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Conférence de presse de M. Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux

Version finale

Le jeudi 31 octobre 2024, 9 h 30

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Modératrice : Bonjour, tout le monde. Bienvenue à cette conférence de presse du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. Il est accompagné de la nouvelle directrice nationale de la protection de la jeunesse. Il y aura une courte déclaration et ensuite une période de questions d'environ 20 minutes. Merci.

M. Carmant : Merci beaucoup. Alors, bonjour, tout le monde. Très heureux de vous présenter aujourd'hui la nouvelle directrice nationale de la protection de la Jeunesse, Mme Lesley Hill, que je connais de longue date, et qui, pour moi, est la personne idéale pour le poste, parce qu'elle est très proche de la communauté, elle est très proche également de la prévention et l'importance de la prévention. Évidemment, elle a été sur la commission Laurent. Et je lui ai donné, comme je disais hier, trois priorités : un, le dossier des centres de réadaptation dont on parle beaucoup ces temps-ci, deuxièmement, rehausser la prévention avec les programmes comme j'ai mis sur pied, comme Agir tôt, et d'autres, et également lancer le grand chantier du programme Agir ensemble que l'on va déployer en amont de la protection de la jeunesse. Donc, sans hésiter, je vous passe Mme Hill.

Mme Hill (Lesley) : Merci beaucoup. D'abord, je veux remercier le ministre de me faire confiance pour ce mandat qui est tellement mais tellement important qu'est la protection des enfants du Québec. J'ai quelques petites notes, mais je ne le lirai pas, parce que je veux vous rendre vraiment le fond de ma pensée sur cette question-là. Donc, pour moi, les enfants, c'est l'avenir de notre société, c'est ce qu'on a de plus précieux au Québec. Puis, pour moi, il n'y a aucun compromis à faire pour le bien-être de l'ensemble des enfants, et des jeunes, et des familles du Québec, parce qu'on doit s'occuper des parents également. Et ça, c'est mon engagement, mon engagement envers ces enfants-là, que je vais être là pour être la chienne de garde ou chien de garde, on dit que c'est comme ça qu'on l'a dit dans notre rapport, mais aussi l'ange gardien pour parler pour ces enfants-là au sein du ministère de la Santé et Services sociaux. Et collectivement, j'espère, avec un futur commissaire au bien-être et aux droits des enfants du Québec pour tous les enfants du Québec. Moi, je vais m'occuper des plus vulnérables, et c'est pour ça que c'est important, ce mandat-là, et que je le prends avec tant de cœur et d'énergie. Je suis devant vous très humblement pour ça.

Il ne faut jamais tolérer l'intolérable. C'est mon premier message. Donc il y a des histoires qui sortent dans les médias. Vous faites votre travail, vous alimentez des débats publics, mais, bien honnêtement, on est tous chez nous sur nos divans puis on se dit : Mais comment on peut être rendus là au Québec? On doit faire différemment, on doit faire autrement. Donc, mon premier message à mon réseau, ça va être la transparence. On va devoir mettre une grande lumière dans notre maison, dans toutes les garde-robes, dans toutes les pièces de la maison, et on risque de trouver des toiles d'araignée, et on va devoir les nettoyer et faire ce qu'il faut pour vraiment être l'institution exemplaire que les enfants ont le droit d'avoir au Québec. C'est très important cette question.

Pour la population, je m'engage à la transparence. Je suis heureuse que les gens soient outrés quand il y a question de nos enfants, c'est sain dans une société d'être outré quand on entend des histoires outrageantes. Je suis désolée, je suis anglophone. En fait, je ne devrais pas m'excuser pour ça, mais donc je vais avoir des tournures de phrases des fois particulières. Mais moi, je m'engage à la transparence. Je vais prendre la mesure de ce qui est fait, parce qu'il y a des choses qui sont faites. Je vais regarder aussi ce qu'il n'est pas fait. On va regarder les situations qui surgissent et on va essayer de corriger le tir le plus rapidement possible.

Mais je vous dis tout de suite qu'il y a du travail devant nous et ça va prendre tout le monde pour effectuer ce travail-là. Et notre rapport à la commission Laurent n'a pas dit que ça serait facile. Si c'était facile, on aurait pondu une petite brique de 10, 15 pages, on a une brique de 500 pages qui documente très bien la situation, et qui nous donne la carte routière, la recette. Le diagnostic est fait, donc ce n'est pas le temps de faire des diagnostics encore, c'est le temps de se mettre en action, et ça, c'est mon engagement aussi. Je vais porter fièrement la vision de ce rapport-là dont je suis cosignataire. Je comprends très bien la vision derrière. Les bonnes pratiques sont prioritaires.

Le ministre me donne trois mandats. Je suis certaine que je vais découvrir une centaine d'autres dès aujourd'hui. Mais ces trois mandats-là, prioritaires, sont très importants, et je suis d'accord avec le ministre que nos centres de réadaptation ont manqué d'amour. Et là on ne parle pas juste de toits qui coulent, on parle de pratiques exemplaires, et on a besoin de revoir nos pratiques en réadaptation, mais de soutenir nos intervenants également. Parce qu'il y a du bon monde dans ces centres-là, ce n'est pas vrai que c'est toutes des personnes qui dérapent. Et on a besoin de valoriser le travail des gens qui est très difficile.

La prévention, vous allez m'entendre parler de ça très souvent. Je ne suis pas seulement DPJ nationale, je m'occupe des services pour les enfants. Et ça, ça veut dire dans les CLSC, dans les communautés, et on va voir comment on peut intervenir différemment en protégeant les enfants, mais dans leur communauté. Je veux signifier ou signaler déjà que la moitié des enfants qui sont pris en charge en protection de la jeunesse sont suivis chez eux. Ils sont dans leur famille, dans leur communauté. Et à peu près la moitié des enfants pris en charge sont placés. 80 % des enfants pris en charge, placés sont en famille d'accueil et, au moins, 40 % de ceux-là dans une famille d'accueil de proximité, donc quelqu'un qui est proche d'eux, une tante, une grand-mère, etc. Donc, c'est vraiment pour les enfants qui tombent dans les mailles du filet qu'on a besoin de réfléchir en accéléré pour voir qu'est-ce qu'on fait. Parce que ce n'est pas vrai qu'il faut grandir dans un centre de réadaptation. On ne peut pas institutionnaliser nos enfants au Québec, c'est absolument impossible. Et on va mesurer nos résultats, très important pour être transparent.

Je veux juste dire un mot pour intervenants gestionnaires. Moi, j'ai confiance en vous, intervenants et gestionnaires, mais j'ai confiance que vous allez dénoncer ce qui est intolérable et j'ai confiance qu'on va travailler à construire ensemble un sentiment de fierté pour poursuivre le travail important que vous faites. C'est une responsabilité collective, la protection de l'enfance. J'ai reçu énormément de messages depuis hier, pas juste des messages de félicitations. Ça finit toujours avec : Dis-moi si je peux faire quelque chose. Je suis là, je veux... je veux être mis à contribution. Merci. Parce que c'est vraiment un travail collectif qui dépasse un système de protection et qui se fait dans des communautés et dans la société. Les jeunes et les parents, votre parole est importante. Je vais être disponible pour vous. Je vais être accessible. Je vais exiger que tout chantier qui est mis en place, que la parole des personnes concernées soit prise en compte.

I just want to say to our English-speaking population for two minutes, that you are really important, your children are just as important to me, and you are a minority population in Québec. We have one youth center that is really... and I will be working with that youth center to make sure that there is equity and access to services for English-speaking populations. And I also want to... just say to our First Nations and the Inuit people, I can't pretend to know and understand everything that you are going through, but you can count on a solid ally to really listen and trying, construct something with you that will be really good for your communities and for your people in all respect.

Alors, mettons-nous à l'oeuvre ensemble. C'est vraiment mon message aujourd'hui.

La Modératrice : On va y aller en mode mêlée de presse. Je vous invite à être respectueux de vos collègues. Je sais qu'il y a beaucoup de questions, mais comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais garder une petite période pour des questions en anglais. Alors, allez- y.

Journaliste : Mme Hill, vous êtes issue du milieu social. Vous connaissez bien la protection de la jeunesse. Est-ce que les problèmes qui ont été notés, au cours des dernières semaines et des dernières années, est-ce que vous aviez vu certains de ces éléments-là, vous, est-ce que vous... ou si vous tombez des nues, cette semaine, en apprenant tout ça?

Mme Hill (Lesley) : Je dirais qu'il y a des cas isolés, il y en a toujours eu. Des problèmes dans des systèmes publics, il y en a toujours eu. De l'ampleur de ce qu'on est en train de découvrir présentement, bien, je suis tombée en bas de ma chaise comme vous. C'est pour ça que je suis ici.

Et je veux peut-être juste dire que c'est documenté dans notre commission. Il y a à peu près 4 000 contributions à cette commission-là. J'ai écouté toutes les personnes qui sont passées devant nous, et c'est très, très clair que les réformes ont été difficiles pour les services sociaux, notamment les services aux enfants. Donc, avec une nouvelle réforme à nos portes, moi, je vais être un peu la gardienne de ça pour m'assurer que, dans un nouveau contexte, on soit capable de mettre en place ce qu'il faut pour pas que ces services-là soient oubliés dans la réforme.

Journaliste : Quand vous dites que vous allez mettre la lumière dans tous les garde-robes, là, vous allez vous y prendre comment? Qu'est-ce que vous allez faire exactement, là?

Mme Hill (Lesley) : Pour moi, mes yeux et mes oreilles sont sur le plancher, sont dans la communauté aussi, hein? Il y a des gens dans la société civile qui sortent et qui dénoncent des choses. Il y en a qui m'ont déjà écrit hier sur LinkedIn. J'ai répondu à ces personnes-là, je vais les écouter, je veux les entendre, mais je vais essayer de les mettre à contribution dans le réseau. Dès la semaine prochaine, moi, j'envoie une directive. On veut que les gens parlent de situations intolérables. Je vais être en train de parler avec le Protecteur du citoyen le plus rapidement possible, parce qu'on a besoin de protéger les gens qui lancent des alertes puis vraiment avoir une très grande rigueur dans la façon qu'on fait les choses.

Journaliste : Pour préciser, là, comment ça va fonctionner, c'est que vous allez inviter les gens à dénoncer au protecteur ou vous allez créer...

Mme Hill (Lesley) : En dernier niveau, un dernier niveau. En fait, il faut se rappeler que, selon la Loi sur la protection de la jeunesse, les gens sont tenus de signaler des situations qui sont inacceptables. Là, on va devenir exemplaire, là, dans notre propre réseau pour faire ça. Avant de dire que c'est aux garderies, puis aux policiers, puis aux écoles, c'est à eux aussi, c'est une affaire collective. Mais on va devoir se rappeler à l'intérieur de l'ensemble des murs du réseau que cette responsabilité est dans la loi. Et quand les gens vivent des choses, même si c'est difficile, s'ils ne trouvent pas réponse au sein de leur équipe, leur conseiller clinique, leur chef de service de proximité, il faut qu'ils prennent d'autres moyens. Les DPJ sont dans toutes les régions du Québec. D'ailleurs, c'est beaucoup nos DPJ qui supportent les gens présentement pour qu'ils dénoncent des choses. Donc, on ne veut pas juste être dans une culture de dénonciation, mais il faut que les gens sachent qu'ils ont une responsabilité, ce n'est pas une option.

Journaliste : La directive, elle va dire quoi?

Mme Hill (Lesley) : Je vais l'écrire dès que j'ai parlé avec les gens concernés, je vous donne les grandes lignes. Mais, pour moi, c'est clair que la transparence commence par ça. Ces gens-là sont nos oreilles, nos yeux, mais nos cœurs et nos bras aussi, là.

Journaliste : Le ministre a parlé d'un changement de culture qu'il espère voir dans le réseau et il dit que des décisions difficiles et sévères s'en viennent. Est-ce que vous vous attendez à devoir prendre des décisions difficiles et sévères? Et, si oui, lesquelles?

Mme Hill (Lesley) : Bien, moi, je m'inscris d'abord en collaboration, mais c'est clair que ça va être une collaboration qui exige une rigueur. Je vais exiger la même rigueur des autres que je vais exiger de moi-même. Donc, chaque fois qu'il y a une situation qui est portée à notre attention, on doit s'en occuper dans les plus brefs délais. Donc, j'ai les mêmes attentes sur le terrain. S'il y a des... puis ce n'est pas juste les DPJ qui sont en cause, je tiens à dire ça, il y a d'autres directeurs responsables des services aux enfants dans nos établissements, il y a des directeurs adjoints, il y a des coordonnateurs, il y a des chefs de service, il y a plein de monde qui portent... qui doivent porter solidairement cette responsabilité de s'occuper des problèmes.

Journaliste : Sur la question des enfants qui sont placés... M. Carmant, quand vous avez mis sous tutelle la DPJ Mauricie-Centre-du-Québec, vous avez dit : C'est juste là que j'ai entendu des cas. Là, on voit qu'en Estrie, ce matin, il y a un autre cas. Est-ce qu'il faut faire la lumière, disons, dans toutes les régions du Québec à ce sujet là? Est-ce que c'est une pratique, finalement, qui est peut-être plus répandue que vous le pensiez?

M. Carmant : Bien, il faut être prudent, là. Je suis allé aux sources ce matin et on me dit qu'il n'y a pas eu de demande d'adoption dans le dossier qui a été reporté dans les journaux ce matin. Donc, on est en train de faire des vérifications additionnelles. Et justement, un bon exemple de ce que vous demandiez tantôt, bien, Mme... la directrice nationale a le pouvoir d'aller regarder l'autre côté de la médaille. Moi, comme politicien, là, puis c'est ça qui est dur des fois d'expliquer, c'est que moi, je n'ai pas le droit de me mettre les mains dans ces dossiers-là qui sont confidentiels, mais la directrice nationale, elle, elle va pouvoir aller vérifier, et faire la lumière sur les choses, et prendre la bonne décision.

Journaliste : Mais, M. Carmant, hier vous avez brandi, en Chambre, l'immigration et les demandeurs d'asile pour expliquer bon nombre de problèmes à la DPJ. Vous avez fait ça en conférence de... je veux dire à la période de questions, votre chef l'avait fait aussi un peu avant. J'aimerais savoir : Est-ce que vous avez des chiffres au sujet, justement, des demandeurs d'asile et des gens issus de l'immigration qui sont des cas de DPJ?

M. Carmant : Non, on n'a pas de chiffres parce que, malheureusement, PRAIDA ne paie que... ne rembourse et ne... et on a des bases de données que sur les données de santé physique. Mais, partout où je vais au Québec, les gens me disent qu'il y a... il y a quand même un grand nombre de signalements pour les nouveaux arrivants. Puis d'ailleurs l'exemple dans le journal de ce matin, c'était effectivement des nouveaux arrivants qui ont vécu des traumas complexes, qui ont toutes sortes de difficultés et pour lesquels on appelle la DPJ à l'aide. Nous, ce qu'on aimerait mettre sur pied, c'est vraiment des... un aspect plus préventif, avec des organismes communautaires qui interviennent dans ces dossiers-là au lieu de signaler la DPJ.

Journaliste : Mme Hill, j'aimerais vous entendre là-dessus aussi, là, sur l'immigration, là. D'après vous, vous connaissez très bien le réseau, quel est l'impact de l'immigration temporaire ou les demandeurs d'asile sur... à la DPJ?

Mme Hill (Lesley) : Je n'ai pas accès aux données depuis les deux dernières années parce que... bien humblement, j'étais à la retraite. Je suis revenue parce que je trouvais que c'était trop important d'aider les enfants dans le contexte actuel. Mais...

Journaliste : Croyez-vous qu'il faut faire un lien entre les problèmes à la DPJ actuellement et l'immigration?

Mme Hill (Lesley) : Moi, je ne ferai pas un lien direct. Ce que je dirais par contre, c'est qu'il y a clairement des populations qui sont surreprésentées en protection de la jeunesse. Ça, ça dure depuis des années. On peut penser aux enfants noirs, aux enfants autochtones, par exemple. Donc, il y a des adaptations de services forcément à assurer pour ces populations-là, pour répondre à leurs besoins.

M. Carmant : Puis il faut vraiment être clairs, là. Moi, je ne dis pas que l'immigration cause tous les problèmes de la DPJ, là, soyons sérieux, là. Ce que je dis, c'est qu'il y a des... certaines situations qui sont déclarées et qui augmentent le nombre de signalements à la DPJ. C'est tout ce que je dis.

Journaliste : Trois ans après le rapport que vous avez cosigné, le rapport Laurent, est-ce que c'est normal, qu'il y ait encore des cas qui arrivent comme ceux qu'on a vus cette semaine, la semaine dernière? Ça fait trois ans. Il y a eu une réforme aussi de la DPJ. Donc, est-ce que vous trouvez ça normal?

Mme Hill (Lesley) : Bien, même avant le rapport, ça n'aurait pas été normal. Donc, ce qu'on a vu dans les dernières semaines, c'est des cas extrêmement graves et préoccupants. Cela dit, si vous souhaitez qu'on regarde un peu la mise en œuvre du rapport, c'est clair que c'est une de mes priorités aussi.

Journaliste : Mais est-ce que vous trouvez que les recommandations n'ont pas été assez appliquées depuis le dépôt du rapport?

Mme Hill (Lesley) : Sincèrement, je ne peux pas dire ça. Puis, je disais, ce que je dis aujourd'hui avant de venir ici, ce n'est pas vrai de dire qu'il n'y a pas eu rien de mis en place. Il y a eu des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse qui ont intégré la quasi-totalité de nos recommandations, par exemple. Il y a eu des argents injectés en SIPPE, en services intégrés en périnatalité, petite enfance, en PQJ, Programme de qualification des jeunes, etc., et les bilans sont sur le site du ministère. Ce que je trouve, il manque un peu... bien humblement, c'est un porteur de vision de ça. Parce qu'il y a une vision de transformation derrière ces recommandations-là. Donc, si on les voit comme une check-list, puis faites, faites, faites, puis on n'a pas quelqu'un qui porte la vision de transformation, des fois on n'a pas les impacts souhaités.

Journaliste : Justement, hier, M. Carman a dit qu'il souhaitait que vous vous ralliiez à sa vision. Est-ce que c'est réconciliable de dire que... c'est ça, vous allez porter la vision du rapport Laurent et aussi vous rallier à la vision du ministre? Est-ce que c'est réconciliable, ça?

Mme Hill (Lesley) : C'est conciliable. Parce qu'on en a parlé avant que je vienne, moi, je ne peux pas être en différend avec mon rapport que j'ai signé avec les autres commissaires. C'est clair que, pour moi, c'est la carte routière puis c'est ça que je mets en place.

Journaliste : Est-ce que vous considérez que vous avez l'indépendance requise, vu que vous avez deux rôles, là, vous avez le chapeau de la directrice nationale et celui de sous-ministre associée, là, je crois, avec... Est-ce que vous considérez, un, que vous avez l'indépendance nécessaire? Et, deux, est-ce qu'il ne faudrait pas scinder ces deux rôles?

Mme Hill (Lesley) : En fait, si vous regardez la page 380 de notre rapport, on l'a proposé de cette façon-là. C'est sûr que ça nous a fait réfléchir après, hein, les ex-commissaires, pour dire : Peut-être on aurait dû demander une fonction exclusive. Mais on n'est pas vraiment en train de penser que c'est inconciliable, tant et aussi longtemps que la personne qui occupe le poste que j'occupe ait une marge de manœuvre pour parler. Puis ça, c'est quelque chose qu'on a discuté ensemble. Puis c'est une marge de manœuvre que j'aie, qui m'est accordée.

Journaliste : Mais vous sentez-vous sur un siège éjectable? Parce que vous avez vu ce qui est arrivé à votre prédécesseur, Mme Lemay. Est-ce que vous sentez que vous avez le gouvernement qui vous regarde agir et puis que vous êtes peut-être sur un siège éjectable, là?

Mme Hill (Lesley) : Bien, c'est possible, mais moi, je n'ai rien à perdre, là. Je viens ici pour essayer de corriger le tir puis aider les enfants du Québec. Donc, je n'ai pas besoin d'une carrière, j'ai fait ma carrière. Et c'est pour ça que je trouve que, si je peux me permettre, c'est un peu courageux de la part du gouvernement de mettre une fille comme moi dans un poste comme ça, parce que je vais forcément être vocale. Je ne serai pas toujours vocale dans les tribunes publiques, des fois, ça va être derrière une porte close, mais je ne gênerai pas de dire ce que j'ai à dire parce que je l'ai toujours fait. Et même à l'intérieur du réseau, je l'ai fait.

Journaliste : Puis est-ce que vous avez l'impression quand vous voyez... Bien, vous dites... je pense, l'expression... vous êtes tombée un peu en bas de votre chaise en voyant tous les cas qui sont sortis. Est-ce que vous croyez qu'il y a un problème, disons, systémique à la DPJ, là, quand vous voyez tout ça dans plusieurs régions du Québec?

Mme Hill (Lesley) : Mais il y a certains problèmes systémiques, certes. Je regarde juste la disparition de l'Association des centres jeunesse du Québec en 2015. C'est cette instance-là qui s'assurer de l'harmonisation des pratiques cliniques, qui rédigeait les guides de pratique, qui animait les tables de concertation pour que les directeurs de différents pans de mur de l'offre de services puissent se concerter. Tout ça, ça s'est effrité avec la réforme de 2015. Puis, bien honnêtement, on n'a pas trouvé de remplacement qui permet d'assurer la qualité des services comme on voudrait. Donc, ce monde-là, ils ont besoin de soutien aussi.

Journaliste : Qu'est-ce que vous allez faire? La pénurie de main-d'œuvre, là, semble être un gros frein à tout changement, là, dans l'organisation, vous n'avez pas l'impression de n'avoir aucune marge de manœuvre à cause de ça?

Mme Hill (Lesley) : Bien, ça réduit la marge de manœuvre, vous avez raison. C'est clair. Ce n'est pas juste notre secteur, c'est tous les secteurs. En même temps, et c'est un peu un cercle vicieux, plus que des affaires pètent dans le journal, plus que le monde se sent déprimé, découragé, partent en maladie ou décident d'aller ailleurs. Puis on est dans une réforme où les gens ont plus de mobilité que jamais. Donc, tu sais, cette fierté là d'une mission noble, il faut que nos travailleurs puissent retrouver ça.

Journaliste : Vous allez surmonter ça comment? Tu sais, qu'est-ce qui nous que vous n'allez pas passer votre mandat à réagir aux événements disant : On ne peut rien faire, on manque de staff, on est pris avec des gens qui ne sont pas nécessairement des candidats idéaux, etc.?

Mme Hill (Lesley) : Bien, c'est un défi de taille, puis je n'aurai pas de baguette magique demain matin pour inventer des centaines de mondes, mais je vais devoir regarder d'abord : Est-ce qu'ils ont le soutien nécessaire pour jouer leur rôle? Est-ce qu'ils ont la formation nécessaire? Est-ce qu'ils sont orientés? Est-ce qu'ils ont de la supervision clinique? Est-ce qu'on a des pratiques exemplaires?

On a deux instituts universitaires dans le domaine social, jeunes en difficulté, puis on a l'INESSS. Si on a besoin d'interpeller ces gens-là d'urgence pour s'asseoir et réfléchir autour de problématiques spécifiques, on doit le faire. Puis je dirais qu'il y a d'autres gens qui doivent être mis à contribution. Puis je donne, par exemple, l'institut Philippe Pinel, il y a un pédopsychiatre qui m'a écrit, et je dois lui répondre et le remercier d'ailleurs, qui me dit : N'oublie pas, on a une expertise en délinquance juvénile, on peut aider dans la situation de Cité-des-Prairies. Quand on va être dans arranger la culture, corriger le tir, regarder la formation requise, bien là, on va commencer à sortir hors de notre réseau, là, puis regarder avec d'autres réseaux qui est en mesure de nous aider, y compris la recherche.

Journaliste : Mme Hill, qu'est-ce qui va se passer quand il va y avoir des enquêtes déclenchées à l'interne, des enquêtes policières, est-ce que vous allez vouloir être informés. Et comment ça va se passer, là, vous allez informer tout de suite le ministre? Peut-être, comment ça se passe actuellement puis comment est-ce que vous voulez que ça se passe.

Mme Hill (Lesley) : Mais actuellement, honnêtement, je ne le sais pas. Je m'en vais au bureau pour la première fois, tantôt, là, mais je vais vous dire qu'il faut que je sois informée. Puis ça, ce n'est pas pour faire de la microgestion, là, je veux mettre ça bien clair aujourd'hui. Il y a des DPJ et des P.D.G. dans toutes les régions du Québec qui sont imputables de leur offre de service, des directeurs de programmes jeunesse aussi qui sont imputables. Donc c'est sûr que, quand ils reçoivent soit des signalements, des recommandations de la CDPDJ ou du Protecteur du citoyen, c'est eux le premier niveau, hein, qu'ils doivent mettre en place ces recommandations-là. Cela dit, je dois être informée, surtout présentement, je dois me déplacer pour me faire une tête moi-même, ne serait-ce que pour être un soutien à ces gens-là puis être capable de dire devant vous : Oui, je considère qu'ils font leur job. Donc, c'est important.

Le Modérateur : Juste pour vous informer que M. le ministre doit quitter. Mais, Mme Hill, il y a des questions en anglais pour vous, si vous voulez rester assise.

M. Carmant : Merci, tout le monde.

Des voix : Merci.

Journaliste : So, Mrs. Hill, you have the whole system that...

Mme Hill (Lesley) : Yes.

Journaliste : ... is accumulating scandals. You have employees that are tired,  and you're not condemning, they are scared to speak out. So, how do you think you can be the right leader right now to say things?

Mme Hill (Lesley) : You know what? I'm just hoping to be the right leader right now. I'm going to go with all of my heart and all of my guts to make sure that I'm supporting those people so that they'll come out and speak out and help us rebuild this offer of services. I don't think everybody is afraid to speak out, though. I really don't. I think we have wonderful workers across the whole province who are really trying to do things diligently every day. But I do think we have to send a very strong message that we can't tolerate what's not tolerable, we can't accept the unacceptable. So, we need collectively to do a bit of housecleaning, to make sure that we're transparent in doing the right things for kids.

Journaliste : You said that you were retired for the last two years.

Mme Hill (Lesley) : Yes.

Journaliste : Yet why are you coming back?

Mme Hill (Lesley) : Good question. I was wondering that last night when I couldn't sleep. I'm coming back to make a difference for the young people. You know, I haven't been just sitting around the last two years. I've been working really hard with some of the kids who have left the system with the community resources and prevention of homelessness. I just love kids. I care about them deeply and I care about having public systems that give them the right services. So, here I am.

Journaliste : You've spoken out about the government in the past and held a sense of independence. How will you continue to do this while you are taking both roles as the director and the deputy minister reporting to Mr. Carmant?

Mme Hill (Lesley) : Well, this is a big adventure starting for me, hey. So, I don't know exactly how I'm going to do everything yet. I have to be humble about that. What I do know is I've negotiated that space to be able to speak out. And I didn't just negotiate with the minister negotiating in the sense like, this is how I'm thinking to play the role, are you okay with that? Because this is what you get. You know, they need to know that. So, I told the «sous-ministre» as well. Everybody who I've had discussions with, I've been very, very transparent about this. So, of course, I'm not going to start blasting the government on the public scene, but I won't stop being vocal for children, I never will.

Journaliste : What is your first action that you'd like to take in your first days, weeks of this role?

Mme Hill (Lesley) : Well, like any new position, you have to get to know the people who compose your team. So, I have quite a big team. I have a team here in the ministry who is probably quite upset and «ébranlée». How do you say that in English? They're probably shaken, shaken by everything that's going in the news, by the departure of Catherine Lemay. So, I need to support and stabilize this team. I need to make sure that the DPJ, the directors of youth services across the province know that we're going to start collaborating right now.

In fact, I spoke to them already. I saw them yesterday because I wanted to tell them what kind of messages I was going to be coming out with, because they're going to be on our team as well. But to me, the team is so big. The team is all the users' committees in all of the establishments. It's the kids' associations, independent kids' associations are really important. Like, I'm going to listen to those young people because they're the ones who have the experience of the services. And there's three right now. There's the Mouvement jeunes et santé mentale, le Collectif ex-placés DPJ, and Care Jeunesse, in the English sector, who gives also bilingual services. So, we need to work with the kids, the parents, the workers and the directors.

Journaliste : J'aurais une petite question en français si vous n'en avez plus en anglais. Juste une précision, j'aimerais savoir est-ce que vous craignez de servir un peu le politique puisque, bon, plein de gens en ce moment, les partis d'opposition, demandent la tête du ministre Carmant. Bon, là, ils changent la directrice nationale de la DPJ. Donc, j'aimerais savoir si vous craignez ça, là, de servir un peu de... que les gens s'en servent politiquement, de votre nomination, là.

Mme Hill (Lesley) : Sincèrement, moi, je veux servir les enfants du Québec, les enfants les plus vulnérables. Je ne suis pas du tout, du tout imputable de tout ce qui se fait au niveau politique. Puis s'il y a quelque chose que je peux dire, c'est qu'il faut séparer le politique du clinique pour que le monde puisse travailler. C'est très important. Donc, s'il y a quelque chose que je vois, c'est un rôle de tampon pour essayer de garder la pression en haut pour que le monde sur le terrain puisse jouer leur rôle.

Journaliste : Je vais m'en permettre une en terminant, parce que vous avez siégé sur la commission Laurent, vous avez une longue feuille de route, mais il y a des gens avant vous qui sont venus s'asseoir ici puis qui ont dit : Je vais être la bonne personne, ça va fonctionner, puis on va réussir. Puis finalement, non. Qu'est-ce qui vous fait dire que, cette fois-ci, c'est la bonne? Puis est-ce qu'on peut se permettre que ce ne soit pas la bonne?

Mme Hill (Lesley) : Bien, moi, je vous dirais : Jugez-moi par les résultats qu'on va produire. C'est ça qu'il faut faire. Puis là je vais dire quelque chose de très simple, mais les messages d'encouragement que je reçois depuis hier, ceux qui me touchent le plus, c'est ceux qui viennent des jeunes eux-mêmes. Tu sais, j'ai des jeunes ex-placés là, bien, qui ont mon numéro, qui me textent pour dire : Aïe, j'ai de l'espoir maintenant que peut-être les choses peuvent changer. Donc, ne serait-ce que ça, c'est un carburant pour faire un bout.

Et cela dit, je ne veux pas sous-estimer la complexité. On n'est pas dans un univers facile. Vous avez juste à googler «Child welfare» en Ontario, là, bien, le système est en train d'imploser. Vous avez juste à regarder en France. Moi, je reçois du monde de la France, là, à la fin de novembre. J'avais ça avant mon rôle de DPJ national. Ils viennent parce que ça ne va pas bien en France en protection de l'enfance. Donc, c'est des problèmes communs à tous les systèmes de protection de l'enfance.

C'est un travail très difficile. Il n'y a souvent aucune solution idéale dans ce travail-là. Tu es toujours en train de choisir entre qu'est-ce qui va être le mieux ou le moins pire. Tu n'es pas dans un monde idéal, parce que, dans un monde idéal, là, il n'y aurait pas de maltraitance, puis les enfants seraient chez eux avec leurs parents.

La Modératrice : Merci beaucoup. Merci. Merci, Mme Hill, pour votre temps.

Mme Hill (Lesley) : Bien, merci à vous.

(Fin à 10 h 06)

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