(Douze heures une minute)
M. Derraji : Bonjour, tout le
monde. Écoutez, je suis très déçu de la décision des élus de la CAQ qui ont
voté aujourd'hui contre une décision qui fait unanimité... l'unanimité de la
science, l'Institut national de santé publique, la Santé publique, CAA Québec,
le coroner, tous sont d'accord, y compris l'opinion publique. Je l'ai mentionné
à plusieurs reprises, le sondage de la coop de l'information disait que presque
60 % des Québécois appuient la baisse des mesures de 0,08 à 0,05. Donc,
encore une fois, j'essaie de trouver les moments... les mots, les mots pour
dire pourquoi la CAQ a voté contre. Mais j'exprime une déception extrême de la
décision du gouvernement de la Coalition avenir Québec par rapport à cet enjeu
de l'alcool au volant.
Journaliste : M. Derraji,
vous avez dit au Salon bleu que vous alliez continuer le combat avec le projet
de loi n° 48, mais là le lit du gouvernement est fait. Donc, vous n'avez pas l'impression
que vous êtes en train de vous battre un petit peu dans le vide?
M. Derraji : Au niveau de l'opposition,
les seuls éléments que nous avons entre nos mains, c'est continuer à faire le
travail en commission parlementaire. Nous l'avons démontré à plusieurs reprises
que le gouvernement peut reculer. Pour un gouvernement qui a reculé sur le
troisième lien, j'espère, j'espère qu'un jour ils vont reculer aussi sur le
0,08 et aller vers le 0,05. Donc, on va continuer la bataille. Je vous informe
que l'amendement de Jessica sera déposé une fois l'étude détaillée commencera.
On va mener la bataille au nom de ses parents endeuillés et je l'ai mentionné
que le combat de ces personnes endeuillées va continuer à l'intérieur de ce
Parlement.
Donc, nous avons une fenêtre extrême. Ce n'est
pas Mme la ministre qui gère l'agenda de son projet de loi. L'opposition a le
droit de poser des questions. Nous avons le droit d'utiliser d'autres outils
parlementaires. On va les utiliser au maximum pour faire raisonner Mme la
vice-première ministre. Aujourd'hui, ils n'avaient aucun argument solide pour
appuyer sa décision. Et je cherche encore quel est le groupe ou quel est ce
lobby qui appuie Mme la ministre, et je les invite à sortir publiquement avec
les arguments.
Donc, je lance le message suivant à M.
François Legault et à la vice-première ministre, qu'ils nous sortent un seul
groupe qui les appuient et qu'ils nous sortent un seul sondage qui dit le
contraire. Donc, aujourd'hui, c'est de l'entêtement. Et je tiens à mentionner
une seule chose, la réserve de courage politique est à sec chez les caquistes
et je pense qu'ils ont besoin d'un peu plus de courage politique parce qu'ils
vont trouver les trois ans qui leur restent au pouvoir très longues.
Journaliste : C'est quoi, la
réelle raison, selon vous, là, de la CAQ, M. Derraji? Est-ce que... tu sais,
on a parlé de l'électorat régional, le lobby des restaurateurs. Il y a quand
même quelques hypothèses possibles pour expliquer leur position, là. Laquelle
vous entrevoyez la plus?
M. Derraji : Aucune, parce qu'il
n'y a aucun argument qui tient la route. Prenons le cas des régions.
Saskatchewan, Manitoba, l'Alberta, Nouveau-Brunswick, l'Ontario, ce sont des
régions canadiennes aussi. Ils sont tous au 0,05, même 0,04. Attention! On est
comme le Yukon, 0,08. Les restaurateurs, écoutez, quand j'ai le ministre de l'Économie,
le ministre de l'Économie n'est pas d'accord avec Geneviève Guilbault. Le
ministre de l'Économie vient de mentionner qu'il y a... c'est vous, ça a été
rapporté dans les médias, que le 0,05 ne va pas nuire aux commerces. Donc, j'aimerais
bien... J'invite Mme la vice-première ministre et à... et François Legault de
nous dévoiler qui les appuie dans cette décision. Pour un gouvernement qui se
dit toujours à l'écoute, je leur lance ce défi : Qui appuie le
gouvernement Legault aujourd'hui dans cette décision?
Journaliste : Quand vous
dites qu'il y a consensus... S'il y avait un réel consensus social, ils
n'auraient pas besoin de courage politique, là. Si ça leur prend du courage
politique, c'est parce que ça va à l'encontre de quelqu'un, de quelque chose.
M. Derraji : Gouverner, c'est
choisir. Ils ont fait leur camp, ils ont choisi leur camp. 60 %, c'est
quand même une bonne majorité. Donc, est-ce que leur calcul se base sur les
autres 40 %? Peut-être. Mais, quand j'ai toutes les études scientifiques
sur la table qui disent que c'est bénéfique pour la société, c'est bénéfique
pour la sécurité routière et ça fait baisser le nombre d'accidents mortels,
c'est de l'entêtement, c'est le manque de courage politique et c'est la réserve
de courage qui est à sec chez M. François Legault.
Journaliste : M. Derraji,
votre propre parti ne l'a pas fait en 2010, à la suite du dépôt d'un projet de
loi par Mme Boulet, en 2017 non plus. Sachant que ça ne se fera probablement
pas sous le gouvernement actuel, est-ce que le Parti libéral peut s'engager à
mettre ça dans son programme politique et que ça se retrouve dans la prochaine
plateforme électorale? Pouvez-vous amener ça au prochain conseil général,
prochain congrès?
M. Derraji : Avant de se
rendre à la prochaine campagne électorale, on va continuer le combat à
l'intérieur du projet de loi n° 48.
Journaliste : Ça, je le
comprends, mais vous savez que les chances que ça se réalise sont minces, voire
nulles? Donc, votre parti va-t-il l'écrire noir sur blanc dans son programme?
M. Derraji : Je m'engage à
mener le combat, comme je m'engage à déposer un projet de loi dans ce sens, si
le gouvernement ne donne pas suite à l'amendement Jessica. Ça va être le cas,
et on va mener le combat à l'intérieur du parti.
Journaliste : ...totalement
dans votre parti?
M. Derraji : Non, au
contraire, le caucus... tout le caucus était d'accord.
Journaliste : Non, non, non,
ce n'est pas ça que vous avez dit, là. Vous venez de dire : Je m'engage à
mener le combat dans mon parti. Donc, ça veut dire qu'il y a de vos membres qui
ne sont pas d'accord.
M. Derraji : Non, non, mais
amener le combat dans le sens où je vais le ramener, je vais le ramener, je
vais le présenter. Les gens suivent. Je reçois beaucoup d'appuis de la part des
membres du parti, au contraire. J'ai l'appui total, que ça soit de l'aile
parlementaire ou les membres du parti.
Journaliste : Oui, mais,
c'est ça, c'est que, si ce n'est pas écrit nulle part, il n'y a pas plus
d'engagement formel. Donc, est-ce que vous vous engagez à ce que ça vienne sur
le plancher dans un congrès ou un conseil général d'ici 2026 chez vous?
M. Derraji : Bien, je
m'engage à faire les représentations nécessaires. Vous comprenez qu'à
l'intérieur du Parlement, mon rôle, c'est l'aile parlementaire, c'est changer
les lois. Écoutez, au niveau du parti, je vais suivre les procédures à
l'interne pour faire cheminer. Si c'est pour aller chercher plus de poids,
pourquoi pas? On va aller chercher plus de poids.
Journaliste : Est-ce que vous
avez l'impression que la position du Parti québécois, là, qui a été prise
aujourd'hui, elle témoigne du courage nécessaire pour aller de l'avant avec de
nouvelles sanctions plus sévères pour l'alcool au volant?
M. Derraji : Je tiens à
remercier sincèrement le Parti québécois. Hier, vous avez vu le chef du Parti
québécois, il a dit : Écoutez, ça ne faisait pas partie de nos discussions
ni de notre plateforme. Mais je salue le courage parce qu'ils ont pris le temps
nécessaire. Et permettez-moi de vous partager une discussion en privé que j'ai
eue avec le chef du Parti québécois dans le corridor, il m'a dit : Monsef,
on va analyser les études, on va prendre le temps et on va prendre notre
décision. Ça a été l'échange que j'ai eu avec M. le chef du Parti québécois.
Et aujourd'hui je tiens à remercier le
Parti québécois et Québec solidaire qui ont appuyé la motion du Parti libéral.
Et ça confirme encore une fois que la CAQ est isolée dans cet enjeu. Ils sont
isolés. Je le mentionne encore une fois, je pense que la réserve du courage
politique de M. François Legault est à sec.
Journaliste : Qu'est-ce que
c'est, le potentiel de mobilisation sur ce sujet-là à l'étape de l'étude
détaillée du projet de loi?
M. Derraji : Nous sommes en
train de réfléchir à une procédure d'impliquer l'opinion publique dans cet
enjeu. Nous sommes en train d'évaluer de faire sortir l'enjeu de l'Assemblée
nationale, d'aller chercher plus d'appuis populaires. Et c'est sûr que ça va
être une pression énorme sur Mme la vice-première ministre. Je vous ai dit, ce
n'est pas elle qui contrôle l'agenda de l'échange sur un projet de loi. Oublier
de parler de l'alcool au volant dans un projet de loi sur la sécurité routière,
c'est énorme quand même. Donc, quand CAA Québec lui dit que c'est un fléau et
elle a refusé carrément d'en parler dans son projet de loi, on va la faire
raisonner, on va utiliser notre temps adéquatement pour la faire raisonner et
reculer sur sa décision.
Journaliste : Mais vous avez
dit tout à l'heure... Donc, vous dites : Le gouvernement est isolé, mais
vous avez mis le gouvernement au défi de faire sortir des gens qui les... qui
les appuient. Est-ce que vous avez l'impression que... quoi, qu'il y a des
interventions occultes sur ce sujet-là auprès du gouvernement?
M. Derraji : Il y a quelque
chose qui se passe. Le gouvernement en général est très intelligent, parce
qu'ils ont beaucoup de sondages. Moi, je m'explique cet entêtement, c'est qu'il
y a une pression d'un lobby que je ne connais pas, mais je les invite à
déclarer cartes sur table pourquoi ils refusent,
et qu'ils prennent leurs responsabilités parce que, si un lobby
aujourd'hui prend la responsabilité d'appuyer la décision du gouvernement, je
les invite à être responsables sur les accidents de route parce qu'ils sont
responsables. Le but, c'est sauver des vies, pas écouter un lobby. Et, si ce
lobby a des arguments, je les invite à les sortir sur la place publique. Je ne
veux pas que le gouvernement se cache et dire... Ils n'ont plus d'argument. Mme
la vice-première ministre aujourd'hui, en me répondant, elle a mis un article
de 2017. Elle n'avait aucun argument. La science évolue. On est en 2024, mais
pas en 2017. On n'est pas en 2012. Donc, je formule le vœu que ce groupe ou ce
lobby, qu'il s'exprime publiquement, qu'il prenne le micro et qu'il le dise
ouvertement pourquoi il appuie la décision du gouvernement de rester à 0,08.
Journaliste : Est-ce que vous
avez l'impression que, sur ce sujet-là, le gouvernement agit sous la pression
de groupes occultes?
M. Derraji : Peut-être. Je ne
les ai pas entendus. J'attends un communiqué de presse pour réagir. J'attends
des arguments parce qu'aucun argument ne tient la... ne tient pas la route. Ils
ont essayé l'argument des régions, ils ont oublié que le Canada aussi, c'est
des régions et parfois c'est des régions qui sont très éloignées. Il n'y a pas
de transport en commun. C'est un faux argument. Ils ont parlé des
restaurateurs. Écoutez, il y a des restaurants et des bars dans toutes les
provinces canadiennes. Avez-vous vu une vague de faillites dans ces
restaurants? Avez-vous vu une baisse des ventes d'alcool? Donc, j'attends
encore une fois des arguments solides de Mme la vice-première ministre. Elle
est isolée et elle commence très mal l'étude détaillée de son projet de loi, et
elle commence très mal son plan pour protéger les vies, ce plan... et ce projet
de loi émane d'un plan, il veut améliorer la sécurité routière. Malheureusement,
ce n'est pas le cas parce qu'il a oublié un élément très important qui est
l'alcool au volant.
Journaliste : Merci.
M. Derraji : Merci à vous.
(Fin à 12 h 12
)