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Conférence de presse de M. Marc-André Dowd, protecteur du citoyen

Version finale

Le jeudi 19 septembre 2024, 11 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures dix-sept minutes)

M. Dowd (Marc-André) : Alors, bonjour à tous et à toutes. Merci de vous joindre à moi ce matin pour la présentation du rapport annuel d'activité 2023-2024 du Protecteur du citoyen. Tania Roussel, vice-protectrice Service aux usagers, m'accompagne ainsi que Claude Dussault, vice-protecteur Intégrité publique, service aux... pardon, Service aux citoyens pour Tania Roussel, et Claude Dussault, vice-protecteur Intégrité publique, Service aux usagers et Mandats spéciaux.

Je tiens d'abord à remercier mon équipe. Ce rapport annuel, que je présente ce matin avec fierté, est avant tout le reflet du travail des collaboratrices et des collaborateurs qui m'entourent. S'impliquer quotidiennement en Protecteur du citoyen nécessite une compréhension attentive de ce que vivent les personnes qui portent plainte chez nous. Elles sont souvent aux prises avec une situation qui les dépasse dans leurs relations avec les services publics. Personnels de l'accueil, des enquêtes, des TI, des ressources humaines, matérielles, des services juridiques, des communications, chaque équipe concourt avec générosité et compétence à ce que le Protecteur du citoyen réalise les grandes missions de l'ombudsman avec indépendance et proactivité. Le caractère profondément humain de nos interventions est aussi pour nous une priorité.

Humanité. Permettez-moi d'insister sur cette dimension des services appliquée cette fois à ceux de l'appareil d'État. Je mets d'ailleurs l'accent, dans mon rapport annuel, sur la nécessité de traiter les citoyens avec humanité. Cela peut se définir de plusieurs façons. Pour moi, cela revient à dire qu'on devrait toujours avoir le souci de comprendre les besoins des personnes, de placer ces besoins au premier rang avant toute considération administrative, de fournir une réponse respectueuse de la dignité des personnes dans des délais raisonnables et enfin d'agir avec efficacité et compassion.

Une bonne façon d'illustrer ce qu'est l'humanisation des services et d'y aller précisément avec un exemple du contraire. Je vous cite brièvement un cas très simple vécu cette année dans un CHSLD. Les CHSLD, comme vous le savez, accueillent généralement des usagers en lourde perte d'autonomie. Dans ce contexte, le moment du repas est une activité clé de la journée, notamment pour la socialisation et les échanges. À l'occasion d'une de nos enquêtes, des délégués du Protecteur du citoyen ont assisté au repas du midi à la salle à manger d'un CHSLD. Ils ont alors constaté que la télévision à haut volume dominait l'ambiance, tandis que des membres du personnel faisaient manger les personnes hébergées de façon machinale en se parlant entre eux. Ce n'est évidemment pas anodin. On parle ici d'une réelle déshumanisation et d'une perte de sens par rapport à la vocation de ces endroits qualifiés de milieux de vie. Je ne suis pas en train de généraliser ce comportement de la part du personnel des CHSLD. Sur le terrain, on observe plutôt généralement les efforts que font les employés pour adoucir la vie des résidents, mais, dans le cadre de cette enquête en particulier, il fallait redonner aux usagers le droit d'être traités avec humanité. Nous avons recommandé aux CHSLD d'implanter différents moyens pour s'assurer de la qualité des relations entre les employés et les usagers et éventuellement leurs proches lors des repas, ce qui a été fait. Cette amélioration n'a demandé aucun budget additionnel. Il a uniquement été question d'un rappel au personnel et d'un changement d'attitude.

Étendue à l'ensemble des ministères et des organismes, la nécessité d'humaniser les services et de les adapter aux personnes qui les reçoivent relève d'une priorité attendue de l'État. C'est par exemple au nom de cette humanisation qu'il est inacceptable que certains secteurs accusent des retards interminables à répondre aux demandes des citoyens. On compte parmi eux des personnes particulièrement vulnérables, dont les besoins appellent une réaction rapide des services publics auxquels ils s'adressent. Il peut être tout aussi injustifiable de refuser une demande pressante et légitime, parce que le profil de la personne ne cadre pas parfaitement dans la petite case du formulaire. On ne peut évidemment pas évacuer la réalité du manque de personnel parmi les rangs des employés de l'État. Quand les effectifs qualifiés sont insuffisants ou instables, le défi d'assurer les services en se montrant humain, compréhensif, prévenant est énorme. J'en suis bien conscient, mais, même en pareille situation, on ne peut à aucun moment priver les citoyens des services publics conçus pour leur venir en aide dans le respect de leurs droits. Ce manque de personnel est d'ailleurs toujours ressenti en services correctionnels. Ces dernières années, les plaintes reçues à titre d'ombudsman correctionnel concernent souvent des problèmes qui résultent de la pénurie de personnel dans les établissements de détention. Des personnes incarcérées ont été victimes, par exemple, de périodes de confinement prolongées en cellule ou de suspension de sortie dans la cour extérieure, sans autre motif que le manque d'agents correctionnels.

Cette année, il est aussi question dans mon rapport annuel d'une autre grande mission des services publics, soit l'incontournable obligation d'assumer la responsabilité de leurs décisions et de leurs actions. Comme on le sait, les ministères et les organismes font souvent appel à des partenaires externes pour prendre le relais ou pour mettre à contribution une expertise particulière. De la part des autorités, cela doit se faire avec la préoccupation d'offrir des services de qualité, quel que soit le partenaire qui intervient auprès du citoyen. À titre d'exemple, nous avons mené une enquête à l'égard de l'Office de la protection du consommateur ou OPC. L'OPC administre, entre autres, un fonds d'indemnisation de la clientèle des agences de voyages. On se souviendra qu'en période de pandémie, les annulations de services touristiques se sont multipliées. L'OPC a alors reçu plus de 45 000 demandes de remboursement. Comme il n'y avait pas le personnel nécessaire pour répondre aux requêtes, il a fait appel à une firme comptable pour gérer les recommandations. Une voyageuse parmi d'autres s'est plainte au Protecteur du citoyen parce qu'en dépit de ses démarches, elle attendait depuis deux ans que sa demande soit traitée. Pour moi, il était clair que l'OPC avait eu raison de faire appel à un tiers étant donné le volume inédit de réclamations. Mais en même temps, il conservait la responsabilité de la qualité du traitement des demandes, même si une part des délais déraisonnables pouvait être imputée à son fournisseur. Avec un meilleur encadrement, les délais auraient probablement été moins importants. Nous avons entre autres recommandé à l'OPC de donner suite sans plus attendre aux demandes légitimes des voyageurs visés. Plus largement, nous lui avons rappelé que, quelle que soit la performance d'un sous-traitant, il demeurait gestionnaire et fiduciaire du fonds d'indemnisation. Par le fait même, il était responsable d'assurer la qualité de ses services.

Toujours en matière de responsabilités, nous avons traité un cas cette année qui relevait de notre mandat en intégrité publique. Il s'agit cette fois du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous avons traité une divulgation concernant le fonctionnement de CHSLD privés conventionnés, donc financés par des fonds publics et d'établissements privés, dont des résidences privées pour aînés, ou RPA. Or, toutes ces ressources étaient gérées par une seule et même structure appartenant à un seul propriétaire. Le problème, c'est que la formule de gestion ne permettait pas de faire une distinction claire entre les ressources publiques et les ressources privées que le propriétaire devait administrer. De nombreuses dépenses étaient donc assumées par des fonds publics, alors qu'elles n'auraient pas dû l'être. Au terme de notre enquête, nous avons adressé des recommandations au propriétaire, mais aussi au ministère de la Santé et des Services sociaux qui était responsable d'exercer la vigilance nécessaire pour déceler les irrégularités.

Le recours à des ressources externes dans les services publics est chose courante : appel au privé, au communautaire, à des spécialistes. Et, dans l'avenir, ce fonctionnement hybride pourrait bien s'accentuer pour répondre aux besoins croissants de la population, compte tenu, entre autres, de la réalité démographique. Pour autant, l'État ne se trouvera jamais délesté de son obligation d'apporter des correctifs si l'entité externe ne livre pas le service attendu ou qu'elle agit à l'encontre de normes de gestion rigoureuse. C'est la reconnaissance de cette responsabilité qui permet notamment aux ministères, aux organismes et aux autres autorités de conserver le sens premier de la notion de service public.

Le dépôt de mon rapport annuel est l'occasion pour moi de réitérer ma confiance en la capacité et la volonté de l'appareil gouvernemental de faire face aux enjeux majeurs auxquels il est confronté. Je suis en effet à même de constater l'énergie des travailleuses et des travailleurs des services publics en quête des meilleurs rendements et résultats, et ce, à l'avantage des citoyens. Encore faut-il qu'ils aient les moyens de réaliser ce qui leur tient à cœur. Le manque d'effectif ne leur facilite pas la tâche.

Si mon rapport annuel relate des situations où le citoyen a fait les frais d'erreurs ou de dysfonctionnement des services gouvernementaux, je n'en demeure pas moins convaincu que celles et ceux qui donnent ces services sont généralement ouverts à toute solution pour hausser ou maintenir la qualité des services.

Je vous remercie de votre écoute et je vais maintenant répondre à vos questions. Mon vice-protecteur, M. Claude Dussault, répondra ensuite aux questions en anglais. Merci.

La Modératrice : Alors, on va passer à une période de questions. Sébastien Tanguay, du Devoir, avait... Avais-tu une question?

Journaliste : Oui, j'en ai deux, rapidement, comme celui-là. On constate, dans l'espace public, au Québec comme ailleurs, une certaine détérioration de la confiance envers les institutions publiques. Est-ce que votre rapport, selon vous, explique en partie ou en totalité le désamour de la population envers l'État, envers les services publics qu'on reçoit?

M. Dowd (Marc-André) : C'est votre première question?

Journaliste : C'est... Elle est vaste, mais oui, c'est ma première question.

M. Dowd (Marc-André) : Bien, je pense que l'obligation de transparence, c'est de nature à renforcer la confiance envers l'État. Qu'il y ait des recours comme le Protecteur du citoyen, où les personnes qui sont insatisfaites des services publics, qui estiment que leurs droits n'ont pas été respectés, peuvent venir s'adresser, déposer leur plainte, qu'on traite la plainte en toute impartialité, en toute indépendance du gouvernement, qu'on fasse connaître nos recommandations. Recommandations qui... si on estime qu'une plainte est fondée et qu'on fait des recommandations, les instances, les ministères, les organismes acceptent nos recommandations à 99 %, c'est-à-dire qu'on va chercher des correctifs. Ces résultats-là sont de nature à bâtir la confiance envers les institutions publiques. Ça, c'est un premier volet.

L'autre volet que je voudrais amener aussi, c'est la question de l'érosion de la confiance. Le renforcement des mécanismes en matière d'intégrité publique, à mon avis, est de nature à améliorer la confiance envers les institutions publiques. Alors, on a un rôle à jouer au Protecteur du citoyen en matière d'intégrité publique, et ce rôle va être renforcé au cours des prochains mois, parce qu'il y a un projet de loi qui a été adopté en matière d'intégrité publique, qui entre en vigueur le 30 novembre prochain. Et on voit notre rôle en matière d'intégrité publique renforcé, la protection contre les représailles, s'il y a des représailles, est renforcée. On a un rôle à jouer à cet égard-là. On devient un peu un guichet unique de traitement des divulgations à l'égard des ministères et des organismes publics. Les gens ont confiance au fait qu'on va respecter la confidentialité. On va assurer la confidentialité des lanceurs d'alertes et des témoins à nos enquêtes. On va aller au bout des divulgations qui nous seront transmises, faire la lumière sur les situations, mettre à jour les actes répréhensibles, mettre fin aux actes répréhensibles et mettre en place des... des recommandations pour éviter qu'elles ne se reproduisent.

La Modératrice : Avais-tu une autre question?

Journaliste : Bien, j'aime beaucoup votre première réponse, puisqu'elle m'amène directement à ma deuxième question. Vous dites : Le fait qu'on existe, et qu'on reçoive, et qu'on traite, et qu'on recommande au gouvernement et aux services publics des changements, ça améliore la confiance de la population envers l'État et son efficacité. Il y a parfois des recommandations... Vous dites : Les mesures de contrôle devraient être exceptionnelles, minimales, des cas d'exception.

Il y a 15 ans, votre prédécesseur avait recommandé au ministère de la Santé et des Services sociaux d'établir un outil standardisé pour répertorier l'application de mesures de contrôle dans les services publics. On lit que le ministère des... de la Santé planche encore sur cet outil-là.

Est-ce que parfois vous n'avez pas l'impression de remettre des rapports, émettre des recommandations et que ça s'avère des coups d'épée dans l'eau? Quand vous voyez que ça prend 15 ans au ministère qui accapare le plus gros poste budgétaire au Québec pour mettre en place un outil qui éviterait que ça soit en quelque sorte le «free-for-all» dans l'application des mesures de contrôle et que des monsieurs attachés face à un mur, comme vous le relevez, soient l'exception plutôt que la règle, là, je ne dis pas que c'est la règle, mais...

Donc, ma question est : Selon vous, voyant les délais, parfois, d'application des recommandations que vous émettez au gouvernement, est-ce que... est-ce que ce projet de loi là, qui renforce votre rôle, va solutionner la problématique?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, je pense que l'exemple que vous donnez est très bon, là, c'est un exemple où le délai n'est pas acceptable, là, 15 ans plus tard, qu'on se retrouve... qu'on n'a pas avancé sur cette question-là. Donc, est-ce que je suis satisfait de cet état de fait là? La réponse, c'est non.

Par contre, sur beaucoup d'autres dossiers... puis il faut se rendre compte que des fois, surtout à la suite d'enquêtes spéciales du Protecteur du citoyen, on a fait des recommandations qui étaient assez costaudes, là, qui amenaient des changements administratifs importants.

Je vais donner l'exemple, par exemple, la dispensation des soins de santé dans les centres de détention, en services correctionnels. Avant, il y avait une situation où c'étaient les services correctionnels qui étaient responsables de la dispensation des soins de santé dans les centres de détention, et les standards qui étaient appliqués n'étaient pas du tout ceux applicables au réseau de la santé. Donc, il y avait un problème important.

En 2011, on a fait une enquête au Protecteur du citoyen. On a recommandé de transférer la responsabilité au ministère de la Santé et des Services sociaux. C'était la recommandation de fond de ce rapport spécial là. Elle a été acceptée par le ministère de la Santé et par le ministre de la Sécurité publique. Il y a... Il y a eu du travail qui s'est fait par la suite pour dire concrètement... puis c'était important, là, parce qu'il y avait du personnel qui était du personnel du ministère de la Sécurité publique, et là on les faisait passer à du personnel du réseau de la santé avec des standards de soins renforcés. Donc, c'était assez complexe.

Ça a pris 11 ans. J'étais vice-protecteur à l'époque. Je reviens comme protecteur en 2022 et j'apprends, quand je reviens, que Bordeaux, qui est le plus grand centre, est le dernier établissement à transférer les soins de santé au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Donc, le transfert est fait. Il y a une amélioration notable, on le voit, des soins de santé dans les centres de détention. Est-ce que c'est parfait? Non, ce n'est pas parfait. On revient à la charge cette année en disant : Il reste encore des questions d'arrimage entre qui fait quoi entre le ministère de la Santé et le ministère de la Sécurité publique. Au final, ça aura pris 15 ans, peut-être, pour finir complètement cette transformation-là. Mais elle a un impact majeur puis elle améliore de beaucoup les services publics.

Donc, je suis un partisan de la théorie des petits pas. Il y a des fois où il y a une urgence, puis ça n'a pas lieu d'être, les petits pas, là. Mais tant qu'on avance dans le bon sens, tant qu'on va vers un meilleur respect des droits des citoyens puis tant qu'on va vers une amélioration des services, je conserve espoir.

Journaliste : Je vais me permettre une question. Caroline Plante, de LaPresse canadienne. Ça va un petit peu dans ce sens-là, mais... Donc, ça fait plusieurs années que vous êtes Protecteur du citoyen. Est-ce que vous voyez, généralement parlant, une amélioration ou une détérioration?

M. Dowd (Marc-André) : Je suis d'un naturel plutôt prudent puis j'aime bien me prononcer quand on a enquêté. Alors, on a enquêté sur une situation, voici les constats. Donc, je vais dire quand même que, factuellement, ce qu'on observe dans les dernières années, c'est qu'on reçoit de plus en plus de plaintes au Protecteur du citoyen. Donc, les plaintes sont en augmentation. Et deuxièmement, les plaintes fondées sont en augmentation aussi.

Ça fait que, si vous regardez dans les dernières années, le pourcentage de plaintes fondées dans les différents secteurs : administration publique, services correctionnels, services de santé, le pourcentage est en augmentation dans les secteurs. Alors, ce que ça me fait dire, c'est qu'on ne va pas dans le bon sens, dans le sens qu'il y a de plus en plus de monde qui se plaignent et les gens ont de plus en plus raison de se plaindre. Alors, il y a des lumières jaunes qui s'allument, là, selon moi.

Journaliste : Est-ce que c'est, comment dire, normal ou est-ce que c'est... est-ce que ce n'est pas étonnant de devoir faire un rappel aux acteurs du réseau, aux employés d'être plus humains? Est-ce que... Est-ce qu'il y a quelque chose qui est...

M. Dowd (Marc-André) : Oui.

Journaliste : ...vous comprenez ma question, qui est anormal là-dedans, là, de rappeler aux gens : Écoutez, il faut être humain?

M. Dowd (Marc-André) : Je pense qu'il faut revenir au contexte difficile qui est vécu dans plusieurs... dans plusieurs services publics. Actuellement, la pénurie de main-d'oeuvre, elle frappe fort, puis elle fait mal, puis elle rend les conditions d'exercice difficiles dans plusieurs secteurs, notamment en santé et services sociaux, en éducation, dans les services correctionnels. Dans les services correctionnels, c'est un agent... un poste d'agent de services correctionnels sur cinq qui est vacant, 20 % des postes. Donc, cet élément-là, ça a une influence sur le climat de travail, ça a une influence sur la façon dont les gens sont bien ou non au travail. C'est indéniable.

De la même façon, un autre élément, c'est qu'on a mis en place... parce qu'on était dans une situation, il y a peut-être deux ans, où on avait des réelles ruptures des services parce qu'on manquait de monde. Il n'y avait simplement pas assez de monde. Alors, on a dit : On va faire des formations plus courtes. On va faire en sorte qu'il y ait plus de monde qui rentre rapidement, par exemple préposés aux bénéficiaires. Le ministère de la Sécurité publique fait la même chose pour les postes d'agents de services correctionnels. On n'est pas contre les formations courtes. C'est évident que ça prenait du renfort dans les milieux de travail rapidement, mais il faut garder à l'esprit que les personnes qui sont formées avec des formations courtes, bien, elles ne sont pas formées... elles ne sont pas aussi bien formées que les personnes qui ont eu une formation longue. Donc, quand elles arrivent sur le plancher en milieu de travail, c'est important de bien les superviser, de bien les encadrer. Il peut y avoir du coaching. Il peut y avoir du mentorat, de bien les accueillir, de les intégrer à la tâche. Et dans nos enquêtes, on nous dit souvent, puis c'est le personnel qui nous dit ça dans plusieurs milieux : On a l'impression d'être un peu laissés à nous-mêmes, les gens sont occupés.

Mais cette question-là, donc, de l'encadrement, de la supervision, elle est fondamentale, puis la question de la formation continue. Ne pas oublier que les personnes qui ont eu des formations courtes, il y a des éléments sur lesquels ils ne sont pas formés, alors il faut prendre... il faut garder à l'esprit qu'il faut former ces personnes-là sur les éléments par le biais de la formation continue. Puis je fais le lien avec l'utilisation des mesures de contrôle. Parce que qu'est-ce qui explique, entre autres, qu'on voit une utilisation accrue des mesures de contrôle? Bien, c'est quand on voit que les personnes n'ont pas la formation pour intervenir auprès, par exemple, d'une personne qui a un problème de démence avec irritabilité ou agressivité. Il y a des formations qui viennent expliquer comment on peut intervenir efficacement avec ces personnes-là, mais il faut s'assurer que ces formations-là sont données. Et quand la personne est bien formée, qu'elle applique des méthodes alternatives, elle n'appliquera pas de contrainte, elle n'attachera pas la personne. Puis il faut revenir aux messages, en termes d'atteinte aux droits fondamentaux, là, la question de la contrainte, c'est assez top, là. Je veux dire, on prive une personne de sa liberté, ça doit être une mesure exceptionnelle pour le plus court délai possible, et ça doit prendre fin dès que la situation le justifie. Alors, cette question là des contraintes, elle m'apparaît préoccupante parce qu'on l'observe en santé, mais on l'observe aussi en services correctionnels. Donc, ça serait ma réponse.

Journaliste : Et, au-delà des formations, je me demandais, là, pour vous, là, est-ce que c'est aussi une question de gros bon sens?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, c'est-à-dire que c'est une question d'humanité... au sens premier du fait que, même si le contexte est difficile, c'est un être humain qui intervient auprès d'un être humain, qui donne un service à un être humain. C'est... Oui, c'est du gros bon sens, mais c'est aussi... Je n'ai pas d'autres mots que de dire «agir avec humanité».

Journaliste : Puis j'aurais une dernière question, mais, Sébastien, je veux te laisser poser des questions...

Une voix : ...

Journaliste : O.K., O.K. Vous dites : On ne peut pas généraliser. Quand je pense aux CHSLD, est-ce qu'on peut quand même penser que si vous faisiez toute une série de visites non annoncées, qu'on retrouverait les mêmes problématiques un peu partout?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, je pense qu'il y a des variations dans les milieux de travail quand même, ça serait injuste de dire que c'est répandu à large échelle partout. Mais année après année, on voit quand même des éléments qui reviennent, sur lesquels il faut travailler. Alors, oui, il y a des éléments qui sont... ce que j'appelle des lumières jaunes. Je pense que c'est vraiment ça. Il faut prêter attention à ça. Et on intervient aussi, vous avez raison de le dire, de façon non annoncée dans certains milieux. Donc, on va voir concrètement comment ça se passe dans un centre de réadaptation, comment ça se passe dans un CHSLD, mais dans d'autres milieux aussi. C'est assez riche, ces visites-là.

M. Dussault (Claude) : ...c'est important de mentionner. Il ne faut pas généraliser, mais ce n'est pas anecdotique non plus, là, je veux dire. On observe, comme Me Dowd vient de le dire, le Protecteur... Chaque année on fait des enquêtes dans les CHSLD et on observe des problématiques. Mais ce n'est pas tous les CHSLD, mais on observe ça. Je pense que le concept de lumière jaune ici est bien, là. Je pense, c'est un appel à la vigilance.

Journaliste : Merci.

Journaliste : Ma question est toute simple. On commence où? Vous soulignez que le personnel sur place, sur le terrain fait preuve d'humanité et souvent veut soulager les souffrances, améliorer le bien-être des patients qui sont sous leur charge. Ils conscients que c'est... parfois les structures viennent... Par exemple, je prends le cas qui nous avait été rapporté, l'homme en fin de vie qui demandait à ce qu'on vide de la litière de son chat. C'est le CLSC qui a refusé en disant : Ça ne fait pas partie de notre plan de soins puis on n'a pas vraiment l'intention de l'ajouter. Est-ce que ça commence par assouplir ces structures-là, les organismes, plutôt que d'essayer d'agir sur le personnel qui est sur le terrain, à votre avis?

M. Dowd (Marc-André) : En fait, je pense que c'est d'apprivoiser la notion d'exception. C'est très bien qu'il y ait des normes qui définissent les programmes, c'est nécessaire, là, ça prend quand même des normes, mais il faut, dans tous les cas, considérer qu'il peut y avoir une situation d'exception qui justifie que, si on applique la norme, ça donne un résultat qui est absurde ou qui est inhumain, comme le cas du chat, je pense que c'est un bel exemple. Donc, je pense qu'il faut développer le réflexe de s'autoriser à appliquer avec souplesse les normes pour tenir compte des situations qui sont devant nous, et souvent, dans le cadre des enquêtes du Protecteur du citoyen, les gens des instances vont nous dire : Ah! bien, si le Protecteur du citoyen nous dit de le faire, on va le faire, on va se sentir autorisés d'en donner un peu plus que la norme.

Mais je pense que ce réflexe-là devrait venir aussi des ministères, des organismes directement, de dire : Bien, moi, dans cette situation-là, je pense que... si je regarde c'est quoi, l'essence du programme, c'est quoi, l'objectif du programme, ma façon d'atteindre les objectifs de ce programme-là, c'est de ne pas appliquer ce critère-là dans la situation donnée, parce que ça ne fait pas de sens.

Journaliste : Merci.

M. Dowd (Marc-André) : Merci.

La Modératrice : Très bien. On vous remercie infiniment.

M. Dowd (Marc-André) : Merci à vous. Bonne journée.

(Fin à 11 h 40)

Participants

  • Dowd, Marc-André

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