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Point de presse de M. François Legault, premier ministre

Version finale

Le mercredi 6 novembre 2024, 9 h 43

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures quarante-quatre minutes)

M. Legault : Bonjour, tout le monde. Les Américains ont voté hier, et donc M. Trump a gagné, et on doit respecter ce résultat.

Il faut se rappeler que les Américains et nous, on est des alliés depuis longtemps et, malgré nos divergences, on a quand même beaucoup de choses en commun avec les Américains.

Évidemment, ma grande préoccupation des prochains mois, ça va être les intérêts économiques du Québec. Malheureusement, on doit s'attendre à ce qu'il y ait des actions qui soient posées par M. Trump et son équipe qui pourraient être négatives pour l'économie du Canada et l'économie du Québec. Je pense qu'il faut se dire la vérité, il y a des emplois qui sont en jeu, donc il va falloir être très stratégique, surtout dans les secteurs clés, où le Québec a beaucoup d'exportations vers les États-Unis. Je pense, entre autres, à quatre secteurs.

D'abord, l'aéronautique. Autant l'Ontario, c'est l'auto, autant, nous, c'est l'aéronautique. Que ce soit des pièces d'avions, que ce soit des moteurs, c'est majeur, dans l'économie du Québec, puis on a besoin de ces exportations vers les États-Unis.

L'autre dossier qui est très important, c'est l'aluminium, l'aluminium, on est le grand fournisseur. Évidemment il y aura, en 2016, l'Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui sera révisé... en 2026, pardon, donc dans deux ans. Et il faudra s'assurer, entre autres, bien, que le Mexique et puis même les États-Unis s'approvisionnent chez nous et non pas en Chine ou dans d'autres pays.

L'autre secteur qui est très important puis qui est déjà très affecté, c'est tous les produits du bois, les pâtes et papiers. Déjà, il y a des tarifs très élevés, déjà il y a beaucoup d'argent qui est retenu par les douanes américaines. C'est, encore là, un dossier qu'on va suivre de très près, qu'on suit déjà de très près, un secteur qui est critique pour beaucoup de régions du Québec.

Le quatrième secteur qu'on va suivre, bien, c'est tous les produits alimentaires. On va travailler ça avec l'UPA. On sait comment ça n'a pas été facile, dans les dernières négos, de protéger la gestion de l'offre. C'est quelque chose qui est particulier au Québec. Donc, il faut que le gouvernement fédéral comprenne des intérêts des agriculteurs québécois.

L'autre secteur dans lequel va falloir être très prudent, c'est l'immigration. Déjà, là, puis je l'ai dit souvent, on a 600 000 immigrants temporaires au Québec. Ça a doublé depuis deux ans. Ça vient poser des impacts importants sur le marché de l'emploi. Déjà, on a eu un ralentissement dans la dernière année. Bien, il ne faudrait pas qu'on voie en plus une arrivée massive d'immigrants qui viennent via les États-Unis, parce que, là, ça pourrait vraiment déséquilibrer le marché de l'emploi. Puis, déjà, notre capacité d'accueil, notre capacité d'intégration est dépassée, que ce soit pour nos services, que ce soit pour l'avenir du français, mais même pour l'économie, là, on va tous comprendre que l'offre et la demande, c'est important. Depuis six ans, on a réussi à avoir une meilleure augmentation des salaires au Québec qu'en Ontario, que dans le reste du Canada, entre autres. Il n'y a pas eu une explosion aussi grande des travailleurs temporaires que ce qu'on a vu dans le reste du Canada. Mais là, avec les demandeurs d'asile, on est vraiment à un point où c'est vraiment dépassé, notre capacité est dépassée.

Donc, on va interpeler le gouvernement fédéral, sa responsabilité du gouvernement fédéral de protéger nos frontières. Mais même le gouvernement du Québec va s'assurer que le gouvernement fédéral protège nos frontières, puis qu'on se pose des questions selon les gestes qui vont être posés par l'administration de M. Trump pour s'assurer, là, qu'on n'ajoute pas aux problèmes actuels. Encore une fois, le problème, ce n'est pas les immigrants, c'est le nombre. On en a déjà trop. Donc, il ne faudrait pas qu'on ajoute au problème.

Bon, on se prépare, entre autres, dans les différentes délégations aux États-Unis puis à Washington aux deux scénarios. Donc, on a établi beaucoup de contacts, entre autres du côté des républicains. On a des contacts du côté des gouverneurs, des... du côté des maires, du côté des grandes entreprises, entre autres, dans les quatre secteurs que je viens de mentionner. Et je vous annonce que je vais mettre en place un groupe de travail Québec–États-Unis avec un certain nombre de ministres. D'abord, le ministre de l'Économie, bien sûr, ministre des Relations internationales, ministre des Relations canadiennes, ministre des Ressources naturelles et de la Forêt, ministre de l'Agriculture et ministre de l'Immigration. Puis, selon les besoins, je pense, entre autres, à la sécurité publique. Quand je vous parle de surveiller le fédéral, qui doit surveiller les frontières, bien, on va au besoin ajouter des membres. Puis notre objectif, c'est de réagir très rapidement, donc, de se donner une stratégie. Déjà, on y travaille.

Maintenant, selon l'évolution des dossiers, bon, M. Trump, il y a toujours une période plus longue aux États-Unis, ne va pas être assermenté avant le mois de janvier. Donc, comme je l'ai déjà dit, là, dès que le gouvernement va être en place, donc, après le mois de janvier, mais au début, dans la première moitié de 2025, je vais aller à Washington moi-même, je vais essayer de rencontrer le maximum d'intervenants. Puis c'est la mission que j'ai déjà donnée, depuis plusieurs mois, à notre équipe à Washington, préparez-moi des rencontres avec toutes les personnes qui peuvent avoir un impact sur les exportations du Québec vers les États-Unis puis sur, aussi, l'enjeu de l'immigration.

Je vais aussi prochainement nommer un émissaire spécial de haut niveau, donc quelqu'un de très connaissant, d'expérience. On souhaite que le gouvernement fédéral l'amène à la table des négociations avec les États-Unis. C'est une demande qu'on veut faire avec l'Ontario, parce que, bon, il reste que, quand même, l'Ontario aussi voit bien, là, les conséquences possibles. Donc, c'est important qu'on travaille ensemble, les provinces et le gouvernement fédéral, dans ces négociations.

D'abord, à court terme, on va voir si M. Trump met à exécution sa promesse de mettre des tarifs de 10 % sur les produits canadiens exportés aux États-Unis. Puis, bien, on doit commencer la révision de l'accord de 2026 dès maintenant. On a des avantages à faire valoir, là, il ne faut pas penser qu'on est démunis face aux États-Unis. D'abord, c'est important de le dire, les chaînes d'approvisionnement sont très bien intégrées dans beaucoup de secteurs manufacturiers. Le même produit peut passer trois, quatre fois la frontière dans les deux directions. Donc, c'est à l'avantage, et des entreprises américaines, et des entreprises canadiennes ou québécoises.

On l'a dit aussi, puis je sais que notre équipe à Washington me dit que ça résonne, quand on parle des minéraux stratégiques, bien, les États-Unis veulent être plus autonomes, plus indépendants de la Chine sur l'accès aux minéraux stratégiques. Donc, c'est quand même quelque chose où on a à offrir aux Américains. L'autre chose qui est importante aussi, ce sont les lignes de transport d'électricité. Rappelez-vous, bon, on a déjà une ligne avec le Massachusetts. On a une ligne aussi avec New York. C'est important. Ces deux lignes-là sont bidirectionnelles, puis il y a une complémentarité. Nous, notre pointe est l'hiver, à cause du froid, puis, aux États-Unis, leur pointe est l'été à cause de la climatisation. Donc, encore là, il y a des avantages à offrir. Il y a plein de bons arguments.

Évidemment, on va essayer de s'assurer qu'il n'y ait pas de décisions trop rapides qui sont prises par le gouvernement américain. Et, bien, en terminant, je dirais que oui, on risque de vivre de la turbulence dans les prochains mois, les prochaines années, dans nos relations avec les Américains, mais je suis convaincu que la relation privilégiée qu'on a réussi à bâtir ensemble est à l'avantage des deux parties.

Journaliste : ...quand vous dites que le Québec va surveiller les frontières, va aider à surveiller les frontières.

M. Legault : Bien, on veut s'assurer, là, que, rapidement, on sache s'il y a un problème, là. Donc, on va le...

Une voix : ...

M. Legault : Bien, on va regarder ce que fait le fédéral, mais, si c'est nécessaire, on va s'assurer que... sur une base peut-être aléatoire, que les frontières sont bien surveillées par le gouvernement fédéral. Et on va suivre aussi, bien, les ententes, qu'est-ce qui arrive avec l'Entente sur les tiers pays sûrs. Qu'est-ce que M. Trump va faire, là, avec ses propositions de déportation? Ça veut dire quoi, concrètement, pour le Canada? Et, bien sûr, on va regarder aussi ce qui arrive dans nos aéroports.

Puis là, entre autres, le gros enjeu, bien, ce sont les demandeurs d'asile. Il reste qu'on a presque la moitié des demandeurs d'asile qui arrivent au Canada qui arrivent au Québec. On a réussi à convaincre le fédéral de fermer Roxham. On a réussi à remettre le visa pour les Mexicains, mais il continue à entrer des gens de l'Inde, de toutes sortes de pays, à l'aéroport, et qui demandent l'asile au Québec. Donc, il ne faudrait pas, suite à l'élection de M. Trump, que ce soit encore pire.

Journaliste : ...sur une base aléatoire. Qu'est-ce que vous voulez dire? C'est que vous voulez commencer à faire plus de patrouilles sur les frontières terrestres?

M. Legault : Bien, ce qu'on veut, là, c'est de s'assurer, aux frontières... ça veut dire aux frontières physiques puis à l'aéroport, que le travail est bien fait par le gouvernement fédéral.

Journaliste : ... sur le terrain, vérifier, voir si le travail est bien fait.

M. Legault : Écoutez, on va d'abord avoir des discussions avec le fédéral, on va voir ce qu'il nous propose, mais il va y avoir un suivi qui va être fait par le Québec.

Journaliste : Mais le mouvement migratoire, là, si jamais il a lieu, il risque d'avoir lieu vers le Nord et risque de se produire avant que M. Trump soit aux affaires à la Maison-Blanche, là.

M. Legault : Exact. Il faut commencer à agir rapidement parce qu'il y a de l'incertitude peut-être pour certaines personnes qui pourraient être tentées de traverser la frontière maintenant. On a déjà, je le répète, là, 600 000 immigrants temporaires. C'est une augmentation de 300 000 depuis deux ans. On manque de logements, on manque d'infirmières, on manque d'enseignants, puis ça a un impact important sur l'avenir du français, en particulier à Montréal.

Journaliste : M. Legault, donc vous, vous dites : Ne venez pas.

M. Legault : Pardon?

Journaliste : Ce que vous dites à ces gens-là, c'est : Ne venez pas, ne venez pas au Québec.

M. Legault : Bien, écoutez, on a fait notre part au Québec. Donc, s'il y a d'autres provinces qui veulent les accueillir... Mais au Québec, là, déjà, il y a trop d'immigrants.

Journaliste : Le ministère ne serait pas nommé par le... Le ministère, là, juste pour que ce soit clair, ce ne serait pas nommé par le Conseil des ministres au Québec, c'est que vous allez avec Doug Ford faire la proposition d'un non au gouvernement fédéral?

M. Legault : Bien, ce que je vise, c'est d'avoir quelqu'un qui représente le Québec, puis je serais ouvert à ce que Doug Ford aussi ait quelqu'un qui représente l'Ontario. Mais je veux quelqu'un qui représente le Québec, parce que nos intérêts, nos priorités, les produits qu'on vend ne sont pas les mêmes que ceux d'Ontario.

Journaliste : Avez-vous une idée de l'impact de... si un tarif de 10 % est appliqué aux exportations au Québec? Il y a énormément de PME qui exportent aux États-Unis. Est-ce que vous avez une idée de l'impact que ça va avoir le marché de l'emploi?

M. Legault : Bien, il y a des scénarios qui ont été faits. On espère ne pas en venir là, mais, en même temps, il faut être réaliste, il faut prendre ça au sérieux. Ça serait un impact important.

Journaliste : ...Ontario, sans donner de délai précis, là.

M. Legault : On va garder ça confidentiel.

Journaliste : ...comment on fait ça, s'assurer que le travail est bien fait? Concrètement, comment on peut faire ça aux frontières?

M. Legault : Bien, on s'assure que les frontières sont bien protégées puis on regarde combien d'immigrants rentrent à chaque semaine.

Journaliste : Vous avez dit que vous vous attendiez à une période de turbulence. Qu'est-ce que ça veut dire, M. Legault?

M. Legault : Bien, écoutez, c'est sûr que, par exemple, s'il y a des tarifs de 10 % sur les produits canadiens exportés aux États-Unis, bien, ça aura un impact sur les ventes, ça aura un impact sur les emplois au Québec. Donc, il faut garder la tête froide, il faut être stratégique.

Une voix : ...

M. Legault : Bien, il y a du protectionnisme. Comme je le disais la semaine dernière, il y a beaucoup de protectionnisme. Traditionnellement, c'était plus les démocrates, mais là c'est vrai aussi du côté des républicains.

La Modératrice : En anglais.

Des voix : ...

Journaliste : ...sur la clause dérogatoire. Pouvez-vous juste commenter? Est-ce qu'il faut vraiment recourir à la clause dérogatoire dans le dossier des nouveaux médecins pour les forcer à pratiquer au public? Donc, hier, vous avez évoqué ça. Pourquoi vous dites ça?

M. Legault : Bon. Pour avoir regardé le dossier quand j'étais moi-même ministre de l'Éducation, si on demande à des étudiants en médecine de rembourser leurs frais de scolarité, s'ils veulent déménager en Ontario ou aux États-Unis, ça met les jeunes qui sont plus pauvres, qui n'ont pas la capacité de rembourser dans une situation différente des jeunes qui sont plus riches qui sont capables de rembourser. Donc, quand j'avais regardé ce dossier-là, il fallait utiliser la clause dérogatoire, entre autres à cause de l'article 15. Là, on est en train de regarder exactement : est-ce que ça sera des pénalités ou est-ce que ce serait une obligation non discutable, négociable.

Mais si on demande de rembourser, bien, c'est certain... Bon, je me souviens à l'époque qu'on avait comparé avec l'armée, quand quelqu'un étudie dans l'armée, il doit rembourser, mais la réponse que j'avais eue des juristes, c'est de dire : Bien, il y a une alternative. On peut ne pas aller dans l'armée, on peut aller dans les universités québécoises. Mais quand on regarde les quatre facultés de médecine au Québec, bien, quelqu'un qui veut étudier en médecine ne peut pas aller ailleurs que dans ces quatre facultés. Donc, si les quatre facultés exigent un certain nombre d'années de travail dans le secteur public au Québec, sinon s'il y a un déménagement, rembourser les frais, ça peut poser un problème concernant la Charte des droits et libertés, mais, si c'est nécessaire, on est prêt à utiliser la clause dérogatoire. C'est trop important. Il nous manque de médecins, il manque de médecins partout dans le monde. Bien, les médecins qu'on forme aux frais des contribuables au Québec doivent pratiquer au Québec.

Journaliste : ...more resources to protect the borders with Trump's deportation plan?

M. Legault : O.K. First, what I want to do is make sure that Mr. Trudeau, the federal Government, takes this seriously. And I want to follow up every week about the number of new immigrants we get in Québec. I want to make sure that he protects the border the physical borders, that he protects airports. And, if need is, I will make sure to have some of our people making sur of that. Merci, tout le monde.

(Fin à 10 h 03)

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