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. LESAGE: Je cite le président de la Chambre des Communes, M.
Lamoureux.
M. PINARD: C'est un Canadien français, ça.
M. LESAGE: A la page 7808, 20 août 1966: « L'objection
apportée par les ministres, c'est qu'un amendement ne peut viser les
dispositions du bill qu'il modifie, ni anticiper des amendements qui peuvent y
être proposés à l'étape de l'étude en
comité. » Je réponds directement à ce que le premier
ministre a dit. « ... En ce qui concerne cette objection
particulière, l'amendement à l'étude apparaît comme
un cas limite ». Les députés connaissent le commentaire qui
figure à la page 528 de la 17e édition du Parlementary Practice,
de May. Et il cite May: « L'amendement ne doit pas se rattacher de
façon détaillée aux dispositions du bill. » Or,
l'amendement actuel, pas plus que celui qui avait été
présenté à la Chambre des Communes, ne se rattache aux
dispositions du bill. Il dit purement et simplement que le bill devrait
prévoir une période pour la négociation. Je soumets bien
respectueusement, m'appuyant sur un jugement récent du président
de la Chambre des communes dans un cas similaire, alors que, sur ce point, nos
règlements sont les mê- mes. D'ailleurs, le jugement du
président de la Chambre des communes est très long, Il cite de
nombreuses autorités pour en venir à la conclusion que
l'amendement qui avait été présenté par le chef de
l'Opposition était dans l'ordre. L'amendement avait été
défait mais il avait été déclaré recevable
par le président.
M. BELLE MARE: M. le Président, on est avec nos
règlements...
M. JOHNSON: On est à Québec.
M. BELLEMARE: Et c'est en vertu, c'est surtout le premier article qu'il
faudrait citer à l'honorable chef de l'Opposition pour déclarer
sa motion hors d'ordre. L'article 558: « Sauf les amendements
mentionnés dans l'article 557, nul amendement ne peut être
proposé sur une motion de deuxième lecture, si ce n'est...
»
M. LAPORTE: Si ce n'est...
M. BELLEMARE: « ... sous la forme d'une résolution se
rattachant directement au sujet du bill et non sans quelque raison
particulière, et ne pas lire immédiatement le bill. »
Mais ces honorables messieurs qui perdent le temps, font exprès
pour perdre le temps, n'ont pas lu le quatrièmement: Il est
irrégulier de proposer un amendement qui attache quelque condition
à la deuxième lecture d'un bill.
M. HYDE: Lisez la première!
M. BELLEMARE: Cela, c'est dans nos règlements, c'est clair. Il
est irrégulier de proposer un amendement qui attache quelque condition
à la deuxième lecture du bill. Si ce n'est pas attacher une
condition spécifique à la deuxième lecture du bill, je
vous demande véritablement si ça s'applique. M. le
Président, dans les circonstances, face à nos règlements,
face à la tradition et surtout aux nombreuses décisions qui ont
été rendues dans cette Chambre, il n'y en a jamais eu qui ont
été invoquées en deuxième lecture, et surtout
présentées...
Comme il y a là une condition formelle, je dois dire qu'il est
irrégulier de proposer un amendement parce qu'il n'est certainement pas
conforme à nos règlements.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont.
M. CHOQUETTE: M. le Président, c'est sans doute parce que la
procédure n'est pas souvent employée que i'on peut
s'expliquer
la surprise du premier ministre et du ministre du Travail, mais elle est
néammoins admise non seulement dans nos règlements ainsi qu'il
appert...
M. JOHNSON: Non, non.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je peux parler? Elle est admise dans nos
règlements...
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! L'honorable premier ministre.
M. JOHNSON: Le député dit que nous avons été
surpris...
M. LAPORTE: Est-ce antiparlementaire?
M. JOHNSON: Je m'excuse d'avoir oublié que, depuis dimanche
dernier, vous êtes entièrement alignés sur Ottawa, les
libéraux du Québec.
M. CHOQUETTE: Après cette intervention...
M. BELLE MARE: Le chef fédéral qui est
député provincial.
M. CHOQUETTE: ... fracassante qui éclaire le débat, je
vous propose de revenir à l'article 558 dont l'honorable ministre du
Travail nous a donné la lecture, et qui parle par lui-même. Et
j'ajouterai ceci: il a omis de nous mentionner la note numéro 1 sous
l'article 558, note qui se lit comme suit: « La résolution
proposée peut énoncer quelque principe qui est contraire à
un principe fondamental, à la portée politique ou aux
dispositions essentielles du bill ou qui en diffère, peut exprimer
quelque opinion sur des circonstances qui se rattachent. » Par
conséquent, la note nous dit qu'on peut, en deuxième lecture,
introduire par motion un principe qui n'existe pas, dans le projet de loi
devant la Chambre. Et c'est là l'essence de la proposition de
l'honorable chef de l'Opposition.
Maintenant, M. le Président, j'attire votre attention sur May,
à la page 530, au bas de la page, qui admet très bien la
possibilité d'introduire en deuxième lecture une motion de la
nature de celle qui est proposée. Et voici ce que dit May au bas de la
page: « It may be declaratory of some principle adverse to or differing
from the principles, policy or provisions of the bill. » Or, par
conséquent, si nous prenons la motion présentée par le
chef de l'Opposition, elle cherche à introduire dans le projet
gouvernemental le principe de la négociation entre les parties à
ce différend-là. Or, ce principe, il est différent du
principe qui nous est imposé, ou qui nous est proposé dis-je, par
le projet de loi gouvernemental et, par conséquent, la Chambre peut
parfaitement, au stade de la deuxième lecture, adopter une motion
à l'effet qu'il serait opportun d'insérer le principe de la
négociation dans la législation proposée.
Un autre auteur qu'il est utile de consulter, c'est Bourinot dans la
quatrième édition qui dit à la page 509: « Any
member may propose as an amendment a resolution declaratory of some principle
adverse to or differing from the principles, policy or provisions of the bill
or expressing opinions as to any circumstances connected with its introdutlon
or prosecution or otherwise opposed to its progress... etc.
Maintenant l'honorable chef de l'Opposition a évidemment
cité le cas de la législation des chemins de fer de 1966, mais il
convient de noter qu'une décision semblable avait été
rendue sur la législation pour mettre fin à la grève des
chemins de fer, en 1960, par le président de la Chambre à
Ottawa.
Par conséquent, nous avons des règles absolument
similaires ici à Québec à celles qui prévalent au
parlement d'Ottawa et qui sont similaires également, au point de vue de
l'esprit, aux règles qui prévalent en Angleterre, suivant
May.
Je soutiens que la motion de l'honorable chef de l'Opposition devrait
être reçue.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Missisquoi.
M. BERTRAND: M. le Président, non pas pour prolonger la
discussion et sans reprendre l'argumentation du premier ministre et du ministre
du Travail premièrement, nos articles du règlement sont clairs.
Deuxièmement, sans aller à Ottawa pour y trouver des
autorités pour appuyer une décision, vous trouverez une
décision de l'ancien président de la Chambre, le
député de Verchères, au volume 100 des journaux de
l'Assemblée législative de 1965, à la page 61, où
l'honorable président, à l'époque, a appliqué le
règlement en déclarant, à la suite d'une motion
d'amendement qui avait été présentée au sujet du
bill numéro 3, Loi du parlement du Québec. L'honorable
président a alors déclaré que la motion d'amendement
était contraire aux dispositions des articles 557 et 558 du
règlement, qui ne permettent pas d'autres
amendements qu'une remise à un ou plusieurs mois.
M. JOHNSON: Ah bon!
M. BERTRAND: Or, M. le Président, nous vous demandons d'appliquer
le règlement et d'appliquer l'interprétation qu'on en a
donnée en 1965.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: M. le Président, je veux bien admettre que l'article
557 du règlement permet de proposer la remise pour une période de
six mois plus ou moins, mais que vient faire l'article 558 du même
règlement si l'on veut prétendre que l'on ne saurait, en
deuxième lecture, proposer d'autres amendements que cette remise?
M. JOHNSON: C'est ce que dit le règlement!
M. LAPORTE: On doit d'abord se poser la question suivante: Est-ce que
des amendements d'une nature autre qu'une remise sont possibles. L'article 558
est absolument clair: « Sauf les amendements mentionnés dans
l'article 557, nul amendement ne peut être proposé sur une motion
de deuxième lecture si ce n'est sous la forme d'une résolution se
rattachant directement au sujet du bill et énonçant quelques
raisons particulières de ne pas lire immédiatement le bill.
» Il est donc évident que l'on peut proposer en deuxième
lecture des amendements qui se rattachent directement au sujet du bill et qui
énoncent quelques raisons particulières de ne pas lire
immédiatement le bill Si l'on veut en avoir une preuve additionnelle, on
n'a qu'à lire la note au bas de l'article 558 qui dit
précisément quelle sorte d'amendements sont permis en vertu de
cet article et quelle sorte d'amendements ne sont pas permis. « La
résolution, dit la note numéro 1, peut énoncer quelques
principes qui sont contraires à un principe fondamental. »
Il est donc permis, en vertu de notre règlement, de proposer en
deuxième lecture un amendement énonçant quelque principe
qui est contraire à un principe fondamental du bill, qui est contraire
à la portée politique, et le reste. Nous avons donc le droit, et
je pense, M. le Président, qu'il faudrait faire une gymnastique
intellectuelle assez curieuse pour ne pas admettre que l'article 558 existe
dans le règlement de l'Assemblée législative.
Venons-en maintenant à l'amendement propo- sé par le chef
de l'Opposition pour nous demander s'il est bien conforme aux prescriptions de
l'article 558, qui dit que la résolution doit se rattacher directement
au sujet du bill. Le sujet du bill, c'est d'assurer le retour au travail des
employés de la Commission de transport de Montréal en
prévoyant un mécanisme d'arbitrage et un règlement du
conflit Pour régler ce conflit, sujet qui se rapporte directement
à l'objet du bill, le chef de l'Opposition propose que la Chambre refuse
de procéder à la deuxième lecture parce qu'à notre
avis il manque dans ce bill un principe important, celui de la
négociation entre les parties pendant une période
raisonnable.
M. le Président, la résolution du chef de l'Opposition,
secondée par le député d'Ahunstic, a été
calquée sur les principes de l'article 558. Je crois que vous avez
toutes les raisons, prises ici dans Québec, pour montrer à ces
messieurs du gouvernement qu'ils ont tort de refuser d'au moins étudier
ce que nous avons à proposer pour aider au règlement du conflit
de Montréal.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Outremont, au
début de ses remarques, a mentionné que quelqu'un pourrait
être surpris par la nature de l'amendement proposé par l'honorable
chef de l'Opposition. Je crois qu'à ce morn ent-là il aurait
dû m'adresser personnellement ses remarques. De toute façon, je
suis informé que d'autres députés veulent parler sur le
principe du bill. Alors si la Chambre était d'accord, nous pourrions
peut-être continuer F étude du principe du bill pour qu'à
l'heure de la suspension de nos travaux je puisse examiner cette question avec
mes conseillers afin que dès la reprise des travaux, à huit
heures, je puisse rendre une décision sur ce point de droit important
soulevé par l'honorable chef de l'Opposition.
M. LAPORTE; M. le Président, nous n'avons aucune objection
à la condition qu'on veuille bien nous donner quelques minutes pour le
retour en Chambre du député d'Ahunstic qui ne prévoyait
pas évidemment que les événements...
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne m'a
signalé son désir de parier sur la deuxième lecture du
bill.
M. LAPORTE: Très bien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne.
M. Frank Hanley
M. HANLEY: Mr. Speaker, I want to state emphatically at the present time
that I have not made up my mind whether I should vote for or against this
bill.
I would like the population of the City of Montreal and the surrounding
municipalities to know that the Provincial Government was not responsible for
the strike of the MTC employees. The City Hall of Montreal was responsible for
the strike of the MTC employees and I shall endeavour very briefly to present
the facts to the population of Montreal. I will have a problem of reaching the
French speaking population of the Island of Montreal with my message concerning
my stand in this complaint. For some curious reasons, out of City Hall there
has been messages circulating that I have taken the stand for the MTC employees
and the Union against the masses. I wish to correct and I wish that my
message would reach the French speaking population to the countrary,
that I have always been guided and followed the dictates of the masses and I
have made every effort to settle the problems of the masses in the best
interest of the City at large.
The reason why I say that I have not made up my mind to vote for this
bill is that and I may be corrected by the Minister of Labour in
the conclusion of this bill, there are sanctions against the employees of the
MTC, there are sanctions and fines against the Union executives, there are
sanctions and fines against the MTC Commission in the case of a lockout, but
there are no sanctions, no fines against the individuals who represent City
Hall in Montreal.
Mr. Speaker, the officials of the MTC are not responsible for the
acceptance of negociations between the MTC and its employees. The officials of
the MTC Commission do not sign the contract between the Union and the
employees. The MTC is not permitted to spend over $5,000 unless they are
authorized by the City Hall of Montreal.
Therefore, the MTC Commissionners are only messengers and only puppets
and the real people involved in this conflict and the people who are
responsible for this strike and I say this without fear of contradiction, the
people who antagonized this strike, the people who are responsible for this
strike, the people who have made Montrealers and residents of the surrounding
municipalities go through hardships for four weeks, are the administrators of
the City Hall in Montreal.
Mr. Speaker, there was no alternative but for the Government of the
Province of Quebec to call this special session to legislate in order to settle
a conflict that is not the responsibility of the Government or the Parliament
of the Province of Quebec. However, because the interest of the masses was at
stake, because City Hall of Montreal refused to settle the problems of the
masses, the Government and the Parliament of this Province was forced to
convene this special session. For the Members of this Parliament who may not be
aware that the Government of the Province of Quebec is not responsible for the
nomination or the conduct of the Montreal Transportation Commission. The
Government of the Porvince of Quebec is only responsible for the nomination of
the President and general manager of the Commission.
The City Council of Montreal is responsible for the nomination of a
commissioner, the executive committee of the nomination of two associate
commissioners; the surrounding municipalities served by the MTC are responsible
for the nomination of one commissioner and one associate commissioner.
Therefore, I again want to emphasize to the taxpayers of the City of
Montreal, that it is the City Hall who is responsible for the nomination of the
commission, and that City Hall who is responsible for the settling of the
conflicts within its jurisdiction, and I say this, Mr. Speaker, to the Members
of this Parliament that it is time that City Hall romoved their white ties and
their tuxedoes and they got back to work for the little people. Is it not
amazing that after four weeks without evidence of City Hall intervening in this
conflict, without any evidence, without a word but at the end of a special
meeting last Monday in City Hall, City Hall pleaded with the MTC employees,
with the unions that they should return to work in the best interest of the
little people. After four weeks, the little people were forgotten by City Hall,
but a very passionate plea by City Hall for the little men. And half a page
editorial in one of our leading French dailies paid such a tribute to City Hall
for their plea on behalf of little people. Gentlemen you shall face the issue
concerning the provincial Government future labour negociations with your
employees.
City Hall will be responsible for the future negotiations of the
employees of all the municipalities within the Province. And the reason that I
accuse City Hall for placing the government of the province of Quebec, the
Parliament of Province of Quebec and other municipalities in a difficult
negotiation position is because of the wage guide lines that City Hall adopted
in November 1966 in order to settle a conflict of the manual workers for one
reason, and one
reason only, to break the strike of several thousands white collar
employees of the City Hall. You are going to be faced with the problem,
gentlemen, and I am not complaining because City Hall set the guide lines on
wages, of paying their char-women $112 per week, that City Hall set the guide
lines. And I presume when City Hall sets a guide line on labor relations, it
should be an example for governments and private entreprises. City Hall set the
guide lines of paying an ordinary « chauffeur » $112 per week. City
Hall set the guide lines of paying a street-cleaner with a mechanical broom
$132 a week. I am not complaining, they are my people, if City Hall wants to
pay them $150 a week, I am not complaining.
Mr. Speaker... M. le Président, je vous demande d'ajourner le
débat, s'il vous plaît.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! La Chambre suspend ses travaux
jusqu'à huit heures, ce soir.
Reprise de la séance à 8 h 13 p. m.
M. PAUL (président): A l'ordre! L'honorable premier ministre.
M. JOHNSON: J'ai obtenu l'assentiment du député de
Sainte-Anne d'intervenir dans son discours, et si j'avais le consentement de la
Chambre pour que mon intervention ne soit pas considérée comme
participation au débat sur la motion en cours, j'aurais deux
déclarations à faire, dont l'une sur le bill en question et
l'autre sur les ententes avec les radiologistes.
M. LE PRESIDENT: Ce consentement est-il accordé?
Accordé.
M. JOHNSON: Pour ce qui est, M. le Président, du bill
actuellement à l'étude, je dois déclarer à cette
Chambre que j'ai reçu de quelques députés des
représentations et que j'ai écouté une partie du discours
du chef de l'Opposition avec beaucoup d'intérêt. Au cours de
l'après-midi, des députés, entre autres ceux de
Saint-Maurice, de Sherbrooke et de Saint-Jean, m'avaient fait des
représentations dans le même sens que celles qui ont
été exposées éloquemment...
M. LAPORTE: Vous avez oublié celui de Maisonneuve.
M. JOHNSON: ... par le chef de l'Opposition, et nous serons
disposés en temps et lieu, c'est-à-dire en comité,
à apporter des amendements prévoyant une période
obligatoire de négociations.
La morale de l'histoire, c'est que je réunirai le caucus plus
à bonne heure la prochaine fois. Deuxièmement...
M. LESAGE: Est-ce que la morale de l'histoire, avec la permission du
premier ministre, ne serait pas que le premier ministre ferait mieux de
consulter le chef de l'Opposition plus souvent?
M. JOHNSON: M. le Président, ce qui aurait été fort
désirable avant le mois de juin 1966 le devient de moins en moins.
M. LAPORTE: C'est vrai parce que ça achève.
M. JOHNSON: Oui, justement, quand le chef de l'Opposition actuel sera
seul dans son parti, je le consulterai. Il s'en va bien de ce
temps-là.
M. TREMBLAY (Bourassa) Elle n'est pas drôle!
M. JOHNSON: Quant à l'entente avec les radiologistes, le ministre
de la Santé vient de m'informer que tout est signe, mais qu'il faut
l'entériner par arrêté ministériel et autoriser par
arrêté ministériel le ministre à signer, à
cause de certaines formalités. Nous aurons des copies, nous n'avons que
des originaux pour le moment. Nous espérons en avoir après la
prochaine séance du conseil des ministres qui aura lieu, l'Opposition
sait quand, mais nous, ce sera le plus tôt possible, au plus tard demain
matin, et nous verrons à faire parvenir des copies aux
députés qui seraient intéressés.
M. LESAGE: Est-ce que je puis déclarer...
M. JOHNSON: Pour le moment, les originaux...
M. LESAGE: ... dès maintenant que je suis très
intéressé, et que si le premier ministre voulait m'en faire
parvenir une ou plusieurs copies à mon bureau...
M. JOHNSON: Avec plaisir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Une à René Lévesque!
M. JOHNSON: Oui, oui, une aux députés indépendants,
les trois ou quatre. J'aimerais savoir si on doit faire quatre copies pour les
indépendants, ou trois?
M. LAPORTE: A vos vingt-deux!
M. LESAGE: A vos vingt-deux aussi!
M. JOHNSON: Quatre indépendants?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nommez-les!
M. JOHNSON: Alors, j'enregistre quatre indépendants. M. le
Président, je vous remercie et je remercie les membres de la
Chambre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Sainte-Anne,
M.HANLEY: Mr. Speaker...
M. LESAGE: Est-ce que je pourrais avoir la permission des
députés? M. le Président, vous aviez pris en
délibéré l'objection apportée par le premier
ministre à la régularité de l'amende- ment que j'avais
présenté. Etant donné ce que vient de déclarer le
premier ministre à l'effet que lorsque nous serons en comité
plénier, juste un peu plus tard ce soir, le gouvernement est
disposé à prévoir les...
M. BELLE MARE: Les mécanismes!
M. LESAGE: ... mécanismes de négociation...
M. JOHNSON: Obligatoire.
M. LESAGE: ... de bonne foi, mais imposée aux parties, et cela
pour une période raisonnable, M. le Président, je suis
disposé, si j'ai le consentement de mon secondeur et le consentement
unanime de la Chambre, à accepter l'engagement du premier ministre et
à retirer l'amendement que j'ai proposé, secondé par le
député d'Ahuntsic.
M. LE PRESIDENT: Je puis assurer le chef de l'Opposition qu'il a
également mon consentement.
M. HANLEY: Mr Speaker, I would like to put the cards on the table so the
citizens of the Island of Montreal will know who is responsible for the MTC
strike. People are very naive, and because the Government of the Province of
Quebec convened this session, the people of the Island of Montreal are under
the impression that the Government and the Parliament of this province were
responsible for this strike.
M. JOHNSON: Not the city of West Island.
M. HANLEY: I want to correct that West Island is not served by the MTC.
I want to make it quite clear that it is not the Government or the Parliament
responsible for this strike. The people who is responsible for this strike,
when I say, the City Hall, I start from the Mayor, to the president of the
executive, to the administration and to the city councillors. If I was to
accuse the Parliament of this Province of something or other I would say the
Parliament, not the Prime Minister or members or the Cabinet. The reason why
the City Hall and ninety nine and ninety ten per cent of the Montreal council
is responsible, because when the MTC and the representatives of the union
requested the representatives of City Hall to negotiate a new contract before
the old contract expired, City Hall refused to negotiate a new contract. And I
defy any member from the Mayor down to any councillor of the City Hall, I defy
them to correct me, when I state that they refuse to meet
with the representatives of the MTC employees to discuss a new contract.
That is where the strike began and I hope this is where the strike will
end.
If I may in a very brief time bring this Parliament up-to-date, after
four weeks of hardship on the passengers depending upon the MTC, over a
broadcast of the local radio station and publicized in some newspapers, a week
last Monday, the Mayor of Montreal issued the challange that if there was any
member of City Council who could negotiate and settle the strike.
He invited the individuals or other members to take his office and
accept his chair. Mr. Speaker, fifteen minutes after that challenge, I
forwarded a telegram to the representatives of the MTC, Mr. Pepin, Mr. Blais,
etc. and I said: 1 want to meet with you, gentlemen, within 24 hours. I was
notified by the Union that this has been the first contact concerning
negociations by any elected member of the City Council of Montreal. Within 24
hours, I met with the representatives of the MTC. After four hours of
deliberation, I rounded up with a contract, a contract that would set the buses
rolling within 24 hours.
It was quite a coincidence that after four weeks of silence from City
Hall, I received a telegram at one a.m. Monday morning after I accepted the
mayor's challenge on Sunday that he was convening a special city council caucus
meeting Monday night, after four weeks of silence. So to the people I had
associated myself with on Sunday, I said: « I think we will get some
accent from City Hall when I accept the mayor's challenge. At one a.m. on
Monday the first attempt by City Hall to settle a strike was forwarded to the
members of the Council and the mayors and councillors of the municipalities
served by the MTC. So they called a meeting for Monday night. At 5 p.m. Monday
afternoon, I settled with the representatives of the MTC a contract very
reasonable: just 24 hours after the strike is over, the buses would be rooling.
I must repeat that because it is important after four weeks.
During the Council meeting, the president of the Executive committee,
naturally the first to offer a resolution, presented a resolution to the
Executive committee, to the members of the Montreal City Council and to the
mayors and councillors served by the MTC. And he categorically stated, when he
terminated his resume, that he would resign, he would resign if the City
Council and the mayors representing municipalities did not accept his
resolution.
Mr. Speaker, I could say nothing else but dictatorship. I could not find
words other to say that the president of the Executive committee put the
members of the City Council in the corner, put the mayors representing the
municipalities and the councillors in the corner that he would resing if they
did not accept his resolution.
This is a very democratic way of procedure!
In conclusion, Mr. Speaker, I said to the Mayor: Here is the result of
your challenge. Accept the proposition from the MTC representatives, CNTU and
other affiliated representatives in CNTU. Pay the bus drivers. I negotiated a
reasonable contract and I think I wound up with encouragement that I could have
extended the life of this contract until October the 1st, 1970, when City Hall
negotiated a contract in 1966 with the manuals for one year.
Mr. Speaker and Members of this Parliement, and taxpayers of the Island
of Montreal served by the MTC, if you did not have your busses rolling last
Tuesday at 6 p.m., it is because...
I accepted the Mayor's challenge, I produced a contract. This is an
official document and sent the president of the executive committee a copy
which he stated he received fifty minutes before the meeting. Should service be
delayed it is because City Hall was not anxious to give them service. City Hall
was anxious to persecute the people depending on MTC. For what reasons, we will
never know. Should we assume that if there is a tremendous deficit of Expo then
City Hall will say: Well, it was not us, it was the MTC and the CNTU
responsible because of the strike. There always has to be something behind a
movement when they refuse an official contract.
What is in the official contract? And I say this, Mr. Speaker, if I may
direct my question to the Minister of Labour, I am sure that if the Minister of
Labour had a problem with the « fonctionnaires » of the Province of
Quebec, I am sure and I am confident that the Minister of Labour would meet
with them and would negotiate with his employees before their old contract
expired, but not City Hall. They refused, they refused and they did not deny my
accusations at the special council meeting.
Now in closing, I see that there are new propositions on compulsory
arbitration. If any arbitration awards the buss drivers responsible for the
safety and the security of 70 passengers in each bus, responsible for financial
and the monetary problems they have while driving a bus, if they decide to
offer less than the street cleaners on the mechanical broom in Montreal, I will
say that I will have to be convinced that there is no justice in compulsory
arbitration and no justice in mediation.
Mr. Speaker, now I must submit this contract to this Parliament for
study. If this Parliament
wants the busses to roll in the city of Montreal tomorrow night; 24
hours, then I say: Accept this contract, a reasonnable one, one that is
justified, one that only pays the buss drivers the equivalent of the City of
Montreal's $3.32 per hour, same as the street cleaners; then the strike is over
and the wheels will be rolling.
I have tried very honestly to present to this Parliament the true facts.
Who is responsible, for what reason? I only assume, I could never present the
facts. If the Parliament wants to take action, I think that the Minister of
Labour should study this last offer and give some thoughts to an opportunity of
eliminating compulsory arbitration and the strike will be settled. Give it some
thoughts.
In closing, I repeat, I have presented an honest case, the true facts,
and I want the public again to know in the City of Montreal who are responsible
for this four weeks old strike and they are responsible, because I believe in
my own opinion, they are trying to break the backs of certain labour
organization and I don't think and I am confident that the Minister of Labour
and this Parliament will not accept, regardless whether they are administrators
of Montreal, the administrators of Montreal and I repeat before closing, when
there is romance, when there is champagne and caviar when there are 57 heads of
states to be romanced, they are all winded out with their white ties and tuxedo
but when there is a conflict that affects the poor, then the City Hall of
Montreal says; no, this is not our responsibility. You must go to the
Provincial Legislature to have it settle. I say they are shirking in their
duties and I hope that all Montrealers will be awaken to the fact that the
present administration and I say City Hall of Montreal are not interested in
the poor, they are interested in higher appointments that will give them
opportunity to travel throughout the world as big men, but leave the little men
walking for four weeks in the rain, without transportation and I repeat it is
time for City Hall « de retirer leurs cravates blanches et leurs tuxedos
et de travailler pour les pauvres de Montréal ».
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'A-huntsic.
M. Jean-Paul Lefebvre
M. LEFEBVRE: Je voudrais d'abord, à la suite du chef de
l'Opposition, me réjouir à mon tour de l'excellente santé
du premier ministre. Nous nous en réjouissons bien sûr pour lui en
tant que personne et cependant cela nous mettra d'autant plus à l'aise
pour critiquer, comme c'est notre devoir, les faiblesses de ses politiques sans
que nous soyons attendris par son état de santé puisqu'il le dit
excellent. J'attirerai également l'attention de cette Chambre sur le
fait, comme tout le monde a pu le constater, que le chef de l'Opposition n'a
pas besoin d'un mois à Hawai pour être en pleine forme.
M. JOHNSON: Il préfère une purge du parti, lui!
M. LEFEBVRE: Je ne veux pas enchaîner avec ces remarques parce que
ça pourrait nous amener dans la frivolité et je pense qu'au
contraire nous vivons actuellement au Québec des moments qui ont un
aspect dramatique, bien sûr, il ne faut pas céder à
l'excitation et à l'énervement, mais il n'en reste pas moins
qu'à mon avis le climat social dans le Québec est actuellement
fort survolté.
C'est mon intention de prendre un peu de recul pour juger des
événements et pour donner mon opinion et celle des membres qui
siègent de ce côté-ci de la Chambre en complément
des remarques excellentes et déjà fort complètes faites
cet après-midi par le chef de l'Opposition. C'est mon intention, dis-je,
de déborder le cadre immédiat du conflit pour le situer dans son
contexte parce que je crois que c'est la responsabilité du
législateur, au moment de se prononcer sur un conflit comme
celui-là, d'attribuer d'abord les responsabilités à ceux
à qui elles appartiennent et, ensuite, de voir quelles sont les
véritables solutions au problème que le bill no 1 ne
résoudra certainement pas et qui est le problème d'ensemble de la
négociation collective et du droit de grève dans la fonction
publique.
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne
voudrais pas être désagréable envers le
député d'Ahuntsic, mais, cependant, il vient de nous annoncer
assez clairement qu'au lieu de parler sur le principe du bill, il va nous
donner une conférence sur l'arrière-plan social, qui serait
évidemment très interressante, je n'en doute pas. Il est
qualifié, mais je crois que pour le bon ordre dans cette Chambre, il
faut demander au député d'Ahuntsic de s'en tenir aux
prescriptions du règlement et de parler du principe ou des principes du
bill, quitte, avec Phabileté qu'on lui connaît, à modifier
ses notes ou son texte de façon qu'elles puissent entrer dans le cadre
du règlement.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je remercie le premier ministre de
ses conseils.
M. LE PRESIDENT; A l'ordre! Je suis sûr que l'honorable premier
ministre se référait aux dispositions de l'article 272 de notre
règlement et je connais trop l'expérience de l'honorable
député d'Ahuntsic pour être dans l'obligation de rappeler
les dispositions de cet article. L'exposé qu'il a l'intention de faire
sera sans doute conforme aux dispositions de notre règlement afin que
nous puissions procéder suivant l'ordre établi par nos
règlements pour une étude progressive du bill 1.
M. LEFEBVRE: M. le Président, vous pouvez compter sur mon
entière collaboration. Je comprends que cela demande un effort au
premier ministre pour avoir un peu d'ampleur dans ses vues, mais c'est mon
intention, bien sûr, de m'en tenir au principe du bill et aux
problèmes qu'on nous propose de régler. Cependant, il est bien
évident qu'en deuxième lecture, je ne dois pas discuter du
détail du bill, du texte même du bill, mais de son principe,
c'est-à-dire, de l'objectif du bill et c'est ce que j'ai l'intention de
faire. Je me fie à vous pour me rappeler à l'ordre. Quant au
premier ministre, je le réfère au journal des Débats
lorsque nous avons discuté du bill 52 et aux trois quarts d'heure qu'il
a passés à parler de la famille du Secrétaire de la
province, et ceci l'instruira peut-être sur l'art d'être dans
l'ordre.
DES VOIX: Très bien.
M. LEFEBVRE: Je pense que ce n'est pas le temps des mesquineries.
L'Opposition a été d'accord pour réduire le nombre
d'orateurs sur ce bill. Quant à moi, j'espère que le premier
ministre me laissera faire les remarques que j'ai à faire. J'en ai pour
à peu près quinze minutes. Evidemment, je ne les fais pas
spécialement pour lui plaire, mais pas non plus spécialement pour
lui déplaire. Je donne mon appréciation de la situation.
Alors, au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé de
politique salariale et de rationalisation des dépenses publiques. Une
question est cependant restée sans réponse. Et pis encore, dans
bien des milieux, on n'a même pas osé la poser. Je pense qu'il
faut se la poser aujourd'hui si on veut vraiment situer le bill qui est devant
nous dans le contexte de ce malaise social qui se dessine dans le
Québec. Cette question, c'est de savoir pourquoi le salarié
accepterait que son revenu soit rationalisé, normalisé,
planifié, si les autres revenus ne le sont pas?
M. LOUBIER: Changez de texte!
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je comprends facilement que l'honorable
député d'Ahuntsic puisse s'écarter
énormément du principe du bill en question puisque je lui ai
rappelé tout à l'heure par erreur les dispositions de l'article
272 alors que j'aurais dû lui signaler 273. Et je n'ai aucun doute que
l'honorable député, avec cet avertissement, qui est cette fois
conforme aux prescriptions de notre règlement, voudra bien s'en tenir
à l'étude du principe du bill. Toute considération de
politique sociale qui serait trop éloignée du principe du bill
numéro 1 devra être malheureusement refusée, même si
elle est fort intéressante.
M. LEFEBVRE: Bien, M. le Président, je ne vois pas très
bien comment on peut aller au fond des choses sur le problème qui nous
occupe, à savoir sur les façons de régler les conflits
dans les relations patronales ouvrières dans la fonction publique sans
tenter de voir un peu comment le problème se pose et comment les
aspirations des groupes en présence s'affrontent. Maintenant, je me fie
à vous, vous me rappellerez à l'ordre. Je suis tout à fait
disposé à suivre votre discipline, mais j'avoue que j'ai toujours
compris depuis que je siège dans cette Chambre qu'en deuxième
lecture il y avait passablement de latitude, et encore une fois je me fie, M.
le Président, à votre jugement mais je trouve que les gens du
côté gouvernemental n'ont pas, il me semble, intérêt
à se montrer trop tatillons à ce moment-ci surtout que j'ai
déjà indiqué tout à l'heure que c'était
l'intention de l'Opposition de restreindre le nombre d'interventions, et que
pour ma part je ne voulais pas dépasser quinze minutes. Je pense
honnêtement que ce n'est pas exagéré.
M. le Président, nous vivons dans une économie où
chacun cherche à maximiser ses gains. Songez aux médecins et
singulièrement aux radiologistes dont le premier ministre nous a
parlé cet après-midi, à l'épicier, à l'agent
d'assurances ou à n'importe quel autre salarié ou entrepreneur,
et vous devrez convenir que dans tous les métiers, dans toutes les
professions, sans même exclure les membres de cette Chambre, 99% des
citoyens recherchent un accroissement de leur standard de vie. Et,
détail important, ils recherchent cet accroissement surtout par
l'augmentation de leur revenu personnel. Cela entraîne une absence de
rationalité dans l'organisation de la production et de la distribution
des biens et risque de provoquer un déséquilibre très
grave. Dans le langage de tous les jours, on dit: C'est la loi du plus fort qui
prime. Et l'actualité nous fournit un exemple parfait de la faiblesse de
ce système du plus
fort. Les radiologistes du Québec, en effet,
bénéficiant déjà des seuls fonds publics d'un
revenu moyen de $32,000 par année, réclamaient une hausse de
près de $8,000 par année. Et en certains milieux remarquez
que je fais ici une parenthèse pour dire que je me réjouis quant
à moi que ce conflit soit réglé et j'étudierai avec
beaucoup d'intérêt le règlement dont le premier ministre
nous a parlé mais à tout événement je ne
veux ici que mentionner le fait qu'en certains milieux on a cru que le
gouvernement serait forcé d'obtempérer à la demande des
radiologistes pour éviter une migration de plusieurs d'entre eux vers
les Etats-Unis où, dit-on, les offres d'emploi sont nombreuses pour
eux.
M. JOHNSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Non
seulement ça n'a rien à faire, mais, deuxièmement, c'est
faux. Les radiologistes ont accepté notre offre.
M. LEFEBVRE: M. le Président, pour vous montrer
l'objectivité du premier ministre, j'ai le texte devant moi, je vais lui
demander de dire ce qui est faux dans ce que j'ai dit.
M. BERTRAND: Voyons!
M. LEFEBVRE: J'ai dit tout simplement que certaines gens croyaient que
le gouvernement devait obtempérer. Qu'est-ce qu'il y a de faux
là-dedans?
M. LOUBIER: Ce n'est pas dans le bill.
M. LEFEBVRE: Vous lirez le journal des Débats.
M. JOHNSON: Je m'excuse. C'est le chef de l'Opposition qui a dit
ça.
M. LESAGE: Non. J'ai devant moi le texte de ce que vient de dire le
député d'Ahuntsic. Il vient de répéter
textuellement ce qu'il a dit. Et je vous soumets respectueusement, M. le
Président, que tout ce qu'il dit là, c'est une
considération d'ordre général de peut-être trois ou
quatre minutes qui l'amène à donner son point de vue. C'est
là le préambule du point de vue qu'il veut exprimer sur le bill
qui est devant nous, Il en a pour deux minutes.
M. LE PRESIDENT: J'ai compris que l'honorable député
d'Ahuntsic était à faire un exposé en matière, et
par analogie il en viendrait à l'étude du principe du bill en
question, et je suis sûr que l'honorable député voudra se
conformer à ce règlement comme les honorables autres
députés voudront bien attendre, patienter quelque peu pour que
nous puissions être en mesure de juger un peu plus tard de la pertinence
des remarques de l'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je vous remercie de votre patience.
Je crois qu'elle est excellente et meilleure que celle d'autres personnes dans
cette Chambre. M. le Président, il est probable en effet qu'un
radiologiste puisse émigrer plus facilement qu'un chauffeur d'autobus
vous voyez que je touche au bill là, j'y arrive c'est
peut-être nécessaire pour le député de Champlain
qu'il mette le doigt dessus, je m'en viens.
M. BELLE MARE: Je n'ai encore rien dit.
M. LEFEBVRE: Alors, M. le Président, il est probable en effet
qu'un radiologiste puisse émigrer plus facilement qu'un chauffeur
d'autobus et en tirer davantage de bénéfice.
A mon sens, toutefois, la collectivité québécoise
devra trancher le débat à savoir s'il faut tendre à
procurer à tous le minimum vital et à réduire les
écarts de revenus ou s'il faut au contraire laisser jouer la loi du plus
fort. Il m'apparaît et le premier ministre n'aurait pas dû
demander que f aborde le sujet parce qu'il n'aimera peut-être pas mon
propos quand je vais tomber exactement où il voulait que je tombe:
là, j'y arrive il m'apparaît que le gouvernement de l'Etat
du Québec, depuis juin 1966, n'a pas poursuivi le travail amorcé
par son prédécesseur en matière de rationalisation des
revenus. Quant au cadre plus large de la planification démocratique de
l'économie dans lequel s'insère une politique salariale, le
gouvernement, tout comme l'Opposition le gouvernement de demain,
j'espère y trouveront amplement matière à exercer
leur imagination créatrice.
M. le Président, le code du travail, adopté par la
Législature provinciale en 1964 et complété en 1965 en ce
qui concerne les employés de la fonction publique, plaçait notre
province au premier rang des provinces canadiennes. Certes, ce code n'est pas
parfait, et tout le monde en convient, mais il accorde à l'ensemble des
travailleurs une liberté d'action et une protection de beaucoup
supérieure à ce que nous avions connu jusque-là. Mais une
fois que l'on a accordé le droit de grève dans mon esprit
un corollaire essentiel du droit d'association aux employés de la
fonction publique; on a accompli un pas dans la bonne direction, je pense, mais
on n'a accompli qu'un pas.
J'ai tout lieu de croire, quant à moi, M. le
Président, que le gouvernement libéral était tout
à fait conscient de cette réalité et s'apprêtait
à mettre en place les mécanismes appropriés pour
moderniser l'équipement administratif utilisé dans l'application
de la législation du travail. Cela, pour parler clairement, ce sont des
vitamines dans la pilule du ministre du Travail.
M. KIERANS: C'est le problème.
M. LEFEBVRE: Il était en effet facile de prévoir que la
plus grande mesure de liberté accordée aux salariés de la
fonction publique et des services publics allait entraîner des conflits
d'intérêts, conflits issus d'une longue frustration, mais conflits
quand même susceptibles de menacer l'intérêt public, et de
cela personne ne doute, je pense. Chacun pouvait prévoir que ces
conflits, impliquant un très grand nombre de salariés et
s'imbriquant plus ou moins les uns dans les autres, allaient nécessiter
un équipement technique et humain beaucoup plus complet que celui dont
disposait et dont dispose encore le ministère du Travail.
Malheureusement, le gouvernement actuel dont les membres et les
partisans ont voté en faveur du droit de grève dans la fonction
publique, n'a pas semblé se rendre compte depuis son accession au
pouvoir des responsabilités qui lui incombent dans ce domaine. Aussi,
au-delà de tout esprit partisan, est-on pleinement justifié,
à mon avis, de blâmer le gouvernement pour avoir
négligé d'agir en temps opportun. Quant à nous, nous avons
depuis les premiers jours de la Législature et le ministre du
Travail le sait réclamé la création de commissions
de prévention des conflits du travail. Il y aurait lieu, à notre
avis, de modifier les articles 42 et suivants du code du travail pour
prévoir qu'à la demande conjointe des deux parties ou sur
décision du ministre un conflit appréhendé puisse
être référé à une commission de
prévention des conflits patronaux-ouvriers plutôt qu'aux services
de conciliation tel qu'ils existent présentement.
Les membres d'une telle commission devraient jouir d'une
indépendance complète vis-à-vis du gouvernement et cet
objectif serait atteint soit en leur assurant le même statut qu'aux
juges, c'est-à-dire une nomination à vie, soit encore en
choississant les membres de chacune de ces commissions disons trois
personnes à la fois pour des commissions ad hoc, cette fois-là
sur une liste de neuf ou douze personnes nommées par le
gouvernement sur recommandation unanime ou majoritaire du Conseil
supérieur du travail. Dans cette hypothèse, les commissai- res ne
seraient pas à plein temps et recevraient des honoraires professionnels
en rapport avec la durée de leurs travaux.
Voici, M. le Président, une illustration de ce que, de ce
côté-ci de la Chambre, nous serions prêts à
étudier si, comme l'a dit cet après-midi le chef de l'Opposition,
le gouvernement est vraiment désireux d'agir au lieu de continuer
simplement à parler comme il l'a fait et de laisser pourrir plusieurs
conflits, comme c'est malheureusement le cas pour celui de la Commission de
transport de Montréal.
M. le Président, la toute première tâche de cette
commission de prévention des conflits serait de tenter de mettre les
parties en présence d'accords sur les faits pertinents au litige.
Cela serait également une des fonctions delà commission
que de transmettre au public les données de base pour lui permettre de
se former une opinion quant aux mérites respectifs de chacune des
thèses en présence. Et si l'on se rappelle le conflit des
hôpitaux, la crise de l'enseignement, de même que les conflits en
cours, celui qui vient de se terminer dans le cas des radiologistes et celui de
la CTM dont nous discutons présentement en rapport avec le bill 1, si
l'on se rappelle tous ces conflits, on conviendra que l'existence d'un tel
mécanisme aurait pu empêcher la publication de renseignements dits
objectifs de part et d'autre, mais pourtant contradictoires sur les
données de la situation elle-même. Le public aurait, à ce
moment-là, moins de difficulté à se retrouver dans le
dédale des statistiques. 11 va de soi, M. le Président, que la
deuxième tâche d'une telle commission de prévention serait
d'agir en qualité de médiateur entre les parties. Mais un
médiateur équipé de cette façon intervenant avant
que le conflit n'éclate aurait autrement de chance de succès
qu'un tiers qui tente d'accorder les parties après que la situation est
plus ou moins gâtée ou même complètement pourrie, si
on me passe l'expression.
M. le Président, un si long préambule alors que nous
vivons présentement dans une situation d'urgence était-il
justifié? Je pense que oui, parce que précisément
l'expérience des deux arrêts de travail qui ont justifié la
convocation de cette session montre bien qu'il est devenu impossible de trouver
une solution raisonnable à des conflits particuliers sans faire appel
à la rationalisation au niveau d'un ensemble, c'est-à-dire sans
se référer à une véritable politique. J'en citerai
deux exemples: dans le cas des radiologistes, il a été
évident pour tous les observateurs que, d'un côté comme de
l'autre, on ne se résignait pas à accepter une entente
particulière sans apprécier l'influence du
précédent
ainsi créé sur les négociations de plus grande
envergure qu'entraînera nécessairement l'application de
l'assurance-santé. Donc, la rationalisation, elle s'imposait presque de
soi aux deux parties.
Dans le cas de la grève des autobus, je ne veux pas m'allonger
sur ce point-là, ni prendre parti, ni prendre fait et cause pour l'une
ou l'autre des parties, mais plusieurs observateurs semblent d'avis que cette
grève n'aurait même peut-être pas eu lieu si les
autorités compétentes s'étaient posé en temps
opportun le problème de la comparaison inévitable entre les
structures de salaires des différents groupes de salariés qui
oeuvrent au service de la communauté montréalaise.
Mais, M. le Président, c'est un fait que nous ne sommes pas ici
pour partager les responsabilités, ni dans le conflit de la CTM, ni dans
aucun autre conflit, Il s'agit pour nous d'évaluer la solution
proposée par le gouvernement par son bill numéro 1. D'abord ce
bill le chef de l'Opposition l'a fait ressortir magnifiquement cet
après-midi, je ne ferai que le rappeler pour mémoire ce
bill proposait et propose encore jusqu'à plus ample informé une
méthode de règlement qui a été complètement
dépréciée au Québec, dont l'inefficacité a
été démontrée depuis plusieurs années,
l'arbitrage avec sentence exécutoire. Chacun sait que c'a
été longtemps le régime dans les services publics et
qu'à la fin, ce régime n'était d'aucune efficacité,
Il est malheureux que le gouvernement n'ait pas de prime abord songé
à inclure dans son bill la période de négociation qu'avec
beaucoup de sagesse il accepte maintenant d'inclure, à la suggestion de
l'Opposition.
Deuxièmement, le bill, M. le Président, prévoit des
sanctions absolument exorbitantes. Pour ma part, je n'en croyais pas mes yeux
quand j'ai lu ce bill. Encore là le chef de l'Opposition en a
parlé. Je ne ferai pour ma part que mentionner ceci, et je sais que
certains, mêmeparmi les vieux routiers de l'autre côté de la
Chambre, n'aiment pas qu'on leur rappelle ça. C'est malheureux à
dire, mais je crois que ce bill nous ramène à l'époque du
« crois ou meurs » de M. Duplessis, Ce bill nous ramène
à l'époque de la législation en vertu de laquelle on avait
détruit le syndicat des professeurs de Montréal, l'Alliance,
parce qu'à la suite d'une grève illégale on avait
retiré le certificat de reconnaissance syndicale. Alors voilà
encore un aspect du bill qui nous est tout à fait inacceptable, et
j'espère qu'encore là le gouvernement, une fois lancé sur
la bonne voie, acceptera les suggestions qui pourront lui venir de l'Opposition
car autrement il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'il nous faudrait voter
contre le bill en troisième lecture si des choses aussi inacceptables
que celles que je viens de mentionner et qu'avait évoquées
d'ailleurs cet après-midi le chef de l'Opposition lui-même si de
telles choses demeurent dans ce bill.
Le bill no 1 ne tenait aucun compte du fait que la partie patronale
s'est engagée à reprendre les négociations dès le
retour au travail et il ne tenait pas compte du fait que tout notre code du
travail, l'esprit du code du travail actuel, c'est la négociation de
bonne foi. Mais disons que ce point-là est couvert par l'acceptation par
le premier ministre de la suggestion faite par le chef de l'Opposition et par
moi-même a l'occasion d'un amendement en deuxième lecture,
amendement qui a pu être retiré par suite de l'engagement du
premier ministre.
M. le Président, je résume notre position en des termes
peut-être un tout petit peu différents de ceux qu'a
utilisés le chef de l'Opposition cet après-midi, mais pour en
arriver, bien sûr, exactement aux mêmes conclusions que lui. Nous
croyons tout d'abord que les salariés à l'emploi de la Commission
de transport de Montréal ne sauraient être pénalisés
pour la négligence ou le retard du gouvernement à mettre en place
les mécanismes susceptibles de favoriser une rationalisation des
conditions de travail des employés de la fonction publique et de
restreindre ainsi les risques de grève. Nous croyons que compte tenu du
fait que des négociations collectives impliquant près de 200,000
employés de la fonction publique et des services publics ont
déjà débuté ou débuteront bientôt, la
législature et le gouvernement du Québec n'ont pas le droit de
poser des gestes qui créeraient un sentiment de panique ou
d'inquiétude grave chez cette masse de salariés. Nous croyons
également que l'arbitre final dans les conflits d'intérêt
qui opposent les employés de la fonction publique à leur
employeur, c'est le public lui-même. Certes il s'agit ici d'un arbitrage
par personnes interposées, tout d'abord par les élus du peuple,
mais aussi par les divers leaders de l'opinion. Or l'Etat, je le
répète, ne s'est pas soucié de donner au public le moyen
d'être vraiment et objectivement informé.
M. le Président, il nous faut convenir que des grèves de
longue durée sont difficilement acceptables dans les services publics,
surtout si elles privent la population d'un service quasi essentiel. C'est
pourquoi nous voterons pour le principe du bill en deuxième lecture,
mais nous en combattrons certainement certaines des modalités qui
demeurent à nos yeux tout à fait inacceptables.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Laurier.
M. René Lévesque
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, évidemment il ne
sert à rien de répéter une vérité de La
Palice. C'est pour ça qu'on est ici, on est devant une situation
d'urgence. Cela est indiscutable. Alors, je vais tâcher d'être bref
et de coller le plus près possible au bill lui-même, à ses
intentions et aux faits qui ont marqué le conflit qu'il s'agit de
régler. Aux faits qui sont connus et à ceux sur lesquels on a le
droit de se poser des questions parce qu'ils influent nécessairement, en
tout cas quant à celui qui vous parle, sur la solution qu'on peut
apporter à ce conflit.
La première chose sur laquelle, je pense bien, tout le monde est
d'accord et étant député de la région de
Montréal, je ne peux pas être plus d'accord c'est qu'il
faut dans les plus brefs délais assurer le retour au travail des
employés de la Commission de transport. Il y a un mois plein maintenant
que cette grève dure et la situation à Montréal, au moins
dans trois secteurs qui crèvent les yeux et que le ministre du Travail a
évoqués d'ailleurs, la situation est en train de devenir, je
crois, honnêtement, intenable.
Il y a d'abord l'Expo qui avant de fermer ses portes avait le droit et a
encore le droit d'avoir quelques jours de beau temps et d'accessibilité
totale en attendant que l'addition soit présentée aux citoyens.
Parce qu'ils vont payer après, et cela est d'autant plus sérieux
que ce sont, autant que je sache, les citoyens de Montréal
eux-mêmes qui sont frappés en ce moment par rapport à
l'Expo, car beaucoup d'après ce que j'ai pu voir, des milliers
sûrement, de Montréalais comptaient sur les deux dernières
semaines de l'Expo pour reprendre un peu le temps perdu et en quelque sorte
avoir une espèce de fête collective autour de cet
événement qui évidemment est sans précédent
et qui n'aura rien de comparable dans un avenir prévisible.
La deuxième chose, c'est que la vie économique de la
métropole elle-même, et surtout dans les secteurs les plus
modestes de cette vie économique, par exemple les magasins du coin, les
petits services et cela est facile à constater si on se
promène dans la ville depuis quelques jours la vie
économique modeste donc en particulier est en train d'étouffer
tranquillement et cela commence à s'accélérer. Or, cela se
produit à la veille, et maintenant on est vraiment à la veille
d'un hiver qui, au point de vue économique, promettait
déjà d'être assez difficile et cela ne peut plus durer
parce que ça risque d'empirer une situation qui déjà avait
des côtés inquiétants pour les mois qui viennent.
Troisièmement, il y a toute une partie de la population qui n'a
guère de porte-parole normalement et qui n'a pas de défense
organisée qui est affectée d'une façon qui peut devenir
intolérable et qui déjà pèse lourdement sur elle
dans les milieux à revenus modestes. Et on peut dire que ce sont les
quatre cinquièmes de la population de Montréal et en particulier
du côté des malades, des vieillards, des écoliers enfin des
gens sur qui après trois semaines, un mois, c'est devenu un
épuisement, dans certains cas, une charge très lourde.
Dans ces trois secteurs, je suis sûr que les syndiqués s'en
rendent compte aussi bien sinon mieux que nous. On a franchi, on est en train
de franchir les limites extremes de l'endurance collective d'une population.
L'Expo est gravement menacée de mal finir. Dans l'économie les
ralentissements, les mises à pied commencent à être
officielles et découlent de la paralysie des transports en commun. Du
côté des ennuis personnels causés aux citoyens fragiles et
pas riches dont je parlais, la mesure est déjà pleine et peut
déborder d'un jour à l'autre. Donc il y a un impératif qui
était relatif d'ailleurs, existait relativement depuis le début
et qui chaque jour forcément est devenu de plus en plus évident,
et cet impératif est maintenant absolu et d'une urgence criante, c'est
l'impératif d'une remise en marche, sans délai des services de
transport en commun. Mais d'autre part, et ça, ça rappelle des
souvenirs que je ne veux pas évoquer pour ne pas amener des
problèmes de règlement de procédure, d'autant plus que je
n'ai pas autant de gens à consulter que j'en ai déjà eus
là dans l'immédiat. Alors d'autre part, le Parlement et on
le sait, ça nous est déjà arrivé a le devoir
de faire bien attention à la manière dont il remplit son
rôle primordial qui en ce moment est d'assurer le retour au travail.
C'est-à-dire qu'il faut faire bien attention à la
façon dont on le fait pour essayer d'avoir, autant qu'il est humainement
possible, les meilleures conditions.
Est-ce que c'est ça que fait le bill no 1 et numéro
dernier de cette session spéciale, parce que ce n'est pas un cas qui est
simple, je pense bien? Le ministre du Travail le sait aussi bien que n'importe
qui. Seulement est-ce qu'on a tous les faits? Il y a un caricaturiste, le
ministre le sait de quoi les caricatures sont faites. Quand l'inspiration les
frappe, les caricaturistes peuvent faire un résumé beaucoup plus
éloquent qu'une avalanche de discours. Dans un journal d'hier ou
d'avant-hier, à Mont-
réal, il y a eu une caricature intitulée « le noeud
de vipère », que sûrement le député de Bagot
et le député de Saint-Jacques ont vue, ils étaient deux
des personnages de ce tableau. Cela nous montrait deux...
M. JOHNSON: Nous avons vu celle de Hunter aussi, relativement au
congrès.
M. LEVESQUE (Laurier):... corps... Non, là, si le premier
ministre permet...
M. LAPORTE: Est-ce que vous avez vu celle de Hunter relative à
Hawaï?
M. JOHNSON: Très bien.
M. LEVESQUE (Laurier): Si le premier ministre me permet, je voudrais
m'en tenir à ce problème qui, si on est conscient, à
Montréal, commence à faire mal partout et d'un autre
côté pourrait faire mal aussi et longtemps s'il était mal
résolu. On le sait, ça. On ne peut pas faire de perfection mais
on pourrait peut-être essayer de faire le mieux possible. Le noeud de
vipère dont je parle là, la caricature, nous montrait deux corps
vaguement humains, qui étaient si curieusement entrelacés,
qu'à part deux paires de jambes, sur lesquelles s'escrimaient
respectivement avec des airs désespérés le premier
ministre sur une paire de pattes et le député de Saint-Jacques
sur l'autre pour essayer de les démêler. A part les deux paries de
jambes on ne trouvait plus rien d'humain, on ne voyait pas de visage,
d'expression ou quoi que ce soit.
Bon, bien forcément c'était peut-être, je crois,
mieux que tous les développements que l'on peut faire, l'illustration de
la confusion à peu près totale dans laquelle baigne l'opinion
publique dans son ensemble, sur ce conflit et jusqu'à un certain point,
je suis sûr, une très grande partie des députés de
cette Chambre dont la plupart de toute façon ne sont pas
Montréalais.
Non, pour mon humble part, je suis citoyen de Montréal, ayant un
modeste accès quand même à certaines informations de
première main, ce que n'ont pas et ce que ne sont pas non plus, citoyens
Montréalais, la plupart des députés qui sont
appelés à légiférer sur ce
problème-là en ce moment. Et je dois avouer, pour mon humble
part, qu'une bonne partie de la vérité sur ce conflit,
m'échappe encore complètement et ça affecte la
façon dont on peut voir le règlement que nous propose cette loi.
Il y a des questions auxquelles, pour ma part, je n'ai pas vu de
réponse. Parce qu'en ce moment, on a un climat qui dit: Le service n'est
pas là. Les gars qui ne le donnent pas, qu'ils rentrent au plus vite
parce que c'est eux qui sont la cible mais où sont les autres? Et
qu'est-ce qui est arrivé? Quelle part de responsabilité
l'administration de la Commission de transport porte-t-elle ou a-t-elle
porté dans l'échelle catastrophique des négociations et
des médiations?
Depuis au moins une couple de semaines, et particulièrement
depuis les rencontres qui ont été provoquées par le
députés de Saint-Jacques quand il était premier ministre
intérimaire, quelle est la justification de la totale et absolue
intransigeance de l'administration municipale de Montréal qui est
responsable en dernier ressort. Sur ce point, il me semble qu'on doit tenir
compte sinon surtout, du moins en grande partie, pour se former un jugement,
des règlements qui ont été consentis par la ville de
Montréal, le printemps dernier il n'y a pas un siècle
à ses propres employés manuels qui sont jusqu'à un
certain point des parallèles de ceux qui sont en grève, des
règlements, qui étaient arrivés au milieu d'un conflit
le ministre du Travail s'en souvient très bien où
il y avait à la fois les fonctionnaires, collets-blancs si l'on veut, et
les manuels qui Pun après l'autre, groupe après groupe, sont
entrés en grève, bon. Ce matin, pour ceux qui ont besoin de se
rafraîchir la mémoire, il y a un article bien documenté
dans le Devoir qui nous rappelle entre autres choses que ce règlement du
printemps accordait de 28% à 50%, je répète de 28%
à 50% d'augmentation aux employés manuels, ce qui a permis, bien
entendu, de raccourcir dramatiquement la grève de ces employés
manuels et d'isoler dans leur propre conflit les fonctionnaires, les
collets-blancs. Donc, c'était une victoire tactique dans un sens qui a
été payée à ce prix-là. Mais est-ce que ce
n'est pas le coût de cette victoire tactique? Parce que c'est de
là que viennent les chiffres comparatifs. Est-ce que ce n'est pas le
coût de cette victoire tactique que l'on tâche
désespérément maintenant de réduire pour l'avenir,
ou pour le présent et l'avenir, mais sur le dos d'un autre groupe qui
était parfaitement justifié au départ de se dire
parallèrement: « Pourquoi pas nous? » puisqu'en
définitive, c'est le même employeur.
Une autre question à laquelle, il me semble que c'est le bon sens
qui le dit, sans compter bien d'autres motifs, il faudrait avoir une
réponse pour juger un peu au mérite de cette affaire. Quel est le
budget de la Commission de transport de Montréal? C'est invraisemblable
quant à moi que le public n'en sache rien sauf erreur, et, autant que je
sache, nous au-
très non plus. Je voudrais illustrer rapidement
l'intérêt puissant que, quant à moi, cela présente.
Au printemps, la Commission de transport de Montréal a produit, sauf
erreur, un rapport de revenus pour l'année finissante, l'année
qui finit comme celle du gouvernement, au mois d'avril, je crois, au printemps,
ce n'est pas l'année de calendrier. Ce rapport de revenus donnait
à peu près $59 millions de revenu dans le bilan des
opérations. C'est à peu près ça, et, sauf erreur
aussi, c'était à peu près $4 millions et trois quarts de
plus dans les trois derniers mois que les prévisions faites
antérieurement. Cela venait essentiellement des hausses de tarifs, les
billets plus chers, extrêmement massive cette hausse qui avait
été imposée au début de l'année. Donc, sur
trois mois...
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député connaît
le déficit?
M. LEVESQUE (Laurier): Sur trois mois, on avait augmenté les
revenus, par rapport aux prévisions, de $4 millions et trois quarts,
d'accord? Et il y avait un déficit quand même qui était de
$2 millions.
M. BELLEMARE: $2 millions.
M. LEVESQUE (Laurier): $2 millions, bon. Et ça bouclait
l'année.
M. BELLEMARE: Cela aurait été pire que ça s'il n'y
avait pas eu cette partie-là.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord, mais ça existe encore. La preuve
qu'elle existe encore, simplement... Je ne sais pas la justification de la
question que je vais poser, mais je sais que devant ces faits-là, je ne
peux pas accepter, quant à moi, en conscience, de réponse qui me
dit que ce n'est pas possible, la réponse qu'appelle la question que je
vais poser, si on n'a pas ces faits-là. Après donc la fin de
cette année-là qui a bouclé à $59 millions avec une
augmentation de près de $5 millions des revenus prévus et quand
même un déficit d'une couple de millions. Il y a eu une
prévision pour l'année courante qui, elle, est passée,
fait passer les revenus réels de $59 millions de Pan dernier à
des revenus estimés pour l'année courante dans laquelle nous
sommes de $84 millions. Si ces chiffres qu'on m'a fournis, si, en l'absence de
tout détail on fait un calcul en se servant de sa tête et d'une
règle bien simple, si cela a donné $4 millions et trois quarts
plus ou moins, la hausse des taux, dans les trois derniers mois de
l'année passée, en établissant ça sur
l'année courante, on peut voir à peu près $17 ou $18
millions justifiés par les prévisions qui découlent des
trois derniers mois d'opération de Pan dernier, le reste étant
probablement ce qu'on prévoyait pour l'Expo, cela ne reviendra pas.
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député pourrait aussi
ajouter qu'il y a un service nouveau, celui du métro?
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, d'accord. Mais où est le budget
où sont décrits les postes de dépenses auxquels ces
revenus ont été affectés, avec les charges dont certaines
sont nouvelles? Quelles sont les proportions? Comment cela a-t-il
été établi? Quelle était, entre autres, la
prévision concernant les salaires pour la Commission de transport de
Montréal pour l'année courante avec les augmentations
inévitables autrement il n'y aurait vraiment pas d'administration
responsable qui devaient être prévues puisqu'un autre
contrat devait être négocié cette année?
A mon humble avis, il est terriblement important que nous obtenions
réponse à des questions comme celles-là pour deux raisons.
La première, c'est que seul ce budget qui doit exister quelque
part après un rapide examen, permettrait d'évaluer un des
éléments essentiels de l'affaire, qui est quand même la
capacité de payer de la Commission de transport. Parce que depuis, un
des éléments du conflit qu'on est porté à oublier
maintenant à cause de cette cible unique que devient
compréhensiblement le gars qui ne travaille pas, un des
éléments du conflit c'est quand même la capacité de
payer de ceux qui, avec une obstination au moins comparable, disent depuis des
semaines: « Non, pas un sou de plus ». C'est un fait, ça. La
capacité de payer n'est pas le seul facteur qui doit entrer en ligne de
compte. Loin de là, et je suis d'accord avec ce que le ministre du
Travail disait tout à l'heure, ce n'est pas du tout ce que je veux dire.
Il y a d'autres obligations, dont certaines peuvent être nouvelles,
auxquelles la Commission de transport doit faire face.
Il y a également la nécessité de plus en plus
évidente d'une « concertation » qui soit équitable et
qui soit ordonnée dans le domaine salarial du secteur public, dans la
progression salariale, mais qui soit équitable et qui soit
ordonnée, et surtout qui ne comporte pas de secret pour remplacer le
climat d'escalade échevelée au point de vue économique et
de quasi-jungle au point de vue social où s'est installé
dangereusement, de-
puis trop longtemps déjà, le secteur public et les
relations de travail dans ce domaine-là. Mais il n'en demeure pas moins,
avec toutes ces restrictions, que seule une étude rapide du budget de la
CTM permettrait de voir comment on a envisagé ces questions,
l'équilibre entre les priorités, et à quel point
peut-être, je ne sais pas on est obligé de se poser la
question, on n'a pas la réponse on a voulu casser une progression
salariale qui paraissait incohérente et dangereuse, aux dépens de
ce groupe spécifique de syndiqués qui, lui, n'avait au
départ, à toutes fins pratiques, que le droit qu'il a
exercé d'aller chercher l'équivalent de ce que faisaient des gens
parallèles, dépendant en dernier ressort du même patron et
du même contribuable.
Deuxièmement, l'autre raison pour laquelle il me semble que c'est
important, et qui est plus générale. Au nom de quelle distortion
assez inquiétante des droits de la gérance peut-on permettre
à un grand organisme public, qui est totalement la
propriété de citoyens électeurs-contribuables, de ne pas
révéler l'usage détaillé qu'il prétend faire
de ses fonds, qui sont des fonds publics, de ne pas révéler
ça à ses innombrables actionnaires qui sont aussi ses clients et
qui, en définitive, sont les arbitres. Même nous, nous
dépendons de cet arbitrage-là. Jusqu'à un certain point,
c'est lui qui finit par déclencher, avec des retards parfois
inquiétants, l'action parlementaire, quand on croit que la pression
publique est suffisamment forte pour faire bouger le parlement.
Et alors, en vertu de quoi peut-on ne pas révéler des
chiffres qui seraient un élément essentiel de la lumière
dont on a besoin? Surtout au moment où il y a un conflit qui implique au
moins ça comme un des éléments de la réponse. Or,
qu'on le veuille ou non, comme les villes elles-mêmes, y compris la ville
de Montréal, la Commission de transport est une émanation
j'ai relu la loi de 1965 tout à l'heure, juste pour me le rappeler
est une émanation de ce parlement-ci, de cette Chambre et elle
n'existe, cette Commission de transport, qu'en vertu d'une loi qui a
été votée par ce parlement. Par conséquent, est-ce
qu'il n'est pas doublement indiqué, pour bien saisir le portrait du
conflit qu'on prétend juger en dernier analyse, et par un souci minimum
de démocratie administrative aussi, que nous exigions et que nous
obtenions le droit de voir et de juger cette situation, au moins rapidement,
cette situation financière qu'on a évoquée comme une sorte
de spectre. Il ne faudrait pas amener le pauvre contribuable à payer
davantage pour ses billets. Il faudrait bien savoir si c'est nécessaire
d'a- bord, quitte à discuter aussi, puisque les déficits sont
admis dans tous les services publics essentiels, de plus en plus dans le monde
occidental, quitte à discuter aussi à quel point le billet doit,
à ce point-là, dans un développement comme celui, par
exemple, de la Commission de transport, couvrir toutes les dépenses.
Cela, c'est une autre question.
Et, à part les questions qu'on se pose sur le fond de l'affaire,
il y a aussi au moins une question centrale qui se pose sur ce rapport qui, en
fait, est un jugement assez expéditif et qui, d'ailleurs, ne devait
avoir de valeur et ça c'est normal que si les parties en
reconnaissaient la valeur et c'est le rapport-jugement du juge Chevalier, dont
on a fait une partie intégrante du bill. Là-dessus, c'est
évident que le bill n'en fait pas un endossement final puisque c'est une
base de départ en vue d'aller plus loin jusqu'au mécanisme qui
horrifie forcément les milieux syndicaux, mais qui à certain
moment peut devenir inévitable; l'arbitrage obligatoire.
C'est sûr, on en fait seulement une base de départ de ce
jugement rapide du juge Chevalier; mais, d'autre part, on nous demande ainsi
d'endosser par une loi au départ une opinion, pas plus, dont l'effet
était quand même, partiellement, d'enlever des droits qui avaient
été acquis et gagnés dans une grève, il y a deux
ans. Il y en a qui sont moins importants, il y en a d'autres qui ont une
importance assez grande. Bien sûr, on ne prévoit pas que ce soit
final encore une fois puisque l'autre mécanisme, l'arbritra-ge
obligatoire est prévu, et même maintenant celui de la
négociation, apparemment.
Enfin, il y a une période de négociations, mais par voie
législative, on fournit quand même, mais d'une façon qui
peut avoir son côté odieux, ceci: une situation dans laquelle il
appartient au syndicat maintenant c'est à lui, à partir de
cette loi d'aller tâcher de récupérer des gains
qu'il avait faits et qui faisaient partie de son contrat expiré. En
toute équité minimale, il me semble, pourquoi, puisqu'il
s'agissait d'une opinion... Sauf tout le respect que l'on doit au juge
Chevalier, c'était une médiation que les deux parties avaient
à reconnaître; sinon elle valait l'opinion d'un homme qui ne vaut
pas plus que celle d'un autre.
Or, pourquoi en toute équité.
M. BELLEMARE: Il était à ce moment-là mieux
renseigné que certains autres.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. Mais c'est un homme quand même et
un homme renseigné, ça ne fait pas une population
renseignée, surtout quand on n'a pas les détails, ni l'analyse
des faits qui sous-tendent le jugement.
M. BELLEMARE: Est-ce que l'honorable député sait combien
il y en a de ces cas-là?
M. LEVESQUE (Laurier): Comme je n'ai pas envie d'allonger plus...
M. BELLEMARE: Il y en a trois.
M. LEVESQUE (Laurier); D'accord, mais enfin notre assaut
d'érudition mutuelle n'ajouterait pas grand-chose là-dessus.
M. BELLEMARE: Non.
M. LEVESQUE (Laurier): En toute équité, pourquoi,
puisqu'on prévoit l'arbitrage de toute façon, ne pas laisser la
Commission de transport... Ce qui me paraît normal et ne «
loaderait » pas je m'excuse du terme ne donnerait pas un
climat pipé un peu au bill. Je me souviens que le ministre a dit dans
ses remarques du début... Enfin, il cherchait à créer par
ses paroles un climat dans lequel il était installé vraiment au
centre et ou les deux parties étaient littéralement comme l'axe
des deux plateaux de la balance. Il suffisait juste de lui voir un bandeau sur
les yeux et cela aurait été la Justice. Bien, il n'y a pas
toujours nécessairement ce climat-là dans le bill, et ce
cas-là est un exemple. Pourquoi la Commission de transport en toute
équité n'est-elle pas obligée d'aller les rechercher,
elle, au départ les choses sans lesquelles, depuis deux ans, elle avait
appris à vivre dans un autre contrat?
M. BELLEMARE: Si l'honorable député me permet...
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne dis pas tout. Je dis qu'il y a des choses
en particulier touchant les sous-contrats je ne veux pas entrer dans les
détails, le ministre est au courant comme moi touchant la clause
régissant les sous-contrats où on remplace une interdiction avec
entente nécessaire par l'ouverture à des griefs qui peuvent se
faire après coup quand tout le mal est fait. Et cela, c'est un domaine
où ça touche et le ministre du Travail ne peut pas ne pas
être au courant de façon extrêmement douloureuse,
à l'occasion sacrante, les droits des syndiqués surtout quand ils
sont acquis. Alors, il y a des choses comme ça: l'absence de
réponse sur des faits de céder par une loi encore une
fois, c'est arrivé déjà au climat d'urgence en
risquant d'avoir une loi excessive par rapport à ce qui est
l'évidence que tout le monde admet: le retour au travail, une
espèce de climat qui donne l'impression d'éléments de
préjugement que le parlement n'est pas préparé à
faire. On n'a pas eu les informations qu'il fallait, on n'a pas pu parler aux
parties.
Et cela rejoint d'ailleurs le climat qui flotte tout autour de ce bill,
et c'est explicable, c'est le climat d'impatience d'une population, d'une
impatience sans cesse plus visible et plus générale, mais qui est
venue après des délais dont l'administration de la Commission de
transport, celle de la ville et finalement le gouvernement, chacun à son
tour, portent au moins leur part de responsabilité de ces délais
et dont la cible quand même est devenue à peu près
exclusivement, et le bill confirme cette impression, uniquement les
grévistes, qu'on le veuille ou non, c'est-à-dire une seule des
parties impliquées.
Maintenant, on a dit pas mal déjà, et abondamment à
part de ça pour ceux qui l'ont dit, les reproches qu'ont pu
indiscutablement se mériter les syndiqués dans cette affaire;
d'abord le calcul qui est au moins cruel par rapport à l'Expo et pour
toute une population de la date de la grève, s'il y a eu calcul, parce
qu'il y a eu aussi des provocations à la dernière heure. Cela, je
ne suis pas équipé pour les évaluer, il y a aussi la
résistance à l'injonction, une arme qui... Là-dessus je
crois que, peu importe comment on apprécie le tableau tracé, d'un
côté ou de l'autre de la Chambre... Le chef de l'Opposition a
parlé de la dévaluation de cette arme de l'injonction. Admettons
qu'en Ontario et partout en Amérique du Nord, de plus enplus,
l'injonction, à cause des abus qu'on en a fait, de l'abus de l'ex parte
en particulier, est un des mécanismes les plus dévalués
qui soient.
Evidemment, ça n'excuse pas mais ça explique.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas l'Union Nationale qui l'a
dévalué en Ontario, et puis il a fallu qu'ils forment une
commission spéciale pour réétudier les injonctions.
M. LEVESQUE (Laurier): Je suis d'accord avec le ministre du Travail. En
Ontario, ce n'est pas l'Union Nationale qui l'a dévalué et puis
il y a aussi cette obstination farouche... Encore dans les choses qu'on
reproche aux syndicats, cette obstination farouche depuis des jours et des
jours à refuser tout retour au travail qui ne soit pas
précédé de nouvelles négociations et autant que
possible d'un contrat, ce qui est une obstination rigide jusqu'ici,
jusqu'à récemment c'est-à-dire, mais c'est une obstination
normale de ce côté-là, normale surtout si l'on tient compte
de ce qui se passe de l'autre côté. Parce qu'en face il y a une
obstination
tout aussi absolue et tout aussi totale et dont certains
éléments d'explication, nous manquent et qui ne paraît pas
plus justifiable en toute équité. « Qu'ils rentrent
d'abord, cinq minutes après on parlera ». Bien ça aussi,
après des jours et des jours et des jours, pour autant qu'on puisse
voir, c'est un mur.
M. JOHNSON: Ce n'est pas M. L'Allier qui a dit ça. Ce n'est pas
M. L'Allier de la commission...
M. LEVESQUE (Laurier): Je pense que conjointement tout le monde l*a dit,
mais essentiellement les derniers jours c'est la ville de Montréal
elle-même par... Ecoutez, ce n'est pas un mystère et puis je ne
crois pas... Il s'agit de gens pour qui j'ai le plus grand respect, mais M.
Saulnier m'en voudra de dire que c'est essentiellement lui que je cite. Bon!
J'allais justement dire ceci: quant à moi, c'est qu'il y a plus profond
que d'habitude dans ce conflit-là, le fossé traditionnel entre
les droits de la gérance et les droits des travailleurs cela
c'est toujours mais plus profond que d'habitude et aussi, et c'est
ça qui l'approfondit ou l'élargit, un conflit de prestige de part
et d'autre, parce qu'à force de durcir, c'est aussi devenu ça. Il
s'agit même d'orgeuil compréhensible de la part de
personnalités très fortes des deux côtés et d'un
groupe des deux côtés. Cela fait partie du conflit, et je ne crois
pas qu'on puisse éviter de l'évoquer si on veut essayer
honnêtement de voir à quel point ce bill-là, tel qu'il est,
est justifié au-delà du retour au travail.
Parce qu'il y a aussi, avant de terminer, des faits nouveaux. Il y en a
un qui est public, il y en a un autre que moi, j'ai de la peine à
croire, mais que j'ai appris aujourd'hui. Il y a un fait nouveau qui est public
depuis lundi, le 16 octobre, c'est que le syndicat dans cette obstination
rigide, le syndicat a quand même, il y a déjà cinq ou six
jours, lundi, publiquement, non seulement reproposé des
négociations, mais aussi accompagné, sauf erreur, par le premier
et substantiel recul par rapport à ses positions monétaires,
c'est-à-dire que pour prendre le salaire clé qui sert de
barème dans tous les comptes-rendus rapides du salaire des chauffeurs,
les $3.50 sont devenus $3.32 depuis lundi. Aucun mouvement équivalent,
quel qu'il soit, n'est venu de l'autre côté. Evidemment,
maintenant il est bien tard. Mais là la résistance, qu'on le
veuille ou non, est demeurée totale.
M. BELLEMARE: Il y a eu un nouveau mandat ce soir-là aussi.
M. JOHNSON: Oui.
M. LEVESQUE (Laurier): Pardon?
M. BELLEMARE: Il y a eu un nouveau mandat ce soir-là...
M. LEVESQUE (Laurier): Un nouveau mandat?
M. BELLEMARE: ... des autorités municipales.
M. LEVESQUE (Laurier): Quel mandat?
M. BELLEMARE: Le mandat des 19 autres maires.
M. LEVESQUE (Laurier): D'accord. M. JOHNSON: Mais le
député...
M. LEVESQUE (Laurier): Mais ça ne touche pas...
M. JOHNSON: ... le député me permettra... M. LEVESQUE
(Laurier): Oui.
M. JOHNSON: ... pour établir les bases du problème. Il y a
eu aussi une ouverture du côté des conseils municipaux en ce sens
qu'ils avaient refusé la suggestion de négociation qu'avaient
faite mes collègues et, lundi, ils ont accepté la
négociation.
M. LEVESQUE (Laurier): La négociation... M. JOHNSON: C
était nouveau.
M. BELLEMARE: La négociation dès le retour du travail.
M. JOHNSON: Dès le retour du travaiL M. LEVESQUE (Laurier): Oui,
oui.
M. JOHNSON: Avant ça, ils étaient
irréductibles...
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais enfin... M. JOHNSON: ... c'était
l'arbitrage...
M. LEVESQUE (Laurier): ... non, non, d'accord. Mais c'est toujours en
fonction des cinq minutes après qu'on sera revenu au travail.
M. JOHNSON: D'accord.
M. LEVESQUE (Laurier): C'est-à-dire qu'ils auront
entériné l'attitude déjà clairement et
obstinément établie justifiable ou non par la ville et la
commission de transport elle-même. Mais il reste qu'il y a eu ce geste
lundi et que depuis, le premier ministre est arrivé à peu
près sur les entrefaites, il y a eu des efforts mais qui n'ont d'aucune
façon abouti à une reprise des négociations et là,
il me semble que le fardeau de la responsabilité doit au moins
sérieusement appartenir à l'autre partie qui, elle, n'a pas
bougé peu importe les efforts que je ne connais pas qu'a pu faire le
premier ministre.
Là-dessus une session a été annoncée. Bon,
on y est. Et là il y a un autre fait nouveau qui se serait passé
hier ou avant-hier. Je suis obligé de le mettre au conditionnel parce
que j'ai de la peine à y croire. Mais des jeunes membres du syndicat que
j'ai rencontrés aujourd'hui, une poignée d'entre eux m'ont
confirmé catégoriquement, ce que je donne quand même sous
toutes réserves, c'est qu'il y aurait eu hier par de nombreux appels
téléphoniques des offres faites par la commission de transport
à ses employés en grève, individuellement, enfin au
téléphone, que tout employé qui viendrait se
présenter, même sans travailler, serait payé
l'équivalent de trois heures de travail et que s'il restait plus ou
moins toute la journée, là je ne le sais pas, mais même
sans travailler, jusqu'à ce qu'il en ait assez je le suppose, il aurait
droit à ses huit heures. Cela, si c'est confirmé à la
veille même d'une session qui avait été annoncée
pour essayer de régler dans les meilleures conditions le conflit, si
c'est confirmé, cela fait une attitude assez peu rassurante dans
l'immédiat au point de vue du respect que l'on doit aux hommes
eux-mêmes et forcément ça n'améliorera pas le
climat, quoi qu'il arrive, avec la législation qu'on va passer. On me
dit même qu'il y a eu, enfin à la suite de ça, des
incidents frappants et qui sont explicables. Est-ce que le ministre du Travail
est au courant de ça?
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le ministre du Travail était au
courant de ça?
M. BELLEMARE: Non, le député m'apprend ces choses.
M. LEVESQUE (Laurier): Moi, je l'ai appris cet après-midi. Donc,
on nous demande en ter- minant de légiférer d'une façon
extrêmement dure, comme l'a dit le premier ministre, une loi qui a des
dents. On peut même dire qu'elle a des crocs parce qu'à la toute
dernière minute dont je peux disposer, M. le Président, encore,
je voudrais revenir sur ce point-là qui est le 70% qu'on exige du
syndicat, mais même en dehors de ça, on nous demande de
légiférer d'une façon extrêmement dure avec des
dents, mais en confirmant quand même dans l'ensemble d'un texte un climat
mal évalué sur lequel le public est très mal
renseigné et c'est lui l'arbitre suprême, c'est lui qu'on suit
ici, c'est sa pression qu'on a laissé monter au point qu'on devait venir
ici. D'un climat qui est déjà surchauffé dans le sens
antisyndical qui est en partie mérité maintenant sûrement,
mais pas du tout à ce point-là par exemple. Et surtout en
laissant sans réponse une foule de questions qui permettraient de mieux
situer les responsabilités réelles et par conséquent de
mieux évaluer le genre de vote que nous devons donner sur un projet de
loi qui, tel quel et même avec l'amendement qu'on nous a annoncé
devoir accepter, inévitablement un projet de loi qui laissera des plaies
extrêmement profondes et qu'il s'agit de rendre le moins profondes
possible si le projet de loi doit être voté et mis en vigueur.
Alors pourquoi, deux questions, elles sont peut-être naïves,
je n'ai pas le goût, ni l'habitude au point de vue de la
procédure, je n'ai pas eu le temps de me fabriquer cette
spécialité qui, je le suppose, va devenir nécessaire comme
quelques autres, bon...
M. BELLEMARE: Préparez une motion.
M. LEVESQUE (Laurier); Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas
d'amendement. Mais je voudrais poser une couple de questions sous forme de
suggestions qui seraient ceci: Pourquoi le gouvernement, l'Etat, n'a-t-il pas
prévu des séances ultimes des séances ex parte,
là, où l'on essaie, sans les mettre ensemble, depuis deux jours,
par exemple mais des séances face à face permettant
à la partie patronale de faire au moins un pouce sur les derniers
milles, par rapport à ce qui avait été fait par la partie
syndicale? Et puis, si ça ne donnait rien, qu'il y ait un rapport
détaillé, venant de ministres responsables, de l'échec
si échec il y avait eu encore une fois face à face,
avec des explications pour nous aider mais, devant nous c'est l'opinion
publique à nous faire une opinion qui soit une opinion
éclairée, nourrie avec les faits et vraiment la description des
attitudes et des justifications ou des non-justifications qui ne sont pas
claires.
Et pourquoi cela ne serait-il pas possible maintenant? Je suis
peut-être naïf, mais on a une loi qui prévoit un délai
de 48 heures pour son application. On a aboli tous les règlements de
façon à pouvoir la faire marcher vite. Pourquoi la faire marcher
si vite? Pourquoi des délais de 48 heures, absolument
nécessaires? Cela peut être 24, ça peut être 30. Ce
n'est pas long: il s'agit d'une seule ville, dans une seule région. Il
ne s'agit pas d'empailler toute la province. Bon. Et la
télévision et la radio, cela fonctionne encore; alors, ça
se convoque ça, des assemblées.
Alors, dans ces 48 heures, pourquoi ne serait-il pas possible au
lieu de « bulldozer » la loi qui forcément vise lundi matin;
les 48 heures sont assez éloquentes à ce point de vue-là
de prendre une partie de la nuit, pas trop là, mais aussi toute
la matinée de demain, de force? On vient de dire que la loi on
l'a le bâton parlementaire à ce point de vue là peut
forcer la négociation, même si après que la loi sera
adoptée, la négociation devient à ce moment-là,
à toutes fins pratiques, une antichambre automatique, plus ou moins, de
l'arbitrage obligatoire si on est réaliste, mais quand même, c'est
déjà quelque chose.
Alors, pourquoi ne pas prendre toute la matinée de demain pour
cela, avec comité ou ministre responsable, représentant l'Etat et
faisant rapport à la Chambre, détaillé, cependant, vers 1
h 30 p.m., ce qui permettrait de finir demain soir, si c'est nécessaire
de façon que ce soit, au lieu de 48 heures, 30 heures ou 36 heures?
C'est une chose. Même si ce n'est pas une grosse chance, est-ce qu'il n'y
aurait pas la possibilité d'un triomphe qui serait quelque chose de
beaucoup plus sain, de beaucoup plus « vivable », a supposer qu'il
n'y ait pas beaucoup de chance si on employait ces heures qui seraient prises
à même un délai qui est compressible en soi pour imposer
sous la pression, d'ailleurs, qui paraît déjà
à ces hommes qui sont très forts, là, ceux qui sont
à la tête des deux parties, de se retrouver face à face et
de bouger, autant que possible, juste, peut-être, un très petit
peu. Au point où ça en est rendu, il y a beaucoup de « face
saving » et ça devient tragique, le « face saving »
à un moment donné. De bouger juste un tout petit peu, ce qui,
peut-être, pourrait rendre cette loi inutile en fin de compte. C'est une
chose. Pourquoi est-ce impossible? Pourquoi ne pourrait-on pas y penser,
d'autant plus qu'on n'a pas l'air parti pour finir ce soir?
Et une autre suggestion, plus minime encore, qui peut être
parallèle. Au strict minimum, est-ce qu'on ne pourrait pas prendre au
moins la séance de demain matin, entre la 2ème et la 3ème
lecture? On n'est pas encore en comité, bon. A moins qu'on veuille
passer la nuit, il est évident qu'on va atteindre 11 heures avant que le
comité soit passé. De prendre la séance de demain matin,
en comité plénier de la Chambre comme on l'a fait pour les bills
publics et c'en est un, pour faire comparaître les parties devant un
comité plénier de 8 heures jusqu'à 1 heure, disons? On va
se forcer. Devant un comité plénier de la Chambre sur les faits,
sur les questions, sur les chiffres, sur des choses qui nous permettraient
d'évaluer au mérite, autant que possible, et surtout de permettre
au public... On est censé représenter un public adulte, à
condition qu'on lui donne une chance d'agir en adulte. Actuellement, l'arbitre
suprême, qui est le public, il est affolé, il est furieux, il a
des raisons de l'être. Mais il est dans le noir et il est incapable de
juger efficacement et, à mon humble avis, nous aussi des
mérites de ce conflit-là, après un mois de grève.
Cela permettrait aussi aux députés de finir leur travail d'une
façon qui leur permettre de dire: On sait ce qu'on fait.
Maintenant, ce qui pèserait finalement davantage sur le vote
je sais bien que ça ne changera pas grand-chose, le vote
solitaire que j'ai a donner c'est la réponse qu'on pourrait
fournir aux simples questions suivantes, en terminant.
Parmis les dents très longues qu'on a données à ce
projet de loi, pourquoi ne pas se contenter des peines déjà
lourdes et très normales qui prennent la forme d'amende,
d'emprisonnement possible, qui sont des peines, si elles sont utilisées
à bon esceint, qui peuvent frapper sans erreur ceux qui enfreindraient
une loi? Ce sont des peines de même nature que les sanctions auxquelles
on s'expose pour toute infraction dans un monde normal. Pourquoi
prétendre y ajouter une peine à moins que j'aie très mal
interprété les deux articles qui concernent celle-là.
Pourquoi prétendre y ajouter une peine qui peut signifier la dislocation
et la fin à toutes fins pratiques d'un syndicat et, dans ce
cas-là, l'anéantissement dans ce secteur-là de toute vie
syndicale pendant un bon bout de temps, toute vie syndicale valable...
M. BELLEMARE: Cela ne se produira pas.
M. LEVESQUE (Laurier): Dans ce cas-là je dis.
M. BELLEMARE : Cela ne se produira pas, s'ils retournent au travail.
M. LEVESQUE (Laurier): Ecoutez un peu là! L'anéantissement
de toute vie syndicale valable, c'est une peine exorbitante et de plus, c'est
pour ça que le ministre du Travail... A mon avis, il y a une confusion
entre la personne collective puis la personne individuelle, dans la
façon d'appliquer cette peine-là, qui risque...
M. BELLEMARE: Non, non !
M. LEVESQUE (Laurier): C'est plus que possible, je ne dis pas que c'est
probable, mais c'est plus que possible, une peine qui risque d'être
infligée sans aucune justification en visant le blanc puis en tuant le
noir par rapport à la responsabilité réelle. On
prétend qu'on aurait le droit d'anéantir légalement,
à toutes fins pratiques de décertifier puis d'envoyer promener le
syndicat, s'il était incapable de ramener 70% au plus de ses membres
individuels au travail. Dans le climat que peut assombrir encore un geste
législatif comme celui-là, et de toute façon face à
la liberté individuelle des hommes qui sont concernés, qui
d'après l'interprétation des deux articles sont ceux qui
étaient à l'emploi le 20 septembre, donc qui étaient dans
l'unité syndicale certifiée le 20 septembre.
M. BELLEMARE: Il peut y avoir des malades.
M. LEVESQUE (Laurier): Ah! Ah! 70%, si je me trompe j'aimerais bien le
savoir, des membres de l'unité syndicale certifiée à la
date du 20 septembre. Or parmi ces gens-là, encore une fois parmi ceux
que j'ai rencontrés, il y en a, à quel point ça va
continuer d'être vrai et avec un bill qui ajoute une sorte de massue
excessive et exorbitante à tout le reste, ça n'aide pas. Il y en
a qui ont déjà trouvé d'autres emplois, surtout parmi les
jeunes après un mois, il y en a qui disent déjà: Us
peuvent se la fourrer quelque part, la Commission de transport. Est-ce qu'ils
vont continuer à le dire? Est-ce qu'il va y en avoir d'autres? Est-ce le
syndicat qui est responsable des décisions individuelles de ses membres?
Avec la meilleure bonne foi du monde, est-ce que c'est lui qui va les
décider? Il va faire son possible, on doit présumer ça au
départ.
M. BELLEMARE: Le député...
M. LEVESQUE (Laurier): Mais pourquoi ces 70%...
M. BELLEMARE: ... s'y connaît mieux que cela en relation
patronale.
M. LEVESQUE (Laurier): ... qui frappent aveuglément, tandis que
toute loi normale enfin en autant que je le sache, à moins que
l'on retourne vraiment à une époque révolue doit
présumer que les gens vont obéir et prévoir des sanctions
sévères et précises qui atteignent les vrais responsables
de façon certaine, ce que ne fait pas cette
pénalité-là à mon avis.
Evidemment, ce n'est pas d'une importance extreme pour l'avenir de la
loi, on le sait, mais le gouvernement ne pourrait-il pas donner l'indication
dans sa réplique finale, tranquillement? Que ce morceau-là, qui
fait vraiment partie de l'essentiel, il s'agit de la vie d'une des parties...
On ne « zigonnera » pas sur les principes du bill, cela fait partie
de l'essentiel du bill, cela affecte directement la vie d'une des parties.
Pourquoi n'y aurait-il pas moyen de savoir si ce morceau-là ne peut pas
être éliminé? Evidemment, cela peut affecter un vote,
peut-être plus, mais pas assez pour affecter la loi.
Mais quant à moi, cela me permet de souligner ce que j'ai
déjà dit avec d'autres dans un autre coin de cette Chambre,
surgissant d'un autre endroit, et que je persiste à croire fondamental,
c'est-à-dire qu'on ne doit pas profiter de l'urgence, surtout
après tant de délais dont les responsabilités sont
partagées, une urgence qu'une seule partie n'a pas créée
exclusivement. On en est tous conscients, le gouvernement doit en être
conscient lui aussi, il a eu sa part à ça. Donc, on ne doit pas
profiter d'une urgence, qui est devenue criante au moment où nous
sommes, même si elle brûle, pour faire travailler le parlement un
peu comme un robot et lui faire passer trop vite des lois spéciales qui
risquent d'être excessives. Et cela me paraît d'autant plus vital
aujourd'hui que si j'occupe un nouveau fauteuil, c'est à cause d'une
idée de plus en plus certaine, que, de jour en jour, quant à moi,
comme bien d'autres, je me fais de l'avenir du Québec. Cette
idée, c'est que le Québec peut et doit sortir de vieilles
structures qui sont devenues paralysantes et qu'il doit oser librement prendre
charge de ses affaires à lui, assumer sa maturité collective,
c'est-à-dire, la responsabilité lucide de ses décisions,
de ses politiques et des institutions qui les régissent.
Or, bien sûr, ceci commande que l'on fasse aussi tout le maximum
qui est humainement possible, en attendant, pour se préparer le mieux
possible, pour s'habituer autrement dit à l'être, responsable,
comme société, calmement, devant les problèmes qui
surgissent, parce qu'il y en aura toujours dans n'importe quel contexte. Quant
à moi, ce à quoi j'ai décidé de travailler
maintenant, c'est que le contexte soit meilleur pour nous, pour faire
face au problème « res-ponsablement ». Mais, en attendant,
il n'est pas mauvais de prendre toutes les occasions de s'y préparer et
de s'y habituer et il n'est pas d'endroit qui me semble avoir plus le devoir de
faire ça que le parlement lui-même dans lequel nous sommes.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorion.
M. François Aquin
M. AQUIN: Pour la deuxième fois dans le présent parlement,
nous sommes amenés à jouer ce rôle un peu faux et aussi
nécessaire de poser un cataplasme sur une situation en une
journée, deux journées, alors que cette situation dure
déjà depuis des mois et que nous n'avons pas tous les
éléments de cette situation. Le conflit que nous avons devant
nous est le fruit de malentendus, de structures administratives
déficientes et aussi, dans une large mesure, de l'imprévi-sion du
gouvernement actuel et aussi de ceux qui l'ont précédé. Je
pense que je suis dans l'étude du principe du bill car ce bill a pour
but essentiellement d'assurer à la société un service qui
est le sien, et pour assurer ce service, elle doit donner un ordre à un
groupe de travailleurs de reprendre son travail. Il faut donc concilier dans le
présent projet de loi ce bien général de la
société, les droits d'un groupe de travailleurs qui sont
actuellement en jeu, et aussi, plus profondément, les droits du
syndicalisme au Québec. Voilà pourquoi il m'apparaît
essentiel de regarder, d'énumérer, c'est-à-dire,
très brièvement, les causes et les facteurs qui nous ont
amenés dans la situation actuelle et je ne crois pas m'éloigner
du principe du bill car vous verrez dans les conclusions du bref exposé
que je vais faire qu'il faut, dans les solutions que nous apportons à ce
litige, tenir compte des différents facteurs qui ont amené ce
litige. On a dit: Il n'est pas impossible qu'il y ait dans les facteurs de ce
conflit un conflit de personnalités. On a dit: Il n'est pas impossible
qu'il y ait aussi à l'arrière-plan de ce conflit un
phénomène de concurrence intersyndicale qui rend le contexte
excitable et les relations du travail extrêmement nerveuses. Il y a aussi
et je crois que c'est une vérité - l'action tardive du
gouvernement provincial dont le premier ministre intérimaire a
été le symbole pendant les dernières semaines. Mais il y a
avant tout l'absence de mécanismes, l'absence de critères dans la
loi, et lorsque ce parlement, unanimement, il y a quelques années a
voté le droit de grève dans la fonction publique, ce parlement
n'a pas assorti le droit de grève des mécanismes essentiels qui
pouvaient justement limiter à un certain moment les excès du
droit de grève, n'a pas mis aussi dans la loi les critères qui
étaient essentiels pour l'appréciation d'un juste salaire.
Lorsque j'ai parlé...
M. JOHNSON: D'accord.
M. AQUIN: ... d'imprévisions tout à l'heure, je pensais
surtout à cette imprévision. On a donné le droit de
grève d'une main mais on n'a pas prévu d'autre part ce qui
arriverait lorsque l'exercice trop prolongé de ce droit de grève
mettrait en danger le bien général. On a prévu une
chose...
M. JOHNSON: L'injonction.
M. AQUIN: ... et le chef de l'Opposition fédérale cet
après-midi nous l'a nommée, on a prévu une chose,
l'injonction.
M. BELLEMARE; Le quoi? Le chef fédéral? M. AQUIN: On a
prévu l'injonction.
M. JOHNSON: Est-ce que f ai bien compris? L'Opposition
fédérale?
M. AQUIN: Vous verrez par le texte que vous avez bien compris.
M. BELLEMARE: Le chef fédéral.
M. AQUIN: On a prévu l'injonction, et l'injonction est je crois
un mécanisme qui ne règle absolument rien dans la situation. Non
pas parce qu'il a été discrédité par des
gouvernements ou par des hommes politiques, non pas parce qu'il est aussi
discrédité en Ontario, mais parce qu'essentiellement, il
représente une intrusion judiciaire dans un conflit ouvrier à la
demande de pouvoirs politiques. Et cette entrée du judiciaire dans le
monde ouvrier à la demande du pouvoir politique subordonne d'abord d'une
manière malsaine le pouvoir judiciaire lui-même, d'une certaine
manière, au pouvoir politique et aussi dégrade à toutes
fins pratiques l'effet, la puissance, et, comme dirait le premier ministre, les
dents de cette procédure judiciaire. Ce qu'il fallait, c'était
mettre dans la loi les critères qui déterminent ou qui devraient
déterminer le salaire. Ces critères étant probablement la
conjonction ou le point où se rencontrent les rapports de force entre le
niveau de vie dans une société, l'économie d'un pays et
les profits d'une
entreprise lorsqu'il s'agit d'une entreprise privée.
Je vous donne uniquement un exemple, un pays comme celui de Trinidad a
une loi semblable, et je me surprends qu'au Québec, on n'ait pas encore
pensé à faire cette loi et à mettre dans cette loi les
critères absolument essentiel, selon moi, que je viens de
délimiter. Il y a aussi dans les facteurs qui ont amené ce
conflit et je pense que c'est un des facteurs les plus importants
le caractère faux des négociations. D'abord, la Commission de
transport de Montréal est un comité de la ville de
Montréal. Par contre, ce comité devrait être responsable
à plusieurs municipalités qui financent la Commission de
transport, mais il est responsable d'une manière purement
théorique. En fait, ces municipalités reçoivent un compte
de la Commission de transport et sont bien obligés de le payer.
Maintenant, dans les relations qui existent entre la Commission de
transport de Montréal et la ville de Montréal, cela a toujours
été, depuis des années, le jeu de cache-cache: la
Commission de transport disant: «Voici les finances de la ville ».
Et la ville disant: « Voici une décision de la Commission de
transport». La Commission de transport est donc ce
phénomène absolument unique d'une institution publique à
peu près responsable vis-à-vis personne et se conduisant dans un
conflit comme celui que nous envisageons exactement comme se conduirait une
entreprise privée. J'ouvre uniquement une parenthèse, c'est
d'ailleurs un phénomène assez constant dans le monde
administratif du Québec où les institutions publiques ont ainsi
des conduites d'entreprises privées et ne réalisent pas,
justement, les bienfaits de l'entreprise publique.
Or, cette Commission de transport, cette commission publique qui ace
cachet d'irresponsabilité, qui garde dans le secret une grande partie de
ses chiffres, qui garde dans le secret son budget, cette Commission de
transport négociait ou devait négocier avec le syndicat ouvrier.
Et c'est ce que j'appelle le caractère faux des négociations
parce que, véritablement, les ouvriers n'ont pas rencontré les
principaux responsables qu'ils devaient rencontrer. Les ouvriers ont
rencontré des mandataires, une sorte de paravent, mais jamais ils ne
sont allés au véritable responsable avec lequel ils auraient
dû négocier. C'est alors que je dois le souligner ce grand absent
des négociations qui est nul autre que le gouvernement, lequel,
immédiatement ou à long terme, a intérêt ou devrait
avoir intérêt à mettre de la cohérence, du bon sens
et de la rationalité dans la politique salariale non pas simplement de
sa fonction publique, mais aussi de toutes les fonctions publiques, qu'elles
soient municipales ou autres au Québec.
Lorsqu'on regarde les facteurs qui ont ainsi amené ce conflit, on
voit quelles sont, dans ce projet de loi, les réalités qui sont
en jeu. La première réalité, c'est le droit du public,
évidemment, à un service public. Droit du public qui devient de
plus en plus exacerbé par la longue absence de ce service, public qui
est devenu à toutes fins pratiques furieux et qui cherche un
responsable, et je le comprends, et qui, malheureusement, a peut-être
trouvé comme responsable la personne immédiate qui n'est pas
montée à la conduite de son autobus.
Mais ce droit public, contrairement, je pense, à ce qu'a dit le
ministre du Travail cet après-midi, n'est pas un droit absolu, car s'il
était un droit absolu cela voudrait dire qu'il n'y aurait pas de
grève, mais c'est un droit relatif, c'est-à-dire que je
suis d'accord à ce moment-là avec le ministre du Travail
il doit cesser à une certaine limite où vraiment le bien public,
le bien général a souffert à un point tel que
définitivement le parlement doit intervenir.
Deuxième réalité en jeu, c'est le droit de
grève lui-même qui est au fond le pendant du droit de
négociation et qui, dans notre système actuel, est à
toutes fins pratiques l'expression essentielle du syndicalisme.
La troisième réalité en jeu, c'est l'avenir de ce
syndicalisme. Ce syndicalisme québécois malgré ses
défauts, malgré parfois son manque de vision, est tout de
même le seul instrument qui permette d'espérer un jour que le
Québec devienne une véritable démocratie de participation.
Lorsqu'on se sera fatigué d'être coupé de la population par
l'écran de notables qui très souvent a empêché la
communication, il faudra justement puiser dans ces souches qui vont directement
aux masses et, à ce moment-là, il n'y a aucun doute que le
syndicalisme est un outil de choix et probablement le seul outil qui permettra
à ces gouvernements qui veulent établir une démocratie de
participation économique, sociale et culturelle de communiquer justement
avec la masse à la base.
Voilà pourquoi il est absolument important, ce soir, de bien se
poser la question: Est-ce que nous sommes en train de massacrer ce
syndicalisme? Est-ce que nous sommes entrain de le retarder pour plusieurs
années? Est-ce que nous sommes en train de l'handicaper dans la marche
en avant qui devrait être la sienne?
Une autre réalité, c'est que cette grève, selon
moi, significative, une grève importante historiquement. Comme toutes
les grèves significa-
tives et toutes les grèves importantes, elle est manifestement
non populaire. Quand tout le monde va piqueter un bon moment devant une usine,
c'est parce que très souvent ça ne signifie pas évidemment
au point de vue social grand-chose. Mais dans ce cas-ci, il y a vraiment un
conflit, il y a vraiment une déchirure, et je pense que nous devons
placer le débat là où il devrait être placé.
C'est que lorsqu'on écoute cette rumeur à l'effet que si les
salaires doivent monter, les billets doivent monter, au fond cette grève
pose pour peut-être une des premières fois au Québec le
coût des services sociaux dans une société
démocratique. A la toute limite d'une société de
participation dont je parlais le transport devrait être gratuit, mais
dans une société comme la nôtre, le transport doit avoir un
prix, mais un prix qui doit être payé et peut être
payé par l'usager dans la mesure de ses moyens, les moyens normaux de
l'usager.
Voilà pourquoi il ne faut pas concevoir la Commission de
transport de Montréal comme une entreprise privée qui doit solder
ses dépenses à même ses revenus, mais nous devons nous
poser la question lorsque le prix des billets est déterminé.
Est-ce que c'est un prix qui est payable par l'ensemble de la population pour
se voiturer à son travail? C'est ça la question importante, et on
a laissé planer dans ce conflit la rumeur, la possibilité, qu'une
hausse de salaire voudrait dire dans une large mesure une hausse des billets.
Ceci je pense a pourri le climat et, dans une très large mesure, c'est
peut-être une des causes qui ont irrité la population et l'ont
irrité faussement parce qu'on avait justement placé le
débat sur un terrain ou il ne devrait jamais être
placé.
La dernière réalité qui est en jeu dans ce conflit
et dans ce projet de loi qui essaie de le résoudre, c'est du
côté du pouvoir public, du côté de l'Etat du
Québec. Il y a manifestement la nécessité urgente d'une
politique salariale planifiée dans tout le domaine public au
Québec. En Suède je pense qu'on a beaucoup mieux que la pilule du
ministre du Travail québécois parce que la planification
salariale est faite au tout début et non pas à la fin. Lorsqu'on
décide d'une planification salariale en Suède ou en
Norvège, on invite les représentants de l'entreprise
privée ici le cas ne se pose pas, mais dans le cas de la
Commission des transports on invite les représentants de l'entreprise
privée et leurs experts, les représentants de l'entreprise
publique et leurs experts, les syndicats et leurs experts et là on
détermine une politique salariale, une politique salariale qui,
étant déterminée et planifiée à l'avance, a
pour but d'abord d'éviter toute émotivité du conflit
syndical et du conflit ouvrier, de permettre une cohérence et une
rationalité dans la politique des salaires et aussi de rendre, à
toutes fins pratiques, ce qui ici serait un actif considérable, toute
concurrence intersyndicale impossible.
Je pense que c'est à ce moment-là que l'on doit
éviter les conflits parce qu'autrement il est évident, comme le
disait un éditorialiste ce matin dans le Devoir, que nous avons la
politique de la boule de neige et que chaque pouvoir public essaie de boucher
des trous ici ou là et que, finalement, plus on va moins on a de
cohérence et de rationalité dans la politique salariale des
pouvoirs publics qui devrait exister au Québec.
Lorsque je considère les facteurs qui ont amené le conflit
et lorsque je considère aussi les réalités qui sont en jeu
et je termine sur ceci je me dis: Il y a des solutions à
ce conflit. Les solutions du bill comportent d'abord un retour au travail, et
je pense que tous les législateurs ici sont d'accord sur la
nécessité de ce retour au travail. Les solutions du bill
comportent aussi une période obligatoire de négociation suivant
le nouvel amendement et, là, je vous le dirai dans un instant, j'ai des
doutes sur l'efficacité de cette période obligatoire de
négociation si on n'a pas prévu d'autres mécanismes pour
rendre cette période possible. Elles comportent aussi l'arbitrage et,
dans la lumière de ce que j'ai dit tout à l'heure, cet arbitrage
se bute justement à l'absence de mécanismes et à l'absence
de critères dans notre loi.
Un arbitre actuellement au Québec, dans un conflit du travail, me
fait penser dans une large mesure à un juge qui devrait juger sans code.
Evidemment, on peut dire qu'il va juger suivant l'équité et la
bonne conscience, mais qu'est-ce que l'équité et la bonne
conscience dans un domaine justement aussi serré, aussi tendu que le
domaine d'un conflit ouvrier? Le juge, l'arbitre, n'a pas de bases, il n'a pas
de critères d'une politique salariale et il n'a pas devant lui les
véritables représentants des parties intéressées.
Car j'insiste sur ce point que j'ai soulevé tout à l'heure, il
est essentiel, selon moi, que dans le cas de pouvoirs publics à
Montréal le gouvernement soit vraiment une partie aux débats car
il est vraiment, ou il devrait être vraiment intéressé par
l'escalade toujours possible des salaires qui peut se faire dans ce secteur de
la province qui est au fond le secteur le plus nombreux et le plus
déterminant.
Dans les solutions du bill, il y a aussi les dents dont a parlé
le premier ministre et lorsque l'on fait l'analyse de ces dents,
évidemment je pense que tout le monde est frappé par
la menace exorbitante de la « décertification »
possible d'un syndicat. Et, à la lumière de ce que je disais tout
à l'heure de la nécessité de maintenir en vie ici au
Québec un syndicalisme vraiment dynamique, vraiment actif, cette menace
exorbitante, injuste, car il est toujours possible que le syndicat ne soit pas
responsable de cette pénalité, je pense que cette menace
exorbitante fait peser une sorte d'atmosphère de tragédie, je le
dis sans vouloir dramatiser la situation, sur le rôle que nous devons
assumer ce soir et cette nuit dans ce parlement.
Dans le conflit que nous traversons, je suis d'abord parfaitement
d'accord avec les solutions qui ont été pronées par mon
prédécesseur, de rencontres cette nuit et demain matin. Tout ce
qui peut être mis en oeuvre devrait être mis en oeuvre. Dans les
solutions, évidemment, la première qui frappe, je pense, l'esprit
unanime de cette Chambre, c'est le retour au travail. La seconde solution, qui
est plutôt une attitude qu'une solution, ce serait le devoir que nous
nous donnerions chacun de nous de nous empêcher de juger et de trancher
ce débat, car qui sommes-nous ici? Quels sont les renseignements que
nous avons, nous qui n'avons pas assisté aux négociations,
lesquelles ont été tenues dans un secret relatif? Qui sommes-nous
pour décider qui a tort des deux parties?
Et, dans ce cas-ci, il faut bien soulever qu'une des étapes de ce
conflit qui a peut-être le plus envenimé le conflit a
été justement le rapport du juge Chevalier qui est
peut-être un rapport bien détaillé, qui est peut-être
un rapport bien fondé, mais qui a donné à peu près
à tout le monde l'impression qu'il était beaucoup plus comme on
l'a dit et redit un jugement qu'un rapport, qu'une opinion.
Il ne faudrait pas, je pense, que nous, nous rendions un jugement, il ne
faudrait pas que nous, nous rendions une sentence. Et un point sur lequel nous
sommes encore tous d'accord, c'est la nécessité de la reprise des
négociations. Cependant, comme la Commission de transport de
Montréal est cette institution que j'ai décrite tout à
l'heure, comme elle a refusé depuis des semaines maintenant de faire
face aux négociations, comme il y a évidemment ces relations
humaines qui se sont envenimées, je pense et c'est une suggestion
que je fais si nous voulons que ces négociations puissent avoir
une certaine valeur, si nous voulons d'abord qu'elles se fassent, il est
essentiel parce que ce n'est pas tout d'ordonner à des gens de
négocier de bonne foi et de bonne volonté. La bonne foi et la
bonne volonté ça ne revient pas toujours du jour au lendemain.
Alors, si nous voulons que ces négociations se fassent, je pense qu'il
est essentiel que le gouvernement fasse ce qu'il a déjà fait dans
un autre cas et qu'il nomme un syndic ou un représentant qui assumerait
au sein de la Commission de transport de Montréal la
responsabilité des relations ouvrières pendant la durée du
présent conflit.
Ce syndic, appelons-le ainsi, aurait pour but d'abord de garantir
l'ouvrier contre toute forme de représailles de la part de la
société et, en ce sens-là, il serait une garantie morale,
une sorte d'ombudsman, il aurait aussi pour but d'assurer l'objectivité
au sein d'une commission qui depuis plusieurs semaines est maintenant prise et
engagée dans un conflit où l'émotivité finit
nécessairement par avoir sa part et ceci sans blâmer personne. Il
aurait pour but aussi de représenter à la fois le gouvernement,
les intérêts généraux de la population et de tenir
compte des intérêts particuliers du groupement ouvrier qu'il a
devant lui, et je pense que ce syndic pourrait rendre possible une certaine
publicité des négociations qui fait que lorsque cette question,
si jamais elle a à revenir devant cette Chambre, revienne devant une
Chambre informée, devant une opinion publique informée et des
législateurs informés.
Ceci m'apparaîtrait la première étape, une
étape qui pourrait prendre un laps de temps d'un mois ou deux mois. J'ai
dit d'abord que j'étais d'accord sur un retour Immédiat au
travail et ceci m'apparaîtrait ensuite la première ou la
deuxième étape, si l'on considère le retour au travail
comme une étape, la deuxième étape importante. Et,
à ce moment-là je pense qu'après il serait toujours
possible à ce parlement de se réunir de nouveau pour prendre la
décision qui s'impose, qui serait peut-être l'arbitrage non
obligatoire, l'arbitage obligatoire ou qui serait peut-être si
ceci est dans deux mois la promulgation ou l'étude de cette loi
qui est essentielle ici et qui comporterait des mécanismes de
négociation et puis des critères pour l'évaluation des
salaires et les critères aussi et les mécanismes pour assurer une
véritable planification salariale. Ceci m'apparaît la solution qui
permettrait d'assurer le retour au travail immédiat et de prendre toutes
les mesures possibles par la nomination de ce syndic pour qu'il y ait de vraies
négociations, car je crois que dans le moment il n'y a pas eu de vraies
négociations d'une part parce qu'on négociait par personnes
interposées, comme je l'ai expliqué, et d'autre part parce que la
situation se tendait, eh bien plus on se regarde dans des cas semblables, moins
on se comprend.
Evidemment devant des législateurs qui sont aussi, que nous
sommes aussi des hommes po-
litiques, donc très intimement reliés à l'opinion
publique, évidemment le pouvoir de l'opinion publique ce soir ne peut
pas faire autrement que de peser assez lourdement sur cette Chambre et il n'y a
aucun doute que le Montréalais est fatigué dans une grande mesure
de marcher et veut son service de transport à Montréal.
Le Montréalais lui n'a pas été faire la recherche
des véritables responsabilités, Il veut son service de transport,
et je pense que nous le voulons tous. Il ne veut pas cependant, ce
Montréalais, décapiter, handicaper un syndicat et, à
travers ce syndicat, ralentir la marche en avant du syndicalisme au
Québec. Peut-être que la grève est impopulaire, mais
j'espère que jamais on ne donnera l'impression que nous nous sommes
servis d'une grève impopulaire pour la tourner dans un mouvement
antisyndical. Ceci n'est le désir de personne.
M. BELLEMARE: Non, non.
M. AQUIN: Ceci n'est le désir de personne, donc il faut ordonner
le retour au travail, mais il faut aussi prendre les mesures ce soir, demain
matin pour cette rencontre préliminaire dont a parlé le
député de Laurier et, si cela ne fonctionne pas, prendre aussi
les mesures pour assurer, par la nomination d'un syndic, une période de
négociations qui serait des négociations constructives. Si on ne
veut justement pas, non pas simplement donner l'impression, mais
peut-être la certitude que nous voulons tourner ce mouvement en un
mouvement antisyndical, je demande au gouvernement de retrancher cette peine de
la décertification du syndicat qui est inutile avec les peines qui sont
déjà prévues dans ce projet de loi, qui sont
déjà amplement suffisantes pour convaincre les bonnes
volontés qui pourraient être chancelantes à un certain
moment.
Il faut assurer à la société, à la
société de Montréal, son droit au service public, mais il
faut aussi ordonner à un groupe syndical de retourner au travail.
Cependant, en lui ordonnant, il faut lui donner la possibilité non pas
d'aller à un arbitrage qui ne réglera rien, parce que cet
arbitrage, comme je l'ai dit, se trouvera dans les mêmes
déficiences administratives que celles que nous connaissons. Mais,
justement, à travers une négociation qu'on aura rendue fructueuse
par la nomination de ce syndic, eh bien, on permettra à ces
négociations de vraiment aboutir. Il ne faut pas de toute façon,
je pense, dans ce cas-ci, agir négativement, il ne faut pas trancher le
débat, il ne faut pas laisser peser de menaces sur le syndicalisme. Je
pense que l'heure que l'on traverse, les hom- mes qui sont venus à
Québec, les travailleurs qui, à Montréal,
s'inquiètent, ceux qui, dans d'autres secteurs, n'ont peut-être
pas encore compris pleinement la solidarité qui devrait grouper tous les
travailleurs du Québec, mais qui commencent à se demander si,
à un certain moment, on ne décapitera pas ce syndicat lundi
matin, uniquement à cause d'un article qui est un article dangereux, qui
n'a pas été, je le redis, placé là de mauvaise foi,
bien au contraire, je pense qu'après la journée de discussions
que nous avons eue, devant la gravité de la situation, devant les
menaces mêmes de cette situation. Le gouvernement devrait repenser
à cet article, devrait enlever cet article qui permet la
décertification et devrait, cela je le soumets, nommer ce syndic au sein
de la Commission de transport de Montréal qui permettrait, lui, des
négociations constructives.
En ce qui a trait au retour au travail, donc, moi je suis parfaitement
d'accord, en ce qui a trait aux négociations, j'y al mis une condition,
et en ce qui a trait à la vie, à l'existence et à la
survie du syndicalisme au Québec, parce que c'est comme ça que
cela peut tourner, eh bien, je demande au gouvernement d'enlever cet article
qui menace le syndicat de décertification, et je pense que chacun, dans
un cas aussi grave et moi dans mon vote nous devrons ensuite
prendre nos responsabilités.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. AQUIN: Nous ne sommes pas trop nombreux, nous.
M. LE PRESIDENT: L'honorable premier ministre.
M. Daniel Johnson
M. JOHNSON: Je serai bref, du moins je vais tenter de l'être. Il y
a toujours possibilité d'interruptions qui nous amènent, M. le
Président, dans des digressions. Il n'est peut-être pas
nécessaire que je parle longuement, puisque le ministre du Travail en
présentant le projet de loi a très bien couvert le terrain et
qu'il est certainement capable de donner la réplique aux arguments
sérieux qui ont été apportés et certainement
capables de rabrouer de la bonne façon ceux qui ont employé des
arguments qui n'étaient pas sérieux. Cependant, mon silence
serait peut-être interprété soit comme un manque de
courage, soit comme dénotant évidemment une condition pas tout
à fait parfaite. Et même le registre de voix que j'ai ce soir
pourrait accréditer de nouveau certaines fausses
rumeurs. Je n'ai qu'à vous donner une seule explication: tomber
de 75 degrés à 41 degrés, ça nous donne quelquefois
de ces réactions qui s'appellent un petit rhume passager, je
l'espère, et je crois de plus que c'est de mon devoir comme chef du
gouvernement, de replacer dans une juste perspective le problème qui
tendait, à cause des interventions des députés des
oppositions, à se déplacer.
Le ministre du Travail a donné la chronologie des
événements, et je crois que même le chef de l'Opposition a
été fortement impressionné par la diligence qu'a
apportée le ministre du Travail et le cabinet entre le 20 septembre 1967
et la date d'aujourd'hui...
M. BIENVENUE: Seigneur, honte!
M. JOHNSON: M. le Président, je crois que nous aurions
été blâmés si, après avoir accordé le
droit de grève à l'unanimité, nous n'avions pas permis
à des gens de l'exercer. Il faut quand même être logique.
Deuxièmement, il nous fallait tenter tous les efforts avant d'en venir
à la convocation d'une session. Parmi ces efforts je n'y
reviendrai pas il y a la conciliation, la médiation par le juge
Chevalier, l'intervention personnelle du ministre, l'intervention du premier
ministre intérimaire que je remercie en passant pour le travail
formidable qu'il a accompli. Il pourra certainement se dire que je ne lui ai
pas passé le meilleur des douze mois de l'année. Travail du
premier ministre intérimaire, travail extraordinaire du cabinet et
convovation de session. Lors d'une conversation téléphonique avec
le député de Saint-Jacques, nous avions songé à
convoquer une session pour la fin des derniers jours de la semaine
dernière et le député de Saint-Jacques m'a dit: Ce serait
intolérable, ce serait un tollé, tous les gens diraient que c'est
un coup en bas de la ceinture, que vous voulez saboter un certain
congrès que j'aurais au moins empêché un massacre.
M. le Président, j'ai, cependant...
M. LAPORTE: C'est grave.
M. JOHNSON: Cependant, M. le Président, au moment où nous
songions à prendre cette décision un nouveau facteur est
intervenu, une nouvelle lueur d'espoir, c'était cette intervention du
ministre au sujet du CWS, expression pour laquelle paraît-il, il n'y a
pas de traduction: « Cooperative work study or system ».
M. MALTAIS (Saguenay): C'est cold water system.
M. JOHNSON: I am sorry. C'est pour le député de
Notre-Dame-de-Grâce ça. Coopérative.
M. MALTAIS (Saguenay): C'est close water service.
M. JOHNSON: C'est donc cette lueur de règlement sans loi
d'exception qui a motivé le Cabinet dans sa décision de ne pas
appeler la semaine dernière les Chambres. Pourquoi avons-nous
retardé? J'ai cru qu'un dernier effort de la part du gouvernement,
qu'une convocation par le premier ministre pourrait peut-être amener les
parties à lâcher un peu leur attitude très raide. J'avais
espéré les faire consentir à se rencontrer, mais les jeux
étaient faits. Je m'en suis aperçu au bout d'une dizaine d'heures
de travail avec ces messieurs. Il n'y avait rien à faire. Je suis
désolé, très désolé que nous ayons eu
à convoquer les Chambres.
Tout le monde admet qu'il doit y avoir un retour au travail. Tout le
monde admet que les usagers ont droit à la restauration des services.
Tous les députés de cette Chambre, libéraux, Union
Nationale, indépendants, représentant l'éventail le plus
formidable, le plus considérable qu'on puisse imaginer au point de vue
de la formation, du milieu social, de la doctrine sociale, tout le monde veut
le retour et admet qu'il doit y avoir un retour. Sauf qui? Les syndicats.
Est-ce qu'ils peuvent avoir raison contre tout le monde dans la
province? Je dis non. Je dis que ce fut une erreur et c'est ce que j'ai
tenté de démontrer aux responsables, qu'ils faisaient une erreur.
Je comprends cependant parce que j'ai eu de l'expérience dans ma
carrière de jeune avocat dans ce domaine que des fois on se place dans
des positions irréversibles en matière de négociation, et
tout de suite je voudrais dire au député de Laurier et au
député de Dorion ce que j'ai dit aux chefs ouvriers: Il manque un
mécanisme quand il s'agit de négociation avec le secteur public
et évidemment, à plus forte raison, quand il s'agit de
négociation avec le gouvernement.
Cela ne peut pas créer un bon climat que de forcer des
représentants de syndicats à négocier avec celui qui peut
instantanément se transformer en juge. C'est le cas des
négociations des syndiqués avec le gouvernement, c'est le cas des
négociations des employés civils, des fonctionnaires avec le
gouvernement, mais c'est aussi, dans une certaine mesure, le cas des
enseignants avec les commissions scolaires, puisque le gouvernement y est et
doit y être ayant à solder une bonne partie de la note quand ce
n'est pas sa totalité. C'est le cas aussi pour la Commission de
transport de Montréal.
J'admets donc qu'il y a la une déficience, qu'il y a là
une carence d'un mécanisme adéquat qui permettrait au syndicat de
pouvoir plaider en toute tranquillité, sans crainte du gourdin d'une loi
ou du gourdin d'une hausse de taxes, où un syndicat aurait la chance de
démontrer que telle ou telle commission, que tel ou tel service
gouvernemental ou telle ou telle agence gouvernementale ne peut pas payer
davantage parce qu'elle est mal administrée, parce que les tâches
sont mal rétablies dans la gérance. Il nous faudra donc, comme je
l'ai promis publiquement au nom de mes collègues, avec les parties
intéressées, les centrales syndicales et le Conseil
supérieur du travail, en arriver à établir pour le secteur
public un mécanisme qui sera adéquat.
M. le Président, déficience ou non dans notre code, nous
étions devant une situation de fait. Aurions-nous dû agir plus
tôt? Le ministre du Travail a expliqué pourquoi nous ne l'avions
pas fait et je pense bien avoir complété le tableau. Pour
empêcher qu'il y ait confusion dans l'opinion publique il faut bien
distinguer, comme je le disais brièvement cet après-midi, entre
les négociations auxquelles le gouvernement est appelé à
participer directement, comme dans le cas des radiologistes, et cette
négociation entre les syndicats et associations d'une part et la
Commission de transport de Montréal d'autre part.
M. le Président, dans le cas de négociations directes, on
pourra nous reprocher de n'avoir pas bien agi, de n'avoir pas choisi les bons
arbitres, de n'avoir pas fourni les chiffres à temps, de n'avoir pas
fait la publicité nécessaire. On pourra nous faire tous ces
reproches-là, mais quant à la Commission de transport de
Montréal, comme l'a bien démontré le député
de Sainte-Anne, il s'agit d'un organisme de la ville de Montréal et non
pas de la province, même si nous avons une responsabilité quant
à la nomination du président. C'est la seule.
M. le Président, le problème de subvention, le
problème de financement à même d'autres sources que les
revenus « billets », c'en est un qui mérite d'être
étudié. Le député de Laurier, lui, voudrait, comme
son collègue le député de Dorion, que nous fassions une
petite séance de deux heures. Ou ils n'ont pas d'expérience en
négociation ces messieurs-là, ou je dois dire que leur
suggestion, ils l'ont lancée tout simplement pour la publicité.
Tout récemment, avant-hier, j'ai accepté de recevoir les
radiologistes. On m'a dit que ça allait durer une demi-heure et j'ai
été attelé à l'affaire vingt heures de suite.
Ou on n'a pas d'expérience quand on fait cette suggestion d'une
petite audition de deux heures. Si on croit qu'au bout de deux heures, on aura
appris assez du problème pour pouvoir se prononcer mieux que ce soir, on
est un peu naïf. Ce serait évidemment une excellente tribune, mais
ça n'avancerait pas le règlement du problème et ça
n'avancerait pas non plus beaucoup les connaissances des
députés.
Il y en a un qui connaît très bien le problème de A
à Z: c'est le ministre du Travail. Dans tous les détails. Le
premier ministre intérimaire, le député de Saint-Jacques,
le connaît joliment le problème, et d'autres collègues qui
ont travaillé à la rédaction de la loi. Nous ne sommes pas
ici pour ça. Nous ne sommes pas ici pour régler les
détails.
Nous ne voulons pas le faire. Ce n'est pas notre rôle de le faire,
sauf que nous sommes prêts à répondre aux questions
pertinentes, c'est-à-dire les questions qui portent sur le pourquoi de
tel ou tel article, car chacun de ces articles a été
formulé avec beaucoup de soin, reformulé avec beaucoup de soin
jusqu'à six, sept ou huit fois quand ce n'est pas douze fois. Je dispose
tout de suite d'une critique, celle des démissions. Il y a une sorte de
courage qui est extrêmement difficile, c'est celui d'aller à
l'encontre de certains mythes. Il y a un mythe, c'est que jamais il n'y a
d'imperfection dans les syndicats. Ce n'est que le gouvernement ou le patron.
Nous recevons des téléphones d'employés qui nous disent
qu'ils ont été forcés de donner leur démission.
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. JOHNSON: Or, nous avons rédigé l'article non pas
seulement pour protéger des gens qui sont en faveur de la grève,
mais aussi pour protéger un droit qui est sacré, celui d'aller
travailler sans avoir peur d'aller travailler. Nous sommes tous des humains; ce
n'est pas moi qui va me scandaliser s'il y a des problèmes du
côté des syndicats comme il y en a du côté des
patrons. Il y a des mythes qu'il va falloir crever un jour ou dont il va
falloir parler en toute franchise. Le député de Laurier parlait
du budget de la CTM, pourquoi nous ne le connaissons pas. Il a raison
là-dessus et devant ce syndic, cet arbitre ou ce juge où nous
pourrons aller en toute liberté discuter de la valeur administrative de
certaines commissions du gouvernement ou des municipalités, on fera
connaître ces chiffres-là dans le mécanisme que nous
voulons établir. Mais il faudra aussi songer, et il ne faut pas
l'oublier, qu'il y a six cent mille syndiqués dans la province. Il y a
un minimum de $24 millions de cotisations par année et ça
ne tient pas compte des retenues à la source; ça ne tient
pas compte du salaire minimum, des retenues pour ceci et cela et personne n'est
obligé en vertu d'aucune loi de rendre compte à aucun de ses
membres. Je ne dis pas cela sur un ton agressif, mais je veux qu'on
établisse bien l'équilibre, que les torts ne sont pas tous du
même côté, les torts théoriques. Je ne suis pas
entré dans le conflit en question sauf pour dire très simplement
que, premièrement, les positions étaient irréductibles de
part et d'autre, quelles que soient les causes de cet état de chose, que
les personnalités sont fortes et que malgré tous les efforts,
tous les mécanismes de la loi, les interventions des gens qui doivent en
vertu du code du travail intervenir: le travail du ministre,
député de Champlain, le premier ministre intérimaire et
celui qui vous parle, il n'y a pas eu moyen. Donc, une loi. Nous aurions
été très heureux, tous et chacun de nous si le retour au
travail s'était fait sans loi. Pourquoi a-t-on insisté? Chacun
jugera. Nous aurions été heureux parce que, comme je l'ai
déclaré publiquement mardi dernier, nous ne voulons pas à
l'occasion de cette session et c'est clair aujourd'hui
régler tout le problème.
Si on savait les pressions qui ont été faites à
tous et chacun des députés certainement à des
députés de l'Opposition aussi en faveur de l'abolition du
droit de grève immédiat dans tout le secteur public, M. le
Président, on comprendrait que le gouvernement n'a pas perdu la
tête. Tous et chacun des députés, j'en suis certain, ont
reçu des représentations: Abolissez donc le droit de
grève... Quand vous le leur avez accordé, ils vous ont convaincus
qu'ils avaient la maturité nécessaire pour l'exercer sans en
abuser, et la preuve est maintenant faite qu'il y a eu des abus. Nous avons
dit: Non, ce n'est pas la façon de régler le problème. Il
faut régler le conflit et, dans la sérénité,
trouver un moyen, non pas d'abolir le droit de grève, mais de
l'organiser de telle façon que les abus soient moins faciles qu'ils le
sont aujourd'hui, et ça, c'est un minimum.
M. le Président, nous aurons l'occasion, dans la session
régulière, de discuter de ces sujets, mais je voulais dire
à cette Chambre et à la population du Québec que nous
avons résista à ces pressions et à la tentation
très grave qui nous était offerte de profiter d'un climat
favorable pour poser un geste pareil.
Nous avons tout essayé, y inclus l'injonction. Très
brièvement, je voudrais dire, à l'adresse du chef de l'Opposition
surtout, que sa thèse est extrêmement faible. L'injonction, il est
vrai que nous avons dit, au moment de l'adoption de la loi du code du travail
et de ses amendements, que ça ne serait pas un instrument efficace. Et
les événements nous ont donné raison. Les
événements nous ont donné raison. Je ne crois pas que nous
ayons déprécié les tribunaux ou dévalorisé
les juges en disant dans cette Chambre, comme nous croyions que c'était
notre devoir de le faire, que les injonctions ne seraient pas un remède
efficace. Nous avions tout frais à la mémoire, à ce
moment-là, ce qui venait de se passer dans d'autres provinces et dans
d'autres pays.
Cependant, on nous a reproché, précisément par la
bouche du chef de l'Opposition, dans cette même Chambre, de n'avoir pas
utilisé les injonctions dans d'autres grèves. Nous avons pris une
décision, cette fois-ci, de les utiliser pour voir...
M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le premier ministre me
permet une question?
M. JOHNSON: Pourquoi pas?
M. LEFEBVRE: Très bien Est-ce que le premier ministre...
M. JOHNSON: Je l'ai fait tantôt, pourquoi n'aurais-je pas dû
le faire?
M. LEFEBVRE: Je n'ai pas saisi votre remarque. Je la lirai au journal
des Débats. Ma question est la suivante: Est-ce que le premier ministre
voudrait expliquer à la Chambre pourquoi, dans le cas des travailleurs
des syndicats de la Commission de transport de Montréal, aucun avis
préalable n'a été donné à la partie adverse
lors de l'émission des injonctions, tandis qu'il y en a eu dans le cas
des radiologistes?
M. BELLEMARE: C'est faux.
M. JOHNSON: M. le Président, c'est justement... Je suis
très heureux d'avoir permis la question; on va éclaircir le
problème. Dans le cas des ouvriers syndiqués de la CTM, il n'y a
pas eu d'avis préalable. Il n'y en a pas eu dans l'autre non plus.
M. BELLEMARE: Jamais.
M. JOHNSON: Mais l'avocat était là...
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M. JOHNSON: ... sentant venir l'affaire, il s'est trouvé
là.
M. LEFEBVRE: Est-ce que le premier ministre pourrait nous donner des
explications supplémentaires?
M. JOHNSON: Pardon?
M. LEFEBVRE: Si vous permettez une question supplémentaire...
UNE VOIX: Laissez répondre.
M. LEFEBVRE: ... à la suite de la réponse que vous venez
de donner, est-ce que vous voudriez indiquer à la Chambre pourquoi
l'injonction dans le cas des ouvriers de la CTM a été
émise par un juge de Québec, plutôt que d'être
émise naturellement par un juge de Montréal?
M. BELLEMARE: C'est la même chose.
M. JOHNSON: M. le Président, d'abord parce que c'est permis;
deuxièmement, parce que...
M. BELLEMARE: C'est dans la loi.
M. JOHNSON: ... le siège du gouvernement est à
Québec et, dans l'espèce, le siège social de la CSN est
à Québec.
M. LEFEBVRE: C'est faux. Le premier ministre est mal informé, le
siège social de la CSN est maintenant à Montréal depuis
plusieurs années»
M. JOHNSON: Depuis trois mois?
M. LEFEBVRE: Trois ou quatre années, je crois.
M. JOHNSON: Deux mois?
M. LEFEBVRE: Non, trois ou quatre ans.
M. MALTAIS (Saguenay): Trois ou quatre ans.
M. JOHNSON: Trois ou quatre ans.
M. LEFEBVRE: Oui.
M. JOHNSON: En tout cas...
M. MALTAIS (Saguenay): Tout le monde sait ça.
M. JOHNSON: ... je m'excuse si... M. le Président, on comprend
pourquoi; à Québec, la CSN est bien représentée,
d'ailleurs. Elle a un bon bureau, elle a des avocats et les demandes
d'injonction ont été annoncées la veille dans les deux
cas. La coutume est établie de les prendre à Québec,
surtout depuis l'affaire des instituteurs et dans d'autres causes. A part cela,
comme on le sait, le jugement du juge Dorion a exigé, avant que ne soit
complétée au point de vue légal la signification, qu'il y
ait une publicité de faite dans tous les quotidiens ainsi qu'à la
télévision et dans les postes de radio.
M. le Président, voilà donc ce que je voulais demander au
député d'Ahunstic: Peut-il m'expliquer pourquoi un syndicat
sérieux ne veut pas se rendre à une injonction, à une loi
du pays, une loi du parlement, une loi qui a été adoptée
à l'unanimité, même si elle n'est pas parfaite?
M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le premier ministre sait
que cette chose-là est en appel?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je ne puis pas permettre la réponse
que l'honorable député d'Ahunstic semble disposé à
donner, car je crois qu'en permettant cette réponse, il y aurait danger
d'ouvrir une porte et d'enfreindre d'une façon assez marquée les
dispositions bien impératives de notre règlement quant à
ceux qui peuvent répondre à des questions qui sont susceptibles
de leur être posées.
M. JOHNSON: M. le Président, donc ayant épuisé tous
les moyens, nous arrivons devant vous dans cette Chambre et nous devons nous
prononcer en deuxième lecture sur ce projet de loi qui sera
amendé en comité plénier par des amendements
déjà préparés et distribués au chef de
l'Opposition et aux députés indépendants et par d'autres
amendements aussi que l'on voudra bien nous apporter et qui seront bienvenus,
si l'on croit que c'est une façon de rendre la loi plus efficace, moins
odieuse, plus respectueuse des droits des deux parties. M. le Président,
on dit: Pourquoi ces pénalités et la décertification?
D'abord, il ne faudrait pas présumer que l'on va manquer à la
loi, mais, par ailleurs, il ne faudrait pas faire un reproche aux
législateurs d'édicter des peines au cas où Il y aurait
manquement à la loi.
Imaginez-vous, à un moment donné, comment on pourrait
tempêter contre le parlement fédéral qui a
édicté un code criminel complet, qui a donc présumé
qu'un jour il y aurait des infractions, des crimes de commis. Nous devons faire
la même chose dans la législation et il y a là un truisme;
si on se soumet à loi, il y a tout un chapitre qui ne sera jamais
appliqué, c'est celui des pénalités.
M. BELLEMARE: C'est ça.
M. JOHNSON: M. le Président, il y a des pénalités
de prévues, d'attachées à l'injonction, mais ça n'a
pas été suffisant pour convaincre les parties de retourner au
travail. Croyez-vous que nous allons réunir les Chambres pour
édicter une loi qui serait moins sévère, qui
prévoirait des sanctions moins efficaces?
On remarquera, lors de l'étude en comité, que nous avons
adouci les peines prévues dans le droit commun ou dans le code de
procédure civile quand il s'agit des individus, mais elles sont
considérablement plus fortes quand il s'agit des institutions patronales
ou ouvrières.
M. le Président, la décertification n'est pas un
remède ou une pénalité nouvelle. Nous imitons ce qui a
été fait par deux gouvernements libéraux dans le reste du
Canada et par un gouvernement du Crédit social. Nous pourrions,
lors-qu'arrivera cet article, en discuter. Je ne veux pas élaborer pour
le moment, mais ce que nous voulons, c'est nous assurer qu'il y aura retour au
travail, qu'on aura intérêt à retourner au travail. Nous
n'avons pas l'intention de rappeler les Chambres dans une semaine ou dans dix
jours. Alors, nous devons le mieux possible tout prévoir.
M. le Président, retourner au travail dans quelles conditions? Il
fallait prévoir une continuité, il fallait prévoir que les
ouvriers soient régis par les conventions, par un genre de convention
collective, éviter en somme qu'ils tombent tous sous l'effet d'un
contrat individuel. C'est pour ça que nous avons prolongé les
conventions antérieures, que nous donnons force de loi aux ententes
déjà écrites et que nous ajoutons le
bénéfice des offres les plus hautes, contenues soit dans la
dernière proposition de la ville, soit dans le rapport du juge
Chevalier, et ce rétroactivement au 12 juillet. On estime pour fins de
discussion il y a des modalités, des fractions de cents
que la base était de $2.76. Elle sera pour ceux qui retourneront au
travail de $3.05 sans tenir compte des bénéfices marginaux, ce
qui ferait $3.64. C'est donc une augmentation de $2.76 à $3.05...
M. GERIN-LAJOIE: Le ministre du Travail l'a dit dans son discours cet
après-midi.
M. JOHNSON: Donc, M. le Président, au-delà de dix...
M. BELLEMARE: Quoi?
M. GERIN-LAJOIE: Nous avons écouté le ministre du Travail
cet après-midi.
M. LESAGE: Il a dit tout ça.
M. JOHNSON: M. le Président, on nous a informés que dans
les négociations antérieures, le point de référence
c'était toujours la convention, soit de Toronto, soit de Vancouver. On
prenait la plus avantageuse. Le juge Chevalier s'est basé, lui, sur la
convention de Vancouver qui est la plus généreuse et qui n'est
pas encore en vigueur. Elle entrera en vigueur le 1er décembre. Il a cru
faire là un bon coup. Il a cru qu'il était
généreux. L'a-t-il été assez ou non? Nous ne le
savons pas, et nous ne le saurions pas au bout de deux heures de réunion
d'un comité ici à Québec, mais voyons à ce que la
négociation reprenne et devant le négociateur ou
éventuellement devant l'arbitre, là on saura si c'est suffisant,
oui ou non. Et si par hasard il y avait une injustice, le parlement peut
toujours corriger les injustices.
M. le Président, tout le monde admet, sauf le chef de
l'Opposition, que l'injonction est un remède qui n'est pas efficace et
qu'il faudra établir des mécanismes. Dois-je vous dire, M. le
Président, que l'expérience que nous avons en politique nous
indiquait très bien ce à quoi nous nous exposions en agissant
comme nous agissons aujourd'hui. Des simplifications, des rapprochements, des
appels à la démagogie, c'est facile.
Ce qui est moins facile, c'est prendre... M. GERIN-LAJOIE: Des
décisions.
M. JOHNSON: ... ses responsabilités, même au risque de
perdre la faveur de gens pour qui nous avons beaucoup d'estime,
individuellement. Mais devant notre devoir, nous n'hésitons jamais. On
nous fait le reproche, M. le Président, de prendre notre temps et c'est
la litanie du chef de l'Opposition qui, avec ses talents...
M. BERTRAND: D'acteur... en dramatisant.
M. JOHNSON: ... d'acteur qu'il a tout jeune développés sur
les scènes collégiales et universitaires...
M. GERIN-LAJOIE: Est-ce que le premier ministre est aussi jaloux que
ça?
M. JOHNSON: ... entre autres dans cette fameuse pièce
intitulée: Le baiser de minuit où il était...
M. LESAGE: A l'ordre, M. le Président!
M. LAPORTE: Attendez encore une heure et quart.
M. JOHNSON: Le chef de l'Opposition avec...
M. GERIN-LAJOIE: Le premier ministre arrive d'Hawaï, il a l'esprit
de vacances.
M. JOHNSON: C'est formidable combien j'ai pensé au
député de Vaudreuil-Soulanges à Hawaï.
M. LESAGE: Il faudrait que le premier ministre revoie les titres des
pièces de théâtre.
M. GERIN-LAJOIE: Ah! Il aurait dû m'envoyer un
télégramme, je serais allé le rejoindre.
M. LAPORTE: Aloa, aloa!
M. BERTRAND: Il aurait été mieux là.
M. JOHNSON: Le choix est meilleur à Hawa'i. Dans tous les
domaines. Cela arrive toujours à un homme quand il est trop vieux ou
fatigué. M. le Président, donc,...
M. PINARD: C'est ce qui est arrivé, vous vous êtes
fatigué.
M. JOHNSON: Pardon?
M. PINARD: Pour moi c'est ça qui est arrivé. Vous vous
êtes fatigué.
M. JOHNSON: Ce sont les libéraux qui m'ont fatigué.
M. LAPORTE: Ah, pauvre vous, vous allez y aller souvent à
Hawa'i!
M. JOHNSON: Et j'ai souffert, j'ai souffert dans le plus profond de mon
âme avec le chef du parti libéral quand j'apprenais par les
journaux et les communications téléphoniques par quelle crise de
conscience il passait, ayant à choisir...
M. LACROIX; On ne peut pas parler des vôtres!
M. JOHNSON: ... M. le Président, entre son coeur et ses
intérêts politiques.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je suis convaincu que le premier
ministre parle du principe du bill dans le moment.
M. JOHNSON: Oui. M. le Président, je m'excuse, j'ai
été entraîné sur cette voie facile et
agréable d'un voyage.
M. GERIN-LAJOIE: Les grèves d'Hawâi.
M. JOHNSON: Voici, M. le Président, en terminant...
M. LESAGE: Oh oui, il n'y a que ça! M. JOHNSON: En terminant...
pardon?
M. LESAGE: Il demande s'il y a des grèves par là. Je dis
qu'il n'y a que ça.
M. GERIN-LAJOIE: Le premier ministre prenait goût aux
grèves.
M. JOHNSON: Mais aux Etats-Unis...
UNE VOIX: Le premier ministre était sous les palmiers...
M. JOHNSON: ... sur la côte du Pacifique, sur la côte
canadienne du Pacifique, à Hawaï, il y a des grèves.
M. LESAGE: Il y a de belles plages.
M. JOHNSON: Il y a des problèmes d'éducation, Il y a ces
problèmes de transformation sociale dont parlaient le
député d'Ahuntsic et le député de Dorion. Il y a
ces crises d'ajustement à notre monde moderne, Il y a dans tous ces pays
des problèmes qui ressemblent énormément aux nôtres.
Nous n'avons pas...
M. LESAGE: Est-ce qu'il y a une baisse de la natalité?
M. JOHNSON: Oui, il y a même une baisse de la
natalité...
UNE VOIX: Il ne faudrait pas y envoyer le chef de l'Opposition.
M. JOHNSON: ... aux mauvais endroits. M. LESAGE: Ce ne serait pas
chanceux.
M. JOHNSON: M. le Président, il faudrait que nous nous rendions
compte, nous, dans cette Chambre, et toute la population, qu'il n'y a pas lieu
d'être pris de panique parce que nous avons des problèmes. Nous
l'avons proclamé bien des fois, nous croyons au syndicalisme. Nous
regrettons qu'avec le chef d'une certaine centrale ce soient les gens
relativement mieux payés qui sont syndiqués alors qu'il y en a
les deux tiers dans les échelles les moins élevées qui ne
le sont pas. Nous regrettons cette situation et nous espérons que le
syndicalisme
va se développer. Mais le syndicalisme dans la province de
Québec, tant que nous aurons un mot à dire, devra demeurer le
syndicalisme et ce ne sera jamais le gouvernement. Il ne fera pas marcher le
gouvernement.
M. le Président, je respecte ceux qui ne partagent pas ma
conception de la société. On a le droit de croire à
certaines doctrines sociales, à une certaine organisation de la vie
sociale, mais on ne nous fera pas accepter ou voter des législations par
le biais. Qu'on se fasse élire si on veut les faire adopter et qu'on les
fasse adopter ici en Chambre!
Nous ne faisons pas ça pour le plaisir de braver, mais nous le
disons parce que c'est nécessaire que ce soit dit dans cette province:
Le climat qui est en train de se créer à cause des conflits
ouvriers fait plus de tort à l'économie du Québec que les
discussions théoriques sur les questions constitutionnelles.
M. BELLEMARE: D'accord!
M. JOHNSON: Car je me refuse à croire qu'on va nous ostraciser
lorsque nous prenons des attitudes nationalistes; c'est peut-être le
prétexte pour couvrir un autre véritable motif qui est celui de
l'insécurité des placements, des investissements à cause
d'un manque d'ordre. L'insécurité ne vient pas des
réclamations; tout le monde a le droit de réclamer, personne ne
va prétendre qu'un ouvrier à $120 par semaine, c'est trop
payé, avec les obligations qu'il a et le coût de la vie. Personne
ne va prétendre en cette Chambre qu'ils sont trop payés, mais
personne n'admettra certaines méthodes que l'on veut prendre ou que l'on
a prises dansle passé.
Deuxièmement, tout le monde admet qu'il faut une politique
rationnelle qui couvre non seulement le secteur public, mais
éventuellement le secteur privé. Si nous voulons relever les
classes qui ont le plus besoin d'être aidées et faire avancer le
niveau de vie, non pas seulement pour un petit groupe, mais pour la
collectivité, il faudra, comme certains députés de
l'Opposition l'ont dit, avoir une politique globale dans ce domaine des
salaires, dans toute la mesure où c'est possible quand on est dans un
Etat fédéral. Et c'est moins facile dans un Etat
fédéral que dans un Etat unitaire, il faut l'admettre au
départ.
M. le Président, je voudrais donc, ce soir, après avoir
félicité de nouveau le ministre du Travail, remercier tous les
députés de cette Chambre de s'être rendus au complet, sauf
quelques-uns pour des raisons majeures, et deuxièmement, d'avoir le sens
des responsabilités au point de vouloir unanimement adopter le principe
du bill, quitte à faire des suggestions que nous sommes prêts
à accueillir et à accepter ou même à proposer si
nous croyons qu'elles améliorent la loi.
M. le Président, je vous remercie d'avoir renoncé à
un voyage qui vous plaisait énormément. Je sais que vous l'avez
fait sans aucune amertume sachant que c'était votre devoir d'être
ici et je suis heureux de voir que vous êtes en bonne santé et que
vous êtes aussi alerte sinon plus que vous ne l'étiez à la
fin de la session.
M. le Président, je ne répondrai pas aux accusations qu'on
nous a lancées, sauf pour rappeler aux gens que nous avons dû
accepter une succession au mois de juin 1966 sans bénéfice
d'inventaire. L'héritage était...
M. GERIN-LAJOIE: Après coup, est-ce que vous pensez que vous
auriez dû refuser?
M. JOHNSON: ... extrêmement lourd.
M. LAPORTE: Il est encore temps de vous en aller!
M. JOHNSON: Et notre plus grande surprise a été de
constater que la situation était encore plus grave que celle que nous
dépeignions pendant la campagne électorale à l'aide de
renseignements fragmentaires.
M. LAPORTE: C'est clair qu'elle l'est devenue!
M. LESAGE: C'est bien le bill 1?
M. JOHNSON: Bien, c'est une réponse à un argument du chef
de l'Opposition, et je m'excuse d'avoir pris le temps de la Chambre pour
répondre à un argument auquel personne ne croit. Tout le monde
sait que l'héritage qui nous a été laissé, y inclus
l'héritage d'un code du travail, était un héritage assez
difficile à administrer, et je puis dire au chef de l'Opposition qu'il
aura jusqu'en 1974 au moins le temps de se faire la main dans l'Opposition
à la condition qu'on ne lui fasse pas ce qu'il a fait à
d'autres.
M. LE PRESIDENT: La motion de deuxième lecture du bill 1 est-elle
adoptée?
M. LESAGE: Vote. DES VOIX: Voteî
M. BELLEMARE: M. le Président, je voudrais que ce soit un vote
enregistré qui soit pris. J'ai le droit à une réplique en
deuxième lecture.
M. LAPORTE: Dispensé.
M. BELLEMARE: C'est facile dans l'Opposition. Vous avez des solutions
spontanées. Mais je reviendrai lors de l'étude en comité
sur certains points en particulier.
UNE VOIX: Dispensé.
M. BELLEMARE: Merci. Alors, M. le Président, je demande un vote
enregistré.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Que les honorables députés qui sont en faveur de
l'adoption de la motion en deuxième lecture du bill 1: Loi assurant aux
usagers la reprise des services normaux de la Commission de transport de
Montréal, veuillent bien se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Lebel, Johnston, Vincent,
Dozois, Bellemare, Gosselin, Gabias, Masse, Allard, Russell, Lafontaine,
Loubier, Tremblay (Chicoutimi), Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Mathieu,
Charbonneau, Bernatchez, Gagnon, Gauthier (Roberval), Sauvageau, Lavoie
(Wolfe), Flamand, Lussier, Morin, Fréchette, Gauthier (Berthier),
Léveillé, D'Anjou, Beaudry, Desmeules, Grenier, Bergeron, Martel,
Leduc (Laviolette), Demers, Tremblay (Montmorency), Martellani, Bousquet,
Simard, Proulx, Croisetière, Plamondon, Théoret, Roy, Shooner,
Hamel, Gardner, Picard (Dorchester).
MM. Lesage, Gérin-Lajoie, Pinard, Laporte, Courcy,
Lévesque (Bonaventure), Arsenault, Kierans, Lafrance, Lacroix, Brown,
Parent, Hyde, Wagner, Cliche, Mme Kirkland-Casgrain, Binette, LeChasseur,
Harvey, Coîteux, Lavoie (Laval), Blank, Beaupré, Fortier, Cadieux,
Fournier, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Théberge, Maltais (Saguenay),
Lefebvre, Bienvenue, Bourassa, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Leduc
(Taillon), Michaud, Pearson, Picard (Olier), Saindon, Saint-Germain, Tremblay
(Bourassa), Hanley, Séguin.
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont
contre l'adoption de la motion en deuxième lecture du bill 1: Loi
assurant aux usagers les services normaux de la Commission de transport de
Montréal veuillent bien se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Lévesque (Laurier), Aquin.
M. LE GREFFIER: Pour: 99 Contre: 2 Yeas: 99 Nays : 2
M. LE PRESIDENT: Je déclare la motion de deuxième lecture
du bill 1 adoptée. L'honorable ministre du Travail propose que je quitte
maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité
plénier pour l'étude du bill 1, Loi assurant aux usagers la
reprise des services normaux de la Commission de transport de Montréal.
Cette motion est-elle adoptée? Adopté.
M. LEBEL (Président du comité plénier): Bill 1,
article premier.
M. HOUDE: M. le Président, considérant que tout le monde
semble d'accord sur l'urgence du retour au travail des employés de la
CTM, considérant également que, pour des milliers et des milliers
de citoyens, le transport en commun est le seul moyen de se véhiculer,
considérant également que c'est une des dernières fins de
semaine, pour des milliers et des milliers de gens encore une fois, de visiter
l'Expo, je ne comprends pas et je me demande pourquoi on indique « 48
heures,» plutôt que d'indiquer « retour au travail
immédiatement, » d'autant plus qu'il y a à peine une
dizaine de jours on a réussi, je pense, dans un laps de temps
très court, à faire circuler un certain nombre d'autobus et
même une partie du métro. Alors je voudrais savoir pourquoi on
indique « 48 heures, » plutôt que l'expression «
immédiatement » et pourquoi il ne serait pas possible de changer
ça.
M. JOHNSON: Evidemment, M. le Président, le député
pose là une question que nous nous sommes posée nous-mêmes:
Pourquoi pas immédiatement? Pourquoi pas dans 24 heures?
Immédiatement, comme le dit la loi fédérale, par
exemple...
M. LESAGE: Il y a eu les deux formules dans les lois
fédérales!
M. JOHNSON: ... c'est tout simplement parce que la section des
pénalités, pour que la loi soit moins compliquée, est
attachée à quelques articles dont l'article 1.
Deuxièmement; il est clair, tout le monde le sait, qu'à la CTM il
y a une rotation d'employés. Il y en a qui s'adonneront à
être en congé, qui ne pourront pas entrer dans 24 heures, mais
seulement dans 48 heures. Il y a certaines réparations à faire
probablement, certains hommes de garage qui ne pourraient pas entrer dans les
24 heures, dont ça ne serait pas le tour d'entrer et qui seraient
peut-être absents de la province, c'est en fin de semaine.
Troisièmement, c'est un maximum.
Rien n'empêche les gens d'entrer immédiatement, mais nous
ne voudrions pas faire courir les pénalités tout de suite
à partir de 24
heures quelles que soient les pénalités.
M. LESAGE: Est-ce que le premier ministre me permet? Si le texte demeure
ce qu'il est; « dans les 48 heures », ça veut dire que lundi
matin, si les employés ne retournent pas avant les 48 heures, il n'y
aura pas d'autobus, il n'y aura pas de transport en commun. Si l'on disait par
exemple dans les 24 heures, étant donné que le bill peut
être sanctionné après minuit, ça voudrait dire qu'il
faudrait qu'au plus tard à minuit dimanche soir le service recommence.
Je pense que ça serait là un délai raisonnable, que la
Commission de transport de Montréal pourrait mettre en ordre son
équipement, ce qui est beaucoup moins long que ne peut l'être
l'équipement des chemins de fer à travers tout le pays, ça
je pense bien que le premier ministre va l'admettre. Et pour ce qui est des
pénalités, eh bien, je suis sûr que si quelqu'un est en
vacances, il a une excellente défense. Je pense que si l'on disait dans
les 24 heures pour le bien de la population de Montréal, pour que la
population de Montréal puisse au plus tard lundi matin se rendre au
travail en utilisant les services du transport en commun, je pense que nous
réussirions à atteindre notre but et, pour ce qui est des
pénalités, il ne faudrait pas trop se faire de formalités
parce qu'en fin de compte seul le procureur général, il faut la
permission du gouvernement pour poursuivre.
M. JOHNSON: M. le Président, je tiens pour acquis comme mes
collègues que devant une loi votée à l'unanimité,
les ouvriers vont retourner. Alors 48 heures, c'est le maximum. Nous ne
voudrions pas...
M. GERIN-LAJOIE: On ne peut pas tenir ça pour acquis.
M. JOHNSON: C'est un maximum. Alors pourquoi ne retourneraient-ils pas
avant s'ils ont l'intention d'y retourner? Je pense bien que...
M. LESAGE: Bien, nous avons affaire à des syndicats
dirigés, n'est-ce-pas? Et je pense bien que...
M. JOHNSON: Qu'est-ce que ça veut dire dirigés?
M. LESAGE: Eh bien, je pense que le premier ministre nous a donné
des explications qui sont peut-être allées un peu trop loin dans
ce domaine-là, à ce sujet-là lors de son intervention en
deuxième lecture, je ne suis pas prêt à aller aussi loin
que lui, mais il y a des chefs syndicaux qui donnent des directives. Alors je
suis sûr que si à la suite du débat que nous avons
présentement, nous disions: « dans les 24 heures »,
tranquillement dans la journée de dimanche les employés
retourneraient au travail et lundi matin les services seraient à la
disposition des usagers. Je pense que, pour le bien de la population de la
région de Montréal, on devrait inscrire « les 24 heures
» parce que c'est le gouvernement qui peut poursuivre pour ce qui est des
pénalités.
M. JOHNSON: M. le Président, d'abord les chemins de fer canadiens
ont un équipement puis un nombre d'employés beaucoup plus
considérables, mais ils ont aussi plusieurs sections, plusieurs
secteurs...
M. LESAGE: Bien oui.
M. JOHNSON: ... plusieurs bureaux régionaux, etc.
Deuxièmement...
M. LESAGE: C'étaient les locomotives à vapeur...
M. JOHNSON: ... je voudrais insister sur ce fait que, dans notre esprit
à nous, et devant une loi semblable, les ouvriers voudront
retourner.
Il y aura évidemment peut-être quelques personnes qui
voudront faire de l'agitation, mais nous n'avons pas le droit de penser qu'ils
n'ont pas l'intention de retourner devant la loi.
M. LESAGE: Non, non.
M. JOHNSON: Alors, pourquoi ne pas retourner de bonne humeur, ne pas
attendre jusqu'à la fin pour rien? J'ai rencontré les directeurs
des cinq différentes associations. Ce sont des gentilshommes sur le plan
personnel, je pense que...
M. MALTAIS (Saguenay): Ils sont tous contents?
M. JOHNSON: ... si j'avais le temps, je ferais de la médiation,
mais c'est comme certains libéraux, sur le plan personnel, ils sont
formidablement sympathiques. C'est quand ils montent sur des estrades... Mais
nous ne pouvons pas...
M. LESAGE: Inscrivez au moins les 36 heures, pour que les gens aient des
autobus et le métro lundi matin.
M. JOHNSON: Oui, mais je ne veux pas
prendre pour acquis qu'on ne retournera pas, même demain, qu'on ne
commencera même pas demain...
M. GERIN-LAJOIE: Mais qu'est-ce que le législateur veut?
M. LESAGE: Bien oui, mais ce qu'il faut mettre dans la loi, c'est...
M. MALTAIS (Saguenay): Ne prenons pas de chance.
M. LESAGE: ... le désir du législateur. Or le désir
du législateur, je pense bien, c'est que les travailleurs de la
région de Montréal puissent avoir à leur disposition les
services de transport en commun au plus tard lundi matin. Alors, 48 heures,
cela veut dire 40 heures...
M. ROY: Tantôt vous étiez trop sévères,
là vous ne l'êtes pas assez!
M. JOHNSON: M. le Président...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que je pourrais vous dire
qu'on peut se dispenser des insignifiances d'un certain député de
Joliette.
M. ROY: M. le Président... M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. JOHNSON: M. le Président, le désir du
législateur, c'est le retour immédiat en rotation, et...
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: ... le législateur fait confiance au syndicat, aux
ouvriers et espère même qu'ils vont commencer demain à
retourner à l'ouvrage. Us ont le droit de retourner à l'ouvrage
demain. Ils ne sont pas obligés d'attendre à dimanche, mais nous
imposons aussi à l'article 4, on l'aura remarqué, des obligations
au syndicat. Alors, il faut quand même donner le temps au syndicat, aux
officiers, de réunir leurs gens, de leur recommander de retourner
à l'ouvrage et de discuter avec leurs membres de ça.
M. LESAGE: M. le Président, je propose formellement l'amendement
suivant, c'est que le chiffre 48 qui apparaît à la
quatrième ligne de l'article 1 soit remplacé par le chiffre
24,
M. BELLEMARE: M. le Président, parlant sur la motion...
DES VOIX: Vote! M. LESAGE: Vote!
M. BELLEMARE: ... que vient de faire l'honorable chef de l'Opposition,
je lui ferai remarquer aussi que son argument porte à faux, parce qu'il
dit: pour lundi matin au moins. Ses 36 heures...
M. LESAGE: Vingt-quatre.
M. BELLEMARE: ... et cela ne peut pas arriver. M. le Président,
il faut absolument et je pense que c'est l'économie de toute la
loi qui est ici cela a été pensé, cela a
été discuté. On a consulté, M. le
Président.
Il faut un délai normal, aux syndicats d'abord pour reprendre
leur travail et à la compagnie pour remettre en circulation et avec tous
ses effectifs le métro qui est une partie importante de la Commission de
transport et aussi les autobus, ainsi que tout son personnel et ça, M.
le Président, ça ne peut pas se faire dans une limite de temps
moindre que 48 heures. M. le Président, on donne...
M. KENNEDY: C'est faux, M. le Président.
M. BELLEMARE: M. le Président, les compagnies connaissent
l'économie de leur système et je pense que les ouvriers voudront
demain ou dans la journée de demain se rapporter au travail. La loi ne
dit pas que c'est limité à 48 heures, il peuvent prendre tous les
délais voulus. Alors, M. le Président, je pense que sur cet
article nous sommes bien prêts à voter.
DES VOIX: Vote.
M. LE PRESIDENT: Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement
proposée par l'honorable chef de l'Opposition veuillent bien se
lever.
Que ceux qui sont contre la motion veuillent se lever. 51. La motion est
rejetée.
M. LESAGE: Quel est le vote?
M. LE PRESIDENT: 51 à 46.
M. BELLEMARE: Article 2.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BELLEMARE: ... c'est l'article 2...
M. KENNEDY: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Article 1, adopté.
M. KENNEDY: M. le Président, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de
modifier l'article 1 pour que...
UNE VOIX: L'article 1 est adopté.
UNE VOIX: Il est voté avec l'amendement.
M. KENNEDY: De toute façon, je pense que je peux revenir quand
même sur l'article 2. Est-ce qu'on ne pourrait pas modifier l'article de
façon qu'on dise que le métro, tout le monde sait qu'il est
déjà en marche, soit, qu'il devienne au service du public
à partir de lundi matin et que évidemment le service sur la
surface, c'est une autre chose. Cela prend 12 heures ou 15 heures pour mettre
ça en marche. Je pense qu'il y a une distinction à faire dans
ça, là, parce que le métro tout le monde sait
ça à Montréal est en marche, c'est la chose la plus
ridicule qu'il n'y a pas, le métro est en marche, il y a des gens qui le
font circuler, le syndicat l'a admis, seulement qu'il y a une chose c'est que
les gens ne peuvent pas s'en servir.
Alors, il est en marche, il n'y a pas de problème. Est-ce qu'on
ne pourrait pas mettre dans ça un paragraphe ou quoi que ce soit pour
que lundi matin il soit à la disponibilité du public? Cela fait
déjà assez longtemps qu'on en est privé.
M. BELLEMARE: Je suis assuré que l'honorable député
a bien compris l'article.
M. KENNEDY: Oui, oui.
M. BELLEMARE: C'est pour donner une obligation formelle à la
compagnie d'avoir à faire démarrer dans les 48 heures son service
complet. Or, elle peut, si la compagnie le décide, commencer si des
employés reviennent au travail, commencer à fonctionner, c'est la
limite. C'est l'obligation que nous avons pensé mettre dans la loi pour
obliger la compagnie, elle aussi, à donner un service adéquat
dans les 48 heures.
M. KENNEDY: Je suis d'accord avec ça, mais je comprends que toute
la loi c'est une obligation pour la compagnie et le syndicat, je suis d'accord
avec ça. Mais tout le monde sait actuellement que le métro est en
marche, le syndicat a consenti à ce que certains employés
retournent au travail pour faire fonctionner le métro, pour
maintenir...
M. BELLEMARE: Non, seulement le service du pompage.
M. LEDUC (Taillon): Les pompiers.
M. BELLEMARE: Les pompiers, et on a retrouvé le tuyau à
Rivard aussi. Article 3.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Article 2, adopté? Adopté.
Article 3.
M. BELLEMARE: Article 3, c'est pour qu'aucune mesure disciplinaire...
Adopté.
M. LE PRESIDENT: Adopté, article 4. M. LESAGE: Un instant.
M. CHOQUETTE: A l'article 4, j'aurais un amendement à soumettre.
Voici. La lecture de l'article 4 nous force à conclure que cet article
est rédigé avec imprécision quant à l'obligation
Imposée aux associations accréditées, quant à leurs
obligations vis-à-vis leurs membres, or je pense qu'on reconnaît
qu'il faut que, dans un texte de loi, l'obligation qui est imposée
à une personne le soit avec précision. Dans le cas actuel, je
vois qu'on impose l'obligation de prendre les moyens appropriés. Or,
quels sont les moyens appropriés pour amener les membres d'une telle
association à se conformer à l'article 1, c'est-à-dire
à retourner au travail? On ne prescrit aucun moyen.
Je dis donc qu'on ouvre la porte ici à des interprétations
fort diverses, des obligations qui seraient imposées aux associations
accréditées. D'autant plus que, comme vous le savez, à
l'article 17, il y a une pénalité assez forte qui est
dictée a l'égard d'une association accréditée qui
ne se conforme pas à l'obligation très vague qui est
stipulée à l'article 4. Par conséquent, je soumets qu'il
serait dans l'ordre de préciser l'obligation des associations
accréditées de révoquer les ordres de grève qu'ils
ont donné dans le temps. Leur obligation, par conséquent, serait
d'informer les membres de leur syndicat que les déclarations,
autorisations ou ordres de grèves à eux communiqués avant
l'entrée en vigueur de la présente loi sont invalidés par
la mise en application de la présente loi. Par conséquent, le
résultat du texte que je propose serait d'imposer une obligation bien
précise et bien déterminée aux associations qui sont
responsables en vertu de l'article 4, elles sauraient précisément
quelle sont leurs obligations en vertu de la loi que nous nous préparons
à voter et elles seraient tenues de s'y conformer. Je pense qu'il est
dans l'intérêt non seu-
lement du public, ni plus ni moins, disons en général,
qu'on sache quelle est l'obligation imposée a ces associations, et je
soumets qu'il est même dans l'intérêt de ces associations
qu'on leur précise leurs obligations de façon à ce que,
s'il y avait infractions de commises, elles sauraient exactement à quoi
elles sont exposées.
Maintenant, ce texte que je propose est fondé sur le texte de
l'article 5, de la loi qui avait mis fin à la grève des chemins
de fer en 1966.
UNE VOIX; A Ottawa.
M. CHOQUETTE: A Ottawa, et je pense qu'il n'est pas
précisément dans le texte qui se trouvait à Ottawa puisque
ce texte imposait l'obligation aux négociateurs qui
représentaient les associations. Or, dans le texte
présenté par le gouvernement actuel à la Chambre, on a
fait porter, je pense à juste titre je ne fais pas de reproches au
gouvernement sur ce plan je pense à juste titre qu'on fait porter
des responsabilités précises sur les associations
accréditées. Mais je soumets que ces obligations qu'on veut leur
imposer, il est dans l'intérêt de tout le monde qu'elles soient
suffisamment bien précisées, et c'est la raison pour laquelle je
propose cet amendement.
M. BELLEMARE: M. le Président, je comprends l'esprit dans lequel
l'honorable député propose cet amendement. Cela rencontre une
chose, un élément de la question, seulement un et les autres, ce
sont la participation personnelle ou la démonstration par des
assemblées ou des rencontres et les moyens appropriés qui peuvent
être pris comme ils ont déjà été pris pour
l'affaire, pour demander à leurs membres de revenir au travail. Ce sont
des moyens appropriés. Tous les autres moyens appropriés sont
seulement ça.
M. LE SAGE: Mais comment pouvez-vous imposer une obligation aussi vague?
Cela équivaut à ne pas imposer d'obligation du tout.
M. BELLEMARE: Non, non. Rendre tousles moyens appropriés qui
sont...
M. LESAGE : Mais comment pouvez-vous accuser quelqu'un de ne pas les
avoir pris?
M. BELLEMARE: Le juge, si, à un moment donné, il y a une
obligation d'aller devant les tribunaux, l'appréciera.
M. LESAGE : S'il y a une obligation précise et
déterminée.
M. CHOQUETTE: Oui, mais c'est ce qu'il ne faut pas, justement. Je pense
que l'honorable ministre du Travail se trompe. Si c'est ouvert à trop
d'interprétations possibles...
M. BELLEMARE: Si l'honorable député veut me laisser finir.
Je n'ai pas d'objection à l'entendre bien religieusement, mais je
dis...
M. CHOQUETTE : Je n'en demande pas tant, vous savez.
M. BELLEMARE: Les moyens appropriés, c'est par exemple convoquer
des assemblées très rapidement. Ils connaissent les moyens qu'ils
peuvent prendre pour demander un retour au travail.
C'est connu. On sait, M. le Président, quand on négocie
sur le plan des négociations patronales-ouvrières, dans certaines
industries, qu'il y a toujours une question de retour au travail, et là,
M. le Président, des moyens appropriés sont pris par le syndicat
pour demander de retourner au travail. Vote.
M. LESAGE: Sur division.
M. LEFEBVRE: Sur cette question-là, il m'apparaît
absolument impossible, compte tenu des pénalités qui sont
imposées dans la loi. Ecoutez, je comprends qu'il est tard, mais il faut
être sérieux. Compte tenu des pénalités qui sont
imposées contre ceux qui transgressent l'article 1 et l'article 4, il
m'apparaît invraisemblable qu'on propose un texte aussi vague que
ça, parce que je ne prétends pas que le gouvernement ou qui que
ce soit soit mal disposé, mais s'il arrivait que le gouvernement ait
quelque vengeance à exercer contre quelque dirigeant syndical que ce
soit...
DES VOIX: Ah, ah!
M. LEFEBVRE: Je n'ai pas prétendu cela, mais f ai dit, M. le
Président on dira tous les ah! ah! qu'on voudra et les «
tiguedis » aussi ce que je prétends c'est que ça n'a
aucun sens de dire qu'on doit prendre tous les moyens appropriés pour
amener les membres. Alors si un chef syndical ne va pas chercher ses membres,
disons, dans sa voiture pour les conduire lui-même à
l'ouvrage...
M. BELLEMARE: Ce n'est pas ça.
M. LEFEBVRE: Non, non, c'est ça. Tandis que le texte qui est
proposé par le député d'Outremont vous ferez ce que
vous voudrez et
on fera ce que l'on voudra mais nous autres le texte qui est
proposé par le député d'Outremont dit que les associations
doivent immédiatement informer les membres du syndicat que les
déclarations ou autorisations ou ordre de grève à eux
communiqués avant l'entrée en vigueur de la présente loi
sont invalides par la mise en application de la présente loi. Cela,
c'est raisonnable. Mais dire qu'il doit prendre tous les moyens
appropriés, je ne vois pas quel juge va pouvoir interpréter
ça, et ça m'inquiète d'avance si c'était
interprété avec certains préjugés dont certaines
personnes ont fait preuve, y compris dans cette Chambre, à l'endroit du
syndicalisme. Alors, quant à moi, je suis sûr que je ne pourrais
pas voter pour l'article 4...
M. JOHNSON: Si le député d'Ahuntsic veut bien comprendre
en trois minutes, ou deux minutes, je vais lui expliquer la situation. Si on
présumait que les juges et le procureur général qui doit
autoriser toutes les poursuites avaient la même mentalité, non pas
qu'a le député, mais qu'il démontre dans ses propos,
là il faudrait être très spécifique. On ne prendrait
aucun risque et aucune poursuite sans qu'elle ne soit autorisée par le
procureur général.
Deuxièmement, ce que le député d'Outremont ne
devrait pas oublier, lui qui est avocat, c'est que cette notion de bon
père de famille, de moyens appropriés, c'est vieux comme le code
civil.
M. LESAGE: Oui, mais c'est vague.
M. CHOQUETTE: Cela ne s'applique pas au droit pénal?
M. JOHNSON: C'est vieux comme le code civil.
M. LESAGE: Oui, mais au point de vue pénal...!
M. JOHNSON: Troisièmement, les syndicats se feraient, par
l'amendement, indiquer un geste précis à poser. Cela serait
commode sur les « hustings » de dire: Ils nous ont même
forcés à passer une résolution. Ce qui nous
intéresse, nous, c'est qu'ils retournent. Les syndicats, les moyens
appropriés, ils les connaissent pour faire sortir les hommes et ils les
connaissent pour les faire rentrer.
M. BELLEMARE: Contre les injonctions.
M. JOHNSON: Ils les connaissent pour les faire obéir à des
injonctions, et ils les connaissent pour les faire désobéir aux
injonctions.
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Ils savent comment utiliser la publicité. Ils ont des
agences de publicité. C'est bien fait, c'est magnifiquement
organisé. Alors les moyens appropriés, ils les connaissent Le
procureur général n'a pas une mentalité de
persécuteur, et le juge qui sera assis sur le banc ne doit pas
être présumé imbécile.
M. CHOQUETTE: M. le Président, pour répondre au premier
ministre, je lui rappellerai que nous ne sommes pas en droit civil, que nous
sommes en droit pénal et qu'en droit pénal on doit indiquer
strictement l'obligation à laquelle la personne est tenue. Il n'est pas
suffisant de donner des instructions « at large », des instructions
générales qui peuvent être interprétées
n'importe comment, comme l'a fait le premier ministre tout à l'heure
dans son argumentation, puisque tout à l'heure il a dit: « Ils
connaissent les moyens à prendre, ils prendront les moyens
nécessaires ». Je reviens à une argumentation qui a
été faite devant cette Chambre. On est en train de passer une
législation à toute vapeur et puis le premier ministre raisonne
à toute vapeur. Je m'étonne que le premier ministre, qui a une
formation juridique je comprends ça du ministre du Travail,
ça je le comprends facilement mais de la part du premier
ministre, je me demande ce que son séjour dans le Pacifique...
M. BELLEMARE: A l'ordre! A l'ordre! Vous en avez assez dit!
M. CHOQUETTE: Il me semble que le premier ministre, depuis assez
longtemps, a quitté la terre de cette province et qu'il est un peu
éloigné des principes qui sont généralement
acceptés ici.
M. BELLEMARE: Cela, c'est bien fin!
M. CHOQUETTE: Et puis, sans aller sur les « hustings
»...
M. LOUBIER: Le bill!
M. BELLEMARE: M. le Président...
M. CHOQUETTE: ... sans aller sur les « hustings », M. le
Président, je pense que nous avons quand même le droit et le
devoir de voir à ce que la loi soit bien faite, même s'il faut
qu'elle soit passée rapidement. Nous avons le droit de préciser
quelles sont les obligations qui sont imposées au syndicat afin que
leurs membres reviennent au travail. Cette
obligation, elle est essentiellement de révoquer l'ordre de
grève et...
DES VOIX: Vote!
M. CHOQUE TTE: Vote, vote! Et quand on va au deuxième
alinéa de l'article 17, on s'aperçoit que toute personne qui
incite, qui encourage et qui fait quelque chose qui entraîne à la
commission de l'infraction précisée à l'article 4, est
passible des mêmes sanctions. Alors, M. le Président, je ne peux
pas admettre, moi, ce genre de législation-là, et je ne fais pas
de politique ici. Je veux simplement que les parties sachent exactement
à quoi s'en tenir. Je ne veux pas de législation vague telle que
nous le propose le gouvernement et telle que le raisonne le premier
ministre.
M. LESAGE: Sur division, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: La motion d'amendement de l'honorable
député d'Outremont est rejetée sur division. Article 4,
adopté? Adopté. Article 5, adopté? Adopté. Article
6, adopté? Adopté. Article 7? Adopté. Article 8?
Adopté. Article 9?
M. BELLE MARE: Une minute!
M. JOHNSON: Un instant, il y a un amendement.
M. BELLE MARE: Une minute, il y a un amendement là.
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai fait parvenir au chef de
l'Opposition quelques copies d'amendement...
M. LESAGE: M. le Président, est-ce que le premier ministre aurait
une copie additionnelle, parce que les copies que j'ai eues m'ont
été enlevées. Avec mon consentement tout de
même.
UNE VOIX: Le député de Laurier!
M. JOHNSON: Dans l'article 8 actuel, on réfère à un
article qui va devenir l'article 10, si l'article 9 est adopté.
Alors, je propose que l'on suspende l'article huit et que l'on
étudie l'amendement...
M. LESAGE: Je sais que le député de Chambly a un
sous-amendement assez important à proposer.
M. JOHNSON: A l'article neuf? M. LESAGE: A l'article neuf, oui. M.
JOHNSON: Très bien.
M. LESAGE: Mais avant qu'il ne le fasse, je crois que peut-être le
premier délai, au lieu d'être de quinze jours, pourrait être
de trente jours. Je pense qu'il y a tout intérêt à tenter
de régler la question par négociation. Ce qui est important,
c'est que les gens retournent au travail, ça on vient de le voter.
Alors, si nous donnions une première période de trente jours aux
négociateurs... Voyez-vous, quand M. Goldenberg a tout réussi,
sauf ce petit point que j'ai mentionné, ça lui a pris deux mois
pour tout régler, sauf un petit point. On lui avait donné deux
mois et demi, ça lui a pris deux mois. Si le premier délai
était de trente jours avant de faire rapport au ministre du Travail
on pourra faire rapport avant si on a réussi, mais au plus tard
dans trente jours celui-ci pourrait donner un délai additionnel
de quinze jours, ce qui ferait quarante-cinq jours en tout, soit encore un mois
de moins que ce qui est fait à l'automne 1966 dans le cas de la
grève des chemins de fer. Je pense que ce serait raisonnable.
M. BELLEMARE: Si le chef de l'Opposition me le permet, il va comprendre
pourquoi nous l'avons mis à quinze jours...
M. LESAGE: Je suis bien prêt.
M. BELLEMARE: Ce qui reste dans les questions à régler,
c'est d'abord trois questions normatives, les périodes de repos, la
question du salaire du contrat à forfait et les us et coutumes, le
mutatis mutandis pour les autres conventions. C'est ainsi que ça
s'appelle, on m'a dit de dire ça, que c'était bon. Mutatis
mutandis.
M. LESAGE: C'est-à-dire de transposer les ententes survenues dans
une convention dans les autres conventions...
M. BELLEMARE: Non, non, c'est parce que le mutatis mutandis...
M. LESAGE: Bien, c'est votre mutatis mutandis.
M. BELLEMARE: C'est qu'il y a des garanties, par exemple, pour les
délais des griefs,
ces choses-là, qui vont s'appliquer aussi aux autres conventions
qui ne sont régies par aucune accréditation chez nous. Le chef de
l'Opposition va comprendre. Il y a les inspecteurs, il y a les
contremaîtres, et cela a besoin d'être couvert pour garantir les
vacances, la stabilité de l'emploi, les promotions et le reste.
M. LESAGE: Très bien.
M. BELLEMARE: Alors il reste ces trois questions-là et à
négocier un CWS sur une base acceptable au point de vue
économique.
M. LESAGE: Un quoi? Ah, c'est votre fameux système.
M. BELLEMARE: Il y a eu dix mois de négociation, on a fait un
travail fantastique. Alors je pense que dans quinze jours... On disait tout
à l'heure que si on s'asseyait, on réglerait ça dans un
soir.
M. LESAGE: Bien, je n'ai pas dit ça.
M. BELLEMARE: Non, mais quelqu'un a dit ça. On réglerait
ça dans une soirée, demain matin. Alors là, on dit quinze
jours. On est raisonnable, et si la période n'est pas suffisante, le
mécanisme est très facile, on demande...
M. LESAGE: Très bien. Je me fie à ce que dit le ministre
du Travail. Il est plus au courant que je ne le suis et s'il prend la
responsabilité des quinze jours...
M. BELLEMARE: Je pense que c'est suffisant.
M. LESAGE: ... je l'accepte.
M. BELLEMARE: Je pense que c'est suffisant. Merci.
M. LAPORTE: M. le Président, si on me permettait avant de faire
la courte intervention que je veux faire, pour éclairer cette Chambre
sur la rapidité des travaux, le consensus des membres de l'Opposition
serait que nous avons une intervention à faire, que je vais faire aussi
brève que possible, sur l'article 10; ensuite, nous ferions une
intervention sur les articles 21 et 22 et les autres articles pourraient
être adoptés sans discussion. Cela peut éclairer la Chambre
sur la durée de la discussion en comité. Il n'y a que deux
débats à faire, l'un que je vais faire tout de suite, et l'autre
sur les articles 21 et 22.
M. BELLEMARE: Est-ce qu'on pourrait demander au leader de l'Opposition
s'il prétend que ces interventions dépasseront une heure?
M. LAPORTE: Quand la mienne aura fait six minutes, ce sera le
maximum.
M. BELLEMARE: Ce n'est pas pour moi, c'est parce que ceux qui doivent
siéger dans la Chambre haute ont peut-être un âge
différent du nôtre. Et nous avons demandé...
DES VOIX: Elle est bonne!
M. LIZOTTE: Ils se lèveront de bonne heure, mutatis,
mutandis.
M. LAPORTE: Il paraît que le sommeil vient plus tard à cet
âge-là, des fois.
M. LESAGE: Même s'ils désirent aller se coucher, si nous
terminons ce soir, nous, ils pourront faire ça bien de bonne heure le
matin, eux. C'est-à-dire que si on attend à dix heures et demie
demain matin pour finir notre ouvrage, nous, on pourraît être
prêt à quelle heure?
M. BELLEMARE: Non, non. C'est très bien.
M. LE PRESIDENT (Lebel): Est-ce que la motion d'amendement à
l'article 9 est adoptée?
M. LESAGE: Il y a un sous-amendement.
M. LAPORTE: M. le Président, nous acceptons, évidemment,
l'amendement qui est proposé par le gouvernement, mais nous nous
demandons si cet amendement contenu à l'article 9, que nous acceptons,
ne devrait pas être assorti d'une autre chose, qui répondrait
à ce qu'a dit le premier ministre ce soir, à ce qu'a dit le
député de Laurier et à une préoccupation qui a
été présente ce matin à notre caucus de
façon très active.
Il arrive que beaucoup de gens se demandent à Montréal et
dans toute la province de Québec quel est véritablement
l'état de la situation entre, d'une part, le syndicat et d'autre part,
la CTM. Des chiffres ont été lancés; l'on a dit de part et
d'autre: Nous ne pouvons plus avancer ou nous ne pouvons plus reculer. Est-ce
que c'est vrai que la CTM va faire des revenus X qui ont été
mentionnés dans les journaux? Est-ce que c'est vrai que si l'on fait le
total des bénéfices marginaux qui s'ajoutent aux salaires
payés aux chauffeurs d'autobus, c'est comparable à ce qui se paye
à Toronto ou à Vancouver? Est-ce que c'est vrai que les
pré-
posés aux balais mécaniques sont payés plus cher
alors qu'il arrive que la partie patronale prétend que le travail de
celui qui est préposé au balai mécanique est infiniment
plus dangereux pour sa santé et plus difficile? Est-ce que nous ne
devrions pas donner l'occasion aux parties et au public de se renseigner.
Nous représentons, nous les élus, le public. Nous devrions
avoir l'occasion de savoir, nous, et le public par notre intermédiaire,
quel est véritablement le contenu du dossier du syndicat et de la partie
patronale. Si la négociation qui s'étendra sur deux
périodes de 15 jours ne donne pas les résultats que nous
espérons ou, pour employer la phrase de l'article 10 de l'amendement que
l'on nous suggère: « Si l'intervention du conciliateur est
infructueuse », nous suggérerions que le comité des
relations industrielles de l'Assemblée législative soit
convoqué et qu'il entende les deux parties. Que chacun vienne devant le
comité faire sa preuve. Le comité n'aurait pas à se
prononcer sur le bien-fondé ou sur l'incapacité d'accepter un
argument ou un chiffre, mais le public et les députés seraient
renseignés de première main sur l'état de la question. Une
fois les séances du comité terminées, le comité
ferait rapport au lieutenant-gouverneur en conseil, qui nommerait l'arbitre,
comme il est prévu à l'article 10 de l'amendement que l'on nous
propose. Il serait entendu dans la loi que le lieutenant-gouverneur en conseil
remettrait à l'arbitre le compte rendu, le rapport du comité des
relations industrielles.
Alors, M. le Président, je proposerais que l'article 9 reste tel
quel. On ajouterait le nouvel article 10 et j'en ai des copies que je
pourrais envoyer au premier ministre et au ministre du Travail pourrait
se lire comme suit: « Si l'intervention du conciliateur est infructueuse,
il fait rapport au ministre du Travail. Dans les 48 heures de la
réception de ce rapport, le comité des relations industrielles de
l'Assemblée législative se réunit pour entendre les
parties mentionnées à l'article 9 ». Cela, ce serait un
nouvel article 10 et l'article 10 de l'amendement que nous propose le
gouvernement deviendrait 11 et commencerait comme suit: « Le rapport du
comité est remis au lieutenant-gouverneur en conseil » et on
enchaîne avec l'article du gouvernement: « Et le différend
qui oppose la Commission de transport », jusqu'à la fin de
l'article 10 et l'on ajouterait un dernier paragraphe: « Le rapport du
comité des relations industrielles est remis à l'arbitre
».
Je pense, M. le Président, que ce pourrait être une
initiative fructueuse dans les relations patronales-ouvrières et
respecterait le droit, presque le devoir, qu'ont les représentants des
citoyens de se renseigner de première main. Nous ne dérangerions
en rien le transport en commun à Montréal, puisque, de toute
façon, les employés seront retournés au travail, que les
autobus et le métro circuleront normalement, et nous aurions, nous,
l'occasion de nous renseigner. Alors, je suggère vivement au
gouvernement d'accepter cette suggestion qui serait dans notre procédure
parlementaire une initiative nouvelle qui ne peut en aucune façon causer
de préjudice aux parties, qui pourrait au contraire les satisfaire
puisqu'elles auraient l'occasion de dire exactement quel est l'état de
leur dossier, qui pourrait satisfaire l'opinion publique qui se pose des
questions et qui pourrait être pour l'avenir de nos relations
industrielles quelque chose qui pourrait un jour être incorporé de
façon définitive dans nos lois ouvrières.
M. BELLEMARE: M. le Président, tout le débat et une
partie, je pense, de la responsabilité de la grève qui dure
repose sur un facteur bien précis, sur une comparaison que nous avons
vue, que nous avons faite, sur un salaire gagné dans une autre
juridiction. Il existe dans la cité de Montréal depuis le 3 mars
1967 une convention collective qu'a signée la ville de Montréal
avec ses employés manuels. Cette convention collective qui a
été signée le 3 mars 1967 avec le syndicat des
employés manuels, a établi un cadre nouveau et a fait une
expérience heureuse en établissant un CWS et ce CWS qui est
aujourd'hui en vigueur a donné des résultats très
satisfaisants et je crois que c'est là aussi, le CWS qui existe à
la ville de Montréal. On a voulu un moment donné, je l'ai dit cet
après-midi, l'appliquer en partie sur un article bien spécifique,
les balayeurs et c'est là qu'est intervenu M. Pépin et que nous
avons fait une nouvelle proposition qui était à l'effet de
créer, de bâtir par des experts un CWS fait pour la CTM de
Montréal appliqué avec les normes et surtout avec les
caractéristiques bien spécifiques et les critères voulus
pour la CTM de Montréal. M. Pépin acceptait cette formule du CWS
et il demandait cependant que le CWS qui devait être instauré
puisse maintenant connaître une part sur laquelle serait établi le
CWS et aussi son «increment», c'est-à-dire combien il
obtiendrait aux six, sept ou huit cents par boîte dans chacun des
échelons. Le président du conseil exécutif à qui
nous avons soumis cette dernière proposition a dit: Pour aucune
considération je n'accepterai le CWS de la ville de Montréal des
employés manuels, ni comme base, ni comme parallèle. Je dois
demander si on doit établir un CWS à Montréal pour la CTM,
que cela soit fait au point de vue
scientifique, qui établiront les bases, les échelons, les
« increments » les objectifs hiérarchiques, comme on dit. Et
ça, les coefficients hiérarchiques...
M. LESAGE: Ce qui empêche le...
M. BELLEMARE: ... et ce qui est arrivé, c'est que M. Pépin
a dit non, je veux avoir une base qui le fixait à peu près
à $2.60.
Il avait obtenu $2.58 par le rapport du juge Chevalier et la ville de
Montréal, elle, dans son CWS, a ici $2.62.
M. LESAGE: Nous autres, les députés, qu'est-ce que c'est
notre CWS?
M. BELLEMARE: M. le Président, pour ne pas me laisser distraire
parce que c'est assez difficile pour suivre... Ce qui est arrivé, c'est
que le président du conseil exécutif de Montréal qui
n'acceptait pas de négocier, de discuter du prix de base, a finalement
accepté la négociation sur le prix de base et sur «
l'increment » On a encore refusé ça. Mais là il
s'agit, je pense, de se mettre à la table et il reste, je crois, une
distance qui n'est pas considérable entre les deux versions, et
dès qu'on va accepter d'implanter pour la CTM un CWS, je pense qu'on va
régler le gros problème. Parce que cette technique-là
prendra des semaines et des mois à être ajustée, mais
dès qu'on l'appliquera, elle sera rétroactive à la date du
12 juillet. C'est important, ça. On accepte un CWS pour la ville de
Montréal et le président de l'exécutif a accepté de
le négocier, et la base et « l'increment », c'est
déjà un gros avantage. Il restera de les amener à la table
pour qu'ils s'entendent maintenant, qu'ils l'installent et qu'ils confient
à une maison, à un organisme, à des ingénieurs en
évaluation des tâches la responsabilité d'en bâtir
un. Et c'est, je pense, une des grandes raisons pour laquelle je ne vois pas la
nécessité, après 10 mois de négociation,
après 326 heures de conciliation,cinq jours de médiation... Je
dis que la convocation d'un comité porterait préjudice à
l'arbitre et exercerait sur lui une influence indue parce que je suis
persuadé que le conciliateur qui va être nommé va pouvoir
faire comparaître toutes les personnes nécessaires, connue le veut
notre code et tâcher d'obtenir tous les renseignements qui seront utiles
pour le public en général. C'est possible ça, M. le
Président. Pardon?
M. LAPORTE: Il va siéger à huis clos, votre arbitre?
M. LESAGE: Non.
M. BELLEMARE: Bien non, il siège publiquement avec les parties,
voyons donc! Le conciliateur va siéger avec les parties et publiquement.
Et c'est pour ça qu'à l'étape des
négociations...
M. BLANK: Depuis quand?
M. BELLEMARE: Je dis donc, M. le Président, que les dossiers sont
connus déjà des parties. On connaît les positions des
parties, on les connaît, et on sait jusqu'à quelle limite on peut
se rendre. Et si le conciliateur peut, dès l'arrivée à la
table, régler la grosse question de l'évaluation des tâches
par un nouveau système de CWS, je pense que 99% des clauses seront
réglées. Alors, je demanderais à l'honorable
député de faire confiance au conciliateur et dans 30 jours
on dit 15 jours mais il y aura une possibilité d'une autre
période de 15 jours, je ne pense pas qu'on pourra avoir...
M. LAPORTE: Il y a eu, M. le Président, 87 séances de
négociation , enfin tout ce qu'a dit le ministre du Travail. Il est bien
évident que, plus il en ajoute, plus cela établit combien il a
été difficile et combien il sera probablement encore difficile de
joindre les deux bouts même si la distance qui les sépare est
toute petite.
C'est une distance petite par la taille, mais énorme par les
difficultés qui se présentent.
M. BELLEMARE: Aggravées par la grève.
M. LAPORTE: Alors on adopte actuellement une loi d'exception. Tout le
monde, sauf deux exceptions, en a accepté le principe. Nous voudrions
que, dans cette loi-là, les syndicats ne se sentent pas indûment
lésés dans leurs droits.
M. BELLEMARE: Non.
M. LAPORTE: Nous ne voudrions pas utiliser plus de force que c'est
nécessaire. Les syndicats ont la crainte que, devant une
médiation qui va durer quinze ou trente jours, avec la perspective
fatale de l'arbitrage obligatoire à la fin des trente jours, la
négociation ne se déroule pas aussi rapidement et aussi
facilement que l'espère, à bon droit, le ministre, et que le
patron aura plutôt les yeux sur l'arbitrage que sur la
négociation. Entre les deux, nous donnerions aux syndicats cette
garantie d'avoir un accès immédiat direct, avec l'opinion
publique. Or, je ne vois pas que ces trois
jours ou ces deux jours de séances additionnelles, depuis le 3
mars, dit-on, après des mois et des mois de négociations,
après une grève, après trente jours de médiations
additionnelles, que trois jours d'un bain d'opinion publique viennent
s'ajouter, je ne pense pas que cela retarde indûment la solution. Cela
pourrait au contraire, je pense, contribuer à rapprocher les deux
parties, ne serait-ce que pour éviter cette confrontation publique?
M. BELLEMARE: Si l'honorable député veut comprendre la
situation telle qu'il nous l'explique, elle est difficile dans le moment, et
les derniers efforts que nous avons faits pour empêcher cette loi m'ont
prouvé que c'est extrêmement difficile.
M. LAPORTE: On s'entend là-dessus.
M. BELLEMARE: D'accord. Mais je pense que le climat du retour au
travail, de la période qui est fixée pour commencer la
conciliation va ramener à la table ceux qui doivent y être. Le
conciliateur, possédant toutes les attributions qui lui sont
données par sa fonction, va exiger certainement la production de tous
les documents, va exiger surtout que les parties soient bien respectées
dans chacun de leurs droits. Je pense que nous avons donné une garantie
majeure, et c'est l'honorable premier ministre qui l'a donnée, que les
négociations, comme l'arbitrage, seraient suivies de très
près pour que justice soit rendue aux parties également. C'est
ça que nous voulons.
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aimerais dire simplement un mot.
Je ne veux pas faire un discours, mais je crois que la suggestion faite par le
député de Chambly dans un excellent esprit, à mon avis,
devrait être retenue par le gouvernement, et j'aimerais ajouter une
raison additionnelle.
Tout d'abord le député de Chambly a eu raison, et je pense
que le ministre, qui a été mêlé de près
à ce conflit, devrait être sensible à l'idée que ce
pourrait être une façon de réduire la frustration qui va
nécessairement découler d'une loi qui force le retour au travail.
Je pense que le ministre comprend ça, c'est inévitable. Alors
là, on a ajouté l'idée de négociations, je crois
que c'est bien. Si maintenant on ajoutait cette nouvelle soupape, moi, j'y
verrais deux avantages. D'abord la possibilité de «
dépersonnaliser » les conflits. Quand des gens qui ne s'entendent
pas bien entre eux discutent seulement entre eux, vous dites que c'est
difficile et vous avez raison. Si vous les placez dans un contexte comme celui
du comité parlementaire, je crois que là vous donnez une chance
que le débat se fasse de façon plus ouverte.
Je veux terminer par ce dernier argument que je soumets en toute bonne
foi au premier ministre et au ministre du Travail. On a tous ce soir des deux
côtés de la Chambre fait allusion aux difficultés
considérables qui étaient à prévoir. Le premier
ministre a parlé d'ajustements sociaux, etc. Il va y avoir des
amendements aux lois. C'est compliqué, ces affaires-là. Or, la
toute petite expérience que le député de Chambly
suggère serait ajoutée dans le mécanisme de
règlement de ce conflit-là, serait justement l'occasion pour un
bon nombre de membres de la Chambre de se familiariser avec les rouages de ces
problèmes de négociation collective et, je pense, aiderait les
membres de la législature à mieux comprendre les
mécanismes que tout le monde souhaite voir mettre en place pour aider
les conflits. Alors je pense qu'il y a plusieurs raisons qui militeraient en
faveur de la proposition du député de Chambly.
M. JOHNSON: M. le Président, très brièvement,
disons que la suggestion est intéressante et sera retenue quand nous
étudierons les mécanismes nouveaux, c'en est une suggestion
intéressante. Mais dans le conflit actuel le ministre qui connaît
bien toutes les circonstances prétend que ça n'aidera pas mais il
semble qu'on a oublié aussi que la négociation est encore
possible même après la nomination de l'arbitre; mais le climat
sera-t-il meilleur quand on sera venu ici se chicaner publiquement parce qu'on
ne s'est pas encore entendu? Alors il y a espoir jusqu'à la veille du
dépôt de la sentence de l'arbitre et c'est cette porte que nous
n'avons pas voulu fermer. On a ajouté sécurité dans le
sens de celle qu'avait formulée publiquement le chef de l'Opposition,
celle de forcer au moins la négociation avec des sanctions. Alors c'est
à retenir mais pour le présent conflit je ne crois pas que ce
soit une façon d'en avancer le règlement, au contraire.
M. LE PRESIDENT: Alors est-ce que la motion de sous-amendement
proposée par l'honorable député de Chambly sera
rejetée sur division?
M. LESAGE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'amendement est adopté?
M. JOHNSON: Adopté, oui.
M. LESAGE: Adopté.
M. BELLE MARE: Il faudrait changer...
M. LESAGE: Est-ce que c'est le conciliateur ou le médiateur?
M. BELLE MARE: C'est le conciliateur selon le code du travail.
M. LESAGE: Très bien.
M. BELLE MARE: Il faudrait changer, dans l'article 8, le premier
paragraphe 9 pour 10.
M. LAPORTE: Il faut numéroter autrement.
M. BELLEMARE: Bien, c'est-à-dire vous allez voir là...
M. JOHNSON: On va lire l'article 8 avec une modification qui consiste
à remplacer la troisième ligne de la fin, au chiffre 9 par le
chiffre 10.
M. BELLEMARE: Vous voyez après ça...
M. LE PRESIDENT: Article 8 tel qu'amendé adopté?
M. LAPORTE: Alors, M. le Président... M. LE PRESIDENT: Article 9,
adopté?
M. LAPORTE: ... en renumérotant, en faisant toutes les
procédures nécessaires nous n'avons pas d'objection à
adopter les articles 11 à 20 du bill actuel.
M. LE PRESIDENT: Alors l'article 10 devenu 11.
M. JOHNSON: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Article 12 devenu 13; article 13 devenu 14; article 14
devenu 15; article 15 devenu 16; article 16 devenu 17; article 17 devenu
18...
M. BELLEMARE: Je voudrais bien faire ramarquer qu'à l'article 18
aussi il y a des pénalités qui sont fortes et contre la CTM.
M. LESAGE: Nous avons très bien compris tout ça.
M. LE PRESIDENT: Article 18 devenu 19...
M. JOHNSON: Où êtes-vous là, M. le
Président?
M. LE PRESIDENT: Article 19 devenu 20.
M. JOHNSON: Article 19 devenu 20. Je voudrais vous dire, M. le
Président, que dans l'article 18 devenu 19 il y a une modification
à faire.
M. LESAGE: Lorsque le député de Chambly a dit
adopté jusqu'à 20 il voulait dire jusqu'à 20 inclusivement
tel que numéroté dans le bill.
M. JOHNSON: Il faut lire article 18 au lieu de l'article 19.
M. BELLEMARE: Oui, mais il est dans le texte.
M. LESAGE: Oui mais l'article 20 est devenu l'article 21.
M. BELLEMARE: Non, mais dans le texte de 19, il faut changer le 17 pour
le 18.
M. JOHNSON: Et ensuite le deuxième alinéa du même
article 18 devenu 19, il faut encore mentionner 18 comme article au lieu de
17.
M. LESAGE : C'est ça.
M. JOHNSON: Deuxième alinéa, deuxième ligne.
M. LESAGE: Cela va.
M. LE PRESIDENT: Article 19 devenu 20, adopté?
M. JOHNSON: Article 19 devenu 20, il y a un changement à faire,
deuxième ligne, au lieu de 15 à 18, c'est 16 à 19,
toujours à cause de la concordance des numéros.
M. LESAGE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Article 20.
M. JOHNSON: A l'article 21, nous avons un amendement.
M. LESAGE: Oui.
M. JOHNSON: Après 19 qui est devenu 20, nous avons un
amendement.
M. LESAGE: Cela va. Adopté.
M. JOHNSON: Vous avez l'amendement, M. le Président?
M. LE SAGE: Adopté.
M. LE PRESIDENT: Alors, article 20 devenu 21, adopté?
M. LESAGE: Non, non, c'est l'article 20, c'est un nouvel article, M. le
Président, 21, qui est sur le document dont le premier ministre a fait
distribuer des copies.
M. JOHNSON: C'est un nouvel article qui vient après le 19
original devenu 20.
M. LESAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: M. le Président, vous avez le texte de ce nouvel
article 21.
M. LE PRESIDENT: Alors, le nouvel article 21 adopté.
M. JOHNSON: Et l'article originairement numéroté 20
devient 22.
M. LESAGE: Article 22.
M. JOHNSON: Et à la deuxième ligne, au lieu de 15 à
18, il faut dire 16 à 19.
M. LESAGE: C'est ça.
M. JOHNSON: 16 à 19 et à l'article 21.
M. LESAGE: Et à l'article 21. « Seront imposées sur
poursuites sommaires. »
M. LE PRESIDENT: Alors, 21 devient 23. M. JOHNSON: D'accord, 22 devient
24.
M. LE PRESIDENT: Article 22 devient 24. Article 23 devient 25.
M. JOHNSON: Sauf, pardon, M. le Président, qu'à la
troisième ligne, au lieu du chiffre 21, il faut corriger et indiquer
23.
M.LAPORTE: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Bon. Article 23 devient 25.
M. LESAGE : Non, non, un instant. Je pense que nous pouvons
étudier en même temps les nouveaux 23, 24 et 25, originalement 21,
22 et 23.
M. JOHNSON: D'accord.
M. FOURNIER: M. le Président, relativement aux articles 23, 24 et
25, le chef de l'Opposition a formulé dans son discours certaines
objections de principe à l'adoption de sanctions additionnelles à
celles déjà imposées par les articles
précédents. Dans les articles précédents, nous
constatons qu'il y a des sanctions qui seront imposées par les
tribunaux. Dans le cas présent, il s'agit d'une sanction qui sera
imposée d'autorité par l'Etat et non pas par les tribunaux. Elle
pourrait être imposée par la Commission des relations
ouvrières, mais cependant le gouvernement a décidé qu'il
imposerait ses vues à la Commission des relations ouvrières.
L'article dit bien que sur demande du procureur général... S'il
le veut; il n'est pas obligé de le faire.
Même si 70% des personnes ne retournent pas au travail, le
procureur général n'est pas obligé d'imposer cette
sanction. C'est une arme qui est mise totalement dans les mains de l'Etat, et
la Commission des relations ouvrières doit la sanctionner. Ce
principe-là est contraire aux sanctions qui existent dans d'autres lois,
et même dans le code du travail. Dans les autres cas, il y a toujours
enquête devant un tribunal et il ne s'agit pas d'autorité, de la
décision d'une personne, ce qui existe dans l'article présent. La
procédure, j'en parlerai en même temps que je parlerai du fond et
du principe de cet article, l'article n'a qu'un but: faire disparaître
l'accréditation d'un syndicat. Faire disparaître une personne
morale, ni plus ni moins, décréter sa fin.
M. LESAGE: Une personne juridique absolument.
M. FOURNIER: J'ai examiné et j'ai pensé, dans
différentes lois, s'il existe de telles sanctions s'appliquant à
des corps pratiquement semblables, des compagnies par exemple. Je ne retrouve
pas dans des lois semblables, des lois comme la loi des enquêtes sur les
coalitions, il y a des amendes qui sont imposées, mais il n'y a pas la
disparition de la compagnie. On n'empêche pas la compagnie
d'opérer parce qu'elle a commis des coalitions, qu'elle a commis des
vols ni plus ni moins, je ne retrouve pas cette sanction-là dans cette
loi-là.
Je ne retrouve pas non plus de sanctions semblables basées sur
des faits semblables. Je retrouve certaines choses. Je retrouve, dans le code
de procédures civiles, la disparition ou l'enlèvement des lettres
patentes, mais pour des cas bien différents, pour des cas où une
compagnie n'observe pas du tout sa charte,
comme par exemple une compagnie, partie 3 pour but de charité,
qui opérerait des commerces en contradiction avec sa charte. Il y a
l'autre article qui parle des lettres patentes obtenues par vol ou fraude, mais
je ne retrouve pas de principe semblable à celui qui est
imposé.
Ce qui me frappe le plus, c'est que nous venons d'adopter, lors de la
dernière session, une loi relativement aux institutions
financières, bill 80, où l'on donne au ministre qui sera
nommé des pouvoirs considérables pour faire enquête, pour
s'emparer de documents, pour questionner les gens, ni plus ni moins pour faire
enquête dans le cas où des compagnies agissent frauduleusement ou
autrement, et, dans ces cas-là, on n'a pas donné au ministre le
pouvoir de révoquer la compagnie elle-même. Il est très
difficile de retrouver des dispositions où, en 1967, l'on fasse
disparaître des droits inhérents aux personnes. Par exemple, je
pense au droit de citoyenneté qui est accordé au nouveau
Canadien.
Existe-t-il des dispositions par lesquelles on puisse révoquer
leur droit de citoyenneté à ces gens-là qui ont obtenu un
privilège quelconque? Il s'agit présentement d'attaquer, en 1967,
certains droits qui sont aujourd'hui reconnus et, lorsqu'ils sont
accordés, il ne faut pas les révoquer, surtout de la façon
dont l'article est rédigé. Il n'y a même pas de
procédure, il n'y a même pas d'enquête. Il peut y avoir des
erreurs dans l'enquête que le procureur général fera, Il ne
convoquera pas les parties. N'est-ce pas là revenir à des temps
passés? Est-ce que, aujourd'hui, l'on peut permettre de tels pouvoirs
entre les mains de l'Etat? Est-ce que l'on peut revenir au temps où il
fallait croire totalement à l'Etat, sans quoi on perdait les droits
inhérents aux personnes, que ce soit une personne juridique ou une
personne physique? Je crois que cet article, M. le Président,
dépasse les cadres de sanction que nous connaissons aujourd'hui. Est-ce
que la sanction est proportionnée à l'offense? Il existe bien des
offenses bien supérieures ou équivalentes à
celles-là. Et s'il était aussi grave de ne pas respecter une
injonction, comme c'est le principe de cette loi, pourquoi n'a-t-on pas
donné aux tribunaux de tels pouvoirs? Les pouvoirs appartenant aux
tribunaux dans le cas d'une injonction ne vont pas si loin que cela. Je crois
que nous affectons par cet article un droit fondamental et que ce serait un
recul, dans une province qui se veut dans les temps modernes, d'accepter un tel
principe. C'est pourquoi je crois que tel qu'il est rédigé, cet
article n'ajoute rien à la loi mais que ce serait faire un pas en
arrière que d'aller toucher à des droits que nous croyons
aujourd'hui être des droits fondamentaux dans notre province.
M. JOHNSON: M. le Président, nous devons dire
immédiatement que dans l'une des rédactions c'était
formulé autrement. Nous prétendons, mais nous ne discuterons pas
longtemps sur le point, que ça s'infère de la rédaction
actuelle qu'il doit y avoir une enquête par la CRT. Mais nous sommes
prêts tout de suite, si cela peut satisfaire le député,
à faire un amendement qui, à la cinquième ligne
après « cinq ou six, » au lieu de « Si », dirait
« s'il est établi que »...
M. LE SAGE: Ah non!
M. JOHNSON: Alors, ça veut dire que le procureur
général devra faire la preuve devant la Commission des relations
de travail que tel et tel fait existe.
Pourquoi devant la Commission des relations de travail? C'est parce que
c'est un organisme qui est formé de gens habitués à
apprécier ce genre de problème, habitués a faire des
enquêtes, habitués à apprécier la portée des
excuses qu'on pourrait donner pour l'absence. On envoie en somme le
problème devant les gens les plus compétents. Il faudra, avec
l'article tel qu'il est ou tel que clarifié par ce que je viens de
suggérer comme amendement, il faudra d'abord que le procureur
général se décide de porter ce problème, de
demander la décertification. Deuxièmement, la commission des
relations pourra faire enquête, exigera une preuve et je dirai tout de
suite au député qu'il fait erreur à mon point de vue
strictement sous l'aspect juridique, il ne s'agit pas de tuer un syndicat, il
ne s'agit pas de la mort civile, il ne s'agit pas non plus de le
détruire comme personne morale, de le dissoudre, il s'agit tout
simplement de lui enlever un droit, celui de représenter pendant un
temps limité, il pourra revenir, tel groupe d'hommes.
M. LESAGE: On sait bien qu'après un mois...
M. JOHNSON: Le député de Gatineau a dit: Je n'ai pas de
précédent. Le député de Gatineau devrait se
rappeler que dans la loi contre les combines, ça peut aller
jusqu'à la dissolution. Deuxièmement, il devrait se souvenir que
sous l'administration libérale, dans l'article 132, dans le code du
travail, on a donné le pouvoir de dissoudre complètement un
syndicat.
M. LESAGE: Oui, de boutique, je l'ai dit cet
après-midi, ça.
M. JOHNSON: D'accord mais quelle que soit la raison, l'on discute
purement de technique, le député a dit: Je ne vois aucun pouvoir
semblable nulle part. Alors là, parce que c'est un syndicat de boutique,
on se donnerait ce pouvoir-là.
M. LESAGE: Parce que ça ne doit pas exister.
M. JOHNSON: Et je dis qu'un syndicat qui est devant une loi, dont les
membres ne retournent pas, où il n'a pas la confiance de ses membres,
où il n'a pas fait ce qu'il fallait faire et là, il ne
mérite pas de représenter pendant un an et la punition
n'est pas tellement grande les ouvriers.
M. LESAGE: Je ne puis pas admettre que si... M. JOHNSON: J'ajouterai
d'autres choses.
M. LESAGE: Je m'excuse, je pensais que le premier ministre avait
terminé.
M. JOHNSON: Et pour répondre toujours sur le plan juridique, au
député de Gatineau, la commission des valeurs mobilières
enlève quelquefois un permis, ne dissout pas la compagnie et au bout de
six mois ou un an, la compagnie est réinstallée. Alors, qu'on ne
vienne pas dire que contre les compagnies ça n'existe pas, ce n'est pas
exact. Cela fait bien dans le décor, se lever sur un husting, aller
à la télévision ou a la radio et dire que contre les gros
on ne fait pas ça, ce n'est pas exact. La commission des valeurs
mobilières peut faire ça contre les compagnies, l'a fait
récemment et le fera encore malheureusement, je souhaiterais bien
qu'elle ne soit pas obligée de le faire mais elle le fera encore. Alors,
il n'est pas exact de dire qu'on n'enlève pas des permis. Alors,
ça se fait à la régie des transports, ça se fait a
la régie des services publics, ça se fait contre des corporations
municipales, des compagnies d'aqueduc, des compagnies de ci et de
ça.
La loi prévoit l'enlèvement du permis et, parfois, la
dissolution et, dans le Code du travail, la mort de l'union en question.
Là, c'est une peine raide, d'accord. Précédent dans le
Québec, mais c'est pour une offense contre le parlement. Quand on
compare notre loi avec celle d'Ottawa, on sera peut-être surpris qu'il
n'y ait pas de sanction dans la loi d'Ottawa.
M. LESAGE: On sait pourquoi. Cest à cause du code criminel.
M. JOHNSON: Mais ce n'est pas tout le monde qui sait pourquoi. C'est
l'article 107, le nouvel article 107 du code pénal.
M. LESAGE: Bien oui.
M. JOHNSON: Qui prévoit une peine de prison jusqu'à deux
ans.
M. LESAGE: C'est pour ça que je n'en ai pas parlé.
M. JOHNSON: Autrefois, le code...
M. LAPORTE: Cela veut dire que ça prévoit la dissolution
du syndicat.
M. JOHNSON: Non. Autrefois, le code pénal prévoyait
on me corrigera si ma mémoire ne fait défaut même le
cas de désobéissance à des lois provinciales, et c'est
dans l'amendement qu'on s'est occupé seulement du fédéral.
Alors, comme il n'y a pas de peine spécifique pour des lois, nous
avons...
M. LESAGE: Nous avons tout compris ça. C'est d'ailleurs pourquoi
nous avons adopté les articles concernant les pénalités,
M. le Président.
M. JOHNSON: Correct.
M. LESAGE: Mais dans ce cas je dis que c'est une pénalité
exorbitante qui n'a pas sa raison d'être au 20e siècle. Il est
absolument injustifié et injustifiable que, si un syndicat n'est pas
capable de ramener 70% des ouvriers au travail à temps, le ministre de
la Justice, le gouvernement puisse, en faisant cette preuve, devant la
Commission des relations de travail, forcer cette dernière elle
n'aura pas le choix, forcer cette dernière à
révoquer l'accréditation. En vertu de l'article suivant,
puisqu'on les discute ensemble, lorsque l'accréditation est
révoquée, cette association ne peut plus être
accréditée par la Commission des relations de travail dans les
douze mois qui suivent cette révoquation. Je dis que c'est une punition
absolument injustifiée et qui va beaucoup trop loin.
M. le Président, il y a deux moyens d'avoir des
difficultés. C'est d'avoir des lois avec des peines qui sont
insuffisantes ou encore des lois qui prévoient des peines qui
dépassent la gravité de l'offense. Je dis que nous sommes ici
devant un cas où le gouvernement veut imposer des peines qui sont
absolument exorbitantes du droit commun et qui dépassent, et de
combien!
la gravité d'une offense, qui peut n'être que technique,
qui ne pourrait être que technique. Il nous est absolument impossible de
voter pour de tels articles. J'ai parlé de mort civile, cet
après-midi. Je pense que le premier ministre devrait se rendre compte
que le bill va beaucoup trop loin en imposant une telle pénalité
qui est la suspension du certificat d'accréditation pour au moins un an,
alors qu'il pourrait s'agir seulement de la commission d'une offense
technique.
Pour notre part, quant à moi toujours, il m'est absolument
impossible de voter pour ces articles qui prévoient une chose aussi
exorbitante et absolument inacceptable.
M. JOHNSON: Brièvement, nous n'avons pas voulu laisser à
d'autres qu'au procureur général la responsabilité de
prendre des procédures.
M. LESAGE: Bien, c'est encore plus gravel
M. JOHNSON: Il y avait des précédents que nous avons
examinés de très près, entre autres, le
précédent récent: l'administration libérale qui
vient d'être réélue d'ailleurs, c'est le
lieutenant-gouverneur en conseil qui rescinde le certificat
d'accréditation qu'il y a.
M. LESAGE: Oui, mais il est obligé.
M. JOHNSON: Dans la Saskatchewan, c'est le lieutenant-gouverneur en
conseil, tandis que là, c'est le procureur général...
M. LESAGE: Bien oui, mais cela ne veut pas dire qu'on n'a pas le droit,
que c'est inadmissible!
M. JOHNSON: ... qui va aller devant la Commission des relations de
travail...
M. MALTAIS (Saguenay): Il n'y a pas une enquête à
faire?
M. JOHNSON: ... qu'il devra établir qu'il n'y avait pas 70%. Le
syndicat pourrait être là puis dire: Ecoutez, c'était
impossible pour telle et telle raisons, ce n'est pas ainsi que nous calculons
70%. Il y avait des chiffres, il y avait ceci et cela, il y avait des corps de
métiers différents, il y avait des heures brisées. Toutes
des questions que la Commission des relations ouvrières est plus en
mesure de juger que le cabinet des ministres. Alors, quant à nous, nous
ne voyons pas de difficulté; il y a beaucoup de
précédents. La décision, c'était d'aller
jusque-là; c'est un précédent dans Québec, mais
quand les injonctions d'un tribunal ne suffisent pas et permettent ce que nous
avons vu à Montréal et que tout le monde déplore dans
cette Chambre...
M. LESAGE: C'est votre faute.
M. JOHNSON: ... eh bien! Il faut prendre d'autres moyens et c'en est un
que nous allons essayer.
M. LESAGE: C'est vous qui viciez la réputation de l'injonction
depuis les élections.
M. JOHNSON: C'est nous qui prenons la responsabilité de dire:
Soyez sérieux, ayez la confiance de vos membres, autrement vous
n'êtes pas qualifiés pour les représenter. C'est ce que
nous demandons. Et tant que nous n'aurons pas, en relations industrielles, deux
parties responsables, nous aurons toujours des problèmes. Voilà
la clé!
M. BELLEMARE: C'est cela!
M. LESAGE: J'espère que le premier ministre ne s'imagine pas
qu'il y a un seul champ d'action où il n'y a pas de
problèmes.
M. JOHNSON: Quand un employeur dit: Je vais f engager pour un an et te
payer à tel salaire, il est collé, il doit payer pendant un an.
Il doit payer le salaire, mais quand une union fait un contrat, certains
officiers je ne dis pas que c'est le cas actuellement. Nous en avons
connu des cas, j'en ai connu dans ma pratique disent: J'ai fait mon
possible, mais, par en arrière, il y avait des gens qui avec la
collusion des officiers faisaient leur possible pour que ce soit le contraire
qui arrive. Alors, il faut de la responsabilité pour changer les
officiers, en mettre qui sont responsables. Nous aurons de la paix industrielle
quand il y aura deux parties responsables qui s'envisageront l'un et l'autre,
qui assumeront des responsabilités et qui auront des sanctions
présentes comme celle que nous faisons et contre la CTM et contre les
unions.
M. LESAGE: Il y a le sens de la responsabilité, très bien,
mais il y a aussi le sens de la liberté et de la démocratie.
C'est entendu que le respect de la démocratie et de la liberté
des individus et des personnes morales ou physiques entrafne des
problèmes, comme a dit le premier ministre, mais d'avoir à
régler des problèmes, eh bien, ce n'est pas payer très
cher pour la démocratie et pour la liberté. Que le premier
ministre ne s'imagine pas qu'il va pou-
voir à un moment donné, trouver un seul secteur de
l'activité humaine où il n'y aura pas pour lui et chacun d'entre
nous des problèmes. Il y en aura toujours. Mais je dis que, si d'un
côté on doit s'assurer de la responsabilité des personnes,
ce qui doit primer d'abord, c'est la liberté des personnes physiques et
morales, c'est le respect des principes de la démocratie, c'est de ne
pas imposer des lois exorbitantes du droit commun, de ne pas aller tellement
loin que l'on entraîne le manque de respect pour l'autorité et de
la loi et de ceux qui l'appliquent,
M. LAPORTE: M. le Président, il est bien évident que nous
sommes arrivés aux trois articles qui, dans tout le bill, nous
paraissent les plus totalement inacceptables. Nous sommes en présence
encore une fois d'un problème qu'il faut, de toute urgence,
régler parce que ses conséquences sont de plus en plus graves.
Nous sommes d'accord pour accélérer, nous en avons donné
la preuve cet après-midi en limitant nos interventions en
deuxième lecture, à deux orateurs seulement, mais nous ne pouvons
pas accepter, encore une fois, qu'à l'occasion de la présentation
d'un projet de loi pour régler un problème d'urgence, on viole
certains principes quand ce n'est pas nécessaire.
Je me souviens toujours de cette théorie en droit, qui veut que
lorsque vous êtes attaqué, vous n'avez le droit d'utiliser que
suffisamment de force pour repousser l'attaque qui est dirigée contre
vous. Faisant de là une analogie, je dis que c'était le devoir du
gouvernement d'utiliser toute la force nécessaire pour régler la
situation d'urgence qui existe actuellement à Montréal, mais pas
plus. Nous disons qu'en mettant ces prescriptions dans la loi, le gouvernement
va trop loin, mais va surtout plus loin que cela n'est nécessaire et
cela devient inacceptable dans un projet de loi comme celui-là.
Le premier ministre a dit tout à l'heure: « Les
problèmes pourront se régler lorsque nous aurons devant nous deux
parties responsables ». Je réponds oui, je pars de là et je
dis: lorsque nous aurons deux parties responsables, traitées de la
même façon.
Prenons le projet de loi. Vous avez une équation très
exacte entre les deux parties. La CSN, le syndicat est obligé de rentrer
au travail dans les quarante-huit heures, l'employeur est obligé de
prendre les moyens nécessaires pour remettre son service en fonction
sans discrimination pour personne.
Le syndicat et ses officiers sont exposés à des peines
très sévères de $5,000 à $50,000 par jour s'ils ne
respectent pas la loi; l'em- ployeur s'expose à des peines de $5,000
à $50,000 par jour s'il ne respecte pas la loi. Et subitement cette
équation, qui a été respectée dans tout le projet
de loi, cesse. Qu'est-ce qui arrive si au lieu que ce soit le syndicat qui
refuse d'optempérer à la loi, c'est l'employeur? L'employeur est
limité à son amende très lourde, et il n'y a pas d'autre
sanction. Qu'est-ce qu'il arrive si c'est le syndicat qui commet la même
erreur? Lui, il a deux sanctions: il a la sanction de l'amende et la sanction
de la perte de son accréditation.
Je dis que le moins que l'on pourrait demander au gouvernement, et je
sais que c'est impossible, c'est impossible, ce serait de mettre dans la loi
que si c'est l'employeur qui viole la loi, tous les commissaires perdront leur
emploi et ne pourront plus jamais être nommés à cette
fonction-là.
M. JOHNSON: Je n'ai pas d'objection.
M. LAPORTE: Il est bien clair que je ne le propose pas, mais c'est pour
établir qu'il y a entre l'employeur d'une part et le syndicat d'autre
part, qui commettraient tous les deux la même offense, le même
crime envers le parlement dont parlait tout à l'heure le premier
ministre et la sanction ne serait pas la même dans les deux cas.
M. le Président, quel serait l'effet de l'application des
articles 23, 24 et 25? Le syndicat disparaît à toutes fins
pratiques. S'il arrive que ce sont les chefs syndicaux et
évidemment je ne réfère à personne, je fais un cas
théorique s'il arrive que ce sont les chefs syndicaux qui, contre
la volonté de la majorité des membres ont réussi, par
toutes sortes de moyens, à les influencer pour ne pas rentrer au
travail, qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? Non seulement ces
syndiqués sont exposés à des peines sévères,
mais ils vont également perdre, en face de l'employeur, ce qui aura
été pendant des années leur protection, leur moyen de
progresser dans la société, et ils se retrouveront avec un
syndicat brisé, un syndicat qui, à toutes fins pratiques, devra
être réorganisé. On sait quelle dépression morale
cela cause chez des syndiqués, ils auront pendant des années
à traîner ça, ils auront en même temps perdu sur tous
les fronts.
Je dis, M. le Président, tout ceci ayant été
exposé, que nos lois ouvrières ont fait certains progrès
dans la province de Québec depuis quelques années. Je me souviens
du ministre actuel du Travail, lorsqu'il était dans
l'Opposition, a travaillé en collaboration avec le gouvernement
sur bien des plans pour faire disparaître dans nos lois certaines choses
qui étaient discriminatoires. Lorsqu'un syndicat commet une infraction
à la loi il doit être puni dans ses effectifs, il doit être
puni dans son argent, mais pas dans sa vie. C'est terminé ces
choses-là.
Le syndicalisme doit continuer à vivre dans la province de
Québec, il doit se soumettre aux lois. Je termine, M. le
Président. Nous vivons actuellement sous une tension
considérable. Le gouvernement a été, depuis un mois, sous
une tension considérable, c'est évident. Peut-être que ceci
l'a amené à mettre dans la loi une chose qui n'est pas utile.
Prenons pour acquis, comme tout le monde le prend, que le syndicat
rentre au travail dans les 48 heures, que tout... Bon, très bien, je
vais partir de cet argument-là.
Je ne l'ai pas dit pour que le gouvernement prétende qu'il n'y a
pas de problème, je veux simplement dire à ce moment-là
que le gouvernement de l'Union Nationale va regretter pendant des années
d'avoir mis une chose comme ça dans un texte de loi.
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LAPORTE: D'autant plus que cela aurait été inutile et
cela va stigmatiser inutilement le gouvernement...
M. BELLEMARE: Non, non.
M. LAPORTE: ... ce n'est pas pour lui faire du tort, c'est pour lui
rendre service.
M. BELLEMARE: Ah non, non.
M. LAPORTE: Il va être accusé exactement de choses
auxquelles je ne me suis jamais référé depuis que je suis
député dans cette Chambre. Il va être exactement
accusé de retourner à des années en arrière, alors
qu'au lieu de combattre des erreurs, on s'en prenait au syndicat, on
l'étouffait et après ça on se vantait d'avoir
remporté de magnifiques victoires.
M. le Président, c'est de ça que le premier ministre va
être accusé. C'est de ça que le ministre du Travail va
être accusé sans que cela ne donne absolument rien d'avoir mis
dans un texte semblable des principes qui sont dépassés, des
principes qui à mon avis sont antidémocratiques et des principes
qui donnent à l'employeur sur le syndicat un avantage indu.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je ne veux pas allonger
la discussion là-dessus mais vu que cela se relie très
directement à des attitudes qu'on n'a pas eu l'occasion d'expliquer, je
voudrais répéter essentiellement ce qu'on avait à dire sur
ces articles qui concernent dans leur ensemble l'existence même du
syndicat. Je crois qu'on pourrait demander de nouveau, en évitant de
répéter ce que le député de Chambly vient de dire
au point de vue du caractère exorbitant qui est évident si
on compare avec l'autre partie, cela ne sert à rien de le
répéter c'est exorbitant à mon humble avis, cela
crève les yeux. Mais en ajoutant aussi que c'est inutile, ce qui
crève les yeux également à mon humble avis, si on regarde
la réalité en pratique et qu'en principe il est très
mauvais, cet article-là, et que le gouvernement n'a vraiment rien
à gagner, Il a déjà cédé sur certains
détails, il n'a vraiment rien à gagner et peut-être
beaucoup à perdre et nous tous, peut-être au point de vue du
climat dans le syndicalisme, on a beaucoup à perdre aussi. Supposons que
le gouvernement se sente vraiment justifié dans son bon droit, mais que
cela crée quand même et je crois que cela on peut
l'évoquer comme une très grave probabilité cela
crée quand même un climat dans lequel il va y avoir une
hostilité de plus en plus précise et qui risque de s'approfondir
rapidement entre l'ensemble du mouvement syndical québécois et
des hommes qui sont quand même le gouvernement du jour. S'il est inutile
et en le regardant bien en pratique, il est inutile si en
principe il est au moins terriblement douteux et si en plus il est exorbitant,
ce qui je crois saute aux yeux, qu'est-ce que le gouvernement a à
gagner, sauf c'est peut-être dans ce coin ici que je vois mieux
ça maintenant sauf encore une fois ce damné
problème de ne pas reculer, même quand on s'aperçoit que
peut-être on y regagnerait à reculer avec si peu que ce soit. Le
premier ministre tout à l'heure, je me permets de le lui rappeler, a un
peu passé à côté de ce qui était mon argument
à ce moment-là à propos des démissions. Je crois
qu'il y a peut-être eu inadvertance, je ne sais pas, parce que j'ai cru
comprendre, le premier ministre répondait là-dessus, à
propos de ces articles-là, en disant: Oui, oui on connaît
ça les mouvements de démissions massives, etc. Ce n'est pas de
ça que je parlais à ce moment-là du tout. Je parlais, bien
enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre parce que je sais aussi bien que
n'importe qui vivant à Montréal et qui n'est pas venu au monde
hier matin et qui a déjà connu le syndicalisme, que dans le
climat avec des directives, dans le climat de ces dernières semaines et
des démissions plus ou moins massives qui ont pu s'ac-
cumuler, étaient en grande partie des démissions du
moment, ce qui ne veut pas dire qu'après un mois et dans le climat que
crée ce bill-là, en pratique s'il y avait des démissions
on ne sait pas le nombre le premier ministre ne peut pas me le
dire plus que moi.
Il a beau dire très fort comme tout à l'heure là en
comité: On sait très bien que si le syndicat veut, etc.. C'est
une drôle de conception qui révèle quelque chose qu'il ne
faudrait pas trop, trop, enfin à moins de vouloir se dessiner
soi-même il ne faudrait pas trop, trop, trop insister
là-dessus. Une drôle de conception de la vie syndicale, comme si
l'unité collective, qui a le droit de vivre et dont on parle ici,
correspondait exactement, surtout après des conflits déchirants,
etc., et toutes les hostilités qui peuvent être
créées auniveau des individus, que les deux correspondaient
automatiquement, comme si vraiment il s'agissait d'automates et qu'il y ait une
sorte d'automatisation des réflexes des membres individuels. Et on
confond les deux, là. Il y a des démissions réelles,
combien il y en aura, je ne le sais pas, le premier ministre non plus. Le
premier ministre ne peut pas garantir d'une façon aussi totale qu'il le
faisait tout à l'heure que, surtout ce 70% qui sort Dieu sait
d'où, que ces gens-là vont suivre. Cela, ce n'est pas vrai.
Or, en même temps, l'article est inutile, complètement
inutile, parce qu'en pratique, est-ce qu'il n'est pas évident d'une part
que le syndicat, si il veut vivre, a tout intérêt, face à
la loi, sans ces articles-là, a tout intérêt pour vivre de
ramener ses membres au travail pour les conserver? C'est la seule place
où il va les conserver.
Et, par ailleurs, si le syndicat décidait de ne pas venir,
c'est-à-dire d'encourager ses membres à ne pas venir, c'est qu'il
aurait décidé, par révolte ou autrement ou par calcul
peu importe comment on l'apprécie de se détruire
lui-même. Alors, ce n'est pas, à ce moment-là, un texte de
loi comme celui-là qui va l'empêcher de se détruire si
c'est décidé. En pratique, je ne vois pas à quoi ça
répond vraiment vis-à-vis de la situation qu'il s'agit de
régler. Donc le bon sens, à mon humble avis, dit que l'article
est baroque.
Et quant au principe, eh bien, il demeure invraisemblablement
rétrograde. Encore davantage à cause de l'interprétation
inévitable qui va lui être donnée. C'est là
l'explication, qu'on ne pouvait pas donner à ce moment-là, du
vote qui n'était pas pour chercher de la publicité, des deux
votes, je pense bien, qui ont été donnés contre la
deuxième lecture tout à l'heure. Parce qu'entre nous, s'il s'agit
de publicité, à ce moment-ci, avec tout ce climat qui a
été créé, c'est plus difficile à expliquer
ce vote-là, que le vote qui aurait été tranquillement en
faveur. Mais c'est au coeur du bill que se trouve ce principe, car c'en est un,
les « zigonnages » sur les principes en deuxième lecture
avec des interprétations qui prennent des milles juridiquement à
se dessiner. Dans le coeur de ce bill-là se trouve la vie d'une des
parties. Elle est impliquée dans le principe de ces articles. Et ces
articles sont au coeur du bill par rapport à une des parties.
Alors il me semble que ce n'est pas prêcher des doctrines
sociales, enfin pour le bout que j'ai attrapé tantôt, qui
mériteraient les inquiétudes quelque peu on me permettra
de le dire divertissantes que manifestait le député de
Bagot tantôt. Ce n'est pas prêcher des doctrines sociales qui
attaquent les fondements mêmes de notre société, dans ce
qu'ils ont de bon et de meilleur, que de dire qu'une atteinte, qu'on joue comme
cela en quelques lignes, qu'une atteinte à l'intégrité du
mouvement syndical, aussi précise et inutile. Bien, malgré tous
le"s défauts qu'il a, qu'on se regarde tous j'ai
déjà entendu le député de Bagot dire ça dans
certains jours sereins qu'on se regarde tous là, on va voir que,
dans le mouvement syndical, il y a des défauts, mais je ne connais pas
beaucoup de formation, y compris celle qui est là devant moi, de
formation d'hommes qui n'ait pas un certain nombre de défauts assez
apparents. Mais, malgré ses défauts, que le mouvement syndical
ait été dans le Québec et demeure une des sources les plus
précises de progrès social, ça c'est vrai.
Cela, spécifiquement, dans le cas qui nous occupe, si cela
s'appelle prêcher des doctrines sociales qui inquiètent le
député de Bagot, bien c'est que le député de Bagot,
franchement, se fabrique, à certains moments de tension, des
inquiétudes excessives.
Et je lui dirai en terminant une chose sur laquelle je ne donnerai pas
de détails, c'est que par pur hasard, parlant à un de ses
collègues en fin d'après-midi, en regardant les articles
impliqués et comment ça référait à l'article
1, j'ai eu la surprise de voir la surprise d'un de ses collègues qui
n'avait pas très bien compris les implications de l'article et qui a
changé de sujet pour aller parler d'autre chose. Alors, quant à
moi, toute cette affaire-là me paraît invraisemblable.
M. JOHNSON: M. le Président, je ne répéterai pas ce
que j'ai déjà dit, même en l'absence du
député de Laurier, mais nous partons d'un principe très
simple: il faut des parties
responsables, le sens des responsabilités. On dit que c'est
rétrograde, cette mesure. Au contraire, cela a été
édicté récemment, depuis les trois dernières
années, dans plusieurs Etats américains...
M. MALTAIS (Saguenay): Avant-gardistes.
M. JOHNSON: ... et dans plusieurs provinces. Y inclus l'Etat de New
York.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que c'est là une preuve de
progrès, ça?
M. JOHNSON: Non, mais ce n'est tout de même pas une
originalité.
M. LEVESQUE (Laurier): Le Texas est reconnu comme un des coins
reculés, d'autres sont avancés, so what?
M. JOHNSON: New York.
M. LEVESQUE (Laurier): New York, ce n'est pas si simple que le dit le
député.
M. JOHNSON: Non, c'est 18 mois, la décertification, d'accord? Pas
12 mois, 18 mois.
M. LEVESQUE (Laurier): Les choses qui sont impliquées sont
autres.
M. JOHNSON: En Saskatchewan...
M. LEVESQUE (Laurier): Ah! je ne connais pas ce cas-là...
M. JOHNSON: ... c'est le lieutenant-gouverneur qui coupe de
même...
M. LEVESQUE (Laurier): Le cas de New York, ce n'est pas si simple que
ça, le cas de l'autre c'est peut-être différent.
M. JOHNSON: Si on veut attendre que je dise tout ça...
M. LEVESQUE (Laurier): Cela va me rafraîchir la
mémoire.
M. JOHNSON: Après une cause devant la cour, 18 mois.
M. GERIN-LAJOIE: A Hawai, c'est combien de mois?
M. LOUBIER; Seul son coiffeur le sait!
M. JOHNSON: M. le Président, si j'étais le chef ou l'un
des responsables d'un syndicat, j'aimerais réunir mes membres et leur
dire: Ecoutez, c'est sérieux. Et je pense que ça m'aiderait
à faire comprendre à la très grande majorité des
membres qu'il faut retourner à l'ouvrage et que les gens sérieux,
dans le syndicalisme ils le sont en presque totalité vont
réfléchir, vont prendre une décision et ne se laisseront
pas influencer par quelques têtes folles. Il y en a là comme
ailleurs, il y en a même parmi les députés,
paraît-il, de temps en temps parmi nous, je ne m'exclus point. Mais il y
a des gens montés au dernier cran, il y a des gens indifférents
dans les syndicats, il y a des gens qui écoutent tout simplement, qui
suivent tout simplement le mouvement, qui ne se donnent même pas la peine
de lire le matériel qu'on leur envoie, qui font confiance à leur
chef. Alors le chef, les officiers vont devant leurs membres et disent: C'est
sérieux. Voulez-vous, on va retourner à l'ouvrage comme des
messieurs. Moi je suis confiant qu'ils vont retourner, mais je suis aussi
convaincu, après mûre réflexion et après des
discussions très longues avec les collègues et ensuite des
consultations avec les spécialistes que ce serait là un moyen
efficace de faire taire ceux qui devraient être les moins
écoutés des syndicats et à donner aux plus sérieux
les instruments nécessaires pour obtenir une décision
sérieuse.
Et il fallait, comme je l'ai dit, qu'on se rende compte qu'on ne
réunit pas le Parlement pour s'amuser. Cela coûte cher aux
contribuables, et ce n'est pas pour passer une loi qui n'a pas de dents, qui a
exactement les mêmes sanctions que les autres lois. C'était pour
une loi spéciale. Autrement, si on avait voulu suivre les lois normales,
les lois ordinaires, le service serait repris à Montréal au moins
depuis l'injonction.
M. MICHAUD: Le premier ministre me permettrait-il une courte
question?
M. LESAGE: Sur les articles 23, 24 et 25...
M. MICHAUD: M. le Président, est-ce que le premier ministre me
permettrait une courte question?
M. LESAGE: Je n'admets pas l'amendement.
M. JOHNSON: Non, mais le petit amendement: « s'il est
établi que... »
M. LESAGE: Je ne l'admets pas... M. JOHNSON: Adopté sur
division.
M. MICHAUD: M. le Président, il y a une seule courte question que
je voudrais poser au premier ministre, s'il n'a pas d'objection. Je ne vais pas
reprendre le fond du débat et expliquer pourquoi un démocrate ne
peut pas voter pour cet article de la loi. Comment peut-il expliquer que 31%
des travailleurs qui n'accepteraient pas de retourner au travail pourraient,
selon l'article de cette loi, décertifier le syndicat,
c'est-à-dire 69% des travailleurs qui, eux, librement, auraient
accepté de retourner? Est-ce qu'il y a un fondement juridique ou
mathématique, d'une mathématique un peu énervante et
affolante, est-ce qu'il peut expliquer à tout le moins,les 70% qui sont
inclus dans cet article?
M. LE PRESIDENT: Est-ce que l'article 23est adopté?
M. LESAGE: Non. Vote. 23, 24 et 25.
M. JOHNSON: M. le Président, vous me permettez. Le
député a posé une question. Il fallait arrêter
à un chiffre. Il fallait arrêter quelque part. La reprise du
service normal du transport en commun à Montréal, c'est ce que
nous recherchons. Avec 70% des effectifs, on pourrait opérer assez bien.
Cela incite au moins les chefs de syndicats à tenter de faire rentrer
70% de leur gens. Cela aurait pu être 65, 72, mais il semblait que 70,
c'était un nombre raisonnable. Ce n'est pas un dogme, c'est un premier
essai, et cela ne se justifie pas ontologi-quement. Cela ne se justifie pas en
métaphysique, mais en pratique, il semble que c'est une proportion
raisonnable.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que c'est le voeu des membres de voter sur les
articles 23, 24et 25, ensemble?
M. LESAGE: Oui, oui.
M. LE PRESIDENT: Alors que ceux qui sont en faveur de l'adoption de ces
trois articles veuillent bien se lever.
Que ceux qui sont contre l'adoption de ces trois articles veuillent bien
se lever.
Les articles 23, 24 et 25 sont adoptés, 47 contre 45.
M. LESAGE: 47 contre 45.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Article 24.
M. JOHNSON: L'article 23 devient 25. Il y a une correction vers le
milieu. Article 10 au lieu de 9. Article 26, pas d'amendement. Article 27, non
plus.
M. LE PRESIDENT: Article 26, adopté. Article 27,
adopté.
M. LEBEL (président du comité plénier): M. le
Président, j'ai l'honneur de faire rapport que le comité a
adopté le bill 1 avec des amendements qu'il vous prie
d'agréer.
Troisième lecture
M. PAUL (président): L'honorable ministre du Travail propose que
les amendements adoptés en comité plénier soient
maintenant lus et agréés. Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
L'honorable ministre du Travail propose la troisième lecture du
bill 1, Loi assurant aux usagers la reprise des services normaux de la
Commission de transport de Montréal. Cette motion est-elle
adoptée?
L'honorable député de Chambly.
M. LAPORTE: M. le Président, nous avons, en un temps très
court, passé à travers la première et la deuxième
lecture du bill 1 et le travail du comité» Les membres de
l'Opposition, tout en offrant leur collaboration au gouvernement, tout en se
prononçant de la façon la plus catégorique sur le principe
du bill et en votant en faveur du retour immédiat au travail des
grévistes de la Commission de transport de Montréal, ont
également clairement exprimé l'opinion qu'ils ne sauraient,
à l'occasion de l'adoption de ce projet de loi, accepter les clauses qui
leur paraissent inacceptables et qui ne sont pas essentielles à
l'efficacité du projet de loi qui nous est proposé.
Nous avons suggéré à certains articles des
amendements. L'un d'entre eux a été accepté par le
gouvernement; d'autres ne l'ont pas été. Les principales
remarques que nous avons faites portaient sur trois points. Le premier point
est à l'effet que l'on impose au syndicat...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Puis-je demander la collaboration de tous
les honorables députés pour permettre à celui ou à
ceux qui pourront prendre la parole de jouir d'un calme relatif afin que nous
puissions avancer dans l'étude de ce projet de loi?
M. LAPORTE: M. le Président, nous avons d'abord, à
l'article 4 du projet de loi, souligné que le bill impose au syndicat
une obligation vague, une obligation imprécise qui peut d'une part
amener le gouvernement à imposer des
sanctions sur une clause vague ou, d'autre part, amener le syndicat
à s'excuser du manquement à la loi, justement à cause de
cette rédaction vague. Nous avons demandé que cet article soit
remplacé par un autre qui, tout en atteignant exactement les mêmes
fins, aurait permis au syndicat de s'acquitter de cette obligation de
façon précise sans avoir continuellement l'inquiétude de
pouvoir être traîné devant les tribunaux avec les peines
extrêmement sévères qui sont prévues dans ce projet
de loi, sans avoir, en posant des actes, vraiment conscience de violer la loi.
Cet amendement qui a été proposé par le
député d'Outremont n'a pas été reçu par le
gouvernement.
Nous avons également demandé qu'entre, d'une part,
l'employeur et, d'autre part, les employés de la Commission de transport
de Montréal si le problème pour lequel nous avons
été convoqués ne peut pas se régler au niveau de la
négociation directe une nouvelle étape soit prévue
afin que l'opinion publique puisse, par des séances du comité des
relations industrielles, être parfaitement éclairée sur les
différents problèmes qui divisent encore les deux parties et sur
l'état complet du dossier de l'un et de l'autre des deux groupes qui se
font face actuellement. Cette demande n'a pas été reçue
par le gouvernement et, finalement, nous avons affirmé que les articles
23, 24 et 25 du projet de loi créent à rebours du droit nouveau
en matière syndicale, nous ramènent à une époque
que nous croyions complètement révolue et d'autant plus inutile
que l'avant-dernier article du projet de loi déclare que la Commission
de transport de Montréal et ses employés restent soumis aux
prescriptions du code du travail et qu'il y a dans ce code tous les
mécanismes nécessaires pour punir ou pour prendre les
dispositions nécessaires à l'endroit des violateurs de la
loi.
Nous avons insisté tout particulièrement sur ce dernier
amendement. Encore une fois, il n'a pas été reçu par le
gouvernement.
Ceci nous amène à conclure que nous sommes en faveur du
retour immédiat des grévistes au travail, que notre vote de
deuxième lecture l'a prouvé de façon précise, mais
que nous avons le devoir d'insister auprès du gouvernement pour qu'il
améliore son projet de loi, ce qui est strictement le devoir de
l'Opposition. La procédure de troisième lecture a justement
été placée dans notre règlement pour atteindre ce
but, c'est-à-dire bien faire comprendre à l'opinion publique que
l'Opposition peut fort bien être en faveur d'un principe, celui du retour
au travail, mais ne pas accepter un certain nombre de modalités qui lui
paraissent excessives ou inutiles.
Ceci étant clairement posé, M. le Président, j'ai
l'honneur de proposer, secondé par le député de Drummond,
que la motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les
mots après le mot « soit » par les suivants «
renvoyé de nouveau en comité plénier avec instruction de
l'amender de façon, premièrement, que les associations
visées aux articles 5, 6 et 7 puissent satisfaire aux prescriptions du
bill en donnant avis à leurs membres que l'ordre de grève est
rescindé; deuxièmement, que le comité des relations
industrielles de l'Assemblée législative entende les parties si
l'intervention du conciliateur est infructueuse et que le rapport du
comité soit remis à l'arbitre désigné par le
lieutenant-gouverneur en conseil; troisièmement, que les articles qui
prévoient la perte de l'accréditation, prescriptions inutiles,
injustes, discriminatoires et contraires au code du travail soient
retirés.»
M. JOHNSON: M. le Président, à l'encontre de cette motion,
on pourrait invoquer une question de forme qui s'applique surtout à la
série d'épithètes que le député a
ajoutées...
M. LAPORTE: Je voudrais proposer un amendement, j'avais oublié le
mot « rétrogrades ».
M. BERTRAND: On va les enlever tous.
M. JOHNSON: Le député connaît les articles du
règlement...
M. LAPORTE: Je suis prêt à admettre que c'est un tout petit
peu pamphlétaire.
M. JOHNSON: C'est chargé. C'est clairement pamphlétaire et
ça ne devrait pas, je pense, être admis comme tel...
M. BERTRAND: Surtout quand on est chargé de reviser les
règlements.
M. JOHNSON: Oui.
M. BERTRAND: Vous allez enlever tous les adjectifs.
M. JOHNSON: Bon, que les articles qui...
M. LESAGE: Excusez-moi, pour me servir d'une expression populaire, tout
ce qui charrie.
M. JOHNSON: ... sont contraires au code du travail soient
retirés. C'est ça?
M. LESAGE: Que les articles qui prévoient
la perte de l'accréditation...
M. LAPORTE: ... soient retirés. M. JOHNSON: Et on enlève
le reste.
M. LESAGE: ... et sont contraires au code du travail soient
retirés.
M. BERTRAND: Tout ce qui est inutile, vous l'enlevez.
M. LAPORTE: Non, non.
M. JOHNSON: L'amendement se lirait donc...
M. PINARD: C'est ce qui vous choque.
M. JOHNSON: ... Que les articles qui prévoient la perte de
l'accréditation...
M. LAPORTE: Soient retirés. M. JOHNSON: ... soient
retirés.
M. LAPORTE : Il ne faut pas que les autres mots soient retirés du
journal des Débats.
M. JOHNSON: Soient retirés.
M. BERTRAND: Le journal des Débats, c'est nous autres qui le
faisons.
M. JOHNSON: Je crois même, M. le Président, que cette
motion est améliorée dans sa forme. Il reste quand même que
sur le fond, on comprendra que nous ne pouvons pas voter. La Chambre a
déjà d'ailleurs disposé de ces suggestions de l'Opposition
et je demande le rejet de cet amendement, M. le Président, cette
division si l'on veut...
M. LE PRESIDENT: La Chambre est-elle prête à se prononcer
sur cette motion?
M. LESAGE: Vote! DES VOIX: Vote!
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
Que les honorables députés qui sont en faveur de la motion
proposée par l'honorable député de Chambly veuillent bien
se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Lesage, Gérin-Lajoie, Pinard,
Laporte, Courcy, Lévesque (Bonaventure), Arsenault, Kierans, Lafran- ce,
Lacroix, Brown, Parent, Hyde, Wagner, Cliche, Mme Kirkland-Casgrain, Binette,
Le-chasseur, Harvey, Coiteux, Lavoie (Laval), Blank, Beaupré, Cadieux,
Fournier, Vaillancourt, Kennedy, Mailloux, Théberge, Maltais (Saguenay),
Lefebvre, Bienvenue, Bourassa, Choquette, Fraser, Goldbloom, Houde, Leduc
(Taillon), Michaud, Pearson, Picard (Olier), Saint-Germain, Tremblay
(Bourassa), M. Séguin, M. Aquin, M. Lévesque (Laurier).
M. LE PRESIDENT: Que les honorables députés qui sont
contre la motion d'amendement proposée par l'honorable
député de Chambly veuillent bien se lever.
M. LE GREFFIER ADJOINT: MM. Johnson, Bertrand, Lebel, Johnston, Vincent,
Dozois, Bellemare, Gosselin, Gabias, Masse, Allard, Russell, Lafontaine,
Loubier, Tremblay (Chicoutimi), Maltais (Limoilou), Cloutier, Boivin, Mathieu,
Boudreau, Charbonneau, Bernatchez, Gagnon, Gauthier (Roberval), Sauvageau,
Lavoie (Wolfe), Flamand, Lussier, Morin, Fréchette, Gauthier (Berthier),
Léveillé, D'Anjou, Beau-dry, Desmeules, Grenier, Bergeron,
Martel, Leduc (Laviolette), Demers, Tremblay (Montmorency), Martellani,
Bousquet, Simard, Proulx Croisetière, Plamondon, Théoret, Roy,
Schooner Hamel, Gardner, Picard (Dorchester), Hanley.
M. LE GREFFIER: Pour: 46 Contre: 54 Yeas: 46 Nays : 54
M. LE PRESIDENT: Je déclare l'amendement rejeté.
M. DOZOIS: Troisième lecture.
M. LE PRESIDENT: La Chambre est-elle prête à se prononcer
sur la motion de troisième lecture du bill?
L'honorable député de Laurier.
M. LEVESQUE (Laurier): Encore une fois, si on me permet en trois minutes
de formuler, sous forme de suggestion, ce qui pourrait très bien devenir
une motion d'amendement, plus ou moins générique ment de
même famille que celui qu'on vient de rejeter, mais avec une chose
très simple sur laquelle je veux prendre le risque, très simple
aussi, de suggérer quelque chose. Pour accomplir le but de la loi telle
qu'elle se présente maintenant, qui est le retour au travail, et d'autre
part pour éviter, autant encore une fois qu'il est humainement possible,
d'être obligé de recourir à cette loi telle qu'elle se
présente dans la version qui est maintenant de-
vant nous, avec les objections que nous avons formulées qui
rejoignent sûrement celles du mouvement syndical, est-ce qu'on pourrait
risquer une simple motion sous forme de suggestion comme celle-ci: de retarder
la mise en vigueur de cette loi indéfiniment à une condition
très simple, c'est que le syndicat, et Dieu sait que je ne les ai pas
consultés, que le syndicat, peut-être dans le délai de 48
heures qui compterait à partir de six heures ce soir, six heures ce
matin ou quelque chose du genre, à condition que le syndicat, s'il le
veut, décide librement de retourner au travail sans la loi, à
supposer que ça leur vienne à l'esprit, et à une seule
condition, c'est que recommencent immédiatement des séances qui
ne seraient pas de deux heures je n'avais pas dit de deux heures
mais enfin de deux jours ou de deux semaines s'il le faut, que tiendrait le
comité parlementaire des bills publics jouant le rôle de
l'ombudsman dont on a parlé, de façon à jouer ce
rôle essentiel dans le secteur public qui est le fact finding, le
mécanisme qui permet à l'opinion publique à savoir tous
les faits. On a admis tout à l'heure qu'il y avait beaucoup de faits
importants qui n'étaient pas connus, qu'un climat s'était
créé en dehors de l'examen de la réalité. Il va
falloir y aboutir un de ces jours. Pourquoi ne pas commencer à un moment
donné? Ce besoin d'information du public est vraiment l'arbitre
suprême, Il faut lui donner le temps de se former quitte à aboutir
probablement, c'est notre conviction, ça peut être
complètement injustifié, mais on le saura à ce
moment-là, soit à une reprise des négociations à
laquelle les deux parties se sentiraient tenues à ce moment-lâ, si
vraiment les choses clairement expliquées avec tout le temps qu'il faut
permettaient au public d'en avoir conscience, il faut faire la pression au bon
endroit. Pendant ce temps-là, le service continuerait, pourvu que
ça se fasse à fond. Evidemment, ce n'est pas un gros risque pour
le gouvernement, puisque ça rentre dans ses délais. Mais
plutôt que d'aller au galop, parce que l'on ne pourrait pas aller se
coucher, à supposer que ce soit concevable.
M. JOHNSON: Très brièvement, je voudrais dire à
cette Chambre que nous avions considéré à un moment
donné de prévoir un dernier article stipulant que la loi
n'entrerait en vigueur que sur proclamation.
Nous avions cette idée-là avant de rencontrer les parties.
Et les syndicats nous ont signifié clairement non pas lors de la
première entrevue, mais après consultation avec les mandants
que c'était inutile de songer à en- trer a moins d'avoir
une, deux, trois, quatre, cinq, six clauses de base ou trois clauses de base et
des subdivisions.
Nous avons soumis à la vraie personne responsable, celle qui
était mandatée par les conseils de villes qui contribuent au
paiement du déficit, et c'était non. Nous sommes revenus avec une
suggestion de compromis, et c'était non des deux côtés.
Plus on essayait de trouver un compromis et moins ça avançait.
Alors, si nous avions inclus cette clause à laquelle nous songions
d'abord, ça n'aurait rien réglé. Deuxièmement, nous
sommes convaincus que cela ne réglerait rien après que la loi est
votée; troisièmement, cela donnerait le spectacle d'une Chambre
qui se réunit, qui déplace tous les députés, qui
fait encourir toutes ces dépenses pour que les gens rentrent ensuite et
s'ils n'entraient pas, eh bien, mon Dieu, il faudrait encore revenir.
Quatrièmement, nous avons été blâmés
sévèrement par l'Opposition officielle de n'avoir pas agi plus
vite et, cinquièmement, l'Opposition voulait qu'on marque 24 heures au
lieu de 48 heures. Alors, pour tous ces motifs, convaincus que cela ne
règlerait rien, nous regrettons de ne pouvoir retenir la suggestion du
député de Laurier.
DES VOIX: Vote.
M. LE PRESIDENT: La motion de troisième lecture du bill est-elle
adoptée?
M. BELLEMARE: Adopté.
M. LAPORTE : Même vote renversé.
M. BELLEMARE: M. le Président, si c'est le même vote
renversé, je demanderais que le vote soit enregistré.
M. LEVESQUE (Bonaventure): Il est enregistré.
M. LE PRESIDENT: Qu'on appelle les députés!
M. BELLEMARE: Non, non, il est enregistré.
DES VOIX: Même vote enregistré. Discours du
trône
M. LE PRESIDENT: J'ai l'honneur de faire rapport que lorsque cette
Chambre s'est rendue, hier, auprès de l'honorable lieutenant-gouverneur,
dans la salle des séances du Conseil
législatif, il a plu à l'honorable lieutenant-gouverneur
de lire un discours à l'adresse des deux chambres de la
Législature de cette province et que, pour prévenir toute erreur,
j'en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la Chambre.
M. JOHNSON: On vous en dispense.
(Note de l'éditeur: Voici le texte du discours que les
députés ont entendu à l'ouverture de la session, la
veille, puisqu'on est rendu à 1 h 43 de la nuit).
DISCOURS DU TRONE
OUVERTURE
DE LA DEUXIEME SESSION
DE LA VINGT-HUITIEME LEGISLATURE
LE 20 OCTOBRE 1967
HONORABLES MESSIEURS
DU CONSEIL LEGISLATIF, MADAME ET MESSIEURS
DE L'ASSEMBLEE LEGISLATIVE,
Vous avez été convoqués en session spéciale
pour prendre en considération des mesures d'urgence concernant le
rétablissement, en faveur des usagers, des services de transport en
commun dans la ville et la région de Montréal.
Le gouvernement vous soumettra, s'il y a lieu, les autres mesures
d'urgence qui pourraient s'avérer nécessaires pour
protéger la santé et la sécurité publique.
Je prie Dieu de vous éclairer dans vos
délibérations et de vous guider dans l'accomplissement de vos
devoirs, pour le bien général du Québec et de sa
population.
SPEECH FROM THE THRONE
OPENING
OF THE SECOND SESSION
OF THE TWENTY-EIGHTH LEGISLATURE
ON OCTOBER 20th, 1967
HONOURABLE GENTLEMEN
OF THE LEGISLATIVE COUNCIL,
MEMBERS
OF THE LEGISLATIVE ASSEMBLY,
You have been convened in special session to consider urgent measures
respecting the resumption, for the benefit of users, of the public
transportation services in the city and neighbourhood of Montreal.
The government will submit to you, if need be, such other urgent
measures as may prove necessary to protect public health and safety.
May God enlighten your deliberations and guide you in the performance of
your duties, for the general welfare of Quebec and its people.
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer que la
prise en considération du discours du Trône ait lieu
immédiatement.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Mégantic.
M. GERIN-LAJOIE: Dispense.
Adresse au lieutenant-gouverneur
M. BERGERON: M. le Président, je propose que l'adresse suivante
soit votée et présentée à l'honorable
lieutenant-gouverneur de la province.
A l'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec,
nous, les membres de l'Assemblée législative du Québec,
réunis en session, vous prions de bien vouloir agréer avec
l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté...
M. GERIN-LAJOIE: Vote, vote.
M. BERGERON: ... nos humbles remerciements pour le discours qu'il vous a
plu de prononcer afin de faire connaître les motifs de la convocation de
la Chambre.
UNE VOIX: Très bien, très bien.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Témiscouata.
M. SIMARD: M. le Président, à titre de
député de Témiscouata, il m'est très
agréable d'appuyer le député de Mégantic et de
seconder sa motion de remerciement à l'adresse de l'honorable...
M. GERIN-LAJOIE: ... Majesté.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
M. GERIN-LAJOIE: Vote, vote enregistré.
M. LAPORTE: Ils ne sont plus à Ottawa, ils sont rendus à
Londres.
UNE VOIX: Ils s'éloignent du Québec. M. BERTRAND: Vous y
êtes déjà allés.
M. JOHNSON: M. le Président, nous pourrions dire à
l'Opposition: Fiez-vous à nous, nous vous dépasserons
toujours.
M. LESAGE: Cela peut être dur dans le dernier « stretch
».
M. LAPORTE: Il n'est pas possible de marcher aussi lentement.
M. PINARD: Vous retournez aux sources.
Comité du règlement
M. JOHNSON: J'ai l'honneur de proposer, M. le Président, avec
l'assentiment de la Chambre, que pour les fins de la résolution
adoptée par cette Chambre le 9 août 1967, instituant un
comité spécial chargé de reviser les règlements de
l'Assemblée législative, il ne soit pas tenu compte de la
convocation de la présente session.
M. LESAGE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Comité de la constitution
M. JOHNSON: Je comprends que le chef de l'Opposition a une motion
à faire relativement au comité de la constitution. Voici...
M. LESAGE: Bien, j'ai pensé que le premier ministre... Est-ce
qu'on ferait part à la Chambre...?
M. JOHNSON: C'est d'accord. Voici, M. le Président, le portrait
étant changé du côté de l'Opposition...
M. BERTRAND: L'image!
M. JOHNSON: ... l'image ayant été sensiblement
modifiée, quant à ce qui concerne le comité de la
constitution, tout le monde comprendra que le parti libéral ne peut plus
considérer comme l'un de ses porte-parole officiel le
député de Laurier. Je crois que c'est une conséquence qui
découle de certains événements dont nous avons entendu
parler. Cependant nous croyons que le député de Laurier pourrait
apporter la même contribution et certainement créer beaucoup de
vie, générer beaucoup de discussion à ce
comité...
M. LESAGE: Si le comité siège.
M. JOHNSON: ... et nous aimerions qu'il continue à en faire
partie. Par ailleurs nous aimerions aussi y voir le chef de l'Opposition ou un
autre délégué et nous en avons discuté. Les
proportions devant changer, j'accepterais volontiers que le nombre soit
porté à 17 et que M. Lesage soit nommé à ce
comité et que du côté du gouvernement MM. Maltais et
Johnson soient nommés membres. Alors je crois, pour tout
régulariser, M. le Président, que je ferai une motion que le
comité formé le 23 février 1967 par une résolution
adoptée par cette Chambre comprenne 17 membres au lieu de 14.
M. LESAGE: Je pense que nous pouvons laisser la même
rédaction.
M. JOHNSON: Oui. Et deuxièmement que trois nouveaux membres, soit
MM. Lesage, Maltais et Johnson (Bagot), soient nommés.
M. BERTRAND: Adopté.
M. LESAGE: Je remercie le premier ministre, je lui avais fait part de la
difficulté dans laquelle nous nous trouvions et dont il a disposé
avec beaucoup de délicatesse. Nous avons convenu tous les deux que le
député de Laurier devrait demeurer membre de ce comité
très important, s'il veut y siéger.
Et j'ai exprimé au premier ministre mon désir de faire
partie du comité comme un représentant libéral, et c'est
ainsi que nous en sommes arrivés à l'entente que le premier
ministre vient de mentionner. Je crois qu'à la veille des
réunions qui doivent avoir lieu au mois de novembre à Toronto, au
début de l'année à Ottawa, il est important que le
comité siège et que le premier ministre et le chef de
l'Opposition en fassent partie. Je pense que mon collègue, le
député de Vaudreuil-Soulanges, voudrait ajouter un mot, mais je
désire marquer mon appréciation au premier ministre.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. GERIN-LAJOIE: M. le Président, sur cette motion, quelques mots
seulement pour rappeler d'abord que ce comité de la constitution a
été créé par l'Assemblée
législative...
M.JOHNSON: Je demande pardon au député, il pourrait
peut-être faire son intervention sur la motion elle-même qui tente
à rapporter à la prochaine session le rapport...
M. LESAGE : Oui, c'est ça.
M. JOHNSON: Alors on adopterait la première, celle qui augmente
le nombre.
M. LESAGE: C'est ça, elle a été adoptée.
M. JOHNSON: Et on appelle maintenant la motion pour les fins de la
résolution adoptée par cette Chambre le 23 février 1967,
telle que modifiée par la résolution d'aujourd'hui, qu'il ne soit
pas tenu compte de la convocation de la présente session.
M. LESAGE: Vous faites deux procédures...
M. GERIN-LAJOIE: Alors, M. le Président, sur cette motion,
n'est-ce-pas, qui a pour but de permettre au comité de siéger
entre la présente session et la suivante, je me propose de dire quelques
mots qui seront très brefs à ce moment-ci de notre séance.
J'aimerais rappeler tout d'abord que ce comité de la constitution a
été créé originairement par l'Assemblée
législative en 1963. Voilà donc au-delà de quatre ans que
le comité a été mis sur pied. Le comité a eu une
activité assez considérable. Il a tenu plusieurs séances
et il a en particulier fait préparer des travaux de grande importance.
Ces études ont été préparées par des
universitaires, ont été soumises au comité de la
constitution et sont à la disposition de tous les membres du
comité depuis maintenant un an ou deux.
Au surplus, le comité de la constitution a entendu un grand
nombre de groupements: les grandes centrales syndicales, les chambres de
commerce, des mouvements de jeunesse, divers groupements représentatifs
de tous les secteurs de la société. C'est dire que le
comité de la constitution et, par ce comité, l'Assemblée
législative ont mis en oeuvre au Québec un vaste mouvement
d'étude du problème, très important pour le Québec,
de notre avenir constitutionnel, de l'avenir constitutionnel du Québec
dans le Canada, ou en relation avec le Canada, et le mandat a été
élargi à la dernière session pour inclure la constitution
interne du Québec.
Toutefois, après avoir rappelé les travaux très
importants accomplis sous l'égide du comité de la constitution ou
par le comité lui-même, je me dois à ce moment-ci, de
déplorer très gravement que le comité n'ait pas
siégé depuis maintenant un an et demi passé et,
précisons-le, depuis le changement de gouvernement. Toute la
dernière session s'est passée, depuis le mois de janvier jusqu'au
mois d'août, sans que le comité ne tienne une seule séance.
Et, au cas où le public ne serait pas parfaite- ment informé de
la chose, c'est au gouvernement qu'appartient en exclusivité la
responsabilité de convoquer ou de ne pas convoquer les comités,
ce qui veut dire que si ce comité de la constitution n'a pas
siégé depuis le changement de gouvernement, c'est le gouvernement
actuel qui en porte l'entière responsabilité. Voilà pour
le passé.
Mais voici qu'aujourd'hui, en ce 21 octobre 1967, le premier ministre
nous propose, et cela de façon très à propos, que notre
comité puisse siéger en dehors des séances
régulières de la Chambre et même en dehors des sessions de
cette Assemblée législative ou de la Législature en
général. Je pense qu'il est urgent que le gouvernement, non
seulement nous propose cette motion, ce qui est déjà le cas, mais
nous annonce la décision de réunir le comité, et de le
réunir sans délai. C'est à la mi-novembre que le premier
ministre et le gouvernement du Québec participeront à une
conférence interprovinciale convoque'e par le premier ministre
d'Ontario, conférence qui se tiendra à Toronto. Il aurait
été de la plus grande importance que ce comité
parlementaire de la constitution, qui a accompli les travaux que j'ai
mentionnés tout à l'heure depuis maintenant quatre ans
passés, ait l'occasion de faire le point à la suite de ces longs
travaux, ait l'occasion de constater où en est aujourd'hui l'opinion
québécoise et de contribuer à cataliser, si je puis dire,
à former cette opinion québécoise pour que, lorsque le
premier ministre ou certains de ses collègues se rendront
représenter la province à Toronto, ils soient vraiment forts de
l'opinion du comité parlementaire de la constitution et de façon
implicite de cette Assemblée législative.
M. le Président, j'ai déploré l'absence de
réunion du comité pendant les 16 ou 18 mois qui viennent de
s'écouler, mais il est encore temps de réparer ou de
réparer au moins dans une certaine mesure cette grave négligence
du gouvernement, et il faut convoquer ce comité sans délai pour
qu'au moins il puisse faire le point que j'ai mentionné et puisse
prendre connaissance des travaux qui ont pu être faits au sein du
gouvernement, au sein du ministère des Affaires intergouvernementales en
vue de la réunion de Toronto. Je crois savoir que le gouvernement a
demandé au sous-ministre des Affaires intergouvernementales et à
son équipe de fonctionnaires de préparer des travaux en fonction
de la participation du Québec à cette conférence
interprovinciale de novembre prochain.
Je pense, M. le Président, que le premier ministre se devra et se
doit d'ores et déjà d'informer le comité des affaires
constitutionnelles, le comité de la constitution, de l'état de
ses tra-
vaux, des projets du gouvernement en fonction de la conférence
qui s'en vient et d'obtenir l'avis des membres du comité sur les projets
du gouvernement. Je pense que, non seulement des membres de cette Chambre, non
seulement des membres de l'Opposition libérale, mais des leaders
d'opinions à travers la province ont exprimé à plus d'une
occasion et en particulier au cours des derniers mois l'opinion que le
Québec se doit d'avoir une opinion aussi unanime que possible pour
manifester aux yeux du reste du Canada nos objectifs en matière
constitutionnelle. M. le Président, le moyen de manifester une opinion
aussi unanime que possible, le moyen pour le Québec de participer...
M. AQUIN: Unanimité comme samedi dernier, M. le
Président.
M. GERIN-LAJOIE: ... une unanimité aussi-unanime que possible, M.
le Président, et je pense que, dans une question comme celle-ci on se
doit tout d'abord de manifester le plus grand sérieux possible et on se
doit de participer aux travaux de cette Chambre et aux travaux de ses
comités avec la détermination la plus ferme possible de
s'efforcer d'en arriver à une unanimité ou à ce qui se
rapprocherait le plus possible de l'unanimité.
M. le Président, le seul moyen qui s'offre à nous,
à l'heure actuelle, de réussir une telle manifestation
d'unanimité, de quasi-unanimité, c'est de permettre au
comité parlementaire de la constitution de se réunir, de faire le
point sur la question et de donner, en quelque sorte, un mandat au
gouvernement.
Bien sûr que le gouvernement aurait aussi un autre moyen d'assurer
une participation aussi générale que possible des
représentants de la population québécoise à ces
conférences auxquelles le Québec est appelé à
participer. Le député de Chambly tout particulièrement a
eu l'occasion, ces derniers temps, de le dire publiquement. Ce serait pour le
gouvernement d'inviter l'Opposition à désigner un ou plusieurs de
ses membres pour faire partie de la délégation du Québec
à ces diverses conférences. Je pense à la
conférence interprovinciale en particulier. Je pense aussi à la
conférence fédérale-provinciale qui se tiendra à
Ottawa au début de 1968.
M. le Président, nous savons tous que nous avons l'occasion en
cette Chambre de différer d'opinion sur la plupart des questions qui
viennent à l'ordre du jour à un moment ou l'autre de nos
sessions. Nous accomplissons nos devoirs au meilleur de notre jugement, nous
qui siégeons à cette Chambre à titre de
députés.
Mais je pense, M. le Président, que sur cette question
constitutionnelle qui met en cause, de la façon la plus globale qu'on
puisse imaginer, l'avenir du Québec, puisqu'il s'agit des institutions
fondamentales par lesquelles nous pouvons assurer le développement et le
progrès, non seulement de notre population, mais de notre nation prise
globalement comme institution, comme ensemble de population, avec toutes ses
caractéristiques sur le plan culturel en particulier. Je pense, M. le
Président, que dans un cas comme celui-là, nous avons le devoir
et le devoir strict de mettre en oeuvre tous les moyens imaginables pour que
nous arrivions à déployer une action aussi commune et aussi
collective que possible, de façon à montrer un visage aussi
unanime que cela est possible à la face des autres provinces, à
la face du gouvernement fédéral, à la face de tous ceux
qui sont appelés à participer à de telles
conférences.
On sait que, du côté de la députation
libérale, la question constitutionnelle fait l'objet de nos
préoccupations profondes. Elle a fait l'objet de discussions en ces tout
derniers temps. Elle a fait l'objet de certains documents qui ont
été rendus publics et qui seront étudiés
très profondément au cours des semaines et des mois qui s'en
viennent. Mais je tiens à dire ceci. Si les députés
libéraux qui siègent en cette Chambre ont tenu avec tous les
militants libéraux qui participent à nos congrès annuels,
à étudier aussi profondément que possible la question
constitutionnelle, nous l'avons fait en étant très conscients que
cette question ne peut être l'apanage d'un seul parti politique, que
cette question ne peut être l'apanage d'aucun parti politique en
particulier.
Et à ceux qui seraient portés à déplorer que
le parti libéral ne se soit pas engagé plus profondément
et plus en détail dans une ou des options constitutionnelles, je dirai
ceci, c'est que nous avons le désir très profond de faire tous
les efforts possibles pour atteindre cette politique commune à laquelle
j'ai référé tout à l'heure et que notre
désir le plus vif à l'heure actuelle, c'est de participer aux
travaux du comité parlementaire de la constitution dont nous souhaitons
la convocation très prochaine avant la réunion interprovinciale
de Toronto.
M. JOHNSON: M. le Président, à quelqu'un qui avait
visité Paris, on demandait; Avez-vous vu la statue de Napoléon?
Il dit oui. Est-ce que c'était une statue équestre? La personne a
répondu; plus ou moins équestre. Ce qui m'a fait songer à
cette boutade, c'est cette unanimité, presque parfaite, aussi parfaite
que possible, ou quasi unanimité...
M. GERIN-LAJOIE: On ne peut pas engager évidemment l'Opposition
et l'Union nationale, connaissant le degré d'unanimité qui existe
ou n'existe pas dans ses rangs.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aviez déjà votre
problème.
M. JOHNSON: Ce qui aurait pu constituer un document de base...
M. COURCY: Du vol à l'étalage.
M. JOHNSON: ... document de base sur lequel on aurait pu travailler
ensemble, a été mis au frigidaire de par la volonté
démocratique, me dit-on.
M. LESAGE: Que le premier ministre soit juste! Il sait fort bien que ce
n'est pas exact ce qu'il vient de dire.
M. LAPORTE: Ce n'est pas un frigidaire, c'est un tombeau, vous autres.
Vous ne faites jamais rien au point de vue constitutionnel.
M. GERIN-LAJOIE: Convoquez un comité et on va voir ce qui va
arriver.
M. JOHNSON: M. le Président, disons ceci: D'abord...
M. COURCY: Du vol à l'étalage.
M. JOHNSON: ... mettons de côté les taquineries. Nous
voulons rappeler que le comité...
M. GERIN-LAJOIE: C'est la spécialité du premier ministre,
ça.
M. JOHNSON: ... a fait du beau travail et qu'il a contribué
à faire évoluer l'opinion publique dans la province, et
même l'opinion de quelques membres des plus brillants, et je songe au
député de Vaudreuil-Soulanges.
UNE VOIX: C'est bien trop de trouble.
M. JOHNSON: Car on se souviendra que la motion du député
de Missisquoi du 13 mai 1963 mentionnait qu'on formait un comité pour
étudier, entre autres choses, les objectifs de la nation
canadienne-française. Or, dans une motion d'amendement apportée
par un ministre libéral, le mot nation sautait.
M. BELLEMARE: Ah oui!
M. JOHNSON; Et c'est par un sous-amendement du député de
Bagot qu'on a réussi, dans un compromis avec le parti au pouvoir,
à réintroduire la notion du Canada français,
précisément sur l'expression du Canada français. Et le
ministre qui a fait sauter l'expression nation canadienne-française,
c'est le député de Vaudreuil-Soulanges. Je le
félicite.
M. GERIN-LAJOIE: Pour le remplacer par Québec.
M. JOHNSON: Non.
M. GERIN-LAJOIE: Oui, pour le remplacer par Québec.
M. JOHNSON: Les objectifs du Québec... M. GERIN-LAJOIE: Oui.
M. JOHNSON: ... dans une revision de la constitution.
M. LESAGE: Et oui, puis?
M. JOHNSON: Du régime fédératif, à part
ça.
M. LESAGE: Etes-vous contre? Vous avez déclaré que vous
étiez pour à Hawaï.
M. JOHNSON: M. le Président, ma proposition est la suivante: Tant
mieux, ce comité a fait évoluer même celui qui ne voulait
pas des mots « nation canadienne-française » en 1963, alors
que nous, nous la proposions.
UNE VOIX: Hula, Hula.
M. JOHNSON: M. le Président, deuxièmement ce comité
a fait du bon travail. Il est vrai qu'il a été plutôt
silencieux, sinon inactif depuis assez longtemps. Il y a à ça
plusieurs raisons, on les comprend. Il n'est pas nécessaire que je les
énumère toutes.
On songe seulement à la longueur de la session, à l'Expo,
aux grèves et tout ce que vous voudrez. M. le Président,
cependant, il s'est fait du travail pendant ce temps-là par les
secrétaires du comité et particulièrement par le
sous-ministre des Affaires intergouvernementales et son personnel. Nous avons
reçu d'autres documents, des résumés des documents
déjà déposés ont été faits. On a
peut-être terminé le travail que j'ai demandé: faire les
comparaisons entre les mémoires pour savoir
s'il y avait un consensus sur certains points, et nous espérons
pouvoir obtenir les services, à partir du 1er novembre, d'un homme qui
sera libéré d'ailleurs pour se consacrer exclusivement à
ce travail du comité de la constitution pour le faire avancer rapidement
et l'amener vers une conclusion.
M. GERIN-LAJOIE: Quel est son nom?
M. LESAGE: Est-ce que M. Morin ne travaille pas actuellement à la
préparation de la conférence de novembre?
M. JOHNSON: Oui, oui, M. Morin, M. Bernard...
M. LESAGE: Et M. Morin et M. Bernard... M. JOHNSON: ... et M.
Robichaud.
M. LESAGE: ... je les connais assez bien pour savoir qu'ils doivent
travailler et travailler ardemment.
M. GERIN-LAJOIE: Et des professeurs aussi en dehors?
M. JOHNSON: Oui, oui, et ils sont en train de préparer des
travaux en vue de la conférence de Toronto.
M. LESAGE: Est-ce que le comité de la constitution va pouvoir
prendre connaissance de ces travaux avant la conférence de Toronto?
M. JOHNSON: Je l'espère. Maintenant, rêver à une
unanimité, fût-elle imparfaite pour employer les expressions du
député, l'espoir n'est pas très grand. Je me demande si on
pourrait l'avoir du côté libéral. D'autres
prétendent que nous ne l'aurions pas de notre côté, ce qui
est moins sûr.
M. LESAGE: Quoi donc? Le cahier rose?
M. JOHNSON: Pardon?
M. LESAGE: Non, d'accord.
M. JOHNSON: Mais nous ne savons pas encore comment sont formées
les délégations des autres provinces. Nous n'avons pas
fermé la porte...
M. GERIN-LAJOIE: Vous n'avez pas fermé Laporte?
M. JOHNSON: Non, il n'y a pas moyen de le fermer, celui-là!
M. LAPORTE: Je sais que ce n'est pas facile!
M. JOHNSON: Pas facile de le fermer! Donc, M. le Président...
M. LAPORTE: Cela ne serait pas utile à part de ça!
M. JOHNSON: ... comme nous l'avons annoncé, nous espérons
pouvoir faire siéger le comité. C'est certainement l'un des
comités les plus importants, et nous avons vu à ce qu'il ne meure
pas par le jeu de la procédure...
M. LESAGE: Cela aurait bien été le bout!
M. GERIN-LAJOIE: Oui, mais ça c'est rien que sur papier. On
voudrait avoir un engagement du premier ministre.
M. LAPORTE: Ne faites pas seulement l'empêcher de mourir, mais
faites qu'il vive! Faites-le siéger! Est-ce qu'on peut demander au
premier ministre quand le comité va siéger?
M. COURCY: Faites-le siéger! M. JOHNSON: Oui, bien sûr.
M. LAPORTE: Il a fait un long détour pour ne pas répondre,
mais juste un petit chemin pour répondre.
M. JOHNSON: Bien sûr qu'on peut le demander. On l'a
demandé, merci.
M. LAPORTE: Bon.
M. JOHNSON: On pouvait le demander.
M. LAPORTE: Une autre question additionnelle. Est-ce que ce qui s'est
passé depuis le 5 juin 1966... La session est arrivée, le premier
ministre a fait une motion pour que le comité, disait-il, soit encore
plus efficace et plus utile. Il n'a jamais siégé depuis ce
temps-là. Est-ce que ceci va continuer encore longtemps?
M. BELLEMARE: La session a été longue. Et l'Expo a
commencé.
M. JOHNSON: M. le Président, j'ai déjà
annoncé que j'espérais le faire siéger en no-
vembre, je n'ai pas renoncé à pouvoir le faire
siéger en novembre. C'est tout ce que je puis dire pour le moment.
M. BELLEMARE: Très bien.
M. LAPORTE: On me permet encore une question. Est-ce que le premier
ministre se propose de donner suite à la suggestion qui a
été faite par des membres de l'Opposition d'inviter le chef de
l'Opposition, son ou ses représentants à l'accompagner à
ce voyage historique dont a parlé le premier ministre à
Toronto?
M. JOHNSON: Cette suggestion est prise en sérieuse
considération. J'en discuterai avec mes collègues, je vais
consulter les députés indépendants et plus tard je
donnerai une réponse.
M. LE PRESIDENT: La motion de l'honorable premier ministre est-elle
adoptée? Adopté.
Avant que la Chambre ajourne ses travaux à loisir, je voudrais
interpréter à ma façon l'article 1, cinquièmement,
de notre règlement et suivre l'heureux précédent
créé par les orateurs précédents à l'effet
qu'il faut tenir compte des usages qui résultent d'une pratique
habituelle et constante. Une prorogation de Chambres sans une visite aux
appartements de PO-rateur à laquelle vous êtes tous invités
de même que messieurs les journalistes serait briser une tradition et
personnellement je suis contre tout bris.
M. JOHNSON: Vous me permettrez, M. le Président, de vous
remercier de cette invitation et j'aimerais que vous avertissiez tout de suite
votre personnel...
M. PINARD: Il est au régime celui-là.
M. JOHNSON: ... que puisqu'il s'agit de l'ouverture et de la
prorogation, il faudrait en tenir compte, c'est deux dans un»
M. LE PRESIDENT: La Chambre ajourne à loisir.
(Note de l'éditeur: Pendant cet ajournement de vingt minutes, le
projet de loi est étudié par les membres du Conseil
législatif, puis à 2 h 30 de la nuit, les députés
étant revenus en Chambre:)
Message du Conseil législatif
M. LE PRESIDENT: Voici un message reçu du Conseil
législatif. « Conseil législatif, le 21 octobre 1967.
Le Conseil législatif informe l'Assemblée
législative qu'il a voté, sans amendement, le bill suivant:
Bill numéro 1 intitulé Loi assurant aux usagers la reprise
des services normaux de la Commission de transport de Montréal.
Attesté Léonard Parent greffier associé du
Conseil législatif. »
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs. Faites entrer le messager. Let
the messenger in.
LE MESSAGER: M. le Président, Son Honneur l'honorable
lieutenant-gouverneur désire la présence des membres de cette
Chambre dans la salle du Conseil législatif.
Mr. Speaker, it is the Honourable Lieutenant-Governor's pleasure that
the members of this House do attend immediately in the Legislative Council
Chamber.
(Note de l'éditeur; Les membres de l'Assemblée
législative se rendent au Conseil législatif pour assister
à la prorogation de cette session.)