(Onze heures vingt-six minutes)
M. Leduc : Bonjour, tout le
monde. Je réagis aujourd'hui en lieu et place de mon collègue Vincent Marissal,
toujours en rémission, sur le dossier de l'éthique, on a reçu, au début de la
période des questions, le rapport de la commissaire à l'éthique sur Mme
Duranceau, la ministre de l'Habitation, qui la blâme, qui ne donne pas de
sanction, mais qui la blâme par rapport à la fameuse rencontre qu'elle avait
eue avec une de ses amies en lien avec un dossier, une maison des aînés, elle
avait facilité une rencontre avec la ministre des Aînés.
J'ai ici, donc, une liste de tous les
rapports d'enquête concernant des ministres de la CAQ depuis leur arrivée au
pouvoir en 2018. Je ne les ai pas comptés, ça doit pas mal être une dizaine.
Certains d'entre eux, notamment ceux avec M. Fitzgibbon, font l'objet d'un
blâme aussi, pas tous, bien sûr, mais ça démontre à quel point l'éthique, c'est
un peu... ce n'est pas leur point fort, on va le dire comme ça, à la CAQ.
C'est drôle parce qu'aujourd'hui même, à
la période des questions, M. Legault nous accusait, Québec solidaire et mon
co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, d'être à la solde des lobbys des
syndicats à cause de la grève des profs, à cause de la grève du secteur public.
Mais là ce qu'on montre, c'est qu'il y a une trop grande proximité ici, là,
entre la ministre de l'Habitation et le milieu des courtiers immobiliers. Puis
c'est dommage parce qu'on le voit dans le cadre du projet de loi n° 31, on voit
que ce n'est pas un projet de loi qui a été construit avec les groupes
communautaires, les associations de locataires, on voit que c'est un projet de loi
qui manque des grands morceaux pour régler la crise du logement.
Puis là c'est intéressant parce qu'on
vient de suspendre le projet de loi n° 31 pour se concentrer sur celui des
municipalités. Donc, il y a encore un peu de temps pour essayer d'aller convaincre,
peut-être, la ministre, qui vient de tirer vraiment, là, la dernière... qui
vient de donner un dernier coup de hache dans la question de la cession de
bail. Il reste quand même d'autres dossiers. Il reste le registre des loyers
qu'on veut aborder avec elle. Il reste surtout la question des locataires
aînés, là. Ça, je pense qu'on a une chance de la convaincre et de convaincre la
CAQ.
Ça fait que ce que je veux, moi, envoyer
comme message à Mme Duranceau puis à la CAQ, c'est : Écoutez-nous, élargissez
vos horizons, écoutez les groupes communautaires, sortez de vos cercles plus
personnels, du milieu des courtiers, courtières immobilières. Il faut aller
voir sur le terrain ce que les gens disent. Ce n'est pas un mal en soi, hein,
d'être une ancienne courtière immobilière, d'avoir des amis dans le milieu, ce
n'est pas un mal en soi, c'est juste qu'il faut élargir ses horizons. On est la
ministre de tout le monde, pas juste d'un secteur. Il faut qu'elle le démontre.
Elle a... Il lui reste une occasion de le faire la semaine prochaine, lorsqu'on
retournera à l'étude détaillée du projet de loi n° 31.
Journaliste : Est-ce que vous
estimez qu'un rapport comme celui-là, sans sanction, ça manque un petit peu de
mordant?
M. Leduc : La commissaire à
l'éthique réclame en ce moment, hein, d'avoir un petit peu plus de... comment
je dirais ça, un plus grand éventail d'interventions. Pas plus tard qu'hier, on
discutait, au salon bleu, là, de son rapport qui datait de 2019, d'ailleurs.
Nous, on est en faveur de pouvoir donner un peu plus de registre, à la
ministre, de sanctions. Elle le sait bien... La ministre... La commissaire,
pardon. Elle sait bien, la commissaire, qu'une sanction, c'est comme un peu
l'espèce d'arme nucléaire que tu dois utiliser avec parcimonie, qui, de toute
façon, doit être ratifiée par la Chambre. Alors, c'est toujours un peu délicat,
bien sûr, quand on blâme un ministre du gouvernement à ce que les autres gens
de son parti vont voter pour le blâme et la sanction. Donc, elle revendiquait
une plus grande... une plus grande variation, des nuances dans ses
interventions. On était d'accord avec ça.
Journaliste : Est-ce que la
ministre peut plaider la naïveté? Je vais mettre entre guillemets. Elle dit...
Elle dit : C'est un réflexe de mon époque où j'étais aux affaires de
rencontrer quelqu'un comme ça, je n'avais pas réalisé, disons, le conflit
d'intérêts dans lequel je me plaçais. Est-ce qu'on peut plaider que, bien,
écoutez, je venais d'arriver puis, dans le fond, je n'avais pas réalisé ce que
je faisais?
M. Leduc : Bien, c'est ce
qu'elle plaide elle-même, puis la commissaire l'entend, en tout cas, là, lui
dit : C'est normal quand on commence, tout ça. Puis, encore une fois, moi,
j'insiste, là, on a le droit de venir du milieu des affaires puis faire de la
politique puis on a le droit d'avoir des connaissances dans le milieu des
affaires. Ce n'est pas ça, en soi, le problème. Moi, je viens du milieu
syndical, j'ai des connaissances dans le milieu syndical. Ça ne fait pas de moi
un... une marionnette du milieu syndical, comme le laissait peut-être entendre
le premier ministre aujourd'hui. La question, c'est d'élargir ses horizons,
d'aller voir ailleurs, de faire des contacts et surtout de s'assurer, en
particulier quand on est ministre, qu'on a pouvoir, qu'on peut ouvrir des
portes que ce n'est pas toutes les personnes ici, dans ce parlement-là, peuvent
ouvrir, de garder la distance.
Journaliste : ...ce qu'elle
faisait, qu'elle se plaçait en conflit d'intérêts. Parce que là c'est ce
qu'elle dit. Elle dit : Dans le fond, je n'avais pas réalisé, un peu, ce
que je faisais. Est-ce qu'on peut prétendre à cette naïveté-là quand on est
ministre et qu'on a, si je me souviens bien, une formation aussi en éthique
quand on arrive comme député?
M. Leduc : Oui, la formation
devrait être obligatoire, elle devrait être pluriannuelle, là, revenir une fois
par année. C'est entre autres une des choses que la commissaire réclamait avec
laquelle on est d'accord.
Après ça, la ministre plaide ce truc-là,
puis c'est correct, c'est dans l'ordre des choses. Moi, ce que je veux surtout
qu'elle retienne comme message, Mme Duranceau, c'est qu'elle doit vraiment
travailler pour tout le monde. Elle ne peut pas que prendre sa source
d'information, sa source d'inspiration que de son ancien milieu des courtières
immobilières. Il faut qu'elle entende les groupes. Elle ne les entend pas
suffisamment. Ça transparaît dans son projet de loi n° 31. Ça transparaît dans
sa façon de ne pas accepter beaucoup d'amendements qu'on lui dépose. Et elle a
encore l'occasion de se corriger pour la suite des choses.
Journaliste : ...la question,
c'est un peu : Est-ce que vous la croyez quand elle donne cette excuse-là?
M. Leduc : Si je la crois...
Que je la croie ou que je ne la croie pas, honnêtement, ça ne change pas
grand-chose. Moi, je veux vraiment qu'il y ait des changements de fond dans ce
dossier-là, pour vrai, là. Tu sais, au-delà de la personne, on veut des
changements de fond dans la crise du logement. Mme Durançon ne s'est pas... Mme
Duranceau, pardon, ne s'est pas montrée à la hauteur de la situation jusqu'à ce
moment-ci sur le projet de loi n° 31. Ce n'est pas terminé. Il lui reste des
occasions de faire amende honorable sur le fond, le fond des choses, et c'est
ce que je souhaite.
Journaliste : Bien, je vous
entends, mais c'est un peu comme si vous disiez : Malgré l'enquête, malgré
le blâme, encore aujourd'hui, on sent qu'elle est à la solde des propriétaires
et de ses anciens amis, là. C'est un peu ce que vous suggérez à...
M. Leduc : La proximité
idéologique, elle est patente, entendez-moi bien. La proximité idéologique
entre ce qu'elle dit au salon bleu, les arguments qu'elle utilise, sa
désinvolture par rapport à la cession de bail, c'est hallucinant, là, c'est...
Je veux dire, on questionne sa compréhension de la réalité.
Quand Manon Massé disait, là : Je
l'ai vécu, moi, la cession de bail. Bien, moi aussi, dans ma vie personnelle,
j'ai fait ça, des cessions de bail. C'est un instrument important. Tu sais, ce
n'est pas ça... Quand elle dit : Ah, mais c'est parce que l'opposition dit
que ce n'est pas ça qui va régler la crise du logement. On le sait que ce n'est
pas ça qui va régler la crise du logement. Voyons donc! On le sait très bien.
C'est quand même un instrument important pour le pauvre monde qui, des fois, a
de la misère à arriver puis que la cession de bail, quand on connaît son
utilisation, quand on a eu le réflexe et/ou la chance de connaître un groupe
communautaire dans son quartier qui fait de l'aide au logement, bien, on en
bénéficie, puis ça garde, pour certaines personnes, la tête en dehors de l'eau.
Ça fait que sa désinvolture par rapport à ça, ça montre sa proximité
idéologique avec le milieu.
Journaliste : Maintenant que
cette bataille-là, disons, est perdue sur la cession de bail, pour vous, est-ce
que vous vous attendez à une hausse des prix des loyers importante dans les
prochaines années?
M. Leduc : Bien, la hausse
des prix des loyers, elle est là déjà. La cession...
Journaliste : ...permettait
de garder les prix, disons, stables.
M. Leduc : Écoutez, c'est
quoi la proportion... c'est quoi la portion des hausses de loyer qui était ou
pas reliée à la cession de bail? Je pense que personne ne serait capable de
vous mettre un chiffre exact sur ça. C'était, par contre, dans des cas
individuels, des cas de comté qu'on reçoit parfois au bureau, un instrument
important. Manon Massé l'a expliqué, elle n'aurait jamais été capable de
survivre économiquement si elle n'avait pas eu ça il y a quelques années, alors
qu'elle n'était pas députée avant, bien sûr. Donc, ça, ces histoires-là, je les
entends souvent. Est-ce que dans l'aspect macro de la chose, je peux vous
mettre un pourcentage du chiffre? Je ne serais pas capable de vous dire ça
aujourd'hui.
Journaliste : ...mais pour
ces cas-là, vous vous attendez à ce que, pour les gens qui ont réussi à garder
les prix assez bas, on fasse exploser le prix de ces loyers-là qui était
contrôlé...
M. Leduc : C'est certain,
c'est certain. Moi, des histoires d'horreur, j'en ai à la pelletée. Les
évictions, c'est un autre dossier. Aussi, quand un loyer est ouvert, c'est
terrible, là, les files d'attente. J'ai entendu des histoires où est-ce que des
citoyens de chez nous débarquent avec une bouteille d'alcool pour essayer
d'acheter de facto le proprio, puis signe-moi tout de suite, tout de suite. On
vous a soumis... il y a une histoire il y a quelques mois, de quelqu'un dans
Hochelaga-Maisonneuve qui était en train de signer son bail puis, en direct, le
proprio a dit : Oupelaïe! c'est rendu 200 $ plus cher parce que j'ai
des offres qui rentrent. Je veux dire, des histoires d'horreur comme ça, on en
a à la pelletée.
La Modératrice : Merci, tout
le monde.
M. Leduc : Aïe! Merci. Bonne
journée.
(Fin à 11 h 33)