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Point de presse de Mme Virginie Dufour, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’habitation

Version finale

Le mercredi 22 mai 2024, 14 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures dix-sept minutes)

Mme Dufour : Alors, bonjour, tout le monde. Je suis ici pour réagir au dépôt du projet de loi sur les évictions. Donc, écoutez, c'est sûr, c'est clair, la situation est grave. On a une crise de logement sans précédent, mais on a un gouvernement qui agit trop peu, trop tard. C'est un projet de loi qui semble surtout viser à améliorer l'image de la ministre. Il a été déposé en fin de session, alors que les avis d'éviction ont déjà tous été envoyés aux locataires. Surtout, ils ne règlent pas du tout la crise du logement, mais surtout l'offre de logements. Il manque de logements, et ça, on n'en crée pas du tout avec ce projet de loi là.

Et malgré tout ce qu'on entend, qu'on va protéger des évictions, je souligne que le gouvernement se donne le droit, à l'article 2, de soustraire tout secteur du... de la possibilité d'avoir des... de protéger... d'interdire des évictions. Donc, dans... Donc, le gouvernement, sans critères, de façon arbitraire, pourrait retirer tout secteur de cette... de l'application de son article principal qui est d'interdire les évictions. J'ai une inquiétude particulière pour le parc locatif qui est vieillissant. Il est fort probable que cette... ce moratoire-là risque dans, disons... de faire en sorte qu'il y ait moins d'investissements en immobilier pendant quelques années, ces trois ans-là du moins, et on sait, le parc, il est vieillissant actuellement. On a besoin de rénover ce parc-là et on constate qu'il n'y a pas d'aide pour les propriétaires. Si, au moins, le projet de loi était venu avec une aide pour les propriétaires, pour faire face à la situation, ça aurait été un plus. Mais là, actuellement, ce n'est pas... ce qui est possible, c'est que même, éventuellement, ça nuise à l'offre de logements. Donc, il y a une inquiétude, puis on s'attend à ce que la ministre... moi, je m'attends à ce que la ministre fasse beaucoup plus pour la crise du logement. Je veux voir un plan,ça fait longtemps qu'elle le promet, plus d'un an, avec des objectifs clairs, chiffrés des mises en chantier, parce que là, on n'a rien. Alors, merci beaucoup.

Journaliste : Ça fait que, finalement, vous êtes contre, vous allez vous opposer, au Parti libéral, au projet de loi?

Mme Dufour : Non, on ne va pas s'opposer, on va être favorables au projet de loi de la façon... Évidemment, il y a beaucoup de... il va avoir des subtilités dans l'étude détaillée. Il y a des amendements, probablement, qu'on va proposer, du moins, en tout cas, quand je regarde, il y a des éléments qui me semblent manquants dans le projet de loi. Mais, comme j'ai dit, c'est surtout le fait qu'il n'est pas... ce n'est pas complet. Ce n'est pas ça qui va régler la crise du logement, c'est un élément, mais il en manque tellement d'autres. Où sont-ils? Puis, tu sais, chaque... chaque élément, il y a toujours un effet domino. Il faut s'assurer de vérifier tout ça. Ça semble avoir été fait vite, dernière minute. Il pourrait y avoir des effets secondaires, disons, non souhaitables. Alors, est-ce qu'on peut les prévoir tout de suite avec des mesures? Je ne les vois pas.

Donc... Mais, de prime abord, évidemment qu'il y a une une situation qui est grave, sans précédent, qu'il fallait agir. On aurait aimé que ça soit plus tôt, mais je salue, au moins, l'ouverture de la ministre concernant l'amélioration, là, des... de la protection des aînés face aux évictions. C'est quelque chose qui avait été discuté lors du projet de loi n° 31. Elle aurait pu adopter les amendements à l'époque, elle aurait pu le faire. Elle a attendu quelques mois de plus, c'est dommage parce qu'entre-temps il y a des aînés qui ont été évincés.

Journaliste : Vous nous parlez des amendements, que le projet de loi n'est pas... n'est peut-être pas final dans sa forme actuelle. Est-ce que vous pensez que c'est encore possible de le faire adopter d'ici la fin de la session dans ce contexte-là?

Mme Dufour : Moi, je vais laisser les leaders discuter de comment et à quel moment, ça va... ça va se faire. Mais il n'est pas très volumineux, le projet de loi, mais il faut quand même prendre le temps de le regarder et de l'étudier, puis de s'assurer que chaque point, chaque... tout a été ficelé, parce que là... Puis d'ailleurs ce projet de loi là vient corriger quelque chose qui a été fait dans le 31, à la dernière minute, concernant les avis d'éviction, là. C'est assez technique, mais elle a modifié... elle vient, trois mois plus tard, modifier ça. Tu sais, il faut arrêter, là, de jouer à, tu sais, toujours : Ah! on le modifie vite puis on corrigera plus tard. Ce serait bien de bien analyser les points maintenant.

Journaliste : Vous dites que le problème de ce projet de loi là, c'est qu'il ne permet pas la construction de logements. Là, je ne veux pas nécessairement défendre la ministre, mais, au fond, elle, elle dit que le projet de loi n° 31 a un peu l'objectif de corriger certaines choses pour faciliter la création de logements, et que l'objectif de ce projet de loi là, ce n'est pas nécessairement de la création, c'est plutôt une espèce de mesure un petit peu d'urgence dans le contexte actuel, en disant : Mais, comme il manque de logements maintenant, il faut agir pour limiter des évictions parce que les gens n'ont pas d'endroit à se... Est-ce que, comment je pourrais dire, est-ce que vous suivez la ministre un peu sur sa logique de dire : Le p.l. 31 a une vocation, ce deuxième en a une autre finalement?

Mme Dufour : Non, mais le p.l. 31, à la base, je rappellerai que c'était de gérer les relations entre les locataires et les locateurs. Ça, c'était la prémisse de base du projet de loi n° 31. Il y a eu quelques amendements... ça allait à droite puis à gauche, qui sont venus toucher la SHQ, toutes sortes d'autres choses. Et il y a un amendement pour accélérer les processus dans les municipalités. Mais, de un, il faut que les municipalités l'utilisent, de deux, faut-il encore qu'il y ait des promoteurs qui aient envie de construire. Actuellement, c'est ça, l'enjeu, les promoteurs ne construisent pas. Pourquoi ils ne le font pas? Parce que l'environnement... et là je ne parle pas de... L'écosystème, actuellement, fait en sorte qu'ils n'arrivent pas, ils n'arrivent pas, il y a trop d'incertitudes dans le marché. Donc, il faut que l'écosystème soit plus favorable, et ça, la ministre, c'est à elle d'agir là-dessus, et là elle ne le fait pas. Ce n'est pas vrai que l'article, le superpouvoir aux villes, va tout régler.

Vous savez, on a eu une année record de construction en 2021. Les maires n'avaient pas ce superpouvoir-là. On a eu des années qu'on a construit vraiment beaucoup dans les... la fin des années 2010, donc, mais il n'y avait pas ce superpouvoir-là. Donc, ce n'est pas le superpouvoir qui va être la solution. Certains maires vont s'en servir pour accélérer des choses, mais, à date, justement, il y en a peu qui l'ont fait. Mais mettons qu'ils s'en servent, ça reste encore le fait que ce n'est pas rentable de faire du logement actuellement. Il faut que les gens soient capables de payer ce qui va sortir de terre. Actuellement, ils ne sont pas capables. Donc, l'offre ne croît pas. Puis moi, je vous le dis, j'ai rencontré des promoteurs qui ont des permis de construction en main et qui ne les prennent pas, tu sais. Donc, ce n'est pas tant les délais actuellement, l'enjeu, là.

Journaliste : Vous dites que vous avez quand même appelé le projet de loi, mais la majeure partie du projet de loi, c'est justement le moratoire sur les évictions pendant trois ans. Vous dites que ça peut avoir des effets pervers, ça pourrait limiter un peu, justement, la volonté de construire. J'aimerais mieux saisir votre position, là.

Mme Dufour : Oui, c'est... C'est certain qu'actuellement, là, il y a un enjeu avec les évictions, et tout le monde... tu sais, les plus vulnérables, c'est souvent malheureusement ceux qui sont les premiers évincés. Donc, si on vient mettre une certaine, tu sais, un couvercle sur la marmite, là, qui était en train, là, de vraiment, là, c'est... Tu sais, c'était vraiment... ça n'allait pas bien de ce côté-là. C'est temporaire, bien entendu. Ça fait que ça, c'est une chose, mais il y a quand même un enjeu au niveau le parc locatif. Pourquoi il y avait des évictions? Parce qu'il y avait des rénovations majeures qui devaient être faites dans plusieurs immeubles. C'est souvent, lorsqu'il y a des... les immeubles changent de mains que là on fait des rénovations majeures, et ça, ça permet de ramener un parc locatif plus moderne.

Malheureusement, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'immeubles, actuellement, que, si c'est des gens qui les ont depuis peut-être 20, 30 ans, 40 ans, bien, ils sont rendus à un stade, vous comprendrez, qu'ils ne veulent plus investir nécessairement, parce qu'ils sont eux-mêmes rendus à l'âge de la retraite. Donc là, ces gens-là, bien, ils vont avoir de la difficulté à vendre leurs immeubles dans les prochaines années, et il risque d'avoir une certaine paralysie du côté des plex, par exemple, pour la revente des plex qui pourraient se faire. S'il y avait une aide, en parallèle, pour aider ces propriétaires-là à passer au travers la situation actuelle, déjà là, on viendrait éviter ça.

Mais, tu sais, ce que je dis, c'est qu'à la base il manque d'offre de logements. S'il y a... Si on se retrouve avec des gens à la rue lorsqu'il y a des évictions, c'est parce qu'il n'y a pas d'autres logements disponibles. S'il y en avait plus, si on était à un taux d'équilibre, on n'en parlerait même pas aujourd'hui, des évictions. Donc, ils sont où, les mesures, pour favoriser l'offre? Moi, je ne les ai pas vues. Je les attends. Ça fait un an que je le demande à la ministre, son plan. Puis ça fait un an qu'elle nous le promet d'ailleurs, mais on ne le voit pas. Merci.

(Fin à 14 h 25)

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