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Point de presse de M. Etienne Grandmont, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de transports et de mobilité durable

Version finale

Le jeudi 9 mai 2024, 14 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures dix minutes)

M. Grandmont : Donc, merci beaucoup d'être là aujourd'hui. On aimerait réagir aux deux projets de loi qui ont été déposés simultanément par les ministres Julien et Guilbault.

D'abord, juste dire une chose, là, quand même, qui est assez claire pour moi, là. Ça fait 15 ans, là, que je travaille dans le milieu du transport collectif, que je suis ces enjeux-là de façon très proche, que je travaille avec les différentes organisations, j'ai même créé des organisations en lien avec le transport collectif, je peux vous dire une chose, c'est que l'engouement, là, pour le transport collectif, ce n'est pas quelque chose de nouveau. C'est loin d'être quelque chose de nouveau. Les gens en ont besoin depuis longtemps, les gens l'utilisent depuis longtemps et les gens cherchent des moyens ou cherchent la lumière qui leur permettra d'avoir des nouveaux services, une amélioration des services dans le temps, depuis plusieurs années. Ça fait longtemps que des gens circulent dans les transports collectifs au Québec et qu'ils se sentent comme une classe sardine, une classe de deuxième zone, pour des citoyens qui, malheureusement, ne reçoivent pas les services adéquats pour se déplacer.

Donc, notre objectif, nous, là, c'est de regarder un peu ces deux projets de loi là puis de voir si ça va permettre d'améliorer les services pour le monde, pour les gens qui se lèvent le matin puis qui vont travailler, pour les gens qui vont à l'école, au cégep ou à l'université, pour mes enfants qui vont l'utiliser, qui l'utilisent déjà, pour les gens qui vont reconduire leurs petits à la garderie. C'est quelque chose d'important. C'est quelque chose qui est fondamental. C'est... Ce n'est pas un droit officiellement reconnu, c'est un droit économique et social, mais ça reste quand même qu'il y a beaucoup... il donne ce pouvoir-là. De se déplacer à faible coût est une façon de pouvoir pourvoir à ces autres droits là.

Je suis très d'accord avec la ministre qu'on doit livrer des projets de transport collectif. Je n'ai pas mon petit tableau avec moi, là, qui montrait, finalement, que la CAQ n'a pas livré beaucoup de projets depuis son arrivée à l'Assemblée... au gouvernement, en 2018, mais c'est clair qu'être à leur place, moi, je serais gêné. Je serais vraiment gêné du nombre de projets de transport collectif qu'ils ont livré, parce que le bilan était... est absolument à zéro, en fait. Il n'y a pas de projets qui ont été initiés et livrés par le gouvernement de François Legault, donc c'est très gênant.

Et ce qu'on observe aujourd'hui, avec le dépôt de ces deux projets de loi et la création de l'agence Mobilité Infra Québec, bien, c'est un pattern, hein? C'est une... C'est une façon de faire qu'on voit souvent à la CAQ : on n'arrive pas à livrer des projets, on n'arrive pas à régler des problèmes, on crée des structures en espérant que ça aille mieux. Bon. C'est le choix qu'ils ont décidé de faire. On l'a vu en santé, on l'a vu en éducation, également.

Ce n'est pas le choix qu'on aurait fait. On aurait peut-être été vers la création de quelque chose, d'une équipe à l'intérieur du ministère des Transports du Québec. Ils ont fait le choix de créer une agence à côté. C'est leur choix. Maintenant, on travaillera, on collaborera avec eux autres pour s'assurer que les résultats, qu'on espère à la fin de cette... de ces... de l'étude de ces projets de loi là, mènent à une meilleure livraison, à une plus rapide livraison de projets de transport collectif.

Donc, accélération de la livraison des projets de transport collectif, oui, mais pas n'importe comment. Nous, on veut s'assurer que ça ne se fasse pas au détriment des Québécoises et des Québécois. Puis, un des risques qu'on entrevoit actuellement c'est une privatisation des services de transport collectif au Québec.

La première des choses, c'est dans le projet de loi de M. Julien. D'abord, l'article un. Contrairement à ce qu'il a dit tout à l'heure en conférence de presse, là, l'article un dit que le gouvernement du Québec pourrait faire... dans sa stratégie, là, d'acquisition, pourrait faire affaire avec des partenaires privés, autant pour la construction, l'entretien et l'exploitation des services. Ça, appliqué au transport collectif, là, ça veut dire une privatisation des projets de transport collectif. Ça veut dire le retour des partenariats public-privé.

Et ça, ça ne se fait pas nécessairement à l'avantage des citoyens du Québec, là, loin de là. Rappelons-nous, là, pourquoi, dans les années 90, on a municipalisé les services de transport collectif. C'est parce que c'était rendu n'importe quoi puis ça coûtait des... Il y avait des coupures de services, il y avait une augmentation des prix sans bon sens pour les usagers du transport collectif. Regardez comment ça va mal actuellement dans le transport interurbain, c'est exactement ça. C'est des services privés qui sont offerts et malheureusement, bien, on a des services qui diminuent et des prix qui augmentent de façon éhontée. Donc, déjà un premier risque.

D'autre... L'autre risque qu'on voit, là, puis on a... c'est vraiment une réaction à chaud, on n'a pas regardé dans le détail chacun des projets de loi, mais, au niveau de la composition des... du conseil d'administration de Mobilité Infra Québec, on voit là-dessus qu'il y a neuf sièges qui sont réservés, d'abord à... au P.D.G., au directeur général puis au sous-ministre des Transports. Jusque là, tout va bien. Mais les six autres postes sur le conseil d'administration peuvent être donnés à n'importe quel entrepreneur qui travaille dans le milieu privé et qui pourra représenter son secteur d'activité économique. Il y a une expertise intéressante là-dedans, là, mais on peut quand même se poser la question : Cette personne-là, elle représente qui? Est-ce qu'elle représente les citoyens et les citoyennes du Québec, est-ce qu'elle représente les usagers qui utilisent le transport collectif ou elle représente son industrie? Moi, ça me pose beaucoup de questions, quand même. Et on aura évidemment ces jases-là avec la ministre.

Donc, moi, je pense que, de la façon qu'on regarde le projet... les deux projets de loi, il risque d'y avoir, s'il n'y a pas des balises assez claires qui sont mises à l'intérieur de ces deux projets là, il risque d'y avoir une... une privatisation assez forte des transports collectifs au Québec. Et ça, ça se fera malheureusement au détriment des citoyens et citoyennes du Québec, qui pourraient avoir à payer plus cher ultimement pour des transports collectifs.

Maintenant, un point sur la collaboration avec les villes. Ça, c'est un point qui nous apparaît important. Rappelons-nous que les villes ont la compétence de l'occupation de leur territoire, c'est elles qui décident de l'aménagement de leur territoire. Là, ce qu'on voit, c'est que, d'une part, Mobilité Infra Québec sera tenue de consulter les municipalités, les instances régionales sur l'aménagement du territoire, mais ne sera pas tenue de collaborer ou de se conformer aux schémas d'aménagement, par exemple, qui pourraient exister dans une municipalité ou au Plan métropolitain d'aménagement et de développement d'un... d'une communauté métropolitaine. Donc, consultations, mais après ça, on peut faire passer n'importe quel projet n'importe où, avec des risques de créer des nouveaux quartiers qui n'étaient pas prévus dans l'aménagement des municipalités ou des communautés... des communautés métropolitaines. Il y a un risque là d'imposition, de façon très verticale, très autoritaire, d'une... d'un aménagement du territoire, à travers l'imposition, finalement, de projets de transport collectif sur des axes qui ne feraient peut-être pas l'affaire des municipalités.

L'autre chose, c'est que, la ministre, je l'écoutais parler pendant sa conférence de presse, puis elle disait qu'elle se... elle avait... elle se donnait le pouvoir d'imposer un cadre financier aux municipalités. Je trouve ça particulièrement inquiétant. Il y a des règles qui existent depuis des années sur le financement des projets de transport collectif, et malheureusement, on dirait que la ministre veut se donner la marge de manœuvre pour être capable de changer ces règles-là et de les imposer. Je pense que les municipalités sont déjà assez accotées au niveau financier, on n'a pas à ajouter indûment, là, des contributions, finalement, à des projets de transport collectif sur lesquels, en plus, elles n'auraient pas beaucoup de pouvoir. Donc, je trouve ça tout à fait important de le souligner.

Reste aussi un enjeu important. On a donc deux projets de loi qui visent à accélérer la réalisation et la livraison de projets de transport collectif, avec tous les... toutes les mises en garde, en fait, ou tous les éléments qui nous semblent pour l'instant inquiétants, mais ça ne règle rien non plus sur les services de transport collectif existants, actuellement. Oui, c'est bien beau, puis on en veut, des nouveaux projets de transport collectif, mais il faut être capables de faire rouler ce matériel roulant là, il faut être capables d'avoir des chauffeurs, des chauffeuses qui les font avancer, et donc il faut avoir...

Comme je le disais, à travers ça, on a des réponses aux 622 millions de dollars de déficit anticipé actuellement dans les sociétés de transport du Québec. Ce qu'on a vu de... Ce qui a été déposé aujourd'hui n'est absolument pas une réponse à cet enjeu crucial là, qui risque de nous amener vers soit des coupures de services soit des augmentations de tarifs importantes. Je prends le temps de le rappeler parce que c'est deux enjeux très séparés. Il ne faut juste pas oublier que l'enjeu du financement des services, au Québec, en transport en commun, n'est absolument pas réglé par cette proposition-là.

Donc, nous, l'analyse qu'on va en faire à chaud, c'est celle-là. On va évidemment collaborer avec le gouvernement pour s'assurer que les projets de transport collectif se fassent dans une orientation, dans une perspective de bien commun, c'est-à-dire qu'on va augmenter l'offre de service de transport collectif pour les citoyens et les citoyennes du Québec, s'assurer qu'ils aient les bons projets pour se déplacer, pour continuer d'aller au travail le matin, continuer d'aller à l'école, continuer d'aller porter les enfants à la garderie. C'est un enjeu important, les transports collectifs, c'est la clé de voûte de notre lutte aux changements climatiques, et évidemment, on va continuer de suivre ça avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'attention. Merci beaucoup.

(Fin à 14 h 19)

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