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(Trois heures de l'après-midi)
M. le Président: Qu'on ouvre les portes. Let the doors be
opened.
Faites entrer le messager. Let the messenger in.
M. l'Huissier de la verge noire: M. le Président, c'est le
désir de Son Excellence le lieutenant-gouverneur que les honorables
membres de cette Chambre se rendent immédiatement à la salle du
Conseil législatif. The Honourable the Lieutenant-Governor desires the
immediate attendance of the members of this Honourable House in the Legislative
Council Chamber.
(M. le Président, accompagné des députés de
la Chambre, se rend à la salle du Conseil législatif pour
entendre la lecture du discours du trône. À leur retour, M. le
Président appelle les affaires du jour.)
M. le Président: À l'ordre, messieurs! Affaires du
jour.
M. Lesage: No 3.
Bill no 1 Première lecture
M. le Président: M. Laporte propose la première lecture
d'une loi pour faciliter le financement de certains travaux municipaux. Cette
motion sera-t-elle adoptée?
M. Johnson: Adopté.
M. le Président: Première lecture adoptée.
M. le Greffier adjoint: Première lecture de ce bill. First
reading of this bill.
M. le Président: Deuxième lecture à la prochaine
séance?
M. Lesage: Non, à la présente séance.
J'ai causé avec le chef de l'Opposition de la possibilité
d'étudier en deuxième lecture ce projet de loi cet
après-midi et, à cette fin, le lui ai fait parvenir vendredi les
épreuves iu projet de loi et, lundi matin, plusieurs copies du projet de
loi.
M. Johnson: M. le Président, vous innaissez les
règlements, vous savez bien que l'Opposition aurait pu exiger qu'ils
soient observés et que nous attendions à demain pour la
deuxième lecture du bill no 1. Il est exact que le premier ministre a eu
la délicatesse de me faire parvenir vendredi dernier des copies des
épreuves ainsi que lundi dernier, comme il l'a dit, quelques copies du
bill lui-même. Je le remercie pour ce geste qui permet en somme que
l'Opposition collabore pour que le travail de cette session, qui coûte
énormément cher à la population, aux contribuables et qui
n'était pas nécessaire - nous aurons l'occasion d'en reparler -
soit facilité et rendu très expéditif, sans toutefois
négliger le sérieux du problème qui nous est soumis par le
bill no 1.
Il est vrai que j'en ai reçu quelques copies, mais plusieurs de
mes collègues, comme sans doute plusieurs députés de la
droite, aimeraient bien avoir l'occasion d'examiner le bill le plus
sérieusement possible. Nous consentirons à la deuxième
lecture, mais je demanderais, dès cette séance, au premier
ministre s'il veut bien, après l'allocution du parrain ou le discours du
parrain du bill et le discours du chef de l'Opposition, qui lui n'a pas de
prétexte pour retarder le discours du premier ministre, que la
deuxième lecture soit reportée à ce soir pour permettre la
continuation du débat...
M. Lesage: Il y a de grosses chances que nous soyons rendus à ce
soir.
M. Johnson: ... pour que les collègues aient le temps d'examiner
le projet. Il reste que les collègues ne connaissent pas le contenu du
bill et c'est la première fois qu'un bill provincial nous oblige
à nous référer à un bill fédéral, ce
qui est évidemment une nouvelle mesure d'autonomie.
M. Lesage: M. le Président, je crois que le chef de l'Opposition
est en train de discuter du bill et, en ce faisant, il vient de dire une chose
qui est fausse. Ce n'est pas la première fois qu'on doit se
référer à une loi fédérale pour
étudier un bill provincial, parce que lui-même, alors qu'il
était ministre, a voté dans cette Chambre pour un bill, pour un
projet de loi présenté par son ancien chef, M. Duplessis, et,
pour le comprendre, il fallait se référer à une loi
fédérale. Et nous y reviendrons.
Mais, M. le Président...
M. le Président: À l'ordre, messieurs:
Une voix: Le chef de l'Opposition avait la parole.
M. le Président: À l'ordre, messieurs:
M. Lesage: M. le Président, je ne sais pa3 qui vient de parler,
mais il pourrait se lever lorsqu'il a affaire à parler.
M. Lafontaine: Le chef de l'Opposition avait la parole.
M. Lesage: M. le Président, il me semble qu'il n'appartient pas
au député de Labelle...
M. Lafontaine: Pas plus qu'au premier ministre.
M. Johnson: M. le Président, j'avais donc la parole...
M. Lesage: Cela n'a pas marché ce matin à votre caucus,
ç'a l'air.
M. Johnson: M. le Président, j'avais donc la parole malgré
l'intervention du premier ministre et j'étais en train de dire que nous
voulions coopérer avec le gouvernement pour l'expédition des
affaires en vue desquelles la session a été convoquée,
mais que j'y mettais quelques restrictions, entre autres, celle de donner aux
membres de l'Opposition, quitte aux membres au pouvoir qui ne sont pas
intéressés à renoncer à ce droit et à voter
aveuglément, l'occasion d'étudier non seulement la loi
provinciale, mais d'essayer de comprendre le bill C-76 rédigé
dans une langue qui ferait certainement la gloire du ministre des Affaires
culturelles de la province de Québec.
Donc, M. le Président, nous collaborerons avec le gouvernement
pour l'expédition de ces affaires, mais sans rien sacrifier cependant au
temps que nous devons consacrer à l'étude d'un problème
aussi sérieux.
M. Lesage: M. le Président, pour ce qui est de la suite du
débat en deuxième lecture, le chef de l'Opposition a dit qu'il
avait l'intention de répondre au ministre des Affaires municipales qui,
je le sais, a une intervention assez longue; le chef de l'Opposition sera assez
long, comme à l'habitude, d'autant plus qu'il semble...
Une voix: Comme à l'habitude.
M. Lesage: Je tenterai d'être aussi bref que possible.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Lesage: Je tenterai d'être aussi bref que possible et, par la
suite, il y a certainement des députés de l'autre
côté qui ont pris connaissance de la loi qui était le bill
C-76 à Ottawa et du bill no 1, puisque j'en ai fait parvenir plusieurs
copies, dès lundi matin, au chef de l'Opposition. Sur quoi nous pouvons
procéder...
M. Johnson: Est-ce qu'elle est en vigueur la loi à Ottawa?
M. Lesage: Pardon?
M. Johnson: Est-ce qu'elle est en vigueur?
M. Lesage: Elle est sanctionnée.
M. Johnson: Mais elle n'est pas en vigueur.
M. Lesage: Elle est en vigueur, elle est sanctionnée. Mais elle
n'a pas été proclamée, parce que les membres de l'office
n'ont pas été nommés.
M. Johnson: Elle n'est pas en vigueur.
M. Lesage: Non, elle n'a pas été proclamée. Je
crois qu'elle vient en vigueur par proclamation.
M. Bertrand (Missisquoi): Il parle d'une proclamation et elle ne l'a pas
été.
M. Lesage: À une date fixée par proclamation. Elle n'est
pas en vigueur, mais je n'ai pas le droit de retarder de crainte que les
municipalités ne souffrent d'un retard de la Législature
provinciale.
M. le Présidant: Est-ce que je comprends qu'il y a un
consentement unanime pour que la deuxième lecture du bill 1
procède aujourd'hui?
M. Johnson: M. le Président, vous avez bien compris.
M. le Président: Adopté. M. Lesage: No 4.
M. le Président: M. Laporte propose qu'à cette même
séance, la Chambre se forme en comité plénier pour
étudier les résolutions relatives au bill no 1.
Adopté?
Une voix: Adopté. M. Lesage: No 5.
Le discours du trône
M. le Président: J'ai l'honneur de faire rapport que, lorsque
cette Chambre s'est rendue aujourd'hui auprès de l'honorable
lieutenant-gouverneur dans la salle des séances du Conseil
législatif, il a plu à l'honorable lieutenant-gouverneur de lire
un discours à l'adresse des deux Chambres de la
Législature de cette province et, pour prévenir toute
erreur, j'en ai obtenu une copie dont je vais donner lecture à la
Chambre. "Honorables messieurs du Conseil législatif, Madame et
messieurs de l'Assemblée législative, "Vous avez
été convoqués en session spéciale aux fins de
prendre en considération un projet de loi pour faciliter le financement
de certains travaux municipaux. "Vous serez aussi invités à
adopter une résolution décrétant qu'il y a lieu pour la
Législature de la province de Québec de voter, le plus tôt
possible, une loi instituant une caisse de retraite publique et universelle.
"Je demande à la Divine Providence de bénir vos travaux au cours
de cette session et de vous guider dans vos délibérations."
Décès de MM. J.-P. Castonguay et Emile
Lesage
M. Lesage: M. le Président, avant de faire la motion
prévue à l'article 6 sur le feuilleton du jour, je voudrais dire
quelques mots au sujet d'un événement qui a attristé tous
les membres de cette Chambre depuis la fin de la dernière session
régulière.
En fait, nous avons eu à déplorer la mort de l'un de nos
collègues. Tous les députés voudront sans doute se joindre
à moi pour rendre hommage à ce valeureux serviteur de la province
et pour offrir de nouveau à sa famille nos condoléances les plus
sincères.
Nous sommes fiers de souligner que M. Castonguay a fait honneur à
ses commettants en les représentant dignement à
l'Assemblée législative. Le comté de Matane se souviendra
longtemps de lui.
Nous qui l'avons vu à l'oeuvre étions en mesure
d'apprécier son dévouement à l'égard de tous ceux
qui avaient recours à ses services et son inlassable énergie
à défendre les intérêts de son comté.
Diplômé de l'École d'agriculture de Rimouski, M.
Castonguay était bien préparé à travailler à
la solution des problèmes des cultivateurs. Il s'est donné
d'ailleurs à cette tâche avec un zèle qui l'honore. Son
opinion sur plusieurs questions agricoles a été fort utile au
gouvernement.
Son absence se fera grandement sentir à l'Assemblée
législative qui a pu profiter à maintes occasions depuis trois
ans de ses solides connaissances en matière agricole ainsi que de son
expérience dans le domaine des affaires municipales.
Esprit ouvert et très compréhensif, M. Castonguay
accueillait en bon père de famille les demandes nombreuses que lui
présentaient ses électeurs et il ne ménageait ni son temps
ni son dévouement pour trouver les solutions les meilleures et tenter
d'obtenir justice pour tous.
À Mme Castonguay et à tous les membres de sa famille, je
renouvelle l'expression de nos profondes condoléances.
M. Johnson: M. le Président, vous ;, comprendrez que je
considère de mon devoir d'associer ma voix et celle de l'Opposition aux
regrets et aux sympathies que le premier ministre a exprimés à
l'occasion du décès récent de l'un des membres de cette
Assemblée législative, l'honorable député de
Matane, qui a siégé pendant de trop courtes années.
M. le Président, lorsque nous nous retrouvons, même
inopinément, en session après à peine un mois et quinze
jours de la fin d'une précédente session qui a duré
longtemps, lorsque nous nous retrouvons ici et que nous constatons qu'il manque
l'un des membres, non pas pour une absence temporaire, une absence
justifiée par la maladie comme c'est le cas de plusieurs de nos
collègues tant d'un côté que de l'autre, mais lorsque nous
constatons qu'il en manque un parce qu'il a été appelé
devant le Juge éternel, je ressens, moi, l'un des doyens de cette
Chambre, une douleur qu'il n'est pas facile d'exprimer, même quand il
s'agit de collègues de la droite, puisque, devant la mort, cette grande
niveleuse, c'est l'aspect humain qui nous frappe beaucoup plus que l'aspect
politique ou l'aspect partisan.
Je ne connaissais pas personnellement M. Castonguay, mais je savais
qu'il avait été, dans sa carrière, l'un des cultivateurs
professionnels les plus actifs, qu'il avait consacré beaucoup de son
temps aux associations agricoles, entre autres à l'UCC dont il avait
présidé les destinées pour le diocèse de Rimouski.
J'avais même exprimé dans le temps le regret que le gouvernement
n'ait pas jugé à propos d'appeler dans son cabinet un
véritable cultivateur et j'avais nommément désigné,
ce que le premier ministre n'a pas cru, le député de Matane.
Je crois, par les renseignements que m'ont fournis nos organisateurs
dans ce comté, par les contacts que j'ai eus avec ses amis intimes et
par quelques contacts que je regrette avoir été trop peu nombreux
dans le temps, que M. Castonguay, sous un couvert agressif, avait quand
même été l'un de ces coeurs qui nous font estimer nos
concitoyens.
M. Castonguay a fait son possible pour son comté. Il s'est
usé à la tâche. Je voudrais offrir à sa famille les
sympathies bien senties de tous les membres de l'Opposition et mes sympathies
personnelles.
M. le Président, vous me permettrez aussi de rendre hommage cet
après-midi et d'offrir des sympathies tout à fait
spéciales à une famille qui a été
éprouvée depuis la fin de la dernière session, la famille
de l'honorable conseiller législatif Lesage, ancien député
d'Abitibi-Ouest, député de 1936 à
1939 et de 1944 à 1952. M. Emile Lesage, que la plupart d'entre
nous, de ce côté-ci de la Chambre, avons connu intimement,
était l'un de ces pionniers de l'Abitibi, l'un de ces immigrés en
Abitibi, comme, d'ailleurs, le député actuel d'Abitibi-Ouest qui
avait tout de suite adopté pour son pays d'adoption une attitude
agressive, je dirais, vis-à-vis de la politique. Très jeune, il
se fit élire, peut-être en 1935, la mémoire me fait
défaut, mais certainement en 1936, comme député
d'Abitibi-Ouest. Il fut reconnu à juste titre comme le père du
comté d'Abitibi-Ouest puisqu'il y consacra tous les immenses talents
dont la Providence l'avait doté et une de ces énergies dont je
cherche encore le secret et la source.
L'honorable Emile Lesage, qui connut la défaite en 1952, a pu
continuer à servir la province lorsque, par l'autorité du premier
ministre du temps, qui était l'un de ses amis intimes, l'honorable
Maurice Duplessis, il fut appelé au Conseil législatif. Et
là encore, jusqu'à ce que la maladie le frappe, l'honorable Emile
Lesage fut très actif dans l'intérêt de son comté et
sur le plan plus général de la province.
Vous me permettrez d'offrir à son épouse et à ses
enfants distingués, à son épouse éplorée nos
sympathies les plus senties en même temps que le témoignage de
l'affection que nous garderons longtemps pour l'ancien député
d'Abitibi-Ouest.
M. Lesage: M. le Président, je n'ai eu l'occasion de rencontrer
l'ancien conseiller législatif Lesage que très brièvement
à quelques reprises, malgré que, m'a-t-il dit une fois, nous
descendions de la même source. Mais je ne sais pas quel était le
degré de parenté. Lorsque j'ai rencontré M. Lesage, j'ai
pu constater qu'il était d'une grande affabilité. J'ai fait,
entre autres, une fois, une partie du trajet sur le train de Québec
à l'Abitibi et c'est cette fois-là que j'ai eu le plus longtemps
l'occasion de causer avec lui.
J'ai eu l'occasion, lors de son décès, de présenter
les sympathies du gouvernement et mes condoléances personnelles à
la famille et je me joins au chef de l'Opposition aujourd'hui pour les
renouveler.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Correspondance du premier
ministre au sujet des
pensions de retraite et
des travaux municipaux
Maintenant, M. le Président, avec le consentement de la Chambre,
je voudrais déposer sur la table copie d'une lettre qui m'a
été adressée par le premier ministre du Canada, le 3
août, et copie de ma réponse datée du 16 août sur le
sujet des pensions de retraite.
Également, avec le consentement de la Chambre, je voudrais
déposer sur la table copie d'une lettre reçue du ministre
fédéral des Finances, lettre datée du 8 août 1963,
et copie de ma réponse datée du 9 août 1963 au sujet du
projet de loi que nous étudierons cet après-midi.
M. le Président: Consentement de la Chambre pour déposer
ces documents. Adopté.
Prise en considération du discours du
trône
M. Lesage: M. le Président, je propose, secondé par le
ministre des Affaires culturelles, que la prise en considération du
discours du trône ait lieu immédiatement. M. le
député de Kamouraska.
M. le Président: La motion est-elle adoptée?
Adopté.
Adresse au lieutenant-gouverneur
M. Dallaire: M. le Président, j'ai l'honneur de proposer,
secondé par M. O'Reilly, que l'adresse suivante soit votée et
présentée à l'honorable lieutenant-gouverneur. "À
l'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec, nous, les
membres de l'Assemblée législative du Québec,
réunis en session, vous prions de bien vouloir agréer, avec
l'assurance de notre fidélité à Sa Majesté, nos
humbles remerciements pour le discours qu'il vous a plu de prononcer afin de
faire connaître les motifs de la convocation des Chambres."
M. O'Reilly: I have the honor and privilege to second the honorable
Member for Kamouraska and I think it is an example set by him and I for the
rest to follow in the new session.
M. Johnson: M. le Président, nous en sommes rendus au
débat sur l'adresse en réponse au discours du trône et,
même si j'ai promis, au nom de mes collègues que j'ai
consultés ce matin, de faciliter l'expédition des affaires de la
province, je ne puis pas manquer à l'élémentaire
règle de politesse et féliciter le proposeur et le secondeur de
l'adresse en réponse au discours du trône. Le sympathique
député de Kamouraska, maire, évidemment, avait un droit
acquis à cette fonction extrêmement importante et
traditionnellement réservée à ceux qu'on espère
faire entrer au cabinet ou que l'on veut consoler de n'être pas
entrés au cabinet. Je félicite le député de
Kamouraska pour la mesure dont il a fait preuve cet après-midi. C'est un
homme de peu de
paroles, c'est un homme très au point et Sa Majesté sera
très heureuse de savoir qu'il n'a trouvé aucun sujet de critique
contre l'administration du gouvernement de Sa Majesté depuis la
dernière session.
Quant au député de Verdun, M. le Président, je
crois que c'est à lui que s'applique davantage ce deuxième point
de mon aphorisme que le poste de secondeur à l'adresse qu'on voudrait
faire en réponse au discours du trône revient à ceux que
l'on veut consoler de n'avoir pas accédé au cabinet des
ministres.
I am sure, Mr. Speaker, that the Member for Verdun deserved this honor
of being the seconder of this motion, and this is one of the greatest, if not
the only "booby prize" that can be awarded to a man who could have expected to
enter the Cabinet to represent the Irish Canadians.
M. le Président, je félicite donc...
M. O'Reilly: Mr. Speaker, on a point of privilege, I think the Leader of
the Opposition has a little of the Irish blood running in him whether he likes
it or not; it is alright for him to say that the representative in this House
of the Irish people has the honor to second the Speech from the Throne, but I
would like him to withdraw the "booby prize". I am a booby to nobody.
M. Johnson: Mr. Chairman, I will take the honorable Member's word and I
will note that being a booby to the Prime Minister and to Mr Kierans is being a
booby to nobody.
M. le Président...
M. O'Reilly: Mr. Speaker, may I ask the honorable Member to withdraw the
word "booby"? Another Cabinet Member whose name has been mentioned... I do not
think I can put words in the Opposition Leader's mouth, but I think the word
"booby" is not proper and is not respectful in this House.
M. Johnson: M. le Président, vous m'excuserez de n'avoir
peut-être pas l'expression juste en anglais, mais je voulais dire un prix
de consolation. M. le Président, je félicite donc le
député de Kamouraska et le député de Verdun et je
serai très heureux d'aller dans le comté de Kamouraska dire que
leur député a fait l'un de ses meilleurs discours cet
après-midi. Quant à l'Opposition, malgré le droit que lui
accordent le règlement, la constitution et la tradition du régime
parlementaire britannique, elle a décidé de renoncer à son
droit de parole et de réserver toutes ses énergies pour parler du
bill no 1.
Adopté.
M. Lesage: M. le Président, si le chef de l'Opposition a
décidé de réserver toutes ses énergies pour le bill
no 1, ça lui a pris beaucoup de salive pour ne rien dire pendant
plusieurs minutes.
M. Johnson: Je m'excuse d'avoir parié de deux
députés libéraux!
M. Lesage: Il est évident que le député de
Kamouraska et le député de Verdun sont des hommes sages,
contrairement au chef de l'Opposition, évidemment. Et le chef de
l'Opposition, dans ses commentaires cauteleux, a réussi à
insulter tout le monde, selon son habitude.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement.
Croyez-vous, M. le Président, que ce soit de la part du premier ministre
une manière polie de m'accuser injustement d'avoir insulté tout
le monde? Si c'est une insulte de parler des mérites du
député de Verdun qui n'ont pas été reconnus par le
premier ministre, je le regrette. Je trouve que le député de
Verdun aurait fait un excellent ministre pour représenter les Canadiens
de langue anglaise. Si c'est une insulte au premier ministre de discuter de son
jugement, je dirai au premier ministre que je ne suis pas le seul à
discuter du bien-fondé de sa décision.
M. Lesage: M. le Président, il appartient au premier ministre de
reconnaître les mérites de ses députés, suivant le
jugement qu'il exerce. Et la seule façon de le faire, ce n'est pas de
nommer un député ministre. Évidemment, le chef de
l'Opposition a été habitué à vivre sous la
férule de fer d'un de mes prédécesseurs. Cela lui a pris,
lui, douze ans à être reconnu et il n'y a aucun doute que c'est sa
proore expérience personnelle qui a motivé ses paroles. Il a
dû, au cours de sa carrière, proposer ou seconder l'adresse en
réponse au discours du trône; à ce moment-là, il a
senti qu'il se faisait donner un prix de consolation et il s'imagine que c'est
vrai pour tout le monde.
M. Johnson: C'était vrai à part celai
M. Lesage: Je suis satisfait de l'admission du chef de l'Opposition et
je lui dis que, dans le Parti libéral, dans le parti que je dirige, ce
n'est pas comme cela que les choses se passent. Les raisons pour lesquelles mon
choix s'est arrêté sur le député de Kamouraska et
sur le député de Verdun sont bien simples, et même, j'ai
donné ces raisons à chacun d'eux. C'est que tous les deux sont
maires de municipalités et que la session a été
convoquée spécialement pour étudier un projet de loi qui a
trait à un problème sérieux pour ces
municipalités.
Je les remercie tous les deux d'avoir
accepté de répondre affirmativement à ma demande et
je les félicite également de leur concision et de leur
précision. Je souhaite que le chef de l'Opposition suive leur
exemple.
M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?
Adopté.
Travaux de la Chambre
M. Lesage: M. le Président, avant que j'appelle la
deuxième lecture du bill no 1, j'ai pensé que nous pourrions
peut-être dire un mot des heures de séance. Le chef de
l'Opposition m'a exprimé au téléphone l'avis qu'il y
aurait lieu de siéger le matin. Quant à moi, je suis
disposé à le faire à 10 h 30, sauf demain matin; s'il y
avait moyen que ce soit à 11 heures seulement, parce que nous devons
avoir une séance du Conseil des ministres à 9 heures. Mais,
évidemment, nous sommes, le chef de l'Opposition et moi, entre les mains
des députés et, si les députés veulent exprimer
leur opinion, je pense que nous serions heureux de la connaître.
M. Johnson: M. le Président, conformément à ce que
j'ai dit, nous voulons hâter le travail sans précipitation et nous
serions heureux de consentir à siéger demain matin, à 11
heures, si ça convient mieux au premier ministre, plutôt
qu'à 10 heures et demie. Cependant, je voudrais répéter au
premier ministre qu'après la courte allocution du ministre des Affaires
municipales, la très courte intervention que je ferai au nom de
l'Opposition et peut-être la minime et négligeable intervention au
point de vue du temps que fera le premier ministre de la part du gouvernement,
nous aimerions avoir l'ajournement, quelle que soit l'heure, afin de permettre
à d'autres collèques qui n'en ont pas eu le temps
d'étudier le problème, qui n'ont pas eu les facilités de
le faire de se préparer. Mieux ils seront préparés, plus
nous serons brefs, c'est le cas de le dire.
M. Lesage: Plusieurs copies du bill sont entre vos mains depuis lundi
matin.
M. Johnson: M. le Président, oui, mais plusieurs collègues
étaient très éloignés et plusieurs collègues
ont tenté d'en obtenir des copies. L'un de nos collègues a
écrit, il y a dix jours, au greffier de l'Assemblée
législative pour demander une copie du bill, mais il n'a pas eu de
réponse encore. Ce matin, quelques collègues se sont
adressés, je crois, à la distribution et d'autres au greffier et
ont demandé des copies du bill et on leur a répondu: Appelez le
premier ministre. M. le Président, nous ne savions pas que c'est le
premier ministre qui menait le service de l'orateur; si vous ne le saviez pas,
je vous en informe. Il arrive que les collègues
préféreraient, après l'allocution du premier ministre, qui
sera sans doute remplie d'arguments qui méritent d'être
étudiés, pesés, avoir l'ajournement. À cette
condition-là, nous serons prêts à collaborer.
M. Lesage: Cela va, M. le Président, mais le chef de l'Opposition
sait fort bien que le greffier ou le bureau de distribution n'a pas le droit de
donner des projets de loi à qui que ce soit quand le projet de loi n'a
pas été lu en première lecture. Et, M. le
Président, c'est pour aider l'Opposition que, vendredi, j'ai fait
parvenir non seulement des copies du bill, mais deux épreuves, des
épreuves; je n'avais même pas encore le projet de loi
imprimé. Lundi matin, par exemple, j'ai fait parvenir plusieurs copies
du bill, quatre; il doit y avoir au moins trois députés qui sont
prêts à parler. Enfin, nous suspendrons le débat parce que
je connais le chef de l'Opposition et, à six heures, je n'aurai
peut-être pas fini de parler moi-même.
M. le Président: Deuxième lecture du bill no 1.
Bill no 1 Deuxième lecture M. Pierre
Laporte
M. Laporte: M. le Président, puisque quelques semaines à
peine nous séparent de la fin de la session régulière et
que nous voilà de nouveau réunis, en session spéciale
cette fois, je pense qu'il y a lieu de nous demander d'abord pour quelle raison
il a fallu réunir la Législature et pour quelle raison la
réunir maintenant. La raison essentielle, c'est que, pour donner suite
à notre projet d'effectuer des prêts aux municipalités tel
que prévu par le bill no 1, il nous fallait une autorité
législative qui n'existe dans aucune loi de la province de Québec
actuellement, ni dans la loi de la Commission municipale, qui sert pourtant
à de si nombreuses fins aux administrations municipales; ni dans la loi
pour favoriser et garantir certains prêts fédéraux aux
municipalités; ni dans la loi concernant certains travaux municipaux; ni
même dans la loi de 1958, votée par l'Union Nationale,
modifiée et abrogée par le Parti libéral, loi concernant
les emprunts municipaux en matière de chômage.
M. le Président, nous avions besoin d'une autorité
législative. Quant à signer une entente avec le gouvernement
fédéral pour donner suite aux pourparlers qui ont eu lieu il y a
quelques semaines, nous aurions pu le faire directement sans consulter les
Chambres. Nous n'avons pas voulu le faire,
nous avons préréfé, comme il était normal,
consulter les représentants des citoyens. On a dit tout à l'heure
que la loi n'était pas encore proclamée à Ottawa, c'est
vrai. Mais il reste que, dans ce bill, la limite pour une province pour donner
son adhésion, pour demander d'avoir l'administration du système,
c'est le 31 octobre 1963. On doit donc présumer que la loi sera
proclamée très bientôt et nous avions le devoir
d'être prêts.
Nous avons fait une session pour la raison essentielle que nous voulons
que toutes les municipalités de la province de Québec soient en
mesure de profiter de cette loi le plus rapidement possible. Nous savons tous,
et j'en profite pour féliciter les deux maires qui ont été
les proposeur et secondeur de l'adresse en réponse au discours du
trône, eux savent particulièrement que la procédure en
matière municipale est généralement assez lente et qu'il
faut agir immédiatement afin que nous ayons, dès l'hiver qui
vient, une arme nouvelle pour combattre le chômage dans la province de
Québec.
M. le Président, le seul désir de hâter les choses
eût été suffisant pour justifier la présente
session, mais il y a une raison bien plus impérieuse encore. La
décision prise par le gouvernement fédéral d'assumer sa
responsabilité en matière de chômage en offrant des
prêts aux municipalités nous oblige à prendre sans
délai des mesures qui sauvegarderont les droits du gouvernement de la
province de Québec.
M. le Président, les actes posés par le gouvernement
fédéral étant en bonne partie à l'origine de la
session spéciale que nous tenons actuellement, on peut se demander
comment le gouvernement d'Ottawa en est venu à la décision
d'offrir des prêts et des subventions aux municipalités.
Je pense que nous poser la question n'est pas simple curiosité.
On pourra ainsi peut-être trouver le moyen d'éviter que les
mêmes causes ne produisent les mêmes effets à l'avenir.
J'affirme qu'à l'origine du problème que nous avons
à résoudre aujourd'hui, il y a un corps intermédiaire, un
"pressure group": la Fédération canadienne des maires et des
municipalités.
Ce n'est pas la première fois que je parle de cet organisme et je
veux apprendre à cette Chambre que, depuis neuf ans, d'année en
année, la Fédération canadienne des maires et des
municipalités s'est adressée aux autorités
fédérales pour réclamer ces prêts aux
municipalités qui font l'objet de la présente session.
Elle y est revenue régulièrement tous les ans dans ses
mémoires et elle a persisté à présenter ses
demandes au gouvernement fédéral.
La tentation était forte pour Ottawa, où l'on a
peut-être eu l'impression que la Fédération canadienne des
maires était le porte-parole de toutes les municipalités du
Canada et que les prêts fédéraux seraient acceptés
avec enthousiasme et unanimité dans toutes les provinces.
Les deux grands partis politiques canadiens se sont finalement compromis
et se sont engagés à offrir ces prêts aux
municipalités.
La fédération avait gagné son point: au lieu de
chercher auprès des gouvernements provinciaux la solution aux
problèmes municipaux, elle avait convaincu Ottawa de violer la
constitution.
Son président actuel, le maire J.W. Akerley de Darmouth, a
tenté de brouiller les cartes et de mettre de côté, du
revers de la main, la constitution du Canada lorsqu'il écrivait, et je
cite: "Il n'est pas réaliste de scinder le développement national
en plusieurs champs de juridiction, ou d'établir des distinctions
absolues entre les diverses autorités quant aux finances."
Mais il est une chose, M. le Président, en dépit de tous
les mémoires de la Fédération canadienne des maires et des
municipalités, en dépit des lettres de son président, en
dépit des éditoriaux que nous avons lus dans certains quotidiens
du Canada, toutes ces choses n'ont rien changé et ne changent rien
à la constitution du Canada.
L'article 92 est clair: "Dans chaque province, la Législature a
le droit exclusif de légiférer sur des matières qui
entrent dans les catégories et sujets ci-après
énumérés." Et au 8e paragraphe, on lit: "Les institutions
municipales dans la province".
Voilà la lettre de la constitution.
Quant à son esprit, on pourrait se référer
principalement à deux jugements du Conseil privé.
Dans Hodge vs the Queen, 1883, le Conseil privé a confirmé
l'autorité de la province à l'intérieur des cadres de sa
juridiction, dit le Conseil privé; la Législature provinciale
exerce une autorité suprême et dispose d'un pouvoir semblable
à celui que le Parlement impérial ou encore le Parlement du
Dominion pourrait avoir si le cas se présentait d'habiliter par loi une
institution municipale ou une autre de ces créatures à
réglementer et régir en domaines précis.
Dans une autre cause, celle de Ladore vs Bennett, de 1939
celle-là, le Conseil privé a déclaré,
conformément à l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, que la province dispose d'un pouvoir exclusif en
matière de législation municipale; souveraine dans le cadre de
ses pouvoirs constitutionnels, la province est donc chargée de
l'organisation locale de ses citoyens sous forme d'institution municipale.
Il est donc clair, M. le Président, qu'en matière de droit
municipal, l'autorité appartient exclusivement aux gouvernements
provinciaux.
Dans le passé, à plusieurs reprises, on a invoqué
deux autres arguments pour justifier une intrusion du gouvernement
fédéral dans ce domaine; le premier, c'est la "dimension
nationale". Dès qu'un problème dépasse les limites d'une
province, dès qu'un problème intéresse quelques provinces,
il y aurait "dimension nationale" et le gouvernement d'Ottawa serait
justifié d'intervenir.
Et le deuxième argument, on a parlé de la
"responsabilité du gouvernement fédéral en matière
de lutte contre le chômage," responsabilité qui lui permettrait de
pénétrer dans un domaine qui ne relève pas de lui en vertu
de la constitution.
Ces deux arguments ne tiennent pas davantage, M. le Président.
Défendre la théorie de la "dimension nationale", c'est nier le
fédéralisme lui-même par les assises juridictionnelles des
deux autorités au Canada; l'autorité fédérale et
l'autorité provinciale reposent essentiellement sur les articles 91 et
92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Les rubriques de ces deux articles partagent les pouvoirs
législatifs entre les deux gouvernements et attribuent à chacun
une sphère d'activités déterminée et une
juridiction exclusive.
C'est un des caractères fondamentaux du
fédéralisme.
Dans un livre récent: "Récent developments in Canadian
Federalism", M. D. R. Rowat écrivait, en 1952: "Le régime
fédératif doit posséder une constitution écrite qui
partage les pouvoirs des gouvernements entre les deux ordres, attribue des
pouvoirs exclusifs à un des deux ordres, au moins, et exerce sa
suprématie et son contrôle sur les deux, de façon qu'aucun
ne puisse s'approprier des pouvoirs unilatéralement."
Et Whear, dans "Federal Government" de 1951, écrivait: "By
federal principle, I mean the method of dividing powers so that the general and
regional governments are each within a sphere, coordinate and independent."
Rompre avec ce principe du partage des pouvoirs entre les deux
autorités, c'est rejeter le fédéralisme.
D'ailleurs, M. le Président, là encore, le Conseil
privé s'est exprimé.
Dans les premières années de la
Confédération, des décisions de 1882 et 1896, par exemple,
dans les causes de Russel vs the Queen et the Attorney Genera! for Ontario vs
the Attorney General for Canada, le Conseil privé s'est prononcé
à l'époque en faveur d'une large interprétation des
pouvoirs fédéraux.
En 1925, l'argument de la dimension nationale fut complètement
rejeté par le Conseil privé dans la cause de Toronto Electric
Commissioners vs Snider. Le Conseil privé a écrit: "Au jugement
de Leurs Seigneuries, il n'est pas encore admis qu'il faille considérer
la cause Russel vs the Queen comme établissant la doctrine
générale à l'effet que la seule raison qu'une loi
fédérale concourt à l'avantage général du
Canada, ou est de nature à répondre à un simple besoin
ressenti dans tout le Dominion, la rend valide, si on ne peut la faire entrer
dans les rubriques énumérées expressément à
l'article 91. Au contraire, si le sujet tombe sous l'une des rubriques
énumérées à l'article 92, ladite législation
relèvera exclusivement de la juridiction provinciale."
La théorie de la dimension nationale sera reprise aussi longtemps
que vivra la constitution du Canada.
Il faut espérer que les provinces et aussi les pouvoirs
judiciaires feront bonne garde pour maintenir cette théorie à
l'intérieur des prescriptions de la constitution du Canada.
Quant au chômage, M. le Président, il est clair qu'il
existe au Canada un problème de chômage.
Il est clair que la solution de ce problème est partiellement une
responsabilité du gouvernement fédéral. Est-ce à
dire que, pour s'en acquitter, le gouvernement central puisse s'ingérer
dans des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence? Non.
Là aussi, c'est le fédéralisme qui est en jeu.
Si une seule autorité s'empare de tous les revenus ou d'une
portion indue des revenus, c'en est fait du fédéralisme. Ce
serait là la résurrection de la théorie voulant qu'Ottawa
puisse percevoir des fonds pour des fins qui relèvent d'une autre
autorité.
Là aussi, le Conseil privé s'est prononcé. Il
reconnaît implicitement l'existence du fédéralisme dans le
domaine fiscal et nie au Parlement central un pouvoir absolu et
illimité. Il va même jusqu'à esquisser le principe qui doit
gouverner l'utilisation des pouvoirs fiscaux et je cite: "Le Parlement du
Canada ne peut utiliser son droit de taxation de façon à
détruire le pouvoir des autorités légalement
constituées par les provinces." C'est une cause de 1924.
Et le Conseil privé précise: "Il n'y a aucun doute en ce
qui concerne le pouvoir de taxation du Parlement du Dominion. Mais si la taxe
telle qu'imposée est reliée à un objet illégal,
ladite taxe ne peut subsister."
Dans la cause de Attorney Genera! for Canada vs Attorney General for
Ontario, 1937, le Conseil privés s'est directement attaqué
à la thèse voulant qu'Ottawa puisse percevoir des fonds pour
toutes fins.
Il déclare: "Mais en supposant que le Dominion ait
constitué un fonds au moyen d'un impôt, il
ne s'ensuit guère qu'une loi qui en dispose soit
nécessairement du ressort de la juridiction fédérale.
Cette loi peut encore viser les catégories de sujets
énumérés à l'article 92, et alors elle
dépasserait la compétence du Parlement. En d'autres termes, la
législation fédérale, même si elle s'applique
à la propriété fédérale, peut encore
être conçue de manière à empiéter sur les
droits civils dans la province ou sur les catégories de sujets
réservés à la juridiction provinciale. Il n'est pas
nécessaire, dit le Conseil privé, que ce soit pour une raison
plausible ou sous un prétexte. La loi est invalide si, d'après
son intention véritable, on constate qu'en réalité, par sa
nature même, elle empiète sur des droits civils dans la province
ou sur d'autres catégories de sujets du domaine provincial. Une
décision contraire permettrait au Dominion d'empiéter facilement
sur le domaine provincial."
Par ces mots, M. le Président, le Conseil privé
établit clairement que le fédéral ne peut s'immiscer dans
des domaines réservés aux provinces même pour combattre le
chômage.
C'est d'ailleurs là une autre condition essentielle du
fédéralisme.
Et telles sont donc d'abord la loi: l'article 92 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique; et la doctrine qui rejette et la
"dimension nationale" et le prétexte du chômage pour intervenir
dans un domaine provincial.
Il est donc clair que la lettre et l'esprit de la constitution
s'opposent à l'entrée du gouvernement fédéral dans
un domaine de juridiction provinciale, mais il est quand même des gens
pour invoquer un autre argument, prétendant qu'Ottawa serait
justifié quand même d'intervenir lorsque les provinces refusent ou
négligent d'occuper un secteur de leur juridiction.
Cette théorie me paraît indéfendable, mais
même ses avocats les plus éloquents conviendraient qu'elle ne
s'applique pas au cas qui nous réunit aujourd'hui.
Dans le domaine du droit municipal, en effet, la province de
Québec a occupé sa juridiction avec célérité
et avec compétence.
Déjà, sous le régime anglais, le système
municipal a commencé à s'implanter chez nous. Soixante-quinze ans
après la cession du Canada à l'Angleterre, Lord Durham, dans son
célèbre rapport de 1838, mentionnait les institutions municipales
du Bas-Canada.
Le rapport recommandait, entre autres choses, la mise sur pied de
gouvernements municipaux forts. Est-ce à la suite de ces
recommandations? Peut-être, mais, après sa parution, on a vu le
système municipal s'implanter progressivement dans la province de
Québec.
En 1855, on a adopté notre première loi organique
municipale appelé Acte des municipalités et chemins du
Bas-Canada.
En 1870, ce fut l'adoption du Code municipal suivi six ans plus tard de
la Loi des clauses générales des corporations qui devait devenir
notre Loi des cités et villes.
Notre organisation municipale, pour résumer, M. le
Président, est donc bien structurée. Dans ce domaine, la province
a occupé avec célérité et efficacité tout le
terrain que lui confiait expressément la constitution. Nos
municipalités reçoivent d'année en année, soit par
des amendements aux lois générales en cette Chambre, soit par des
projets, des bills privés qui sont étudiés devant les
comités de la Chambre, nos municipalités reçoivent sans
trop de difficulté le moyen de s'adapter aux changements
provoqués par le développement extraordinaire dont notre pays est
actuellement le théâtre.
Récemment encore, l'administration libérale qui dirige
actuellement la province de Québec répondait d'avance à
deux demandes formulées dans le mémoire que présentait
récemment la Fédération canadienne des maires et des
municipalités à la Conférence des premiers ministres
réunis à Halifax, demandes qui portaient sur l'étude des
finances municipales et l'établissement de relations plus suivies entre
les gouvernements provinciaux et les municipalités. En effet, le premier
ministre du Québec annonçait récemment la tenue d'une
enquête royale sur la fiscalité provinciale et municipale,
enquête qui est actuellement en cours. Il y a quelques mois,
j'annonçais la création d'un comité consultatif municipal
formé de représentants de l'Union des municipalités de la
province de Québec, de l'Union des conseils de comté et des
principales associations d'administrateurs municipaux. Ce comité a
déjà tenu plusieurs séances et l'on peut dire que c'est un
trait d'union permanent entre le ministère des Affaires municipales et
les municipalités du Québec.
Nous avons donc accepté tout le terrain qui était le
nôtre. La constitution déclare que les municipalités
relèvent des provinces, mais, devant les pressions qu'exerçait en
particulier la Fédération canadienne des maires sur le
gouvernement fédéral, nous avons quand même craint qu'il ne
décide d'intervenir dans le domaine des municipalités. Et, au nom
du gouvernement de la province de Québec, après avoir
consulté mes collègues du cabinet, le premier ministre en
tête, j'ai donc cru de mon devoir de mettre le gouvernement d'Ottawa en
garde contre cette intrusion.
Le 26 mars 1963, devant la Chambre de commerce de Montréal, je
posais le problème du respect intégral du pouvoir exclusif que
possèdent les provinces de légiférer en matière de
droit municipal. Je soulignais les craintes que faisaient naître
dans la province les promesses électorales des deux grands partis
politiques qui proposaient de consacrer des sommes d'argent à la
solution de problèmes municipaux. Je déclarais ce qui suit: "Si
le gouvernement fédéral, quel qu'il soit, a de l'argent à
consacrer à l'étude ou à la solution de problèmes
municipaux, cet argent appartient de plein droit à l'autorité
provinciale, car elle seule est autorisée à s'occuper de ces
problèmes. Les provinces devraient prendre des mesures pour
récupérer ces sources de taxation qui sont ultra vires des
pouvoirs fédéraux et dont elles ont grand besoin." "Le
gouvernement de la province de Québec, pour sa part, résistera
à toute ingérence fédérale dans les matières
qui sont du ressort des municipalités et il insistera pour mettre
lui-même à la disposition des gouvernements municipaux les sommes
d'argent qu'Ottawa leur destine et qui devront être
rétrocédées au gouvernement provincial."
M. le Président, nos craintes étaient malheureusement
fondées car, quelques semaines plus tard, précisément
devant le congrès annuel de la Fédération canadienne des
maires et des municipalités, le premier ministre du Canada, à
Toronto, annonçait un projet de prêts fédéraux aux
municipalités.
Le gouvernement québécois a réagi sans
délai. Le 5 juin, le premier ministre du Québec écrivait
à M. Pearson pour lui demander d'ajourner l'étude de ce projet de
loi. Il déclarait dans sa lettre, et je cite: "C'est l'opinion du
gouvernement de la province de Québec qu'il serait impérieux de
nous laisser suffisamment de temps pour prendre connaissance du projet de loi,
l'étudier et vous faire tenir nos commentaires." "La suggestion du
gouvernement de l'État du Québec est la suivante: la
conférence des premiers ministres des provinces doit se réunir
à Halifax dans la première semaine du mois d'août. M.
Laporte a l'intention, à l'occasion de cette réunion, de
convoquer les ministres des Affaires municipales des autres provinces pour
étudier toutes les implications du projet de loi que vous vous proposez
de soumettre aux Chambres. Nous serions ensuite en mesure de faire valoir notre
point de vue." "Auriez-vous l'obligeance, pour que cette consultation soit
possible et utile, d'ajourner l'étude du projet de loi
jusqu'après la conférence des premiers ministres des
provinces."
Le bill fut quand même déposé à la Chambre
des communes et on en connaît l'essentiel avant qu'il ne soit
amendé; intitulé Loi sur le développement et les
prêts municipaux, il prévoyait la création d'un office de
développement municipal et des prêts municipaux, office qui serait
autorisé à consentir directement des prêts aux
municipalités pour l'exécution de travaux
d'équipement.
Le projet de loi limitait non seulement la nature des travaux à
être exécutés, mais précisait que l'on devait
fournir la preuve que, sans le prêt fédéral, ces travaux
n'auraient pas été exécutés.
La province n'intervenait pas du tout, sauf pour approuver les
démarches de la municipalité et transmettre le dossier à
Ottawa.
Si les travaux étaient terminés avant le 31 mars 1966, le
gouvernement fédéral renonçait à 25% du capital
prêté, ce qui constituait une subvention directe du gouvernement
fédéral aux municipalités.
En somme, la transaction se faisait sans intermédiaire entre le
gouvernement fédéral et les municipalités, la province
n'ayant qu'à opiner du bonnet au passage.
C'était inacceptable et la province décida
immédiatement de ne pas l'accepter. Le bill fut étudié
à la Chambre des communes.
On parla pour la première fois d'une rencontre
fédérale-provinciale. M. Walter Gordon, ministre chargé de
défendre la loi et l'exécuter ensuite, déclara que les
droits des provinces seraient parfaitement protégés.
Le 17 juin, le projet de loi subissait l'épreuve de sa
première étape importante à la Chambre des communes.
Le 26 juin, l'Assemblée législative intervenait et
adoptait à l'unanimité une résolution déclarant que
le projet de loi fédéral constituait "une atteinte grave à
la compétence exclusive et à l'autonomie de la province en
matière d'institutions municipales".
Le lendemain, 27 juin, on apprenait qu'Ottawa maintenait son attitude,
que le projet serait adopté rapidement sans consulter les provinces.
Le 11 juillet, le premier ministre de la province de Québec
intervenait de nouveau sous forme de lettre auprès de M. Pearson. Cette
lettre siqnale l'adoption de la résolution par l'Assemblée
législative et ajoute que tous ses membres, je cite,
"considéraient comme un manquement à votre engagement de
gouverner dans le respect absolu des droits des provinces le fait de
procéder à constituer unilatéralement un fonds de
prêts aux municipalités".
Quelques jours plus tard, Se gouvernement d'Ottawa annonçait sa
décision de convoquer une conférence
fédérale-provinciale pour discuter de la chose.
M. le Président, grâce à l'attitude ferme de
l'Assemblée législative, grâce à l'attitude
très ferme du premier ministre de la province de Québec, nous
avions dès lors gagné la première manche.
M. le Président, deux journaux, entre autres, un de
Montréal, le Devoir, et un de
Winnipeg, le Manitoba Cooperative, ont exprimé l'avis que le
gouvernement fédéral avait agi sagement en convoquant une
conférence.
C'était sans doute l'opinion de tous les gens qui jugeaient que
les problèmes du chômage et ceux des municipalités
n'étaient pas à ce point aigus ou urgents qu'il faille, pour
tenter de les résoudre, risquer d'embrouiller encore davantage les
problèmes constitutionnels et risquer de compromettre l'avenir
même de la Confédération canadienne.
L'intrusion d'Ottawa dans le domaine municipal nous paraissait
intolérable et nous n'étions pas les seuls à le penser. La
Chambre de commerce de la province de Québec a adopté une
résolution et a écrit une lettre au premier ministre pour appuyer
ses efforts.
La ville de Montréal, non seulement s'est retirée de la
Fédération canadienne des maires et des municipalités,
jugeant sa présence dans cet organisme centralisateur absolument
inacceptable, mais elle a déclaré qu'elle n'accepterait pas de
prêts du gouvernement d'Ottawa; enfin la ville de Beauport, entre autres,
a elle-même adopté une résolution pour appuyer les efforts
du gouvernement de la province de Québec.
Puis, ce fut la conférence intergouvernementale. Rappelons, M. le
Président, dans quelle atmosphère la délégation de
la province de Québec est arrivée à Ottawa. Son attitude,
non seulement soulevait la curiosité, voire les inquiétudes, mais
certains croyaient que cette attitude soulèverait l'hostilité du
reste du Canada.
Un journaliste de l'Action catholique avait coiffé un de ses
articles du titre suivant: Le Québec fera cavalier seul.
Un autre journal d'Ontario, le Windsor Star, invitait le gouvernemnet
fédéral à passer outre aux objections des provinces et
à assumer toute la responsabilité de la loi qu'il venait de
proposer. Un autre journal, des Maritimes celui-là, suppliait presque -
où est l'atmosphère? - les autres provinces de ne pas se liguer
contre Québec.
La Fédération canadienne des maires, M. le
Président - on voit ses doigts à toutes les faces de ce
problème - alors même que nous étions réunis
à Ottawa pour discuter d'un problème qui était grandement
de sa responsabilité, la Fédération canadienne insistait
pour que le gouvernement fédéral procède avec
célérité.
Dans une lettre à M. Pearson, elle écrivait que les
municipalités étaient très désireuses de voir la
loi votée sans retard.
Un maire d'une ville du Québec, ex-président de la
même fédération canadienne, déclarait ce
jour-là que cette rengaine de la sauvegarde de l'autonomie est devenue
vieux jeux. Il ajoutait: En principe, les municipalités sont des
créatures, cela règle le cas.
Deux fois, le candidat a dit qu'il avait été deux fois
candidat libéral. Cela règle le cas.
M. Gabias: Il avait été à la bonne école, il
avait été à la bonne école.
M. Laporte: Que le député se rendorme donc. Tout le monde
sait que ce qu'il a de plus profond, c'est son sommeil.
M. Gabias: Cela ne répond pas à la question.
M. Laporte: Repartez donc en tournée dans la province avec votre
petite chandelle qu'il y avait dans la caricature.
M. Gabias: Certainement.
M. Laporte: On va étudier sérieusement ce projet de
loi.
M. Johnson: Est-ce que le ministre de la Jeunesse a fait assez
impression pour que ce soit nécessaire?
M. Laporte: La petite chandelle.
M. Johnson: Oui, oui, la petite chandelle du ministre.
M. Laporte: Si vous avez vu le même journal, c'était une
chandelle assez puissante.
M. Johnson: C'était quasiment un bâton.
M. Laporte: M. le Président, le député de
Trois-Rivières étant venu, comme d'habitude semer la confusion,
nous allons reprendre, si vous me le permettez, l'étude d'une question
évidemment trop sérieuse pour sa compréhension. M. le
Président, je dis que ce maire d'une municipalité du
Québec...
Des voix: À l'ordre, à l'ordre!
M. Gabias: Un point de règlement. Je comprends que vous
connaissez mieux les règlements que le député de Chambly;
je pense, je crois que les termes qu'il a employés sont sûrement
antiparlementaires et il n'a pas le droit d'exprimer, même s'il le croit,
une opinion qui peut être blessante pour un collègue.
M. Laporte: C'est vrai cela. M. le Président, je
réitère mes paroles et je les change par les suivantes: Le sujet
est assez important pour que le député essaie de comprendre.
M. Gabias: C'est parfait. Avec un bon professeur, je vais comprendre,
mais pas
avec lui.
M. Laporte: Ce maire, qui semble bien près du coeur du
député de Trois-Rivières, ajoutait: "En principe, les
municipalités sont des créatures des provinces et doivent
négocier directement avec elles." Du moment qu'on a donné un coup
de chapeau au principe, après cela, on ajoute: "Mais, en pratique, on ne
devrait pas priver les villes de recevoir des revenus qui leur permettraient de
poursuivre leur progrès." Cela, c'est la réconciliation que ce
maire fait entre le principe et la pratique. En résumé, M. le
Président, telle était l'atmosphère à l'ouverture
de la conférence fédérale-provinciale, inquiétude,
hostilité, disaient certains gens. La province de Québec est
allée à la conférence. Elle a pris une attitude ferme,
mais non intransigeante.
Le premier ministre du Québec a déclaré: "Les
autres provinces feront les ententes qu'elles voudront pour l'application de
certains programmes d'origine fédérale, mais le Québec,
lui, demande simplement de pouvoir procéder comme il l'entend dans tous
les domaines de juridiction provinciale et cela, afin de lui permettre de tenir
compte de la situation particulière du Québec en temps
qu'expression politique du Canada français par rapport aux autres
provinces. "Le Québec, disait le premier ministre, et c'est fort
important, n'a nullement l'intention, par ses prises de position et ses
attitudes, de retarder ou d'empêcher de quelque manière que ce
soit l'application de certains programmes d'origine fédérale dans
les provinces du Canada qui désirent la mise en oeuvre intégrale
de ces programmes. Tout ce que le Québec demande, c'est que, dans les
domaines qui relèvent de la juridiction provinciale, il puisse
procéder comme il l'entend, en tenant compte de la situation
particulière du Québec, expression politique du Canada
français par rapport aux autres provinces."
M. le Président, avec une immense satisfaction, au cours de cette
conférence, nous avons constaté que non seulement les autres
provinces ne faisaient preuve d'aucune hostilité à l'endroit des
demandes de la province de Québec, loin de se liguer contre la province,
certains autres gouvernements provinciaux ont emboîté le pas
derrière nos demandes et s'en sont fait les puissants appuyeurs. C'est
ce qui faisait dire à ce même journaliste qui écrivait que
Québec ferait cavalier seul, deux jours plus tard: "Notre province et
son premier ministre étaient devenus des chefs de file dans le
Canada."
M. le Président, contrairement à ce qu'on a vu pendant des
années aux conférences fédérales-provinciales, on a
vu la province de Québec y aller, cette fois-ci, avec des demandes
précises. Pour occuper les loisirs du député de
Chicoutimi, je lui demanderais de vérifier son vote sur la loi de 1958,
qui permettait au gouvernement fédéral...
Une voix: Il était absent de la Chambre.
M. Laporte: ... de donner directement des subventions aux
municipalités. Ils ont voté cela avec un enthousiasme
extraordinaire.
M. Talbot: On en reparlera... M. le Président: À
l'ordre!
M. Laporte: M. le Président, la province de Québec est
arrivée à Ottawa avec des demandes précises, qui sont
essentiellement les suivantes...
M. Lesage: C'était une loi des "bleus", en 1958.
M. Laporte: Oui, oui. C'était la grande réconciliation des
"bleus".
M. Bellemare: On verra cela.
M. Laporte: On ne le verra pas, on l'a vu.
M. Talbot: On a vu la grande soumission des "rouges".
M. Laporte: Il y a une chose très intéressante, M. le
Président, c'est que le premier ministre de l'époque avait
exigé le vote sur les deuxième et troisième lectures,
pensant attraper les libéraux. Mais là, on voit tous les votes
des gens de l'Union Nationale sur cette loi centralisatrice comme on n'en a
jamais vu.
M. Bellemare: On verra cela. On lira la lettre au lieu de la loi.
Une voix: Il n'a même pas compris cela.
M. Laporte: M. le Président, la province de Québec a
demandé quatre choses en particulier: 1.- Que la province seule accorde
des prêts aux municipalités; 2.- Que la province seule accorde des
subventions aux municipalités; 3.- Que la province seule décide
quels travaux seront admissibles pour le prêt provincial; 4.- Que le
province soit assurée de recevoir sa part entière, soit environ
$120,000,000 des $400,000,000 prévus pour tout le Canada.
Avec satisfaction, M. le Président, nous
avons constaté que d'autres gouvernements provinciaux appuyaient
notre point de vue, particulièrement l'Ontario, le Manitoba et la
Saskatchewan. Nous avons constaté avec satisfaction que le gouvernement
fédéral faisait preuve d'une évidente bonne volonté
et qu'il voulait trouver le moyen de donner satisfaction à la province
de Québec. En résumé, les autorités
fédérales ont accepté toutes ces demandes, demandes qui
nous permettent de sauver l'essentiel.
Après l'ajournement de la conférence, le premier ministre
du Québec a dit sa satisfaction et a ajouté que c'était
peut-être le début d'une nouvelle ère dans le
fédéralisme canadien. Il a déclaré:
"L'Assemblée législative, par sa motion votée unanimement
le 26 juin 1963, avait prié le gouvernement du Québec de
défendre l'autonomie municipale en cette matière. Le projet
amendé la respecte entièrement tout en permettant d'atteindre les
buts visés. "Nous avons donc la conviction de nous être pleinement
acquittés du mandat important qui nous a été confié
par la Législature. La province de Québec, dans l'exercice de sa
souveraineté constitutionnelle, disait le premier ministre, administrera
en toute liberté les sommes d'argent qui lui sont destinées. Elle
s'est assurée d'en recevoir sa juste part, compte tenu de sa population.
C'est elle qui déterminera quels travaux municipaux
bénéficieront du système de prêts. "Le gouvernement
du Québec, disait M. Lesage, ne peut que souligner avec satisfaction
l'esprit de coopération du gouvernement fédéral et la
compréhension des diverses délégations provinciales."
M. le Président, une douzaine de journalistes et de journaux au
moins à travers le pays ont exprimé en général le
même avis. Dans la Presse, par exemple: "La Conférence historique
qui s'est terminée samedi a jeté les bases d'un
fédéralisme nouveau." Dans le Soleil: "... l'excellent climat de
la conférence marque le début d'une détente entre les
rapports d'Ottawa et les provinces, c'est indéniable."
L'Événement: "À la suite de cet accord, on comprend bien
que le premier ministre Lesage ait parlé d'une ère nouvelle dans
la Confédération." l'Action catholique: "Les résultats de
la conférence fédérale-provinciale permettent de croire
à l'avènement d'une nouvelle ère dans les relations entre
les provinces et le gouvernement central." Quebec Chronicle Telegraph: "The
meeting has set a pattern for the future confrontations and we hope that when
such a time comes the provinces and the central authority will be able to
resume the dialogue with as much ease and absence of friction."
M. Johnson: Jean-Marc Léger aussi.
M. Laporte: The Gazette... Je vais citer Jean-Marc Léger
bientôt. M. lé Président, la Gazette: "If last week's
conference means that the precedents have been established for more regular
consultation and greater flexibility, it may become one of the most important
in the long series of meetings that have taken place over the years. The new
attitude should have lasting meaning, application and value."
Grâce à l'attitude du Québec, M. le
Président, avant la conférence, lettres du premier ministre, par
la motion adoptée par l'Assemblée législative; grâce
à l'attitude du gouvernement du Québec pendant la
conférence, son attitude ferme et ses demandes précises, il est
probable en effet qu'un nouveau fédéralisme soit né, ou au
moins on peut espérer qu'il naisse, se développe et conditionne
les relations intergouvernementales de l'avenir. Ce nouveau
fédéralisme nous vaudra un plus grand respect de l'attitude des
provinces, un désir plus généralisé de la part des
provinces de voir l'autonomie respectée; plusieurs provinces, M. le
Président, nous en avons maintenant la certitude, se prévaudront
de l'offre d'administrer elles-mêmes les fonds de prêts aux
municipalités. Il est bien probable - et c'est partie du nouveau
fédéralisme -qu'Ottawa ne voudra plus et ne pourra plus agir
unilatéralement dans des domaines qui seront analogues à celui
qui nous réunit aujourd'hui. Et enfin, la formule d'option, "the
contracting out", a été élargie. Dans le programme du
Parti libéral, losqu'on a dit que les provinces qui le voudront pourront
obtenir d'administrer elles-mêmes les plans conjoints actuellement en
vigueur, nous avons obtenu, la province de Québec, que cette formule
d'option s'applique dans tous les plans conjoints, quels qu'ils soient, entre
le gouvernement fédéral et la province. Nous pouvons affirmer que
c'est là une victoire majeure, car nous avons trouvé la formule
permanente pour régler les problèmes de cette nature entre la
province et le gouvernement fédéral, ce qui faisait écrire
à M. Paul Sauriol dans le Devoir: "L'adresse de M. Pearson a
été d'étendre et d'élargir la formule d'option, de
telle sorte que la province qui veut y recourir peut échapper en
pratique à l'ingérence fédérale." Adresse de M.
Pearson, sans doute, M. le Président, collaboration de M. Pearson, et
c'est Québec, son premier ministre qui a exigé cette condition et
qui a obtenu gain de cause.
M. le Président, il est intervenu un accord a Ottawa et nous
pouvons nous demander, pendant que nous étudions ce projet de loi en
deuxième lecture, quel jugement nous pouvons porter sur l'entente
intervenue à Ottawa.
Pour répondre, il faut nous demander
ce que Québec allait faire à Ottawa, ce que notre province
pouvait obtenir et ce qu'en fait elle a obtenu.
Posons d'abord en principe - je ne fais que répéter ce
qu'a écrit un député fédéral -que, dans les
conférences fédérales-provinciales, l'objectif n'est pas
la querelle, mais l'entente. Nous n'allons pas à Ottawa pour nous
quereller, mais dans le but de prendre les moyens d'en venir à des
ententes.
M. Lorenzo Paré, dans l'Action catholique, a résumé
la situation quand il a écrit: "Le premier ministre se rend à
Ottawa non pas uniquement pour contrecarrer l'entreprise
fédérale, mais pour trouver les moyens de rétablir l'ordre
constitutionnel au sein de la Confédération."
Il eût été facile de dire simplement non. Il
eût été facile de revenir ensuite à Ottawa et de
crier dans toute la province de Québec que nous venions une fois de plus
de sauver la Confédération. Mais cette réponse
négative n'aurait rien réglé, M. le Président, ni
le problème constitutionnel, ni le problème des
municipalités, ni surtout l'atmosphère pour les importantes
discussions fiscales qui vont avoir lieu cet automne.
Dire non, c'est parfois nécessaire, mais Québec doit
l'éviter chaque fois que c'est possible ou alors la province de
Québec n'a plus qu'à sortir de la
Confédération.
M. Paul Sauriol, dans le Devoir du 31 juillet, a résumé ce
qui me paraît être la pensée juste à ce sujet quand
il écrivait: "Notre situation dans la Confédération n'a
jamais été satisfaisante, mais il semble que nous disposions
aujourd'hui de meilleures ressources humaines et autres pour faire valoir nos
droits. La bataille ne sera pas facile et devra être livrée sur
plusieurs terrains, mais la lutte est une loi de la vie-Quel que soit notre
avenir, il ne serait pas superflu de nous aguerrir d'abord au sein de la
Confédération avant de nous lancer dans la jungle
internationale."
Quelques semaines plus tôt, dans un editorial intitulé:
Bientôt: la minute de vérité, M. André Laurendeau
écrivait à peu près la même chose: "Avant qu'on ait
trouvé le principe clair d'un nouveau partage des ressources et des
initiatives, la négociation s'impose. C'est de près que de
pareils problèmes se discutent et qu'on mesure la position de l'autre.
Il faut trouver ensemble le moyen grâce auquel le Québec pourra
vivre et s'exprimer..."
M. le Président, j'affirme que la province de Québec doit
exiger un régime qui lui convienne, mais il est impensable de croire ou
d'affirmer qu'elle puisse en même temps défendre au gouvernement
fédéral d'accorder aux autres provinces ce qu'elles
désirent. Ce serait, là aussi, la fin de la
Confédération.
Le principe de l'entente que nous venons de négocier à
Ottawa n'est d'ailleurs pas nouveau. Il est inscrit à maints endroits
des relations fédérales-provinciales. La santé est un
domaine provincial et pourtant la province recevra $13,500,000 cette
année à ce titre: l'assurance-hospitalisation $107,000,000
bien-être social $ 67,000,000 le sport amateur $ 203,000 construction de
routes $ 21,000,000 les travaux d'hiver $ 12,000,000
Au total $255 millions environ pour l'année 1963-1964. L'entente
que nous venons de changer à Ottawa est de même nature. Est-ce que
c'est une entente parfaite, M. le Président? Pas du tout.
Il eût été indiscutablement préférable
qu'Ottawa ne pénètre pas dans le domaine municipal. C'est
même notre devoir de travailler inlassablement à l'en faire
sortir.
Mais les autres provinces étant d'accord pour qu'il y entre, nous
avions le devoir de protéger au maximum les intérêts du
Québec, sans priver les autres provinces de ce qu'elles
désiraient.
Nous n'avions pas le droit, en prêchant une autonomie
négative que nous avons dénoncée, de dire tout simplement
non et de voir des millions de dollars distribués dans les autres
provinces, sans bénéfice pour nos municipalités et sans
que l'autonomie ne soit le moindrement protégée.
Dire non, M. le Président, n'eût pas empêché
la loi fédérale d'être votée, mais nous aurait
privés de ce qui est notre part dans la Confédération.
Dire non n'aurait pas empêché que des pressions très
fortes ne s'exercent sur nous pour que nous cédions, comme ce fut le cas
pour l'aide fédérale aux universités.
Il valait mieux négocier, sauver l'essentiel et continuer ensuite
la lutte. M. le Président, je suis prêt personnellement à
défendre la théorie suivante: Chaque fois que le gouvernement
fédéral voudra pénétrer dans un domaine de
juridiction provinciale et chaque fois qu'une majorité de provinces sera
favorable à cette violation de la constitution, ce sera le devoir des
administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti
possible de la situation pour éviter le pire et pour éviter que
les citoyens québécois ne soient taxés au profit du reste
du Canada.
Mais chaque fois que le gouvernement fédéral recourra
à un tel procédé, l'équilibre de la
Confédération en sera de plus en plus faussé, avec le
risque qu'un jour, ça ne craque.
Comme le Vase connu de Sully Prudhomme, la meurtrissure mordra un peu
chaque jour le cristal, elle en fera lentement le tour d'une marche invisible
et sûre et un jour on constatera que le suc, que la vie même auront
fui. L'arbre de la Confédération se sera
desséché.
À Ottawa, M. le Président, nous
avons...
M. Johnson: Est-ce que c'est Sully Prudhomme pour toute la phrase?
M. Laporte: Non, il ne serait pas nommé ministre.
M. Johnson: Non.
M. Laporte: A Ottawa, M. le Président, nous avons gagné
beaucoup de terrain. Et je donne quelques exemples: tout l'appareil
administratif sera entre les mains de la province; - c'est la province
elle-même qui consentira les prêts aux municipalités, par le
truchement d'un organisme bien provincial: la Commission municipale de
Québec; - c'est la province de Québec qui consentira aux
municipalités la subvention de 25% du capital prêté; - nous
avons la certitude d'avoir notre part des $400 millions que le gouvernement
fédéral prévoit pour l'exécution de sa loi,
c'est-à-dire à peu près $120 millions.
Pourquoi, M. le Président, comme certains l'ont
suggéré, n'avons-nous pas demandé un impôt à
la place de ce prêt? Parce que cela était tout simplement
impossible.
Il ne s'agit pas, dans le cas actuel, de nous procurer des revenus
nouveaux à l'aide d'un impôt, mais d'emprunter de l'argent pour le
reprêter ensuite aux municipalités.
Il y a bien plus que cela: il s'agit d'un programme que l'on dit
temporaire. Je sais par expérience combien ces programmes temporaires
ont tendance à devenir permanents. Mais, même en le sachant, si
nous avions accepté un impôt à la place d'une entente, cela
eût été implicitement reconnaître, accepter d'avance
le caractère permanent de la loi fédérale et donc le
caractère permanent de l'ingérence d'Ottawa. Nous ne l'avons pas
voulu. Une conférence fiscale doit avoir lieu à Ottawa cet
automne. C'est là que doivent être discutés les
problèmes fiscaux d'une nature permanente.
M. le Président, quel jugement ont porté les journaux sur
le voyage à Ottawa? En général, ils ont été
d'accord avec ce que je viens de dire, c'est-à dire que, dans les
circonstances, l'entente est acceptable, qu'elle comporte certains dangers,
mais qu'elle marque un grand progrès.
M. Paul Sauriol, dans le Devoir: "L'entente marque un progrès
appréciable dans la reconnaissance des droits du Québec par
Ottawa... Québec obtient... une formule d'exception plus souple que ce
qui s'est fait jusqu'ici... En obtenant ainsi un régime d'exception, le
Québec devient graduellement, au sein du régime
fédéral, une province différente des autres..."
La Voix de l'Est: "Sans doute n'est-ce pas une victoire complète,
mais Ottawa baisse pavillon. Le projet de loi sur les prêts aux
municipalités semble apporter plusieurs amendements susceptibles
d'assurer le respect de l'autonomie provinciale."
M. Jean-Marc Léger, dans le Devoir, qui fait des commentaires
à peu près de la nature de ceux que je fais: "Entente qui
comporte certains dangers écrits. Peut-être, en l'absence d'une
solution immédiate de rechange, ne pouvait-on faire davantage."
Le Globe and Mail: "In general, the changes agreed upon for the
municipal loan legislation recognize the proper authority of the provinces over
the municipalities".
Avons-nous gagné la partie à Ottawa? La majorité
des journaux, comme je viens de le relater, expriment l'avis que nous avons
obtenu gain de cause, compte tenu des circonstances.
Pour une certaine presse, M. le Président, alors que certaines
gens nous accusent d'avoir perdu la bataille, Ottawa a complètement
capitulé devant Québec.
Je cite trois journaux:
Le Halifax Mail Star écrivait le 3 août: "If the "option
formula" accepted last weekend as the price for Quebec's participation in the
federal government's municipal development and loan fund is, as Premier Lesage
seems to feel, a valid precedent for future fiscal relations between Ottawa and
Quebec, Nova Scotia has reason to be disturbed about the direction
federal-provincial relations may take in the next few years."
À l'autre bout du pays, le Regina Leader Post écrivait le
30 juillet: "Unfortunately, the strong anticentralist movement with
separationist overtones developed in Quebec to coincide with the weakening of
the federal administration in the post-war period which has culminated in
minority governments from 1957 to 1958 and the present minority government.
Ottawa has been weak at a time when strength has been needed to resist the
fragmentation of Canada into two nations."
Et enfin, M. le Président, un journal de Charlottetown
écrit: "It is true that the federal-provincial conference on the
municipal loan fund has ended on a note of "optimism". But would that note of
"optimism" have been so widely expressed had Mr. Pearson not agreed to
practically every concession asked by Mr. Lesage?"
En somme, les commentaires, sauf exception, vont de l'accord
satisfaisant à la capitulation d'Ottawa devant Québec.
N'insistons pas, sauf pour déclarer que nous avons raison d'être
satisfaits.
M. le Président, le compromis que nous avons
négocié avec le gouvernement fédéral et les autres
provinces nous paraît acceptable parce qu'il écarte l'invasion
directe du domaine provincial par le
gouvernement fédéral. Il nous paraît acceptable
parce que la formule d'option est élargie, ce qui est une victoire
majeure; et il nous paraît acceptable parce qu'il permet un modus vivendi
entre le gouvernement fédéral et les autres provinces du Canada
d'une part, et la province de Québec, d'autre part.
L.es corollaires ou les sous-produits de la conférence sont tout
aussi importants. Je vais les résumer comme suit:
Premièrement, de plus en plus, le gouvernement
fédéra! et les autres provinces reconnaissent que Québec
n'est pas une province comme les autres. Deuxièmement, la preuve est
faite que l'on peut satisfaire les aspirations du Québec sans priver les
autres provinces de ce qu'elles désirent. Et, troisièmement, il
est devenu clair que le gouvernement fédéral n'agira plus
unilatéralement dans des cas analogues à celui qui nous
intéresse.
L'une des conséquences les plus heureuses de l'attitude prise par
la province de Québec sera la création prochaine d'un
secrétariat fédéral-provincial, idée
prônée par le chef actuel du gouvernement du Québec
dès 1960.
M. Bellemare: Quand est-ce qu'il a parlé de ça?
M. Laporte: L'idée, si le député de Champlain aime
l'histoire...
M. Bellemare: Non...
M. Laporte: ...je lui rappellerai que, la première fois que la
chose a été mentionnée, c'est dans le rapport
Rowell-Sirois...
M. Bellemare: M. Lapalme.
M. Laporte: ...que cela a été repris ensuite dans le
rapport Tremblay...
M. Bellemare: Tremblay.
M. Laporte: ...que M. Lapalme en a parlé, que cela a
été mis dans le programme du Parti libéral et que l'homme
qui l'a demandé à Ottawa à la conférence
fédérale-provinciale de juillet 1960, c'est le chef actuel du
gouvernement.
M. Gabias: Encore un petit coup. C'est beau.
M. Laporte: M. le Président, cinquièmement, le climat, et
ceci me paraît fort important pour les discussions qui vont avoir lieu
cet automne, le climat créé au cours de la conférence de
juillet est un heureux présage pour la rencontre infiniment plus
importante qui aura lieu à l'automne et qui portera celle-là sur
les problèmes fiscaux.
M. le Président, qu'arrivera-t-il dans l'avenir? Nous devrons
continuer à combattre l'intrusion fédérale, même
amoindrie, dans le domaine municipal. Le cheval de Troie dont a parlé
à juste titre le chef du gouvernement devra être progressivement
chassé de notre territoire.
Nous devrons obtenir du gouvernement fédéral, pour
certaines autres lois, en particulier pour la loi pour aider à la
construction d'usines d'épuration, un traitement au moins analogue
à celui que l'on vient d'accepter pour les prêts aux
municipalités, car, dans cette loi, il y a des prêts directs, des
subventions directes du gouvernement fédéral aux
municipalités.
La province de Québec devra également se faire un devoir,
comme c'est actuellement le cas, d'occuper complètement et efficacement
tout le domaine qui lui est concédé par la constitution.
C'est ainsi, M. le Président, que nous devrons faire tout notre
possible pour créer un organisme de crédit municipal qui mettra
à la disposition des municipalités et aussi des commissions
scolaires l'argent dont elles ont besoin, aux meilleures conditions
possible.
Le premier ministre a déclaré à la
télévision, il y a quelques jours, que nous allions
procéder avec célérité dans ce domaine; c'est bien
notre intention.
Dès hier, nous annoncions la création d'un comité
d'études composé d'experts authentiques afin de nous faire
rapport sur la possibilité de créer ce fonds municipal et
scolaire et la première séance de ce comité doit avoir
lieu dès demain matin.
M. le Président, il serait imprudent pour le moment de
déclarer qu'il est désirable ou possible de créer un tel
organisme dans le Québec, mais nous affirmons que les études
préliminaires seront menées avec rapidité et
compétence.
Il faudrait également que les municipalités de la province
de Québec soient groupées dans un organisme provincial puissant,
comme, par exemple, l'Union des municipalités de la province de
Québec. C'est de ce groupement ou de groupements analogues que devraient
venir les demandes des municipalités.
Je considère la Fédération canadienne des maires et
des municipalités, en dépit des services qu'elle a pu rendre et
auxquels faisait allusion un quotidien de langue anglaise dans un
éditorial ces jours derniers, comme un organisme centralisateur. C'est
partiellement pour cette raison que la cité de Montréal s'est
retirée de cet organisme et je ne peux que l'approuver. Il est
impensable en effet que, d'une part, nous combattions les intrusions du
gouvernement fédéral dans le domaine provincial et que, d'autre
part, nous continuions à patronner l'organisme qui est la cause,
même lointaine,
de cette intrusion.
M. le Président, on me permettra, en terminant, de citer quelles
sont, à mon avis, les causes du succès que nous avons pu
remporter à Ottawa.
Il y a d'abord, et c'est important qu'on le souligne, l'unanimité
dont a fait preuve l'Assemblée législative sur cette question.
Nous partions avec la conviction d'être les porte-parole de toute la
province de Québec.
Il faut également mentionner, chose fort importante, l'existence
de la conférence des premiers ministres provinciaux, organisme
créé à l'instigation du chef du gouvernement actuel, et
qui tenait sa quatrième ou cinquième session annuelle à
Halifax il y a quelques jours.
M. Bellemare: Cela existait avant.
M. Laporte: Ottawa savait... Cela a déjà existé
avant, mais c'était mort depuis au moins 35 ans.
M. Bellemare: Oui, on verra ça. Je ne sais pas si...
M. Laporte: M. le Président, on savait à Ottawa qu'une
réunion de cet organisme aurait lieu à Halifax au mois
d'août et Ottawa a préféré agir avant que les
provinces ne se réunissent.
Il faut également, avec plaisir, souligner la bonne
volonté des autorités fédérales qui ont compris la
position du Québec et qui ont créé une atmosphère
de détente et de compréhension à la conférence.
Et enfin, M. le Président, on me permettra de souligner toute
l'importance que j'attache à l'attitude ferme prise par le premier
ministre de la province de Québec.
Si nous vivions à une époque encore récente, M. le
Président, on entendrait dans cette Chambre déverser des flots de
compliments à son endroit. Mais, comme les tâches ont
changé, que je n'ai nullement le goût de le faire, à
défaut de l'encensoir, on me permettra seulement de dire en terminant
qu'il s'est acquitté avec efficacité de la tâche qu'on lui
avait confiée et que, plus que jamais, on a raison de le tenir pour le
chef de l'État du Québec.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: M. le Président vous me permettrez, au début
de cette session tout à fait inattendue, d'exprimer un regret; c'est que
cette session, entre autres choses, aura servi à enterrer la
réputation d'un autre autonomiste...
M. Laporte: Lequel? M. Duplessis?
M. Johnson: ... M. le Président, la réputation de celui
qui, dans un journal bien connu, qu'on prétend influent, avait pendant
des années combattu en faveur de l'autonomie des provinces. M. le
Président, il est triste de voir comme la politique libérale peut
servir de tombeau à un homme dont la réputation d'autonomiste
était jusqu'ici sans tache, même si elle était
entachée de partisanerie. Je parle évidemment du ministre des
Affaires municipales.
M. le Président, nous avons assisté, cet
après-midi, à ce spectacle attristant d'un autonomiste qui se
fait hara-kiri...
M. Laporte: Vous avez bien l'air souriant pour dire tout cela...
M. Johnson: Cela en est tellement triste qu'il faut en rire. Quand on
vient d'entendre un discours d'une heure et demie où le ministre a
à la fois condamné M. Pearson, mais invité M. Pearson
à continuer à faire la même chose. L'attitude qu'il a prise
cet après-midi...
M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de
règlement. Le chef de l'Opposition vient de battre tous ses records en
moins de deux minutes; il a commencé à déformer les
paroles du préopinant. M. le Président, je n'ai jamais, ni
directement, ni indirectement, invité M. Pearson à continuer ce
qu'il a fait. Si le chef de l'Opposition, à qui j'ai
précisément envoyé une copie de mon texte pour être
bien certain qu'il ne déformerait pas ma pensée, s'il n'a rien
compris, je ne lui demande même pas de retirer ses paroles.
M. Johnson: M. le Président, c'est le député
lui-même qui, à la page 28 de ses notes, lance d'une façon
implicite et claire une invitation à M. Pearson à
récidiver dans ce domaine: les infractions à l'autonomie
provinciale. M. le Président, le député y est allé
tout de même d'une façon habile. Partout où il fallait
donner une opinion sur l'attitude du premier ministre de la province de
Québec avant la conférence, pendant la conférence et
après la conférence, partout où il fallait émettre
un jugement sur la qualité de la solution à laquelle on en est
arrivé, le député ex-autonomiste s'est
défilé. Il a appelé à son secours les citations en
nombre incalculable, mais qui sera calculé, je n'en doute pas, il a
appelé à son secours les citations de divers journaux afin de
s'éviter, lui, M. le Président, de prendre à son compte et
dans se3 termes un jugement sur l'attitude du premier ministre ainsi que sur
l'attitude et sur le bien-fondé ou le mal-fondé de la solution
à laquelle on en est arrivé.
Je reconnais là, M. le Président, l'adresse dont on taxe
facilement le député de Chambly, surtout en fonction des
ambitions tout à fait légitimes qu'il caresse.
M. le Président, le député de Chambly, cet
après-midi, a dû se servir d'un langage qui n'était pas le
sien dans le passé. Il s'est servi d'expressions que jamais, sous sa
signature, on aurait trouvées autrefois. Et je songe
particulièrement...
M. Laporte: Je voudrais faire une mise au point, M. le Président;
c'était exactement mon langage autrefois, lorsque je
dénonçais l'autonomie négative de l'Union Nationale.
M. Johnson: M. le Président, ce n'était pas le langage
qu'il tenait dans son journal. Et nous l'en remerciions dans le temps,
lorsqu'il nous approuvait d'avoir le courage de résister, d'imposer une
taxe et de faire reculer le gouvernement d'Ottawa. Et après avoir
écouté le ministre, on ne peut pas s'empêcher de songer aux
paroles que prononçait M. Pearson le 26 juillet, lorsqu'il disait,
parlant de la conférence à laquelle il allait assister, la
conférence fédérale et des provinces: "J'en sortirai
portant mon bouclier ou couché sur lui."
M. Laporte: Qu'est-ce que ça veut dire ça?
M. Johnson: Ce sont les paroles de M. Pearson. Tous ceux qui voient
clair savent que M. Pearson est sorti avec son bouclier, mais que Québec
et son premier ministre se sont couchés devant Ottawa. Ce sont
d'ailleurs des attitudes qui sont coutumières aux libéraux et qui
ont été dénoncées par le député de
Chambly du temps de sa soi-disant indépendance. Il y a eu dans cette
province un autre premier ministre qui s'est couché devant Ottawa.
M. Laporte: Est-ce depuis 1958?
M. Johnson: M. le Président, il y a eu le chef du premier
ministre actuel, premier ministre de la province de 1939 à 1944, qui
s'est couché lui aussi et, comme le faisait remarquer l'un de mes
électeurs, M. Godbout et le premier ministre actuel se couchent tous les
deux de la même façon devant un gouvernement libéral
à Ottawa, à la différence cependant qu'il y en a un qui
crie un peu plus fort avant de se coucher devant son maître
outaouais.
M. Laporte: On aurait aimé ça vous entendre crier en 1958,
par exemple.
M. Johnson: Le premier ministre a déjà commencé
à faire sa lutte, une lutte toute négative. Le
député de Chambly a pris une attitude négative, M. le
Président, qui n'est tellement pas conforme...
M. Laporte: Expliquez-nous ça, expliquez-nous ça.
M. Johnson: ... à celle qu'il voudrait tenir, lui qui a
déjà prêché dans la province, et efficacement, un
nationalisme de fierté et non pas un nationalisme de "couchant" devant
le pouvoir fédéral. M. le Président, si nous avons une
session à l'heure qu'il est, si le président de la Chambre a
été dérangé dans ses projets de voyages dans
l'Ouest...
M. Laporte: S'il ne le disait pas si souvent, on le prendrait au
sérieux.
M. Johnson: ... si plusieurs d'entre nous, d'un côté comme
de l'autre, ont dû interrompre des plans de vacances avec leur famille,
c'est parce que nous avons à Ottawa un gouvernement qui n'a aucun
respect pour l'autonomie des provinces, un gouvernement qui a été
mis en place avec la collaboration des gens d'en face, par le premier ministre
de la province de Québec et plusieurs de ses ministres qui s'en vantent;
encore hier, le ministre du Tourisme le faisait, M. le Président, devant
les hebdomadaires de la province. Si nous avons une session, si nous devons
dépenser de l'argent des contribuables, c'est parce que le gouvernement
que nous avons devant nous n'a pas prévu à temps ce qui devait
être prévu et, deuxièmement c'est parce qu'il n'a pas
suivi, parce qu'il ne s'est pas conformé à un ordre, à un
désir - et, dans un tel cas, les désirs sont des ordres -
à un désir unanime de l'Assemblée législative.
M. le Président, on sait la genèse de cette question, on
la connaît. Dès le 4 avril, dans cette Chambre, le premier
ministre nous avait supplié de voter en faveur de M. Pearson afin
d'avoir un gouvernement stable, disait-il. Le premier ministre a eu à
répondre à une question que j'avais l'honneur de lui poser la
veille, le 3 avril. M. Pearson, parlant à Montréal, avait fait
grand état d'une promesse vedette de son programme, promesse qui
consistait à venir en aide aux municipalités pour la construction
de travaux d'équipement, entre autres de travaux d'égouts et des
travaux de même nature. J'ai demandé au premier ministre: Si je
votais pour M. Pearson, est-ce que ça ne veut pas dire que
j'approuverais son programme? Le premier ministre a dit: Ne nous
inquiétons pas de ça, ça ne me fait rien, je n'ai pas lu
les journaux, mais il faut voter pour M. Pearson. M. le Président, le
premier ministre, aiguillonné par l'Opposition et par les journaux,
à un moment donné, s'est décidé d'écrire
à Ottawa le 7 juin. Croyez-vous que c'était pour condamner le
projet dont il connaissait les grandes lignes, dont les grandes lignes
étaient connues du public?
Non, M. le Président, ce n'était pas pour condamner les
principes du projet, ce n'était pas pour condamner l'intrusion du
fédéral dans un domaine qui est clairement de juridiction
provinciale; et si quelqu'un
avait des doutes, le solide plaidoyer du ministre des Affaires
municipales a dû en disposer. Pensez-vous, M. le Président, que
c'était pour protester contre une attitude anti-constitutionnelle? Non,
c'était pour demander à M. Pearson, s'il vous plaît, de
remettre l'étude du bill. On connaît la suite. On était
rendu au 16 juin et M. Pearson déclarait en Chambre è Ottawa, au
début de la séance: Je ne me souviens pas, je ne crois pas avoir
reçu de communication de quelque premier ministre que ce soit.
C'était neuf jours après la lettre du premier ministre, neuf
jours après une lettre du premier ministre demandant d'ajourner
jusqu'après la conférence des premiers ministres du Canada
l'étude de ce projet de loi, le premier ministre de la province de
Québec. Mais, plus tard dans la journée, il s'est ravisé
et il a, on s'en souvient, dit qu'en effet, il avait reçu une lettre du
premier ministre.
Nous avons demandé à chaque jour au premier ministre de la
province s'il avait reçu une réponse du premier ministre d'Ottawa
et la réponse était toujours la même, non. Voyant que la
situation se détériorait, voyant que le premier ministre de la
province ne pouvait pas obtenir une réponse ou un accusé de
réception à une lettre qu'il adressait au premier ministre du
Canada, l'Opposition, à l'instigation du député de
Saint-Jacques, ancien ministre des Affaires municipales, présentait une
motion en amenant la motion pour aller en subsides. M. le Président, on
sait que ce genre de motion comporte, selon la tradition parlementaire, une
motion de non-confiance et si elle avait été votée, elle
aurait comporté également la défaite du gouvernement.
Mais, ayant inscrit des motions sur d'autres sujets à l'ordre du jour,
motions qui risquaient de mourir à l'ordre du jour avant la fin de la
session à l'occasion de la fin de la session, ne voyant aucune chance
d'apporter le problème devant l'attention de cette Chambre autrement que
par une motion de non-confiance, le député de Saint-Jacques
présenta donc, le 25 juin, la motion que vous connaissez, M. le
Président, et que vous avez lue aux procès-verbaux, pages 598 et
599.
Cette motion se lisait comme suit, M. le Président: "Que la
motion en discussion soit amendée en remplaçant tous les mots
après "que" par les suivants: La Chambre, tout en étant
prête à voter à Sa Majesté les subsides
nécessaires à l'administration de la province, est d'avis que le
gouvernement devrait étudier la possibilité d'établir sans
retard un système provincial de crédit municipal permettant aux
municipalités de s'acquitter de leurs obligations et sauvegardant ainsi
la compétence exclusive de la province en matière d'institution
municipale."
M. le Président, cette motion était basée non
seulement sur ce que pensait l'Union Nationale, mais sur ce qu'avait promis,
avant 1960, le Parti libéral, comme d'autres collègues auront
l'occasion de l'expliquer plus longuement. Mais, on s'en souvient, en
résumé, en 1960, le Parti libéral avait promis une
péréquation et tellement détaillée qu'on en donnait
même des chiffres dans le temps. L'Union Nationale, à son
congrès de 1961, avait adopté une résolution demandant
l'institution d'un crédit aux municipalités et, lors des
élections, nous en avions fait un article vedette de notre
programme.
Nous en étions donc, M. le Président, au mois de juin
1963, après trois ans de pouvoir, après trois ans de pouvoir par
les libéraux, nous en étions au moment où Ottawa voulait
adopter cette loi dont nous aurons à discuter en détail
tantôt, en comité plénier, et le gouvernement n'avait pas
encore agi.
Sur cette motion du député de Saint-Jacques, le
député de Saint-Maurice, le député de Sherbrooke,
le député de Champlain, le député de
Trois-Rivières et moi-même avons, avec le député de
Saint-Jacques, exprimé des vues que je n'ai pas ici à
répéter pour abréger mon intervention.
M. le Président, il est une intervention cependant que la
province n'est pas près d'oublier, c'est l'intervention du premier
ministre qui, à ce moment-là, a accusé l'Opposition de
vouloir faire de la petite politique. Il s'est lancé à fond de
train contre le chef de l'Opposition en disant: "Le chef de l'Opposition sait
bien que nous sommes en faveur des principes énoncés dans cette
motion, mais il apporte cette motion sous une forme telle qu'il le sait, nous
serons battus si nous votons pour elle. Or, mon gouvernement mérite la
confiance de la population." Et les autres députés de l'autre
côté d'entonner le même refrain.
M. le Président, à ce moment-là, l'Opposition,
créant un précédent, mais fidèle à son
intention de toujours mettre l'autonomie de la province au-dessus de l'esprit
de parti, qu'il soit au niveau fédéral ou provincial, a consenti
à retirer cette motion de blâme, à en faire une motion de
fond pour laquelle les députés libéraux et les
députés de l'Union Nationale ont pu voter en toute
tranquilité, sans s'exposer à une défaite pour les
libéraux et sans s'exposer, pour l'Union Nationale, à assumer de
plus lourdes responsabilités.
Cette motion présentée comme motion de fond par le
député de Saint-Jacques l'a été après
entente et consultation entre le député de Saint-Jacques, le
premier ministre et celui qui vous parle. M. le Président, cette motion
n'est pas de la nature d'un voeu tout à fait théorique, cette
motion constitue un droit parlementaire sous une forme polie, un ordre au
gouvernement, un
désir unanime des représentants du peuple, un désir
envers un groupe d'entre eux qu'on appelle les ministres et le premier ministre
formant le cabinet. Cette motion unanime dit ceci, M. le Président, et
vous la trouverez aux pages 608 et 609 des procès-verbaux de la
dernière session. Je cite: "M. Dozois propose, secondé par M.
Ducharme, que la Chambre est d'avis que le projet de loi portant le no 0-76,
Loi sur le développement et les prêts municipaux, soumis à
la Chambre des Communes par le ministre des Finances du Canada, constitue une
atteinte grave à la compétence exclusive et à l'autonomie
de la province de Québec en matière d'institution municipale et
prie le gouvernement de la province d'étudier la possibilité
d'établir un système provincial de crédit municipal
susceptible de faciliter les emprunts municipaux. La motion a été
adoptée à l'unanimité." Fin de la citation, puisée
aux pages 608 et 609 des journaux de l'Assemblée législative.
Donc, M. le Président, le mandat qu'avaient le premier ministre
et ceux qui l'ont accompagné à Ottawa, c'était de
résister et non pas de plier; c'était de se tenir debout et non
pas de se coucher; c'était d'établir un crédit municipal
provincial et de faire reculer Ottawa en pouvoirs fiscaux ou autrement.
M. le Président...
M. Lesage: Avec quoi? Avec un fusil à "cap"?
M. Johnson: Quels que soient les précédents, en 1963, dans
la province de Québec, quand un gouvernement a une résolution
unanime de l'Assemblée législative, ce n'est pas un recours
à un précédent complet ou incomplet qui va justifier la
reculade du chef libéral de Québec devant le chef libéral
d'Ottawa.
M. le Président...
M. Lesage: M. le Président, c'est de l'inconscience.
M. Johnson: M. le Président, la consanguinité politique
libérale a certains des mêmes effets qu'on rencontre ailleurs
quand on regarde le bill no 1, qui est un monstre au point de vue politique,
sous l'angle de l'autonomie provinciale.
M. Lesage: Vous voyez rien que bleu.
M. Johnson: M. le Président, je ne vois pas rien que bleu...
M. Lesage: Vous l'avez prouvé en 1958.
M. Johnson: ... mais j'affirme de mon siège que le premier
ministre de la province de Québec, chef du Parti libéral, a
comploté avec M. le chef du parti fédéral et que cela a
été une mise en scène complète pour une fois de ne
plus élever un écran de fumée, de parler autonomiste et
d'agir en somme d'accusateur.
D'ailleurs, M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, mais
c'est un libéral qui nous en a avertis au mois de juin. C'est M. Pearson
d'abord qui a dit: "C'est drôle, M. Lesage connaissait le projet de
loi."
M. le Président, non seulement le premier ministre le
connaissait, mais avant qu'il ne soit déposé en Chambre, il y a
fait faire des amendements que le gouvernement libéral a
acceptés.
M. Lesage: M. le Président, j'affirme de mon siège que je
n'ai pris connaissance du projet de loi C-76 à Ottawa que lors de sa
première lecture. Je l'affirme sur mon honneur. Je ne le connaissais
pas. Je n'en connaissais pas la teneur. Je ne savais même pas, avant de
recevoir ce bill, qu'il y avait une remise de 25%, qu'il était question
d'une remise de 25% du prêt. Ce n'est que lorsque j'ai reçu...
M. Johnson: Je prends la parole du premier ministre.
M. Lesage: Et j'en donne ma parole d'honneur, M. le Président. Le
chef de l'Opposition a encore une fois parlé sans rien savoir.
M. Johnson: M. le Président, je prends la parole du premier
ministre. Il n'avait pas vu le projet, le bill C-76...
M. Lesage: Je ne le connaissais pas.
M. Johnson: ...mais il y a eu des avant-projets discutés avec
lui...
M. Lesage: M. le Président, je regrette, c'est faux. J'affirme la
fausseté de ce que vient de dire le chef de l'Opposition.
M. Johnson: M. Pearson, M. le Président, le 10 juillet, je prends
la parole du premier ministre. "Quant à M. Lesage", a dit M. Pearson -
c'est le journal Le Devoir -"il savait que nous devions proposer l'adoption
d'un tel projet de loi...
M. Lesage: Oui, évidemment.
M. Johnson: ... et, jusqu'à ces derniers temps, il a toujours
paru d'accord sur son contenu."
M. Lesage: M. le Président, je regrette, M. Pearson a commis une
erreur. Je ne pouvais pas être au courant et je n'étais pas au
courant.
M. Johnson: M. le Président, vous voyez...
M. Lesage: Tout ce que j'en savais, c'est ce que M. Pearson a dit
à Toronto.
M. Johnson: ...vous voyez un député pris dans une position
qui n'est pas du tout confortable s'il veut être parlementaire; je dois
traiter de menteur ou le premier ministre de la province de Québec ou le
premier ministre du Canada.
M. Lesage: M. le Président, on n'a personne à traiter de
menteur. J'ai dit que M. Pearson a fait erreur.
M. Johnson: M. le Président,...
M. Lesage: Tout ce que je connaissais du projet, c'est ce qu'un de ses
ministres m'en avait dit et j'affirme de mon siège que j'ignorais
complètement qu'il y avait un élément de subsides jusqu'au
moment... D'ailleurs, M. Pearson, si ma mémoire me sert bien,
lui-même, à Toronto, n'a pas parlé de
l'élément de subsides dans le projet de loi. Je ne l'ai su que
lorsque j'ai vu le projet.
M. Johnson: M. le Président, comme si, dans ce projet de loi, il
n'y avait qu'un point qui le rende suspect, pour ne pas dire
complètement inconstitutionnel, celui des subsides. Alors que c'est le
premier ministre lui-même qui, dans son intervention en Chambre...
M. Lesage: M. le Président, je regrette...
M. Johnson: ...a énurnéré au moins cinq points sur
lesquels il trouvait que ce projet de loi était inconstitutionnel...
M. Lesage: M. le Président, je n'étais au courant d'aucun
de ces cinq points tant que je n'ai pas vu le projet de loi après sa
première lecture à Ottawa. J'en donne ma parole.
M. Johnson: M. le Président, vous voyez qu'il faut maintenant que
je dirige mes attaques vers M. Pearson...
M. Lesage: Pas du tout.
M. Johnson: ...qui a fait une erreur dans ses relations avec le premier
ministre en disant que le premier ministre de Québec en connaissait le
contenu.
M. Lesage: Je ne pouvais pas en connaître le contenu, il a
été distribué seulement - je ne me rappelle pas quelle
date - lors de sa première lecture à Ottawa.
Et c'est seulement dans les jours qui ont suivi que j'ai pu en prendre
connaissance. Je ne pouvais pas avoir pris connaissance du contenu d'un bill
qui n'était pas prêt. D'après ce qui a été
dit...
M. Johnson: M. le Président, moi, je ne suis pas, mes
collègues n'étaient pas au courant du bill no 1 tant qu'ils n'ont
pas eu de bill no 1. Mais moi, j'étais au courant du bill no 1,
grâce au premier ministre, de son contenu, parce que j'en ai reçu
des épreuves pour lesquelles je le remercie. Et il y a des avant-projets
à des bills et, entre membres de la même famille libérale,
on s'était échangé les avant-projets, M. le
Président.
M. Lesage: M. le Président, je regrette, ce que vient d'affirmer
le chef de l'Opposition est absolument faux. Je n'ai vu aucun avant-projet, je
n'ai rien vu d'écrit. La seule discussion que j'ai eue, c'est avec un
ministre fédéral qui m'a parlé du projet dans ses grandes
lignes. J'ai exprimé de très grandes réserves à ce
moment-là, mais je n'ai vu le projet de loi qu'après sa
première lecture et je n'ai vu aucun avant-projet. Pas plus, M. le
Président, que, normalement, je puis distribuer en dehors de la Chambre,
à des personnes non autorisées, une copie d'un projet de loi que
j'ai l'intention de présenter, de la même façon, le
gouvernement fédérai ou aucun de ses ministres n'avait le droit
constitutionnellement de me faire parvenir à moi, avant que les
députés de la Chambre ne le voient, un projet ou un avant-projet
de bill à Ottawa.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre a raison.
Constitutionnellement, on ne peut pas le faire.
M. Lesage: Constitutionnellement...
M. Johnson: Mais un programme de Parti libéral, ça circule
bien entre Québec et Ottawa, M. le Président, et cela a
circulé entre Québec et Ottawa. Je sais bien que, si le
député de Terrebonne était présent, il
défendrait M. Pearson. Je vais le défendre, moi. M. Pearson a
raison de dire...
Une voix: Ils ne comprennent pas...
M. Johnson: "Quant à M. Lesage, a-t-il dit, il savait que nous
devions proposer l'adoption d'un tel projet de loi et, jusqu'à ces
derniers temps, il a toujours paru d'accord sur son contenu." M. le
Président, c'est clair.
M. Laporte: C'est le seul élément de preuve que le chef de
l'Opposition a. Le mot contenu dans un journal.
M. Johnson: J'en ai une autre, M. le
Président.
M. Laporte: Le seul élément de preuve.
M. Johnson: J'en ai une autre. Même si c'est le Devoir, ça
doit commencer, ça doit constituer un commencement de preuve...
M. Laporte: M. le Président, ce n'est pas parce que c'est
même le Devoir, c'est un mot cité dans une phrase, on ne
connaît pas le texte, on ne connaît pas l'auteur, on ne
connaît pas la preuve, c'est tout.
M. Johnson: M. le Président, voulez-vous une confirmation de
ça? Il y a un député libéral qui s'appelle Patrick
Asselin, député de Richmond-Wolfe, d'après la Tribune du 9
juillet, qui disait ceci: "Projet bien reçu" en parlant du projet. M.
Patrick Asselin, député libéral de Richmond-Wolfe au
fédéral, évidemment, précise que ce projet se
trouvait inscrit dans le programme de M. Pearson au cours de la campagne
électorale et qu'il en avait reçu des éloges dans toutes
les provinces.
M. Asselin croit que le vent de l'autonomie qui souffle sur
Québec depuis 1960 et la récupération des droits
réclamés par nombre d'organisations forcent M. Lesage à
prendre position, mais l'on parviendra à abattre les obstacles car il ne
doute pas, M. Asselin, de l'intelligence et de la diplomatie de M. Lesage.
M. le Président...
M. Laporte: Qu'est-ce que ça prouve?
M. Johnson: Cela prouve ceci. Écran de fumée
organisé, programme libéral contenant cette loi dans ses
principaux éléments, approbation du programme libéral par
les libéraux, mise au service des libéraux fédéraux
de l'influence et de la caisse des provinciaux, travail acharné de tous
les membres de la Fédération libérale provinciale, du
trésorier en montant, travail assidu de tous les libéraux
provinciaux pour faire élire un gouvernement dont on savait
déjà qu'il adopterait une loi pour entrer dans le domaine des
municipalités.
M. le Président, M. Asselin l'a dit: "Ne vous inquiétez
pas, on va faire un écran de fumée, M. le premier ministre du
Québec est assez habile que, malgré les pressions...
M. Laporte: Il n'a pas dit ça. Où est-ce que M. Asselin a
dit qu'on ferait un écran de fumée?
M. Johnson: M. le Président, voici un homme qui met en question
mes citations de journaux et qui me demande de lui en donner d'autres.
M. Laporte: Non. Je dis: Où, dans le texte que le chef de
l'Opposition viant de lire, M. Asselin déclare-t-il qu'on a fait un
écran de fumée?
M. Johnson: Ailleurs.
M. Laporte: Ailleurs. Ah bon. Alors, allez donc le chercher
ailleurs.
M. Johnson: M. le Président, je suis assez occupé en cette
Chambre pour ne pas courir après les fédéraux. Moi, je ne
leur dois rien. Mais le fédéral doit beaucoup au provincial. Je
croyais du moins, jusqu'à ces derniers temps, que c'était le cas,
mais je m'aperçois que c'est maintenant le provincial qui court devant
le fédéral.
M. le Président, cette loi qu'on nous apporte aujourd'hui est,
à mon sens, une abdication législative. En présentant le
bill no 1, le gouvernement libéral du Québec demande à la
Législature et à la province de Québec d'approuver le
geste du Parlement fédéral qui, pour la première fois
depuis 1867, ose légiférer directement par son bill C-76 dans le
domaine des institutions municipales, domaine qui relève clairement de
la compétence exclusive des provinces en vertu du paragraphe 8 de
l'article 92 de la Constitution.
Une voix: Des travaux d'hiver...
M. Johnson: J'entends le ministre qui dit: "Des travaux d'hiver". Le
ministre devrait le savoir; il n'y a pas de loi.
M. Laporte: Il n'y en a pas. Il n'y en a plus.
M. Johnson: Non, non. Au fédéral, il n'y a pas de
législation, M. le Président, il n'y a pas de législation
pour ces travaux d'hiver et c'est le propagandiste du bill no 60 qui... Les
subventions accordées...
M. Gérin-Lajoie: Il devrait savoir qu'il n'a pas d'argent qui est
versé sans loi...
M. Johnson: ... pour les travaux d'hiver...
M. Gérin-Lajoie: Du moins, une loi des subsides...
M. Johnson: ...l'ont été en vertu d'une loi de 1936 sur le
chômage et non sur les affaires municipales.
M. Gérin-Lajoie: Il y a une loi.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Johnson: Les subventions offertes aux municipalités pour
l'épuration des eaux l'ont été par un amendement à
la Loi
nationale de l'habitation et, dans les deux cas, il y avait violation de
l'esprit de la constitution, mais Ottawa manifestait quand même des
scrupules. Il passait par une porte d'à côté. Il ne
légiférait pas directement dans le domaine municipal. Le Bill
C-76...
M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition me permettrait juste une
question? Il prétend que c'est en vertu d'une loi de 1936 que le
programme des travaux d'hiver a été établi. D'après
les informations que j'ai, et j'en ai, le programme des travaux d'hiver est
établi chaque année par un article budgétaire purement et
simplement à Ottawa. Absolument. Écoutez, je m'en suis enquis
parce que j'ai étudié à fond toute l'origine du programme
des travaux d'hiver et c'est un article budgétaire; parce que l'on sait
qu'un article budgétaire fait partie de la Loi des subsides et c'est
là qu'est l'autorisation législative. C'est pour cela, c'est
simplement par curiosité...
M. Johnson: Les renseignements que j'ai, c'est que les travaux de
chômage de 1930 à 1936, étaient faits en vertu d'une loi de
1930 qui est devenue périmée lorsque la loi de 1936 a
été adoptée et c'est en se basant sur la loi de 1936 qu'on
a pu apporter un article budgétaire pour les travaux d'hiver...
M. Lesage: Mais ce n'est pas basé sur la loi de 1936, pas du
tout...
M. Johnson: Mais c'est parce qu'on a autorité à verser,
à dépenser...
M. Lesage: Non, non, non.
M. Johnson: ... de l'argent pour des fins spécifiées dans
l'article un.
M. Lesage: C'est l'article budgétaire...
M. Johnson: Tel qu'était le premier ministre, nous aurons
l'occasion... Je lui dis d'en discuter plus longuement. C'est un point sur
lequel nous sommes très heureux d'avoir des lumières du premier
ministre, s'il en est...
M. Lesage: Je vais vous les donner...
M. Johnson: Le bill C-76, M. le Président, dont te nom officiel
est Loi sur le développement et les prêts municipaux, constitue la
première invasion directe, flagrante et sans détour de
l'autorité exclusive des provinces en matière municipale; il
constitue un chambardement complet de l'esprit et de la lettre même de la
constitution. C'est un renversement complet du partage des pouvoirs tel
qu'établi en 1867 et Ottawa se comporte comme si la constitution avait
été changée ou abolie. Une armée d'inspecteurs, de
vérificateurs et autres fonctionnaires sera mise sur pied pour
surveiller l'application de la loi, fouiller les budgets et les plans des
municipalités, voir à ce que les taxes imposées aux
contribuables soient suffisamment élevées pour garantir le
remboursement des prêts.
M. Lesage: Pas vrai, pas du tout.
M. Johnson: Logiquement, il faudra aussi établir des
règlements et des cadres pour aider le cas des municipalités en
défaut; je parle de la loi en général, M. le
Président, à Ottawa. Les services fédéraux
s'accroîtront et proliféreront d'année en année
jusqu'à ce que, à un moment donné, sous prétexte de
mettre de l'ordre, de la cohésion et de l'unité dans tout cela,
Ottawa se donne un ministère des Affaires municipales comme il s'en est
donné dans d'autres domaines que les membres de cette Chambre
connaissent.
Par le bill no 1, M. le Président, le premier ministre demande au
Parlement de Québec de donner son acquiescement à cette
insitutionnalisation de l'ingérence d'Ottawa dans le domaine municipal
et, si le premier ministre veut se référer au compte rendu de son
discours, le 25 juin 1968, dans cette Chambre, il verra, chez lui, qu'il nous a
dit, et nous l'avons approuvé, que ce qu'il y avait de plus grave que
tous les précédents, travaux de chômage de 1958-1959,
1960-1961, 1962-1963, c'est que, d'après les propres paroles du premier
ministre, M. Pearson était en train d'institutionnaliser l'intervention
d'Ottawa dans un domaine exclusif aux provinces, les affaires municipales.
M. le Président, en plus d'être une application
administrative, c'est une abdication financière. En présentant le
bill no 1, le gouvernement demande à la Législature et à
la province, non seulement de renoncer aux droits fiscaux qui leur sont
exclusifs, mais de dire complaisamment à Ottawa: L'argent que vous nous
avez volé, suivant l'expression du sénateur libéral, Jacob
Nicol, nous allons vous en emprunter une partie, vu que nos propres
dépendants et les municipalités sont dans une pénurie
extrême, mais ne craignez rien, nous allons vous payer, sur cet argent
volé qui nous appartient, l'intérêt fixé par vous,
nous allons vous en garantir le remboursement et, soyez bien tranquille, nous
en ferons l'usage que vous voudrez bien nous dicter.
M. le Président, en vertu de la constitution, ai-je besoin de le
dire, la Législature provinciale a le pouvoir exclusif de lever dans la
province les impôts directs pour des fins provinciales. Son pouvoir
exclusif s'étend, par conséquent, à toute la gamme des
compétences provinciales énumérées à
l'article 92, y compris cette
compétence exclusive en matière d'institutions municipales
dont il est question au paragraphe 8.
Si les mots ont un sens, cela veut dire que l'État du
Québec a le droit exclusif d'imposer des taxes directes pour aider les
municipalités.
M. le Président, par ce bill, le gouvernement libéral de
Québec veut que la Chambre efface les seuls traits, tout cela et il
permet au gouvernement libéral d'Ottawa de percevoir des impôts
directs comme sa nouvelle taxe sur les matériaux de construction, par
exemple, qui s'applique même aux municipalités, 11%, pour
organiser un système de prêts et de subventions à ces
mêmes municipalités, ce qui relève clairement de la
compétence exclusive des provinces. Si Ottawa a les moyens
d'établir des organismes, de payer des fonctionnaires et de donner des
subventions pour aider les municipalités qui sont la créature des
provinces, c'est qu'en plus de l'imposition indirecte dont il possède
l'exclusivité en vertu de la constitution, il perçoit plus que sa
juste part des taxes directes. Le remède à ce désordre
constitutionnel, c'est de rendre aux provinces leurs droits de taxation, c'est
de rendre l'instrument fiscal à celui qui a le pouvoir exclusif de
légiférer et non pas de céder le pouvoir de
légiférer à celui qui a déjà accaparé
l'instrument fiscal, M. le Président.
Mais le premier ministre ne veut pas que nous parlions de droits
exclusifs ou prioritaires des provinces en matière de taxation, il ne
veut parler que de besoins prioritaires, il prétend que c'est plus fort,
plus dynamique d'invoquer nos besoins que de proclamer nos droits. Le
résultat, c'est que nous en sommes rendus à emprunter d'Ottawa
notre propre butin en promettant de rembourser avec un intérêt
dont le taux sera fixé évidemment par Ottawa. Nous
quémandons, nous mendions comme tous ceux qui ont des besoins, mais qui
n'ont pas de droits; on ne nous donne pas, mais on nous prête, pour
accentuer davantage notre servitude de colonisés envers Ottawa. C'est le
genre de concessions qu'un gouvernement libéral à Québec
obtient d'un gouvernement libéral à Ottawa; c'est le genre
d'abdication qu'un gouvernement rouge à Ottawa impose à un
gouvernement rouge à Québec. Et le premier ministre veut que la
Chambre approuve tout ça par le bill no 1. C'est sa conception à
lui de l'autonomie provinciale, des libertés du Québec et d'une
politique de grandeur.
M. Lesage: Vous, vous êtes honnête.
M. Johnson: C'est sa façon à lui de nous émanciper,
de nous rendre maîtres chez nous, une façon de roi nègre.
M. le Président, cette formule d'option que le premier ministre
prétend avoir obtenue à la conférence provinciale et que
le ministre des Affaires municipales ne vend pas autrement qu'en se servant de
citations de journaux qu'il ne prend même pas à son compte, cette
formule d'option est loin d'être une victoire pour le Québec; elle
marque, au contraire, dans mon opinion, un formidable recul sur la formule
Fleming-Barrette qui a mis fin, sous l'Union Nationale, à
l'ingérence d'Ottawa dans l'enseignement universitaire du Québec.
En vertu de cette formule, les subventions fédérales aux
universités n'étaient pas remplacées par des subventions
à la province et encore moins par des prêts, mais par une
augmentation des pouvoirs fiscaux de l'État du Québec. Au lieu de
taxer les contribuables du Québec pour subventionner les
universités québécoises, Ottawa, par la formule
Fleming-Barrette, consentait à percevoir 1% de moins de l'impôt
sur les corporations et à laisser au Québec 1% de plus, pour lui
permettre de. subvenir, par ses propres moyens, aux besoins de ses propres
universités. Nous reprenions donc à la fois notre liberté
législative et notre liberté fiscale. En vertu de la formule qui
sera connue sous le nom, je n'en doute pas, de Lesage-Pearson, Ottawa
continuera de lever dans le Québec, pour les prêts et subventions
aux municipalités, les mêmes impôts que dans les autres
provinces. La seule différence, c'est qu'au lieu de prêter
directement aux municipalités, il prêtera à la province
qui, directement, à son tour, prêtera aux municipalités,
mais suivant les conditions et modalités établies par la loi
fédérale. Ottawa ne diminue pas d'un sou sa taxation dans le
Québec pour des fins provinciales; Québec ne voit pas augmenter
d'un sou sa propre taxation. Tout ce qu'il y a de changé, c'est qu'entre
le contribuable québécois qui paie l'impôt et la
municipalité québécoise qui reçoit le prêt ou
la subvention, il y a un intermédiaire de plus, la province, qui
s'ajoute à tous les services fédéraux chargés de
percevoir les taxes, de les répartir suivant les dispositions de la loi
fédérale et d'en surveiller la dépense. Le dollar fiscal
fait un détour additionnel et n'arrivera que plus aminci encore à
la fin de sa course.
Avec la formule Lesage-Pearson, nous ne gagnons rien en fait de
liberté fiscale et nous ne gagnons rien non plus en fait de
liberté législative puisque, malgré l'opposition offerte,
suivant le paragraphe 2 de l'article 7 du bill - je m'y réfère
parce que là repose tout le principe - tout devra quand même se
faire selon les modalités et aux conditions applicables à des
prêts accordés par l'office à des municipalités. M.
Gordon le dit d'ailleurs en toutes lettres dans cette lettre qu'il a
écrite le 8 août au premier ministre et dont copie a
été déposée aujourd'hui même, quand il
écrit que, pour bénéficier de
l'option, la province devra s'engager - et je cite - "à avancer
les fonds à ses municipalités à des conditions et pour des
entreprises conformes", conditions et entreprises conformes à la loi,
c'est-à-dire à la loi fédérale. La formule d'option
Barrette-Fleming, M. le Président...
M. Lesage: Non, non, sous le certificat de la province qui est
accepté; on public de mentionner ça, évidemment.
M. Johnson: Sous le certificat de la province, en ce sens que ces
travaux sont conformes à la loi fédérale.
Une voix: C'est clair.
M. Johnson: M. le Président, doit-on présumer que la
province va faire un faux et donner un faux certificat? Je n'ai pas le droit de
le faire, M. le Président.
M. Lesage: Non, non, on vous laisse ça.
M. Johnson: M. le Président, ce n'est pas le gouvernement qui
fait des faux, c'est le Parti libéral qui fait des faux certificats.
C'est une autre affaire.
M. le Président, les travaux devront être faits, les
prêts devront être faits conformément à toutes les
conditions énumérées, non seulement dans la loi, mais dans
les règlements qui seront adoptés par Ottawa, quand il s'agit de
prêter notre propre argent aux municipalités de la province de
Québec sur qui nous avons juridiction.
M. Lesage: Il n'a jamais rien compris...
M. Johnson: Vous savez, M. le Président, la formule d'option
Barrette-Fleming ne nécessitait pas d'entente entre Québec et
Ottawa. En effet, il n'y en a eu aucune. Chacun a légiféré
de son côté, la Législature provinciale
précédant même la législation
fédérale.
La province n'a eu aucun engagement à prendre, aucune garantie
à donner, aucune courbette à faire devant quelque parti
fédéral que ce soit, M. le Président. Elle a tout
simplment voté deux lois: l'une donnant aux universités du
Québec des subventions qui étaient même supérieures
aux subventions faites par Ottawa, l'autre augmentant de 1% l'impôt
provincial sur les corporations.
Puis Ottawa, comme on le sait, a légiféré à
son tour en disant: Cet impôt provincial additionnel de 1% imposé
sur les compagnies serait déductible de l'impôt
fédéral dans les provinces, donnant elles-mêmes des
subventions équivalentes aux subventions fédérales.
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition...
M. Johnson: Il n'y a aucun lien direct entre les deux
législations.
M. Lesage: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet une question?
Est-ce qu'il a bien lu le texte de la loi fédérale qui
décrit ce qu'est une province désignée? C'est une province
qui s'engage à verser tant par tête d'étudiant. C'est
évident, voyons donc.
M. Johnson: M. le Président, la province de Québec ne
s'est jamais engagée, sous la formule Barrette-Fleming, à verser
quoi que ce soit. La Législature du Québec a adopté une
loi avant la loi fédérale et, s'il a plu à certains
légistes, s'il a plu aux légistes du gouvernemnt
fédéral dont on connaît les couleurs politiques, même
du temps des conservateurs, de faire une rédaction semblable, c'est leur
problème, ce n'est certainement pas ma responsabilité et celle de
l'Union Nationale, M. le Président.
M. Laporte: Est-ce que je peux poser une question au chef de
l'Opposition?
M. Johnson: Il n'y a eu aucun lien direct entre les deux
législations.
M. Laporte: Il aime moins ça, les questions.
M. Johnson: Aucune subordination de la législation provinciale
à la législation fédérale. Le premier ministre
actuel n'en a pas moins dénoncé cet arrangement dans le temps.
Oui, le premier ministre de la province de Québec, celui que nous avons
devant nous aujourd'hui, appelait cette formule le pire accroc, un accroc sans
précédent, dis-je, à l'autonomie provinciale.
Imaginez, M. le Président, jusqu'où on peut aller en fait
de cynisme politique dans le Parti libéral. C'est lui, le ministre
à Ottawa, qui avait été le complice et l'un des principaux
facteurs de l'invasion d'Ottawa dans le domaine de l'éducation.
M. le Président, c'est lui qui, la veille de la convention de M.
Pearson, était allé devant les étudiants de la
Fédération libérale à l'Université d'Ottawa
et leur avait dit: "Il y a moyen d'entrer dans le domaine de
l'éducation, il y a moyen de donner des bourses sans enfreindre
l'autonomie provinciale". Je pense que c'est même lui l'auteur de cette
formule.
M. le Président, on va être de bon compte. Oui.
M. Lesage: Oui, vous me citerez.
M. Johnson: L'arrangement Fleming-Barrette n'était pas encore la
formule parfaite, mais c'était un grand pas de
franchi dans la bonne voie.
M. Laporte: Le nôtre aussi.
M. Johnson: Mais non, c'est un pas en arrière, M. le
Président. C'était la reconnaissance du fait que Québec
n'était pas une province comme les autres, qui avait besoin d'une plus
grande liberté.
M. Laporte: Est-ce que je peux la poser, ma question?
M. Johnson: C'était donc un précédent formidable,
il fallait se hâter de consolider et d'élargir. Or, au lieu de
consolider et d'élargir ce précédent, le gouvernement
actuel recule.
M. Laporte: Est-ce que je peux poser une question?
M. Johnson: Oui, le député peut la poser.
M. Laporte: Je voulais tout simplement demander au chef de l'Opposition
la question suivante: Si, par hasard, la subvention provinciale avait
été inférieure à la subvention
fédérale pour les universités, est-ce qu'il pense que
l'entente Barrette-Fleming aurait été possible? Absolument pas.
Vous avez accepté les conditions fédérales comme dans le
cas actuel. Vous étiez obligé d'avoir des subventions au moins
égales.
M. Johnson: M. le Président, le ministre publie-t-il qui avait
causé le précédent d'entrer dans le domaine du financement
des universités?
M. Laporte: Ce n'est pas ma question. J'ai dit, j'ai demandé au
chef de l'Opposition...
M. Johnson: Un gouvernement que le député du temps, qui
était libre...
M. Laporte: Ah là, il va parler fort.
M. Johnson: ... indépendant plus ou moins, mais libre tout de
même, a condamné, M. le Président. Je voudrais avoir la
plume et le talent du député de Chambly...
M. Laporte: C'est vrai, vous étiez silencieux à ce
moment-là.
M. Johnson: ...pour descendre les libéraux comme il les a
descendus dans ce domaine-là, dans le domaine de l'autonomie
provinciale. Et c'est là que se trouve le premier ministre habile, et
dire que c'est lui qui va servir de paravent pour esssayer de faire passer le
pire accroc à l'autonomie que nous avons.
M. Lestage: J'espère, M. le Président, que vous avez
remarqué que le chef de l'Opposition n'a pas été capable
de dire ça sans rire.
M. Johnson: C'est le premier ministre qui riait. On s'est compris tous
les deux.
M. Laporte: Est-ce que je dois comprendre, M. le Président, que
c'est là la réponse à ma question?
M. Johnson: Oui, oui.
Le premier ministre et moi, nous nous sommes compris quand il a
immolé sur l'autel du Parti libéral le plus autonomiste de ses
ministres, celui qui avait la réputation d'être le plus
autonomiste...
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. Johnson: ...une victime agréable à M. Pearson.
M. Laporte: Asseyez-vous, la victime, pour quelques secondes. M. le
Président, j'invoque le règlement.
M. Johnson: Ah bon!
M. Laporte: Je prétends qu'il est faux de prétendre, de
laisser supposer ou de laisser entendre qu'il y a eu des victimes
immolées sur l'autel de l'autonomie. Je réaffirme que nous avons
fait simplement ce que vous avez fait pour l'entente Fleming-Barrette: vous
avez accepté avec regret des conditions fédérales afin de
ne pas tout perdre.
M. Bellemare: Jamais! Jamais!
M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de victime au sens
propre...
M. Lesage: C'est au statut fédéral, ça.
M. Laporte: C'est dans le texte de votre chef.
M. Johnson: M. le Président, il n'y a pas de victime au sens
propre du mot, tout le monde s'est compris. Le corps du député
est encore en Chambre, mais son âme autonomiste a expiré...
M. Laporte: Votre tête, je me demande où elle est
rendue.
M. Johnson: Le député autonomiste, celui qui jadis fut
autonomiste n'est pas à l'aise aujourd'hui, mais il y a de ces
sacrifices qu'impose le chef du gouvernement pour prouver sa
loyauté à la cause libérale. Et plus on a pris de temps
à entrer dans le Parti libéral, plus la pénitence est
grave et plus il faut faire un effort considérable pour prouver sa
loyauté. Le ministre a presque réussi cet après-midi, sauf
qu'il ne fait aucun compliment ni à la formule, ni à l'attitude
du premier ministre autrement qu'en se servant d'articles de journaux qu'il n'a
pas encore pris à son compte.
M. le Président, après bien des acrobaties verbales qui
ont pu donner le change pendant un certain temps, le premier ministre...
M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de
règlement. Le chef de l'Opposition a prétendu que je me suis
servi d'articles de journaux. J'ai terminé mon discours en disant que
j'insistais sur un point en particulier, que ce que nous avons pu gagner
à Ottawa, c'est dû à plusieurs causes dont une est
l'attitude ferme du chef du gouvernement qui, plus que jamais, doit être
considéré comme chef de l'État du Québec.
M. Lesage: M. le Président, parlant sur un point de
règlement...
M. Johnson: Ce n'est pas un point de règlement.
M. Lesage: Non!
M. Johnson: C'est une mise au point.
M. Lesage: Non, non, c'est un point de règlement. Puis-je faire
remarquer juste un mot au chef de l'Opposition? Ayant lu le texte du ministre
des Affaires municipales, je suis sorti pour la fin du discours.
Une voix: Je ne suis que cendre et poussière.
M. Johnson: Le ministre a cité des paroles qu'il aurait dites
à la fin de son discours, je m'excuse. Que le premier ministre, il avait
admiré...
M. Laporte: Le chef de l'Opposition est sans excuse, il ne...
M. Johnson: Je ne vous ai pas lu, je m'en excuse, mais...
M. Laporte: Vous auriez pu au moins écouter. Il n'a pas
écouté. Il n'a pas lu. Et il n'a pas compris.
M. Johnson: M. le Président, on me permettra seulement de dire
que le premier ministre s'est acquitté avec efficacité de
la...
M. Laporte: Allez jusqu'au bout.
M. Johnson: ...tâche qu'on lui avait confiée...
M. Laporte: Vous avez oublié une phrase avant ça. Juste la
phrase avant...
M. Johnson: ...et plus que jamais, on a raison de le tenir pour le chef
de l'État du Québec.
M. le Président, ça ne prouve qu'une chose. C'est qu'en
matière d'autonomie, le député de Chambly est beaucoup
moins difficile qu'il ne l'était lorsqu'il était rédacteur
au journal Le Devoir. Il se contente de beaucoup moins.
M. Laporte: M. le Président, je soulève un point de
règlement, pour établir le contraire.
M. le Président: Je crois que le député de Chambly
va utiliser son droit de réplique avant même...
M. Laporte: Le député de Chambly va rester assis
jusqu'à six heures, M. le Président.
M. Johnson: ... qui ont pu donner le change pendant un certain temps, le
premier ministre qui parle d'autonomie depuis 1960, qui parle, qui
dénonce les plans conjoints, alors que son ministre, le
secrétaire provincial, dit: "Amenez-en des plans conjoints, on aime
cela." M. le Président, le premier ministre qui parle d'autonomie
à toute occasion pour donner le change à l'élément
nationaliste et particulièrement à la jeunesse, le premier
ministre est allé à Canossa. Et voici qu'il nous demande
maintenant de féliciter et de ratifier ses abdications par un vote de la
Chambre. Eh bien, j'ai une nouvelle pour le premier ministre: jamais l'Union
Nationale ne sera complice d'une pareille trahison.
M. le Président, le ministre admettra avec moi que ce que le
premier ministre se glorifie d'avoir obtenu de ses amis fédéraux,
que ce que le premier ministre se glorifie d'avoir obtenu n'aboutit qu'à
consacrer, à perpétuer la servitude de la province...
Une voix: C'est effrayant.
M. Johnson: ...car elle fait de l'État du Québec l'agent
non pas du gouvernement fédéral, mais d'un office du gouvernement
fédéral...
M. Lesage: C'est la Commission municipale...
M. Johnson: Non, M. le Président, on devient... Oui, elle n'est
pas subtile, M. le
Président. C'est moins humiliant, même si c'est
anticonstitutionnel, pour le ministre des Affaires municipales du Québec
de faire affaires avec un ministre à Ottawa. Lui, il fera affaires avec
des bureaucrates à Ottawa.
M. Laporte: Mais vous avez dit le contraire tantôt.
M. Johnson: ...il sera obligé de passer sous leur diktat, il sera
obligé de leur faire rapport sur les sommes qu'il a
prêtées, sur le taux qu'il a demandé aux
municipalités. Il devra expliquer a ces bureaucrates...
M. Lesage: Le chef de l'Opposition commence à... C'est le temps
d'arrêter.
M. Johnson: Voici un ministre, M. le Président, qui va aller
s'agenouiller non pas seulement devant un ministre à Ottawa, mais devant
des bureaucrates. C'est la limite et là, nous ne jugeons pas le
gouvernement actuel...
M. Laporte: M. le Président, j'invoque le règlement. Je
trouve déplacé dans cette Chambre que l'on dise que le ministre
va aller s'agenouiller à Ottawa, d'autant plus que c'est faux, et je
voudrais bien que le chef de l'Opposition...
Des voix: Ce n'est pas un point de règlement.
M. Laporte: ...ne fasse pas trop de contradictions.
Des voix: Ce n'est pas un point de règlement.
M. le Président: Je pense qu'on pourrait dire qu'il est six
heures.
M. Lesage: On va donner une chance au chef de l'Opposition de respirer,
de se refroidir les sens un petit peu. Cela va lui faire du bien et, en
même temps, c'est bien ce que j'avais dit, c'est-à-dire qu'il
parlerait tellement longtemps que je n'avais aucune inquiétude pour ce
qui était de ses collègues, qu'ils auraient le temps d'examiner
le bill...
M. le Président: La séance est suspendue jusqu'à
huit heures.
M. Lesage: ... disons, mieux que lui-même.
M. le Président: Huit heures?
M. Johnson: Du moment qu'on pourra ajourner après le discours du
premier ministre, s'il doit parler ce soir. Le premier ministre ne parle pas ce
soir.
M. Lesage: Non, c'était entendu.
M. Bertrand (Missisquoi): C'est de huit à dix.
M. Lesage: Excusez-moi, M. le Président, j'avais compris que nous
suspendrions la séance cet après-midi, même si j'avais
terminé, jusqu'à huit heures ce soir. C'était la
proposition du chef de l'Opposition. Alors, il n'y a pas de raison
d'arrêter. Le chef de l'Opposition se souvient très bien que j'ai
dit: "Je n'ai aucune inquiétude, je sais qu'il va parler longtemps."
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre mettrait-il
ça à 8 h 15?
M. Lesage: 8 heures.
M. Johnson: J'ai objection. À 8 h 15.
M. Lesage: Je ne comprends pas. Je ne vous vois pas aller les
lèvres.
M. Johnson: Huit heures et quinze minutes.
M. Lesage: Oui, entendu.
M. Johnson: 8 h 15 au lieu de 8 heures.
M. Lesage: Oui, 8 h 15.
M. Johnson: D'accord. Merci.
M. le Président: Adopté. La séance est suspendue
jusqu'à 8 h 15.
(Reprise de la séance à 8 h 17 du soir)
M. Johnson: À la veille d'avoir le quorum, M. le
Président, je voudrais continuer beaucoup ' plus brièvement que
cet après-midi.
Une voix: Très bien.
M. Johnson: M. le Président, quand nous étions de l'autre
côté et que nous en mangions une, nous avions la même
réaction que celle que les députés viennent d'avoir.
M. Lesage: Vous allez l'avoir tantôt...
M. Johnson: Mais cela n'arrivait pas souvent, et cela n'est jamais
arrivé au sujet de l'autonomie.
M. Lesage: Ce n'est pas comme cela que vous allez prendre moins de
temps.
M. Johnson: ... au sujet de l'autonomie provinciale, car l'Union
Nationale peut se vanter d'avoir, dans ce domaine, suivi une
politique logique, une politique qui n'a pas été à
100% parfaite, mais pour des raisons que cette Chambre apprécie,
puisque, dans le temps, nous avions une Opposition qui nous nuisait au lieu de
nous aider dans le domaine de l'autonomie provinciale. Nous avons vu...
M. Hamel (Saint-Maurice): Vous nous disiez: Ne nous dérangez pas
dans les tentations.
M. Johnson: Nous avions dans ce temps, M. le Président, un chef
intérimaire, par exemple, qui, à la tête de ses troupes,
est sorti plutôt que d'approuver un bill récupérant pour la
province 10% de l'impôt sur le revenu des individus.
M. Hamel (Saint-Maurice): Ce n'est pas cela, M. le Président.
M. Johnson: Il a fui la bataille...
M. Hamel (Saint-Maurice): M. le Président, je soulève un
point de règlement. Je n'ai jamais fui la bataille, premièrement;
deuxièmement, quand nous sommes sortis, c'est parce qu'à ce
moment, depuis plusieurs semaines, le rapport Tremblay avait été
publié et un certain nombre de copies avait été
distribué aux journalistes; le gouvernement l'avait mis à l'index
quant aux députés de l'Assemblée législative.
M. Johnson: M. le Président, en résumé, avant de
décider s'il devait voter autonomiste, le député avait
besoin d'un volume pour le lui dire. Nous n'avons pas besoin de volume pour
nous guider dans notre politique autonomiste, une politique, M. le
Président, quand on est fier et quand on et sincère dans ce qu'on
prêche, une politique qui vient tout droit du coeur; mais je regrette
d'avoir à dire cet après-midi que le premier ministre et son
équipe ont beaucoup plus suivi la doctrine exposée notamment par
le député de Matapédia que celles des articles
signés du ministre actuel des Affaires municipales quand il
écrivait dans le Devoir. D'autres de mes collègues auront
l'occasion d'exposer les contradictions, les volte-face du gouvernement d'en
face sur cette question de l'autonomie provinciale. L'option, M. le
Président, que le premier ministre se glorifie d'avoir obtenue, j'avais
commencé à le dire cet après-midi, n'aboutit en somme
qu'à consacrer et à perpétuer la servitude de la province,
car elle fait de l'État du Québec l'agent non pas du gouvernement
fédéral, comme je le disais, mais d'une créature d'Ottawa,
d'un Office du développement municipal et des prêts aux
municipalités qui est créé par le bill C-76 en violation
flagrante de la constitution. Et, si vous aviez besoin d'une raison
additionnelle pour croire ce que je viens d'avancer, vous n'avez qu'à
vous référer à ce qu'a dit le premier ministre cet
après-midi. Le bill à Ottawa n'est même pas encore en
vigueur, et la raison pour laquelle il n'est pas en vigueur, c'est qu'il n'y a
pas encore d'office, mais, dès qu'il y aura un office, à partir
de ce moment, l'autonomie de la province évidemment pourra jouer
à plein, puisque le ministre des Affaires municipales ou la Commission
municipale deviendra l'agent d'un bureaucrate, l'agent d'un homme qui n'est pas
élu mais nommé par un gouvernement, le gouvernement d'Ottawa. Cet
agent devra se conformer, la province devra se conformer, non seulement aux
conditions et aux modalités fixées par la loi
fédérale, mais encore aux instructions que pourra lui donner
l'office.
Il est dit, comme je l'ai souligné cet après-midi, au
paragraphe e), au sous-paragraphe e) du paragraphe 2 de l'article 7, que le
gouvernement de la province doit présenter à Ottawa, à
l'office, aux dates dont il peut être convenu, un rapport sur la marche
des travaux relatifs aux entreprises municipales sises dans la province, sur le
volume d'emplois supplémentaires ainsi créés, sur les
montants des obligations municipales acquises à cet égard et sur
les autres questions que l'office peut juger indispensable de
connaître.
La province est donc soumise à tous les desiderata, à tous
les caprices de l'office fédéral, dans un domaine qui est
clairement de sa compétence exclusive en vertu de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
Bien plus, en vertu du sous-pagraphe c) du paragraphe 2 du même
article, la province sera pleinement responsable des sommes qu'elle empruntera
de l'office fédéral pour les reprêter aux
municipalités. Elle devra émettre elle-même ou garantir les
obligations ou autres titres qui constateront sa dette vis-à-vis de
l'office fédéral.
La province n'agira que sous les directives de l'office, mais tous les
risques financiers seront assumés par elle et par ses contribuables
évidemment. Ottawa prendra le mérite et Québec recueillera
les pertes.
Sans compter que, pour prêter plus de $5 millions à la
même municipalité, Québec devra obtenir en plus
l'assentiment du gouverneur général en conseil. Voilà que
nous n'avons même plus la maîtrise de nos relations avec nos
propres municipalités.
Le 26 juin 1963, comme je l'ai dit cet après-midi, grâce
à la vigilance de l'Union Nationale, la Chambre a adopté
unanimement la motion suivante, proposée par l'honorable
député de Saint-Jacques, appuyée par le
député de Laviolette. Cette motion avait d'abord
été présentée sous la forme d'une motion de
blâme, on s'en souvient, et, à la demande du gouvernement, le
député de Saint-Jacques a consenti à la modifier pour en
faire une motion de fond, de façon que la
Chambre puisse l'approuver à l'unanimité. Le texte final
en a été arrêté, on s'en souvient, à la suite
Je consultations entre la premier ministre, le chef de l'Opposition et le
député de Saint-Jacques.
Le 26 juin 1963, la Chambre était donc unanimement d'avis que le
bill C-76 constituait une atteinte grave à la compétence
exclusive et à l'autonomie de la province en matière
d'institution municipale. Depuis, on a quelque peu modifié le bill pour
y inclure la clause d'option dont j'ai parlé tantôt. Cette
modification de surface ne change rien à la réalité des
choses et l'atteinte reste la plus grave, la plus humiliante qui ait
été portée à la souveraineté du
Québec depuis nombre d'années.
Or, dans le bill no 1 que le gouvernement voudrait faire approuver par
la Chambre, il n'y a pas un mot de blâme à l'adresse du
gouvernement d'Ottawa, pas même dans le préambule, à
l'adresse de ce gouvernement qui envahit sans vergogne un champ aussi important
de la compétence provinciale. Au contraire, le bill no 1 accepte,
approuve et ratifie cette invasion. Le bill no 1 est donc contraire à la
résolution unanime votée par la Chambre le 26 juin 1963.
Le bill no 1 est encore contraire à la résolution de la
Chambre en ce qu'il omet de créer un système provincial de
crédit municipal. En fait, il n'apporte aucune initiative de la province
en ce qui concerne les municipalités. Et c'est l'une des
caractéristiques les plus graves que cette inaction provinciale en face
de l'invasion fédérale.
Comme nous l'avons proclamé bien des fois de ce côté
de la Chambre, le meilleur moyen de conserver nos droits, c'est de les exercer
pleinement. Les municipalités ont un besoin impérieux de
nouvelles sources de revenus et de nouvelles sources de crédit.
Si la province avait comblé elle-même ce besoin,
conformément aux promesses formelles du Parti libéral en 1960, il
lui serait infiniment plus facile aujourd'hui de conserver sa pleine
souveraineté en matière d'institution municipale. C'est la raison
pour laquelle nous avons présenté notre motion de blâme
plus tard convertie en motion de fond, mais le gouvernement ne s'est pas
occupé du vote unanime de la Chambre. Devant l'inaction de leur
protecteur naturel, c'est-à-dire le gouvernement provincial, les
municipalités du Québec ont frappé à d'autres
portes. Les enfants du volé ont demandé assistance et protection
au voleur et, comme d'habitude, le voleur s'est laissé faire une douce
violence. L'occasion était trop belle pour lui d'envahir un autre champ
de la compétence provinciale et, au lieu de réparer ses erreurs,
voici que le gouvernement provincial acquiesce à l'usurpation de ses
droits.
Le projet de loi qu'il nous propose n'a pas pour but de créer un
système provincial de prêts aux municipalités, mais, comme
le dit la note explicative, "d'autoriser le gouvernement du Québec
à conclure avec l'Office fédéral du développement
municipal et des prêts aux municipalités une entente". Voici donc
un projet de loi qui n'a pas du tout pour effet d'occuper le terrain
confié aux provinces en vertu de la constitution, il n'offre aucune
mesure provinciale pour résoudre les problèmes des
municipalités, il ne vise qu'à s'accommoder de l'usurpation
fédérale, qu'à s'arranger avec l'usurpateur, qu'à
conclure des ententes avec la puissance d'occupation. Ce n'est pas un bill de
libération, ni un bill de résistance, ni même un bill de
protestation; c'est un bill de collaboration avec l'occupant. Ce projet de loi
n'a même pas d'existence propre; plus, en lui-même, il ne veut rien
dire, il ne vaut que par référence à une loi
fédérale. Envoyez le bill à n'importe quel maire, à
n'importe quel échevin du Québec; fût-il le plus
intelligent et le plus perspicace de nos administrateurs, il ne saura pas ce
que la loi provinciale veut dire, à moins que n'y soit annexé le
bill C-76 du Parlement d'Ottawa. C'est dans la loi fédérale
seulement que les municipalités pourront trouver la mesure de leurs
droits.
De plus, le bill no 1 ne vise que la répartition dans la
province, suivant les conditions et modalités établies par
Ottawa, de l'argent voté par un autre Parlement. La province n'ajoute
pas un sou à ce qui sera donné ou prêté par le
gouvernement fédéral. On dit pourtant que c'est un bill pour
régler le chômage. Dans ses annonces électorales de juin
1960, le Parti libéral promettait de "faire du chômage une
responsabilité provinciale". Tout cela est oublié. La province ne
donne pas un sou de son cru. Elle n'est qu'un service de distribution des
faveurs payées à même notre argent. Voilà l'esprit
de cette loi. Le bill no 1 n'est en somme qu'une étiquette que l'on
colle au bill C-76 d'Ottawa et sur laquelle on peut lire: "Inspecté et
approuvé pour usage suivant les instructions du fabricant". En d'autres
termes, c'est une loi de capitulation qui se greffe à une loi
d'usurpation. D'un gouvernement provincial qui a un budget de $1,200 millions,
soit deux fois le plus gros budget de l'Union Nationale, les
municipalités auraient pu s'attendre à davantage. On aurait pu
espérer un système provincial de crédit municipal, avec un
fonds d'au moins $500 millions à distribuer parmi les villes et villages
du Québec au cours des cinq prochaines années. Mais le
gouvernement libéral actuel est plus pauvre avec un budget de $1,200
millions que ne l'était l'Union Nationale en 1936 avec un budget de $40
millions. Car, avec ses $40 millions représentant le trentième du
budget actuel,
l'Union Nationale a réussi à instituer le crédit
agricole provincial. Et comment cette usurpation fédérale
pourrait-elle régler les difficultés financières de nos
municipalités, je vous le demande? La subvention offerte ne
représente que 25% du montant prêté, qui est limité
lui-même à 66 2/3% du coût de l'entreprise, moins les
subventions.
Ce qu'on donne ne représente donc que 16 2/3% du coût.
C'est une goutte d'eau en regard des besoins des municipalités. Sur les
$120 millions qui devraient normalement être prêtés dans le
Québec dans trois ans, si la présente loi est votée, c'est
un maximum de $30 millions à être donnés en
subventions.
Quand les villes de Montréal et de Québec auront
été servies, que restera-t-il à partager entre les quelque
1,600 autres municipalités du Québec? Ce n'est pas avec de
pareilles miettes, M. le Président, qu'on réglera le
problème du chômage ni le problème municipal. Il
appartiendrait à l'Etat provincial de régler véritablement
le problème par des prêts et des subventions beaucoup plus
généreuses. Mais le gouvernement actuel ne veut même pas
ajouter ses petits 16% aux petits 16% d'Ottawa. Il ne fait que passer la
gamelle.
Le rapport Tremblay signale (volume 1, page 111) que "la plupart des
municipalités du Québec ont été acculées au
bord de la faillite", lors de la crise économique d'avant-guerre, parce
qu'elles avaient dû supporter un fardeau beaucoup trop lourd en
matière de travaux de chômage. Même la ville de
Montréal, on s'en souvient, s'est révélée incapable
de faire honneur à ses obligations et a été mise en
tutelle sous l'administration Godbout-Bouchard.
Or, à cette époque, les municipalités ne payaient
elles-même que 50% ou 33 1/3% du coût des travaux, le reste
étant assumé à parts égales par l'autorité
fédérale et l'autorité provinciale. Voilà qu'on les
oblige maintenant à payer 84% du coût total des travaux de
chômage. Les administrations les plus démunies en fait de sources
de revenus doivent porter à elles seules plus des quatre
cinquièmes du fardeau. Et Québec se comporte comme s'il n'avait
aucune responsabilité en matière de chômage, il n'ajoute
pas un sou à la subvention déjà très chiche
d'Ottawa.
Dire que le Parti libéral s'était pourtant engagé
à faire du chômage, comme je le disais tantôt, une
responsabilité provinciale et à "exécuter, sans
délai et partout, des travaux publics à la mesure des besoins".
Il se vantait d'apporter au Québec un changement de vie; mais il est
incapable de donner autre chose que des changements d'avis.
M. le Président, si le Parti libéral avait tenu ses
promesses de péréquation et de travaux, la loi d'Ottawa, on n'en
aurait même pas besoin et le gouvernement ne serait pas, selon son propre
aveu, coincé comme il l'est entre les demandes des municipalités
et la centralisation des libéraux d'Ottawa.
Le chômage, on le sait, est le prétexte qu'invoque
l'autorité fédérale pour envahir le champ municipal et
qu'invoque à son tour, évidemment, l'autorité municipale
pour demander à la Chambre d'acquiescer à l'invasion. Or, c'est
là un précédent extrêmement dangereux. Car si, par
le bill no 1, la Chambre reconnaît que la nécessité de
créer de nouveaux emplois est un motif valable pour justifier
l'occupation du champ municipal par Ottawa, le même motif pourra
être invoqué désormais pour multiplier les
ingérences dans n'importe quelle autre sphère de
compétence provinciale.
Et d'ailleurs, c'est le ministre des Affaires municipales qui, cet
après-midi, invite Ottawa à continuer son envahissement dans
d'autres domaines, puisqu'il annonce d'avance à Ottawa que, chaque fois,
il collaborera en sauvant ce qu'il peut sauver, M. le Président.
Qu'est-ce qui empêchera désormais Ottawa de bâtir des
écoles dans le Québec? Est-ce que ces travaux ne contribueraient
pas à donner de l'emploi? En fait, le texte original du bill C-76 que
cette Chambre a unanimement condamné...
M. Hamel (Saint-Maurice): Cela existe depuis aussi longtemps que
Bilodeau-Rogers en 1936.
M. Johnson: ... excluait les constructions d'écoles.
M. Hamel (Saint-Maurice): Bilodeau-Roqers?
M. Johnson: Le premier projet du bill C-76. Cependant, le nouveau texte
adopté par la Chambre des communes à la suite de la
conférence fédérale-provinciale ne contient plus cette
restriction. Ottawa pourra même subventionner la construction
d'écoles.
M. Lesage: Pas dans le Québec.
M. Johnson: Est-ce là le bénéfice que le premier
ministre a obtenu à la conférence
fédérale-provinciale? Est-ce là sa façon de
sauvegarder l'autonomie du Québec?
M. Lesage: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
député de Bagot ne peut pas donner une fausse
interprétation du bill C-76. Dans le Québec, il ne peut
être question de se servir de cette loi pour construire des
écoles, parce que les municipalités n'administrent pas
d'écoles.
M. Johnson: M. le Président, voilà d'abord des choses que
le premier ministre
aurait pu dire en réplique. Et, deuxièmement, le premier
ministre sait bien que je discute du bill totus in toto. Il sait bien par
expérience, lui qui a siégé à Ottawa, que, lorsque
Ottawa aura pendant des années, sous le couvert du bill C-76,
subventionné, dans neuf des dix provinces, la construction
d'écoles, il se trouvera dans le Québec des gens pour demander
qu'on ne perde pas le bénéfice d'une telle législation et
qu'on puisse l'avoir au Québec.
M. Lesage: M. le Président, je regrette infiniment, mais le chef
de l'Opposition se trompe grandement, parce qu'il appartient au gouvernement du
Québec de déterminer la distribution des montants et non pas
à Ottawa.
M. Johnson: M. le Président, on pourrait évidemment me
taxer de faire de l'interprétation libre...
M. Lesage: Évidemment.
M. Johnson: ... si je n'avais le texte même du ministre qui a
déclaré, à la page 28: "Chaque fois que le gouvernement
fédéral voudra pénétrer dans un domaine de
juridiction provinciale et chaque fois qu'une majorité de provinces sera
favorable à cette violation de la constitution, ce sera le devoir des
administrateurs de l'État du Québec de tirer le meilleur parti
possible de la situation pour éviter le pire et pour éviter que
les citoyens québécois ne soient taxés au profit du reste
du Canada."
M. Lesage: D'ailleurs, je vais vous dire ce que vous avez fait vous
autres.
M. Johnson: C'est ainsi, M. le Président, que celui qui me fait
un reproche, le premier ministre de cette province, c'est ainsi que de son
temps, avec sa collaboration et à sa suggestion, le gouvernement
fédéral, à la demande des autres provinces, est
entré dans le domaine de la santé et c'est lui, lui-même,
le chef du Parti libéral, qui a fait cette campagne dans toute la
province en nous disant: Vous avez tort, l'Union Nationale, de ne pas profiter
des taxes qui servent à payer dans les autres provinces des services aux
autres contribuables.
M. le Président, le député de Chambly a cependant
dit au deuxième paragraphe, et je dois à la vérité
de le citer à ce moment-ci...
M. Lesage: Mais vous tronquez le texte.
M. Johnson: "...mais chaque fois que le gouvernement
fédéral recourra à un tel procédé, j'allais
dire à un pareil chantage, l'équilibre de la
Confédération en sera de plus en plus faussé...
M. Lesage: C'est ça.
M. Johnson: ... avec le risque qu'un jour ça ne craque."
M. Lesage: Qu'est-ce que vous pensez que j'ai dit à Ottawa?
M. Johnson: M. le Président, après avoir élu,
contribué à faire élire un premier ministre qui n'a aucun
respect des juridictions provinciales...
M. Lesage: M. le Président, de quel premier ministre le chef de
l'Opposition veut-il parler?
M. Johnson: Du premier ministre d'un gouvernement soi-disant
stable...
M. Lesage: Du premier ministre du Canada?
M. Johnson: Oui, M. le Président.
M. Lesage: Je vous répondrai là-dessus. Si ça avait
été moi, je vous aurais demandé de retirer vos
paroles.
M. Johnson: M. le Président, il y en a un qui ne respecte pas les
juridictions provinciales et il y en a un autre qui fait semblant de les
respecter en aidant l'autre à les violer.
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition vient de me
traiter indirectement d'être un hypocrite. J'ai le droit de lui demander
de retirer ses paroles.
Des voix: Bien, voyons donc.
M. Lafontaine: Tout le monde sait ça.
M. Johnson: Je serais justifié de retirer mes paroles...
M. Lesage: M. le Président...
M. Johnson: ... si le premier ministre veut retirer le bill.
M. le Président: À l'ordre, messieurs:
M. Lesage: Un instant! Je viens d'entendre un certain
député qui a déclaré: "Tout le monde sait
ça."
M. Lafontaine: Tout le monde sait ça, M. le Président, ce
que le chef de l'Opposition vient de dire. Tout le monde sait ça dans la
province.
M. Lesage: Non, vous avez dit: "Tout le monde sait ça" quand j'ai
dit qu'on m'avait traité d'hypocrite.
M. Lafontaine: Non, c'est sur ce que le chef de l'Opposition a dit.
M. Lesage: ... à ceux qui parlent assis. M. le Président:
À l'ordre, messieurs!
M. Johnson: M. le Président, pour que je retire mes paroles, il
faudra qu'il retire son bill.
M. Lesage: Une épinette penchée.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! J'avais
espéré que, ce soir, on pourrait continuer l'étude du bill
dans une atmosphère meilleure que celle de cet après-midi et sans
entrer dans les personnalités. Je crois que je pourrais demander
à tous les députés d'essayer de discuter de la motion de
deuxième lecture du bill qui est devant la Chambre et il n'est
aucunement question des personnalités des membres de cette Chambre ni
des membres d'autres gouvernements. Je crois qu'on pourrait discuter d'un bill
sans entrer dans les personnalités, parce que, chaque fois que ça
commence, ça entraîne toujours un débat qui ne donne rien
à la province, qui ne donne rien à la Législature, qui ne
peut faire autre chose que de nuire à la réputation de tout le
monde.
M. Gabias: Même ceux qui sont morts.
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Johnson: M. le Président, des personnalités, je
voudrais éviter d'en faire. Me serait-il permis, à ce stade-ci,
M. le Président, de dire que je comprends comment un gouvernement
fédéral, quel qu'il soit, en vient à devoir adopter
certaines lois qui nous paraissent, à nous du Québec, parce que
nous sommes une province différente, violer et violent en fait, comme
l'a démontré le ministre des Affaires municipales cet
après-midi, la compétence provinciale? Je le comprends, mais ce
que je reproche au premier ministre du Canada, ce que je reproche au premier
ministre de la province de Québec, c'est de faire croire à la
jeunesse du Québec qu'on est autonomiste, alors qu'on manigance
précisément pour faire un Canada unique, un moule unique,
l'intégration lucide de Maurice Lamontagne.
Le député de Chambly, absent ce soir, avait raison de dire
cet après-midi: "Chaque fois que le gouvernement fédéral
recourra à un tel procédé, j'allais dire à un
pareil chantage - les mots sont forts - l'équilibre de la
Confédération en sera de plus en plus faussé avec le
risque qu'un jour ça ne craque."
M. Lesage: Et puis.
M. Johnson: Le député de Chambly a raison, mais, quand on
est autonomiste, on se tient debout avant que ça craque; autrement, le
gouvernement actuel que j'ai devant moi sautera lorque ça craquera, M.
le Président.
M. Lesage: M. le Président, je voudrais purement et simplement
inviter le chef de l'Opposition à présenter un candidat dans
Notre-Dame-de-Grâce, s'il pense que le gouvernement...
M. Johnson: D'abord, M. le Président, je voudrais dire au premier
ministre que je suis en négociation avec le député de
Verdun. Deuxièmement, le premier ministre, vous voyez sa
mentalité - je viens de parler de cette question d'autonomie, de ce
désir de la jeunesse de vivre réellement en Canadien
français dans la province - imite Maurice Lamontagne, deux fois battu
dans Québec-Est, qui va se faire élire dans Outremont. Et quand
on veut un test sur l'autonomie de la province, on me propose
Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président.
M. Lesage: M. le Président, il ne s'agit pas d'un test sur
l'autonomie de la province. C'est le chef de l'Opposition qui a dit que le
gouvernement craquait, vous allez voir...
M. Johnson: M. le Président... M. le Président: A
l'ordre!
M. Johnson: M. le Président, pour faire un véritable test,
une véritable épreuve sur l'autonomie, on aurait peut-être
pu suggérer Outremont.
M. Lesage: Une élection générale encore. Vous n'en
avez pas eu assez.
M. Hamel (Saint-Maurice): En voulez-vous une autre?
M. Johnson: M. le Président, une élection
générale aiderait le premier ministre à laver son cabinet,
on s'en chargerait.
Des voix: Ah oui! ah oui!
M. Lesage: Avec autant de succès que la première
fois...
M. Johnson: M. le Président, je sais que le premier ministre m'en
veut parce qu'on n'a pas battu certains de ses ministres, mais j'ai fait mon
possible. S'il m'avait seulement averti trois mois d'avance.
Une voix: On vous avertit trois ans d'avance.
M. Johnson: M. le Président, vous voyez que ce n'est pas dans mon
texte, les
références à M. Kierans, mais ça vient
toujours des interruptions.
M. Bellemare: Il y a trop d'absents ce soir.
M. le Président: Cela n'a rien à voir avec le bill.
M. Johnson: M. Kierans, ah non, ah non! Si jamais il vient en Chambre,
on en parlera.
M. Lesage: Cela commence: nous avons vu tantôt que le bill no 1 ne
signifie rien par lui-même.
M. Johnson: M. le Président, il arrive peut-être pour la
première fois que, pour savoir ce que nous avons à sanctionner
dans cette Chambre, il faille recourir à un bill d'Ottawa, parce qu'on
sait que le bill no 1 -je n'entrerai pas dans les détails - est
incompréhensible sans qu'on lise un autre bill qui n'est peut-être
pas tellement compréhensible. Cette loi qu'on nous demande, en somme,
d'approuver est pratiquement incompréhensible, comme on le sait, dans sa
traduction française, surtout pour un esprit imbu de logique et de
clarté; ça ne s'applique pas au Procureur général
encore. Ce n'est pas de l'anglais évidemment puisque les mots sont
français; ce n'est pas du français non plus puisque l'ordonnance
des mots et des phrases, les méandres de la pensée, le rythme, la
couleur, la disposition des paragraphes, le génie de la langue et les
conceptions juridiques, tout cela est dans la plus belle veine anglo-saxonne.
Ah, quelle merveille de biculturalisme, M. le Président: Il paraît
que nous avons dix ministres canadiens français au sein du cabinet
fédéral. Quelle est la mesure de leur influence dans les affaires
du pays? S'il faut en juger par ce texte comme par tous les autres qui nous
viennent de la même source, elle est infinitésimale pour ne pas
dire inexistante.
Tout cela montre une fois de plus l'importance pour notre population
d'être gouvernée par Québec plutôt que par
Ottawa...
M. Hamel (Saint-Maurice): Très bien.
M. Johnson: ... surtout, et c'est un minimum, dans les choses qui nous
touchent de plus près comme les institutions municipales. M. le
Président, est-il nécessaire de vous référer
à un article, tout simplement à titre d'exemple? Il y en a un ici
qui est de trente lignes de long sans un seul signe de ponctuation. C'est d'une
clarté fulgurante.
M. Laporte: Quelle largeur?
M. Johnson: M. le Président, je suis certain que le
député de Duplessis pourrait nous expliquer le paragraphe 2 qui
constitue, paraît-il, la grande victoire de notre
délégation à Ottawa. Le paragraphe 2 est d'une
clarté telle qu'il mérite que je vous le lise, en partie
seulement et en prenant mon souffle, avec l'espoir de ne pas étouffer
avant la fin de la première phrase. "Avec l'approbation du gouverneur en
conseil..."
M. Couturier: Gardez le peu qui vous reste.
M. Johnson: "Avec l'approbation du gouverneur en conseil, l'office peut
au plus tard le 31 octobre 1963 conclure avec le gouvernement d'une province
quelconque une entente relative aux prêts à consentir au
gouvernement de cette province ou à tout autre organisme
désigné de celle-ci...
Une voix: Virgule...
M. Johnson: ... virgule... n'excédant pas au total le montant qui
peut être approuvé sous le régime du paragraphe 2 de
l'article 13 ou des entreprises municipales situées dans cette province,
- virgule - en vue de permettre au gouvernement de la province ou à son
organisme - pas de virgule - de consentir des prêts aux
municipalités - pas de virgule - sises dans la province relativement
à des entreprises municipales selon les modalités et aux
conditions applicables à des prêts accordés par l'Office
des municipalités; - point virgule- ladite entente doit stipuler: "a)
Que les prêts faits sous son régime doivent être consentis
par l'office aux dates et de la manière qui permettront au gouvernement
de la province ou à son organisme de consentir à l'occasion
à des municipalités des prêts pour des entreprises
municipales; "b) Qu'en vue de faire des prêts sous son régime - je
ne sais pas ce que cela veut dire - l'office doit accepter un certificat
délivré par le gouvernement de la province de Québec
attestant premièrement que l'entreprise municipale concernant laguelle
le prêt est consenti est une entreprise municipale au sens où
l'entend la présente loi; deuxièmement, qu'il a été
satisfait aux exigences de l'alinéa a) ou b) du paragraphe un, en ce qui
concerne l'entreprise municipale pour laquelle le prêt doit être
consenti, et troisièmement qu'il a été satisfait aux
autres exigences de la présente loi, applicable aux prêts
visés par ladite loi et consentis à des municipalités; "c)
Que les prêts accordés par l'office sous le régime de
l'entente - et c'est là qu'on touche à l'autonomie encore -
doivent être remboursables selon les modalités, aux conditions et
au taux d'intérêt applicables à un prêt consenti par
l'office à une
municipalité aux termes du paragraphe un et à être
constaté par des obligations ou autres titres émis par le
gouvernement de la province ou émis par son organisme et garantis par
ledit gouvernement en conformité des stipulations que prévoit
l'entente."
M. le Président, il y en a encore pour trois quarts de page avant
de terminer cet article. Je l'ai cité tout simplement à titre
d'un exemple tout à fait incomplet du charabia que nous trouvons dans
cette loi qui constituera, pour nos municipalités, la source de leurs
droits. M. le Président, le ministre pourra évidemment, et
j'espère qu'il le fera, émettre des circulaires qui expliqueront
la loi et faciliteront la compréhension de certains articles à
nos administrateurs municipaux.
M. le Président, que les provinces de majorité anglaise
tiennent moins que la nôtre à leur autonomie, cela se comprend.
Qu'une loi vienne de la capitale fédérale ou de la capitale
provinciale, où est la différence pour nos compatriotes ou la
plupart de nos compatriotes dans les autres provinces? En d'autres langues,
c'est toujours le même esprit, la même mentalité, le
même climat, le même langage dans un cas comme dans l'autre. Mais,
pour les Canadiens français du Québec, les textes outaouais
même traduits auront toujours une assonance étrangère, ce
qui est vrai du langage l'est encore davantage de l'esprit. C'est pourquoi une
communauté culturelle qui veut survivre et rayonner voudra toujours se
gouverner elle-même, dans toute la mesure du possible. C'est là un
phénomène tout aussi naturel que celui de l'unification
progressive de la communauté canadienne-anglaise au Canada. Si l'on
croit au biculturalisme dont on parle tant, si l'on croit à
l'égalité des deux cultures, il ne faut pas que l'une soit
subordonnée à l'autre, que l'une ne soit qu'une mauvaise
traduction de l'autre. Il faut que chacune puisse s'épanouir librement,
suivant son esprit propre. Or, la liberté culturelle ne peut pas se
concilier avec la servitude politique dans les domaines qui touchent à
la vie quotidienne, à la vie intime d'un peuple. Et le domaine des
institutions municipales est de ceux-là. C'est pourquoi il avait
été clairement réservé à l'autorité
provinciale dans le pacte de 1867.
Par le bill no 1, le gouvernement libéral du Québec nous
demande, M. le Président, de consentir à une nouvelle violation
du pacte. Il nous demande de consentir à une unification qui peut
être normale et naturelle pour la majorité de nos concitoyens des
autres provinces, mais qui, dans notre cas, est contre nature parce qu'elle
nous conduit tout droit à l'assimilation et au suicide national. Ce que
le gouvernement de l'État du Québec devrait exiger et obtenir
d'Ottawa, ce ne sont pas des rapiéçages ni des traductions plus
ou moins littérales de ce qu'on pense ou ce que l'on fait ailleurs.
C'est une constitution nouvelle, fondée sur l'alliance des deux nations,
car la dualité culturelle ne peut trouver son expression
véritable que dans la dualité nationale qui doit elle-même
modeler les institutions politiques. En cherchant comme il le fait des
accommodements et des retouches purement superficiels à des mesures
fédérales dont l'ensemble constitue sans aucun doute la plus
grande offensive centralisatrice qui a été
déclenchée au Canada depuis la dernière guerre, le
gouvernement actuel du Québec nous éloigne de cette constitution
nouvelle au lieu de nous en rapprocher. Il cherche à créer dans
le Québec des illusions de liberté qui sont en fait autant
d'entraves à la véritable liberté. L'autonomie dont il se
gausse est purement verbale et caricaturale. La solidarité du rouge
à Québec et du rouge à Ottawa ne nous a d'ailleurs jamais
apporté autre chose, M. le Président.
Bref, le projet de loi ne règle rien du tout; il ne règle
en aucune façon le problème du chômage; il ne règle
pas du tout les problèmes financiers des municipalités; il
règle encore moins le grand problème de l'heure qui est le
problème constitutionnel; il ne fait que nous enfoncer davantage dans la
subordination et la servitude. L'Union Nationale, parti libre pour un
Québec libre, ne peut que repousser, avec la communauté
québécoise, cette façon malheureusement si
caractéristique du parti au pouvoir de troquer notre droit
d'aînesse pour un plat de lentilles. M. le Président, ce sont
là des mots...
M. Lesage: Surtout.
M. Laporte: Cela a été son meilleur bout.
M. Johnson: Ce sont là des mots, M. le Président, qui
paraissent cruels et durs pour un gouvernement qui voudrait se donner la
réputation d'autonomiste. M. le Président, je n'ai qu'à
regarder certains membres de ce cabinet devant moi pour me rendre compte que
c'est là une tâche impossible; il y a trop de ces gens devant nous
qui espèrent quelque chose d'Ottawa; il y en a trop qui aspirent
à la sérénité d'un siège au
Sénat.
M. Lesage: J'ai l'impression que le chef de l'Opposition rêve tout
haut pour lui-même.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre voudrait-il des
précisions? Le premier ministre de la province de Québec, avec
les fonds des contribuables, paie un dîner à un congrès et
l'orateur invité, c'est M. Pearson. Celui qui le présente, c'est
un ministre du cabinet qui en profite...
M. Lesage: C'est possible.
M. Johnson: ... pour faire un plaidoyer presque à genoux pour
qu'on se souvienne de ses services au Parti libéral. Il y a devant moi
ce groupe d'hommes qui espèrent un jour être
récompensés par les libéraux fédéraux. Cela,
ça prend soin d'une partie du cabinet provincial. Et il y a cet autre
groupe, à la tête duquel se trouve le premier ministre de la
province de Québec, qui non seulement est prisonnier de son
passé, mais prisonnier de ses ambitions fédérales, M. le
Président. Jamais nous n'aurons eu dans la province, même en le
comparant au régime Godbout, un gouvernement aussi peu libre, aussi peu
en état de représenter véritablement les véritables
intérêts des Canadiens de la province de Québec et
particulièrement des Canadiens français. Jamais nous n'aurons eu
un gouvernement aussi faible devant un gouvernement d'Ottawa. M. le
Président, l'amour en rouge à Québec et à Ottawa,
c'est plus fort que l'intérêt de la province dans les actes, sinon
dans les paroles, du premier ministre et de son équipe.
M. Jean Lesage
M. Lesage: M. le Président, je n'ai pas l'intention de suivre le
chef de l'Opposition dans son alignement de mots creux dont j'ai pu retracer la
source dans l'éditorial de Montréal-Matin de ce matin. J'y ai
découvert le même style que le style du discours du chef de
l'Opposition. Je ne sais pas si c'est le signataire de l'article de
Montréal-Matin de l'article éditorial de ce matin qui a
écrit le discours du chef de l'Opposition. Le style se ressemble
étrangement, des mots creux, vides de sens et qui ne se rattachent
aucunement à la réalité. Il est curieux que tous les gens
d'expérience qui connaissent bien la situation entre Ottawa et
Québec, tel que l'a exposée d'ailleurs brillamment cet
après-midi le ministre des Affaires municipales, à une exception
près, celle que je viens de mentionner, celle du chef de l'Opposition,
ont, à des degrés divers, soutenu que je ne m'étais pas
couché à Ottawa. Je n'ai pas l'intention non plus de parler de
couchette, ni d'amour; j'ai l'intention de parler du bill no 1. 17 fois, pour
montrer la grande variété de son style, le chef de l'Opposition,
17 fois, je les ai bien comptées, m'a accusé d'être
couché; il a toujours fallu que je me relève 16 fois.
M. le Président, quand je suis allé à Ottawa avec
mes collègues, nous avions obtenu un mandat de l'Assemblée
législative. Ce mandat, c'était celui de la motion
proposée par M. Dozois, secondée par M. Ducharme et qui avait
été adoptée unanimement, c'est-à-dire que la
Chambre établit que le projet de loi portant le no C-76, qui n'est pas
évidemment du tout le même que celui-ci, que le texte de la loi
adoptée, loi sur le développement et les prêts municipaux,
soumis à la Chambre des communes par le ministre des Finances du Canada,
constitue une atteinte grave à la compétence exclusive et
à l'autonomie de la province de Québec en matière
d'institutions municipales et prie le gouvernement de la province
d'étudier la possibilité d'établir un système
provincial de crédit municipal susceptible de faciliter les emprunts
municipaux. La motion est adoptée à l'unanimité. Pour ce
qui est de la deuxième partie de la motion, je pense que le ministre des
Affaires municipales y a répondu cet après-midi, puisque nous
allons former un comité de gens extrêmement compétents qui
justement seront chargés d'étudier la possibilité
d'établir un office provincial de crédit municipal.
Nous avons donc rempli notre mandat en autant que la deuxième
partie est concernée. Pour ce qui est de la première partie, j'ai
la conscience d'avoir rempli tout mon devoir, d'avoir fait tout ce que je
pouvais dans les réclamations que j'ai exprimées à Ottawa
pour que le projet de loi soit changé, amendé, de telle
façon que ce soit la province qui prête aux municipalités
et aux conditions que la province détermine, dans les cadres,
évidemment, du but poursuivi par la loi fédérale puisque
la province recevra des prêts du fédéral. Il n'y aura
aucune relation directe entre le gouvernement fédéral et les
municipalités.
M. Gabias: Ce n'est pas exact.
M. Lesage: Je regrette. Le député de
Trois-Rivières, quand il dit que ce n'est pas exact, ne sait pas ce
qu'il dit, n'a pas lu la loi et je l'attends, qu'il me prouve le contraire.
Nous étions accompagnés de nos meilleurs conseillers juridiques
et c'est justement le point sur lequel nous avons veillé. Nous avons vu
à ce qu'il n'y ait aucune possibilité de relation directe entre
le gouvernement fédéral et les municipalités de la
province de Québec en vertu du bill C-76.
M. Gabias: Vous vous êtes endormis.
M. Lesage: M. le Président, je regrette, le dormeur en Chambre,
ce n'est pas moi, c'est celui qui m'interrompt. Il peut être
assuré, M. le Président, que, quand je vais aux
conférences fédérales-provinciales, il n'a qu'à
demander à ceux qui m'accompagnent si je dors ou si je suis
éveillé, ou si je guette ce qui se passe afin de m'assurer que
l'autonomie de la province est préservée, autonomie à
laquelle je tiens comme à la prunelle de mes yeux.
Le chef de l'Opposition a enligné des mots, s'est
répété, a dit des choses inexactes cet après-midi;
il m'a traité d'avoir été à
cette occasion, je ne me rappelle pas exactement du terme
employé, le plus grand violateur de l'autonomie provinciale ou quelque
chose de semblable.
Cela me rappelle l'histoire de cette mère de famille...
M. Johnson: Les fossoyeurs.
M. Lesage: Cela me rappelle l'histoire de cette mère de famille
qui, voyant passer en parade son fils militaire, s'écrie: "Il n'y a que
lui qui a le pas."
M. Johnson: Elle n'est pas nouvelle.
M. Lesage: À travers tous les commentaires que nous avons eus, il
est seul à avoir le pas et, M. le Président, c'est parce qu'il
est probablement le seul, avec quelques-uns qui l'entourent, à n'avoir
rien compris.
D'abord, le chef de l'Opposition a affirmé que le titre officiel
de la loi, c'est la Loi sur le développement et les prêts
municipaux, pour vous laisser entendre qu'il n'est pas question de
chômage. Or, le titre de la loi, j'en ai une copie dans les mains, telle
qu'adoptée, c'est Loi ayant pour objet de stimuler l'emploi au Canada
grâce à une assistance financière sous forme de prêts
aux municipalités, afin de permettre d'accroître ou
d'accélérer leurs programmes de travaux d'équipement.
Alors, c'est sur la même base que les lois adoptées chaque
année par le Parlement d'Ottawa depuis 1957, je crois, pour les travaux
d'hiver.
M. Johnson: Le premier ministre aurait pu lire aussi l'article 1.
M. Lesage: Pardon? Bien oui, mais c'est le nom en bref.
M. Johnson: Alors, comme je citais la loi, j'ai pris l'article 1.
M. Lesage: D'accord, M. le Président, je n'ai pas accusé
le chef de l'Opposition d'avoir été de mauvaise foi. Je lui
indique le titre, le véritable titre de la loi et non pas les titres
abrégés.
M. Johnson: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
chef du Parti libéral, le premier ministre, a dit: Le chef de
l'Opposition a cité la loi...
M. Lesage: L'abrégé, oui.
M. Johnson: ... et l'abrégé du titre afin d'indiquer que
ça n'avait rien à faire avec le chômage. Ce n'est pas
exact. L'article 1 dit qu'on peut citer la loi sous le titre de Loi sur le
développement et les prêts municipaux. Comme je citais la loi, je
la citais sous le titre que l'article 1 me permet d'utiliser. Voilà le
premier ministre qui me reproche d'utiliser une permission qui n'enfreint pas,
j'espère, l'autonomie provinciale, celle donnée dans l'article 1
de la loi.
M. Lesage: D'accord. M. le Président, c'est parce que le chef de
l'Opposition, j'ai son texte devant moi, a dit: Le bill 76, dont le nom
officiel est la Loi sur le développement et les prêts municipaux,
constitue la première invasion directe, flagrante et sans détour
de l'autorité exclusive des provinces en matière municipale. Il a
dit: lorsqu'il s'agissait de travaux de chômage.
Eh bien, ces travaux de chômage, la participation d'Ottawa non pas
par des prêts, mais par des subventions, quand il s'agit de travaux de
chômage, il s'agissait de chômage et c'est basé sur une
vieille loi de 1936.
M. le Président, j'ai ici la preuve que ce n'est pas basé
sur une loi de 1936. L'arrêté en conseil du 4 mars 1963,
concernant les travaux d'hiver, contient, à la page 4,
l'arrêté ministériel fédéral... Je parle de
la loi fédérale de 1936 et je dis que ce n'est pas exact que les
subsides votés par Ottawa pour les travaux d'hiver le sont en vertu
d'une législation de 1936. "The committee therefore - the committee of
the Privy Council - on the recommendation of the minister of Labor, advised
that your Excellency pursuant to any enactment of the Parliament of Canada for
defraying the several charges of the public service that provides for payments
for the cost of labor incurred under the municipal winter works incentive
program during the 1962-1963 and 1963-1964 fiscal years may be pleased to
approve."
Alors l'autorité législative, c'est la Loi des subsides,
c'est le budget.
M. Johnson: Pour toutes les dépenses, sauf...
M. Lesage: Bien oui, mais je dis qu'il n'y a pas d'autre autorité
législative d'année en année. Pardon?
M. Johnson: Ce que le premier ministre cite, ça ne prouve pas ce
qu'il vient d'avancer.
M. Lesage: Bien oui, je vais le prouver tout de suite. J'ai ici le texte
de l'article no 590, Loi des subsides no 7 de 1960, et c'est la même
chose tous les ans; je n'ai pas fait copier tout: Versements, en
conformité des modalités et conditions prescrites par le
gouverneur en conseil, aux provinces, à l'égard des bandes
indiennes en vertu des programmes d'encouragement aux travaux
municipaux d'hiver au cours des années financières
1960-1961 et 1961-1962, de sommes n'excédant pas la moitié des
frais de main-d'oeuvre occasionnés au cours de la période
écoulée entre le quinzième jour d'octobre 1960 et tel jour
de l'année financière 1961-1962 que pourra déterminer le
gouverneur en conseil, $30,000,000.
L'autorité et la seule autorité législative, c'est
celle-là. C'était la même chose en 1957; même chose
en 1958; même chose en 1959, 1960, 1961, 1962 et 1963. Donc,
lorsque...
M. Johnson: Alors, le premier ministre va me permettre une question. Je
pense qu'il veut éclaircir ça. Je n'admets pas sa théorie,
mais ça, c'est une autre affaire...
M. Lesage: Ce n'est pas une théorie, ce sont des faits, M. le
Président.
M. Johnson: Non, non. Mais, si on admet ce que dit le premier ministre,
que la seule autorité législative pour dépenser l'argent
dans les travaux de chômage vient d'un bill annuel, le premier ministre
admettra que, du temps où nous étions là, ce
n'était qu'une chose temporaire et pour un an...
M. Lesage: Oui, j'y viens, à cela.
M. Johnson: Alors le bill actuel est pour trois ans, le bill C-76. C'est
déjà une grande différence.
M. Lesage: Bien oui, j'arrive; si on veut bien me suivre, M. le
Président, je pense qu'on va s'entendre.
Caractère temporaire dans les deux cas, en autant que le
fédéral est concerné. Chômage, invoqué dans
les deux cas. Quelle a été l'attitude de l'Union Nationale en
1958 alors que le chef de l'Union Nationale était celui qui était
supposé être le grand sauveur de l'autonomie du Québec, M.
Duplessis?
M. Bellemare: Il l'a été.
M. Lesage: Oui, mais attendez. Voici le bill no... J'ai ici, M. le
Président, le chapitre 8 Elizabeth Il, sanctionné le 18
décembre 19...
M. le Président: À l'ordre, messieurs!
M. Lesage: Je ne comprends pas le député de Champlain. Je
vais prouver tantôt qu'il a voté pour la loi.
M. Bellemare: Je vous comprends et je vous connais.
M. Lesage: Je vais prouver tantôt qu'il a voté pour la loi
que je vais citer. "Nonobstant - c'est la loi proposée par M. Duplessis
- toute disposition législative inconciliable avec la présente -
ça, évidemment, c'était sacré, ça c'est bien
du Duplessis - toute corporation municipale qui désire faire
exécuter dans la municipalité sur laquelle s'exerce sa
juridiction des travaux pour remédier au chômage et pour lesquels
le gouvernement du Canada a subventionné cette corporation peut à
ces fins, par résolution du conseil: a) accepter une subvention du
gouvernement fédéral pour l'exécution de ces travaux et
conclure toute entente qui s'y rapporte.
Et alors que nous, M. le Président, nous avons pris toutes les
précautions possibles pour qu'il n'y ait pas de relations directes entre
le gouvernement fédéral et les municipalités,
créatures des provinces, voici ce qui a été adopté
par l'Assemblée législative. Et je pensais que mes amis d'en
face, qui sont les survivants du régime, avaient voté contre.
Mais non, la motion, a la page 152, 11 décembre 1958, des journaux de
l'Assemblée législative... D'abord, il y a eu de nombreuses
motions d'amendements par M. Hamel et là, évidemment, il y avait
17 libéraux contre 64 de l'Union Nationale. En toute circonstance ont
voté pour M. Bellemare...
Des voix: Ah, ah.
M. Lesage: MM. Bertrand, Dozois et Johnson. C'est complet, M. le
Président. Et ce sont ces gens qui, aujourd'hui, prétendent que
nous violons l'autonomie provinciale alors que nous prenons tous les moyens
à notre disposition, que nous nous sommes tenus debout et
fièrement.
M. Hamel (Saint-Maurice): Qui est-ce qui voulait aller à Ottawa,
à ce moment-là?
M. Bellemare: Qui est-ce qui a voté contre l'impôt sur le
revenu?
Une voix: Pour.
M. le Président: À l'ordre, messieurs.
M. Lesage: M. le Président, programme temporaire en vue de
remédier au chômage; c'était l'excuse. Mais, pour nous, ce
n'est même pas une excuse pour laisser le gouvernement
fédéral avoir des relations directes avec les
municipalités. Et on vient nous donner des leçons d'autonomie
provinciale!
Une voix: Voyons, ce n'est pas ça.
M. Lesage: C'est inconcevable. Je garderai précieusement le texte
du discours que m'a fait parvenir le chef de l'Opposition comme le plus bel
exemple de tissu de
contradictions, de reniements d'un passé trop honteux.
M. le Président, en 1958, la loi disait, je le dis bien
franchement, à l'article 5: "les pouvoirs conférés aux
corporations municipales par la présente loi peuvent être
exercés à compter du 5 décembre 1958 jusqu'au 2 mai 1959";
strictement temporaire. Mais, par exemple, en 1959, nouveau projet de loi
amendant le premier, sanctionné un an plus tard, jour pour jour, le 18
décembre 1959. M. Duplessis était disparu. C'était M.
Sauvé qui était le premier ministre. Et là, on a
amendé l'article 5 qui limitait l'autorisation donnée aux
corporations municipales dans le temps pour dire ceci: "les pouvoirs
conférés aux corporations municipales par la présente loi
peuvent être exercés en tout temps pour l'exécution de
travaux destinés à remédier au chômage et que le
gouvernement du Canada consent à subventionner." Ce n'était plus
temporaire.
Des voix: Ah, ah.
M. Lesage: Là, pour les corporations municipales, c'était
désormais...
M. Hamel (Saint-Maurice): Désormais. M. Lesage: Désormais,
c'était... Une voix: Désormais.
M. Lesage: L'ingérence d'Ottawa avec les municipalités,
désormais c'était... Mais, M. le Président, savez-vous...
Si, en 1960, nous n'avions pas abrogé les lois 58 et 59, savez-vous, M.
le Président, que nous n'aurions pas eu besoin de réunir la
Législature? Que les municipalités auraient pu contracter des
emprunts à Ottawa, accepter des subventions en vertu de ces deux
lois...
Une voix: On était couché dans...
M. Lesage: ... qui se complètent. On était couché
dans le lit, absolument.
M. Johnson: ... parle encore de lit.
M. Lesage: Et, grâce à Dieu, M. le Président, la
province a vu clair en 1960. On m'a accusé d'hypocrisie dans mon
autonomie...
M. Johnson: Qui a dit ça?
M. Lesage: Et bien, nous allons voir jusqu'à quel point cela peut
être vrai.
M. Johnson: Jamais.
M. Lesage: Nous avons proposé à la
Législature...
M. Johnson: Qu'elle est inexistante, qu'elle n'est pas hypocrite.
M. Lesage: ... nous avons proposé à la Législature
l'adoption d'un bill 16, à la session régulière qui a
commencé en novembre 1960, qui est devenu 9-10, Elizabeth Il, chapitre
82, par lequel nous avons abrogé les deux lois que je viens de citer et
nous avons remplacé le principe par le suivant. Le ministre des Affaires
municipales peut également approuver de la même manière et
avec le même effet une simple résolution d'une corporation
municipale adoptée aux fins ci-dessus avant le 31 décembre 1960.
Le gouvernement verse à toute corporation municipale qui exécute
des travaux d'hiver les sommes suivantes, savoir a) la subvention reçue
du gouvernement fédéral...
Une voix: C'est nous autres mêmes qui...
M. Lesage: ... et un montant additionnel égal aux quatre
cinquièmes d'une telle subvention. Alors, M. le Président, ce que
nous avons fait par cette loi, c'est que nous avons décidé de
participer à 40% du coût de la main-d'oeuvre, mais qu'en plus,
nous avons décidé qu'il n'y aurait pas de relations directes
entre les municipalités et le gouvernement fédéral au
sujet du paiement de subventions.
M. le Président, c'est une distinction. C'est le parti que je
dirige qui a proposé cette loi en 1960 pour corriger les accrocs
à l'autonomie.
M. Bellemare: Quelle saintetél
M. Lesage: Oui, mais c'est la vérité, M. le
Président. Il n'y a pas une personne intelligente en cette enceinte qui
ne vient pas de comprendre la simplicité de ce raisonnement. Il y a
seulement le député de Champlain qui a l'esprit tellement
brouillé qu'il ne peut pas comprendre.
M. Bellemare: Vous avez entendu le premier ministre dans sa
dernière phrase.
M. Lesage: Je vais changer les mots "l'esprit tranquille" pour dire
"l'esprit si peu limpide".
M. Gabias: Le député de Laurier, s'il veut parler, qu'il
prenne sa place. S'il veut parler...
M. le Président: A l'ordre!
M. Lesage: M. le Président, le chef de l'Opposition, cet
après-midi, a prétendu qu'une armée d'inspecteurs, de
vérificateurs et autres fonctionnaires sera mise sur pied
par cet office de développement municipal pour surveiller
l'application de la loi, fouiller les budgets et les bilans des
municipalités, voir à ce que les taxes imposées aux
contribuables soient suffisamment élevées pour garantir le
remboursement des prêts; logiquement, il faudra aussi établir des
règlements et des cadres pour régler le cas des
municipalités en défaut. M. le Président, c'est la
province qui va être obligé c'est la Commission municipale qui va
s'occuper du cas des municipalités en défaut; c'est la province
qui va prêter, ce n'est pas le gouvernement fédéral, ce
n'est pas l'office; l'office va prêter au gouvernement provincial et le
gouvernement provincial va prêter aux municipalités. Et nous avons
fait inscrire cette clause extrêmement importante: que le certificat du
gouvernement provincial ou du ministre provincial concerné, je parle de
mémoire, sera accepté, par Ottawa, selon lequel les travaux sont
bien, se qualifient bien en vertu de la loi. Il n'y aura pas une armée
d'inspecteurs; d'ailleurs, si on en veut la preuve, il aurait suffi au chef de
l'Opposition de lire la lettre que j'ai reçue de M. Gordon et qui me
dit: "Vous remarquerez que la loi prévoit deux méthodes
d'administrer le fonds des prêts. L'Office du développement
municipal et des prêts aux municipalités peut avancer des fonds
aux municipalités aux fins d'ouvrages de capital admissibles ou bien une
province peut conclure avec l'office une entente selon laquelle l'office
avancera les fonds à la province, celle-ci s'engageant à avancer
les fonds à ces municipalités à des conditions et pour des
entreprises conformes à la loi." C'est normal. Et il continue:
"L'organisation de l'office et de son personnel sera influencée pour une
bonne part par le nombre de provinces qui désirent laisser à
l'office l'attribution des fonds à leurs municipalités et par le
nombre de provinces qui veulent se charger elles-mêmes de cette
responsabilité. C'est pourquoi il m'intéresserait de savoir si
votre province désire ou non conclure une entente ainsi que le
prévoit l'article 7-2 de la loi. D'ailleurs, cela a tout
été discuté lors de la conférence. Il est entendu
que le travail... Si toutes les provinces choisissent de recevoir l'argent
directement d'Ottawa, l'office fédéral n'aura rien à
faire, contrairement...
M. Bertrand (Missisquoi): À quelle date la lettre de M.
Gordon?
M. Lesage: Le 8 août, j'ai répondu immédiatement le
9, pour faire l'option.
M. Gabias: Vous êtes plus vite que le ministre de la Jeunesse.
M. Lesage: Non, il me tarde, moi, il me tarde que l'office soit
créé, que le mécanisme soit établi, que cette loi
provinciale soit adoptée, afin que nos municipalités puissent
préparer leurs plans dès maintenant pour palier le chômage
cet hiver. Ici, je voudrais informer la Chambre d'une lettre que j'ai
reçue, au sujet des travaux d'hiver, de l'Auditeur de la province, et
datée du 7 août. "M. le premier ministre, il me fait plaisir de
vous informer que, depuis la première séance du comité des
comptes publics où je me suis permis de faire des remarques assez
cinglantes en ce qui concerne la vérification des
déboursés pour l'assistance-chômage de la part du
gouvernement fédéral, leur comportement a changé du tout
au tout (changement de gouvernement aussi) nous avons maintenant du
détail, le détail de chaque diminution de déclaration qui
nous permet assez souvent de revenir à la charge et de justifier la
réclamation au total."
Changement d'attitude, et d'ailleurs, dans ce cas-ci, comme je viens de
l'expliquer, pas d'inspecteur, c'est la responsabilité du gouvernement
de la province, de la Commission municipale de la province de Québec.
Maintenant, le chef de l'Opposition dit: En présentant le bilan, le
gouvernement Lesage demande à la Législature et à la
province non seulement de renoncer aux droits fiscaux qui leur sont exclusifs
en vertu de la constitution, mais de dire complaisamment à Ottawa:
l'argent que vous avez volé, de l'aveu même du sénateur
Nicol, nous allons vous en emprunter une partie.
M. le Président, lorsque les deux chefs successifs de l'Union
Nationale ont fait adopter leurs projets de loi de 1958 et 1959, ils n'ont pas
demandé la récupération, et il s'agissait de subventions.
Ici, il s'agit de prêts et n'oublions pas que le crédit et la
monnaie sont une responsabilité fédérale en vertu de la
constitution et que, dès 1960, lors de la première
conférence fédérale-provinciale, la conférence
fiscale, je reprochais justement au gouvernement fédéral de ne
pas permettre à la Banque du Canada de se servir des dispositions qui
sont dans la Loi de la Banque du Canada et qui lui permettraient d'aider au
financement des provinces et des municipalités à bien meilleur
compte. Alors, sur la question des prêts, il faut tout de même
penser au fait qu'on ouvre aux municipalités une source de capital, non
pas une source de revenus, une source de capital et c'est totalement
différent des subventions de 1958. C'est vrai qu'il y a un
élément de subvention, et j'ai dit que je n'aimais pas ça,
et je l'ai dit à Ottawa aussi, mais, d'un autre côté, je ne
cherche pas à me consoler. Je veux dire que la subvention
répartie sur quinze ou vingt ans, qui est la longueur normale de
l'emprunt, peut être considérée comme constituant une
diminution du taux d'intérêt.
Si cela avait été versé sous forme d'une
subvention, sous forme d'une diminution du taux d'intérêt, cela
aurait été beaucoup plus facile. J'en ai parlé, mais il
était impossible de le faire, parce qu'on ne sait pas quels travaux qui
seront faits en vertu des emprunts pourront être terminés le 31
mars 1966, et ce n'est qu'à ce moment-là qu'on pourra
déterminer le montant de la subvention, 16 2/3% du total du coût,
25% du total de l'emprunt; c'est seulement à ce moment-là. Il
n'aurait pas été possible de déterminer un taux
inférieur au moment de l'emprunt. La réponse était bien
logique.
M. Gabias: C'est sur les estimations.
M. Lesage: La partie subvention, c'est sur les travaux. Si l'on veut
bien lire C-76, la loi et le bilan, on verra que c'est sur les travaux
exécutés et non pas sur les estimations, les travaux
terminés avant le 31 mars 1966, ou cette partie des travaux qui a
été terminée à ce moment-là. Mais, M. le
Président, est-ce que je pourrais demander au député de
Trois-Rivières, s'il a un discours à faire, de lire d'abord le
bill et ensuite d'attendre son tour? Au moins, je connais le bill par
coeur.
M. le Président: A l'ordre, messieurs!
M. Lesage: Le chef de l'Opposition dit ceci: On aurait pu espérer
un système provincial de crédit municipal avec un fonds d'au
moins $500,000,000 à distribuer parmi les villes et les villages du
Québec au cours des cinq prochaines années. C'est le
député de Saint-Jacques qui reproche constamment au ministre des
Finances d'augmenter le passif de la province. $500,000,000: Lequel des deux
dois-je croire? Et à quel taux d'intérêt aurions-nous pu
prêter, à quel coût aux contribuables de la province? Est-ce
que l'Opposition est prête à nous reprocher de n'avoir pas
maintenu l'attitude négative de l'Union Nationale dans le domaine des
relations fédérales-provinciales? Est-ce qu'on veut nous
reprocher... Et je voudrais bien que le chef de l'Opposition ou quelqu'un qui
l'entoure donne la réponse aux municipalités de la province.
Est-ce qu'on veut nous reprocher de leur obtenir, d'obtenir pour elles, c'est
la province qui obtient, des prêts à des taux
d'intérêt sensiblement inférieurs à ceux qu'ils sont
obligés de payer pour emprunter sur le marché, est-ce que c'est
cela? Est-ce qu'on aurait voulu, M. le Président, que nous ne trouvions
pas les moyens, tout en sauvegardant l'autonomie de la province, de trouver une
source de crédit, non pas une subvention, une source de crédit de
$120,000,000 pour les municipalités de la province de Québec?
Qu'on ose le dire.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre pose des
questions; est-ce qu'il attend une réponse?
M. Lesage: Pardon?
M. Johnson: Est-ce qu'il attend une réponse?
M. Lesage: Non, non, j'ai dit: le chef de l'Opposition le dira aux
municipalités. Ce n'est pas une réponse que je veux.
M. Johnson: Le premier ministre me permettra une chose. Je sais qu'il ne
veut pas induire la province en erreur...
M. Lesage: Je n'ai pas de texte, moi!
M. Johnson: Mais le député de Trois-Rivières a dit
tantôt que le coût doit être établi, que le coût
doit être celui qui est établi par l'office, et le premier
ministre a accusé le député de Trois-Rivières de ne
pas savoir de quoi il parlait. Or, l'article 9 dit clairement que le montant de
tout prêt consenti ne doit pas dépasser les deux tiers du
coût de l'entreprise, tel que l'a établi l'office. Le
député de Trois-Rivières avait raison. C'est le premier
ministre qui ne connaît pas sa loi.
M. Lesage: Lisez donc 11, ça va être bien plus simple.
M. Johnson: Le premier ministre va me permettre une question, ça
va lui permettre de retrouver ses notes.
M. Lesage: L'article 11 dit ceci: "Si l'entreprise municipale à
l'égard de laquelle un prêt est consenti selon la présente
loi est complétée à la satisfaction de l'office le ou
avant le 31 mars 1966, ce dernier doit renoncer au paiement par la
municipalité de 25% du principal du prêt."
M. Johnson: Mais le prêt est basé sur le coût
estimé par l'office et non pas sur le coût réel.
M. Lesage: Non, établi par l'office.
M. Johnson: Établi.
M. Lesage: Oui, mais c'est toujours comme ça dans toutes nos
lois, voyons!
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre va me
permettre...
M. Lesage: L'établissement du coût.
M. Johnson: Le premier ministre va me permettre une question très
simple. A-t-il demandé à Ottawa de procéder autrement pour
aider les municipalités? Entre autres, a-
t-il demandé si Ottawa, par la Banque du Canada,
n'achèterait pas des obligations d'un crédit provincial aux
municipalités à long terme et à meilleur marché?
Est-ce qu'il a demandé ça?
M. Lesage: M. le Président, comme le gouvernement qui nous avait
précédé...
M. Johnson: Deuxièmement, est-ce qu'il a demandé...
M. Lesage: Est-ce que je puis répondre?
M. Johnson: Oui, mais j'ai deux questions. Cela va m'éviter de me
lever de nouveau. Deuxièmement, a-t-il suggéré au
gouvernement fédéral, s'il veut aider les municipalités
d'une façon efficace et constitutionnelle, de déclarer, de
décréter que les revenus des valeurs municipales, des obligations
municipales soient, comme aux États-Unis, exemptés d'impôt
sur le revenu, ce qui aurait pour effet de baisser d'au moins un tiers et
peut-être 40% le coût des emprunts des municipalités?
M. Lesage: M. le Président, je suis absolument opposé
à cette politique américaine, personnellement. Je n'étais
certainement pas pour le demander à Ottawa alors que, personnellement,
je suis convaincu que c'est extrêmement mauvais en soi.
M. Johnson: Pourquoi?
M. Lesage: C'est extrêmement mauvais parce que vous favorisez les
riches aux dépens des pauvres. Ce sont les gens qui ont des placements
dans des obligations sûres et plus on a de placements, moins ça
nous coûte cher d'impôt. En outre, ça amène...
M. Johnson: Cela coûte moins cher aux municipalités.
M. Lesage: Oui, mais ça amène une plus grande partie de
l'argent des particuliers riches dans le domaine des obligations pour
s'exempter d'impôt parce qu'alors, c'est plus favorable que la diminution
de 20% qui est accordée dans les actions de compagnies canadiennes
lorsqu'il s'agit de capital de risque. Il faut penser un peu à ces
choses-là avant de se lancer.
M. Bertrand (Missisquoi): La Banque du Canada?
M. Lesage: Pour ce qui est de la Banque du Canada, je l'ai
suggéré en 1960 pour les provinces et pour les
municipalités et j'ai toujours eu de la part de la Banque du Canada une
réponse négative. J'ai rencontré... Je ne puis pas. C'est
une conversation personnelle.
M. Bertrand (Missisquoi): Quelle raison donne-t-on?
M. Lesage: Bien, je ne suis pas libre... Ce n'est pas une conversation
que j'ai eue avec des élus du peuple, mais avec un très haut
fonctionnaire et je ne suis pas libre de dévoiler la réponse
qu'on m'a donnée, alors que j'étais à la pêche au
saumon.
M. Bertrand (Missisquoi): Mais le gouvernement d'Ottawa a amendé
la Loi de la Banque du Canada.
M. Lesage: Elle n'a pas besoin de le faire. La loi permet
déjà à la Banque du Canada de faire ce que le chef de
l'Opposition suggère. J'ai reproché justement, en 1960,
publiquement cette fois-là, le fait qu'on ne le faisait pas pour aider
non seulement les municipalités, mais les provinces.
M. Bertrand (Missisquoi): En avez-vous reparlé à
l'occasion de la rencontre?
M. Lesage: Non, pas à celle-là, parce que j'avais eu la
conversation antérieure et je savais que c'était inutile.
M. Johnson: Comme le dit M. Pearson, le premier ministre avait vu et
approuvé le...
M. Lesage: Non, non, non. À ce moment-là, je l'avais vu.
C'était après la session. La conversation dont je parle a eu lieu
le 15 ou le 16 juillet. J'avais le bill à ce moment-là.
Même, la motion Dozois avait été adoptée. La session
était prorogée. Le chef de l'Opposition a voulu faire une
comparaison entre l'entente Fleminq-Barrette et ce qu'il a appelé
l'entente Pearson-Lesage, dans le cas des subventions aux universités,
et le projet de loi actuel. Le chef de l'Opposition a dit ceci: La province n'a
eu aucun engagement à prendre. Il parle de l'entente Fleming-Barrette.
Aucune garantie à donner. Elle a tout simplement voté deux lois:
l'une donnant aux universités des subventions qui étaient
même supérieures aux subventions offertes par Ottawa, l'autre
augmentant de 1% l'impôt provincial sur les corporations. Il a
prétendu qu'il n'y avait aucune relation entre les deux, qu'Ottawa
n'avait aucun pouvoir, qu'il ne fait aucune réserve. Évidemment,
le chef de l'Opposition a la mémoire courte. J'ai ici le texte de la loi
fédérale. C'est 8-9 Élizabeth Il, chapitre 13,
sanctionnée le 27 mai 1960. En passant, je lui ferais remarquer que,
lorsque la loi provinciale a été présentée en
Chambre, le chef de l'Opposition actuel a oublié de parler du charabia
que je vais vous lire. Quand ça vient de nous autres, c'est du charabia;
mais ce que je vais vous lire, c'est proche du charabia, Écoutez
bien.
Il y a au moins quarante lignes sans point. Mais, dans ce
temps-là, le chef de l'Opposition ne l'a pas dit, évidemment.
C'était son ami, M. Diefenbaker, et M. Fleming.
Une voix: C'était bien.
M. Lesage: C'était bien. C'était compréhensible,
clairement. C'étaient des bleus. L'amour, l'amour.
M. Gabias: Ce n'est pas sérieux.
M. Lesage: Oui, mais je me réfère à la loi.
Province désignée. J'ai dit cet après-midi au chef de
l'Opposition que je lui lirais la définition de "province
désignée" et on va voir les conditions qui sont imposées
à la province. "Province désignée" signifie une province
déterminée par un règlement établi sur la
recommandation du ministre pour une année financière
débutant le premier jour d'avril 1960 ou après ledit jour comme
étant une province - petit "i" - qui n'a conclu aucune
convention..."
Une voix: Pas de point?
M. Lesage: Pas de virgule... "qui n'a conclu aucune convention sur
l'allocation des domaines fiscaux selon laquelle la province accepte de
s'abstenir de prélever des impôts sur le revenu des corporations
à l'égard de l'année civile expirant à ladite
année financière ou qui a conclu un accord changeant une
convention sur l'allocation de domaines fiscaux de manière à
prévoir - un trait - en ce qui concerne l'année civile en
question - un trait - que la catégorie d'impôts
spécifiés à l'alinéa b) du paragraphe 1) de
l'article 6 sont retranchés des catégories d'impôts et de
droits que la province a consenti à ne pas prélever et -deux
petits "i" - où - avec un accent, c'est dans la province - pour
l'année financière en question - là, c'est un
problème -...
Une voix: C'est assez clair.
M. Lesage: ... il existe des arrangements..." Je demande qu'on
écoute bien. "... il existe des arrangements satisfaisants suivant
l'opinion du ministre -et le ministre, c'est le ministre fédéral,
c'est une loi fédérale - pour que la province verse directement
aux institutions de haut savoir y situées, en conformité sous
réserve de conditions et modalités non incompatibles avec celles
d'une convention conclue suivant le paragraphe 2 c'est-à-dire quand
c'est directement..."
Une voix: C'est la même phrase?
M. Lesage: Ah! Toujours. "... des montants sous forme de subventions en
sus de toutes subventions octroyées à ces institutions par la
province comme partie de ses dépenses ordinaires", etc.
M. Hamel (Saint-Maurice): Très clair.
M. Lesage: Ce n'est pas clair. C'est assez clair pour qu'on puisse
comprendre que c'est le ministre fédéral qui décide si la
province paie assez à ses universités pour pouvoir invoquer
ça.
M. Johnson: M. le Président, vous avez permis, à plusieurs
reprises cet après-midi, au premier ministre de faire des mises au point
au cours de mon discours et je ne doute pas que vous allez me permettre d'en
faire une tout de suite. Cela va nous permettre d'ailleurs de nous reposer. Il
est essouflé après avoir lu ça. Cela a l'air que plus
ça change à Ottawa, plus c'est pareil quant à la
rédaction des lois.
M. le Président, le premier ministre est en train de dire que
c'est le ministre fédéral, en somme, qui intervenait dans le
domaine des arrangements concernant les universités. Le premier ministre
devrait dire - il le sait, j'espère - que la loi qu'il est en train de
nous lire est une loi qui modifie la Loi sur les arrangements entre le Canada
et les provinces relativement au partage de l'impôt.
M. Lesage: Oui.
M. Johnson: C'est-à-dire que le ministre, avant d'accorder
à une compagnie déterminée ou dans une province
déterminée l'exemption ou la déductibilité de 1%
additionnel, devait, lui, ministre à Ottawa, se convaincre que, dans son
opinion à lui, M. le Président, ça n'avait rien à
faire avec l'application de la loi provinciale, le pourcentage que nous avions
droit, que nous prélevions dans le temps des compagnies sans permission
d'Ottawa. C'était 1% de plus, mais c'est Ottawa qui accordait ou
n'accordait pas la déduction. C'est un problème qui ne regarde
pas la province et, si le premier ministre actuel avait eu le courage de faire
ça, peut-être qu'Ottawa aurait reculé et aurait fait la
même chose au sujet du bill sur les municipalités.
M. Lesage: Bon! On va arriver à ça. M. le
Président, le chef de l'Opposition a déclaré qu'en vertu
de cette loi des subventions universitaires, de cet arrangement qui
était survenu, la province avait récupéré 1%. S'il
y a double taxation, il n'y a pas de récupération.
M. Johnson: C'est vrai.
M. Lesage: C'est vrai aussi parce que nous, depuis que nous sommes au
pouvoir, nous avons augmenté l'impôt sur les corporations de
1%.
M. Johnson: 2%.
M. Lesage: 1%.
M. Johnson: 2% de double taxation.
M. Lesage: Non, non. Bien oui, il l'avait déjà.
M. Johnson: Bien oui.
M. Lesage: 1%.
M. Johnson: Non, non, 2%.
M. Lesage: 1%, il y avait déjà 1%.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre, ministre des
Finances, peut avoir une absence de mémoire, mais il y a une double
taxation, 2%.
M. Lesage: Bien oui, il y a double taxation de 2%. Bon, d'accord. Admis
qu'il y a double taxation de 2%. Bon, mais c'est de la double taxation, ce
n'est pas de la récupération...
M. Johnson: C'est vrai.
M. Lesage: Et puis, ce que le chef de l'Opposition a
déclaré, c'est qu'on avait récupéré, mais on
récupère, c'est-à-dire que c'est déductible aux
conditions imposées par la loi fédérale et à
condition que le ministre fédéral soit satisfait. C'est
ça. Tandis que, dans notre cas, c'est le certificat du ministre
provincial qui compte. C'est ça la différence.
Moi, je trouve que l'accroc à l'autonomie est grave, je le
répète encore, dans l'entente Barrette-Fleming, mais nous avons
évité tous les écueils ici. Je ne dis pas que c'est
parfait. J'aimerais mieux autre chose. Je l'ai dit à Ottawa. Je le
répète ici à la province, mais nous en sommes
arrivés à une solution raisonnable sur un problème que je
considère temporaire et nous avons sauvegardé l'autonomie
provinciale. C'était ça le mandat que nous avions reçu de
la Chambre. Et nous l'avons sauvegardé mieux que l'Union Nationale ne
l'a jamais fait sur les travaux d'hiver. Nous l'avons sauvegardé non pas
d'une façon négative en disant "niet" et en faisant perdre des
millions et des centaines de millions aux citoyens de la province de
Québec.
Cela aurait été bien facile pour moi d'aller dire non
à Ottawa et puis de m'organiser un retour triomphal à la gare du
Palais avec une fanfare. Mais, M. le Président, je suis
allé...
M. Gabias: Un petit premier ministre.
M. Lesage: ...à Ottawa pour que la province de Québec ait
sa part dans le respect de son autonomie. Et je considère, M. le
Président, que j'ai le droit, en revenant en cette Chambre et en lisant
à nouveau la résolution du député de Saint-Jacques,
de dire à tous mes collègues de la Chambre: mission
accomplie.
M. Dozois: M. le Président, c'est beaucoup
d'applaudissements...
Une voix: Des deux côtés.
M. Dozois: ... pour la proposition que je veux faire. Etant donné
l'heure tardive, je propose l'ajournement du débat.
M. le Président: À l'ordre, messieurs! La motion
sera-t-elle adoptée? Adopté.
M. Lesage: M. le Président, demain, nous nous réunirons
à 11 heures tel que convenu ce matin ou cet après-midi.
C'est-à-dire que je ne le sais pas, nous serions prêts à
procéder avec le bill no 2. Le chef de l'Opposition pourra me le dire
dans le temps, après avoir fini celui-ci.
M. Johnson: Après quoi?
M. Lesage: Pardon? Après avoir terminé l'étude de
celui-ci.
M. Johnson: D'accord.
M. Lesage: C'est parce que les résolutions que nous avons ne vont
pas au conseil; alors, pendant que le conseil étudiera nos bills, nous
pourrons étudier les résolutions.
M. Johnson: M. le Président, le premier ministre m'a fait
parvenir le plus tôt possible le bill no 2, mais mes collègues ne
l'ont pas.
M. Lesage: Oui, mais...
M. Johnson: Et ce qui m'inquiète dans cette histoire du bill no
2, c'est d'abord que la session n'a pas été convoquée pour
cette fin-là. Le premier ministre le sait. Deuxièmement, je me
demande si le public aura eu assez d'avis quant à ce bill. Je voudrais
consulter mes collègues encore. Nous l'avons étudié ce
matin, le mieux possible; j'espère, demain, pouvoir consentir à
ce qu'on l'étudié en deuxième lecture, quand on aura fini
le bill no 1. Mais est-ce qu'on pourra avoir des copies avant? Est-ce qu'on
pourrait faire... Ce serait tellement mieux si
on les avait.
M. Lesage: Ah oui, elles sont prêtes, je les ai vues.
M. Johnson: Si on avait des copies... M. Lesage: On peut en avoir.
M. Gérin-Lajoie: On fera la première lecture a l'ouverture
demain.
M. Dozois: Vers 9 heures, 9 h 30.
M. Bertrand (Missisquoi): Vers 9 heures, qu'ils les envoient...
M. Lesage: Elles seront rendues à 9 heures. Maintenant, je veux
être bien compris. J'avais dit que nous nous réunirions pour deux
choses.
M. Johnson: Une d'abord.
M. Lesage: Une d'abord, oui, mais je me suis bien expliqué dans
mon appel téléphonique au chef de l'Opposition; la
première fois que j'en ai parlé publiquement, j'ai dit deux.
Lorsque le ministre de la Jeunesse et son sous-ministre m'ont exposé le
règlement possible d'un problème épineux, qui est la
division de la taxe des compagnies entre commissaires d'écoles et
syndics d'écoles, ils m'ont convaincu de l'urgence du problème.
C'est alors que j'ai communiqué tout de suite avec le chef de
l'Opposition pour le lui dire. Il est entendu que je vous ai dit qu'il y en
aurait deux; je ne manquerai pas à ma parole, à moins que vous ne
soyez vous-mêmes convaincus, comme je le suis, de l'urgence de la chose.
Il me semble que c'est juste et je pense que le chef de l'Opposition va
admettre que je me suis comporté vis-à-vis de lui...
M. Johnson: Oui, oui.
M. Lesage: ... suivant l'entente.
M. Johnson: Il m'a averti chaque fois qu'il a changé
d'idée ou chaque fois qu'il a allongé l'ordre du jour et il s'est
comporté de façon à avoir une coopération de
l'Opposition; je la lui assure. Mais cela a commencé avec le bill no 1
et ensuite la résolution sur les pensions. Vous avez le bill no 2.
Est-ce qu'on peut s'attendre que vendredi ou samedi on aura le bill no 60?
Une voix: Non, le bill no 4.
M. Johnson: Est-ce que le ministre de la Jeunesse a l'intention de faire
un coup de force et de nous apporter ça? On a donné jusqu'au 1er
septembre.
M. Gerin-Lajoie: Jusqu'au 2.
M. Johnson: Alors, demain, nous continuerons de coopérer et nous
tâcherons de passer en deuxième lecture, s'il y a lieu.
M. le Président: La motion d'ajournement est adoptée. La
Chambre est ajournée à demain matin, 11 heures.