L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Actualités et salle de presse > Conférences et points de presse > Point de presse de M. François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, et M. Christopher Skeete, ministre délégué à l’Économie

Recherche avancée dans la section Actualités et salle de presse

La date de début doit précéder la date de fin.

Point de presse de M. François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique, et M. Christopher Skeete, ministre délégué à l’Économie

Version finale

Le mercredi 15 mars 2023, 11 h 20

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Onze heures trente minutes)

M. Bonnardel : Bien, merci de votre présence. Merci à mon collègue Christopher, ministre responsable de la Lutte contre le racisme, d'être ici aujourd'hui. C'est un moment important, le dépôt de ce projet de loi n° 14. Le projet de loi n° 14 est le fruit du travail de, je vous dirais, presque plusieurs années, fruit du travail du Comité consultatif sur la réalité policière, qui a émis, écrit plusieurs, plusieurs dizaines de recommandations, du Groupe d'action contre le racisme, à laquelle Christopher a nécessairement participé... plusieurs députés aussi qui y ont participé.

On a rencontré, Christopher et moi, dans les dernières semaines, des groupes qui nous ont fait valoir certains points qu'ils souhaitaient être revus ou améliorés dans le processus législatif que nous avions à déposer. Puis ce qui était important pour moi, c'était d'aligner la loi avec la nouvelle réalité policière qui a changé, vous comprendrez bien, énormément dans les dernières années, m'assurer que les policiers soient mieux formés, formés de façon continue mais tout au long de leur carrière afin qu'ils s'adaptent plus rapidement, renforcer la confiance du public envers les corps de police et leurs membres et accroître l'efficience, nécessairement, de l'activité policière.

Vous comprenez que le travail des policiers d'aujourd'hui est bien différent de celui des polices... des policiers de voilà 20 ans et sera bien différent de celui d'aujourd'hui dans les prochaines années. Et il y a trois points importants sur lesquels il faut... je voulais m'attarder, c'est : moderniser la police et la déontologie, je vais vous parler des personnes disparues par la suite, et la transparence.

Quand je parle de moderniser la police et la déontologie, un des premiers points importants pour moi, c'est d'établir, de définir des lignes directrices sur les interpellations policières, incluant les interceptions routières, confirmant que l'interpellation policière et l'interception routière basées sur des motifs discriminatoires sont interdites. Ça, c'est une recommandation... la recommandation n° 36 du comité consultatif sur la police. Et on va s'obliger nous-mêmes, après la sanction de la loi, deux mois après la sanction de la loi, de définir ces lignes directrices pour accompagner le travail des policiers.

Définir aussi des pouvoirs réglementaires qui vont permettre d'établir le contenu minimal des règlements de discipline interne des corps de police et prévoir des obligations de formation continue pour les policiers, recommandation n° 95 du CCRP. Pourquoi la formation continue? Je considère important parce que le travail du policier, sur une période de 20, 25, 30 ans, évolue, change. C'est des discussions qu'on a eues avec les corps, Christopher et moi. Et, quand je parle de formation continue, pour moi, c'est important qu'on puisse définir, après un certain laps de temps, qu'un policier ait besoin de deux, trois, quatre, cinq, six heures par année ou sur une période de deux ou trois ans, d'avoir une formation qui va l'amener à mieux définir les nouvelles réalités de son travail.

Je veux aussi renforcer l'efficience du système de déontologie policière. Comment on modernise la déontologie policière? On veut, et je souhaite, ajouter une nouvelle fonction de prévention et d'éducation pour le Commissaire à la déontologie policière, et ça, autant auprès des policiers que des citoyens, c'est la recommandation n° 110 du CCRP, pour être capables d'accompagner autant les citoyens que les policiers et pour contrer l'utilisation abusive de la force ou le profilage racial et social chez les policiers. Je veux permettre aussi au Commissaire à la déontologie de tenir lui-même une enquête lorsqu'il l'estime nécessaire. Ça se fait du côté du coroner. C'est la recommandation n° 101. Je veux permettre aussi aux citoyens de faire un signalement anonyme auprès du Commissaire à la déontologie policière, recommandation n° 97.

Une demande, un gain dans ce projet de loi : de mettre... de permettre... de mettre en place, pardon, un accompagnement aux différentes étapes du processus déontologique pour les plaignants alléguant un motif de discrimination. Donc, ça, c'est un ajout dans le p.l. Un autre ajout dans le p.l., c'est de donner le choix à ces mêmes plaignants de participer ou non à un processus de conciliation avec le policier qui est visé par la plainte. Donc, tout ça vise à rétablir, vous comprendrez bien, le sentiment de confiance entre les policiers et les citoyens.

Deuxième point important : mieux outiller les policiers dans le cadre de disparitions. Vous le savez, les premières heures d'une disparition sont extrêmement importantes. On n'a qu'à penser au propriétaire de Savoura, M. Roy, qui est disparu avec son fils lors d'un accident d'hélicoptère. Quand je parle des premières heures, bien, vous comprendrez que, présentement, les policiers n'avaient pas beaucoup d'outils pour être capables rapidement d'utiliser les outils technologiques que sont nos cellulaires ou autres renseignements, pour être capables de rapidement trouver la trace de la personne disparue ou du mineur et de celui ou celle qui accompagnait cette personne mineure et qui pourrait être portée disparue.

Donc, sur ordonnance d'un juge, on va permettre aux policiers d'obtenir toutes les infos sur le cellulaire d'une personne disparue et de celle qui pourrait l'accompagner. Par exemple, les policiers pourraient demander une ordonnance pour accéder à des renseignements personnels cruciaux. Puis on sait, comme je vous l'ai mentionné, qu'un accès accéléré à ces informations peut faire la différence entre la vie et la mort. Donc, toutes les informations disponibles sur le cellulaire d'une personne ou de la personne qui se trouve avec elle, les transactions bancaires, les signaux GPS... Je pourrais vous énumérer, là, plusieurs, plusieurs points spécifiques de ces informations, mais, pour moi, il était... Puis on édicte une nouvelle loi, là, il faut bien comprendre qu'on est allés chercher les meilleures pratiques, autant du côté de l'Ontario que du Manitoba, pour définir et édicter cette nouvelle loi pour outiller nos policiers puis d'être capables de répondre le plus rapidement possible aux cas de disparition que nous pourrions avoir.

Et le dernier point : transparence. Il est important pour moi aussi, du côté des services correctionnels, de rendre publiques toutes les décisions des commissaires à la libération conditionnelle de ces détenus qui obtiennent, donc, une libération. Alors, toute personne pourra avoir accès aux décisions de ces commissaires, que les commissaires ont établies pour la libération, donc, d'un détenu.

Alors, c'est une loi, pour moi, qui apporte des changements importants et qui répond à plusieurs recommandations sur la commission de la réalité policière, le comité consultatif, le CCRP, du Groupe d'action de la lutte contre le racisme. Je pense qu'on a trouvé un équilibre qui est intéressant pour que les policiers puissent bien faire leur travail. Je veux les remercier parce qu'ils font un travail incroyable.

Je fais une petite parenthèse pour vous dire jusqu'à quel point j'étais fier de voir les policiers de la Sûreté du Québec, hier, à Amqui, au poste de commandement, plus d'une centaine d'hommes et femmes qui sont là, qui ont à peine dormi, pour être capables d'aller chercher le plus d'information possible pour trouver des explications et des raisons à savoir pourquoi cet homme a décidé d'utiliser son camion comme bélier. Donc, merci au travail des policiers qui font un travail important pour rassurer et protéger notre population.

Christopher, à toi.

M. Skeete : Bien, merci beaucoup, François, puis bonjour, tout le monde. La dernière fois que j'étais sur la même tribune avec mon collègue, j'avais mentionné qu'en 2022‑2023 ce n'est pas normal qu'un Québécois puisse être victime de profilage racial. Aujourd'hui, je suis très satisfait du travail de notre gouvernement.

Le projet de loi que notre gouvernement dépose aujourd'hui s'inscrit dans les démarches que nous avons entreprises au cours des dernières années pour répondre aux recommandations du Groupe d'action contre le racisme. C'est un projet de loi qui est le fruit de nombreuses consultations que nous avons menées, et on en a fait plusieurs sur plusieurs jours, et qui sont aussi le fruit de qu'est-ce qu'on avait annoncé le 24 novembre dernier pour prévenir les possibles situations de profilage racial et social dans les différents corps de police, et on a été à l'écoute.

Ce projet de loi, il est bien différent de la première mouture du projet de loi n° 18 déposé par ma collègue dans la dernière législature. Il introduit des outils et des leviers qui permettent d'encadrer les façons de faire. Il propose des mesures ciblées qui permettront la mise en place de changements concrets. Ce projet de loi vient s'assurer et s'appuyer sur les recommandations émises par le Groupe d'action contre le racisme, notamment les recommandations 1, 20 et 3. Ce projet de loi exprime notre ferme intention de poursuivre nos actions de lutte contre le racisme et de permettre et de renforcer la relation de confiance tant importante entre les corps policiers et les personnes issues des communautés diverses.

Les corps de police et leurs membres ont un rôle unique dans la société. Ils sont les acteurs de premier plan dans la mise en place des changements nécessaires. Ils font partie de la solution. Les interventions policières se complexifient et exigent de mieux comprendre les réalités des différentes personnes, des citoyens, et surtout les plus vulnérables dans notre société. Les policiers travaillent fort pour bien arrimer leurs interventions aux besoins des citoyens afin de leur inspirer confiance. On vient ici aujourd'hui les appuyer.

C'est important que tout le monde ensemble puisse bâtir la confiance nécessaire pour avancer. On est comme dans une impasse sociétale et on doit, chacun de notre côté, agir pour aider à régler cette impasse-là. Ce projet de loi là, la contribution du ministère de la Sécurité publique, la contribution du bureau de la Lutte contre le racisme, c'est justement le genre de chose qui va nous permettre d'arrimer ces efforts-là au nom des citoyens québécois de tous les horizons.

Alors, très fier aujourd'hui d'être devant vous, et merci beaucoup à mon collègue pour son écoute, sa présence, mais surtout pour ce beau projet de loi qui va toucher la vie de plusieurs Québécois. Merci, tout le monde.

La Modératrice : On va passer à la période de questions. On va commencer par celles en français.

M. Laforest (Alain) : Je commencerai avec M. Skeete avant M. Bonnardel. En 2023, est-ce qu'il y a encore du profilage racial?

M. Skeete : Le profilage racial, c'est un phénomène, je pense, qu'on trouve un peu partout dans le monde. Il y a des gens qui se sentent victimes de profilage racial. Il y a des gens qui sont convaincus qu'ils n'en font pas mais que, dans les faits, peut-être, ils en font. Je pense que l'important, c'est de vraiment travailler la confiance, le niveau de confiance qu'on peut avoir dans la société. Il y a des gens qui, pour toutes sortes de raisons, se sentent exclus de la société, pas écoutés par les policiers, et on doit travailler cette confiance-là. C'est pourquoi aujourd'hui on met les mécanismes en place pour, justement, enrayer ça et, surtout, collecter les données pour répondre à cette question-là de manière plus conséquente.

M. Laforest (Alain) : M. Bonnardel, au niveau de la recherche des personnes disparues, là... et vous savez que ça va lever un tollé au niveau de la préservation, là, des renseignements personnels, mais est-ce que ça pourrait s'appliquer sur une Alerte AMBER? On peut penser, entre autres, à ce qui s'est passé sur la Rive-Sud, avec les soeurs qui ont disparu, qui ont été assassinées par leur père, là. Est-ce que vous pensez que ça, ça pourrait être utilisé rapidement par les policiers? Est-ce que c'est votre objectif?

M. Bonnardel : C'est l'objectif de donner les outils le plus rapidement possible à tout corps de police sur ordonnance d'un juge, des informations pertinentes le plus rapidement possible pour être capables de définir l'endroit précis où cette personne pourrait avoir enlevé des enfants ou si notre fille pourrait être disparue, notre garçon pourrait être disparu avec un cellulaire. Donc, pour moi, c'était important d'avoir ces outils. Je pense qu'en 2023 il est important que nos policiers puissent avoir ces informations rapidement, qui vont amener la police à réagir et à, j'espère, sauver des vies dans le futur.

M. Carabin (François) : Bonjour, messieurs. M. Bonnardel, vous... si je peux vous ramener devant le micro, vous vous donnez deux mois après la sanction de la loi pour imposer des lignes directrices quant aux interpellations policières, notamment, là. Bon, je sais que ça ne doit pas être encore élaboré complètement, mais à quoi ça pourrait ressembler, ces lignes directrices là aux corps policiers?

M. Bonnardel : Bien, écoutez, c'est ça, là, c'est difficile de définir exactement, là, de quelle façon. Le motif derrière tout ça, c'est qu'il ne doit pas y avoir d'interpellation ou d'interception avec des motifs discriminatoires, c'est ça qui est le principe même. Ce qu'il est important aussi de vous mentionner en ajout, c'est qu'on va colliger ces informations. Ce que je vais demander aux corps de police, c'est de nous donner des informations, c'est de colliger les informations sur les interpellations et les interceptions, et, à chaque 1er avril, on va avoir... obtenir ces informations de la part des différents corps de police pour avoir des informations additionnelles qui vont nous permettre de prendre des décisions futures qui vont être nécessaires sur la suite des choses.

M. Carabin (François) : Puis, M. Skeete, si je peux vous poser une question aussi, vous avez parlé du Groupe d'action contre le racisme, plus précisément la recommandation 20, qui demandait la fin des interpellations policières aléatoires. J'aimerais juste savoir, comprendre qu'est-ce qui a changé entre... c'est décembre 2020 et aujourd'hui, qui a fait que vous avez abandonné cette recommandation-là plus précise sur les interpellations aléatoires.

M. Skeete : Bien, en fait, je ne suis pas d'accord que c'est un abandon du principe. Ce qu'on vient dire ici, dans le projet de loi, c'est qu'on vient interdire les interpellations aléatoires pour des motifs discriminatoires, ce qui est essentiellement le problème. Les gens se sentent visés par leurs races, par leurs différences, et là on vient dire précisément, supporté par une directive qui va suivre, assujetti à des sanctions, que ça, ce n'est pas acceptable.

M. Carabin (François) : O.K. Puis, juste rapidement, sur la ville de Montréal, les allégations de racisme, là, de climat toxique, raciste, est-ce que la ville doit rendre des comptes?

M. Skeete : Bien, j'ai lu l'article du Devoir et, je dois vous dire, j'ai trouvé ce que j'ai lu dégueulasse. Le mot, c'est «dégueulasse». On n'a pas à subir un climat de travail comme ça, et c'est très inquiétant. J'ai une rencontre prochainement avec la commissaire pour la lutte au racisme à Montréal. Très hâte de discuter avec elle. Je pense qu'il faut travailler ensemble de toutes les manières puis j'ai très hâte de collaborer avec elle pour l'aider à ma manière et peut-être recevoir de l'aide de sa part aussi pour travailler ce problème-là.

M. Carabin (François) : Merci.

M. Skeete : Merci.

M. Bourassa (Simon) : Bonjour, messieurs. M. Bonnardel pour commencer. Il y a le Tribunal des droits de la personne, là, qui a sommé la ville de Longueuil, l'an dernier, à mettre en place, là, des mesures de formation contre le profilage racial. À l'époque, M. Dagher, qui était à la tête du service de police de la ville de Longueuil, avait fait fi de cet ordre du tribunal. D'ailleurs, la ville de Longueuil est citée pour outrage au tribunal, là, dans cette affaire-là. Tu sais, si un chef de police peut faire fi d'un jugement du tribunal pour l'obliger à faire de la formation sur le profilage racial, qu'est-ce que votre projet de loi peut venir changer?

M. Bonnardel : Bien, c'est un projet de loi qui va écraser toute autre forme de formation. Il y a des corps de police qui font de la formation en continu présentement, il y en a qui le font, là, mais, pour moi, ce qui est important, c'est de définir, en termes de formation continue, ce qui peut être utile dans le travail des policiers. Puis, je le disais d'entrée de jeu, le travail du policier voilà 20 ans versus aujourd'hui... Juste les appels au 9-1-1 à Montréal, présentement, c'est 80 % des appels qui sont reliés à la santé mentale. On ne voyait pas ça voilà 20 ans, là. C'est presque 50 % des appels partout sur le territoire québécois.

Donc, ce qui est important pour Christopher et moi, c'est qu'on soit capables de définir des lignes directrices qui vont empêcher ces interpellations avec des motifs discriminatoires. Ça, ce n'est pas négociable, pas négociable. Donc, je reste persuadé qu'avec l'information qu'on va colliger aussi dans les prochaines années on va être capables de mieux définir le rôle et de voir s'il y a des problématiques à améliorer ou non dans le travail. Mais, au-delà de tout ça, c'est important d'accompagner le travail du policier, de ces hommes et ces femmes qui font un bon travail dans l'ensemble.

M. Bourassa (Simon) : M. Skeete, quand il est question de profilage racial, lorsqu'il y a des policiers qui sont pris à partie puis qui sont accusés de ça, tu sais, les corps de police vont souvent répondre en disant : Bien, nous, on a du renseignement criminel à faire. Il y a une certaine part, aussi, de profilage qui, parfois, est défendue par les corps de police pour des raisons d'enquête, de sécurité publique, et tout ça. Comment on va être en mesure de départager ça, éventuellement?

M. Skeete : Être noir, ce n'est pas un motif, point. Alors, si c'est ça, le motif, ce n'est pas acceptable. On est ailleurs, on est en 2023. C'est fini, là, il faut passer à autre chose. Le party, il est fini. Aujourd'hui, on vient dire à nos policiers qu'on les supporte dans leur travail quand ils le font bien, puis ils font, à la vaste majorité, très, très bien leur travail. Puis là on vient leur dire qu'on les appuie dans ce travail-là puis on veut les aider à faire mieux.

M. Côté (Gabriel) : Juste pour bien comprendre, là, un policier qui va faire une interception aléatoire va pouvoir encore intercepter aléatoirement une personne noire, par exemple, mais il ne faudra pas que ce soit parce qu'elle est noire.

M. Bonnardel : ...des motifs discriminatoires, c'est ça.

M. Côté (Gabriel) : O.K. Mais donc il va falloir que ce soit parfaitement au hasard? Ça va être...

M. Bonnardel : Bien, un policier qui décide d'intercepter, d'interpeller quelqu'un, qui a des motifs, que ce soit pour la sécurité, pour un permis de conduire ou autres, ce travail... Puis c'est de là, le jugement... l'appel que nous avons rendu pour... que nous avons demandé suite au jugement Yergeau. Pour nous, les interpellations, interceptions sont importantes pour sécuriser la population, mais elles ne peuvent se faire, elles ne peuvent se faire avec un motif discriminatoire. C'est ça qu'on va définir, établir dans les lignes directrices qu'on va déposer... et, suite à ça aussi, des pouvoirs réglementaires qui vont définir aussi, donc, les règlements face à la possible discrimination que pourrait faire un policier face à une personne.

M. Côté (Gabriel) : Mais je ne vois pas bien ce qui peut changer concrètement. Parce qu'après avoir été interceptée une personne qui fait partie d'une quelconque minorité va toujours pouvoir dire : J'ai été victime de discrimination, c'est pour ça que j'ai été interpellé au premier chef. Donc, votre projet de loi ne va pas arrêter ça vraiment.

M. Skeete : Je vais vous dire qu'est-ce qui est nouveau puis très important. Dans le projet de loi, on vient définir que les interpellations et les interceptions ne sont plus permises pour des motifs discriminatoires, ça fait qu'on vient ancrer ça. Si jamais ça vient qu'on peut démontrer, par une enquête disciplinaire, par un jugement, quoi que ça soit, qu'il y a eu de la discrimination ou il y a eu... l'instigation de l'interpellation est pour des motifs discriminatoires, on va avoir un levier pour agir. Donc, on vient dire non seulement très clairement que ce n'est plus acceptable, mais on vient donner un peu de pouvoir derrière ça avec des sanctions et on vient décrire une directive qui vient dire : Ce n'est plus acceptable.

Ça fait que tout ça ensemble donne non seulement, en amont, la confiance que ce n'est pas permis, puis ça lance un signal que ce n'est pas permis, et, en aval, ça va donner des conséquences si jamais on le fait. Et c'est ça, la nouveauté, et c'est ça qui est très important et demandé par les communautés. Parce qu'en ce moment on pouvait subir sans nécessairement savoir comment y répondre, puis ça, ça contribue au sentiment de manque de confiance, le sentiment de manque d'appartenance. On vient corriger ça pour non seulement lancer le signal, mais rectifier, le cas échéant.

M. Côté (Gabriel) : Merci.

M. Lacroix (Louis) : Bonjour, messieurs. Je sais que la question vous a été posée, M. Skeete, mais j'aimerais la poser maintenant à M. Bonnardel, qui... vous qui êtes ministre de la Sécurité publique. À votre connaissance, est-ce que ça se fait toujours, au jour d'aujourd'hui, du profilage racial chez les corps policiers? Est-ce qu'il y en a toujours?

M. Bonnardel : Il peut y avoir, il peut y avoir des cas de profilage venant de la part de certains membres des corps de police, il peut y avoir. Maintenant, il n'y a pas de racisme érigé en système dans les corps de police, ça, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai, mais il peut y avoir des cas.

M. Lacroix (Louis) : Vous dites également que vous allez donner davantage de pouvoirs au Commissaire à la déontologie, qui va pouvoir faire des enquêtes. C'est compliqué, faire des enquêtes, là. Il y a une marge entre prendre... recevoir des témoignages, par exemple, comme il le fait en ce moment, évaluer tout ça, produire un rapport... Faire une enquête, ça exige une expertise et ça exige des enquêteurs. Est-ce qu'il va y avoir des moyens supplémentaires donnés au Commissaire à la déontologie? Et de quel ordre seront-ils?

M. Bonnardel : Bien, le commissaire... la dénomination du commissaire va... le comité déontologique va devenir le tribunal. Ça, je l'ai annoncé tantôt. Je ne peux juste pas vous annoncer, ce midi, les sommes qui vont être dédiées au comité... au futur tribunal de la déontologie policière parce que le budget va être déposé la semaine prochaine.

M. Lacroix (Louis) : Non, mais c'est...

M. Bonnardel : Mais il y a des outils. Mais je comprends...

M. Lacroix (Louis) : Mais, en termes de ressources, par exemple?

M. Bonnardel : Bien, il y a... Oui, bien, il y a des sommes et des...

M. Lacroix (Louis) : Il va y avoir combien de ressources mises à la disposition?

M. Bonnardel : Je ne peux pas vous donner ces informations-là parce que ça touche les aspects financiers.

M. Lacroix (Louis) : Bien, vous comprenez que c'est important de savoir.

M. Bonnardel : Je le sais, je le sais...

M. Lacroix (Louis) : Il va-tu y avoir un enquêteur, 10 enquêteurs...

M. Bonnardel : Il y a des ressources financières qui vont être attribuées au tribunal.

Journaliste : Supplémentaires?

M. Bonnardel : Supplémentaires, oui. Désolé de ne pouvoir donner ces infos-là, mais je ne veux pas brimer le droit du ministre des Finances.

M. Laforest (Alain) : Ça va être dans le budget, là, on comprend que c'est dans le budget?

M. Bonnardel : C'est ça.

M. Laforest (Alain) : Donc, le tribunal va être officiellement créé avec le budget?

M. Bonnardel : Voilà.

M. Desrosiers (Sébastien) : Bonjour. Ma question est pour M. Skeete. Vous avez dit, par rapport aux recommandations du Groupe d'action contre le racisme, qu'il n'y avait pas eu d'évolution. Or, à l'époque, ce qui était recommandé, si je me fie au texte, c'est de «rendre obligatoire l'interdiction des interpellations policières aléatoires». Donc, pourquoi ne pas les interdire tout simplement?

M. Skeete : D'interdire... Je vais vous dire ce que j'ai exprimé à différents groupes communautaires qu'on a rencontrés. On ne veut pas vivre dans un monde où est-ce que les policiers n'ont pas le droit de démontrer de l'initiative. Je pense que ce n'est pas ça que la population veut. La population veut que... quand ils se promènent dans la voiture d'un autre ou de leurs conjoints, qu'on ne les interpelle pas parce qu'ils sont «driving while black», comme disait l'expression aux États-Unis, là. C'est ça qu'il faut qu'on arrête.

Pour arrêter ça, il faut, premièrement, être très clair pour dire qu'être noir dans une voiture, ce n'est pas un motif. Il faut définir ça. La deuxième chose, c'est... après ça, c'est de dire explicitement que ce n'est pas acceptable et d'y attacher des sanctions.

Alors, moi, je ne considère pas que c'est une évolution. On abolit les interpellations aléatoires pour motif discriminatoire. C'était l'intention de qu'est-ce que le Groupe d'action contre le racisme avait demandé.

M. Desrosiers (Sébastien) : Mais est-ce que les policiers, je veux dire, écrivaient... Tu sais, ça n'arrivait pas, j'imagine, qu'un policier écrivait comme motif : Bien, la personne était noire. Alors, qu'est-ce qui les empêchera, je ne sais pas, d'écrire sur leurs rapports un motif qui sera davantage satisfaisant — mais vous comprenez ce que je veux dire? — mais, dans les faits, de ne pas changer leurs comportements?

M. Skeete : Bien, moi, je fais le choix, je pense que les Québécois font le choix de présumer de la bonne foi de nos policiers, premièrement. Deuxièmement, il y a plusieurs mesures qui vont venir baliser cette interdiction-là. La première, c'est la formation continue. La deuxième, c'est d'être clair dans le message.

Aujourd'hui, on vient vous parler pour être très clairs sur le message que ce n'est pas acceptable. On va mettre des conséquences et une directive qui vont venir appuyer cette démarche-là. On va avoir un nouveau tribunal de la déontologie qui va pouvoir non seulement entamer elle-même des enquêtes, mais, de son côté aussi, agir et regarder ces affaires-là. Donc, moi, j'ai confiance que tous ces outils-là qu'on met à disposition de l'État et de la population va nous permettre de... s'il y a lieu, d'intervenir si jamais ça a été fait pour des motifs discriminatoires.

M. Desrosiers (Sébastien) : O.K. Puis, juste un petit suivi sur... Vous êtes en appel du jugement Yergeau, là, sur les interceptions routières sans motif, puis là aujourd'hui vous dites : Dans le projet de loi, on va encadrer ces interceptions-là. Mais, si la cour vient vous dire que ce n'est pas légal, vient les interdire, est-ce que vous allez avoir travaillé pour rien? Qu'est-ce qui va se passer avec ce que vous déposez aujourd'hui?

M. Skeete : Bien, c'est hypothétique puis c'est le ministre de la Justice, là, ça fait que je ne vais même pas tenter votre réponse.

M. Desrosiers (Sébastien) : O.K. Mais vous n'auriez pas voulu attendre d'avoir le jugement?

M. Skeete : Non. Non, mais je pense que c'est important d'agir en ce qui a trait au racisme. Je pense, les Québécois ont hâte que le gouvernement du Québec agisse. On l'avait promis, on s'est donné un échéancier de cinq ans. Moi, je suis motivé et pressé pour agir en la matière puis je pense que les Québécois ont assez attendu. Je pense que les personnes racisées, qui sont victimes à plusieurs niveaux, là, pour ces affaires-là... je pense qu'ils demandent qu'on prenne action, puis c'est ce qu'on fait aujourd'hui.

M. Chouinard (Tommy) : Bonjour, M. Bonnardel. Pourquoi c'est nécessaire de demander aux corps de police de rendre des comptes sur une base annuelle au sujet des interpellations?

M. Bonnardel : Bien, ça ne s'est jamais fait. Et d'être capables de colliger des informations sur les interceptions et les interpellations, pour moi et pour nous... ça fait partie d'une des recommandations que le CCRP nous demandait. Donc, pour nous, colliger ces infos puis d'être capables de définir la suite des choses, l'amélioration future, peut-être, d'une future loi dans les prochaines années... bien, on va se donner quand même un peu de temps pour arrimer nos différentes informations qui entreront des différents corps de police, puis on pourra évaluer la suite.

M. Chouinard (Tommy) : O.K. Mais ça va servir à quoi exactement?

M. Bonnardel : Bien, c'est d'être capables de colliger les informations sur le pourquoi des interceptions, les interpellations, donc définir de par les gestes que les policiers vont poser. On sera capables d'analyser, au ministère, les cases à laquelle les policiers auront défini leur principe même d'interpellation ou d'interception.

M. Chouinard (Tommy) : Dans le projet de loi, tout en réitérant... bien, en tout cas, en le précisant, que, dans le cadre des enquêtes, les corps de police agissent de façon indépendante, vous ajoutez une disposition qui dit que le ministre peut demander puis que les corps de police doivent soumettre, sur demande, au ministre toutes sortes de renseignements, y compris des renseignements pour aider le ministre dans ses fonctions. Ça me semble une disposition quand même très large, là, dans le cadre d'une séparation des pouvoirs, là. C'est quoi, là, l'objectif derrière cette mesure-là?

M. Bonnardel : Mais on ne va pas demander des informations sur de possibles enquêtes en cours ou des informations avec des renseignements spécifiques. Ça n'a jamais été le cas du côté du ministère de la Sécurité publique. Si on veut mieux accompagner nos policiers dans le cadre de leur travail, bien, c'est nécessaire d'être capables d'obtenir des informations sur différents enjeux possibles et de les accompagner, exemple, comme on le fait aujourd'hui. C'est quand même un travail, aujourd'hui, qui a été fait depuis presque trois ans déjà, là, trois ans, puis c'est le dépôt de cette loi. Donc, pour nous, d'avoir les informations additionnelles qui viennent des différents corps de police, c'est juste un travail qui... une information qui est importante.

M. Chouinard (Tommy) : Mais quelles informations n'avez-vous pas... sont manquantes en ce moment et que cette disposition du projet de loi vous permettrait d'obtenir?

M. Bonnardel : On va définir ça avec les corps de police, ces différentes informations.

M. Chouinard (Tommy) : Oui, mais c'est parce qu'il y a une règle qui dit : Le législateur ne parle pas pour ne rien dire, là. Donc, j'imagine que cette disposition-là a un but, là.

M. Bonnardel : Bien oui, comme je vous le mentionnais, c'est d'obtenir des informations qui peuvent être importantes dans le cadre de la modernisation d'une future loi, dans le cadre du travail que la police fait. On va nécessairement entendre des corps de police, différents corps de police lors des consultations particulières, ils vont peut-être nous soulever certains points. Mais vous comprendrez que tout ça est né de plusieurs, plusieurs discussions avec eux depuis très, très, très longtemps déjà.

La Modératrice : On va passer aux questions en anglais.

Mme Mignacca (Franca G.) : Hi. If the recommendation from the task force was to ban random checks altogether, why not just do that?

M. Skeete : So, the recommendation was to ban random checks, that's what we're doing. We're banning random checks based on any motive that could be discriminatory. So, the needle hasn't moved in that regard. And the idea behind that recommendation was for us to say : Driving while black is not a motive. You cannot use that as a motive to decide : OK, I'm going to pull you over. That's what we're putting an end to, and that was the intention of the Groupe d'action contre le racisme at the time, to eliminate that phenomenon, and that's what we're doing here today.

Mme Mignacca (Franca G.) : But, when it comes to these cases, we hear from a lot of people that are pulled over, and they feel they've been racially profiled, but the officer will give a reason like, you know, they thought the car was stolen or they matched the description. How exactly will this stop racial profiling if you leave it up to the officers to the term and what constitutes discrimination?

M. Skeete : Well, there's two things. So, on the front side, we're going to be creating a directive that's going to now say that this is not acceptable and that… is not the intention of the police force or the police... the ministèrede la Sécurité publique to have that kind of behavior from our police officers. We're also adding continual training. As it is now, police officers rarely... some police forces offer it, but rarely police officers will get continual training during the course of their career.

On the other hand, we're going to improve the dispositions for complaints. So, either la commission des droits de la personne, de la jeunesse, either «le nouveau tribunal de la déontologie»… These are mechanisms that are going to be there to feed confidence by members of the public who feel that they've been discriminated against. It's the multiplicity of all these little initiatives that bring into scope to say : It's not acceptable.

So, at the same time… So, I say that. That's for one side of the argument. The other side of the argument is : How do we make sure that police officers can do their job everyday? Police officers need the tools that they have in order to do a good job. And I often say to the people that I cross who have opposing views… I say : You really don't want to live in a world where police officers don't feel that they can do their job. So, we think that this is a perfect balance that brings us where we want to go.

Mme Mignacca (Franca G.) : Just one more, if I may. On a public security perspective, though, what benefit do random checks bring? Why keep them in place?

M. Skeete : Well...

M. Bonnardel : Vas-y, vas-y, question de sécurité...

M. Skeete : ...if you want to look what it looks like, just look at other jurisdictions that have removed it. That initiative that police officers have, that deciding to go on the offensive to look for things and that proactivity that we like from our police officers that sometimes yield results goes away. So, how do you strike the balance between having police officers who are motivated, who are trying to intercept crime, interdict crime before it happens and, at the same time, balance a very real phenomenon, that disproportionally people who are visible minorities are targeted? We think we've struck that balance in this new law.

Mme Henriquez (Gloria) : Good afternoon. For you first, Mr. Skeete, can I get your take on… your reaction on the racism allegations in the city of Montréal? You said it in French.

M. Skeete : Yes, it's… What I read in Le Devoir the other day, there's one word, and it's «disgusting». I don't think it's acceptable. I mean, there's no time frame in the article, so we don't really know when these things happened. They were always unacceptable, but they were at least common 50 years, 70 years ago. If this is recent, it's even more disconcerting. So, no, it's unacceptable. And what I want to say is that I think people need to realize, and I think they are slowly starting to realize, that the party is over. This is no longer acceptable in 2023, it never was, and now people are standing up to say so.

Mme Henriquez (Gloria) : And are you speaking to the city or doing… taking any action?

M. Skeete : I have a meeting later on with the «commissaire pour la lutte au racisme» of Montréal coming up shortly. I'm looking forward to see how we can work together. I mean, you know, racism is not one of the things that you can just check a box and say : We fixed racism. So, it's going to take years and years of us all working together. And, you know, we need all the help we can get. So, I look forward to working with her, helping her when she needs it, and I look forward to getting her help when I need it.

Mme Henriquez (Gloria) : Perfect. Thank you. And, for M. Bonnardel, I just want to ask you about the new, I guess, powers or attributions that the «commissaire», the ethics commissioner will have and also about the sanctions that might be imposed.

M. Bonnardel : Well, there's different points that… topics that we are going to give to the commissioner. It's a prevention and education function for the Police Ethics Commissioner with both citizens and police officers. It's recommendation n° 110 : Allow the Police Ethics Commissioner to hold an investigation himself when he deems it's necessary, allow citizens to make anonymous report to the Police Ethics Commissioner and put in place support in different various stage of the ethical process for complaining.

Mme Henriquez (Gloria) : And what will those sanctions look like, the sanctions that the police…

M. Bonnardel : It will be defined by different police corps with us when we will have adopted this bill, maybe in a couple of weeks.

Mme Henriquez (Gloria) : OK. Perfect. Thank you.

M. Skeete : If I can just add. When we say : We've struck the balance, we're no way saying that everyone's going to be happy. There's going to be some people who are going to say we're not going far enough, and there's going to be some people who are saying we're not going far enough, but these measures that we're giving to the «déontologie» were asked for by the community. When we sat down with the community, they actually told us that it's really intimidating going to see the Commissaire à la déontologie. Sometimes, we have to be there face-to-face with the police officer. We're fixing irritants like that that remove people's feeling of safety when they're actually trying to, you know, espouse their rights.

So, these are things that we're doing to move the needle to make people more comfortable in complaining, because a lot of times… and this is one of the reasons why we're collecting data, lot of times people don't even complain because they don't trust the process. So, we have to fix the process, we have to fix the perceptions and we have to be clear on our signals. That's what we're doing here.

La Modératrice : Merci.

M. Bonnardel : Thank you. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 04)

Participants


Document(s) associé(s)