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Version finale

26th Legislature, 2nd Session
(November 10, 1960 au June 10, 1961)

Monday, June 5, 1961

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Séance du lundi 5 juin 1961

Présidence de l’honorable L. Cliche

La séance est ouverte à 3 heures.

Prière.

M. l’Orateur: À l’ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!

 

Questions et réponses écrites:

Régie des alcools à Aylmer

M. Desjardins (Gatineau): 1. À la date du 1er mai 1961, quel est le nom du locateur du magasin de la Régie des alcools à Aylmer, comté de Gatineau?

2. Quel est le montant mensuel ou annuel payé par la Régie des alcools pour ce loyer?

3. Où est situé ce magasin?

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): 1. M. Henri Laflamme, fils.

2. $350 par mois.

3. No 98, de la rue Principale, à Aylmer.

 

Projets de loi:

Compagnie de Jésus

M. Lavoie (Laval) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 242 concernant la Compagnie de Jésus soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé au comité permanent des bills privés en général.

Loi des marchés agricoles

L’honorable M. Courcy (Abitibi-Ouest) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 92 modifiant la loi des marchés agricoles du Québec soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

Financement universitaire

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 64 concernant le financement des investissements universitaires soit maintenant lu une troisième fois.

M. Talbot (Chicoutimi): Comme vous le savez, M. l'Orateur, l'an dernier, le gouvernement dont j'avais l'honneur de faire partie passait une loi concernant les investissements immobiliers des universités. J'ai expliqué, en deuxième lecture, comment, à notre avis, cette loi de l'Union nationale était beaucoup plus généreuse et beaucoup moins contentieuse que la loi qu'on nous propose. Elle était uniquement financière. Les universités, avec le consentement du surintendant de l'Instruction publique, pouvaient emprunter, et le gouvernement garantissait les emprunts et le remboursement.

En deuxième lecture, l'opposition a accepté le principe de cette aide aux universités, même si elle était inférieure à celle que comportait la loi de l'an dernier. Toutefois, le débat sur la deuxième lecture nous a appris certaines choses que nous soupçonnions, mais que nous étions loin de croire être la doctrine du gouvernement actuel. C'est ainsi que le ministre de la Jeunesse, qui fait maintenant figure de ministre de l'Éducation, a fait une distinction spécieuse entre liberté académique et liberté administrative. Il nous a dit que le Conseil de l'instruction publique aurait la liberté académique, tandis que le gouvernement se réservait la liberté administrative.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le ministre de la Jeunesse a bien dit que le Parlement, et non le gouvernement, assumerait l'administration des subventions.

M. Talbot (Chicoutimi): J'affirme, moi, que l'une ne va pas sans l'autre, qu'il ne sert à rien au Conseil de l'instruction publique d'élaborer des programmes, de prôner l'établissement de certaines institutions s'il n'a pas les moyens administratifs de réaliser ses projets. C'est toujours ce qu'ont compris ceux qui ont fondé le régime de l'instruction publique que nous avons présentement. Ils ont donné le contrôle de la dépense des deniers publics à ceux qui administrent notre régime scolaire.

Dans son discours de vendredi, le ministre de la Jeunesse a déclaré que c'est le désir du gouvernement que le domaine sacré de l'éducation soit réservé au contrôle ultime du Parlement, spécialement en ce qui concerne l'affectation des deniers publics. Donc, il n'y a plus de distinction entre liberté académique et liberté administrative. Nous avons là la doctrine du gouvernement.

L'éducation relèvera des représentants élus du peuple. Ce sera la politique dans l'éducation. C'est le renversement de l'ordre établi. Le Conseil de l’instruction publique est relégué aux oubliettes. Je remercie le ministre de nous avoir dit franchement et d'avoir exposé son attitude devant l'opinion publique.

Il propose, appuyé par le député de Missisquoi (M. Bertrand), que tous les mots après "que", dans la motion en discussion, soient retranchés et remplacés par les suivants:

"La Chambre est d’avis que le bill 64 concernant le financement des investissements universitaires ne soit pas lu maintenant, mais soit renvoyé au comité des bills publics, aux fins d’avoir l’avis de tous les organismes intéressés, particulièrement les universités, les comités catholique et protestant du Conseil de l’instruction publique et la Fédération des collèges classiques de la province de Québec."

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) s’oppose à la présentation de cet amendement. Le projet de loi a été préparé pendant plusieurs mois. Il est le fruit de nombreuses réunions qui ont groupé, d'une part, le premier ministre, le ministre de la Jeunesse, le leader du gouvernement au Conseil législatif (M. Marler) et des fonctionnaires de l'Instruction publique, et, d'autre part, les représentants de chacune des universités ainsi que, à l'occasion, deux ou trois représentants de la Fédération des collèges classiques. Le projet de loi lui-même a même été étudié à l'occasion de l'une ou deux de ces réunions. Le premier ministre et moi-même avons eu des pourparlers avec les représentants des universités et ces derniers se sont dits intégralement satisfaits de la mesure que le gouvernement présentait.

Il demande le rejet de la motion.

M. Bertrand (Missisquoi): J'interviens, dit-il, dans le débat en vertu d'un principe démocratique. Le ministre de la Jeunesse affirme qu'il a consulté les universités et que le gouvernement est satisfait des réponses qu'il a obtenues. Le Parlement, lui, n'a pas participé à cette rencontre, et c'est pourquoi nous demandons que l'on réfère le bill devant le comité des bills publics où le Parlement comme tel pourra consulter les universités.

Il y a une autre raison: la Fédération des collèges classiques a fait des réserves quant à ce bill. Elle a demandé que la juridiction soit laissée au surintendant de l'Instruction publique. Nous voudrions que le Parlement puisse consulter les collèges classiques. Enfin, troisième raison, il est un principe sanctionné par la loi et par la coutume: c'est que tout le domaine de l'instruction publique, du point de vue administratif comme du point de vue pédagogique, doit relever du département de l'Instruction publique.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) invoque le Règlement. Le député est hors d'ordre, dit-il.

M. Bertrand (Missisquoi): J'ai, parfaitement le droit d'exposer les raisons pour lesquelles je suis en faveur de la motion d'amendement.

M. l’Orateur l'invite à continuer son discours.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) lui fait remarquer qu'il a mentionné le département de l'Instruction publique alors qu'il voulait sans doute parler du Conseil de l'instruction publique.

M. Bertrand (Missisquoi): Le surintendant de l'Instruction publique est le maître aux deux endroits.

L’honorable M. Levesque (Bonaventure): Était-il vraiment le maître?

M. Bertrand (Missisquoi): Nous prêchons en vertu du principe démocratique voulant que l'on entende ceux qui sont intéressés à une question.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Le gouvernement a la responsabilité du bill à l'étude. Nous avons consulté les trois organismes mentionnés dans l'amendement. Ce serait donc faire double emploi que de recommencer.

L’amendement est mis aux voix et la Chambre se divise.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bégin, Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Élie, Johnson, Langlais, Maltais, Plourde (Kamouraska), Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet), Talbot, Tellier, Thibeault, Tremblay, 17.

Contre: MM. Arsenault, Bédard, Bélanger, Binette, Blank, Boulais, Brown, Castonguay, Coiteux, Collard, Cournoyer, Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Harvey, Hyde, Kirkland, Lafrance, Lalonde, Lambert, Laroche, Lechasseur, Lesage, Levesque (Bonaventure), Lévesque (Montréal-Laurier), Maheux, Morissette, Parent, Pinard, Plourde (Roberval), Roy (Lévis), Saint-Pierre, Turpin, Vaillancourt, 35.

Ainsi, l’amendement est, en conséquence, rejeté.

M. Johnson (Bagot): Le présent gouvernement a fait voter le bill 31 pour constituer une commission royale chargée d'enquêter sur l'enseignement, dont la tâche se poursuivra durant une couple d'années. Puis, avant même que le gouvernement n'ait les renseignements attendus, il présente une série de projets de loi sur l'éducation qu’il qualifie de grande charte de l'enseignement. Les changements de juridiction prévus par la loi à l’étude auraient dû être examinés en premier par la Commission royale d’enquête parlementaire sur l’éducation. Je me demande si le gouvernement est sérieux, si la loi à l'étude et les huit autres qui doivent venir signifient quelque chose. La Commission royale n'aura qu'à sanctionner ce que le gouvernement aura décidé. La Commission royale n’aura-t-elle été constituée seulement pour bloquer les projets d'universités Sainte-Marie, Loyola et de Trois-Rivières.

Le gouvernement se vante de rendre le contrôle des deniers publics au Parlement. Toujours les législateurs ont voté les fonds. Ce n'est pas là que s'établit le contrôle, mais c'est plutôt quand il s'agit de l'emploi de l'argent voté. Avec le système actuel, celui instauré par l’Union nationale, le département de l'Instruction publique et le surintendant demandent, par l'intermédiaire du ministre de la Jeunesse, les sommes nécessaires, et la Chambre vote ces montants. Mais ensuite, c'est le surintendant qui décide quelle proportion doit aller à telle ou telle commission scolaire.

Les libéraux ont souvent accusé les députés de l’Union nationale de l’Assemblée législative de faire des représentations au surintendant au sujet des problèmes particuliers qu'ils connaissent et devant les membres des nombreuses commissions scolaires de leurs comtés respectifs. Est-ce que c'était mal? À l'avenir, qu'est-ce qui se passera avec le bill no 64? Est-ce que ce sera bien qu'un député libéral de la Chambre basse aille trouver un ministre libéral ou que le porte-parole libéral d'une commission scolaire aille voir ce même ministre libéral au sujet des dossiers touchant l’éducation? Le bill 64, c'est la loi d'un seul homme, c'est le contrôle par le caprice d'un homme. Cet homme omnipotent pourra dire aux universités voilà tant de millions. C’est tout pour cette année.

De plus, le bill 64 place tous les investissements des universités et des collèges dans les mains d'un seul homme, le premier ministre de la province. Le temps va venir où le ministre de la Jeunesse, et par ricochet le premier ministre de la province, sera le surintendant spécial et unique de l’enseignement universitaire et classique. Malgré des déclarations de principes démocratiques, on remet tout le domaine des investissements des universités et des collèges dans les mains polies1, mais libérales d'un premier ministre. C'est le commencement d'un régime que les libéraux ont dénoncé, alors qu'il y avait un régime moins dictatorial que le bill no 64.

Il faut à tout prix empêcher la mainmise de la politique sur le domaine de l’instruction publique. Pendant 16 ans, alors que la province se développait à un rythme rapide, il a fallu improviser parce que le gouvernement n'avait pas le temps de faire précéder les événements par des lois. Mais le temps est venu où on pourrait prévoir, au Conseil de l'instruction publique, la création d'une commission qui serait intégrée dans le Conseil de l'instruction publique de cette province, afin de donner une structure aux réclamations et aux demandes provenant des universités. Il faut à tout prix un organisme qui protégera la liberté académique et administrative des universités, un organisme entre ceux qui demandent des subventions et ceux qui sont en politique. En mettant fin au régime qui dure depuis 1846, le gouvernement va finir par soumettre l'enseignement à la politique. Le premier ministre décide seul de toutes ces questions et c'est lui qui a fixé les chiffres que l'on trouve en annexe au bill 64.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) rappelle le processus employé pour arriver aux chiffres soumis à la Chambre. Chacune des universités, dit-il, a présenté son projet. Les représentants des universités les ont discutés l'un après l'autre. Les programmes d’aide financière décrits dans la législation ont été acceptés par les institutions concernées, suite à des rencontres avec les représentants du gouvernement. Ce que nous présentons au Parlement, ce sont les demandes des universités et des collèges classiques.

D'ailleurs, allez demander aux recteurs ce qu'ils en pensent. Le député de Bagot sera surpris des réponses qu'il en recevra. Les sommes d’argent qui seront dépensées ont été soumises aux administrateurs des universités et approuvées. Le surintendant de l’éducation publique n’a jamais eu de pouvoir à l’égard de la distribution des subventions aux universités et aux collèges classiques.

M. Johnson (Bagot) discute, dit-il, pour les années à venir, afin d'obtenir un parfait contrôle démocratique. Pour cela, il faudrait entendre les intéressés au comité des comptes publics, afin que autant l’opposition que le gouvernement puisse les questionner. Je persiste à croire que l'instruction publique est moins menacée par la politique si on la laisse dans les mains du surintendant plutôt que de la placer dans celles du premier ministre. Par ce bill, on consacre le mariage de la politique et de l'enseignement, et il faudrait bien assurer à l’opposition le pouvoir de vérifier les demandes des universités, car je ne suis pas prêt à prendre la simple parole du ministre intéressé. La doctrine traditionnelle de l'Église est favorable au divorce de l'enseignement et de la politique. Et quand c'est l'État qui décide des questions de l'enseignement, on ouvre la porte à l'école neutre. Le bill 64 constitue la mainmise du gouvernement sur l'enseignement.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Le Conseil de l’instruction publique a entière juridiction sur les questions de l’enseignement dans la province de Québec. Il est constitué pour régler les problèmes de l’éducation publique. Il ne peut être question de fonder un conseil ou une commission des universités qui aurait juridiction sur les professeurs, les programmes et les manuels au département de l'Instruction publique.

Le député de Bagot prétend que cette loi nouvelle abandonne le contrôle des problèmes de l'éducation et de l'enseignement entre les mains du premier ministre. Des paroles comme celles-là sonnent faux dans la bouche des membres de l'Union nationale, car si jamais a existé chez nous une mainmise des politiciens sur l'éducation, ce fut bien sous le gouvernement précédent dont faisaient partie le chef actuel de l'opposition, le député de Missisquoi et le député de Bagot. Ils ont fait partie du gouvernement le plus dictatorial qui n'ait jamais existé dans la province, qui a eu un contrôle total et intégral sur l’éducation de la province.

En fait, le surintendant de l'Instruction publique, dans toute sa bonne foi, ne se reconnaissait aucune compétence dans le domaine de l'attribution des subventions aux maisons d'enseignement. Il cite une lettre du surintendant à un évêque, en février 1960, déclarant: "Soyez assuré qu'à la prochaine occasion, je ne manquerai pas de soumettre votre demande aux autorités gouvernementales." Il réfère à une lettre de l’ancien secrétaire de la province (M. Prévost) à l'ancien premier ministre, M. Antonio Barrette, dans laquelle l'ancien secrétaire provincial disait: "Je vous soumets le programme de travaux que j'ai cru devoir approuver à l'Université de Sherbrooke."

C'est donc le ministre et non pas le surintendant de l’Instruction publique qui approuvait les travaux et les subventions. Nos amis d'en face aiment à soulever le spectre de l'assujettissement de l'éducation à ce qu'ils appellent la politique, mais ils réfèrent plutôt, c'est évident, à la partisannerie politique, car, à mon sens, la politique est une grande chose puisque son rôle est de prévoir et de pourvoir aux besoins généraux de la communauté. La partisannerie ne doit pas être le souci de ceux qui ont la responsabilité de la bonne marche de la province.

L'Union nationale n'était pas contente d'assujettir les institutions d'enseignement dans la pratique et elle les assujettissait également dans les documents officiels. C'est ainsi qu'on trouve dans un arrêté ministériel concernant une subvention à l'Université Laval: "Attendu que le gouvernement de l'Union nationale a largement contribué au progrès et à la prospérité de l'Université Laval". Il cite des documents officiels en exemple. Après vérification de plus de 300 arrêtés ministériels accordant des subventions aux universités et aux collèges, sous l'Union nationale, aucune ne fait mention du surintendant de l'Instruction publique, dit-il. Tous ont été adoptés sur l'initiative d'un ministre, généralement le premier ministre.

Le gouvernement libéral est fermement opposé à un régime de ce genre qui se manifeste de cette façon. Nous ne voulons pas soustraire l'éducation à la vraie politique qui n'a en vue que l'intérêt du peuple, mais à la politique partisane, mesquine, occulte, à la politique d'un petit groupe d'hommes, qu'ils soient des ministres et le premier ministre. Une loi sur l'éducation, votée l’an dernier sous l'Union nationale, accordait discrétion absolue au cabinet et soustrayait complètement le financement de l'éducation du contrôle du Parlement. Les députés n’avaient même pas le droit de discuter ces crédits, car ils se présentaient sous forme de fonds spéciaux, qui ont déjà été dépensés et qui relevaient du gouvernement seul.

Le gouvernement actuel, contrairement au précédent, luttera toujours pour le contrôle des deniers publics par le Parlement. Non seulement les subventions seront-elles statutaires, mais elles seront autorisées par les élus, par des lois annuelles où les sommes versées à chacune des institutions seront mentionnées.

Jamais le surintendant de l'Instruction publique n'a exercé un pouvoir de distribution de subventions d'immobilisations aux universités et aux collèges. Les lois de la province ont toujours réservé ce droit soit au secrétaire de la province, soit au ministre des Finances. La déclaration faite par Son excellence Mgr Albertus Martin, évêque de Nicolet, au nom de la Commission épiscopale de l’éducation à la séance du comité catholique de l’instruction publique, le 26 février 1958, et endossée par les évêques et les membres laïcs du comité catholique de l'instruction publique, dit sans équivoque: "Au comité catholique, il appartient de reconnaître comme collèges classiques les institutions qui méritent d'être reconnues comme telles. Au gouvernement de la province, il appartient de subventionner ces institutions selon les normes qu'il lui appartient de déterminer."

Dans les faits, les démarches faites en personne et la correspondance aux dossiers démontrent à l’évidence que tous les intéressés, les recteurs et supérieurs d’institutions, tout comme les ministres en cause, ont invariablement reconnu l’autorité exclusive des membres du gouvernement en matière de subventions aux institutions d’éducation supérieure. D’ailleurs, aucun des arrêtés en conseil attribuant de telles subventions ne fait mention du surintendant de l’Instruction publique, et tous ont été adoptés sur l’initiative des ministres, généralement le premier ministre, répète-t-il. Le bill 64 modifie cet état de choses en soustrayant à tout ministre le pouvoir de dispenser les subventions en question et en restreignant le rôle du ministre de la Jeunesse à celui d’un intermédiaire entre les institutions d’enseignement et le Parlement de la province auquel la décision ultime appartiendra.

En ce qui concerne l'opportunité d'instituer une commission provinciale des universités comme corps intermédiaire supplémentaire, le gouvernement continue d'endosser le principe mais, à la demande des universités et des collèges, il a accepté de poursuivre, pour le moment, l'expérience d'un comité ad hoc comprenant les représentants des diverses institutions.

Cette expérience devrait éventuellement servir à l'établissement formel d'une commission ou d'un conseil provincial d’aide aux universités. Essentiellement, cette loi permettra de réaliser les trois objectifs suivants:

a) l'établissement d'un plan d'ensemble à l'avantage des institutions et à l’avantage de la province en général;

b) la sauvegarde du droit de regard du public payeur de taxes;

c) le respect et la garantie de l'autonomie des institutions.

En résumé, le bill 64 substitue l'autorité parlementaire démocratique au contrôle personnel et arbitraire.

M. Tremblay (Maisonneuve): Moi, je le connais cet homme-là. Il (l’honorable M. Gérin-Lajoie) est venu se mettre le nez dans nos affaires à la commission scolaire de Montréal, et d’un seul coup, cela nous a coûté $12,000,000 de plus. Le bill 64 élargit trop les pouvoirs du ministre. C’est dans les mains d’un seul homme un trop grand pouvoir discrétionnaire et j’ai une grande peur de cet état de choses. C’est vraiment rire de la Commission royale d’enquête sur l’éducation que de présenter des lois aussi importantes, lors même que les commissaires n’ont pas encore commencé leur travail. Le gouvernement devrait attendre les résultats des travaux entrepris par la Commission.

M. Maltais (Québec-Est) rend hommage à l’ancien secrétaire de la province (M. Prévost). Il loue sa compétence et sa parfaite objectivité dans l’accomplissement de ses hautes fonctions et de sa responsabilité vis-à-vis des institutions d’enseignement du Québec. Si le bill 3, l’an dernier, confiait la garantie des emprunts universitaires au ministre des Finances, c’était à cause de circonstances extraordinaires et parce que le gouvernement avait à régler un problème d’une extrême complexité, celui de l’empiétement du pouvoir central dans le domaine de l’éducation. Mais ces circonstances n’existent plus.

On aurait dû nommer le surintendant seul et unique responsable du contrôle des subventions. Le fait d’enlever la responsabilité au surintendant de l’Instruction publique pour la confier au ministre de la Jeunesse, en matière de distribution des subventions, va contre une longue tradition parlementaire. Il s’agit d’un point d’une extrême importance et le peuple le réalisera plus tard.

Le Parlement n'est pas toujours la source du droit. C’est le cas surtout dans le domaine de l’éducation. Je ne veux pas que l'État devienne maître d'école ni père de famille, car il y a trop d'enfants. Nous pouvons faire une exception qui a toujours été reconnue dans le domaine de l'éducation, parce que le Parlement n'est pas la source de ce droit à l'éducation. Ce sont les parents qui en sont responsables.

Les parents étant la source de droit à l'éducation, lorsqu'il s'agit de fonds publics que le Parlement va recueillir par une loi, il n'en est pas le maître mais le fiduciaire, et l'institution qui doit s'occuper de le dépenser, c'est le Conseil de l'instruction publique.

Deux théories s'affrontent en ce moment et je dis que ça va être le cheval de bataille des prochaines campagnes électorales. L'État va-t-il devenir maître d'école, oui ou non? Je dis non. La loi d’aide à l’éducation votée l’an dernier par l’Union nationale était probablement une brèche à l’autorité du surintendant.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): (Bondissant) Je ne peux, dit-il, laisser passer ces hérésies épouvantables que le député de Québec-Est commet en déclarant que les parents sont la source du droit à l’éducation et que le surintendant doit contrôler la dépense. Je n'ai jamais vu un membre d'un Parlement rabaisser autant sa propre institution. Le gouvernement dont il faisait partie a adopté le chapitre 5. Le député de Québec-Est était ministre! Il (M. Maltais) dit que le gouvernement a peut-être commis une erreur. Pourquoi n'y a-t-il pas pensé à ce moment? Est-ce une admission qu'il a manqué à son devoir? C'est la seule interprétation que je puisse donner.

M. Bertrand (Missisquoi), M. Johnson (Bagot) et M. Talbot (Chicoutimi) reprochent cette remarque au premier ministre.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Je constatais tout simplement que le député de Québec-Est, alors ministre d'État, n'est pas sorti du cabinet sur ce qu'il appelle une question absolument vitale. La loi de l'Union nationale constituait un mandat en blanc.

Il fait la lecture d'un article du journal La Presse rapportant que l'ancien ministre des Finances, M. John S. Bourque, a déclaré que "l'érection d'une université à Sherbrooke, en 1954, constituait la récompense des services que j’ai rendus à la cause de l'Union nationale." Cette déclaration reflète absolument l'esprit de l'Union nationale. Elle gardait le contrôle des dépenses dans le domaine de l'éducation.

M. Bertrand (Missisquoi) et M. Talbot (Chicoutimi): M. Bourque ne s'est pas exprimé de la sorte et ses paroles furent mal rapportées, disent-ils.

M. Bertrand (Missisquoi) invoque le Règlement. J'étais présent à la réunion, dit-il, et M. Bourque a déclaré qu’il a rendu des services signalés, et lorsque le bill de l’université fut présenté, il fut heureux de l’appuyer.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Tant que M. Bourque n’aura pas nié, je n’ai pas raison de croire le contraire de ce qu’on rapporte parce que c’est tellement dans la ligne de pensée de l’Union nationale. Le député de Québec-Est a commis un sophisme en disant que la source du droit, en matière d'éducation, ce sont les parents.

M. Maltais (Québec-Est) s’insurge contre l’expression. Elle n’est pas parlementaire, dit-il.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Comment peut-on prétendre que ce sont les parents qui sont la source du droit, et conclure ensuite que le contrôle des subventions appartient au surintendant? Le surintendant représente-t-il les parents ou s'il ne représente pas plutôt les membres de la Législature? C'est parce que nous sommes responsables devant les parents, qui sont les payeurs de taxes, que nous disons que le Parlement est absolument souverain dans tous les domaines et qu'il ne saurait y avoir d'exception. Le Parlement est souverain en tout ce qui touche la distribution des deniers publics et je le proclamerai toujours. La Législature est souveraine et bien au-dessus du lieutenant-gouverneur en conseil.

C'est pour cette raison que nous avons présenté ce projet de loi qui laisse à la Législature le soin de voter, à chaque année, les subventions qui seront accordées. Et ce ne sont pas les sophismes du député de Québec-Est, ni ses confessions posthumes qui me feront changer d’idée. Je suis prêt à aller devant le peuple n'importe quand et à me battre sur les tribunes publiques pour la défense de ce principe dans lequel le Parti libéral croit. J’ai assez confiance dans le respect du peuple pour ses institutions parlementaires pour être sûr qu'il nous approuvera.

M. Bertrand (Missisquoi) veut donner la réplique.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) l’empêche par une question d’ordre.

M. l’Orateur maintient la question d’ordre2.

M. Bellemare (Champlain): Le premier ministre a lancé l'anathème contre l'Union nationale. Il a parlé d'une loi que nous avons passée l'an dernier. Il a oublié de dire que nous avons, par cette législation, pourvu à une situation d'urgence. C'était essentiellement une loi temporaire, dit-il. Nous voulions régler le cas des emprunts à long terme. Aujourd'hui, on sabote tout simplement la tradition qui s'était établie dans la province de Québec. C'est maintenant le ministre de la Jeunesse qui aura toute l'autorité.

On nous a reproché de faire agenouiller les universités devant nous. À l'avenir, elles auront les deux genoux à terre, l'un devant le premier ministre et l'autre devant le ministre de la Jeunesse. Le bill 64 viole un principe qui est reconnu depuis plus de 100 ans, en confiant au ministre de la Jeunesse, plutôt qu'au surintendant de l'Instruction publique, la répartition et la distribution des subventions aux universités et aux collèges classiques. Le Parti libéral, en somme, donne suite aux pensées de ses ancêtres politiques.

En 1944, le sénateur Damien Bouchard réclamait des écoles neutres et un ministère de l'Instruction publique pour la province de Québec. En fait, le Parti libéral a toujours été le propagandiste du ministère de l'Éducation. Cette année, on a relancé cette théorie en enlevant au secrétaire de la province les pouvoirs qu'il avait en matière d'éducation pour les centraliser au ministère de la Jeunesse.

Il cite le témoignage de Thomas Chapais qui dénonçait toute intrusion politique dans le domaine de l’éducation, d’évêques, dont Mgr Parent, de Rimouski, qui craint la mainmise de l’État sur l’éducation, et celui de Mgr Cabana, de Sherbrooke, qui se demandait si nous n’en n’étions pas rendus à une période de notre histoire où il ne se trouverait plus personne pour nous défendre contre ceux qui veulent nous enlever des droits sacrés. Il y a toujours eu une cloison étanche entre la politique et le département de l'Instruction publique.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): C'est inexact.

M. Bellemare (Champlain): Le Parti libéral, en somme, donne suite aux pensées de ses ancêtres politiques. Cette loi est odieuse. Elle est inadmissible.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): Pourquoi alors avez-vous voté en faveur, en deuxième lecture?

M. Bellemare (Champlain): Parce qu'elle contient certains bons principes. Le ministre affirme vouloir créer un plan d'ensemble financier. Alors, que fait la Commission d'enquête sur l'éducation? Ses membres n'ont plus qu'à rentrer chez eux. Le ministre voudrait aussi sauvegarder son droit de regard? Il aura bien plus que cela, il sera omnipotent. Le ministre dit qu'il veut protéger l'autonomie des universités. L'Union nationale a toujours respecté cette autonomie et n'a jamais eu besoin de lois pour l'affirmer.

La motion principale est mise aux voix et la Chambre se divise.

Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Arsenault, Bédard, Bélanger, Binette, Blank, Boulais, Brown, Castonguay, Coiteux, Collard, Cournoyer, Couturier, Dionne, Earl, Gérin-Lajoie, Harvey, Hyde, Kirkland, Lafrance, Lalonde, Lambert, Laroche, Lechasseur, Lesage, Levesque (Bonaventure), Lévesque (Montréal-Laurier), Maheux, Morissette, Ouimet, Parent, Pinard, Plourde (Roberval), Roy (Lévis), Saint-Pierre, Théberge, Turpin, Vaillancourt, 37.

Contre: MM. Bégin, Bellemare, Bernatchez, Bertrand (Missisquoi), Boudreau, Élie, Johnson, Langlais, Maltais, Plourde (Kamouraska), Raymond, Riendeau, Roy (Nicolet), Russell, Talbot, Tellier, Thibeault, Tremblay, 18.

Ainsi, la motion est adoptée. Le bill 64 est, en conséquence, lu une troisième fois.

Il est ordonné que le greffier porte ce bill au Conseil législatif et prie les honorables conseillers de l’adopter.

À 6 heures, la Chambre suspend ses travaux.

 

Reprise de la séance à 8 heures

Projets de loi:

Bourses pour personnel enseignant

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 80 pour faciliter la formation universitaire du personnel enseignant des écoles secondaires, des écoles normales et des collèges classiques ainsi que les recherches relatives à l’enseignement soit maintenant lu une deuxième fois.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): L'augmentation du nombre des élèves au niveau secondaire sera de 25,000 en septembre prochain, et c'est le minimum à prévoir aussi pour l'avenir, en ce qui concerne les écoles publiques. Cette augmentation dans ce seul domaine nécessitera 1,000 nouveaux professeurs. Il faut aussi prévoir le remplacement des professeurs à raison de 8 % environ par année, ce qui fait que 700 professeurs nouveaux seront requis à cette fin. Un calcul identique pour le cas des collèges classiques montre qu'il faudra 500 nouveaux professeurs et, enfin, les écoles normales exigeront pour leur part 200 nouveaux professeurs.

M. Talbot (Chicoutimi): Nous approuvons, en principe, un système de bourses pour la formation du personnel enseignant. Le précédent gouvernement a voté $1,200,000 pour des bourses aux étudiants.

Adopté. Le bill est lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

Le comité étudie le bill article par article et le président fait rapport n’a pas fini de délibérer et qu’il demande la permission de siéger de nouveau.

Il est ordonné que le comité siège de nouveau à la présente séance.

L’ordre du jour appelle la prise en considération, en comité plénier, d’un projet de résolution relative au bill 80 pour faciliter la formation universitaire du personnel enseignant des écoles secondaires, des écoles normales et des collèges classiques ainsi que les recherches relatives à l’enseignement.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) informe l’Assemblée que l’honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance dudit projet de résolution et qu’il en recommande l’objet à la Chambre.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose que M. l’Orateur quitte maintenant le fauteuil.

Adopté.

 

En comité3:

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose: Que les sommes nécessaires à l’exécution de la loi qui accompagne la présente résolution seront payées sur les deniers votés annuellement par la Législature.

Adopté.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté une résolution, laquelle est lue et agréée.

Il est ordonné que cette résolution soit renvoyée au comité plénier chargé d’étudier le bill 80 pour faciliter la formation universitaire du personnel enseignant des écoles secondaires, des écoles normales et des collèges classiques ainsi que les recherches relatives à l’enseignement.

Conformément à l’ordre adopté précédemment, la Chambre se forme de nouveau en comité plénier pour étudier le bill 80 pour faciliter la formation universitaire du personnel enseignant des écoles secondaires, des écoles normales et des collèges classiques ainsi que les recherches relatives à l’enseignement.

 

En comité4:

Les articles 1 à 3 sont adoptés.

Le comité étudie l’article 4, qui se lit comme suit:

"4. Le montant de la bourse est de douze cents dollars pour un étudiant, de deux mille cinq cents dollars pour un professeur célibataire et de trois mille cinq cents plus cent cinquante dollars par enfant pour un professeur marié."

M. Bellemare (Champlain) pose une question.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Les bourses seront attribuées par concours officiels devant jury et le talent sera le seul critère, sans discrimination de sexe, d'état de vie ou de statut économique. On tiendra compte cependant de la répartition selon la population: des groupes religieux et des groupes linguistiques. On tiendra compte également des besoins des institutions elles-mêmes par la répartition des populations étudiantes des trois catégories d’institutions visées. On tiendra compte enfin des besoins dans les diverses disciplines académiques, à la fois par l’importance relative de ces disciplines dans les programmes d’études des institutions en question et des populations étudiantes qui y étudieront.

Quant à la constitution du jury, il sera tenu compte des groupes dont il vient d’être question. De toute évidence, un tel jury ne saurait se composer que de quelques personnes seulement; il devra se partager en plusieurs sous-comités, à la fois par groupes de disciplines et par groupes d’institutions. Le jury établira lui-même les critères qui lui serviront à mesurer les aptitudes des candidats dans les catégories qui auront été établies.

M. Talbot (Chicoutimi): C’est un mauvais principe d'attribuer les bourses sans égard aux conditions de fortune du postulant. Je me demande pourquoi la province paierait une bourse à celui qui n'en a pas besoin?

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Ce système de bourses est instauré pour créer de l'émulation dans la jeunesse intéressée à l'enseignement, pour donner à la fonction de professeur un prestige nouveau et pour attirer au professorat la crème de la jeunesse québécoise. Ce système ne vise pas tous les nouveaux professeurs, mais l'élite d'entre eux.

M. Bellemare (Champlain) s’élève contre le fait que la condition économique du postulant n'entre pas en ligne de compte pour l'attribution des bourses.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Il s'agit d'un système entièrement différent de celui qui existe déjà. Il s'agit en effet ici de former une élite.

M. Johnson (Bagot) insiste pour que les comités catholique et protestant de l’instruction publique forment le jury et que le ministre se contente de verser l’argent.

M. Talbot (Chicoutimi) propose un amendement à cet article de la loi, de façon à permettre de donner moins ou plus, selon les besoins. Lorsque nous connaissons ce qu'il en coûte pour une année d'étude universitaire, nous croyons que $1,200 n'est pas suffisant pour un étudiant pauvre. Par contre, nous trouvons que $1,200 est trop pour un étudiant dont les parents sont en moyen ou riches.

M. Johnson (Bagot): Ce n'est pas juste que l'étudiant reçoive une bourse de $1,200, peu importe l'endroit d'où il vienne. À moins, toutefois, que le gouvernement caresse l'intention de limiter la fréquentation universitaire aux seuls candidats des villes! Il en coûtera plus cher, tout le monde sait cela, à un étudiant venant des confins de la province pour suivre des études à l'université qu'à un étudiant résidant dans la ville où s'élève l'université. On ne tient aucun compte du fait qu’un boursier viendrait d’un centre rural. Celui qui vient d’une ville n’aura rien à débourser comme frais de séjour. Ce que je voudrais, c'est que le gouvernement tienne compte de ce facteur important.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Les bourses de perfectionnement sont accordées comme prix de fin d'année, au collège, pour récompenser uniquement le mérite, à la suite d'un concours. Il ne peut donc être question de commencer à considérer le lieu où habite le boursier. Les bourses sont offertes par concours pour stimuler le talent et l'intérêt, en vue de donner plus de prestige à la profession d'instituteur.

M. Tremblay (Maisonneuve) parle du cas d'un jeune avocat qui aurait reçu une bourse pour aller étudier deux ans dans le but de devenir professeur. La loi permettra de favoriser des amis.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): J'eus aimé qu'il existe des bourses du genre au temps des études du député de Maisonneuve.

M. Tremblay (Maisonneuve): Vous ne seriez peut-être pas premier ministre de la province aujourd'hui. Ce ne sont pas les bourses qui font l'intelligence.

(Rires)

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Les mesures proposées visent à encourager un diplômé de collège à se lancer dans l'enseignement. Cette profession, dit-il, n'attire pas les jeunes aujourd'hui, car le domaine de l'enseignement a très mauvaise réputation au point de vue rémunération. En offrant des bourses, nous voulons frapper l'imagination et faire réfléchir ceux que la profession pourrait attirer. Nous voulons constamment améliorer le sort des professeurs.

M. Talbot (Chicoutimi): La loi mentionne que tout candidat à une bourse devra avoir réussi dans ses études ou dans l'enseignement. Qui va juger cela? Je connais des gens qui ont reçu des bourses du Conseil des arts d'Ottawa et qui avaient à peine une septième année.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): C'est pourquoi nous aurons un jury composé d'universitaires.

M. Talbot (Chicoutimi): Où prendra-t-on l'argent pour les bourses?

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Cette année, on prélèvera l'argent sur le fonds consolidé de la province. Les années suivantes, l'argent sera voté par le Parlement. On affectera cette année à ces bourses la somme de $500,000.

L’article 4 est adopté.

Les articles 5 à 10 sont adoptés.

Le comité étudie l’article 11, qui se lit comme suit:

"11. Le titulaire d'une bourse qui ne se conforme pas à son engagement est tenu de rembourser en tout ou en partie, selon le cas, le montant reçu en bourse.

"En cas de décès, l'obligation de rembourser s'éteint. Dans tout autre cas de force majeure, l'obligation peut être réduite par le ministre."

L'article 11 est amendé et se lit désormais comme suit:

"11. Le titulaire d'une bourse qui ne se conforme pas à son engagement est tenu de rembourser en tout ou en partie, selon le cas, le montant reçu en bourse.

"En cas de décès, l'obligation de rembourser s'éteint."

L'article 11, ainsi amendé, est adopté.

Les articles 12 à 26 sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 80 après l’avoir amendé5.

Le bill amendé est lu et agréé.

Enseignement secondaire

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose, selon l’ordre du jour, que le bill 81 pour favoriser le développement de l’enseignement secondaire soit maintenant lu une deuxième fois.

Adopté. Le bill est renvoyé à un comité plénier de la Chambre.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) propose que la Chambre se forme immédiatement en comité.

Adopté. M. l’Orateur quitte le fauteuil.

 

En comité:

Présidence de M. Hyde (Westmount-Saint-Georges)

L’article 1 est adopté.

Le comité étudie les deux premiers paragraphes de l’article 2 qui se lisent comme suit:

"2. L’article 221 de la dite loi, modifié par l’article 3 de la loi 8 George VI, chapitre 13, par l’article 6 de la loi 9 George VI, chapitre 26 et par l’article 7 de la loi 14-15 George VI, chapitre 57, est de nouveau modifié en remplaçant le paragraphe 3° par les suivants:

"3° De prendre les mesures nécessaires pour que les cours d’étude du niveau de la première année à celui de la onzième inclusivement, adoptés ou reconnus pour les écoles publiques par le Conseil de l’instruction publique ou par ses comités catholique ou protestant, selon le cas, soient dispensés à tous les enfants domiciliés dans le territoire soumis à leur juridiction s’ils sont jugés aptes à suivre ces cours et désireux de s’y inscrire.

"À cette fin, les commissaires ou les syndics d’écoles doivent, soit organiser ces cours dans leurs écoles, soit se prévaloir des dispositions des articles 489 à 497a, soit prendre à la fois plusieurs de ces mesures;"

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Le bill introduit dans la loi scolaire un principe entièrement nouveau. Cette clause est la plus importante puisque, pour la première fois, cette loi introduit dans la législation scolaire l’obligation pour les commissions scolaires à ce que les enfants, sous leur juridiction et qui le désirent, puissent recevoir l’enseignement jusqu’à au moins la onzième année.

Jusqu'ici, elles étaient tenues de dispenser l'enseignement sans aucune obligation précise. Elles étaient libres de décider du nombre de classes et des degrés de l'enseignement.

M. Talbot (Chicoutimi): Par cette loi, on remplace le volontariat par la coercition. Autrefois, l’enseignement jusqu’à la onzième année était volontaire; et ça a donné de bons résultats. Au cours des cinq dernières années, le nombre des élèves dans les écoles secondaires s'est accru de 218 %, passant de 80,357 en 1955-1956, à 175,458 en 1960-1961. Le Québec est au premier rang des 10 provinces canadiennes sous ce rapport.

Nous n'avons pas d'objection que le gouvernement encourage cette progression, mais nous ne sommes pas d'accord avec lui pour approuver la coercition.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Il y a un nombre considérable de jeunes dans la province qui ne peuvent avoir accès à l'enseignement secondaire, soit parce qu'ils n'ont pas les moyens ou soit parce qu’ils sont trop éloignés des institutions qui dispensent cet enseignement.

Nous croyons que c'est le devoir du gouvernement de donner à ces jeunes les moyens de mettre en valeur les talents dont la Providence les a pourvus. Le chef de l'opposition parle de coercition. Nous croyons que l'État a l'obligation de donner à l'individu ce qu'il est en droit d'attendre.

Mais il y a tellement peu de coercition que le premier objectif de la loi, c'est de mettre à la disposition des jeunes de la province de Québec toute une variété d'enseignements. En second lieu, c'est de mettre à la disposition des professeurs les moyens de se préparer à la tâche qui les attend. Il ne doit y avoir aucune entrave financière à ce que tous les enfants du Québec puissent développer leurs talents et l'État doit aider les parents, dans ce domaine. Et nous n’admettrons pas que la province ne pourvoie pas les ressources nécessaires à tous les jeunes qui ont le talent pour faire leur cours secondaire, et bien au-delà.

M. Johnson (Bagot): Ce n'est pas, dans la plupart des cas, la gratuité complète, bien qu'il s'agisse d'une aide considérable.

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest): La gratuité est complète dans les écoles publiques et partielle quand les commissions scolaires doivent payer la scolarité dans des écoles privées ou des collèges classiques.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges): Deux cents dollars correspondent approximativement à la moyenne des frais de scolarité dans les collèges classiques pour garçons.

M. Johnson (Bagot): L’Union nationale a fait faire des progrès considérables à l’éducation sans employer la coercition. La loi chambarde toute l’économie6 de nos lois et le ministre de la Jeunesse s’arroge des pouvoirs dictatoriaux.

L’honorable M. Gérin-Lajoie (Vaudreuil-Soulanges) demande la collaboration de tous les députés, afin que les parents soient bien avertis que s’ils veulent envoyer leurs enfants au collège classique et bénéficier de la contribution de la commission scolaire, ils devront normalement, en faire la demande avant le 1er juin.

Cette année, par exception, ils devront formuler cette demande avant le 1er août. C’est dans cette condition que la commission scolaire sera tenue de payer jusqu’à concurrence de $200 comme frais de scolarité d’un étudiant de son territoire au collège classique ou dans une autre institution privée reconnue.

L’article 2 est adopté.

Les articles 3 à 6 sont adoptés.

 

Rapport du comité plénier:

M. l’Orateur au fauteuil

M. le président fait rapport que le comité a adopté le bill 81 sans l’amender.

 

Ajournement

L’honorable M. Lesage (Québec-Ouest) propose que la Chambre s’ajourne maintenant.

Adopté.

La séance est levée.


 

NOTES

1. Le journaliste du Montréal-Matin du 6 juin 1961, à la page 8, rapporte plutôt le mot "jolies".

2. "On lui conteste ce droit parce qu’il a déjà parlé sur l’amendement Talbot," selon le journaliste du Montréal-Matin du 6 juin 1961, à la page 8.

3. Les sources n’indiquent pas qui a présidé les travaux en comité plénier.

4. Voir note 3.

5. Les journaux ne nous rapportent aucun débat entourant l’adoption des amendements. Pour prendre connaissance de l’ensemble des amendements apportés en comité plénier, il s’agit de référer à la copie archivée du projet de loi.

6. Dans L’Action catholique du 6 juin 1961, à la page 2, on lit plutôt: "la philosophie".