Point de presse de M. Jean-Martin Aussant, député de Nicolet-Yamaska, M. Pierre Curzi, député de Borduas, et de Mme Lisette Lapointe, députée de Crémazie
Version finale
Le mercredi 23 mai 2012, 11 h 15
Hall principal de l'hôtel du Parlement,
hôtel du Parlement
(Onze heures treize minutes)
M. Aussant: Donc, merci. Vous l'avez vu, on a déposé aujourd'hui une pétition de presque 54 000 pétitionnaires et on a vérifié, et il n'y a que deux autres pétitions qui avaient regroupé autant de noms: une, entre autres, contre les gaz de schiste et l'autre pour la démission du premier ministre Charest. Donc, c'est quand même, depuis que ce format de pétition là existe, une des trois plus grandes pétitions à ce jour qui a été déposée. Et c'est significatif, d'autant plus que le contexte actuel est assez, je dirais, porteur d'une envie de signer cette pétition-là. C'est une pétition qui s'opposait formellement aux frais de scolarité, mais, depuis, on a eu aussi la loi n° 78 qui est venue remettre tout ce débat-là vraiment à l'avant-plan au Québec. Et hier la manifestation encore qu'il y a eu nous a démontré assez clairement que ça ne s'essouffle pas, ce mouvement de contestation... cette décision de hausser les frais de scolarité et surtout de mettre une loi spéciale pour l'imposer ensuite.
Je veux aussi souligner le fait que nos collègues de Mercier et de Terrebonne appuient cette initiative-là. Ils auraient été ici aujourd'hui, mais ne pouvaient pas pour des raisons d'agenda. Donc, c'est une initiative qui est non partisane, et donc on est plusieurs parlementaires à appuyer ça, et plusieurs associations étudiantes aussi qui appuient ça, évidemment. La pétition d'aujourd'hui était parrainée par la TaCEQ, et le représentant va nous adresser la parole dans quelques secondes.
Mais je voulais simplement signifier le fait que cette pétition-là s'inscrit encore dans la mouvance au Québec qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond avec cette décision d'augmenter les frais de scolarité. Ça a été très clair avec 54 000 signataires. Ça a été très clair avec des centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans les rues à plusieurs reprises depuis quelques mois, mais ce n'est sans doute pas appelé à s'essouffler.
Donc, ce qu'on demande au gouvernement, encore une fois, c'est de vouloir se rasseoir et de discuter avec les mouvements étudiants. Nous, on suggère une commission parlementaire, qui ne coûterait absolument rien, et tous les groupes pourraient se faire entendre: étudiants, les partis politiques, même les organismes autres qu'étudiants ou politiques pourraient se faire entendre dans le cadre de cette commission-là, qui serait non partisane, qui ne coûterait rien, comme je le disais, parce que les installations existent déjà ici, et qui permettrait enfin d'avoir le nécessaire débat de société autour de la valeur de l'éducation au Québec, des frais de scolarité et de la gestion des universités, de l'accessibilité, etc. Il faut l'avoir, ce débat de société là, ça ne va pas se faire par un gouvernement qui légifère unilatéralement et qui n'écoute pas ce que les autres veulent dire.
Donc, il faut que M. Charest et son gouvernement aient la sagesse de se rasseoir et de régler ce conflit-là au plus vite, parce qu'on le voit, ça ne s'essouffle pas dans les rues, et le climat social au Québec a toujours été très bon, doit le rester, et la seule solution, c'est que le gouvernement veuille régler le conflit, et la façon de le faire, c'est de discuter avec les parties impliquées.
Donc, je vais laisser mes collègues vous parler et aussi le représentant de la TaCEQ, que je vais inviter à bien se nommer et s'identifier pour les besoins de la cause. Pardon.
M. Auger (Paul-Émile): Paul-Émile Auger, secrétaire général de la TaCEQ, la Table de concertation étudiante du Québec. Par le dépôt de la pétition, on tenait à souligner que le mouvement étudiant, que les associations étudiantes sont toujours prêtes à ouvrir le dialogue avec le gouvernement, un dialogue démocratique dans lequel on va traiter des enjeux de l'éducation au Québec, on va traiter de l'enjeu de la hausse des frais de scolarité. Les travailleurs, les citoyens du Québec, les étudiants du Québec se sont à nouveau exprimés afin de réclamer un réel débat de société. Nous avons remarqué hier, lors de la manifestation qui a eu lieu dans les rues de Montréal, que les gens sont prêts à s'exprimer malgré les tentatives de briser le mouvement. Donc, nous autres, nous lançons à nouveau un appel au dialogue, nous demandons à la ministre Courchesne de lancer un signal clair que le gouvernement est de bonne foi, qu'il veut réellement régler la crise au Québec.
M. Curzi: Mon Dieu, mon Dieu! C'est sûr que, la seule voie de sortie, c'est la négociation. Il est temps que ça reprenne, puis, dans le fond, cette négociation-là devrait être basée sur le principe de: Comment allons-nous aller vers une gratuité scolaire plutôt que le contraire? Que la hausse, à mon sens - et je pense qu'on est plusieurs au Québec à partager cette opinion-là - elle est exactement contraire à ce qu'on souhaite comme mouvement. Ce dont il faut discuter, c'est comment on peut aller vers une gratuité scolaire de plus en plus grande, à mon sens. Et la loi d'hier a été... Ça a été une manifestation formidable pour la loi n° 78 hier, parce que la première manifestation majeure a démontré, de toute évidence, que c'était une loi inapplicable, et, quand on était dans cette manifestation-là, on savait quel était le parcours, et tout le monde était prêt à jouer le jeu de respecter la loi, mais tout le monde était bien conscient que la façon, la seule façon intelligente de gérer une loi qui n'a pas de bon sens, c'est de la porter à son absurde. Son absurde, c'était tout simplement que, plutôt que de tourner à droite, il s'agissait de tourner à gauche à un moment donné. Et quand 100 000 personnes tournent à gauche, ça veut dire, là, clairement, que ce dans quoi vous êtes, le corset dans lequel vous êtes, il ne tient pas, il n'y a pas de sens, il est illogique, il est absurde.
On est dans ce mouvement-là de l'absurde, actuellement, où plutôt que d'aller vers des solutions qui conviendraient à l'ensemble de la population, c'est-à-dire une démocratisation et une... repenser clairement la façon dont l'éducation doit être accessible au plus grand nombre, et le plus facilement, et sans... à moindre coût, parce qu'on sait très bien que c'est l'avenir du Québec. Puis là, l'avenir du Québec, actuellement, il est dans la rue, puis l'avenir du Québec, actuellement, il est obligé de marcher, soir après soir, puis il se fait un peu matraquer. Il y a quelque chose d'insensé dans le mouvement dans lequel on est.
Mme Lapointe: Alors, ça me fait plaisir de joindre ma voix à celles des étudiants et de mes collègues aujourd'hui. C'est important, cette pétition. Je pense qu'il faut bien en relire chacun des considérants. Tous ces éléments-là sont fondamentaux. Je vous avoue que je suis un peu... je suis troublée par la façon dont le gouvernement Charest reste insensible, en tout cas en apparence, du moins, à tous ces appels, à tous ces appels à la négociation. Non seulement il affiche un mépris incroyable à l'égard non seulement des étudiants et de leurs leaders, mais à l'égard de la population, parce qu'hier on a bien vu, clairement, que toutes les générations ont rejoint les étudiants. Alors, non seulement il les traite avec un mépris incroyable, mais, en plus de ça, il ternit... je dirais même plus, il noircit l'image de notre pays, l'image du Québec, un peu partout à travers le monde, et ça, ça n'a rien de bon.
Il y a eu aujourd'hui des appels très pressants à une véritable négociation. Il a rejeté ça du revers de la main. Alors, s'il ne veut pas négocier, quelle est l'autre solution, pensez-vous? Il n'y en a qu'une: s'il ne veut pas négocier, qu'il appelle au vote et rapidement. Qu'il appelle au vote, parce qu'il n'a plus la crédibilité, il n'a plus la légitimité. Quand on voit l'escalade de la confrontation, quand on voit l'escalade de la violence, il n'a plus la légitimité d'assumer le poste de chef de notre État. Alors, qu'il appelle au vote s'il ne veut pas négocier. Voilà.
Le Modérateur: Merci. Est-ce qu'il y a des questions?
M. Caron (Régys): Messieurs, madame les députés, les étudiants, Régys Caron, du Journal de Québec.
J'aimerais vous demander, M. Aussant, avec la pétition que vous déposez aujourd'hui, est-ce que ça signifie que l'opinion publique est en train de se retourner contre le gouvernement? Puisque, jusqu'à récemment, les sondages tendaient à démontrer que la population en général appuyait le gouvernement dans sa volonté d'augmenter les frais de scolarité.
M. Aussant: Sur la volonté d'augmenter les frais de scolarité, c'était assez partagé. Par contre, depuis la loi n° 78, il y a une très forte majorité des gens qui s'opposent à la méthode utilisée par le gouvernement. Et je rappellerais qu'avant la loi n° 78 la législation au Québec permettait tout à fait de faire en sorte que des casseurs répondent de leurs actes et soient punis à juste titre, et permettait aussi aux gens pacifiques de manifester sans s'inquiéter, ce qui devrait être le cas. Cette loi-là est venue réduire les droits des gens pacifiques sans rien enlever aux casseurs qui, de toute façon, ne regardent pas les lois avant de lancer une roche dans une vitrine. Donc, c'est une loi qui vient restreindre le droit des gens pacifiques et n'a rien changé pour les casseurs. Donc, c'est une loi totalement inutile.
Et je le disais aussi la semaine dernière, on en est dans une situation tellement ridicule que, si on est 49 à marcher dans la rue, on est légaux; s'il y a une 50e personne qui se joint à nous, on devient un regroupement illégal. Est-ce qu'il va y avoir des recours contre la 50e si elle n'est pas désirée dans le groupe de 49? C'est une loi qui est absurde, comme le soulignait mon collègue Curzi. Donc, il faudrait que le gouvernement revienne sur sa décision d'imposer cette loi-là.
M. Caron (Régys): Quelles sont les implications quant à, comment dire, on peut parler de la légitimité du gouvernement, la crédibilité, mais aussi de l'État, des institutions. Nous sommes devant une loi adoptée après des débats importants, il y a eu de la division, mais la loi a été adoptée par un Parlement élu. Et cette loi-là a été défiée hier par un grand nombre de personnes.
Quel impact ça peut avoir sur la perception des gens envers les institutions, envers l'État?
M. Aussant: Je pense que la perception, malheureusement, des gens envers les institutions démocratiques est déjà lourdement affectée au Québec en ce moment. Ce n'est certainement pas un bâillon de ce type-là qui est venu aider les choses. Il y a une désaffection en lien avec la classe politique, ça, on le sait depuis longtemps, mais je pense qu'un gouvernement qui agit comme le gouvernement libéral agit actuellement contribue et alimente cette désaffection-là.
Et il y a des lois bâillon, dans le passé, qui ont été adoptées, il y a des Parlements... pardon, des parlementaires qui s'y opposaient pendant toute une nuit, et la loi était passée, et la population ne réagissait pas tant que ça, en bout de ligne. On l'a vu, même, ces dernières années. Cette loi-là, particulièrement, elle est ridicule est inutile. Et c'est tout à fait louable, je pense, que la population, hier, par centaine de milliers soit allée dans les rues défier, finalement, cette loi-là.
Et, comme mon collègue le disait, quand on décide de tourner à gauche plutôt que de tourner à droite sur une rue, on n'est pas plus illégaux pour ça. Mais, dans le sens de la loi, la manifestation d'hier était une manifestation illégale. Et je pense que, quand, par centaine de milliers, on descend dans les rues pour défier une loi comme ça, ça indique tout à fait le fait que la population ne suit pas ce genre de loi-là et ce genre de gouvernement là.
M. Caron (Régys): Merci.
Une voix: Merci.
(Fin à 11 h 24)