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Conférence de presse de M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

Version finale

Le jeudi 3 octobre 2024, 12 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Douze heures huit minutes)

La Modératrice : Alors, je vous donne la parole. C'est M. le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, qui est avec la sous-ministre associée aux orientations et à l'accès à la justice, Mme Élise Labrecque. Je vous laisse la parole.

M. Jolin-Barrette : Merci. Bonjour à tous. Me Labrecque, merci d'être présente. Heureux de vous retrouver.

Aujourd'hui, nous franchissons une nouvelle étape importante vers une justice plus accessible, plus efficace et, par-dessus tout, plus humaine. Le projet de loi n° 73 nous permettra de mieux protéger les personnes victimes en cas de partage d'images intimes sans consentement et de mieux accompagner les personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale en matière civile incluant en matière familiale.

Le partage d'images intimes sans consentement est un fléau. Il ne suffit que d'un texto pour briser une personne, briser son estime, briser son sentiment de sécurité, briser sa confiance envers les autres. Cette personne, ça pourrait être votre fille, votre fils, votre sœur.

Le Code criminel est clair, quiconque partage une image intime sans le consentement de la personne qui y figure commet un crime. Malgré cela, des études démontrent qu'un adolescent sur cinq aurait déjà reçu l'image intime d'une personne qui n'y consentait pas. Dans ce genre de situation, c'est une course contre la montre. Plus on met du temps avant de détruire l'image, plus elle risque de circuler et plus les conséquences peuvent être dévastatrices. Les procédures existantes pour dénoncer le partage d'une image intime peuvent s'étirer jusqu'à une année. Ça ne fait pas de sens et c'est là que nous intervenons.

Nous venons créer un processus simple afin d'empêcher ou de faire cesser rapidement le partage d'une image intime sans consentement. Dès qu'une personne a connaissance qu'une image intime d'elle circule sans son consentement ou qu'une personne menace de la partager, elle pourra remplir un formulaire disponible en ligne ou au greffe du Palais de justice afin d'obtenir une ordonnance de la Cour du Québec. Le juge devra traiter la demande en urgence et pourra ordonner à toute personne, même celle se cachant sous un pseudonyme, qui détient ou qui a sous son contrôle l'image intime comme un hébergeur de site Web, de ne pas partager l'image ou de cesser tout partage, de la détruire ou de désindexer tout hyperlien permettant d'y accéder. Toute personne visée par l'ordonnance devra respecter dès qu'elle lui sera notifiée, sans quoi elle s'exposera à une amende pouvant aller de 500 $ à 5 000 $ par jour pour une personne physique et de 5 000 $ à 50 000 $ pour une personne morale. La sanction pourra ultimement aller jusqu'à une peine d'emprisonnement.

Ce comportement peut entraîner des conséquences dramatiques, poussant même parfois des jeunes à commettre l'irréparable. Il faut s'assurer que tout est en place pour dissuader quiconque de commettre un tel geste. Le projet de loi propose également de renforcer l'ordonnance civile de protection, celle-ci vise à protéger une personne, notamment dans un contexte de violence familiale, conjugale ou sexuelle, d'intimidation ou de harcèlement. Le tribunal peut, par exemple, ordonner à une personne de ne pas approcher le domicile ou le lieu de travail d'une personne ou de communiquer avec elle. Plusieurs organismes œuvrant auprès des personnes victimes au quotidien nous ont indiqué qu'il s'agissait d'un recours utile mais peu utilisé en raison de sa complexité. Nous venons donc en faciliter le recours afin de mieux protéger notamment les personnes victimes de violences familiales, conjugales ou sexuelles. Actuellement, une personne victime de ce type de violence doit prouver que sa vie, sa santé ou sa sécurité est menacée pour obtenir l'ordonnance civile de protection. Lorsqu'on est en présence d'une forme plus insidieuse de violence comme le contrôle coercitif, cela peut être difficile à prouver.

Désormais, la crainte d'un risque pour la vie, la santé ou la sécurité d'une personne victime suffira pour obtenir une ordonnance. Cela peut sembler banal, mais cela fera une énorme différence. Jusqu'ici, l'ordonnance n'était généralement pas accordée sur la base d'une crainte, aussi grande soit-elle. Nous venons corriger cela.

Par ailleurs, actuellement, lorsqu'il y a un bris d'ordonnance civile de protection, les policiers ne peuvent intervenir vu la nature civile de celle-ci. En cas de bris, la victime doit entreprendre un recours en outrage au tribunal, ce qui peut s'avérer coûteux en temps, en argent et en énergie. Avec le projet de loi, le non-respect devient une infraction criminelle. Les policiers pourront désormais intervenir et prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l'ordonnance civile de protection. Ainsi, le fardeau ne reposera plus sur les épaules de la personne victime.

Enfin, les personnes victimes en matière civile pourront aussi bénéficier d'un meilleur soutien. Forts de l'expérience que nous avons acquise avec le déploiement du tribunal spécialisé en matière de violences sexuelles et de violences conjugales, nous souhaitons aujourd'hui étendre certaines mesures au recours civil, car la présence de violence n'est pas limitée uniquement aux affaires criminelles. Cela passe notamment par l'élargissement d'une offre de formation sur les réalités de la violence sexuelle ou conjugale aux intervenants qui œuvrent auprès des personnes victimes en matière civile, y compris en matière familiale. Mieux comprendre ces formes de violence et être en mesure de les reconnaître peut faire toute la différence.

Des mesures d'aide au témoignage seront également mises en place. Une personne victime de violence familiale, conjugale ou sexuelle pourra désormais être accompagnée par une personne de confiance lors de son témoignage ou être assistée d'un chien de soutien. Nous venons ainsi créer un environnement sécurisant et bienveillant afin de faciliter cette étape qui peut s'avérer particulièrement stressante pour les victimes, soit celle de témoigner à la cour.

De plus, le témoignage à distance sera permis pour les personnes victimes ayant consulté un organisme d'aide. Bien que cela soit déjà possible, on nous dit que, sur le terrain, le témoignage à distance est rarement accordé en matière civile. Une personne victime de violence conjugale, par exemple, pourrait être contrainte de témoigner en la présence de son ex-conjoint violent, et ce, même si ce dernier faisait l'objet d'une ordonnance de ne pas s'approcher d'elle en matière criminelle. Nous envoyons donc un message clair, les personnes victimes et leurs besoins doivent être au cœur du processus et au cœur des procédures.

Nous instaurons également, en matière civile, les mêmes protections qu'en droit criminel concernant les mythes et les stéréotypes véhiculés en matière de violence sexuelle ou de violence conjugale. Jusqu'ici, il n'y avait aucune limite claire à cet égard en matière civile. Nous venons donc clarifier que, désormais, la réputation de la personne victime, son passé sexuel ou encore le fait de ne pas avoir mis fin à la relation avec l'auteur de la violence ne seront pas admissibles en preuve.

Par ailleurs, l'adresse du domicile de la personne pourra demeurer confidentielle et ne plus apparaître sur les documents et les procédures du dossier judiciaire auquel l'auteur de la violence peut accéder. Ça paraît évident que ce type d'information ne doit pas être divulgué à un ex-conjoint violent. Pourtant, ça arrive encore trop souvent.

Le système de justice n'a pas été pensé pour les personnes victimes. Lorsque j'ai été nommé ministre de la Justice, je me suis engagé dans un vaste et nécessaire changement de culture. Les personnes victimes doivent être les premières considérées, que ce soit en matière criminelle, civile ou familiale. Le système de justice ne doit jamais être un fardeau, il doit plutôt être un outil. Je vous remercie de votre attention.

La Modératrice : Alors, on va passer à la période de questions. Charles Lecavalier, La Presse.

M. Jolin-Barrette : Bonjour.

Journaliste : Bonjour, M. le ministre. Je me demandais... Là, vous nous avez tout expliqué chacun des aspects de la loi, mais pourquoi... qu'est-ce que ça va changer, vous pensez, concrètement pour les victimes, votre projet de loi?

M. Jolin-Barrette : Sur l'aspect protection d'images intimes ou en matière de procédures civiles?

Journaliste : Sur la protection d'images intimes.

M. Jolin-Barrette : Bon, l'objectif, c'est d'avoir une procédure simple et efficace qui va être rapide, de façon à faire en sorte d'intercepter rapidement l'image intime qui soit est en cours de diffusion, que ce soit par texto, par Messenger, sur des plateformes de réseaux sociaux ou même sur un site Internet, ou, et/ou, qui est menacé de la diffuser. Parce que le projet de loi s'attaque aux deux volets à la fois, lorsque c'est le cas, l'image est partagée ou que quelqu'un menace de la partager. Pensez au cas qui peut arriver parfois, où un ex-conjoint qui avait des photos d'images intimes de sa conjointe et qui lui dit : Bien, si tu me laisses, je vais diffuser les images intimes que j'ai ou, s'ils sont déjà séparés, puis pour maintenir un lien entre eux, bien, je vais diffuser les images. Donc, on vise ce genre de situation là. Même chose aussi pour les jeunes, les adolescents. Un adolescent sur cinq a reçu une image intime pour laquelle la personne qui est sur la photo ou sur le vidéo n'avait pas consenti à cette diffusion.

Donc, l'idée, c'est d'intervenir vraiment rapidement, avec un formulaire en ligne ou le formulaire au greffe physiquement, si vous allez physiquement en personne, et que le juge le reçoive pour traiter la demande d'une façon urgente. Et là il va pouvoir émettre l'ordonnance pour désindexer, pour dire de ne pas diffuser et pour détruire la photo, la photo, l'image, la vidéo. Ça concerne également les hypertrucages.

Journaliste : Puis on a aussi parlé, là, beaucoup des sites pornographiques, là, qui diffusaient des vidéos, parfois sans le consentement de... puis que la personne n'était jamais capable de faire enlever le vidéo. Votre projet de loi, je comprends que c'est aussi ces sites-là qui sont visés, là.

M. Jolin-Barrette : Oui, exactement. Donc, sites Internet, hébergeurs, plateformes, médias sociaux. Donc, à partir du moment où il y a une image ou un vidéo sans consentement de la personne, le juge de la Cour du Québec pourra prononcer l'ordonnance contre toute personne qui a l'image, le vidéo ou qui la contrôle pour pouvoir la retirer et la désindexer. Donc, on couvre toutes les situations.

Journaliste : Vous me permettrez peut-être une dernière petite question sur un autre sujet. Est-ce que c'est responsable de demander le départ de dizaines de milliers d'immigrants sans avoir d'avis juridique, là, comme l'a dit M. Legault à Paris?

M. Jolin-Barrette : Écoutez, on est dans une situation particulière au Québec où est-ce qu'on accueille des milliers de personnes, des demandeurs d'asile. C'est au gouvernement fédéral à s'assurer de la répartition équitable sur le territoire québécois. Les Québécois sont accueillants. Cependant, on a atteint la capacité maximale de nos limites.

Journaliste : ...comme ministre de la Justice. Vous ne trouvez pas qu'il faudrait... que ça respecte les chartes? Cette question-là, vous ne vous la posez pas?

M. Jolin-Barrette : Je vais réserver mes commentaires relativement aux avis juridiques. C'est moi le jurisconsulte du gouvernement, puis vous pouvez être assuré qu'on accompagne l'ensemble du gouvernement à ce titre-là.

La Modératrice : Thomas Laberge, La Presse canadienne.

Journaliste : Oui. Bonjour. Bonjour à vous deux.

M. Jolin-Barrette : Bonjour.

Journaliste : J'aimerais avoir un petit peu plus de détails sur le fonctionnement une fois que le formulaire... Donc, c'est un juge qui doit évaluer la chose. J'imagine qu'il faut quand même faire certaines vérifications. Il faut s'assurer... tu sais, le consentement n'était pas donné, ce genre de choses là. Est-ce qu'on peut avoir un peu plus d'information?

M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, on a produit un napperon, notamment en six étapes également, qui est diffusé ici. L'objectif, c'est que ça soit vraiment simple pour la personne victime, donc... et ça peut être une personne... la demande peut être faite seule par une personne de 14 ans et plus. Donc, au niveau du secondaire, les jeunes qui ont 14 ans vont pouvoir faire la demande eux-mêmes sans le dire à leurs parents, justement, pour faire en sorte que... considérant la nature intime des images, bien, on veut que ça se règle rapidement et efficacement.

Alors, on remplit le formulaire en ligne, le juge le reçoit, traite la demande d'une façon urgente. La demande se fait ex parte, ça veut dire sans la présence de la personne qui a l'image dans ses mains... bien, dans ses mains, qui contrôle l'image. Et un coup que l'ordonnance, elle est émise, elle est signifiée par le greffier de la cour à la personne qui est visée par l'ordonnance ou par le propriétaire du site Web ou par le diffuseur de l'image. Et si jamais l'image n'est pas retirée, si c'est une personne physique, c'est des amendes de 500 à 5 000 $ par jour, et il y a possibilité de peine d'emprisonnement jusqu'à 18 mois.

Donc, l'idée est de faire en sorte d'avoir un recours rapide, efficace en matière civile. Ce geste-là, c'est une infraction criminelle aussi, mais avant que les procédures criminelles cheminent, ça peut prendre plusieurs mois, voire des années. Alors, notre objectif, c'est de faire en sorte que l'image soit retirée le plus rapidement possible parce que c'est là que ça cause des dommages puis ça peut se diffuser extrêmement rapidement. Pensez dans une école secondaire, un groupe texto, l'image parcourt, alors ça peut vraiment briser des vies.

Journaliste : Non, puis je comprends bien la... Vous dites : Il faut régler ça de manière urgente, mais est-ce que le système de justice a les ressources pour être capable d'accomplir cette volonté-là puis d'être capable d'enlever les images le plus rapidement possible?

M. Jolin-Barrette : Oui, tout à fait, parce qu'on a toujours des juges de garde. Donc, en matière... À tous les jours, là, quand un prévenu se fait arrêter, supposons, il y a toujours un juge qui fait les comparutions et même la fin de semaine aussi. Alors, le système de justice fonctionne sept jours par semaine. Alors, les demandes seront orientées vers le juge de garde de la Cour du Québec ou vers un juge de paix magistrat. C'est justement pour ça qu'on fait en sorte de confier... de modifier l'annexe V de la Loi sur les tribunaux judiciaires pour faire en sorte que les juges de paix magistrats aient la juridiction pour traiter ce genre d'ordonnances là. Ça fait suite au projet de loi n° 54 de la Table Justice que j'ai fait adopter au printemps passé, qui donnait davantage de pouvoir aux JPM. Donc, il y a 333 juges de la Cour du Québec qui ont compétence, plus les 40 juges de paix magistrats qui sont à la Cour du Québec aussi.

Journaliste : Peut-être juste aussi une précision. Vous avez mentionné, là, bon, le but, c'est d'agir le plus rapidement possible, mais qu'il pourrait y avoir des peines criminelles, parce qu'évidemment c'est criminel de diffuser ces images-là. Bien, au fond, on comprend que c'est deux éléments complètement différents. C'est à dire qu'une personne qui porterait plainte pour que l'image soit retirée rapidement, la personne qui a diffusé l'image ne serait pas nécessairement poursuivie au criminel ou il faudrait qu'elle entame... la victime entame des procédures en ce sens là?

M. Jolin-Barrette : C'est deux recours distincts, puis on laisse le choix aux personnes victimes de le faire. Nous, dans le cadre de notre juridiction, c'est en matière civile. Donc, c'est une demande d'ordonnance civile pour dire : M. le juge, mon ex-conjoint ou tel garçon à l'école est sur le point ou me dit qu'il va diffuser une image intime de moi, donc nue, partiellement nue ou faisant un acte explicite de nature sexuelle, et je ne veux pas que ça soit diffusé, ou je veux que ça soit retiré, ou je veux que ça cesse le partage dans un groupe texto sur des réseaux sociaux. Alors, le juge va prononcer l'ordonnance, elle va être signifiée. Si jamais l'ordonnance est non fondée, il a 30 jours pour la contester après l'émission de l'ordonnance. À ce niveau-là, si jamais... Supposons que c'était un cas d'une situation où il y avait un contrat, puis c'est une activité, supposons, pornographique rémunérée dans le cadre d'un contrat pour des majeurs, il y a une exception à ce niveau-là. Alors, à ce moment-là, ça pourrait être contesté éventuellement. Mais l'idée c'est d'agir rapidement, à la source, efficacement, avec une procédure extrêmement simple : formulaire; réception par le juge; le juge l'étudie dans son bureau, il n'a pas besoin de tenir une audition formelle dans la salle de cour, le dossier est à huis clos également, il peut le faire dans son bureau; émission de l'ordonnance; signification; action.

La Modératrice : Sébastien Desrosiers, Radio-Canada.

M. Jolin-Barrette : Bonjour.

Journaliste : Bonjour, M. Jolin-Barrette. Qu'est-ce que vous entendez au juste par «rapidement»?

M. Jolin-Barrette : D'une façon urgente.

Journaliste : Mais c'est une question d'heures, de jours? Vous l'avez dit vous-même, ces images-là se répandent très rapidement.

M. Jolin-Barrette : D'une question d'heures et de jours.

Journaliste : O.K. Donc... Puis...

M. Jolin-Barrette : Parce que la... en matière criminelle, on est sur plusieurs mois. Alors, nous, on vise à être sur plusieurs... bien, en fait, le plus rapidement possible, heures, jours, en fonction de chacun des dossiers, en fonction de la preuve qui est devant le juge aussi, pour qu'il puisse rendre l'ordonnance.

Journaliste : Au sujet de la critique, si on veut, de Québec solidaire, à savoir que la commission spéciale sur le temps d'écran chez les jeunes se penche déjà là-dessus, vous avez dit que vous seriez ouvert à appliquer des recommandations du rapport de la commission, je pense, si j'ai bien compris, qui est attendu en mai. Pourquoi ne pas avoir attendu, tout simplement?

M. Jolin-Barrette : Bien, parce que c'est un problème criant, puis on ne sait pas où la commission parlementaire va aller. C'est un mandat qui est extrêmement large sur les écrans. À partir du moment où on constate qu'il y a un enjeu, que ça constitue un fléau, moi, comme ministre de la Justice, vous me connaissez, j'agis promptement, avec les équipes du ministère de la Justice, pour offrir aux citoyens et aux citoyennes qui sont victimes de ce type de violence sexuelle là des recours puis des options pour faire cesser ça. Honnêtement, je trouve curieux que M. Leduc dise : Vous offrez des recours aux victimes trop rapidement. C'est une drôle de position de sa part.

Journaliste : Peut-être sur un autre sujet, rapidement, si vous me permettez, mais la Cour suprême a accepté ce matin d'entendre l'appel de Québec concernant les garderies et les demandeurs d'asile. Est-ce que, pour vous, il y a une indication que vous avez une chance d'avoir gain de cause finalement dans cette affaire-là?

M. Jolin-Barrette : Bien, le procureur général du Québec va plaider les arguments à la cour. La position du gouvernement, elle est très claire, et c'est pour ça qu'on a porté le jugement de la Cour d'appel en appel. Les juges vont nous entendre d'une façon neutre et impartiale. On va plaider nos arguments puis on considère qu'on a des bons arguments.

La Modératrice : Alain Laforest, TVA.

Journaliste : Bonjour.

M. Jolin-Barrette : Bonjour.

Journaliste : En tout respect, M. le ministre, vous parlez d'urgence. Le fédéral a agi il y a 10 ans. Pourquoi pas avant?

M. Jolin-Barrette : C'est un phénomène de plus en plus en développement, avec les jeunes particulièrement. Alors, à partir du moment où nous avons été conscientisés à la situation, bien, je pense qu'il n'y a pas de temps à perdre pour faire en sorte d'avoir un recours civil, parce qu'actuellement il existe des recours, mais ils sont très longs, notamment avec la Commission d'accès à l'information, où la législation n'est pas adaptée pour aller rapidement. Alors, pour moi, je pense qu'on doit faire en sorte de donner des outils aux personnes victimes pour que le partage d'images intimes cesse.

Et l'autre volet du projet de loi, c'étaient des recommandations qui ont été faites par notamment les groupes de soutien aux victimes pour faire... pour transposer ce qu'on a fait au tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale pour justement... lorsque vous êtes, supposons, en matière familiale puis que votre ex-conjoint, bien, il a fait de la violence conjugale, vous vous retrouvez dans la même salle de cour que lui... bien, les mesures d'aide au témoignage qu'il y avait en matière criminelle, c'est tout à fait normal qu'elles soient transposées en matière civile. Donc, on vient vraiment mettre la personne victime au cœur du processus judiciaire, prendre ses besoins particuliers pour qu'elle puisse livrer un témoignage à la cour en toute sécurité.

Journaliste : Souvent dans des... dans le domaine judiciaire, lorsque la Cour du Québec intervient avant le Code criminel, ce qui est présenté devant la Cour du Québec n'est plus appréciable ou accepté devant la cour criminelle. Est-ce que, dans le cas de partage d'images intimes, on se retrouve dans la même situation? Si un juge de paix intervient rapidement, est-ce qu'à ce moment-là ça vient court-circuiter une éventuelle poursuite au Code criminel?

M. Jolin-Barrette : Non, pas du tout. C'est deux dossiers totalement distincts. Dans le fond, là, on est en matière civile sur... avec un fardeau de preuve qui n'est pas le même qu'en matière criminelle. Donc, le juge de la Cour du Québec est compétent en matière civile pour intervenir. Et, en matière criminelle, si le Directeur des poursuites criminelles et pénales décide de porter des accusations, il a la compétence pour continuer le dossier. Donc, les deux peuvent être parallèles. Mais, nous, notre objectif, c'est qu'on puisse rapidement et urgemment retirer le partage d'images intimes et de contenus... et de contenus sexuels de nature explicite qui a été fait sans le consentement de la personne.

Journaliste : En terminant, votre constat, c'est que le processus du Code criminel est trop long, trop lourd.

M. Jolin-Barrette : Bien, le processus en matière criminelle, vous devez aller voir les enquêteurs, vous devez faire une plainte à la police. Ensuite, la plainte à la police, il y a les enquêteurs. Par la suite, le dossier est évalué pour le procureur aux poursuites criminelles et pénales qui décide s'il y a des accusations ou non. Donc, juste dans ce processus-là, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Par la suite, il y a dépôt des accusations. Il y a les requêtes qui sont entendues. Il y a fixation du procès, le délibéré, ensuite le jugement.

Nous, on est dans un régime extrêmement accéléré où la victime... Supposons, demain matin, votre fille a envoyé une photo à quelqu'un puis, par la suite, il menace de la diffuser, bien, immédiatement, vous allez pouvoir remplir le formulaire en ligne. Le juge de la Cour du Québec va le recevoir et va pouvoir le traiter d'une façon urgente. Ce qui est beaucoup plus rapide, beaucoup plus efficace. Puis, dans ce type de dossier là, la diffusion d'images, le temps est extrêmement important, parce que ça voyage à une vitesse tellement importante, tellement rapide qu'il faut agir promptement, et c'est ce qu'on offre aux personnes victimes avec la législation qu'on dépose aujourd'hui.

Journaliste : Je me permets, Geneviève Lajoie, Journal de Québec, Journal de Montréal, de poser une question. M. le ministre, vous avez vous-même dit : Il s'agit d'un fléau. Pour avoir moi-même des adolescents, ce genre de choses arrivent fréquemment. Est-ce qu'on ne risque pas d'engorger le système judiciaire... ou, en tout cas, de... Est-ce, vraiment, le système est capable d'absorber ça là?

M. Jolin-Barrette : Oui, le système est capable. C'est sûr qu'il y a un aspect d'éducation dans nos écoles notamment. Puis, oui, il y a beaucoup de jeunes, 20 % des jeunes ont déjà reçu une image de ce type là alors que la personne n'y consentait pas. Il faut sensibiliser tout le monde à dire : Bien, premièrement, c'est une infraction criminelle. Deuxièmement, il y a des conséquences à ça. Le système de justice va répondre présent. Les juges, il y a des juges de garde tous les jours, ils seront en mesure de traiter ça, lorsqu'ils vont recevoir la procédure, qui est une procédure simple. Mais il faut que ça cesse, et ce n'est pas juste les jeunes, là. On parle de «revenge porn» on parle d'ex-conjoint, on parle de situations non désirées, et ça peut briser des vies. Alors, on prend les moyens nécessaires pour que ça cesse.

Journaliste : Et mon collègue vous a demandé tout à l'heure au niveau du temps, mais vous vous attendez, vous, à quoi, quelqu'un qui... dont l'image a déjà été diffusée, vous vous attendez à ce que ce soit réglé en combien de temps?

M. Jolin-Barrette : Le plus rapidement possible. Donc, on parle en termes d'heures et de jours.

Journaliste : Donc, ça pourrait être idéalement dans la même journée, là, que l'image ne reste pas longtemps en ligne.

M. Jolin-Barrette : Et effectivement, tout dépendant, la preuve qui est devant le juge pour qu'il puisse rendre son ordonnance.

La Modératrice : Matt Grillo. CTV.

Journaliste : I'm just wondering, how do you plan to enforce this law, say, against the Web site that might be on the other side of the world... outside Québec jurisdiction?

M. Jolin-Barrette : Well, when you talk about Internet, you already... you always have that problematic about «extraterritorialité» of the judgment. We have some agreement with other countries about judgment, «reconnaissance» in some... But that's a difficulty about the Web that, sometimes, when it's outside. But what... the center of the problem here, it's often about a text message or about some social network platform that can be managed from here. And we talk about high school, it's some text groups, and stuff like that, and we can act on that.

So, for your answer, sure, if the Web site is in another country, it can be more difficult. But the reality, it's when you have a threatening of sending that kind of picture or video, we can act really quickly with... «avec l'ordonnance» of the judge.

Journaliste : The person who is threatening this, from what I understand, you know, the photos get hopefully, eventually deleted, is it case close at that point or could they face charges even though they eliminated this photo?

M. Jolin-Barrette : They can face charges, criminal charges because you have both recourses. First of all, you can go in Civil Law, that what we tabled today, to make the photo get deleted. But, beside of that, you can make a complaint to the police and to the Crown prosecutor, and that'scriminal offense. So, that's really serious. But the delays in the criminal side, it's more longer. So, what we want with that bill is to have a quick way to get out that picture, to delete that picture and to limit the bad consequences on the person that could... that the diffusion could happen with the sending of that picture, particularly for the youth, like 20%, a few people receive that kind of picture that the person on that picture didn't consent for the sending of that picture.

Journaliste : Just a little technicality here. How do we make sure the photo is actually deleted or, you know, is the cell phone going to be seized? Like, how is that all confirmed?

M. Jolin-Barrette : Well, it's mandatory by the court and, if it's not the case, they have some penalties. For a physical person it's $500 until $5,000 dollars per day in fine. If that's an enterprise, a company, it's $5,000 to $50, 000 dollars. And if it's a human, you can go in jail until 18 months. So, we have severe fine penalties if you don't respect the bill and you should face these consequences. So, we decide to make that tough because that's a serious subject. And we want that that kind of situation to not happen again.

La Modératrice : Cathy Senay, CBC.

Journaliste : Good day. I'm not sure how you will be able to fight the speed at which those photos, intimate images are shared out there sometimes by several people. I know that you want to speed up the process having a judge's order quickly. But, I mean, like, just five minutes, like you can have thousands of people relaying that photo. So, I don't know. It seems to me that it's going to take time to counter the sharing of those images.

M. Jolin-Barrette : Yes, and that was a proposal of what we did yesterday night for the journalists to send you the example. It can go really fast, but we want to act on that because, right now, you don't have that possibility to go in court specifically with that simple way to take out that photo or that picture, that video. So, we're going to be able to go quickly. And it's not only the fact that the pictures are already sent, it's always the threatening about the fact: I have your picture and I'm going to send it to everybody if you don't do that or that. So, we act quickly, and the judge will be in his ruling, will be able to specify what is the judgment and that has to be taken out rapidly and quickly.

Journaliste : And tell me if I'm wrong here. Isn't it a way to discourage people that could be tempted to do it now that you have a piece of legislation, period? Is this a tool to discourage people to do it in itself, this piece of legislation? Even if it's perfectly imperfect as a piece of legislation can be, it's a tool to discourage people to think twice, because soon they will have this law.

M. Jolin-Barrette : Yes, I mean, we have that tool to act, but that's sure, we have a public message about everybody to say: First, it's crime, you will have some consequences and we have to educate people about the fact that it's not okay to do that, and it can cost lives, and people can see their lives broken about that, about the fact that intimate images or sexual representation of that person... It'sreally intimate, and it's not OK that it will be going everybody in some text message or in social media and stuff like that.

So, yes, we want to discourage that to make some statement about the fact that it's not OK and they'll have some consequences. But, when I wrote this bill, my principal idea was to help the victims, was to give them tools to make that stop, and to limit the diffusion of a picture. So, that ensure that somebody send that to a few people, with that judgment, they will be able to find them, and to receive that judgment, and they will act. When you receive a judgment and you say: Oh, maybe I didn't realize what I received, and I was sending that. But, first, that's criminal and that not O.K. So, we have, in our jurisdiction, in Québec's jurisdiction, we use our powers to help the victims, to stop that, and to prevent also.

Journaliste : One last thing. Sorry, Geneviève. On last thing, one last question for the road. The Supreme Court's decision to hear Québec's challenge to daycare access to asylum seekers, who do you react?

M. Jolin-Barrette : Well, we put the decision of the Court of appeal in appeal at the Supreme Court, so we will be ready to plea in front of the Supreme Court, because our opinion is that we were disagreeing with the Court of appeal about the fact that asylum seekers… kids of asylum people could not have the tariff, the lowest tariff.

Journaliste : OK, so, you feel good about your arguments?

M. Jolin-Barrette : Sure, I put that in appeal. I'm agree with me.

Journaliste : C'est bon.

Journaliste : ...de protection.

M. Jolin-Barrette : Oui. Ça, c'est très important.

Journaliste : Oui. Bien, c'est ça. Mais je me demandais, est-ce qu'il y a eu des cas? Il y a-tu quelque chose qui vous a fait réaliser que : Aïe, mon Dieu, il faut vraiment changer ça vite? Est-ce que...

M. Jolin-Barrette : Mais en fait les ordonnances civiles de protection avaient été instaurées par Mme Vallée à l'époque, et c'était un recours pour les victimes. Par contre, l'ensemble des groupes de soutien aux personnes victimes nous ont sensibilisé au fait que c'est très, très peu utilisé en raison, un, de la lourdeur du processus, donc le fait de devoir faire la requête formelle, normalement, ça prend un avocat parce que c'est quand même compliqué. Là aussi, on va avoir un formulaire simple qui va être disponible sur Internet et au greffe. Et l'idée aussi, c'est de changer le critère pour le diminuer, parce qu'avant vous deviez démontrer que votre vie était en danger ou votre sécurité était en danger, tandis que maintenant ça va être le critère de la crainte. Vous craignez que votre vie, votre santé, votre sécurité va être en danger, donc on diminue le critère. On fait en sorte aussi que lorsque l'ordonnance, elle est prononcée, l'ordonnance civile de protection, exemple, que votre conjoint n'accède pas à votre terrain ou ne vienne vous voir à domicile, auparavant, s'il ne respectait pas l'ordonnance civile de protection, il fallait que vous preniez un recours en outrage au tribunal. Donc, vous-même, que vous... que vous fassiez le recours ou que vous mandatiez un avocat. Désormais, on vient criminaliser l'ordonnance civile de protection par l'article 127 du Code criminel. Ça veut dire qu'à partir du moment où l'ordonnance, elle est émise par un juge de la Cour supérieure, si jamais monsieur se présente à la maison, ne respecte pas, mais là, lorsque vous allez appeler les policiers, les policiers vont pouvoir le traiter comme une infraction criminelle avec les conséquences associées à ça.

Donc, les groupes de personnes victimes, de soutien aux personnes victimes nous avaient sensibilisés à ça, puis c'est pour ça qu'on fait le changement, notamment le mandat qu'on avait confié à Juripop de réfléchir sur cette question-là, ça faisait partie de leurs recommandations d'adapter aux besoins des personnes victimes. Il y a certaines personnes victimes qui ne souhaitent pas déposer des... une plainte à la police, donc d'aller dans la juridiction criminelle pour les raisons qui leur appartiennent, et si elles se retrouvent, supposons, en matière de litige familial, supposons, pour la garde des enfants, pension alimentaire, tout ça, l'ordonnance civile de protection, supposons qu'il y a présence de violence conjugale, mais ça va permettre, justement, d'avoir cet outil-là, cette bulle de sécurité là. Et surtout, le fait que ne ce soient eux-mêmes qui vont devoir la faire exécuter, l'ordonnance, mais ça enlève le fardeau des épaules de la victime, parce que ça va être la police qui va le faire exécuter.

Journaliste : Il y a aussi un autre aspect de votre projet de loi, je pense,... si je me trompe, dites-moi-le, là, mais c'est... on va pouvoir... Si quelqu'un a été condamné au criminel, une victime peut utiliser cette condamnation-là pour faire un recours civil

M. Jolin-Barrette : Oui.

Journaliste : Pouvez-vous m'expliquer ce que ça va changer?

M. Jolin-Barrette : Oui, ça, c'est important aussi. Supposons que vous avez une condamnation pour agression sexuelle au criminel. La victime porte plainte à la police. Il y a le procès criminel. Monsieur est reconnu coupable d'agression sexuelle. Par la suite, madame se retourne pour poursuivre monsieur en dommages et intérêts au niveau civil. Bien, le simple dépôt du jugement en matière criminelle va faire en sorte que madame n'aura plus à prouver la faute, parce que ça va être un élément de preuve qui va être dedans. Donc, le fardeau de preuve va être beaucoup moins élevé. Il y a un élément qui ne sera pas sur les épaules de la victime... On va éviter de refaire témoigner sur cette question-là, sur la question de la faute.

Donc, exemple sur les gestes d'agression sexuelle. Donc, ça évite à madame de retémoigner devant une autre instance, devant un autre juge puis de se faire poser les mêmes questions par rapport à l'agression sexuelle, parce que monsieur a été reconnu coupable d'agression sexuelle en matière criminelle. Donc, en civil, on vient faciliter cette preuve-là pour éviter, justement, la revictimisation puis éviter que madame retémoigne par rapport au geste qu'elle a subi. Puis ça va de pair avec toutes les autres mesures en civil qu'on met dans le projet Loi sur, notamment les mythes et stéréotypes. En matière civile, ce n'était pas clair que vous ne pouviez pas utiliser le passé sexuel de la victime. Le fait, supposons, qu'en matière de violence conjugale ou en matière d'agression sexuelle, que, supposons, madame n'ait pas quitté monsieur, les antécédents sexuels aussi.

Donc, c'est une foule de mesures qu'on met en place pour qu'en matière civile et surtout aussi en matière familiale, parce que souvent la violence conjugale se répercute dans les dossiers en matière de garde d'enfants, pension alimentaire, bien, qu'il y ait la bulle de sécurité pour que madame puisse rendre témoignage adéquatement. On inverse également les présomptions. Exemple, maintenant, si vous avez une attestation, que vous avez consulté un organisme de soutien aux personnes victimes, bien, vous allez pouvoir témoigner à distance, à moins que le juge évalue qu'il ne pourra pas évaluer la crédibilité du témoin. Nous, on inverse les choses. Même chose pour le fait qu'une personne soit dans la salle de cour pour vous soutenir, le chien d'assistance également.

Donc, c'est toutes des mesures qu'on met pour favoriser le témoignage des personnes victimes, qui ont été demandées par les groupes de personnes victimes. Le délai d'exécution du jugement également. Auparavant, un jugement, c'était valide pour 10 ans. Dans ces motifs-là, pour violences sexuelles ou violences conjugales, il n'y a plus de délai de prescription. Donc, après 10 ans, votre jugement est encore valide, ça fait que vous allez pouvoir le faire exécuter la vie durant.

La Modératrice : C'est bon. Alors, ça met fin à la conférence de presse.

M. Jolin-Barrette : Merci beaucoup.

La Modératrice : Merci.

(Fin à 12 h 46)

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