(Huit heures quarante-six minutes
M. Leduc : Bonjour, tout le
monde. J'espère que vous allez bien ce matin. Je viens vous parler de deux
problèmes dans la vision de M. Legault pour la suite des choses d'un point
de vue économique, dans cette réalité posttarifs qu'on... qu'on vit depuis
quelques jours. La première, c'est que j'ai été impressionné par un communiqué
d'Unifor, qui était dans les gradins, notamment, pendant le débat de fin... d'urgence,
qui déplorait que la CAQ traite les travailleurs un peu comme des pions, hein?
Il a dit, M. Legault, si votre usine ferme ou si vous perdez votre emploi,
bien, vous irez construire des barrages, vous irez dans la construction. Alors,
ils présentent les travailleurs comme des pions qu'on pourrait déplacer aux
aléas d'une partie d'échec économique qu'on joue avec les Américains, mais les
travailleurs et travailleuses du Québec, ils veulent garder leur job dans leur
village, dans leur région, dans leur usine, ils ne veulent pas se faire envoyer
dans le Grand Nord puis aller construire des barrages. S'il y en a qui veulent
y aller, tant mieux, puis c'est certain qu'il y aura du travail pour eux, mais
on ne peut pas les présenter puis les traiter comme si c'étaient des pions qu'on
déplaçait sur un échiquier de manière aussi frivole.
L'autre problème a de la vision de M.
Legault, c'est qu'on ne sent pas sa préoccupation d'aller consulter la société
civile. Là, on l'a vu, il a travaillé avec les gros bonnets, des banques, des
grandes industries, mais hier, il a battu une motion qui lui demandait tout simplement
de rencontrer également les partenaires syndicaux, les partenaires de la
société civile, des mouvements environnementaux aussi. Ils sont l'économie du
Québec aussi, les travailleurs et travailleuses. Et, pour l'instant, c'est
silence radio du côté du premier ministre. Ce serait assez important merci qu'il
les concerne... parce que ceux qui ont fait qu'on soit dépendant, là, de l'économie
américaine, ce n'est pas les travailleurs, travailleuses du Québec, c'est l'élite
économique québécoise, c'est les gros bonnets. Alors, si on consulte les mêmes
personnes qui nous ont mis dans ce pétrin-là, on risque de ne pas trouver des
solutions particulièrement pertinentes, alors que, si on élargit nos horizons
puis qu'on va consulter les personnes qui ont envie de travailler, qui ont des
idées aussi, qui ont une pensée politique, qui sont des travailleurs,
travailleuses, bien, peut-être qu'on aura un peu plus de matière pour
réfléchir. Alors, c'est l'invitation qu'on fait à M. Legault. Il a battu la
motion, mais il n'est jamais trop tard pour prendre le téléphone et appeler les
mouvements sociaux pour aller se nourrir de réflexion. Merci.
Journaliste : On voit un
sondage, ce matin, les trois quarts des Québécois disent que les Américains ne
sont plus des alliés. Ils vont bannir des produits. Ils vont acheter plus
québécois. Est-ce que vous croyez que c'est un mouvement éphémère ou ça peut
perdurer dans le temps?
M. Leduc : Bien, on a eu un
mouvement un peu comme ça pendant la pandémie, qui avait ralenti un peu par la
suite. J'espère et je souhaite qu'il reste. Et, pour ça, il va falloir que le
gouvernement mette des incitatifs. Il va falloir que gouvernement réfléchisse à
encourager l'économie québécoise. Il va falloir que les supermarchés
identifient encore mieux les produits québécois. Je sais que c'est déjà un peu
le cas, quand je fais mon épicerie, je vois, de temps en temps, une fleur de
lys produit au Québec. Mais tant mieux si les Québécois se renseignent
davantage aussi. Je vois toutes sortes de pages... Il faut faire attention
aussi, il y a toutes sortes d'autres sortes d'informations qui circulent sur qu'est-ce
qui est produit au Québec ou pas. Mais plus d'informations sur... à l'épicerie,
notamment, c'est toujours une bonne idée.
Journaliste : Quand M.
Legault a dit, hier : Oui, il faut faire mal aux Américains, mais il ne
faut pas se faire mal, parce que, comme nos économies sont entrelacées, il y a
beaucoup de produits qui se promènent. Il y a des compagnies américaines qui
produisent ici, puis ça risque de faire mal aux travailleurs québécois aussi.
M. Leduc : Bien, c'est sûr
que si la compagnie produit ici, ça demeure, en partie, un produit québécois.
Si c'est fait avec des produits québécois, ça encourage des jobs québécoises.
Il va falloir avoir une analyse presque chirurgicale sur l'ensemble des
produits qu'on consomme pour être certain de faire le bon choix.
Journaliste : Est-ce qu'il y
a un produit américain auquel vous avez renoncé depuis quelques jours?
M. Leduc : Est-ce qu'il y a
un produit américain auquel j'ai renoncé il y a quelques jours...
Journaliste : ...des
plateformes, par exemple.
M. Leduc : Bien sûr que je
suis abonné à des plateformes. Je n'ai pas... Moi, quand je vais à l'épicerie,
je me fais toujours un devoir d'acheter le plus possible les fruits et légumes
qui sont faits au Québec. Je regarde, en ce moment, les sites qui produisent
des analyses de comparatifs. Si vous voulez arrêter de consommer ci, sachez qu'il
existe cela. Je n'ai pas fait un inventaire précis de ma consommation.
Journaliste : Vous êtes
abonné à des plateformes, donc, avez-vous mis fin à certains abonnements?
M. Leduc : Bien, j'y
réfléchis en ce moment. Je cherche la façon d'expliquer à ma fille pourquoi
elle ne pourra plus écouter Pokemon sur Netflix. Si vous avez des idées, je
serais preneur, mais c'est le genre de choses qu'il va falloir regarder.
Journaliste : Ce n'est pas
japonais, ça, Pokemon? Ah! sur Netflix.
M. Leduc : Sur Netflix.
Exact.
Journaliste : Est-ce que, M.
Leduc, on doit ravoir un débat de société sur la construction de pipeline?
Puisque toutes les lignes sont pas mal nord-sud, est-ce qu'on doit avoir la
discussion sur mieux faire voyager notre énergie, notre ressource au sein du
pays? Je pense à GNL Québec.
M. Leduc : Oui. Dans la revue
de presse, ce matin, il y avait un article intéressant, d'ailleurs, je pense, c'était,
dans La Presse, sur le rapport d'experts qui disait qu'on ne sera pas capable d'atteindre
la limitation de la hausse de la température à deux degrés, comme était l'objectif
de l'Accord de Paris. C'est un échec, nous n'y arriverons pas. C'est
extrêmement inquiétant. Une des raisons pour laquelle on n'y arrivera pas, c'est
les hydrocarbures. Alors, si on est sérieux dans la transition énergétique, si
on est sérieux dans l'atteinte de la carboneutralité en 2050, on ne peut pas
continuer à investir des millions, des milliards de dollars pour faire des
nouveaux débouchés à l'industrie des hydrocarbures. Il faut se sevrer des
hydrocarbures. C'est dans le sens inverse qu'il faut aller. Alors, non, merci,
GNL Québec.
On a déposé une motion, la semaine
dernière, qui a malheureusement été battue par la CAQ, c'est inquiétant. J'espère
que c'est clair, dans l'esprit de M. Legault, que GNL Québec, c'est : Non,
merci.
Journaliste : Est-ce que vous
pensez que le message était bien passé, qu'il n'y avait pas d'acceptabilité
sociale pour ce genre de projet ou est-ce que vous vous dites que le
gouvernement a battu la mesure en question? Est-ce que...
M. Leduc : Bien, il faudrait
leur poser la question. Moi, je n'ai pas eu d'explication de pourquoi ils ont
battu notre motion la semaine dernière. Il faudrait leur poser la question pour
qu'ils s'expliquent. Je n'ai aucune idée. Est-ce qu'ils sont sérieux, la CAQ?
On a bien compris qu'il y a des partis fédéraux qui veulent rouvrir ça. Mais,
au niveau du Québec, je n'ai pas eu d'explication claire de pourquoi la CAQ a
battu ça.
Journaliste
: Une
dernière sur les compressions de l'Office de la langue française, là, 56 000 $
pour annuler un gala puis le faire aux deux ans. Qu'est-ce que ça vous dit sur
tout ça?
M. Leduc : Bien, c'est une
autre confirmation qu'on est dans une période d'austérité. C'est une économie
de bouts de chandelles qui n'a pas rapport. Si on est sérieux dans notre
ambition de faire de langue française la langue commune, de la faire rayonner,
de la faire briller, il faut mettre un peu de ressources dans le mix, comme on
dit en bon français, comme les jeunes disent. C'est une mauvaise décision, il
faut qu'ils reviennent en arrière.
Journaliste : Juste en
terminant, peut-être, sur GNL, craignez-vous que ça revienne, ce débat-là?
Parce que là vous parlez d'environnement, puis on comprend la position, quand
même, de Québec solidaire sur la situation. Mais là c'est Mélanie Joly qui
avance ça hier. Pierre Poilievre est en faveur. La course à la direction, là,
au Parti libéral, il y a des membres qui avancent ça, ça jase au sein des
membres. Pensez-vous... et craignez-vous que ça revienne?
M. Leduc : Bien sûr que je
crains que ça revient. Bien sûr. C'est pour ça qu'on a fait une motion la
semaine dernière pour essayer de verrouiller ça. Puis j'ai été surpris que la
CAQ refuse la motion. S'ils ont changé d'idée, la CAQ, depuis la semaine
dernière, qu'ils nous le disent, on va redéposer la même motion demain matin,
puis on va la faire adopter. Je vous entendais discuter tantôt avec le Parti
libéral sur le fédéralisme souverainisme. Est-ce que le débat, avec les tarifs
puis Trump, ça ressoude un peu, là, l'esprit national canadien? Puis est-ce que
ça fait perdre des plumes à la souveraineté? Laissez-moi vous dire que, quand
ils vont nous mettre le pipeline GNL Québec dans la gorge, parce que soi-disant
l'intérêt canadien veut que le pétrole, puis les hydrocarbures et, puis gaz de
l'Alberta traversent icitte pour aller en Europe, bien là, le fédéralisme
canadien va être pas mal moins intéressant. Ça fait que moi, j'ai plutôt
l'impression inverse, que cette bataille-là avec les tarifs, va peut-être
refaire sortir justement une ambition québécoise d'être autonome dans ses décisions,
notamment d'un point de vue énergétique.
Journaliste : ...juste une
petite dernière... une petite dernière. Puisque vous parliez, tout à l'heure,
de la main tendue du premier ministre, puis vous sollicitiez des rencontres
avec les groupes sociaux, la société civile, il y a des chefs de partis
d'opposition qui ont demandé des rencontres avec le premier ministre, qui
demandent à être eux aussi consultés, puisqu'il y a une main tendue. Est-ce que
vous, votre chef parlementaire va aussi solliciter une rencontre ou attend des
nouvelles du...
M. Leduc : À ma connaissance,
puis il faudra vérifier... je n'ai pas les informations de dernière minute,
mais, à ma connaissance, on n'a pas reçu d'appel ou de demande de rencontre de
la part de M. Legault. À savoir si nous, on en a fait une, je ne suis pas
certain. On peut vous revenir, mais on n'a pas reçu, à ma connaissance, de
demande, de M. Legault, de rencontre.
Journaliste : Rapidement,
parce que je ne me souviens plus vous avoir entendu là-dessus, le... si le
gouvernement consulte bel et bien les groupes sociaux, les syndicats, avez-vous
l'impression qu'il va quand même continuer à proposer d'envoyer des
travailleurs sur les barrages?
M. Leduc : Bien, après ça,
c'est comme les projets de loi, on consulte, on écoute, on n'est pas obligé
d'être d'accord avec la personne qu'on consulte, mais au moins on a eu
l'occasion de discuter avec eux. Je suis convaincu que, dans ces
discussions-là, s'il les avait avec les milieux syndicaux, milieux des
travailleurs, il se le ferait dire que ce que les travailleurs veulent, ce
n'est pas de se faire envoyer construire des barrages, c'est de travailler dans
leur usine respective, dans leur région respective. Ça fait qu'il faut qu'il
entende ce message-là directement de leur bouche.
Journaliste :
The Quebeckers may say : Well, the
context is so exceptional and we're so under pressure that it's normal to
re-explore GNL Québec as the Minister Mélanie Joly is doing. But basically, you
have some... you're raising some red flags. Why?
M. Leduc :
The climate change doesn't care who's
president of the United States right now. Climate change is real. We won't be
able to maintain the rise of temperature between two degrees, as the Paris
Accord was taking as an objective, it's a failure. We're not going to be able
to do that. We're going towards bad times with the climate change fight. So,
the GNL Québec project is a bad project as itself in that regard. It doesn't
care if now Trump is in office, if we need to have other policies regarding the
exportation of gas and oil, climate change don't... don't care about that. So,
it's a bad... it was a bad project. It is a bad project. It's going to be a bad
project.
Journaliste :
And workers, when Mr. Legault said, at
question period, after his ministerial statement, that in the manufacturing
sector, the workers who will lose their jobs, can just go up north and work for
Hydro-Québec, for example. Like, is it too simple or simplistic?
M. Leduc : Of course, maybe some of the workers will be able and will want to
do that. And that's... that's cool, that's nice, but not all workers can do
that. Some people prefer having time with their families, with their
neighborhood, they want to stay in their region, in their small town. It can't
be an all-wide solution for all workers who are going to lose their job, just
go construct Hydro-Québec projects in the North. That's not an... It's a too
much easy answer for the real problem that we are having right now.
Journaliste :
Yesterday, your co-spokesperson called
for a boycott on US products. Do you think there's a danger of that going too
far? A lot of parties are saying : No, we want to buy local. Obviously,
that's a big tenant here, but calling for a boycott of U.S. products is a
different beast. Do you think there's dangers in that?
M. Leduc :
Well, we need to start by boycotting
Amazon for the reasons we knew last week with the closure of seven plants here,
in Montreal... area. Calling for an Amazon boycott from the Government, from
the public institutes, hospitals, schools, etc... all the institutions from the
state of Québec should stop buying from Amazon. The Government should stop
buying Amazon Cloud storage.
Journaliste :
But this was on U.S. products.
M. Leduc :
I know, but we need to start and focus
on Amazon. So that's a very clear thing. Now, boycotting versus buying more
Quebeckers, it's a bit the same refrain. So, yes, buying more Québécois
products.
Journaliste :
But there is a distinction there,
between encouraging buying local and boycotting the US products. I mean, do you
think there's a danger of going too far down that road?
M. Leduc :
We'll see. I don't see big danger right
now. If by boycotting more, we're buying more Québécois, it's the... it's the
same result.
Journaliste :
OK. But, I mean, this is... this is
entering the realm of policy now. right, because calling for a boycott is
something different than saying we should be buying local.
M. Leduc :
I understand the nuance. I think the
ending... the end game is pretty much the same. If you're boycotting American
products, you're, de facto, buying more québécois products. It's a bit of the
more... the same soup, if you want.
Journaliste : Thank you.
Merci.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Bonne journée.
(Fin à 8 h 58)