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Version finale

12nd Legislature, 1st Session
(March 2, 1909 au May 29, 1909)

Monday, May 10, 1909

Ces débats, reconstitués principalement à partir des comptes rendus des médias de l’époque, ne constituent pas un journal officiel des débats de l’Assemblée législative.

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance s'ouvre à 4 h 10.

 

Dépôt de documents:

M. l'Orateur dépose sur le bureau de la Chambre l'état d'affaires de l'Ordre du Très-Saint-Rédempteur. (Document de la session no 33)

Termes et séances de la Cour supérieure

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande la permission de présenter le bill 226 amendant les statuts refondus relativement aux termes et séances de la Cour supérieure.

L'objet de ce bill est d'établir une concurrence de juridiction pour la Cour supérieure de Saint-Jérôme et celle de Sainte-Scholastique.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Pension des officiers publics

L'honorable M. Weir (Argenteuil) demande la permission de présenter le bill 201 amendant la loi concernant la pension des officiers publics.

Ce bill, explique-t-il, prévoit le rétablissement du fonds de pension pour les officiers qui sont membres du service civil depuis 1893, date où la loi des pensions fut abrogée par le gouvernement conservateur de l'époque. Ceux-ci auront la possibilité de payer les arrérages accumulés depuis 1893 et pourront continuer à payer les déductions habituelles de leurs salaires. Lorsqu'ils quitteront le service, que ce soit en raison de leur âge ou pour cause de santé, ils pourront retirer une pension proportionnelle à leur salaire et au montant versé au fonds de pension, tel que le stipulait l'ancienne loi. En réalité, c'est le rétablissement de l'ancienne loi.

Accordé. Le bill est lu une première fois.

Termes et séances de la Cour supérieure

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, appuyé par le représentant d'Argenteuil (l'honorable M. Weir), qu'il soit résolu qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour considérer certaines résolutions concernant certains termes et séances de la Cour supérieure.

Adopté.

Pension des officiers publics

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), qu'il soit résolu qu'à la prochaine séance la Chambre se forme en comité général pour considérer certaines résolutions concernant la pension de certains officiers publics.

Adopté.

Loi des licences de Québec

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que le bill 199 amendant la loi des licences de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

Voici donc certains amendements proposés par cette loi. Un premier stipule que la majorité des électeurs de toute municipalité peut s'opposer à la concession d'une licence par le conseil de cette municipalité et que cette opposition peut empêcher que la licence à laquelle on s'oppose soit accordée. Dans la loi actuelle, ce pouvoir est prévu, mais il n'est précisé en aucune façon.

Deuxièmement, lorsqu'un conseil municipal refuse de renouveler une licence, il est obligé de donner la raison de ce refus.

Troisièmement, il est prévu que l'amende imposée aux marchands de gros qui vendent des liqueurs frelatées sera augmentée.

Quatrièmement, une clause défend à l'hôtelier ou cabaretier de remplir les bouteilles dans lesquelles lui ont été livrées des liqueurs, afin d'empêcher la vente de marchandises sous une fausse étiquette. La même clause défend aussi de mêler aux liqueurs des drogues ou autres liqueurs sous forme d'alcool méthylique ou autre forme non rectifiée d'alcool méthylique.

Nous avons reçu plusieurs pétitions de la part de municipalités qui désirent avoir le droit d'interdire l'ouverture des buvettes avant 7 heures du matin. Au lieu d'accorder ce pouvoir à chacune des municipalités qui en a fait la demande, nous avons cru qu'il serait mieux de l'incorporer dans la loi générale.

Il craignait que la Chambre considère que les amendements n'allaient pas assez loin jusqu'à ce qu'il se rende compte que la loi des licences du Québec était la meilleure de tout le dominion. Il souligne un des principes de la loi qui lui paraît spécialement important et selon lequel un conseil municipal est obligé de donner la raison pour laquelle il refuse de renouveler une licence. À son avis, cela amènera une meilleure classe d'hôtels dans les districts ruraux. Si un hôtelier s'en tient strictement à la loi, il ne sera donc pas à la merci des élus municipaux.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) prend la parole.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Le simple fait de réduire le nombre des licences ou de les supprimer sera une raison suffisante. Le but visé est d'empêcher un remaniement des licences après chaque élection municipale dans les petites municipalités où, dans plusieurs cas, un hôtelier se voit refuser une licence accordée à son voisin, uniquement par sympathie.

Les soumissions des licences pour Montréal et Québec sont ainsi constituées: pour la cité de Québec, la confirmation du certificat est accordée au palais de justice, à Québec, par trois personnes que choisit le lieutenant-gouverneur en conseil, entre le juge des sessions de la paix, le shérif du district de Québec, le magistrat de district, le greffier de la paix pour le district et un officier de la corporation de la cité de Québec, ou par deux de ces personnes; et dans la cité de Montréal, à la Cour de police, à Montréal, par trois personnes choisies par le lieutenant-gouverneur en conseil parmi les juges des sessions de la paix tenant l'emploi et recevant des émoluments comme tels, les magistrats de police et les recorders de la cité de Montréal, ou par deux d'entre elles.

La proposition est adoptée. Le bill est renvoyé au comité général.

Loi des assurances de Québec

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que le bill 10 amendant la loi des assurances de Québec soit maintenant lu une deuxième fois.

La loi des assurances interdit aux compagnies d'assurances étrangères de faire affaire dans la province de Québec. De plus, les industries ou compagnies n'ont pas le droit de s'assurer chez des compagnies d'assurances étrangères qui ne sont pas licenciées par la province, sauf dans un cas: lorsque ces mêmes industries ou compagnies peuvent prouver à la satisfaction du trésorier provincial qu'elles sont incapables d'obtenir les mêmes taux ou avantages chez des compagnies d'assurances à charte provinciale ou fédérale.

Par ailleurs, les gérants de certaines compagnies d'assurances de Québec nous ont laissé savoir qu'il n'existe pas vraiment de "taux ordinaires", mais plutôt des taux spéciaux pour des catégories spéciales d'assurances. Nous remplacerons donc l'expression "taux ordinaires" par "taux raisonnables".

La deuxième clause stipule qu'un reçu intérimaire ne doit pas nécessairement contenir toutes les conditions du contrat. Je suis convaincu que, lorsque cette loi fut adoptée, à l'origine, c'était le but que l'on visait; cet amendement vient donc clarifier les choses.

En vertu de la loi actuelle, l'inspecteur des assurances et l'inspecteur des sociétés de secours mutuels sont pratiquement sous le contrôle du trésorier provincial, à qui ils sont supposés se rapporter et de qui ils sont supposés recevoir leurs instructions. Au point de vue pratique, cela n'a jamais très bien marché et j'ai donc demandé que les deux officiers soient placés sous le contrôle direct du surintendant des assurances tout en restant, bien sûr, sous la supervision du trésorier provincial.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Adopté sur division.

La proposition est adoptée sur division. Le bill est renvoyé au comité général.

Prison dans le district de Montréal

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant de Portneuf (l'honorable M. Gouin), que le bill 200 amendant la loi concernant la construction d'une nouvelle prison dans le district de Montréal soit maintenant lu une deuxième fois.

Il explique qu'en vertu du premier bill les contrats accordés pour une partie du nouvel édifice se sont élevés à $750 000. Depuis ce temps, un deuxième contrat a été accordé pour à peu près le même prix. Ainsi, à l'heure actuelle, la construction de cette nouvelle prison entraîne des dépenses totales d'environ $1 500 000 pour le district de Montréal. Étant donné que le premier bill n'autorisait qu'une émission d'obligations de $750 000, ce bill d'amendement stipule qu'il soit accordé au district de Montréal le pouvoir d'émettre des obligations pour le montant de $1 500 000.

De plus, en vertu du premier bill, ces obligations étaient émises pour une période de 25 ans. Mais cela a provoqué quelques incertitudes parmi les investisseurs, et nous présentons donc un amendement stipulant qu'elles soient émises pour une période fixée à 50 ans et que le gouvernement ait le pouvoir de les rembourser après 25 ans. La province pourra ainsi obtenir un meilleur prix pour les obligations qui seront émises; mais aucune obligation n'a été émise jusqu'à maintenant. L'ancienne loi prévoyait que les intérêts devaient être versés annuellement. Mais nous nous sommes rendu compte que les investisseurs préféraient qu'ils soient versés semi-annuellement; nous ajoutons donc un autre amendement stipulant qu'ils seront payables semi-annuellement.

M. Prévost (Terrebonne) et M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) dénoncent le gouvernement qui prévoit de tels travaux avant même que l'argent soit voté par la Chambre.

Adopté sur division. Le bill est renvoyé au comité général.

École technique de Montréal

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme de nouveau en comité général pour étudier le bill 214 amendant la loi constituant en corporation l'École technique de Montréal.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Gouin (Portneuf) explique que M. Marcheras a été nommé au poste de principal des écoles techniques de Montréal et de Québec le 3 mai 1908. Il énumère les titres de ce dernier. M. Marcheras aura $3500 comme principal des deux écoles.

Il dépose les plans et devis des écoles ainsi que leurs programmes et donne des explications sur leurs fonctionnements. Il faudra $700 000 à Montréal et $300 000 à Québec.

Le personnel de l'École technique de Montréal se composera: D'un secrétaire - comptable, avec un salaire annuel de $800. De quatre professeurs - physique industrielle, chimie industrielle, mathématiques et dessin - avec un salaire annuel de $1000. Maintenant, pour les ateliers: De quatre contremaîtres, dont deux pour la menuiserie, avec un salaire annuel de $800. D'un mécanicien: salaire, $800, et logement. D'un chauffeur: salaire, $600. D'un chauffeur suppléant, d'un concierge, enfin, de deux manoeuvres, ces derniers à $365 par année. Soit environ une somme de $15 000. Plus les frais d'entretien et d'administration: $2700 annuellement. Plus les intérêts sur l'emprunt: $28 000. Total: $45 700, qui pourra même aller jusqu'à $50 000. Là-dessus, le gouvernement s'enregistre pour un subside de $20 000, somme qui pourra être portée à $25 000, s'il le faut, et la ville de Montréal paiera $25 000. Maintenant, il y aura des revenus: par exemple, beaucoup de travaux exécutés par les élèves pourront être vendus. Les élèves paieront quelque chose, une somme relativement minime: $20 par année. En supposant que 300 élèves s'inscrivent, voilà $6000 par année.

Voici le programme des études pour la première année: l'élève apprendra le maniement des outils: 12 heures; le dessin: 6 heures et les principes techniques et théoriques: 12 heures. La seconde année, ils passeront au travail pratique, en continuant les études théoriques. Travail dans les ateliers: 18 heures; dessin: 6 heures; enseignement technique: 10 heures. La troisième année, ils confectionneront des pièces complètes pouvant servir aux élèves de première et deuxième année. Travail dans les ateliers: 24 heures; dessin: 6 heures; enseignement technique: 8 heures. L'installation coûtera 80 000, approximativement.

Pour commencer, cinq ateliers seront en opération: ajustage, forge, fonderie, menuiserie et électricité. Les plans prévoient un étage supplémentaire pour l'installation d'autres ateliers pour la fabrique du papier, du coton, des chaussures, etc.

Le personnel de l'École technique de Québec, à part le principal, sera ainsi formé: un secrétaire comptable, deux professeurs à $900, quatre contremaîtres à $700, un chauffeur mécanicien à $700, un homme de peine à $365. Soit environ $7500, en y comprenant les $1750 du principal. Plus $2000 pour les frais d'entretien et d'administration; plus $12 000 pour l'intérêt annuel sur l'emprunt, c'est-à-dire un total d'un peu plus de $20 000, dont le gouvernement fournira $10 000 et la ville de Québec $10 000 par an pour couvrir ce montant. Les cours donnés seront à peu près les mêmes que ceux de Montréal. La première année, les élèves seront familiarisés avec l'exercice des outils. La seconde, ils se serviront des outils pour accomplir divers travaux. La troisième, ils seront familiarisés avec les machines. On y donnera d'abord des cours de mécanique, de physique industrielle, de chimie industrielle, de dessin, de fonderie, de travail sur bois, de fabrication du fer, de mathématiques, etc., etc.; et, plus tard, de tissage, de fabrication des chaussures, etc.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe), maintenant qu'il est nanti de toutes ces explications, voit sous un angle nouveau la politique du gouvernement. L'autre jour, il a félicité très sincèrement le gouvernement de son intention d'établir l'enseignement industriel dans cette province, mais il regrette que les renseignements qui viennent d'être fournis confirment dans une large mesure les observations du député de Terrebonne (M. Prévost) sur le côté financier du projet et du député de Jacques-Cartier (M. Cousineau) sur son côté moral. Il exprime de nouveau le regret que la législature n'ait pas été appelée dès l'origine à discuter plus longuement un projet de cette importance.

Pour faire l'installation de cours préparatoires, car réellement ce sont des cours préparatoires, le montant est déjà passablement élevé. D'abord, il est évident que le montant déjà si élevé que l'on vote aujourd'hui ne suffira pas pour faire une école complète. Lorsqu'il faudra ajouter l'enseignement des autres métiers importants auxquels on ne pourvoit pas encore, ce n'est pas $700 000, c'est $1 500 000 que l'école aura coûté à la province, au fond, pour l'avantage presque unique de Montréal. La population éloignée de Montréal ne bénéficiera pas de ces écoles. Le principal, M. Marcheras, s'apercevra lui-même, avant longtemps, que son cahier des charges n'est pas assez élevé. Les salaires soumis par le premier ministre et établis par M. Marcheras que l'on veut donner aux professeurs de métiers ou encore aux manoeuvres sont beaucoup trop bas. Il faudra les augmenter ou se passer des services des experts.

Comment pourrait-il trouver pour $1000 par an des professeurs compétents, des experts en mécanique, lorsque nos instituteurs à Montréal ont déjà souvent un salaire supérieur à celui-là? Les dépenses s'élèveront encore beaucoup plus qu'on le croit actuellement, car avant longtemps les professeurs ne se trouveront pas assez payés. Au Canada, on ne trouvera pas les professeurs experts pour le prix de $900 par année et ceux que l'on fera venir de l'étranger s'apercevront après quelques années qu'ils ne sont pas assez payés et ils demanderont une augmentation. Leurs traitements ne seront pas adéquats aux conditions d'existence en notre pays. Avant cinq ans, il faudra augmenter le budget de 50 pour cent. Ce fait seul indique que l'on a manqué de clairvoyance dans la préparation des cahiers de charges.

Il n'est pas question de lésiner et personne ne s'oppose à payer ce qu'il faut pour l'enseignement technique, mais tablons sur quelque chose. Au lieu de nous nourrir d'illusions, que le premier ministre ne nous dise pas que cela coûtera $700 000 lorsqu'en réalité cela coûtera un million et plus rien que pour l'école de Montréal. De plus, la durée du cours, la distribution de l'enseignement indique que nous sommes bien en face d'un grand foyer d'enseignement qui sera contrôlé par l'État.

Les observations faites à ce sujet par les députés de Jacques-Cartier (M. Cousineau) et de Montmagny (M. Lavergne) étaient parfaitement fondées. Pour sa part, il admet que l'école n'est plus du tout ce qu'il pensait. Et il trouve excessive l'imprudence du gouvernement qui s'éloigne de plus en plus de la règle de consulter les Chambres et qui, avec le plus grand naturel du monde, croit avoir fait tout son devoir quand il demande aux députés de ratifier ce qui a été préparé dans le Conseil des ministres. D'ailleurs, il est indubitable que l'école, contrairement à ce que nous avions été portés à croire au début, ne répond pas aux besoins de la classe ouvrière et aux besoins pressants de l'industrie.

Il me semble qu'en tout premier lieu nous devrions mettre graduellement sur pied un système d'enseignement technique qui réponde aux besoins des industries. On commence par le sommet au lieu de commencer par la base de l'enseignement technique. Pour des cours préparatoires seulement, on va jeter dans l'École technique de Montréal la somme de $700 000. On devrait s'occuper de former des tisserands, des fabricants de sucre, de papier, de chaussures. Et, plus tard, quand ces divers cours seront établis, il faudra faire une centralisation énorme, agrandir l'école, augmenter le personnel, dépenser encore de l'argent.

Ce dont l'ouvrier a besoin, c'est une école vraiment industrielle, manuelle, tandis que l'école qu'on donne sera plutôt une école des sciences appliquées, une maison d'enseignement scientifique. Ce qu'il faudrait, c'est plusieurs petites écoles plus modestes, mais plus pratiques, dans les divers centres à proximité des industries. La population des centres extérieurs, Saint-Hyacinthe, Saint-Jean, Sorel, Trois-Rivières, Sherbrooke, Valleyfield, etc., ne bénéficiera aucunement de la dépense dans laquelle nous nous engageons.

Pour autant que je sache, ces centres extérieurs ne retireront aucun avantage de cette école établie à Montréal. Avec ce système, l'on formerait moins vite une élite d'ouvriers savants, mais l'on formerait plus vite une classe d'ouvriers habiles, tels que les industries en réclament dès aujourd'hui. Ces écoles seront de grandes maisons d'enseignement de science pratique et il n'y aura que les jeunes gens qui pourront en profiter. Avec les six heures en moyenne d'école par jour, les jeunes ouvriers pauvres, obligés de travailler, ne pourront suivre ces cours. Donc, il eût été préférable de donner des cours pratiques dans les petites villes au lieu de tout engloutir dans Montréal et Québec, en créant un précédent nouveau dans nos annales scolaires. Avec de petites écoles, même les hommes mariés qui travaillent pourront eux aussi en bénéficier.

Pour la première fois on s'écarte, en cette province, du principe de l'école et on le fait pour le bénéfice d'un enseignement qui va coûter des millions. Un autre point important, c'est que cette école est et sera en réalité une école d'enseignement supérieur, devant faire partie de notre système d'enseignement public. Or, dans tout notre système d'enseignement public, nous ne nous sommes jamais départis du principe de la séparation. Pourquoi ce premier écart à une règle depuis longtemps établie? Dans le cas d'une école purement industrielle, non scientifique, telle qu'on attendait, il n'aurait pas exigé cette séparation, mais il n'en est plus de même aujourd'hui. On crée un véritable foyer d'enseignement où 300 jeunes gens étudieront sans que les parents exercent aucun contrôle. Alors il faudrait la mettre sous les auspices de l'université Laval et ainsi les jeunes gens seront sous la garde d'un recteur catholique.

Le premier ministre a parlé de l'école technique de Lille qui est une école d'État, mais il n'a pas dit qu'en face de l'école d'État les patrons catholiques du département du Nord, qui sont parmi les plus grands industriels, ont tellement bien compris l'utilité de la direction catholique qu'ils ont établi à leurs frais et dépens une école technique catholique. Ces patrons savaient par expérience comment l'État, même dans une école d'enseignement technique, peut arriver à influencer la conscience de l'enfant. Ou bien c'est le milieu qui agit sur l'élève ou bien la discipline, lorsque ce n'est pas l'absence de discipline elle-même.

Pourquoi n'a-t-on pas affilié l'École technique de Montréal à l'université Laval, comme Sir William Macdonald a voulu que son école de Sainte-Anne, par exemple, fût affiliée à l'université McGill? On pouvait rendre justice à nos concitoyens anglais en leur donnant une institution semblable affiliée à l'université McGill. Il ne s'agit pas pour l'autorité supérieure de l'université de s'ingérer dans l'organisation intérieure et dans l'enseignement de l'école. L'École polytechnique, les facultés de droit et de médecine fonctionnent chacune de leur côté, sans que le vice-recteur ou les gouverneurs les gênent jamais par aucune tracasserie. Mais, au-dessus de toutes ces écoles distinctes, il y a une autorité supérieure de surveillance qui assure l'uniformité d'atmosphère morale et l'unité de l'enseignement et qui constitue une garantie aux familles des élèves. D'autre part, le premier ministre sait que, dans le personnel du bureau de direction de la nouvelle école, il y a plusieurs personnes qui n'offrent certainement pas aux parents de Montréal une aussi sûre garantie que l'on devrait exiger des directeurs d'une institution de ce genre, sous le rapport industriel et sous le rapport religieux. Cela, du reste, n'enlève rien à leur parfaite honorabilité et à leur compétence dans le domaine des affaires. Il s'agit ici d'un grand foyer d'enseignement destiné aux jeunes Canadiens français.

Parmi les professeurs choisis par le gouvernement, il y a un certain nombre de noms qui ne paraissent pas être des hommes brillants pour enseigner certaines matières, et il y en a aussi un certain nombre qui sont loin de rassurer le public sur le côté national. Il voit dans le programme de l'école tel que donné par le premier ministre une nouvelle preuve que l'on aurait dû fonder de petites écoles au lieu d'une grande institution centrale qui répondra nécessairement très mal aux besoins de la population. Avec de petites écoles on aurait peut-être formé moins vite des ouvriers supérieurs, mais on aurait relevé plus vite le niveau de la classe ouvrière. De plus, il ne croit pas que les sommes appliquées à l'institution seront suffisantes si on veut la faire telle que l'on dit.

Il termine en déplorant que l'école du gouvernement soit si différente de celle que la classe ouvrière attendait.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Sous le rapport financier, le député de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa) prétend que nous serons obligés de dépenser plus de un million pour les deux écoles. Or je ne crois pas que nous soyons forcés d'augmenter les sommes que nous demandons pour les deux écoles techniques de Montréal et de Québec. J'ai déjà déclaré qu'un million suffirait, et les renseignements que j'ai eus depuis cette affirmation me permettent de la confirmer en toute assurance. D'ailleurs, la somme n'est pas si forte puisque la moitié des dettes - qui s'élèvent à un million - sera remboursée par les différentes municipalités. Montréal versera $25 000 par année et la ville de Québec, $15 000 par année, ce qui au total représente plus que ce que le gouvernement aura à payer, soit $20 000. Une partie de cette contribution servira à acquitter le coût des intérêts et une autre partie servira à couvrir les frais d'administration.

On a prétendu que nous serions obligés de doubler les frais d'administration prévus. Nous avons estimé ceux-ci à environ $30 000 par année. Et, même si nous devions porter cette estimation à $50 000 par année, je ne crois pas que cette somme soit trop élevée si l'on considère les avantages que nous prévoyons retirer de ces deux institutions. De plus, avec le montant annuellement mis à sa disposition, la corporation de l'école pourra subvenir à tous ses besoins pendant cinq ou six ans.

C'est ce que le gouvernement propose pour débuter et la province est assez riche pour se permettre cette dépense, et je crois que tous les membres de cette Chambre seront prêts à voter cette somme de $50 000, qui ne leur sera pas demandée avant au moins cinq ans.

Mais, de toute façon, il croit que la somme de $30 000 sera suffisante pour couvrir les frais que le gouvernement aura à payer pour les écoles de Montréal et de Québec. Si plus tard le nombre des élèves augmente et s'il devient nécessaire d'établir des succursales, s'il devient urgent d'établir de nouvelles écoles dans des centres plus petits, comme par exemple une école fonctionnant en collaboration avec l'industrie papetière à Saint-Jérôme ou l'industrie textile à Valleyfield, Saint-Hyacinthe, Trois-Rivières, Sherbrooke, Hull, etc., les législateurs d'alors décideront. Contentons-nous de voir à ce qu'il y a à faire pour le présent. Actuellement, il faut commencer par le commencement. Il faut un commencement à tout et la province de Québec ne peut-elle pas d'ores et déjà dépenser $50 000 pour l'enseignement technique, quand l'Allemagne en dépense chaque année $3 500 000 et l'Angleterre $4 000 000? Il y a donc une marge considérable entre ces deux chiffres et la somme que la province de Québec veut dépenser pour les mêmes fins. Si l'on tient compte, par-dessus le marché, de nos besoins qui sont plus grands que ceux de l'Allemagne ou de l'Angleterre, cette somme de $50 000 est très peu pour la province de Québec, et je ne crois pas que les électeurs nous accusent d'exagération.

Le député de Saint-Hyacinthe dit qu'il était disposé à appuyer un projet d'école technique; il y voit maintenant un danger moral. Je le crois de bonne foi dans ses remarques, mais je crois qu'il est dans l'erreur; la conscience des jeunes élèves ne sera pas exposée au moindre péril dans son école. Le député de Saint-Hyacinthe s'est prononcé pour une école manuelle et industrielle. Il est impossible que l'on fasse une école qui soit à la fois plus industrielle et plus manuelle que celle-là. Elle donnera à ses élèves un apprentissage supérieur pur et simple. Veut-on former un ouvrier expert, oui ou non? Ces écoles auront pour but de donner un bon enseignement industriel supérieur pour former de bons menuisiers, de bons mécaniciens, etc.

Maintenant, je passe à l'affiliation à l'université Laval. On demande absolument l'affiliation aux universités Laval et McGill. Je ne crois pas qu'un député de cette Chambre ait plus que moi d'admiration pour ces deux institutions. Mais parce que l'université Laval a rendu des services signalés dans sa sphère d'enseignement, est-ce une raison pour lui confier toutes les oeuvres d'éducation dans cette province? Ce n'est pas une raison pour lui confier immédiatement la direction de l'École technique.

Il ne croit pas qu'il soit nécessaire à l'heure actuelle de discuter d'affiliation avec les universités, car l'enseignement technique vise ceux qui travaillent dans les usines et les établissements industriels. Le but principal de l'École technique est de rendre nos experts encore plus experts. Pour l'instant, nous ne voulons pas d'affiliation avec quelque institution que ce soit. Laissons d'abord commencer ce système d'enseignement tel que nous l'avons suggéré et, quand il sera solidement établi, nous pourrons alors à juste titre parler d'affiliation. Au reste, un écrivain religieux, le père Gonthier, a dit que l'enseignement technique appartient aux laïques, puisque les laïques sont ceux qui travaillent dans les ateliers pour lesquels l'enseignement technique a été créé. L'École polytechnique et l'École d'agriculture d'Oka, a dit le député de Saint-Hyacinthe, se sont affiliées à l'université Laval. L'École polytechnique de Montréal a fonctionné pendant des années avant d'être affiliée à l'université Laval. L'école d'Oka a existé plusieurs années et a fait beaucoup de bien avant d'être affiliée à l'université.

Nous avons, de ce côté-ci de la Chambre, une foi aussi robuste que les membres de la gauche. Qu'on laisse donc commencer le fonctionnement des écoles techniques et laissons faire les bons citoyens qui gouverneront la province dans le temps. Ils pourront affilier les écoles techniques aux universités s'ils croient que c'est dans l'intérêt de la jeunesse. Si on voit dans quelques années des raisons d'affilier les écoles techniques à l'université Laval, il ne doute pas qu'il y ait encore, dans ce temps-là, assez de gens prudents, assez de patriotes pour effectuer l'affiliation. Lorsque le danger viendra, si jamais il y a danger, on agira. Pourquoi multiplier les obstacles? Pour le moment, le premier devoir à accomplir, c'est de laisser commencer l'école. Laissons-leur produire toute leur somme d'utilité. C'est comme pour les ramifications à travers la province. Le gouvernement se propose d'établir peu à peu, plus tard, des succursales de nos deux grandes écoles techniques.

Lorsque l'honorable M. Flynn conçut lui aussi, en 1897, l'idée des écoles techniques, il songeait lui-même à les placer tout simplement sous le contrôle du Conseil des arts et manufactures. Quand on a fondé les cours du Conseil des arts et manufactures du Monument national, il n'a pas été question d'affiliation à l'université.

Si l'on croit qu'en fondant ces deux écoles nous retirerons des avantages sérieux, il ne devrait pas y avoir d'hésitation de la part de cette Chambre à voter l'argent nécessaire à leur fondation.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

M. Lavergne (Montmagny) aurait préféré en renvoyer la troisième lecture à une séance subséquente afin de permettre à tous les députés d'être présents.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

École technique de Québec

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 213 amendant la loi constituant en corporation l'École technique de Québec.

Adopté. Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

La séance est levée à 6 heures.

 

Deuxième séance du 10 mai 1909

Présidence de l'honorable P. Pelletier

La séance est ouverte à 8 h 20.

 

Prison dans le district de Montréal

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, appuyé par le représentant de Montmorency (l'honorable M. Taschereau), que la Chambre se forme en comité général pour prendre en considération certaines résolutions concernant la construction d'une nouvelle prison dans le district de Montréal.

Adopté.

Il informe alors la Chambre que Son Honneur le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de l'objet de ces résolutions et qu'il les recommande à sa considération.

 

En comité:

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) croit que l'on aurait peut-être pu utiliser la vieille prison pour quelques années. Il lui semble qu'on a été très vite en besogne. Le rapport de M. Vallée suggérant de construire immédiatement une plus grande partie de l'édifice était à peine reçu que l'on s'empressait de demander et d'accepter des soumissions, et tout cela sans l'autorisation de la Chambre. Il se plaint de ce que le gouvernement ait abusé de la bonne volonté de la législature afin d'augmenter de 100% le montant requis à cette fin. M. Chamberlain, avant de dépenser seulement $500 000, lors de la guerre du Transvaal, a convoqué le Parlement.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Ça pressait parce que l'ancienne prison est une disgrâce.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Peut-être, mais puisque le gouvernement a enduré cette disgrâce pendant 10 ans il aurait peut-être pu attendre encore quelques semaines. Le gouvernement s'était fait autoriser par la Chambre, en 1907, d'émettre des débentures pour une somme n'excédant pas $750 000, pour la construction d'une nouvelle prison à Montréal, l'ancienne étant manifestement insuffisante, et le 9 ou le 10 février 1909, quelques jours avant l'ouverture de la présente session, le gouvernement passait avec M. Pauzé un nouveau contrat de $750 000 pour la construction d'une annexe à la nouvelle prison de Montréal.

En tout cas, il est étrange que l'on ait attendu quelques semaines après la deuxième demande de soumissions alors que M. Pauzé n'était pas le plus bas soumissionnaire, tandis qu'aussitôt que M. Pauzé eut présenté la plus basse soumission on s'empresse d'accorder le contrat, et cela, trois semaines avant la rentrée des Chambres. C'est se moquer un peu brutalement des prérogatives des représentants du peuple qui, seuls, ont le droit d'engager le crédit de la province.

Il critique cette manière d'agir. Il trouve étrange qu'on ménage si parcimonieusement les subventions à l'agriculture, à la colonisation et que, d'un autre côté, on s'engage avec une pareille gaieté de coeur, sans consulter les Chambres, pour une somme de cette importance.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Ce n'est pas tout à fait exact. En 1907, on avait estimé que le montant nécessaire serait $750 000 et on avait demandé à la législature de voter ce montant. Depuis, nous nous sommes rendu compte qu'en tout un montant de $1 500 000 était nécessaire. Nous demandons donc aujourd'hui à la législature de sanctionner aussi cet emprunt.

Tout en citant des extraits du bill de 1907, il démontre que le gouvernement avait été autorisé à faire les avances nécessaires pour payer la construction d'une nouvelle prison dans le district judiciaire de Montréal, qu'il en coûte deux millions ou non. Cet emprunt serait remboursé en entier par le district de Montréal.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) demande des détails à propos de tous les soumissionnaires et des contrats accordés.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) lui répond que le gouvernement a pris cette mesure d'après les rapports de M. Vallée, gouverneur de la prison de Montréal, qui déclarait que la situation là-bas était une véritable disgrâce pour la province et qui prévoyait pour cette année une augmentation de 42 pour cent dans le nombre des prisonniers.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le bill de 1907 n'autorisait qu'une avance de $750 000. La Chambre aurait dû être consultée avant qu'un contrat ratifié vienne accroître de $700 000 la dette de la province.

L'honorable M. Weir (Argenteuil): Il est très probable que la vente du site de l'ancienne prison rapporte une somme d'argent importante car le terrain est tout près de la gare de triage du C P R, à Hochelaga. Le bill de 1907 stipulait que les produits de la vente de ce site seraient versés au gouvernement pour liquider une partie de l'emprunt.

Si les députés de cette Chambre visitaient la prison actuelle, ils comprendraient qu'elle est une vraie disgrâce et qu'on doit tout tenter pour hâter la construction du nouvel édifice.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Oui, c'est une disgrâce pour les bons prisonniers européens qui ont à vivre dans un tel édifice!

Il se plaint que le gouvernement ait changé les plans sans consulter la Chambre.

M. Prévost (Terrebonne) se plaint de la tendance que montre le gouvernement à disposer des fonds publics sans l'assentiment préalable de la Chambre. Il commence par la motion suivante qu'il va proposer: Cette Chambre nourrit l'espoir que, pendant son mandat, le gouvernement manifestera plus de respect envers l'autonomie de la province de Québec et les privilèges qui ont été garantis à ses citoyens et à leurs représentants.

Il trouve que depuis deux sessions le gouvernement semble prendre plaisir à se moquer des droits du peuple. Les ministres sont en train de rapetisser la législature aux proportions d'un conseil municipal.

M. Tellier (Joliette): Oh pardon, ça se fait mieux que cela dans les conseils municipaux!

M. Prévost (Terrebonne): En effet, et quand on s'écarte du droit dans les conseils municipaux, Dieu merci, les tribunaux sont là pour leur faire entendre raison et pour protéger les intérêts du public! Mais ici, où sommes-nous? Les choses sont menées de façon tellement bizarre que je me demande si je suis vraiment député ou non.

En dépit de nos institutions démocratiques, nous avons aujourd'hui l'administration la plus autocratique qui soit. À trois reprises différentes, dans cette seule session, les droits de la représentation populaire ont été foulés aux pieds. Une première fois, l'on a donné au lieutenant-gouverneur en conseil, à l'exécutif, le pouvoir de taxer toute la province en lui permettant de fixer le tarif des timbres d'enregistrement. Une seconde fois, l'an dernier, on a vu le gouvernement demander d'augmenter à $700 000 l'emprunt pour l'École technique et avouer qu'il avait fait de lui-même une dépense additionnelle de $500 000 lorsque $200 000 avaient été votés par la législature. Mais aujourd'hui, on dépasse les limites. Une troisième fois, l'on veut la ratification de contrats pour un montant de $1 500 000 lorsque $750 000 ont été autorisés à cette fin par des représentants du peuple.

En 1907, nous avons autorisé le gouvernement à n'avancer que $750 000 pour la prison de Montréal. Cette année, le gouvernement accorde des contrats de $700 000 qui n'ont pas été autorisés par la législature. Le gouvernement n'a aucun respect pour les principes britanniques. Il a accordé ces contrats à la simple demande du gouverneur de la prison, M. Vallée, et sans consulter les députés. Le gouverneur Vallée de la prison de Montréal a plus à dire dans cette affaire que les députés. Où allons-nous donc avec un tel état de choses?

Il se demande ce que le gouvernement libéral fait des principes du Parti libéral, qui s'est toujours fait gloire de respecter les intérêts du peuple. Que fait-on des députés? La Chambre n'est-elle donc qu'un bureau d'enregistrement? Évidemment oui.

M. Lavergne (Montmagny): Nous n'avons même pas de bureau de contrôle.

M. Prévost (Terrebonne): Le gouvernement se dit sans doute qu'il a la majorité et qu'il n'a pas besoin de demander la permission à aucun des députés libéraux de cette Chambre car ils l'approuveront de toute façon. Pas nécessaire de demander l'avis du député de Saint-Louis (M. Langlois), de celui de Saint-Sauveur (M. Côté), de celui de Drummond (M. Laferté), ils vont dire oui. Mais supposons que des conseillers municipaux ratifient un contrat pour un trottoir et fassent exécuter le travail avant de soumettre la chose au conseil. En bien, cela serait violer les principes, et c'est à ce triste spectacle que nous assistons actuellement! Un conseil municipal qui dépenserait ainsi sans l'autorisation populaire une somme de $25 serait immédiatement détruit par les contribuables.

En 1907, le gouvernement demandait aux Chambres de voter $750 000 pour la nouvelle prison. La résolution disait expressément que la dépense ne devait pas dépasser ce montant et il ajoute, en pesant sur les mots, qu'il sait que c'était alors l'intention du ministère de ne pas dépenser davantage. De quel droit le gouvernement outrepasse-t-il son mandat? Qu'est-il donc arrivé depuis qui le pressait tant d'engager de lui-même la province dans une dépense supplémentaire de trois quarts de million?

Il défie les ministres de lui citer un seul article de la Constitution en vertu duquel il pouvait engager le crédit de la province pour trois quarts de million de piastres sans le consentement des députés. Les députés n'ont-ils pas pour première fonction de voter à l'exécutif l'argent nécessaire? Les contrats ont été accordés le 10 février 1909. On aurait pu attendre la session qui s'est ouverte 20 jours plus tard.

Il ne croit pas qu'un pareil mépris des prérogatives parlementaires ait un précédent. Depuis 10 ans qu'il siège en Chambre, il n'en avait pas vu d'exemple; mais depuis le commencement de cette session, c'est la troisième fois que la chose se répète.

Pour la colonisation et l'instruction publique, il est nécessaire de consulter la Chambre avant de faire les avances. Mais la prison de Montréal, oh, la prison de Montréal, elle est tellement importante! On avance chaque année $30 000 pour les bons chemins et $50 000 pour les ponts, voilà ce qu'on fait sonner bien haut, mais néanmoins on a encore le temps de consulter la députation. Mais la prison, ça presse, pour la prison on n'a pas le temps d'attendre trois semaines. Les prisonniers sont bien plus importants que les cultivateurs et les colons de cette province.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Lorsque le premier contrat pour la construction de la prison a été accordé pour une somme de $780 000, en 1907, le gouvernement n'était autorisé à dépenser que $750 000. Le gouvernement dépassait donc son autorisation et le député de Terrebonne (M. Prévost) n'a pas protesté. De plus, en l'autorisant à construire une prison il l'autorisait à payer pour cette prison. S'il considérait que ce qui a été fait était mal, pourquoi a-t-il voté avec le gouvernement à ce moment, car il a déclaré que tout le gouvernement était informé de la chose?

M. Prévost (Terrebonne): Oui, mais il était entendu que ces $750 000 représentaient le coût total de la construction. Je ne savais pas qu'on dût doubler ce montant si tôt. Entre un excédent de $30 000 et un excédent de trois quarts de million il y a une énorme différence qui justifiait de consulter les députés. Quant à l'agrandissement de la prison, elle ne résulte pas de l'autorisation des Chambres, mais d'un rapport de M. Vallée. Voilà la vérité sortie de la bouche du ministre des Travaux publics lui-même.

M. Lavergne (Montmagny): Elle ne pouvait pas rester là; elle était si peu à l'aise.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): D'après le statut voté par la Chambre en 1907 il est loisible au gouverneur en conseil de prendre les mesures requises pour la construction d'une prison convenable, d'où il résulte que les $750 000 que le gouvernement était autorisé à emprunter pouvaient aussi bien s'appliquer à une partie seulement de la bâtisse qu'à sa totalité; et, quant au reste, le trésorier provincial était autorisé à l'avancer jusqu'à concurrence du coût total.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le bill de 1907 autorisait seulement la dépense de $750 000.

M. Prévost (Terrebonne): Je ferai remarquer que cette autorisation donnée au trésorier provincial se rapportait à la somme qu'auraient pu nécessiter certaines dépenses imprévues, $15 000 ou $20 000 par exemple, mais qu'elle ne permettait jamais de doubler les $750 000 ou, autrement dit, de construire une nouvelle prison. L'honorable ministre sait-il combien peuvent loger de prisonniers l'ancienne prison et la partie déjà construite de la nouvelle?

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Je ne puis dire.

M. Prévost (Terrebonne): Les trois ailes, A, F, E, de la nouvelle prison peuvent loger trois fois autant de prisonniers que l'ancienne, et le rapport de M. Vallée ne prévoyait qu'une augmentation de 42 pour cent.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) demande d'ajourner le débat1.

Le comité, ayant étudié le bill, rapporte progrès.

Loi sur les accidents du travail

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) propose, selon l'ordre du jour et appuyé par le représentant d'Hochelaga (l'honorable M. Décarie), que le bill 34 concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, et la réparation des dommages qui en résultent, soit maintenant lu une troisième fois.

M. Tellier (Joliette) propose en amendement, appuyé par le représentant de Charlevoix (M. D'Auteuil), que ce bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau référé au comité général de cette Chambre avec instruction de l'amender en retranchant, à la fin de l'article 2, le troisième alinéa se lisant comme suit: "Le capital des rentes ne doit cependant sous aucun cas, sauf celui mentionné à l'article 5, excéder deux mille piastres."

Cette disposition favorise le vieillard qui recevra une rente considérable tandis qu'elle est préjudiciable à l'homme dans la force de l'âge qui, ayant encore une famille à élever, ne recevra qu'une redevance ridicule.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Si on biffe ce paragraphe, l'ouvrier restera avec la moitié de son salaire, ce qui, dans la plupart des cas, représenterait pour le patron la perte d'un capital de $4000 à $5000. Ce serait une injustice à son égard puisqu'à l'heure actuelle il ne paye cette indemnité que s'il y a faute de sa part. Une rente plus élevée ne serait pas acceptée par les patrons. Pour arriver à quelque chose de pratique, il a fallu en arriver à une moyenne.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) nie que le projet de loi soit un compromis équitable pour l'ouvrier. L'indemnité maximum de $1000 ne donnant au plus que $100 par année est absolument insuffisante pour une famille dans nos grandes villes.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 11.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), Caron (Matane), Daigneault, D'Anjou, Décarie, Dion, Finnie, Francoeur, Galipeault, Geoffrion, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Langlois, Lemieux, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 32(sic).

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale étant mise aux voix,

M. D'Auteuil (Charlevoix) propose en amendement, appuyé par le représentant de Shefford (M. Bernard), que ce bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit de nouveau renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction de modifier l'article 3 de manière à assurer aux ayants droit de l'ouvrier, en cas de mort de ce dernier, une indemnité plus juste, plus équitable et mieux proportionnée aux dommages qu'ils subissent. Il demande qu'un maximum d'indemnité plus équitable soit fixé.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 11.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), Caron (Matane), D'Anjou, Décarie, Delâge, Dion, Finnie, Francoeur, Galipeault, Geoffrion, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Langlois, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 33.

Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.

La motion principale étant de nouveau mise aux voix,

M. Plante (Beauharnois) propose en amendement, appuyé par le représentant de Laprairie (M. Patenaude), que ce bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit référé au comité général avec instruction d'en amender l'article 3 en remplaçant les mots "deux mille piastres", dans la cinquième ligne, par les mots "trois mille piastres", et en biffant le dernier alinéa ajouté en comité général audit paragraphe 3. Il suggère aussi que les ouvriers puissent interjeter appel auprès de la Cour suprême.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): Dans ce cas, les appels à la Cour suprême seraient malheureusement fréquents et notre législature provinciale ne pourrait les interdire.

M. Prévost (Terrebonne) et M. Lavergne (Montmagny) soutiennent que la province peut déclarer définitive la décision de ses propres tribunaux.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency) soutient le contraire et affirme que la Cour Suprême seule est maîtresse de sa juridiction. Il en appelle au député de Joliette (M. Tellier).

M. Tellier (Joliette) n'a aucune hésitation à déclarer que la province est absolument maîtresse chez elle et qu'elle peut décréter que les décisions de ses tribunaux seront définitives. La Cour Suprême est ouverte à tout venant, mais qu'en autant que l'on veut s'y présenter. Il se réfère à l'opinion du premier ministre.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): La question n'est pas aussi claire que le prétend le député de Joliette. Les deux opinions peuvent se soutenir, la chose n'ayant encore été carrément décidée ni dans un sens ni dans l'autre. Mais, toutefois, il ne croit pas qu'on doive faire porter aux ouvriers les frais de cette expérience.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Le gouvernement pourrait imiter l'exemple de Mercier qui prit la cause de quelques colons et la fit porter jusqu'au Conseil privé où elle triompha.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Et ce sont vos amis d'aujourd'hui qui dans ce temps-là ont blâmé Mercier.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Ni l'honorable député de Joliette ni aucun des députés actuels de la gauche n'a jamais blâmé Mercier de cette bonne action.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): En tout cas, nous l'avons approuvé alors.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe): Moi aussi, je l'ai approuvé. Mais je voudrais voir un gouvernement qui se dit libéral montrer autant de sollicitude pour les ouvriers que Mercier en montra pour les colons.

L'honorable M. Gouin (Portneuf) cite une cause de 1908, dans laquelle le Conseil privé nia au Manitoba le droit d'interdire l'appel à la Cour supérieure en matière civile.

Le sommaire du jugement se lit ainsi:

"By s. 101 of the British North America Act, 1867, the Parliament of Canada was authorized to establish the Supreme Court of Canada, the existing statute being R. S. C. 1906, c. 139, ss. 35 and 36 of which define its appellate jurisdiction in respect of any final judgment of the highest Court of final resort now or hereafter established in any province of Canada.

"The Manitoban Mechanics' and Wage Earners' Lien Act (R. S. M., c. 110, s. 36) applies to the suit under appeal and enacts that in suits relating to liens the judgment of the Manitoban Court of King's Bench shall be final and that no appeal shall lie thereform:

"Held, that the provincial Act could not circumscribe the appellate jurisdiction granted by the Dominion Act2."

M. Tellier (Joliette): Le premier ministre vient de lire le "sommaire" du jugement, qui souvent dit le contraire du jugement lui-même.

L'honorable M. Gouin (Portneuf): Ces sommaires-là sont généralement bien faits.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 11.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), D'Anjou, Décarie, Delâge, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Langlois, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 30.

Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.

La motion principale étant de nouveau mise aux voix,

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) propose en amendement, appuyé par le représentant de Montmagny (M. Lavergne), que le bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité général afin de l'amender de la manière suivante: 1. De biffer le deuxième paragraphe de l'article 5 se lisant ainsi: "Le tribunal peut diminuer l'indemnité si l'accident est dû à la faute inexcusable de l'ouvrier ou l'augmenter s'il est dû à la faute inexcusable du patron." 2. De biffer de l'article 6 les mots suivants: "Si le salaire annuel dépasse six cents piastres, il n'est pris en considération que jusqu'à concurrence de ce montant. Pour le surplus et jusqu'à mille piastres, il ne donne droit qu'au quart des indemnités susdites."

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Sylvestre, Tellier, 10.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), D'Anjou, Décarie, Delâge, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 29.

Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.

La motion principale étant de nouveau mise aux voix,

M. Cousineau (Jacques-Cartier) propose en amendement, appuyé par le représentant des Deux-Montagnes (M. Sauvé), que le bill 34 ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit référé au comité général de cette Chambre avec instruction de l'amender de manière à pourvoir à un mode d'enquête rapide sur les causes des accidents, à des procédures légales plus simples, moins coûteuses et plus propres à assurer l'exécution de la loi et à une limitation des appels judiciaires.

On devrait, dit-il, faire quelque chose comme ce qui existe dans la loi anglaise, savoir, prohiber les appels. La requête devrait être supprimée. Quant aux frais, l'on devrait dispenser des timbres judiciaires.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 12.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), D'Anjou, Décarie, Delâge, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Langlois, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 29.

Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.

La motion principale étant de nouveau mise aux voix,

M. Lavergne (Montmagny) propose en amendement, appuyé par le représentant de Saint-Hyacinthe (M. Bourassa), que ce bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité général avec instruction de l'amender afin de pourvoir à la garantie des indemnités par le mode des assurances obligatoires, avec contribution déterminée des chefs d'entreprise et des ouvriers, les termes des polices et des primes étant soumis au contrôle et à la révision du surintendant général des assurances.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 11.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), D'Anjou, Décarie, Delâge, Finnie, Francoeur, Galipeault, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Langlois, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 30.

Ainsi, l'amendement est aussi rejeté.

La motion principale étant de nouveau mise aux voix,

M. Patenaude (Laprairie) propose en amendement, appuyé par le représentant de Jacques-Cartier (M. Cousineau), que le bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité général de cette Chambre avec instruction d'y retrancher la clause 27 qui assujettit l'ouvrier à l'obligation de requérir l'autorisation du juge avant de pouvoir porter son action en justice.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, Cousineau, D'Auteuil, Delâge, Lafontaine (Maskinongé), Langlois, Lavergne, Patenaude, Plante, Prévost, Sauvé, Sylvestre, Tellier, 14.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), D'Anjou, Décarie, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 27.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale étant de nouveau mise aux voix,

M. Sylvestre (Montcalm) propose en amendement, appuyé par le représentant de Beauharnois (M. Plante), que ce bill ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais dans six mois.

M. Tellier (Joliette) appuie cet amendement. Il proteste contre une mesure qui rend trop peu justice à la classe ouvrière. Lorsque ce projet de loi a été soumis, il était disposé à l'accueillir avec la meilleure volonté du monde, bien qu'il ne fût pas complet parce que le ministre nous invitait à l'amender, nous assurant que toutes nos suggestions seraient reçues et discutées dans le meilleur esprit du monde. Nous avons cherché à l'amender, mais nous n'avons pas réussi, le gouvernement faisant rejeter presque tous nos amendements. Je regrette de dire que dans cette législation l'on paraît s'être attaché à protéger les droits du patron sans tenir compte de l'ouvrier, et ce qui me confirme dans cette opinion, c'est la façon dont le gouvernement a accueilli tous les amendements que nous avons proposés et qui étaient tous de nature à améliorer la position de l'ouvrier. Dans ces conditions, je préfère voter contre la loi qui va contribuer à mettre l'ouvrier et sa famille dans les embarras que lui prépare cette loi.

M. Plante (Beauharnois) est de la même opinion. Le seul avantage que donne ce projet de loi est le déplacement du fardeau de la preuve, mais comme cet avantage est en grande partie détruit par les restrictions imposées quant à l'indemnité et à la rente, il n'a aucune objection à voter contre le projet.

M. Prévost (Terrebonne) annonce qu'il votera pour la loi, dont il ne réprouve que l'article 27 obligeant l'ouvrier à recourir au juge avant de prendre une action. Il félicite le député de Montmorency (l'honorable M. Taschereau) du travail de préparation de cette loi.

L'honorable M. Taschereau (Montmorency): La loi n'est pas, peut-être, parfaite, mais je serai heureux, à mesure que l'application en démontrera le besoin, d'amender la loi actuelle. La loi ne viendra en force qu'en 1910 et il y aura toujours moyen de l'amender à la prochaine session.

M. Lavergne (Montmagny) trouve dans cet argument du ministre une excellente raison pour voter le renvoi à six mois puisque le gouvernement lui-même propose le renvoi à huit mois. Il considère en outre que le refus d'option pour l'ouvrier entre le droit commun et cette loi spéciale est une injustice qu'il ne peut approuver.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) n'a pas d'objection à voter le renvoi à six mois. Le projet Archambeault soumis il y a quelques années était beaucoup plus équitable que celui-ci qui ne donne à l'ouvrier qu'une pitance.

L'amendement étant mis aux voix, la Chambre se divise. Les noms sont appelés et inscrits comme suit:

Pour: MM. Bernard, Bourassa, D'Auteuil, Lafontaine (Maskinongé), Lavergne, Patenaude, Plante, Sylvestre, Tellier, 9.

Contre: MM. Benoît, Blouin, Carbonneau, Caron (L'Islet), Cousineau, D'Anjou, Décarie, Delâge, Finnie, Francoeur, Geoffrion, Godbout, Gouin, Kaine, Kelly, Laferté, Langlois, Létourneau, Lévesque, Mackenzie, Morisset, Neault, Pilon, Prévost, Reed, Roy, Taschereau, Thériault, Walker, Walsh, Weir, 31.

Ainsi, l'amendement est rejeté.

La motion principale étant alors mise aux voix par M. l'Orateur, la Chambre se divise, et la proposition est résolue dans l'affirmative sur la même division que la précédente prise en sens inverse.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

Loi des assurances de Québec

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose, selon l'ordre du jour, que la Chambre se forme en comité général pour étudier le bill 10 amendant la loi des assurances de Québec.

Adopté.

 

En comité:

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose en amendement que les compagnies d'assurance mutuelle aient le pouvoir de se fusionner si elles le désirent. Certaines compagnies qui ont une charte provinciale sont dans une situation financière difficile et leurs frais d'administration sont beaucoup trop élevés par rapport à leurs chiffres d'affaires.

M. Bourassa (Saint-Hyacinthe) s'y objecte.

L'amendement est rejeté.

Le comité, ayant étudié le bill, en fait rapport sans amendement.

L'honorable M. Weir (Argenteuil) propose que le bill soit maintenant lu une troisième fois.

Adopté sur division.

Il est ordonné que le greffier porte le bill au Conseil législatif et demande son concours.

La séance est levée à 1 h 30 du matin.

__________

NOTES

 

1. Le Montreal Daily Star mentionne le nom de M. Roy.

2. Crown Grain Company Limited contre H. L. Doy, A.C., 1908, p. 504-508.

"En vertu de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, le Parlement du Canada est autorisé à établir la Cour suprême du Canada, la loi existante étant S. R. C. 1906, chap. 139, dont les sections 35 et 36 définissent sa juridiction d'appel pour tout jugement définitif de la plus haute cour de dernier ressort actuellement établie ou qui le peut être plus tard dans toute province du Canada.

"La loi du Manitoba sur le privilège des constructeurs et des salariés (R. S. M., c. 110, s. 36), qui s'applique à la cause portée en appel, stipule que pour les causes ayant trait à des privilèges le jugement de la Cour manitobaine du banc du roi est final et que nul appel ne peut être fait.

"Résolu: Que la loi provinciale ne peut restreindre la juridiction d'appel accordée par l'Acte du dominion."