(Dix heures six minutes)
Mme Setlakwe : Bonjour. Bon
matin. Bien, écoutez, on vient de passer deux heures avec la ministre Déry. On
a eu des échanges très importants. Et ce que je retiens, c'est qu'on a une
ministre qui défend son gouvernement plutôt que de défendre les réseaux, les
réseaux d'enseignement supérieur au niveau des cégeps, au niveau des
universités, évidemment, directement la population étudiante. Quand... Dans ses
réponses, j'aurais souhaité qu'elle rassure la population étudiante, qu'elle
rassure les réseaux. C'est son mandat. À la fin, dans ses derniers... sa
dernière intervention, elle a parlé du fait qu'elle était pragmatique, qu'elle
était une ministre de voies de passage, ce à quoi j'ai répondu : On a
besoin en ce moment non pas d'une ministre de voies de passage, mais d'une
ministre qui défend haut et fort le réseau de l'enseignement supérieur, qui,
honnêtement n'a jamais été autant mis à mal.
Et, ce que j'aimerais qu'on retienne ce
matin, quand on parle de coupures, c'est de ramener ça sur le terrain. On
impose à nos établissements de couper, de faire des choix tellement difficiles.
Puis il faut que ce... il faut que ce qu'on retienne, c'est qu'on affecte le
service aux étudiants, on affecte l'achat d'équipements. Ça, c'est... je pense
qu'on a touché une corde sensible. On listait des exemples, parce que les
cégeps nous ont fourni des listes d'achats qui sont reportés, on parle d'achats
d'équipements qui sont essentiels pour qu'on puisse bien former nos jeunes sur
le matériel à la fine pointe pour les préparer pour être prêts pour le marché
du travail, où ils devront oeuvrer, exercer leur profession sur du matériel
évidemment qui est à la fine pointe. Par exemple, en soins préhospitaliers, ça,
c'est un exemple qui est sorti ce matin.
Donc, les coupures, là, ce n'est pas juste
une question de prioriser certains projets d'infrastructure, ce n'est pas juste
le bâtiment. C'est aussi les équipements, les livres, etc.
Le fil conducteur, c'est la
requalification, la productivité, l'innovation. Et c'est ça qu'on doit retenir,
alors qu'on... il y a des menaces qui planent sur nous depuis la réélection du
président Trump. Le premier ministre en parle, il faut requalifier, il faut
être plus productifs. Et qu'est-ce qu'on fait? On coupe dans notre réseau d'enseignement
supérieur. Honnêtement, c'est incohérent et ce n'est pas du tout la voie à
suivre.
Au niveau des universités, le projet de
loi n° 74, dans lequel on n'a même pas entendu la ministre, à l'automne,
bien, encore aujourd'hui, elle a été incapable de défendre le réseau. Je m'explique.
Le décret qui va être émis en vertu du projet de loi n° 74 n'est même pas
encore annoncé sur les quotas qui vont être imposés sur l'accueil des étudiants
internationaux, mais déjà, il y a un effondrement des demandes d'admission.
Déjà, on voit que le message qui a été envoyé, surtout dans la francophonie, c'est
un message que, finalement, on ne veut pas les accueillir, ces étudiants-là. On
en a besoin, surtout au niveau, encore une fois, de notre recherche, de notre
développement, de notre innovation. On est en train de se tirer dans le pied. Quand
même le scientifique en chef a été obligé d'intervenir puis de dire :
Sortez, excluez les deuxièmes, troisièmes cycles, c'est trop important, pour qu'on
puisse être prêts à affronter et répondre aux enjeux de société d'aujourd'hui
et de demain.
Donc, honnêtement, le fil conducteur,
encore une fois, réussite académique, requalification, accès à l'enseignement
supérieur, s'assurer que nos jeunes soient bien formés et que ceux qui sont
déjà sur le marché du travail puissent être requalifiés. Ce n'est pas le temps
de couper notamment dans les AEC, les attestations d'études collégiales. Ce
sont toutes des demandes qui viennent du marché... des milieux.
Et surtout, le dernier point, j'aimerais
que la ministre cesse de s'ingérer. Elle s'ingère aussi... Les décisions, les
coupures, et quand on parle de quotas qui seront imposés auprès des... pour les
étudiants internationaux, laissez... je dis au gouvernement : Laissez les
recteurs, laissez les directeurs de cégep faire leur travail, c'est eux qui
sont les mieux placés pour savoir où il est nécessaire de continuer d'accueillir
des étudiants internationaux, notamment pour qu'on puisse maintenir les
programmes. Il faut leur faire confiance. Il faut leur laisser faire leur
travail. Et puis pour citer Mathieu Bélisle, ce matin, faire confiance à leurs
jugements, ce sont eux les mieux placés. Voilà.
Journaliste : Vous avez...
Phil me faisait remarquer, un collègue, que vous avez fait le même genre d'exercice
au mois de septembre. Qu'est-ce que, Mme Setlakwe, vous espérez que la ministre
retienne de tout ça ou change avec votre intervention d'aujourd'hui? Parce que
c'est votre interpellation quand même. Qu'est-ce que vous espérez de cet
exercice-là, qui... pas mal semblable à ce qu'on a vu cet automne?
Mme Setlakwe : Oui, vous avez
raison. En septembre, donc, on se rappelle que la fameuse directive qui a été
envoyée à tous les établissements de cégep, c'est le 31 juillet, durant
les vacances de la construction, alors que les travaux sont déjà en cours — au
Québec, la saison est courte pour faire des travaux, c'est durant l'été — et
que les budgets d'investissement avaient déjà été étudiés, adoptés et
approuvés, tout ça, par les conseils d'administration, là, encore une fois, la
gouvernance locale. Le 31 juillet, on venait dire : Bien non,
finalement, vous pensiez dépenser, disons, 30 millions, on vous coupe ça
de moitié. Alors, déjà, il y avait des cégeps qui étaient en défaut.
Ça fait qu'on a réagi fortement en
septembre, par une motion du mercredi, une interpellation, tout ça. Mais là,
sept, huit mois plus tard, il était vraiment temps qu'on fasse une mise à jour,
parce que, depuis ce temps-là... Puis j'ai commencé mon interpellation ce matin
en faisant, justement, la ligne du temps des événements marquants. Ça ne fait
que s'ajouter. Au-delà des budgets d'investissement qui sont réduits, il y a
eu, on a imposé un gel de recrutement, un plafond d'heures rémunérées. Et ça,
c'est...
Donc, honnêtement, au niveau des cégeps,
là on est en train de prendre la pleine mesure de la directive qui avait été
envoyée à la fin juillet, qui a été suivie par d'autres... d'autres mesures. Et
ce qu'on entend sur le terrain, c'est ça qu'il faut retenir, c'est qu'il faut
cesser de parler à haut niveau et répondre avec des réponses trop globales,
référer au PQI. Elle est là pour défendre le réseau, et ce que le réseau est en
train de dire, c'est qu'il y a une détresse, il y a une pression, il y a des
choix déchirants qui doivent être faits et tout ça, bien, ça... il y a une répercussion
sur la réussite académique puis sur la mission éducative des cégeps. Puis ça,
c'est sans parler des universités.
Donc, depuis l'interpellation, bien, les
choses se sont concrétisées sur les intentions du gouvernement vis-à-vis les
étudiants internationaux. Puis je vois là une incohérence aussi avec la
politique de financement qui avait été adoptée en juin. Donc, il y a beaucoup
de choses, et je pense que c'était donc important ce matin de faire une mise à
jour, pour... pour qu'elle puisse se ressaisir.
Journaliste : J'aurais aimé
poser la question à la porte-parole en matière de cybersécurité et au numérique
en lien avec le rapport de la Vérificatrice générale hier. En fait, j'aurais
aimé vous entendre peut-être sur la réaction du gouvernement, qui... qui nous a
dit, en principe, hier : On n'a pas été mis au courant, nous avons été
trompés, on vous demande de faire front commun. Front commun, essentiellement,
c'est un peu le message qu'ils ont lancé hier. Vous avez pensé quoi de la... de
la réaction du gouvernement là-dessus, hier, à ce rapport-là?
Mme Setlakwe : Bien, il y a
deux choses. Évidemment, au niveau de la SAAQ, il va falloir qu'on continue
de... continue l'enquête. Et mon collègue Monsef Derraji a fait un excellent
travail à ce niveau-là, ses questions étaient claires, et il y a une question
de privilège, même, qui se pose, il va falloir aller au fond des choses, parce
que, oui, les parlementaires doivent recevoir une information fiable et
véridique.
Donc, moi, je vois les choses de deux
façons. Vous m'avez posé la question comme porte-parole en cybersécurité et
numérique. Donc, évidemment, il faut faire l'autopsie complète du fiasco
SAAQclic, mais il faut aussi se demander... Puis moi, j'ai examiné... j'étais
là quand la Vérificatrice générale a déposé son rapport et j'ai étudié ses
recommandations. Elle était venue durant les consultations sur le projet de loi
n° 82 sur l'identité numérique. Je siège sur ce projet de loi là avec M.
Caire actuellement, le ministre de la Cybersécurité et du Numérique. Donc, moi,
quand je suis retournée en étude détaillée, je lui ai posé la question,
d'entrée de jeu, au début de la commission, hier, je lui disais : Est-ce
que les recommandations de la ministre... de la ministre... de la Vérificatrice
générale, qui demande d'assurer des... des mécanismes de reddition de comptes,
d'assurer que les informations fiables se rendent aux décideurs, etc... est-ce
que ces recommandations-là, vous en tirez des leçons par rapport aux projets de
développement informatique futurs, notamment l'identité numérique, qu'on est en
train d'étudier? Sa réponse était... était plutôt laconique, et je dirais
qu'elle était empreinte de nonchalance et j'ai trouvé ça extrêmement décevant.
Journaliste : Il ne vous a
pas convaincue par ce qu'il vous a répondu, là?
Mme Setlakwe : Non, je ne
suis pas convaincue. Il a parlé de mécanismes qui sont en place dans la
législation, mais ce qui m'a déçue surtout, c'est l'attitude qu'il a adoptée
que tout est beau, que ce n'est même... Il m'a même dit que ce n'était... mes
questions n'étaient pas pertinentes. J'avais un regard tourné vers le futur, en
se demandant quelles... quelles leçons pouvons-nous tirer pour s'assurer que
les prochains projets de développement informatique... puis on sait qu'il y en
a plusieurs. La transformation numérique... on est... on est à l'aube de cette
grande transformation numérique, qui est nécessaire. J'ai trouvé, donc, que
c'était son... encore une fois, son attitude de nonchalance, tout est beau, on
n'a pas besoin d'en parler.
Journaliste : Y croyez-vous
que le gouvernement ne savait... que les ministres ne savaient rien, qu'ils
n'étaient... ou vous leur laissez le bénéfice du doute?
Mme Setlakwe : Ça, c'est une
question difficile. Honnêtement, moi, je... je pense qu'on va laisser l'enquête
être complétée. Voilà, on va laisser... on va... on va laisser l'enquête...
Journaliste : ...une enquête
publique?
Mme Setlakwe : Il faut aller
au fond des choses pour savoir, effectivement, qu'est-ce qui s'est passé dans
la chaîne de communication. Il faut vraiment qu'on se pose toutes ces
questions-là, oui.
Journaliste : Et comment on
le fait? Est-ce que le gouvernement doit évaluer ses recours? Là, à la SAAQ, on
nous parle... C'est M. Malenfant, je pense, là, qui était responsable de ça.
Bon, il est parti à la retraite. Quand on écoutait tout le monde hier, tous les
intervenants, on a l'impression qu'un peu tout le monde s'en lave les mains
puis qu'au bout du compte, bien, il n'y arrivera rien, il n'y a personne qui va
payer pour ça.
Mme Setlakwe : Encore une
fois, on va aller au fond des choses.
Journaliste
: Mais
comment, Mme Setlakwe?
Mme Setlakwe : La démarche de
notre leader, elle est excellente. C'est une question de privilège. On va
vouloir aller au fond des choses pour s'assurer que les parlementaires n'ont
pas été trompés, qu'il n'y a pas eu un outrage au parlement. Voilà. Puis une
fois qu'on a dit ça, bien, il faut se rappeler que toutes ces questions-là
doivent être posées parce que la population québécoise continue de faire les
frais du fiasco SAAQclic en temps, perdu, en énergie perdue, en coûts,
évidemment, les budgets ont explosé, puis encore une fois, pour revenir à mon
dossier avec le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, s'assurer qu'on a
tous les mécanismes, les processus, les mécanismes de reddition de comptes en
place pour s'assurer que des situations comme celles-là ne se reproduisent pas.
Journaliste
:One in English?
Mme Setlakwe : Sure. Good morning.
Journaliste :
Good morning. I just want to go back at
the story about Mme Déry, the Minister, and Dawson. Some of the opposition
parties have said this needs to be investigated or Mme Déry needs to apologize
for interfering in the academic freedoms of the cégep. What's your view on
that? Do you think she needs to apologize, or do you think it needs to be
investigated by an ethics commissioner? What's your point of view?
Mme Setlakwe : Very simple : Academic freedom needs to be respected and she
needs to be reminded that it needs to be respected. What else does she have on
her desk? So, she's interested in one course? Are there other courses in which
she wants to... Is she interested in the content of other courses? It makes no
sense. It makes no sense. Again, with everything that we've discussed this
morning, the message that I have for her is... she said she's proud of our
network, she's proud of our institutions, we must trust their judgment, they
have internal processes in place. Let them do their work.
Journaliste :
So, she should not be meddling, is that
what you're saying, in the affairs of Dawson, in the academic...
Mme Setlakwe :
Generally speaking, it's an important
rule that needs to be respected. Academic freedom needs to be respected.
Journaliste :
You mentioned as well that the effects
of Bill 74 are being felt now. Even before the decree has been adopted, the
enrollment is dropping in many universities. What are your concerns on that
issue?
Mme Setlakwe : My concern is that the damage is already done and it's been months
now. So, we need to be careful with our rhetoric as a government, as elected
officials, as a population. We need international students, and we need to...
before we make these kinds of changes to our legislation and before we impose
measures like the ones that were taken in... It goes back to the fall of 2023
when there were these tuition hikes. It wasn't thought through because they had
to pull it back with respect to Bishop's. So, clearly, they hadn't thought
through this decision, it was improvised. And we have to be extremely careful
because even before we know what the quotas will be, there's already a severe
impact. Already, we can see that international students are less interested in
coming to Québec.
Journaliste :
They've been spooked or they're nervous
about the way the system works?
Mme Setlakwe :
Well, clearly. And the Minister said
this morning : Let's wait and see. The applications are down. Let's wait
and see if the registrations will be down. But it's quite worrisome. And again,
the message is, at the very least, she should have excluded second and third
cycles... the research students, she should have excluded...The universities
had been...their request was : Exclude us from the application of the
bill. That wasn't accepted. And, at the very least, leave our master's and
doctorate students out of this. Absolutely. It's a question of our ability
to... in terms of research, and innovation, and productivity, and it's what we
should be focusing on these days.
Journaliste : Thank you. Bon
week-end.
Mme Setlakwe : Merci. Merci à
vous tous.
(Fin à 10 h 21)