(Quinze heures dix-sept minutes)
M. Boulet : Bonjour, tout le
monde. Écoutez, ça me fait encore une fois plaisir de vous rencontrer. On vient
de terminer un conseil des ministres. J'ai présenté un projet de règlement
amendant le Règlement sur les normes du travail. Et on le sait tous, hein, les
défis du marché du travail sont extrêmement importants. Il y a une pénurie de
main-d'œuvre, d'abord, puis une progression, quand même assez intéressante, des
salaires. Puis le contexte économique qu'on traverse actuellement nécessite qu'on
pose des gestes concrets pour améliorer le pouvoir d'achat des personnes à
faibles revenus, tout en respectant la compétitivité et la capacité de payer,
aussi, des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises qui sont
dans nos régions. Puis on a toujours voulu faire évoluer le salaire minimum,
vous le savez, de manière équilibrée et juste pour que les salariés au bas de l'échelle,
qui sont rémunérés de façon plus basse, aient une meilleure rémunération.
Donc, la hausse que j'annonce aujourd'hui,
en fait, qui a été annoncée un peu avant mon arrivée, vise à lutter contre les
inégalités sociales, à les réduire, en fait, puis à aussi avoir une certaine
incidence sur la pauvreté, encore une fois, je le répète, sans nuire à la
compétitivité des entreprises.
Donc, à compter du 1er mai 2023, le
taux général va passer à 15,25 $. Donc, on est à 14,25 $ actuellement,
15,25 $. Le salaire minimum payable aux salariés rémunérés au pourboire va
monter à 12,20 $. Donc, on maintient le même écart de 20 %. Donc, c'est
une augmentation de 0,80 $. Et il faut aussi mentionner, pour les
cueilleurs de framboises et de fraises, ça va passer respectivement à
4,53 $, 1,21 $ du kilogramme.
Cette hausse de 1 $ du salaire
minimum, c'est la bonification, en dollars courants, la plus importante que le
Québec ait connue. Ça correspond à une augmentation de 7,02 % et c'est l'augmentation,
en pourcentage, la plus élevée depuis 1995. On est convaincus que cette
hausse-là va favoriser la participation des Québécoises et des Québécois dans
le marché du travail. Et c'est 298 900 salariés, dont 164 100 femmes,
qui en bénéficieront.
Puis je tiens à rappeler ce que la Chaire
de fiscalité et finances publiques de l'Université de Sherbrooke avait conclu l'année
dernière. En termes de revenus disponibles, on était la première province au
Canada pour les personnes monoparentales et les couples avec deux enfants et un
seul revenu.
De plus, bien, vous le savez, le filet
social québécois est bien développé, et c'est une mesure, évidemment, le
salaire minimum, qui est complémentaire au bouclier anti-inflation que mon
collègue des Finances a annoncé. Donc, c'est un geste que nous considérons
comme étant responsable. Et je réitère, avant de conclure, que cette hausse-là
va entrer en vigueur le 1er mai 2023. Merci.
M. Denis (Maxime) : Pourquoi
pas 18 $ de l'heure comme le réclament certains partis d'opposition?
M. Boulet : Bon, moi, j'ai
toujours mentionné, il faut y aller de manière équilibrée. Il y a deux critères
que je considère prépondérants, là, c'est, un, l'augmentation de la capacité du
pouvoir d'achat puis, deux, le respect de la capacité de payer des entreprises.
Puis la capacité de payer… Il faut s'assurer de maintenir leur compétitivité, puis
il y a beaucoup de PME, notamment en région, qui ont vécu aussi, qui vivent
encore l'augmentation des taux d'intérêt, et ça pourrait avoir pour effet
d'engendrer des mises à pied puis des licenciements et d'affecter leur
capacité. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand on augmente le salaire
minimum, il y a un effet, pour des raisons d'équité interne, que les personnes
qui ont des salaires supérieurs au salaire minimum, bien, ils revendiquent,
puis souvent les petites entreprises, les moyennes entreprises et les grandes
doivent s'adapter.
Puis, au-delà de tout ça, ce qui est
fondamental pour nous, puis, souvenez-vous, je l'avais annoncé en 2019, on veut
que le salaire minimum soit équivalent à 50 % du salaire horaire moyen.
Et, selon les prévisions du ministère des Finances pour l'année prochaine,
cette augmentation-là et le 15,25 $ représentent 50 % du salaire
horaire moyen. Et c'est intéressant de souligner que ça permet aux salariés à
plus faibles revenus, qui sont plus au bas de l'échelle, d'avoir la même
augmentation que la progression que l'ensemble des salariés québécois ont
obtenue. Et donc c'est compatible aussi avec l'évolution de notre économie ici,
au Québec, tenant compte de la spécificité de notre taux d'emploi et du nombre
de postes vacants. Merci, Maxime.
M. Bergeron (Patrice) : Bonjour,
M. Boulet. Patrice Bergeron, La Presse canadienne.
M. Boulet : Oui, on se
connaît.
M. Bergeron (Patrice) : En
fait, j'ai des questions de deux ordres. Donc, vous avez parlé de cette
règle-là du 50 % du salaire horaire moyen. Est-ce que vous estimez que
c'est encore une bonne règle aujourd'hui, considérant que l'inflation est
extrêmement forte, et puis que ça permet aux gens de garder leur pouvoir
d'achat?
M. Boulet : Bien, comme j'ai
mentionné tout à l'heure, il y a 12 indicateurs socioéconomiques qui
s'articulent autour de quatre axes. On en a rajouté un cinquième. C'est le
pouvoir d'achat, la compétitivité des entreprises, le niveau d'emploi,
l'incitation au travail. Parce que je pense que c'est un élément bien important,
il y a une pénurie de main-d'œuvre, il y a un nombre important de postes
vacants, puis, en l'augmentant à 15,25 $, ça contribue à favoriser la
participation des Québécois et Québécoises au marché de l'emploi. Puis on a
ajouté l'incidence sur la pauvreté. Mais, au-delà de ça, ce qui nous apparaît
comme l'élément objectif le plus crucial, c'est ce ratio-là du salaire minimum
équivalent à 50 % du salaire horaire moyen. Oui, on tient compte aussi du
contexte économique général, puis l'augmentation des prix à la consommation a
fait partie de notre analyse puis de nos consultations.
M. Bergeron (Patrice) : Et
est-ce que vous estimez que c'est assez, cette augmentation-là, pour gagner sa
vie dans le contexte... pour bien gagner sa vie, honorablement, dans le
contexte hyperinflationniste actuel?
M. Boulet : Bien, moi, je
vous mentionne qu'on est extrêmement sensibles à la situation des personnes qui
ont un revenu moins important. Puis, quand on considère qu'il y a beaucoup de
femmes, beaucoup de jeunes, en tout cas, c'est un pourcentage qui est quand
même assez important, je pense que c'est un geste qui est responsable, qui est
équilibré. Ce ne sera jamais parfait, mais il faut le faire de manière
progressive pour ne pas engendrer des conséquences qui peuvent être négatives,
particulièrement pour les employeurs qui paient ces salaires-là, qui vivent
aussi le contexte économique. Et je pense que la meilleure façon d'aider les
personnes, c'est souvent de leur permettre d'accéder à un emploi. Puis je pense
que ce montant-là, à 15,25 $, est un bon équilibre. Puis on va continuer
d'analyser puis d'être soucieux de l'importance de l'évolution du marché.
M. Bergeron (Patrice) : Merci.
M. Boulet : Merci, Patrice.
M. Bourassa (Simon) : Bonjour,
M. Boulet. Simon Bourassa, Noovo. Il suffit de faire le tour des sites d'offres
d'emploi, dont Emploi-Québec, pour se rendre compte que, des emplois au salaire
minimum, il y en a de moins en moins puis il y en a vraiment très, très peu,
là. Il faut chercher longtemps pour trouver des entreprises qui offrent des
postes au salaire minimum. Est-ce que vous encouragez les travailleurs québécois
à ne pas se contenter du salaire minimum dans le contexte actuel, avec la
pénurie de main-d'oeuvre?
M. Boulet : Je ne peux pas me
permettre d'encourager ou non, hein, chaque situation est particulière, mais il
y a des magasins, il y a des hôtels, il y a des restaurants, il y a des
commerces où le contexte économique est difficile. Puis je vous rappellerai,
Simon, que ça va permettre à 298 000 personnes d'en bénéficier, là, ce
n'est pas peu, là, qui sont donc actuellement entre 14,25 $ et 15,25 $.
Je pense qu'on fait un bond en avant. C'est un geste qui est concret et c'est
une décision qui est responsable aussi.
M. Bourassa (Simon) : Vous
en avez parlé brièvement, mais qu'est-ce que vous dites aux employeurs,
justement, qui craignent le fameux effet domino sur leur masse salariale des
gens qui vont vouloir conserver leur écart, celui qu'ils avaient déjà avec le
salaire minimum?
M. Boulet : Bien, deux
choses. Le salaire, c'est certainement un moyen d'attirer de la main-d'oeuvre
et aussi de retenir de la main-d'oeuvre. Donc, il faut tenir compte de cette
réalité-là. Puis, même dans le commerce de détail, l'hébergement puis la
restauration, il y en a beaucoup dont les salaires moyens sont au-delà du
salaire minimum. Donc, les employeurs comprennent, en tenant compte de leurs
réalités particulières, ce qu'il faut faire.
Mais il n'y a pas que les salaires, il y a
l'environnement de travail, il y a les horaires, il y a l'organisation, il y a
beaucoup de choses, la conciliation travail-famille, il y a le régime
d'avantages sociaux. Il y a plein de conditions de travail qui sont plus
normatives ou des conditions normatives à incidence financière qui peuvent
aider les employeurs à recruter, mieux lutter contre la pénurie de
main-d'oeuvre puis accroître leur potentiel de rétention.
M. Bourassa (Simon) : Merci.
M. Boulet : Merci.
M. Côté (Gabriel) : Bonjour,
M. Boulet. Gabriel Côté, de l'Agence QMI. Le salaire minimum en Ontario est à 15,50 $
de l'heure. Compte tenu du fait que votre gouvernement parle souvent, là, de
rattraper l'Ontario, je me demandais si ça ne vous aurait pas tenté de
rattraper l'Ontario là aussi.
M. Boulet : Il faut que
notre salaire minimum soit respectueux et compatible de notre situation
économique, de nos indicateurs qui sont spécifiques au Québec. Donc, c'est sûr
que, quand on se compare, il y a la Colombie-Britannique qui est à 15,65 $,
il y a l'Ontario qui est à 15,50 $, qui vient de monter à 15,50 $, il
y a l'Alberta qui est à 15 $. Mais, le 1er mai, normalement, avec le 15,25 $,
on serait la troisième province canadienne. Donc, il faut se comparer, mais il
faut tenir compte de nos réalités qui sont aussi particulières.
M. Côté (Gabriel) : Merci.
M. Boulet : Merci.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour,
M. Boulet. Bonne année!
M. Boulet : Merci,
Louis, c'est gentil. Bonne année à vous aussi, Louis. Content de vous revoir.
M. Lacroix (Louis) : De
même.
M. Boulet : Et j'ai
entendu que vous étiez allé en vacances?
M. Lacroix (Louis) : Bien,
j'ai pris une semaine de vacances, j'en prends une autre bientôt. Merci de vous
soucier de mon bien-être mental.
M. Boulet : Vous avez
l'air bien, Louis.
M. Lacroix (Louis) : Oui,
oui, je suis bien. Si on considère que le taux d'inflation, l'an passé, était
autour de 7 %, là, vous donnez 7 % d'augmentation, bref, les gens qui
ont le salaire minimum ne gagnent rien de plus. Ça s'annule.
M. Boulet : Non, je le
répète, en dollars courants, c'est l'augmentation la plus importante de
l'histoire du salaire minimum.
M. Lacroix (Louis) : Je
comprends ça, mais, si on...
M. Boulet : Et on est
dans un contexte où l'économie est volatile. Vous le savez, M. Lacroix, il y a
eu une augmentation des taux d'intérêt, notamment de la banque centrale au
Canada. Il y a un ralentissement, qu'on a déjà senti dans les chiffres qui ont
été publiés il y a deux jours, de l'inflation. Donc, il y a une certaine
volatilité, une certaine incertitude économique. Et ça, cette augmentation-là
va s'appliquer à compter du 1er mai 2023. Et, je le répète, on tient
compte de l'indice des prix à la consommation, mais notre critère prépondérant,
c'est le salaire horaire moyen. Ça nous permet… ça permet à ceux qui
bénéficient du salaire minimum de prendre le même ascenseur, de prendre un
ascenseur côte à côte avec les salariés québécois, en moyenne.
M. Lacroix (Louis) : Mais
je comprends, mais ils n'améliorent pas leur sort, les gens qui sont au salaire
minimum. Compte tenu de l'inflation qui est à 7 %, le salaire minimum
augmente de 7 %, leur pouvoir d'achat n'augmente pas.
M. Boulet : Oui, leur
pouvoir d'achat, tenant compte des prévisions du ministère des Finances,
augmenterait de 4,26 %. Donc, c'est un pouvoir d'achat qui est accru,
c'est 1 $ additionnel. Puis on calculait que, par semaine...
M. Lacroix (Louis) : Mais,
attendez, vous allez le chercher où, votre 4,26 %?
M. Boulet : ...leurs
revenus disponibles allaient augmenter de 26 $ par semaine. Puis quelqu'un
qui travaille 40 heures par semaine, bien, c'est 1 $ par heure. C'est
des prévisions, là, mais on anticipe que ça puisse contribuer à une
augmentation du pouvoir d'achat de l'ordre de 4,26 %.
M. Lacroix (Louis) : Mais
il vient d'où, le 4,26 %?
M. Boulet : Bien, c'est
les prévisions du ministère des Finances. Quand on calcule...
M. Lacroix (Louis) : Oui,
mais, le ministère des Finances, quand il fait ses prévisions, puis il l'a bien
dit, M. Girard, à la dernière mise à jour économique, les prix ne vont pas
baisser, là, les prix ne vont pas baisser.
M. Boulet : Ah! non,
non, non.
M. Lacroix (Louis) : Ils
vont moins monter.
M. Boulet : Je pense que
ça diminue. On l'a constaté aux États-Unis. Au Canada, bien, vous avez vu les
chiffres cette semaine, le taux d'inflation diminue. Puis je pense que
l'augmentation des taux d'intérêt a eu un effet. Évidemment, on le constate
souvent à retardement, mais déjà on constate un ralentissement du taux
d'inflation. Mais il y a une volatilité, là, une incertitude économique, et
évidemment ça tient compte de ces prévisions-là.
M. Lacroix (Louis) : Et mon
autre question, j'ai terminé après, c'est simplement sur le fameux 18 $ de
l'heure, là, que beaucoup de groupes aimeraient atteindre, en disant que c'est
peut-être le salaire qui est le plus juste. Est-ce que vous avez évalué le
nombre de pertes d'emploi? Parce que vous avez dit tout à l'heure que ça
pourrait amener des... avoir un effet de congédiement. Est-ce que vous avez
évalué cet effet de congédiement? Est-ce que vous savez combien d'emplois se
perdraient, par exemple, si on allait là?
M. Boulet : Bien, on peut
faire des hypothèses, mais non, je n'ai pas de chiffres précis sur les mises à
pied que ça pourrait engendrer, ou les licenciements, ou les fermetures de PME,
mais il y a beaucoup de PME, qui sont un peu partout sur le territoire
québécois, qui en ont beaucoup à supporter, dont les taux d'intérêt ont eu des
effets particulièrement négatifs. Donc, il faut tenir compte de cette réalité
économique là, de cette capacité de payer, puis aussi l'impact sur le
décrochage scolaire, hein, parce que la littérature nous enseigne qu'une
augmentation beaucoup plus rapide du taux de salaire minimum pourrait provoquer
un certain décrochage scolaire.
Ça fait que je pense que c'est un ensemble
de critères, ce n'est pas tout le temps mathématique, mais je pense que ça va
contribuer à favoriser une participation accrue des Québécoises, Québécois au
marché de l'emploi, et ça bénéficie à aider, à soutenir. Parce qu'il ne faut
pas oublier non plus le bouclier anti-inflation, là, le plafonnement des tarifs
à 3 %, le 400 $, le 600 $, les personnes aînées. Je pense qu'il
faut tenir compte de l'ensemble des mesures qui ont été annoncées et qui
s'appliquent par notre gouvernement pour soutenir les personnes en contexte
économique plus précaire et postpandémique.
M. Lacroix (Louis) : Mais la
réponse courte, c'est que vous ne l'avez pas évalué, dans le fond, vous ne le
savez pas.
M. Boulet : Non, je n'ai pas
de chiffres précis, là, mais c'est analysé sans que ça donne des chiffres qui
sont précis, là, en termes de, tu sais, si tu augmentes de tant, ça peut
engendrer tant de mises à pied. Non, je n'ai pas cette information-là,
M. Lacroix. Merci.
M. Pouliot
(Samuel) : Is it possible to just summarize
your statement in English and explain why you consider that this is enough,
that the raise is enough for Quebeckers?
M. Boulet : So, it's a new minimum wage that will come into effect on May the
1st 2023. And we took into consideration a certain number of criteria, the
capacity to pay of the small and medium-sized businesses scattered all across Québec, the increase of the capacity of
employees to pay what they have to pay on a regular basis. And, of course, we
made sure that this minimum wage would be equivalent to 50% of the average
salary of all of the Québec
employees in general. So, I'm announcing that this minimum wage will be at
$15.25 as of May the 1st 2023.
M. Pouliot (Samuel) : There are groups that talk about the number $18 an hour would be
enough. You don't think that, you think that's too much?
M. Boulet : It's a hypothesis, but, when we analyze the situation like that, at
$18, it would be extremely difficult for the small and medium-sized businesses
to make sure that they can keep doing business. $18 could also trigger a
certain number of layoffs, and it would be extremely difficult, of course, for
them to keep in the economic context that we have to go through right now and also taking into account the
postpandemic situation in Québec.
M.
Pouliot (Samuel) : Merci.
M. Boulet : Merci.
La Modératrice : Parfait.
Merci à tous.
(Fin à 15 h 35)