(Onze heures deux minutes)
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup. Bonjour, content de vous retrouver à l'Assemblée nationale aujourd'hui.
La semaine dernière, c'était une semaine de réjouissances pour les gens de
Québec solidaire, pour tous les citoyens et citoyennes qui s'opposent, depuis
des années, au projet insensé d'autoroute sous le fleuve de François Legault.
Donc, la semaine passée, on s'est réjouis que la CAQ ait pris la seule décision
possible dans les circonstances : abandonner ce projet qui n'a jamais été
rien d'autre qu'un slogan, en fait.
Bien, cette semaine, c'est l'heure de la
reddition de comptes pour François Legault. François Legault a des questions à
répondre. Il s'est expliqué à son caucus de la région de Québec, ce matin, et c'est
très bien. Maintenant, il doit s'expliquer aux Québécois et aux Québécoises, parce
qu'il les a menés en bateau pendant des années avec un projet insensé qui n'a
jamais été rien d'autre, au fond, qu'un slogan.
Et ce que je constate, moi, sur le
terrain, depuis la semaine dernière, c'est que, que les gens aient été pour ou
contre le projet, tout le monde se sent floué dans cette histoire-là, tout le
monde sent qu'on a manqué de respect envers eux. Les gens qui étaient pour le
projet se sentent trahis, et, au-delà de mon désaccord sur le fond, je les
comprends de se sentir trahis. Et les gens qui étaient contre le projet, bien,
sentent qu'on les a niaisés. On les a accusés, pendant des années, de faire la
guerre à la voiture parce qu'ils s'opposaient au troisième lien. On les a
accusés d'être juste du monde de Montréal qui ne comprennent pas la réalité de
la capitale nationale. On les a pointés du doigt, pendant des années, on les a
regardés de haut, on les a ridiculisés. Et aujourd'hui changement de cap, tout
d'un coup, Mme Guilbault parle d'inciter les gens à laisser la voiture à la
maison. Pouf! Le discours change tout d'un coup. Donc, le résultat des courses,
c'est que tout le monde se sent floué, tout le monde sent, qu'on ait été pour
ou contre le projet, que François Legault a manqué de respect envers les
électeurs, les électrices du Québec en entretenant, pendant très longtemps, un
fantasme électoral qui n'était basé ni sur la science ni sur le gros bon sens.
Je pense que, cette semaine, François
Legault doit répondre à deux questions, deux questions très précises. La
première : Quand a-t-il décidé, lui, comme premier ministre, de mettre fin
au projet de troisième lien autoroutier? Et deuxième question : Depuis
quand est-ce que son gouvernement évalue la possibilité d'un projet 100 %
transport en commun? La semaine passée, c'était la semaine des réjouissances.
Cette semaine, c'est la semaine de la reddition de comptes. François Legault
doit répondre à ces questions-là.
Je veux aussi glisser un mot, avant de
prendre votre question, sur les demandes qu'a faites Québec solidaire en fin de
semaine. On attend, d'un jour à l'autre, d'une semaine à l'autre, une mise à
jour du Plan pour une économie verte de François Legault. Il nous a promis un
plan pour atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre. On a émis
trois demandes en fin de semaine sur cette question-là. La première : la
création d'un fonds d'urgence climatique. On en a absolument besoin. La
deuxième : un refinancement massif des sociétés de transport en commun. Et
la troisième : devancer en 2030, comme le font les pays qui sont leader
dans le monde, la date pour que 100 % des véhicules vendus au Québec, des
véhicules neufs, soient des véhicules électriques. Donc, on s'attend à voir ces
demandes-là être reflétées dans le plan que va déposer le gouvernement du
Québec dans les prochains temps. Voilà.
Mme Lajoie (Geneviève) : Vous
vouliez savoir à quel moment, donc, le premier ministre a décidé, hein, dans sa
tête à lui, bon, ce troisième lien autoroutier là, ça ne marchera pas. Est-ce
que c'est parce que vous soupçonnez que, même dans... aux dernières élections,
il le savait déjà?
M. Nadeau-Dubois : C'est la
question que tout le monde se pose : Depuis quand est-ce qu'en haut lieu, à
la CAQ, on sait ou on se doute que ce projet-là ne tient pas la route? Je ne
peux pas croire qu'avec tous les experts qui le répétaient depuis des années c'est
juste dimanche soir que le premier ministre s'est dit : Ah! Je pense,
finalement, que ça ne marchera pas. Je ne peux pas croire que ça s'est fait
dimanche soir. C'est une question de transparence minimale pour le premier
ministre, qu'il dise aux Québécois Québécoises c'est quand qu'il a réalisé que
sa promesse il ne serait pas capable de la tenir. C'est quand qu'il a réalisé
que, sa parole, il serait obligé de la briser. Et deuxième question essentielle :
À partir de quand l'option d'un projet 100 % de transport en commun a été
dans les cartons du gouvernement? Parce que, pendant tout ce temps-là, le
discours public, c'était : Non, non, non, il va y avoir de la place pour
la voiture.
Moi, je veux dire, je n'ai jamais été
d'accord sur le troisième lien, là, mais moi, je comprends les électeurs qui
étaient pour le troisième lien de se sentir trahis. On les a menés en bateau,
on les a rencontrés… on leur a raconté des salades pendant des années. Je les
comprends de se sentir trahis, mais je comprends aussi les gens qui étaient
contre le projet, qui se sont fait regarder de haut par tout ce qui bouge de
députés caquistes à Québec, qui se sont fait dire : Vous êtes contre la
voiture, vous voulez faire la guerre à l'automobile. Bien, tout d'un coup, on
se rend compte que, pendant qu'on se faisait traiter de tous les noms, il y
avait des gens en haut lieu à la CAQ qui étaient déjà en train de réfléchir à
tirer le cordon sur le projet. Ces questions-là, François Legault doit y
répondre, c'est une question d'imputabilité.
M. Bergeron (Patrice) : Au
Parlement, on doit présumer de la bonne foi des élus, comme vous le savez.
Est-ce que, selon vous, il n'y a pas un enjeu de bonne foi, là? Est-ce que...
il n'y a pas eu de la mauvaise foi intentionnelle du gouvernement ou du premier
ministre?
M. Nadeau-Dubois : Oui, c'est
la question qui se pose. Moi, que François Legault rencontre ses députés
caquistes à Québec pour faire son mea culpa, je veux bien, là. Je comprends
qu'il s'inquiète pour l'unité de son parti, mais il est premier ministre de
tous les Québécois, de toutes les Québécoises puis il leur doit des
explications à eux et elles aussi. Ça vaut quelque chose, la parole des hommes
et des femmes en politique, a fortiori quand ils sont premier ministre.
François Legault doit s'expliquer, puis il doit nous dire depuis quand il le
sait que sa promesse, c'est du vent.
M. Desrosiers (Sébastien) : Vous
dites : François Legault doit s'expliquer, mais vous dites aussi : Il
a raconté des salades aux électeurs durant des années. Est-ce qu'il doit des
excuses aux Québécois, un peu comme Bernard Drainville en a fait la semaine
dernière?
M. Nadeau-Dubois : Bien, moi,
je pense que, quand on brise une promesse… puis ce n'était pas une note en bas
de page dans sa plateforme électorale, là, le troisième lien. Quand on brise
une promesse aussi importante que celle-là, oui, on doit s'excuser envers la
population. Puis, comprenez-moi bien, là, je répète : Sur le fond du
projet, on a toujours été contre à Québec solidaire parce qu'on a toujours vu
que ni la science ni le gros bon sens justifiait une autoroute sous le fleuve,
pas en pleine urgence climatique. François Legault a réalisé ça plusieurs
années trop tard. Mais, oui, il doit des explications à la population
québécoise pour dire qu'est-ce qui s'est passé. Comment on peut entretenir
un fantasme comme celui-là aussi longtemps et, du jour au lendemain, changer de
cap? Je veux dire, c'est... il s'agit de l'État du Québec, là, pas du comité
d'improvisation d'un cégep, là. Je veux dire, je ne m'explique pas comment on
ait pu raconter des choses comme ça aux Québécois pendant aussi longtemps.
C'est grave.
M. Bergeron (Patrice) : …la
Rive-Sud demande un retour d'ascenseur. Vous avez entendu ça?
M. Nadeau-Dubois : Oui.
M. Bergeron (Patrice) : C'est-u
comme ça que ça marche, la politique au Québec, à cette heure ou...
M. Nadeau-Dubois : C'est une
maudite bonne question. Je ne sais pas ce que ça veut dire, un retour
d'ascenseur, je ne sais pas ce que Mme Biron veut dire quand elle parle d'une
compensation. Ce que je sais, par contre, c'est que, si on n'avait pas niaisé
le monde pendant des années, là, on aurait pu investir pour du bon transport en
commun entre Québec et Lévis. Puis on aurait pu le faire il y a des années si
on n'avait pas perdu notre temps avec un projet aussi énorme que fantasque.
Tant de temps perdu, tant de temps perdu pour investir dans la capitale
nationale puis améliorer, oui, la mobilité entre les deux rives, oui, la
mobilité entre Québec et Lévis, mais le faire de manière moderne, avec des
investissements majeurs en transport collectif. On aurait pu le faire toutes
ces années-là, puis François Legault nous a fait perdre du temps ici, dans la
région de Québec, du temps précieux, alors qu'on aurait pu améliorer la qualité
de vie du monde.
M. Bergeron (Patrice) : ...faut-il
donner des bonbons à Chaudière-Appalaches ou...
M. Nadeau-Dubois : Je ne sais
pas ce que Mme Biron voulait dire par compensation. Certains ont interprété ça,
en effet, comme une forme de retour d'ascenseur. Je ne sais pas ce que ça veut
dire. Moi, ce que je sais, là, c'est que les gens de Lévis, les gens de Québec,
ils méritent depuis longtemps qu'on respecte leur intelligence puis qu'on leur
propose des options de mobilité dignes du XXIe siècle. Puis ça, ce que ça
veut dire, c'est des investissements en transport collectif. Puis il y a des
solutions qu'on connaît depuis longtemps, améliorer l'accès, là, aux différents
ponts, là, pour fluidifier la circulation, ces solutions-là, elles sont dans
les cartons depuis longtemps.
Et chaque minute qu'on a passé à débattre au
Québec, des points de presse spectaculaires de la CAQ avec des infographies,
c'est du temps qu'on aurait pu passer à développer ces solutions-là.
Rappelez-vous quand on se bidonnait tous, là, des ponts par million, là. Tout
le temps qui a été passé au gouvernement du Québec à inventer ces
folichonneries-là, là, de ponts par million, là, c'est du temps qu'on aurait pu
passer à développer des projets sérieux pour la capitale nationale. Et c'est
pour ça qu'au-delà de notre position, sur le fond, du troisième lien on mérite
tous des explications, on mérite tous des explications.
M. Desrosiers (Sébastien) : Bien,
peut-être sur le troisième lien, juste pour terminer, sur la possibilité de
révoquer des élus. Le Parti québécois veut déposer un projet de loi, inspiré de
celui présenté par M. Caire en 2011, pour permettre à des citoyens d'une
circonscription de signer une pétition puis de destituer des élus. Qu'est-ce
que vous pensez de cette idée-là?
M. Nadeau-Dubois : Ça fait
longtemps que ça fait partie du programme de Québec solidaire, ça fait
longtemps que ça fait partie de nos propositions de permettre, entre les
élections, un mécanisme qui... si les électeurs sentent qu'ils ne sont plus
bien représentés, où ils puissent reprendre le pouvoir qu'ils ont confié au
député. Bien sûr, il faut que le processus soit sérieux, il ne faut pas que ça
permette des recours qui sont frivoles, mais, dans les endroits où il y a des
mécanismes de révocation, c'est bien encadré et ça permet aux électeurs, quand
ils se sentent profondément floués, de dire, en bon Québécois : Wo! Minute,
papillon, on va te faire repasser le test électoral. Ça fait longtemps que
c'est une proposition de Québec solidaire, puis je pense qu'elle est plus
pertinente que jamais.
M. Desrosiers (Sébastien) : Donc,
vous voteriez en faveur?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
j'essaie d'éviter de me... de dire comment je vais voter sur des projets de loi
que je n'ai pas lus, mais sur l'idée d'un mécanisme de révocation… c'est une
idée qu'on appuie depuis longtemps à Québec solidaire.
Mme Lajoie (Geneviève) : Sur
les propos de M. Poilievre, hier, pensez-vous que M. Legault, aux prochaines
élections fédérales, va encourager...
M. Nadeau-Dubois : Les
propos, lesquels? Il y a... il y en a beaucoup ces temps-ci, là.
Mme Lajoie (Geneviève) : Sur
le fait que lui... un gouvernement conservateur à Ottawa ne paierait pas pour
un troisième lien s'il n'y a pas de chars qui passent dedans. Est-ce que vous
pensez que François Legault, aux prochaines élections fédérales, va faire comme
la dernière fois puis va encourager les électeurs à voter pour les
conservateurs?
M. Nadeau-Dubois : C'est une
très bonne question. J'ai aussi entendu M. Poilievre dire que l'entente sur les
garderies, ça ne l'intéressait plus. Je me demande ce que M. Legault en pense,
c'est quand même le parti qu'il a appuyé à la dernière élection. Il y a
possibilité d'une élection fédérale prochainement. Moi, je pense que ça montre
que l'illusion dans laquelle vit François Legault, l'illusion qu'en faisant du
magasinage électoral à Ottawa le Québec va avoir ce qu'il mérite, c'est
justement ça, une illusion, puis que la seule manière, pour le Québec, d'être
maître de ses choix, c'est d'avoir tous les pouvoirs puis c'est d'être un État
indépendant. Sinon, on est condamnés à faire ça, du magasinage entre deux
partis fédéraux qui ont chacun leurs défauts. Moi, ça, ce n'est pas ça, mon
projet, moi, pour le Québec.
M. Bergeron (Patrice) : Quand
les chefs de l'opposition officielle du Canada font le tour du pays, ils
rencontrent les premiers ministres, ils rencontrent aussi les chefs des
oppositions. Seriez-vous prêt à rencontrer M. Poilievre?
M. Nadeau-Dubois : Ah! moi,
je suis un... moi, je suis un gars qui aime jaser puis qui aime débattre dans
la vie. Ça fait que je ne sais pas ce que je ferais avec une telle invitation,
je vais prendre ça en délibéré.
Mme Lajoie (Geneviève) : Donc,
vous n'accepteriez pas de le rencontrer?
M. Nadeau-Dubois : J'ai dit
que je prends la question en délibéré, je ne m'y attendais pas, mais moi, je
suis un gars aime jaser, qui aime débattre, ça fait que, si je reçois une
invitation, je vais y réfléchir.
Mme Lajoie (Geneviève) : Peut-être
juste revenir sur un événement de la semaine dernière, en commission
parlementaire, projet de loi sur les mères porteuses, le Parti libéral qui a proposé
de retirer le terme «femme» des lois. Votre collègue M. Cliche-Rivard, qui
était là, a lui-même appuyé le gouvernement en disant : Bien non, on ne
peut pas faire ça. Est-ce que le Parti libéral est rendu plus inclusif que
Québec solidaire?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
d'abord, sur le fond de la question, je pense que, et Guillaume l'a bien
exprimé, c'était malhabile de la part du Parti libéral du Québec dans la mesure
où le texte de loi parlait de femmes ou de personnes, donc ça ne laissait
personne de côté. On n'a pas compris la pertinence, l'utilité d'un tel
amendement, c'est pour ça que mon collègue Guillaume a voté contre. Il a pris
la bonne décision.
Si vous voulez savoir si les libéraux sont
plus inclusifs que les solidaires, pour moi, l'inclusion, là, c'est s'assurer
que tout le monde a un logement. Pour moi, l'inclusion, c'est s'assurer qu'il
n'y a plus de profilage racial. Pour moi, l'inclusion, c'est s'assurer que le
salaire minimum permet aux femmes, puis notamment aux femmes racisées qui sont
nombreuses à être au salaire minimum, là… de s'assurer qu'ils vivent dans la
dignité parce que le salaire minimum est assez élevé. Pour moi, l'inclusion, la
vraie, là, c'est une société de justice sociale. Et les libéraux avec leurs
politiques d'austérité pendant des années, là, c'est à ça qu'ils se sont
attaqués. La crise du logement, en ce moment, là, elle alimente les inégalités
économiques et les inégalités raciales. Parce que c'est documenté, les
premières victimes d'une crise du logement, c'est les gens qui sont déjà les
plus précaires, les plus fragiles dans notre société. Donc, la prétention
d'inclusion des libéraux, elle est de façade, parce que leur politique, pendant
15 ans au pouvoir, a fait du Québec une société plus inégalitaire.
M. Spector (Dan) : What kind of explanation does Mr. Legault owe to the population about how this «troisième lien»…
played out?
M. Nadeau-Dubois : What is unbelievable in that situation is that Mr. Legault has succeeded in lacking of respect to
everyone, to every side on the debate, on the third link, you know? Because I
understand people that were for the project to feel betrayed. He told them
stories for years before completely breaking his word. And, of course, as
someone who was against the project, I also feel sympathy for all the people
who have worked against that project and that have been pointed by the CAQ and
designated as people that are in a war against cars, people that don't care
about Québec city, about the Québec region. Those were harsh words
against those people. And now, today, the discourse of the CAQ has completely
changed. So, everyone in that debate feels betrayed, everyone feels like they've
been told not to truth. So, that's why Mr. Legault needs to give some
explanations to everyone, and he needs to answer two very simple questions,
factual questions : When
did he decide to stop his project and when did the scenario of a 100% public transit
third link begin to be studied? Because that was not his word, that was not his
promise for years.
M. Spector (Dan) : Obviously… how, this morning, this meeting with the Québec city area caucus… a lot of people
describing, like, how it was emotional. It seems like… I mean, I don't know if
I would call it a crisis inside the CAQ, right now, but he's obviously… you
know, things are not great, things are not easy. How do you describe this
challenge for him, right now, in terms of a test of leadership?
M. Nadeau-Dubois : You know, I understand that he wants to give explanations to his
own colleagues, because, in his own team, people feel betrayed, but he's also
the premier of all Quebeckers
and he needs to give explanations to all the Quebeckers that feel betrayed. And there are a lot of them, and they are on
the both sides of that debate. It is a leadership test for him to say… He has to explain to us, he has to explain to
us, it's a matter of transparency and of confidence. He has to explain to us
how such a turn around is possible in such a short period of time. I mean, I've
never seen this in my life. Merci.
(Fin à 11 h 20)