Conférence de presse de M. Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux
Version préliminaire
Cette transcription est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs.
Le jeudi 31 octobre 2024, 9 h 30
Salle Evelyn-Dumas (1.30),
édifice Pamphile-Le May
9 h 33 (version non révisée)
(Neuf heures trente-trois minutes)
La Modératrice : Bonjour,
tout le monde. Bienvenue à cette conférence de presse du ministre responsable
des Services sociaux, Lionel Carmant. Il est accompagné de la nouvelle
directrice nationale de la protection de la jeunesse. Il y aura une courte
déclaration et ensuite une période de questions d'environ 20 minutes.
Merci.
M. Carmant : Merci beaucoup.
Alors, bonjour, tout le monde. Très heureux de vous présenter aujourd'hui la
nouvelle directrice nationale de la protection de la Jeunesse, Mme Lesley
Hill, que je connais de longue date, et qui, pour moi, est la personne idéale
pour le poste, parce qu'elle est très proche de la communauté, elle est très
proche également de la prévention et l'importance de la prévention. Évidemment,
elle a été sur la commission Laurent. Et je lui ai donné, comme je disais hier,
trois priorités : un, le dossier des centres de réadaptation dont on parle
beaucoup ces temps-ci, deuxièmement, rehausser la prévention avec les
programmes comme j'ai mis sur pied, comme Agir tôt, et d'autres, et également
lancer le grand chantier du programme Agir ensemble que l'on va déployer en
amont de la protection de la jeunesse. Donc, sans hésiter, je vous passe Mme Hill.
Mme Hill (Lesley) : Merci
beaucoup. D'abord, je veux remercier le ministre de me faire confiance pour ce
mandat qui est tellement mais tellement important qu'est la protection des
enfants du Québec. J'ai quelques petites notes, mais je ne le lirai pas, parce
que je veux vous rendre vraiment le fond de ma pensée sur cette question-là. Donc,
pour moi, les enfants, c'est l'avenir de notre société, c'est ce qu'on a de
plus précieux au Québec. Puis, pour moi, il n'y a aucun compromis à faire pour
le bien-être de l'ensemble des enfants, et des jeunes, et des familles du
Québec, parce qu'on doit s'occuper des parents également. Et ça, c'est mon
engagement, mon engagement envers ces enfants-là, que je vais être là pour être
la chienne de garde ou chien de garde, on dit que c'est comme ça qu'on l'a dit
dans notre rapport, mais aussi l'ange gardien pour parler pour ces enfants-là
au sein du ministère de la Santé et Services sociaux. Et collectivement, j'espère,
avec un futur commissaire au bien-être et aux droits des enfants du Québec pour
tous les enfants du Québec. Moi, je vais m'occuper des plus vulnérables, et c'est
pour ça que c'est important, ce mandat-là, et que je le prends avec tant de
cœur et d'énergie. Je suis devant vous très humblement pour ça.
Il ne faut jamais tolérer l'intolérable. C'est
mon premier message. Donc il y a des histoires qui sortent dans les médias.
Vous faites votre travail, vous alimentez des débats publics, mais, bien
honnêtement, on est tous chez nous sur nos divans puis on se dit : Mais
comment on peut être rendus là au Québec? On doit faire différemment, on doit
faire autrement. Donc, mon premier message à mon réseau, ça va être la
transparence. On va devoir mettre une grande lumière dans notre maison, dans toutes
les garde-robes, dans toutes les pièces de la maison, et on risque de trouver
des toiles d'araignée, et on va devoir les nettoyer et faire ce qu'il faut pour
vraiment être l'institution exemplaire que les enfants ont le droit d'avoir au
Québec. C'est très important cette question.
Pour la population, je m'engage à la
transparence. Je suis heureuse que les gens soient outrés quand il y a question
de nos enfants, c'est sain dans une société d'être outré quand on entend des
histoires outrageantes. Je suis désolée, je suis anglophone. En fait, je ne
devrais pas m'excuser pour ça, mais donc je vais avoir des tournures de phrases
des fois particulières. Mais moi, je m'engage à la transparence. Je vais
prendre la mesure de ce qui est fait, parce qu'il y a des choses qui sont
faites. Je vais regarder aussi ce qu'il n'est pas fait. On va regarder les
situations qui surgissent et on va essayer de corriger le tir le plus
rapidement possible. Mais je vous dis tout de suite qu'il y a du travail devant
nous et ça va prendre tout le monde pour effectuer ce travail-là. Et notre
rapport à la commission Laurent n'a pas dit que ça serait facile. Si c'était
facile, on aurait pondu une petite brique de 10, 15 pages, on a une brique
de 500 pages qui documente très bien la situation, et qui nous donne la
carte routière, la recette. Le diagnostic est fait, donc ce n'est pas le temps
de faire des diagnostics encore. C'est le temps de se...
9 h 38 (version non révisée)
Mme Hill (Lesley) : ...mettre
en action, et ça, c'est mon engagement aussi. Je vais porter fièrement la
vision de ce rapport-là dont je suis cosignataire. Je comprends très bien la
vision derrière. Les bonnes pratiques sont prioritaires. Le ministre me donne
trois mandats. Je suis certaine que je vais découvrir une centaine d'autres dès
aujourd'hui. Mais ces trois mandats-là, prioritaires, sont très importants, et
je suis d'accord avec le ministre que nos centres de réadaptation ont manqué d'amour.
Et là on ne parle pas juste de toits qui coulent, on parle de pratiques
exemplaires, et on a besoin de revoir nos pratiques en réadaptation, mais de
soutenir nos intervenants également. Parce qu'il y a du bon monde dans ces
centres-là, ce n'est pas vrai que c'est toutes des personnes qui dérapent. Et
on a besoin de valoriser le travail des gens qui est très difficile.
La prévention, vous allez m'entendre
parler de ça très souvent. Je ne suis pas seulement DPJ nationale, je m'occupe
des services pour les enfants. Et ça, ça veut dire dans les CLSC, dans les
communautés, et on va voir comment on peut intervenir différemment en
protégeant les enfants, mais dans leur communauté. Je veux signifier ou
signaler déjà que la moitié des enfants qui sont pris en charge en protection
de la jeunesse sont suivis chez eux. Ils sont dans leur famille, dans leur
communauté. Et à peu près la moitié des enfants pris en charge sont placés.
80 % des enfants pris en charge, placés sont en famille d'accueil et, au
moins, 40% de ceux-là dans une famille d'accueil de proximité, donc quelqu'un
qui est proche d'eux, une tante, une grand-mère, etc. Donc, c'est vraiment pour
les enfants qui tombent dans les mailles du filet qu'on a besoin de réfléchir
en accéléré pour voir qu'est-ce qu'on fait. Parce que ce n'est pas vrai qu'il
faut grandir dans un centre de réadaptation. On ne peut pas institutionnaliser
nos enfants au Québec, c'est absolument impossible. Et on va mesurer nos
résultats, très important pour être transparent.
Je veux juste dire un mot pour
intervenants gestionnaires. Moi, j'ai confiance en vous, intervenants et
gestionnaires, mais j'ai confiance que vous allez dénoncer ce qui est
intolérable et j'ai confiance qu'on va travailler à construire ensemble un
sentiment de fierté pour poursuivre le travail important que vous faites. C'est
une responsabilité collective, la protection de l'enfance. J'ai reçu énormément
de messages depuis hier, pas juste des messages de félicitations. Ça finit
toujours avec : Dis-moi si je peux faire quelque chose. Je suis là, je
veux... je veux être mis à contribution. Merci. Parce que c'est vraiment un
travail collectif qui dépasse un système de protection et qui se fait dans des
communautés et dans la société. Les jeunes et les parents, votre parole est
importante. Je vais être disponible pour vous. Je vais être accessible. Je vais
exiger que tout chantier qui est mis en place, que la parole des personnes
concernées soit prise en compte.
I just want to say to our
English-speaking population for two minutes, that you are really important,
your children are just as important to me, and you are a minority population in
Québec. We have one youth center that is really... and I will be working with
that youth center to make sure that there is equity and access to services for
English-speaking populations. And I also want to... just say to our First
Nations and the Inuit people, I can't pretend to know and understand everything
that you are going through, but you can count on a solid ally to really listen
and trying, construct something with you that will be really good for your
communities and for your people in all respect.
Alors, mettons-nous à l'oeuvre ensemble. C'est
vraiment mon message aujourd'hui.
La Modératrice : On va y
aller en mode mêlée de presse. Je vous invite à être respectueux de vos
collègues. Je sais qu'il y a beaucoup de questions, mais comme on n'a pas
beaucoup de temps, je vais garder une petite période pour des questions en
anglais. Alors, allez- y.
Journaliste : Mme Hill, vous êtes
issue du milieu social. Vous connaissez bien la protection de la jeunesse.
Est-ce que les problèmes qui ont été notés, au cours des dernières semaines et
des dernières années, est-ce que vous aviez vu certains de ces éléments-là,
vous, est-ce que vous... ou si vous tombez des nues, cette semaine, en
apprenant tout ça?
Mme Hill (Lesley) : Je dirais
qu'il y a des cas isolés, il y en a toujours eu. Des problèmes dans des
systèmes publics, il y en a toujours eu. De l'ampleur de ce qu'on est en train
de découvrir présentement...
9 h 43 (version non révisée)
Mme Hill (Lesley) : ...bien,
je suis tombée en bas de ma chaise comme vous. C'est pour ça que je suis ici.
Et je veux peut-être juste dire que c'est
documenté dans notre commission. Il y a à peu près 4 000 contributions
à cette commission-là. J'ai écouté toutes les personnes qui sont passées devant
nous, et c'est très, très clair que les réformes ont été difficiles pour les
services sociaux, notamment les services aux enfants. Donc, avec une nouvelle
réforme à nos portes, moi, je vais être un peu la gardienne de ça pour m'assurer
que, dans un nouveau contexte, on soit capable de mettre en place ce qu'il faut
pour pas que ces services-là soient oubliés dans la réforme.
Journaliste : Quand vous
dites que vous allez mettre la lumière dans tous les garde-robes, là, vous
allez vous y prendre comment? Qu'est-ce que vous allez faire exactement, là?
Mme Hill (Lesley) : Pour moi,
mes yeux et mes oreilles sont sur le plancher, sont dans la communauté aussi,
hein? Il y a des gens dans la société civile qui sortent et qui dénoncent des
choses. Il y en a qui m'ont déjà écrit hier sur LinkedIn. J'ai répondu à ces
personnes-là, je vais les écouter, je veux les entendre, mais je vais essayer
de les mettre à contribution dans le réseau. Dès la semaine prochaine, moi, j'envoie
une directive. On veut que les gens parlent de situations intolérables. Je vais
être en train de parler avec le Protecteur du citoyen le plus rapidement
possible, parce qu'on a besoin de protéger les gens qui lancent des alertes
puis vraiment avoir une très grande rigueur dans la façon qu'on fait les
choses.
Journaliste : Pour préciser,
là, comment ça va fonctionner, c'est que vous allez inviter les gens à dénoncer
au protecteur ou vous allez créer...
Mme Hill (Lesley) : En
dernier niveau, un dernier niveau. En fait, il faut se rappeler que, selon la
Loi sur la protection de la jeunesse, les gens sont tenus de signaler des
situations qui sont inacceptables. Là, on va devenir exemplaire, là, dans notre
propre réseau pour faire ça. Avant de dire que c'est aux garderies, puis aux
policiers, puis aux écoles, c'est à eux aussi, c'est une affaire collective.
Mais on va devoir se rappeler à l'intérieur de l'ensemble des murs du réseau
que cette responsabilité est dans la loi. Et quand les gens vivent des choses,
même si c'est difficile, s'ils ne trouvent pas réponse au sein de leur équipe,
leur conseiller clinique, leur chef de service de proximité, il faut qu'ils
prennent d'autres moyens. Les DPJ sont dans toutes les régions du Québec. D'ailleurs,
c'est beaucoup nos DPJ qui supportent les gens présentement pour qu'ils
dénoncent des choses. Donc, on ne veut pas juste être dans une culture de
dénonciation, mais il faut que les gens sachent qu'ils ont une responsabilité,
ce n'est pas une option.
Journaliste : La directive,
elle va dire quoi?
Mme Hill (Lesley) : Je vais l'écrire
dès que j'ai parlé avec les gens concernés, je vous donne les grandes lignes.
Mais, pour moi, c'est clair que la transparence commence par ça. Ces gens-là
sont nos oreilles, nos yeux, mais nos cœurs et nos bras aussi, là.
Journaliste : Le ministre a
parlé d'un changement de culture qu'il espère voir dans le réseau et il dit que
des décisions difficiles et sévères s'en viennent. Est-ce que vous vous
attendez à devoir prendre des décisions difficiles et sévères? Et, si oui,
lesquelles?
Mme Hill (Lesley) : Bien,
moi, je m'inscris d'abord en collaboration, mais c'est clair que ça va être une
collaboration qui exige une rigueur. Je vais exiger la même rigueur des autres
que je vais exiger de moi-même. Donc, chaque fois qu'il y a une situation qui
est portée à notre attention, on doit s'en occuper dans les plus brefs délais.
Donc, j'ai les mêmes attentes sur le terrain. S'il y a des... puis ce n'est pas
juste les DPJ qui sont en cause, je tiens à dire ça, il y a d'autres directeurs
responsables des services aux enfants dans nos établissements, il y a des
directeurs adjoints, il y a des coordonnateurs, il y a des chefs de service, il
y a plein de monde qui portent... qui doivent porter solidairement cette
responsabilité de s'occuper des problèmes.
Journaliste : Sur la question
des enfants qui sont placés... M. Carmant, quand vous avez mis sous
tutelle la DPJ Mauricie-Centre-du-Québec, vous avez dit : C'est juste là
que j'ai entendu des cas. Là, on voit qu'en Estrie, ce matin, il y a un autre
cas. Est-ce qu'il faut faire la lumière, disons, dans toutes les régions du
Québec à ce sujet là? Est-ce que c'est une pratique, finalement, qui est
peut-être plus répandue que vous le pensiez?
M. Carmant : Bien, il faut
être prudent, là. Je suis allé aux sources ce matin et on me dit qu'il n'y a
pas eu de demande d'adoption dans le dossier qui a été reporté dans les
journaux ce matin. Donc, on est en train de faire des vérifications
additionnelles. Et justement, un bon exemple de ce que vous demandiez tantôt,
bien, Mme... la directrice nationale a le pouvoir d'aller regarder l'autre côté
de la médaille. Moi, comme politicien, là, puis c'est ça qui est dur des fois d'expliquer,
c'est que moi, je n'ai pas le droit de me mettre les mains dans ces dossiers-là
qui sont confidentiels, mais la directrice nationale, elle, elle va pouvoir...
9 h 48 (version non révisée)
M. Carmant : ...elle va
pouvoir aller vérifier, et faire la lumière sur les choses, et prendre la bonne
décision.
Journaliste : Mais, M.
Carmant, hier vous avez brandi, en Chambre, l'immigration et les demandeurs d'asile
pour expliquer bon nombre de problèmes à la DPJ. Vous avez fait ça en
conférence de... je veux dire à la période de questions, votre chef l'avait
fait aussi un peu avant. J'aimerais savoir : Est-ce que vous avez des
chiffres au sujet, justement, des demandeurs d'asile et des gens issus de l'immigration
qui sont des cas de DPJ?
M. Carmant : Non, on n'a pas
de chiffres parce que, malheureusement, PRAIDA ne paie que... ne rembourse et
ne... et on a des bases de données que sur les données de santé physique. Mais,
partout où je vais au Québec, les gens me disent qu'il y a... il y a quand même
un grand nombre de signalements pour les nouveaux arrivants. Puis d'ailleurs l'exemple
dans le journal de ce matin, c'était effectivement des nouveaux arrivants qui
ont vécu des traumas complexes, qui ont toutes sortes de difficultés et pour
lesquels on appelle la DPJ à l'aide. Nous, ce qu'on aimerait mettre sur pied, c'est
vraiment des... un aspect plus préventif, avec des organismes communautaires
qui interviennent dans ces dossiers-là au lieu de signaler la DPJ.
Journaliste : Mme Hill, j'aimerais
vous entendre là-dessus aussi, là, sur l'immigration, là. D'après vous, vous
connaissez très bien le réseau, quel est l'impact de l'immigration temporaire
ou les demandeurs d'asile sur... à la DPJ?
Mme Hill (Lesley) : Je n'ai
pas accès aux données depuis les deux dernières années parce que... bien
humblement, j'étais à la retraite. Je suis revenue parce que je trouvais que c'était
trop important d'aider les enfants dans le contexte actuel. Mais...
Journaliste : Croyez-vous qu'il
faut faire un lien entre les problèmes à la DPJ actuellement et l'immigration?
Mme Hill (Lesley) : Moi, je
ne ferai pas un lien direct. Ce que je dirais par contre, c'est qu'il y a
clairement des populations qui sont surreprésentées en protection de la
jeunesse. Ça, ça dure depuis des années. On peut penser aux enfants noirs, aux
enfants autochtones, par exemple. Donc, il y a des adaptations de services
forcément à assurer pour ces populations-là, pour répondre à leurs besoins.
M. Carmant : Puis il faut
vraiment être clairs, là. Moi, je ne dis pas que l'immigration cause tous les
problèmes de la DPJ, là, soyons sérieux, là. Ce que je dis, c'est qu'il y a
des... certaines situations qui sont déclarées et qui augmentent le nombre de
signalements à la DPJ. C'est tout ce que je dis.
Journaliste : Trois ans après
le rapport que vous avez cosigné, le rapport Laurent, est-ce que c'est normal,
qu'il y ait encore des cas qui arrivent comme ceux qu'on a vus cette semaine,
la semaine dernière? Ça fait trois ans. Il y a eu une réforme aussi de la DPJ.
Donc, est-ce que vous trouvez ça normal?
Mme Hill (Lesley) : Bien,
même avant le rapport, ça n'aurait pas été normal. Donc, ce qu'on a vu dans les
dernières semaines, c'est des cas extrêmement graves et préoccupants. Cela dit,
si vous souhaitez qu'on regarde un peu la mise en œuvre du rapport, c'est clair
que c'est une de mes priorités aussi.
Journaliste : Mais est-ce que
vous trouvez que les recommandations n'ont pas été assez appliquées depuis le
dépôt du rapport?
Mme Hill (Lesley) : Sincèrement,
je ne peux pas dire ça. Puis, je disais, ce que je dis aujourd'hui avant de
venir ici, ce n'est pas vrai de dire qu'il n'y a pas eu rien de mis en place.
Il y a eu des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse qui ont
intégré la quasi-totalité de nos recommandations, par exemple. Il y a eu des
argents injectés en SIPPE, en services intégrés en périnatalité, petite
enfance, en PQJ, Programme de qualification des jeunes, etc., et les bilans
sont sur le site du ministère. Ce que je trouve, il manque un peu... bien
humblement, c'est un porteur de vision de ça. Parce qu'il y a une vision de
transformation derrière ces recommandations-là. Donc, si on les voit comme une
check-list, puis faites, faites, faites, puis on n'a pas quelqu'un qui porte la
vision de transformation, des fois on n'a pas les impacts souhaités.
Journaliste : Justement,
hier, M. Carman a dit qu'il souhaitait que vous vous ralliiez à sa vision.
Est-ce que c'est réconciliable de dire que... c'est ça, vous allez porter la
vision du rapport Laurent et aussi vous rallier à la vision du ministre? Est-ce
que c'est réconciliable, ça?
Mme Hill (Lesley) : C'est
conciliable. Parce qu'on en a parlé avant que je vienne, moi, je ne peux pas
être en différend avec mon rapport que j'ai signé avec les autres commissaires.
C'est clair que, pour moi, c'est la carte routière puis c'est ça que je mets en
place.
Journaliste : Est-ce que vous
considérez que vous avez l'indépendance requise, vu que vous avez deux rôles,
là, vous avez le chapeau de la directrice nationale et celui de sous-ministre
associée, là, je crois, avec... Est-ce que vous considérez, un, que vous avez l'indépendance
nécessaire? Et, deux, est-ce qu'il ne faudrait pas scinder ces deux rôles?
Mme Hill (Lesley) : En fait,
si vous regardez la page 380 de notre rapport, on l'a proposé de cette
façon-là. C'est sûr que ça nous a fait réfléchir après, hein, les
ex-commissaires : Mais, tu sais, peut-être on aurait dû demander une
fonction exclusive...
9 h 53 (version non révisée)
Mme Hill (Lesley) : ...fonction
exclusive, mais on n'est pas vraiment en train de penser que c'est
inconciliable, tant et aussi longtemps que la personne qui occupe le poste que
j'occupe ait une marge de manœuvre pour parler. Puis ça, c'est quelque chose qu'on
a discuté ensemble. Puis c'est une marge de manœuvre que j'aie, qui m'est
accordée.
Journaliste : Mais vous
sentez-vous sur un siège éjectable? Parce que vous avez vu ce qui est arrivé à
votre prédécesseur, Mme Lemay. Est-ce que vous sentez que vous avez le
gouvernement qui vous regarde agir et puis que vous êtes peut-être sur un siège
éjectable, là?
Mme Hill (Lesley) : Bien, c'est
possible, mais moi, je n'ai rien à perdre, là. Je viens ici pour essayer de
corriger le tir puis aider les enfants du Québec. Donc, je n'ai pas besoin d'une
carrière, j'ai fait ma carrière. Et c'est pour ça que je trouve que, si je peux
me permettre, c'est un peu courageux de la part du gouvernement de mettre une
fille comme moi dans un poste comme ça, parce que je vais forcément être
vocale. Je ne serai pas toujours vocale dans les tribunes publiques, des fois,
ça va être derrière une porte close, mais je ne gênerai pas de dire ce que j'ai
à dire parce que je l'ai toujours fait. Et même à l'intérieur du réseau, je l'ai
fait.
Journaliste : Puis est-ce que
vous avez l'impression quand vous voyez... Bien, vous dites... je pense, l'expression...
vous êtes tombée un peu en bas de votre chaise en voyant tous les cas qui sont
sortis. Est-ce que vous croyez qu'il y a un problème, disons, systémique à la
DPJ, là, quand vous voyez tout ça dans plusieurs régions du Québec?
Mme Hill (Lesley) : Mais il y
a certains problèmes systémiques, certes. Je regarde juste la disparition de l'Association
des centres jeunesse du Québec en 2015. C'est cette instance-là qui s'assurer
de l'harmonisation des pratiques cliniques, qui rédigeait les guides de
pratique, qui animait les tables de concertation pour que les directeurs de
différents pans de mur de l'offre de services puissent se concerter. Tout ça,
ça s'est effrité avec la réforme de 2015. Puis, bien honnêtement, on n'a pas
trouvé de remplacement qui permet d'assurer la qualité des services comme on
voudrait. Donc, ce monde-là, ils ont besoin de soutien aussi.
Journaliste : Qu'est-ce que
vous allez faire? La pénurie de main-d'œuvre, là, semble être un gros frein à
tout changement, là, dans l'organisation, vous n'avez pas l'impression de n'avoir
aucune marge de manœuvre à cause de ça?
Mme Hill (Lesley) : Bien, ça
réduit la marge de manœuvre, vous avez raison. C'est clair. Ce n'est pas juste
notre secteur, c'est tous les secteurs. En même temps, et c'est un peu un
cercle vicieux, plus que des affaires pètent dans le journal, plus que le monde
se sent déprimé, découragé, partent en maladie ou décident d'aller ailleurs.
Puis on est dans une réforme où les gens ont plus de mobilité que jamais. Donc,
tu sais, cette fierté là d'une mission noble, il faut que nos travailleurs
puissent retrouver ça.
Journaliste : Vous allez
surmonter ça comment? Tu sais, qu'est-ce qui nous que vous n'allez pas passer
votre mandat à réagir aux événements disant : On ne peut rien faire, on
manque de staff, on est pris avec des gens qui ne sont pas nécessairement des
candidats idéaux, etc.?
Mme Hill (Lesley) : Bien, c'est
un défi de taille, puis je n'aurai pas de baguette magique demain matin pour
inventer des centaines de mondes, mais je vais devoir regarder d'abord :
Est-ce qu'ils ont le soutien nécessaire pour jouer leur rôle? Est-ce qu'ils ont
la formation nécessaire? Est-ce qu'ils sont orientés? Est-ce qu'ils ont de la
supervision clinique? Est-ce qu'on a des pratiques exemplaires?
On a deux instituts universitaires dans le
domaine social, jeunes en difficulté, puis on a l'INESSS. Si on a besoin d'interpeller
ces gens-là d'urgence pour s'asseoir et réfléchir autour de problématiques
spécifiques, on doit le faire. Puis je dirais qu'il y a d'autres gens qui
doivent être mis à contribution. Puis je donne, par exemple, l'institut
Philippe Pinel, il y a un pédopsychiatre qui m'a écrit, et je dois lui répondre
et le remercier d'ailleurs, qui me dit : N'oublie pas, on a une expertise
en délinquance juvénile, on peut aider dans la situation de Cité-des-Prairies.
Quand on va être dans arranger la culture, corriger le tir, regarder la
formation requise, bien là, on va commencer à sortir hors de notre réseau, là,
puis regarder avec d'autres réseaux qui est en mesure de nous aider, y compris
la recherche.
Journaliste : Mme Hill,
qu'est-ce qui va se passer quand il va y avoir des enquêtes déclenchées à l'interne,
des enquêtes policières, est-ce que vous allez vouloir être informés. Et
comment ça va se passer, là, vous allez informer tout de suite le ministre?
Peut-être, comment ça se passe actuellement puis comment est-ce que vous voulez
que ça se passe.
Mme Hill (Lesley) : Mais
actuellement, honnêtement, je ne le sais pas. Je m'en vais au bureau pour la
première fois, tantôt, là, mais je vais vous dire qu'il faut que je sois
informée. Puis ça, ce n'est pas pour faire de la microgestion, là, je veux
mettre ça bien clair aujourd'hui. Il y a des DPJ et des P.D.G. dans toutes les
régions du Québec qui sont imputables de leur offre de service, des directeurs
de programmes jeunesse...
9 h 58 (version non révisée)
Mme Hill (Lesley) : ...aussi
qui sont imputables. Donc c'est sûr que, quand ils reçoivent soit des
signalements, des recommandations de la CDPDJ ou du Protecteur du citoyen, c'est
eux le premier niveau, hein, qu'ils doivent mettre en place ces recommandations-là.
Cela dit, je dois être informée, surtout présentement, je dois me déplacer pour
me faire une tête moi-même, ne serait-ce que pour être un soutien à ces gens-là
puis être capable de dire devant vous : Oui, je considère qu'ils font leur
job. Donc, c'est important.
Le Modérateur : Juste pour
vous informer que M. le ministre doit quitter. Mais, Mme Hill, il y a des
questions en anglais pour vous, si vous voulez rester assise.
M. Carmant : Merci, tout le
monde.
Des voix : Merci.
Journaliste :
So, Mrs. Hill, you have the whole
system that...
Mme Hill
(Lesley) :
Yes.
Journaliste :
... is accumulating scandals. You have
employees that are tired, and you're not condemning, they are scared to speak
out. So, how do you think you can be the right leader right now to say things?
Mme Hill
(Lesley) :
You
know what? I'm just hoping to be the right leader right now. I'm going to go
with all of my heart and all of my guts to make sure that I'm supporting those
people so that they'll come out and speak out and help us rebuild this offer of
services. I don't think everybody is afraid to speak out, though. I really don't.
I think we have wonderful workers across the whole province who are really
trying to do things diligently every day. But I do think we have to send a very
strong message that we can't tolerate what's not tolerable, we can't accept the
unacceptable. So, we need collectively to do a bit of housecleaning, to make
sure that we're transparent in doing the right things for kids.
Journaliste :
You said that you were retired for the
last two years.
Mme Hill
(Lesley) :
Yes.
Journaliste :
Yet why are you coming back?
Mme Hill
(Lesley) :
Good
question. I was wondering that last night when I couldn't sleep. I'm coming
back to make a difference for the young people. You know, I haven't been just
sitting around the last two years. I've been working really hard with some of
the kids who have left the system with the community resources and prevention
of homelessness. I just love kids. I care about them deeply and I care about
having public systems that give them the right services. So, here I am.
Journaliste :
You've spoken out about the government
in the past and held a sense of independence. How will you continue to do this
while you are taking both roles as the director and the deputy minister
reporting to Mr. Carmant?
Mme Hill
(Lesley) :
Well,
this is a big adventure starting for me, hey. So, I don't know exactly how I'm
going to do everything yet. I have to be humble about that. What I do know is I've
negotiated that space to be able to speak out. And I didn't just negotiate with
the minister negotiating in the sense like, this is how I'm thinking to play
the role, are you okay with that? Because this is what you get. You know, they
need to know that. So, I told the «sous-ministre» as well. Everybody who I've
had discussions with, I've been very, very transparent about this. So, of
course, I'm not going to start blasting the government on the public scene, but
I won't stop being vocal for children, I never will.
Journaliste :
What is your first action that you'd
like to take in your first days, weeks of this role?
Mme Hill
(Lesley) :
Well,
like any new position, you have to get to know the people who compose your
team. So, I have quite a big team. I have a team here in the ministry who is
probably quite upset and «ébranlée». How do you say that in English? They're
probably shaken, shaken by everything that's going in the news, by the
departure of Catherine Lemay. So, I need to support and stabilize this team. I
need to make sure that the DPJ, the directors of youth services across the
province know that we're going to start collaborating right now. In fact, I
spoke to them already. I saw them yesterday because I wanted to tell them what
kind of messages I was going to be coming out with, because they're going to be
on our team as well. But to me, the team is so big. The team is all the users'
committees in all of the establishments. It's the kids' associations,
independent kids' associations are really important. Like, I'm going to listen
to those young people because they're the ones who have the experience of the
services. And there's three right now. There's the Mouvement jeunes et santé
mentale, le Collectif ex-placés DPJ, and Care Jeunesse, in the English sector,
who gives also...
10 h 03 (version non révisée)
Mme Hill (Lesley) : ...services.
So, we need to work with the kids, the parents, the workers and the directors.
Journaliste : J'aurais une
petite question en français si vous n'en avez plus en anglais. Juste une
précision, j'aimerais savoir est-ce que vous craignez de servir un peu le
politique puisque, bon, plein de gens en ce moment, les partis d'opposition,
demandent la tête du ministre Carmant. Bon, là, ils changent la directrice
nationale de la DPJ. Donc, j'aimerais savoir si vous craignez ça, là, de servir
un peu de... que les gens s'en servent politiquement, de votre nomination, là.
Mme Hill (Lesley) : Sincèrement,
moi, je veux servir les enfants du Québec, les enfants les plus vulnérables. Je
ne suis pas du tout, du tout imputable de tout ce qui se fait au niveau
politique. Puis s'il y a quelque chose que je peux dire, c'est qu'il faut
séparer le politique du clinique pour que le monde puisse travailler. C'est
très important. Donc, s'il y a quelque chose que je vois, c'est un rôle de
tampon pour essayer de garder la pression en haut pour que le monde sur le
terrain puisse jouer leur rôle.
La Modératrice : Je vais m'en
permettre une en terminant, parce que vous avez siégé sur la commission
Laurent, vous avez une longue feuille de route, mais il y a des gens avant vous
qui sont venus s'asseoir ici puis qui ont dit : Je vais être la bonne
personne, ça va fonctionner, puis on va réussir. Puis finalement, non. Qu'est-ce
qui vous fait dire que, cette fois-ci, c'est la bonne? Puis est-ce qu'on peut se
permettre que ce ne soit pas la bonne?
Mme Hill (Lesley) : Bien,
moi, je vous dirais : Jugez-moi par les résultats qu'on va produire. C'est
ça qu'il faut faire. Puis là je vais dire quelque chose de très simple, mais
les messages d'encouragement que je reçois depuis hier, ceux qui me touchent le
plus, c'est ceux qui viennent des jeunes eux-mêmes. Tu sais, j'ai des jeunes ex-placés
là, bien, qui ont mon numéro, qui me textent pour dire : Aïe, j'ai de l'espoir
maintenant que peut-être les choses peuvent changer. Donc, ne serait-ce que ça,
c'est un carburant pour faire un bout.
Et cela dit, je ne veux pas sous-estimer
la complexité. On n'est pas dans un univers facile. Vous avez juste à googler
«Child welfare» en Ontario, là, bien, le système est en train d'imploser. Vous
avez juste à regarder en France. Moi, je reçois du monde de la France, là, à la
fin de novembre. J'avais ça avant mon rôle de DPJ national. Ils viennent parce
que ça ne va pas bien en France en protection de l'enfance. Donc, c'est des problèmes
communs à tous les systèmes de protection de l'enfance.
C'est un travail très difficile. Il n'y a
souvent aucune solution idéale dans ce travail-là. Tu es toujours en train de
choisir entre qu'est-ce qui va être le mieux ou le moins pire. Tu n'es pas dans
un monde idéal, parce que, dans un monde idéal, là, il n'y aurait pas de
maltraitance, puis les enfants seraient chez eux avec leurs parents.
La Modératrice : Merci
beaucoup. Merci. Merci, Mme Hill, pour votre temps.
Mme Hill (Lesley) : Bien,
merci à vous.
(Fin à 10 h 06)