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(Dix heures et demie)
M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be opened.
À l'ordre, messieurs: Affaires courantes.
Présentation de motions non annoncées.
Présentation de bills publics.
Dépôt de documents requis par
motions
M. Lesage: M. le Président, à la fin de la dernière
session, le dernier jour, je crois, nous avons, de consentement,
transformé en motions pour production de documents un certain nombre de
questions. Je m'étais engagé à fournir le plus tôt
possible les documents, les réponses aux questions. J'en ai un certain
nombre ici. La note que j'ai ne me dit pas si ça couvre tous les cas. Je
viens de les recevoir. Nous avons eu un caucus depuis 9 heures ce matin.
D'abord, une question de M. Gabias du 10 juillet 1963 au sujet de la
maison Banville Inc.; réponse par moi-même. Ensuite, une autre
question de M. Gabias en date du 20 juin au sujet de la Commission du salaire
minimum; réponse par M. Fortin. Ensuite, une autre question de M.
Gabias, également du 10 juillet, au sujet de la maison Frenette Inc.;
réponse de M. Gérin-Lajoie. Enfin, une autre question de M.
Gabias, le 20 juin, au sujet de l'hôpital Cooke; réponse du Dr
Couturier.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Construction d'un nouveau palais du justice à
Québec
M. Johnson: M. le Président avant qu'on passe aux affaires du
jour, je me demande si le premier ministre voudrait nous informer et informer
la Chambre quant à la construction d'un nouveau palais de justice
à Québec. Est-ce que la décision est prise? Est-ce que les
contrats sont accordés?
M. Lesage: J'ai reçu, hier, du ministre des Travaux publics deux
projets. La décision de principe, évidemment, de l'agrandissement
du palais de justice de Québec est prise déjà depuis
quelque temps. Les ingénieurs du ministère des Travaux publics
ont examiné la situation et ont fait un rapport au ministre des Travaux
publics, lequel m'a soumis deux solutions possibles. J'ai remis le dossier,
hier soir, au Procureur générai en lui suggérant de voir
le juge en chef, l'honorable juge Frédéric Dorion, et le
bâtonnier du district de Québec pour leur soumettre les deux
projets et obtenir leur opinion et faire rapport au ministre des Travaux
publics.
M. Johnson: Ça répond à une partie de la question,
M. le Président. La deuxième partie, c'est est-ce qu'un contrat a
été négocié à date ou une entente?
M. Lesage: M. le Président, comment peut-il y avoir un contrat?
Il me sembla qu'il va de soi, que tout le monde à compris qu'il ne
pouvait pas y avoir de contrat quand je viens de recevoir une demande du
ministre des Travaux publics de lui donner mon opinion quant aux deux projets
qu'il me soumet. Ce n'est pas nécessaire d'être bien fin pour
savoir qu'il ne peut pas y avoir de contrat accordé.
M. Johnson: M. le Président, ce n'est pas à moi qu'il
fallait dire ça. C'est a certains contracteurs de Québec qui se
vantent déjà d'avoir le contrat à "cost plus".
M. le Président: Affaires du jour.
M. Lesage: Ce n'est pas la politique du gouvernement d'accorder des
contrats à "cost plus".
M. Johnson: M. le Président, avant de passer aux affaires du
jour, le premier ministre me permettra de lui demander s'il a l'intention
d'appeler la motion qui porte le no 7 Ordre de la Chambre.
M. Lesage: Oui, M. le Président, j'ai l'intention de l'appeler et
de demander au président de la déclarer contraire aux
règlements.
M. Johnson: Cela viendra tantôt?
M. Lesage: Cela viendra immédiatement avant l'article 2.
M. Johnson: D'accord. M. le Président, je crois qu'avant que nous
ne passions à l'ordre du jour un de mes collègues a une question
a poser relativement au feuilleton du jour.
Absence d'une question au feuilleton
M. Gabias: M. le Président, hier, au début de la
soirée, j'ai fait parvenir un avis de motion concernant une question.
Elle a été déposée suivant l'article 113 des
règlements, qui se lit comme suit: "Les
motions, de même que les questions aux ministres et aux
députés sont inscrites au feuilleton suivant l'ordre dans lequel
les avis ont été déposés." Or, ce matin, M. le
Président, en prenant connaissance du feuilleton, je découvre que
la question que je voulais poser au gouvernement n'y apparaît pas. Je
crois que j'ai le droit de protester contre cette façon d'agir,
également de m'enquérir pourquoi la question n'apparaît pas
au feuilleton ce matin.
M. le Président: Je suis parfaitement au courant de la question
que voulait poser le député de Trois-Rivières. Le
député de Trois-Rivières m'a rappelé qu'hier soir
j'ai moi-même expliqué au député que la question,
dans la forme qu'il voudrait la poser, était contraire aux
règlements et que je serais obligé de donner instruction au
greffier de ne pas l'imprimer au feuilleton telle que soumise par le
député de Trois-Rivières. Le député de
Trois-Rivières m'a répondu qu'il avait l'intention d'essayer de
refaire la question, de la rédiger dans une forme qui serait acceptable.
Il ne l'a pas fait. Il m'a remis la question dans la même forme. Alors,
dans ce cas-là, je n'avais pas d'autre alternative que de la garder, de
ne pas l'imprimer dans le feuilleton. C'est précisément l'article
681 qui indique que la forme des questions est réglée de la
même façon que les avis de motions. Or, le règlement
prévoit que, si une motion ou un avis est dans une forme illégale
ou contraire aux règlements, c'est à l'orateur de décider
et de ne pas l'imprimer dans le feuilleton.
M. Gabias: 681?
M. le Président: C'est 681. M. Lemieux, qu'est-ce que c'est le
règlement qui dit cela? 140.
M. le greffier: 140.
M. le Président: 681. - "Aucune question ne peut être
posée à moins qu'il n'en ait été donné un
avis suivant les règles relatives aux avis de motions." 143. - "Quand un
avis renferme des expressions inconvenantes, contient le texte d'une motion
irrégulière, ou est autrement irrégulier, l'orateur peut
ordonner de la modifier ou de la mettre de côté."
Alors, j'ai demandé au député de
Trois-Rivières de modifier son texte. J'aurais ou simplement la mettre
de côté.
M. Johnson: Mon.
M. le Président: J'ai demandé au député de
Trois-Rivières de modifier son texte. Il ne l'a pas fait. Alors, je
n'avais pas d'autre moyen que de la mettre de côté.
M. Gabias: M. le Président, j'ai regardé bien
attentivement. Il est exact que vous m'avez demandé hier soir...
M. le Président: Je n'ai pas suivi le député.
M. Gabias: J'ai dit qu'il est exact que vous m'avez demandé hier
soir dans votre chambre pour me faire remarquer que, suivant vous et suivant
les règlements, la question que je posais, au feuilleton était
irrégulière et illégale. J'ai également
ajouté que je vérifierais et que, s'il y avait possibilité
de transformer la forme de la question, je le ferais et vous la remettrais.
Après avoir examiné les règlements, j'en suis venu
à la conclusion que la question n'était pas
irrégulière et illégale et je vous l'ai
retournée.
M. Lesage: M. le Président, le député de
Trois-Rivières ne peut pas discuter votre décision. Il peut
seulement en appeler.-
M. Gabias: Bien, voici, M. le Président. Vous avez donné
les raisons pourquoi...
M. Lesage: Comment, M. le Président peut-il discuter en Chambre
de votre décision, alors que nous ne savons même pas - aucun des
députés, peut-être des collègues du
député de Trois-Rivières - quel est le texte de cette
question qu'il voulait poser? C'est une décision de l'Orateur et, si le
député de Trois-Rivières n'est pas satisfait, je me
demande même s'il a le droit d'en appeler. Je pense que c'est la
responsabilité de l'orateur et sa responsabilité finale et, au
moment où je parle, je ne sais même pas de quoi il s'agit.
M. Gabias: Raison de plus. Si le premier ministre ne sait pas de quoi il
s'agit, qu'il nous écoute au moins et, alors, peut-être
pourra-t-il comprendre.
M. Lesage: M. le Président j'ai invoqué le
règlement.
M. le Président: À l'ordre!
M. Lesage: M. le Président, il ne s'agit pas de connaître
le fond de la question. Nous ne saurions en discuter parce qu'il n'y a rien
devant la Chambre. Il s'agit purement et simplement d'une question de
procédure et, à mon sens, il est clair que l'article 143 laisse
à l'orateur seul le soin de décider si l'avis est conforme aux
règlements. L'orateur a décidé qu'il n'était pas
conforme aux règlements. Il a fait demander le député de
Trois-Rivières. Il lui a offert de le modifie'-. Comme le
député de Trois-Rivières ne l'a pas modifié, il l'a
mis de côté en vertu de 143. Y a-t-il appel? Je ne le sais pas. Je
ne
le crois pas.
M. Gabias: Il n'a pas le droit de faire ça, l'orateur.
M. Johnson: M. le Président, parlant de la question de
règlement soulevée par le premier ministre, vous me permettrez
d'exposer notre point de vue. Il ne s'agit pas du fond de la motion
elle-même que nous n'avons pas devant nous et il serait,
évidemment, d'un suprême ridicule de voter, M. le
Président, pour ou contre votre décision sans même
connaître au sujet de quoi vous avez rendu une décision.
Mais, M. le Président, là n'est pas le point ce matin.
Nous pourrions, je crois, faire une motion pour demander à la Chambre de
déclarer que vous avez outrepassé vos pouvoirs en empêchant
. la publication au feuilleton d'une motion, car c'est notre prétention,
M. le Président, qu'en vertu de l'article 143 vous avez,
évidemment, le droit de déclarer une motion
irrégulière, irrecevable et contraire aux règlements, mais
vous devez exercer cette juridiction, ce pouvoir en Chambre.
M. Lesage: Non.
M. Johnson: C'est la Chambre qui est souveraine, M. le Président.
C'est la Chambre qui, en tout temps, a la juridiction exclusive et
entière pour déclarer si, oui ou non, une motion, un acte de
député, un écrit quelconque est conforme au
règlement.
M. le Président vous êtes, vous, le président de
cette Chambre. Vous pouvez vous prononcer, comme l'article 147 le dit, mais
vous êtes toujours et constamment soumis au vote approbateur ou
réprobateur de la Chambre. M. le Président, je soumets
respectueusement, avec toute la déférence que j'ai pour votre
personne, mais plaidant les droits des députés de
l'Assemblée législative tout entière, que vos actes
devraient tous être exercés en Chambre. C'est tellement le cas, M.
le Président, que les auteurs sont allés jusqu'à dire que
l'orateur peut même, pour éviter d'avoir à faire cela en
Chambre et pour donner une chance au député d'amender sa
question, le faire venir, discuter avec lui afin que le député,
par inadvertance ou par manque de connaissance du règlement, ne soit pas
exposé à ce qu'une question sérieuse soit
éliminée tout simplement à cause d'un aspect particulier
de la rédaction de sa question. Cela, c'est reconnu par tous les auteurs
et, M. le Président, vous connaissez, entre autres, Bourinot. Je soumets
donc respectueusement que vous ne pouvez pas, M. le Président...
M. Gabias: Je vais vous le dire, ça va prendre une minute.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Johnson: M. le Président, il y en a d'autres qui vont parler
là-dessus. Il y en a d'autres qui peuvent parler là-dessus, M. le
Président. Et nous n'avons même pas besoin de Bourinot, mais trop
fort ne casse pas. L'orateur de cette Chambre, d'autres membres de cette
Chambre connaissent le règlement et donneront tantôt les
références nécessaires.
M. Lesage: Cela fait partie de l'opération $100 par jour.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
J'invoque la question de privilège. Mercredi, nous avons
été sommés par le lieutenant-gouverneur de nous
réunir dans cette Chambre par suite d'un acte du premier ministre de la
province de Québec qui, pour plier devant ses amis d'Ottawa et sauver
l'unité libérale, fait dépenser de l'argent à la
province. M. le Président, vous venez d'entendre encore le premier
ministre faire allusion à ces $100 par jour. Il s'est trouvé un
journaliste, ce matin, pour emboucher le ton démagogique du premier
ministre et dire: "Les députés à $100 par jour." Il y en a
tellement qui veulent avoir des positions du présent gouvernement.
M. le Président, nous avons été sommés de
venir ici et, en vertu du règlement que connaît ou devrait
connaître le premier ministre, nous n'étions tenus qu'à
faire une seule séance mercredi après-midi. En vertu du
même règlement, nous n'étions tenus à faire qu'une
seule séance jeudi. En vertu du règlement, nous étions
tenus à ne faire qu'une séance aujourd'hui. Alors, nous avons,
dans un esprit de collaboration, siéqé mercredi soir, jeudi
matin, jeudi après-midi, jeudi soir. Nous siégeons ce matin par
consentement unanime de la Chambre. Nous sommes prêts à
siéger cet après-midi, si c'est nécessaire, ce soir.
M. Lesage: Et demain.
M. Johnson: Si c'est nécessaire, demain, si c'est
nécessaire, dimanche...
M. Lesage: Non, je ne siégerai pas le dimanche.
M. Johnson: ... ou lundi. C'est le premier ministre qui le
décidera, mais c'est nous qui allons décider, par exemple...
M. Lesage: Combien de $100 vous allez recevoir.
M. Johnson: ... si le sujet pour lequel nous avons été
convoqués est assez important pour que nous lui consacrions au moins un
dixième du temps qu'on a consacré à la Loi
des liqueurs.
M. Lesage: M. le Président, le député de Bagot est
complètement hors d'ordre.
M. Johnson: M. le Président, j'ai invoqué une question de
privilège. À part de ça, je dirai au premier ministre que
les $100 par jour...
M. Lesage: J'ai invoqué le règlement.
M. Johnson: ... ce n'est ni moi, ni aucun autre député qui
les a proposés dans le bill des indemnités; c'est le premier
ministre lui-même qui a pris l'initiative de mettre $100 par jour. Je
déclare de mon siège, M. le Président - je le dis pour moi
et je sais que plusieurs de mes collègues sont prêts à
faire la même chose si les députés libéraux veulent
le faire - que nous allons renoncer, à partir de ce matin, à
notre indemnité si c'est ça qui fatigue le premier ministre.
Mais, M. le Président, les propos du premier ministre au sujet desquels
j'ai invoqué la question de privilège...
M. le Président: A l'ordre, messieurs;
M. Lesage: M. le Président, sur une question de privilège,
les députés libéraux sont prêts à renoncer
eux-mêmes, à partir d'aujourd'hui, suivant la suggestion du chef
de l'Opposition, aux $100 par jour.
M. Johnson: M. le Président, nous allons...
M. le Président: À l'ordre, messieurs;
M. Johnson: M. le Président, je ne peux pas parler pour tous les
membres de cette Chambre, mais...
M. Lesage: Tiens;
M. Johnson: M. le Président, je ne suis pas un autocrate. Je ne
parle qu'en mon nom et, quand je vaudrai avoir l'opinion des
députés, je prendrai les moyens de le faire.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
Motion proposant que les
députés renoncent à leur
indemnité de $100 par jour
M. Johnson: Et je le fais subito. Avec votre permission, je propose la
motion suivante: Que les députés de cette Chambre... M. le
Président, secondée par le député de
Bellechasse...
M. Lesage: M. le Président, je seconde la motion et je demande le
vote.
M. le Président: À l'ordre, messieurs; Est-ce qu'on est
prêt à prendre le vote?
Des voix: Oui.
M. le Président: Qu'on appelle les députés et, en
même temps... À l'ordre, messieurs!
M. Hanley: On n'a pas eu la chance de discuter de cette motion avant le
vote.
M. le Président: À l'ordre, messieurs; À l'ordre!
Je viens de demander si on est prêt à prendre le vote.
M. Hanley: Non. Je m'objecte.
M. le Président: Je comprends que le député de
Sainte-Anne voudrait prendre la parole sur la motion.
M. Hanley: C'est un...
M. le Président: Pas quand je suis debout.
M. Hanley: Is that unanimous before the vote?
M. le Président: No.
M. Hanley: I would like to discuss the motion.
M. le Président: Je suis prêt. I am going to hear the
Member for St.-Ann on the motion proposed by the leader of the Opposition and
seconded by the Prime Minister.
M. Hanley: Mr President, this Parliament adopted a law unanimously
concerning the indemnity and the expenses per annum for their members. Within
the framework of that law, there is a penalty clause and within the framework
of the law, there is an indemnity for a special session. If there are a certain
number of members here who are wealthy enough and who have enough money to pay
their hotel and their expenses during a special session, they should have
opposed the law and the articles of the law before it was adopted before this
Parliament.
If I have a seconder in this House, I would propose that, for the
duration of our mandate, until 1967, this Parliament sit without
énumération and without indemnity whatsoever. If you want to save
a mere insignificant amount of $100, they would save $15,000 a year for the tax
payers, then, let us sit for nothing for the duration of the mandats. Have I
got a seconder to my motion? I am ready to propose it.
M. le Président: I do not see any seconder.
M. Hanley: I am on record.
M. le Président: If the member cannot find a seconder, I am
afraid his motion cannot stand.
M. Hanley: All right, it is on record.
M. le Président: Est-ce qu'il y a d'autres députés
qui veulent prendre la parole sur la motion proposée par le chef de
l'Opposition?
Une voix: Il n'y en a pas.
M. le Président: Qu'on appelle les députés.
Avez-vous la motion?
M. Gabias: Il n'y aura pas de bâillon dans cette Chambre,
certain.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! à l'ordre,
messieurs! Est-ce qu'on est prêt à voter sur la motion
proposée par M. Johnson, secondée par M. Lesage: Que les
députés de cette Chambre, à partir d'aujourd'hui,
renoncent à leur indemnité de $100 par jour?
Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se
lever.
M. Johnson: M. le Président, j'avais dit que cette motion
était secondée par le député de Bellechasse.
Une voix: C'est ça.
M. Lesage: M. le Président avant que le député de
Bagot dise que la motion était secondée par le
député de Bellechasse, je me suis levé et j'ai dit: Je
seconde.
M. Johnson: M. le Président, au moment où j'étais
debout, j'ai proposé la motion et oersonne d'autre n'avait le droit de
parole. C'est moi qui avais le droit de parole et, comme proposeur de la
motion, j'avais le droit d'indiquer à cette Chambre, comme c'est la
tradition immémoriale et sans exceptipn, le nom de mon secondeur, M. le
Président, et c'est le député de Bellechasse. Je vous
demande, M. le Président, d'indiquer sur la motion qu'elle est
proposée par le député de Baqot et secondée par le
député de Bellechasse.
M. Lesage: M. le Président, j'ai l'impression bien nette que le
député de Bagot regrette sa motion.
M. Johnson: Au contraire, M. le Président, je veux bien marquer
qu'elle oriqine de l'Opposition à l'unanimité et que les
libéraux n'ont fait que ce qu'ils font àOttawa: ils suivent.
M. Lesage: D'abord, le chef de l'Opposition peut-il dire qu'il veut
indiquer qu'elle oriqine de l'Opposition à l'unanimité, alors
que, lorsqu'il a parlé de prendre un vote sur la question, il a dit: Je
ne suis pas comme le chef du gouvernement, moi, je dois consulter mes
députés? Alors, il ne peut prétendre qu'elle fait
l'unanimité de son côté. Ce sont ses propres paroles et, du
moment que j'ai secondé la motion du chef de l'Opposition, je suis le
secondeur.
M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour Que vous rendiez
ma première motipn ccnforme à la réalité et que
vous indiquiez qu'elle est proposée par le député de Bagot
et secondée par le député de Bellechasse.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Il est assez
difficile pour moi de décider des affaires comme ça. J'ai
moi-même écouté le chef de l'Opposition proposer sa motion;
en même temps, à la fin, j'ai entendu moi-même le premier
ministre dire: Je seconde la motion.
Une voix: Il était assis.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Je comprends que le
greffier lui-même avait compris exactement la même chose parce que
la motion que je viens de lire à la Chambre, ce sont des mots
écrits par le qreffier qui en avait pris note au moment où la
motion a été faite. Je lui avais demandé auparavant - ce
n'était pas pour savoir qui avait proposé ou oui avait
secondé; c'était simplement pour avoir le sens exact de la motion
- de me prêter les notes qu'il avait prises. Je me demande comment je
pourrais décider devant cette Chambre qui a secondé. J'ai entendu
moi-même le premier ministre se lever et dire: Je seconde la motion.
M. Dozois: Il n'a pas le droit de faire ça.
M. Lesage: C'est la coutume, d'ailleurs, quand il y a
unanimité.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Ce n'est pas moi
qui peut décider qui a secondé la motion: ce sera à la
Chambre de décider, je ne vois pas d'autre solution.
M. Lesage: Je n'ai pas d'objection à ce qu'il ajoute le nom du
député de Bellechasse comme deuxième secondeur.
M. Bellemare: Non, non, non. Ce n'est pas étonnant que vous
fassiez des concessions.
M. Johnson: C'est à la Chambre de décider qui est le
secondeur.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Le premier ministre
suggère que ce sera la motion du chef de l'Opposition, secondée
par le premier ministre et par le député du comté de
Bellechasse.
Des voix: Non, non, non.
M. Gabias: Proposée par le chef de l'Opposition et
secondée par le député de Bellechasse.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Alors, je demande
la décision de la Chambre.
M. Johnson:. Si vous le permettez, M. le Président, j'ai des
remarques. Je ne veux pas être désagréable envers vous, au
contraire, je voudrais faciliter votre tâche, mais la raison pour
laquelle j'insiste, c'est une question de principe. Autrement, un membre du
gouvernement ou de l'Opposition faisant une motion serait privé de son
droit de choisir son secondeur si n'importe qui dans la Chambre, de son
siège, n'ayant pas le droit de parole, n'avait qu'à crier: Je
seconde. M. le Président, les motions sont généralement
faites par un député qui indique tout de suite, comme le veut le
règlement, quel est son secondeur. Or, j'ai proposé. Il est vrai
que le premier ministre a dit: Je seconde, mais il était assis à
ce moment-là. J'avais mon droit de parole et je n'avais pas fini. J'ai
dit: Secondé par le député de Bellechasse, dès que
j'ai ou le dire, après les applaudissements. M. le Président, je
l'ai faite, cette motion, à la fin de mon intervention comme le veut le
règlement et, la faisant formellement, j'ai déclaré
à ce moment-là qu'elle était secondée par le
député de Bellechasse. Le premier ministre pourra voter librement
sur cette motion de renonciation à notre indemnité, comme tous
les députés libéraux d'ailleurs, j'en suis bien
certain.
Alors, j'insiste à regret, M. le Président - c'est une
question de principe - pour que vous mentionniez le député de
Bellechasse.
M. Lesage: M. le Président, juste un mot. Le chef de l'Opposition
a soutenu que le proposeur d'une motion avait le droit de choisir son
secondeur. Il n'y a absolument rien dans les règlements à cet
effet. De plus, il y a une tradition établie que, lorsque les deux
partis sont d'accord, par exemple pour le choix de l'Orateur ou sur des
questions semblables, c'est ordinairement un chef de parti qui seconde l'autre.
C'est la simple politesse, M. le Président, et c'est une tradition et je
veux le rappeler au chef de l'Opposition. Je lui ai rendu cette politesse
à de nombreuses reprises. Le chef de l'Opposition a lancé un
défi, j'ai relevé le défi. J'ai regardé les
députés libéraux qui m'entouraient. Tous ont fait signe
que oui, ils étaient disoosés à renoncer à partir
d'aujourd'hui...
M. Johnson: Même ceux qui n'y étaient pas!
M. Lesage: Bien, je connais assez le ministre des Affaires culturelles
et son détachement des biens de ce monde.
M. Bellemare: Son élévation?
M. Lesage: Alors, j'ai dit: Oui, très bien, d'accord. Le chef de
l'Opposition s'est levé et il a dit: Il faudrait bien que je consulte
mes députés, moi, je ne suis pas sûr. C'est ce qu'il a dit.
Il n'a pas dit: Je ne suis pas sûr, mais il a dit: Je ne veux pas parler
en leur nom.
M. Johnson: M. le Président, j'ai aussi ajouté - le
premier ministre devrait avoir l'honnêteté intellectuelle de le
dire - que la forme reconnue pour connaître l'opinion d'hommes libres,
c'est de faire une motion. Et je fais une motion, secondée par le
député de Bellechasse.
M. Lesage: J'y arrive là. J'avais donné l'acceptation des
députés de ce côté de la Chambre. Le chef de
l'Opposition s'est levé et il a dit: Pour connaître l'opinion des
députés, la forme normale, c'est une motion. Je propose donc
qu'à partir de maintenant -ce sont ses termes exacts; pas à
partir d'aujourd'hui, à partir de maintenant - les députés
renoncent à leur indemnité pour la présente session. J'ai
dit: Je seconde et, après cela, il a dit, pour me contredire,
secondé par le député de Bellechasse qui n'en avait jamais
entendu parler.
M. Loubier: M. le Président, j'ai justement un journal ce matin
qui rapoorte que c'est moi qui ai proposé cela, hier, à
l'attention de la Chambre. J'en avais entendu parler.
M. Lesage: M. le Président, le député de
Bellechasse n'avait pas eu la demande de son chef, ce matin, de seconder une
pareille motion, parce que l'idée lui est venue à la
dernière minute.
M. Loubier: M. le Président j'en avais discuté avec le
chef.
M. Lesage: Ah bon, vovons donc!
M. Loubier: Oui.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Hamel (Saint-Maurice): Me permettez-vous, M. le Président,
d'attirer votre attention sur l'article 247 qui, à mon sens, indique
clairement qu'il n'est pas question pour le proposeur de choisir lui-même
son secondeur? Voici ce qu'on dit: "Le député qui demande la
parole pour appuyer une motion comme second - n'importe quel -a le droit, si la
motion doit être appuyée, d'être entendu
immédiatement après l'auteur de cette motion." Or, c'est cela
qu'a fait le premier ministre, M. le Président. C'était son droit
en vertu de l'article 2i7 et j'insiste particulièrement sur le point que
c'est la tradition, généralement, quand il y a une question comme
celle-là, une question de félicitations, une question de
décès, une question qui intéresse tout le monde en
particulier. C'est la tradition - et tout le monde va admettre cela, M. le
Président -que, quand un chef de parti fait une telle proposition, le
secondeur est le chef de l'autre parti. Cela, ça se fait depuis au moins
huit ans que je suis ici en Chambre, moi, et ça se faisait...
Une voix: Huit ans de trop.
M. le Président: Est-ce que je pourrais demander aux
députés de réfléchir pour quelques instants et d'en
venir à une conclusion, sans qu'il soit nécessaire de prendre un
vote qui ne déciderait pas grand-chose? D'après l'article que
vient de citer le Procureur général, "le député qui
demande la parole pour appuyer une motion", c'est exactement cela que le
premier ministre a fait.
M. Johnson: Il n'a pas demandé la parole pour appuyer une
motion.
M. le Président: Il n'a pas demandé la parole. Le premier
ministre s'est levé et il a dit: Je seconde la motion. Je demande
simplement aux députés de réfléchir sur une
décision de la Chambre pour décider qui a secondé la
motion.
M. Hamel (Saint-Maurice): C'est de l'enfantillage; M. le
Président: Est-ce que je dois poser la question?
Des voix: Non, non. Non, non.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Bellemare: Cela fait deux jours que vous nous achalez avec cela!
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Est-ce qu'on est
prêt à dire: La motion principale proposée par le chef de
l'Opposition, secondée par le premier ministre?
M. Johnson: Non, M. le Président, j'ai fait motion pour...
M. Lesage: M. le Président, pour me montrer plus raisonnable que
les amis d'en face, je vais retirer ma demande, ma proposition à l'effet
de seconder la motion et je vais admettre qu'elle peut être
secondée par le député de Bellechasse, ce qui va prouver
qu'il y a plus de sérieux de ce côté-ci que dans les
têtes de linottes...
M. Johnson: M. le Président, le remercie le premier ministre de
respecter enfin la dignité et les coutumes de cette Chambre.
M. le Président: A l'ordre, messieurs. La motion est
proposée.
M. Gabias: Sur un point d'ordre, M. le Président, le premier
ministre a employé des mots indignes: "têtes de linottes". On va
lui faire retirer cela. Il y a toujours une limite!
Adoption de la motion
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
Vote sur la motion de M. Johnson, secondée par M. Loubier,
proposant que tous les députés de la Chambre, à partir
d'aujourd'hui, renoncent à leur indemnité de $100 par jour. Que
tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.
M. le Greffier adjoint: MM. Johnson. Dozois, Bertrand (Missisquoi),
Bellemare, Élie, Ducharme, Johnston, Cottingham, Boudreau. Lafontaine,
Gabias, Guillemette, Russell, Somerville, Gosselin, Lizotte, Raymond.
Charbonneau, Loubier, Majeau, Gagnon, Gauthier, Lavoie (Wolfe), Lesage,
Bertrand, Lapalme, Bédard, Lalonde, Gérin-Lajoie, Hamel
(Saint-Maurice) Arsenault, Saint-Pierre, Cliche, Dionne, Brown, Bertrand
(Terrebonne), Pinard, Levesque (Bonaventure). Laporte, Fortin, Mme
Kirkland-Casgrain, Parent, Binette, O'Reilly, Turpin, LeChasseur, Roy, Meunier,
Harvey, Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Boulais, Coiteux
(L'Assomption), Hamel ''Iberville", Crépeau, Fournier, Thibeault,
Théberge, Dallaire, Lacroix, Kennedy, Baillargeon. Brisson,
Hébert, Mailloux, McGuire, Cadieux, Beaupré, Godbout,
Dupré, Martin.
M. le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien se
lever.
M. le Greffier adjoint: M. Hanley. M. le Président: À
l'ordre, messieurs. M. le Greffier adjoint:
pour: 74 Contre: 1 Yeas: 74 Nays: 1
M. le Président: La motion est adoptée.
M. Gabias: M. le Président, avant que le vote soit pris, j'avais
soulevé un point d'ordre. Vous avez consenti à ce que
l'intervention soit faite après le vote. Alors que le premier ministre a
consenti à retirer sa demande d'être secondeur, l'ayant fait
gentiment, il ne pouvait pas terminer gentiment et il a déclaré
que les gens de l'Opposition étaient des têtes de linottes.
M. Lesage: Non, M. le Président. Je n'ai pas dit ça.
M. Gabias: M. le Président, nous avons entendu clairement les
mots du premier ministre, qui sont sûrement antiparlementaires et
indiqnes du poste qu'il occupe et je demande que ces paroles soient
retirées.
M. Lesage: M. le Président, parlant sur la question de
règlement, voici exactement ce que j'ai déclaré, et c'est
textuel. J'ai déclaré qu'en retirant ma demande d'appuyer la
motion du chef de l'Opposition je prouvais que, de ce côté de la
Chambre, nous étions des hommes sérieux, plus sérieux que
les têtes de linottes qu'il y avait de l'autre côté. C'est
textuel. Je n'ai pas dit où étaient les têtes de linottes.
Je n'ai pas dit que c'était tous des têtes de linottes. S'il y en
a qui se sentent visés, tant pis pour eux.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Une voix: Qu'il
retire ses paroles.
M. le Président: Je vais profiter de l'occasion pour demander
è tous les députés d'essayer de garder le langage
parlementaire dans cette Chambre.
M. Bertrand (Missisquoi): Surtout là.
M. le Président: A l'ordre, messieurs. Je ne suis certainement
pas dans une position pour dire que c'est d'un côté ou de l'autre
de la Chambre. Je demande la coopération de tous les
députés. En même temps, je voudrais vider la question
soulevée par le député de Trois-Rivières concernant
la question qu'il avait soumise hier soir. Pour le moment, je suis prêt
à étudier la question.
M. Johnson: M. le Président, avez-vous rendu une décision
sur le point d'ordre soulevé par le député demandant au
premier ministre de retirer ses paroles?
M. le Président: Je crois que je l'ai fait.
M. Johnson: Le premier ministre ne les a pas retirées, M. le
Président.
M. Lesage: Je n'ai rien à retirer, je n'ai visé
personne.
M. Johnson: M. le Président, j'insiste pour que vous demandiez au
premier ministre de retirer ses paroles. Il a parlé de têtes de
linottes à l'adresse de l'Opposition.
M. le Président: Qu'est-ce que c'est? Je n'ai même pas
entendu les paroles.
Une voix: Il les a répétées tantôt.
M. Bellemare: Faites remonter un peu l'acoustique de leur bord.
M. Lesage: M. le Président, je n'ai adressé ces paroles
à personne en particulier.
M. Bellemare: Ce n'est pas diqne d'un Premier ministre.
M. Lesage: C'est clair, je ne les ai adressées à personne
en particulier.
M. Bellemare: Ce n'est pas digne d'un premier ministre.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre a
répété ses paroles: elles s'adressent clairement aux
membres de l'Opposition et je vous demande, s'il vous plaît, de lui
demander en qrâce de retirer ses paroles. Ce sera moins grave pour la
bonne réputation de la Chambre et de l'État du Québec,
alors qu'il est censé être le chef, lui qui a employé le
mot "putréfaction" hier. Il y a une limite. Je commence à avoir
honte d'être membre de lÉtat du Québec avec un chef qui a
un tel lanqage.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Lesage: M. le Président je n'endurerai pas plus longtemps les
insultes d'un chef de l'Opposition indiqne.
M. Johnson: M. le Président, c'est le premier ministre qui a
parlé de putréfaction cette fois.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Lesage: J'ai dit que j'étais prêt à retirer ces
mots.
M. Johnson: Ah bien, dites-le.
M. Lesage: Bien oui, mais vous parlez tout le temps. J'ai le droit de
retirer mes paroles. Le chef de l'Opposition me demande en grâce de les
retirer. Je retire les mots "de linottes" pour les remplacer par le mot
"légères".
Reprise du débat sur la question de
privilège
M. Johnson: M. le Président, au moment où j'ai fait ma
motion, vous le savez, c'était pour donner suite à une question
de privilège. J'avais invoqué cette question de privilège,
comme le règlement me le permet, au cours d'une intervention sur un
point d'ordre soulevé par le premier ministre à l'encontre de la
proposition que faisait ou était en train de faire le
député de Trois-Rivières.
Le député de Trois-Rivières, comme je l'ai dit et
comme tout le monde le sait maintenant,. avait fait déposer une
question. Vous avez, selon le droit qui vous est reconnu par l'usage et par les
auteurs, demandé au député de Trois-Rivières
d'essayer de modifier sa question. Il vous l'a remise non modifiée,
insistant, comme c'est son droit, pour qu'elle soit inscrite au feuilleton. Il
était d'avis - c'est une question d'opinion - que sa question
était parfaitement conforme au règlement.
De votre côté, M. le Président, vous étiez
d'avis qu'elle n'est pas conforme au règlement. Je respecte votre avis.
Cependant, je soutiens que votre avis doit être donné en Chambre.
L'ordre d'éliminer ou de rayer une question doit être donné
en Chambre afin que les députés puissent en appeler ou non, selon
le cas, de votre décision. J'avais dit à ce moment, si vous me le
permettez, que certains auteurs appuyaient ma thèse. Les
députés de l'autre côté m'ont demandé: Quels
auteurs et, s'il vous plaît, citez-les. J'ai offert de le faire par un de
mes collègues qui voudrait bien parler sur le sujet, qui est le point
d'ordre soulevé par le premier ministre, et donne des
autorités.
M. Gabias: M. le Président, la question est assez simple.
L'article 118 donne le droit incontestable à un député de
poser des questions aux ministres et aux députés et ces questions
- l'article 118 le dit bien clairement - "sont inscrites au feuilleton suivant
l'ordre dans lequel les avis ont été déposés". Or,
j'ai donné avis en remettant ma question à qui de droit. En vertu
des règlements, sans que personne puisse en empêcher la parution
au feuilleton, elle devait apparaître au feuilleton. Si cette question ou
ladite motion est irrégulière et illégale, les
règlements permettent au greffier d'attirer l'attention de l'orateur et
l'orateur peut de son chef, lui-même, dire ou penser qu'une motion est
irréaulière.
M. Lesage: Sur une question de privilège, il y a à votre
gauche à peu près douze députés qui fument en
Chambre.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Gabias: Je disais donc. M. le Président, que le greffier peut
attirer l'attention de l'orateur, ou du Président si dans son opinion la
question est irrégulière ou l'avis de motion est
irrégulier. De son propre chef, l'orateur peut également, si dans
son opinion l'avis de motion est irrégulier ou la question est
irrégulière, attirer l'attention du député et lui
dire: Votre question, selon moi, est irrégulière, est
illégale. Vous avez usé de ce droit, mais là se
restreignait votre droit. Une fois que le député refuse de
modifier ou d'amender sa question, cette question n'appartient pas au
président, elle n'appartient pas au greffier. Elle appartient au
député et le député a le droit de faire en sorte
que cette question soit inscrite au feuilleton.
Lorsque la question est inscrite au feuilleton, le Président a le
droit de déclarer cette motion ou cette question
irrégulière en vertu de l'article 143 des règlements, mais
pas avant ce moment. C'est tellement clair. À quoi serviraient les
droits et les orivilèges des députés si, lorsqu'ils
veulent poser une question au feuilleton ou lorsqu'ils veulent donner un avis
de motion au feuilleton, le président n'avait qu'à dire: Votre
avis de motion est irrégulier ou votre Question est
irrégullière? Jamais il n'y aurait d'avis de motion et de
questions au feuilleton.
Le président n'a pas le droit, de son propre chef, de refuser
l'inscription au feuilleton d'une question ou d'un avis de motion. En ceci, je
vous réfère à Bourinot, édition de 1884, à
la page 323, questions, et je cite: "In the House of Commons, not only is a
notice necessary in the case of all questions under rule 31, hut they must be
limited in their terms according to rule 29. Questions may be put to ministers
of the Crown relating to public affairs, and to other members relating to any
bill, motion, or other public matter connected with the business of the House,
in wich such members may be concerned: but in putting any such question, no
argument or opinion is to be offered, nor any facts stated, except so far as
may be necessary to explain the same. And in answering any such auestion, a
member is not to debate the matter to which the same refers."
Les explications données, ainsi que la jurisprudence sont les
suivantes: "Such questions are printed among the notices and appear on the
order paper in the place allotted to them under rule 19. The Canadian practice
is identical with that of the English Commons, as stated by Mr. Speaker Brand:
"No argumentative matter shall be introduced, and if such matter appears, it is
always struck out by the clerks at the table by the order of the Speaker."
''The clerks at the table ", M. le Président, c'est dans la
Chambre. Après "by the order of the Speaker", il y a une
référence, au bas de la page, à 240, E. Hansard, à
la page 646. Je continue: "It is the duty, of the clerk to point out any
irregularity to the Speaker, and if the latter is of the same opinion, he will
order the clerk to communicate with the member, so that he may have an
opportunity of amending his notice." Et c'est ici que cela devient le plus
important. "It is always within the right of a member to call attention to the
matter as one of privilege, and to challenge the action of the Speaker."
M. le Président, c'est le privilège d'un
député de poser des questions et que ses questions apparaissent
au feuilleton. Comment voulez-vous que ce député, si sa question
n'apparaît pas au feuilleton, puisse "challenge the decison of the
Speaker"? Nous ne pouvons discuter une décision de l'orateur que dans
cette Chambre. Nous ne pouvons faire autrement. C'est le privilège et le
droit d'un député qui a une question à poser au
gouvernement que cette question apparaisse au feuilleton. Le droit de l'orateur
est de demander que cette question ou que cet avis de motion qui apparaît
au feuilleton soit rayé si, à ce moment, il le croit
irrégulier ou illégal. Alors, la Chambre qui a la seule
autorité peut maintenir ou renverser la décision du
président.
M. le Président, je demande que le privilège qui m'est
donné de poser une question au gouvernement me soit conservé et
je demande l'autorisation de lire la question qui normalement et de droit
devrait apparaître au feuilleton de ce jour. Une fois que cette question
aura été lue, vous pourrez rendre votre décision suivant
les règlements.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, l'article 143 se lit:
"Quand un avis renferme des expressions inconvenantes, contient le texte d'une
motion irrégulière..."
M. Gabias: Quel avis?
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, s'il vous plaît! Si on me
laisse lire...
M. Gabias: Non, mais quel avis?
M. Bellemare: Il n'y en a pas eu d'avis.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Levesque (Bonaventure): "Quand un avis renferme des expressions
inconvenantes, contient le texte d'une motion irrégulière, ou est
autrement irrégulier, l'Orateur peut ordonner de le modifier ou de la
mettre de côté." Ceci, évidemment, explique bien
l'idée qu'il y a dans les règlements de la Chambre qui laissent
à l'orateur le soin, la responsabilité d'ordonner les
modifications à une motion qu'il juge irrégulière. On a
cité Bourinot, il y a quelques instants, et on a simplement donné
lecture de la procédure ordinaire de la présentation des
questions ou des motions. Mais il y a des cas où l'orateur prend
connaissance d'une question qui est de telle nature qu'il n'est pas dans
l'intérêt public, dans l'intérêt de la Chambre que
cette question soit écrite, formulée d'une telle façon et
qu'elle apparaisse comme telle sur le feuilleton.
On peut s'imaginer facilement que s'il n'y avait absolument aucun
contrôle possible de la part de l'orateur, on pourrait voir
écrites sur ces feuilletons toutes sortes de choses qui
répugneraient à la dignité de la Chambre. C'est pourquoi
on accorde à l'orateur, dans des cas particuliers, je l'admets, cette
autorité de décider si telle ou telle question doit
apparaître au feuilleton. Évidemment, je ne suis pas au courant du
texte en question. Cependant, on me permettra de vous référer
à Beauchesne - non pas à un texte de 1849 ou quelque chose -
édition de 1958, page 158, article 187, paragraphe 1.
M. Gabias: Que dit l'article 187?
M. Levesque (Bonaventure): "As the Notice Paper is published by
authority of the House, a notice of motion or of a question to be put to a
member containing unbecoming expressions, infringing its rules, or otherwise
irregular, may, under the Speaker's authority, be corrected - comme l'a dit
Bourinot - by the clerks at the table."
M. Gabias: "At the table?"
M. Levesque (Bonaventure): "At the table."
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Levesque (Bonaventure): "Those alterations - on l'a encore plus clair
un peu plus, loin - if it be necessary, are submitted to the Speaker or to the
member who gave the notice." Et ici, je souligne, s'il y a moyen de souligner
oralement. "A notice wholly out of order may be withheld from publication on
the Notice Paper."
M. Lesage: C'est à l'orateur.
M. Levesque (Bonaventure): C'est à l'orateur, évidemment.
Il s'agit que l'orateur décide si cette question est "wholly out of
order" et si l'orateur juge qu'elle l'est, dans ce cas-là, il doit, et
il l'a fait, demander qu'elle soit enlevée, qu'elle n'apparaisse pas au
feuilleton. L'orateur, je crois, est allé plus loin; il a même
pris soin de demander au député de Trois-Rivières de
corriger la façon, je crois, dont cette question devait
être présentée.
Comme cette question n'apparaît pas sur le feuilleton, M. le
Président, vous me permettrez, avec toute la déférence que
je vous dois, de vous dire que vous avez agi selon l'esprit de nos
règlements et que vous vous êtes appuyé sur les auteurs, en
particulier Beauchesne que je viens de citer.
M. le Président: Je voudrais, premièrement, attirer
l'attention du député de Trois-Rivières sur un fait:
même s'il était venu me voir avec sa question
rédigée sous une forme convenable, c'était trop tard pour
l'inclure dans l'ordre du jour d'aujourd'hui en appendice. Et,
là-dessus, j'attire son attention sur le troisième paragraphe de
l'article 144: "Les délais, si un avis est remis ou déposé
avant midi le samedi ou avant 6 heures du soir..."
M. Gabias: Elle a été déposée avant 6
heures.
M. le Président: Le député de Trois-Rivières
avait mentionné auparavant que cela s'était produit durant la
soirée. Il doit admettre avec moi que ç'a été juste
avant onze heures qu'on a discuté du problème. Alors, moi, je ne
suis pas au courant personnellement à quelle heure il l'a remise.
M. Gabias: Je l'ai remise avant six heures.
M. le Président: Moi, je n'avais pas connaissance de la question
jusque vers 11 heures moins quelques minutes, 10 h 45. C'est vers ce
moment-là que j'ai causé avec le député de
Trois-Rivières. Je comprends, sur le fond de la question, que ce n'est
pas expliqué clairement dans nos règlements. J'ai toujours eu
l'impression que c'était la responsabilité, et non pas le
privilège de l'orateur, de surveiller les avis de motions et de
questions qui devraient être posées au feuilleton.
Je crois que je vais faire une étude plus approfondie sur la
question et je vais essayer, si je ne suis pas capable de donner une directive
à cette session, de préparer un directive explicative pour la
Chambre pour la prochaine session.
Pour ce qui est rie la question du député de
Trois-Rivières, ça ne peut pas, évidemment, paraître
sur le feuilleton aujourd'hui. Je voudrais bien lui suggérer d'essayer
de rédiger sa question pour la rendre conforme aux règlements,
dans une forme que je pourrais accepter pour l'inclure au feuilleton.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Nouveau lien entre Québec et
Lévis
M. Loubier: M. le Président j'aurais une question à poser
au premier ministre. On annonce ce matin en primeur, dans
l'Événement-Journal, Que le gouvernement provincial va accorder
une aide financière permettant à la compagnie qui opère
présentement les traversiers de Lévis à Québec de
construire de nouveaux bateaux. Ceci écarterait définitivement la
réalisation du projet de tunnel entre Lévis et Québec.
Est-ce que le premier ministre peut me confirmer si cette nouvelle est bien
fondée ou s'il en a eu connaissance, parce que c'est en primeur ce matin
dans un journal?
M. Lesage: Je n'en ai pas pris connaissance et on ne m'en a jamais
parlé.
M. Loubier: On ne vous en n'a jamais parlé. Maintenant, M. le
Président, les usagers du pont de Québec...
M. Lesage: M. le Président quelle est l'urgence?
M. Loubier: Bien, M. le Président ce sont les questions du jour:
on a le droit de demander au premier ministre...
M. Lesage: Non, non, il faut que ce soit une question d'urgence et une
question de caractère provincial. Ce n'est pas une question à
poser.
M. Loubier: M. le Président si la question du pont de
Québec et du tunnel n'est pas de caractère provincial, c'est le
premier ministre lui-même qui l'a dit...
M. Lesage: Je n'ai pas dit que ce n'était pas de caractère
provincial, c'est l'urgence du débat qui compte.
M. Loubier: Bien, c'est assez urgent, s'il y a des travaux qui sont
amorcés actuellement au pont de Québec pour un autre pont. C'est
urgent puisqu'on est à les faire. C'est pour savoir si réellement
on est en train de construire le deuxième pont.
M. le Président: C'est de l'ordre des questions qui devraient
être posées au feuilletpn. C'est la différence entre les
questions qui...
M. Lafontaine: Elle n'y apparaissent pas. Il y en a qui en Dosent, mais
elles n'y apparaissent pas.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Affaires du jour.
Article 5.
M. Gabias: J'avais demandé si je pouvais donner connaissance de
ma question verbalement à cette Chambre. Quelle est votre
décision?
M. Lesage: Non, non, non.
M. le Président: Pour les raisons que j'ai expliquées au
député hier soir.
M. Lesage: No 5.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! La Chambre de
nouveau...
M. Johnson: M. le Président, avant que vous appeliez les affaires
du jour, je voudrais demander au premier ministre s'il a l'intention d'imprimer
ou de réimprimer le bill 60, car il est actuellement
épuisé, me répond-on, et il arrive que nous avons besoin
de copies additionnelles.
M. Lesage: Les députés.
M. Johnson: Oui.
M. Lesage: Je l'ai demandé ce matin au ministre de la Jeunesse et
il a plutôt offert de polycopier le bill 60 pour en donner une copie
à chaque député.
M. Johnson: Je remercie le premier ministre. Est-ce que nous devons
tenir pour acquis qu'il nous sera présenté sous sa forme actuelle
ou s'il sera réimprimé et présenté sous une autre
forme?
M. Lesage: M. le Président, j'ai répondu à cette
question hier.
Une voix: Quand?
M. Lesage: Hier.
M. le Président: Affaires du jour.
M. Lesage: No 5.
Bill no 1 Comité plénier
M. le Président: À l'ordre, messieurs! La Chambre est de
nouveau en comité plénier sur les résolutions relatives au
bill no 1.
M. Johnson: Nous passons au comité plénier. J'ai le droit
de demander au premier ministre s'il va répondre à la question
qui est à l'ordre du jour.
M. le Président: Il n'y a pas eu de motion. C'est l'ordre de la
Chambre, pas de discussion.
M. Johnson: Non, mais il y a une question no 1, une seule question.
Est-ce qu'on va répondre à cette question-là?
M. Lesage: Je vais voir à cela. Je vais y penser.
M. le Président: Le comité plénier.
M. Johnson: Est-ce qu'on est en comité plénier
là?
M. le Président, nous sommes sur la résolution no 1.
Étude des résolutions
M. Bédard (président du comité
plénier):À l'ordre, messieurs! Résolution no 1?
M. Johnson: Non, le ministre est mieux de se préparer à
éclaircir les arrangements, les termes d'abdication auxquels il a
consenti à Ottawa. M. le Président, c'est l'article 7 du bill
C-76 qui contient, je crois, l'essentiel ou le principal, disons, des
concessions qu'on aurait obtenues d'Ottawa pour rendre ce bill non pas conforme
à la constitution et à l'autonomie de la province, mais conforme
à une solution de pis-aller qui permettrait, comme l'a dit le ministre
dans son texte, d'éviter le pire. M. le Président, j'ai
prétendu déjà en dehors de cette Chambre -et je voudrais
bien le répéter devant les honorables ministres - que ce qui
s'est passé à Ottawa en réalité, c'est une
séance dont le but n'était pas de sauver la
Confédération ou de sauvegarder l'autonomie, mais d'opérer
la réconciliation au sein du Parti libéral.
M. Laporte: M. le Président je soulève une question de
règlement. Si nous devons reprendre sur chacune des résolutions
le débat que nous avons eu en deuxième lecture, je
prétends que ça va être complètement contraire aux
règlements. Nous sommes actuellement sur la résolution no 1 qui
se lit comme suit: "Que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra autoriser le
ministre des Affaires municipales à conclure avec l'Office du
développement municipal et des prêts aux municipalités une
entente..." Il s'agit de discuter quels pourraient être les termes de
cette entente, s'il est possible que nous les sachions à ce moment-ci,
s'il est acceptable ou non que nous signions l'entente. Je ne sache pas que
nous puissions reprendre en comité sur les résolutions tous les
débats qui ont duré le temps qui était nécessaire,
mais qui ont duré quand même le temps d'un débat en
deuxième lecture.
M. Johnson: M. le Président, le ministre des Affaires municipales
a raison en partie et il peut être assuré que je n'ai pas
l'intention de reprendre en détail tous les arguments qui ont
déjà été donnés. Mais j'ai bien l'intention,
par exemple, d'examiner scrupuleusement quels sont les termes de cette entente
et de demander au ministre, quant à la partie que nous ne
connaissons
pas, quels sont les termes qu'il a l'intention d'utiliser ou quelles
sont les conditions qu'il a l'intention d'y incorporer. Car on sait que
l'article 7, paragraphe 2, qui a scellé, comme je le disais, la
réconciliation du Parti libéral, dans sa branche
fédérale et sa branche provinciale, ne donne pas à la
Législature beaucoup de jeu, beaucoup de latitude, parce que l'article
7, paragraphe 2, a prévu ce que doit stipuler l'entente et il y a
là-dedans des stipulations qui sont, évidemment, à
l'avantaqe de l'office fédéral. M. le Président, il est
clair que cet article est un article de compromis. Moi, je ne pourrai jamais
m'entrer dans la tête que le député de Chambly aurait
insisté pour qu'on incorpore dans une loi fédérale qu'une
entente entre l'office et le gouvernement provincial ou un de ses organismes
doit contenir une clause comme celle que le député de
Saint-Jacques a longuement discutée hier et qui est contenue au
sous-paragraphe 2. Je ne peux pas croire, dis-je, que le député
de Chambly, autonomiste, publiciste de l'autonomie, aurait insisté pour
que l'on inclue, et je cite: "Que l'office doit avoir le droit d'inspecter,
à l'occasion, toute entreprise municipale concernant laquelle un
prêt a été consenti aux termes de l'entente". Il est donc
clair, M. le Président, que cet article a été un article
de compromis et on a fait le compromis à ce moment-là pas pour
sauver la Confédération, mais pour empêcher le craquement
du Parti libéral entre l'aile provinciale et l'aile
fédérale. Et c'est là que j'ai un reproche à
faire.
M. Laporte: M. le Président, est-ce je peux demander au chef de
l'opposition qu'est-ce que M. Robarts et M. Roblin faisaient dans le sauvetage
du Parti libéral? M. Lloyd et M. Bennett? M. Stanfield?
M. Johnson: Est-ce que M. Bennett était là?
M. Laporte: Non, c'est le seul qui manquait.
M. Johnson: Deuxièmement, je n'étais pas là.
M. Laporte: Est-ce que M. Robarts était là? Est-ce que M.
Roblin était là? Est-ce que M. Stanfield était là?
Est-ce que M. Lloyd était là?
M. Johnson: M. le Président, est-ce que le ministre veut nous
dire que M. Robarts a insisté pour que la loi contienne une provision
à l'effet que l'office...
M. Laporte: Non, mais je ne permettrai pas au chef de l'opposition de
détourner le débat. Je dis qu'ils n'étaient pas là,
eux, pour sauver le Parti libéral et que son argument est faux. Il ne
porte pas. Ils étaient quatre premiers ministres conservateurs là
ou leurs représentants. Ils ne s'en allaient pas sauver le Parti
libéral, voyons donc! Cette façon de discuter toujours en
fonction d'un parti politique. Discutez donc de la loi.
M. Johnson: M. le Président, je dirai au ministre: Arrêtez
d'agir en libéraux. Sovez autonomistes et on n'aura pas de
problèmes. Mettez l'intérêt de la province au-dessus de
l'intérêt du parti et on n'aura pas de problèmes.
M. Laporte: Rappelez-vous vos votes de 1958.
M. Johnson: M. le Président, Je dis au député de
Chambly: Tenez-vous debout. vous qui avez donné le conseil à tous
les députés de Québec...
M. Laporte: C'est ça, devenez personnel maintenant!
M. Johnson: M. le Président. vous avez entendu le
député de Chambly parler de l'autonomie négative de M.
Duplessis, parce qu'il avait dit non en 1946 à Ottawa, parce qu'il
était revenu... Vous l'avez entendu faire des gorges chaudes.
M. Laporte: Maintenant, faites dévier le débat.
M. Johnson: Non, je ne le ferai pas dévier, mais je vais montrer
à la face de cette province comment un autonomiste ou un soi-disant
autonomiste comme le député de Chambly peut devenir, à un
moment donné, un instrument de la centralisation pour sauver sa position
dans un cabinet. Il n'avait qu'à démissionner, le
député de Chambly, du cabinet.
M. Gabias: Un loup recouvert d'une peau de mouton!
M. Johnson: Et surtout, M. le Président, quand on entend le
même homme, quand on entend le même député, ministre
aujourd'hui, venir faire des gorges chaudes contre celui qui s'est tenu debout
contre tous les premiers ministres du Canada et le premier ministre du Canada
en 1946!
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement.
Depuis la mort de M. Duplessis, je n'en ai jamais parlé en des termes
choquants. Je n'ai jamais fait de gorges chaudes sur sa politique, mais lorsque
le député...
M. Gabias: Le vrai visage de Duplessis, vous n'avez pas eu le courage de
le sortir
pendant sa vie; vous l'avez fait après qu'il a été
mort.
M. Laporte: M. le député est encore malade?
M. Gabias: Oui, vous me donnez des haut-le-coeur.
M. Bédard (président du comité
plénier):À l'ordre. Je ferai remarquer aux députés
que nous ne sommes ni en deuxième lecture, ni en troisième. Nous
sommes en comité où nous devons nécessairement suivre les
règlements et discuter article par article soit le bill, soit les
résolutions. La résolution no 1 ne semble avoir qu'un seul objet,
celui de décider si, oui ou non, le lieutenant-gouverneur en conseil
peut autoriser une entente entre la province et l'office. Alors, je ne crois
pas qu'il soit le temps de discuter des mérites du passé ou des
mérites des députés ou des ministres, mais de savoir si,
oui ou non, nous devons autoriser le lieutenant-gouverneur à permettre
une entente entre la Commission municipale et l'office
fédéral.
M. Johnson: M. le Président, il y a tout de même que la
vérité a ses droits dans cette Chambre. Le député
vient d'affirmer une chose qui n'est pas exacte: "Depuis la mort de M.
Duplessis, je n'en ai jamais parlé en termes choquants". M. le
Président, il s'est empressé, dès la mort de M. Duplessis,
de faire de l'argent sur la mémoire de Duplessis en publiant un
volume.
M. Laporte: M. le Président, je ne demanderai même pas
qu'on retire ça, mais qu'on revienne au débat.
M. Bédard (président du comité plénier): Je
demande aux deux côtés de revenir au débat. A l'ordre. Il y
a assez d'occasions, je crois, en dehors de ce qui se passe actuellement, alors
que nous sommes en comité. Je demande: La résolution no 1
est-elle adoptée?
M. Johnson: M. le Président, nous aurons d'autres occasions de
montrer le vrai visage du député de Chambly en autonomie. Le
député de Chambly, M. le Président, sera obligé de
montrer pas rien que son visage pour comprendre toute sa personne. Ce
paragraphe 2 de l'article 7 prévoit, donc, des ententes entre le
gouvernement fédéral et une province en vertu desquelles le
fédéral, au lieu de prêter directement à une
municipalité, prêtera plutôt à la province en
question. C'est le bill C-76 qui oblige la province à faire ça.
Ce n'est pas la prpvince qui consent à le faire, c'est une obligation
imposée dans la loi fédérale et c'est ça qui est
mauvais et oui constitue un des pires précédents. M. le
Président, on a pu dans le passé avoir des ententes avec Ottawa,
il fallait en avoir, il faudra encore en avoir tant que nous serons dans la
Confédération, nous admettons ça. Mais c'est le bill
d'Ottawa C-76 qui dit: Vous allez faire une entente. Si vous voulez faire une
entente, voici d'avance ce que vous serez obligé de faire. On impose
d'avance le carcan. On dit: C'est ça. C'est ça qui est de la
mauvaise législation, M. le Président.
Quelques journalistes, quelques publicistes, vont dire: Il ne faut pas
tirer les problèmes par les cheveux, il ne faut pas, évidemment,
compliquer inutilement la vie. Seulement, on sait par expérience - le
ministre devrait le savoir; le premier ministre le sait lui - comment on
fonctionne non seulement à Ottawa, mais dans toute
fédération, et à plus forte raison à Ottawa. Du
moment qu'il y a un précédent, M. le Président, on part de
ce précédent et on l'élargit et là il se trouve des
planificateurs, des bureaucrates et des technocrates qui, croyant sauver le
pays, trouvent et manigancent encore d'autres développements. M. le
Président, je ne veux pas ouvrir le débat sur cette question,
mais c'est tout simplement à titre d'exemple. Ce matin, on parle de
nouveau d'une oolitique nationale de voirie. Je vous fais une
prédiction, M. le Président...
Une voix: À l'ordre!
M. Johnson: Et cela me sert à justifier notre attitude sur cette
résolution.
M. Laporte: Question de piastres et de sous.
M. Johnson: M. le Président je revendique vis-à-vis de
l'Union Nationale, comme chef élu à une convention, autant de
latitude pour exprimer l'opinion de l'Union Nationale que tous et chacun des
chefs individuellement dans le passé.
M. Laporte: C'est bien clair.
M. Johnson: Nous vivons en 1963 et je dirai, M. le Président,
qu'avant longtemps dans l'applicatipn de la théorie que le ministre a
exposée, nous aurons à Ottawa des ententes en vertu desquelles il
faudra encore aller chercher de l'argent en pliant. D'ici 5 ans, si M. Pearson
et les centralisateurs restent là, nous aurons non seulement un
ministère des Affaires municipales, mais un ministère de la
Voirie nationale à Ottawa. Et c'est ainsi, M. le Président, que
meurt l'autonomie. Une loi fédérale nous dit: Vous avez le droit
d'aller chercher votre argent, mais vous devrez faire une entente. Vous avez le
droit de ver ir chercher l'argent qui vous appartient
pour vos municipalités, vous avez le droit de venir chercher
l'argent que nous avons perçu dans la province de Québec et qui
appartient à la province de Québec, que nous avons perçu
par la taxation directe, mode qui est, d'abord, prioritairement, donné
aux provinces. Vous avez le droit, mais vous devrez faire une entente.
Mais on va plus loin que ça; l'entente devra contenir telles
choses et ces choses, ces garanties sont en faveur du fédéral,
comme cette formule de garantie qu'a expliquée clairement hier le
député de Saint-Jacques. M. le Président, c'est la loi
d'Ottawa qui dit que la province devra émettre des obligations. Eh bien,
moi, je trouve que le premier ministre aurait dû dire: Ce n'est pas de
vos affaires; on émettra des obligations, on émettra des billets,
on fera une campagne d'épargne, ça ne vous regarde pas. Mais non,
il a accepté que dans la loi on mette ceci: la province devra
émettre des obligations.
Le seul fait que le gouvernement fédéral, M. le
Président, prête l'argent au gouvernement provincial au lieu de le
prêter aux municipalités, à mon sens, ne rend pas la loi
tellement constitutionnelle. Le prêt fédéral est fait pour
des fins municipales et, même s'il est fait à une province, M. le
Président, il n'est pas constitutionnel. Et je dis plus que ça:
Ni le consentement d'aucune des provinces, ni le consentement qlobal de toutes
les provinces ne peut rendre constitutionnelle une loi qui ne l'est pas et qui
clairement ne l'est pas. Une seule référence d'un mois à
la Cour suprême aurait réglé ce cas-là, M. le
Président, Pour une fois qu'on avait l'admission, d'abord, du
gouvernement actuel, qu'on avait l'admission des ministres
fédéraux, qu'on avait l'admission écrite d'un parti dans
son programme qu'il ne procéderait pas à des plans conjoints sans
le consentement des provinces. Mais, M. le Président, même avec le
consentement, ces plans-là et les lois qui en découlent ne sont
pas constitutionnels.
M. le Président, me serait-il permis brièvement, pour vous
démontrer que le gouvernement fédéral entend
s'ingérer dans les Affaires municipales, de référer
à quelques dispositions qui devront être contenues dans cette
entente? Premièrement, le provincial devra donner au
fédéral un certificat à l'effet que les travaux municipaux
rencontrent les exigences de la loi.
M. Laporte: Cela, c'est justement une concession Qu'on a eue. C'est nous
qui décidons, ce n'est pas Ottawa. Vous êtes en train de tomber
juste à côté de la ligne: c'est la province qui
décide; ce n'est pas Ottawa.
M. Johnson: Mais la province ne peut décider qu'en
conformité des définitions contenues dans la loi.
M. Laporte: Et c'est nous qui disons si c'est...
M. Johnson: M. le Président, le fédéral exige que
la province de Québec exerce sa discrétion quant à la
nature des travaux...
M. Laporte: C'est ça.
M. Johnson: ... quant à leur urgence, à leur importance en
fonction de la création de nouveaux emplois. Elle l'exerce seulement en
fonction des barèmes établis dans la loi
fédérale.
M. Laporte: Vous pourriez dire, moins dramatiquement: En fonction de
l'entente, tout simplement.
M. Johnson: M. le Président, deuxièmement, je l'ai dit
l'autre jour, on ne peut pas prendre pour acquis que le premier ministre, le
ministre des Affaires municipales ont livré, des certificats qui ne
seraient pas conformes à la vérité, qu'ils vont abrier des
choses qui ne devaient pas être abriées. M. le Président,
l'office fédéral aura le droit d'inspecter des travaux
municipaux.
Troisièmement, le provincial devra faire rapport au
fédéral de la marche des travaux, de temps à autre,
suivant l'entente. Quatrièmement, le provincial devra faire rapport
à Ottawa du nombre d'emplois créés par les travaux.
Cinquièmement, le provincial devra faire rapport à Ottawa sur le
montant des obligations acquises des municipalités.
Mais en quoi ça les regarde, ça, Ottawa? Est-ce que c'est,
oui ou non, l'affaire du ministre des Affaires municipales ou de la Commision
municipale d'avoir des obligations ou d'autres titres des municipalités,
M. le Président? Mais non, dans la loi fédérale - on a
consenti à ça et c'est le compromis dont on se vante - on dit:
Pour votre argent qui vous appartient, qu'on a perçu illégalement
dans le Québec, cet argent que vous voulez destiner à des fins
municipales, vous allez d'abord nous faire rapport sur le montant des
obligations acquises des municipalités que vous avez
décidé d'aider.
Septièmement, le provincial devra faire rapport au
fédéral sur toute matière qu'exigera le
fédéral. Le fédéral a insisté, M. le
Président, pour que la loi contienne un article disant que la province
de Québec, qui a une juridiction incontestable vis-à-vis des
municipalités, doit faire quand même rapoort au
fédéral sur toute matière qu'exigera le
fédéral. Si ce n'est pas de l'inqérence, je ne comprends
rien.
M. le Président, je ne sais pas si j'ai réussi à
convaincre les ministres de la
différence énorme qui existe ou qui existera en vertu de
l'entente visée par la présente résolution et, d'autre
part, les arrangements qui nous ont permis, de débrouiller ce
problème du fédéral et du provincial concernant les
subventions aux universités. M. le Président, tout ce qu'il y a
dans la loi fédérale concernant ce problème des
universités, c'est que le ministre, avant de permettre à une
compagnie de déduire 1% de plus, doit se rendre compte à sa
satisfaction à lui...
M. Laporte: Ce serait bien en troisième lecture, ça.
M. Johnson: Non, mais je veux faire le parallèle... que la
province fait quelque chose d'équivalent pour les universités.
Dans cette loi-ci, M. le Président, dans cette résolution que
vous nous demandez de voter, il faut passer une entente avec le gouvernement
fédéral. Non, avec l'office.
M. Bertrand (Missisquoi): L'Office du développement
municipal.
M. Johnson: Non, non, c'est l'office, M. le Président. Ce n'est
pas le gouvernement, souverain dans son domaine, d'Ottawa et le gouvernement,
souverain dans son domaine, de Québec qui vont faire une entente. C'est
un office, un organisme nouveau d'Ottawa, créé en vertu de cette
loi C-76, affecté exclusivement aux affaires municipales qui sont une
juridiction provinciale, qui va faire une entente avec la province. Et plus que
ça, M. le Président, cette entente-là, la province ne
pourra pas la changer librement. Entre deux gouvernements souverains, on doit
négocier librement. Mais là, M. le Président, le
président de l'Office, un bureaucrate d'Ottawa, arrive et dit au
gouvernement de la province de Québec, de l'État du
Québec, souverain - ça, c'est clair dans le domaine des affaires
municipales: Moi, je viens m'entendre avec vous autres; j'ai eu l'approbation
du gouverneur général en conseil de le faire, mais je ne peux pas
sortir des cadres qui sont établis par la loi. Je vous avertis d'avance:
J'ai les mains liées. Je serai obligé d'insister pour que vous
fassiez des rapports. Je serai obligé d'insister pour que les travaux
soient conformes à la loi fédérale. Je serai obligé
d'insister - je n'ai pas le choix, la loi C-76 le dit - pour avoir le droit
d'inspection et ainsi de suite.
C'est ça qui constitue, à mon sens, le
précédent le plus mauvais, le plus dangereux et le plus
destructeur dans un domaine qui nous concerne. Je le répète. Non
seulement nous allons consentir, en vertu de la résolution 1 du bill no
1, à changer avec Ottawa, mais nous allons consentir à changer
avec un office de bureaucrates à Ottawa. Et, là, quand nous
serons devant eux, nous ne serons pas libres de négocier; nous serons
obligés d'accepter les conditions imposées par le bill C-76.
C'est ça qui constitue, à mon sens, le pire accroc et le plus
mauvais règlement qu'on ait jamais pu adopter.
M. le Président, quand on vote une loi dans la province de
Québec, quand on vote un bill comme celui qu'on nous reproche, celui de
1958 et celui de 1960, on peut, l'année suivante, à la session
régulière ou à la session spéciale, avec ou sans
indemnités, amender notre loi, changer notre affaire, réorienter
notre politique. Une nouvelle équipe qui entre peut le faire, M. le
Président, et le gouvernement actuel l'a fait. Mais quand on s'est
embrigadé dans une entente dont une bonne partie était
imposée par la loi fédérale, quand on s'est engagé
à faire affaires non pas avec le gouvernement, mais avec un office du
fédéral, je dis qu'on n'est pas seulement à genoux devant
Ottawa, mais qu'on est couché devant les bureaucrates d'Ottawa. Et c'est
ça qu'une province souveraine ne peut pas endurer, M. le
Président.
Je ne veux pas reprendre tout le débat. Mais je vais entendre le
ministre tantôt - ça va m'éviter de me relever - dire:
C'était tout ce qu'il fallait faire, tout ce qu'on pouvait faire pour
sauver l'essentiel, afin que nos gens ne paient pas pour des travaux dans les
autres provinces sans avoir le bénéfice d'obtenir des
prêts. M. le Président, sur une base temporaire, avec une
rédaction modifiée, peut-être aurions-nous accepté
de régler un problème, mais jamais avec une rédaction
pareille, avec une limitation aussi...
M. le Président, je vous demande de rappeler le premier ministre
à l'ordre.
M. Bertrand (Missisquoi): M. le Président, il y a un caucus
là.
M. Bédard (président du comité
plénier):À l'ordre, messieurs!
M. Bertrand (Missisquoi): À l'ordre là, à vos
sièges!
M. Bédard (président du comité
plénier):À l'ordre, messieurs! Résolution no 1.
M. Johnson: Le premier ministre dit que la conférence est plus
importante que le sujet du bill. C'est bien certain.
M. Lesage: Non, non.
Une voix: Qu'est-ce que dit le chef de l'Opposition?
M. Johnson: Non. Ah bon! L'intérêt de parti et les
problèmes de parti, c'est toujours plus important pour les
libéraux que l'autonomie de la province...
M. Bédard (président du comité
plénier):À l'ordre.
M. Johnson: Mais la preuve n'a pas été faite, du moins
à la satisfaction de cette Chambre et certainement pas à la
satisfaction de l'Opposition, qu'on a pris tous les autres moyens. Le ministre
le sait, nous sommes un peu prévenus et la population est un peu
prévenue...
M. Laporte: J'attends encore qu'on me suggère les autres
moyens...
M. Johnson: ...contre les affaires de famille libérales. La
population de la province a été trompée une fois. Elle a
pavé cher son droit de rester autonome. Il n'a pas été
démontré à la satisfaction de la province qu'on a
utilisé les autres moyens pour régler ce problème. Je n'y
reviendrai pas. Plusieurs solutions ont été
suggérées tout simplement sous forme d'ébauches...
M. Laporte: Lesquelles? J'aimerais ça que vous reveniez
précisément sur ça. Quelles solutions ont
été suggérées de l'autre côté?
M. Lesage: Plusieurs, M. le Président.
M. Laporte: Plusieurs! Cela va prendre un peu de temps, mais
énumérez-les donc.
M. Johnson: Un office provincial du crédit...
M. Laporte: Bon, d'accord.
M. Johnson: ...qui aurait pu être préparé depuis
trois ans.
M. Laporte: Ah! Et puis depuis seize ans.
M. Johnson: Ce n'est pas parce qu'il n'était pas
préparé deouis seize ans qu'il ne fallait pas le préparer
depuis trois ans.
M. Laporte: On travaille.
Une voix: On est en train de le préparer là.
M. Johnson: Ah bon! On le commence là, après trois
ans.
M. Laporte: Après trois ans, après les travaux
d'hiver.
M. Johnson: M. le Président...
M. Laporte: Chaque chose vient à son heure.
M. Johnson: ...il y a un ultimatum du premier ministre qui est pendant
sur la tête d'Ottawa qui demande 25%...
M. Laporte: Cela, c'est à l'automne. Ce n'est pas notre bill.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre a
désespéré de pouvoir avoir une réponse favorable
à son ultimatum et c'est pour ça qu'il se plie? Ou bien est-ce
qu'il ne fournit pas au gouvernement fédéral, quel qu'il soit, un
argument additionnel pour qu'au mois d'avril prochain on ne se rende pas
à l'ultimatum du premier ministre de la province de Québec parce
qu'on aura aidé la province de Québec? On se sera engagé,
on sera endetté, mais Ottawa aura emprunté davantage pour aider,
diront-ils, la province de Quéhec et ce ne sera pas raisonnable.
M. Lesage: Est-ce une Question que le chef de l'Opposition pose?
M. Johnson: M. le Président, c'est le ministre qui m'a
demandé...
M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition m'a posé une
question''
M. Johnson: Bien, si le premier ministre veut prendre ça comme
une question, qu'il le fasse.
M. Lesage: Mais oui. Il est certain que l'adoption du bill no 1 oui, je
l'espère, pourra se faire dans le cours de la journée,
n'entravera en aucune façon les possibilités d'obtenir, lors de
la conférence fédérale-provinciale de novembre, ce que
j'ai demandéau gouvernement fédéral au point
de vue fiscal. M. le Président, nous sommes sn comité
après tout et il me semble qu'on devrait s'en tenir à la
résolution que nous étudions. Tout le monde sait, le chef de
l'Opposition le premier, qu'une nouvelle conférence
fédérale-provinciale doit avoir lieu au mois de novembre et
qu'à ce moment-là nous discuterons de la question fiscale. Il me
semble qu'il y a lieu de s'en tenir à la résolution et je ne sais
pas, mais est-ce qu'on ne pourrait pas tenter, tous ensemble, de faire notre
possible pour avoir un ton moins acrimonieux? Je confesse, oui. oui, je
confesse ma responsabilité et j'espère que d'autres le
feront.
M. Bertrand (Missisquoi): Si c'était rien que le ton, mais il y a
le vocabulaire.
M. Lesage: Je confesse que j'ai mes torts, mais il y en a d'autres qui
les ont aussi.
M. Bertrand (Missisquoi): Jugez de votre cas.
M. Bellemare: M. Bennett, de la Colombie-Britannique, a manifesté
le désir d'en avoir un.
M. Lesage: D'en avoir un. Il l'a fait publiquement, alors
là...
M. Bellemare: Qu'il fasse le nécessaire.
M. Lesage: Maintenant, j'ai échangé une correspondance
assez volumineuse avec M. Diefenbaker - comme on s'en souvient, cette
correspondance a été déposée au cours de la
dernière session et de l'autre session - au sujet de
l'établissement pas d'un fonds, mais d'un système de pension. Le
premier ministre du Canada me demandait alors de consentir à un
amendement constitutionnel à 94A pour permettre à Ottawa
d'ajouter au plan de pension qu'il avait l'intention d'établir dans le
même sens que le gouvernement actuel les bénéfices pour les
dépendants, les conjoints et les dépendants.
M. Bertrand (Missisquoi): Et les survivants.
M. Lesage: Et les survivants, c'est ça. Alors, j'ai toujours
refusé de consentir en disant que je désirais d'abord savoir
exactement de quoi il s'agissait. Je n'ai jamais pu le savoir. Le 20 juin,
quand M. Pearson a pris le pouvoir, je lui ai écrit et je lui ai
rappelé la... Non, pardon, c'est M. Pearson qui m'a écrit le 20
juin, c'est ça. J'ai la lettre ici en main. Elle a été
déposée lors de la dernière session. Dans cette lettre, il
m'exposait avec assez de détails ce que serait le régime de
retraite qu'il proposait, mais il n'y avait pas de chiffres; c'étaient
simplement des principes assez généraux...
M. Johnson: Et pas de transférabilité.
M. Lesage: Non, non. C'était l'établissement d'un
système national.
M. Johnson: Alors, il n'est pas question de...
M. Lesage: Il n'est pas question de transférabilité.
Alors, je lui ai répondu, le 27 juin, pour lui dire toutes mes
objections et je lui ai dit: "Je demande avec insistance qu'aucun projet de loi
sur cette question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la
tenue de cette conférence." Il me disait qu'il y aurait une
conférence fédérale-provinciale sur le sujet.
M. Johnson: Quelle date, cette lettre-là?
M. Lesage: Le 27 juin. Je l'ai déposée ici à la fin
de juin.
M. Bellemare: Mais vous dites qu'il y en a une du 16 août.
M. Lesage: Bien oui, mais je commence par le mois de juin.
M. Bellemare: Ah oui, c'est bien. Excusez-moi.
M. Lesage: Je lui disais: "Je suis d'avis que ce sujet doit autant que
les autres sinon plus, donner lieu à des échanges de vues entre
les divers secteurs de gouvernement au Canada. J'ai certaines réticences
à formuler sur le régime de retraite national que votre
gouvernement veut mettre de l'avant, ainsi que sur ses implications. Je compte
le faire au moment de la conférence suggérée, tout en vous
informant alors plus précisément des projets du Québec en
ce domaine. "Aussi, je demande avec insistance qu'aucun projet de loi sur cette
question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la tenue de
cette conférence. Autrement, les provinces se trouveraient devant un
fait accompli, ce qui n'est certainement pas l'objectif visé. "Nous
entrons, au Canada, dans une période où seules les consultations
fréquentes feront naître l'esprit de coopération et de
collaboration essentiel au respect des juridictions propres des provinces et du
gouvernement central. Toute action unilatérale dans des domaines
intéressant à la fois votre gouvernement et celui des provinces
ne serait pas de nature à favoriser l'entente nécessaire. "Le
chef de l'Opposition m'a demandé que copie de la correspondance que nous
avons échangée sur ce sujet soit déposée en
Chambre. J'ai l'intention de le faire mardi prochain." C'est ce que j'avais
fait.
Et là, eh bien, est arrivée la convocation de la
conférence pour - je n'ai pas le droit d'en parler, je vais juste le
mentionner - le projet de loi C-76. Là, nous avons discuté de la
correspondance échangée sur ce point de vue. Et lorsque M.
Pearson m'a écrit pour me convoquer à la conférence - ou
m'a télégraphié, je ne sais trop - sur le bill C-76, il
avait inscrit comme deuxième article à l'ordre du jour le projet
fédéral de pension de retraite.
Durant la conférence - tout le monde l'a vu dans les journaux -
je me suis opposé très sérieusement à
l'établissement d'une caisse nationale et j'ai déclaré
officiellement que le Québec se préparait à
établir, dans un bref délai, une caisse publigue et universelle
de retraite pour la province.
M. Bellemare: Est-ce que, dans l'avis que vous avez reçu,
c'était réellement notifié?
M. Lesage: Oui, oui, j'étais avisé.
M. Bertrand (Missisquoi): Par la Gazette officielle.
M. Lesage: Je vais faire venir M. Pigeon tout de suite là.
M. Johnson: M. le Président, c'est ce que j'avais à dire
sur le bill no 1 auquel je m'oppose, évidemment, avec toute la vigueur
dont je suis capable et qui, à mon sens, marque un
précédent, au vrai sens du mot, dont on n'a aucun exemple,
certainement pas du temps de l'Union Nationale et je doute même qu'on
n'en ait aucun qui remonte même avant l'Union Nationale, première
période, deuxième période.
M. Laporte: M. le Président, d'abord, pour répondre au
chef de l'Opposition, je confesse que je ne ferais que répéter
des choses que j'ai déjà dites au moins à deux reprises en
deuxième lecture et en réplique. Alors, pour limiter la
durée du débat, je m'en remets à ce que j'ai
déjà déclaré et je propose l'adoption de la
résolution no 1 telle qu'amendée pour qu'on dépose...
M. Bédard (président du comité plénier):
Résolution no l, adopté, sujet à l'amendement
suggéré par le premier ministre. Résolution no 2.
M. Johnson: M. le Président, la résolution no 2 concerne
les emprunts, évidemment, elle est adoptée, M. le
Président, sur division à Dart cela.
M. Lesage: Oui, sur division. J'ai fait venir M. Pigeon et je vais faire
rédiger...
M. Johnson: La résolution no 1 est adoptée sujet à
une nouvelle rédaction que le premier ministre nous promet pour
tantôt, prévoyant qu'il y aura publication dans la Gazette
officielle et dépôt en Chambre de ' l'entente.
Deuxièmement, nous en sommes maintenant à la résolution no
2 qui concerne les emprunts. Je voudrais qu'on inscrive aussi qu'elle est
adoptée, mais sur division, cette résolution no 1, et je
demanderais au député de Saint-Jacques de poser des
questions.
M. Laporte: Sur la résolution no 2?
M. Dozois: M. le Président, la résolution no 2 apporte un
amendement à la Loi de la Commission municipale. Si je comprends bien,
l'objet de cette résolution est d'autoriser la Commission municipale
à faire des prêts aux municipalités et à fournir
à l'Office du développement municipal d'Ottawa les obligations
pour les prêts qu'Ottawa fera à la Commission municipale en vue de
faire elle-même des prêts aux municipalités.
Dans le deuxième paragraphe, M. le Président, on dit:
"À ces fins, la commission peut émettre des obligations ou autres
titres et en fixer la forme, le montant, l'échéance, le taux
d'intérêt et les autres conditions, consentir aux
municipalités des prêts et en fixer la forme, le montant,
l'échéance, le taux d'intérêt et les autres
conditions".
M. le Président, j'estime que les municipalités devraient
être assurées que la Commission municipale ne fixera pas un taux
d'intérêt supérieur à celui que la commission
paiera.
M. Laporte: À celui de?
M. Dozois: ...que la Commission municipale paiera pour des prêts
qu'elle obtiendra de l'office. Tel que c'est rédigé, disons que
la commission obtient des prêts de l'office municipal d'Ottawa à
un taux de 5%; rien ne l'empêcherait de fixer elle-même le taux
qu'elle chargera aux municipalités à 5 1/4% ou à 5 1/2%
sous prétexte de payer, disons les dépenses qui sont
occasionnées à l'office.
M. Lesage: M. le Président, si l'on veut bien se
référer à la loi fédérale article 7
paragraphe 2c) on verra que l'entente à être signée entre
Québec et Ottawa devra nécessairement, ppur observer la loi
fédérale, donner aux municipalités la garantie que demande
le député de Saint-Jacques.
M. Dozois: Bien, je ne le sais pas.
M. Lesage: C'est clair.
M. Dozois: C'est que les prêts accordés par l'office dans
le cadre de l'entente vont être accordés à la province.
M. Lesage: Sous le régime de l'entente, de l'office à la
province. Par conséquent...
M. Dozois: Les prêts de l'office vont être faits à la
province.
M. Lesage: C'est ça, selon les modalités, aux conditions
et au taux d'intérêt applicable à un prêt
ccnsenti.
M. Dozois: Oui, ça veut tout simplement dire, M. le
Président, que les prêts remboursés par la province
à l'office devront être faits selon les modalités et les
taux d'intérêt fixés par l'office aux autres
municipalités qui sont situées dans des provinces où il
n'y a pas d'entente. Cela veut dire que, si l'office décrète dans
une année quelconque...
M. Lesage: Laissez-moi expliquer ce point-là. Je ferai venir M.
Pigeon et je vais lui demander ce qu'il en pense. Prenez l'autre point.
M. Gagnon: J'aurais une question à poser. Est-ce qu'il pourra
aussi garantir qu'il obtiendra de l'office fédéral que
l'intérêt des prêts aux municipalités ne
dépassera pas celui que les municipalités paieraient si elles
venaient elles-mêmes sur le marché des obligations?
M. Laporte: Enfin, il a été établi que dans
l'immense, dans la presque totalité des cas...
M. Lesage: Non, la totalité des cas.
M. Laporte: ...dans la totalité des cas, ça va être
moins cher. Cela va être un taux sensiblement inférieur ou
inférieur au taux des obligations qu'elles vendent habituellement sur le
marché.
M. Lesage: Il suffit de connaître le marché. D'ailleurs, je
pense bien que si le député le demandait au député
de Saint-Jacques, il pourrait le lui confirmer. Tout le monde sait que
l'institution gouvernementale qui peut emprunter au plus bas taux
d'intérêt, aux meilleures conditions au Canada, c'est le
gouvernement fédéral. Une des raisons pour lesquelles nous tenons
à pouvoir emprunter pour pouvoir reprêter aux
municipalités, c'est que nous pourrons emprunter et reprêter aux
municipalités à un taux inférieur à celui auquel
même le gouvernement provincial peut emprunter.
M. Gagnon: Ce que le premier ministre vient de dire, évidemment,
c'est vrai, mais c'est parce que je me rappelle que la Société
centrale d'hypothèques prêtait à 6% et pourtant
c'était le gouvernement fédéral.
M. Lesage: Non, ici, il est bien dit dans la loi fédérale,
si on lit le bill C-76 -mais le député ne l'a pas lu - que le
gouvernement fédéral doit prêter au taux courant, plus un
maximum de 1/4%. Ainsi, par exemple, ce matin, les obligations du CNR
échéant en 1983, juste 20 ans - je prends un exemple qui
s'applique en 1983 -avaient un rendement de 5.17%. Cela veut dire que le
maximum que paierait une municipalité serait 5.17%, plus un maximum de
1/4%, ce qui ferait 5.34%. Alors, à 5.34%, il n'y a aucune
municipalité dans la province de Québec qui, même avec la
garantie de la province, pourrait emprunter à ce taux-là,
à ce moment-ci, pour 20 ans.
Une voix: Combien paient-ils"'
M. Lesage: La province du Nouveau-Brunswick, hier, a emprunté
$7,500,000 à 5.5% à 96 3/4. Je pense que j'ai cela dans mes
poches, excusez-moi.
M. Johnson: Le premier ministre est à négocier un autre
emprunt. Alors, il se tient au courant.
M. Lesage: Non, mais j'ai toujours cela dans mes poches. Qu'est-ce que
vous voulez, c'est mon devoir comme ministre des Finances!
M. Johnson: Il est toujours en train d'emprunter, d'ailleurs.
M. Lesage: 5.5% à 96 3/8, ce qui fait un rendement de 5.78% et un
ccût de 5.87%.
M. Johnson: Des municipalités récentes, le premier
ministre en a-t-il?
M. Lesage: Je n'en ai pas ici. J'ai le provincial, c'est ça qui
est important. Les municipalités sont à plus que 6%. Le
coût, à l'heure actuelle, aux municipalités est à
plus que 6%. Je ne parle pas nécessairement de Montréal.
M. Gagnon: Est-ce que l'honorable ministre des Affaires municipales
prévoit aussi que dans des endroits où l'économie est au
ralenti, disons, comme la Gaspésie, cela sera possible aux
municipalités d'avoir, je dirais, un traitement de faveur en ce qui
concerne l'intérêt ou si l'intérêt sera partout
semblable? Il est entendu que si l'on paie un intérêt semblable,
la ville de Montréal va bénéficier d'un traitement
beaucoup plus avantageux que les endroits comme la Gaspésie où
l'économie se fait au ralenti à un degré
énorme.
M. Laporte: Nous avons tous compris que l'intérêt que nous
courrions exiger ne devrait pas être supérieur au taux courant des
obligations fédérales, plus un quart.
M. Gagnon: Mais partout dans la province?
M. Laporte: Dans toute la province, ça va être uniforme. Si
nous avons plus de demandes que nous n'en pouvons accepter, nous verrons, selon
la situation financière, l'état économique des
régions, à aider davantage celles qui en ont le plus besoin. Le
taux de l'intérêt sera le même dans toute la province.
M. Bédard (président du comité plénier): No
1, adopté?
M. Dozois: Non, un instant.
M. Lesage: C'est sujet à l'amendement. Lorsque la
résolution no 2 a été appelée, le
député de Saint-Jacques a soulevé la question, à
savoir si la loi pouvait donner une garantie que la province ne prêterait
pas aux municipalités à un taux plus élevé
qu'elles ne payaient. Alors, j'ai fait venir M. Pigeon et j'ai parcouru
rapidement la loi fédérale pour savoir s'il y avait cette
exiqence dans la loi fédérale et je ne l'ai pas trouvée.
Nous pouvons l'adopter sujet à cela. Le fédéral, dans sa
loi, n'a pas imposé à la province l'obligation de prêter
l'argent qu'elle recevait au même taux. La loi fédérale ne
l'impose pas. Nous pouvons, nous, l'imposer dans notre loi.
M. Dozois: Certainement. C'est pour cela que j'ai soulevé la
question.
M. Lesage: Si on avait voulu nous l'imposer, évidemment, je m'y
serais opposé parce que cela ne regarde pas le fédéral.
C'est nous que ça regarde.
M. Dozois: Je pense que c'est une décision que la
Législature peut prendre.
M. Lesage: Certainement. Je suis d'accord et nous allons...
Malheureusement, on voudra bien constater que, par une erreur d'impression,
l'article 91 n'est pas reproduit au complet. Il n'y a que deux paragraphes
alors que l'article 91 a trois paragraphes. Ah! Il est de l'autre
côté. Excusez-moi.
M. Dozois: Ah! Cela m'évite de poser la deuxième question
que je voulais poser.
M. Bédard (président du comité plénier):
Adopté, sujet à la rédaction des deux articles.
M. Dozois: Une minute, s'il vous plaît;
M. Bertrand (Missisquoi): Le ministre pourrait-il nous dire si l'article
10 du bill C-76 s'appliquera aux prêts également? Autrement dit,
si le prêt est d'un montant de $5 millions ou plus, l'office devra
obtenir à ce sujet l'approbation du gouverneur en conseil,
c'est-à-dire du Parlement canadien.
M. Lesage: Non, pas le Parlement.
M. Bertrand (Missisquoi): Du gouvernement canadien.
M. Lesage: Cela ne s'applique pas du tout à la province, c'est
bien spécifié. C'est du droit statutaire, c'est limitatif. Avant
de consentir à une municipalité sous le régime de la
présente loi et non pas à une province...
M. Dozois: Est-ce qu'en vertu de la loi, M. le Président, la
province ne doit pas quand même faire rapport de tous les prêts
qu'elle consentira parce qu'elle doit identifier les entreprises municipales?
Alors, disons, par exemple, que la province veut prêter à la
cité de Montréal pour la construction du métro $50
millions.
M. Lesage: $50 millions? Ils m'ont dit que c'était $17
millions.
M. Dozois: Admettons. $50 millions pour la construction du métro.
Or, la province, en vertu de l'entente - c'est ce que j'ai compris de l'article
7 - doit soumettre à Ottawa le genre d'entreprise et faire rapport.
M. Lesage: Donner son certificat.
M. Dozois: Son certificat à l'effet qu'il y a une entreprise de
$50 millions.
M. Lesage: C'est ça.
M. Dozois: Lorsqu'Ottawa, l'office verra qu'il y a effectivement un
prêt de $50 millions, donc dépassant, comme le prévoit
l'article 10, $50 millions, est-ce qu'ils ne seront pas obligés de
soumettre ce prêt ou de faire approuver cette entreprise au gouverneur en
conseil?
M. Lesage: Mon conseiller juridique, M. Pigeon, qui est à mes
côtés, confirme l'opinion que je viens de donner à l'effet
que la réponse est négative, que c'est du droit statutaire qui
doit être interprété de façon restrictive. Lorsqu'on
dit "consentir à une municipalité", il ne s'agit pas d'un
prêt consenti à une province en vertu de l'article 7, paragraphe
1.
M. Bédard (président du comité plénier):
Adopté?
M. Johnson: M. le Président. le regrette...
M. Lesage: J'ai plus confiance en M. Pigeon qu'au chef de
l'Opposition.
M. Johnson: J'ai plus confiance au texte de loi qu'à tous les
Pigeon qu'on pourra m'apporter, M. le Président. Le texte de la loi est
clair.
M. Lesage: Qui insulte, là?
M. Johnson: Il n'est pas question d'insulte.
M. Lesage: Non, c'est un rêve!
M. Johnson: Je dis: Sauf tout le respect que je dois à M.
Pigeon.
M. Lesage: Ce n'est pas ça que vous avez dit.
M. Johnson: C'est ce que j'ai dit, M. le Président. Alors,
là, le premier ministre a
encore... Qu'est-ce que vous voulez? J'aime mieux le texte de la loi qui
dit clairement, aux deux premiers paragraphes: Permet au gouvernement de la
province ou à son organisme de consentir des prêts aux
municipalités sises dans la province relativement à des
entreprises municipales selon les modalités et les conditions - ce sont,
donc, toutes les modalités et toutes les conditions c'est ça -
applicables à des prêts accordés par l'office à des
municipalités. On dit: La province devra faire vis-à-vis des
municipalités et d'Ottawa exactement tout ce qui doit être fait
par l'office. Or, l'office doit... Ce sont les conditions, M. le
Président, je regrette... Je voudrais bien avoir la même opinion,
M. le Président, c'est sous l'en-tête Prêts aux
municipalités.
M. Lesage: Qu'est-ce que ça peut faire quand bien même
ça irait devant le gouverneur en conseil?
M. Johnson: Bien, qu'est-ce que ça peut faire?
M. Lesage: M. le Président, qu'est-ce que ça peut
faire?
M. Johnson: Pour prêter $5 millions de notre argent.
M. Lesage: M. le Président...
M. Johnson: C'est moi qui ai la parole.
M. Lesage: Non, non, je regrette, on m'a posé une question et je
réponds. D'un côté, le chef de l'Opposition se plaint qu'au
lieu d'avoir affaires au gouvernement canadien, on va avoir affaires à
un office. Quand il interprète mal la loi pour prétendre que,
dans le cas d'un prêt de $5 millions et plus, on fera affaires avec le
gouvernement, il se plaint encore. Je ne comprends pas très bien sa
logique. De plus, même si on devait donner au texte son
interprétation, qu'est-ce que ça peut faire que ce soit le
gouverneur en conseil au lieu de l'office? Qu'est-ce que ça change?
M. Dozois: Si c'est sujet à l'approbation du gouverneur en
conseil, le gouverneur Dourrait peut-être le refuser, alors.
M. Lesage: Justement, le chef de l'Opposition craint l'office, les
bureaucrates d'Ottawa. Il dit que ce serait bien mieux de faire affaires avec
le gouvernement. Puis, là, on dit que le gouvernement peut refuser, que
l'office peut refuser.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est là le problème.
M. Johnson: M. le Président, je pense que ça va être
mieux de régler. Le premier ministre dit: Qu'est-ce que ça peut
faire? C'est justement là qu'on ne s'entend pas, c'est justement
là une question de mentalités dans un domaine qui nous
appartient. Qu'est-ce que ça peut faire qu'on aille demander la
permission à Ottawa ou non pour prêter $5 millions à une
municipalité en particulier?
M. Lesage: On ne pose pas une question; on donne notre certificat.
M. Johnson: Il faut avoir l'autorisation du gouverneur
général et on sait que l'autorisation que donnera le gouverneur
général en conseil à la province de Québec pour
prêter plus de $5 millions à une municipalité est sujette,
évidemment, à la discussion publique au Parlement d'Ottawa. On
peut se ramasser dans une situation telle qu'un député de
n'importe quelle couleur à Ottawa fasse déposer
l'arrêté ministériel qui aura autorisé Québec
à prêter plus de $5 millions à une municipalité
déterminée et là on soulèvera un débat en
disant que nous n'avions pas d'affaire à prêter $5 millions
à une municipalité en particulier.
C'est ça, l'autonomie, M. le Président! Je ne veux pas
soumettre les actes de la province de Québec ou d'aucun de ses
ministères à la discrétion du gouverneur
général en conseil, ni encore moins, à la discussion du
Parlement fédéral, des députés de tout le reste du
Canada qui auront le droit de le faire. Et c'est là qu'est la fine
pointe de la distinction qu'un centralisateur ne comprend pas et que ceux qui
comprennent dans le Parti libéral sont attachés par l'esprit de
parti ou aveuglés par celui-là.
M. Lesage: M. le Président, j'ai guetté la Galerie de la
presse; là, c'est l'heure...
M. Bertrand (Missisquoi): Voyons donc!
M. Bédard (président du comité plénier):
à l'ordre, messieurs. À l'ordre!
M. Johnson: J'invoque le règlement, M. le Président.
M. Lesage: Bien voyons! Je voudrais bien être capable de
répondre au chef de l'Opposition.
M. Johnson: J'invoque le règlement. Le premier ministre vient de
parler de la Galerie de la presse. Le premier ministre veut savoir pourquoi
j'attends que M. Thivierge soit là? Pour lui demander, devant lui, qu'il
rétracte ce qu'il a écrit ce matin au sujet des
députés à $100 l'heure. Comme j'ai vu qu'il n'y
était pas, je n'ai pas jugé à propos de le faire.
M. Lesage: Je m'excuse.
M. Johnson: $100 par jour.
M. Lesage: En tout cas, je ne continue pas, je pourrais. Voici, je viens
de consulter de nouveau M. Pigeon qui donne la même interprétation
que celle que j'ai donnée. Quand le chef de l'Opposition dit que ces
questions peuvent être discutées à la Chambre des communes,
évidemment, elles peuvent l'être. C'est clair qu'elles peuvent
l'être, même si le prêt est consenti à la province par
l'office parce qu'il s'agit de déboursés d'argent du Parlement
fédéral, du gouvernement fédéral qui sont sujets
à l'examen des députés de la Chambre vis-à-vis de
la province de la même façon que les députés de
l'Opposition ici, dans cette Chambre, ne consentiraient pas à renoncer
à leur droit d'examiner les avances d'argent que nous faisans pour le
prêt agricole. C'est la même chose, c'est le droit fondamental,
c'est le fondement même de notre système démocratique
constitutionnel. C'est évident, on ne peut pas contester cela.
Imaginez-vous ce qui arriverait si je voulais contester à l'Opposition
le droit d'examiner les prêts agricoles. C'est la même chose. C'est
tellement fondamental et tellement élémentaire.
Maintenant, pour ce qui est des suggestions du député de
Saint-Jacques, M. le Président, à la résolution no
1...
M. Johnson: À la résolution no 1, oui.
M. Lesage: ...on ajouterait le paragraphe suivant: "Une entente conclue
en vertu du présent article doit être publiée dans la
Gazette officielle de Québec et elle doit aussi être
déposée à l'Assemblée législative dans les
dix premiers jours de la session suivante de la Législature."
M. Johnson: Dans la Gazette officielle.
M. Lesage: Bien, on m'a demandé et la Gazette officielle
et...
M. Johnson: Oui, mais dans quel délai?
M. Lesage: C'est tout de suite. Quand on ne dit pas quand, c'est
toujours tout de suite. Les lois ne disent jamais quand.
M. Johnson: Hier.
M. Lesage: Il y a des gens qui, pour dire tout de suite, disent hier.
"La commission doit - troisième paragraphe de la résolution no 2
- lorsqu'elle a consenti un prêt à une municipalité avec
des deniers empruntés de l'Office du développement municipal et
des prêts aux municipalités, accorder à cette
municipalité une remise correspondant à celle qui peut lui
être accordée par l'office et elle ne peut exiger un taux
d'intérêt plus élevé que celui qu'elle est tenue de
payer à l'office."
Alors, je propose ces deux amendements-là.
M. Bédard (président du comité plénier):
Résolution no 2 adoptée telle qu'amendée?
M. Johnson: Sur division.
M. Bédard (président du comité plénier):
Adopté. M. le Président, le comité a adopté avec
des amendements les résolutions relatives au bill no 1.
M. Johnson: Il n'y a pas d'amendements.
M. Bédard (président du comité plénier):
Oui, avec amendements.
M. le Président: M. Laporte propose que les résolutions
soient maintenant lues et agréées.
M. Johnson: Vote.
M. le Président: Qu'on appelle les députés.
À l'ordre, messieurs! Que tous ceux qui sont en faveur de
l'adoption des résolutions concernant le bill no 1 veuillent bien se
lever!
Le Greffier adjoint: MM. Lesage, Lapalme, Bédard, Lalonde,
Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice) Arsenault, Saint-Pierre, Cliche,
Dionne, Brown, Bertrand (Terrebonne), Pinard, Levesque (Bonaventure) Laporte,
Fortin, Parent, Binette, O'Reilly, Turpin, LeChasseur, Roy, Meunier, Harvey,
Morissette, Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Laroche, Boulais, Coiteux
(L'Assomption), Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberqe, Dallaire,
Lacroix, Kennedy, Baillargeon, Bisson, Hébert, Mailloux, McGuire,
Godbout, Dupré, Martin, Hanley.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Que tous ceux qui
sont contre veuillent bien se lever!
Le Greffier adjoint: MM. Johnson, Talbot, Élie, Dozois, Bertrand
(Missisquoi) Bellemare, Ducharme, Johnston, Boudreau, Lafontaine, Gabias,
Guillemette, Russell, Gosselin, Lizotte, Raymond, Charbonneau, Loubier, Gagnon,
Cloutier, Gauthier, Lavoie (VVolfe).
Le Greffier: Pour: 48 Contre: 22 Yeas: 48 Nays: 22
M. le Président: La motion est adoptée.
Les résolutions sont adoptées. Affaires du jour.
M. Lesage: En comité sur le bill.
M. le Président: M. Laporte propose que je quitte maintenant le
fauteuil pour que la Chambre se forme en comité...
M. Johnson: M. le Président, à la reprise de la
séance...
M. Lesage: Non, non, voici, c'est parce qu'on va rapporter
immédiatement. On va suspendre la séance. Le président
n'aura pas besoin de revenir en Chambre.
M. Johnson: Cela évitera au président de s'habiller.
M. le Président: M. Laporte propose que je quitte maintenant le
fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier sur le
bill no 1. Est-ce que cette résolution est adoptée?
Adopté.
Etude article par article
M. Bédard (président du comité plénier):
Bill no 1, article 2, adopté?
M. Lesage: Une heure.
M. Bédard (président du comité plénier):
La séance est suspendue.
M. Lesage: À deux heures quarante-cinq.
M. Johnson: D'accord.
(Reprise de la séance à 2 h 45)
M. Bédard (président du comité plénier):
Bill no 1, article 2?
M. Bertrand (Missisquoi): M. Alma va être ici dans la seconde. Une
question en attendant. D'où vient l'idée de mettre "il peut
autoriser ou obliger le ministre"?
M. Lesage: Voici, ça a été longuement
discuté.
M. Bertrand (Missisquoi): Cela me surprend que le lieutenant-gouverneur
en conseil soit obligé de donner des ordres étant donné
que le ministre est membre du cabinet et qu'il se donnerait un ordre. Alors,
est-ce que le ministre pourrait nous expliquer "peut autoriser ou obliger le
ministre"?
M. Laporte: Je dois dire au député de Missisquoi que
lorsque j'ai vu également la rédaction, j'ai eu exactement la
même réaction.
M. Lesage: Ce n'était pas comme ça dans
l'élection.
M. Laporte: Cela a été modifié pour deux choses. Il
s'agit d'abord de règlements et, deuxièmement, si nous n'avions
pas mis cela, il faut que ce soit l'un ou l'autre. C'est parce que, dans
certaines lois, on dit "doit" et dans d'autres "peut". Il ne s'agit pas
d'obliger le ministre à faire quelque chose, mais de pouvoir mettre dans
les règlements que le ministre peut, à sa discrétion,
faire telle ou telle chose et le ministre doit. Alors, les deux verbes sont
là pour cela. Il est arrivé certains cas où l'Opposition a
dit: Vous devriez mettre "doit" plutôt que "peut". Alors, c'est pour
ça que c'est là.
M. Lesage: C'est pour une réglementation.
M. Bertrand (Missisquoi): Je pensais qu'on pouvait mettre le mot
"oblige" lorsque l'on s'adresse à la Commission municipale de
Québec et je suis surpris que l'on dise que le lieutenant-gouverneur en
conseil - le ministre fait partie du cabinet - puisse s'obliqer, lui...
M. Laporte: Alors, certains règlements seront facultatifs, puis
d'autres seront obligatoires.
M. Bertrand (Missisquoi): Mais, c'est surtout parce que l'on veut
obliger la Commission municipale.
M. Lesage: C'est ça. Mais, d'un autre côté, il peut
arriver aussi, si une municipalité remplit les conditions
nécessaires dans les règlements, qu'il sera dit: "Le ministre
doit". L'Opposition l'exigerait si c'était dans la loi. Alors, c'est une
raison additionnelle pour la rédaction que nous venons de discuter. Ce
sont les règlements qui diront: "Le ministre doit" sous certaines
circonstances.
M. Bédard (président du comité plénier):
Article 2, adopté. Article 4? Article 4, adopté.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est la question que j'ai posée, c'est
celle-là que le ministre veut oréciser.
M. Lesage: Est-ce que le ministre a compris? Très bien. On veut
dire si une municipalité remplit les conditions, "le ministre doit".
M. Bertrand (Missisquoi): Très bien.
M. Bédard (président du comité plénier):
M. le Président, le comité a adopté le bill no
1.
M. le Président: Troisième lecture du bill no 1.
Dépôt de documents requis par
motions
M. Lesage: Avant de faire la troisième lecture, pour
débarrasser mon pupitre, voici une réponse à un ordre de
l'Assemblée législative en date du 11 juillet. C'est une
cinquième réponse. Il y en avait six. C'est une question de M.
Gabias, le 20 juin, au sujet encore de l'hôpital Cooke. Il en reste une,
c'est une question au sujet d'une maison Dubeau et on m'avait dit, au service
des achats, qu'il s'écoulerait quelque temps avant que je puisse faire
parvenir la réponse à M. Gabias.
Question de privilège
Quatre députés absents au moment du vote
renoncent à l'indemnité
M. Talbot: M. le Président, vous me permettrez de me lever sur
une question de privilège. Ce matin, une motion proposée par le
chef de l'Opposition, secondée par le député de
Bellechasse, à savoir que les députés renonçaient,
à partir d'aujourd'hui, à leur indemnité a
été présentée en cette Chambre et adoptée
par la Chambre. Je suis entré en Chambre, malheureusement, après
le vote. Il se pose la question à savoir si ceux qui n'ont pas
voté pour cette motion sont assujettis aux effets de la motion.
Je tiens à déclarer, M. le Président, que je suis
parfaitement d'accord avec le contenu de cette motion, qu'il ne m'est jamais
venu à l'idée de remplir mon devoir pour de l'argent, comme des
gens ont voulu l'insinuer malveillamment. Je vous demanderais de bien vouloir
donner des instructions au greffier de cette Chambre pour que mon nom
apparaisse parmi ceux qui ont voté pour la motion, ou que la
déclaration que je fais actuellement soit inscrite, à savoir que
je tiens à être astreint aux effets de cette motion et que je
renonce, comme les autres, à mon indemnité parlementaire, suivant
les termes de la motion.
M. Lesage: M. le Président, je comprends que c'est la même
chose pour le député de Lotbinière qui était absent
ce matin. Bon, alors, je vais faire une suggestion. Je comprends que le
député de Lotbinière veut faire une déclaration
semblable à celle du député de Chicoutimi. Le
député de Montmagny, ainsi que le député de
Richmond veulent faire la même déclaration, évidemment, il
n'est pas possible d'inclure leurs noms parmi la liste de ceux qui ont
voté. Mais je suggère qu'il y ait une inscription au
procès-verbal, à savoir que les quatre députés, le
ministre et le député de Chicoutimi, celui de Lotbinière
et celui de Montmagny, ont déclaré que, s'ils avaient
été présents, ils auraient voté en faveur de la
motion.
Bill no 1 Troisième lecture
M. Johnson: M. le Président, nous en sommes à la
troisième lecture et je ne veux pas, à ce stade-ci, utiliser mon
droit de parole. Je voudrais tout simplement faire une déclaration
relativement à cette troisième lecture. On sait qu'en vertu des
règlements nous pourrions demander que la troisième lecture soit
faite à la prochaine séance, ce qui serait demain. Nous
consentirons à ce que la troisième lecture soit faite
aujourd'hui, mais je voudrais que ce soit bien compris que c'est en
conformité de la conduite que nous avons suivie jusqu'ici pour
tâcher d'expédier, au point de vue procédure, les affaires
de la Chambre. En d'autres termes, nous ne nous sommes point servis de la
procédure parlementaire pour faire durer plus lpnqtemps la session. Ceci
étant dit, je vous demande de confirmer que je n'ai pas utilisé
mon droit de parole sur la troisième lecture parce que j'ai l'intention
de parler brièvement sur la troisième lecture, mais le
député de Saint-Jacques va me précéder.
M. le Président: Je suis prêt à confirmer que le
chef de l'Opposition n'a pas utilisé son droit de parole. Je ne suis pas
prêt à admettre les arguments qu'avait avancés le chef de
l'Opposition que, d'après les règlements, on ne peut pas appeler
la troisième lecture aujourd'hui parce que la deuxième lecture a
eu lieu hier. Mais je comprends que le chef de l'Opposition n'a pas voulu
parler sur la troisième lecture.
M. Johnson: M. le Président, nous ne recommencerons pas la
discussion que j'ai déjà eue avec vous. Il y a une tradition,
c'est que vous gagnez tout le temps. Mais j'ai déjà soutenu dans
cette Chambre que les résolutions avant subi une deuxième lecture
aujourd'hui étant allées en comité, on n'était pas
obligé d'aller en troisième lecture. J'admets que j'ai perdu,
vous avez eu la prépondérance du vote en votre faveur.
M. le Président: S'il y avait eu des amendements au bill et aux
résolutions, ce ne serait pas la même chose.
M. Lesage: Si nous suivions la pratique d'Ottawa, je devrais
reconnaître que le chef de l'Opposition a raison parce qu'il y a eu
des amendements.
M. Johnson: Le règlement prévoit cela aussi.
M. le Président: Troisième lecture. À l'ordre,
messieurs.
M. Paul Dozois
M. Dozois: M. le Président, je veux faire très
brièvement quelques remarques à ce stade-ci de la
procédure, c'est-à-dire à l'étude de la
troisième lecture de ce bill. Je veux tout simplement faire remarquer
à cette Chambre qu'au cours du débat qui a pris place hier les
députés de l'Opposition, dans la critique de ce bill, ont fait
plusieurs suggestions. À plusieurs reprises, le ministre des Affaires
municipales nous a demandé: Qu'est-ce que vous suggérez? Il n'a
pas semblé saisir le sens des suggestions que nous avons faites puisque,
lorsque nous sommes allés en comité soit pour étudier les
résolutions, soit pour étudier le bill, le ministre responsable
de la présentation de ce bill en Chambre n'a pas cru devoir apporter les
chanqements que nous préconisions.
Or, en vertu des règlements, il nous est permis, à
l'occasion de la troisième lecture, de demander que ce bill soit
amendé. Nous prétendons, M. le Président, que la province
de Québec, en vue d'aider les municipalités et en attendant que
l'étude d'un fonds municipal soit complétée par le
comité qui a été nommé cette semaine, devrait
assumer elle-même, prendre elle-même les moyens pour offrir aux
municipallités de la province des prêts et des subventions dans le
même sens que ceux offerts par le gouvernement central. De même, le
gouvernement devrait prendre les moyens pour récupérer les droits
fiscaux qui appartiennent à la province et qui lui permettraient de
faire face aux dépenses auxquelles le gouvernement aurait à faire
face pour remplir cette obligation vis-à-vis des municipalités de
la province.
J'ai dit, M. le Président, que je ne serais pas long. Je crois
que le débat a été suffisamment long en deuxième
lecture pour que l'on connaisse les raisons que nous avons eues de nous opposer
au projet de loi tel qu'il est.
Motion d'amendement
En conséquence, je présente La motion suivante,
secondé par M. Ducharme, le député de Laviolette: "Que
tous les mots après "que" dans la motion en discussion soient
retranchés et remplacés par les suivants: "Le bill no 1,
intitulé Loi pour faciliter le financement de certains travaux
municipaux, soit retourné au comité plénier avec
instruction et autorisation de l'amender de façon Qu'en attendant la
création, le plus tôt possible, d'un système provincial de
crédit municipal le gouvernement de la province, dans l'exercice
intégral de ses pouvoirs constitutionnels et fiscaux, soit
autorisé à mettre immédiatement a la disposition des
municipalités des sommes adéquates, sous forme de prêts et
octrois accordés à des conditions qui leur permettent de financer
leurs travaux sans compromettre leur situation financière et sans
surcharger les contribuables municipaux et à prendre les moyens de
récupérer les droits fiscaux qui appartiennent à la
province."
M. Laporte: M. le Président, j'aurais des objections de forme
à exprimer contre cette proposition, mais, il y a, de toute
évidence, des arguments de fond puisqu'il s'agit, sans discussion,
clairement, d'un "money-bill", d'un bill de subsides. Et je n'ai qu'à me
référer aux articles 155, 483 et 789? du règlement de
cette Chambre pour établir que seul un ministre de la couronne peut
faire cette chose.
M. Dozois: Le ministre pourrait la faire sienne. On peut amender le
règlement.
M. Laporte: Quand le ministre aura fait avec la
sévérité possible des études, il fera siennes les
résolutions qu'il jugera.
M. Dozois: La motion est régulière ou
irrégulière?
M. Laporte: Pour le moment, je ne voudrais pas que le
député de Saint-Jacques croie qu'il est encore ministre et qu'il
a le droit de présenter ceci.
M. Bertrand (Missisquoi): Oui, oui.
M. Laporte: M. le Président. je déclare donc, pour des
raisons connues de cette Chambre...
M. Dozois: C'est le président qui doit décider si j'ai le
droit ou non de présenter la motion.
M. Laporte: Ah oui, mais on a le devoir de la faire déclarer hors
d'ordre.
M. Johnson: M. le Président, parlant sur le point d'ordre
soulevé par le député de Chambly voulant que vous
déclariez cette motion contraire au règlement, j'aurais quelques
mots ou quelques considérations à vous soumettre qui vous
permettront peut-être, M. le Président, de créer dans cette
Chambre un précédent.
M. Lesage: Ce n'est pas la première fois que vous vous
essayez.
M. Laporte: Le précédent, ce serait de
laisser présenter par l'Opposition un "money-bill". M. le
Président, je vous ai donné une bonne raison et un bon point
d'appui pour un précédent. Vous pourrez lire ici, à la
motion, qu'on demande de retourner au comité plénier le bill no 1
avec instruction et autorisation de l'amender. Vous avez noté que, pour
la première fois peut-être dans cette Chambre, une motion de cette
nature comporte le mot "autorisation" en plus du mot "instruction". Je confesse
que, pour la première fois de ma vie, je suis allé puiser des
précédents dans la législation, dans la procédure
d'Ottawa et vous comprendrez facilement dans quelles circonstances.
M. Laporte: Vous osez défendre cela?
M. Johnson: Afin de comprendre le bill no 1, il a fallu que je passe mon
temps à lire une loi d'Ottawa et les débats d'Ottawa. Il a fallu
que je lise la loi d'une autre Législature, d'un autre Parlement, ainsi
que tous les débats parlementaires d'un autre Parlement que celui de
l'État du Québec. M. le Président, c'est là que
j'ai vu que, dans des matières à peu près similaires, on
employait le mot "autorisation". J'en ai déduit que c'était
peut-être de la juridiction de la Chambre de donner au comité
plénier, qui ne l'a pas généralement, l'autorisation
d'amender un "money-bill". La Chambre étant souveraine, en même
temps qu'elle donne instruction au comité plénier d'amender le
bill, ne pourrait-elle pas combler l'insuffisance des pouvoirs du comité
plénier en lui donnant l'autorisation d'amender et de faire,
évidemment, tout ce qui est nécessaire pour rendre à la
motion le plein sens qu'on voulait lui donner et donner au bill no 1 les
dispositions qui pourraient nous permettre d'aider les municipalités
sans violer l'autonomie provinciale?
M. Hamel (Saint-Maurice): L'amendement est fait au nom du chef de
l'Opposition.
M. Johnson: M. le Président, rien n'empêcherait le ministre
des Affaires municipales, au moment où nous commencerons à
étudier le bill en comité plénier, de courir chez le
lieutenant-gouverneur et de se faire autoriser, après lui avoir
présenté son problème, à nous apporter une motion,
c'est-à-dire une solution dûment autorisée par Sa
Majesté, évidemment, travaillant sous la cape et l'écorce
du lieutenant-gouverneur.
M. Laporte: Vous voulez que je coure jusqu'au Bois-de-Coulonge et il
pleut!
M. Johnson: M. le Président, il faudrait d'abord informer le
ministre que le lieutenant-gouverneur a un bureau au parlement.
M. Laporte: Il faudrait vous dire qu'il n'est pas souvent là.
M. Bertrand (Missisquoi): Il faudrait y aller à cheval de
Troie.
M. Johnson: Monté sur le cheval de Troie, comme le dit le
député de Missisquoi, on verrait très bien feu
l'ex-autonomiste s'en aller vers le Bois-de-Coulonge pour se faire munir de
toutes les autorisations nécessaires. M. le Président,
argumentant sur ce point de règlement soulevé par le
député, je ne voudrais pas donner l'impression que nous ne
traitons pas ce sujet sérieusement, mais je crois qu'avec le mot
"autorisation" la Chambre autorisant le comité plénier à
agir, vous pourriez déclarer que cette motion doit être
étudiée à fond. On me répondra qu'il y a à
l'encontre de cela, la loi de la constitution.
M. Bertrand (Missisquoi): Une violation de plus ou de moins.
M. Johnson: La constitution défendait au fédéral
d'entrer dans le champ du provincial dans les affaires municipales. Et le
Gouvernement d'Ottawa, avec la collaboration, j'allais dire la connivence du
gouvernement de Québec, est en train de violer la constitution. Une fois
qu'elle est violée, il me semble qu'elle ne se plaindrait pas qu'on
torture un peu les textes et qu'on donne une chance à cette Chambre de
discuter la motion de fond.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. J'ai essayé
de suivre l'argumentation du chef de l'Opposition. Je crois que j'ai saisi le
sens de son argumentation, mais il y a les principes exprimés
explicitement dans notre règlement, surtout à l'article 548:
Quand un bill public a pour objet direct l'exécution de travaux publics,
l'allocation de quelque subvention en argent et ainsi de suite," il ne peut
être présenté qu'après qu'une résolution
avant le même objet a été recommandée par le
lieutenant-gouverneur, prise en comité plénier et
agréée par la Chambre." Alors, cela a toujours été
la conduite de cette Chambre, cela a toujours été le
règlement suivi par les députés en cette Chambre. J'ai
moi-même essayé d'argumenter contre ces articles quand
j'étais dans l'opposition: j'ai même essayé de soumettre
qu'on pourrait le faire en employant l'expression "avec instruction
d'étudier la possibilité", mais, après en avoir
appelé, la Chambre a toujours décidé que je n'avais
raison.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est bien de valeur.
Rejet de la motion d'amendement
M. le Président: Je crois que je suis lié par le
règlement et par les décisions de la Chambre et je n'ai pas
d'autre alternative que de déclarer que la motion
présentée par le député de Saint-Jacques est contre
les règlements de la Chambre.
M. Johnson: Avec regret, M. le Président, imitant l'exemple que
vous donnez si souvent dans cette Chambre, je dois en appeler de votre
décision.
M. Laporte; Vous dites que vous allez voter avec regret.
M. le Président: Qu'on appelle les députés.
À l'ordre, messieurs. Que tous ceux qui sont en faveur du
maintien de la décision veuillent bien se lever!
M. le Greffier adjoint: MM. Lesage, Lapalme, Bédard, Lalonde,
Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice), Saint-Pierre, Cliche, Dionne,
Brown, Bertrand (Terrebonne) Lafrance, Pinard, Cournoyer, Levesque
(Bonaventure), Laporte, Fortin, Mme Kirkland-Casgrain, MM. Binette, O'Reilly,
Turpin, LeChasseur, Roy, Coiteux (Duplessis), Meunier, Harvey. Morissette,
Blank, Maheux, Collard, Vaillancourt, Laroche, Boulais, Coiteux (L'Assomption),
Crépeau, Fournier, Thibeault, Théberge, Dailaire, Lacroix,
Kennedy, Baillargeon, Brisson, Hébert, Mailloux, McGuire, Cadieux,
Beaupré, Godbout, Dupré, Martin.
M. le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien se
lever!
M. le Greffier adjoint: MM. Johnson, Talbot, Élie, Dozois,
Bertrand (Missisquoi), Bellemare, Ducharme, Johnston. Boudreau, Lafontaine,
Gabias, Bernatchez, Russell, Somerville, Gosselin, Lizotte, Raymond,
Charbonneau, Loubier, Majeau, Gaqnon, Cloutier, Gauthier, Lavoie (Wolfe).
M. Le Greffier adjoint: Pour: 51 Contre: 24 Yeas: 51 Navs: 1k
M. le Président: La décision et maintenue. La motion de
troisième lecture.
M. Hamel (Saint-Maurice): La Chambre est fidèle...
Reprise du débat sur la troisième
lecture
M. Daniel Johnson
M. Johnson: M. le Président, très brièvement, je
voudrais en troisième lecture faire quelques remarques surtout pour
couvrir la partie du terrain qui n'a pas été couverte au cours
d'un débat beaucoup trop court, selon mon opinion, sur une loi aussi
importante.
M. le Président, nous avons déjà, dans cette
Chambre, discuté très longuement. Mais, je ne pourrai jamais
assez le répéter, nous avons voulu sur ce débat nous
départir de tous les privilèges et les droits que nous accorde le
règlement de la Chambre afin d'expédier les affaires, ppur que le
contribuable ne soit pas, lui qui est déjà tellement
affligé, pénalisé davantage avant à payer pour
chaque jour de la session. Je n'ai pas à vous rappeler, M. le
Président, en quelles circonstances les députés ont
prouvé leur désintéressement allant jusqu'à
proposer que le contribuable n'ait pas à subir les conséquences
d'un débat un peu plus long que sur des lois ordinaires.
M. le Président, nous avions devant nous le bill no 1 qui, je
vous l'annonce, aura dans l'histoire politique de la province de Québec
une triste réputation. Et je regrette que ce bill, lorsqu'on en parlera
dans les générations futures, entraînera aussi dans la
réprobation du peuple de la province de Québec, le ministre qui a
dû le parrainer. Ce n'est pas le temps de faire des considérations
personnelles et je peux bien avoir du respect non seulement pour le
règlement, mais pour les personnes. Je ne voudrais pas, non plus, faire
un procès d'intention au ministre, mais je dois constater combien cruel
est notre système politique puisqu'il force un autonomiste, comme je
l'ai dit avant hier, à se faire hara-kiri.
M. le Président, il n'y a aucun doute que le parrain du
présent bill était, dans l'opinion publique du moins, un
autonomiste racé. Il passait pour l'un des défenseurs de la
véritable autonomie, négative et positive à la fois. Il
est un de ceux qui ont soutenu la lutte auprès du premier ministre
Duplessis lorsque, revenant d'Ottawa où il avait, comme on le sait,
claqué les portes, il avait été reçu en triomphe
à la gare du palais à Québec.
Je reorette que le ministre et le premier ministre aient cru bon de
faire des gorges chaudes au sujet de cette réception historique dans
notre politique provinciale, alors que le premier ministre Duplessis, revenant
d'Ottawa où il s'était tenu debout, a été accueilli
par le sénateur et conseiller législatif, Thomas Chapais, notre
grand historien.
M. le Président, j'étais là, à cette
réception, à cet accueil sympathique de la population du
Québec. J'étais là comme spectateur, puisqu'à ce
moment-là je n'étais pas encore député, et j'ai vu,
au pied de
l'estrade improvisée, estrade composée d'une de ces
voitures dont on se sert pour les bagages dans les gares, j'ai vu au pied de
cette estrade, criant, se conduisant un peu comme un "cheer leader"
d'université, le directeur de la faculté des sciences sociales de
l'Université Laval, le père Lévesque, qui, entouré
de ses élèves, proclamait bien haut, lui aussi, que le premier
ministre Duplessis avait tenu une attitude digne vis-à-vis d'Ottawa.
M. Meunier: Le contenu du bill?
M. Johnson: M. te Président, le ministre s'en souviendra
peut-être, il y eut, au mois de décembre 1946, dans le
comté de Bagot, une élection dans laquelle j'ai eu l'occasion de
briguer pour la première fois les suffrages et, au lendemain de cette
élection, c'est le ministre lui-même qui, sur du papier du journal
Le Devoir écrivait au premier ministre pour le féliciter de sa
lutte autonomiste, pour le féliciter de son attitude courageuse
vis-à-vis d'Ottawa, pour lui dire qu'il méritait bien le grand
succès remporté dans Bagot par son candidat, M. le
Président. Et c'était signé Pierre Laporte, du journal Le
Devoir.
M. Laporte: Je présume que le chef de l'Opposition m'en enverra
une semblable.
M. Hamel (Saint-Maurice): Cela fait 17 ans.
M. Meunier: Le contenu du bill.
M. Johnson: M. le Président, le 20 décembre 1946, le
Devoir, 430 est rue Notre-Dame, Montréal. Bureau de la rédaction.
Lettre adressée à l'honorable Maurice Duplessis, premier ministre
de la province de Québec.
M. le Président: À l'ordre! À l'ordre! Je voudrais
bien donner toute la latitude possible au chef de l'Opposition, mais il sait
très bien que le débat sur la troisième lecture, c'est
plus restreint que la deuxième lecture. Le débat devrait porter
sur l'ensemble et les détails du bill, mais il doit être restreint
au contenu de celui-ci. Il y a aussi l'article 285, paragraphe 4, sur lequel
j'ai attiré votre attention hier, qui dit que c'est défendu "de
lire un imprimé, un écrit qui ne se rapporte pas directement au
sujet du débat". Je demanderais au chef de l'Opposition de penser
à ces articles. J'aimerais bien, comme je le dis, lui donner toute la
latitude possible, mais qu'il essaye de discuter du bill en troisième
lecture.
M. Johnson: M. le Président, je vais tâcher d'observer le
règlement tel que vous l'interprétez. Je pense bien avoir le
droit de dire en troisième lecture, parlant du principe et des
détails, pourquoi je suis contre le principe et contre les
détails. J'essayais, M. le Président, d'éviter des
répétitions et d'apporter des arguments nouveaux pour prouver que
le ministre a eu tort de qualifier d'autonomie négative l'attitude prise
par M. Duplessis en 1946 alors que lui-même l'avait
félicité si chaleureusement et par écrit.
M. le Président, restons-en là pour le moment, mais vous
me permettrez de dire, je pense bien, que l'Opposition a voulu faire
épargner le ministre. Tout le monde connaît cet incident biblique:
Jéhovah demandant a Abraham une preuve de son respect lui a
commandé d'immoler son fils préféré, Jacob.
Une voix: Le bill.
M. Johnson: M. le Président, Abraham, dans les circonstances,
c'est le premier ministre.
M. Laporte: Dans quel article est-ce écrit?
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Johnson: Jéhovah d'Ottawa dit au premier ministre de la
province de Québec...
Des voix: À l'ordre!
M. Johnson: Si tu veux dans mon royaume d'Ottawa avoir de
l'avenir...
M. Laporte: Abraham...
M. Johnson: ... tu vas me prouver ta sincérité et tu vas
m'immoler ton fils préféré. Et là, il va choisir
une victime de choix dans son cabinet.
M. Lesage: Pas Ésaïe.
M. Johnson: Tu vas l'immoler sur l'autel de la partisanerie
libérale, si jamais tu veux accéder à un plus haut poste
dans la hiérarchie libérale sur le plan
fédéral.
M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait une
question?
Qu'est-ce qui arrive à Ésaïe, le chef de
l'Opposition, dans l'histoire?
M. Johnson: M. le Président, Isaac et Ésaïe vont
avoir leur tour. Je serais bien tenté de parlé de Jézabel,
M. le Président. Ce qu'il y a de plus terrible, c'est ce rapprochement
même dans les mots. On a demandé au premier ministre du
Québec d'immoler sa victime de choix, un autonomiste, le
député de Chambly, sur la montagne, M. le Président, nous
aurions voulu arrêter le bras du premier ministre,
l'empêcher de faire disparaître de la province les
autonomistes dont toute la race canadienne-française a besoin pour
survivre, surtout dans une époque aussi difficile que celle que nous
traversons. M. le Président, le ministre s'est immolé sur l'autel
libéral, sur la montagne libérale, le ministre s'est
immolé et il l'a fait en souriant.
M. Laporte: Bien, c'est si drôle de vous entendre.
M. Johnson: M. le Président, il l'a fait en souriant. De quoi
s'agissait-il? Il s'agissait de venir en aide aux municipalités.
M. Laporte: Contez-nous ça.
M. Johnson: Personne de ce côté-ci de la Chambre, M. le
Président, comme du côté du gouvernement, ne mettra en
doute l'opportunité de venir en aide aux municipalités. Les deux
partis politiques, aux élections de 1960 et aux élections de
1962, se sont engagés à venir en aide aux municipalités
qui traversent, comme on le sait, une crise de croissance - c'est le cas, du
moins, pour la plupart des municipalités de la province - et qui ont
besoin de sources additionnelles de revenus. En 1960, le Parti libéral
était lié par un programme écrit avec des mesures
spécifiques comme, par exemple, d'abord, des travaux dans toute la
province et à la mesure des besoins de chaque région
immédiatement; deuxièmement, autre mesure spécifique,
celle-là expliquée avec un faste de détails par le
ministre, Procureur général aujourd'hui, député de
Saint-Maurice: la péréquation municipale.
En 1962, les partis politiques sont revenus devant l'électorat et
ont de nouveau promis aux municipalités de leur venir en aide, car, de
moins en moins elles pouvaient recourir aux sources normales de revenus: les
licences, les permis et, d'autre part, la taxe foncière. Et là,
les partis politiques se sont engagés encore fermement - celui de
l'Union Nationale s'est engagé dans un programme écrit - à
organiser un système de crédit municipal pour réduire le
coût des emprunts municipaux.
Donc, les deux partis reconnaissaient en 1960 et reconnaissent encore la
nécessité pour les municipalités d'être
aidées. Mais, depuis 1960, c'est le Parti libéral qui est au
pouvoir, M. le Président, et, sauf les subventions pour travaux d'hiver
dont la moitié à peu près viennent d'Ottawa, sauf ces
subventions qui, comme l'a démontré hier, brièvement mais
clairement, le député de Shefford, maire de Waterloo, servent
presque exclusivement et pas toujours en totalité à Dayer la
différence entre le coût des travaux exécutés en
hiver et le coût des travaux exécutés en été,
sauf, dis-je, pour ces quelques misérables millions de dollars par
année, dont on se sert, dans certains coins, sous l'instigation de
certains ministres, pour faire des travaux qui autrefois étaient des
travaux effectués par le gouvernement sans aucuns frais à la
municipalité comme, par exemple, les travaux faits par le
ministère de la Voirie et par le ministère de
l'Agriculture...
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Les
travaux d'hiver - les députés de l'Opposition le savent aussi
bien que ceux du pouvoir - sont tous exécutés sous la même
autorité des fonctionnaires du ministère des Affaires
municipales. Et, si on veut que je donne la liste de tous les travaux faits
dans les comtés de l'Opposition, je vais la donner.
M. Johnson: M. le Président, là n'est pas le point. Je dis
que les montants que les municipalités doivent emprunter pour payer leur
part, c'est-à-dire les matériaux, 10% des salaires et la
machinerie servent dans bien des municipalités à faire des
travaux qui autrefois étaient exécutés par le gouvernement
provincial, soit par la Voirie, soit par le ministère de l'Agriculture.
Dans mon comté...
M. Lesage: Non.
M. Johnson: ...comme dans plusieurs comtés, les conseils
municipaux ont emprunté pour couper les fardoches, pour couper les
mauvaises herbes, pour refaire certains chemins, pour faire la
réparation de certains chemins qui autrefois étaient
entièrement à la charge, quant à leur réparation et
à leur entretien, du gouvernement provincial par les soins du
ministère de la Voirie, M. le Président.
M. Laporte: Donc, depuis 1960, les municipalités n'ont
reçu du gouvernement, de l'équipe qui est actuellement au
pouvoir, ni de nouveaux pouvoirs de taxation, ni de nouvelles sources de
taxation, ni aucune aide, sauf les travaux d'hiver. M. le Président, je
ne parle cas de l'aide qu'on a continué d'apporter dans la construction
des systèmes d'égouts.
Vous contribuiez combien, de votre temps, aux mêmes travaux
d'hiver qui coûtent si cher aux municipalités?
M. Johnson: Zéro, zéro, M. le Président.
M. Laporte: $15 millions, cette année, par le gouvernement
libéral.
M. Johnson: M. le Président, en 1958... M. Laporte: Zéro,
en 1958.
M. Johnson: En 1958, l'équipe libérale qui. était
dans l'Opposition a voté en faveur de la loi.
M. Laporte: Elle a fait un amendement...
M. le Président: À l'ordre.
M. Johnson: En 1959 et en 1960, l'équipe libérale nous a
accusés d'avoir une loi inefficace.
M. Laporte: C'est vrai.
M. Johnson: Et c'est en vertu d'une loi inefficace qu'on voudrait
aujourd'hui nous demander une loi comme celle qu'on a devant nous. C'est en
vertu de cette loi, dont on nous a reproché qu'elle était
inefficace, mais que la Législature...
M. Laporte: On l'a rendue efficace.
M. Johnson: ...pouvait - et, en fait, elle a pu le faire puisqu'elle l'a
amendée -amender, qu'on voudrait aujourd'hui justifier ce bill. Je
prierais le ministre de ne pas m'interrompre, ça va être beaucoup
plus court. Je disais donc que, depuis 1960, les libéraux au pouvoir
n'ont rien fait sauf un certain travail quant à l'aide par le
fédéral et le provincial pour les travaux de chômage. Et
j'ai dit - c'est une question qui pourrait être débattue
longuement; je veux tout simplement affirmer en passant - que, d'après
le témoignage d'hommes aussi compétents que le
député de Shefford, maire de Waterloo, ces subsides ne servaient
qu'à payer la différence de coût, le coût additionnel
occasionné aux municipalités par le fait qu'on doit travailler en
hiver. M. le Président, les municipalités ont besoin d'être
aidées. Les municipalités groupées dans des associations
ont fait des pressions sur les gouvernements.
M. Parent: Ils n'ont jamais compris ça.
M. Johnson: J'entends le député de Hull vous dire qu'on
n'a jamais compris ça.
M. Parent: C'est vrai.
M. Johnson: Je lui fais grâce.
M. Bertrand (Terrebonne): Vous n'avez encore rien compris.
M. Johnson: Un autre qui comprend encore moins, c'est le
député de Terrebonne, M. le Président.
M. Bertrand (Terrebonne): Et je suis content.
M. Johnson: Il est tellement obsédé par son désir
d'accéder au Sénat, M. le Président, qu'il n'y a rien qui
compte.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Bertrand (Terrebonne): M. le Président, sur une question de
privilège, je remercie le chef de l'Opposition d'avoir fait la
dernière remarque parce que mercredi soir, vers onze heures moins vingt,
il a fait une référence au dernier congrès des
hôpitaux alors que M. Pearson était l'invité d'honneur et
que j'étais appelé à le remercier. M. le Président,
j'ai siéqé dix-sept ans à Ottawa, j'ai siégé
douze ans avec M. Pearson. J'ai pour lui, et je le dis devant toute la
province, une grande admiration. Je l'ai remercié, le 17 au soir,
à La Malbaie...
Une voix: Ce n'est pas un point d'ordre, celai
M. le Président: A l'ordre, messieurs. À l'ordre...
M. Bertrand (Terrebonne): Et j'ai été demandé, non
pas par le gouvernement pour le remercier, mais j'ai été
demandé... Le député de Compton doit me laisser continuer.
Je demanderais au député de Chicoutimi de me laisser une chance
parce que, mercredi soir, le chef de l'Opposition a fait
référence au fait qu'un membre du cabinet, sans le nommer,
avait...
M. Johnson: M. le Président, j'avais la parole. Le ministre
était en Chambre mercredi soir. Il aurait pu, à ce
moment-là, invoquer la question de privilège; sinon, il aurait pu
l'invoquer le lendemain et, s'il ne l'avait pas su avant, il pourra l'invoquer
tantôt, M. le Président.
M. Bertrand (Terrebonne): M. le Président, je vais
répondre immédiatement aux remarques faites il y a à peine
trois ou quatre minutes: obsédé par le Sénat...
M. Talbot: A-t-il le droit de faire cela?
M. Bertrand (Terrebonne): Le chef de l'Opposition sait qu'il a
été pendant excessivement longtemos le conseiller juridique de
l'Association des hebdomadaires de langue française du Canada...
M. Johnson: Est-ce que j'ai cessé de l'être?
M. Bertrand (Terrebonne): Depuis un an et demi, il a cessé de
l'être.
M. Johnson: Ah, je ne savais pas...
M. Bertrand (Terrebonne): Et il avait la
gueule sure mercredi soir, quand il a fait les remarques qui ne sont
même pas consignées au compte rendu parce qu'après les
avoir lues, probablement, il les a fait "canceller".
M. Johnson: M. le Président, vous voyez la méthode du
député de Terrebonne: gueule sure, procès d'intention, M.
le Président. Il dit que j'aurais fait enlever les remarques. Je n'ai
fait aucune démarche, je n'ai fait aucune démarche. Mais je
répète que c'est indécent. Qu'un ministre de la couronne
dans la province de Québec paie un banquet et amène comme orateur
invité le premier ministre du Canada, ça, c'est correct, M. le
Président; il y a des bonnes manières à observer, je n'ai
aucune objection à cela. Mais qu'un ministre de la couronne plaide
là sa cause pour aller au Sénat, et d'une façon qui a
scandalisé tout le monde, même les rouges, les libéraux les
plus fieffés...
M. Bertrand (Terrebonne): M. le Président, il y a vingt-cinq ans
que j'appartiens à l'Association des hebdomadaires de la province comme
membre du bureau de direction de cette association. J'ai été
secrétaire pendant treize ans. J'ai été pendant deux ans
son président et j'étais, jusqu'à l'an dernier, un des
membres du bureau de direction...
M. le Président: À l'ordre.
M. Bertrand (Terrebonne): Non, non, je dois répondre.
M. le Président: Je demande au ministre du Tourisme s'il a une
question de privilège à soulever contre les propos du chef de
l'Opposition, mais je ne peux pas permettre un débat
général. Tout cela est arrivé simplement parce que le chef
de l'Opposition a fait mention de certains événements et de la
présence du ministre en Chambre. J'avais compris que le minsitre voulait
protester contre cela. C'est ce qu'il a fait. Le chef de l'Opposition veut
continuer le débat mais je crois qu'il est de mon devoir de demander au
député de revenir et de discuter de la troisième lecture
du bill qui est devant la Chambre.
M. Johnson: M. le Président, je disais donc que les
municipalités ont besoin d'aide qu'elles avaient besoin d'aide depuis
1960 et bien avant. Dans le temps, nous avions fait ce que nous croyions
être juste et raisonnable et je n'ai pas l'intention de faire un portrait
complet de l'assistance que nous avons apportée aux
municipalités...
M. Laporte: Ce ne serait pas long.
M. Johnson: M. le Président, ça serait beaucoup plus long
et ça serait peut-être une bonne leçon de jurisprudence
municipale pour le ministre des Affaires municipales, qui en a besoin tout de
même, il n'a pas la science infuse!
M. le Président: À l'ordre, messieurs. La troisième
lecture.
M. Johnson: M. le Président, donc les municipalités ont
besoin d'aide et les municipalités, depuis trois ans, n'ont reçu
aucune aide. Il était temps de leur donner quelque chose. Elles
faisaient pression sur les partis fédéraux. Je partage l'avis du
ministre des Affaires municipales quand il dit que nous ne devons pas, dans la
province de Québec, sous l'optique de l'autonomie, appartenir à
des associations nationales. Mais je fais cette distinction: nous ne devons pas
y appartenir sous la forme d'unité, mais nous devons y appartenir,
contrairement à ce que dit le ministre, sous une forme
fédérée. C'est leur devoir de coopérer avec le
reste du Canada dans certains domaines et c'est à leur avantage.
M. Laporte: Juste une mise au point. Je n'ai jamais
suggéré à des villes ou à des groupements
d'appartenir ou de ne pas appartenir. J'ai simplement dit que c'était
une association centralisatrice. Je n'ai pas fait de suggestion, au-delà
de cela, si ce n'est pour dire qu'on ne doit pas en même temps patroner
cela et être pour l'autonomie.
M. Johnson: M. le Président, le ministre est tellement scrupuleux
au point de vue de l'autonomie qu'il a refusé d'aller à un
congrès de la fédération.
M. le Président: La troisième lecture du bill no 1.
M. Lesage: J'invoque le règlement. Cette discussion a eu lieu en
deuxième lecture. Elle était, à ce moment-là,
conforme au règlement. Mais il est clair qu'en troisième lecture
une telle discussion, qui sort complètement du principe et de la
rédaction du bill même, est hors d'ordre. Il me semble que le chef
de l'opposition pourrait coopérer et s'en tenir au projet de loi.
M. Johnson: M. le Président, j'essaie de m'en tenir, à
cela mais ce sont toujours ces interruptions qui m'attirent, M. le
Président...
M. Lesage: Il n'y a pas eu d'interruptions dans ce cas-ci.
M. Johnson: ...sur un terrain que le premier ministre déclare
tout à fait inopportun. M. le Président, si on veut me
laisser terminer, ça va être très court, je veux
coopérer.
M. Lesage: Il s'agit de la deuxième lecture.
M. Johnson: Il y avait donc, M. le Président, lieu de faire
quelque chose. Ottawa a pris l'initiative. Voilà trois ans que les
libéraux sont au pouvoir et ne l'ont pas fait. Qu'on l'ait fait ou non
dans les 16 années précédentes, M. le Président,
ça ne règle pas le problème aujourd'hui. Il y a trois ans,
M. le Président, qu'ils sont au pouvoir et ils n'ont rien fait. Non
seulement les libéraux provinciaux n'ont rien fait, mais ils ont
aidé, lors des dernières élections, et on le sait, les
libéraux fédéraux.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Le chef de
l'Opposition va comprendre - à l'ordre, messieurs - que je ne peux pas
laisser commencer un débat sur les élections
fédérales en troisième lecture.
M. Johnson: Je ne fais pas de débat, M. le Président. Je
dis que, dans un domaine qui les concerne, ces libéraux qui, depuis
trois ans, administrent la province non seulement n'ont rien fait pour aider
les municipalités, mais ont aidé une équipe qui promettait
d'aider les municipalités. Ils ont aidé M. Pearson qui promettait
d'aider les municipalités. Donc, les libéraux, comme nous, ne
devaient pas être surpris de voir arriver à Ottawa un bill comme
le bill C-76. Et j'arrive au bill C-76, M. le Président. Tout le monde,
à ce moment-là, a convenu que ce bill était
inconstitutionnel. Tout le monde, à ce moment-là, a exigé
des autorités de la province qu'elles prennent les mesures
nécessaires pour empêcher cet empiétement sans toutefois,
si possible, nous exposer à la double taxation. Je crois, M. le
Président, rendre là exactement la pensée de la population
ou, du moins, de ses représentants les plus qualifiés.
Or, qu'a fait le gouvernement? Une réunion des premiers ministres
des provinces et du premier ministre d'Ottawa et un bill qui s'appelle le bill
no 1. Je ne reviendrai pas sur les arguments que nous avons
développés en deuxième lecture, développements qui
ont été faits d'une façon magistrale par 7 ou 8 de mes
collègues. Mais je voudrais faire remarquer la portée
considérable de ce précédent en vous faisant, par exemple,
M. le Président, tourner le bill C-76 à la page 3. Vous verrez
comment ce chapitre est coiffé: "Prêts aux municipalités".
Vous me direz que la coiffure du chapitre, ça n'a pas tellement
d'importance, mais, M. le Président, quand je regarde de l'autre
côté de la Chambre, cet après-midi au même niveau que
nous, je trouve que la coiffure a beaucoup plus d'importance que je ne le
croyais encore.
Une voix: Vous insultez quelque chose.
M. Johnson: Je n'insulte aucune chose; je fais des compliments sans me
faire prendre. Je voudrais faire des compliments, M. le Président, au
bon goût et à l'à-propos de certaines coiffures que je vois
cet après-midi. Que ça repose donc, M. le Président, de
certaines autres têtes qu'on doit regarder continuellement. "Prêts
aux municipalités", et on arrive à l'article 2 qui est la
victoire obtenue par le premier ministre et là on parle de la province.
M. le Président, non seulement sous l'en-tête, non seulement sous
le titre, mais dans toute l'économie de cet article on considère
la province comme une autre municipalité, on rabaisse la province au
niveau juridique d'une municipalité. La province de Québec,
l'État du Québec, M. le Président, avec un premier
ministre libéral se pliant devant un premier ministre libéral
à Ottawa, est devenu une autre municipalité aux yeux de la
législation fédérale puisque l'office aura juridiction,
à part toutes les municipalités du Canada et les 1600
municipalités du Québec, sur un organisme qui s'appelle le
gouvernement de la province de Québec, M. le Président.
Le ministre s'est vanté, le premier ministre aussi, d'avoir
réussi cette très grande manoeuvre: nous avons
empêché que les municipalités n'aient un contact avec
Ottawa; nous avons, contrairement à votre loi de 1958,
empêché qu'une municipalité déterminée ne
s'adresse directement à Ottawa, donc l'autonomie est sauve. M. le
Président, quand on reqarde toute la loi, on s'aperçoit que le
gouvernement a, en fait, pris sous sa tutelle, comme il a le droit et le devoir
de le faire, toutes les municipalités de la province de Québec,
mais on s'aperçoit, malheureusement, qu'il a aussi livré toutes
les municipalités en bloc avec leur gardienne, l'État du
Québec, M. le Président.
Je ne reprendrai pas la démonstration que j'ai faite ce matin,
qui, à mon sens, est peut-être la plus concluante, de
l'inconstitutionnalité de la présente loi qu'on nous demande
d'approuver en troisième lecture. L'article 10, comme on l'a
découvert ce matin, doit s'appliquer au cas de la province de
Québec. L'article 11, M. le Président, s'applique à la
province de Québec. Sans répéter toute l'argumentation de
ce matin, me sera-t-il permis, M. le Président, de dire qu'il s'agit par
le bill no 1 d'un précédent pour lequel je ne peux trouver aucun
exemple dans toute la législation de l'Union Nationale et je crois bien
que je n'en trouverais pas dans la législation de M. Taschereau ni de M.
Gouin, ni de M. Parent ni de M. Mercier, ni de M. Chapleau, ni d'aucun des
premiers ministres,
sauf peut-être un précédent en 1942, une
législation d'un autre premier ministre libéral. Mais, au moins,
la forme de la législation de 1942 était tellement plus digne et
ne consacrait pas, M. le Président, l'asservissement de la province dans
un domaine particulier qui lui revient en vertu de la constitution.
Actuellement, le bill no 1, en référant au bill C-76, nous
asservit à une législation fédérale et cette
même législation fédérale nous asservit à
transiger avec un office du fédéral et non pas avec le
gouvernement. Plus que ça, on nous astreint à transiger, mais
d'avance on a établi des clauses qui doivent nécessairement en
vertu de la législation être convenues dans l'entente qu'on pourra
faire, qu'on daignera nous permettre de faire, si l'office veut bien en faire
parce que l'office peut - ne doit pas, mais peut - faire une entente avec le
gouvernement d'une province, M. le Président. Le gouverneur en conseil
peut autoriser l'office, M. le Président. Si l'office ne le demandait
pas, M. le Président, le gouverneur en conseil à Ottawa ne
pourrait pas le faire.
Donc, M. le Président, même en ces termes - et on sait
l'importance que prennent les termes dans une législation
fédérale, on sait l'importance du précédent en
droit britannique et encore plus, évidemment, en droit constitutionnel -
cette loi est l'un des précédents les plus dommageables, les plus
cruels que j'aie jamais vus. L'Union Nationale, vous le comprendrez, ne pouvait
pas, ne peut pas et ne pourra jamais se rendre complice d'un tel acte de viol
contre l'autonomie de la province de Québec.
M. le Président, s'il n'est pas permis de faire des procès
d'intention aux individus, aux députés de cette Chambre, je crois
bien que nous avons le droit de nous interroger sur les motifs d'agir d'un
gouvernement comme tel. Dans les milieux sérieux, dans les milieux qui
connaissent les finances municipales, les finances des gouvernements, on a
l'impression, M. le Président, que le gouvernement actuel est rendu
tellement à bout de ressources qu'il n'a plus les moyens d'être
autonomiste, qu'il n'a plus les moyens de résister à Ottawa,
qu'il n'a plus les moyens de se tenir debout, qu'il n'a plus les moyens de
faire reculer Ottawa, ne serait-ce que par le moyen extrême d'imposer aux
compagnies une taxe additionnelle en attendant qu'on réponde à
l'ultimatum ou qu'on règle le problème des relations
fédérales-provinciales, M. le Président.
M. Lesage: Pour que les compagnies déménagent dans
d'autres provinces.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre, quand il est
arrivé au pouvoir, a imposé une double taxation de 2% aux
compagnies dans cette province.
M. Lesage: Cela, ça s'endure.
M. Johnson: Et quand c'est pour sauver l'autonomie des
municipalités, M. le Président, je suis certain qu'on pourrait le
faire pour une période limitée, en attendant une réponse
positive ou négative, en attendant un réarrangement fiscal, en
attendant, peut-être, de récrire la constitution. Si elle en avait
eu les moyens, si elle n'avait pas dépensé, si elle ne
s'était pas engagée à l'aveuglette et d'une façon
irréfléchie dans certaines dépenses, M. le
Président, la province aurait eu les moyens de se tenir debout. M. le
Président, c'est encore mieux de se tenir debout avec un habit moins
neuf que de se courber bien habillé chez un tailleur de première
classe.
M. le Président, je ne veux pas allonger une intervention. Vous
savez, M. le Président, que chacun de nous, de ce côté de
la Chambre, que chacun des députés, de langue anglaise comme de
langue française, pourrait se lever ici et vous faire un plaidoyer avec
la conscience bien nette et bien claire qu'il parle au nom de ses commettants
respectifs. Chacun de nous ici, qui avons été
élevés à l'école de l'autonomie, aurait pu se lever
et donner ici des arguments sous des formes différentes et
variées. Ceci devrait peut-être être fait puisque le sujet
est si important, mais mes collègues, dans un esprit de
coopération avec le gouvernement, ont décidé de ne pas
répéter en troisième lecture un débat assez long
qu'il y a eu en deuxième lecture. Mais ils ne peuvent laisser passer
certaines affirmations. C'est par là, M. le Président, que je
voudrais terminer. Je dois essayer de faire saisir à la population
l'attitude exacte, le mode - le "mood", comme diraient les gens des Affaires
culturelles - exact de la province relativement à ce
problème.
Vous avez le ministre qui, d'une façon assez habile avec une
mauvaise cause hier, nous a démontré point par point quels
étaient les progrès qu'il avait réussi à accomplir
de concert avec le premier ministre, évidemment. Il a établi
quels étaient, d'après lui, les progrès relatifs puisqu'il
se basait toujours sur un bill de 1958. D'abord, je voudrais dire au ministre
que son attitude et celle du gouvernement me font penser à ce
propriétaire dont la maison est envahie à un moment donné
et qui s'en va plaider avec l'envahisseur. Et, parce qu'il daigne lui laisser
occuper la cuisine, cet envahisseur voudrait qu'on le remercie. Ottawa est
entré de plain-pied dans la maison provincial. Ottawa s'est
immiscé - c'est le ministre qui l'admet lui-même - dans un domaine
qui est clairement de juridiction provinciale.
M. Laporte: Tout le monde admet ça. C'est unanime.
M. Johnson: Tout le monde admet ça! Parce qu'Ottawa a consenti
à nous laisser la cuisine, c'est-à-dire une partie
administrative, mais toujours sous la surveillance des inspecteurs et de
l'office; parce qu'Ottawa nous permet de voir nos municipalités, ne nous
empêchera pas de les contacter; parce qu'Ottawa nous permet de bien
vouloir prêter aux municipalités ce qu'Ottawa prêterait s'il
faisait affaires directement; parce qu'Ottawa nous donne la permission de
prêter jusqu'à $5 millions sans consulter le gouverneur
général - il faudra consulter le gouverneur général
lorsqu'il s'agira d'un prêt dépassant $5 millions à la
même municipalité - ...
M. Laporte: Cela, c'est l'interprétation du chef de
l'Opposition.
M. Johnson: ...le ministre voudrait, M. le Président, que nous
disions merci à Ottawa. Ottawa envahit toute la maison, Ottawa a
occupé toutes les pièces, Ottawa s'est enlevé d'une partie
de la cuisine, nous fait payer le loyer dans cette même cuisine qui nous
appartient; Ottawa occupe le salon, Ottawa se réserve le droit de
critiquer ce que nous allons faire dans la cuisine, nous pourrons être
critiqués au Parlement du Canada par des ministres, des
députés des autres provinces dans un domaine qui nous concerne et
il faudrait dire merci. Non!
M. Laporte: Qui vous a suggéré de dire merci?
M. Johnson: M. le Président, il faudrait voter pour cette loi et
féliciter le premier ministre qui a fait cavalier seul pour faire entrer
un cheval de Troie dans la province de Québec. Quel grand mérite!
Je voudrais dire au premier ministre qui a le sens des responsabilités,
je l'espère, je voudrais dire au ministre des Affaires municipales, qui
connaît la situation dans la province actuellement relativement à
ces mouvements nationalistes qui mènent aux extrêmes...
C'est là, M. le Président, que je voudrais faire un appel
au gouvernement...
M. Lesage: La chasse aux sorcières.
M. Johnson: M. le Président, il ne s'agit pas de chasse aux
sorcières. Je voudrais dire à cette Chambre que la jeunesse
d'aujourd'hui, qui a cru aux paroles autonomistes du premier ministre,
n'endurera...
M. Lesage: Le bill.
M. Johnson: ...pas, en 1963, qu'on se justifie de quelque
précédent que ce soit pour enfreindre ou restreindre l'autonomie
de la province. Le mouvement actuel n'est pas vers le pancanadianisme dans la
province de Québec. Le mouvement actuel - et le premier ministre a
utilisé ces paroles - c'est vers un épanouissement plus complet
de notre population, et nous en sommes.
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement.
Sommes-nous en deuxième ou en troisième lecture? Nous sommes en
troisième lecture. Le principe du bill. Si le chef de l'Opposition a
oublié une partie de son discours en deuxième lecture, ce n'est
pas ma faute.
M. Johnson: M. le Président, je voudrais dire qu'un bill comme
celui-ci, amené dans des circonstances que nous connaissons, c'est
peut-être l'un des éléments qui feront avancer le
séparatisme le plus rapidement parce qu'il fait perdre confiance
à la population. Voici des gens qui se sont proclamés
autonomistes. Voici des gens qui ne jurent que par ça et qui
amènent devant nous le bill le plus centralisateur qu'une
Législature ait jamais eu à sanctionner dans cette province.
M. le Président, je le regrette, c'est une reculade. Le cheval de
Troie, il est entré par la grâce des libéraux, mais c'est
le gouvernement qui a reculé devant le cheval de Troie. Je le regrette
infiniment pour notre population et je le regrette quasiment, M. le
Président, pour un gouvernement que nous commencions à aimer.
M. Lesage: "The kiss of death". Je n'en veux pas, Seigneur!
M. Johnson: M. le Président, vous l'avez entendu, le premier
ministre. Il ne veut pas de nouveaux partisans. J'ai une nouvelle pour lui.
M. Lesage: Mais pas de vous autres.
M. Johnson: ...S'il n'a pas de nouveaux partisans, à cause de
tous ceux qu'il a perdus à date, il est déjà en
minorité. Je dirai au premier ministre que, fidèle au mandat
qu'elle a reçu de ses électeurs, fidèle à sa
tradition autonomiste, fidèle à son rôle de mettre devant
la population les solutions alternatives, l'Opposition à qui on n'a pas
démontré qu'on a fait tout en son possible pour sauvegarder les
droits de la province votera en troisième lecture contre le bill no
1.
M. Jean Lesage
M. Lesage: M. le Président, quelques mots seulement. Je n'ai
aucunement l'intention de répéter ni le clair exposé
fait
par le ministre des Affaires municipales, ni ce que j'ai dit lors de mon
intervention en deuxième lecture. Cependant, je ne puis laisser sans
réponse certaines affirmations que vient de faire le chef de
l'Opposition. Je ne reviendrai pas, non plus, sur les répétitions
que contenait son intervention en troisième lecture.
Le chef de l'Opposition a commencé par dire que les
libéraux n'ont absolument rien fait pour aider les municipalités
ou les chômeurs ou encore, si l'on peut mieux s'exprimer, les
municipalités à combattre le chômage.
M. Johnson: Je vous demande pardon, M. le Président. J'ai dit:
Sauf des subventions pour des travaux d'hiver, mais on prétend à
certains endroits que ça suffit à peine pour payer la
différence de prix.
M. Lesage: J'y arrive. J'y arrive. Il faut au moins que vous me laissiez
finir mes phrases. Il a parlé du fait de couper des herbes, du nettoyage
de fossés, que c'était payé par la Voirie, la
Colonisation. Evidemment, ça se fait encore. Nous avons fait plus. Il ne
faut pas oublier que, dans les régions économiquement faibles,
nous avons établi un vaste système qui nous permet de faire
travailler chaque année des milliers de personnes a la sylviculture.
C'est une innovation et ça n'existait pas au temps de l'Union Nationale.
Un exemple seulement pour dire que le chef de l'Opposition, dans ses
affirmations catégoriques, public souvent des points fort importants et
qui comportent, dans le cas de la sylviculture, des dépenses beaucoup
plus considérables que celles que faisait l'Union Nationale pour la
coupe de fardoches.
M. Bellemare: C'était les camps forestiers
d'été.
M. Lesage: Non, pardon, je m'excuse, ce ne sont pas des camps
d'été. Il s'est dépensé des milliers et des
milliers de dollars dans les comtés de la Gaspésie et dans les
comtés de la région du Nord-Ouest québécois pour la
sylviculture. Des centaines et des milliers de personnes, à diverses
périodes de l'année, ont été engagées. Il y
a eu aussi...
M. Johnson: Des routes d'accès.
M. Lesage: Il y a eu aussi les routes d'accès. Ce sont des
innovations pour le gouvernement provincial, ça n'existait pas au temps
de l'Union Nationale. Je ne veux pas chicaner, je veux rétablir les
faits purement et simplement. Le chef de l'Opposition, en voulant essayer
d'atténuer le fait que le gouvernement de l'Union Nationale n'avait rien
fait pour participer au coût du proqramme des travaux d'hiver, a dit: Les
libéraux ont voté pour la loi de 1958. Je voudrais attirer son
attention sur la page 152 des Journaux de l'Assemblée législative
pour la session de 1958-1959. A la page 152 -c'est la deuxième lecture,
je crois - M. Lapalme propose, secondé par Mme Kirkland, "que la motion
en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots
après que par les suivants: la Chambre est d'avis que le gouvernement
devrait, avant la seconde lecture du bill no 21, intitulé Loi concernant
les emprunts municipaux en matière de chômage, considérer
les mesures à prendre pour contribuer plus efficacement à
l'exécution des travaux destinés à remédier au
chômage". Et là, tous les membres de l'Union Nationale ont
voté pour le maintien de la décision du président,
déclarant irrégulière...
M. Bertrand (Missisquoi): Eh oui, on a voté la loi.
M. Lesage: Très bien, mais l'Union Nationale n'a rien fait par la
suite. Oui, oui, très bien, mais, tout de même, les
libéraux ont exprimé l'opinion, dès ce moment-là,
en 1958, que le gouvernement provincial devait participer financièrement
à l'exécution des travaux d'hiver. Et dès que nous avons
pris le pouvoir en 1960, eh bien, nous avons donné suite à cette
expression d'opinion des 17 députés libéraux à
l'Assemblée législative en 1958, de telle sorte que, pour le
programme des travaux d'hiver qui existe depuis 1958; en 1958-1959, la province
a contribué zéro, en 1959-1960, zéro, en 1960-1961,
$7,200,000; en 1961-1962, $9,048,000 et, en 1962-1963, l'estimation est de
$15,246,000. Évidemment, M. le Président, nous ne faisons rien,
paraît-il, pour nos municipalités. Eh bien, si $15,246,000
représentent 40% du coût de la main-d'oeuvre dans
l'exécution de ces travaux, la valeur globale des travaux pour cette
dernière année est de $116 millions. C'est dire que c'est un
grand encouragement à des travaux municipaux qui constituent un actif
pour les municipalités et qui, en même temps, permettent de donner
du travail à ceux qui, malheureusement, n'en ont pas suffisamment.
M. Bellemare: Il faudrait comparer Taschereau avec nous autres.
M. Lesage: Maintenant, le chef de l'Opposition a dit...
Des voix: Il faudrait comparer Taschereau. Deux zéros.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Lesage: Le chef de l'Opposition a
dit que nous aurions dû taxer les corporations pour obtenir la
somme de $120 millions de dollars au lieu de...
M. Johnson: Non, non, non. D'abord, j'ai dit qu'il y a d'autres
manières. On aurait même pu aller jusque-là temporairement.
Et là, ce n'est pas pour $120 millions, M. le Président; c'est
pour la partie de subvention. C'est tout ce dont on aurait eu besoin de taxes,
plus la partie de diminution d'intérêt.
M. Lesage: Partie de diminution d'intérêt et partie
subvention.
M. Johnson: Le député de Shefford a démontré
hier que cela aurait coûté $1 million à la province pour la
première année, $2 millions la deuxième année et $3
millions la troisième. En trois ans, l'affaire aurait pu être
réglée à Ottawa. L'ultimatum serait passé,
réglé d'une façon favorable ou non; peut-être une
nouvelle constitution, peut-être la séparation, M. le
Président.
M. Lesage: M. le Président, le quart de $120 millions est $30
millions. Je ne comprends pas beaucoup les calculs du député de
Shefford parce que 25% de $120 millions, d'après l'anqlais que j'ai
appris, c'est $30 millions.
M. Johnson: J'ai dit $1 million par année.
M. Lesage: C'est $10 millions, pas $1 million. Le chef de l'Opposition a
dit $1 million, $2 millions, $3 millions. Un instant:
M. Johnson: Pour payer la moitié de l'intérêt - ce
qui aurait été une aide substantielle - et donner une subvention,
cela aurait coûté moins de $1 million par année.
M. Lesage: Je regrette, mais on ne peut pas calculer seulement sur trois
ans; la différence de l'intérêt aurait été au
moins l/2% sur $120 millions.
M. Johnson: Première année?
M. Lesage: Excusez-moi, sur $120 millions pendant 20 ans. C'est donc 10%
de $120 millions; c'est donc $12 millions que ça aurait
coûté. Cela aurait pris $12 millions, plus les $30 millions, ce
qui fait $42 millions. C'est le tiers de ce que rapporte actuellement
l'impôt sur le profit des corporations. C'est le tiers. Oui, en
récupérant, et j'ai besoin de ma récupération pour
d'autres choses.
M. Russell: M. le Président, la question a été
soulevée hier. On disait que $1 million, c'était la
première année; $2 millions, la deuxième année.
Ceci représentait 3% de l'intérêt.
M. Lesage: Je ne discute pas les chiffres du député de
Shefford. Je dis que 1/2% de $120 millions pendant vinqt ans, ça fait
$12 millions par année sur 20 ans. Chaque année des 20 ans.
M. Johnson: Sur la base de 6%, ça?
M. Lesage: Pardon? La différence de 1/2% est la différence
courante entre le taux d'intérêt d'Ottawa et celui de
Québec.
M. Dozois: Ce peut être 0.4.
M. Lesage: Bien, ça peut être 0.4, mais, enfin, c'est pour
dire que l'ordre de grandeur, c'est à peu près $40 millions, si
on veut.
M. Dozois: Les $12 millions peuvent baisser à 6% avec les
remboursements.
M. Lesage: Alors, ça veut dire qu'il aurait fallu augmenter
l'impôt des corporations d'un pourcentage qui aurait été de
nature à imposer une double taxation telle que nous mettions en danger
notre industrie et notre économie. C'est une chose sur laquelle il faut
toujours être extrêmement prudent. J'y reviendrai tout à
l'heure lorsque je parlerai de la résolution sur les caisses de
retraite. Je traiterai plus longuement de cet aspect de l'impact de la taxation
sur l'industrie et le commerce, sur l'économie en
général.
Maintenant, le chef de l'Opposition est revenu sur la discussion que
nous avions eue en comité sur l'interprétation des articles 10 et
11. Je regrette, j'ai dit ce matin que je n'étais pas du tout d'accord
avec son interprétation. Le conseiller juridique du gouvernement n'est
pas du tout d'accord avec son interprétation et il n'est pas exact de
dire que la province est traitée comme une municipalité,
aucunement.
Continuant son argumentation sur ce point, le chef de l'Opposition
invoque l'article 7.2. Il dit: Avec l'approbation du gouverneur en conseil
l'office peut, au plus tard le 31 octobre, choisir... Ce n'est pas pour
ça que "peut" est là. On dit "peut" et non "doit", parce qu'une
province, elle, peut choisir de ne pas utiliser l'article 7.2. Alors, on ne
peut pas dire à l'article 7.2: L'office "doit", il faut dire "peut". Le
ministre des Finances m'a écrit - la correspondance a été
déposée - justement pour demander officiellement si le
gouvernement du Québec avait l'intention de se servir de l'option de
l'article 7.2 et j'ai répondu oui. C'est réglé, cette
affaire-là. C'est déclaratoire et ça ne peut pas
être impératif.
M. Johnson: M. le Président, ça aurait
pu être autrement; le premier ministre va admettre cela.
M. Lestage: Bien oui, mais ce n'est pas autrement.
M. Johnson: Il aurait pu dire: Si une province désire faire une
telle option, l'Office devra...
M. Lesage: Bien oui. D'ailleurs, "peut" veut dire "doit" dans certaines
circonstances. Dans le langage législatif, "peut" veut dire "doit".
M. Bertrand (Missisquoi): Bien non. Tantôt, c'était le
contraire.
M. Lesage: Quand il s'agit d'office, quand il s'agit de corps à
qualité judiciaire ou quasi judiciaire, "peut" veut dire "doit".
Certainement, c'est la distinction.
M. Bertrand (Missisquoi): Bien, j'ai la toux.
M. Lesage: Bien oui. Je pensais que le député de
Missisquoi était mieux que dimanche dernier. Non? On va recommencer
à s'inquiéter à son sujet. "Avec l'approbation du
gouverneur en conseil, l'office peut, au plus tard le 31 octobre 1963, conclure
avec une province quelconque une entente relative aux prêts à
consentir au gouvernement de cette province ou à tout organisme
désigné de celle-ci." Je me demande comment l'office a
juridiction sur la province quand il s'agit de conclure une entente. Lorsqu'une
loi fédérale a autorisé le gouvernement
fédéral à faire des ententes avec les provinces au sujet
de l'assistance-chômage, lorsque l'entente a été
signée par M. Sauvé ou par le député de Missisquoi,
je pense...
M. Johnson: Assistance-chômage?
M. Bertrand (Missisquoi): Assistance-chômage, c'est M.
Sauvé.
M. Lesage: Par M. Sauvé... évidemment, ça ne
voulait pas dire que le gouvernement de la province de Québec
était dans ce domaine sous la férule du gouvernement
d'Ottawa.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre sait bien que
tout ça est venu à la suite de son comité à Ottawa,
d'une conférence fédérale-provinciale, d'un amendement
à la constitution.
M. Lesage: Non, non, je ne parle pas de l'assistance-vieillesse, je
parle de l'assistance-chômage.
M. Bertrand (Missisquoi): Cela a été signé avec le
ministre.
M. Lesage: Oui, signé avec le ministre, c'est très bien.
Mais que ce soit signé avec un ministre ou avec un organisme
chargé de l'application de la loi, ça revient exactement au
même.
M. Bertrand (Missisquoi): Non, ah, non! M. Johnson: Non.
M. Lesage: Bien ça, c'est jouer sur les mots. Mais le
gouvernement de la province n'est pas plus assujetti à l'office dans ce
cas-ci que le gouvernement de la province est assujetti au gouvernement
fédéral dans le cas de l'assistance-chômage, pas plus.
M. Johnson: Un curé, ça fait affaires avec un curé,
pas avec un vicaire.
M. Lesage: Il n'y a pas d'assujettissement, il y a signature d'une
entente. C'est ce que ça dit.
M. Johnson: Cela aurait pu être avec le ministre.
M. Lesage: Et on prétend qu'il y a assujettissement lorsqu'on
lit, à l'article 2b), qu'en vue de faire des prêts sous son
régime l'office doit accepter un certificat délivré par le
gouvernement de la province. Est-ce que c'est ça, être assujetti?
L'office doit accepter le certificat de la province. C'est l'office qui est
assujetti, qui doit accepter le certificat de la province. Il est obligé
et c'est là une victoire majeure que nous avons remportée lors de
la conférence fédérale-provinciale. Nous ne voulions pas
qu'il y ait de quelque façon que ce soit un texte qui puisse laisser
supposer que la province était assujettie aux diktats de l'office. C'est
pour cela que nous avons fait inscrire cette clause à l'effet que
l'office doit accepter le certificat de la province.
M. Johnson: Oui, mais la province est liée à faire
seulement ce que la loi d'Ottawa permet de faire.
M. Lesage: D'ailleurs, je considère que, dans la loi d'Ottawa,
les cadres sont à notre satisfaction; nous l'avons acceptée, ce
sont des cadres satisfaisants, quant à nous, et nous n'aurons aucune
difficulté. La difficulté que je prévois, ce n'est pas que
nous ne trouvions pas suffisamment de travaux à faire dans ces cadres,
de travaux utiles pour l'avenir, mais que nous ayons trop de demandes et qu'il
nous faille contingenter. C'est ma crainte, bien plus que de l'autre
côté.
Quant aux cadres, quant à nous, pour la
province de Québec, ils sont suffisants. Les projets des
municipalités sont tels que $120 millions d'ici au 31 mars 1966 est un
chiffre beaucoup moindre que celui de l'ensemble des projets des
municipalités de la province dans le champ d'action prévu par la
loi jusqu'au 31 mars 1966. Je le répète: Je suis satisfait, en
dépit des réserves que j'ai faites, que nous ayons
sauvegardé l'autonomie de la province et que nous ayons agi avec
réalisme.
M. Frank Hanley
M. Hanley: Mr. President, the Leader of the Opposition, during his
remarks, invited a representation of the English - speaking Members of this
Parliament.
M. Johnson: No, I did not say that.
M. Hanley: Mr. President, my mind is not foggy and it is very clear that
the Leader of the Opposition asked the English-speaking Members of this
Parliament to stand up and support the province of Quebec concerning the
constitutional encroachment to the autonomy of the province of Quebec in the
adoption of this law.
M. Johnson: Mr. Speaker, I am sorry, the Honourable Member misunderstood
my remarks. I said that every Member of the Union Nationale, including the
English-speaking Members, would talk the same as I was talking about this
problem. I did not ask or invite the English-speaking Members to support, I
just affirmed that they would talk as I was talking then about the same
problem.
M. Hanley: Mr. President, the Leader of the Opposition...
M. Johnson: And I did not include the Member for St.-Ann.
M. Hanley: The Leader of the Opposition admits that he invited the
English-speaking Members of Parliament. Oh! non? Il n'a pas dit de l'Union
Nationale. Quand il dit les députés anglais, il y a un
député de l'Union Nationale. Oh oui!
M. le Président: First of all, I think the Member for St.-Ann
understood the Leader of the Opposition when he explained the second time, what
he intended the Member for St.-Ann to understand. He had already stated that he
had not made the declaration that the Member for St.-Ann had imputed to him and
that should have been enough for the Member for St.-Ann to accept the statement
of another Member that he had not made a certain remark. And I will therefore
ask the Member for St.-Ann, if he wishes to make any remark on the question of
third reading, to do so without necessarily making reference to declarations
that other Members might have made.
M. Hanley: Then, Mr. Speaker, the very few remarks that I will make will
be without an invitation! Mr. President, I am glad of this opportunity to have
the occasion of supporting the constitutional rights and the autonomy of the
province of Quebec, and the vast majority of the residents of the province of
Quebec are French Canadians. I am glad to have this privilege in this occasion
and I will take this opportunity very briefly.
I do not believe that the Highest Court of our province or the Highest
Court of our country would consider this bill which we are discussing today
unconstitutional. And I do not believe that the Highest Court of our province
or our country would reprimand any resident of the province of Quebec, because
he was in favour of the principle of the Loan Fund created by Ottawa, and only
accepted by the delegates of this Parliament after the law was amended in
Ottawa to suit the mentality of the majority of the people of the province of
Quebec.
Therefore, I am justified in bringinq before this Parliament the
principle of, out of $400 millions available to the various provinces of the
Dominion of Canada, the province of Quebec, the people of the province of
Quebec will benefit to the extent of $120 millions. I think that this is a very
good deal that the delegates made for the people of the province of Quebec.
The most touching and interesting principle of this bill is that we have
available $120 millions concerning the human resources of our people. And that
is stronger than any constitutional controversy or any controversy on autonomy:
$120 millions concerning the human resources of our people!
M. Gabias: Money talks.
M. Hanley: That is millions of money!
M. Gabias: Money talks.
M. Hanley: That is millions of money. That is the survival, that is
benefits for our people. That is giving them the advantages and the
opportunities of survival, of the necessities of life. That is not money...
M. Gabias: Money talks.
M. Hanley: ... that is common sense. And what I omitted, Mr. President,
is that it must have been unconstitutional, it must have attacked the autonomy
of the province, when the agreement by the city of Montreal,
Quebec and Ottawa for a grant of $40 millions or $50 millions concerning
the realisation of the World's Fair was adopted and approved by Ottawa. And I
never heard one single word of opposition from any Member of this Parliament
concerning that unconstitutional controversial grant by Ottawa to Montreal.
Mr. President, I am very much surprised that there is an attack, there
is criticism concerning $120 millions directed the benefit of our human
resources. Mr. President, if one billion dollars was directed towards the
benefit of the development of our natural resources, that would not interest me
as much as $120 millions concerning our human resources. And I think that the
arguments since the beginning of this debate against this bill have been very
weak, very weak.
I am surprised, and I think I should become very much concerned, that
any Member of this Parliament would vote against $120 millions concerning the
human resources of their people; more than surprised, concerned. And, when the
threat was made that the adoption of this bill may bring about separatism
sooner than we expect, I accept the threat. The sooner it is brought about, the
sooner the people decide concerning separation, the better it will be for all
of us in Quebec and for all in Canada. Therefore, if this serves a purpose to
bring that issue to a head, I think that I am justified not only defending the
human resources of our people, I am justified in bringing this controversial
issue of certain sections of Quebec and Canada to a head.
Therefore, in conclusion, Mr. President, it is very seldom that I
criticize objections from any Member of this Parliament. But knowing the needs
of our human beings within my riding in Quebec, I am forced to be critical. I
think that these $120 millions to serve the purposes of our human resources
should be bigger than any political issue, and this bill has become a political
issue since the beginning of this session.
M. Bertrand (Missisquoi): Le procès-verbal.
M. Hanley: Members, set aside your political issues, set aside your
theories on constitutional rights. Open up your hearts to your people to the
extent of $120 millions in which your people in taxes will only pay $90
millions in return. It is a good deal, Mr. Prime Minister, it is a good deal to
the delegates of Quebec who suggested politely, with dignity, to the central
government that there should be some amendments to the first law and who
returned with an amended law and $120 millions of which we will only pay back
$90 millions. An excellent agreement.
And if every Member of this Parliament, in conclusion, set their
political theories, their fantasies aside and give more attention to the human
resources of their people, then they will become bigger than politicians; some
day they may become statesmen. Thank you, Mr. President.
M. le Président: Est-ce qu'on est prêt pour la
troisième lecture?
M. Lesage: Le même vote.
M. Bertrand (Missisquoi): Ah non.
M. le Président: Même vote que sur la question de
règlement en troisième lecture. On va en ajouter,
quelques-uns.
M. Lesage: Oui, oui, enregistré.
M. Johnson: Mais s'il y en a quelques-uns qui sont arrivés
depuis, ils doivent se faire inscrire.
M. le Président: Troisième lecture, adopté.
M. le Greffier adjoint: Troisième lecture de ce bill. Third
reading of this bill.
M. Lesage: Le bill 2. Bill no 2 Deuxième lecture
M. le President: Pour M. Gérin-Lajoie, M. Lesage propose la
deuxième lecture du bill no 2, Loi concernant les taxes scolaires sur
les immeubles des compagnies.
M. Lesage: M. le Président, je crois que les notes explicatives
sont complètes et je suggère que nous allions en comité
pour donner des explications supplémentaires si les
députés en désirent.
M. Johnson: Très bien.
M. le Président: La motion de deuxième lecture sera-t-elle
adoptée?
M. Johnson: Adopté.
M. le Président: Adopté.
M. le Greffier adjoint: Deuxième lecture de ce bill. Second
reading of this bill.
Comité plénier
M. le Président: Pour M. Gérin-Lajoie, M. Lesage propose
que je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en
comité plénier pour étudier le bill no 2. Cette
motion sera-t-elle adoptée? Adopté.
M. Lesage: J'espère qu'on comprend bien le problème, mais
c'est aussi bien de lire les notes explicatives pour le Hansard.
M. Johnson: Le député de Trois-Rivières dit: "On le
comprend, n'allez pas nous embrouiller."
M. Lesage: Non, mais je veux les lire pour le Hansard.
Une voix: On vous écoute.
M. Lesage: Je puis bien me dispenser de les lire aussi. Je demanderais
à l'éditeur des débats de bien vouloir reproduire à
ce moment-ci les notes explicatives concernant le bill 2. "Notes explicatives.
En vertu des dispositions actuellement en vigueur, la cotisation scolaire n'est
prélevée sur les immeubles de compagnies que par la commission
scolaire qui compte le plus grand nombre de contribuables chaque fois que ces
immeubles sont situés dans un territoire sous la juridiction de deux
commissions scolaires formées de commissaires et, si l'une des
commissions scolaires est formée de syndics, les commissaires exercent
seuls ce droit. La cotisation ainsi prélevée est répartie
au prorata du nombre d'enfants âgés de 5 à 17 ans de chaque
croyance religieuse. Pour ce qui est de la taxe spéciale, chaque
commission scolaire exerce le droit de la prélever, mais seulement pour
un montant fixé suivant cette proportion.
Le texte proposé a pour objet d'appliquer à la cotisation
la même règle qu'à la taxe spéciale, chaque
commission scolaire prélevant la cotisation et la taxe spéciale
sur une partie de l'évaluation des immeubles des compagnies
situés dans son territoire établie au prorata du nombre d'enfants
âgés de 5 à 17 ans de chaque croyance religieuse.
On évitera ainsi que la cotisation fixée en regard des
besoins de la majorité soit insuffisante ou indûment
élevée en regard des besoins de la minorité, tel que c'est
notamment le cas lorsque la commission scolaire majoritaire fait partie d'une
commission régionale. La contribution requise pour l'enseignement
secondaire est alors prélevée au moyen d'une taxe
spéciale, la cotisation se trouve réduite en conséquence
et fait porter aux compagnies une part insuffisante des dépenses
scolaires de la minorité."
M. Bédard (président du comité plénier):
Article 1 adopté?
M. Johnson: M. le Président, nous avons compris le bill. Le
premier ministre m'avait téléphoné pour me dire
qu'à son grand regret il sentait le besoin de l'ajouter au menu de la
session tel qu'il me l'avait donné avant parce qu'il considérait
que c'était une question urgente. Le ministre de la Jeunesse et les
officiers du ministère lui avaient représenté que les
commissions scolaires avaient besoin de ces pouvoirs modifiés. J'ai
consulté mes collègues et, quand les commissions scolaires
demandent des choses que le gouvernement est prêt à leur accorder,
nous sommes prêts à coopérer, évidemment, sauf qu'il
faut constater - je crois que c'est le devoir de l'Opposition de faire
ressortir ces aspects du problème -qu'on enlève un plafond, en
somme, à la taxation.
Les amendements tels que faits ont certains avantages, entre autres
quant à la répartition. La répartition se fera dans les
deux cas, le cas de la cotisation et de la taxe générale, sur la
base du nombre d'élèves respectifs dans le territoire commun.
Auparavant, pour l'une des taxes, c'était le territoire commun et, pour
l'autre taxe, c'était le territoire des municipalités, ce qui
avait pour effet, dans certains cas, de créer certaines injustices
quelquefois au profit de la minorité protestante et, d'autres fois, au
profit des minorités catholiques.
M. Lesage: C'est-à-dire pas au profit, à
l'égard.
M. Johnson: À l'égard, dis-je, au bénéfice
de certaines injustices.
M. Lesage: Des injustices à l'égard.
M. Johnson: Certaines injustices étaient
créées...
M. Lesage: Une chicane de mots.
M. Johnson: ... au bénéfice, à un moment
donné, de l'une ou de l'autre. À tout événement,
protestants et catholiques, comme tous les citoyens de cette province, sont
prêts à recourir à une règle de justice, qui,
justement, est celle que nous avions déjà introduite pour une des
taxes et qui se trouve maintenant introduite pour les deux taxes. Tant
mieux.
Il reste, quand même, qu'en vertu de la loi actuelle, par le jeu
des articles 422 et 423, pour la taxe spéciale, celle dont on se sert
dans le cas de constructions, lorsqu'une des commissions scolaires voulait
taxer un immeuble d'une compagnie, elle était limitée à la
part qu'elle aurait reçue s'il s'était agi d'une taxe
générale appelée cotisation dans l'article 422.
C'est-à-dire que les deux commissions scolaires, quand il s'agit de la
taxe spéciale, pouvaient indépendamment et d'une façon
autonome, taxer le même
immeuble, mais le total de cette taxe spéciale combinée
des deux commissions scolaires ne devait pas dépasser le total de la
taxe générale. Par le jeu de l'amendement, évidemment, le
total des taxes spéciales imposées par les deux commissions
scolaires pourra dépasser l'ancien plafond.
M. Lesaqe: Possiblement.
M. Johnson: Je dis pourra dans certains cas. Alors, on donne toute
liberté aux commissions scolaires comme aux syndics de prendre leur
partie de l'immeuble ou leur quote-part de l'immeuble de la compagnie et de la
taxer selon leurs besoins respectifs.
M. Lesage: Oui. Il ne faut pas oublier, cependant, que, lorsqu'il s'agit
de constructions, la décision de construire ne peut être prise
sans l'approbation de l'Instruction publique. Il y a tout de même une
sauvegarde. Il y a un contrôle.
M. Johnson: Seulement, il faut constater - je crois que c'est le devoir
de l'Opposition de le faire constater - qu'on enlève un plafond et que
les taxes monteront dans certains cas. Et c'est une autre nouvelle
manière de taxer.
M. Lesage: Adopté.
M. Bédard (président du comité plénier):
Article 2, adopté. Article 3, adopté.
M. le Président, le comité a adopté le bill no
2.
M. le Président: Troisième lecture? M. Lesage:
Troisième lecture. Troisième lecture
M. le Président: Troisième lecture du bill no 2,
adopté.
M. le Greffier adjoint: Troisième lecture de ce bill. Third
reading of this bill.
Rejet d'une motion demandant
copie du rapport sur la
création d'une caisse
de retraite universelle
M. Lesage: M. le Président, la motion de M. Johnson, c'est
l'article no 7. Je dois invoquer le règlement, à l'article 690.
Pardon!
M. Bertrand (Missisquoi): Cela doit être confidentiel.
M. Lesage: C'est un document marqué strictement confidentiel.
M. Dozois: Ils sont cachotiers.
M. Lesage: C'est un document marqué "strictement confidentiel"
qui est un rapport de M. Wheeler Dupont à son chef administratif, le
chef administratif, dans les circonstances, étant celui qui vous parle,
parce qu'il ne faut pas oublier que je suis un fonctionnaire, au sens de la
loi.
M. Bertrand (Missisquoi): Vous êtes trois fonctionnaires.
M. Lesage: Je cumule trois fonctions. Et l'article 690
deuxièmement dit: "Sont réputés privés et
confidentiels, à moins qu'un ministre ne les ait cités, les
rapports que les fonctionnaires et les employés adressent à leurs
chefs administratifs: les rapports des commissions des ministères; les
notes que les fonctionnaires et les employés d'un ministère
échangent entre eux." Et, au cas où ce ne serait pas suffisant,
en vertu du paragraphe 1, je déclare que ce rapport est privé et
confidentiel et qu'il est contraire à l'intérêt public de
le publier dans le moment.
D'ailleurs, par la résolution de tout à l'heure, on pourra
constater les raisons pour lesquelles ce ne serait pas dans
l'intérêt public. Nous pourrions faire naître des espoirs
qui ne seraient pas justifiés en publiant ce rapport qui est
nécessairement sujet à un rapport que j'attends d'actuaires
auxquels ce rapport a été soumis. Je vais expliquer toutes ces
choses sur la résolution dans quelques instants.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que j'ai bien compris qu'il
n'y avait pas de rapport d'actuaires?
M. Lesage: Non, pas encore. M. Johnson: Non, pas encore.
M. Lesage: Je l'attends vers le 15 septembre. Je vais vous le dire tout
à l'heure. Évidemment, nous pourrons, lors du débat sur la
résolution, vous éclairer.
M. Johnson: M. le Président, évidemment, le premier
ministre a le droit de déclarer que, dans son opinion, ce n'est pas
d'intérêt public. Je suis obligé de le prendre.
M. Lesage: J'en suis convaincu.
M. Johnson: Mais je voudrais, tout simplement, vous faire remarquer que
nous cherchions un moyen de nous renseigner le plus possible. Si certaines
parties du rapport avaient pu être mises à la disposition des
députés, cela aurait été un instrument de travail,
mais je dois prendre...
M. Lesage: Non, je préfère attendre le rapport
d'actuaires.
M. Johnson: Dû au respect que j'ai toujours manifesté
envers le règlement, M. le Président, je dois me plier et je ne
ferai même pas appel de votre décision.
M. le Président: Je n'ai pas rendu de décision.
M. Lesage: À l'article no 2, c'est une motion qui apparaît
à mon nom...
M. Bertrand (Missisquoi): Motion pour une caisse de retraite
publique.
M. Lesage: ...touchant l'établissement d'une caisse de retraite
publique et universelle.
M. Bertrand (Missisquoi): Avez-vous un discours?
M. Lesage: J'ai quelques notes et je voudrais vous donner des
explications.
M. Johnson: On ne voudrait pas disposer de l'autre avant?
Motion touchant le rapport du comité sur la
constitution
M. Lesage: Laquelle? De l'article 3, certainement.
Alors, la motion qui apparaît à mon nom, à la
rubrique 3 du feuilleton, est la suivante: "Que pour les fins de la
résolution adoptée par cette Chambre le 7 juin 1963, instituant
un comité spécial en vue de la détermination des objectifs
à poursuivre par le Canada français dans la révision du
régime constitutionnel canadien et des meilleurs moyens d'atteindre ces
objectifs, il ne soit pas tenu compte de la convocation de la présente
session."
Voici pourquoi il faut adopter cette motion. C'est parce que la
résolution de la Chambre créant le comité en question va
obliger le comité à faire rapport à la prochaine session,
c'est-à-dire à cette session-ci. Il est clair que le
comité ne peut pas faire rapport à cette session-ci. Nous avons
pensé que la meilleure façon d'empêcher le comité de
mourir, c'était de dire, dans une résolution de la Chambre, que,
pour les fins de ce comité, on ne tient pas compte de la présente
session.
M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
M. Dozois: On ne se fera pas reprocher de retirer $25 par jour?
M. Lesage: Non, vous n'allez pas gaspiller de ce
côté-là, certain.
M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée? Article
no 3, adopté.
Motion en vue de
l'établissement d'une caisse
de retraite publique
et universelle
M. Jean Lesage
M. Lesage: Je reviens à l'article no 2. Lors de la
conférence interprovinciale de 1962, à Victoria, de nombreux
sujets avaient été discutés, comme l'on s'en souvient;
celui, par exemple, concernant la taxe de vente par une province dans une
autre. Je l'ai mentionné lorsque nous avons discuté d'un projet
de loi sur la taxe de vente au cours de la dernière session. C'est la
province de Québec qui s'était chargée de cette
préparation.
Nous avions également discuté la question des pensions
transférables ou transportables. L'Ontario avait un comité qui
étudiait depuis déjà un an et demi ou deux ans à ce
moment-là cette question des pensions transportables. Il avait
été convenu que l'Ontario continuerait une étude et aussi
que la province de Québec enverrait un observateur à loisir
à Toronto pour suivre le travail du comité d'étude et la
discussion du projet de loi devant la Législature et le comité
d'étude. Même M. Dupont a participé, je crois, à
certaines réunions qui étaient in camera.
M. Bertrand (Missisquoi): Qui est M. Dupont?
M. Lesage: M. Wheeler Dupont. Lorsque la loi ontarienne a
été adoptée, M. Dupont m'a fait rapport et m'a fait ses
commentaires. Alors, j'ai soumis cela à mes collègues du Conseil
des ministres et nous avons décidé de nommer un comité,
sous la présidence de M. Dupont, qui serait chargé
d'étudier le problème et de nous faire des recommandations. Nous
avons reçu le rapport préliminaire auquel se rapportait la motion
du chef de l'Opposition que nous avons discutée il y a quelques
instants.
Nous poussons rapidement l'étude en vue ! de
l'établissement d'une caisse publique et universelle de retraite par la
Législature de la province de Québec. Ce rapport
préliminaire nous a été donné sur une base
strictement confidentielle parce que, même si les actuaires faisaient
partie de ce comité, ils n'avaient pas étudié au complet
les chiffres des diverses alternatives qui peuvent nous être soumises.
J'ai reçu ce rapport de M. Dupont il y a très peu de temps et,
immédiatement, nous avons demandé l'opinion d'actuaires qui sont
M.
Paléus Poznanski et la firme Castonguay, Lemay et autres. M.
Poznanski a une très grande expérience dans
l'établissement des fonds de pension; il est l'actuaire des
Prévoyants du Canada depuis de nombreuses années. MM. Castonguay,
Lemay et autres sont des actuaires canadiens-français de grande
réputation. M. Castonguay est à Montréal, je crois, et M.
Lemay, à Québec ou vice versa.
M. Bertrand (Missisquoi): Et autre. Qui est l'autre?
M. Lesage: Non, "et autres", c'est le nom de la firme.
Évidemment, il y avait un actuaire du commerce et de l'industrie, M.
Alain, je crois, qui faisait partie du comité présidé par
M. Dupont.
Évidemment, il faut qu'une telle caisse de retraite publique et
universelle, si nous l'établissons, soit basée sur des chiffres
d'actuaires. C'est une condition essentielle car, autrement, on risque dans
l'avenir d'être appelés à faire des déboursés
très considérables à même le fruit d'une taxation
accrue. Il ne s'agit pas d'un fonds de pension comme celui des employés
du service civil, qui n'est pas un fonds de pension étant donné
qu'il s'agit de paiements au fur et à mesure dans ce cas-là,
c'est-à-dire que les cotisations des employés au service civil
sont versées au fonds consolidé. C'est le fond consolidé
qui, chaque armée, paie le montant des pensions. Il n'y a pas de
relation actuarielle - mais on me dit que ce mot n'est pas français -
entre les montants payés par les employés civils et les montants
reçus, les prestations qui leur sont payées. Dans le cas d'une
caisse universelle de retraite, basée sur des cotisations par les
participants, il est essentiel qu'il y ait une base d'actuaires.
Mais ce n'est pas le seul aspect important que l'on doit
considérer dans l'établissement d'un tel système. Il faut
aussi savoir quel sera l'impact du paiement des cotisations par l'industrie et
le commerce sur l'économie de la province. Il est évident que le
paiement des cotisations pour les ouvriers par l'industrie et le commerce dans
certaines sphères où il n'y a pas de tels paiements à
l'heure actuelle - parce qu'il y a plusieurs pensions de retraite
privées qui existent - si nous allons trop loin, peut avoir sur
l'économie, sur le commerce et l'industrie, l'effet d'augmenter
considérablement même le prix de la production. Aussi, j'ai
demandé à un homme de vaste expérience en finance et en
économie, qui a été chargé de la surveillance d'un
fonds de pension pour la compagnie dont il était le
vice-président chargé des finances, M. J. Léo
Boissonneault, ancien vice-président de la Shawinigan Water and Power,
de suivre le travail des actuaires au fur et à mesure qu'il avance.
Pardon?
M. Johnson: Monsieur qui, ça?
M. Lesage: M. Boissonneault, l'ancien vice-président
chargé des finances. Léo Boissonneault, c'est un homme bien connu
dans le milieu des affaires. Il va suivre le travail des actuaires au fur et
à mesure qu'il avance afin de leur suggérer l'étude de
toute alternative qu'il pourra déceler. Déjà, à la
lecture du rapport de M. Dupont, il y avait certaines alternatives qui
étaient mentionnées. Après avoir étudié le
rapport avec mes collègues, j'en ai mentionné d'autres et c'est
cette étude qui se fait.
J'ai aussi demandé à M. Boissonneault d'entrer en contact
avec le président du Conseil d'orientation économique et de
consulter des économistes réputés ayant une grande
expérience pratique sur le deuxième aspect de la question,
c'est-à-dire l'impact sur l'économie du Québec. Il ne faut
pas s'imaginer que nous pouvons aller à la légère dans un
domaine aussi compliqué et je suis sûr qu'il n'est pas un membre
de cette Chambre qui serait satisfait de me voir présenter un projet
sans que je sois en mesure de donner des réponses satisfaisantes
à toutes les questions qui pourraient m'être posées,
principalement sur ces deux sujets que je viens de mentionner. Est-ce que le
fonds sera établi sur une base d'actuaires, de chiffres d'actuaires et,
deuxièmement, quel sera l'impact de l'établissement de la caisse
de retraite sur l'économie de la province?
Dans certains milieux, on a exprimé la crainte qu'en proposant
l'établissement d'une caisse publique et universelle de retraite le
gouvernement suggérerait de s'emparer des montants accumulés dans
les fonds de retraite établis par le secteur privé. Je veux
déclarer dès maintenant - et c'est bien important, je pense - que
nous n'envisageons nullement une telle solution et rien ne peut être plus
loin de la vérité.
M. Johnson: Que veut dire "publique" dans ce cas-là, d'abord? On
dit "publique et universelle"?
M. Lesage: "Publique", c'est parce qu'elle serait administrée par
une commission gouvernementale.
M. Johnson: Si elle est universelle et publique...
M. Lesage: Oui.
M. Johnson: ... est-ce qu'elle ne liera pas tout le monde?
M. Lesage: Oui, c'est l'intention.
M. Johnson: Même ceux qui ont déjà des plans?
M. Lesage: Oui, mais ça ne dérange pas les fonds
existants, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de transfert à la
caisse publique de fonds privés, actuellement, qui sont accumulés
pour les fonds de retraite existants. Cela peut se faire autrement.
M. Johnson: Est-ce que ça veut dire qu'à l'avenir seuls
les fonds qui existent au moment de l'entrée en vigueur de la loi
pourront continuer, qu'il n'y aura plus de nouveaux fonds?
M. Lesage: Non, pas nécessairement, pas du tout. Parce qu'il est
évident que l'établissement d'une caisse de retraite publique et
universelle ne peut que donner les besoins de base, les besoins minimaux. Nous
ne voulons pas additionner un troisième étage, parce qu'il y a
deux étages actuellement: il y a la pension universelle de retraite
à 70 ans, si vous ne voulez, plus les fonds de pension privés.
Nous ne voulons pas ajouter à cela la caisse universelle. Nous voulons
glisser la caisse universelle entre les deux. Si, dans certains plans de
pension existants, les ouvriers et les patrons jugent qu'il y a lieu,
étant donné l'établissement de la caisse universelle de
retraite pour laquelle ils seront obligés de payer de toute
façon, de diminuer les cotisations et les prestations à venir
plus tard pour tenir compte des prestations à recevoir en vertu de la
caisse universelle de retraite, ils seront libres de le faire. Ce n'est donc
pas un troisième étage, c'est un "split level". C'est un
deuxième étage que nous glissons entre les deux.
M. Johnson: Oui, mais je pense qu'il était important que le
premier ministre fasse cette déclaration, à savoir que les fonds
existants ne seront pas dérangés.
M. Lesage: Oui, j'ai tenu à la faire.
M. Johnson: Je suis très heureux qu'il l'ait faite. Je crois que,
pour la paix et la stabilité financière, on a besoin de
ça. Mais ce qui n'est pas clair dans mon esprit, c'est qu'il emploie les
mots "publique et universelle".
M. Lesage: Oui, "publique", c'est gouvernementale.
M. Johnson: On en déduit naturellement que le gouvernement...
M. Lesage: Je ne veux pas employer le mot "gouvernementale" parce que je
crois qu'il faudra nommer une commission. Alors, au lieu d'employer le mot
"gouvernementale", j'emploie le mot "publique", c'est tout.
M. Johnson: Je remercie le premier ministre, c'est un commencement de
réponse qui éclaircit...
M. Lesage: Bien, c'est la réponse.
M. Johnson: Non, mais ça éclaircit le problème et
je comprends pourquoi il l'a mis. Mais, est-ce que - et c'est là
l'inquiétude de ceux qui ont des fonds actuellement, qui ont des
contrats avec des unions ouvrières et autres - même pour le niveau
minimum que le gouvernement établira dans cet étage au milieu,
entre les deux, entre le premier et le deuxième, l'argent continuera
d'être administré, disons, par la caisse des pompiers à
Montréal ou si cette partie de la caisse devra aller sous le
contrôle de l'État provincial?
M. Lesage: Évidemment, c'est le même. Il faut bien tenir
compte que nous sommes en concurrence avec le plan fédéral dont
je vais parler dans un instant. Et le plan fédéral est
universel.
M. Dozois: M. le Président, est-ce que le premier ministre me
permettrait de compléter la question posée par le chef de
l'Opposition? Prenons un cas concret, le cas des policiers de Montréal
qui, eux, en raison de leurs fonctions, décrètent qu'ils peuvent
prendre leur retraite après vingt-cinq ans de service ou cinquante ans
d'âge. Évidemment, un tel fonds est onéreux, est
coûteux par le fait que la période où on peut payer une
pension est très considérable et peut s'étendre sur dix,
douze, quinze ou vinqt ans. Alors, la contribution de ces gens est de 7% pour
l'employé et de 11% pour la ville. C'est une contribution
considérable. Admettons, pour les fins de la discussion, que la caisse
de retraite...
M. Lesage: 1-1.
M. Dozois: ... ce serait 1-1.
M. Lesage: Bien, admettons. Cela peut être 2-2, 3-3.
M. Dozois: Est-ce que cela veut dire qu'à l'avenir les policiers
de Montréal continueraient à payer 7% et la ville 11%, mais que,
de ces 11%, il en resterait seulement 10% et 6% de la part des employés
au fonds local et que 1% de chaque groupe s'en viendrait à la caisse
centrale?
M. Lesage: Oui, et ça doit être ajusté par des
actuaires. C'est cela que les actuaires sont à ajuster. C'est le seul
moyen parce que, autrement, vous n'avez pas l'universalité.
M. Dozois: Alors, il n'y aurait que cette partie qui serait
universelle.
M. Lesage: Et transportable, clairement. Ou bien on va au système
de l'Ontario et on laisse les fonds privés existants et tout ce qu'on se
préoccupe de faire, c'est assurer la transférabilité.
C'est tout ce que l'on fait en Ontario. On oblige l'employeur de quinze
employés ou plus à établir un plan de retraite
obligatoire. On ne peut pas aller en bas de quinze parce qu'un plan de retraite
pour un ou deux employés, il n'y a pas une compagnie d'assurance ou une
compagnie de fiducie qui va l'établir. Alors, en Ontario, on ne peut pas
avoir l'universalité, on ne peut pas prévoir pour ceux qui n'ont
pas d'employés, les professionnels, tandis que les professionnels seront
obligés de payer tout le montant de la contribution.
M. Bertrand (Missisquoi): Les cultivateurs?
M. Lesage: Certainement. Mais simplement, un instant, on ne peut pas le
faire payer à ceux qui n'ont pas les moyens de payer. J'ai
demandé aux actuaires d'établir les chiffres. Là, il y a
diverses alternatives dont une, par exemple - et c'est cela qui est
embêtant, de discuter sans que je sache exactement ce que les actuaires
vont me dire - c'est que ce soit basé sur les mêmes chiffres que
l'impôt sur le revenu, que ce soient les mêmes exemptions. Enfin,
ce n'est pas une affaire facile. Je pense que je vous le prouve seulement par
les réponses que je donne à vos questions. En Ontario, on ne peut
pas avoir l'universalité.
M. Dozois: Si ce fonds de retraite est créé, nous serons
satisfaits si, dans un cas particulier où il y a un fonds de retraite
existant, du moment qu'on assure ce minimum que la province réclame, ce
fonds reste indépendant et ne participe pas à la caisse
centrale.
M. Lesage: C'est impossible parce que là je ne puis plus assurer
la transférabilité.
Une voix: Pourquoi pas?
M. Lesage: Je ne puis plus assurer la transférabilité. Il
me faut un fonds universel. C'est ce que le comité me dit. Ce sont des
experts en la matière. De toute façon, nous ne sommes pas
à étudier un projet de loi; c'est une résolution posant le
principe. Que l'on ne me demande pas de donner ici les réponses que j'ai
demandé aux actuaires de me donner et que je n'ai pas reçues.
M. Johnson: Alors, vous comprenez nos questions. Vous les avez
posées vous-même aux actuaires.
M. Lesage: C'est évident. J'ai répondu à une partie
des questions. Cela revient à ce que je disais tout à l'heure: il
faut que je les obtienne pour pouvoir vous les donner.
Maintenant, quant au système proposé par le gouvernement
fédéral, évidemment, lorsque je suis allé à
Ottawa, j'ai insisté sur le point de vue constitutionnel, me basant sur
le texte de l'article 94A. Mais ce ne sont pas les seules objections que j'ai
au système fédéral. En 1950, le système avait
été proposé au comité conjoint du Sénat et
de la Chambre de communes que je présidais. C'est le système, qui
avait été établi à peu près cinq ans
auparavant aux États-Unis, le système de paiement au fur et
à mesure ou, si vous voulez, le "pay-as-you-go". On exige tant pour cent
de la liste de paie, le double pour les "self-employers" ou ceux qui n'ont pas
d'employés et on paie des bénéfices considérables
qui n'ont pas de base actuarielle. C'est le même système que notre
fonds de retraite, c'est similaire au fonds de retraite des employés
civils.
Cependant, alors qu'aux États-Unis le montant sur les listes de
paie, au début, était de 2%, c'est-à-dire 1% et 1%,=2%, de
la liste de paie, on prévoit qu'en 1967, pour assurer des prestations
pas très très généreuses, on exigera 9%; c'est
décidé. C'est le danger du système au fur et à
mesure et c'est ça que nous avons rejeté, nous du comité,
en 1950. C'est ce système que propose le gouvernement
fédéral actuel. On parle de 2% à l'heure actuelle, mais ce
sera la même chose qu'aux États-Unis, ce sera pire qu'aux
États-Unis parce que, d'après ce que j'ai vu des propositions que
je ne suis pas à même de dévoiler, on veut accorder des
prestations encore plus généreuses en vertu du plan canadien
qu'en vertu du plan américain. Moi, je vois un très grand danger
pour l'économie canadienne. Comme le disait M. CD. Howe, je crains que,
dans une dizaine d'années, "we place ourselves out of the markets of the
world". Je critique objectivement, j'exprime mes craintes, je me pose des
questions très sérieuses.
M. Bertrand (Missisquoi): Il a un grand coeur.
M. Lesage: On peut prétendre, évidemment, qu'avec un
système de paiement au fur et à mesure - c'est- une des choses
à laquelle nous aurons à faire face, tout ce que nous en sommes,
nous, vis-à-vis du public - les cotisations sont moindres que dans le
cas de l'établissement d'un fonds. Mais, avec l'expérience que
nous venons de voir aux États-Unis, il vaut beaucoup mieux
établir un fonds et savoir exactement où nous allons que nous
lancer à l'aventure sans savoir quel pourra être,
éventuellement, l'effet sur l'économie canadienne. Puis, il faut
bien compter aussi qu'une des faiblesses du système de paiement au fur
et à mesure,
M. Bédard (président du comité
plénier):À l'ordre.
M. Johnson: Mais la preuve n'a pas été faite, du moins
à la satisfaction de cette Chambre et certainement pas à la
satisfaction de l'Opposition, qu'on a pris tous les autres moyens. Le ministre
le sait, nous sommes un peu prévenus et la population est un peu
prévenue...
M. Laporte: J'attends encore qu'on me suggère les autres
moyens...
M. Johnson: ...contre les affaires de famille libérales. La
population de la province a été trompée une fois. Elle a
payé cher son droit de rester autonome. Il n'a pas été
démontré à la satisfaction de la province qu'on a
utilisé les autres moyens pour régler ce problème. Je n'y
reviendrai pas. Plusieurs solutions ont été
sugqérées tout simplement sous forme d'ébauches...
M. Laporte: Lesquelles? J'aimerais ça que vous reveniez
précisément sur ça. Quelles solutions ont
été suggérées de l'autre côté''
M. Lesage: Plusieurs, M. le Président.
M. Laporte: Plusieurs! Cela va prendre un peu de temps, mais
énumérez-les donc.
M. Johnson: Un office provincial du crédit...
M. Laporte: Bon, d'accord.
M. Johnson: ...qui aurait pu être préparé depuis
trois ans.
M. Laporte: Ah! Et puis depuis seize ans.
M. Johnson: Ce n'est pas parce qu'il l'était pas
préparé depuis seize ans qu'il ne fallait pas le préparer
depuis trois ans.
M. Laporte: On travaille.
Une voix: On est en train de le préparer là.
M. Johnson: Ah bon! On le commence là, après trois
ans.
M. Laporte: Après trois ans, après les travaux
d'hiver.
M. Johnson: M. le Président...
M. Laporte: Chaque chose vient à son heure.
M. Johnson: ...il y a un ultimatum du premier ministre qui est pendant
sur la tête d'Ottawa qui demande 25%...
M. Laporte: Cela, c'est à l'automne. Ce n'est pas notre bill.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre a
désespéré de pouvoir avoir une réponse favorable
à son ultimatum et c'est pour ça qu'il se plie? Ou bien est-ce
qu'il ne fournit pas au gouvernement fédéral, quel qu'il soit, un
argument additionnel pour qu'au mois d'avril prochain on ne se rende pas
à l'ultimatum du premier ministre de la province de Québec parce
qu'on aura aidé la province de Québec? On se sera engagé,
on sera endetté, mais Ottawa aura emprunté davantage pour aider,
diront-ils, la province de Québec et ce ne sera pas raisonnable.
M. Lesage: Est-ce une question que le chef de l'Opposition pose?
M. Johnson: M. le Président, c'est le ministre qui m'a
demandé...
M. Lesage: Est-ce que le chef de l'opposition m'a posé une
question?
M. Johnson: Bien, si le premier ministre veut prendre ça comme
une question, qu'il le fasse.
M. Lesage: Mais oui. Il est certain que l'adoption du bill no 1 qui, je
l'espère, pourra se faire dans le cours de la journée,
n'entravera en aucune façon les possibilités d'obtenir, lors de
la conférence fédérale-provinciale de novembre, ce que
j'ai demandé au gouvernement fédéral au point de vue
fiscal. M. le Président, nous sommes en comité après tout
et il me semble qu'on devrait s'en tenir à la résolution que nous
étudions. Tout le monde sait, le chef de l'Opposition le premier, qu'une
nouvelle conférence fédérale-provinciale doit avoir lieu
au mois de novembre et qu'à ce moment-là nous discuterons de la
question fiscale. Il me semble qu'il y a lieu de s'en tenir à la
résolution et je ne sais pas, mais est-ce qu'on ne pourrait pas tenter,
tous ensemble, de faire notre possible pour avoir un ton moins acrimonieux? Je
confesse, oui, oui, je confesse ma responsabilité et j'espère que
d'autres le feront.
M. Bertrand (Mïssisquoi): Si c'était rien que le ton, mais
il y a le vocabulaire.
M. Lesage: Je confesse que j'ai mes torts, mais il y en a d'autres qui
les ont aussi.
M. Bertrand (Missisquoi): Jugez de votre cas.
M. Bellemare: M. Bennett, de la Colombie-Britannique, a manifesté
le désir d'en avoir un.
M. Lesage: D'en avoir un. Il l'a fait publiquement, alors
là...
M. Bellemare: Qu'il fasse le nécessaire.
M. Lesage: Maintenant, j'ai échangé une correspondance
assez volumineuse avec M. Diefenbaker - comme on s'en souvient, cette
correspondance a été déposée au cours de la
dernière session et de l'autre session - au sujet de
l'établissement pas d'un fonds, mais d'un système de pension. Le
premier ministre du Canada me demandait alors de consentir à un
amendement constitutionnel à 94A pour permettre à Ottawa
d'ajouter au plan de pension qu'il avait l'intention d'établir dans le
même sens que le gouvernement actuel les bénéfices pour les
dépendants, les conjoints et les dépendants.
M. Bertrand (Missisquoi): Et les survivants.
M. Lesage: Et les survivants, c'est ça. Alors, j'ai toujours
refusé de consentir en disant que je désirais d'abord savoir
exactement de quoi il s'agissait. Je n'ai jamais pu le savoir. Le 20 juin,
quand M. Pearson a pris le pouvoir, je lui ai écrit et je lui ai
rappelé la... Non, pardon, c'est M. Pearson qui m'a écrit le 20
juin, c'est ça. J'ai la lettre ici en main. Elle a été
déposée lors de la dernière session. Dans cette lettre, il
m'exposait avec assez de détails ce que serait le régime de
retraite qu'il proposait, mais il n'y avait pas de chiffres; c'étaient
simplement des principes assez généraux...
M. Johnson: Et pas de transférabilité.
M. Lesage: Non, non. C'était l'établissement d'un
système national.
M. Johnson: Alors, il n'est pas question de...
M. Lesage: Il n'est pas question de transférabilité.
Alors, je lui ai répondu, le 27 juin, pour lui dire toutes mes
objections et je lui ai dit: "Je demande avec insistance qu'aucun projet de loi
sur cette question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la
tenue de cette conférence." Il me disait qu'il y aurait une
conférence fédérale-provinciale sur le sujet.
M. Johnson: Quelle date, cette lettre-là?
M. Lesage: Le 27 juin. Je l'ai déposée ici à la fin
de juin.
M. Bellemare: Mais vous dites qu'il y en a une du 16 août.
M. Lesage: Bien oui, mais je commence par le mois de juin.
M. Bellemare: Ah oui, c'est bien. Excusez-moi.
M. Lesage: Je lui disais: "Je suis d'avis que ce sujet doit autant que
les autres sinon plus, donner lieu à des échanges de vues entre
les divers secteurs de gouvernement au Canada. J'ai certaines réticences
à formuler sur le régime de retraite national que votre
gouvernement veut mettre de l'avant, ainsi que sur ses implications. Je compte
le faire au moment de la conférence suggérée, tout en vous
informant alors plus précisément des projets du Québec en
ce domaine. "Aussi, je demande avec insistance qu'aucun projet de loi sur cette
question ne soit étudié au Parlement du Canada avant la tenue de
cette conférence. Autrement, les provinces se trouveraient devant un
fait accompli, ce qui n'est certainement pas l'objectif visé. "Nous
entrons, au Canada, dans une période où seules les consultations
fréquentes feront naître l'esprit de coopération et de
collaboration essentiel au respect des juridictions propres des provinces et du
gouvernement central. Toute action unilatérale dans des domaines
intéressant à la fois votre gouvernement et celui des provinces
ne serait pas de nature à favoriser l'entente nécessaire. "Le
chef de l'Opposition m'a demandé que copie de la correspondance que nous
avons échangée sur ce sujet soit déposée en
Chambre. J'ai l'intention de le faire mardi prochain." C'est ce que j'avais
fait.
Et là, eh bien, est arrivée la convocation de la
conférence pour - je n'ai pas le droit d'en parler, je vais juste le
mentionner - le projet de loi C-76. Là, nous avons discuté de la
correspondance échangée sur ce point de vue. Et lorsque M.
Pearson m'a écrit pour me convoquer à la conférence - ou
m'a télégraphié, je ne sais trop - sur le bill C-76, il
avait inscrit comme deuxième article à l'ordre du jour le projet
fédéral de pension de retraite.
Durant la conférence - tout le monde l'a vu dans les journaux -
je me suis opposé très sérieusement à
l'établissement d'une caisse nationale et j'ai déclaré
officiellement que le Québec se préparait à
établir, dans un bref délai, une caisse publique et universelle
de retraite pour la province.
M. Bellemare: Est-ce que, dans l'avis que vous avez reçu,
c'était réellement notifié?
M. Lesage: Oui, oui, j'étais avisé.
M. Bellemare: Qu'il y avait un deuxième sujet?
M. Lesage: Oui. Il avait été question de former deux
comités, mais les premiers ministres ont voulu être
présents à la discussion des deux sujets. Mais la discussion sur
les prêts aux municipalités pour remédier au chômage
a été tellement longue que nous n'avons presque pas touché
à la question du projet fédéral de pension.
Alors, M. Pearson a purement et simplement offert, à ce
moment-là, que Mme LaMarsh et ses officiels étudient les
questions et les objections posées par les divers premiers ministres et
qu'il y aurait une réunion pour donner des explications aux
représentants des gouvernements provinciaux. Ce ne serait pas une
réunion des premiers ministres étant donné que le sujet
serait discuté plus tard de nouveau à la conférence de
novembre.
M. Bellemare: Cela ne s'est pas décidé pendant toute une
séance, c'est rien qu'à la fin de la séance que ça
s'est décidé.
M. Lesage: A la fin de tout.
M. Bellemare: D'une séance.
M. Lesage: Alors, j'ai reçu cette lettre de M. Pearson, du 3
août, que j'ai déposée avant-hier, dans laquelle il me dit:
"Lors de la récente conférence
fédérale-provinciale, il a été convenu qu'il y
aurait lieu d'avoir sous peu de nouveaux échanges de vues sur les
pensions. Bien que ces échanges de vues doivent être d'une nature
assez technique -c'est ça qui était entendu - je ne crois pas
qu'il soit possible de séparer entièrement les
considérations d'ordre purement technique des questions d'ordre
administratif qui sont importantes à la fois pour le gouvernement
fédéral et pour les gouvernements provinciaux. C'est pourquoi je
me propose de demander au ministre de la Santé nationale et du
Bien-Être social de présider la délégation
fédérale qui assistera à la réunion. Mlle LaMarsh
sera accompagnée de hauts fonctionnaires de son propre ministère
et des autres ministres fédéraux intéressés.
"J'espère que les gouvernements provinciaux jugeront à propos
d'être représentés par des délégations
comparables présidées par des ministres compétents.
"Après avoir soigneusement étudié la question, j'en suis
venu à la conclusion que la meilleure date pour l'ouverture d'une telle
réunion serait lundi, le 9 septembre. Je présume que la
conférence durera deux jours, mais j'espère que les
délégués continueront à s'y consacrer... Ensuite,
c'est des arrangements.
Et voici ce que j'ai répondu à M. Pearson, le 16
août: "En réponse à votre lettre du 3 août, je dois
vous informer que le gouvernement du Québec accepte votre suggestion."
J'ai hésité, j'ai répondu le 16 seulement. J'ai
consulté avant; je me demandais ce que je devais faire.
M. Bellemare: La première lettre de M. Pearson était
datée de quand?
M. Lesage: Le 3 août. "En réponse à votre lettre du
3 août, je dois vous informer que le gouvernement du Québec
accepte votre suggestion d'une nouvelle conférence au sujet des
pensions, qui commencera lundi le 9 septembre. Il me faut ajouter cependant,
qu'à la session spéciale qui s'ouvrira mercredi prochain une
résolution sera présentée à l'Assemblée
législative à l'effet qu'il y a lieu d'adopter le plus tôt
possible une loi instituant dans la province une caisse de retraite publique et
universelle. (J'en avais, d'ailleurs, avisé la conférence
moi-même à la fin de juillet.) "Vu cette décision, notre
attitude à la conférence sera que cette loi future fait obstacle
(notre loi, à nous,) à l'adoption par le Parlement du Canada
d'une loi sur le même sujet et cela, en vertu de l'article 94A de la
constitution."
Je dis à Ottawa: Vous ne pouvez pas le faire car, nous allons
faire exprimer par l'Assemblée législative l'intention bien
déterminée de procéder à l'adoption d'une loi
créant une caisse publique et universelle de retraite. L'article 94A,
comme on le sait, protège la province dans le domaine des pensions
même s'il s'agit de l'avenir.
M. Alma: À certaines conditions.
M. Lesage: Oui, oui, je procède, à certaines conditions,
M. le Président. Mais le député de Saint-Jacques sait fort
bien que, si Ottawa voulait procéder, établir sa loi avant que la
nôtre soit en viqueur, il y a un moyen bien simple, c'est de prendre des
procédures devant les tribunaux pour les empêcher de
percevoir.
M. Johnson: Même au ministère, même pour les
prêts municipaux, ça n'a pas été possible.
M. Lesage: Non, c'est du crédit. Je ne veux pas recommencer le
débat, M. le Président. C'est toujours la même chose, on ne
fait pas suffisamment la distinction entre le crédit et la subvention.
La taxe, c'est une taxe spéciale. Cela, c'est une cotisation qu'Ottawa
va exiger. Facile de trouver quelques amis qui vont dire: Non, je ne paye pas
et puis d'aller en Cour suprême. Cela me donne pas mal de temps, quand on
sait tout le temps que les procès prennent.
Alors, je continue ma lettre: De plus, vu qu'il est, évidemment,
désirable d'intégrer
en un tout harmonieux les diverses mesures relatives aux pensions de
vieillesse, le Québec entend réaffirmer son désir
d'assumer toute la responsabilité dans le champ des pensions de
retraite, y compris l'assistance-vieillesse, pourvu naturellement que le
gouvernement fédéral laisse à la province les moyens de
financement déjà prévus pour la sécurité de
la vieillesse ou leur équivalent fiscal.
Je leur dis: Je suis prêt à exercer l'option, je suis
prêt à vous donner l'équivalent de 3%, 3%, 3% 3%,
corporations, 3% personnel et 3% taxe de vente indirecte. En vertu de la
constitution, on ne peut pas nous la transférer, c'est clair. Alors, il
faut qu'on me donne l'équivalent, au moins, de ces 3%.
M. Johnson: 3 et 21, ça fait 24. Ce n'est pas loin de
l'ultimatum, ça.
M. Lesage: Pardon?
M. Johnson: Il ne manquerait plus qu'un point pour faire
l'ultimatum.
M. Lesage: Cela n'a rien à voir avec ça. Cela n'a
absolument rien à voir avec ça.
M. Johnson: Alors, ça fait 25 plus 3.
M. Lesage: Évidemment, si je prends charge des pensions de
vieillesse. Il n'était pas question de ça quand j'ai
demandé les 25; c'est additionnel, ça.
M. Bertrand (Missisquoi): 28. M. Bellemare: Cela va faire 28.
M. Lesage: Bien non, plus que ça, parce qu'il me faut
l'équivalent des 3% de taxe de vente que je ne peux pas percevoir. Vous
y allez un peu facilement avec l'équivalent. En tout cas, c'est un total
de $150 millions qui est perçu dans la province de Québec.
Alors, j'ai dit que l'honorable Carrier-Fortin, ministre du Travail,
dirigera notre délégation et recevra volontiers les
communications que Mlle LaMarsh voudra bien lui adresser.
M. Johnson: Chanceux!
M. Bellemare: Il n'emmène personne?
M. Lesage: Il sera accompagné de M. Claude Morin...
M. Johnson: Pas nécessaire d'apporter des cigarettes.
M. Lesage: ...le sous-ministre des Affaires
fédérales-provinciales. C'est son devoir de suivre tout... Notre
conseiller juridique, M. Pigeon...
M. Alma: Ah oui, son ange gardien.
M. Johnson: Qui est-ce qui a échappé ça?
M. Lesage: De M. Léo Boissonneault, je crois, de M. W. Dupont et
de M. Poznanski.
M. Bellemare: Daniel Johnson? M. Lesage: Non.
M. Bellemare: Le dernier nom, je ne l'ai pas compris.
M. Lesage: Poznanski. Est-ce que ça ressemble à Johnson?
Je ferai remarquer au chef de l'Opposition que ce n'est pas moi qui ai dit
ça. Je pense que le député de Champlain s'ennuie tellement
de se chicaner qu'il veut se chicaner avec son chef.
M. Bellemare: Ah non. Ah non, non.
M. Lesage: Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président,
évidemment, aussitôt que la résolution aura
été adoptée, j'en ferai parvenir une copie au premier
ministre du Canada pour donner suite à la lettre que je viens de
lire.
M. Bellemare: 94A.
M. Lesage: Bien, j'en parle dans la lettre que je viens de lui
écrire. Je pense que le texte de 94A est assez bien connu de la part des
députés. Alors, je propose, M. le Président, qu'il soit
résolu "qu'il y a lieu pour la Législature de la province de
Québec d'adopter le plus tôt possible une loi instituant une
caisse de retraite publique et universelle sur une base de calcul d'actuaire,
alimentée par une contribution obligatoire de tout employeur et
salarié comme de tout travailleur indépendant applicable à
tout salaire ou gain jusqu'à un niveau déterminé".
Condoléances à la famille de l'honorable
James Arthur Mathewson
Est-ce que je pourrais, avec la permission de la Chambre, M. le
Président, suspendre le débat pour un instant pour dire qu'un de
mes prédécesseurs, l'honorable Arthur Mathewson, est
décédé? M. Mathewson était avocat, bachelier
ès arts, diplômé de la Sorbonne en 1912. Il a
étudié sous Me Eugène Lafleur, c.r. Il a fait partie des
Royal Highlanders of Canada. Il a fait la guerre de 1915 à 1918. Il a
été chef d'une étude bien connue. Il a été
candidat à la mairie de Montréal en 1900 - pas en
1900, c'est en 1930, on s'est trompé -président de la
Commission des écoles protestantes de Montréal à peu
près vers la même époque. Il a été élu
en 1939, nommé trésorier de la province, poste qu'il a
occupé jusqu'en 1944. C'était un homme d'un commerce
extrêmement agréable. Tout ceux qui l'ont connu, j'en suis
sûr, pouvaient se considérer comme ses amis et ils pouvaient le
considérer comme un de leurs amis.
C'était un homme dont le français était parfait,
causeur agréable, d'une intelligence remarquable, ayant une connaissance
approfondie du domaine de la finance que je voudrais bien avoir a un
degré aussi haut que celui qu'il possédait. Je suis sûr que
tous les députés se joignent à moi, de même que
vous, M. le Président, j'en suis sûr aussi, pour déplorer
la perte de M. Mathewson et offrir à sa famille l'expression de nos
profondes condoléances.
M. Johnson: M. le Président, vous me permettrez de m'associer au
premier ministre pour offrir, en mon nom personnel et au nom de mes
collègues de l'Opposition, à la famille Mathewson le
témoignage de nos sympathies bien senties. Quelques-uns d'entre nous les
vétérans du moins, ont connu M. Mathewson en Chambre. Je le vois
encore, M. le Président, assis juste à côté du chef
de l'Opposition du temps, M. Godbout, et je l'entends encore exercer son
rôle de critique financier du gouvernement avec toutes les
qualités que le premier ministre lui a attribuées tantôt
à juste titre. J'ai aussi eu des contacts avec lui. J'ai eu l'occasion
de le rencontrer encore assez récemment et je suis un peu surpris de sa
mort. Jamais je ne l'avais trouvé en aussi bonne forme, en aussi bonne
condition, malgré son âge, qu'il y a deux ou trois mois, lorsque
je l'ai rencontré aux funérailles d'un autre homme que le premier
ministre connaît très bien.
M. Mathewson était un homme imbu de la chose publique. En plus de
la politique provinciale, comme l'a souligné le premier ministre, il
avait même tâté la politique municipale. Et même,
depuis son départ de la politique provinciale en 1948 - un départ
qui fut volontaire, je le pense bien; il n'a pas subi de défaite
à ce moment-là - il s'intéressait de très
près à tout ce qui se passait et, quand on le rencontrait, il
avait hâte de nous faire raconter ce qui se passait dans le milieu
politique. Tout cela dans la langue française, exemplifiant assez bien
ce que pourrait être, à une échelle plus grande, le
biculturalisme, si plusieurs, un grand nombre de nos amis de l'autre lanque
l'apprenaient comme lui. Évidemment, il avait eu cette chance d'aller
étudier à la Sorbonne et il en avait gardé un goût
pour tout ce qui était français.
Je considère qu'avec la perte de M. Mathewson nous perdons, nous
qui sommes de la politique, l'un des nôtres et je voudrais que sa famille
sache combien nous sympathisons avec elle et combien était grande notre
admiration pour M. Mathewson.
Reprise du débat sur la motion
en vue de l'établissement d'une
caisse de retraite publique et
universelle
M. Lesage: La résolution.
M. Johnson: La résolution? La motion? Est-ce que le premier
ministre avait fini?
M. Lesage: Oui, oui, j'ai demandé de suspendre le débat.
J'avais terminé en proposant la motion.
M. Johnson: M. le Président, est-ce que ça ferait pareil
si on commençait à huit heures ou si je devrais commencer
à faire mes remarques tout de suite sur ce sujet?
M. Lesage: C'est, évidemment, le dernier article à
l'agenda.
M. Johnson: M. le Président, est-ce qu'il fa valloir revenir de
toute façon?
M. Lesage: Oui, oui, il faut revenir de toute façon. Je le sais.
Je suis bien prêt à suspendre maintenant jusqu'à 8 heures.
C'est parce qu'on va me demander, de l'autre côté...
M. Johnson: Demander?
M. Lesage: Bien oui, pour le lieutenant-gouverneur.
M. Johnson: M. le Président, j'aurai un amendement à
apporter qui n'est pas considérable...
M. Lesage: S'il n'est pas considérable...
M. Johnson: M. le Président, j'aurais des remarques à
faire sur le sujet quand même, qui peuvent prendre dix ou quinze minutes
et peut-être davantage si je suis interrompu le moindrement. Alors, je
pourrais commencer à huit heures, peut-être?
M. Lesage: Bien, si c'est pour prendre aussi quinze minutes et que vous
avez un amendement, c'est peut-être mieux de commencer tout de suite.
M. Johnson: D'accord.
M. Lesage: Pendant que la Chambre est sage, là, c'est
peut-être le temps.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Le premier ministre se fait le parrain aujourd'hui d'une
motion qui a déjà été portée à
l'attention de cette Chambre, du moins quant à sa substance. On se
souviendra que, le 6 juin, l'Opposition avait présenté une motion
en cette Chambre. C'est le député de Bagot qui avait
proposé en amendement à la motion pour aller en comité des
subsides, la motion suivante: "La Chambre, tout en étant prête
à voter les subsides nécessaires à l'administration de la
province, regrette que le gouvernement n'ait pas pris les dispositions
nécessaires pour protéger les droits et les intérêts
de l'État du Québec en présentant dès la
présente session une loi établissant un système provincial
de pensions transportables".
Je n'évoquerai pas, même en substance, certains passages
des débats qui eurent lieu à ce moment-là, mais je veux
bien faire noter que c'était le 6 juin 1963. Utilisant la seule arme
à sa disposition, celle des motions d'amendement à la motion pour
aller en comité des subsides, l'Opposition a jugé à
propos, à ce moment-là, d'attirer l'attention du gouvernement de
la province sur une situation qui nous paraissait inquiétante car,
là encore dans ce domaine, l'autorité fédérale
était en train de bouger. Le premier ministre, M. Pearson, chef du Parti
libéral, avait promis, pendant sa campagne électorale, de mettre
en viqueur un fonds de pension, un programme de pension intégralement
transférable qui reposerait sur la triple contribution de
l'employé, de l'employeur et du gouvernement fédéral.
M. le Président, à ce moment-là, nous disions: Il
faut agir, d'autres provinces ont agi, l'Ontario a adopté une loi. Nous
avons, à ce moment-là, supplié le gouvernement de bouger,
de nous présenter une loi. Nous étions au 6 juin 1963. Nous
avions aussi, à ce moment-là, offert de convertir notre motion de
blâme en motion de fond et cette deuxième proposition avait
été acceptée. Un peu plus tard, nous avions consenti
à remettre la discussion de cette motion afin de donner au premier
ministre l'occasion de se prononcer sur le sujet, ce qu'il a fait effectivement
le 10 juin.
Mais le 6 juin, c'est à la demande du député de
Laurier que j'ai consenti, en mon nom et au nom de mes collègues,
à remettre le débat, comme je l'ai dit, pour permettre au premier
ministre d'y prendre part. Or, à ce moment-là, le premier
ministre, on s'en souvient, disait avec une ironie à peine
voilée: D'après le chef de l'Opposition, le Québec est
aujourd'hui menacé d'un danger terrible. Voyez, M. le Président,
comme je veux maintenir l'atmosphère au plus bas degré possible.
Nous avons entrepris, disait le premier ministre, apparemment, une lutte
à finir avec le gouvernement du Canada et nous sommes dans une sorte de
course aux décisions. Il faisait de l'ironie sur ce qu'il appelait la
vaine inquiétude de l'Opposition et de son chef. Or, M. le
Président, voici que le premier ministre nous demande aujourd'hui de
voter une motion alors qu'à ce moment il nous avait
déclaré qu'il suffisait au premier ministre de déclarer
dans cette Chambre qu'il avait l'intention d'adopter une loi à cet
effet. Le gouvernement central, disait le premier ministre, doit savoir que
nous avons l'intention de présenter une loi sur les fonds de pension et,
si, par hasard, il ne le savait pas, je le lui apprends aujourd'hui. J'ajoute
que nous passerons à l'action dès la prochaine session, nous
serons prêts. Ce sont là les paroles du premier ministre.
Or, trois jours après cette phrase, entre autres, du premier
ministre, le 13 juin, à Ottawa, à la Chambre des communes, M.
Pearson fut interrogé par M. Gordon L. Fairweather et M. Pearson
répondait ceci... Donnons d'abord la question: "M. l'Orateur, je me
demande si le premier ministre pourrait nous faire connaître aujourd'hui
le résultat de ses entretiens avec le ministre de la Santé
nationale et du Bien-Être social au sujet des pensions
transférables." Le très honorable M. Pearson: "M. l'Orateur, je
sais gré à l'honorable député de sa patience. Bien
entendu, je ne voulais pas traiter de cette question avant d'avoir eu un
entretien à coeur ouvert avec le ministre de la Santé nationale
et du Bien-Être social. Bien que cet entretien n'ait pas eu lieu - c'est
le premier ministre du Canada qui parle, le 13, juin, trois jours après
l'annonce que le premier ministre faisait dans cette Chambre qu'il y aurait une
loi à la prochaine session -je puis maintenant dire à mon
honorable ami qu'après avoir discuté de la chose avec l'honorable
représentant il ressort manifestement de la déclaration de
l'honorable député qu'il veut parler d'une nouvelle relative
à l'intention du gouvernement provincial du Québec de prendre des
mesures à cet égard". M. Pearson disait ensuite: "À mon
avis, une simple intention ne change rien aux mesures législatives que
le gouvernement fédéral se propose de présenter".
M. Lesage: Il a droit à son opinion.
M. Johnson: M. le Président, je ne discute pas de ça. Je
constate que, malgré l'avertissement donné en Chambre par le
premier ministre après avoir fait de l'ironie sur notre
inquiétude stérile, trois jours après le premier ministre
du Canada disait: Cette simple déclaration d'intention, cela ne change
rien. C'était notre prétention à ce moment. Nous sommes
heureux que le premier ministre ait apporté une motion devant la
Chambre, mais nous nous demandons si c'est
suffisant.
M. Lesage: Un instant: À ce moment, j'attendais le rapport du
comité et je ne l'avais pas reçu. Lorsque j'ai reçu le
rapport du comité, je pouvais rédiger un projet de
résolution, parce que je savais où nous pouvions nous diriger,
c'est-à-dire que nous ne nous contentions pas du système ontarien
et que nous proposerions l'établissement d'une caisse de retraite
publique et universelle. J'attendais de savoir où j'allais avant de
proposer une résolution à l'Assemblée législative.
Maintenant que je sais où nous nous dirigeons, je puis présenter
une résolution.
M. Johnson: M. le Président, ce n'était pas
nécessaire d'attendre le rapport des experts...
M. Lesage: Cela n'a pas d'importance, il n'y a rien de brisé.
M. Johnson: ... pour marquer l'intention de la Législature de
procéder. À ce moment, nous avions une motion. Nous avions offert
de la transposer en motion de fond.
M. Lesage: Non, ce n'était pas satisfaisant.
M. Johnson: À ce moment, il disait que ce n'était pas
satisfaisant et tout ce qu'il nous demande de faire aujourd'hui, c'est de voter
une motion.
M. Lesage: Ce n'est pas cela, la rédaction de votre motion.
M. Johnson: M. le Président, quels que soient les termes, les
options, ces choses-là, M. Pearson aurait raison là-dessus: ce
n'est pas une déclaration d'intention aujourd'hui concernant certaines
options ou certaines modalités qui fait force de loi.
M. le Président, la motion que nous apporte le premier ministre,
je dis, d'abord, que nous sommes heureux qu'il l'apporte. Je suis heureux qu'il
constate maintenant, au mois d'août, que nous avions raison au mois de
juin de sonner l'alarme.
M. Lesage: Je ne suis pas d'accord.
M. Johnson: M. le Président, nous avions raison, à ce
moment, d'alerter l'opinion publique et le gouvernement, et c'est à la
suite de cette alerte que le premier ministre a commencé à
négocier avec Ottawa. C'est trois jours après les paroles du
premier ministre de l'État du Québec disant qu'Ottawa devrait
prendre note que nous marchons, que le premier ministre du Canada disait: Ce
n'est pas suffisant, une déclaration d'intention; on marchera, nous
autres, à Ottawa.
M. Lesage: Il n'a pas marché.
M. Johnson: M. le Président, il n'a pas marché parce
qu'encore une fois vous avez ici, dans l'Opposition, un groupe qui est
prêt à coopérer avec le gouvernement pour sauvegarder
l'autonomie de la province.
M. Lesage: M. le Président, je regrette, mais ce n'est pas du
tout la raison. C'est parce que j'ai tellement insisté sur la
nécessité de la consultation des provinces qu'on a inscrit ce
point à l'ordre du jour de la conférence touchant principalement
les prêts aux municipalités pour remédier au chômage
et c'est inscrit pour le mois de novembre prochain.
M. Johnson: M. le Président, l'Opposition a alerté
à ce moment le gouvernement. Le gouvernement a dit que ce n'était
pas nécessaire, mais M. Pearson a dit qu'il fallait plus qu'une
déclaration du premier ministre du Québec, à tort ou
à raison.
M. Lesage: C'est son opinion.
M. Johnson: C'est son opinion, mais c'est aussi une manifestation de ses
intentions et de sa détermination à ce moment.
M. Lesage: Cela ne veut pas dire que je la partage.
M. Johnson: J'espère que non, M. le Président. J'ai des
bonnes raisons de penser que le premier ministre ne la partage pas parce qu'il
semble s'orienter vers un système qui fera entrer dans les coffres ou
mettra à la disposition de la province joliment d'argent.
M. Lesage: Non, pas du gouvernement provincial, de la province.
M. Johnson: Encore là-dessus, M. le Président, le premier
ministre...
M. Bellemare: Du gouvernement provincial.
M. Lesage: Oui, en partie, mais il faut bien penser qu'il faut avoir un
portefeuille diversifié.
M. Johnson: ... a changé d'opinion. Le premier ministre a
déjà présidé un comité et, d'ailleurs, il en
a fait état le 10 juin quand il a parlé.
M. Lesage: Oui.
M. Johnson: "On dit qu'on n'a rien fait. Moi, j'ai déjà
présidé un comité."
M. Lesage: Je connais cela.
M. Johnson: Je connais cela.
M. Lesage: Un peu, oui.
M. Johnson: Je vous crois, M. le Président, qu'il connaissait
cela. Après avoir entendu bien des experts, il en était venu
à certaines conclusions. J'aimerais vous en lire une et je tire cela du
deuxième volume du rapport du comité conjoint du Sénat et
de la Chambre des communes sur les pensions de vieillesse, un volume
extrêmement intéressant à lire. Donc, le comité,
présidé par l'honorable sénateur King et le
député de Montmagny-L'Islet, dans le temps, en venait à
des conclusions: Devait-il choisir le système actuariel pour les
pensions de vieillesse a 70 ans? Les pensions sont universelles; qu'elles
soient à 70 ans ou à 65 ans, le principe est le même.
M. Lesage: Oui, oui.
M. Johnson: Les pensions de sécurité de la vieillesse,
c'est à 70 ans pour tout le monde. Donc, devait-il choisir le
système "pay-as-you-go" ou le système actuariel? Le premier
ministre d'aujourd'hui en était venu à la conclusion, lui, que ce
n'était pas pratique d'avoir un système actuariel...
M. Lesage: Non, si on veut bien lire... M. le Président, je
regrette.
M. Johnson: Mot à mot, je l'ai.
M. Lesage: Il est évident que je connais mieux cela que le chef
de l'Opposition et, s'il veut bien lire, il s'agissait de
l'établissement d'un système de base et non pas de
l'établissement d'un système complémentaire, ce qui est
joliment différent.
M. Johnson: Ah! Quelle distinction!
M. Lesage: Bien, quelle distinction! C'est tellement clair et
fondamental...
M. Johnson: Vous allez voir, M. le Président...
M. Lesage: Voyons donc! Il n'a jamais rien compris. Dès qu'il est
question de piastres et de cents, il est perdu.
M. Johnson: M. le Président, vous allez voir, après avoir
dit...
M. Bellemare: Voyons donc, laissez-vous donc offenser un peu.
M. Johnson: ... que ce qu'il voulait dans son système provincial,
c'est un système de base universel...
M. Lesage: Non, je n'ai pas dit "un système de base", j'ai dit
"un système".
M. Johnson: ... laissant la liberté...
M. Lesage: M. le Président, je n'ai pas dit cela. Je suis
obligé de rétablir les faits. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y
avait un système de base actuellement, que je ne voulais pas imposer un
système au troisième palier, mais que je voulais le glisser entre
le palier de base établi à la suite du rapport qui a
été fait par le comité que je présidais et les
plans privés. C'est cela que j'ai dit.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre,
président de ce comité, sous sa signature a conclu ce qui
suit...
M. Lesage: Avez-vous lu tout le rapport avant de dire cela?
M. Johnson: Je ne l'ai pas lu au complet.
M. Lesage: Non, mais il vaudrait mieux que vous le lisiez, je pense.
Vous allez apprendre quelque chose.
M. Johnson: J'ai lu la déclaration de Maurice Lamontagne, par
exemple. J'ai lu une opinion.
M. Talbot: Des insultes, des insultes.
M. Lesage: Vous aussi, ça vous ferait peut-être du
bien.
M. Johnson: Dans la déclaration de M. Maurice Lamontagne, il y a
deux façons d'apporter le financement de la sécurité de la
vieillesse. Premièrement, le système du paiement au fur et
à mesure; deuxièmement, le système des droits
différés ou l'assurance.
Une voix: C'est ça.
M. Johnson: "Cette dernière possibilité, disait M.
Lamontagne...
M. Lesage: C'est M. Lamontagne, ce n'est pas moi.
M. Johnson: "... a pour moi des limitations bien définies. La
perception par l'État de primes établies par des actuaires
produira, pendant 40 à 50 ans environ, beaucoup plus de revenus qu'il
n'en faut pour faire face aux exigences courantes et l'aspect
déflationnaire d'une telle méthode est certainement
évident. De plus, continuait M. Lamontagne, le fonds de
réserve
accumulé par le gouvernement crée des problèmes
particuliers. Si le gouvernement essaie de placer cet argent dans
l'économie privée, il fait alors concurrence à
l'épargne individuelle. Ceci serait aussi condamnable pour d'autres
raisons que vous pouvez facilement apprécier. D'un autre
côté, ce que le gouvernement fera vraisemblablement, ce sera,
disait M. Lamontagne, de placer ses fonds dans les obligations de l'État
et de l'employer ainsi pour payer ses dépenses courantes." M. Lamontagne
disait - et je ne partage pas son opinion nécessairement, M. le
Président, surtout dans ce que je vais lire - "Les obligations de
l'État déposées en échange ne représentent
pas un actif réel, mais simplement des engagements futurs qui devront
être remplis par des taxes futures."
M. Lesage: Bien oui, mais...
M. Johnson: "Dans ces circonstances, ce fonds n'est tout simplement
qu'une fiction. Quand le système des pensions de vieillesse commence
à fonctionner pleinement, le gouvernement est obligé de retourner
tout de même à la méthode du paiement au fur et à
mesure."
Or, M. le Président, le premier ministre était
probablement plus influençable à ce moment-là, du moins il
l'admettait, par M. Lamontagne qu'il ne veut l'admettre aujourd'hui, parce
qu'à ce moment-là le premier ministre a signé un rapport
dans lequel il disait: Le seul système valable, c'est le système
"pay-as-you-go", au fur et à mesure; deuxièmement...
M. Lesage: M. le Président, je regrette, j'invoque le
règlement. On n'a pas le droit d'interpréter le rapport. Qu'on le
lise, M. le Président.
M. Johnson: J'invoque le règlement. Il est 6 heures.
M. le Président: 6 heures. La séance est suspendue
jusqu'à 8 heures ce soir.
(Reprise de la séance à 8 heures)
Illégalité de la motion proposant que
les députés renoncent à leur indemnité
M. le Président: À l'ordre, messieurs: Je voudrais, avant
de commencer la séance de ce soir, déclarer que j'ai
moi-même étudié la résolution qui a
été adoptée ce matin par l'Assemblée. Je l'ai
étudiée en marge de l'article 150 de nos règlements qui
dit que "nulle motion ne doit contrevenir aux dispositions d'une loi, ni
contenir des assertions..." Évidemment, la motion aurait pour effet de
contrevenir aux dispositions d'une loi et la loi ne pourrait pas être
changée par simple résolution. Je dois dire qu'il appartiendra
à chaque député pour lui-même de décider s'il
veut renoncer à une partie de son indemnité, mais je
considère que la résolution a été
complètement illégale et, en conséquence, je me trouve
dans la position d'être obligé d'ordonner au greffier de biffer la
résolution et toutes les procédures relatives à la
résolution.
M. Lesage: Mais je comprends, M. le Président, tout de
même, que chaque député est libre de renoncer à son
indemnité pour la journée d'aujourd'hui, suivant le vote qu'il a
donné.
M. le Président: C'est ça que je veux essayer
d'expliquer.
M. Lesage: Quant à moi, j'ai l'intention de le faire.
M. Johnson: M. le Président, comme il s'agit de ma motion, vous
me permettrez bien d'exprimer un regret et de pleurer sa disparition du
procès-verbal. Je reconnais que c'est votre droit et que vous basez
l'exercice de ce droit sur une affirmation que tous les parlementaires doivent
admettre; aucune loi ne peut être modifiée par une
résolution de la Chambre. Cependant, c'était une manière
de manifester publiquement notre intention et, même si aucun
député n'est lié par le vote de ce matin, chacun de nous
sera libre, évidemment, d'y renoncer. Quant à moi et à
plusieurs de mes collègues que j'ai eu le temps de consulter, il est
entendu que nous donnons suite à ce que nous avons déclaré
publiquement et que nous avons soutenu d'une motion et d'un vote.
M. Bertrand (Missisquoi): Nous le maintiendrons.
M. Gabias: M. le Président, avec beaucoup de
déférence pour votre autorité, je me rends compte que
l'avis de motion qui aurait dû être rayé, c'est celui
concernant les indemnités et que peut-être l'avis de la question
que j'avais donné pouvait en être arrivé à une
conclusion concernant la question qui devait paraître au feuilleton ce
matin et que j'avais remise hier soir au greffier.
M. le Président: Ce n'était pas hier soir; c'est ce matin
que le député a soulevé la question. J'ai
étudié plusieurs auteurs et, sans me prononcer avant d'avoir plus
étudié l'affaire, je dois avertir le député de
Trois-Rivières que je n'ai pas, jusqu'à ce jour, trouvé
des auteurs qui pourraient appuyer la solution, qu'il a essayé de
proposer ce matin. En tout cas, je dois répéter ce que j'ai dit
ce matin: Je vais étudier la question plus à fond et je vais
essayer de donner une directive assez complète pour aider tous les
députés à poser des questions pour l'avenir. Le
député de Trois-Rivières me permettra d'attirer son
attention sur le fait qu'il me semble qu'on pourra terminer la session ce soir.
Alors, même si la question n'a pas pu apparaître en appendice au
feuilleton d'aujourd'hui...
M. Gabias: Voici, cela me permettrait peut-être de le faire
verbalement, M. le Président, de la poser, cette question.
M. le Président: Trop tard. C'est trop tard. Nous sommes rendus
aux affaires du jour.
M. Gabias: Avec le consentement unanime de la Chambre.
M. Lesage: Non, non.
M. le Président: Je crois que nous sommes rendus assez loin avec
les consentements unanimes.
Une voix: Si le premier ministre ne veut pas collaborer.
M. Gabias: M. le Président, c'était pour donner
l'opportunité au premier ministre de nous rendre la monnaie d'hier soir
et de ne pas donner son consentement comme l'Opposition l'a fait à 11
heures hier soir. Nous sommes quittes. J'aurais maintenant une question
à poser au premier ministre au sujet...
M. le Président: A l'ordre! À l'ordre! On est passé
aux affaires du jour depuis l'après-midi, alors, je ne peux pas
permettre des questions.
M. Bertrand (Missisquoi): Ce sont les affaires du soir.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Message du Conseil
législatif.
M. Lesage: M. le Président, si vous me le permettez, je n'aurai
pas d'objection à répondre aux questions du député
de Trois-Rivières après que nous aurons terminé le
débat sur la résolution qui est présentement devant la
Chambre.
M. Gabias: Je prends note des dispositions du premier ministre et je
l'en remercie d'avance.
M. Lesage: Bien, cela ne veut pas dire que je vais répondre, mais
je suis prêt à vous entendre.
M. Gabias: Non, mais, au moins, le premier ministre va me permettre de
poser la question...
M. Lesage: Pas tout de suite.
M. Gabias: ... ce qui est déjà un avantage - non pas tout
de suite - par rapport à ce qui est arrivé à mon avis de
question ce matin, que je n'ai pas eu l'occasion de poser et qu'on me refuse
encore ce soir.
M. Lesage: Ah non, il ne faudrait pas que ce soit la question que le
député voulait poser par écrit.
M. Gabias: Absolument pas. Vous savez, je suis respectueux des
décisions du président.
M. le Président: Peut-être que le premier ministre a
consenti à ce que le député pose la question, mais je me
réserve le droit d'intervenir.
Messages du Conseil législatif Adoption des
biils nos 1 et 2
Messages du Conseil législatif. Le 23 août 1963 "Le Conseil
législatif informe l'Assemblée législative qu'il a
voté, sans amendement, le bill suivant: bill no 1, intitulé Loi
pour faciliter le financement de certains travaux municipaux." "Attesté:
Henri Fiset, greffier du Conseil législatif." "Conseil
législatif. Le 23 août 1963 "Le Conseil législatif informe
l'Assemblée législative qu'il a voté, sans amendement, le
bill suivant: bill no 2, intitulé Loi concernant les taxes scolaires sur
les immeubles des compagnies. Attesté: Henri Fiset, greffier du Conseil
législatif."
M. Johnson, sur la motion.
Reprise du débat sur la motion
en vue de l'établissement
d'une caisse de retraite
publique et universelle
M. Daniel Johnson
M. Johnson: M. le Président, la motion, telle que
rédigée, force l'Opposition dans l'exécution de son devoir
normal, à poser une foule de questions au gouvernement, le proposeur,
parce que devant servir d'avis officiel à Ottawa que Québec va
exercer sa juridiction dans ce domaine et qu'en conséquence Ottawa ne
doit pas y entrer. Elle est, quand même, tellement explicite qu'elle
contient, à notre sens, plusieurs modalités qui,
évidemment, demandent d'être explicitées. Par exemple, on
parle "d'une caisse de retraite publique et universelle"; ensuite, on dit:
"alimentée par une contribution obligatoire". Quelle contribution? On ne
le sait pas. "De tout employeur et
salarié". À partir de quel âge? On ne le sait pas.
"Et de tout travailleur indépendant". M. le Président, est-ce
qu'on couvrira aussi le pêcheurs, les cultivateurs? On ne le sait pas.
"Applicable à tout salaire ou gain." Quelle est la définition et
la portée du mot "gain"? Et ensuite, "jusqu'à un niveau
déterminé". A quel niveau? M. le Président, ce sont
là autant de questions auxquelles nous aimerions avoir des
réponses avant de prendre une attitude définitive sur cette
motion. Je pense bien que le premier ministre admettra avec moi qu'il s'agit de
modalités qui pourraient être discutées lorsque le bill
viendra plutôt qu'à ce moment-ci.
M. Jean Lesage
M. Lesage: M. le Président, la résolution, nous la
voulions aussi précise que possible et, si nous avons parlé d'une
caisse de retraite publique et universelle, c'est pour les raisons que j'ai
données cet après-midi. Je crois que, là-dessus, il n'y a
pas grand difficultés. J'ai donné des explications
précises que la caisse de retraite doit s'appliquer à tout le
monde et, quand on dit "publique", c'est pour que ce soit la contrepartie du
système de caisse de retraite privée qui existe en Ontario. Quant
au reste: "alimentée par une contribution obligatoire de tout employeur
et salarié comme de tout travailleur indépendant", on demande
à partir de quel âge, de quel niveau. À toutes ces choses,
pour les raisons que j'ai données cet après-midi, à savoir
que les actuaires avaient en main les détails et étudiaient
diverses options, je ne suis pas en mesure de donner des réponses
précises.
Le chef de l'Opposition et le député de Saint-Jacques ont
attiré mon attention avant le dîner sur le fait qu'il leur serait
bien difficile, parce qu'il est très important que cette
résolution soit unanime, de voter pour une telle résolution sans
avoir plus de détails sur cette partie de la résolution,
après les mots "calcul d'actuaire", qui commence par "alimentée".
J'ai réfléchi et je leur ai dit que je ne voyais pas d'objection
à enlever cette partie de la résolution pour ne pas placer
l'Opposition dans une situation où elle ne pourrait s'opposer plus tard,
lorsque le projet de loi sera adopté, à une des modalités
que peut impliquer l'acceptation d'un de ces principes. Cependant, si je suis
prêt à accepter un amendement qui biffe tous les mots après
les mots "de calcul d'actuaire" aux cinquième et sixième lignes,
je crois que mes honorables amis d'en face seront d'accord pour que la
population ne soit pas trompée et que la population ne s'imagine pas que
nous pouvons établir une caisse de retraite à même les
revenus des taxes.
Motion d'amendement
Je suggérerais que l'on propose, parce que je ne puis amender ma
propre résolution, que tous les mots après "sur une base de
calcul d'actuaire", soient rayés et remplacés par les mots "et de
contribution". J'ai cherché dans le dictionnaire le mot "contributoire"
que nous utilisons assez fréquemment. Je l'ai cherché dans le
Littré et je ne l'ai pas trouvé. J'ai trouvé, cependant,
le mot "contributive", mais, évidemment, on ne peut parler d'une caisse
contributive. Alors, je pense qu'il vaut mieux dire sur une base de
contribution.
M. Johnson: M. le Président, je comprends donc que la motion en
discussion se lit actuellement: "une caisse de retraite publique et universelle
sur une base de calcul d'actuaire et de contribution..."
M. Lesage: Si le chef de l'Opposition veut faire la motion que je viens
de suggérer.
M. Johnson: Non, j'aimerais mieux que ce soit le premier ministre.
M. Lesage: Non, je suis le proposeur.
M. Johnson: Que quelqu'un l'amende dans ce sens-là, pour
l'expédition des affaires.
M. Lesage: Très bien. L'amendement que je viens de
suggérerr est proposé par le Procureur général.
M. Bellemare: Est-ce qu'il la comprend, toujours? Est-ce qu'il peut la
répéter?
M. Bertrand (Missisquoi): Il a une besogne formidable.
M. le Président: À l'ordre, messieurs. M. Bellemare:
Pauvre premier ministre!
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Puisque le premier ministre a référé
à cette conversation, il me permettra bien aussi de dire que, d'abord,
c'est exact: nous avons parlé de ces choses dans le sens indiqué,
mais je voudrais aussi qu'il soit bien compris que l'Union Nationale veut une
motion unanime, qu'elle apportera un amendement en espérant que le
gouvernement l'acceptera et le votera. Tant mieux si le gouvernement le vote,
mais, si l'amendement n'était pas reçu, nous verrons, quand
même, à donner un vote unanime.
M. Lesage: Je pensais que l'amendement avait trait à ce
bout-là.
M. Johnson: Non, il y a un autre aspect
que je voudrais développer brièvement. Ce n'est pas grave.
Le premier ministre aura une réponse à donner, mais seulement,
nous de l'Opposition, nous ne la savons pas. Alors, il faut bien prendre une
attitude.
M. le Président, il est entendu, comme je l'ai dit au premier
ministre, que, lorsque viendra le bill - nous espérons que ce sera le
plus tôt possible - nous nous réservons le droit de discuter de la
modalité qui est peut-être la plus importante, soit
l'administration de la caisse.
M. Lesage: Clairement.
M. Johnson: Que ce soit une pension universelle, ça peut
être discuté aussi. Peut-être qu'il devrait y avoir quelques
exceptions. Que le tout soit administré par un organisme provincial,
ça aussi, ça pourra se discuter dans le temps sur le principe du
bill lorsqu'il viendra. Mais je retiens que le principe pour lequel nous
voterons sur cette résolution, c'est que la province va occuper le plus
tôt possible le champ et va, de cette façon, utiliser les pouvoirs
qui sont contenus dans l'article 94A de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, article introduit par le Parlement britannique, évidemment
- comme il le fallait et comme il le faut encore pour un certain temps, mais
pas trop long, j'espère - à la suite d'une entente entre le
fédéral et les provinces. Cette entente, qui s'était
établie sur une base beaucoup plus large, a été restreinte
grâce à l'intervention de M. Duplessis dans le temps. Je n'ai pas
l'intention d'y revenir longuement, mais tout simplement pour souligner que
c'est M. Duplessis qui, à ce moment-là, dans une lettre à
M. Garson, avait insisté pour que l'on inclue dans le texte
proposé au Parlement de Grande-Bretagne une restriction pour dire que la
juridiction du fédéral ne devait en aucune façon venir en
contravention de la juridiction provinciale relativement à toute loi
présente ou future.
Je crois, M. le Président, que, pour les fins de la
compréhension du problème, il faudrait lire ici l'article 94A.
"Il est déclaré par les présentes que le Parlement du
Canada peut, à l'occasion, légiférer sur les pensions de
vieillesse au Canada, mais aucune loi édictée par le Parlement du
Canada à l'égard des pensions de vieillesse ne doit atteindre
l'application de quelque loi, présente ou future, d'une
Législature provinciale relativement aux pensions de vieillesse." Les
mots présente et future ont été inclus, comme je l'ai
déjà dit, dans l'amendement.
M. Lesage: Présente ou... "Présente ou future."
M. Johnson: Je demande pardon à la Chambre; c'est présente
ou future.
M. Lesage: Je le sais, je l'ai vécu. Le chef de l'Opposition a
raison, c'est M. Duplessis.
M. Johnson: Ces mots ont été inclus dans l'amendement
à la demande expresse de l'honorable Maurice Duplessis, demande qu'il
avait formulée, comme on le sait, dans une lettre datée du 18
avril et adressée à l'honorable Stuart Garson, qui était
alors ministre de la Justice. M. le Président, je suis très
heureux de voir que le premier ministre se souvienne, et le dise publiquement,
que c'est M. Duplessis qui avait obtenu cette sauvegarde que nous
considérons aujourd'hui tellement importante et qui permettra à
la province de Québec, et nous nous en réjouissons, d'entrer dans
le domaine des pensions.
M. Lesage: Je ne peux pas nier les faits.
M. Johnson: Mais, quand on n'en parle pas, ils sont moins connus. Il
faut en parler.
M. Bertrand (Missisquoi): La vérité a toujours ses
droits.
M. Johnson: Il faut en parler, M. le Président, pour le
bénéfice des nouveaux députés qui siègent en
face de moi et un peu sur les flancs, pour leur donner un peu de cette
jurisprudence autonomiste, les uns comme des épines, M. le
Président, et les autres comme des roses.
M. le Président, je disais donc que c'est grâce à
cet amendement et particulièrement grâce à cette
clarification que nous pouvons espérer, malgré le désir
très violent qu'en a le ministre du Bien-Être et de la
Santé, qu'Ottawa ne pourra pas violer l'autonomie provinciale. Il est,
dans la vie, des circonstances qui nous permettent d'espérer qu'une
femme ministre aura moins de pouvoirs pour défoncer le mur de
l'autonomie que n'en aurait eu un homme du courage et de l'état de
certains ministres fédéraux que nous avons connus.
M. le Président, donc, notre juridiction a été
sauvegardée. Je ne veux pas faire un reproche trop long - je l'ai
déjà fait dans cette Chambre - au gouvernement de n'avoir pas agi
plus vite. Mais, encore là, le gouvernement savait que ça
bougeait. Le gouvernement savait qu'Ottawa avait l'intention d'entrer dans ce
champ. Il n'avait pas besoin d'attendre une lettre d'Ottawa mais, dès
qu'il a reçue, la première lettre de M. Diefenbaker était
une indication indiscutable, claire et précise que le
fédéral avait l'intention d'entrer dans le domaine des pensions.
À partir de ce moment, c'était le devoir du gouvernement de se
mettre à la tâche et de préparer une législation,
car il se trouve des juristes, et parmi les plus
prudents et les plus compétents, pour prétendre qu'une
simple motion ne serait pas suffisante, qu'un simple avis ne l'est certainement
pas, comme l'a dit M. Pearson le 13 juin, trois jours après l'avis que
lui a servi publiquement, de son siège, dans cette Chambre, le premier
ministre de la province. Il se trouve des juristes qui n'admettent pas qu'une
motion pourrait suffire. Nous aurions préféré une loi et
nous préférons encore une loi, M. le Président.
Quelle loi? Nous en discuterons dans le temps et nous demanderons alors
au premier ministre comment il se fait qu'il a changé d'opinion. Car,
comme je le disais avant la suspension de six heures, dans ce rapport qu'il a
signé en sa qualité de président conjoint avec le
sénateur King, le premier ministre, alors député de
Montmagny-L'Islet, disait, comme membre du comité, à la page 123
du deuxième volume: "Le comité estime que...
M. Lesage: Un instant. Pourriez-vous me donner le numéro du
paragraphe parce que je n'ai pas la même pagination que vous?
M. Johnson: 43.
M. Lesage: 43. Bien oui, au bas de la page 123.
M. Johnson: 43: "Le comité estime que les trois systèmes
étudiés offrent des avantages. Mais, en somme, l'opinion du
comité en ce qui a trait aux résidents canadiens qui ont
déjà atteint l'âge actuel de la pension, 70 ans, est qu'un
programme universel de prestations financé au fur et à mesure est
celui qui convient le mieux au Canada. On peut présumer que le plus
grand nombre des citoyens qui appartiennent à ce groupe ont
déjà pris leur retraite et, de fait, près de la
moitié touche actuellement des pensions sous le régime de
l'assistance-vieillesse."
Cela, c'est signé du premier ministre; il n'y a pas de rapport
minoritaire. 44: "Le comité croit, en outre, qu'un tel programme ne peut
être financé et administré avec succès que par le
gouvernement fédéral. Seules les autorités
fédérales peuvent asseoir le plan sur une base assez solide et
assez universelle de cotisation pour pouvoir l'instaurer avantageusement. Et
seules ces autorités peuvent faire en sorte que tous les citoyens
reçoivent les prestations auxquelles ils ont droit,
indépendamment de leur déplacement individuel possible d'une
province à l'autre."
M. le Président, je dois dire tout de suite que je ne suis pas
d'accord avec le rapport tel que signé par le premier ministre dans le
temps.
M. Lesage: Est-ce que je peux poser une question au chef de
l'Opposition?
M. Johnson: Oui, oui.
M. Lesage: Ne se souvient-il pas qu'à ce moment-là seule
la province de Québec percevait son propre impôt sur le revenu et
que seuls l'Ontario et le Québec percevaient l'impôt sur les
corporations? Je lui demanderais de bien vouloir interpréter ce
paragraphe à la lumière de la situation qui existait à ce
moment-là, alors qu'aujourd'hui chaque province perçoit
elle-même chacun des deux impôts que je viens de mentionner.
M. Johnson: M. le Président, à ce moment-là,
Québec percevait son impôt sur les corporations aussi.
M. Lesage: C'était en 1950, les individus.
M. Johnson: Bien oui, on percevait en 1950 les impôts sur les
corporations.
M. Lesage: Non, je dis des individus. La province le percevait-elle en
1950? En quelle année, l'impôt sur le revenu?
M. Bellemare: 1954.
M. Lesage: En 1954. Alors, le Québec ne percevait pas
l'impôt sur le revenu des individus, mais l'Ontario et le Québec
seuls percevaient l'impôt sur les profits des corporations à la
lumière de ça, il faut qu'il...
M. Johnson: Même à la lumière de ça, M. le
Président, ça n'infirme pas du tout le raisonnement que je
voulais faire.
M. Lesage: Cela l'affaiblit.
M. Johnson: C'est qu'après avoir étudié tout le
problème, après avoir entendu des experts, des
économistes, dont M. Lamontagne, évidemment, le premier ministre
en est venu à la conclusion, avec les autres membres du comité,
qu'il ne fallait pas instaurer un système actuariel.
M. Lesage: Non, non. Je regrette. M. le Président, mais je
réfère le chef de l'Opposition - je pense qu'on ferait mieux
d'agir comme si nous étions en comité - à la page 126,
66-1...
M. Johnson: Pagination?
M. Lesage: Oui, oui, vous avez la même. Je viens de
réaliser que vous avez la même. 66-1, voyez-vous, il est dit:
"D'après un tel arrangement tripartite...
M. Johnson: Je n'ai pas ça, moi. M. Lesage: Ah oui: 66-1.
M. Johnson: Alors, ça se trouve à la page 128, 66-'.
M. Lesage: Ah bien, j'ai mal lu, vous avez raison. Mes lunettes sont
moins bonnes que je pensais. "D'après un tel arrangement tripartite,
chacun devrait, autant que possible, verser une cotisation directe sur son
revenu ou ses gains personnels. S'il y a lieu de se rapprocher de
l'idéal de la contribution universelle sans pouvoir l'atteindre
pleinement, il faudrait exiger des cotisations des personnes qui sont
actuellement exemptées de payer l'impôt sur le revenu. Il y aura
naturellement et inévitablement des gens dont les revenus sont si
faibles par rapport à leurs obligations personnelles et familiales qu'on
ne saurait attendre d'eux qu'ils paient leur part. Il est manifeste qu'il
faudrait les dispenser du versement des cotisations."
Cela veut dire, M. le Président, qu'étant donné que
nous établissons un système de base minimum il fallait que tout
le monde ait au moins ce minimum. Et si nous avions marié, si vous
voulez, ou encore mesuré les prestations aux cotisations, comme dans le
système de caisse de retraite que nous proposons, il eut
été impossible, sur une base d'actuaire, d'assurer le minimum
actuel de $65 - $40 dans le temps -universellement à toutes les
personnes de 70 ans et plus et surtout à celles qui en avaient le plus
besoin.
C'est ça que ça veut dire et c'est la raison pour laquelle
il a été jugé que, pour établir une base qui
n'était peut-être pas suffisante pour tout le monde, mais qui au
moins était un minimum vital pour tout le monde, il était
nécessaire de recourir à un système de paiement au fur et
à mesure à même la taxation directe et indirecte, afin que
tout le monde puisse dire qu'il avait contribué, même s'il ne
payait pas d'impôt sur le revenu personnel, et cela à cause de la
taxe indirecte de vente fédérale de 3%.
Je ne cherche pas à le justifier, mais je crois qu'il est
important de voir, qu'il y a une grande différence entre
l'établissement d'un plan qui prévoit un paiement de base
même à ceux qui ne contribuent pas et des paiements suivant un
système de caisse de retraite à un deuxième palier
au-dessus de ce paiement de base. C'est tout. Ce n'est pas une justification,
c'est pour bien expliquer. Il s'agissait, à ce moment-là,
d'établir un système de base où tout le monde, surtout
ceux qui en avaient le plus besoin, aurait la garantie d'un montant minimum
mensuel vital. Nous avons conclu, particulièrement pour les raisons
mentionnées à 66-1 que je viens de citer, que le meilleur moyen,
c'était ceci: une fois le minimum vital établi - je l'ai dit dans
le temps, d'ailleurs, au cours des séances du comité -il est
possible d'établir un deuxième palier qui se situe entre ce
minimum vital universel et les pensions que peuvent se procurer les individus
dans le secteur privé.
M. Johnson: Oui, je suis obligé d'admettre une partie du
raisonnement du premier ministre, mais, lisant d'autres pages de son rapport,
je constate qu'il a condamné le système d'assurance-vieillesse,
entre autres raisons, parce qu'il comportait également la constitution
d'une caisse de réserve qui doit servir en définitive au paiement
des prestations et à l'enregistrement du paiement des cotisations durant
toute la vie active de chaque assuré. À 37, page 122: "Les
difficultés administratives et les faiblesses inhérentes au
système d'assurance, si le but visé est d'accorder une
sécurité convenable à l'ensemble de la population, doivent
être pensées...
M. Lesage: C'est ça.
M. Johnson: ...en regard de la valeur psychologique d'un tel
système". Je ne veux pas faire une discussion oiseuse.
M. Lesage: Non, moi non plus.
M. Johnson: Le premier ministre aura l'occasion de s'expliquer, je le
pense bien. Il pourra répliquer tantôt ou en parlant de mon
amendement.
M. Lesage: Non, je n'en parlerai plus.
M. Johnson: Mais, je voudrais tout simplement lui dire ceci: Qu'il ait
changé ou non d'idée.
M. Lesage: Non, je n'ai pas changé d'idée.
M. Johnson: ...quant à nous, nous sommes en faveur d'un
système, à base d'actuaire, évidemment selon certaines
modalités.
M. Lesage: Oui, on peut être en faveur d'un système
d'actuaire, mais à condition qu'il y ait déjà, un plancher
qui prévoit un montant mensuel vital pour ceux qui ne peuvent pas se
bâtir de caisse de retraite, se bâtir de droit à des
prestations.
M. Johnson: Il y aurait une autre façon, le premier ministre le
sait, ce serait de payer des cotisations à tous ceux qui...
M. Lesage: Ah oui, ah oui, mais...
M. Johnson: Une autre manière. Ce
sont tous des problèmes qui devraient être
discutés.
M. Lesage: Je l'offre au fédéral dans ma lettre à
M. Pearson aussi, de prendre à ma charge le montant de base; de prendre
à la charge de la province, pas à ma charge.
M. Johnson: Je vois que le premier ministre offre à M. Pearson de
reprendre tout le terrain, d'occuper tout le terrain - à ça,
ça fait notre affaire, M. le Président - à la condition
qu'on lui remette les pouvoirs de taxation que le fédéral utilise
actuellement à ses fins ou leur équivalent, en parlant de la taxe
indirecte.
M. Lesage: Amendement.
M. Johnson: Nous ne sommes pas contre le principe, au contraire, nous en
avons fait un article vedette de notre programme et nous avons
popularisé cette idée à travers la province. Elle n'a pas
été suffisante, M. le Président, pour nous apporter des
adhésions, de tout le monde, mais nous l'avons popularisée et
nous avons conscience d'avoir fait notre devoir en attirant l'attention du
public et en stimulant le gouvernement à l'action avant qu'Ottawa occupe
le champ.
Cependant, je voudrais dire au premier ministre que, comme lui - et
c'est notre devoir d'hommes sérieux dans cette Chambre; chacun des
députés devrait y réfléchir sérieusement -
nous avons aussi certains points d'interrogation. Quel sera l'impact, comme il
dit, sur l'économie? Quelles seront les conséquences au point de
vue de l'évolution de la politique? On pourrait par ce système
s'en aller très rapidement vers l'étatisation
particulièrement de tout le domaine de la finance et, donc, de
l'industrie et du commerce. En procédant peut-être trop
rapidement, mais surtout en procédant en cachette, nous pourrions
endommager d'une façon irréparable le climat industriel, et
commercial, ce climat qui est si nécessaire au progrès industriel
et commercial dans une province comme la nôtre, M. le
Président.
M. Lesage: D'accord.
M. Johnson: Donc, les députés de l'Opposition, parce
qu'ils ne sont pas certains qu'une simple motion sera suffisante pour faire
reculer les autorités fédérales ou les empêcher
d'avancer davantage.. Mon Dieu, qu'elle a l'air déterminée ce
ministre à Ottawa! Je fais grâce au premier ministre de lui
rapporter des déclarations qu'il a peut-être lues. J'ai lu une
conférence de presse qu'elle a faite à Londres où elle
accuse le gouvernement de Québec de vouloir utiliser le système
de pensions bien plus pour des fins économiques que pour des fins
sociales. M. le Président, si le premier ministre ne se défend
pas contre Mlle LaMarsh, si le ministre du Travail est trop mou à
Ottawa, je vous suggère d'envoyer le député de Richelieu
et le député de Chambly. Ils en viendront à bout, du
ministre à Ottawa.
M. Cournoyer: On en viendra à bout en prenant chacun notre
bout.
M. Johnson: Non, M. le Président. C'est l'interprétation
qui est mauvaise; ce ne sont pas mes paroles. Ad modum recipientis
recipitur.
M. Laporte: Apparemment, l'interprétation...
M. Johnson: M. le Président, c'est l'un des problèmes,
sinon le problème le plus important que cette Chambre aura à
étudier.
M. Lesage: Je pensais que c'était l'autre.
M. Johnson: Et il faudra y veiller. Il est réglé, l'autre.
J'ai dit à l'avenir, M. le Président. La Chambre devrait
l'étudier sérieusement. Les députés devraient
être mis au courant. Maintenant que nous avons une indemnité
auqmentée, nous devrions être capables d'étudier ce
problème, d'avoir l'occasion de le faire et d'en arriver à une
conclusion après une discussion ouverte, après avoir entendu les
unions ouvrières, les associations de crédit et d'assurance, tous
les autres corps intéressés à ce problème. En
Ontario, M. le Président, on a eu un comité qui a
siégé, je crois, pendant deux ans. Un comité, M. le
Président, qui a siégé ouvertement, qui a brassé
l'affaire en public, pas de cachette, pas d'intervention secrète, pas de
petites combines ou de soupçons de combines, ce qui est mauvais. Nous
sommes en démocratie, nous sommes des gens adultes, nous sommes des gens
bien formés, nous avons une équipe dont nous sommes bien fiers
des deux côtés de la Chambre. C'est une déclaration qu'on
peut faire sans soulever de débat. Nous avons dans nos équipes
respectives des gens qui sont particulièrement préparés
à étudier ce problème et le public, les corps publics, les
unions ouvrières, les associations de patrons, tout le monde a
intérêt à ce que ce problème soit brassé en
public. Donc, pour couvrir ces deux points: renforcer la motion que nous
aurons, qui servira d'avis à Ottawa et, deuxièmement, fournir aux
députés l'occasion de travailler d'une façon
démocratique et ouverte, j'ai l'honneur de proposer, M. le
Président, secondé par le député de
Saint-Jacques...
M. le Président: Avant que le chef de l'Opposition lise son
amendement, est-ce que je dois comprendre que l'amendement proposé
Après tout, il y avait un amendement proposé par le
Procureur général, dont on discute.
Une voix: Cela a été adopté.
M. Hamel (Saint-Maurice): Est-ce qu'il faut que je fasse un grand
discours?
M. Bertrand (Missisquoi): Non, non.
M. le Président: À l'ordre. L'amendement que propose le
chef de l'Opposition c'est à la motion telle qu'amendée par le
Procureur général.
M. Johnson: C'est ça. Que la motion en discussion,
amendée...
M. Lesage: Non, non, la motion telle qu'amendée.
M. Johnson: Que la motion telle qu'amendée par l'amendement du
Procureur général soit de nouveau amendée en retranchant
tous les mots après "de contribution"...
M. Lesage: Vous êtes mieux de dire: "en ajoutant après les
mots".
M. Johnson: Excusez-moi. On a changé toutes nos affaires.
M. Lesage: C'est seulement parce que j'ai hâte de voir ce qu'il va
dire, c'est tout.
M. Bertrand (Missisquoi): Le Procureur général ne le
savait pas, lui. Le Procureur général ne connaissait pas
l'amendement qu'il a proposé.
Motion de sous-amendement
M. Johnson: M. le Président, que la motion amendée
actuellement en discussion soit de nouveau amendée en ajoutant
après les mots "de contribution" les mots suivants "et qu'il y a lieu de
créer immédiatement un comité parlementaire chargé
de préparer à ce sujet un projet de loi qui devra être
soumis à la Législature avant la reprise de la session
fédérale actuellement suspendue". M. le Président, c'est
ce que j'ai l'honneur de proposer comme amendement à la motion telle que
déjà amendée. Je m'excuse pour les ratures.
M. Lesage: Ah, ça va, il n'y a pas de difficulté. J'ai
compris parfaitement. Parlant sur la proposition d'amendement, puisque j'ai le
droit de parler maintenant.
M. Bertrand (Missisquoi): La session fédérale doit
reprendre le 30 septembre.
M. Lesage: Oui, mais la question des pensions est à l'ordre du
jour de la conférence fédérale-provinciale de novembre.
Bien, je le sais.
M. Bertrand (Missisquoi): Oui, mais quelle garantie avez-vous que le
Parlement canadien n'adoptera pas de loi, le 30, à la reprise de la
session?
M. Jean Lesage
M. Lesage: M. le Président, il y a eu une conférence
fédérale-provinciale à la fin de juillet et il a
été entendu que la question serait à l'ordre du jour de la
conférence de novembre, c'est tout. C'est aussi simple que ça.
D'ailleurs, si nous adoptions l'amendement proposé par le chef de
l'Opposition et qu'il fallait que ce comité parlementaire entende tous
les intéressés, comme il vient de le dire, alors que l'on sait
que le comité formé en Ontario a siégé pendant un
an et demi ou deux ans, nous nous placerions, justement, dans une situation
où nous serions assurés d'être en retard. Je pense que ce
n'est pas réaliste, que c'est affaiblir la position de la province de
Québec vis-à-vis du gouvernement d'Ottawa et qu'il serait peu
sage et peu prudent de prendre le risque d'ajouter un tel amendement à
la motion déclaratoire de principe qui est devant la Chambre. Je pense
que je n'ai pas besoin de gloser bien longtemps, que tout le monde comprendra
que, si nous acceptons l'amendement proposé par le chef de l'Opposition,
nous ne faisons que prolonger le délai jusqu'au moment où il nous
sera possible de présenter un projet de loi à la Chambre.
M. le Président, je serais très inquiet d'accepter un tel
amendement et je dois recommander à la Chambre de le refuser pour la
raison primordiale et fondamentale que je viens d'énoncer.
M. Paul Dozois
M. Dozois: M. le Président comme secondeur de cet amendement,
vous me permettez une brève remarque.
M. Lesage: Ah, je m'excuse, je ne savais pas que vous aviez
secondé.
M. Dozois: M. le Président, on a invoqué, pour refuser cet
amendement, le fait qu'en Ontario on a procédé de cette
façon et que l'étude a duré près de deux ans. On a
dit que, si l'on acceptait la même façon de procéder, ici,
dans la province de Québec, ce serait une façon de retarder et de
manquer le but que nous voulons atteindre, de pouvoir voter la
législation avant que le gouvernement fédéral vote la
sienne.
Nous réalisons l'importance, M. le Président, du fait que
le Québec vote sa législation avant la Chambre des communes et
notre intention, en présentant cette motion, n'est pas de retarder
l'adoption d'une loi par la province. Quand on invoque la façon dont
l'Ontario a procédé, l'on doit avoir à l'esprit, M. le
Président, que les gens sont beaucoup mieux préparés
à cette idée de pension universelle ou de pension transportable
qu'il y a deux ans, lorsque l'Ontario a entrepris cette étude.
C'était une idée qui, à ce moment-là, était
à peine ébauchée, qui était un peu nouvelle, qui
surprenait les gens et qui a obligé une foule de personnes à se
pencher sur ces problèmes. Depuis ce temps, l'idée a fait son
chemin et tous les corps publics sont aujourd'hui au fait de ce problème
des pensions universelles ou des pensions transportables. Je suis convaincu
que, si la motion était adoptée, nous pourrions en quelques
semaines avoir les représentations des corps intéressés
à ce problème et je suis convaincu que ça ne retarderait
pas, au contraire, que ça rendrait service à la Chambre, à
l'Assemblée législative de connaître l'opinion de tous ceux
qui sont intéressés à ce problème. C'est pourquoi
nous demandons que cet amendement soit voté.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Dozois: M. le Président, nous le réalisons, advenant le
cas où le comité procéderait et avec trop de lenteur et
qu'il y aurait urgence d'adopter une loi, il sera toujours possible que le
comité fasse rapport même si son étude n'est pas
complétée. Nous serons quand même plus avancés que
de procéder sans les avoir entendus.
M. Fortin: M. le Président, il n'y a pas de doute qu'un projet
semblable exige non seulement une étude au point de vue
économique, c'est-à-dire des répercussions...
M. Lesage: M. le Président, comme chef du gouvernement, je
voudrais répondre au député de Saint-Jacques qu'il n'y
absolument rien qui empêche celui qui vous parle de convoquer une autre
session s'il y a un projet de loi qui est prêt et il serait beaucoup plus
sage d'avoir un comité à ce moment-là qu'à ce
moment-ci.
M. Bertrand (Missisquoi): Si le premier ministre me le permet, dans le
même ordre d'idées.
M. Lesage: Oui, mais...
M. Bertrand (Missisquoi): Le premier ministre prétend que le fait
que ce soit à l'ordre du jour du mois de novembre empêche le
fédéral, normalement, d'adopter une loi à la session du
mois de septembre. Si ça empêche le fédéral, est-ce
que le fédéral ne pensera pas, lui aussi, que ça va
empêcher le provincial d'adopter une loi avant la réunion du mois
de novembre?
M. Lesage: Non, pas du tout, M. le Président. Il n'y a absolument
rien qui empêche celui qui vous parle de demander au
lieutenant-gouverneur de convoquer une session s'il y a un projet de loi de
prêt, projet de loi qui pourrait - je ne le garantis pas - si la
Législature en décide ainsi, faire l'objet d'une étude par
un comité spécial.
M. Bertrand (Missisquoi): Bien oui. Il n'y a rien, si je suis
prêt. Mais je ne peux pas donner la garantie que je vais avoir un projet
de loi prêt à ce moment-là. Je l'espère.
M. Johnson: Mais quel mal y aurait-il à ce qu'on commence, tout
le monde, à étudier...
M. Lesage: Non, c'est très mauvais.
M. Johnson: ...à travailler, à préparer un projet
de loi?
M. Lesage: Non, ce serait extrêmement mauvais vis-à-vis de
la population parce que, tant que nous n'avons pas le rapport des actuaires et
des économistes qui vont nous dire quel est l'impact sur
l'économie, nous prenons le risque de faire naître des
appétits que nous ne pourrons assouvir. Et ça, c'est
extrêmement dangereux et c'est très sérieux.
M. Johnson: Cela s'est fait en Ontario.
M. Lesage: Oui, mais cela a désappointé bien du monde en
Ontario, ce qu'on a fait aussi, et ce n'est pas du tout la même
situation. Je pense que ce que je propose est raisonnable. Quand j'aurai en
main tous les détails, il me sera possible alors, avec mes
collègues, de décider du moment de la présentation d'un
projet de loi. Et je pense que, si nous agissons ainsi, nous agissons en hommes
sérieux.
Le chef de l'Opposition a parlé de l'importance d'avoir une
décision unanime de la Législature. Je suis parfaitement
d'accord, c'est essentiel, mais je ne puis souscrire, pour les raisons que je
viens de dire, à l'amendement qu'il vient de suggérer. J'ai
souscrit à l'amendement qui avait été
suggéré, lors de notre conversation privée, par le chef de
l'Opposition et par le député de Saint-Jacques; je l'ai fait
généreusement et avec plaisir, parce que ce n'est pas une
question de se quereller pour savoir qui gagne; c'est une question d'être
raisonnable et de se comprendre. J'ai fait un effort, j'ai compris, j'ai admis
les arguments du chef de
l'Opposition et du député de Saint-Jacques sur la
première suggestion qu'ils m'ont faite. Mais, pour les raisons que je
viens de donner et étant donné ce que je viens de dire, je crois
qu'il vaut mieux laisser la résolution dans l'état où elle
était avant la proposition d'amendement et je supplie l'Opposition
d'être aussi généreuse que je l'ai été...
M. Bertrand (Missisquoi): Ce n'est pas là qu'est le point.
M. Lesage: Bien oui, écoutez, on peut se disputer jusqu'à
demain si l'on veut, mais, M. le Président, je l'ai vu, le rapport
préliminaire du comité, moi, et je dis à la Chambre qu'il
est urgent d'agir et qu'il m'est impossible, pour des raisons graves que je
viens de mentionner, de rendre public quoi que ce soit tant que je n'ai pas le
rapport des actuaires. Si je l'ai à temps pour préparer un plan
et un projet de loi, pensez-vous que je vais attendre au mois de janvier pour
le soumettre? Si je puis arriver avant la 1er novembre, c'est évident
que je vais demander au lieutenant gouverneur de convoquer une session, c'est
l'enfance de l'art.
M. Gabias: Est-ce que ça dépend du lac à
l'Épaule?
M. Lesage: Cela n'a rien à faire avec le lac à
l'Épaule. Rien à faire.
M. Johnson: C'est certain, certain? Qu'est-ce qui va se passer au lac
à l'Épaule?
M. Lesage: Je ne le sais pas. Est-ce qu'il va se passer quelque
chose?
M. Johnson: J'espère que non.
M. Lesage: Non, non, mais, autant l'Opposition m'a demandé de
comprendre son point de vue, autant je demande à l'Opposition de
comprendre le mien. Il faut que nous soyons unanimes et je demande à
l'Opposition de me faire confiance.
M. Bertrand (Missisquoi): Si le premier ministre le permet, ce n'est pas
tellement là-dessus. Le premier ministre prétend qu'il ne serait
pas décent de la part de M. Pearson de faire adopter une loi par le
Parlement canadien à la reprise de la session, le 30 septembre, parce
que ce problème de pension de retraite est à l'ordre du jour de
la réunion du mois de novembre. C'est cela qu'il dit.
M. Lesage: Oui.
M. Bertrand (Missisquoi): Bon. Est-ce que M. Pearson ne croit pas, lui
aussi, qu'il ne serait pas décent pour le premier ministre de faire
adopter une loi avant la réunion du mois de novembre?
M. Lesage: Non, je regrette. Si le député de Missisquoi
veut bien lire l'article 94A, de la constitution et s'il veut bien relire ma
correspondance avec M. Pearson...
M. Bertrand (Missisquoi): Je l'ai lue.
M. Lesage: J'ai avisé officiellement M. Pearson que j'occuperais
le champ et aujourd'hui je demande à la Législature de dire
unanimement au gouvernement d'Ottawa que nous allons occuper le champ. Notre
situation n'est pas du tout la même vis-à-vis de la
conférence de novembre que celle du chef du gouvernement canadien ou
encore de son ministre du Bien-Être et de la Santé.
M. Johnson: M. le Président, évidemment, on pourrait
discuter longtemps là-dessus, mais, si vous le permettez, moi, j'y
tiens, à cette motion, autrement, je ne l'aurais pas faite. Et j'y tiens
aussi sous un autre aspect. En plus de l'aspect exposé par le
député de Missisquoi, j'y tiens sous l'aspect
démocratique. Il y a tout de même une foule de choses que nous
pourrions étudier d'ici ce temps-là. Nous serions mieux
préparés, ça serait plus démocratique.
M. Lesage: Mais on va être tellement plus fort vis-à-vis
d'Ottawa s'il y a un projet de loi déposé, même si on prend
des mois pour l'étudier après. Est-ce que le chef de l'Opposition
va comprendre?
M. Johnson: Oui. On n'a pas la même optique là-dessus.
Voici un problème qui concerne toute la province, qui a des
répercussions sur l'économie, sur l'investissement, sur les
diverses théories de gouvernement, du socialisme à l'entreprise
privée excessive, etc. Mais, nous avons des droits acquis et des
ententes déjà faites entre les unions et leurs patrons. M. le
Président, est-ce qu'il ne faudrait pas que ce soit non seulement un
groupe de ministres, mais tous les députés qui se familiarisent
avec ce problème?
M. Lesage: Oui, mais après que le projet de loi aura
été déposé. Si nous pouvons arriver à
déposer un projet de loi avant le 1er novembre devant la Chambre, est-ce
que le chef de l'Opposition ne comprend pas que notre position vis-à-vis
d'Ottawa sera encore plus forte?
M. Johnson: Oui.
M. Lesage: Bon. Alors, qu'on me laisse faire. Si je nomme un
comité, il y a une chose: nous commencerons à ce comité
à entendre des représentations et il n'y aura
certainement pas de projet de loi avant l'année prochaine.
M. Johnson: M. le Président, le comité dont il est
question dans l'amendement que j'ai apporté sera chargé de
préparer à ce sujet un projet de loi.
M. Lesage: Mais il ne peut jamais arriver! Un comité
parlementaire ne peut pas arriver à préparer un projet de loi,
d'après mon expérience, avant le 1er novembre. Ils auront quatre
semaines après la réception des rapports au point de vue
économique et au point de vue actuariel. Je ne comprends pas
l'insistance du chef de l'Opposition. Quand il m'a exposé
raisonnablement quelque chose, j'ai dit: Très bien, je l'amende.
Là, je lui expose raisonnablement quelque chose, il est buté. Je
n'ai jamais vu une chose comme cela. Je demande au chef de l'Opposition de
faire preuve de la même générosité et de la
même confiance dont j'ai fait preuve à son égard et
à l'égard du député de Saint-Jacques. Il me semble
que j'ai le droit à la même mesure de considération que
celle que je donne à mes amis d'en face.
M. Johnson: M. le Président, on voudrait aider le premier
ministre. Il décidera lui-même, il sera lui-même
président de ce comité. Nous lui aiderons, nous tâcherons
de nous entendre avec lui. Nous voulons coopérer, M. le
Président. Il me semble que c'est assez raisonnable.
M. Lesage: Je vais voter contre l'amendement. Le vote.
M. Johnson: Le vote. Mettez rejeté sur division.
M. Lesage: On va avoir l'air fin à Ottawa.
M. Johnson: Non et, ensuite, sur la motion principale, nous allons voter
pour.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Johnson: Nous allons voter pour la motion principale.
M. Lesage: Bon, d'accord.
Rejet de la motion de
sous-amendement et adoption
de la motion principale
M. le Président: À l'ordre, messieurs. Si je comprends
bien, la motion de sous-amendement proposée par le chef de l'Opposition
à la motion telle qu'amendée par la motion du Procureur
général, est rejetée sur division et la motion
principale...
M. Johnson: Unanime.
M. le Président: ... telle qu'amendée par le Procureur
général est adoptée à l'unanimité.
Dépôt de document requis par
motion
M. Lesage: M. le Président, pour vider le feuilleton
complètement, je dépose la réponse à la question
posée par le député de Trois-Rivières.
M. Bertrand (Missisquoi): Le sourire est revenu.
Voeux de bonnes vacances
M. Lesage: M. le Président, je désire souhaiter de bonnes
vacances à tous les députés. J'espère qu'elles
seront assez courtes parce que...
M. Bertrand (Missisquoi): Reposez-vous. M. Lesage: Je n'ai pas le
temps.
M. Bertrand (Missisquoi): Vous en avez besoin.
M. Lesage: Je pense que le député ferait mieux de soigner
son rhume.
M. Bertrand (Missisquoi): Cela va très, très bien. Ma voix
est très bonne.
M. Lesage: Nous nous réunirons peut-être avant la session
de janvier. Je viens de le laisser entendre, d'ailleurs. À tous, je
souhaite de bonnes vacances et je vais, de ce pas, chez le
lieutenant-gouverneur.
M. Johnson: M. le Président, pendant que la premier ministre s'en
va sur son cheval de Troie vers le lac à l'Épaule, je voudrais,
moi aussi, offrir aux députés nos meilleurs voeux de bonnes
vacances, s'il y en a qui peuvent en prendre et qui doivent en prendre.
M. le Président, nous avions déclaré que nous
aurions une session courte parce que nous voulions collaborer. Nous avons mis
de côté toute la procédure, mais, malgré ça,
nous avons travaillé une trentaine d'heure à date et, avec la
renonciation à l'indemnité pour la dernière
journée, M. le Président, il arrive que, comme le disait l'un de
mes collègues, nous n'avons pas gagné, sur la base horaire,
même le minimum que prévoient certains décrets. Alors, je
ne pense pas que la rémunération que nous recevrons soit
exagérée.
Je voudrais offrir surtout aux trois nouveaux ministres qui ont
été nommés, M. le Président: le ministre temporaire
du
Revenu (puisque je présume qu'après une défaite
dans Notre-Dame-de-Grâce il ne pourrait plus siéger à
l'Assemblée législative; il devra sortir du cabinet) et à
ceux qui m'ont l'air ici d'une façon temporaire mais plus longue, soit
le Procureur général et le ministre du Travail, nos meilleurs
voeux de santé et de succès dans l'accomplissement de leurs
fonctions nouvelles. Le Procureur général, le
député de Saint-Maurice, accède à une fonction
extrêmement difficile, extrêmement délicate, fonction pour
laquelle, à cause de son travail intense comme avocat, il est
peut-être beaucoup mieux préparé qu'il ne l'était
pour les autres fonctions qu'il a occupées. Ce n'est pas l'injurier que
de lui dire cela. Il accède à un poste de prestige à part
cela, qui passe généralement, au point de vue du protocole, tout
de suite après le poste de premier ministre. Je note, sans malice, qu'il
a dépassé le ministre de la Jeunesse, même s'il a eu moins
de votes que le ministre de la Jeunesse à la convention libérale,
M. le Président. C'est, tout de même, une belle récompense
pour un homme qui a travaillé en Chambre, qui a oeuvré huit ans
dans l'Opposition. Je lui souhaite sérieusement d'accomplir son devoir
avec toute la conscience et le sens du devoir qu'on attend d'un Procureur
général, le grand justicier de la province, l'homme responsable
de l'institution essentielle sans laquelle il n'y a pas de civilisation qui
puisse tenir.
Quant au ministre du Travail, que j'ai connu il y a très
longtemps, je ne savais pas dans le temps qu'il était libéral, M.
le Président.
M. Bertrand (Missisquoi): Il était plutôt
indépendant.
M. Johnson: Il manifestait, dans le temps, une très grande
liberté vis-à-vis de tous les partis politiques. Il avait, lui
aussi, une tendance bloqueuse ou bloquée, parce qu'il était avec
nous, le député de Missisquoi et moi-même entre autres,
dans le bloc universitaire. Nous nous en sommes sortis des blocs, mais lui est
resté plus longtemps que nous dans les blocs, M. le Président. Je
voulais dire au député de Sherbrooke que nous voulons le
féliciter d'avoir accédé si rapidement à un poste
aussi important que celui de ministre du Travail. Il a besoin de beaucoup de
patience, de toute sa préparation et de toutes ses connaissances pour
bien s'acquitter de sa fonction. À tous deux nous souhaitons bonne
santé et, d'ici le 25 novembre, je voudrais publiquement offrir au
ministre du Revenu des voeux de bonne santé physique, tout simplement.
Je ne voudrais par aucun truc qu'on puisse interpréter mes voeux comme
une intervention politique pour ou contre. Je voudrais tout simplement dire
à M. Kierans...
M. Laporte: Que son siège est là. Il l'attend.
M. Johnson: ...que son siège est prêt en Chambre. M. le
Président, ce sont les électeurs de Notre-Dame-de-Grâce qui
le décideront et c'est le jeu de la démocratie. On a
déjà vu des accidents électoraux. Quelques libéraux
sont là rien que par accident, ils doivent se reconnaître. Des
accidents, cela joue des deux côtés.
M. Laporte: Cela doit être un gros accident parce qu'on est un
groupe.
M. Johnson: Cela a été un accident nombreux.
M. Laporte: Tant qu'il sera aussi nombreux que cela, on est tranquille.
M. Johnson: Je sais que les libéraux sont tranquilles, mais c'est
le peuple qui est inquiet. Et vous, M. le Président, qui avez
été d'une patience angélique depuis deux jours, vous qui
avez été l'homme le plus calme de toute cette Chambre,
après moi et mes collègues de l'Opposition...
M. Laporte: M. le Président, il recommence.
M. Johnson: ... je vous remercie. Et je regrette, en terminant, d'avoir
à dire une chose qui ne s'adresse à personne en particulier, mais
je regrette que cette session doive passer à l'histoire comme une
session historique, mais pour des raisons que nous n'approuvons pas.
M. Laporte: Les journaux n'ont pas l'air d'accord.
M. Hamel (Saint-Maurice): Je voudrais remercier le chef de l'Opposition
de ses meilleurs voeux. Je dois lui dire qu'avant d'accepter, j'y ai
pensé et, après avoir accepté cette fonction, je me suis
dit, comme dans Corneille: "Jamais nous ne jouissons de parfaite
allégresse.
Nos plus heureux instants sont mêlés de tristesse.
Au milieu du bonheur, mon âme en sent l'atteinte.
Je nage dans la joie et je tremble de crainte."
Vous pouvez être assuré, M. le Président, que j'ai
conscience de mes responsabilités et que je m'efforcerai, comme je l'ai
fait, d'ailleurs, au ministère du Travail et dans les fonctions que j'ai
occupées comme ministre, de voir à l'administration de la justice
dans l'esprit qui doit présider à l'administration de la
justice.
M. Fortin: M. le Président, je veux
également remercier le chef de l'Opposition de ses remarques
aimables à mon endroit. Il est vrai qu'à l'université on
s'est connu dans le bloc universitaire. Il se souviendra que c'était un
bloc autonomiste. Et, s'il prétend que j'étais bloqué, je
peux lui dire que je suis encore bloqué et que je reste encore
autonomiste.
M. Johnson: Mais le ministre a-t-il voté contre le bill no 1?
M. Laporte: Non, il n'était pas là en 1958, il n'a pas pu
voter comme vous autres.
M. Johnson: Je ne comprends pas.
M. Fortin: M. le Président, j'ai accepté,
évidemment, avec plaisir la responsabilité qu'on m'a
confiée d'être ministre du Travail.
Je voudrais assurer les membres de cette chambre que je vais m'efforcer
d'accomplir ce devoir le mieux possible. Comme je le disais il y a quelque
temps, mon seul souci est d'apporter dans le monde du travail la paix et
surtout une grande collaboration, non seulement au point de vue des conditions
de travail, mais également au point de vue économique, entre
patrons et ouvriers pour le plus grand bien de notre province.
M. le Président: La séance est suspendue pour quelques
minutes.
Faites entrer le messager. Let the messenger in.
L'huissier de la verge noire: M. l'Orateur, c'est le désir de Son
Excellence le lieutenant-gouverneur que les honorables membres de cette Chambre
se rendent immédiatement à la salle du Conseil
législatif.
The Honourable the Lieutenant-Governor desires the immediate attendance
of the Members of this Honourable House in the Legislative Council Chamber.