(Neuf heures quarante-deux minutes)
M. Legault : Quand j'ai fondé
la CAQ, j'ai été clair avec tout le monde qui s'était impliqué depuis le jour 1
que, pour moi, il y a une valeur qui est fondamentale, c'est non négociable, c'est
l'intégrité. Puis, bien, il faut se rappeler un petit peu de l'histoire des
dernières années au Québec. On a eu la commission Charbonneau, on a eu des
décisions, qui ont été prises à l'unanimité, de dire : On va avoir la
majorité du financement des partis politiques qui va être du financement public,
et on a réduit de façon importante la partie du financement privé.
Rappelons-nous, ça a déjà été 3 000 $
maximum par personne. Ça a été ensuite 1 000 $ par personne, maximum,
puis on a décidé de réduire ça à 100 $ seulement par personne, maximum.
Par contre, je me rends bien compte qu'il y a des doutes encore chez plusieurs
personnes sur ce financement privé.
Donc, comme premier ministre puis comme
gouvernement, on prend toutes sortes de décisions, puis c'est normal que les
citoyens ne soient pas toujours d'accord avec nos décisions, mais, moi, il y a
une chose que je ne suis pas capable d'accepter, c'est qu'on remette en
question mon intégrité, l'intégrité de mon parti, de nos députés, de notre
gouvernement. Pour moi, là, c'est ce qu'il y a de plus précieux, l'intégrité.
Donc, je vous annonce qu'à partir de
maintenant la CAQ va renoncer au financement privé. Donc, tant qu'il n'y aura
pas d'entente avec les autres partis puis avec le Directeur général des
élections, bien, il ne va plus y avoir de dons politiques à la CAQ. Et j'ai
demandé d'abord au ministre responsable des Institutions démocratiques,
Jean-François Roberge, d'entrer en contact avec les autres partis politiques
pour essayer de trouver des solutions à ce problème qui est mauvais, en fait,
pour toute la classe politique. Mais, d'ici à ce qu'on trouve peut-être des
solutions, bien, la CAQ va renoncer aux dons politiques, donc va renoncer à
beaucoup d'argent, mais on va se débrouiller avec la partie du financement qui
est publique.
Mon intégrité, l'intégrité de nos députés,
de notre gouvernement, de notre parti, c'est ce qu'il y a de plus important, ça
n'a pas de prix. Et donc c'est une décision qui est peut-être nouvelle, je
dirais, parce que, je pense, c'est la première fois ça se fait. D'ailleurs, ça
va peut-être prendre quelque temps, là, j'espère le moins de temps possible,
pour qu'on s'entende avec le Directeur général des élections. J'ai demandé à
notre directrice générale de la CAQ, donc, d'entrer en contact avec le DGEQ,
parce qu'on continue de recevoir des dons politiques. Donc, on va arrêter de
recevoir ces dons politiques, là, puis on va trouver une façon d'y arriver avec
le Directeur général des élections.
Journaliste : Mais, M.
Legault, c'est parce qu'en même temps vous êtes le parti au pouvoir, vous êtes
donc celui qui a eu le plus de votes et donc c'est vous qui recevez le plus de
financement de l'État. Alors, peut-être que, pour un parti au pouvoir, c'est
facile de dire : On arrête les contributions privées, mais, pour tous les
autres partis émergents... Là, vous le savez, que vous décochez un coup aux
autres partis, vous le savez, là?
M. Legault : Bien, écoutez,
d'abord, si je regarde le financement privé, c'est à peu près 1 million par
année, pour la CAQ, donc on renonce à 1 million par année, donc ce n'est quand
même pas rien. Puis je pense que, écoutez, c'est trop important pour moi,
l'intégrité, donc on renonce à cette partie-là. Il faut...
Journaliste : ...4 millions
de l'État, il me semble, de mémoire, quand même.
M. Legault : Oui, mais vous
le savez, quand même, que les quatre autres partis politiques reçoivent aussi
des montants importants de financement public.
Journaliste : Mais votre
objectif, est-ce que c'est de mettre un terme au financement public? Ce qui
ferait en sorte que ce serait impossible de retourner comme en 2011, quand vous
avez créé la CAQ, là, vous n'auriez pas de financement.
M. Legault : Oui. Je pense
qu'il faut se pencher là-dessus, ça doit faire partie des discussions avec les
autres partis politiques : est-ce qu'il doit y avoir des exceptions pour
les nouveaux partis politiques, comment ça devrait fonctionner. C'est sûr, là,
que, quand il y a un nouveau parti politique, c'est important d'aller chercher
du financement. Donc, est-ce qu'on peut avoir des exceptions, donc, ça fait
partie des discussions, mais je pense que c'est possible de trouver des
solutions.
Journaliste : Demandez-vous
aux autres partis politiques de faire de même ou c'est seulement la CAQ,
puisqu'elle forme le gouvernement, qui renonce aux dons privés?
M. Legault : On demande, on
demande aux autres partis politiques de faire la même chose.
Journaliste : Quand vous avez
lancé la CAQ, en 2012, auriez... est-ce que... Vous êtes fondateur d'un parti.
Quand vous l'avez lancé, votre parti, est-ce que vous auriez pu vous passer de
contributions privées?
M. Legault : Bien, il faut
être capable, pour un nouveau parti politique, comme on l'a fait... d'être
capable d'aller chercher des dons politiques, mais, bon, est-ce que ça peut se
faire à partir d'une liste de signatures puis est-ce que la partie publique
devrait être mise à contribution, c'est des choses que je veux discuter.
Mais ce qui est important pour moi, là,
c'est de dire : On fait... Moi, je propose qu'on fasse un pas de plus.
Vous savez, René Lévesque a été celui qui a commencé à assainir les finances
publiques. Le dernier qui a déposé un projet de loi important, c'est Bernard
Drainville, pour réduire le financement privé à 100 $ par personne. Bien,
moi, je pense qu'on devrait aller une étape plus loin puis dire : Pour les
partis politiques existants, là, ça devrait être financement public seulement.
Journaliste : ...en ce
moment, c'est le PQ qui reçoit le plus de dons, en ce moment, alors vous
attaquez indirectement...
M. Legault : Oui, mais, quand
vous regardez les résultats des dernières élections, il reste que, quand même,
les... un, deux, trois, quatre, cinq partis politiques, là, reçoivent pas mal
d'argent public.
Journaliste
: ...
M. Legault : Pardon?
Journaliste : ...si
l'enjeu... Pourquoi adopter une telle mesure si l'enjeu, c'est bien davantage
l'accès aux ministres?
M. Legault : Ah! écoutez, il
y a toutes sortes de questions, là, que des journalistes, que les oppositions
soulèvent, là : Qu'est-ce qui arrive avec les maires, qu'est-ce qui arrive
avec des entrepreneurs? Bon. J'ai 30 ministres, donc ils... on fait quoi dans
ces 30 comtés là? Donc, je pense, je pense que c'est beaucoup plus fondamental
que de dire : Juste les ministres. Même un député qui demande à ses maires
de... il y a des apparences. Moi, je pense que les règles, à la CAQ, depuis sa
fondation, ont toujours été respectées, les lois ont toujours été respectées,
mais il y a une perception, il y a des doutes actuellement, puis je pense que
c'est plus que de juste parler des ministres.
Journaliste : Mais, avant
même cette controverse, le DGE a proposé, pas plus tard que l'automne dernier,
d'encadrer la participation des ministres aux cocktails de financement.
Pourquoi votre proposition ne serait pas celle d'encadrer la présence des
ministres ou voire de l'interdire, la présence des ministres, aux cocktails de
financement?
M. Legault : Bien, je pense
que c'est plus profond que ça, le problème.
Journaliste : Mais à quel
problème vous voulez vous attaquer en renonçant à ce financement populaire là?
M. Legault : Bien, c'est
qu'un parti politique qui reçoit des dons privés, bien, il peut y avoir une
apparence qu'on se sent obligé de plus écouter ces personnes-là.
Journaliste : ...quand vous
étiez à la troisième opposition, auriez-vous trouvé que c'était... ça serait
équitable, ce type de proposition que vous faites, là?
M. Legault : Je pense que
oui, je pense que oui.
Journaliste : Donc, d'avoir
moins de financement que le parti au pouvoir, ça vous aurait... vous auriez été
d'accord avec ça?
M. Legault : Oui. Oui. Puis
c'est la même chose à l'Assemblée nationale pour les budgets de recherche, puis
tout ça.
Journaliste : Avez-vous un
avis juridique? Puisque certaines personnes disent que d'interdire les dons,
c'est limiter la liberté d'expression. Est-ce que vous avez...
M. Legault : Bien, c'est pour
ça qu'il y a la partie juridique, mais il y a la légitimité aussi, là. Je ne
pense pas que, même si on est majoritaires, on pourrait tout seuls, la CAQ,
changer la loi, là. Je pense qu'il doit y avoir un accord des autres partis
aussi.
Journaliste : Mais, M.
Legault, est-ce que les règles... vous proposez la même chose même en période
électorale? Parce qu'en période électorale il y a des règles différentes sur le
financement, là. Alors, est-ce qu'en période électorale il y aurait des
exceptions? Est-ce qu'on pourrait aller faire du financement en période
électorale?
M. Legault : Bien, les mêmes
questions se posent. En période électorale, la personne qui est le chef qui est
en avance dans les sondages, il est vu comme le prochain premier ministre.
Donc, les mêmes questions puis les mêmes doutes se posent.
Journaliste : En quoi est-ce
que fonder le financement des partis politiques uniquement selon les résultats
électoraux, c'est plus juste?
M. Legault : Bien, moi, je
pense que c'est un choix qu'on a fait graduellement au Québec, que la portion
publique soit de plus en plus grande. Est-ce que, par exemple, pour les
nouveaux partis politiques, il pourrait y avoir des nouvelles règles? On est
ouverts à ça puis on doit en discuter. Mais je pense que le financement privé,
de dire : Il y a des individus qui viennent donner de l'argent à des
partis politiques, même si c'est juste pour nous encourager, il peut... il y
aura toujours un doute sur les intentions.
Journaliste : ...M. Legault,
la question du financement politique, est-ce que c'est la rentrée que vous
souhaitiez avoir?
M. Legault : Bien, écoutez,
justement, moi, ce que je veux, c'est qu'on se concentre sur nos
priorités : la santé, l'éducation, l'économie, l'environnement, le
français. Donc, ce que je vois quand je lis vos articles, c'est qu'on n'est pas
sur les vraies priorités des Québécois, pas juste mes priorités, les priorités
des Québécois.
Journaliste : M. Legault,
vous annoncez quand même une réforme importante. Vous dites : Ah! les
dons, ça peut donner l'impression d'un conflit d'intérêts. Est-ce que vous avez
eu cette réflexion-là avant toutes les histoires de cocktails de financement ou
c'est une solution qui vous est apparue dans la foulée de ces...
M. Legault : Oui, bien,
écoutez, ça fait un certain temps que j'y réfléchis. On en a discuté longuement
en caucus hier. Donc, on est quand même 89 députés. Il y a... Il y a des
députés qui ne l'ont pas trouvé drôle, là, ce qu'ils ont vécu dans les derniers
jours. Donc, je pense que c'est une réflexion de l'ensemble des députés de la
CAQ.
Le Modérateur : On va passer
en anglais...
Journaliste : ...
M. Legault : Non, non, c'est
quelque chose qu'on discute depuis longtemps. Puis, je dirais même, il y a
comme une tendance au Québec d'aller de plus en plus vers le financement
public, de compléter l'oeuvre de René Lévesque, finalement.
Journaliste :
…are you not going too far this
morning? Because you're basically announcing that you will not receive anymore
individual donations, but you're responding to your own MNAs that have been...
they had awkward invitations, they didn't use the right words.
M. Legault :
OK. So, first, I want to be very clear,
my MNAs didn't do anything wrong, all right, but it... the perception, it's the
way people see that. They think that, because a minister is at a cocktail… that
there's expectations to give a contract in exchange. It never happened, but
it's important, the image of integrity, at least for me.
Journaliste :
But some people would argue that it's
the democratic right of citizens to give money to a political party that they
believe in. You do not... You don't think you're obstructing their rights?
M. Legault :
Yes, but look at what's happening in
United States. You're talking about hundreds of millions of dollars. People,
they don't have much faith in politicians in United States. Here, in Québec, we
decided to decrease from $3,000 maximum to $1,000, to $100, but, even at $100,
you can read like me what can be... what is said in medias. People have some
doubts. And I think it's important. It's important for me because politic is
tough, I make decisions that are not always supported by all the population, but
one thing I cannot accepted is that we put in question my integrity. Shit!
Journaliste :
Does this mean no more cocktails, no
more... parties?
M. Legault :
I want our ministers to meet with the
mayors, to meet with the population. I think it's important to continue
meeting, but not in exchange… or not asking for any money.
Journaliste :
The opposition parties are basically
saying that they don't want...
Journaliste : ...le répéter en français?
Journaliste :
...they don't want this review of the
law, they don't want to change the law, they don't want individual donations to
stop.
M. Legault :
Yes.
Journaliste :
So, what are you going to do?
M. Legault :
I'll say : CAQ is stopping right now.
So, the other ones, they may decide that they want to keep on having private donations.
It's their decision. I would prefer that we have all the same rules, but, if
they don't want to change the rules, I'll change the rules.
Journaliste
: …
M. Legault : O.K. En français.
Journaliste : ...les
cocktails.
M. Legault : Bien, écoutez,
moi, je trouve, c'est une très bonne chose que les ministres se promènent dans
les différentes régions du Québec, rencontrent, dans des déjeuners, des dîners,
des soupers, des rencontres de toutes sortes, des maires, des citoyens, des
représentants des différents secteurs de notre société, je trouve, c'est
important, mais on peut très bien faire ça sans demander de dons politiques.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
M. Legault : Merci, tout le
monde. Merci, tout le monde.
(Fin à 9 h 57)