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Point de presse de M. Jean-François Roberge, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Version finale

Le mardi 28 janvier 2025, 10 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Dix heures quinze minutes)

M. Roberge : Bonjour. Bonne rentrée parlementaire.

Journaliste : M. Roberge, qu'est-ce qui va être le plus inquiétant durant cette session parlementaire, Donald Trump ou l'immigration?

M. Roberge : Bien, je pense qu'il y a des inquiétudes quand il y a de l'insécurité. M. Trump, avec des menaces, en ce moment, je vous dirais, sème de l'inquiétude. Mais on travaille à protéger les Québécois, on travaille à rassurer les Québécois, comme quoi le gouvernement du Québec, avec tous ses bureaux, notamment aux États-Unis, fait bien entendre sa voix aux États-Unis à travers toutes ces personnes-là, là, qui expliquent aux Américains, en réalité, que c'est dans leur intérêt de continuer de faire des échanges économiques avec le Québec.

Journaliste : Vous voulez présenter votre projet de loi jeudi, donc, pour proposer un nouveau modèle d'intégration des nouveaux arrivants. Qu'est-ce qui vous fait dire qu'actuellement les immigrants ne s'intègrent pas suffisamment ou ne contribuent pas suffisamment à la société québécoise?

M. Roberge : Bien, je pense que, malheureusement, le modèle multiculturaliste canadien a pris toute la place. Beaucoup de personnes au Québec disent : Ah non! Nous, on a notre modèle, c'est quelque chose qui ressemble à l'interculturalisme. Mais ce modèle-là d'interculturalisme, plus intéressant que le multiculturalisme, n'a pas été défini clairement dans des lois, dans des politiques. Il n'y a aucun mécanisme pour s'assurer qu'on met les gens en relation les uns avec les autres. Nous, on est une terre d'accueil, on demeure ouverts sur le monde. On va continuer d'accueillir des nouveaux arrivants. On veut de la diversité sur le territoire québécois, mais on veut de la mixité. On ne veut pas que les gens vivent les uns aux côtés des autres. On pense que la ghettoïsation, ça dessert la cohésion sociale. Avec notre nouveau projet de loi, on va nommer un nouveau modèle. On va le définir, on va clarifier les règles du contrat social. Et je pense que ça va être fort utile pour tous ceux qui habitent le territoire québécois, que ce soit ceux, là, qui sont ici depuis des générations et générations, ceux qui sont arrivés il y a 10 ans, ceux qui sont arrivés hier soir.

Journaliste : ...adhérez à la définition de l'interculturalisme? Là, je veux juste... juste pour bien comprendre. Est-ce que votre modèle d'intégration va ressembler à l'interculturalisme?

M. Roberge : C'est un modèle nouveau. Il y a... sur le territoire québécois, je vous dirais, parmi les écoles de pensée, parce que j'ai fait quand même pas mal de lectures et de rencontres, là, depuis plus d'un an pour préparer ce que je présente cette semaine, il y a des gens qui se réclament davantage de modèles qu'on appelle l'interculturalisme, qui dit : On met les gens en relation les uns avec les autres. Je trouve ça intéressant, cette idée-là, c'est meilleur que le multiculturalisme. Par contre, ça ne définit pas qu'il y a une culture commune. Ça dit qu'il y a des gens qui arrivent de partout et puis on veut que... on veut qu'ils se rencontrent, on veut qu'ils se mélangent, on ne veut pas qu'il y ait de repli sur soi. C'est intéressant, mais il manque la notion de culture commune. Au Québec, on est plus que l'addition de plein de personnes. Il y a la culture dans le sens arts et lettres, il y a la culture dans le sens d'art de vivre. Il y a nos grandes institutions. Et il y a aussi notre modèle démocratique, il y a notre modèle de laïcité. Donc, ce qu'on ajoute, nous, c'est l'idée que les gens doivent adhérer à la culture commune, ensuite ils sont appelés, évidemment, à y contribuer. Et ça, c'est important aussi, les gens qui arrivent ici apporteront quelque chose.

Journaliste : ...s'ils ne réussissent même pas à se trouver des cours de francisation?

M. Roberge : Bien, ça, ça fait partie des choses qu'on va faire. En ce moment, on déploie Francisation Québec, là, ça sera l'an 3, Francisation Québec. Cette année, on aura francisé plus de personnes que jamais dans l'histoire du Québec. On va battre, cette année, le record établi l'an passé, on va franciser plus de 80 000 personnes au moment où on se parle...

Une voix : ...

M. Roberge : L'an prochain, on va faire encore mieux. La liste d'attente pour Francisation Québec n'est pas là parce qu'on ne donne pas assez de cours, la liste d'attente est là parce qu'il y a trop de gens qui sont arrivés sur le territoire québécois.

Journaliste : Vous n'allez pas les retourner chez eux, là. Vous ne ferez pas comme les Américains veulent faire. C'est-tu-ça votre intention, de retourner les gens chez eux, parce qu'il y en a de trop?

M. Roberge : S'il vous plaît! Non, je n'irai pas... je n'irai pas là. On va freiner les arrivées. Les gens qui sont là vont pouvoir se franciser et on va freiner l'arrivée, notamment, de personnes temporaires sur le territoire.

Journaliste : M. Roberge, sur la question des étudiants étrangers, là.

M. Roberge : Oui.

Journaliste : On attend encore des chiffres pour savoir combien vont être plafonnées les inscriptions dans les universités, alors que ça commence très bientôt, là.

M. Roberge : Bien, vous allez avoir très, très bientôt notre décision et notre prise de position suite à l'adoption en décembre de notre loi sur les étudiants étrangers. Donc, je travaille vraiment de concert avec mes collègues, à l'Enseignement supérieur et à l'Éducation. C'est une question de semaines avant que vous ayez les premières décisions.

Journaliste : M. Roberge, comment vous expliquer que des étudiants étrangers issus d'Afrique se fassent lancer des insultes par des enseignants? Et vous avez vu peut-être à Amos et à La Sarre. Et est-ce que ça correspond à votre modèle d'intégration? J'imagine que non.

M. Roberge : Bien non. Absolument pas, voyons donc. Écoutez, jamais on ne soutiendra des manifestations d'intolérance ou de racisme. Je pense, ça n'a pas sa place au Québec, absolument pas. Ça doit être dénoncé. Les personnes qui ont manifesté des sentiments comme ça, là, qu'on pourrait associer au racisme ou à la xénophobie, doivent être rencontrées. Puis j'imagine qu'il va y avoir des sanctions.

Journaliste : ...obligations par le... Parce que vous parlez beaucoup des obligations, des immigrants dans votre modèle d'intégration, mais est-ce que les Québécois nés ici vont aussi avoir des obligations vis-à-vis les personnes immigrantes?

M. Roberge : Je ne peux pas donner tous les détails du projet de loi, mais je vous dirais qu'il y a le principe de réciprocité, c'est-à-dire que les personnes qui arrivent ici doivent bien prendre conscience qu'ils arrivent dans un endroit où il y a le français langue officielle, français langue commune, français langue d'intégration, c'est un ajout important, donc je m'intègre à travers la maîtrise de la langue, puis, je vous dirais, une obligation morale d'adhérer à la culture québécoise au sens large, pas seulement arts et lettres, mais il y a aussi, du point de vue... du point de vue du gouvernement et de la société... d'accueil, pardon, des devoirs, et là il y aura des détails dans le projet de loi.

Journaliste : ...concrètement vous allez vous assurer que ce projet de loi là ou que cette loi-cadre-là qui va devenir ne reste pas un énoncé de principe, puis que ça se traduise dans la réalité? Est-ce que vous allez obliger les villes, par exemple, à appliquer certains modèles ou... ce modèle-là? Qu'est-ce que... ça va être quoi, la poignée, pour que ça arrive dans la vraie vie, là?

M. Roberge : Bien, je pense que c'est une très bonne question, parce que, d'abord, on a besoin de refaire un contrat social. Oui, c'est une question de principe, oui, c'est une loi-cadre, mais pas seulement. Il va y avoir aussi des mécanismes dans la loi pour s'assurer que les principes phares de la loi s'articulent et se vivent dans nos institutions. La mécanique pour y arriver, je vais la présenter jeudi, avec le projet de loi.

Journaliste : ...M. Roberge, l'idée qui vous incite à légiférer, c'est quoi? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas, en ce moment, dans l'intégration des immigrants?

M. Roberge : Bien, on a vu... notamment, un des éléments, le rapport, dernier rapport du Commissaire à la langue française, qui montrait que les enfants des nouveaux arrivants, donc des gens qui sont nés au Québec, s'identifiaient moins au Québec que leurs parents, alors qu'eux ils débarquaient de l'avion. Les enfants nés au Québec, scolarisés dans les écoles de la loi 101, en français, accordaient moins d'importance à la langue française et à la spécificité francophone du Québec que leurs parents, qui, eux, n'étaient pas nés ici. Il y a... il y a quelque chose de cassé. Je pense qu'on ne définit pas en ce moment, clairement, le contrat social. On ne l'a jamais énoncé. On ne peut pas reprocher aux gens de ne pas être au courant de quelque chose qu'on n'a pas clairement défini.

Lorsque les gens, en ce moment, sont... partout à l'international, veulent améliorer leur sort, veulent venir vivre... lorsqu'ils arrivent au Québec, là, quand ils sont sur Google, là, quand ils font des recherches, là, ils arrivent au Canada, dans leur tête, et quand ils regardent le modèle, bien, ils voient le modèle multiculturaliste. C'est le temps de changer les choses, c'est le temps de dire que, lorsque vous arrivez ici, c'est différent. Vous arrivez dans un endroit avec une culture, avec une nation spécifique, avec des règles de vivre-ensemble qui sont différentes.

Journaliste : Le projet de M. Legault de déporter 80 000 demandeurs d'asile vers d'autres provinces, de façon humanitaire, ça en est rendu où?

M. Roberge : Oui, je pense qu'il faut faire attention aux termes utilisés.

Journaliste : Non, non, non, c'est les termes que lui-même a utilisés, là. Ce n'est pas moi qui les invente, là, j'étais là.

M. Roberge : Je reviendrai sur les termes, là. On continue de penser que ce n'est pas normal que le Québec, qui représente à peu près 22 %, 23 % de la population canadienne, accueille maintenant... on est rendus autour de 40 %, 45 % de demandeurs d'asile du Canada. C'est... c'est un fardeau beaucoup trop élevé. On continue de penser que le Québec a fait plus que sa part. D'ailleurs, les ministres fédéraux le reconnaissent, le ministre Marc Miller le reconnaît. Maintenant, une fois qu'on reconnaît un problème, il faut le régler. Donc, on pense vraiment qu'il doit y avoir une meilleure répartition des demandeurs d'asile à la grandeur du Canada. Et je sais que le ministre Miller tente de convaincre, en ce moment, les autres provinces de faire leur part, donc il reconnaît le problème. Maintenant, il va falloir qu'il y ait des résultats.

Journaliste : Bien, O.K., mais je veux juste, pour... Merci de la mise en contexte. Sauf qu'en octobre, M. Legault a dit qu'il fallait prendre 80 000 personnes qui sont actuellement sur le territoire québécois en attente de... réponse sur leur demande de demandeur d'asile... il fallait les prendre et les envoyer vers d'autres provinces. Il y en avait 160 000, il dit : Il faut en prendre la moitié. 160, ça fait 80. Il disait que c'était facile... c'était possible de le faire de façon humanitaire. Combien en a-t-on déportées jusqu'à maintenant? Et ça en est rendu où, ce projet de M. Legault de transférer des gens vers d'autres provinces?

M. Roberge : Oui, je ferais attention aux termes utilisés. Mais, pour l'instant, le gouvernement fédéral, parce que c'est lui qui doit faire le leadership là-dedans, je vous dirais, n'a pas répondu concrètement. Dans les déclarations, il reconnaît qu'il devrait bouger, il tente de convaincre les autres provinces de faire leur part. Il y a quelques provinces qui disent : Ah! bien, moi, je pourrais en accueillir 500 de plus, 1 000 de plus. Mais c'est à la marge pour l'instant. Je vous dirais qu'Ottawa n'a pas livré la marchandise...

Le Modérateur : Dernière question en français.

M. Roberge : ...n'a pas livré la marchandise encore.

Journaliste : Bien, justement, à Ottawa... justement, à Ottawa, est-ce qu'ils sont... Ils sont responsables d'une partie importante de... de l'immigration, là, ce n'est pas moi qui va vous apprendre ça. Mais est-ce que votre plan va être un peu dépendant d'Ottawa? Si eux ne ferment pas le robinet, comment on va arriver, par exemple, qu'on francise tout le monde ou qu'on respecte ce contrat social là?

M. Roberge : Bien, on est en train de s'entendre avec eux. On les a fait bouger, d'ailleurs, hein? Il faut reconnaître que, sur le Programme de mobilité internationale, le PMI — c'est presque 250 000 personnes sur le territoire québécois en ce moment — il n'y avait aucune exigence linguistique jusqu'à l'automne dernier. On s'est entendus avec Ottawa que, maintenant, les renouvellements de permis pour ce programme-là seront collés sur les règles québécoises avec des exigences linguistiques pour nos travailleurs étrangers. Ils l'auront aussi pour le programme Mobilité internationale. C'est une première, d'ailleurs. Ça, je pense que c'est important de le mentionner. Ensuite, ils se sont engagés à réduire de 100 000 le nombre de ressortissants étrangers en fonction de ce programme aussi. Donc, 100 000 personnes de moins dans les trois prochaines années, donc Ottawa, oui, n'a pas livré en termes de répartition de demandeurs d'asile, mais sur les exigences linguistiques pour le PMI, sur la diminution de PMI, ils ont pris les engagements qui sont fermes, puis je suis content de les rappeler aujourd'hui. Donc, on a... on a... on se fait entendre d'Ottawa, contrairement à certains.

Journaliste : En dernière, vous répondez quoi...

M. Roberge : Une dernière.

Journaliste : ...vous répondez quoi à ceux qui croient que vous agitez cette carte de l'identité parce que ça peut être payant comme...

M. Roberge : Bien, c'est n'importe quoi. Parce qu'écoutez lors du premier mandat du gouvernement de la Coalition avenir Québec, on a posé le geste d'adopter la loi 21 alors que nous étions premiers dans les sondages, et de très, très loin. On a fait la même chose avec la loi 96. On a renforcé la Charte de la langue française. Donc des gestes phares identitaires pour assurer le modèle québécois, on les pose, peu importe les sondages. On les a déjà posés alors qu'on était numéro 1 de très loin. Maintenant, on est numéro 2 dans les sondages, nos valeurs ne changent pas en fonction des derniers sondages.

Des voix : ...

Journaliste : ...on Québec's society are extremely clear in Bill 21 and the Québec Charter of the French language. So, what are you doing more? What concretely your bill will change something if the values and principles are clear in those past legislations?

M. Roberge : Well, we are building a new social contract and we want it to be pretty clear. We want it to be clear for all people coming from outside of Québec as immigrant, we want it to be clear for people who identify themselves as members of cultural minorities. We want them to commit to embracing and contributing to our values, our culture, who we are. And what set-up, as a nation, with the multiculturalism from the Canada, which is there for like half a century, it's not that clear. «Multicultusalisme» says that the Canada has the obligation to promote the diversity, which is good, but to promote all the identities, all the culture, all the languages and with the «multiculturalisme», there's no such a thing like a common culture, a Canadian culture or a Québec culture. With our plan, with our bill, we will be pretty clear : we are a nation, we have a «culture», we have some democratic values, men and women are equal, and people coming here must accept that. And after, we want them to contribute to the society. So, this is complete... completely new, and this is really different from what's the Canada is saying.

Journaliste : But how is it different exactly? What are you trying to preserve more concretely? I understand this... There's a lot of people, I assume, that don't understand this definition of multiculturalism. So, can you explain just what exactly are you trying to change?

M. Roberge : Well, I've read the... excuse me. Well, I have read the multiculturalism politic, which have been made in 1971. I've read the bill, multiculturalism bill, and there's nothing about a common culture, there's nothing about common languages. So, this is a huge difference. We are saying that we exist as a nation and we want to continue to do so. And we want people to understand where they arrive, to understand that there is a nation here, a Québec's nation, there is a language here, there is a culture, there are some identity, and they are welcome here but they must embrace this culture and then contribute, add their own way and...

Journaliste : How do you want them to contribute?

Journaliste : But why are you doing this now? Was there any specific event that led to this? Why? Why table an additional bill now?

M. Roberge : Well, it's about time. It's about time. We say... We see that we have a lot of difficulty in some schools, we see that people are staying with their own group, and we want some more diversity, and we want people to go and to talk to each other. We don't want some ghettos. We want one society.

Journaliste : ...how you want newcomers to contribute more? This is not clear in your message today. How do you want them, concretely, to contribute more to Québec society?

M. Roberge : We want them to go outside their communities and go speak with us, discuss with us. We want to see them and our... les fêtes de quartier, we want to see them at la Fête nationale du Québec. We want to see them within our shows, we want to see them in... in our movies. We want to see them everywhere. They are welcome.

Journaliste : The first thing... the first thing that some people have said about this already is : How exactly are you going to take a statement of principles like this and actually apply it? Now, in French, you just said the bill will include mechanisms. What is the nature of those mechanisms? Are you talking more regulations? How are you going to apply these principles?

M. Roberge : Well, this is a really good question, but I can't tell right now because I don't want to make... which we call in French «un outrage au Parlement», so there's a lot of things I can't say about those big principles, our goals, but how we will do it and what are the details of the bill, I can't say right now, because I want to respect the institution of Assemblée nationale.

Journaliste : Do many Quebeckers actually understand the concept? I even know professors that don't understand the concept of interculturalism.

M. Roberge : I think so. I've read, like, 20 articles only in the past year, 20 articles and chronicles about the problem with the multiculturalism in Québec in each and everyone of your media. So, I think... il y a une soif pour cette chose-là, we need a new social contract. Thank you. Merci beaucoup, tout le monde.

(Fin à 10 h 34)

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