Débats de l'Assemblée législative (débats reconstitués)
Version finale
12nd Legislature, 1st Session
(March 2, 1909 au May 29, 1909)
Wednesday, May 26, 1909
Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance s'ouvre à 11 h 15.
Loi 8 Édouard VII, chapitre 7
L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande la permission de présenter le bill 234 amendant la loi 8 Édouard VII, chapitre 7.
Accordé. Le bill est lu une première fois.
Charte de Montréal
M. Séguin (Montréal no 1) propose que la Chambre procède de nouveau à prendre en considération les amendements faits par le Conseil législatif au bill 135 amendant la charte de la cité de Montréal.
Adopté.
M. Geoffrion (Verchères) donne lecture des amendements. Il s'oppose à un amendement très important qui est passé complètement inaperçu lorsque le bill fut étudié au Conseil législatif. Il propose que l'on retranche de l'article 13, qui frappe de déchéance et de pénalité les échevins qui autorisent une dépense d'argent excédant le montant voté, les deux derniers paragraphes, dont le premier donne à la loi un effet rétroactif, pendant que l'autre déclare que l'article n'affectera pas les causes pendantes depuis le 1er janvier dernier. Il propose de plus que l'article 41, qui décrète que rien dans la loi ne préjudiciera aux droits acquis des compagnies par des contrats, ne s'applique pas aux clauses des conduits souterrains et, là, Montréal aura les mains libres.
M. Tellier (Joliette) demande de remettre le concours à une séance ultérieure pour permettre au député de Jacques-Cartier (M. Cousineau), qui est absent, de proposer une motion au sujet de l'expropriation de la Montreal Water and Power.
Le débat est ajourné.
Les amendements sont lus une deuxième fois.
Charte de Montréal
L'ordre du jour pour la deuxième lecture du bill 216 amendant la charte de la cité de Montréal étant lu,
M. Finnie (Montréal no 4) propose que ledit ordre soit rescindé et que le bill soit retiré.
Ce bill avait été introduit afin d'autoriser les membres de la commission des finances de Montréal qui avaient été disqualifiés à continuer de siéger. Il est retiré parce que ses dispositions ne seront d'aucune utilité jusqu'à ce que la Cour d'appel prenne une décision à ce sujet, et cette décision ne sera connue qu'après la prorogation de la Chambre.
Il propose également que l'honoraire payé pour le bill soit remis, moins les frais d'impression et de traduction.
Adopté.
Charte de Québec
La Chambre procède de nouveau à la prise en considération des amendements que le Conseil législatif a apportés au bill 143 amendant la charte de la cité de Québec.
Les amendements sont lus une deuxième fois.
Et la question étant posée: La Chambre adoptera-t-elle maintenant ces amendements?,
M. Francoeur (Lotbinière) propose, appuyé par le représentant de Champlain (M. Neault), que cette Chambre concoure dans les amendements faits par le Conseil législatif au bill 143 amendant la charte de la cité de Québec en en retranchant la clause 2, parce que les questions contenues dans ladite clause devraient être régies par la loi des licences de Québec.
Au risque de m'attirer les foudres de la presse de Québec, je propose que l'on biffe l'article 11 replacé dans le bill par le conseil, décrétant que les buvettes resteraient éclairées et leurs portes et fenêtres dépourvues de stores, rideaux ou écrans pendant les heures de fermeture, afin que les passants et la police puissent se rendre compte qu'on ne vend pas à l'intérieur. La ville de Québec devrait rester sous la loi générale des licences. Forcer les hôteliers à tenir les rideaux de leurs boutiques levés pendant les heures de fermeture n'est pas un moyen efficace de promouvoir la tempérance. Il est en faveur de la tempérance, mais il croit qu'on la propagera par des moyens de persuasion plutôt que par des moyens de coercition comme celui que l'on propose.
Il termine en disant qu'il faut laisser la ville de Québec sous la loi générale.
M. Tellier (Joliette) défend la clause replacée dans le bill par le conseil. Il croit que l'on ne doit pas refuser au conseil de ville de Québec le droit de faire ses règlements concernant la vente des boissons alcooliques. Il est un de ceux qui ont foi dans l'efficacité de la loi demandée par la Ligue antialcoolique. En pareille matière, il ne faut pas s'en rapporter uniquement à l'initiative privée, mais seconder le travail fait par les apôtres de la tempérance. Du reste, il ne voit pas pourquoi on permettrait au licencié de se cabaner dans son établissement pendant les heures de fermeture.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) appuie la proposition du député de Lotbinière (M. Francoeur). On ne peut pas permettre à une ville d'intervenir par des règlements dans un contrat passé entre le gouvernement provincial et les hôteliers. Dans tous les cas, il eût été plus sage de demander de modifier la loi générale. Il n'y a pas de raison de donner au conseil de ville de Québec le pouvoir qu'il demande.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) ne voit pas comment le trésorier provincial peut prétendre qu'on ne doit pas donner à une ville le droit de contrôler la vente des boissons. La loi générale exige le consentement des municipalités avant que le gouvernement puisse accorder une licence. Le trésorier a dit qu'il eût été préférable d'amender la loi générale. Pourquoi, alors, tous les bills privés, les chartes de Montréal, de Québec?
Il est tout surpris d'entendre le député de Lotbinière appuyer sa motion en disant qu'il faut laisser à l'initiative privée le soin de propager la tempérance. Le fait qu'une campagne morale peut avoir de grands résultats ne veut pas dire qu'il ne faille pas de lois ou de règlements. Ce que la ville de Québec demande, ce n'est pas un moyen de forcer les gens à être tempérants, c'est un règlement de police qui lui permettra de savoir si les hôteliers observent la loi. Du reste, le système que l'on demande est en vigueur dans toutes les grandes villes d'Europe et des États-Unis, et même dans plusieurs villes du Canada, et a eu partout un effet splendide pour faire observer la loi. Il n'y a pas de raison de refuser à Québec le droit de police qu'il demande.
La proposition est adoptée sur division.
Il est résolu qu'un message soit envoyé au Conseil législatif, informant Leurs Honneurs que cette Chambre a adopté leurs amendements avec un amendement pour lequel cette Chambre désire leur concours.
Il est ordonné que le greffier porte ce message au Conseil législatif.
Interpellations:
Limites de bois concédées à M. Robitaille
M. Kelly (Bonaventure): 1. Quand les limites forestières connues sous le nom de limites Robitaille ont-elles été concédées à M. Robitaille?
2. Combien de milles comprenaient alors ces concessions?
3. Combien a-t-il été payé par mille?
4. Quel montant total a été payé pour ces limites?
5. Combien de fois lesdites limites ont-elles changé de propriétaire à venir jusqu'au 1er janvier 1905?
6. Quels sont les noms des diverses personnes qui ont possédé ces limites depuis qu'elles ont été concédées?
7. Quel est le montant de la taxe de transport qui a été payée lors de chacun de ces transports, qui l'a payée, à qui a-t-elle été payée et quand l'a-t-elle été?
L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. Le 12 septembre 1872.
2. 433 milles.
3. $8.
4. $3464.
5. Une fois.
6. M. Louis Robitaille et M. Louis A. Robitaille.
7. $432.66, somme payée par M. Louis A. Robitaille au département des Terres, à Québec, le 3 septembre 1889.
Droits de coupe des limites Robitaille
M. Kelly (Bonaventure): 1. Quel montant de droit de coupe a été payé chaque année par les propriétaires des limites Robitaille depuis la date de leur concession jusqu'au 1er janvier 1905?
2. Par qui, quand et à qui ces paiements ont-ils été faits?
L'honorable M. Caron (L'Islet): 1. $156.37 en 1874; $31.72 en 1887; $191.92 en 1897; $361.89 en 1902; $56.42 en 1904; $364.11 en 1903; $84.74 en 1905.
2. Ces paiements ont été faits par M. Robitaille au département des Terres, soit directement, soit par l'entremise de l'agent à New Carlisle.
Agent des terres à New Carlisle
M. Kelly (Bonaventure): Quels sont les noms des différents agents des terres de la couronne qui ont tenu bureau dans l'agence de New Carlisle, dans le comté de Bonaventure, depuis la date de la concession des limites Robitaille jusqu'au 1er janvier 1906?
L'honorable M. Caron (L'Islet): G.-N. Verge; L.-J. Riopel; G.-F. Maguire; T.-A. Blanchet et J.-A. Dorais.
Demande de documents:
Rachat des rentes seigneuriales
M. Prévost (Terrebonne) propose, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), qu'il soit mis devant cette Chambre copie de toute correspondance et de documents échangés entre le gouvernement et certaines corporations ou certains particuliers en rapport avec le rachat par les municipalités des rentes seigneuriales dans la province de Québec.
Adopté.
Il félicite le député d'Iberville (M. Benoît) d'avoir présenté un bill à ce sujet. Pour lui, il croit qu'il est temps que la législature prenne cette question en main et mette tous les citoyens sur un pied d'égalité.
M. Marchand (Saint-Jean) s'oppose au bill du député d'Iberville qui a pour but d'autoriser les municipalités à emprunter pour racheter le capital des rentes seigneuriales. Il s'y oppose parce qu'il considère que les censitaires ne doivent rien aux seigneurs.
Il commence par faire un exposé historique de la question, depuis l'établissement des premiers seigneurs en 1578. Il montre à la lumière des documents: 1. que les titres constitutifs des seigneuries n'ont jamais autorisé l'imposition des charges exorbitantes en vigueur depuis des générations; 2. que les seigneurs ne sont pas, comme on l'a souvent prétendu, les propriétaires absolus et incommutables de leurs terres; 3. qu'en conséquence les taux et redevances imposés par eux dépassent, dans de grandes proportions, ce qu'ils ont droit de demander.
Il cite bon nombre de documents officiels afin de démontrer que les seigneurs ont imposé des charges tellement exorbitantes à leurs censitaires que ceux-ci ont remboursé beaucoup plus qu'ils ne devaient à leurs seigneurs. Pour lui, il soumet à la législature d'étudier cette question, pour venir au secours de milliers de citoyens victimes de ce système aussi tyrannique que moyenâgeux. Il propose que la législature s'empare de la question, afin d'y donner une solution conforme à l'esprit de justice et de liberté. Il s'oppose au bill du député d'Iberville parce qu'il constituerait une reconnaissance, de la part des censitaires, d'obligations auxquelles ils se refusent absolument de souscrire.
M. Robert (Rouville) se déclare en faveur du bill du député d'Iberville, qui semble pour lui devoir régler complètement la question.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) parle dans le même sens.
La séance est levée à 1 heure.
Deuxième séance du 26 mai 1909
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance est ouverte à 3 h 20.
Rapports de comités:
Comité spécial nommé pour s'enquérir des accusations portées par le député de
Terrebonne (M. Prévost) contre le député de Bonaventure (M. Kelly)
L'honorable M. Weir (Argenteuil): J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le quatrième rapport du comité spécial nommé pour s'enquérir des accusations de l'honorable M. Prévost contre M. Kelly. Voici le rapport:
Votre comité, à sa séance de ce matin, a résolu de demander à votre honorable Chambre la permission de faire imprimer, pour l'usage de ses membres, la preuve et telles procédures, et tels exhibits jugés nécessaires.
M. E.-E. Taché, commissaires des Terres et Forêts, a continué sa déposition.
Le rapport est adopté.
Incident Asselin-Taschereau
M. Sauvé (Deux-Montagnes) exprime son intention de revenir sur l'incident Asselin.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) demande qu'on ajourne la discussion sur ce sujet jusqu'à ce soir, vu l'indisposition du premier ministre.
Caisse d'économie
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) demande pourquoi la Caisse d'économie, institution qui fait de l'assurance, n'est pas tentée de faire rapport au gouvernement comme les autres compagnies. La Caisse d'économie a le même bureau de direction que l'Association Saint-Jean-Baptiste. Il est désirable, sans doute, que le patriotisme se résolve ainsi en oeuvres pratiques, mais il ne faut pas non plus que le patriotisme serve de couverture à des entreprises dangereuses. La Caisse d'économie n'est sans doute pas de celles-là, mais la surveillance d'État doit s'exercer sur elle comme sur les autres compagnies.
Subsides
Conformément à l'ordre du jour, la Chambre reprend de nouveau l'étude des résolutions suivantes, rapportées du comité des subsides le 25 mai: 1. Qu'une somme n'excédant pas trente mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses des services de chasse et de pêche, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
2. Qu'une somme n'excédant pas dix mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les comptes courants se rapportant aux mines et pêcheries, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
3. Qu'une somme n'excédant pas sept mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour le coût des timbres des licences, etc., pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
4. Qu'une somme n'excédant pas quarante-trois mille cinq cent trente-deux piastres et quatre-vingts centins soit accordée à Sa Majesté pour être distribuée aux institutions catholiques en vertu de l'article 444 de la loi scolaire, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
5. Qu'une somme n'excédant pas dix-huit mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le coût de l'École polytechnique, Montréal, en vertu de la loi 57 Victoria, chapitre 23, section 17, telle qu'amendée par la loi 3 Édouard VII, chapitre 17, section 4, par la loi 7 Édouard VII, chapitre 28 et 8 Édouard VII, chapitre 31, section 1, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
6. Qu'une somme n'excédant pas deux mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide à la faculté de droit de l'université Laval, Montréal, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
7. Qu'une somme n'excédant pas deux mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide à l'École de médecine et de chirurgie de Montréal, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
8. Qu'une somme n'excédant pas neuf cent quarante piastres soit accordée à Sa Majesté pour être distribuée aux institutions catholiques en vertu de l'article 444 de la loi scolaire, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
9. Qu'une somme n'excédant pas quatre mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide spéciale à l'université Laval, Québec, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
10. Qu'une somme n'excédant pas neuf mille deux cent quatre-vingt-sept piastres et vingt centins soit accordée à Sa Majesté pour être distribuée aux institutions protestantes en vertu de l'article 444 de la loi scolaire, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
11. Qu'une somme n'excédant pas deux mille quatre cent soixante et dix piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide aux High Schools de Montréal et Québec, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
12. Qu'une somme n'excédant pas trois mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide à l'université McGill, Montréal, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
13. Qu'une somme n'excédant pas douze cents piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide au collège Bishop de Lennoxville, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
14. Qu'une somme n'excédant pas soixante-quinze mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour être distribuée entre les écoles publiques ne se trouvant pas dans les villes ou les cités, conformément aux dispositions des articles 436 et 437 de la loi de l'instruction publique, pourvu que les municipalités concernées payent à leurs instituteurs et institutrices un traitement minimum d'au moins cent piastres, ladite somme ne devant pas être sujette aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 513 de ladite loi, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
15. Qu'une somme n'excédant pas quatorze mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide aux écoles dans les municipalités pauvres, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
16. Qu'une somme n'excédant pas quatre-vingt-cinq mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour les écoles normales, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
17. Qu'une somme n'excédant pas quarante-cinq mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour les écoles normales, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
18. Qu'une somme n'excédant pas deux mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les livres à donner en prix et pour fournitures scolaires, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
19. Qu'une somme n'excédant pas douze mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer aux écoles des sourds-muets, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
20. Qu'une somme n'excédant pas cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer à l'école des sourds-muets, Mile-End, Montréal, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
21. Qu'une somme n'excédant pas quinze cents piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide supplémentaire au comité protestant du Conseil de l'instruction publique, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
22. Qu'une somme n'excédant pas sept mille cinq cent cinquante piastres soit accordée à Sa Majesté pour la publication d'un journal français et d'un journal anglais d'instruction publique, aux conditions et de la manière déterminées par le secrétaire de la province, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
23. Qu'une somme n'excédant pas six cents piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide au musée scolaire, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
24. Qu'une somme n'excédant pas deux mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour le fonds de pension des instituteurs au lieu des retenues sur l'allocation de l'éducation supérieure, en vertu de l'article 513, S. Q., loi scolaire, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
25. Qu'une somme n'excédant pas trois mille cent quarante piastres soit accordée à Sa Majesté, montant transporté de l'éducation supérieure chez les catholiques pour être employé par le secrétaire de la province à l'achat de livres, écrits et imprimés en cette province, pour être distribués comme livres de récompenses dans les écoles supérieures, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
26. Qu'une somme n'excédant pas trois mille cent quarante piastres soit accordée à Sa Majesté au lieu de cinq pour cent autrefois pris de l'éducation supérieure chez les catholiques pour les sourds-muets et les aveugles, pour être distribuée, dans la proportion que le lieutenant-gouverneur en conseil voudra bien déterminer, parmi les institutions catholiques des sourds-muets et des aveugles dans la province, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
27. Qu'une somme n'excédant pas sept mille piastres soit accordée à Sa Majesté au lieu de cinq pour cent autrefois déduit de la part des catholiques dans le crédit des écoles publiques, pour être distribuée, dans la proportion que le lieutenant-gouverneur en conseil voudra bien déterminer, parmi les institutions catholiques des sourds-muets et des aveugles de la province, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
28. Qu'une somme n'excédant pas deux cents piastres soit accordée à Sa Majesté, montant transféré de l'éducation supérieure protestante à l'Association provinciale des instituteurs protestants, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
29. Qu'une somme n'excédant pas onze cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer le coût d'impression du rapport du surintendant de l'Instruction publique, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
30. Qu'une somme n'excédant pas mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer des gratifications aux instituteurs, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
31. Qu'une somme n'excédant pas deux mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide au Monument National, Montréal, sous le contrôle de l'Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal, paiement sujet à un ordre en conseil en ver-tu de la loi 2 Édouard VII, chapitre 7, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
32. Qu'une somme n'excédant pas six cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer la reliure et le renouvellement des archives canadiennes, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
33. Qu'une somme n'excédant pas seize mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses du Conseil des arts et manufactures, y compris l'enseignement des beaux-arts appliqués à l'industrie, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
34. Qu'une somme n'excédant pas vingt mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour défrayer les dépenses du bureau d'hygiène de la province de Québec, 1 Édouard VII, chapitre 19, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
M. Cousineau (Jacques-Cartier) considère que les sommes accordées à l'université Laval, à l'université McGill et au collège Bishop de Lennoxville pourraient bien être augmentées.
M. Mackenzie (Richmond) partage les vues du député de Jacques-Cartier, considérant ces octrois comme inadéquats.
Ces institutions accomplissent du bon travail pour la cause de l'éducation supérieure dans la province et dans le dominion. Les résultats obtenus sont inestimables et elles ne reçoivent pas suffisamment d'appui financier de la part du public et du gouvernement.
Il ne sait pas quelle est la situation financière de l'université Laval car le rapport du surintendant de l'Instruction publique ne contient aucun état financier. Cependant, en ce qui concerne l'université McGill, il constate que, depuis quelques années, les dépenses ont été plus élevées que les revenus et que, pour la dernière année financière, son revenu se chiffre à $500 666, comparé à des dépenses de $534 089, ce qui laisse un déficit de plus de $34 000.
Il est vrai que McGill a reçu de la part de riches citoyens des cadeaux princiers. Mais, dans plusieurs cas, ces cadeaux augmentent grandement les obligations dues à l'entretien et toutes ces obligations rendent encore plus difficiles les devoirs qui incombent aux institutions. De plus, au cours des deux dernières années, McGill a subi deux incendies désastreux qui ont détruit les édifices de deux de ses facultés les mieux équipées. Ce fut une véritable calamité pour la région, mais il a appris que l'on était à restaurer ces édifices sans qu'aucun appel à l'aide publique n'ait été fait.
L'importance de l'oeuvre accomplie par l'université McGill s'évalue facilement si l'on considère que le prix de ses propriétés s'élève à près de $2 000 000 et que le nombre de ses étudiants atteint 1260. On devrait considérer comme un honneur pour la province le fait que le gouvernement soit officiellement associé à l'université. Le subside annuel ne s'élève qu'à $2075, ce qui, dans son ensemble, lui apparaît insuffisant.
Le collège Bishop accomplit aussi du bon travail et son état financier indique un déficit annuel entre ses revenus et ses dépenses. Ses propriétés sont évaluées à $180 000. La population des Cantons de l'Est attache beaucoup d'importance à l'oeuvre de cette université et il estime que le montant versé par le gouvernement, soit $1125, pourrait aussi être augmenté.
Pour toutes ces raisons, il recommande fortement l'augmentation des octrois accordés à l'université Laval, à l'université McGill et au collège de Lennoxville, qui accomplissent une noble tâche pour la province et pour tous les citoyens.
Les résolutions sont adoptées.
Subsides
L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
Adopté.
En comité:
L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose: 1. Qu'une somme n'excédant pas quatre-vingt-dix-huit mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses du département des Terres et Forêts, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
M. Prévost (Terrebonne) s'oppose à la façon dont cet estimé est présenté. Il est trop général et un peu vague. Il aimerait avoir plus de détails. C'est mettre beaucoup de choses en une ligne. Les députés ont le droit de savoir un peu plus en détail ce qu'ils doivent voter. Ce n'est pas comme ça que des estimés doivent être présentés.
Il se plaint aussi du salaire moyen que touchent les agents des terres de la couronne, soit $700 par année. Ce salaire est beaucoup trop bas pour que l'on puisse s'assurer un service loyal et enthousiaste, et il signale le danger qu'il y a à cela, surtout si l'on considère que ces agents doivent souvent décider entre le colon et le marchand de bois dans des questions qui représentent de grosses sommes d'argent pour la province. Il se dit en faveur d'augmenter le salaire accordé aux agents.
L'honorable M. Caron (L'Islet): En plus de leurs salaires, plusieurs agents reçoivent une commission sur la vente de terres.
M. Tellier (Joliette) critique la façon dont se fait le mesurage du bois en vue de la perception des droits de coupe. Le système en vogue dans le département, c'est-à-dire la vérification à vol d'oiseau ou à peu près, par-ci, par-là, est complètement insuffisant. Il ne le croit pas effectif, car plusieurs des mesureurs sont à l'emploi des compagnies. Le gouvernement sait-il que les affidavits produits par les entrepreneurs de coupe de bois sont souvent préparés par les compagnies elles-mêmes?
Des voix: Écoutez!
M. Tellier (Joliette): Le gouvernement sait-il que des affidavits sont assermentés en laissant en blanc le chiffre des billots à déclarer et sur lesquels le gouvernement doit percevoir un droit de coupe? Le gouvernement sait-il qu'un certain nombre de ces affidavits sont préparés au crayon? Certains rapports des mesureurs sont tout à fait fantaisistes. Le gouvernement sait-il que les compagnies font rejeter d'abord quantité de billots dits de rebut qu'elles rachètent ensuite à bas prix, évitant ainsi de payer les droits de coupe sur ces billots?
Des voix: Écoutez!
M. Tellier (Joliette): Je parle de choses dont j'ai eu connaissance parce que tous les ans je suis appelé à régler certaines difficultés entre concessionnaires de limites et sous-entrepreneurs de coupe et j'ai vu aussi bien des fois de braves gens venir me demander s'ils pouvaient assermenter des déclarations préparées d'avance et où on leur faisait dire que la quantité de bois coupé était de tant tandis qu'en réalité elle était le double du chiffre mentionné. Si le département n'est pas fraudé, ce n'est pas parce qu'il se protège efficacement contre les marchands de bois.
Quant au diamètre du bois dont la coupe est permise par la loi, j'ai vu dans certains journaux que l'accusation qu'on coupait en bas du diamètre permis n'a jamais été prouvée. Je ne sais pas ce qui se passe ailleurs, mais je sais bien que, dans ma région, l'on a coupé du bois en bas de ce diamètre et que si le gouvernement voulait faire faire des enquêtes sérieuses il en résulterait un bien immense pour la province. Je sais bien encore que certains propriétaires de limites donnent à leurs employés ou entrepreneurs l'ordre verbal de couper tout le bois qu'il y a sur la terre, quel qu'en soit le diamètre. Il suffirait de faire examiner les chantiers pour constater les infractions à la loi. On serait également édifié en examinant soigneusement les contrats passés entre les possesseurs de limites et les entrepreneurs. Je suis persuadé que ce système est très insatisfaisant et que les intérêts de la province s'en trouvent affectés.
Il est d'avis que la province est souvent fraudée est qu'elle doit perdre de ce chef des sommes considérables chaque année.
M. Prévost (Terrebonne) corrobore la déclaration du chef de l'opposition quant à la coupe illégale du bois et il ajoute que dans la plupart des cas le département fait faire des inspections par des fonctionnaires qui sont à la fois employés du gouvernement et employés des marchands de bois. Il a déjà porté plainte à ce sujet et on a envoyé comme inspecteur M. Graham, un garde-chasse qui est en même temps employé des marchands de bois. Il s'agit de la plainte de M. Henri Parent contre la compagnie McLaren, au lac des Écorces.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Quiconque a lu le rapport de M. Langelier, surintendant des gardes forestiers, ne peut qu'être convaincu que le gouvernement perd des sommes d'argent considérables que l'on utilise pour l'inspection et le mesurage du bois dans la région d'Ottawa.
Il prétend que l'on favorise les compagnies forestières au détriment des colons.
M. Prévost (Terrebonne) attaque l'administration de l'un des agents des terres de la couronne, M. Filion, qui, prétend-il, est beaucoup trop sévère envers les colons et leur apporte beaucoup de problèmes et d'ennuis tout à fait inutiles. Beaucoup de gardes forestiers sont également à l'emploi des marchands de bois.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Ce sont les gardes forestiers qui font le mesurage officiel, sous la surveillance du gouvernement. Il se peut que, vu la somme énorme d'ouvrage à faire, il s'y glisse parfois des erreurs. Mais il ne suffit pas de faire des déclarations générales. Si l'opposition peut suggérer un moyen de mieux contrôler le mesurage, le gouvernement sera heureux de l'appliquer.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) déclare qu'il connaît M. Filion depuis plusieurs années et que ce dernier est un bon et fidèle serviteur du gouvernement. Il proteste énergiquement contre les allégations faites à propos de M. Filion et des autres officiers et aussi contre les insinuations portées au sujet des marchands de bois de la région d'Ottawa. Je connais la plupart d'entre eux personnellement et j'ai toutes les raisons de croire que ce sont des hommes honnêtes et honorables. C'est une grossière injustice de lancer toutes ces accusations contre eux.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Les agents s'y prennent trop tard dans la saison pour compter et mesurer le bois coupé par les marchands de bois. Il arrive souvent, lorsqu'ils commencent après le 1er janvier, que bon nombre de billots soient enterrés sous la neige, tout comme les souches. Il est également vrai, j'en suis convaincu, que plusieurs des officiers de ce département ne se donnent pas beaucoup de peine lorsqu'ils ont à recueillir les rapports et ne font aucun effort, non plus, afin de s'assurer de la fiabilité de leurs rapports.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) soulève une protestation véhémente contre ces insinuations qu'il qualifie de méchantes et méprisables. S'il y a quelque chose que je déteste, c'est bien une attaque aussi mesquine, aussi insignifiante et aussi basse. Si vous avez une seule accusation précise à porter, que ce soit contre les marchands de bois ou contre les officiers du département, eh bien, faites-là, elle sera examinée! Sinon, retirez ces méchantes insinuations que vous portez de façon méprisable contre d'honorables hommes. Nous en avons assez de ce genre de mesquineries.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) réplique en s'élevant contre les montants supplémentaires versés à M. Gendron, agent des terres de la couronne à Hull, et à M. Langelier, surintendant et inspecteur d'agences, pour services rendus. Il est particulièrement cinglant envers M. J.-C. Langelier qui, déclare-t-il, reçoit un salaire encore plus élevé que le premier ministre.
C'est ce même homme qui, tout en étant un employé du gouvernement, a écrit sous la signature de Michonnet, dans le Nationaliste, que le gouvernement perdait $200 000 par année sur des droits de coupe non perçus dans la région de l'Ottawa Supérieur. Cet article était signé Michonnet, mais l'auteur véritable n'est autre que M. J.-C. Langelier, surintendant des gardes forestiers, que son écriture très caractéristique a trahi. Son écriture a été reconnue entre autres par le sénateur Legris. M. J.-E. Bédard, avocat de Québec, était l'intermédiaire entre M. Langelier et le Nationaliste. Voilà donc un employé du gouvernement qui, en secret, dit le contraire de ce qu'il dit officiellement. C'est même un des plus graves reproches qu'il peut faire au Nationaliste d'avoir accepté la prose de cet homme-là1.
L'honorable M. Caron (L'Islet) déclare que les remarques du député de Saint-Hyacinthe ne sont que de simples affirmations qui ne reposent sur aucune preuve. Il n'y a rien qui démontre clairement que M. Langelier a bel et bien écrit l'article en question dans le Nationaliste.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Pas de preuve! Mais le sénateur Legris lui-même a identifié le manuscrit comme étant celui de M. J.-C. Langelier.
L'honorable M. Caron (L'Islet): Le sénateur Legris n'est pas un expert en écriture.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): M. Legris a été membre d'une commission dont M. J.-C. Langelier était le secrétaire et il a eu, par conséquent, l'occasion de connaître le manuscrit de M. Langelier. Mais, si cela ne suffit pas, je puis ajouter que le manuscrit a été remis à M. J.-E. Bédard, avocat de Québec, par M. Langelier, pour être transmis au Nationaliste. Que l'honorable ministre demande à M. Bédard. J'affirme que M. Bédard m'a déclaré à moi-même ce que je viens d'avancer. Que le ministre fasse une enquête et il verra. Il s'en découvrira bien d'autres d'ici cinq ans.
Qu'est-ce que le gouvernement a fait pour remédier à cet état de choses? Le département ne veut pas que ses employés fassent leur devoir. Voici bien une histoire qui montre tout le système. Parmi les gardes forestiers qu'il avait nommés pour l'Ottawa Supérieur se trouvait un nommé Bourgeois, brave homme qui voulut faire une inspection sérieuse de la coupe du bois et on l'a changé de région parce qu'il faisait trop bien son devoir et il a été finalement congédié. L'inspecteur ne commence son inspection que trois mois après que les "cutters" des compagnies ont commencé la leur. Et l'inspecteur est obligé de faire seul, en six semaines, ce que 40 "cutters" des compagnies font dans trois mois. L'inspecteur est forcé d'accepter les rapports des "foremen".
Des voix: Écoutez!
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Autre exemple de l'incurie du département. D'après un procès fameux, ce sont les inspecteurs du gouvernement qui ont agi comme experts des compagnies. C'est le cas pour MM. Filion père et fils ... Il y a quelques années, la compagnie Riordan crut que ses entrepreneurs la fraudaient sur le diamètre du bois et, après les vérifications nécessaires, elle réclama $13 000 de dommages de son entrepreneur Drouin pour lui avoir fourni du bois trop petit. Elle prit pour experts l'agent du département des Terres Filion et son fils, dont le témoignage fit condamner Drouin à $12 000 de dommages. Donc, l'agent Filion savait que le gouvernement avait été fraudé. Est-ce que le gouvernement a jamais poursuivi la compagnie Riordan?
L'honorable M. Caron (L'Islet) prétend toujours que ce ne sont pas des preuves.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Comment, ce ne sont pas des preuves! Nous vous citons des noms, des faits, et vous n'appelez pas ça des preuves?
L'honorable M. Weir (Argenteuil) proteste contre toute insinuation faite sur la probité de M. Filion, qui est mort.
M. Prévost (Terrebonne): Il est évident que le fils a droit de vote et peut être agent d'élection.
Des députés discutent de sommes payées à M. Chrysostôme Langelier. Il s'agit d'un total de $5080.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) critique M. J.-C. Langelier, officier du département, qui gruge de toutes façons. Il a un vrai tempérament de traître. Il met le gouvernement en garde contre ce monsieur qui a trahi tous les régimes, qui s'arrange toujours de façon à soutirer le plus des partis au pouvoir. Il a été, dit-il, une plaie sous le régime Mercier. Pourquoi reçoit-il un traitement total supérieur à celui du premier ministre? Est-ce pour le récompenser d'avoir trahi M. Parent, d'avoir fourni des armes à ses adversaires? Il a trahi M. Parent d'une vile manière, et il trahira le gouvernement actuel le jour où cela fera son affaire. Prenez garde, Messieurs les ministres; qui a bu boira, et qui a trahi trahira.
Il critique les montants payés à différents journaux libéraux à des fins de publicité ou autres. Il demande pourquoi The Toronto Globe a reçu une somme de $3502.
L'honorable M. Caron (L'Islet) dit que, pour l'instant, il ne sait pas vraiment à quelles fins cet argent a été versé.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Moi, je le sais. Il a été payé afin de faire publier le portrait des ministres du Québec, nos beautés provinciales.
M. Prévost (Terrebonne) dit qu'il s'agit d'une série des portraits des ministres.
(L'honorable M. Weir souffle un mot à l'oreille de l'honorable M. Caron.)
L'honorable M. Caron (L'Islet): Le député de Terrebonne était alors ministre et son portrait a dû être publié avec les autres.
M. Prévost (Terrebonne): Si l'honorable ministre persiste à mettre les pieds dans le même plat que le trésorier, il faudra agrandir le plat. Quand l'annonce a été publiée, il y avait huit mois que je n'étais plus ministre.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) s'engage à donner des renseignements supplémentaires à la séance du soir.
Des députés parlent de M. Grenier, du département des Terres.
Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.
The Montreal Tuberculosis Institute
M. Lemieux (Gaspé) propose, appuyé par le représentant de Montréal no 4 (M. Finnie), que l'honoraire payé pour le bill 105 constituant en corporation The Montreal Tuberculosis Institute soit remis, moins les frais d'impression et de traduction, vu que ce bill concerne une institution philanthropique.
Adopté.
La séance est levée à 6 heures.
Troisième séance du 26 mai 1909
Présidence de l'honorable P. Pelletier
La séance est ouverte à 8 heures.
Messages du Conseil législatif:
M. l'Orateur informe la Chambre que le greffier du Conseil législatif a apporté le message suivant:
Le Conseil législatif informe l'Assemblée législative qu'il a voté le bill suivant sans amendement:
- bill 179 amendant la loi de l'instruction publique concernant les commissaires et les syndics d'écoles.
Incident Asselin-Taschereau
M. Sauvé (Deux-Montagnes) soulève une question de privilège relativement à l'arrestation et la condamnation d'Olivar Asselin pour assaut, dans l'enceinte de l'Assemblée législative, sur la personne d'un ministre de la couronne.
Malgré tout ce que je pourrais dire sur la façon dont les journalistes sont traités sous le régime actuel, les journalistes qui, pourtant, rendent de grands services à leur pays, aux hommes publics, aux hommes politiques, je me garderai de faire du sentiment et, pour ne pas écouter la voix du coeur, je ne considérerai pas Asselin comme camarade de carrière, mais plutôt comme simple sujet britannique. Il a droit au fair- play et à la protection que la constitution qui nous régit est supposée accorder à tous les sujets de Sa Majesté.
L'ordre du jour annonce que le député de Bellechasse (M. Galipeault) proposera qu'attendu que, le 19 mai courant, l'honorable ministre des Travaux publics et du Travail (M. Taschereau) a été assailli par un nommé Olivar Asselin dans l'enceinte des bâtisses parlementaires, cette Chambre émette l'opinion que cet assaut constitue un grave attentat aux privilèges des députés de cette Chambre. Donc, les ministériels ne me reprocheront pas de parler encore de cet incident.
Quels sont les faits? Le 19 mai, j'ai demandé au président de la Chambre et au procureur général des renseignements au sujet de l'arrestation d'Asselin. Le président de la Chambre (l'honorable M. Pelletier), le procureur général (l'honorable M. Gouin) et le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) ont fourni des explications à la Chambre. Cependant, certaines de ces explications ont été contredites par le magistrat Chauveau, dans une entrevue donnée aux journaux par l'honorable Louis-Philippe Pelletier, ancien procureur général de la province.
Le président de la Chambre déclare qu'il n'a pas eu connaissance de l'incident Taschereau-Asselin et qu'il n'a rien eu à faire avec l'arrestation et l'incarcération d'Asselin. Et, cependant, l'avocat de ce dernier a eu toutes les peines du monde à voir son client, enfermé dans les oubliettes du parlement. Or, dans l'entrevue de l'honorable M. Pelletier parue dans l'Action sociale, il est dit que l'honorable juge Chauveau avait déclaré à M. Pelletier qu'Asselin n'était pas son prisonnier, mais bien le prisonnier de l'Orateur et que l'accusé avait été emprisonné par ordre de l'Orateur. Ce dernier nia qu'il eût donné un ordre semblable et renvoya M. Pelletier au premier ministre. Après un échange de pourparlers entre MM. Gouin, Taschereau et Lanctôt, dit M. Pelletier, on jugeait bon de me renvoyer de nouveau devant le juge Chauveau. Où est le vrai dans cette affaire? C'est pourquoi il croit que la Chambre a le droit d'attendre de plus amples renseignements.
Il cite encore l'opinion de l'honorable Louis-Philippe Pelletier, qui déclare que l'arrestation d'Asselin était illégale et que les procédés employés pour l'arrestation d'Asse-lin et pour refuser de l'admettre à caution étaient iniques et contraires à toutes les lois canadiennes et britanniques. La conduite du gouvernement dans cette affaire est vivement critiquée par l'opinion publique.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Quelles sont ces déclarations du ministre des Travaux publics?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Les voici: "J'ai été assailli hier soir. Le policier qui a arrêté Asselin et l'a mis au cachot a agi comme le font tous les policiers qui sont témoins d'une agression. M. Asselin, pris sur le fait, n'avait pas besoin de mandat pour être incarcéré."
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Où prenez-vous cela?
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Dans L'Action sociale.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Ah! Ce n'est pas étonnant. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): C'est un journal que l'honorable ministre s'est plu à citer en plusieurs circonstances. En tout cas, si ce rapport est faux, l'honorable ministre ne l'a jamais rectifié.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si l'honorable député croit que je vais rectifier tout ce qu'il y a d'inexact dans l'Action sociale, il se trompe, j'ai autre chose à faire. S'il fallait rectifier tout ce qu'il y a de faux dans ce journal, ça prendrait tout notre temps.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): L'honorable ministre a déclaré sur le parquet de la Chambre que M. Asselin avait été arrêté par le policier témoin de l'affaire et il n'a pas contredit le témoignage du journal qui a rapporté ses paroles. Cependant, tous les témoignages, à part le sien, s'accordent à dire qu'aucun policier n'était présent. Il ne veut pas croire que l'honorable ministre a trompé la Chambre, mais il trouve que sa version diffère sensiblement de toutes les autres. Il veut savoir du premier ministre s'il est vrai que l'arrestation d'Asselin était illégale, le constable n'ayant pas été témoin de l'incident, et s'il est vrai surtout que le magistrat attendait ses instructions du procureur général.
Je demanderai à l'honorable procureur général si un constable peut arrêter un homme pour assaut lorsqu'il n'a pas été témoin de cet assaut, ou encore lorsqu'il est sans mandat d'amener. En vertu de quelle autorité le procureur général est-il intervenu dans cette cause en donnant des instructions au juge Chauveau? Car le juge a dit à M. Pelletier qu'en refusant le cautionnement il agissait selon les instructions reçues. Le procureur général avait-il ce droit? Il serait intéressant de savoir si ce dernier a l'habitude d'entraver ainsi l'administration de la justice. Le juge aurait-il dû se laisser ainsi influencer par une force oppressive? Je demanderai aussi à l'honorable procureur général pourquoi on a refusé le cautionnement d'Asselin, pourquoi on l'a accepté ensuite et pourquoi on a empêché d'abord l'avocat d'Asselin de communiquer avec son client.
Il demande si c'est le procureur général qui a permis à l'avocat de M. Asselin de ne le voir la nuit de l'assaut que pendant cinq minutes.
Je ne suis qu'un modeste journaliste et je ne sais plus si nous sommes en sécurité maintenant et si un journaliste n'est pas exposé à être jeté en prison et gardé au secret à l'heure à laquelle il s'y attend le moins. Puisque Asselin était accusé d'assaut sur un député, comme le déclare le magistrat Chauveau, pourquoi n'a-t-il pas été cité à la barre de la Chambre? Je ne veux pas critiquer dans cette circonstance le jugement de l'honorable M. Chauveau prononcé contre Asselin. Mais ce que je trouve étrange, ce sont les procédés que l'on a employés avant le procès et c'est la scandaleuse servilité d'un magistrat de police vis-à-vis du procureur général; c'est le pouvoir dictatorial que s'arroge ce dernier. Il s'agit de savoir s'il y a une loi ou bien si tout doit être mené au gré des haines et des rancunes d'un homme. Et il est abominable que les plus ardents défenseurs des voleurs Gaynor et Greene aient été en même temps les plus féroces persécuteurs du journaliste Olivar Asselin.
Législateurs, nous avons le droit de savoir si la justice doit être administrée suivant les lois de notre pays; c'est notre devoir de savoir si un juge doit agir suivant la loi ou selon les caprices, la haine, la vengeance ou le favoritisme d'un procureur général ou d'un premier ministre. Je voudrais savoir si Asselin, en Cour de police où il avait raison de croire y trouver un asile sacré pour se protéger contre la fureur de ceux qui le poursuivaient de leur haine, a trouvé là un bouclier ou, plutôt, s'il n'y a pas trouvé un glaive d'avance fourbi et qui devait être tourné contre sa poitrine.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) est heureux que le député des Deux-Montagnes lui ait donné l'occasion de faire certaines déclarations relativement à cette affaire puisque cela va lui donner l'occasion de rectifier des faits qui ont été assez grossièrement infirmés dans certaines interviews publiées par certains journaux. Pendant la séance qui a été suivie de l'incident qui occupe cette Chambre, ce soir, j'ai eu occasion de référer aux témoignages qui ont été rendus lors de l'enquête de la commission royale.
Asselin veut à tout prix que j'aie affirmé que lui, Asselin, était dans la maison du no 477a, rue Saint-Denis, le jour où le faux télégramme a été envoyé ou reçu. Je n'ai jamais dit cela. Juste avant cet incident j'ai eu l'occasion, lors de mon discours sur l'Abitibi, de lire des extraits du témoignage de Mme Tremblay, de Mlle Tremblay et de Mathys. Au cours de ce témoignage, il a été dit qu'au cours d'octobre 1907 M. Asselin s'était retiré dans la maison de Mme Tremblay, rue Saint-Denis, pendant que des officiers étaient à sa recherche. Et il y est resté pendant quatre ou cinq jours. Le 31 octobre3, un faux cablôgramme a été envoyé de Montréal sous le nom du premier ministre et adressé à M. De Jardin en Belgique, où l'on demandait que la réponse soit expédiée à la maison de la rue Saint-Denis. Il démontre ensuite que cette date correspondait à la date où M. Asselin avait demeuré dans la maison de Mme Tremblay.
Je ne veux pas tenir la Chambre longtemps sur ce point; je veux tout de même établir que j'ai dit la vérité et l'exacte vérité. Je me suis contenté de lire les passages suivants des témoignages de Mme Tremblay et de Mlle Tremblay.
Voici d'abord le texte du fameux câblogramme adressé à M. De Jardin:
Montréal, 31 octobre
Ne pourriez-vous pas me câbler une dénégation de la correspondance échangée entre vous et M. de l'Épine, affaire Abitibi? L. Gouin, adresse privée: 477a, rue Saint-Denis.
C'était donc bien au no 477a qu'était attendue la réponse. Or n'est-ce pas, d'après les témoignages entendus à l'enquête de la commission royale sur l'affaire d'Abitibi, dans cette même maison qu'Asselin a pensionné pendant quelques jours en octobre 1907? Les témoins vont répondre:
Mme veuve Louis Tremblay, 477a, rue Saint-Denis:
Q. M. Asselin a-t-il demeuré chez vous, Madame, dans le mois d'octobre dernier?
R. M. Asselin a demeuré quatre ou cinq jours chez nous, si je me rappelle bien.
Q. M. Olivar Asselin?
R. Oui.
Q. Le directeur-gérant du Nationaliste; vous le connaissez bien, n'est-ce pas?
R. Je ne le connais pas pour dire sa profession; je sais que c'est un homme qui travaille au Nationaliste.
Q. Et votre fille Alma est sténographe pour lui?
R. Oui.
Q. Il est resté quatre ou cinq jours chez vous?
R. Oui (page 141 du rapport officiel de l'enquête).
Page 143:
Q. Maintenant, vous savez que M. Asselin dans ce temps-là avait un procès ici, à Québec?
R. Oui, je le savais.
Q. Qui vous avait demandé pour qu'il pensionne chez vous, est-ce lui?
R. C'est ma fille, monsieur.
Page 144:
Q. Est-ce qu'elle vous a dit pourquoi il venait chez vous?
R. Eh non!
Q. Avez vous vu sur les journaux, dans le temps, que M. Asselin avait un procès à Québec?
R. Oui, je le savais.
Q. Avez-vous vu sur les journaux que M. Asselin était recherché pour ce procès-là?
R. Oui, je l'ai vu.
Q. Est-ce dans ce temps-là que vous l'avez reçu chez vous, n'est-ce pas, Madame?
R. Oui, monsieur.
Page 146, Mme Tremblay raconte qu'à la Toussaint un télégramme lui fut apporté à l'adresse de M. Gouin et qu'elle refusa de le recevoir.
Page 149, interrogée si elle n'avait pas parlé à ses enfants de ce télégramme, elle répond: Eh bien, je vais vous dire la vérité! Ma fille m'avait dit: Il va venir un télégramme, maman, vous le recevrez.
Q. Votre fille Alma?
R. Oui; ensuite, ma fille m'a dit: Si ce télégramme-là vient, renvoyez-le. D'abord, je lui avais dit, moi: Si le télégramme vient, je le renverrai. Je n'ai pas d'affaire à cela.
Mlle Alma Tremblay, entendue ensuite, confirme le fait du séjour temporaire d'Asselin au no 477a, rue Saint-Denis et, à la page 160, raconte qu'à la fin d'octobre elle avait reçu chez elle un télégramme lui annonçant qu'un télégramme devait venir à la maison.
Page 161:
Q. Voulez-vous dire, sous votre serment, si vous avez reconnu la voix qui vous téléphonait?
R. Oui, Monsieur.
Q. Vous l'avez reconnue?
R. ...
Q. Voulez-vous dire, sous votre serment, de qui était cette voix-là?
R. Je crois que c'était M. Mathys.
Page 163:
Q. J'ai compris que vous aviez dit qu'après ce téléphone vous étiez passée chez M. Mathys?
R. Oui ...
Q. Il vous a dit lui-même, M. Mathys?
R. Oui, qu'un télégramme allait arriver chez nous à l'adresse de M. Gouin.
Q. De M. Gouin, premier ministre?
R. Je ne sais pas, je pense qu'il n'y en a qu'un.
Q. Vous saviez qu'il s'agissait de M. Gouin, premier ministre?
R. Oui. Alors, je m'en suis retournée chez nous en pensant à ce que cela pouvait être. Je l'ai dit à maman, et maman a dit que ce télégramme irait à Québec.
Page 164:
Q. Ce M. Mathys, est-ce qu'il y avait longtemps que vous le connaissiez?
R. Je crois que je le connais seulement depuis que je suis au Nationaliste; mais je le connaissais avant, parce qu'une de mes soeurs a affaire avec Mme Mathys.
Page 165:
Q. Vous le connaissiez dans le temps qu'il vous a téléphoné?
R. Certainement.
Q. Puisque vous avez reconnu sa voix dans le téléphone?
R. Oui ...
Q. Et c'était au Nationaliste que vous le voyiez?
R. Je ne lui ai jamais parlé au Nationaliste.
Q. Mais c'est là que vous le voyiez?
R. Oui.
Q. Quand vous le voyiez, c'était lorsqu'il était en communication avec M. Olivar Asselin, n'est-ce pas, au Nationaliste?
R. Oui.
Ainsi, c'est M. Mathys, l'ami d'Asselin, qui a prévenu la sténographe de ce dernier qu'un télégramme adressé à M. Gouin viendrait au no 477a, rue Saint-Denis, précisément la maison où Asselin avait pensionné lorsqu'on le recherchait pour son procès pendant le terme d'octobre de la cour criminelle à Québec.
Nous avons, noir sur blanc, le témoignage de Mme Tremblay, celui de sa fille et celui de Mathys où il est dit que M. Asselin pensionnait chez Mme Tremblay au mois d'octobre 1907, lorsque le faux cablôgramme fut expédié. M. Asselin a dit qu'il n'était pas dans cette maison lorsque la réponse fut reçue. Je suis prêt à accepter sa déclaration. D'ailleurs, je n'ai jamais dit qu'il était exactement là lorsque la réponse fut reçue. Je me suis contenté de citer le témoignage de Mme Tremblay à l'enquête.
Passons maintenant aux reproches du député des Deux-Montagnes (M. Sauvé). Se basant sur une opinion de l'honorable L.-P. Pelletier, il dit que l'arrestation de M. Asselin n'a pas été faite légalement. J'ai beaucoup de respect pour l'honorable L.-P. Pelletier, mais j'en ai encore plus pour le code criminel. L'article 47 du code est assez clair. L'autre soir, quand cette brutale attaque fut portée contre moi, j'ai appelé un constable pour faire arrêter M. Asselin, comme j'avais parfaitement le droit de le faire d'après l'article 47 du code criminel qui édicte que tout officier de la paix est justifiable de recevoir sous sa charge une personne coupable d'un bris de la paix quand cette personne a commis un délit, à la condition qu'on la remette le lendemain entre les mains d'un magistrat de police. L'officier avait absolument droit d'arrêter M. Asselin puisque, effectivement, il avait troublé la paix par un assaut. De plus, une plainte a été déposée dans le délai voulu, le lendemain matin. Il n'y a là aucune illégalité.
M. Tellier (Joliette): Il s'agit de la paix publique.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si un assaut n'est pas un bris de la paix publique, je ne sais pas ce que c'est. D'ailleurs, l'homme n'a été arrêté qu'à la condition qu'il serait remis avant midi, le lendemain, entre les mains d'un juge de paix. C'est ce qui a été fait. Je pourrais citer aussi les articles 648, 642 et 6524 qui justifient ma manière d'agir. Le député des Deux-Montagnes a donc tort de parler d'illégalité et d'accuser le juge Chauveau. Il proteste contre l'appréciation violente que l'honorable député des Deux-Montagnes a faite de la sentence prononcée par l'honorable juge Chauveau.
Le député des Deux-Montagnes nous a parlé de la scandaleuse servilité du juge Chauveau. M. Chauveau n'a attendu d'instructions de personne et le procureur général n'est intervenu en aucune façon. M. Chauveau n'a fait que son devoir; M. Asselin a été condamné sur son plaidoyer de culpabilité. Où se trouve la servilité? On ne saurait trouver de meilleures preuves de l'esprit qui anime mon assaillant et ses amis qui l'appuient, les nationalistes, lorsqu'en pleine Chambre on entend un député parler ainsi contre l'un des juges les plus respectés. Quand un député fait de telles déclarations sans fondement, sans y avoir réfléchi, à la mode nationaliste, il devrait rougir de sa conduite.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Avant de rougir, je voudrais savoir pourquoi le juge a attendu les instructions du procureur général. L'honorable juge a-t-il coutume de s'adresser à l'honorable procureur général avant de rendre ses jugements?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'exige que le député déclare de son siège de quelle façon le juge s'est jamais adressé au procureur général. Quand le député dit que le procureur général est intervenu de quelque façon, il est - c'est le moins qu'on puisse dire - dans l'erreur.
M. Tellier (Joliette): La chose est patente, d'après le texte même du jugement. Le procureur général est intervenu par l'intermédiaire de M. Davidson, son substitut.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si le député des Deux-Montagnes mettait le code sous son oreiller et se couchait dessus, il serait mieux renseigné sur la question.
M. Sauvé (Deux-Montagnes): Est-ce ainsi que l'honorable ministre fait ses études et est-ce après avoir passé une nuit couché sur le code qu'il croit comprendre les questions légales et qu'il interprète la légalité de l'arrestation d'Asselin?
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): J'étais en cour lorsque la cause fut plaidée. M. Davidson n'est intervenu qu'au nom du ministère public pour dire que le coupable devait être puni et cela, après que l'accusé eût admis sa culpabilité. Comme résultat de cet incident, la bonne presse de Québec, ce pieux journal qui a nom L'Action sociale, a profité de cet incident pour m'attaquer de la manière la plus violente. Il prétend que l'Action sociale a indirectement cherché à défendre le geste d'Asselin en insinuant à tort qu'il y aurait eu provocation de sa part.
Je n'ai pas à dire comment ce journal a été fondé. Je n'ai pas à lire ses prospectus. Je n'ai pas à dire d'où proviennent ses fonds. Je n'ai pas à dire comment il paie ses dividendes. Je ne veux pas dire comment il peut faire concurrence aux autres journaux qui doivent gagner, je dirais, leur vie par leurs propres ressources. Oui, ce journal fondé pour le maintien des grands principes et dans le but précis de sauvegarder l'ordre moral et qui a pour devise: "Instaurare omnia in Christo" prêche la révolte dans son édition de ce soir et d'hier.
Il prêche la discorde et l'illégalité sous le couvert de la religion. Il ne peut certainement pas prouver que ses avancés sont encore inspirés par l'autorité que nous respectons tant ici. Lui, le journal des bons principes, l'organe de l'autorité religieuse, a fait tout ce qu'il a pu pour justifier l'assaut dont j'ai été victime, par les articles les plus infâmes et d'un parti pris outrancier, et dont la perfidie sent à 100 lieues l'école maudite qui les a inspirés, mais le gouvernement ne s'en porte pas plus mal et ne redoute pas les attaques hypocrites d'un journal prétendu religieux. Il est dit que ce journal est supposément contrôlé par les autorités religieuses, mais il peut difficilement croire cela car ce même journal a fait tout ce qu'il pouvait afin de lui causer du tort.
Il est facile de reconnaître à quelle école maudite appartient ce journal. Il appartient à cette école qui a été enfouie sous terre et qui depuis quelque temps a fait de nouveau son apparition. Je reconnais là l'école maudite, à laquelle appartiennent ces gens, qui, sous les dehors de la religion et le manteau de ceux qui l'abritent, cache ce qu'il y a de plus bigot et de plus cafard, attaque tous les membres de cette Chambre, et plus particulièrement les députés libéraux. Ce journal a fait de son mieux afin de remplir sa mission secrète. Le jour viendra où le mépris des honnêtes gens fera justice de cette feuille, de la lutte qu'on fait aujourd'hui au Parti libéral. Un jour viendra où les doctrines prêchées aujourd'hui retomberont sur ceux qui inspirent peut-être ce journal-là. Cette feuille et ceux qui l'inspirent ne réussiront pas dans leur mission. Le premier ministre a déjà vu d'autres luttes de ce genre et il est encore debout. Le Parti libéral est plus fort qu'il n'a jamais été. D'ailleurs, je suis en bonne compagnie.
Certaines de ses attaques ont été dirigées contre plusieurs des familles les plus respectées au Québec et d'autres partisans de cette même école n'ont pas hésité à attaquer les membres de ma propre famille (les Taschereau) qui ont joué un grand rôle dans l'Église de ce pays et qui ont été attaqués et traînés dans la boue par cette petite école, et ils l'ont abattue. Nos détracteurs sont rentrés sous terre jusqu'au jour où ils ont cru qu'ils pouvaient relever la tête. Si elle croit pouvoir recommencer l'oeuvre du passé, elle peut être certaine que tous les assauts et toutes les attaques de cette presse ne réussiront pas à atteindre le résultat que l'on cherche et le journal en question succombera sous le mépris populaire. Toutes les attaques de cette presse nous laisseront absolument froids. Je remercie encore le député des Deux-Montagnes de m'avoir donné l'occasion de donner ces explications.
Quant à M. Asselin, il est à purger sa sentence dans la prison commune du district et il n'a pas à discuter sa conduite.
M. Cousineau (Jacques-Cartier) déclare qu'il était absent quand l'incident a eu lieu, et il veut en parler sans avoir aucune sympathie pour personne. Si le débat se résumait à un différend entre le ministre des Travaux publics (l'honorable M. Taschereau) et M. Asselin, il se tairait. Mais dans le jugement le magistrat a déclaré que l'assaut était des plus graves parce qu'il avait été commis par un journaliste sur la personne d'un député. Alors, il croit que cet incident, si on en fait une question de privilège, comme l'a fait d'ailleurs le juge Chauveau, aurait dû être réglé devant cette Chambre et cela aurait été la seule procédure à prendre.
Cette opinion est celle de Bourinot et de May, et de beaucoup d'autres maîtres en droit parlementaire. Il regrette beaucoup l'assaut commis sur la personne du ministre des Travaux publics (M. Taschereau), mais, comme le juge a considéré que cet assaut avait été porté sur un député de la législature lorsqu'il a condamné M. Asselin, cela prouve que cette cause aurait dû être jugée par la Chambre et que M. Asselin aurait dû être convoqué à la barre de la Chambre. Le tribunal en rendant jugement pour un assaut commis contre un député en cette Chambre a empiété sur les droits de la députation.
Il croit de son devoir de jeter un peu d'huile sur les flots bouleversés. Il exprime le regret que le ministre des Travaux publics ne se soit pas montré au-dessus de cette attaque, et il aurait dû l'oublier. Il croit que le député de Montmorency a manqué une superbe occasion de se montrer magnanime en ne tenant pas compte de l'insulte d'Asselin. Il croit que le ministre des Travaux publics se serait grandi aux yeux de tous les gens sérieux, de la saine opinion. Souvent, un homme se grandit beaucoup plus à oublier qu'à traîner son assaillant devant les tribunaux et à le faire condamner. Dans tous les cas, nous sommes en face de cet étrange état de choses, qu'un individu coupable d'avoir vidé la dignité de cette Chambre est jugé par un autre tribunal. Si le député de Montmorency tenait à faire punir M. Asselin, c'était son devoir de citer l'accusé devant cette Chambre. Un homme qui comparaît à la barre de la Chambre peut être condamné à un emprisonnement, mais la détention cesse à la prorogation des Chambres.
Il croit qu'il n'est pas juste pour la famille de M. Asselin et pour la liberté de la presse de traiter M. Asselin comme on le fait actuellement.
Il termine en disant qu'il croit que l'acte de M. Asselin n'est pas plus répréhensible que la manière qu'on a traité l'accusé, en violant tous les principes des lois britanniques. Quelque brutale qu'ait été l'attaque de M. Asselin, il eût mieux valu la subir en homme. Les journalistes attaqués en Chambre devraient avoir le droit de se défendre devant la députation. Celle-ci traiterait certains actes avec encore plus de sévérité que ne l'a fait l'honorable juge Chauveau. Mais, alors, on aurait un tribunal compétent dans l'espèce.
M. Mousseau (Soulanges) trouve étrange cette sentimentalité autour du cachot d'Asselin. Il raille le député de Jacques-Cartier qui en appelle à la clémence du député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau). Il ne veut pas qu'on réveille dans cette province la sentimentalité maladive qui, en France, a valu à un Soleillant d'échapper à la guillotine. Comme on a fait du sentimentalisme autour de Soleillant, dit-il, on veut en faire autour d'Asselin. On oublie la victime pour s'apitoyer sur l'assassin. Je suis de ceux qui croient que le pardon efface bien des taches, mais l'indulgence ne doit pas être de la faiblesse: il faut des exemples. Le député de Montmorency n'avait pas le droit d'ignorer l'injure; elle n'était pas sienne. Laisser impunis de tels actes, c'est les encourager.
Il ne voit pas en quelle manière le tribunal, en condamnant l'auteur d'un assaut, ait violé les privilèges de cette Chambre qui, par ailleurs, a censuré l'acte d'Asselin. Il ne croit pas que la justice de notre pays peut empêcher un homme de comparaître devant deux tribunaux pour la même offense. L'assaut relève à la fois de la Chambre, dont M. Asselin a violé les privilèges, et de la Cour de police, pour infraction à la loi. La Cour de police a condamné le coupable. La Chambre se prononcera à son tour sur la question, par une motion qui doit être proposée à cet effet. Ces bons journaux nés sous les auspices du pacifisme le plus parfait et qui ne défendent que les bonnes causes, qui s'abritent sous la devise "Instaurare omnia in Christo" ont, par une singulière dérive de leurs principes, applaudi à cet esclandre. Dans l'Action sociale de ce soir, on trouve, dans un langage clair, l'approbation de l'acte d'Asselin.
Il cite les passages suivants: "Il semble que je ne me suis pas prononcé sur les mérites ou les démérites de M. Taschereau, mais seulement sur le danger qu'il y aurait d'admettre cette théorie du règlement des conflits d'opinion par la violence. Les gens n'attendraient pas toujours d'avoir la raison et la justice de leur côté pour utiliser un pareil moyen et tous n'auraient pas la modération de s'en tenir aux tapes de bonne compagnie."
"Est-ce à dire que M. Taschereau ne méritait pas de châtiment? Ce serait pousser la conséquence un peu loin, et nous ne croyons pas que condamner un acte de violence soit absoudre du même coup celui qui en est la victime."
"Si, comme l'affirme M. Asselin, quand M. Taschereau a prononcé les phrases qui ont été interprétées comme une affirmation de la présence d'Asselin au 477a, rue Saint-Denis, lors de l'affaire de câblogramme, il avait sous la main la preuve du contraire, il a pu faire acte d'avocat retors, mais il a commis une vilenie, et cette vilenie s'est doublée d'une lâcheté lorsqu'il a refusé de répéter ses insinuations dans un endroit où on pouvait lui en demander raison. Mais l'ex-directeur du Nationaliste pouvait trouver dans son intelligence et sa plume les ressources nécessaires pour confondre son adversaire autrement que par une gifle."
"Nous comprenons qu'il ait éprouvé de la satisfaction à frapper la bouche dont il venait d'entendre tomber des paroles qu'il jugeait contraires à la vérité. Mais l'explication d'un fait n'en est pas la justification."
Un acte brutal reste toujours un acte brutal; ne pouvant justifier Asselin et lui mettre au front l'auréole de l'innocence, le pieux journal trouve moyen de l'excuser et d'en faire un martyr. Par une curieuse évolution, le journal aux bons principes demande si le député de Montmorency méritait le châtiment qu'il a reçu; ce n'est pas Asselin qui est châtié, c'est le ministre des Travaux publics. C'est là une fumisterie indigne: la victime pour ce journal, c'est Asselin; c'est celui qui donne le coup de poing. Vous voyez à quelles pirouettes, à quelles tergiversations, à quels tours de force l'auteur de l'article, que je n'ai pas besoin de nommer parce qu'il doit se reconnaître, se livre pour arriver à ses fins, pour arriver à transformer en "tape de bonne compagnie" la tape d'un goujat. Il serait temps d'ouvrir le parapluie de la convenance pour s'abriter contre de pareilles méthodes. Il faut être rendu à un degré d'aberration bien extraordinaire pour en arriver là; mais c'est bien conforme à leur manière d'agir.
Des feuilles nées sous le geste bénisseur de nos évêques et censées être l'expression autorisée de la stricte pensée chrétienne tiennent dans leur page éditoriale un langage contre la morale et la décence. Ce qui m'étonne, c'est que des feuilles comme celles-là, et entretenues comme celles-là, puissent contenir dans leurs pages l'outrage le plus considérable aux bonnes moeurs et à la décence. Cette Chambre devrait, dans un prochain bill, enlever à ces gens de l'Action sociale le droit de tenir une plume quand ils la souillent par de pareils excès. Il est réellement honteux que de pareils procédés existent en ce siècle. Existe-t-il tant de fiel dans l'âme des dévots! Je ne crois pas que des journaux comme ceux-là, qui n'expriment que des opinions d'arriérés, puissent réussir. Aussi, les signes de la décadence de celui-là sont-ils déjà apparents, surtout à Montréal. Heureusement qu'on commence à s'y connaître, et personne n'est étonné du peu de succès rencontré par l'Action sociale. Ce journal s'était établi à Montréal sous les meilleurs augures; il avait reçu un accueil sympathique. Grâce à sa duplicité, il a été obligé de se retirer.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): La Chambre a dû se munir de parapluies pour recevoir tous les qualificatifs du député de Soulanges. Il en pleuvait à obscurcir le soleil. Les députés de la droite ont essayé de changer le sujet de la discussion. À les entendre on dirait qu'il s'agit de faire le procès de l'Action sociale et, cependant, il s'agit tout simplement de savoir si l'affaire Asselin était du domaine de la Chambre ou si elle était du domaine de la Cour de police. Tous les discours prononcés avant le sien n'ont en rien avancé les choses. Le Soleil et le Canada ont mis leurs lecteurs sous l'impression que M. Asselin était au no 477a, rue Saint-Denis, quand le faux câblogramme a été adressé à M. De Jardin. M. Asselin n'était pas chez Mme Tremblay à la date où fut envoyé le faux télégramme.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) a simplement dit, déclare-t-il, que M. Asselin avait passé plusieurs jours à la maison où devait être adressée la réponse au télégramme. Prétendez-vous que le câblogramme est parti du no 477a, rue Saint-Denis?
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Cela n'a pas d'importance: ce qui est important, c'est le degré de culpabilité d'Asselin: pourquoi il a été arrêté, pourquoi il n'a pas été relâché sous caution, etc. L'acte de M. Asselin est répréhensible, mais il n'est pas si coupable que ça. Il s'agit de savoir si, oui ou non, la loi a été suspendue pour permettre à quelqu'un d'assouvir sa petite rancune. Il lui semble que le travail des tribunaux et des fonctionnaires judiciaires a été gêné afin d'assouvir une vengeance personnelle et politique.
Examinons les faits. Le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) a été injuste envers M. Asselin en lisant dans son discours une partie seulement du témoignage de Mme et Mlle Tremblay; il a soigneusement évité de lire celle qui établissait que, lorsque arriva le faux câblogramme, il y avait 15 jours que M. Asselin avait quitté la maison Tremblay. Mais l'honorable ministre des Travaux publics, dans la plénitude de son courage, parlant d'un homme qui n'avait pas l'immunité parlementaire, se sentant, lui, bien à l'abri, a lâchement décoché l'insinuation.
L'honorable M. Taschereau (Montmorency): L'honorable député n'a pas le droit de dire cela. Je lui demande de retirer ses paroles injurieuses. J'ai déclaré qu'au mois d'octobre 1907 Asselin s'était retiré chez Mme et Mlle Tremblay et qu'il nous fallait accepter le témoignage dans lequel il disait n'être pas là quand le câblogramme arriva.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Je retire le mot "lâchement" et j'y substitue "courageusement", mais je ne serai pas cru. Seulement, l'honorable ministre n'avait pas besoin du témoignage d'Asselin puisqu'il était absent depuis 15 jours. Ce fait est établi par le témoignage de Mme et Mlle Tremblay que l'honorable ministre a "oublié" de citer. Une autre insinuation, pire encore, dans laquelle l'honorable ministre a reflété sa belle âme, c'est celle-ci: Asselin allait coucher chez sa sténographe. J'ai entendu alors dans la députation ministérielle le grognement que des gens qui ont le coeur fait d'une certaine façon font entendre lorsqu'il se tient des propos grivois. Et l'honorable ministre a trouvé ça beau!
L'honorable M. Taschereau (Montmorency) s'élève contre cette insinuation. J'ai simplement dit que M. Asselin logeait chez Mme Tremblay, mère de sa sténographe.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Dans ces choses-là, c'est le ton de la voix qui fait tout, et le petit grognement d'intelligence qui s'est élevé de la droite a dû convaincre l'honorable ministre qu'il avait été compris.
Il fait ensuite une peinture de l'assaut. Asselin n'était pas plus excusable que ne le fut jadis l'honorable Adélard Turgeon lorsqu'il renversa sur le parquet de la Chambre M. Fitzpatrick qui est aujourd'hui juge en chef de la Cour suprême. Maintenant, l'arrestation a-t-elle été légale? Asselin a-t-il joui de tous les droits accordés aux prisonniers sujets britanniques? Mais les procédés auxquels on a eu recours contre lui (Asselin) sont ceux de Russie. Par exemple, on a refusé d'admettre Asselin à caution; on ne lui a pas permis de s'entretenir avec personne. Les méthodes dont on s'est servi pour maintenir Asselin au secret sont sans exemple depuis 50 ans. Le président de la Chambre déclare qu'Asselin a été arrêté et incarcéré sans son ordre, il doit conférer avec le premier ministre avant d'accorder à M. Alleyn Taschereau une entrevue de cinq minutes avec le prisonnier. À la séance du matin, le député de Montmorency déclara qu'il s'agissait d'assaut simple et que le cas relevait de la Cour de police. M. Pelletier et moi, nous avons été voir M. Chauveau, qui est le juge en cette cour, pour faire admettre Asselin à caution, et le magistrat déclara qu'il ne pouvait recevoir aucun cautionnement sans la permission du procureur général et qu'il n'accepterait comme caution que des propriétaires responsables. On agissait donc envers Asselin, accusé d'un simple assaut, avec autant de sévérité qu'envers un meurtrier. Alors, M. Pelletier se rend chez M. Lanctôt, assistant procureur général, et ce dernier déclare qu'il ne peut rien faire sans voir son grand chef et renvoie M. Pelletier de la juridiction de la Chambre à celle du juge Chauveau et vice versa. Le chef apparaît et déclare que l'accusé est le prisonnier de M. Chauveau. Pour empêcher le cautionnement de M. Asselin on nous renvoie de celui-ci à celui-là. Finalement, après 24 heures, on met Asselin en liberté sous caution.
Maintenant, M. Chauveau a basé son jugement sur le privilège du député. Est-ce au magistrat à se prononcer sur les privilèges de la Chambre? Cela ne doit pas être, et c'est la Chambre elle-même qui doit se prononcer lorsqu'il s'agit de son honneur. Le député de Montmorency, qui avait reçu une tape d'un homme de 118 livres, a réussi, le lendemain, à se faire présenter une superbe gerbe de roses. Le député de Soulanges (M. Mousseau) a déclaré que la Chambre allait maintenant s'occuper de cette affaire Asselin en se basant sur le jugement qui déclare qu'il s'agit du privilège d'un député.
Quant au jugement du juge Chauveau, il déclare qu'il ne le qualifiera pas de la même manière que M. Turgeon avait cru devoir le faire en parlant de celui de l'honorable juge Bossé, ni même de la manière dont M. Charles Langelier, dans son livre dont le gouvernement a acheté 250 exemplaires pour donner en prix aux écoliers, qualifiait les juges qui rendaient la justice sous le régime conservateur.
Il donne lecture du jugement de M. Chauveau et déclare que, suivant les conclusions, Asselin a été condamné surtout pour avoir attenté aux privilèges d'un député. Il est donc évident que la Chambre aurait dû être saisie la première de l'affaire. Mais non, après avoir fait condamner M. Asselin une fois, on voudrait lui faire subir une deuxième condamnation.
M. Mousseau (Soulanges) fait remarquer que ce n'était pas là son intention. Il s'est tout simplement basé sur une motion qui apparaît sur l'ordre du jour, à l'effet de faire préciser l'offense par la Chambre et de faire censurer M. Asselin. Il n'a pas voulu dire qu'il voulait obtenir une autre condamnation.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) se déclare surpris de voir que le député de Soulanges ne sache pas encore qu'une censure est une condamnation morale. Il comprend facilement qu'il y a des gens qui ont le cerveau trop faible pour comprendre toute la portée d'une condamnation morale.
Il prend ensuite à partie le député de Montmorency qui a déclaré l'autre jour que l'acte d'Asselin était le résultat des prédications échevelées des nationalistes à travers la province. Nous avons tenu, dit-il, des assemblées publiques dans toutes les parties de la province et jamais on n'a vu des nôtres troubler la paix publique ou empêcher nos adversaires de parler. Il y a eu de grandes assemblées, à Saint-Jérôme où 20 0005 personnes assistaient à l'assemblée contradictoire, à Rimouski, à Fraserville, etc. Jamais, après ces assemblées, un homme n'a comparu en Cour de police pour voies de fait. Partout la paix a régné. Une seule de nos assemblées fut mouvementée, c'est celle de Saint-Roch, où après huit jours d'articles publiés dans le Soleil et la Vigie, articles où l'on disait à pleines colonnes que ceux qui nous lanceraient des pommes cuites feraient une bonne oeuvre, après des réunions de clubs portant des noms vénérés de tous les libéraux de ce pays, on préparait les assauts de pierre, de briques et de fumier qui devaient répondre aux arguments que nous apportions. Ce fut la seule assemblée violente, et je défie le député de Montmorency ou le premier ministre de citer une seule assemblée où les nationalistes aient troublé l'ordre.
L'honorable M. Roy (Kamouraska): Et l'assemblée de Beauport que vous aviez organisée, M. le député de Saint-Hyacinthe! Vous! Vous! Vous!
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) dit au secrétaire provincial de reprendre son sang-froid et qu'il va parler de l'assemblée de Beauport.
Je reconnais que l'honorable secrétaire n'est nullement responsable des disgracieux incidents auxquels j'ai fait allusion. Sa situation juvénile et virginale le met à l'abri des pareils soupçons. Quant à l'affaire de Beauport, je dirai d'abord que cela se passait au temps de l'élection de M. Robitaille, bien avant la série d'assemblées auxquelles faisait allusion le député de Montmorency. Nous fûmes invités à cette assemblée par le candidat libéral, M. Amyot, et on ne voulut pas nous laisser parler. Voilà pourquoi il y eut du tapage. Dès que nos adversaires voulurent nous entendre, le calme se rétablit6.
Voici un homme ne pesant pas 118 livres, qui donne une simple tape au député de Montmorency et, de suite, le premier ministre, l'Orateur et le député de Montmorency craignent bombes et dynamitards. La force publique est appelée. L'inculpé est saisi au collet, enfoui dans les caves du palais législatif, mis au secret illégalement, sans mandat, et, au lendemain de ces chaudes larmes, le député de Montmorency se fait envoyer à son pupitre une corbeille de fleurs! Voyez là cette jeune rosière qui se fit couronner pour sa vertu parce qu'elle aura pendant quelques années soutenu ses vieux parents ou accompli quelque action d'éclat. Le député de Montmorency a oublié une chose, c'est qu'en se faisant couvrir de fleurs il s'est en même temps couvert d'un ridicule achevé.
Je ne crois pas qu'une tape venant de M. Asselin pût mettre en danger la vie de l'honorable ministre. Il est peut-être violent, mais loyal. Et l'honorable premier ministre le sait. Il sait qu'Asselin, qui a été son secrétaire plusieurs années, n'a jamais manqué à ses devoirs et n'a jamais trahi son secret d'office. Et quand, à Montréal, il ne savait pas toujours si, le lendemain, il aurait assez de pain à donner à sa femme et à ses enfants, mais jamais il n'a faibli devant la misère. J'ai eu connaissance qu'un ministre fédéral, non pour le corrompre, mais par estime pour lui, lui offrit une position de $2500 par année et qu'Asselin répondit: Je raccourcirai mon morceau de pain, mais je ne vendrai pas ma liberté. Asselin m'a déjà causé des ennuis et des embarras; mais j'admire en lui deux qualités qui se font très rares de nos jours: le désintéressement absolu et le courage, dans un corps frêle. Mais tout cela n'est pas la question. Il s'agit de savoir si le désir de supprimer un journaliste qu'on n'aime pas peut autoriser à violer la loi.
Après qu'on eut déclaré ce matin que M. Asselin pourrait communiquer quand il le voudrait avec ses parents et amis, Mme Asselin, venue expressément de Montréal pour voir son mari, s'est présentée à la prison cet après-midi, à 4 heures, et le geôlier lui a refusé la permission de voir son mari, pour la raison que l'heure était passée. Il lui a fallu téléphoner au procureur général. Et, après de longs pourparlers, on a obtenu du procureur général pour Mme Asselin la permission de voir son mari à travers l'épaisseur de deux grilles de prison. Voilà comment on traite un homme trouvé coupable de simple assaut. Le jour même où le premier ministre déclarait qu'Asselin était traité mieux que les autres prisonniers, on lui refusait jusqu'aux fruits qui, depuis longtemps et par ordre du médecin, constituent presque sa seule nourriture.
Le Soleil dit que la tape d'Asselin est le prélude de quelque bombe dans l'Assemblée législative et que, partant, on devrait l'enfermer immédiatement comme un fou dangereux. Mais, dans ce cas, il faudrait enfermer aussi les scribes du Soleil et de la Vigie, le fils du juge Lemieux et bien d'autres qui ont eu quelque chose à voir avec les roches de Saint-Roch; ceux qui ont organisé le tapage, à l'assemblée de Saint-Roch, sont beaucoup plus à craindre. La Chambre ayant abandonné M. Asselin aux mains du magistrat de police, M. Asselin tombait sous le coup d'un assaut simple. Le juge Chauveau pouvait le condamner à la prison pour violation des privilèges de la Chambre, puisque celle-ci n'avait pas voulu se saisir de cette question. La Chambre n'a plus maintenant droit de s'occuper de l'affaire puisque condamnation a été passée.
Il repousse ensuite pour le Parti nationaliste toute responsabilité de l'assaut Asselin.
L'honorable M. Devlin (Nicolet): Je n'ai pas été témoin de l'acte qui a été jugé par le magistrat Chauveau, mais je suis arrivé sur place immédiatement après; le ministre des Travaux publics saignait à la bouche. C'était l'acte héroïque de la part de l'assaillant qui vient d'être glorifié ce soir.
Je ne sache pas que l'homme qui attaque un ministre soit exempt des lois plus qu'un homme qui attaque un autre homme. Pour lui, tout assaillant est soumis aux lois du pays et le juge fait son devoir en le condamnant. Comment peut-on parler de partialité chez le juge? D'après le député de Saint-Hyacinthe, le juge a été d'une partialité révoltante et il soutient que la Chambre aurait dû se saisir de la question. Est-ce que les tribunaux ordinaires n'avaient pas juridiction dans ce cas?
Voici un journaliste à qui nous faisons la courtoisie de l'entrée de la Chambre et qui en profite pour assaillir brutalement un ministre: il n'y a pas un homme qui approuvera cet acte. Et aujourd'hui on en fait un acte héroïque, glorifié par les bons journaux, les seuls défenseurs de la religion catholique. Comment des journaux peuvent-ils défendre de pareils actes? Je ne m'occupe pas de ces journaux. Quand j'ai commencé ma vie politique, il y avait de ces journaux catholiques pour qui nous n'étions que de mauvais catholiques, nous étions dénoncés, et malgré ces attaques nous avons pu faire comprendre à la province que nous avions raison. Le Parti libéral a déjà triomphé des attaques portées contre lui par l'élément qu'encourage l'Action sociale. Il en a triomphé et il en triomphera encore. Aujourd'hui, les hommes qui inspirent ces journaux regrettent le pouvoir qu'ils avaient autrefois; ils glorifient l'attaque faite contre un député, prêchent le désordre. Le député de Saint-Hyacinthe se plaint des violences dont lui et ses amis ont été l'objet. Le député de Saint-Hyacinthe a dit qu'il ne se sert pas de langage violent. Nous savons pourtant l'historique de ce parti. Qu'il se rappelle ses discours de l'assemblée de Beauport et de ses autres assemblées dans lesquelles il nous traitait de voleurs. J'ai été aux assemblées nationalistes. J'ai entendu le député de Saint-Hyacinthe, à Saint-Césaire, dire que le premier ministre était un assassin se promenant un poignard à la main. Je sais que le premier ministre peut se moquer de ces attaques-là. Il est fortement assis non seulement dans sa position, mais dans le coeur de la province de Québec. Et leurs journaux nationalistes impriment-ils une seule ligne qui ne soit pas une attaque?
Aujourd'hui, on veut faire un martyr de celui qui a attaqué un ministre. Nous ne craignons pas de laisser cet incident devant le peuple. Si la Chambre avait elle-même condamné M. Asselin après l'avoir traduit à la barre, les nationalistes auraient crié à la tyrannie par la députation libérale. Devant le tribunal, il a lui-même confessé sa culpabilité. La sentence a été très bénigne, et c'est un martyr. Je n'ai qu'un mot à ajouter: le député de Saint-Hyacinthe n'a-t-il pas attaqué les députés de cette Chambre? Combien de fois les a-t-il traités de moutons? Lui, c'est le lion, le don du ciel à la terre, l'incarnation de toutes les vertus. Que l'on dise et l'on fasse ce que l'on voudra, une chose reste certaine: nous sommes les élus du peuple et ce rôle nous suffit, et nous nous contentons du jugement du peuple. Nous nous contentons de nos tribunaux.
M. Patenaude (Laprairie) est d'avis que l'honorable député de Nicolet, un ministre, aurait pu parler du sujet qui est devant la Chambre au lieu de faire l'histoire du Parti libéral. On s'est bien inutilement éloigné du sujet du débat qui est de savoir comment le procureur général peut expliquer le traitement infligé à Asselin, pourquoi on l'a traité plus sévèrement avant qu'après sa condamnation alors qu'il purge une sentence ordonnée par un jugement, pourquoi on a tant hésité à l'admettre à caution. La Chambre a droit d'avoir des explications là-dessus. On n'a pas donné le fair-play à M. Asselin et on aurait dû lui accorder le cautionnement dès le début. Le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), au lieu de donner des explications pour motiver sa conduite, a préféré parler de l'Action sociale et de la violence des nationalistes. Personne n'a encore donné des explications concernant la manière odieuse dont on a traité Asselin. Il espère que le procureur général le fera, à la satisfaction de toute la Chambre.
M. Kelly (Bonaventure) est surpris de tout ce tapage pour M. Asselin, homme qui fut condamné maintes fois par la cour civile et qui vient d'être condamné par la cour criminelle. Il est d'avis qu'Asselin a été justement condamné. Il espère que pendant ses 15 jours de réclusion il aura le temps de prendre de sérieuses résolutions.
M. Plante (Beauharnois) proteste contre le traitement infligé à l'ancien directeur du Nationaliste.
L'honorable M. Décarie (Hochelaga): L'incident Asselin est bien ordinaire et il n'y a pas de raison de faire de si longs discours à ce sujet. On veut faire croire qu'on a mis en mouvement toute la force du gouvernement pour écraser ce pauvre M. Asselin. Il était sous la juridiction du juge, et cela le regardait seul. Depuis deux ans M. Asselin a vilipendé tout le monde et maintenant on demande pitié pour lui. Il y avait longtemps que M. Asselin était sur la route de la prison. Il est de ces hommes qui ont besoin du bruit et de l'éclat. Il espérait être cité à la barre de la Chambre, il a été cité devant les tribunaux et purge maintenant une sentence juste et méritée.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) dit qu'il croyait que le chef de l'opposition avait quelque chose à dire sur cet incident.
M. Tellier (Joliette): Après vous.
L'honorable M. Gouin (Portneuf): En ouvrant cette discussion ce soir, l'opposition semble avoir trois buts: premièrement, attaquer le plus possible le juge Chauveau; deuxièmement, dire autant que possible des choses désagréables au ministre des Travaux publics qui a été attaqué; troisièmement, être désagréable au procureur général. Il regrette qu'on ait accusé injustement M. Chauveau.
Je rends ce témoignage au député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) qu'il a montré dans ce débat la violence dont il a fait preuve ailleurs. Il a fait des reproches au ministre des Travaux publics et au premier ministre qui ne les empêcheront pas de dormir, toutes ces attaques les laissent froids. Du reste, aux figures nouvelles mais connues qui se pressaient de faire perdre le temps de la Chambre en discussions personnelles. Ce n'est pas ainsi qu'on peut redresser un tort ni réprimer un mal.
Depuis quatre jours, le parti conservateur nationaliste a un nouvel article à son programme et un nouveau martyr à sa cause, M. Asselin. Et cela a fourni au député de Saint-Hyacinthe l'occasion d'une harangue. Mais on a peut-être songé que l'incident pouvait avoir un certain effet politique.
On nous reproche d'avoir arrêté illégalement M. Asselin. Il se charge de répondre au député de Saint-Hyacinthe, mais avant il aime à dire que, si le député des Deux-Montagnes veut prendre son code et mettre de côté l'Événement et même l'Action sociale, il verra que la loi justifie l'arrestation d'Asselin. Il suffit d'ouvrir le code criminel aux articles 47, 648, 649 et 650 pour voir qu'il n'y a là aucune illégalité. D'ailleurs, il est facile de référer la question aux tribunaux, s'il y a lieu à plainte. Si cette arrestation est aussi injustifiable et aussi illégale qu'on le prétend, la loi du pays et les juges de la Cour supérieure et des autres cours sont là pour corriger les torts causés au prisonnier.
On a critiqué ensuite M. Chauveau de n'avoir pas accepté le cautionnement immédiatement. On a dit que M. Asselin avait été gardé au secret. Or on lui a permis de voir son avocat le soir même.
On a prétendu que le procureur général s'est montré coupable en gardant Asselin au secret et en ne lui accordant que cinq minutes d'entretien avec son avocat. On m'a téléphoné pour me demander si j'avais objection à ce que certaines personnes vissent Asselin. J'ai répondu que je n'avais pas d'objection et ils l'ont vu. Le lendemain, suivant l'usage, Asselin a été conduit devant le juge Chauveau qui a voulu délibérer, comme c'était son droit, avant de l'admettre à caution. Quand M. Asselin a demandé d'être admis à caution, il aurait déclaré qu'il se croyait sous le contrôle de l'Orateur de la Chambre. C'est pourquoi M. Chauveau a pris en délibéré la question de cautionnement, pour savoir s'il avait la compétence en la matière.
On a prétendu que le procureur général était intervenu dans cette affaire. On n'a pas dit comment il était intervenu dans l'affaire. Jamais je ne suis intervenu auprès du juge Chauveau. Mais le procureur général a cru devoir se faire représenter par un avocat au procès et il l'a fait. Or je déclare que si jamais un député, qu'il appartienne à la gauche ou à la droite, est attaqué comme l'a été le ministre des Travaux publics, le procureur général se fera représenter au procès. Car ce député a droit à la protection du procureur général. C'est ce que j'ai fait, et c'est ce que je ferai encore chaque fois que le cas se répétera.
Personne ne peut blâmer le juge Chauveau d'avoir pris la cause en délibéré; il en a le droit par le code. Quant à la condamnation, sa légalité ne peut être contestée. Au procès, l'accusé s'est avoué coupable et la sentence qu'on lui a infligée était tellement légale qu'il n'a pas voulu se prévaloir de son droit d'appel.
Il croit qu'Asselin aurait agi beaucoup plus honorablement s'il avait accepté sans protestation, que ce soit de sa part ou de la part de ses amis, la sentence décrétée pour une offense qu'il a lui-même reconnue.
On reproche au député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) d'avoir porté la cause en Cour de police; c'était son droit. On a dit que cette affaire relevait de la Chambre. On a chacun sa manière de voir. Si on avait cité l'accusé à la barre, je suis convaincu que tous les députés de la gauche se seraient prononcés en faveur de l'assaillant, comme le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) l'a laissé entendre à la Chambre. Si la députation avait condamné M. Asselin, on l'aurait accusée de tyrannie et de vengeance, on aurait crié à la servilité des députés. On se rappelle le tapage fait parce que la Chambre avait fait exclure de la galerie, il y a deux ans, un journaliste conservateur qui insultait chaque jour les députés. La gauche a fait un scandale de ce qui était une protection à la députation. La même chose serait arrivée pour Asselin.
On prétend que l'accusé n'aurait dû être condamné qu'à une amende, puisque la Chambre ne s'emparait pas de l'affaire. On diffère d'opinion là-dessus.
On a prétendu qu'il s'agissait ici d'un assaut simple. On ne peut pas assimiler le cas à celui de deux individus ordinaires qui se chicanent au coin d'une rue. C'est un ministre de la couronne qui est en cause. On ne pourrait pas plus prétendre qu'un individu attaquant un prêtre, un évêque dans une église ne serait coupable que d'un assaut simple. Je crois que celui qui a assailli un député doit être traité autrement que l'auteur d'un assaut ordinaire.
On prétendra ce qu'on voudra, c'est la doctrine à suivre, quoi qu'en dise l'Action sociale qui est un de ces journaux répandus librement dans les collèges et que l'on fait lire à nos enfants pendant qu'on défend la lecture de nos propres organes libéraux. Il est surpris de voir des journaux comme l'Action sociale, qu'on admet exclusivement dans les maisons d'éducation et d'autres institutions, se faire le défenseur d'actes comme celui commis par Asselin. Ces journaux de camelots qui nous attaquent de la manière la plus perfide et prêchent l'anarchie.
Je ne veux pas être aussi sévère que mes amis pour ce pieux journal. C'est à tort qu'on a dit que l'Action sociale, en s'occupant de la politique, avait dévié de la voie qui lui a été tracée depuis sa fondation. Elle a bien reçu une lettre de direction du pape, mais l'un de ses collaborateurs, Omer Héroux, a apparemment découvert qu'il y avait - ou plutôt qu'il aurait dû y avoir - un petit post-scriptum aux instructions que le pape a données à ce journal et qui l'autorisait à y prêcher la politique nationaliste sur les pouvoirs hydrauliques et à attaquer le Parti libéral. Non seulement cette attaque a-t-elle été maintenue tout au long de cette session, mais elle a aussi eu lieu pendant tout le temps qu'a duré la dernière campagne électorale. Il n'est pas probable, cependant, que ce post-scriptum autorisait les articles qui ont été écrits pour justifier les assauts contre les députés.
Pour ce qui est de la façon d'apprécier l'oeuvre des "camelots", il est inutile de s'y arrêter, il ne doit pas y avoir eu de post- scriptum à ce sujet. Quand les autorités ecclésiales comprendront la mentalité de ceux qui tiennent la plume à l'Action sociale, elles en feront un nettoyage complet et ce sera tant mieux pour le journalisme canadien.
Quant au traitement de M. Asselin en prison, on s'est plaint à ce sujet. Or voici une lettre du docteur de la prison, qui dit que M. Asselin a été placé à l'infirmerie avec droit d'avoir la nourriture qui lui plaira et qui lui est prescrite par son médecin de Montréal, qu'on lui a donné des livres, etc. Ce qui a été fait dans le passé pour Asselin sera fait à l'avenir. Nous n'avons aucun désir de vengeance. Mais ce n'est pas parce qu'ils sont nationalistes que certains messieurs seront au-dessus de la loi. Malgré le député de Saint-Hyacinthe, malgré les articles de l'Action sociale, nous verrons ni plus ni moins à ce que la loi soit respectée. Le gouvernement n'en veut à aucun membre du Parti nationaliste, mais il veut que les ministres et les députés aient droit à la protection de la loi comme les autres citoyens.
M. Tellier (Joliette) remarque que les premières paroles du député de Portneuf ont été des paroles de reproches à l'égard du député des Deux-Montagnes (M. Sauvé) qui n'a rempli que son devoir en défendant un de ses confrères. Il ne prétend pas excuser l'offense d'Asselin, mais il a droit à des explications, bien que M. Asselin ait commis une offense. Plusieurs éléments lui paraissent étranges dans cette affaire.
J'ai été frappé d'une chose, c'est qu'évidemment on a voulu faire payer d'un coup à M. Asselin, pendant qu'on le tenait, tous les griefs que le gouvernement avait accumulés contre lui depuis longtemps. On a tort de dire que l'opposition a pour but d'être désagréable au gouvernement. Personne, du côté de l'opposition, ne veut faire de peine au ministre des Travaux publics, mais il s'agit de savoir s'il existe encore dans cette province des lois qui protègent tout sujet britannique, ou bien si on revient à l'arbitraire de jadis. Il est temps de savoir si, aux yeux de la loi, il y a vraiment une même justice pour tous. L'arbitraire a remplacé dans bien des cas les lois. Il est intéressant de savoir si l'arrestation est légale ou si elle ne l'est pas. L'affaire Asselin intéresse M. Asselin. Mais il y a une chose qui intéresse toute la province: c'est de savoir si la sauvegarde de la liberté de tout sujet britannique existe encore.
Des voix: Écoutez!
M. Tellier (Joliette): Asselin a été arrêté sans mandat, sur l'ordre d'un ministre de la couronne, par un constable non présent à l'assaut et le ministre n'a pas prouvé que cela avait été fait en toute légalité. Je n'envisage pas la question au point de vue du ministre, ni à celui d'Asselin. Mais à celui des droits de tous et du respect de la loi. Le député de Montmorency a cité trois ou quatre articles du code criminel. Dans sa citation de l'article 47, le ministre des Travaux publics a oublié un mot important. Lorsque le texte portait "violation de la paix publique", il a lu, lui, "violation de la paix"; il a aussi négligé de mentionner que ledit article se trouve au chapitre des émeutes et des assemblées tumultueuses. Un agent de la paix peut arrêter un homme qui trouble la paix publique lorsqu'il est témoin du fait.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Cela se serait appliqué à l'assemblée de Saint-Roch, par exemple.
M. Tellier (Joliette): De plus, un policier peut arrêter, sur représentation de quelqu'un, une personne qui a troublé la paix publique. Cet article ne peut s'appliquer dans les circonstances puisqu'il ne s'agissait pas de la paix publique, mais une scène qui se passait en arrière du trône présidentiel, et que, lors de l'arrivée du gardien de la paix, la paix chère à l'honorable ministre n'était même pas troublée.
Le député de Montmorency a aussi invoqué les articles 646 et 648, 649 et 650. Les articles énumèrent une série de crimes qui, lorsqu'ils sont commis dans la nuit, justifient une arrestation sans mandat. Mais, dans la liste des crimes, vous ne trouverez pas l'assaut. C'est ce que l'honorable ministre a oublié de nous dire. Le député de Montmorency comptait évidemment que les députés n'auraient pas le code criminel à la main pour vérifier. Les articles ne s'appliquent pas et l'arrestation n'est pas légale.
Il ne trouve pas que le gouvernement ait répondu aux questions posées. L'arrestation de M. Asselin étant illégale, va-t-on nous expliquer comment il se fait que le cachot du parlement se soit ouvert sur un seul ordre de l'honorable ministre? Lorsque les amis d'Asselin ont demandé à le voir après son arrestation, on leur a dit que le président avait reçu l'ordre d'empêcher quiconque de le voir.
Est-il vrai, M. le Président, que vous avez reçu l'ordre de tenir le prisonnier sans communication? Est-il vrai que, jusqu'à 6 heures du matin, personne n'ait pu conférer avec le prisonnier, pas même son avocat? Ce qui est non pas une faveur, mais un droit. C'est un droit que je n'ai jamais vu refuser aux voleurs de la pire espèce. C'est la première fois qu'il voit méconnaître ce droit sacré de défense qu'a tout sujet britannique et dont jouissent les voleurs et les assassins eux-mêmes. Il se plaint que M. Asselin n'ait pu voir son avocat qu'une fois. Devant le magistrat de police, M. Asselin a offert à plusieurs reprises de fournir un cautionnement.
Est-il est vrai que le juge Chauveau a attendu jusqu'au jour de l'Ascension pour accorder le cautionnement parce qu'il attendait alors une lettre de votre main, M. le Président, déclarant qu'il n'était pas votre prisonnier? On ne sait de qui il était le prisonnier. On a fait plus. On a violé également le droit que M. Asselin avait à l'habeas corpus, droit si chèrement conquis. Si, en Angleterre, le droit qu'a tout citoyen à l'habeas corpus était suspendu pour quelques heures seulement, il se produirait pratiquement la même chose qu'ici et il s'ensuivrait une révolution.
Tout lui semble étrange dans cette affaire, tout jusqu'à la condamnation elle-même. Il est évident que, dans le cas actuel, la paix publique n'a pas été troublée, car il n'y a eu que quelques témoins de l'assaut. On a violé pour satisfaire une mesquine vengeance toutes les lois. Mais, quand l'opposition cherche à avoir les informations à propos de l'arrestation et qu'elle s'élève contre les injustices infligées à Asselin, le côté ministériel nous répond en racontant la carrière de M. Asselin et en disant que les nationalistes ont poussé leur propagande tellement loin qu'ils ont échauffé l'esprit des gens. Est-ce là la question? Qu'est-ce que répond le gouvernement lorsqu'un ministre de la couronne, de son propre aveu, fait arrêter un citoyen sans mandat d'amener?
Le ministre de la Colonisation (l'honorable M. Devlin) a prétendu que le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) avait glorifié l'acte de M. Asselin. Il proteste avec indignation contre la prétention des députés de Portneuf (l'honorable M. Gouin) et de Nicolet (l'honorable M. Devlin) d'après laquelle, si Asselin avait comparu à la barre de la Chambre, tous les députés de l'opposition se seraient levés pour approuver son acte. Il proteste contre ces avancés et déclare que l'attitude de l'opposition est celle des gens qui s'indignent à la vue du traitement odieux que l'on inflige à un homme accusé d'un simple assaut. Il ne veut pas suivre les orateurs ministériels sur tous les terrains où ils ont porté ce débat. Le substitut du procureur général se présente en cour pour réclamer le maximum, parce que c'est un ministre qui a été assailli. On allègue la dignité de la Chambre. Mais depuis quand M. Chauveau est-il chargé de revendiquer l'honneur de cette Chambre? Comment M. Chauveau a-t-il pu imposer la prison pour violation des privilèges de la Chambre? C'est à celle-ci à se faire justice et elle ne peut déléguer ses droits.
N'y a-t-il pas encore la motion du député de Bellechasse (M. Galipeault) censurant l'acte de M. Asselin? Cette motion indique donc que la Chambre n'a pas renoncé à son droit de venger elle-même son honneur. De quel droit le premier ministre a-t-il envoyé son substitut demander au juge Chauveau l'application du maximum de la peine? Voici ce fait étrange que M. Asselin est condamné par une cour de police pour avoir enfreint les privilèges de cette Chambre. C'est ce que dit le jugement. Le certificat de médecin produit par le premier ministre ne répond pas aux affirmations faites par le député de Saint-Hyacinthe au sujet du traitement que subit Asselin à la prison et de sa séquestration.
L'honorable premier ministre a évoqué un précédent peu glorieux lorsqu'il a rappelé l'expulsion de M. Dumont de la tribune des journalistes.
Est-il vrai que M. Asselin est séquestré? Que sa femme est allée à la prison et qu'il lui a fallu avoir la permission du procureur général pour ne voir son mari qu'à travers un double grillage? Je sais des districts où des individus condamnés pour des faits autrement graves sont traités bien plus doucement et cela, depuis que le premier ministre est procureur général.
Voilà autant de questions qui n'ont pas été, selon lui, suffisamment éclaircies.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le premier ministre n'a pas les mêmes sévérités pour tout le monde. Il y en a même qu'on mène au poil pour maintenir le gouvernement du premier ministre. Dans mon élection à Saint-Hyacinthe, on a permis à un prisonnier purgeant une sentence de sortir de la prison et d'aller, en compagnie du geôlier, enregistrer son vote contre moi. C'était peut-être un voleur, un incendiaire. Que sais-je? Mais, assurément, il n'avait jamais donné une tape au député de Montmorency.
M. Tellier (Joliette) termine en exprimant le regret que les droits les plus élémentaires du citoyen aient été violés dans l'affaire Asselin. Il ne prétend pas excuser l'acte d'Asselin, mais il a droit à des explications et il croit que, même lorsqu'on s'est rendu coupable d'une offense, il y a encore des droits que l'on ne peut violer. Le gouvernement ne s'est pas justifié et il reste dans l'opinion qu'un abus de pouvoir criant a été commis.
Subsides
L'ordre du jour appelle la Chambre à considérer de nouveau les résolutions suivantes rapportées du comité des subsides mardi, le 25 mai dernier: 1. Qu'une somme n'excédant pas quatre mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer une allocation spéciale à l'université Laval, Québec, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
2. Qu'une somme n'excédant pas cent soixante mille piastres soit accordée à Sa Majesté comme une aide aux écoles publiques, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
3. Qu'une somme n'excédant pas quinze mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les pensions de retraite aux instituteurs, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
4. Qu'une somme n'excédant pas cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer à l'école des sourdes-muettes, soeurs de la Providence, Montréal, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
5. Qu'une somme n'excédant pas trois mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour défrayer les dépenses du Conseil de l'instruction publique, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) et M. Prévost (Terrebonne) taquinent le député de Kamouraska (l'honorable M. Roy) au sujet du crédit aux universités.
Il est résolu que ces résolutions soient adoptées.
Articles du Soleil
M. Prévost (Terrebonne) proteste vigoureusement contre une couple d'entrefilets du Soleil où il est pris à partie. Le Soleil, journal subventionné qui vient d'écrire contre lui l'article le plus injurieux qui soit et tel que le Nationaliste lui-même n'en a pas écrit. Il a déjà attiré l'attention du premier ministre là-dessus, qui n'a évidemment rien fait pour reformer l'ardeur de son organe. Et puis, il ne voit pas pourquoi un journal qui vit grassement comme le Soleil, à même les revenus de la province, peut être enduré à souiller les députés. Et ceux qui laissent faire cela, ce sont les mêmes ministres qui tout à l'heure protestaient contre un article assez modéré de l'Action sociale. Ah! la belle justice que nous avons avec ces messieurs! Tout à l'heure, j'entendais dire que, si un député était attaqué hors de raison, il mettrait à sa défense tout le mécanisme judiciaire, M. Charles Lanctôt y compris.
Je viens de lire les articles dont je me plains et je déclare que j'aimerais mieux recevoir un coup de poing dans la figure que de m'entendre calomnier comme ça. Dans tous les cas je crois bien que je n'aurai pas justice ici et que je devrai m'adresser ailleurs.
Il verra à se faire rendre justice autrement si le premier ministre, malgré sa promesse, ne veut pas faire taire ses valets.
Article de la Grande Revue de Paris
M. Cousineau (Jacques-Cartier) attire l'attention de la Chambre sur un article d'un M. Vigne, publié dans la Grande Revue de Paris et reproduit dans une revue américaine, le Literary Digest, qui vilipende le Canada de la plus odieuse façon. Est-ce les fruits de la propagande de nos agents en France?
Subsides
L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité des subsides.
Adopté.
En comité:
L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose: 1. Qu'une somme n'excédant pas quatre-vingt-dix-huit mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses du département des Terres et Forêts, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) annonce que le gouvernement a l'intention de vendre les biens des jésuites, seigneuries de Lauzon et de Batiscan.
Des députés de l'opposition posent plusieurs questions au député de L'Islet (l'honorable M. Caron).
M. Prévost (Terrebonne) demande s'il n'est pas temps d'ajourner.
Un député ministériel manifeste l'intention de veiller encore.
M. Prévost (Terrebonne) déclare que l'item ne passera pas et qu'il y aura encore huit jours de session.
L'honorable M. Gouin (Portneuf) accepte l'ajournement.
La résolution est adoptée.
L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose: 2. Qu'une somme n'excédant pas treize mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour la protection des forêts, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
Adopté.
3. Qu'une somme n'excédant pas mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer la publication de cartes régionales, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
Adopté.
4. Qu'une somme n'excédant pas deux mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer les dépenses du parc national des Laurentides, 58 Victoria, chapitre 22, section 23, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
Adopté.
5. Qu'une somme n'excédant pas deux mille cinq cents piastres soit accordée à Sa Majesté pour payer l'entretien de la pépinière de Berthierville, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
Adopté.
6. Qu'une somme n'excédant pas trente mille piastres soit accordée à Sa Majesté pour l'école normale Jacques-Cartier, pour l'année financière finissant le 30 juin 1910.
Adopté.
Résolutions à rapporter:
Le comité fait rapport qu'il a adopté plusieurs résolutions, lesquelles sont lues deux fois et adoptées.
La séance est levée à 3 h 30 du matin.
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NOTES
1. Selon l'Action sociale, M. Bourassa aurait déclaré que M. Langelier avait eu raison d'écrire dans le Nationaliste, sous le pseudonyme de Michonnet, que la province se faisait voler des centaines de mille dollars sur les droits de coupe.
2. L'Action sociale mentionne le montant de $500.
3. Le Montreal Daily Herald avait inscrit la date du 31 décembre, mais le télégramme est bien daté du 31 octobre.
4. Selon le contenu des autres discours, il s'agirait plutôt des articles 648, 649 et 650.
5. L'Événement cite le chiffre de plus de 10 000 personnes.
6. L'Événement rapporte les paroles suivantes: Alors, pour maintenir la paix, nous sommes allés parler ailleurs.