(Douze heures deux minutes)
Mme Ghazal : Bonjour, tout le
monde. Merci beaucoup d'être ici. Je suis vraiment très fière, aujourd'hui, de
parler du projet de loi que j'ai déposé ce matin et de le faire en présence de
mon collègue, nouveau responsable, donc, en éducation, et aussi de Stéphane et
Anne-Marie, qui viennent du mouvement Citoyens, L'École ensemble, que j'ai
consulté pour déposer ce projet de loi-là.
Ça prend vraiment du courage et de l'ambition
pour faire une proposition comme celle-là. Ce n'est pas juste un projet de loi,
c'est un projet de société. Et, à Québec solidaire, on ne manque pas de
courage. Le sondage, en plus, qui est sorti mardi, montre que 85 % des
Québécois et Québécoises veulent avoir un réseau commun où tous les enfants,
peu importe leurs origines, peu importe leur milieu social, économique, peu
importe leur talent face l'école ensemble. Donc, clairement, les Québécois et
Québécoises sont rendus plus loin que le gouvernement de la CAQ, plus loin que
le premier ministre François Legault. J'ai posé une question aujourd'hui à M. François
Legault sur le... ce projet de réseau commun, et, malheureusement, ce que j'ai
vu, c'est un premier ministre qui, malgré le fait qu'il dit que l'éducation, c'est
une priorité, qui se met la tête dans le sable en disant : Tout va bien
dans le système d'éducation, tout va bien, Mme la marquise. Et il prend un
indicateur pour nous dire que ça va bien, alors que, clairement, notre système d'éducation
est brisé. Les profs quittent aujourd'hui, notamment une des raisons, c'est à
cause de cette inégalité qui fait qu'il y a une concentration plus grande d'élèves
en difficulté. Et on a ici une proposition, une solution qui va être présentée.
Je veux encore une fois vous remercier, Stéphane,
Anne-Marie, pour tout le temps bénévole que vous mettez pour notre éducation,
pour notre réseau d'éducation, pour qu'il y ait une vraie égalité des chances
et qu'on arrête dans notre système d'éducation de ségréguer les élèves, de les
diviser, c'est de ça qu'on a besoin. Je veux laisser aussi la parole à Sol qui
va vous en dire un peu plus sur le contenu du projet de loi.
M. Zanetti : Merci,
Ruba. Juste avant de vous dire un peu en quoi consiste le fondement du projet
de loi, je voudrais faire un commentaire sur les réactions, justement, du
premier ministre aux questions de Ruba hier, en Chambre, qui démontraient
vraiment qu'il n'avait pas lu le projet d'École ensemble. C'est que c'est ça,
vraiment, que ça donnait comme impression. Et c'est étonnant parce que dans le réseau
de l'éducation, en ce moment, quand on rencontre les syndicats, les fédérations
de direction d'école, tous les acteurs du milieu de l'éducation, qu'on leur
dit, avez-vous une position sur l'École ensemble, non seulement ils l'ont lu,
ils en ont discuté, souvent ils ont des positions d'instances officielles
dessus, puis sinon, bien, ils sont en train de le faire, puis tout le monde a
quand même son avis personnel. C'est la réflexion qui se passe en ce moment ces
années-ci sur la question du réseau scolaire, et le premier ministre devrait
vraiment, je pense, passer en mode rattrapage pour au moins en prendre
connaissance puis savoir de quoi il en retourne, parce que j'ai la conviction
qu'on pourrait le convaincre de ça.
Alors, voici les grandes lignes de la
composition du projet de loi. D'abord, il s'agit de regrouper au sein du réseau
scolaire, d'un réseau scolaire commun, les écoles publiques primaires et
secondaires ainsi que les écoles privées qui accepteront d'arrêter la sélection
sur les notes, le comportement, la confession religieuse ou le sexe, mettre fin
au financement public des écoles privées ayant choisi de ne pas intégrer le
réseau commun, rendre accessibles les projets particuliers à tous les élèves
qui le souhaitent et interdire tout processus de sélection des élèves dans les
écoles du réseau commun, prévoir les mêmes conditions de gratuité et de
financement au sein de l'École ensemble, des écoles de ce réseau... au sein de
l'ensemble des écoles de ce réseau, pardon. Je voulais dire une autre fois
École ensemble.
Alors, bref, si les écoles veulent demeurer
privées, elles devront offrir leurs services sans l'aide des fonds publics, ce
sera possible mais le public ne paiera pas pour ça, et le nouveau réseau commun
assurerait une éducation de qualité gratuite équitable pour tous. Et selon
l'économiste de l'Université de Sherbrooke, François Delorme, l'implantation
d'un réseau commun entraînerait à terme des économies annuelles de
100 millions de dollars. Alors, voilà, je laisse la parole à Anne-Marie
Boucher d'École ensemble.
Mme Boucher (Anne-Marie) : Bonjour.
Je suis très émue de prendre la parole aujourd'hui. Ce n'est pas tous les jours
qu'un mouvement citoyen constitué de parents bénévoles réussit à faire traduire
une proposition citoyenne en projet de loi. Donc, à cet égard-là, j'en remercie
vivement la porte-parole de Québec solidaire. École ensemble, c'est un
mouvement de parents qui a démarré en 2017. Pour faire image, ça a commencé,
mon fils était en 3e ou 4e année. J'allaitais être une petite fille qui
n'avait même pas un an. Aujourd'hui, on a un projet de loi sur la table, mon
fils termine son secondaire, ma petite est en 3e année et est déjà
anxieuse par rapport aux choix de l'école secondaire parce que c'est une
discussion dans la cour d'école.
École ensemble, on a commencé en
s'opposant au système de tri de nos enfants sur la base soit de l'argent, soit
des notes, mais un système de tri qui est injuste et qui est fait autant par
les écoles publiques sélectives que par les écoles privées subventionnées, que
Guy Rocher appelle un gâchis humain. Puis au départ, on a commencé en
dénonçant, en s'opposant. Et on a finalement compris qu'il fallait aussi
proposer quelque chose. Pendant deux ans, on a travaillé pour construire, avec
plusieurs consultations, le travail inlassable, entre autres, de Stéphane, qui
a vraiment consulté largement, on a construit le plan pour un réseau commun. Et
ça, on a lancé ça en mai 2022. Et aujourd'hui on peut célébrer cette victoire
citoyenne là, un mouvement citoyen qui fait en sorte qu'il y a un projet de loi
qui est déposé aujourd'hui.
Pour nous, c'est une victoire démocratique
déjà parce que c'est ouvert à la discussion, les données sont là, la science
est là et appuie cette démarche-là, un mouvement citoyen très large aussi.
Donc, c'est une victoire qu'on voit pour École ensemble, pour la société
québécoise, puis aussi pour les dizaines de milliers, les centaines de milliers
de parents qui sont inquiets, qui sont inquiets aussi du système d'éducation
québécois, qui sont inquiets aussi autour de toute l'anxiété du choix de
l'école, du fait qu'on voit le système dépérir puis qu'il ne semble pas y avoir
de volonté politique pour agir pour le moment. Alors, bref, c'est un mouvement
qui est sur sa lancée, puis on est vraiment contents de pouvoir avoir participé
à cette impulsion-là.
M. Vigneault (Stéphane) : Merci,
Anne-Marie. Je vais juste conclure en... Bien, Ruba en a parlé tout à l'heure,
du sondage CROP qui est sorti hier, 85 % d'appui au réseau commun. Ça
monte même à 89 % chez les parents. On avait aussi sondé... Bien, CROP
avait sondé en 2022 la deuxième question, et en deux ans, on a 7 %
d'augmentation. Donc, les chiffres sont très élevés, mais en plus, ils sont en
augmentation. Et au fond, c'est normal, on offre des bénéfices tangibles aux
familles, la proximité, la gratuité des projets particuliers, des écoles
équilibrées.
Cet appui-là des Québécois à un projet
bien défini, on pense que ça va changer la donne pour les partis politiques
parce qu'on... on est en train de transformer ce sujet-là, qui était avant
clivant, qui est en train de devenir un avantage électoral à saisir. Donc, il y
a un changement qui est en train de se passer. On voit que les partis se
rendent compte que la cohésion sociale, au Québec, est mise à mal par notre
système d'éducation, notre système d'éducation qui divise les enfants. Il y a
une préoccupation autour de la culture commune, du français, langue commune
qu'on voit maintenant dans tous les partis. Or, pour avoir une culture commune
au Québec, il faut une école commune.
On souhaite donc, dans un esprit
transpartisan, je pense, c'est important pour Québec Solidaire aussi, que les
parlementaires se saisissent de ce sujet-là, en débattent. Et donc on espère
que le leader du gouvernement, M. Jolin-Barrette, va appeler le projet de loi
pour que les parlementaires puissent l'étudier et même le bonifier. On le sait,
là, j'en ai parlé du sondage, les Québécois, ils veulent une école commune.
Puis là, enfin, on a un chemin clair, bien balisé pour y parvenir grâce au
projet de loi qui a été déposé ce matin par Ruba. On est maintenant à un vote
de changer notre système d'éducation. Donc, c'est une avancée majeure qu'on a
connue aujourd'hui. Merci.
Mme Ghazal : Merci.
Journaliste : Oui, j'aurais
quelques questions. Avez-vous évalué, premièrement, les coûts d'un tel projet?
Donc, le réseau commun serait financé publiquement? Ça représente quoi, comme
coûts?
M. Vigneault (Stéphane) : Oui.
Bien, c'est une bonne question, mais la vraie question, c'est combien
d'économies, en fait. Parce que vous le voyez, les écoles privées qui vont se
conventionner, donc qui sont déjà financées par l'État, on va les amener à
100 % de financement. Donc, ça, ça va coûter plus cher pour les contribuables.
Mais toutes les écoles privées actuelles qui vont dire : Non, nous, on ne
se conventionne pas, elles tombent à zéro. Donc, ça, c'est des économies. Et on
a donné donc notre plan, comme Ruba le disait ou Sol le disait, à François
Delorme, à l'Université de Sherbrooke, qui a calculé : Bon, bien, combien
de coûts supplémentaires, combien d'économies? Et, l'un dans l'autre, bien,
c'est 100 millions d'économies annuelles à terme, une fois la transition
terminée, pour le budget du ministère de l'Éducation.
Journaliste : Et puis
qu'est-ce que vous répondez à François Legault, en Chambre, aujourd'hui, qui
brandissait les chiffres de PISA, l'étude PISA?
M. Vigneault (Stéphane) : Je
pense qu'il faut qu'il soit très prudent avec les chiffres de PISA parce que
l'échantillon du Québec n'est... est... très probablement, n'est pas valide. Et
il y a un taux de participation des écoles et des élèves du Québec à PISA qui
est très faible, un des plus faibles au monde. Si le Québec était un pays, il
ne serait... il serait sorti de PISA parce que notre taux de participation est
trop faible. Ce qu'on pense qui arrive, c'est que les écoles publiques
ordinaires sont très nombreuses, si elles sont choisies dans l'échantillon, à
dire : Non, nous, on n'a pas le temps de faire ça, l'examen PISA. Et donc
ça fait qu'il y a une surreprésentation d'écoles publiques sélectives. Et la
même chose, après, on demande aussi aux élèves, et ça, les autres pays ne le
font pas. On dit aux élèves... bien, à leurs parents : Est-ce que vous
voulez que votre enfant fasse l'examen? Et là il y a beaucoup d'élèves... de
parents qui disent : Non, il y a déjà des difficultés, donc j'aime mieux
qu'il ne le fasse pas. Donc, notre échantillon est très faible, très peu de
participation. Donc, moi, je serais très prudent avec ces données-là. Puis
j'aimerais ça, en fait, je mettrais même le ministre Drainville au défi,
obliger les écoles choisies dans l'échantillon à faire l'examen, obliger les
élèves à faire l'examen, et là on va avoir l'heure juste, et c'est à peu près
certain que notre cote descendrait beaucoup dans l'examen PISA.
Mme Ghazal : Bien,
j'ajouterais aussi, absolument, ça, c'est important parce que c'est... Souvent,
ça arrive très, très souvent, le premier ministre l'a fait, mais le ministre
Drainville, il se pète les bretelles avec cet indicateur-là. Moi, je l'invite
aussi à regarder son propre tableau de bord sur le site du ministère de
l'Éducation, où est-ce qu'on voit, par exemple, le taux de décrochage, et le
taux de décrochage, de façon générale, pour le Québec, qui est à peu près
autour de 16 %. Mais, si on regarde les écoles privées versus les écoles
publiques, bien, les écoles privées, on ne sera pas surpris, il est à peu près
autour de 8 %, il est à 18 % aux écoles publiques, «publiques», tout
le monde, là, là, on inclut le public régulier avec le public projets
particuliers.
Et moi, j'ai déjà posé la question au
ministre Drainville, qui m'a dit qu'il était ouvert à aller trouver
l'information, mais, à date, il ne l'a pas trouvé puis il ne l'a pas mis sur
son tableau de base, c'est quoi aussi, le taux de décrochage du public régulier
versus le public avec des projets particuliers. Je suis certaine, sans même
avoir fait d'étude, qu'il y a un écart entre les deux, mais il faudrait que le
gouvernement... justement, quand on dit qu'il se mettait la tête dans le sable
en disant qu'on a le meilleur système au monde, il faudrait qu'on arrête de
noircir l'image.
Moi, j'ai envie de dire que ce n'est
pas... notre objectif n'est pas de noircir l'image. Il y a des gens
extraordinaires qui travaillent dans le réseau de l'éducation, qui le tiennent
à bout de bras. Là, le gouvernement veut couper et, en plus de ça, il dit que
tout va bien. Puis en plus de ça, il y a même le droit de grève qu'on veut
menacer. Je l'invite juste à regarder la réalité en face, puis on a ici... on
est propositionnels, on n'est pas juste critiques. On a une proposition ici. Il
y a eu le plan du réseau commun que j'ai demandé à le déposer aujourd'hui.
C'est très rare que je voie ça, que le gouvernement ait refusé qu'on dépose un
plan, le plan de citoyens qui ont fait ce travail-là sur... depuis très, très
longtemps, un travail sérieux, et on leur ajoute un autre morceau, c'est le
projet de loi. Donc, ils ont tout en leur main pour dire : Bien, on va
l'étudier et qu'on va travailler pour améliorer notre réseau de l'éducation. On
n'est pas obligé d'être d'accord sur tout, mais les chiffres parlent. Moi, je
ne serais pas fière, à la place du premier ministre, avec un taux de décrochage
aussi élevé.
Journaliste : Il y a aussi
une démarche auprès de l'ONU qui avait été entamée, là, au sujet, de l'école
inégalitaire. Est-ce qu'on sait où on est rendu avec ça?
M. Vigneault (Stéphane) : Oui.
Donc, on avait soumis à l'ONU un rapport sur le cas québécois, et l'ONU avait
demandé formellement au Québec des questions : Qu'est-ce que vous allez
faire avec votre système d'école à trois vitesses qui divise les élèves selon
l'épaisseur du portefeuille de leurs parents? Je paraphrase l'ONU, là. Donc,
ces questions-là ont été envoyées au gouvernement du Québec. Pour l'instant, ce
qu'on comprend, c'est que les réponses sont à Ottawa. Le gouvernement fédéral
doit colliger les réponses, et c'est au gouvernement fédéral, à Patrimoine
canadien, de publier les réponses. Malheureusement, on est toujours dans
l'attente. Ça fait trois ans qu'on attend. Donc, c'est là qu'on est rendu avec
ce processus-là. Mais c'est sûr que nous, on va attendre les réponses du
gouvernement du Québec avec impatience. On va répondre à ça, et ensuite les
fonctionnaires du gouvernement du Québec, s'en vont à Genève, ils vont répondre
aux experts de l'ONU. Donc, ça va être très... on va être très attentifs à ce
qu'ils vont répondre, parce que même l'ONU l'a dit, on a un système d'écoles à
trois vitesses qui divise les enfants socioéconomiquement. Ça commence à être
difficile de se mettre la tête dans le sable.
Journaliste : Merci.
M. Vigneault (Stéphane) : O.K.
Merci beaucoup.
Mme Ghazal : Merci. Merci,
tout le monde.
(Fin à 12 h 15
)