(Dix heures quarante-cinq minutes)
M. St-Pierre Plamondon : Bonjour,
tout le monde. Alors, premièrement, bonne année! Une année qui commence tôt,
une année qui commence avec une nouvelle quand même très importante, celle de
la démission de Justin Trudeau. Moment politique très important qui doit nous
amener à faire le bilan, à faire certains constats pour mieux se poser des
questions sur nos intérêts, au Québec, sur l'avenir à court terme dans l'hypothèse
maintenant confirmée qu'il va y avoir ce printemps une élection à l'échelle
fédérale. Et donc la campagne est en quelque sorte commencée. Et c'est
important de se poser la question : Quel est le bilan des neuf années en
politique de Justin Trudeau? Et je pense que, factuellement, ça aura été des
années très, très nocives, très, très négatives pour les intérêts du Québec. Et
ça doit être dit.
Premièrement, là, rappelons que Justin
Trudeau n'est pas décédé. Il a démissionné, et pas de son propre gré, il a été
forcé de démissionner alors qu'il a tout fait pour s'accrocher. Et, ce matin,
donc, je ne m'empêcherai pas de faire un bilan le plus juste et le plus factuel
possible des neuf ans de Justin Trudeau parce que j'en appelle essentiellement
à une prise de conscience sur la position du Québec dans le Canada, ce que ces
neuf années-là nous disent, mais surtout une prise de conscience sur l'avenir
immédiat du Québec dans le Canada.
En clair, la boule de cristal PSPP ne voit
rien de bon pour le Québec dans ce qui suit, dans l'éventualité d'un
gouvernement Pierre Poilievre, essentiellement parce que le problème n'est pas
Justin Trudeau. Le problème, c'est le régime, c'est le Canada. Et il y a eu des
hommes de bonne volonté, il y en aura peut-être d'autres, qui ont tenté de
défendre le Québec ou de réformer ce régime canadien, pensons à Brian Mulroney,
mais le système est conçu pour nuire ou à tout le moins ignorer les intérêts du
Québec parce que nous n'avons que le cinquième des sièges dans ce Parlement
canadien. Donc, hier, j'ai été sévère envers Justin Trudeau, mais je pense
qu'on ne peut pas faire preuve d'hypocrisie si on veut donner... se faire une
idée de ce qui nous attend pour la suite des choses.
Rappelons l'essentiel de ce
bilan-là : immigration incontrôlée, création de toutes pièces de la
situation au chemin Roxham, absence de considération pour les demandes du
Québec, avoir ignoré ce que les fonctionnaires lui ont dit à Ottawa, à savoir
que ça créerait une crise du logement, des difficultés au niveau des services,
réussir à plus que doubler la dette alors que, du point de vue du directeur du budget
à Ottawa, les services fédéraux, qui sont déjà peu nombreux, ont reculé, donc
une détérioration de l'État à travers également des dérives idéologiques,
pensons à la commissaire à l'islamophobie, la contestation de la laïcité à même
les fonds publics qu'on envoie au fédéral, toutes sortes de nominations
absolument incompréhensibles, et surtout l'ingérence, le non-respect des
compétences du Québec, le dédoublement, la chicane qui ne finit jamais entre
des paliers de gouvernement qui n'arrivent pas à s'entendre. Ajoutez à ça des
crises à l'interne relativement à l'ingérence étrangère, des crises à
l'externe, parce que, clairement, on n'est pas en bonne position pour négocier
avec nos pays voisins. Nous sommes la risée dans plusieurs... pour plusieurs
États dans le monde. Donc, tout ça doit être mentionné au moment de la
démission de Justin Trudeau.
Je conviens que normalement on fait les
éloges des gens qui quittent la politique en saluant l'engagement politique. Je
consens que c'est compliqué. Je salue l'engagement politique, mais, comme l'a
fait René Lévesque au départ de Pierre Elliott Trudeau, il faut être capable
également de nommer les choses si ces neuf années de politique là ont été
nocives, parce que ça nous amène également à se poser la question :
Suivant ces échecs-là, qui sont ceux de François Legault, rappelons-le, parce
que l'intransigeance de Justin Trudeau a mené à l'échec des gros gains dans le
Canada et a mené à plusieurs difficultés pour le gouvernement Legault,
qu'est-ce qu'il advient de ces revendications-là sous Pierre Poilievre?
Posons-nous la question maintenant, ça va nous permettre de réfléchir aux
options devant nous.
Est-ce que quelqu'un a déjà entendu Pierre
Poilievre parler de céder les pleins pouvoirs en immigration au gouvernement du
Québec? Non seulement il n'a jamais dit ça, mais, pour ce qui est du chemin
Roxham, il a gardé le silence tant que ça concernait seulement le Québec. Il a
commencé à en parler quand le sujet commençait à intéresser le reste du Canada.
En matière de langue, de culture,
rappelons que, pour Pierre Poilievre, appliquer la loi 101 aux entreprises
fédérales sur le territoire du Québec, ce n'est pas une bonne chose. Est-ce que
vous l'avez entendu parler de culture? Parce que, vis-à-vis les géants, Netflix
et compagnie, on a besoin d'une représentation forte. Silence radio à nouveau
de la part de Pierre Poilievre sur les intérêts du Québec.
Pierre Poilievre a été silencieux sur les
6 milliards de transferts en santé qui nous sont dus. On était supposés
obtenir ça grâce au mandat fort de François Legault. Posez-lui la
question : Avez-vous une position là-dessus? Ce sera le silence également.
Le silence sur l'abolition de la
monarchie. Ses députés ont même chanté God Save the King en Chambre. Posez-lui la
question : Avez-vous réprimandé qui que ce soit pour ça? Rien.
Avez-vous déjà entendu Pierre Poilievre
s'engager à cesser la contestation de la loi québécoise 21 sur la laïcité? Il
va continuer. Sa position est la même que Justin Trudeau.
Sur l'environnement, non seulement il va
continuer le financement de projets absolument horribles, comme le pipeline
dans l'Ouest, qui a coûté une fortune en fonds publics québécois, mais lui, il
va mettre la pédale au fond sur les subventions à cette industrie polluante, et
ce n'est pas dans l'intérêt du Québec. Silence radio sur les intérêts du Québec
et la volonté démocratique du Québec sur les questions environnementales.
Je pourrais continuer comme ça, là, sur
une dizaine de sujets où Pierre Poilievre est soit silencieux et indifférent ou
il est soit, en fait, hostile à la demande du Québec, à la position du Québec.
Et ça s'explique. Il fait de la politique en fonction de sa base, qui est dans
l'Ouest canadien, et du vote en Ontario, qu'il doit gagner s'il veut devenir
premier ministre. Il ne doit pas gagner le Québec pour devenir premier
ministre, ça ne fait pas partie de son plan de match. Sa campagne ne portera
pas sur les demandes du Québec. Il va soit garder le silence ou soit rabrouer
le Québec.
Donc, si on prend un minimum de
perspective, que ce soient Trudeau, Chrétien, Martin ou, du côté bleu, que ce
soient Harper, ou Andrew Scheer, ou, peu importe qui, c'est un régime, et c'est
un régime dans le cadre duquel nos intérêts sont le cinquième de la Chambre, et
donc sont, le plus souvent, ignorés. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui je vous
fais la prédiction suivante : Pierre Poilievre va gouverner en fonction
des intérêts et des préoccupations de l'Ouest canadien. Il n'a pas besoin du
Québec pour gagner et donc il ne considérera pas nos intérêts et nos
préoccupations. Ça va paraître dans sa campagne, mais ça va surtout paraître
une fois qu'il sera au pouvoir. Ce sera le reflet des intérêts de l'Ouest
canadien. Donc, c'est, évidemment, la conclusion du Parti québécois depuis des
années, et c'est la seule option qu'on n'a pas essayée.
Non seulement rapatrier 82 milliards
permet de rediriger les sommes là où nous, on pense qu'elles devraient aller,
mais ça nous permettra de sortir de cette posture défensive où, finalement, on
est dans une rotation où est-ce que les libéraux ne servent pas l'intérêt du
Québec, on se dit : on va changer pour les conservateurs, qui ne serviront
pas les intérêts du Québec, puis là on va se dire : on va changer pour les
libéraux. Mais à travers les décennies, ce qu'il faut voir, c'est notre déclin
dans ce système-là, le déclin linguistique, culturel, mais surtout le déclin de
nos intérêts économiques, géopolitiques. Il est apparent, et c'est important
pour moi de le mentionner, parce que rares sont les moments où on peut faire le
point. Il n'y a pas un meilleur moment que la démission, la fin d'un régime qui
aura été éminemment hostile et négatif pour les intérêts du Québec. Et la seule
façon, donc, de se donner un avenir qui représente notre volonté, nos intérêts,
notre stratégie, c'est de décider par nous-mêmes, et ce sera éclatant au cours
des prochaines années. Donc, c'était important, pour moi, de faire le point
là-dessus.
Je terminerai sur un point important. Si
on sait que les élections fédérales n'ont lieu pas avant le 24 mars,
est-ce que François Legault peut, s'il vous plaît, donner à la circonscription
de Terrebonne un ou une députée? Est-ce qu'on peut déclencher une partielle qui
traîne depuis des mois sans aucune raison autre que les intérêts tactiques et
électoraux, à court terme, de la CAQ? Il y a de l'espace en ce moment, on ne
siège pas, les fédérales ne sont pas pour maintenant. Réglons ça maintenant.
Nous, on n'attend que ça. Je serai d'ailleurs en porte-à-porte, ce soir, à
Terrebonne.
Journaliste : Jordan
Peterson... Vous l'avez entendue, l'entrevue avec Pierre Poilievre, qui dit que
le... Justin Trudeau vous a aidé à augmenter dans les sondages, puis à devenir
numéro un au Québec. Ça, c'est Pierre Poilievre qui dit ça.
M.
St-Pierre
Plamondon :En fait, c'est très
intéressant parce que, dans cette entrevue-là... On conçoit, au Canada anglais,
qu'il y a un modèle canadien dans le cadre duquel il faut s'intégrer et qu'il
faut revenir à une spécificité des institutions canadiennes, un respect du
vivre-ensemble canadien. Mais ce raisonnement là, évidemment, ne vaut pas pour
le Québec. Moi, ce qui m'a frappé, c'est que, que ce soit la gauche trudeauiste
multiculturaliste ou la droite conservatrice de l'Ouest canadien, le mépris
pour le Québec demeure le même. Et c'est très frappant parce que la
compréhension de Pierre Poilievre du mouvement indépendantiste depuis sa
fondation, depuis la fondation du Parti québécois, dans les années 60, se
résume à dire que c'est parce que l'économie ne va pas très bien sous Trudeau,
et que lui va arranger ça. Il faut vraiment avoir passé très peu de temps à
s'intéresser au Québec pour faire une affirmation de la sorte.
Et dans les commentaires, l'échange avec
Peterson, on sent également le mépris pour le Québec, dans le cadre duquel le
mouvement indépendantiste n'est qu'une menace, «a threat», et ça se résume à
ça. Il n'y a pas de volonté de comprendre, il n'y a pas de volonté de donner
une légitimité à des revendications qui sont, en fait, identiques, sur certains
plans, aux revendications canadiennes en ce moment.
Journaliste : Mais votre
option est toujours très basse, là. L'arrivée de Poilievre, ça va-tu changer
quelque chose? Elle était basse avec Justin Trudeau. Le Oui n'est pas plus
élevé depuis que Justin Trudeau est là, là. Même, il a perdu des plumes.
M.
St-Pierre
Plamondon :Non, il n'a pas perdu de
plumes, c'est assez stable, en fait. Mais comme je vous dis, mon rôle, c'est de
donner l'heure juste sur la démission de Justin Trudeau. Je pense que je donne
l'heure juste au meilleur de mes moyens et je me soumets toujours au jugement
de la population. Ce n'est pas à moi de dicter à la population quoi penser,
mais c'est à moi de soumettre ce que je pense avec le plus d'authenticité puis
de clarté possible.
Journaliste : Mais qu'est-ce
qui serait la meilleure chose pour la souveraineté du Québec? Qu'est-ce qui se
passerait au fédéral? Qu'est-ce qui serait la meilleure chose?
M. St-Pierre Plamondon :
C'est un régime, le fédéral. Donc, ça a été la même chose depuis 150 ans.
Donc, on peut faire confiance au régime fédéral, qu'il soit bleu ou rouge, pour
nous rappeler la nécessité de sortir de là. Je ne suis pas très inquiet parce
que, si on voyait du côté de Pierre Poilievre, des engagements sur les fameuses
demandes, de gros gains dans le Canada de François Legault, si on voyait un
Pierre Poilievre qui s'est intéressé un tant soit peu aux raisons de
l'indépendance du Québec, du mouvement au Québec. Mais on voit que ce n'est pas
du tout sur leur radar. On a seulement le cinquième du poids politique. Et pour
devenir premier ministre du Canada, ce n'est pas nécessaire de gagner au
Québec. Donc, Pierre Poilievre va parler à sa base dans l'Ouest puis il va
s'assurer de gagner l'Ontario. Puis, s'il a ça, il est premier ministre, et
vous allez vous en rendre compte, à quel point on n'est pas dans le calcul, une
fois qu'il sera au pouvoir. Évidemment, en campagne, il ne nous le dira pas
comme ça, mais il va gouverner en fonction de l'intérêt de l'Ouest canadien,
des préoccupations de l'Ouest canadien et en fonction du mépris envers le
Québec dans l'Ouest canadien dans le discours, même le discours officiel de
Danielle Smith.
Journaliste : Mais vous dites
quoi aux Québécois, alors?
M. St-Pierre Plamondon : Sortons
de là. Sortons de là. Voter conservateur pour constater le mépris des intérêts
du Québec pour ensuite voter libéral, et constater le mépris de l'intérêt du
Québec, et toujours faire cette boucle-là nous mène à un déclin confirmé qu'on
peut constater du Québec à tous les niveaux.
Journaliste : Je veux juste
être certaine de comprendre, là, parce que pour ne pas que vous veniez dire
après qu'on vous a mal cité, là, est-ce que vous dites bien que Pierre Poilievre
méprise le Québec?
M. St-Pierre Plamondon : Est-ce
que... peut-être... Est-ce que j'ai dit ça?
Journaliste : Parce que vous
n'arrêtez pas de parler du mépris du Québec.
M. St-Pierre Plamondon : J'ai
parlé du mépris de l'Ouest canadien envers le Québec, et Pierre Poilievre
reflète cette base-là, là. Donc, il y a bel et bien un mépris constant dans les
médias de l'Alberta, dans le discours de Danielle Smith envers non seulement
les demandes du Québec, mais le mouvement indépendantiste encore plus. Et dans
cette entrevue-là de Jordan Peterson avec Pierre Poilievre, on constate que
Pierre Poilievre reflète cette base-là qui a une incompréhension, mais je
dirais même un désintérêt. On voit qu'on n'est pas du tout dans le calcul et
que...
Une voix : ...
Journaliste : Mais est-ce que
lui-même... Ce que vous dites, c'est que lui-même... Est-ce que vous allez
jusqu'à dire que lui-même méprise le Québec?
M. St-Pierre Plamondon : Il
méprise... Clairement, à la lumière de l'entrevue avec Jordan Peterson, il
méprise le mouvement indépendantiste québécois. Clairement, il n'a aucune
considération pour ce mouvement-là, aucune compréhension du pourquoi ce
mouvement-là existe depuis des décennies. Et ça parle du peu de temps qu'il a
investi sur le Québec, sur la situation au Québec parce que ça ne l'intéresse
pas. Il ne fera pas campagne en fonction du Québec, il ne gouvernera pas en
fonction du Québec, il va gouverner en fonction de l'Ouest canadien et de leurs
intérêts, leurs perspectives qui ne sont pas flatteuses à l'égard du Québec
depuis des décennies.
Journaliste : Avez-vous
l'impression que des amis qui s'en viennent du côté d'Ottawa vont contribuer
quand même à faire augmenter l'adhésion à votre projet d'indépendance?
M. St-Pierre Plamondon : J'ai
la certitude que le gouvernement Poilievre ne gouvernera pas en fonction des
intérêts du Québec, qu'il va gouverner... Ça, je suis certain. Maintenant,
comment ce constat-là va influencer les Québécoises et les Québécois, ça
appartient à notre peuple. Le rôle du chef du Parti québécois, comme l'avait
fait d'ailleurs René Lévesque au départ de Pierre Elliott Trudeau, c'est d'être
le plus clair, le plus précis, le plus juste possible dans l'énonciation du
bilan, dans les constats qui devraient nous mener à certaines conclusions, des
conclusions qui, on le sait, demandent du courage. Donc, est-ce que...
Journaliste : Est-ce que vous
espérez à tout le moins que ce que va nous démontrer Poilievre va... va aider
la cause souverainiste, va servir la cause?
M. St-Pierre Plamondon : C'est
sûr... C'est sûr qu'un gouvernement qui se bâtit en fonction des intérêts de l'Ouest
canadien puis des préoccupations de l'Ouest canadien en n'ayant aucun... J'ai
déjà écrit dans un livre, Rebâtir le camp du oui, que la relation du
Canada avec le Québec est essentiellement passive agressive. On est dans la
phase passive de Pierre Poilievre, c'est-à-dire qu'il n'a rien, il n'a pas de
plateforme pour le Québec. Il ne répond à aucune de nos demandes. Il fait
semblant qu'on n'est pas là puis il mènera campagne en taisant un peu les
sujets du Québec parce que c'est très mal reçu en Alberta, là. S'il commence à
écouter le Québec puis à parler du Québec, ça ne passera pas très bien dans le
reste du Canada.
Mais viendra probablement une phase
agressive... c'est-à-dire que, si on continue à revendiquer nos demandes
légitimes, dans ce système où est-ce qu'on a juste le cinquième des voix puis
beaucoup de mépris pour notre différence, viendra une phase agressive de
répression de ces demandes-là. Évidemment, il ne fera pas ça en campagne, mais
ça viendra de la même manière qu'on a eu beaucoup, beaucoup de manque de
respect de la part de Justin Trudeau envers le gouvernement du Québec.
Journaliste : Mais dans le
contexte, là, des menaces de Donald Trump, là, qui va même jusqu'à parler
d'annexer certaines parties...
M. St-Pierre Plamondon : Il
est au Groenland, d'ailleurs, ce matin, hein?
Une voix : ...
M. St-Pierre Plamondon : Ah!
c'est son fils? Lui...
Une voix : ...
M. St-Pierre Plamondon : Ah!
c'est ça. Ils sont... à Mar-a-Lago.
Journaliste : Certains critiques
pourraient faire valoir, et ce n'est peut-être pas un bon moment, de raviver la
flamme souverainiste, que peut-être que le Canada devrait, tu sais, afficher un
front solide, uni pour résister. Je ne sais pas, je me demande juste dans
quelle mesure la question nationale, dans un contexte très, très... où on est
très fragilisés par rapport aux États-Unis, ce n'est peut-être pas un bon
moment, là, de raviver ça.
M. St-Pierre Plamondon : Au
contraire, c'est le meilleur moment, parce que ça ne peut pas être plus
éclatant que ce régime-là défend mal nos intérêts. Je veux dire, le Canada est
dysfonctionnel à plusieurs égards en ce moment, notamment sur le plan de la
représentation et de la réputation à l'international. Et, moi, j'ai confiance
dans le Québec. Je pense qu'on aurait... on ferait mieux. On est capables de
faire mieux que ça. Je pense que ce n'est pas d'être trop ambitieux que de
prétendre vouloir faire un peu mieux que Justin Trudeau à l'échelle
internationale. On est capables de faire ça.
Journaliste : Sur les tarifs
de 25 %, là, M. Legault, bon, il nous l'a dit avant Noël, ça va être l'une
de ses priorités. Là Ottawa envoie l'image qu'elle envoie avec Justin Trudeau
qui s'en va. Doug Ford a dit : Bon, bien, moi, je m'en vais à Ottawa, les
autres premiers ministres, suivez-moi si vous voulez. Qu'est-ce qu'il doit
faire, le premier ministre du Québec, dans ce contexte-là?
M. St-Pierre Plamondon : Le
passage au pouvoir de la CAQ aura été une fable absolument très, très utile sur
le plan pédagogique d'à quel point on a peu d'influence sur des choses qui sont
primordiales pour nous. Quand je vois François Legault twitter avec... tu sais,
un tweet qui est vraiment beige, là, sur la démission de Justin Trudeau, il
faut lire entre les lignes qu'en fait la CAQ a peu d'influence sur ce qui se
passe, alors que c'est déterminant pour l'économie québécoise. Mais ça, c'est
comme dans tous les dossiers, depuis sept ans, il n'y a rien de différent, et
c'est de ça dont je veux qu'on sorte. Et c'est là la différence entre la CAQ et
le Parti québécois.
Journaliste : Sans la
souveraineté et sans l'indépendance, vous êtes condamnés à la même affaire, là,
si, un jour, vous devenez premier ministre du Québec, là.
M. St-Pierre Plamondon : Exact.
Journaliste : Vous allez être
premier ministre d'une province. Vous n'aurez pas de pouvoir sur la poste, sur
l'armée et sur les frontières.
M. St-Pierre Plamondon : Oui,
mais on peut être un peu plus volontaires, comme je l'ai été hier, donner
l'heure juste aux Québécois. Tu sais, s'éloigner de l'hypocrisie, en faisant
semblant que ça a été un neuf ans...
Journaliste : ...Trudeau,
pour vous, il n'a pas été bon?
M.
St-Pierre
Plamondon :Terrible. Il a été
terrible, terrible, terrible. C'est peut-être un des pires premiers ministres
de l'histoire du Canada en ce qui a trait au Québec, minimalement. Mais, si on
regarde l'opinion dans le reste du Canada, je pense, ils sont rendus plus
sévères que nous envers ce régime-là.
Et c'est important pour moi d'expliquer
que c'est le reflet de 150 ans dans le Canada, et que le régime Poilievre
ne tiendra pas plus compte des demandes, des préoccupations, des intérêts du
Québec. Il faut le voir à l'avance si on veut faire des choix intelligents.
Journaliste : Donc, vous
venez nous prévenir ce matin que Poilievre, ça va être la même chose que
Trudeau envers le Québec, envers les intérêts du Québec, même, sinon pire?
M. St-Pierre Plamondon : Bien,
c'est-à-dire qu'on l'a vu ailleurs en Occident, il y a des dérives dans... sur
le plan idéologique ou sur la manière d'administrer l'État, et ces dérives-là
sont répondues par des partis qui peut-être vont corriger certaines des dérives
d'avant, mais ils vont amener leurs lots de dérives, là. Dans le cas de Pierre
Poilievre, là, c'est la déréglementation, c'est l'encouragement des compagnies
pétrolières, ça va être nos fonds publics québécois, là, puis ça va tout
aller...
Journaliste : Donc, ça
pourrait être pire?
M. St-Pierre Plamondon : Bien,
c'est que c'est... ce n'est pas parce qu'on remplace des dérives trudeauistes
par les dérives de l'Ouest canadien que, du point de vue du Québec, on améliore
notre sort.
Journaliste : Mais c'est-tu
pire?
M. St-Pierre Plamondon : Je
ne suis pas prêt à dire ça parce qu'on n'a pas commencé ce régime-là.
Journaliste : Bien, on
l'entend, M. Trump, parler de Trudeau comme étant le woke en chef, là. Est-ce
que vous trouvez qu'il est woke, M. Trudeau?
M. St-Pierre Plamondon : Ah!
il se dit woke lui-même, là, dans ses discours, il se revendique de ça. Et
peut-être que le Parti conservateur va corriger un certain nombre de politiques
fédérales qui doivent être critiquées. Mais il faut comprendre que ce que les
conservateurs, qui reflètent les préoccupations de l'Ouest canadien, vont
apporter vient avec son lot de dérives également, là. C'est un autre acabit.
Mais est-ce que c'est le reflet de notre volonté démocratique? Est-ce que c'est
le reflet de ce que nous, au Québec, on pense? Dans les deux cas, ce sont des
régimes qui ne tiendront pas compte du Québec parce qu'on ne pèse pas assez
lourd. C'est ça que je viens dire ce matin.
Journaliste : L'exemple de la
politique woke de Justin Trudeau ces dernières années, ça serait quoi pour
vous?
M. St-Pierre Plamondon : Il y
en a eu quand même pas mal, là. Donc, la commissaire à l'islamophobie, c'est
quand même pas pire comme dérive idéologique, le début des politiques par
couleur de peau, qui est quand même une façon d'administrer qui se veut
inclusive mais qui, au final, crée plusieurs tensions, beaucoup d'exclusion...
Journaliste : ...de couleur
de peau, vous parlez de... De quoi vous parlez?
M. St-Pierre Plamondon : Bien,
tout, tout, tout le régime d'équité, inclusion, diversité vient avec des
programmes...
Une voix : ...
M. St-Pierre Plamondon : EDI...
D'ailleurs, EDI, récemment, il y a eu des études, là, qui suggèrent qu'en fait
ça exacerbe l'intolérance et que ça n'amène pas plus d'inclusion. Mais regardez
comme il faut. On a introduit pour la première fois la catégorisation par
couleur de peau pour les emplois, les subventions et plusieurs programmes, là.
Et est-ce que ça crée plus d'inclusion au final? Moi, j'en doute fortement.
Donc, je suis critique de ça, mais je suis
très conscient que Pierre Poilievre vient avec son lot de dérives typiques
de... Tu sais, je ne veux pas revenir sur les bitcoins, là, puis tout ce qu'il
a pu dire à date, là, mais c'est un autre acabit, c'est une autre liste de
dérives, mais, dans les deux cas, est-ce que ça reflète ce que le Québec veut
et pense? Non. Puis c'est important de le dire parce qu'on pense à tort, parce
que des fois on oublie, que remplacer les libéraux par les conservateurs, ça
règle nos enjeux ici, au Québec, et ça ne se peut pas parce qu'on ne pèse pas
assez lourd. Ils font... Ils ne font pas campagne, ni l'un ni l'autre, les
bleus et les rouges, en fonction de nos demandes.
Journaliste : Juste sur le
tramway. Il y a des gens à Québec qui sont inquiets parce que, là, le
financement du tramway n'est pas tout à fait attaché. Poilievre a dit : Je
ne mets pas une cent là-dedans, plutôt dans le troisième lien. Qu'est-ce que ça
veut dire, selon vous, pour la région de Québec, pour le maire Marchand, qui
compte sur ce projet-là?
M. St-Pierre Plamondon : Ah!
c'est... ça génère de l'instabilité. D'ailleurs... vous me corrigerez, là, je
ne veux pas faire une affirmation, mais il me semble que, sur le... un projet
similaire à Calgary, il s'était prononcé différemment...
Une voix : ...
M. St-Pierre Plamondon : ...en
faveur. Est-ce que... Ça tombe bien, votre question, parce que vous ne pouvez
pas avoir un exemple plus frappant de ce que je tente de mettre de l'avant ce
matin, que le gouvernement Poilievre va en être un en fonction des intérêts de
l'Ouest canadien, pas des nôtres. Si un tramway a lieu à Calgary, ça, c'est bon
pour les conservateurs, mais le même tramway à Québec, ça, c'est bien épouvantable.
Et oui, ça génère de l'instabilité. Et oui, ça va générer une autre couche de
chicanes puis de discussions Québec-Canada qui ne mènent à rien, qui nous fait
perdre du temps, qui nous fait perdre de l'argent. C'est ça, mon point ce
matin.
Journaliste : Juste une
petite dernière. C'est parce que vous avez dit que Justin Trudeau avait été un
des pires premiers ministres de l'histoire du Canada. Si on le compare à son
père, c'est lequel le pire, selon vous?
M. St-Pierre Plamondon : Je
pense, Justin Trudeau. Le père était peut-être plus hargneux envers le Québec,
mais Justin Trudeau a voulu pousser le bouchon plus loin que son père, comme
s'il a voulu prouver à son père qu'on pouvait aller encore plus loin dans tout
ce qui ne fonctionnait pas avec Pierre Elliott Trudeau, aux dires de René
Lévesque à l'époque, là. Si on reprend la critique de René Lévesque sur Pierre
Elliott Trudeau, c'est comme si Justin Trudeau s'était dit : Moi, c'est
mon héritage, et je vais amener ça le plus loin possible, tu sais, le plus de
dette possible, le plus de communautarisme possible, le plus de dépenses sans
réfléchir à la santé de notre économie, le plus de... C'est comme s'il a amené
le concept encore plus loin et il a démontré par l'absurde que c'étaient des
théories fumeuses qui étaient à la base du trudeauisme.
Et c'est intéressant de voir que le Canada
anglais a fait ça, parce que le Canada anglais a bu le Kool-Aid du trudeauisme
jusqu'à la dernière goutte. Et, jusqu'à tout récemment, à chaque fois que le
Québec disait : Ça ne fonctionne pas, et votre régime est terrible pour la
vitalité de notre différence, on se faisait traiter de racistes. Et, en
l'espace de quelques années, là c'est tout le Canada qui condamne ces
théories-là et qui se retourne contre le trudeauisme. Mais c'est intéressant de
le souligner parce qu'avant... puis je le sais, là, parce que c'est moi le chef
du Parti québécois, j'ai eu mon lot de critiques pour avoir nommé des choses
qui maintenant sont un consensus au Canada. Le Canada a bâti son identité sur
le trudeauisme, sur le communautarisme pendant un moment, et vous allez voir,
au cours des prochaines années, les conséquences de ça et l'opinion publique canadienne
complètement se retourner de côté.
Journaliste : ...sur la vérité,
un mot sur Jean-Marie Le Pen?
M.
St-Pierre
Plamondon :Je n'ai pas de commentaire.
Journaliste : Non? Il n'a pas
été une partie d'influence? Vous n'avez pas pensé certaines choses, comme
politicien...
M.
St-Pierre
Plamondon :Non, je n'ai pas de
commentaire.
La Modératrice : En anglais.
Journaliste : Good morning. Do you... Who would you say is worse, then? You
mean... you're warning Quebeckers... you're saying... you're warning Quebeckers
that Trudeau was... was not great, the nine years of Mr. Trudeau in power
was not great for Québec, and now you're saying Mr. Poilievre is not a
whole lot better.
M. St-Pierre
Plamondon :
No,
it's not, because politics is about what interests are you serving. First of
all, Trudeau was not really qualified for that job, but he was very useful for
many groups of interest, who needed someone to go through with their demands.
And the question about Pierre Poilievre is: Is he more independent? Is he more
dedicated to the public good and the public interest than Justin Trudeau? If
you look at the lobby of petroleum, of gas and oil, it's even worse. It's just
there's no... there's no public interest in those policies. It's really
policies based on corporate interests.
And so, the regime, the
Canadian regime, it's a very big unit. Jane Jacobs said in her book The
Question of Québec Separatism that the more the unit is big, the more
ungovernable the politics are, and the more conflicts of interest, the more
groups of interests will start running the show, instead of politicians. And
what's interesting in Québec is that it's a smaller unit, and the Parti
québécois is definitely a democratic party. Sometimes, it comes with a bit of
adversity and complications, but it is a democratic party. I'm... I only get
funding from $10 and $20 from my members. And I think that's a big difference
in what we could do in an independent Québec.
Journaliste :
But we know Mr. Legault was not pleased
with Mr. Trudeau at the end, and that he even hoped that he would not be in
power. What... what are you telling... what are you telling Quebeckers? Are you
telling them how to vote? What would be your advice on... given the context,
now, on...
M. St-Pierre
Plamondon :
No,
no, I'm not telling Quebeckers how to vote, but I'm doing something that the
Premier was reluctant to do. He didn't take yesterday's opportunity... That is
not the death of someone, just someone resigning because his own group cannot
take it anymore. He didn't take that opportunity to give a clear and honest
summary of what actually happened for his government under Justin Trudeau. And,
since the Premier is not giving a clear and complete picture of what actually
happened, someone needs to do it, and that's going to be me.
Journaliste :
What do you think Justin Trudeau will
be remembered for?
M. St-Pierre
Plamondon :
I
will leave that to historians, but I cannot believe that it will be extremely
positive.
Journaliste
: Merci
beaucoup.
M.
St-Pierre
Plamondon : Thank you. Merci.
(Fin à 11 h 15)