(Onze heures dix-sept minutes)
M. Dowd (Marc-André) : Alors,
bonjour à tous et à toutes. Merci de vous joindre à moi ce matin pour la
présentation du rapport annuel d'activité 2023-2024 du Protecteur du citoyen.
Tania Roussel, vice-protectrice Service aux usagers, m'accompagne ainsi que
Claude Dussault, vice-protecteur Intégrité publique, service aux... pardon, Service
aux citoyens pour Tania Roussel, et Claude Dussault, vice-protecteur Intégrité
publique, Service aux usagers et Mandats spéciaux.
Je tiens d'abord à remercier mon équipe.
Ce rapport annuel, que je présente ce matin avec fierté, est avant tout le
reflet du travail des collaboratrices et des collaborateurs qui m'entourent. S'impliquer
quotidiennement en Protecteur du citoyen nécessite une compréhension attentive
de ce que vivent les personnes qui portent plainte chez nous. Elles sont
souvent aux prises avec une situation qui les dépasse dans leurs relations avec
les services publics. Personnels de l'accueil, des enquêtes, des TI, des
ressources humaines, matérielles, des services juridiques, des communications,
chaque équipe concourt avec générosité et compétence à ce que le Protecteur du citoyen
réalise les grandes missions de l'ombudsman avec indépendance et proactivité.
Le caractère profondément humain de nos interventions est aussi pour nous une
priorité.
Humanité. Permettez-moi
d'insister sur cette dimension des services appliquée cette fois à ceux de
l'appareil d'État. Je mets d'ailleurs l'accent, dans mon rapport annuel, sur la
nécessité de traiter les citoyens avec humanité. Cela peut se définir de
plusieurs façons. Pour moi, cela revient à dire qu'on devrait toujours avoir le
souci de comprendre les besoins des personnes, de placer ces besoins au premier
rang avant toute considération administrative, de fournir une réponse
respectueuse de la dignité des personnes dans des délais raisonnables et enfin
d'agir avec efficacité et compassion.
Une bonne façon d'illustrer ce qu'est
l'humanisation des services et d'y aller précisément avec un exemple du
contraire. Je vous cite brièvement un cas très simple vécu cette année dans un
CHSLD. Les CHSLD, comme vous le savez, accueillent généralement des usagers en
lourde perte d'autonomie. Dans ce contexte, le moment du repas est une activité
clé de la journée, notamment pour la socialisation et les échanges. À
l'occasion d'une de nos enquêtes, des délégués du Protecteur du citoyen ont
assisté au repas du midi à la salle à manger d'un CHSLD. Ils ont alors constaté
que la télévision à haut volume dominait l'ambiance, tandis que des membres du
personnel faisaient manger les personnes hébergées de façon machinale en se
parlant entre eux. Ce n'est évidemment pas anodin. On parle ici d'une réelle
déshumanisation et d'une perte de sens par rapport à la vocation de ces
endroits qualifiés de milieux de vie. Je ne suis pas en train de généraliser ce
comportement de la part du personnel des CHSLD. Sur le terrain, on observe
plutôt généralement les efforts que font les employés pour adoucir la vie des
résidents, mais, dans le cadre de cette enquête en particulier, il fallait
redonner aux usagers le droit d'être traités avec humanité. Nous avons
recommandé aux CHSLD d'implanter différents moyens pour s'assurer de la qualité
des relations entre les employés et les usagers et éventuellement leurs proches
lors des repas, ce qui a été fait. Cette amélioration n'a demandé aucun budget
additionnel. Il a uniquement été question d'un rappel au personnel et d'un
changement d'attitude.
Étendue à l'ensemble des ministères et des
organismes, la nécessité d'humaniser les services et de les adapter aux
personnes qui les reçoivent relève d'une priorité attendue de l'État. C'est par
exemple au nom de cette humanisation qu'il est inacceptable que certains
secteurs accusent des retards interminables à répondre aux demandes des
citoyens. On compte parmi eux des personnes particulièrement vulnérables, dont
les besoins appellent une réaction rapide des services publics auxquels ils
s'adressent. Il peut être tout aussi injustifiable de refuser une demande
pressante et légitime, parce que le profil de la personne ne cadre pas
parfaitement dans la petite case du formulaire. On ne peut évidemment pas
évacuer la réalité du manque de personnel parmi les rangs des employés de
l'État. Quand les effectifs qualifiés sont insuffisants ou instables, le défi
d'assurer les services en se montrant humain, compréhensif, prévenant est
énorme. J'en suis bien conscient, mais, même en pareille situation, on ne peut
à aucun moment priver les citoyens des services publics conçus pour leur venir
en aide dans le respect de leurs droits. Ce manque de personnel est d'ailleurs
toujours ressenti en services correctionnels. Ces dernières années, les
plaintes reçues à titre d'ombudsman correctionnel concernent souvent des
problèmes qui résultent de la pénurie de personnel dans les établissements de
détention. Des personnes incarcérées ont été victimes, par exemple, de périodes
de confinement prolongées en cellule ou de suspension de sortie dans la cour
extérieure, sans autre motif que le manque d'agents correctionnels.
Cette année, il est aussi question dans
mon rapport annuel d'une autre grande mission des services publics, soit
l'incontournable obligation d'assumer la responsabilité de leurs décisions et
de leurs actions. Comme on le sait, les ministères et les organismes font
souvent appel à des partenaires externes pour prendre le relais ou pour mettre
à contribution une expertise particulière. De la part des autorités, cela doit
se faire avec la préoccupation d'offrir des services de qualité, quel que soit
le partenaire qui intervient auprès du citoyen. À titre d'exemple, nous avons
mené une enquête à l'égard de l'Office de la protection du consommateur ou OPC.
L'OPC administre, entre autres, un fonds d'indemnisation de la clientèle des
agences de voyages. On se souviendra qu'en période de pandémie, les annulations
de services touristiques se sont multipliées. L'OPC a alors reçu plus de
45 000 demandes de remboursement. Comme il n'y avait pas le personnel
nécessaire pour répondre aux requêtes, il a fait appel à une firme comptable
pour gérer les recommandations. Une voyageuse parmi d'autres s'est plainte au
Protecteur du citoyen parce qu'en dépit de ses démarches, elle attendait depuis
deux ans que sa demande soit traitée. Pour moi, il était clair que l'OPC avait
eu raison de faire appel à un tiers étant donné le volume inédit de
réclamations. Mais en même temps, il conservait la responsabilité de la qualité
du traitement des demandes, même si une part des délais déraisonnables pouvait
être imputée à son fournisseur. Avec un meilleur encadrement, les délais
auraient probablement été moins importants. Nous avons entre autres recommandé
à l'OPC de donner suite sans plus attendre aux demandes légitimes des voyageurs
visés. Plus largement, nous lui avons rappelé que, quelle que soit la
performance d'un sous-traitant, il demeurait gestionnaire et fiduciaire du
fonds d'indemnisation. Par le fait même, il était responsable d'assurer la
qualité de ses services.
Toujours en matière de responsabilités,
nous avons traité un cas cette année qui relevait de notre mandat en intégrité
publique. Il s'agit cette fois du ministère de la Santé et des Services
sociaux. Nous avons traité une divulgation concernant le fonctionnement de
CHSLD privés conventionnés, donc financés par des fonds publics et
d'établissements privés, dont des résidences privées pour aînés, ou RPA. Or,
toutes ces ressources étaient gérées par une seule et même structure
appartenant à un seul propriétaire. Le problème, c'est que la formule de
gestion ne permettait pas de faire une distinction claire entre les ressources
publiques et les ressources privées que le propriétaire devait administrer. De
nombreuses dépenses étaient donc assumées par des fonds publics, alors qu'elles
n'auraient pas dû l'être. Au terme de notre enquête, nous avons adressé des
recommandations au propriétaire, mais aussi au ministère de la Santé et des
Services sociaux qui était responsable d'exercer la vigilance nécessaire pour
déceler les irrégularités.
Le recours à des ressources externes dans
les services publics est chose courante : appel au privé, au
communautaire, à des spécialistes. Et, dans l'avenir, ce fonctionnement hybride
pourrait bien s'accentuer pour répondre aux besoins croissants de la
population, compte tenu, entre autres, de la réalité démographique. Pour
autant, l'État ne se trouvera jamais délesté de son obligation d'apporter des
correctifs si l'entité externe ne livre pas le service attendu ou qu'elle agit
à l'encontre de normes de gestion rigoureuse. C'est la reconnaissance de cette
responsabilité qui permet notamment aux ministères, aux organismes et aux
autres autorités de conserver le sens premier de la notion de service public.
Le dépôt de mon rapport annuel est
l'occasion pour moi de réitérer ma confiance en la capacité et la volonté de
l'appareil gouvernemental de faire face aux enjeux majeurs auxquels il est
confronté. Je suis en effet à même de constater l'énergie des travailleuses et
des travailleurs des services publics en quête des meilleurs rendements et
résultats, et ce, à l'avantage des citoyens. Encore faut-il qu'ils aient les
moyens de réaliser ce qui leur tient à cœur. Le manque d'effectif ne leur
facilite pas la tâche.
Si mon rapport annuel relate des
situations où le citoyen a fait les frais d'erreurs ou de dysfonctionnement des
services gouvernementaux, je n'en demeure pas moins convaincu que celles et ceux
qui donnent ces services sont généralement ouverts à toute solution pour
hausser ou maintenir la qualité des services.
Je vous remercie de votre écoute et je
vais maintenant répondre à vos questions. Mon vice-protecteur, M. Claude
Dussault, répondra ensuite aux questions en anglais. Merci.
La Modératrice : Alors, on va
passer à une période de questions. Sébastien Tanguay, du Devoir, avait...
Avais-tu une question?
Journaliste : Oui, j'en ai
deux, rapidement, comme celui-là. On constate, dans l'espace public, au Québec
comme ailleurs, une certaine détérioration de la confiance envers les
institutions publiques. Est-ce que votre rapport, selon vous, explique en
partie ou en totalité le désamour de la population envers l'État, envers les
services publics qu'on reçoit?
M. Dowd (Marc-André) : C'est
votre première question?
Journaliste : C'est... Elle
est vaste, mais oui, c'est ma première question.
M. Dowd (Marc-André) : Bien, je
pense que l'obligation de transparence, c'est de nature à renforcer la
confiance envers l'État. Qu'il y ait des recours comme le Protecteur du
citoyen, où les personnes qui sont insatisfaites des services publics, qui
estiment que leurs droits n'ont pas été respectés, peuvent venir s'adresser,
déposer leur plainte, qu'on traite la plainte en toute impartialité, en toute
indépendance du gouvernement, qu'on fasse connaître nos recommandations.
Recommandations qui... si on estime qu'une plainte est fondée et qu'on fait des
recommandations, les instances, les ministères, les organismes acceptent nos
recommandations à 99 %, c'est-à-dire qu'on va chercher des correctifs. Ces
résultats-là sont de nature à bâtir la confiance envers les institutions
publiques. Ça, c'est un premier volet.
L'autre volet que je voudrais amener
aussi, c'est la question de l'érosion de la confiance. Le renforcement des
mécanismes en matière d'intégrité publique, à mon avis, est de nature à
améliorer la confiance envers les institutions publiques. Alors, on a un rôle à
jouer au Protecteur du citoyen en matière d'intégrité publique, et ce rôle va
être renforcé au cours des prochains mois, parce qu'il y a un projet de loi qui
a été adopté en matière d'intégrité publique, qui entre en vigueur le
30 novembre prochain. Et on voit notre rôle en matière d'intégrité
publique renforcé, la protection contre les représailles, s'il y a des
représailles, est renforcée. On a un rôle à jouer à cet égard-là. On devient un
peu un guichet unique de traitement des divulgations à l'égard des ministères
et des organismes publics. Les gens ont confiance au fait qu'on va respecter la
confidentialité. On va assurer la confidentialité des lanceurs d'alertes et des
témoins à nos enquêtes. On va aller au bout des divulgations qui nous seront
transmises, faire la lumière sur les situations, mettre à jour les actes
répréhensibles, mettre fin aux actes répréhensibles et mettre en place des...
des recommandations pour éviter qu'elles ne se reproduisent.
La Modératrice : Avais-tu une
autre question?
Journaliste : Bien, j'aime
beaucoup votre première réponse, puisqu'elle m'amène directement à ma deuxième
question. Vous dites : Le fait qu'on existe, et qu'on reçoive, et qu'on
traite, et qu'on recommande au gouvernement et aux services publics des
changements, ça améliore la confiance de la population envers l'État et son
efficacité. Il y a parfois des recommandations... Vous dites : Les mesures
de contrôle devraient être exceptionnelles, minimales, des cas d'exception.
Il y a 15 ans, votre prédécesseur avait
recommandé au ministère de la Santé et des Services sociaux d'établir un outil
standardisé pour répertorier l'application de mesures de contrôle dans les
services publics. On lit que le ministère des... de la Santé planche encore sur
cet outil-là.
Est-ce que parfois vous n'avez pas
l'impression de remettre des rapports, émettre des recommandations et que ça
s'avère des coups d'épée dans l'eau? Quand vous voyez que ça prend 15 ans au
ministère qui accapare le plus gros poste budgétaire au Québec pour mettre en
place un outil qui éviterait que ça soit en quelque sorte le «free-for-all»
dans l'application des mesures de contrôle et que des monsieurs attachés face à
un mur, comme vous le relevez, soient l'exception plutôt que la règle, là, je
ne dis pas que c'est la règle, mais...
Donc, ma question est : Selon vous,
voyant les délais, parfois, d'application des recommandations que vous émettez
au gouvernement, est-ce que... est-ce que ce projet de loi là, qui renforce
votre rôle, va solutionner la problématique?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
je pense que l'exemple que vous donnez est très bon, là, c'est un exemple où le
délai n'est pas acceptable, là, 15 ans plus tard, qu'on se retrouve... qu'on
n'a pas avancé sur cette question-là. Donc, est-ce que je suis satisfait de cet
état de fait là? La réponse, c'est non.
Par contre, sur beaucoup d'autres
dossiers... puis il faut se rendre compte que des fois, surtout à la suite
d'enquêtes spéciales du Protecteur du citoyen, on a fait des recommandations
qui étaient assez costaudes, là, qui amenaient des changements administratifs
importants.
Je vais donner l'exemple, par exemple, la
dispensation des soins de santé dans les centres de détention, en services
correctionnels. Avant, il y avait une situation où c'étaient les services
correctionnels qui étaient responsables de la dispensation des soins de santé
dans les centres de détention, et les standards qui étaient appliqués n'étaient
pas du tout ceux applicables au réseau de la santé. Donc, il y avait un
problème important.
En 2011, on a fait une enquête au
Protecteur du citoyen. On a recommandé de transférer la responsabilité au
ministère de la Santé et des Services sociaux. C'était la recommandation de
fond de ce rapport spécial là. Elle a été acceptée par le ministère de la Santé
et par le ministre de la Sécurité publique. Il y a... Il y a eu du travail qui
s'est fait par la suite pour dire concrètement... puis c'était important, là,
parce qu'il y avait du personnel qui était du personnel du ministère de la
Sécurité publique, et là on les faisait passer à du personnel du réseau de la
santé avec des standards de soins renforcés. Donc, c'était assez complexe.
Ça a pris 11 ans. J'étais vice-protecteur
à l'époque. Je reviens comme protecteur en 2022 et j'apprends, quand je
reviens, que Bordeaux, qui est le plus grand centre, est le dernier
établissement à transférer les soins de santé au ministère de la Santé et des
Services sociaux.
Donc, le transfert est fait. Il y a une
amélioration notable, on le voit, des soins de santé dans les centres de
détention. Est-ce que c'est parfait? Non, ce n'est pas parfait. On revient à la
charge cette année en disant : Il reste encore des questions d'arrimage
entre qui fait quoi entre le ministère de la Santé et le ministère de la
Sécurité publique. Au final, ça aura pris 15 ans, peut-être, pour finir
complètement cette transformation-là. Mais elle a un impact majeur puis elle
améliore de beaucoup les services publics.
Donc, je suis un partisan de la théorie
des petits pas. Il y a des fois où il y a une urgence, puis ça n'a pas lieu
d'être, les petits pas, là. Mais tant qu'on avance dans le bon sens, tant qu'on
va vers un meilleur respect des droits des citoyens puis tant qu'on va vers une
amélioration des services, je conserve espoir.
Journaliste : Je vais me
permettre une question. Caroline Plante, de LaPresse canadienne.
Ça va un petit peu dans ce sens-là, mais... Donc, ça fait plusieurs années que
vous êtes Protecteur du citoyen. Est-ce que vous voyez, généralement parlant,
une amélioration ou une détérioration?
M. Dowd (Marc-André) : Je
suis d'un naturel plutôt prudent puis j'aime bien me prononcer quand on a
enquêté. Alors, on a enquêté sur une situation, voici les constats. Donc, je
vais dire quand même que, factuellement, ce qu'on observe dans les dernières
années, c'est qu'on reçoit de plus en plus de plaintes au Protecteur du
citoyen. Donc, les plaintes sont en augmentation. Et deuxièmement, les plaintes
fondées sont en augmentation aussi.
Ça fait que, si vous regardez dans les
dernières années, le pourcentage de plaintes fondées dans les différents
secteurs : administration publique, services correctionnels, services de
santé, le pourcentage est en augmentation dans les secteurs. Alors, ce que ça
me fait dire, c'est qu'on ne va pas dans le bon sens, dans le sens qu'il y a de
plus en plus de monde qui se plaignent et les gens ont de plus en plus raison
de se plaindre. Alors, il y a des lumières jaunes qui s'allument, là, selon
moi.
Journaliste : Est-ce que
c'est, comment dire, normal ou est-ce que c'est... est-ce que ce n'est pas
étonnant de devoir faire un rappel aux acteurs du réseau, aux employés d'être
plus humains? Est-ce que... Est-ce qu'il y a quelque chose qui est...
M. Dowd (Marc-André) : Oui.
Journaliste : ...vous
comprenez ma question, qui est anormal là-dedans, là, de rappeler aux
gens : Écoutez, il faut être humain?
M. Dowd (Marc-André) : Je
pense qu'il faut revenir au contexte difficile qui est vécu dans plusieurs...
dans plusieurs services publics. Actuellement, la pénurie de main-d'oeuvre,
elle frappe fort, puis elle fait mal, puis elle rend les conditions d'exercice
difficiles dans plusieurs secteurs, notamment en santé et services sociaux, en
éducation, dans les services correctionnels. Dans les services correctionnels,
c'est un agent... un poste d'agent de services correctionnels sur cinq qui est
vacant, 20 % des postes. Donc, cet élément-là, ça a une influence sur le
climat de travail, ça a une influence sur la façon dont les gens sont bien ou
non au travail. C'est indéniable.
De la même façon, un autre élément, c'est
qu'on a mis en place... parce qu'on était dans une situation, il y a peut-être
deux ans, où on avait des réelles ruptures des services parce qu'on manquait de
monde. Il n'y avait simplement pas assez de monde. Alors, on a dit : On va
faire des formations plus courtes. On va faire en sorte qu'il y ait plus de
monde qui rentre rapidement, par exemple préposés aux bénéficiaires. Le
ministère de la Sécurité publique fait la même chose pour les postes d'agents
de services correctionnels. On n'est pas contre les formations courtes. C'est
évident que ça prenait du renfort dans les milieux de travail rapidement, mais
il faut garder à l'esprit que les personnes qui sont formées avec des
formations courtes, bien, elles ne sont pas formées... elles ne sont pas aussi
bien formées que les personnes qui ont eu une formation longue. Donc, quand
elles arrivent sur le plancher en milieu de travail, c'est important de bien
les superviser, de bien les encadrer. Il peut y avoir du coaching. Il peut y
avoir du mentorat, de bien les accueillir, de les intégrer à la tâche. Et dans
nos enquêtes, on nous dit souvent, puis c'est le personnel qui nous dit ça dans
plusieurs milieux : On a l'impression d'être un peu laissés à nous-mêmes,
les gens sont occupés.
Mais cette question-là, donc, de
l'encadrement, de la supervision, elle est fondamentale, puis la question de la
formation continue. Ne pas oublier que les personnes qui ont eu des formations
courtes, il y a des éléments sur lesquels ils ne sont pas formés, alors il faut
prendre... il faut garder à l'esprit qu'il faut former ces personnes-là sur les
éléments par le biais de la formation continue. Puis je fais le lien avec
l'utilisation des mesures de contrôle. Parce que qu'est-ce qui explique, entre
autres, qu'on voit une utilisation accrue des mesures de contrôle? Bien, c'est
quand on voit que les personnes n'ont pas la formation pour intervenir auprès,
par exemple, d'une personne qui a un problème de démence avec irritabilité ou
agressivité. Il y a des formations qui viennent expliquer comment on peut
intervenir efficacement avec ces personnes-là, mais il faut s'assurer que ces
formations-là sont données. Et quand la personne est bien formée, qu'elle
applique des méthodes alternatives, elle n'appliquera pas de contrainte, elle
n'attachera pas la personne. Puis il faut revenir aux messages, en termes
d'atteinte aux droits fondamentaux, là, la question de la contrainte, c'est
assez top, là. Je veux dire, on prive une personne de sa liberté, ça doit être
une mesure exceptionnelle pour le plus court délai possible, et ça doit prendre
fin dès que la situation le justifie. Alors, cette question là des contraintes,
elle m'apparaît préoccupante parce qu'on l'observe en santé, mais on l'observe
aussi en services correctionnels. Donc, ça serait ma réponse.
Journaliste : Et, au-delà des
formations, je me demandais, là, pour vous, là, est-ce que c'est aussi une question
de gros bon sens?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
c'est-à-dire que c'est une question d'humanité... au sens premier du fait que,
même si le contexte est difficile, c'est un être humain qui intervient auprès
d'un être humain, qui donne un service à un être humain. C'est... Oui, c'est du
gros bon sens, mais c'est aussi... Je n'ai pas d'autres mots que de dire «agir
avec humanité».
Journaliste : Puis j'aurais
une dernière question, mais, Sébastien, je veux te laisser poser des
questions...
Une voix : ...
Journaliste : O.K., O.K. Vous
dites : On ne peut pas généraliser. Quand je pense aux CHSLD, est-ce qu'on
peut quand même penser que si vous faisiez toute une série de visites non
annoncées, qu'on retrouverait les mêmes problématiques un peu partout?
M. Dowd (Marc-André) : Bien,
je pense qu'il y a des variations dans les milieux de travail quand même, ça
serait injuste de dire que c'est répandu à large échelle partout. Mais année
après année, on voit quand même des éléments qui reviennent, sur lesquels il
faut travailler. Alors, oui, il y a des éléments qui sont... ce que j'appelle
des lumières jaunes. Je pense que c'est vraiment ça. Il faut prêter attention à
ça. Et on intervient aussi, vous avez raison de le dire, de façon non annoncée
dans certains milieux. Donc, on va voir concrètement comment ça se passe dans
un centre de réadaptation, comment ça se passe dans un CHSLD, mais dans
d'autres milieux aussi. C'est assez riche, ces visites-là.
M. Dussault (Claude) : ...c'est
important de mentionner. Il ne faut pas généraliser, mais ce n'est pas
anecdotique non plus, là, je veux dire. On observe, comme Me Dowd vient de le
dire, le Protecteur... Chaque année on fait des enquêtes dans les CHSLD et on
observe des problématiques. Mais ce n'est pas tous les CHSLD, mais on observe
ça. Je pense que le concept de lumière jaune ici est bien, là. Je pense, c'est
un appel à la vigilance.
Journaliste : Merci.
Journaliste : Ma question est
toute simple. On commence où? Vous soulignez que le personnel sur place, sur le
terrain fait preuve d'humanité et souvent veut soulager les souffrances,
améliorer le bien-être des patients qui sont sous leur charge. Ils conscients
que c'est... parfois les structures viennent... Par exemple, je prends le cas
qui nous avait été rapporté, l'homme en fin de vie qui demandait à ce qu'on
vide de la litière de son chat. C'est le CLSC qui a refusé en disant : Ça
ne fait pas partie de notre plan de soins puis on n'a pas vraiment l'intention
de l'ajouter. Est-ce que ça commence par assouplir ces structures-là, les
organismes, plutôt que d'essayer d'agir sur le personnel qui est sur le
terrain, à votre avis?
M. Dowd (Marc-André) : En
fait, je pense que c'est d'apprivoiser la notion d'exception. C'est très bien
qu'il y ait des normes qui définissent les programmes, c'est nécessaire, là, ça
prend quand même des normes, mais il faut, dans tous les cas, considérer qu'il
peut y avoir une situation d'exception qui justifie que, si on applique la
norme, ça donne un résultat qui est absurde ou qui est inhumain, comme le cas
du chat, je pense que c'est un bel exemple. Donc, je pense qu'il faut
développer le réflexe de s'autoriser à appliquer avec souplesse les normes pour
tenir compte des situations qui sont devant nous, et souvent, dans le cadre des
enquêtes du Protecteur du citoyen, les gens des instances vont nous dire :
Ah! bien, si le Protecteur du citoyen nous dit de le faire, on va le faire, on
va se sentir autorisés d'en donner un peu plus que la norme.
Mais je pense que ce réflexe-là devrait
venir aussi des ministères, des organismes directement, de dire : Bien,
moi, dans cette situation-là, je pense que... si je regarde c'est quoi,
l'essence du programme, c'est quoi, l'objectif du programme, ma façon
d'atteindre les objectifs de ce programme-là, c'est de ne pas appliquer ce
critère-là dans la situation donnée, parce que ça ne fait pas de sens.
Journaliste : Merci.
M. Dowd (Marc-André) : Merci.
La Modératrice : Très bien.
On vous remercie infiniment.
M. Dowd (Marc-André) : Merci
à vous. Bonne journée.
(Fin à 11 h 40)