(Douze heures dix-huit minutes)
Le Modérateur : Alors,
bonjour à tous et bienvenue à ce point de presse de la ministre déléguée à la
Santé et aux Aînés, Mme Sonia Bélanger, sur le dépôt du projet de loi
concernant les soins de fin de vie. Mme Bélanger est accompagnée aujourd'hui de
la députée de Roberval, Nancy Guillemette, qui a présidé les travaux de la
Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de vie.
Mesdames, à vous la parole.
Mme Bélanger : Alors, bonjour
à toutes et tous. Alors, aujourd'hui, c'est une journée vraiment très
importante pour moi. C'est la première fois que je dépose un projet de loi puis
c'est une journée importante pour l'ensemble de la société. Je suis très
contente d'être accompagnée, d'ailleurs, pour l'occasion, de Nancy Guilmette,
qui est ma collègue députée de Roberval, qui a présidé la Commission spéciale
sur les soins de fin de vie. Merci beaucoup, Nancy, pour ton travail. Nancy a
fait un travail extraordinaire, et j'étais soucieuse d'examiner ce projet de
loi, de le conduire en tenant compte des travaux qui ont été faits précédemment.
Alors, tout d'abord, permettez-moi de
souligner l'important travail que mon collègue Christian Dubé a fait en mai
dernier. Dans un contexte, qui était vraiment un contexte de fin de session
parlementaire, Christian Dubé avait déposé la première mouture du projet de
loi. Alors, aujourd'hui, je suis fière d'avoir déposé, un peu plus tôt ce
matin, une mise à jour du projet de loi modifiant la Loi modifiant la Loi
concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives, donc
projet de loi n° 11.
Alors, d'entrée de jeu, l'aide médicale à
mourir, c'est un soin de fin de vie, et j'insiste sur le mot «soin». C'est un
soin qui permet de vivre ses derniers moments comme on le souhaite, entouré de
nos proches, dans la plus grande sérénité et dignité. Vous le savez, j'ai eu l'occasion
de le mentionner à plusieurs reprises, je suis infirmière de profession, je
suis encore aujourd'hui infirmière, d'ailleurs, et j'ai toujours été guidée par
le désir d'offrir les meilleurs soins avec beaucoup d'empathie et de respect.
Le processus d'aide médicale à mourir, c'est justement cela, de l'empathie et
du respect.
En 2021, la commission spéciale présidée
par Nancy a entamé une démarche transpartisane et collaborative. Et, je dois le
souligner, il s'agit d'un travail admirable qui a été fait en pleine pandémie,
où ils ont passé un nombre d'heures important à examiner, à rencontrer
différentes personnes. Les recommandations qui ont été formulées dans le
rapport ont guidé l'élaboration du projet de loi que je dépose aujourd'hui,
notamment concernant les demandes anticipées d'aide médicale à mourir.
Vous vous souvenez sans doute qu'une
précédente mouture du projet de loi avait été déposée en mai dernier. Et, en
raison de la fin de la session parlementaire, le projet de loi n'a pu être
adopté. Je suis donc fière aujourd'hui de reprendre ce travail, et de vous
présenter aujourd'hui une mise à jour de la loi, et d'avoir l'occasion d'en
discuter avec mes collègues députés de toutes les formations politiques dans les
prochaines semaines.
Avec le dossier d'aide médicale à mourir,
il y a de l'histoire, mais ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'il n'y a jamais
eu de partisanerie dans ce dossier, et je n'ai pas l'intention de commencer à
faire de la partisanerie avec ce dossier qui est tellement important. Je
souhaite donc offrir ma plus sincère collaboration à toutes les formations
politiques dans l'étude de ce projet de loi.
Alors, allons-y. Qu'est-ce qu'il y a dans
ce projet de loi? Premier élément, la possibilité de faire une demande
anticipée d'aide médicale à mourir suite à un diagnostic de maladie grave et
incurable menant à l'inaptitude. Peut-être un exemple, si moi, je reçois
aujourd'hui un diagnostic d'Alzheimer, je pourrais, avec ce projet de loi,
faire une demande pour préciser mes attentes et mes volontés lorsque ma
situation sera détériorée. Prenons l'exemple de la maladie d'Alzheimer, qui
mène ultimement à l'inaptitude, ce n'était pas possible de faire la demande une
fois qu'on avait franchi un certain stade de la maladie. Alors, la demande
anticipée permet de faire cela. On souhaite que les gens puissent avoir un
droit de regard sur le type de fin de vie qu'ils souhaitent.
Deuxième élément, on ajoute la possibilité
de faire une demande d'aide médicale à mourir pour les personnes vivant avec un
handicap neuromoteur grave et incurable, ces deux mots-là sont très importants,
à condition, bien sûr, de remplir les autres critères. J'y reviendrai tantôt,
là, les critères qui sont dans la loi actuelle. On aura assurément l'occasion
d'en discuter avec les groupes, lors des consultations, et avec mes collègues
députés et on prendra le temps de bien le faire. C'est une question délicate,
sensible et qui doit être abordée avec humanisme, mais aussi en considérant l'évolution
de notre société et l'évolution de la science.
Troisième élément du projet de loi, les
maisons de soins palliatifs et les hôpitaux privés ne pourront pas exclure
l'aide médicale à mourir dans leur offre de soins. Or, comme société, on a
voulu donner l'accès à l'aide médicale à mourir. Les gens qui veulent en
bénéficier doivent pouvoir le demander, peu importe l'endroit où ils reçoivent
ces soins. Et les maisons de soins palliatifs font partie d'un lieu, d'un
endroit où les personnes pourraient demander l'aide médicale à mourir.
J'ai malheureusement entendu plusieurs
histoires, dans les derniers mois, de Québécois qui ont dû se déplacer en
ambulance pour recevoir l'aide médicale à mourir alors qu'ils étaient dans des
situations de douleur et d'inconfort importants, comme vous pouvez l'imaginer,
lorsqu'on arrive à la fin de vie et que, malheureusement, la sédation ne
fonctionne pas. Alors, pour moi, c'est important que les maisons de soins
palliatifs, qui font, ceci étant dit, un travail extraordinaire, puissent
offrir le soin de l'aide médicale à mourir.
Quatrième élément du projet de loi, on
souhaite que les infirmières praticiennes spécialisées puissent réaliser
l'ensemble du processus à l'aide médicale à mourir, au même titre que les
médecins. Ça s'inscrit dans notre désir de décloisonner les professions, et
pour permettre un meilleur accès aux soins. Aussi, nous voulons permettre aux
infirmières de constater officiellement le décès, pas juste au moment ou dans
le processus de l'aide médicale à mourir, mais dans les différents soins de
santé. Alors, pendant la pandémie, étant donné l'urgence sociosanitaire, les
infirmières avaient eu, entre guillemets, le droit de constater les décès. Et,
en lien avec la fin de l'urgence sanitaire, ce droit, dans le fond, a été
retiré. Alors, nous souhaitons, dans ce projet de loi, réexaminer cette
intervention que les infirmières pourraient faire.
Cinquième élément du projet de loi, nous
avons indiqué, dans le projet de loi, qu'un trouble de santé mentale n'est pas
considéré comme une maladie grave et que cet unique diagnostic ne permet pas de
demander l'aide médicale à mourir. On l'a vu, dans les dernières semaines, il
n'y a pas de consensus sur cette question, tant au sein des professionnels
qu'au sein des différents groupes représentant les intérêts des usagers ou des
personnes.
Alors, en conclusion, les mesures
proposées dans ce projet de loi sont réfléchies et s'appuient sur des avis
exprimés tant par des citoyens que des experts. Et nous aurons l'occasion de
poursuivre notre réflexion accompagnés des différents groupes qui viendront
nous présenter leur position.
Les travaux et l'élaboration de ce projet
de loi ont été réalisés avec une grande rigueur et délicatesse, et je remercie
tous ceux et celles qui ont participé à cette démarche si importante. Je tiens
d'ailleurs à saluer l'ouverture de l'ensemble des collègues de l'Assemblée
nationale et à les remercier pour leur collaboration et leur appui. J'ai
d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter, là, avec eux dans les deux derniers
mois avant la période des Fêtes et également pas plus tard que cette semaine,
mardi. Je souhaite grandement poursuivre cette collaboration et je souhaite que
l'on travaille comme une seule et même équipe, pour les Québécois et les Québécoises,
dans cet important projet de loi.
Mes dernières phrases iront aux personnes
qui nous écoutent aujourd'hui. Alors, ce projet de loi, il est pour vous, pour
permettre à notre société d'avoir accès aux meilleurs soins de fin de vie. Pour
plusieurs Québécois et Québécoises, je sais que c'est un projet de loi attendu.
Soyez assurés que je vais y mettre tout mon cœur jusqu'à son adoption. Et je
passe maintenant la parole à ma collègue Nancy. Nancy.
Mme Guillemette : Bonjour,
tout le monde. Merci, Mme la ministre et félicitations pour le dépôt de ce
projet de loi n° 11 qui est tant attendu. Donc, je
suis très heureuse de vous accompagner aujourd'hui pour cette conférence de
presse. Il s'agit d'une étape importante qui est franchie aujourd'hui, une
étape qui nous mènera, je le souhaite ardemment, à l'adoption d'un projet de
loi. Les modifications proposées représentent une avancée significative à
plusieurs égards. Quelles que soient nos valeurs, les enjeux entourant les
soins de fin de vie nous interpellent toutes et tous.
Je suis très fière du travail accompli par
la commission et j'en profite pour remercier tous les collègues de toutes les
oppositions, les partenaires, on a été des partenaires. Donc, merci beaucoup
d'avoir relevé ce défi. Il faut le redire, on a entendu, pendant
200 heures en visio, une pléiade de groupes. Donc, c'est un mandat qu'on a
pris très, très au sérieux, et les recommandations que nous avons formulées
font état de l'évolution de la société québécoise en ce qui concerne l'aide
médicale à mourir. Je suis satisfaite de voir que le projet de loi y fait écho.
Merci.
Comme mentionné dans le rapport de la
commission spéciale, nos recommandations sur la mise en place d'une demande
anticipée d'aide médicale à mourir se sont appuyées sur les contributions de
nombreux intervenants et intervenantes qui ont nourri nos réflexions. Par
ailleurs, nous, les membres de la commission, on a considéré que le principe de
précaution s'imposait quant à l'admissibilité de l'aide médicale à mourir pour
les personnes qui ont, comme seul diagnostic, un trouble mental.
Les nombreux avis d'experts, les mémoires
reçus, les témoignages émouvants entendus nous ont grandement guidés pendant
les travaux de la commission. Nous avons privilégié une approche de
collaboration, sans partisanerie, guidée par la dignité, l'autodétermination,
mais aussi la protection des personnes les plus vulnérables. C'est ainsi qu'on
a pu dégager un consensus sur des enjeux très délicats et complexes. Je tiens à
remercier sincèrement, à nouveau, l'ensemble des membres de la commission qui
ont participé à cette démarche, mais aussi tous les gens qui sont venus
témoigner, les organismes qui sont venus témoigner de leur vécu.
Et je tiens à vous remercier, Mme la
ministre, d'avoir déposé le projet de loi, ce matin, et de reprendre le
flambeau de ce projet de loi avec tellement de bienveillance. Je suis très
honorée de pouvoir être à vos côtés. Et ce qu'il faut dire aujourd'hui, c'est
que ce n'est pas le projet de loi des parlementaires, ce n'est pas le projet de
loi du gouvernement, mais c'est bien le projet de loi des Québécoises et des
Québécois. Merci, Mme la ministre.
Mme Bélanger : Merci.
Le Modérateur : Merci
beaucoup. Nous en sommes maintenant à la période de questions. Et nous allons
commencer aujourd'hui avec Louis Lacroix de Cogeco.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
mesdames. Sur les maladies mentales, j'essaie de comprendre pourquoi. C'est
comme si… on dirait que vous faites un «statement» pour dire que la maladie
mentale n'est pas une maladie grave. Si vous ne vouliez pas que ce soit inclus
dans les soins de fin de vie, vous aviez juste à ne pas le mettre dans le
projet de loi, mais là on dirait que vous allez un rang plus loin en prenant la
peine de dire que c'est exclu. Pourquoi?
Mme Bélanger : Bien, en fait,
pourquoi on le mentionne clairement, c'est que ça a quand même été discuté, si
je ne me trompe pas, lors de la commission spéciale sur les soins de fin de
vie, le trouble mental était à votre agenda, et c'est pour ça qu'on prend la
peine de mentionner qu'on ne le mettra pas. Puis je vais laisser Nancy… puis je
vais vous revenir après pour préciser ma réponse.
Mme Guillemette : Si je peux
me permettre, en fait, en enlevant la clause de mort imminente, il faut venir
encadrer les troubles mentaux, sinon on aura là une porte ouverte, là. Et les
experts et les gens en commission sont venus nous dire que, bon, c'est
difficile, là, de dire que c'est irréversible. Donc, je pense que ce sujet-là,
à lui seul, est très sensible, et, à cause qu'on a enlevé le soin de fin de
vie, il faut venir encadrer le trouble mental.
Mme Bélanger : Oui. Peut-être
si je peux préciser, on a clairement ressenti que le trouble mental et l'aide
médicale à mourir ne font pas consensus parmi les différents groupes d'experts.
J'ai eu l'occasion de rencontrer des médecins et, à mon avis, je n'ai pas eu de
démonstration claire que ce sujet avait été discuté avec les usagers, avec les
proches.
Et puis rien n'empêche que la discussion
pourra se faire éventuellement. L'idée n'est pas de retirer un droit, je veux
quand même être claire ici, parce que, si on va de l'avant avec le projet de
loi, et c'est ce que je souhaite, ce sera un droit de demander l'aide médicale
à mourir, en respectant tous les critères que j'ai énoncés, puis on ne veut pas
retirer ce droit aux personnes ayant un trouble mental. Mais je pense que c'est
vraiment important que le débat puisse se faire et puis qu'on puisse entendre aussi
les principales personnes intéressées à ce niveau-là, donc des personnes qui
ont un diagnostic de trouble mental. Et puis ça nous semblait vraiment
précipité de faire ça aujourd'hui. Et je pense qu'il faut prendre le temps,
c'est une question qui est extrêmement délicate. On l'a vu, au niveau fédéral,
ils l'ont intégrée dans le Code criminel, ils ont mis la notion de handicap et
la notion de trouble mental. On n'était pas rendus là ici, au Québec.
M. Lacroix (Louis) : Justement,
sur la notion de handicap neuromoteur grave, vous le réintroduisez. Avez-vous
confiance que ça va être adopté ou c'est pour susciter un débat, justement, que
vous le ramenez dans le projet de loi?
Mme Bélanger : Bien, c'est
les deux. En fait, oui, j'ai confiance. Si on l'a mis là, c'est qu'on voit
qu'il y a une évolution dans la société, on voit qu'il y a de...
M. Lacroix (Louis) : Vous
croyez qu'on est rendus là?
Mme Bélanger : Écoutez, on a
de plus en plus de situations où des usagers, des personnes, des patients
veulent avoir la conversation avec leur médecin, avec leur professionnel, avec
leurs proches. Et il y a de plus en plus de situations... Je ne veux pas
revenir sur le détail de la situation de fin de vie de M. Truchon, ça a été
médiatisé. Mais je pense que c'est important. Puis je nomme M. Truchon parce
que ça a été médiatisé, en tout respect, mais il y a d'autres situations
cliniques de plus en plus, puis je pense que c'est important qu'on puisse
prendre le temps, et c'est pour ça qu'on le met dans le projet de loi. Parce
que, oui, on va prendre le temps d'examiner correctement la situation,
d'entendre les experts, d'entendre... moi, je le dis toujours, entendre les
personnes aussi. Et donc c'est important de le mettre dans le projet de loi.
Puis, oui, je suis confiante qu'on est
rendus à un autre niveau pour les personnes présentant un handicap neuromoteur.
Mais je veux quand même terminer ma phrase, là. C'est vraiment en fonction d'un
handicap neuromoteur grave, irréversible, avec des souffrances physiques, psychologiques
non apaisantes. Prenons l'image de quelqu'un qui est prisonnier de son corps.
C'est de ça qu'on parle. Alors donc, c'est vraiment important. Et ces gens-là,
on le sait, très souvent, ne sont pas dans une fin de vie imminente,
c'est-à-dire ne décéderont pas dans les jours qui suivent, mais ils vivent avec
des souffrances atroces puis ils ont fait un parcours de vie. Et il ne faut pas
oublier une chose, là, c'est que la décision, la première décision de l'aide
médicale à mourir, là, c'est la personne.
M. Lacroix (Louis) : ...oui,
je comprends, mais...
Mme Bélanger : C'est la
personne qui fait ce cheminement-là et qui demande de l'aide, qui demande le
soin.
M. Lacroix (Louis) : Mais,
puisque M. Truchon, parce que vous le citez, a été obligé d'avoir recours aux
tribunaux pour avoir son droit reconnu, est-ce que ça ne démontre pas, en fait,
qu'il y a un enjeu social, là, de reconnaissance de ce droit-là à inclure dans
une loi? Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire?
Mme Bélanger : Bien, en fait,
c'est que, dans la loi actuelle, il y avait le critère de fin de vie imminente,
et, dans certaines situations... là, je ne veux pas revenir sur cette
situation-là en particulier, mais on le voit, qu'il y a certaines personnes qui
ne sont pas en fin de vie imminente. D'ailleurs, le jugement
Beaudoin-Truchon-Gladu a fait en sorte de retirer le critère de fin de vie de
la loi actuelle. Alors là, dans le fond, ce qu'on vient faire, on va le retirer
dans le cadre de ce projet de loi là, puis ça nous... donc, ça nous demande
d'analyser ça d'une autre façon. Si on retire le critère de soins de fin de
vie, il faut vraiment l'analyser dans un contexte.
Puis actuellement, juste pour faire
figure, là, bien, les personnes qui ont un cancer, qui arrivent en fin de vie
peuvent demander l'aide médicale à mourir puis, s'ils répondent aux critères,
après évaluation, ils vont l'avoir. Mais quelqu'un qui est dans des souffrances
atroces, qui n'a pas un diagnostic de cancer, mettons — je le mentionne
aujourd'hui, là, juste pour qu'on puisse bien comprendre — n'aurait pas le
droit même de le demander, là, je veux dire, alors... Et je pense que ça, c'est
vraiment important qu'on puisse l'examiner. Moi, je suis confiante, parce qu'il
est... ce que je suis confiante aujourd'hui, là, c'est qu'il est écrit noir sur
blanc, puis qu'on va pouvoir en discuter. Puis on va écouter.
Le Modérateur : Maxime Denis,
TVA.
M. Denis (Maxime) : Bonjour,
madame. Justement, au point de vue fédéral, on a repoussé à l'an prochain la
discussion ou l'adoption de la loi, mais ne craignez-vous pas, justement, qu'il
y ait comme deux vitesses au pays et qu'on se retrouve devant les tribunaux,
qu'il y ait des enjeux?
Mme Bélanger : Bien, il faut
quand même se rappeler, là, qu'au Québec on a été les premiers à adopter le
projet de... la loi sur les soins de fin de vie. C'est arrivé après que le
fédéral est venu amener des modifications au Code criminel, mais on a quand
même été les premiers à le faire. Puis on va continuer à faire les discussions
correctement, et de baliser ce soin, et, je veux dire, on n'attendra pas, là,
que le fédéral puisse compléter ses discussions. De toute façon, là, je vais
vous dire, quand on regarde un peu le fédéral, ce qu'ils ont écrit dans le Code
criminel, c'est la notion de handicap, handicap. Nous, on vient préciser. Ils
ont parlé de troubles mentaux, mais là ils l'ont repoussé on ne sait pas quand.
Alors, il faut qu'ils finissent leurs discussions, puis on n'attendra pas, là,
à ce niveau-là, là, on va entreprendre nos discussions.
M. Denis (Maxime) : Mais
c'est quand même pour 2024, ça s'en vient vite. Puis la Cour suprême a
reconnu... il y a des médecins... le Collège des médecins reconnaît troubles
mentaux, maladies. Pourquoi on ne le reconnaît pas?
Mme Guillemette : Bien, en
fait, Mme la ministre, si je peux me permettre, on l'a étudié, parce que c'est
une recommandation aussi de la commission que d'aller vers le principe de
précaution. Ce qu'on a entendu, en commission, nous demandait d'aller vers le
principe de précaution, et c'est ce qu'on a fait. Et là, bon, on l'a vu au
fédéral, ils ont sursis jusqu'en 2023, ils sont passés de 2023 à 2024, donc on
verra leur posture en 2024. Mais nous, la commission, avons jugé que... ce
qu'on entendait, on devait encore se pencher là-dessus en tant que société.
Parce que...
M. Denis (Maxime) : Qu'est-ce
qui accrochait?
Mme Guillemette : Bien, en
fait, c'est l'irréversibilité. On a eu plein de témoignages, et il n'y a pas
consensus, et on ne sentait pas le consensus sur cet aspect-là non plus, donc
le projet de loi reflète ça présentement. Donc, on verra la posture qu'aura le
fédéral en 2024, mais présentement, nous, Mme la ministre, avons jugé, là,
qu'on respectait le principe de précaution pour ce qui était des troubles
mentaux.
Mme Bélanger : Oui. Puis,
l'autre chose, revenons sur les critères de base. On l'a dit tantôt, le critère
de fin de vie, qui est dans la loi actuelle, ce critère-là, il est rendu
inopérant avec le jugement, notamment, là, qui a eu lieu pour Beaudouin-Gladu.
Mais un critère important, c'est la maladie grave et incurable. Et, quand on
pose la question par rapport au trouble mental, certainement que c'est grave,
mais est-ce que c'est incurable? Ça fait que, tu sais... Alors donc, je pense
que, quand Nancy mentionne le principe de précaution, bien, je pense que c'est
vraiment important, puis il faut prendre le temps de faire les discussions,
de...
Et le Collège des médecins, oui, se
positionne, puis il y a d'autres groupes aussi, O.K. Alors, bien sûr qu'on
travaille en étroite collaboration, dans notre société, avec les ordres
professionnels, notamment le Collège des médecins, mais les autres ordres
professionnels aussi. Ça fait qu'on veut entendre tout le monde, et puis je
pense que c'est ça qui est important. À mon avis, il aurait été vraiment
prématuré de mettre la notion de trouble mental dans le projet de loi et de
retarder, je dirais, l'adoption d'un projet de loi parce qu'on aurait pris...
Il faut prendre le temps nécessaire, puis ça prendra les mois nécessaires pour
discuter du volet trouble mental. Puis un projet de loi, ça se réouvre, ça se
réouvre. Mais on n'est pas là aujourd'hui.
Le Modérateur : Véronique
Prince, Radio-Canada.
Mme Prince (Véronique) : Bonjour
à vous deux. Corrigez-moi si je me trompe, mais je veux revenir sur les
handicaps neuromoteurs, là. Une personne qui en souffre ne peut pas faire,
cependant, une demande anticipée. Parce que, tu sais, vous avez dit tout à l'heure :
Si on est prisonnier de notre corps, bien, on peut vouloir faire la demande. Je
veux dire, n'importe qui qui est dans la salle, ici, si, un jour, se retrouve
dans cette situation-là, voudrait peut-être demander l'aide médicale à mourir,
mais il n'y a pas de possibilité de le faire de manière anticipée. Est-ce que
vous pourriez vous pencher là-dessus ou...
Mme Bélanger : Bien, en fait,
peut-être que vous faites référence à la directive médicale. En fait,
aujourd'hui... Prenons un exemple, je vais prendre un exemple de moi-même, là,
j'ai un accident, je me retrouve quadriplégique, je suis en réhabilitation, en
réadaptation, puis, bon, je passe à travers toutes ces étapes-là, et je ne veux
pas... puis, disons, là, que... Là, je dis : Quadriplégique, là, mais
imaginons une atteinte générale du système nerveux central, O.K. Donc, c'est
grave, incurable, certainement, parce qu'il n'y a pas rien, actuellement, qui
est offert comme traitement pour renverser la situation des personnes qui ont
des atteintes graves au niveau du système nerveux.
Alors, est-ce que moi, aujourd'hui, je
pourrais faire une demande? Non, je ne peux pas faire une demande. Là, on parle
de directives médicales. Je pourrais peut-être... pas peut-être, mais je
pourrais, dans le fond, exprimer mes souhaits, mais ce n'est pas une demande
médicale, ce n'est pas une demande en vertu de la loi sur les soins de fin de
vie, de demande médicale anticipée. C'est une directive que je pourrais donner
de dire : Bien, moi, un jour, si ça m'arrive... La même chose si j'ai un
arrêt cardiaque, je suis inconsciente, il m'arrive telle affaire, bien, je ne
veux pas avoir de respirateur, je ne veux pas de manœuvre. Bon, vous voyez un
peu? Là, ce n'est pas une demande, ça, ce n'est pas la demande anticipée, là,
c'est plus une directive médicale.
Mme Prince (Véronique) : O.K.Je comprends, merci.
Mme Guillemette : Puis
quelqu'un qui a un trouble neurologique, il va rester jusqu'à la fin. Donc, on
ne parle pas ici de consentement anticipé, mais il sera bien admissible en
ayant tous les autres critères. Et là il faut que l'équipe de soins, et, bon,
le processus... Mais il sera admissible sur l'autre base, là, mais on ne parle
pas ici d'anticiper, parce qu'il sera apte jusqu'à la fin.
Mme Prince (Véronique) : Je
comprends. Puis mon autre question, toujours en lien avec ce sujet-là, là, vous
avez décidé de le ramener dans le projet de loi : Est-ce que c'est parce
que vous vous aperceviez qu'il fallait faire une harmonisation avec la loi
fédérale? Parce que les médecins vous l'ont dit à plusieurs reprises que, dans
leur cabinet, ils ne savaient pas : Il faut-u suivre la loi fédérale ou la
loi provinciale à ce niveau-là? Puis est-ce que vous avez entendu parler de
patients qui allaient dans d'autres provinces, justement, pour recevoir l'aide
médicale?
Mme Bélanger : Oui, bien, en
fait, c'est sûr qu'il y a un souci d'harmoniser, mais ce n'est pas le but
ultime non plus, O.K.? Là, je veux quand même le mentionner. Bien oui, là, on
veut éviter que nos médecins puis les professionnels, les IPS, éventuellement,
puissent travailler dans leur champ d'exercice en n'ayant pas toujours une
menace, là, d'être poursuivi. Ça, c'est clair qu'on veut harmoniser, là, par
rapport au Code criminel, mais, oui, la volonté d'harmoniser, mais ce n'est pas
pour ça qu'on le fait, mais ça va permettre cela.
Mais on veut quand même, à la lumière de
ce qu'on a vécu, il faut quand même se rappeler, là, que c'est depuis 2010
qu'on parle de mourir dans la dignité, alors depuis 2010, en 2015, il y a eu la
loi, et puis là on est rendus en 2022. Ça fait qu'on a tout un historique, au
Québec, là, il y a eu beaucoup de personnes avant nous qui ont porté le
flambeau de ça. Et je pense que c'est… Puis on le voit, et tantôt vous avez
peut-être vu que j'ai eu une certaine émotion, parce qu'on a tous des personnes
ou des situations autour de nous de personnes qui ont demandé l'aide médicale à
mourir. Ça se fait, actuellement, là.
Et donc je pense que c'est important qu'on
puisse bien baliser les choses. Pour moi, la question de baliser... j'ai eu de
l'émotion tantôt, là, mais, au-delà des émotions, je pense que ce qui va être
bien important, c'est que ce soit très clair, qu'il y ait des règles de soins,
qu'il y ait des procédures, des protocoles, bon, vous savez, et tout ce qu'il
faut, là. Et d'ailleurs nous avons une Commission sur les soins de fin de vie,
et c'est un modèle par rapport à d'autres pays, on a vraiment... Dr Michel
Bureau, qui est le président de la commission des soins de fin de vie, avec
plus d'une dizaine d'experts, et toutes les situations de demande d'aide
médicale à mourir sont analysées par ce comité d'experts.
Et j'ai d'ailleurs déposé, en décembre
dernier, le rapport annuel sur la Commission sur les soins de fin de vie,
qu'ils doivent déposer à l'Assemblée nationale, leur rapport annuel, alors. Et
on suit, naturellement, là, de façon périodique, et donc c'est vraiment avec
eux. Et donc on s'est dotés d'une balise puis d'un mécanisme, là, qui est
vraiment extrêmement important, en termes de vigilance, d'examen des
situations, de recommandations aussi.
Le Modérateur : Geneviève
Lajoie, Le Journal de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) : Bonjour,
je voudrais encore parler des handicaps. Vous avez dit, tout à l'heure :
Oui, je souhaite que ce soit adopté, je souhaite aussi qu'il y ait un débat.
Mais est-ce qu'on comprend, donc, que vous êtes ouverte aussi à peut-être ne
pas aller jusque-là, c'est-à-dire de... Parce que ça avait été retiré, quand
même, du projet de loi au printemps dernier. Donc, est-ce que vous êtes quand
même ouverte à ce que les oppositions disent non, par exemple? Parce qu'elles
avaient été assez... ça avait été froidement accueilli, là, le printemps
dernier. Est-ce que vous êtes donc ouverte à ce que ce soit retiré du projet de
loi à nouveau?
Mme Bélanger : Bien, c'est
une excellente question. Je vous dirais, quand on dépose un projet de loi, on
souhaite que le projet de loi soit adopté. Ça fait que c'est clair que, ce que
je souhaite...
Mme Lajoie (Geneviève) : Vous
êtes négociable, là-dessus? C'est ça que...
Mme Bélanger : Oui. Bien, ce
que je souhaite, c'est que les éléments qui sont là... Parce qu'il y a eu
beaucoup de travail. Ça a été examiné, ça a été débattu. Il y a eu quand même,
là, une commission spéciale. Puis on l'a oubliée, là, avec le temps, mais c'est
quand même pendant plusieurs mois, qu'ils ont travaillés, plusieurs députés
ensemble. Ils ont fait des recommandations. Donc, on récupère le travail qui a
été fait, ça, c'est important, puis on va poursuivre aussi. Moi, je vous dirais
qu'aujourd'hui, là, dans le fond, ce que je souhaite, c'est qu'on travaille ce
dossier-là de façon transpartisane. C'est une décision que je ne veux pas porter
uniquement sur mes épaules. Je suis responsable, comme ministre, de porter ce
projet de loi, je vais le faire avec toute la rigueur, tout le
professionnalisme, l'empathie, mais ce que je souhaite, c'est que le projet de
loi passe. J'y crois, puisque je le dépose. Mais on va travailler
consciencieusement, tout le monde, puis on va écouter ce que les gens ont à
nous dire.
Mme Guillemette : Ce qu'il y
a de différent avec la première mouture qu'on a eue en mai dernier, c'est qu'il
y aura des consultations. Parce que nous, en commission spéciale, il y a des
gens qui venaient nous témoigner puis nous dire : Il faut ajouter le
handicap neuromoteur, il faut aller là. Par contre, ce n'était pas dans le
mandat de notre commission. Nous, notre mandat, c'était est-ce qu'on y va pour
la santé mentale, est-ce qu'on y va pour l'inaptitude. Donc, on n'en a pas
débattu et on n'a pas eu de discussion, mais on trouvait pertinent, et,
lorsqu'il y a eu le dépôt du projet de loi, bien... Ce qu'il y a de différent,
cette mouture-là, c'est qu'on aura des consultations sur ce sujet-là et on
pourra en discuter tout le monde ensemble. Donc, c'est ce qui nous fait croire,
dans nos discussions, on le souhaite, là, Mme la ministre le souhaite aussi,
qu'on puisse ajouter cet aspect-là.
Mme Bélanger : Puis, Nancy,
je pense qu'à la dernière session mon collègue Christian Dubé a déposé le
projet de loi avec à peu près les mêmes éléments, à peu près les mêmes, mais
l'agenda législatif était extrêmement fourni, et il manquait de temps pour
faire une discussion, je dirais. Et puis c'est ça que je propose, là,
actuellement, c'est que, là, on est dans un contexte différent puis on va
prendre le temps de faire les discussions nécessaires.
Mme Lajoie (Geneviève) : Merci.
Je voudrais vous entendre sur l'élargissement aux enfants. Je ne sais pas s'il
en a été un peu question dans votre commission spéciale, mais j'aimerais vous
entendre là-dessus. Il y a des pays qui réfléchissent déjà à ça. Donc, je
voudrais vous entendre là-dessus.
Mme Bélanger : Actuellement,
dans la loi, et notre intention n'est pas de le modifier, il faut que les
personnes soient majeures et aptes à consentir aux soins, donc, majeures. On ne
l'a pas mis, là, parce que, pour les enfants, c'est une autre approche de soins
palliatifs. J'ai travaillé, au cours de ma carrière, au CHU mère-enfant
Sainte-Justine, et puis j'avais, donc, travaillé à organiser le premier congrès
mondial de la francophonie au niveau des soins palliatifs pédiatriques. Puis il
y a un médecin qui m'avait dit : Vous savez, les enfants, ce ne sont pas
des adultes en miniature. Ça fait qu'il faut réfléchir les choses différemment
quand on parle de soins palliatifs aux enfants. Alors donc...
Et on n'a pas eu de demande, je dirais,
là. Je ne sais pas si vous... Je ne pense pas que vous l'avez examiné, en tout
cas, ce n'est pas une recommandation, ça, c'est sûr, mais il n'y a pas eu de
demande. Je ne dis pas qu'éventuellement il ne faudra pas le regarder, mais je
laisse le soin, en fait, aux pédiatres, aux équipes interdisciplinaires, là,
qui travaillent auprès des enfants de prendre les meilleures approches de fin
de vie avec les enfants. Mais, honnêtement, je ne pense pas que ça passe par un
projet de loi aujourd'hui.
Mme Lajoie (Geneviève) : Donc,
le Québec n'est pas du tout rendu là?
Mme Bélanger : Non.
Mme Lajoie (Geneviève) : Merci.
Le Modérateur : Florence
Morin-Martel, Le Devoir.
Mme Morin-Martel (Florence) : Je
me demandais... Dans le projet de loi, en fait, les maisons de soins palliatifs
vont être obligées d'inclure ce soin-là. Qu'est-ce qu'on prévoit pour qu'elles
le respectent, en fait?
Mme Bélanger : Bien, à partir
du moment où on dit que c'est un soin... Parce que, dans le fond, les maisons
de soins palliatifs au Québec, là, ils font un excellent travail, et puis je
pense qu'ils sont présents dans plusieurs villes, dans plusieurs communautés.
Puis, depuis 2015, il y a eu, je dirais, une grande évolution de leurs
programmes de soins. Aujourd'hui, il y a près d'une dizaine de maisons de soins
palliatifs qui n'offrent pas l'aide médicale à mourir. Ils sont plus dans une
perspective de, bien, soulagement de la douleur, bien sûr, d'une approche
globale et de sédation palliative continue, et ils n'offrent pas l'ultime soin.
Puis c'est un soin de dernier recours, là, je veux quand même le mentionner
aussi, parce que je ne veux pas banaliser. C'est quand même un geste important
de faire ce soin.
Et, pour moi, c'est très clair, j'ai vu
des situations, j'ai des gens qui m'ont appelée, des familles, qui ont vécu des
choses extrêmement difficiles, qui voulaient aller en maison de soins
palliatifs, parce que l'environnement, parce que l'approche... bon, etc., mais
qui voulaient être certains qu'en cours de route si leur souffrance n'est pas
apaisée, qu'ils pourraient demander l'aide médicale à mourir. Et, dans
certaines situations, ça leur a été refusé. Il y a même des situations... comme
je vous l'ai dit tantôt, des gens qui ont été mis dans des ambulances pour être
amenés vers l'hôpital. Pour moi, ça, c'est inadmissible.
Mme Morin-Martel (Florence) : Mais,
si elles sont récalcitrantes, est-ce que vous allez leur imposer des amendes
ou... Comment ça va fonctionner?
Mme Bélanger : Bien, on est
dans une loi, on va accompagner les gens pour qu'ils puissent développer leur
expertise. Mais c'est clair que, pour moi, c'est une attente. Donc, ça, c'est
vraiment important.
Le Modérateur : Simon
Bourassa, Noovo.
M. Bourassa (Simon) : Bonjour,
mesdames. J'aimerais clarifier la notion, peut-être, de tiers de confiance. Le
rôle, exactement, du tiers de confiance, quel est-il? Puis quel est
l'encadrement que la loi apporte pour s'assurer que ce tiers-là est de
confiance et reste de confiance, aussi, tout au long du processus, là?
Mme Bélanger : Bien, en fait,
là, on rentre beaucoup, beaucoup dans le processus. Je vais répondre à votre
question, mais de façon quand même assez large, parce que, là, il y a des
balises, puis, avec ça, il devrait y avoir des règles de soins pour expliquer
vraiment le rôle des tiers de confiance. Mais, en fait, quand une personne
prend une décision comme ça par rapport à sa vie, c'est important qu'elle
puisse le faire en toute connaissance de cause puis, je vous dirais, avec des
gens de son entourage.
Ça fait que le tiers de confiance, c'est
une personne, ça le dit, qui a la confiance de la personne qui est en processus
pour demander l'aide médicale à mourir, et ce tiers de confiance va avoir un
rôle, va avoir un rôle au niveau de l'équipe de soins, un rôle
d'accompagnement, de défense, d'une certaine façon, d'intérêt. Et le tiers de
confiance, c'est vraiment... ce n'est pas nécessairement un proche. Ça peut
être... Ce n'est pas nécessairement un membre de la famille. C'est une personne
en qui on a confiance, puis on a confiance qu'elle va défendre nos intérêts.
Puis je pense que ça, c'est très important, puis, notamment, dans un
contexte... Prenons l'exemple de la maladie d'Alzheimer, où la personne
signifie — tantôt, je vous ai donné l'exemple — que, le jour où elle
sera dans un déclin avancé, il faudra procéder à l'aide médicale à mourir.
Bien, le tiers de confiance arrive là en jeu, naturellement, avec l'équipe de
soins, et ça, ce sera... Donc, on aura l'occasion d'en discuter beaucoup, mais
le rôle sera précisé, là, naturellement.
M. Bourassa (Simon) : D'accord.
Puis vous avez parlé tout à l'heure de ne pas banaliser, là, cette démarche-là,
ce soin-là. Il y avait des statistiques quand même assez surprenantes ce matin,
là, par rapport au nombre de demandes. Le Québec est une des législations où
c'est permis où il y en a le plus. Bon, le terme est un peu bizarre, mais
pourquoi, selon vous, c'est aussi populaire au Québec, l'aide médicale à
mourir?
Mme Bélanger : Ma compréhension,
c'est que l'aide médicale à mourir au Québec, on l'a vraiment conçue dans une
perspective de soins de fin de vie. On n'est pas dans le suicide assisté, loin
de là, puis on est plus dans une perspective de soins. Puis je pense que cet
élément-là fait en sorte... puis parce qu'on s'est donné des balises aussi très
importantes, c'est transparent. Je vous disais, tantôt, là, rapport annuel
déposé à l'Assemblée nationale, vous pourrez le consulter aussi, mais on s'est
donné des balises, on est transparents.
La qualité de vie est quelque chose
d'extrêmement important. Le fait de ne pas vivre dans des souffrances physiques
et psychologiques qui ne sont pas apaisantes. Je pense que ça fait une
différence et que les gens disent : Bien, moi... Et je le répète, là,
c'est un soin ultime, ce n'est pas un soin de premier recours, c'est le soin
ultime. Puis on parle, je le rappelle, des critères maladie grave et
incurable, puis là on ajoute le handicap neuromoteur. On précise aussi par
rapport à ce qui est écrit au fédéral.
Ça fait que, donc, on vient vraiment
circonscrire. Je pense que la notion de mourir dans la dignité est quelque
chose d'extrêmement important. Plusieurs personnes nous disent : Bien,
j'ai vu ma mère, mon père dans cette situation-là puis je ne veux pas être
comme ça, je ne veux pas. Ça fait que ça, pour moi, c'est mourir dans la
dignité aussi. Puis je pense qu'il y a du travail qui est fait au Québec
depuis… On a pris le temps de faire les choses correctement, ça a commencé en
2010, là, la discussion autour de ça, puis c'est en 2015 qu'il y a eu...
Mme Guillemette : La pensée
des gens a évolué, la société... Il y a des gens qui sont venus nous dire, en
commission spéciale, qu'ils étaient contre, en 2010, puis là ils sont venus témoigner
pour. Donc, on le voit, en général, là, que ça fait partie maintenant d'un
soin.
Le Modérateur : Fanny
Lévesque, La Presse.
Mme Lévesque (Fanny) : Oui,
bonjour à vous deux. Je voudrais savoir si vous avez quand même l'intention de
définir handicap neuromoteur, parce que ça peut parfois ne pas être une
maladie, un état. Qui va déterminer que la souffrance est grave? Donc, est-ce
que vous avez cette intention-là de, en fait, bien le définir, évidemment, mais
de le lister, là, de façon précise?
Mme Bélanger : Oui, bien,
aujourd'hui, je ne peux pas en faire une, liste, ce serait très malhabile de ma
part de faire ça, là, mais, durant les consultations, on va voir, bien, je
dirais, avec les usagers. Je reviens toujours à ça parce que c'est important de
connaître l'histoire de la personne aussi. Puis n'oublions pas une chose, là,
c'est la personne qui va le demander. Donc, ça, c'est important. Puis après ça
il y a la question de la science. On va vraiment le discuter, l'examiner aussi
avec les experts, mais, oui, je pense que ça devra être balisé davantage.
Mme Lévesque (Fanny) : Je
voudrais vous entendre, on voyait, ce matin, qu'il y a beaucoup de femmes
migrantes qui arrivent au Québec puis qu'elles veulent... qu'elles sont
enceintes ou qu'elles tombent enceintes par la suite. Est-ce que le Québec
devrait en faire plus pour offrir une couverture des soins à ces femmes-là?
Mme Bélanger : Bien, je pense
que le Québec fait déjà beaucoup. On reçoit beaucoup de personnes, entre
autres, là, du chemin Roxham, et le Québec fait énormément pour les
accompagner. Si je regarde, au niveau de nos professionnels de la santé, les
médecins sont des gens de cœur qui n'abandonnent pas les personnes. J'étais
surprise moi-même, ce matin, de voir les milliers de femmes enceintes, là. Je
pense qu'il faut examiner ces situations-là, mais la question... Je pense que
les valeurs qu'on partage au Québec, elles sont importantes, puis on ne veut
pas abandonner les gens, mais je pense que le Québec fait énormément,
actuellement, pour les personnes qui arrivent par centaines par jour.
Mme Lévesque (Fanny) : Est-ce
que leurs soins devraient être couverts par la RAMQ?
Mme Bélanger : Bien, je vous
dirais : Les soins d'urgence, certainement, c'est ce qui est fait aussi.
Et, par rapport à d'autres conditions cliniques, je pense qu'il y a lieu de
réexaminer ça, là, bien sûr.
Le Modérateur : Alexandre
Duval, Radio-Canada.
M. Duval (Alexandre) : Bonjour,
mesdames. Peut-être une petite précision, pour ce qui est, par exemple, d'une
condition comme la sclérose en plaques, qui peut mener à une dégradation des
capacités cognitives, est-ce que les personnes qui sont atteintes de cette
maladie-là, de cette condition-là pourraient, dès aujourd'hui... bien, dès aujourd'hui,
dès l'adoption du projet de loi, faire une demande anticipée?
Mme Bélanger : Je ne peux pas
vous répondre aujourd'hui à votre question. J'anticipais d'avoir une question
avec un diagnostic, là, parce que je ne voudrais pas laisser le message, là,
que les personnes avec tel diagnostic, oui, et non... On va faire la
discussion, puis c'est des critères, que je reviens toujours, donc, maladie
grave qui est vraiment incurable, avec des souffrances importantes. Donc, si
certaines personnes ont ces manifestations-là, bien, la réponse est oui, ils
pourraient éventuellement recevoir l'aide médicale à mourir, en autant de
répondre à tous les critères. Mais je ne voudrais pas créer de préjudice puis
identifier des diagnostics, parce que, je vous dirais, même un diagnostic, ce
qui va être le plus important, c'est l'évaluation qu'on va faire avec l'équipe
interdisciplinaire. Chaque situation est unique. Chaque situation est unique.
On ne peut pas généraliser, mais certainement qu'on va baliser. Mais on ne peut
pas généraliser. C'est vraiment trop tôt pour moi de m'avancer aujourd'hui.
M. Duval (Alexandre) : ...mais
je fais référence aussi au fait que vous avez lu l'ouvrage de Sandra
Demontigny. Vous avez fait un tweet là-dessus cette semaine.
Mme Bélanger : Tout à fait.
M. Duval (Alexandre) : On est
devant un cas, en tout cas, je ne sais pas si vous êtes en mesure de le dire,
mais de personne qui pourrait demander l'aide médicale à mourir de manière
anticipée, n'est-ce pas?
Mme Bélanger : J'ai donné
l'exemple tantôt. Je l'ai donné par rapport à moi-même, Alzheimer.
Mme Demontigny, son histoire, c'est aussi autour de ça. Alors, je ne veux
pas lui prêter des intentions, mais elle fait des interventions actuellement
dans ce sens-là pour mobiliser les personnes par rapport à sa propre histoire.
Elle a son propre positionnement par rapport à ça, et, je pense, c'est
quelqu'un qui fait une très grande réflexion par rapport à ce qu'elle vit avec
le diagnostic de maladie d'Alzheimer.
M. Duval (Alexandre) : Puis,
rapidement, sur la santé mentale, je comprends que le fédéral repousse à 2024.
Ça, tout le monde l'a bien compris, mais le fait est que, normalement, ça
devait être accessible à partir du mois prochain au niveau fédéral. Là, on repousse
à l'an prochain. L'an prochain, étant donné que la question n'aura visiblement
pas été tranchée au Québec, est-ce que vous pouvez écarter que des gens
atteints de troubles de santé mentale n'iront pas dans d'autres provinces pour
obtenir l'aide médicale à mourir?
Mme Bélanger : Bien, la
première réponse que je vous ferais, c'est : Est-ce qu'en 2024 le fédéral
sera rendu là? Ça, c'est la première question. Parce qu'ils avaient quand même
indiqué que ça devait être en application en 2023. Ils ont repoussé. Alors, on
va suivre l'évolution des travaux. Et je vous dirais aussi que, concernant le
trouble mental, pour avoir parlé avec certains médecins au Québec, certains
suivent l'évolution des travaux, là, naturellement, au niveau fédéral, là, mais
il n'y a pas, là, en tout cas, à ma connaissance, là, de comité particulier
annoncé sur le trouble mental. Alors, on va suivre l'évolution. Puis nos
médecins, habituellement, participent aux différents forums. On suivra. On
verra quand on sera rendu là. Mais, pour le moment, là, ils ont repoussé. Ça,
c'est quand même un signal important, là.
Le Modérateur : Nous allons
maintenant passer aux questions des collègues anglophones. Et on débute
aujourd'hui avec Franca Mignacca, de CBC.
Mme Mignacca (Franca G.) : Good
afternoon. I want to touch a bit on the section on palliative
care homes. Why was it so important to specify this in the bill? And how much
of an issue is it right now in terms of palliative care homes not offering the
service?
Mme Bélanger :
OK. So, good afternoon. I'm very sorry
for my English. I will read my paper, OK?
So, I'm very proud of the
bill introduced today. This is a bill important for the society, to introduce
the expansion of medical assistance in dying, to improve access to end-of-life
care and to add new rigorous standards. We follow up on a large majority of the
recommendations of the special commission on the evolution of the law
concerning end-of-life care. The new bill takes up most of the p.l.38 proposed in May 2022, and includes
the discussions and work carried out by colleagues in the Spring of 2022.
This is a long-awaited
bill. I will put all my heart into it until it's adopted. With the issue of
medical assistance in dying, we have never been partisan. We won't start doing
that today. I wish to offer my most sincere cooperation to all political
parties in the study of this bill.
Le
Modérateur : Est-ce que d'autres collègues anglophones ont des
questions? Est-ce que vous pouvez répondre en anglais ou en français,
peut-être?
Mme Bélanger : Je pourrais
peut-être répondre en français, oui.
Le Modérateur : Oui, vous
pouvez poser vos questions, et la ministre va répondre en français, si c'est
possible pour vous. Franca?
Mme Mignacca (Franca G.) : Je
pense que tout est répondu déjà.
Le Modérateur : Parfait.
Gloria Henriquez, Global.
Mme Henriquez
(Gloria) :
I
just want to try, you know, and you can speak from your heart, because I saw
that it was a very important issue for you. Why does it make you so emotional
when you speak about... You know, you spoke about people who had to be hauled
in ambulances when they were very sick, and it just seemed very touching to
you. Why is it so touching to you?
Mme Bélanger : O.K. Je vais
répondre en français parce que... Je vais améliorer mon anglais au fil des
quatre prochaines années, mais avec l'émotion c'est encore plus difficile de
parler anglais. Bien, en fait, on a tous des situations, dans nos vies
personnelles, de gens qu'on aime, qu'on connaît, qui ont demandé l'aide
médicale à mourir. Puis on a des personnes dans nos vies qui sont malades
actuellement. C'est certain que, bien, ça vient nous chercher personnellement.
J'ai eu l'occasion de parler de ces situations-là avec différents collègues à
l'Assemblée nationale puis les députés de notre parti, et puis chacun a une
histoire autour de ça, que ce soit une grand-maman, une mère, un père, des
belles puis des mauvaises histoires aussi. Ça fait que j'ai moi-même,
personnellement, des histoires autour de ça, tout près de moi, et puis, bien,
ça remonte quand on parle de ça.
Mme Henriquez (Gloria) : J'ai
une autre question en anglais. Ottawa dit que les personnes mineures
devraient... Le comité parlementaire à Ottawa a dit que les mineurs devraient
être éligibles pour l'aide médicale à mourir. Ici, au Québec, c'est un non?
Mme Bélanger : En fait, le
rapport final du comité parlementaire va recommander... d'ailleurs, c'est
sorti, je pense, aujourd'hui, là...
Mme Guillemette : Hier.
Mme Bélanger : ...c'est hier,
va recommander à la Chambre de communes de permettre la demande anticipée. Ça,
je veux juste, quand même, le mentionner, parce qu'actuellement, là, ce n'était
pas prévu au fédéral. Donc, le comité parlementaire en question va faire cette
recommandation-là par rapport aussi aux jeunes.
Mais, comme je vous dis, là, ils ont une
approche différente, au niveau fédéral, de travailler les soins de fin de vie.
Et puis tant mieux, là, pour la demande anticipée, parce que, nous, c'est ce
qu'on veut faire au niveau provincial, dans notre projet de loi, mais, pour les
jeunes, ça n'a pas été discuté dans la commission des soins de fin de vie pour
lesquels... on a déjà, nous, eu beaucoup de discussions sur les soins de fin de
vie. Et je vais lire leur rapport attentivement, mais ce n'est pas dans notre
projet de loi.
Le Modérateur : Est ce qu'il
y a d'autres questions en anglais? Non? Merci, c'est ce qui met fin au point de
presse.
Mme Bélanger : Merci. Merci
beaucoup.
(Fin à 13 h 14)