Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
20th Legislature, 1st Session
(October 7, 1936 au November 12, 1936)
Tuesday, November 3, 1936
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable J.-M.-P. Sauvé
La séance est ouverte à 3 h 151.
Prière.
M. l'Orateur: À l'ordre, Messieurs! Que les portes soient ouvertes!
Erreur dans Le Devoir
M. Tellier (Montcalm) attire l'attention de la Chambre sur une erreur du Devoir du 31 octobre, qui, dans son compte rendu, laissait à entendre que des commentaires qu'il avait faits à des paroles du chef de l'opposition (M. Bouchard) s'appliquaient au premier ministre.
Salaire des bûcherons
M. Duguay (Lac-Saint-Jean): M. l'Orateur, j'attire l'attention de l'honorable ministre des Terres et Forêts (M. Drouin) sur le fait que des compagnies ne paient pas le salaire de $40 par mois aux bûcherons. J'ai reçu plusieurs plaintes de bûcherons au sujet du salaire qui leur est payé et des conditions qui leur sont faites, dans certains camps sur les terrains de la couronne. Des camps sont encore très mal tenus et dangereux pour la santé. J'ose croire que le département de la Santé va demander un rapport au sujet des conditions hygiéniques dans les camps.
Je ferai remarquer aussi au ministre des Terres et Forêts que certains entrepreneurs font signer des contrats qui paraissent comporter un double jeu. C'est ainsi qu'on a fait signer à des bûcherons des contrats pour un salaire de $30, alors que les dispositions générales des contrats de coupe avec le gouvernement contiennent une disposition pour un salaire minimum de $40.
L'honorable M. Drouin (Québec-Est): À quelle date?
M. Duguay (Lac-Saint-Jean): Le 5 octobre 1936; un peu plus bas, on dit qu'il sera chargé 50 sous par jour pour la pension. On va aussi jusqu'à louer les couvertures de literie à raison de 50 à 75 sous, alors que les contrats de coupe indiquent nettement que la pension doit être gratuite.
J'ose croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour faire respecter la loi et que l'avis sera suffisant pour empêcher d'autres abus semblables dans d'autres régions. Je sais que le gouvernement fait ce qu'il peut. C'est pour l'aider que je fais ces remarques.
L'honorable M. Drouin (Québec-Est): Je remercie vivement le député d'avoir attiré l'attention du gouvernement sur de pareils faits2. Car je sais que des plaintes se sont élevées de ce temps-ci, de plusieurs parties de la province, au sujet des bûcherons. Je ferai remarquer tout d'abord, comme on le sait déjà, d'ailleurs, que nous avons établi que le salaire minimum pour les bûcherons qui travaillent sur les terres serait de $40 par mois, depuis le 1er octobre.
Il y a d'autres conditions. La pension doit être gratuite et on n'a pas droit d'exiger un loyer de 50 sous pour des couvertures3. C'est $40 pleins que les bûcherons doivent recevoir, et tout doit être vendu aux prix réguliers des environs. Il n'y a aucune raison de charger quoi que ce soit pour la pension. Nous avons reçu des plaintes, et nous allons faire des exemples et, au besoin, nous annulerons les privilèges accordés.
Nous voulons que les contrats soient observés et ils seront observés. Je tiens à dire que nous sommes absolument sérieux et que nous ne tolérerons pas d'abus. Quant à la question d'hygiène dans les camps de bûcherons, elle relève de mon collègue, l'honorable secrétaire de la province (M. Paquette).
L'honorable M. Paquette (Labelle): Je remercie le député du Lac-Saint-Jean (M. Duguay) d'avoir attiré l'attention du gouvernement sur ces faits. Je tiens à l'assurer que le gouvernement actuel fait tout son possible pour assurer des conditions hygiéniques aux bûcherons. Nous avons pris le pouvoir il y a deux mois, et dès notre entrée en fonctions, nous avons augmenté le nombre des inspecteurs de camps de bûcherons, et nous leur avons donné des instructions sévères.
D'ici peu, dans deux ou trois mois, le député du Lac-Saint-Jean s'apercevra que les conditions hygiéniques seront maintenues à un niveau vraiment raisonnable. Le cubage d'air et la propreté des locaux seront améliorés. Je dois dire, en terminant, que l'inspection se fera partout dans la province, pour que la loi ne soit éludée nulle part.
L'honorable M. Drouin (Québec-Est): De plus, je ferai remarquer que les compagnies sont seules responsables des salaires payés aux bûcherons, comme de l'observance de toutes les autres conditions. J'ajoute que nous avons posé comme conditions aux droits de coupe le salaire de $40 et l'amélioration du sort des bûcherons. De cette façon, nous n'avons aucune crainte et nous pourrons faire rendre justice aux bûcherons.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je désirerais savoir la date du prétendu ordre en conseil qui fixe le salaire minimum des bûcherons à $40 par mois. À quelle date a été passé cet ordre en conseil? On me dit qu'il n'y a eu aucun ordre en conseil à ce sujet. J'ai une question au Feuilleton depuis le 23 octobre et j'attends encore la réponse.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): La question du chef de l'opposition n'est pas complète et, comme nous voulons y répondre complètement, il faut qu'elle soit complétée. En arrivant au pouvoir, nous avons constaté que l'on était aussi arriéré en ce qui regarde les salaires et les conditions de travail des bûcherons que dans tous les autres services sous la juridiction de l'ancien régime.
Tout était à refaire, et il nous a fallu passer autant d'arrêtés ministériels qu'il était nécessaire pour les droits de coupe des compagnies exploitant les forêts de la Gaspésie à la Gatineau, de l'ouest à l'est et du nord au sud. Nous avons mis dans ces arrêtés ministériels une clause obligeant ces compagnies à payer des salaires raisonnables...
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Des salaires raisonnables, c'est tout?
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): ... mais encore à assurer des conditions de vie hygiéniques aux bûcherons; à employer 90 % de la main-d'oeuvre prise dans la région; à acheter 90 % des marchandises et des matériaux dans le Québec. Nous avons spécifié, de plus, que les bûcherons devaient bénéficier des conditions ordinaires du marché, quand ils achèteraient au magasin de la compagnie, et que celle-ci devrait payer au prix du marché les marchandises et effets achetés des colons et des cultivateurs.
Nous avons inséré dans ces arrêtés ministériels le mot "salaire raisonnable", parce que nous n'étions pas en état de connaître les conditions de vie dans chaque partie de la province. Quand ces compagnies, la Canadian Consolidated, l'International Paper, les intérêts Booth, d'Ottawa, et la Price Bros., sont venues nous voir, nous leur avons dit que nous nous réservions nous-mêmes le droit de fixer ce salaire raisonnable. Plus tard, après ce marché, nous avons rencontré les représentants des compagnies, et c'est à ce moment que le gouvernement a fixé à $40 les salaires des bûcherons.
(Applaudissements à droite)
Pour ce qui est des remarques du député du Lac-Saint-Jean (M. Duguay), je lui dirai que, si une compagnie néglige aucune de ces obligations au point de vue salaires, hygiène, achats, etc., elle tombera sous le coup d'une clause disant que cette compagnie sera responsable du paiement de trois fois les droits de coupe. Nous sommes allés à la source du mal.
On sait que dans le passé les compagnies accordaient des contrats à des entrepreneurs. Quand le contracteur ne se conformait pas à la loi, il en attribuait la faute à la compagnie, et la compagnie disait que c'était le contracteur. Le contracteur allait trouver son député; il lui disait qu'il était en faillite, et finalement les choses en restaient là. Aujourd'hui, nous disons que, dans tous ces cas, c'est la compagnie qui sera tenue responsable, et c'est elle qui devra payer trois fois les droits de coupe.
Au nom du gouvernement et au nom du cabinet provincial, je ne crains pas d'avertir ces compagnies que, autant nous voulons leur donner justice, autant nous ne tolérerons pas de salaires révoltants. Au nom du gouvernement et au nom de toute la province, je tiens à leur faire savoir que, si elles ne paient pas le salaire de $40 par mois, elles auront à payer trois fois les droits de coupe, et nous prendrons les moyens à notre disposition pour les faire payer. C'est le gouvernement qui est le maître et elles s'en apercevront.
(Applaudissements à droite)
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): L'honorable ministre des Terres et Forêts (l'honorable M. Drouin) a dit tantôt qu'il y avait un ordre en conseil au sujet de ce salaire de $40 pour les bûcherons...
L'honorable M. Drouin (Québec-Est): Pardon, jamais le ministre des Terres et Forêts n'a dit qu'il y avait un ordre en conseil exclusivement pour ce traitement.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Mais le premier ministre l'a dit, lui. On n'a pas répondu à ma question du 23 octobre, parce qu'il n'y a jamais eu d'ordre en conseil, je le sais. Mais que ceux qui ont des oreilles jugent!
M. Bélanger (Montréal-Dorion): Vous n'en avez pas, vous!
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): J'ai posé une question à ce sujet et j'attends toujours une réponse. Je crois que le premier ministre attend ainsi parce qu'il n'y en a pas, d'ordre en conseil, malgré les affirmations qui ont été faites, ici et dans la presse, disant que les salaires des bûcherons avaient été portés de $30 à $40. Le salaire des bûcherons était de $37 sous l'ancienne Commission des opérations forestières et il n'a jamais été augmenté par le présent gouvernement. On a même fait des calculs là-dessus en disant que les bûcherons recevraient $1,000,000 de plus.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'affirme que, sous l'ancien gouvernement, il n'y avait aucune procédure efficace et effective pour garantir un salaire raisonnable aux bûcherons. Rien de rien. À notre arrivée, nous avons non seulement fixé les conditions se rapportant à l'hygiène des chantiers, à la pension et aux achats, mais nous avons fixé un salaire de $40 dans les contrats passés pour les coupes exceptionnelles.
Il n'était point besoin de passer un ordre en conseil après ces arrêtés ministériels qui disent que le gouvernement est juge pour fixer le salaire raisonnable et décréter les conditions de vie dans les camps. Le gouvernement n'a pas que le droit, mais il a le devoir de protéger l'ouvrier des bois. C'est pour assurer la stabilité dans cette industrie que nous avons fixé un salaire de $40. C'est ce que nous avons fait et j'avertis de nouveau les compagnies.
M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis): M. l'Orateur, est-ce que le gouvernement a fixé le nombre d'heures de travail dans les arrêtés? Ce montant imposé par le gouvernement fait abstraction des heures de salaires, si je comprends bien?
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je suis surpris des remarques du député de Montréal-Saint-Louis...
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Y comprennent rien.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cela faisait partie des conditions.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): J'ai dit tantôt que, non seulement nous avions assuré des salaires raisonnables aux bûcherons, mais encore des conditions de travail raisonnables. Les clauses que nous avons insérées dans les arrêtés ministériels ne couvrent pas seulement les salaires, mais encore les heures de travail, les conditions de vie, les achats.
M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Est-ce que le gouvernement a l'intention de fixer les salaires des bûcherons qui travaillent sur les terrains privés à $40, comme dans les autres cas?
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le gouvernement a l'intention de faire en 25 fois moins de temps ce que le gouvernement du passé n'a pu faire en 15 ans.
(Applaudissements à droite et dans les galeries)
M. l'Orateur: Je regrette d'avoir à demander encore une fois aux spectateurs de ne pas manifester. Je ne voudrais pas être obligé d'en venir aux sanctions que me permettent les règlements et de faire évacuer les galeries. On n'a pas le droit de manifester ici, ni pour, ni contre un membre de la députation qui adresse la parole.
Mécaniciens de machines fixes
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Sherbrooke (l'honorable M. Bourque), que la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 31 modifiant la loi des mécaniciens de machines fixes.
Adopté.
Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolution et que Son Honneur en recommande la prise en considération.
En comité:
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose: Qu'en plus des examinateurs, dont la nomination, le salaire et les frais de voyage étaient prévus par l'article 3 de la loi des mécaniciens de machines fixes (Statuts refondus, 1925, chapitre 184), tel que modifié par la loi 16 George V, chapitre 14, section 54, il soit loisible au lieutenant-gouverneur en conseil de nommer un secrétaire et les employés nécessaires à l'application de ladite loi et que leur traitement qui sera fixé conformément à la loi du service civil extérieur (Statuts refondus, 1925, chapitre 10A) de même que les frais de voyage et les dépenses d'administration, soient payés à même le fonds consolidé du revenu.
Adopté.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution, laquelle est lue deux fois et adoptée.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) demande la permission de présenter le bill 31 modifiant la loi des mécaniciens de machines fixes.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Appareils sous pression
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose, appuyé par le représentant de L'Islet (l'honorable M. Bilodeau), que la Chambre se forme en comité plénier pour prendre en considération un projet de résolution relative au bill 32 modifiant la loi des appareils sous pression.
Adopté.
Il informe alors la Chambre qu'il est autorisé par Son Honneur le lieutenant-gouverneur à soumettre ledit projet de résolution et que Son Honneur en recommande la prise en considération.
En comité:
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose: Que le traitement des inspecteurs et employés nommés en vertu de l'article 3 de la loi des appareils sous pression (Statuts refondus, 1925, chapitre 182A, tel qu'édicté par la loi 23 George V, chapitre 71) de même que leurs frais de voyage et les frais résultant de l'application de ladite loi, soient payés à même le fonds consolidé du revenu.
Adopté.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté une résolution, laquelle est lue deux fois et adoptée.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) demande la permission de présenter le bill 32 modifiant la loi des appareils sous pression.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une deuxième fois.
Adopté.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Moratoire et sauvegarde de la petite propriété
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 34 relatif au moratoire et sauvegardant la petite propriété soit maintenant lu une deuxième fois.
M. Robinson (Brome): Il faudrait se mettre au point de vue du prêteur, car la loi, en effet, suspend l'exigibilité des créances hypothécaires. Il est juste et utile d'aider les petits propriétaires, mais il ne faut pas perdre de vue non plus les intérêts des petits prêteurs, surtout dans un temps où la dévalorisation des biens immobiliers a diminué largement la garantie que détiennent les prêteurs. Il faut de toute nécessité protéger le petit prêteur contre les rigueurs de cette loi qui, à mon avis, me paraît aller trop loin. Le projet dit que les créanciers paieront un intérêt de 5 % et que le reste sera ajouté au compte du capital. Est-ce que l'on ne pourrait pas fixer le taux à 6 %?
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Cette loi est appelée à rendre de grands services. Je rappelle au député de Brome et à tous les membres de cette Chambre qui auraient quelque velléité de discussion que nous avons fait une loi qui n'est ni complète ni parfaite, mais c'est un pas dans la bonne direction. Nous sommes des êtres humains, il ne faut pas l'oublier. Mais nous avons conscience d'avoir davantage visé la perfection, ce qui est préférable à l'imperfection de l'ancien régime. Il faut contenir les abus de capital par tous les moyens si nous voulons protéger le petit propriétaire, vrai rempart contre le communisme. Nous sommes à une session d'urgence et il faut réparer les injustices, du moins temporairement, en attendant de faire mieux.
L'honorable député de Brome (M. Robinson) parle de l'intérêt. Le taux d'intérêt est sûrement trop élevé, de façon générale. Et nous croyons que le capital humain doit passer avant le capital-argent - nous voulons le protéger tout en ne négligeant pas le second - et que les salaires des travailleurs ont plus de prix que les gros intérêts. Il ne faut pas oublier non plus que nous avons ici, à la Législature de Québec, des pouvoirs très restreints du point de vue de la limitation des intérêts, car cette question relève du pouvoir fédéral. Aussi, lors de la prochaine Conférence interprovinciale sur les questions de finance, qui aura lieu à Ottawa le 9 décembre prochain, je me rendrai dans la capitale avec un ou probablement deux de mes collègues et, comme premier ministre représentant le gouvernement de Québec, je proposerai que l'on passe une loi pour diminuer le taux d'intérêt.
(Applaudissements à droite)4
Il faut revenir aux choses normales et au bon sens. Tous les intéressés devraient se donner la main dans ce sens.
Après cette entente projetée avec Ottawa et les autres provinces, c'est notre intention de présenter à cette Chambre un projet de loi à l'effet de réduire à 3 % le taux d'intérêt légal dans la province, lorsqu'il n'y a pas de convention qui détermine le taux. À l'heure actuelle, la loi fédérale dit qu'un taux d'intérêt au-dessus de 12 % est de l'usure. Je n'hésite pas à affirmer qu'un taux de 12 % est beaucoup trop élevé, mais le statut des diverses juridictions n'est pas clair. Il faut revenir au normal et au bon sens.
Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une question de juridiction complexe, et qu'il serait maladroit de la trancher juste à la veille de la Conférence interprovinciale qui sera appelée à discuter la question des taux d'intérêt. Je comprends que, pour l'instant, nous ne pouvons appliquer le taux d'intérêt légal de 3 % dans des matières commerciales et industrielles, mais nous le ferons là où la province a juridiction, c'est-à-dire en matière civile, et par conséquent en matière de prêt hypothécaire.
Le ministre des Affaires municipales, de l'Industrie et du Commerce (l'honorable M. Bilodeau), le plus brillant depuis la Confédération, a sagement cru à propos de présenter cette loi...
(Applaudissements à droite)
... pour faire diminuer le taux d'intérêt légal de 5 à 3 %.
(Applaudissements à droite)
C'est un grand pas dans la bonne direction. Avec cette loi du moratoire, les petits propriétaires ne seront plus obligés de faire une requête aux juges et de subir l'humiliation d'un tribunal pour arrérages de taxes. C'est une évolution marquée dans l'ordre, dans le progrès, dans la justice. C'est comme si nous disions au prêteur: "Attendez que les jours soient meilleurs pour réclamer vos dus."
Je tiens à dire, en passant et au nom du gouvernement, que nous sommes contre les conversions forcées des dettes, que nous ne saboterons rien et que nous voulons l'évolution dans l'ordre et la justice et non la révolution. Nous voulons assurer la solvabilité des propriétaires, mais nous respectons tous les droits. C'est le devoir de tous que de collaborer, à cette époque pénible avec son cortège de misères. Le principe posé par le gouvernement devrait ouvrir les yeux à ceux qui ne veulent pas voir.
(Applaudissements à droite)
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Ce bill est extrêmement important et malheureusement nous sommes obligés de dire que, suivant la pratique du nouveau gouvernement et, comme tous les bills passés à la vapeur depuis le début de cette session, nous venons seulement d'avoir le bill, et nous n'en prenons connaissance qu'au moment où l'on s'apprête à en faire une loi. Nous n'avons jamais le temps de les étudier.
Je demanderais au gouvernement de les déposer au bureau de poste au moins une journée à l'avance.
Le projet de loi met de côté plusieurs lois et donne à ceux qui s'adresseront aux tribunaux des privilèges que les autres n'auront pas. Les décisions qu'elle comporte sont de nature à léser des droits. Pour ceux qui auront payé un autre taux que 5 %, on ne sait pas ce que devient la différence, si elle va devenir due à l'expiration de la loi.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): L'honorable chef de l'opposition veut-il ajourner la discussion pour avoir le temps de l'étudier?
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): J'y serais favorable. On devrait, comme autrefois, distribuer les bills au bureau de poste. Cette loi compliquée va affecter des milliers, que dis-je, des centaines de milliers de personnes qui ont des prêts hypothécaires dans cette province. Elle dit que le créancier hypothécaire devra désormais se contenter de 5 % d'intérêt, nonobstant tout contrat. La difficulté est de savoir ce que deviendra la balance de l'intérêt dû.
Je crois que nous devrions ajourner le débat pour étudier ce projet qui nous arrive pour être passé à la vapeur. Le premier ministre ne devrait pas forcer la Chambre à l'étudier cet après-midi.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Mais il faudrait procéder. Le chef de l'opposition a pourtant bien connu l'ancien temps. Jamais l'ancien régime n'était prêt à signer à cause des lois en retard dans la distribution. Il fallait même suspendre la Chambre pour aller chercher les bills. Ainsi, nous passions des six semaines à attendre les bills et, parce qu'ils manquaient aux députés, on ajournait souvent la séance à 4 h 30.
S'il faut à l'opposition plus de temps qu'à un homme ordinaire pour comprendre, ce n'est pas de notre faute. Nous pouvons suspendre l'étude jusqu'à demain, mais on peut toujours l'étudier en comité plénier et remettre la troisième lecture à une prochaine séance.
M. Bastien (Berthier): Si le premier ministre veut me permettre, je lui dirai que, sous l'ancien régime, il arrivait par exception que des bills fussent en retard. C'est vrai. De coutume, nous les avions toujours deux ou trois jours avant qu'ils fussent soumis à la Chambre. Sous l'ordre nouveau, c'est la généralité des bills qui sont en retard.
On veut nous faire voter des bills que nous avons à peine le temps de lire. C'est devenu inouï, je dirai même un méli-mélo extraordinaire. La plupart du temps, on nous distribue des bills en anglais. Ce n'est pas que je sois contre l'usage de l'anglais, mais pour étudier des lois importantes, il faut le faire en français.
Le premier ministre se plaignait autrefois des retards des bills. Il est loin d'améliorer la situation. Tous les bills sont en retard. Ce fut la même chose lorsqu'il s'est agi du crédit agricole provincial. Pour les députés qui ne sont pas avocats, je trouve que le gouvernement est injuste de nous demander de voter des bills que nous n'avons pas eu le temps d'étudier.
Une voix ministérielle: Apprenez l'anglais!
M. Béïque (Chambly): On les a en même temps que vous et on comprend.
(Rires)
M. Barré (Rouville): Si le député de Berthier voulait se dispenser de dire que c'était par exception que les bills étaient en retard sous l'ancienne administration, je crois que nous pourrions nous entendre. Je me rappelle qu'il m'est arrivé plusieurs fois de ne pas vouloir discuter des bills et d'en retarder l'étude, parce que je n'avais pas eu le temps de les voir. Sans mettre en réserve que je n'avais rien contre l'anglais, même sous le prétexte que je ne connaissais pas l'anglais, j'ai réclamé plusieurs fois des bills en français. Au moins, à l'heure actuelle, nous avons des bills français. Je crois que, si nous pouvions avoir les projets de loi une journée à l'avance, ce serait bien mieux.
Je me suis levé pour parler de cette loi du moratoire et je passe maintenant au principe de la loi. Personne plus que moi n'a le droit de la discuter, car je fus le premier à la préconiser à une époque où tout le monde la prétendait inutile. Elle était pourtant nécessaire et elle l'est encore aujourd'hui. Cependant, c'est une loi dangereuse qui ne peut pas se prolonger indéfiniment. On y pourvoit d'ailleurs en mettant une limite jusqu'à 1938. Il faudra alors trouver un autre remède pour sauver les petits propriétaires car, s'il est bon de faire un premier pas, il n'est pas nécessaire d'en faire deux à la fois. Pour le moment, c'est un remède nécessaire qui ne doit être que temporaire.
Pour ce qui est des intérêts, je comprends que c'est une question délicate de demander leur réduction. Je m'en tiendrai aux problèmes qui intéressent les campagnes seulement. C'est le taux trop élevé qui a mangé la fortune des cultivateurs. Si les gouvernants avaient été assez courageux pour prendre leurs responsabilités, la crise aurait été au moins partiellement évitée. Le salaire de l'argent ne doit pas être trop élevé.
J'ai eu l'occasion de causer avec un des juges de la commission du concordat et il me déclarait que jamais il n'a rencontré de cas de cultivateur incapable de payer ses créances, lorsqu'il ne payait pas un intérêt plus élevé que 4½ %. La diminution du taux d'intérêt représente pourtant un danger: celui d'être injuste envers le créancier hypothécaire. Il n'est pas juste que celui qui prête dans des conditions plus risquées reçoive le même taux que l'autre dont le prêt ne présente que très peu de risques. C'est une question impopulaire. Souvent les petits capitalistes sont plus âpres au gain que les autres. Il est cependant nécessaire de faire quelque chose pour rétablir l'équilibre. Il est ridicule que le taux d'intérêt soit le même aujourd'hui qu'autrefois.
M. Raynault (L'Assomption): (Applaudissements)5 M. l'Orateur, puisque c'est la première fois que je parle dans cette Chambre, je veux féliciter le gouvernement de montrer autant de zèle à s'intéresser, dans des temps comme ceux-ci, aux questions d'intérêt général, au lieu de s'occuper d'intérêts particuliers. On doit aider ceux qui sont en difficultés et je constate que, depuis le début de la session, le gouvernement est disposé à aider le petit propriétaire. C'est très bien.
C'est nécessaire parce qu'il est le soutien de notre économie foncière. C'est un homme économe qui a besoin de protection, parce qu'en retour on a besoin de lui. Il a rendu de grands services pendant la crise et c'est lui qui s'est sacrifié en fournissant le logement aux indigents. Durant les premières années, il l'a fait pour rien et, depuis quelques années, il est payé, mais bien imparfaitement, tandis que les propriétaires plus riches le font et qu'on voit, aux maisons détenues par des sociétés puissantes de prêts, des affiches comme celles-ci: "Nous ne louons pas aux chômeurs."
Ce que nous faisons pour lui est très bien, mais je voudrais, si c'était possible, que le bill présente plus de protection. Et je demanderais de le faire amender de nature à permettre un délai de trois ans pour les arrérages de taxes municipales et scolaires, ceux de l'année courante et ceux des deux autres années précédentes. Ça ferait mieux l'affaire du petit propriétaire, et personne n'y perdrait.
Les propriétaires sont un rempart social. Ils ont fait un travail considérable. Je suggérerais aussi que l'on fournisse à un organisme spécial la chance d'enquêter sur la situation des petits propriétaires, qui viendraient y faire des représentations, de même que les créanciers. Je remercie le premier ministre et son collègue, et je leur demande de continuer à faire tout ce qu'ils pourront. Le gouvernement a réellement bien fait depuis qu'il est au pouvoir. Il a fait un travail colossal.
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet): M. l'Orateur, je félicite l'honorable député de L'Assomption (M. Raynault) de l'intérêt qu'il porte aux petits propriétaires et aux contribuables, et je ne doute pas que, dans un avenir rapproché, les contribuables de la cité de Montréal lui en témoigneront leur gratitude6.
(Applaudissements)
Je le félicite aussi pour ses suggestions et j'espère qu'on pourra les réaliser. Nous consentons à son amendement, qui est chose sage dans les circonstances. Quant à la création d'un organisme pour entendre les représentations des petits propriétaires et de leurs prêteurs, nous l'étudierons d'ici la prochaine session.
Comme le premier ministre l'a rappelé tout à l'heure, cette loi est une mesure transitoire. Le mot d'ailleurs le dit: moratoire. Elle est destinée à aider des malades. On n'a recours au médecin que lorsqu'on est malade, et c'est parce que les petits propriétaires souffrent de la crise que nous leur offrons celui-là.
Nous allons affecter des centaines de mille personnes, prétend le chef de l'opposition. Évidemment, évidemment, mais c'est une mesure d'urgence pour ceux qui n'en peuvent plus. Nous continuerons à aider les propriétaires, nous ferons tout notre possible.
(Applaudissements à droite)
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): J'ai récapitulé les anciennes lois de moratoire et je constate que celle-ci n'est pas une amélioration. Je vois que la différence entre la loi actuelle et l'ancienne ne se résume qu'en une question de procédures, les procédures dans la façon d'obtenir le délai.
Vous voulez par cette loi sauvegarder le petit propriétaire, mais, comme toutes les autres lois de moratoire, vous ne faites que reculer une échéance fatale. Vous ne sauvez rien du tout. S'il a emprunté à 6 %, il devra ces intérêts en 1938. Ainsi, si un débiteur a une hypothèque à 6 %, il est obligé, pour bénéficier de l'extension, de n'avoir payé que 5 % à partir de certaines années. Seule la différence entre le 5 % et le 6 % doit être payée.
Je dis que ceci est bien peu et ne soulage pas le débiteur hypothécaire, puisque généralement, à la campagne surtout, les prêts sont consentis à 6 %, et dans les grandes villes à 6¼ % ou 6½ %. Le seul avantage de cette loi, c'est que le paiement de 1 % ou ½ % pendant deux ou trois ans est suspendu et ne devient payable que le jour où le capital arrive à échéance lui-même.
C'est un bien petit avantage pour le débiteur hypothécaire, et il ne faut pas faire croire aux délégations qui sont venues ici réclamer une réduction des intérêts qu'elles ont réellement gagné quelque chose. J'ai vu dans les journaux que la ligue des propriétaires de Montréal s'est objectée à certaines clauses, et je crois qu'elle a eu raison.
Cette loi est une mesure presque exclusivement illusoire. De plus, elle ne diminue pas les frais d'un seul sou et, sous le rapport des frais, on n'a aucunement amélioré la situation. La seule différence est qu'on n'est plus tenu de faire une requête devant un juge, mais qu'on peut s'adresser au protonotaire de la Cour supérieure.
Je crois que ce bill n'augmente pas la garantie du créancier. L'amélioration est au bénéfice de celui qui reçoit le 5 % et non pas au bénéfice de celui qui le paie. Je me demande en quoi cette loi améliore le sort du débiteur hypothécaire. C'est encore une de ces grandes lois du gouvernement qu'on fait connaître, à grand fracas, par les journaux comme devant améliorer le sort du débiteur hypothécaire et du petit propriétaire. Elle ne donne, en somme, que ce que les anciennes lois nous donnaient. On a ajouté cette clause pour dire que l'intérêt se capitalise. Le débiteur aura à payer son capital avec, en plus, la différence de l'intérêt suspendu.
C'est encore une de ces lois de camouflage pour faire croire aux débiteurs et aux petits propriétaires qu'on vient à leur secours, et cela ne m'étonne aucunement de la part du gouvernement. On suspend simplement la différence entre le montant de l'intérêt porté à l'acte et le 5 %. J'enregistre ma dissidence en marge de cette loi, car le gouvernement ne donne pas "fair-play" à l'opposition en présentant un bill de cette importance à la dernière minute. Ce bill ne donne pas satisfaction à l'opinion publique, et je suis en faveur d'une loi qui a pour but d'établir un taux d'intérêt raisonnable. Rappelons ici que c'est la Première République, en 1791, qui a réduit l'intérêt sur l'hypothèque à 5 %.
L'honorable premier ministre a parlé d'un nouveau projet de loi pour diminuer le taux d'intérêt légal. Je n'ai pas le projet.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Le bill est là sur la table.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Il devrait être sur mon bureau. Je ne peux pas lire d'ici sur la table du greffier.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): (En souriant) L'honorable chef de l'opposition n'a pas l'air d'être capable de lire un projet, même s'il est devant lui.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Si le projet de loi annoncé par l'honorable premier ministre fixe le taux d'intérêt légal, il est anticonstitutionnel. L'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique réserve au fédéral toute législation au sujet des intérêts de l'argent. Le gouvernement provincial ne peut légiférer que sur l'hypothèque, et, si le bill va plus loin, c'est un autre bill ultra vires. On devrait, au moins, respecter la Constitution.
(Protestations à droite)
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) réplique7.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Les injures et les insultes du premier ministre ne m'occupent pas. Ce n'est pas en injuriant ses adversaires que le chef du gouvernement administrera bien la province et qu'il se haussera dans l'opinion publique. Pour moi, j'ai fait ce que j'ai pu avec les faibles facultés que la Providence a voulu me donner, et je continuerai à le faire sans me soucier de l'opinion que le premier ministre peut avoir de moi.
M. Larochelle (Lévis): Fâchez-vous pas.
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet): Le chef de l'opposition prétend que ce bill constitue une faible amélioration sur l'ancienne loi. Ce bill comporte pourtant trois améliorations considérables. La première amélioration, c'est la procédure que nous simplifions, pour ne pas obliger chaque débiteur à aller devant un juge de la Cour supérieure. Autrefois, c'était coûteux et pénible. Il fallait une requête pour pouvoir profiter du moratoire. Aujourd'hui, ces questions se règlent devant un protonotaire.
La deuxième amélioration se manifeste dans le paiement des taxes municipales. Au lieu d'accorder le bénéfice de la loi à celui qui ne doit qu'une année de taxes, nous disons que la loi s'appliquera à celui qui en doit deux années. La troisième amélioration consiste dans une diminution du montant à payer sur l'intérêt dû.
On a dit que les propriétaires n'étaient pas satisfaits de cette loi. Je les ai rencontrés ce matin avec le député de L'Assomption (M. Raynault), et nous avons étudié cette mesure ensemble. Aujourd'hui, ils en sont satisfaits. Ils ont compris qu'il s'agissait de la loi du moratoire, et non du cas du petit propriétaire ou du gros propriétaire.
Quant aux frais, un simple dépôt à l'effet que toutes les taxes sont payées assure le bénéfice de la loi. Si un créancier croit que son débiteur a obtenu de l'argent sous de fausses représentations, il n'aura qu'à déposer $5 pour présenter sa requête à un juge. Le projet permet aux propriétaires qui ont des arrérages de taxes d'un an de bénéficier de la loi, mais l'honorable député de L'Assomption veut proposer un amendement.
La motion portant deuxième lecture du bill 34 est adoptée sur division. Le bill est renvoyé au comité plénier.
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que la Chambre se forme immédiatement en ledit comité.
Adopté.
En comité8:
Les articles 19 et 2, introduits par l'article 1 du projet de loi, sont adoptés.
Le comité étudie l'article 3 introduit par l'article 1 du projet de loi, qui se lit comme suit:
"3. Pendant ce délai de trente jours, le débiteur d'une créance hypothécaire ou l'acheteur d'un immeuble qui veut se prévaloir des dispositions de la présente loi doit produire entre les mains du protonotaire de la Cour supérieure du district où est situé l'immeuble affecté:
"1° Les reçus établissant que les taxes et charges municipales, scolaires ou autres qui sont imposées sur l'immeuble et qui sont exigibles, à l'exception cependant de celles de l'année courante et de l'année qui la précède, ont été acquittées;
"2° Une déclaration faite sous serment attestant:
"a. Que toutes primes d'assurance contre l'incendie, dues aux termes de l'acte d'hypothèque ou de vente, ont été acquittées;
"b. Que les intérêts dus et échus sur le capital de la créance qui fait l'objet de l'avis prévu par l'article 1 ont été acquittés en entier, ou qu'il en a été fait offres et consignation suivant la loi;
"c. Que le débiteur est incapable de payer.
"Dans le cas où l'acte d'hypothèque ou de vente ou de tout autre acte subséquent stipule le paiement d'un taux d'intérêt annuel supérieur à cinq pour cent, le débiteur satisfait à l'obligation prévue au sous-paragraphe b du paragraphe 2° du présent article, s'il a acquitté les intérêts à un taux annuel de cinq pour cent ou s'il en a fait offres et consignation suivant la loi."
M. Raynault (L'Assomption) suggère que celui qui doit ses taxes de l'année courante et de deux autres années, au lieu d'une autre année seulement, puisse quand même profiter de la nouvelle loi10.
Je propose que l'on augmente le nombre des années d'arrérages à deux ans.
M. Barré (Rouville): Je crois que l'on devrait laisser la loi telle qu'elle est. Cette extension du délai des arrérages présente des dangers. Je ne le cache pas au gouvernement comme je n'ai jamais rien caché. À mesure que l'on augmente le délai pour les arrérages, on diminue la garantie du créancier hypothécaire. Dans le bill, on donne droit, à la clause 3, à un débiteur de bénéficier du moratoire, même s'il a des arrérages de taxes dans l'année courante et un an auparavant.
Cela fait deux ans. C'est assez. Mais, avec l'amendement du député de L'Assomption, un bonhomme qui est déjà en retard de deux ans plus l'année courante - ce qui fait trois ans d'arrérages - pourra en bénéficier quand même. L'ancienne loi du moratoire l'autorisait à bénéficier du moratoire, s'il n'avait pas de taxes antérieurement. C'est un anesthésique très dangereux. C'est une mesure qui permettra d'augmenter les arrérages, soit de couler davantage les petits propriétaires. On diminue par le fait même les garanties que peut avoir le créancier.
M. Raynault (L'Assomption): La loi ne comporte pas autant de danger que cela. C'est pour donner une chance à ceux qui ne se sont pas prévalus du moratoire dans le passé et qui ont besoin des effets de cette loi pour se protéger actuellement. Ceux qui bénéficient déjà du moratoire et qui ont payé ce qu'ils avaient à payer ne sont pas affectés par la présente loi. La loi devrait s'étendre à deux années, en outre de l'année courante. On pourrait amender la loi en ce sens.
M. Bastien (Berthier): Je suis opposé à l'amendement suggéré par le député de L'Assomption. Le bill va assez loin comme il est. L'amendement est dangereux, comme le fait remarquer le député de Rouville. Une foule de petits rentiers qui ont engagé tout leur avoir dans ce système et qui ne vivent que des intérêts qu'ils retirent des propriétaires seront réduits à attendre, seront peut-être acculés à la ruine. Je ne vois pas qu'il y ait tellement d'urgence que cela à voler au secours du petit propriétaire. Le gouvernement fédéral vient de passer d'excellentes mesures pour lui venir en aide. Et il est incontestable que les affaires reprennent dans le pays.
Je reproche au député de L'Assomption d'avoir déclaré que les petits propriétaires n'ont pas profité du moratoire.
M. Raynault (L'Assomption): Je n'ai jamais dit cela.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Il ne comprend jamais rien.
M. Bastien (Berthier): Le ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay) devrait se lever pour faire ses remarques. Je suis contre l'amendement. Je trouve que c'est accorder un délai trop long et qui ruinera les petits propriétaires.
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet): Il ne s'agit pas de taxes, mais de relations entre créanciers et débiteurs. Les villes ont toujours le droit de percevoir leurs taxes quand elles le désirent, et ceci n'affecte pas leurs droits acquis pour la perception des taxes. La foule de petits rentiers continuera aussi à vivre des intérêts, sans trop de pertes.
M. Barré (Rouville): Je comprends qu'il peut y avoir de petits propriétaires qui croient avoir intérêt à laisser accumuler leurs arrérages de taxes. Mais on ne peut pas toujours procéder ainsi. Le fait brutal demeure toujours, et c'est que les municipalités n'aiment pas à collecter les taxes. Mais est-il juste de dire à un homme qu'il va laisser dormir son capital pour permettre à celui-ci ou celui-là de ne pas payer ses taxes à temps? C'est injuste. C'est clair que cette loi va trop loin. Le petit propriétaire est digne de pitié sans doute. Mais il y a le petit et le gros propriétaire.
Or, l'expérience a démontré qu'en voulant protéger le petit propriétaire, on ouvrait souvent la porte au gros. Je suis bien aise pour en parler, j'ai été le premier à prêcher la loi du moratoire, au temps où personne n'y croyait, mais avec la réserve qu'il fallait maintenir la garantie du créancier. Il est injuste d'obliger un prêteur à voir sa garantie diminuer et de ne pas lui permettre de collecter son argent. Je crois qu'il était nécessaire de faire un pas, mais qu'on aurait pu se dispenser d'en faire deux. Une année d'arrérage de taxes était suffisante.
L'honorable M. Leduc (Laval): (Applaudissements) Je suis heureux de participer à un débat qui intéresse particulièrement l'honorable député de L'Assomption, mon compagnon de lutte depuis plusieurs années. Je le félicite de ses remarques.
En parlant des petits propriétaires, tout à l'heure, il a parlé comme un échevin de la ville de Montréal. Ceci me rappelle certains débats alors que nous étions au conseil municipal. Car, après tout, c'est encore l'échevin, dans un centre comme Montréal, qui connaît la situation de la ville. Est-ce qu'il était juste de demander au propriétaire de Montréal de porter exclusivement le fardeau du chômage?
Le député de L'Assomption a réclamé des réformes au nom des propriétaires, qui sont, je dirais, trop massacrés. Les propriétaires sont rendus, dans beaucoup de cas, à l'extrême limite. Je pourrais citer bien des cas où les propriétaires vont pouvoir tenir et rencontrer leurs obligations, si nous étendons le délai. La Chambre devrait donc l'approuver comme une mesure de justice. Si nous avons le courage de les aider, grâce à cette mesure qu'améliore le député de L'Assomption, ils pourront, la prospérité aidant, se refaire un peu. Autrement, vous en ruinerez plusieurs, vous les jetterez dans l'assistance publique, et nous serons obligés de les supporter. Celui qui s'est prévalu jusqu'ici de la loi du moratoire n'est pas affecté par cette loi. La loi actuelle vise ceux qui sont rendus à l'extrême limite. Je félicite de son amendement le député de L'Assomption qui a fait énormément pour la paix sociale à Montréal. Cette mesure est destinée à aider les propriétaires et, si elle se complète par une autre loi, je crois qu'elle guérira le mal actuel des propriétaires.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) accepte l'amendement et félicite le député de L'Assomption de la sollicitude dont il fait preuve envers la population de Montréal11.
Le paragraphe 1° de l'article 3 introduit par l'article 1 du projet de loi est amendé et les mots "de l'année qui la précède", dans l'avant-dernière ligne du paragraphe, sont remplacés par les mots "des deux années qui la précèdent".
L'amendement est adopté.
Le comité étudie l'article 5 introduit par l'article 1 du projet de loi, qui se lit comme suit:
"5. Le vendeur d'un immeuble avec faculté de réméré peut obtenir une extension du terme fixé pour l'exercice du droit de réméré, et cela, même dans le cas où il est stipulé que le réméré pourra s'exercer sans formalité de justice, nonobstant les dispositions de l'article 1548 du Code civil, en suivant les formalités prescrites par les articles 3 et 4 ci-dessus."
"Les dispositions du dernier alinéa de l'article 3 s'appliquent au vendeur d'un immeuble avec faculté de réméré."
M. Barré (Rouville) demande ce que contient cet article.
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) se lève pour le lui expliquer.
(Le greffier adjoint, M. Bernard, donne un volume du Code civil à un page qui, au lieu de le porter à l'honorable M. Bilodeau, le donne plutôt à M. Barré)12
Le comité étudie l'article 13 introduit par l'article 1 du projet de loi, qui se lit comme suit:
"13. Lorsque le taux d'intérêt stipulé à un acte d'hypothèque ou à un acte de vente avec ou sans faculté de réméré, ou à tout autre acte subséquent, excède cinq pour cent par année, la différence entre ce taux de cinq pour cent et celui stipulé audit acte ne peut, à compter de la date de l'entrée en vigueur de la présente loi jusqu'au premier mai 1938, être réclamée en justice, sauf dans le cas où le débiteur ou le vendeur à réméré ne s'est pas prévalu, selon le cas, des dispositions des articles 3 et 4 ou de l'article 5, après avoir reçu du créancier l'avis mentionné à l'article 1, et sauf aussi dans le cas où un jugement a été rétracté par application de l'article 6."
M. le président: Adopté?
M. Hamel (Québec-Centre): Non, avec cette loi, nous prétendons diminuer le taux d'intérêt à 5 %. En réalité, nous n'en faisons rien. M. le président, si je comprends bien cet article du bill, l'intérêt au-dessus du taux de 5 % sera cumulatif jusqu'en 1938. Celui qui a consenti un emprunt hypothécaire au taux d'intérêt de 8 % sera contraint de payer 5 % par année, et la différence de 3 % ira en s'accumulant d'année en année jusqu'en 1938, année où le prêteur pourra réclamer capital et intérêts avec, en plus, les arrérages d'intérêts. Voici un individu qui, en temps de prospérité, pouvait payer le loyer de l'argent en ce moment-là à 8 %. Aujourd'hui, il ne le peut plus. On oblige son prêteur à n'accepter pour le moment que 5 % mais on ne détruit pas sa balance de 3 % qui sera toujours due, et surtout accumulée.
M. le président, les industriels ont soufflé leurs capitaux démesurément, afin d'exiger un rendement excessif, sans trop l'afficher. Aujourd'hui, pour payer un revenu sur ce capital fictif, ils ont réduit le salaire du capital humain à un taux dérisoire, un prix de famine. L'ouvrier a contracté des emprunts en se basant sur un salaire raisonnable pour rencontrer ses échéances. Aujourd'hui, il gagne juste assez pour subvenir à une existence miséreuse et il se voit dans l'impossibilité de faire face au loyer excessif du capital qu'il a emprunté en hypothéquant sa propriété. On le dépouille à petit feu, parce que l'on ne voit pas à mettre un frein aux exigences du capital.
On fait simplement du camouflage pour retarder le mal. Le capital sain, lui, court aveuglément à sa ruine et les gouvernants devraient le protéger en mettant un terme à ses exigences. Réduire le taux d'intérêt à 5 % sur les prêts hypothécaires ne protégerait pas que les emprunteurs, mais aussi les prêteurs. Si l'on continue de dépouiller le petit propriétaire, on diminuera la sécurité de la société. Celui qui ne possède plus rien et que l'on tient dans la misère devient facilement disposé à accepter les idées les plus subversives.
Du point de vue des propriétaires, notre province offre beaucoup moins de sécurité que la province voisine. Et nous devrions adopter des mesures pour restreindre la diminution alarmante du nombre des propriétaires, en leur apportant de véritables dégrèvements sur leurs obligations envers les créanciers hypothécaires.
J'ai la certitude qu'avec ce système nous nous acheminons vers la faillite générale, et il est grandement temps que nous adoptions des mesures protectrices pour les propriétaires d'immeubles et le capital sain. Des sacrifices s'imposent de part et d'autre. Présentement, une des grandes causes de souffrances de la société provient de ce que nous avons des intérêts trop élevés à payer sur une dette démesurée, disproportionnée à nos capacités de paiement. Prenons garde, sous le prétexte fallacieux de protéger la sainteté des contrats, de préparer l'effondrement de la société.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): M. le président, je ne crois pas qu'un homme de bonne foi puisse, honnêtement, prétendre, surtout quand nous devons procéder régulièrement, que le régime actuel n'a pas pris toutes les mesures pour sauvegarder les intérêts des petites gens et pour corriger les abus. Il n'est pas un homme de bonne foi, un homme renseigné comme doit l'être un député, qui puisse dire que le gouvernement actuel, dans le domaine forestier, dans le domaine des ressources naturelles et dans tous les domaines de l'administration, n'a pas fait plus en moins de deux mois que les anciens gouvernements en 40 ans.
Un député qui ne le sait pas devrait chercher à se renseigner avant de faire des reproches injustifiés au gouvernement. C'est déjà beaucoup d'amélioré. Dans les conditions, il était impossible de faire plus. Après tout, nous sommes des êtres humains et, avec tous les défauts inhérents à la nature humaine, un homme ne peut pas créer, c'est-à-dire faire quelque chose avec rien.
On parle de capital. Il n'y a pas un seul gouvernement sous la Confédération qui ait eu le courage de passer la loi que nous avons adoptée, afin de faire cesser le mouillage des débentures, qui est la source des maux attribuable au capitalisme malsain. Nous avons eu le courage de le faire. Un homme de bonne foi devrait le reconnaître. Le capital qui avait quelques difficultés à faire souscrire ses fonds pour lancer l'entreprise avait pris des moyens détournés pour y arriver, en exploitant la forme des obligations. Nous avons fait cesser tous ces abus. C'est un acte que nous avons posé avec fermeté et que tous ceux qui ont à coeur les intérêts de leur province, tous ceux qui sont bien pensants devraient reconnaître.
Nous avons adopté une mesure qu'aucun gouvernement n'a osé adopter pour favoriser la réouverture des moulins que des compagnies tenaient fermés, au détriment de la classe des travailleurs, pour n'écouter que leur propre intérêt. Et seuls, nous avons eu le courage de ce faire, afin de donner du pain et du travail. Je ne sache pas qu'un homme de bonne foi, qu'un homme sincère puisse ignorer cela. Dans le domaine forestier, nous avons tout révolutionné pour forcer les compagnies à accorder le traitement dû aux travailleurs, des salaires minimums et de meilleures conditions de vie.
Nous avons assuré ainsi un emploi à nombre de travailleurs et nous avons protégé la main-d'oeuvre et l'industrie en disant que les compagnies devront acheter des produits de la province de Québec dans une proportion de 90 %, payer aux cultivateurs et colons dont elle achète les produits les prix du marché, prendre 90 % de leur main-d'oeuvre dans la région et vendre leurs marchandises aux travailleurs aux prix du marché, ce qu'aucun gouvernement n'avait eu le courage de faire. Je ne comprends pas qu'un homme de bonne foi ne sache pas apprécier un travail aussi considérable, accompli en aussi peu de temps, et puisse ignorer toutes ces oeuvres et d'autres que je n'ai pas à énumérer; elles sont toutes présentes à la mémoire des députés.
On parle de capital. La loi actuelle n'est pas pour le capital et les capitalistes, mais pour la petite propriété. Si on n'a pas pris la peine de l'étudier, ou si on était incapable d'en connaître la portée après l'avoir étudiée, on n'avait qu'à en lire le titre. Il est très clair. Il dit tout. N'est-ce pas un acte patriotique que d'adopter des mesures pour sauver la petite propriété et assurer la déconcentration de la richesse? On pose tout d'abord comme principe que la petite propriété doit être protégée, et ceux qui veulent la décentralisation ne veulent pas maintenant que le petit propriétaire soit protégé. Des éloges, nous n'avons cure, pas plus que des critiques à base de déception13. Nous visons avant tout à la satisfaction du devoir accompli, au progrès dans l'ordre, dans la justice, dans l'honnêteté et dans l'intégrité.
Quant au reste, en ce qui me concerne14... je ne sais pas combien de temps la Providence me conservera la santé pour permettre, avec mes collègues, de continuer à me dévouer pour ma province. Mais, au soir de ma vie, j'aurai au moins la consolation et la satisfaction de me dire que j'ai présidé un gouvernement honnête, patriote, serviteur du peuple, désireux de travailler à l'intérêt général, qui a le sens de la responsabilité, de ses responsabilités, qui ne veut rien saboter, qui réalise qu'il est impossible de faire des lois qui ne sont pas préjudiciables au peuple, à moins de réfléchir et de les étudier.
Je le répète, au soir de ma vie - je ne sais pas combien d'années m'accordera la Providence - je veux, en faisant la large part de mes défauts, qui sont nombreux comme ceux de tout être humain, avoir la satisfaction de dire que nous avons donné le meilleur de nous-mêmes et que, dans un temps très court, nous avons donné une législation et posé des actes qui devraient nous attirer l'admiration de tous et faire l'orgueil de ceux qui sont animés des meilleures intentions pour bien orienter la province.
(Applaudissements à droite)
M. Hamel (Québec-Centre): Je me suis permis simplement d'attirer l'attention de la Chambre sur certaines réformes que je jugeais à propos et sur les dangers de la législation actuellement à l'étude. J'avais conscience de faire mon devoir. Je l'ai fait de bonne foi et je ne regrette rien. Chaque fois que j'ai eu l'occasion de féliciter le gouvernement, je l'ai fait de bonne foi. L'avenir prouvera si ces remarques ont été faites à propos, ou non, et les faits le diront. Je n'aime pas cependant qu'on insinue une déception de ma part à ne pas entrer dans le cabinet, car je puis assurer le premier ministre que j'aime mieux ma place de député aujourd'hui et ma liberté de parole qu'un fauteuil de ministre. Je n'ambitionne la place de personne.
Quand je critique, je le fais sincèrement. J'ai cru qu'il était de mon devoir, de mon modeste siège de député, de surveiller la législation et de faire certaines suggestions, et moi non plus, au soir de la vie, je ne regretterai rien des actes que j'ai posés jusqu'à aujourd'hui, et j'aurai à me rendre ce témoignage d'avoir accompli mon devoir. C'est tout.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je proteste contre les paroles du premier ministre qui dit tant de mal contre tous ceux qui l'ont précédé dans cette Chambre depuis la Confédération. Nous n'avons même plus le droit de critiquer. Comme le député de Québec-Centre (M. Hamel), le premier ministre n'aurait-il pas pu se limiter à dire que ce projet de loi n'est que du camouflage? En se défendant des critiques du député de Québec-Centre, le premier ministre a cru bon d'attaquer le département des Terres et Forêts que j'ai eu l'honneur de diriger pendant quelques semaines.
Il a cru bon de dire que le gouvernement précédent n'avait rien accompli de bon. C'est beau à dire, mais je lui dirai que l'ancien gouvernement a aussi protégé ce qu'il y avait à protéger, dans le domaine de l'industrie forestière, tandis que le gouvernement actuel n'a fait que du camouflage, depuis deux mois qu'il est au pouvoir. Quand il parle de son gouvernement à lui, le premier ministre dit avec un pathos effrayant: "Nous faisons ceci, cela, pour les humbles, les petits."
Au fond, cette loi est certainement l'une des pires lois de camouflage présentées jusqu'à maintenant. Le premier ministre dit également que son gouvernement a été le seul à améliorer le sort des bûcherons. Ceux qui ont augmenté les salaires des bûcherons sont ceux de l'ancienne administration...
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je regrette, mais je ferai remarquer au chef de l'opposition que nous sommes sur la loi du moratoire. S'il le désire, il pourra parler des bûcherons plus tard.
Je soulève un point d'ordre, M. le président. Bornons-nous à la discussion du bill.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): On refuse au chef de l'opposition le droit de répondre à des remarques du premier ministre. Je proteste énergiquement contre ce point d'ordre.
Il a fait un discours d'un quart d'heure, qui était d'ailleurs à côté de la question, pour salir les administrations qui l'ont précédé, et il me semble que c'est le droit le plus élémentaire d'un citoyen britannique de répondre. S'il n'y a pas moyen de parler ici, si je suis hors d'ordre, que le président le dise, j'irai continuer mes remarques ailleurs dans cette province.
M. Boyer (Châteauguay): Personne ne vous écoutera.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Nous n'avons pas essayé de salir l'ancien gouvernement. Il s'était sali lui-même...
(Rires et applaudissements)
... mais nous avons voulu montrer au peuple jusqu'à quel point il y avait des abus. Je ne veux pas empêcher le chef de l'opposition de prendre la parole, car nous aimons à l'entendre parler. S'il n'était pas dans l'opposition, nous irions le chercher pour l'installer là, car il est plus à sa place qu'au milieu des ministres.
C'est le meilleur chef d'opposition que nous ayons eu! Nous ne voulons pas empêcher l'honorable chef de l'opposition de parler, mais il y a des règlements dans cette Chambre et je demande qu'on les observe. Un député n'a pas le droit de parler en dehors du sujet du bill.
C'est le chef de l'opposition qui vient aujourd'hui défendre l'ancien régime, après avoir fait sa campagne avec des hommes nouveaux qui s'efforçaient de renier leur passé dont ils avaient honte15.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je n'ai jamais dit cela.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Lui, le défenseur de l'ancien régime...
M. Bastien (Berthier): M. le président, je crois qu'on est rendu bien loin du bill. Le premier ministre est hors d'ordre lui-même en parlant d'un sujet très étranger au bill.
(Rires à gauche)
M. le président lit l'article du Règlement qui dit qu'on doit s'en tenir aux détails du bill16.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Et cet article s'applique à tous les membres de la Chambre? Au premier ministre?
M. le président: À tous les députés.
M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Le premier ministre va s'en tenir aux règlements?
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je n'avais pas encore entendu la douce voix du député de Rivière-du-Loup. Nous aimons toujours l'entendre. Il est ici depuis longtemps. C'est tout ce qu'il a trouvé depuis le début de la session. Je l'en félicite et je sympathise avec ses électeurs.
M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Vous aimez sans doute mieux cela que d'entendre celle de Québec-Centre (M. Hamel).
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Je concours dans les remarques du député de Québec-Centre (M. Hamel). Il a parfaitement raison de dire que l'article 13 du bill est un article de camouflage. Si je comprends bien le voeu des propriétaires, petits ou grands, on demande une diminution des taux d'intérêt. Encore lundi, la ligue des propriétaires de Montréal demandait qu'on limite les intérêts à 5 % et non pas qu'on suspende la différence jusqu'à 1938.
Si on l'avait écoutée, on en serait venu à bien d'autres conclusions. Les propriétaires demandent de pouvoir souffler. Et il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que les petits propriétaires qui sont intéressés. Les grands propriétaires le sont aussi, et à un aussi juste titre.
Cela intéresse tout le monde. Il y en a qui vivent des revenus que leur rapportent leurs propriétés, et c'est très honorable. Plusieurs d'entre eux ont beaucoup souffert de la crise, ils sont dans la misère noire depuis bien des années. Ils sont venus demander à la Législature de l'aide pour avoir leurs revenus, et ils ont raison à tous les points de vue. Il ne faut pas oublier que la charge des intérêts est peut-être la plus forte qui soit incluse dans les prix des loyers. En aidant les propriétaires, on vient aussi au secours du locataire.
Ce que demande le député de Québec-Centre, un homme de coeur et de sincérité, est très sensé. Il a parfaitement raison de dire que cet article du projet n'a pas pour but de protéger le petit propriétaire, et ce n'est pas par des insinuations à son égard que nous réglerons ce grave problème. Son opinion devrait être plus respectée.
Nous qui ne pensons pas comme lui sur tous les sujets, nous sommes fiers de siéger dans cette Chambre avec lui, et nous croyons qu'il fait honneur à la vieille capitale et à l'Assemblée législative. Le premier ministre aurait dû le traiter mieux qu'il a fait. On fait toutes sortes d'insinuations pour faire passer cette loi de camouflage.
M. Boiteau (Bellechasse): Mais à Montréal, la Ligue des propriétaires a demandé jadis la même chose à l'ancien régime, et quel est le discours que le chef de l'opposition a prononcé alors?
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Exactement le même que je prononce aujourd'hui, et je vous défie de prouver le contraire.
M. Pelletier (Lotbinière): Il a eu un merveilleux effet. Vous n'avez pas eu l'air d'être écouté17.
(Rires et applaudissements)
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): S'il n'a pas eu plus d'effet, c'est parce que je n'ai pas siégé assez longtemps sur les banquettes ministérielles, mais on n'empêchera pas la voix du député de Québec-Centre (M. Hamel), du député de Saint-Hyacinthe, la voix de tous ceux qui veulent défendre les petits de protester contre les lois de camouflage comme celle-ci.
M. Pouliot (Gaspé-Sud): Le portefeuille.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Avec cette loi, le sort du petit propriétaire sera encore plus pénible.
M. Bastien (Berthier): Je vois que le ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay) fait des remarques en arrière, mais je suis surpris que le premier ministre et lui-même n'aient pas plus répondu aux remarques du député de Québec-Centre (M. Hamel) et du chef de l'opposition. Et je comprends pourquoi.
Il est justement intéressant de rappeler, en cette Chambre, au ministre du Travail ce qu'il disait, il n'y a pas si longtemps, à une ligue de propriétaires venue ici en délégation. Il a commencé son discours par un reproche. Il leur disait que 5 %, c'était trop, qu'ils ne demandaient pas assez, qu'ils auraient dû demander 3 %18. "Vous ne demandez pas assez, disait-il. C'est payer encore trop. On prie dans une église, mais devant un gouvernement on exige."
(Rires)
L'honorable député de Québec-Centre (M. Hamel) dit que le débiteur paie encore trop à 8 %19 et le premier ministre lui répond que tout réside dans le titre du bill: "sauvegarde de la petite propriété". C'est cela. Quand le premier ministre présente une loi boiteuse, il réfère au titre de cette loi. Il est assez rare que le premier ministre avoue ses faiblesses et ses imperfections mais, quand il est obligé d'avouer une erreur, il dit: "Notre loi n'est pas parfaite; elle a été faite par des humains." Quand il se sent "chauffé", il fait de beaux discours, comme il en est capable, et il en appelle aux sentiments, art dans lequel il excelle auprès du peuple. Quand il a de mauvaises lois à faire voter, il s'apitoie sur son sort, mais cela ne répond pas à la question du député de Québec-Centre (M. Hamel).
Le premier ministre dit qu'il ne peut abaisser l'intérêt sur l'hypothèque mais quand, il y a quatre ou cinq ans, le conseil municipal de Montréal le demandait à M. Bennett20, le chef de l'opposition, aujourd'hui premier ministre, disait que ça dépendait des provinces. Le député de Québec-Centre (M. Hamel) arrive avec d'excellentes suggestions et des remarques des plus considérées; le premier ministre répond avec un beau discours, bien grandiloquent, il nous fait assister à sa fin dernière, mais...
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Je vivrai assez longtemps et mes discours ont été éloquents pour débarrasser la province des canailles.
M. Bastien (Berthier): Les sentiments du premier ministre sont beaux et sa fin dernière est touchante. C'est habile dans une certaine mesure, car il sait que la population est sentimentale, mais c'est s'éloigner de la question. Je dis aussi que nous sommes ici en présence de camouflage, mais le roi des camoufleurs, en l'occurrence, me paraît être le ministre du Travail (l'honorable M. Tremblay).
L'honorable M. Gagnon (Matane): M. le président, je soulève une question d'ordre. L'honorable député de Berthier, qui a été ministre de la couronne21, n'a pas le droit de se servir d'expressions injurieuses et antiparlementaires à l'adresse d'un membre du gouvernement, et il devrait retirer ses paroles.
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Laissez-le faire, il ne sait pas parler, il ne l'apprendra jamais.
M. Bastien (Berthier): L'honorable ministre des Mines, de la Chasse et des Pêcheries (l'honorable M. Gagnon), avec tout le respect que je lui dois, n'est pas habitué à cette Chambre; il était député à la Chambre des communes. S'il avait entendu autrefois le ministre du Travail, il verrait que nous ne sommes pas à Ottawa, et il ne se scandaliserait pas pour si peu. Il saurait que l'honorable ministre du Travail ne s'est jamais bien gêné...
Des voix à droite: Oh! Oh!
M. Bastien (Berthier): Je ne veux cependant pas manquer d'égards envers l'honorable ministre du Travail et je dirai qu'il n'est pas le roi des camoufleurs, mais le plus grand prometteur du gouvernement.
L'honorable M. Gagnon (Matane): Je n'ai pas l'intention de discuter de cela avec le député de Berthier. Je me demande si le député de Québec-Centre sera bien flatté des discours du chef de l'opposition et du député de Berthier.
M. Casgrain (Rivière-du-Loup): Il en sera peut-être plus flatté que des compliments du premier ministre.
(Rires à gauche)
L'honorable M. Gagnon (Matane): Pourtant le chef de l'opposition n'avait pas assez, il y a quelque temps, de son éloquence pour dénoncer le député de Québec-Centre et pour parler, ainsi que son assistant, des exagérations de ce député. Il ne se gênait pas de dire que notre estimé collègue de Québec-Centre avait des projets irréalisables. Je suis surpris de son amitié particulière, qu'il faudrait analyser.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Quand et où ai-je dénoncé personnellement le député de Québec-Centre?
L'honorable M. Gagnon (Matane): En tellement d'endroits qu'il serait difficile de préciser l'heure et la minute.
M. Bouchard (Saint-Hyacinthe): Qu'on en nomme un!
L'honorable M. Gagnon (Matane): Le chef de l'opposition est même venu parler dans mon comté, pour combattre ma candidature, mais avec bien peu de succès. Il a même accouplé mon nom à celui de l'honorable député de Québec-Centre. J'en suis très honoré. Nous avons aussi de l'estime pour le député de Québec-Centre. Mais la question d'intérêts est fort complexe, et je me demande, M. le président, si le député de Québec-Centre avait entendu, au début du débat, le premier ministre dire qu'il demanderait, le 9 décembre, à Ottawa, de réduire les taux d'intérêts, je me demande s'il aurait insinué que nous ne sommes pas sincères.
(Applaudissements à droite)
Je ne veux pas être injuste pour le député de Québec-Centre mais l'opposition, en tout cas, insinue cela et essaie de mettre entre le député de Québec-Centre et le gouvernement un désaccord qui n'existe pas.
Comment peut-on parler de camouflage, quand on sait que nous amendons le Code civil à tout risque, que nous présentons un bill pour réduire le taux de l'intérêt légal à 3 %, que nous allons plus loin que n'importe quel gouvernement dans tout le dominion? Et cependant, l'honorable premier ministre l'a déclaré cet après-midi, il y a au Feuilleton de la Chambre un projet de loi à cet effet22. C'est injuste pour le gouvernement qu'on vienne dire de ses lois qu'elles sont à base de camouflage. Le camouflage, ce sont les dénonciations du chef de l'opposition au sujet de l'électricité, dénonciations qui se sont muées en éloges doucereuses à l'égard de l'ancien premier ministre, après qu'il eut obtenu son portefeuille.
(Applaudissements à droite)
Notre bill est radical, il effraie même le député de Rouville (M. Barré), qu'on ne vienne pas dire que nous manquons de sincérité. C'est une mesure transitoire. Nous croyons à sa nécessité pour le moment. Quant au gouvernement, il demande à être jugé sur tous ses actes, qui sont à base de justice pour tout le monde. Qu'on suive donc le conseil de M. Bourassa23 à la conférence qu'il a prononcée hier soir, et dans laquelle il disait à ceux qui se servent des encycliques de ne pas y prendre seulement ce qui faisait leur affaire et de les lire en entier.
(Applaudissements à droite)
M. Hamel (Québec-Centre): M. le président, qu'il soit bien entendu que j'entends ne faire ici que de la critique constructive. Je ne veux pas blâmer inutilement le gouvernement. Il a besoin de notre appui et je ne le lui ménage pas. Il traverse des temps difficiles. S'il présente un bill décrétant l'intérêt légal à 3 %, c'est qu'il admet que l'argent ne vaut pas plus que 3 %. Je transporte l'argument sur le terrain des hypothèques. Je dis alors: Reconnaissez donc aussi que le loyer de l'argent ne vaut pas plus que 3 % lorsqu'il s'agit des créances hypothécaires. Je dis cela parce que je ne veux pas qu'on me dise plus tard: "Pourquoi avez-vous gardé le silence?" C'est tout.
L'article 13, introduit par l'article 1 du projet de loi, est adopté.
Les articles 14 à 18, introduits par l'article 1 du projet de loi, sont adoptés.
Les articles 2 et 3 sont adoptés.
Le comité, ayant étudié le bill, fait rapport qu'il l'a adopté avec certains amendements. Les amendements sont lus deux fois et adoptés.
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté sur division.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Fédération des scouts catholiques
M. Trudel (Saint-Maurice) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité plénier pour étudier le bill 150 constituant en corporation la Fédération des scouts catholiques de la province de Québec.
Adopté.
En comité:
M. Trudel (Saint-Maurice) propose à la présidence du comité plénier le député de Frontenac (M. Tardif)24.
(Applaudissements)25
M. Trudel (Saint-Maurice): M. le président, le but de ce projet est d'aider la fleur de notre jeunesse. Je n'ai pas à faire l'éloge de l'oeuvre accomplie par l'association des scouts catholiques. On demande d'établir la Fédération en corporation, afin d'atteindre avec plus de facilité le but que l'on poursuit.
Ceux qui connaissent ce mouvement savent quels services appréciables il a rendus à la jeunesse. Le but est de réunir en une seule fédération toutes les associations scoutes de la province. Je demande à la Chambre d'adopter le projet.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): C'est un projet qui n'a pu être voté et sanctionné à la dernière session, à cause de la brusque dissolution réclamée par l'ancien régime. Le gouvernement approuve de tout coeur l'oeuvre des scouts catholiques. Il prend le bill à ses charges, paie l'impression et tous les frais. Il n'a pas la moindre hésitation à lui donner son appui.
M. Bastien (Berthier): Je suis heureux de seconder ce bill. Je remarque en passant que c'est un bill qui fut présenté à la dernière session par l'ancien gouvernement.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Oui, comme bill privé.
M. Bastien (Berthier): Je l'approuve quand même.
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières): Très bien.
M. le président commence à lire les articles du bill.
Des voix: Parlez plus fort.
M. le président continue la lecture à voix plus haute.
Des voix: Plus fort!
L'honorable M. Tremblay (Maisonneuve): Parlez donc anglais.
Une voix: Il (M. Tardif) prend ça au sérieux.
Les articles 1 à 14, ainsi que le préambule, sont adoptés.
Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement26.
(Applaudissements à l'endroit de M. Tardif, Frontenac)
M. Trudel (Saint-Maurice) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.
Adopté.
Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.
Délai de prescription des taxes municipales et scolaires
L'honorable M. Bilodeau (L'Islet) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 40 modifiant la loi prolongeant le délai de la prescription des taxes municipales et scolaires soit maintenant lu une deuxième fois.
Ce projet de loi a pour effet d'étendre le délai de prescription des taxes municipales et scolaires du 31 décembre 1935 au 30 avril 1938.
Jusqu'ici, cette loi était renouvelée d'année en année.
Adopté. Le bill est renvoyé au comité plénier.
Ajournement
L'honorable M. Duplessis (Trois-Rivières) propose, appuyé par le représentant de Québec-Est (l'honorable M. Drouin), que, lorsque cette Chambre s'ajournera, elle soit ajournée à demain après-midi, à 3 heures.
Le comité des bills publics se réunit ce soir pour continuer l'étude de la loi électorale. Je demande aux membres du comité d'être présents, afin que le projet soit définitivement adopté ce soir en comité et qu'il revienne devant la Chambre demain.
Adopté.
La séance est levée à 6 heures.
__________
NOTES
1. La Presse du 3 novembre 1936, à la page 1, rapporte que ce matin M. Duplessis fut obligé, par son médecin, de garder le lit en raison d'une grippe. La séance du comité des comptes publics prévue dans la matinée fut donc remise au lendemain, mais le premier ministre est à son siège pour la séance de l'Assemblée de l'après-midi. Toutefois, La Patrie du lendemain, à la page 4, précise qu'à cause de cette grippe, "M. Duplessis n'avait pas bonne mine". L'Événement du 4 novembre 1936, aux pages 3 et 4, rapporte par ailleurs que M. Bertrand, député libéral de Montréal-Laurier, est absent de la séance. M. Dumaine (Bagot) a pris son siège pour se trouver aux côtés du chef de l'opposition.
2. Le Montreal Daily Star du 4 novembre 1936, à la page 19, est la seule de nos sources à attribuer une bonne partie des propos de l'honorable M. Drouin qui suivent au premier ministre Duplessis.
3. Version provenant de la majorité des sources. Seule La Presse du 4 novembre 1936, à la page 9, rapporte des propos contradictoires du ministre qui aurait dit: "Par exemple, on doit charger pour la pension le taux régulier de la région concernée."
4. Le Devoir du 4 novembre 1936, à la page 6, rapporte qu'un député libéral, M. Bercovitch (Montréal-Saint-Louis), applaudit le premier ministre avec la droite.
5. Selon La Tribune du 4 novembre 1936, à la page 8, M. Raynault est applaudi parce qu'il s'adresse à la Chambre pour la première fois.
6. Le Journal du 4 novembre 1936, à la page 8, précise que la Chambre applaudit cette allusion, car M. Raynault sera candidat à la mairie de Montréal à l'élection municipale du 15 décembre suivant. (Voir Conrad Black, Duplessis. L'ascension, Montréal, Éditions de l'Homme, 1977, p. 255-256.)
7. L'Action catholique du 4 novembre, à la page 5, mentionne que l'honorable Duplessis dit "quelque chose que l'on ne peut saisir de la galerie de la presse".
8. Le comité se réunit sous la présidence de M. Trudel (Saint-Maurice).
9. Un amendement a été adopté à l'article 1, introduit par l'article 1 du projet de loi, mais les journaux ne rapportent aucun débat à cet effet. Il s'agit de substituer le mot "dation" au mot "action" à la quatrième ligne de l'article.
10. Selon la majorité des sources, c'est à l'article 3 de cette loi que M. Raynault soulève le débat qui suit cette note. Seuls La Presse du 4 novembre 1936, à la page 9, et Le Droit du même jour, à la page 7, font intervenir M. Raynault à l'article 2, ce qui serait hors contexte.
11. Le Montreal Daily Star du 4 novembre 1936, à la page 19, ne mentionne pas l'endroit exact de cette intervention de l'honorable M. Duplessis. Il semble toutefois pertinent de la placer à la fin de ce débat, juste avant l'adoption de l'amendement proposé par M. Raynault et après les quelques interventions sur la question. Le premier ministre est vraisemblablement celui qui tranche la question.
12. L'Événement du 4 novembre 1936, à la page 11, rapporte que le greffier adjoint s'excuse "auprès du député de Rouville, car cette erreur d'adresse pouvait le mettre dans l'embarras". Les sources ne donnent pas d'autres détails entourant cet incident.
13. Un journal partisan, Le Canada du 4 novembre 1936, à la page 11, rapporte que M. Duplessis se tourne vers M. Hamel en scandant ces mots.
14. Le Canada du 4 novembre 1936, à la page 11, note que le premier ministre fit une longue pause, ce qui provoqua un froid dans la Chambre.
15. L'honorable M. Duplessis fait allusion au discours électoral des libéraux de Godbout qui voulaient se distancer des scandales associés à l'ère Taschereau. Conrad Black souligne qu'avec son nouveau cabinet de juin 1936, Godbout "exprimait le désir louable de rajeunir un régime trop vieux. Tous les efforts des libéraux tendaient maintenant à convaincre les électeurs qu'entre eux et l'ancien gouvernement, il existait une différence quasi révolutionnaire". Robert Rumilly, pour sa part, rapporte qu'en de nombreuses assemblées électorales, les orateurs libéraux ne prononçaient pas les noms de Taschereau ou de ses anciens ministres. (Voir Conrad Black, Duplessis. L'ascension, tome 1, Montréal, 1977, p. 219-220, et Robert Rumilly, Histoire de la province de Québec, vol. XXXV, p. 205, 212 et 214.)
16. Il s'agit vraisemblablement de l'article 463 du Règlement.
17. La majorité des sources attribuent cette réplique à M. Pelletier (Lotbinière), alors que Le Canada du 4 novembre 1936, à la page 11, et La Patrie du même jour, à la page 5, rapportent que c'est plutôt l'honorable M. Tremblay (Maisonneuve) qui intervient.
18. Le Soleil du 4 novembre 1936, à la page 10, précise que M. Bastien lit "les remarques que l'honorable William Tremblay faisait aux propriétaires en délégation, il y a une semaine ".
19. Chiffre du Canada du 4 novembre 1936, à la page 11. Le Devoir du même jour, à la page 6, mentionne plutôt 7 %.
20. Richard B. Bennett (1870-1947), premier ministre conservateur du Canada de 1930 à 1935.
21. Cléophas Bastien (1892-1943), ministre sans portefeuille dans les cabinets Taschereau et Godbout en 1936 et ministre de la Colonisation dans le cabinet Godbout (1942-1943).
22. Le "bill 42 pour réduire à trois pour cent le taux d'intérêt en matières provinciales" se trouve justement en avis au Feuilleton du 3 novembre.
23. Henri Bourassa (1868-1952), journaliste et homme politique. Fils du peintre et architecte Napoléon Bourassa et petit-fils de Louis-Joseph Papineau, il fut élu maire de Montebello à l'âge de 22 ans, puis devint député aux parlements fédéral (1896-1907 et 1925-1935) et provincial (1908-1912). Fervent nationaliste canadien-français, il fonda, en 1910, le journal Le Devoir dont il resta rédacteur en chef jusqu'en 1932.
24. Le Canada du 4 novembre 1936, à la page 11, précise que M. Trudel fait cette proposition parce qu'il est le parrain du bill alors à l'étude.
25. Le Canada du 4 novembre 1936, à la page 11, mentionne que c'est la première fois que M. Patrice Tardif préside un comité: "Il est visiblement gêné et on le taquine du côté même du gouvernement. Il s'acquitte de ses fonctions avec grand sérieux. Quand il a terminé, on l'applaudit frénétiquement. Il est rouge comme un homard et regagne à grande peine son siège."
26. L'Événement du 4 novembre 1936, à la page 3, rapporte aussi que M. Tardif "était un peu intimidé. Lorsque vint le temps d'appeler l'Orateur pour lui remettre le bill, il ne savait pas trop quoi faire, et au lieu de réciter les paroles sacramentelles, il se contenta de se tourner vers M. Joseph-Mignault-Paul Sauvé et de faire: psitt, psitt... Ce qui amusa fort la Chambre."