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(Neuf heures vingt-deux minutes)
La Modératrice : Bonjour et
bienvenue à ce point presse, où prendront la parole, M. Haroun Bouazzi,
porte-parole de Québec solidaire en matière d'énergie; M. Pascal Paradis,
porte-parole du Parti québécois en matière d'énergie; et au nom des 190 signataires
de la centaine d'organisations également signataires du manifeste, Mme
Alice-Anne Simard de Nature Québec et M. Patrick Bonin de Greenpeace Québec. M.
Bouazzi.
M. Bouazzi : Bonjour, tout le
monde. En ce moment au Québec, on prend... on gère l'énergie derrière des
portes closes à coups de milliards pour des multinationales étrangères, sans
reddition de comptes. C'est très inquiétant. Il y a une centaine d'organisations
qui sont représentées, qui ont signé le manifeste qui va vous être présenté aujourd'hui.
L'énergie, c'est notre plus grosse richesse, le vent, même le gisement est une
richesse publique qui, aujourd'hui, est distribuée de manière à peu près non
démocratique, je dirais, à des compagnies privées. Une autre voie est possible,
et je pense... c'est ce qui va vous être présenté aujourd'hui par les personnes
qui défendent le Manifeste pour un avenir énergétique juste, viable... juste et
viable.
Un petit mot peut-être sur le fait que M.
Sabia va être aujourd'hui à l'Assemblée nationale. On va le questionner sur un
certain nombre de concepts qui se retrouvent d'ailleurs dans ce manifeste, la
question de la dénationalisation, la question de la décarbonation, les
objectifs de GES qui, aujourd'hui sont très, très manquants dans les projets qui
sont présentés par le ministre Fitzgibbon, les redditions de comptes,
évidemment, et les coûts et les tarifs d'électricité que vont payer, à terme,
les Québécoises et les Québécois devant tous ces milliards qui sont distribués
pour des multinationales étrangères. Voilà. Sans plus attendre, je laisse la
parole à M. Paradis.
M. Paradis : Merci. Quel
plaisir et quel honneur d'être ici aujourd'hui, avec des gens engagés, des gens
qui veulent discuter d'un des bijoux, en fait, les plus précieux de l'économie
québécoise, Hydro-Québec. Et la politique énergétique du Québec, c'est un des
éléments clés de notre avenir économique, mais aussi de l'atteinte de nos
objectifs de développement durable, c'est-à-dire comment on va faire, comme
Québécois, Québécoises, pour se positionner comme des leaders dans le
développement de nouvelles solutions innovantes pour qu'on soit plus efficace
en matière de consommation d'énergie et qu'on soit plus... mieux cadrés sur le
développement de nouvelles façons de produire de l'électricité si on en a
besoin, et quel est l'équilibre où on doit faire l'équilibre entre, justement,
l'efficacité énergétique et des nouvelles façons de produire l'électricité.
Quelle est la politique tarifaire aussi qu'on doit adopter au Québec? Comment
faire en sorte qu'elle soit équitable, qu'elle soit juste, notamment, pour les
populations les plus vulnérables du Québec? C'est un élément absolument
essentiel à notre développement économique, qui devient de plus en plus
complexe. Et mon collègue l'a dit, ça devient de plus en plus difficile de
savoir où se prennent les décisions et comment se prennent les décisions. Et c'est
pour ça que le Manifeste pour un avenir énergétique juste et viable insiste
pour que le débat se fasse sur la place publique, que nous ayons l'information,
qu'elle soit simplifiée pour que les Québécoises et les Québécois la
comprennent.
Et, justement, sans plus tarder, je laisse
la parole aux représentants de cette coalition qui est là pour nous aider à
faire de la clarté et à débattre efficacement de cette question-là. Merci.
Mme Simard (Alice-Anne) : Merci.
Alors donc, le manifeste, le voici. Ici, on est vraiment, là, pour porter la
voix collective, en fait, là, d'une centaine d'organisations, que ce soit
environnemental, syndical, communautaire, citoyenne aussi, la voix aussi de
70 scientifiques spécialistes et d'une vingtaine de personnalités
publiques. Et en fait ce qu'on... on est tous et toutes unis en faveur, là,
vraiment, d'un avenir énergétique viable et juste pour le Québec. Donc, on
forme un réseau vraiment étendu, pluriel, varié et on souhaite défendre des
valeurs, là, de bien commun, démocratie, transparence, justice sociale et
surtout de responsabilité envers les générations futures.
Le défi aujourd'hui pour le Québec, c'est
vraiment un défi d'envergure. L'énergie, ça joue un rôle central dans la
satisfaction, oui, des besoins essentiels, mais dans le fonctionnement même de
notre société, que ce soit pour éclairer nos maisons, nous transporter,
chauffer nos bâtiments, faire fonctionner nos industries, c'est vraiment une
composante fondamentale, là, de notre vie quotidienne.
Et en 2019, Hydro-Québec nous disait, bon,
qu'il ne savait pas quoi faire finalement avec ses surplus d'électricité.
Aujourd'hui, on est dans une situation tout à fait différente. Le
2 novembre dernier, Hydro-Québec a présenté un plan d'action qui prévoit
des investissements, là, de 185 milliards de dollars d'ici 2030 et
qui projette même de doubler la production d'électricité d'ici 2050. Et on est
tous et toutes d'accord, il faut décarboner le Québec, c'est essentiel,
remplacer les énergies fossiles, mais la façon dont les choses évoluent
présentement nous inquiète.
Et pendant ce temps, le gouvernement, là,
octroie des nouvelles capacités à des entreprises qui sont très énergivores à
des tarifs qui sont en dessous des coûts réels... Des nouveaux
approvisionnements finalement qui vont être nécessaires, là, pour honorer ces
contrats-là.
Donc, on se demande qui va payer au final
pour cette facture-là, où vont être produits et comment vont être produits ces
nouveaux mégawatts, qui va consommer toute cette énergie? Présentement, on a
juste des questions puis on n'a aucune réponse.
Alors, le gouvernement Legault va
présenter prochainement, dans les prochaines semaines, en fait, un projet de
loi sur l'encadrement des énergies propres, dont l'objectif est vraiment la
décarbonation. Puis évidemment, c'est important, cette décarbonation-là, mais
nous, ce qu'on voit, c'est des risques réels, des implications aussi réelles
sur le territoire, sur les populations et sur l'environnement en général.
Alors, pendant que ces décisions-là, qui
sont d'une grande importance, sont prises un peu plus derrière des portes
closes par une poignée d'individus, nous, ce qu'on dit, c'est que ça doit
émerger d'un débat démocratique, ça doit émerger d'un dialogue social. Il y a
vraiment un manque de transparence, un manque de dialogue en ce moment autour
de ces décisions importantes et ça va avoir des répercussions, là, immédiates
dans nos vies, mais surtout dans la façon dont le Québec de demain va être
façonné.
La Modératrice : M. Bonin.
M. Bonin (Patrick) : Patrick
Bonin, responsable de la campagne climat-énergie à Greenpeace Canada.
Aujourd'hui, ce qu'on met de l'avant, c'est un manifeste qui n'est pas une
vérité absolue, mais c'est plutôt une proposition pour lancer le débat qui doit
avoir lieu. Le manifeste soulève plusieurs questions et dessine surtout les
contours de l'avenir énergétique dont le Québec a besoin.
Pour nous, il est évident que le projet de
loi qui s'en vient avec l'encadrement des énergies propres qui sera déposé
prochainement, il faut qu'il repose sur plusieurs principes. Dans le manifeste
qu'on présente, on présente ces principes-là.
Premièrement, il faut que les actifs, la
production, le transport, la distribution de l'électricité renouvelable soient
entièrement publics, sous contrôle démocratique et soient utilisés dans le but
d'atteindre et même de dépasser les objectifs climatiques du Québec. Le
gouvernement doit mener pour ça un débat public sur l'avenir énergétique et ça
doit mener à une politique énergétique bien encadrée par un cadre législatif
qui doit respecter les aspirations qu'on a pour un Québec qui soit résilient,
décarboné et juste.
La politique qu'on doit avoir, évidemment,
ça prend une planification intégrée des ressources énergétiques, et ça, ça doit
inclure également une évaluation de l'offre, mais aussi des besoins
énergétiques présents, futurs et une analyse des impacts, qu'ils soient
sociaux, environnementaux et, évidemment, économiques.
L'héritage énergétique doit être préservé
actuellement au Québec ainsi que les institutions. Évidemment, on pense à
Hydro-Québec, à la Régie de l'énergie; on est très inquiets actuellement de
voir ce qui se passe. Il va falloir aussi qu'il y ait des mesures qui soient
mises en place, des mesures pour favoriser la réduction de la consommation
énergétique, donc la sobriété, mais il va falloir aussi des plans contraignants
pour une sortie graduelle mais surtout rapide des énergies fossiles pétrole,
gaz et charbon. Ces mesures-là doivent protéger également le territoire,
s'assurer qu'elles protègent les écosystèmes en général.
Il y a des mesures évidemment qu'il faut
mettre en place pour éviter que ce soient les plus vulnérables qui en fassent
les frais. Et pour nous, il est clair que ça nous prend des tarifs
d'électricité qui ne vont pas accentuer la précarité actuellement au Québec.
Une autre chose essentielle, c'est d'avoir
un plan de transition pour accompagner les travailleurs et les travailleuses
qui ne doivent pas faire les frais de cette transition-là. Toutes les décisions
actuellement cruciales qui sont en lien avec l'énergie, elles doivent être
prises avec la population du Québec, avec les populations locales et aussi avec
les peuples autochtones, qu'il faut absolument écouter et inclure dans le
processus décisionnel.
Aujourd'hui, on est déterminés à
intensifier la mobilisation pour s'assurer que le Québec adopte une véritable politique
énergétique d'avenir et fasse en sorte qu'elle respecte autant l'équité
actuelle, mais aussi l'équité intragénérationnelle. On appelle le gouvernement
à cesser de faire l'oreille sourde actuellement et à ouvrir un véritable débat
public pour qu'on ait une discussion sociétale sur ce qui est le plus important
actuellement : l'avenir de l'énergie au Québec, qui est directement en
lien avec la crise climatique et la protection de la biodiversité et les autres
enjeux, qu'ils soient économiques et sociaux. Donc, on va se mobiliser pour
défendre l'héritage public de l'énergie qu'on a au Québec et aussi pour
construire l'avenir énergétique et s'assurer que ça va être démocratique et que
ce sera à la hauteur du défi de la crise climatique et de la crise de la perte
de biodiversité auquel on fait face actuellement. Voilà, merci.
La Modératrice : On va passer
aux questions. M. Lachance.
Journaliste : Bonjour. J'ai
compris que vous avez plusieurs questions, sans doute, pour M. Sabia également
aujourd'hui, qui est en commission parlementaire. Quelles sont vos réelles
inquiétudes? Vous posez des questions, mais j'aimerais savoir quelles sont vos
réelles inquiétudes avec ce nouveau plan d'action qui a été déposé par
Hydro-Québec.
M. Bonin (Patrick) : Bien, notre
première inquiétude, c'est que ce plan d'action là est déposé et semble faire
office de politique énergétique pour le Québec, alors qu'il n'y en a plus, de
politique énergétique, et que toute politique énergétique doit se faire avec
une véritable planification intégrée des ressources. Ça, ça inclut quels sont
les besoins énergétiques au Québec à court et moyen terme, quelles sont les
offres, donc les moyens de répondre à ces besoins-là, et de s'assurer qu'on
retourne toutes les pierres et qu'on regarde quels sont les impacts sociaux,
économiques, environnementaux, de manière à choisir les meilleures filières
pour développer ça.
Le plan aussi nous amène à une
augmentation massive de la production, là. Juste pour l'éolien, on parle d'un
territoire de 15 fois l'île de Montréal pour mettre de l'éolien. Donc, pour
nous, il y a des enjeux majeurs de développement du territoire, qui
actuellement est proposé sans discussion sociétale, autant au niveau des
communautés locales que la population en général. Mais également on est
inquiets du fait qu'on arrive avec une proposition de développement sans avoir
de cadre très clair pour de la sobriété énergétique, pour maximiser
l'efficacité énergétique au Québec, qui est la première filière, la moins
chère, celle qui a le moins de dommages économiques, environnementaux
également, qu'il faut mettre en place au Québec. Et, en plus, il y a une grosse
partie de ce qui est proposé, c'est pour de la croissance économique, alors que
la priorité doit aller à la décarbonation, à réduire les émissions de gaz à
effet de serre. Donc, non seulement en termes d'augmentation de l'électricité,
en termes de production, ce qui est proposé, ce n'est même pas suffisant pour
décarboner le Québec, et ils prendraient une portion de ces térawattheures-là
pour des nouvelles industries, alors que, par exemple, on nous fait...
Hydro-Québec nous dit qu'ils n'ont pas assez d'électricité pour sortir le gaz
des bâtiments.
Donc, pour nous, il y a plein d'enjeux
majeurs là-dedans. Ça se fait... Ça se fait en accéléré, sans discussion. On a
l'impression qu'Hydro-Québec est en train de répondre à une commande du
gouvernement, littéralement, alors que ce débat-là de société est beaucoup plus
large que le petit cercle restreint entre M. Fitzgibbon, M. Legault... et
j'exclus même M. Charette de ça parce qu'actuellement on n'entend pas le
ministre de l'Environnement, alors que c'est un enjeu majeur.
Donc, pour nous, on est extrêmement
inquiets. Toute la question de la dénationalisation de l'Hydro-Québec actuellement...
On a un héritage de René Lévesque depuis 60 ans au Québec, et là le
gouvernement est allé... est en train d'aller à fond la caisse avec des projets
comme TES, qui permettrait non pas de l'autoproduction, mais permettrait à du
privé de produire de l'électricité jusqu'à 30 kilomètres de son usine. Et ça,
ça rentre directement à l'encontre du monopole d'Hydro-Québec pour la
distribution d'électricité au Québec, ça soulève plein de questions au niveau
des tarifs. C'est un projet, encore une fois, qui ne cadre pas et qui va
prendre le vent, le solaire au Québec... le vent et le soleil du Québec pour le
donner à une compagnie privée qui va prendre les meilleurs sites de production
au Québec sans qu'on ait eu de discussion, sans qu'on en ait parlé.
Journaliste : Est-ce que,
selon vous, c'est une faille que le ministre a trouvée afin de dénationaliser
Hydro-Québec, d'une certaine façon?
M. Bonin (Patrick) : Bien,
selon nous, ce n'est pas... Selon nous, ce n'est pas une faille. Selon nous, ça
va complètement à l'encontre de la loi, ce qui est proposé actuellement, de
permettre à un producteur privé de produire de l'électricité à 30 kilomètres de
son lieu, on ne parle pas de lieu adjacent, et ça, c'est extrêmement
inquiétant. Et c'est un moyen détourné de justement ouvrir les vannes pour
permettre de la production privée qui deviendrait rapidement anarchique, alors
que, ce qu'on a fait au Québec, c'est se donner un cadre, justement, d'appel
d'offres contrôlé par Hydro-Québec et de s'assurer que la production qui va
être faite au Québec répond prioritairement aux besoins identifiés pour...
s'assurer que, prioritairement, cette production-là, si on en a besoin, chose
qu'on croit, doit répondre prioritairement aux besoins de la population et pas
à des besoins privés.
Journaliste : En ce qui a
trait au développement des barrages hydroélectriques, on voit qu'il peut y
avoir... que le ministre souhaite une accélération, le premier ministre a dit
qu'il le désirait, donc, qu'on puisse aller plus vite. On voit, ce matin, dans
les médias, il y a quand même des risques d'explosion des coûts, des délais,
mais également d'acceptabilité sociale dans ce genre de dossier là. Est-ce
qu'il y a des craintes face à ce développement qui est désiré par le
gouvernement actuel?
M. Bonin (Patrick) : Clairement,
nous, on est très inquiets parce que ce gouvernement est arrivé, en campagne
électorale, sans aucun plan au niveau environnemental, entre autres. La seule
proposition qu'il avait, c'était de développer des nouveaux mégabarrages qui
posent des risques financiers majeurs, qui ne sont aucunement compétitifs avec
les autres filières, ne serait-ce que d'un point de vue financier, alors qu'il
faut prioriser l'efficacité énergétique, l'éolien public, le solaire également,
l'autoproduction sur les sites. Oui, il faut faire ça, mais, actuellement, ce
qu'on nous propose, c'est une vision qui date du dernier siècle, qui date du
siècle dernier. Les barrages, c'est trop cher, il y a des impacts
environnementaux majeurs. Le Québec se targuait de vouloir protéger la
biodiversité lors de la dernière conférence des Nations unies, la COP15, à
Montréal, sur la biodiversité ou à protéger 30 % de son territoire. Et
actuellement veut s'en aller dans une filière qui, clairement, si on a une planification
intégrée au Québec, on regarde les impacts sociaux, économiques,
environnementaux, ce n'est clairement pas dans les filières intéressantes.
La Modératrice : En anglais.
Journaliste
:Sorry for the repeating question, but if you could just say your
main concern with the plan that is being presented today.
Mme Simard
(Alice-Anne) : Well... Thank you. So, we are
concerned by the strategic plan of Hydro-Québec who plans to double its electricity production by 2050. And the
problem right now is that we have new contracts that are being given to
companies that are... that consume a lot of electricity, and they are given at
a rate actually that is lower than the cost of this new electricity.
So, what we are asking
is : Who is going to pay for that actually? And how all these megawatts
are going to be produced? And how and where? And what we present today is a
first draft of what kind of social consultations we should have, public
consultations, make sure, actually, that the population is involved. Because,
right now, the decisions are being decided, actually, behind close doors by a
handful of individuals. So, we need to be sure that these important decisions
for the future of the energy in Québec are being decided with everybody, actually, because we are going to
have some hard decisions to make, actually.
Journaliste
: And it leads to my second question about... does the public, I
mean, obviously, they elected the members of the National
Assembly, but do you feel the public has a good voice in this, because it's a
crown corporation, Hydro-Québec, and then it will be debated here?
Mme Simard
(Alice-Anne) : Right now, the public has almost no voice. There was a
public consultation this summer, but it was just a few weeks, you know, during
the summer vacations. So, for sure, just a few people were able to participate.
So, what we are... right now with Hydro-Québec... The Government is... right
now is the whole future of the energy in Québec, and we have to be sure that
the population is involved. Merci.
(Fin à 9 h 40)