(Onze heures deux minutes)
Mme Anglade : Alors, bonjour.
Aujourd'hui, je suis accompagnée de mes collègues, Isabelle Melançon et Saul
Polo. Bien, en fait, aujourd'hui, j'ai envie, un peu, de vous parler de comment
je me suis sentie en fin de semaine par rapport à ce qui s'est passé, notamment,
avec le congrès de la CAQ. Moi, ce que je vois, là, présentement, c'est que les
gens ont de la misère à joindre les deux bouts. On a une crise de l'inflation
qui est importante, qui touche tout le monde. On a une crise du logement qui
est vraiment sérieuse, puis le 1er juillet s'en vient rapidement. La crise
de la main-d'oeuvre, là, si vous ne m'avez pas entendue 100 fois, vous ne
m'avez pas entendue une fois en parler, au salon bleu, puis des impacts que ça
a. Puis encore hier, il y avait des topos là-dessus, puis évidemment on a tout
ça sous fond de crise climatique.
Puis pendant ce temps-là, ce que François
Legault fait, c'est d'essayer tout le temps de diviser les Québécois. Puis j'aimerais
juste faire un rappel de choses qu'il a dites puis qu'il a faites dans les
derniers mois, qui démontrent à quel point il veut continuer à aller sur cette
voie de la division. Je vous rappellerais que, lors de la dernière campagne
électorale, il a invité les Québécois à voter conservateur parce que c'était dangereux,
dangereux de voter autrement. Puis ça, c'était pour sauver, là, son tunnel
caquiste sous le fleuve. C'était pour ça qu'il faisait ça. Je vous rappellerais
également qu'il nous avait dit à un moment donné, en Chambre, que pour être
Québécois, en fait, il faut vraiment être caquiste. Il nous a aussi dit, après
avoir supporté le projet de Dawson, que, finalement, on n'avait pas besoin d'aller
de l'avant avec ça pour diviser les francos puis les anglos. Il a fait une
bataille avec la juge en chef par rapport à ses propres juridictions. Puis, en
plus, il est allé nous dire que les nouveaux arrivants, dans les dernières
semaines, là, c'était eux qui faisaient en sorte que ça tirait le salaire des
Québécois vers le bas. Chaque fois, il met en opposition les gens, chaque fois,
il divise.
Puis cette fin de semaine, plutôt que de
parler des crises qui touchent les gens, là, vraiment, là, ce qui affecte
profondément des gens, il est allé en inventer une autre, crise. Il est allé
nous dire que, s'il y a une femme, aujourd'hui, qui travaille au Québec depuis
deux ans puis qu'elle aimerait ramener son conjoint puis son fils, là, ça, là,
c'est une attaque à la survie du Québec. Ça, là, cette semaine, là, c'était n'importe
quoi, ce qu'on a entendu. C'était n'importe quoi. Puis ce que j'ai vu, très
franchement, là, je ne comprends pas dans quelle direction il s'en va. En fait,
il nous amène où, François Legault? Il nous amène où? Ce que j'ai vu, c'était
le ministre souverainiste, là, qui veut faire absolument une bataille avec
Ottawa. C'est ça que j'ai vu.
Puis on fait de la politique pour des
causes qui nous interpellent, qui viennent nous chercher. Bien, moi, je ne veux
pas d'un Québec où on se divise. Je ne veux pas d'un Québec où il y a eux puis
il y a nous. Moi, je veux d'un Québec où on se rassemble, puis c'est pour ça
que je fais de la politique. Puis ça, les propos qui ont été tenus pendant la
fin de semaine, ils sont vraiment venus me chercher. Cette pensée unique qu'on
doit avoir au Québec, là, celle-là, elle divise les Québécois.
Vous allez me permettre de passer la
parole à Isabelle Melançon, parce qu'il y a quelques enjeux de main-d'oeuvre qu'on
aimerait également soulever.
Mme Melançon : Merci,
Dominique. Tout d'abord, sur la pénurie de main-d'oeuvre, je tiens à souligner
le travail qui a été fait par Alain Laforest, avec un topo à TVA qui a été
fait. Non, mais c'est important de le faire parce que, très honnêtement, il
faut mettre en lumière des problématiques qui sont tout à fait quotidiennes
pour nos entrepreneurs. Et ce qu'on a vu dans le topo, c'est malheureux, mais c'est
exactement ce que vivent nos entrepreneurs au quotidien, c'est-à-dire qu'ils ne
sont pas capables d'aller recruter, ils doivent se délocaliser ailleurs qu'au
Québec. Et puis, bien, malheureusement, qu'est-ce que ça amène? Ça va amener
des pertes d'emplois au Québec.
Donc, la pénurie de main-d'oeuvre va faire
fermer des entreprises au Québec. On a donc des entrepreneurs qui ne peuvent
pas aller au bout de leurs rêves, au bout de leurs ambitions. On a des
travailleurs qui sont à bout de souffle parce qu'ils doivent prendre du travail
supplémentaire à leur charge. Ça se fait, là, faire du temps supplémentaire sur
une courte durée, mais à long terme, ce n'est pas très, très bon ni pour la
santé physique ni pour la santé mentale. Puis au bout de ça, bien, il y a les
consommateurs québécois qui vont payer plus cher, qui vont avoir moins de
services. Je pense aussi aux gens qui sont malades, actuellement, puis qui ont
de la difficulté, à cause la pénurie de main-d'oeuvre, d'avoir une infirmière,
d'avoir des soins tels qu'on peut les espérer au Québec.
Alors, tout ça mis ensemble, ça nous amène
à repenser, comme le disait Dominique tout à l'heure, que François Legault a
voulu créer, ni plus ni moins, un écran de fumée en fin de semaine : On va
parler de ce qui divise les Québécois, hein, on va diviser le Québec au lieu de
parler de pénurie de main-d'oeuvre, au lieu de parler de la crise du logement,
dont je pourrais vous parler à Verdun. À Verdun, là, c'est dans un mois, le 1er juillet.
Dans un mois, là, vous allez voir, je vais avoir du monde à Verdun, là, qui
vont être dans le trouble. J'ai du monde à Verdun qui sont dans le trouble, actuellement,
parce qu'ils ne sont pas capables d'arriver à la fin du mois avec l'inflation.
Puis j'ai du monde à Verdun qui, malheureusement, n'auront pas de service à
cause de la pénurie de main-d'œuvre. C'est à ça qu'il faut s'attaquer et non
pas à diviser les Québécois comme le fait François Legault. Merci.
M. Laforest (Alain) : Mme Anglade,
est-ce que l'UPAC est une police politique?
Mme Anglade : Bien, quand on
est rendus à arrêter des gens le jour d'un budget, quand on est rendus à poser
ce genre de gestes là, qui ne sont pas anodins, là, oui, je pense qu'on peut
répondre oui à la question. Puis surtout l'UPAC... des faux documents, des
entraves dans les enquêtes, de la fuite de documents également, c'est
vraiment... c'est extrêmement problématique, tout ce qu'on a lu par rapport à
l'UPAC. Puis quand je regarde, je me dis, là... je me mets à la place des
Québécois puis je me dis : Ils regardent ça, là, comment voulez-vous
qu'ils aient confiance dans cette institution-là?
M. Laforest (Alain) : Qu'est-ce
que vous attendez pour réintégrer Guy Ouellette dans votre caucus?
Mme Anglade : Les raisons pour
lesquelles Guy Ouellette n'est plus dans le caucus n'ont rien à voir avec ce
qui se passe avec l'UPAC. Donc, il n'y a pas de changement.
M. Robillard (Alexandre) : M.
Ouellette, il a été président d'une commission parlementaire qui était chargée
de faire la reddition de comptes de l'UPAC, alors qu'il avait lui-même été
interrogé concernant ses activités de financement politique dans son comté de
Chomedey, en 2014. Est-ce qu'il n'y avait pas un problème, à la base, qu'il
soit à cette position-là pour représenter le gouvernement dont vous faisiez
partie?
Mme Anglade : Écoutez, moi, je
pense que le problème aujourd'hui, là — je vais revenir à la charge
avec le problème aujourd'hui — le problème aujourd'hui, c'est l'UPAC.
Le problème aujourd'hui, c'est les actions qu'ils ont posées. Le problème
aujourd'hui, c'est le fait qu'on confirme des faux documents, des fuites. C'est
surtout ça, l'enjeu duquel on doit parler aujourd'hui.
M. Robillard (Alexandre) : Et
est-ce que la police est malade, au Québec? Est-ce qu'on est rendus à l'étape d'une
nouvelle commission Poitras pour essayer de crever l'abcès de pratiques
déviantes?
Mme Anglade : Bien, ce qui est
clair, c'est qu'à l'intérieur de l'UPAC, il y a vraiment des enjeux, et que tu
ne peux pas être assis dans ton salon aujourd'hui puis regarder ça puis penser
que... tu sais, avoir confiance dans cette institution-là.
M. Robillard (Alexandre) : Est-ce
qu'on doit, comme, mettre la clé dans la porte de l'UPAC?
Mme Anglade : C'est à eux de
répondre. Ils ont vraiment besoin de faire la démonstration de leur pertinence.
M. Lacroix (Louis) : Mais
est-ce que le Québec serait mieux servi, compte tenu de ce qu'on apprend sur
l'UPAC... des résultats aussi, là, quand on regarde le bilan de l'UPAC jusqu'à maintenant,
là, ce n'est pas...
Mme Anglade : Qui est très
faible, pour ne pas dire nul.
M. Lacroix (Louis) : C'est
très faible. Est-ce que le Québec ne serait pas mieux servi par une autre
instance pour enquêter sur des histoires de corruption qu'avec l'UPAC?
Mme Anglade : Il pourrait très
bien être mieux desservi différemment. En fait, je vois mal comment il peut
être plus mal desservi aujourd'hui. C'est comme ça que je vous répondrais.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
dans ce cas-là, on fait quoi? Est-ce qu'on change l'institution?
Mme Anglade : Bien, comme je
vous le dis, moi, j'ai de la misère à voir la pertinence de l'institution, et
c'est à eux de faire la démonstration de leur pertinence. Mais, moi, j'ai
beaucoup de difficulté à voir la pertinence de l'institution aujourd'hui étant
donné ce que l'on a sur la table.
M. Bergeron (Patrice) : C'est
un gouvernement de votre formation politique qui a mis l'UPAC en place. Est-ce
que c'était un geste qui était pertinent et qui ne l'est plus aujourd'hui?
Comment vous faites la lecture dans cette période de temps là?
Mme Anglade : On a des
informations qui ont été divulguées depuis ce temps-là, qui ont été partagées,
puis, évidemment, lorsqu'on regarde ces informations-là, on ne peut que
constater qu'il y a... c'est échec sur échec, là, c'est ça, la réalité. C'est
échec sur échec, et donc il faut que... comme je l'ai dit tout à l'heure, il
faut qu'ils fassent la démonstration de la pertinence.
M. Bergeron (Patrice) : C'est
une erreur du gouvernement de l'époque d'avoir créé l'UPAC?
Mme Anglade : Je pense qu'on
peut juger a posteriori, mais, fondamentalement, aujourd'hui, on a des
informations qu'on n'avait pas à l'époque. Aujourd'hui, force est de constater
que ça ne répond pas à ce que les citoyens aimeraient voir de la part de cette
institution.
M. Lachance (Nicolas) : Est-ce
que c'était la bonne chose de la part de votre gouvernement, au lendemain de
l'arrestation de Mme Normandeau, de renouveler le mandat de M. Lafrenière?
Mme Anglade : Avec les
informations qu'il y avait. Aujourd'hui, c'est différent. Aujourd'hui... Ce que
je constate aujourd'hui, là, c'est que l'UPAC n'a pas été capable de faire la
démonstration de sa pertinence. Il y a eu des documents qui ont été coulés. Il
y a eu énormément de problèmes qui ont été à l'intérieur de cette
institution-là. Puis, encore une fois, je pense que c'est la perte de confiance
de l'institution.
M. Lachance (Nicolas) : Est-ce
que votre gouvernent s'est senti obligé de le renouveler, son mandat?
Mme Anglade : Il n'y a pas aucune
obligation de renouveler quoi que ce soit.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
qu'il y a une pression, par exemple? La question est très pertinente. Est-ce
qu'il y avait une pression sur le gouvernement libéral pour renouveler
M. Lafrenière étant donné tout ce qui s'était passé, l'arrestation de
Nathalie Normandeau, etc.? Est-ce qu'il y avait une pression sur votre
gouvernement à ce moment-là? Vous étiez vice-première ministre.
Mme Anglade : Non, je n'avais
pas de pression, il n'y avait pas de pression sur le gouvernement. La question,
maintenant, est de savoir, avec les informations qu'on a aujourd'hui, c'est la
pertinence de l'UPAC dont il est question aujourd'hui.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
vous, vous étiez à la table du Conseil des ministres, donc vous avez appuyé la
nomination de monsieur...
Mme Anglade : Ça fait partie
d'une discussion de Conseil des ministres, effectivement. Mais au bout du
compte, il y a des informations qu'on a aujourd'hui qu'on n'avait pas à
l'époque, on s'entend là-dessus.
M. Laforest (Alain) : Mais à
l'époque, ça aurait mal paru, là, de ne pas avoir renouvelé le mandat de Robert
Lafrenière, alors qu'on venait d'arrêter Nathalie Normandeau.
Mme Anglade : On a posé les
gestes au meilleur de nos connaissances, mais aujourd'hui, encore une fois,
lorsque vous regardez ce qui se passe, lorsque vous regardez ce qui est
divulgué, lorsque vous dites que des gens, qui sont dans les institutions du
Québec, qui préparent des faux documents, qui causent des fuites, qui font des
entraves à des enquêtes, qu'ils enquêtent sur eux-mêmes, je pense qu'encore une
fois on ne peut pas dire que les gens ont confiance en cette institution.
M. Lachance (Nicolas) : Est-ce
que M. Lafrenière était le choix du gouvernement à cette époque-là, avant
les événements concernant Nathalie Normandeau?
Mme Anglade : Ah! Là, ce que
je peux vous dire, c'est que ça a été le choix du gouvernement à ce moment-là,
avec les informations qu'il avait à l'époque.
M. Duval (Alexandre) : Vous
êtes quand même revenue sur le fait qu'il y avait eu une arrestation le jour du
dépôt d'un budget. Est-ce que ce n'était pas là déjà un indice, à l'époque, qui
aurait dû vous faire sourciller un petit peu?
Mme Anglade : On peut baser
plein de choses sur des indices qui nous font sourciller, là. On peut baser
plein de choses là-dessus, mais je pense que les informations qui sont
divulguées aujourd'hui confirment un certain nombre de choses, encore une fois.
M. Duval (Alexandre) : ...pas
que ça avait créé des soupçons chez vous?
Mme Anglade : Bien, c'est sûr,
que ça soulève des questions. Évidemment que ça soulève des questions, mais tu
ne peux pas te baser sur des soupçons, tu dois te baser sur des faits. Puis
encore une fois, aujourd'hui, ça a été la démonstration qu'il y a des décisions
clairement politiques qui ont été prises et des comportements qui sont
totalement inacceptables de la part de cette organisation-là.
M. Robillard (Alexandre) : Qu'est-ce
que le gouvernement doit faire, à la lumière de ce qu'on a appris hier?
Mme Anglade : De juger de la
pertinence de cette organisation puis de voir de quelle manière les intérêts
des Québécois devraient être desservis. Parce que présentement, là, comme je le
disais tout à l'heure, j'ai de la misère à voir la pertinence de maintenir l'organisation
telle qu'elle est.
M. Lachance (Nicolas) : Ça
évoquait des soupçons. Vous avez dit : Ça évoquait des soupçons à
l'époque. Qu'est-ce qui évoquait des... C'est quoi, les soupçons qui étaient
évoqués?
Mme Anglade : C'est sûr qu'à
partir du moment où tu fais une intervention le jour d'un budget, tu sais, tu
peux te poser des questions. Mais encore une fois, tu ne peux pas te baser
là-dessus, tu te bases sur des faits.
Mme Lévesque (Fanny) : Quel
sort on doit réserver à M. Lafrenière, à votre avis? Est-ce qu'il doit...
Bien, en fait, est-ce que l'enquête... En fait, s'ils démontrent qu'il est
vraiment l'auteur de fuites orchestrées, est-ce qu'il doit être traduit en
justice?
Mme Anglade : Bien, la justice
doit se faire, c'est clair. Je veux dire, s'il y a eu des comportements aussi
inacceptables... justice doit être rendue.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
les soupçons, là, justement, parce qu'effectivement, là, ça mérite peut-être
des précisions de leur part, mais ces soupçons-là, ils étaient de quelle
nature?
Mme Anglade : Je vous ai
simplement dit : Ça... question sur si c'est politique de faire une
arrestation le jour d'un budget. On ne peut pas dissocier les deux. On ne peut
pas dire : Ça arrive... Tu sais, est-ce que ça arrive par hasard ou pas, tu
peux te poser la question, mais à la fin de la journée, ce sur quoi tu dois te
baser, c'est des faits, c'est ce qui se passe. Puis là, ce qu'on constate,
c'est qu'il y a beaucoup de choses qui se sont passées à l'intérieur de l'UPAC
qui étaient de nature à protéger les gens à l'intérieur de l'institution, qui
étaient de divulguer de l'information, qui n'avaient pas d'affaire à créer des
fuites, qui n'avaient pas d'affaire à être divulguées. C'est de faire des... de
poser ces gestes-là qui nuisent à la confiance de la population envers cette
institution. Puis on fait le bilan au bout de 11 ans, bien, le bilan, il
est quoi? Posez la question.
M. Lachance (Nicolas) : Vous
avez des soupçons si ce n'était pas un geste politique, mais malgré tout, au
Conseil des ministres, vous avez décidé de renommer M. Lafrenière, c'est
ce qu'on comprend.
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Mme Anglade : Bien,
ce que je vous dis, c'est que ça soulève des questions, ça soulève... il y a effectivement
des questions qui sont soulevées, mais au bout du compte, tu prends la décision
avec les informations que tu as.
M. Laforest (Alain) : Faites-vous
confiance au BEI aujourd'hui?
Mme Anglade : Bien, j'ai
confiance en mes institutions. J'ai confiance en nos institutions. Par contre,
ce que je vous dirais... Sauf l'UPAC parce que, justement, ça nuit à la
question de la confiance. On ne peut pas avoir confiance en l'UPAC aujourd'hui
avec les informations qui sont divulguées, impossible.
M. Robillard (Alexandre) : O.K.
Puis...
Des voix : ...
M. Bossé (Olivier) : Est-ce
que l'immigration francophone, Mme Anglade... l'immigration non
francophone nuit au français au Québec, fait reculer le français au Québec?
Mme Anglade : Pardon? Est-ce
que c'est...
M. Bossé (Olivier) : Est-ce
que l'immigration non francophone fait reculer le français au Québec?
Mme Anglade : Moi, je pense
que c'est vraiment un faux débat, la manière dont ça a été amené par François
Legault, et je pense...
M. Lacroix (Louis) : Mais,
je pense, la question porte plus sur...
Mme Anglade : Vous pensez que
la question porte plus sur...
M. Lacroix (Louis) : Bien,
c'est parce que, là, lui, il vous pose la question, puis moi aussi, ça
m'intéresse, la réponse. Est-ce que, nonobstant ce qui s'est passé en fin de
semaine, est-ce que l'immigration non francophone nuit au français au Québec?
Mme Anglade : Bien, je vais
passer... D'ailleurs, là-dessus, là, c'est parfait parce que je vais pouvoir
passer la parole à Saul Paulo. Je suis sûr que tu aurais une intervention à
faire par rapport à ça.
M. Polo : Bien, je fais partie
de l'immigration non francophone. Est-ce que je nuis au Québec? Je parle à mon
garçon en espagnol à la maison. Ça, ça se reflète dans les statistiques, comme
beaucoup de familles immigrantes, qui décident de conserver leur langue
d'origine, qui n'est pas le français, mais qui, au jour le jour, l'immigration
devient... est de plus en plus francophone, on le voit à travers les années, se
francise de plus en plus et adopte le français dans l'espace public et au sein
des institutions. Ça, c'est le faux débat que François Legault cherche à créer.
Il cherche à mettre en opposition l'immigration contre le fait français, contre
la majorité francophone, alors que l'immigration d'aujourd'hui le démontre.
Elle adopte le français dans l'espace public, elle participe dans ses
institutions en français, elle contribue à l'essor du Québec et n'est pas une
menace pour la nation, n'est pas une menace pour le français. Au contraire,
l'immigration, aujourd'hui, les personnes d'origine immigrante refusent
d'accepter de se faire étiqueter comme étant une menace pour le Québec et une
menace pour l'avenir du français à l'intérieur du Québec.
M. Laforest (Alain) : M. Polo,
vous pensez quoi de la situation du français actuellement? Est-ce que vous
croyez que Montréal, c'est un peu le début de la Louisiane ou pas du tout?
M. Polo : Je pense que, comme
parti, je suis fier d'être à côté de ma cheffe et de ma collègue pour dire que
nous reconnaissons qu'il y a des enjeux au niveau du français. Nous avons
présenté 27 mesures pour consolider le français au Québec, et
particulièrement à Montréal. Nous reconnaissons qu'on peut toujours en faire
plus au niveau du français, que ce soit au niveau de la francisation, que ce
soit au niveau de son essor, que ce soit au niveau de sa valorisation. Est-ce
que l'immigration devient de plus en plus francophone à travers les années? Les
statistiques le démontrent. Maintenant, si on utilise la langue parlée à la
maison pour démontrer qu'il y a un recul du français sur l'île de Montréal ou
dans la grande région de Montréal, je m'oppose totalement à ça. J'en fais
partie, je parle l'espagnol à la maison avec mon garçon, qui est né au Québec
et j'en suis fier. Il y a beaucoup de familles de Québécois qui sont fiers
d'adopter, d'utiliser leur langue d'origine à la maison, mais qui utilisent et
valorisent et sont fiers de parler le français dans l'espace public.
M. Bergeron (Patrice) : Donc,
il est faux de dire, M. Polo, que le Québec risque la louisianisation?
M. Polo : Bien, c'est une
exagération éhontée et insultante pour tous les Québécois, pas seulement des
Québécois d'origine immigrante, pour tous les Québécois. Moi et bien d'autres,
une très grande majorité de Québécois issue de l'immigration non francophone,
sont fiers de dire que nous sommes des Québécois. Nous adoptons le français,
nous le valorisons, nous nous efforçons de bien le parler. Mais si nous
choisissons, à la maison, de parler une autre langue, je refuse, et
l'immigration refuse qu'on utilise ce fait-là pour dire que le français recule
dans la grande région de Montréal. Ça n'appartient pas à François Legault ni au
gouvernement de dire quelle langue doit être parlée à la maison et d'utiliser
ça comme un épouvantail pour dire que le français recule à Montréal.
M. Laforest (Alain) : Mais
quand François Legault se braque, entre autres, pour répondre aux aspirations
puis aux demandes — parlons de ce qu'on a fait hier, là, Chaudière-Appalaches — d'avoir
plus de monde pour combler les emplois qui ne sont pas des emplois à 70 $,
80 $ de l'heure, des emplois de manœuvre, vous trouvez que le premier
ministre fait fausse route, actuellement, de ne pas aider ces industriels-là?
Puis qu'est-ce qu'on devrait faire? On augmente les seuils? On fait venir plus
de travailleurs temporaires?
M. Polo : Je vais inviter ma
collègue à parler de la question de la main-d'oeuvre, là. Je vous ai parlé au
niveau de l'immigration, mais je pense qu'elle va pouvoir contribuer au niveau
de la main-d'oeuvre.
Mme Melançon : Ça va, oui?
Mme Anglade : Oui, oui, vas-y,
je t'en prie.
Mme Melançon : Bien, c'est
parce que je voyais...
M. Laforest (Alain) : ...regarder
la caméra.
Mme Melançon : Bien sûr. Pour
moi, ce qui est important, c'est qu'on puisse, justement, aller agrandir nos bassins.
Ça, c'est important parce qu'actuellement on parle beaucoup de requalification,
mais de la requalification, on bouge, actuellement, les travailleurs d'un
emploi vers un autre. Ça ne nous donne pas plus de main-d'œuvre. Là où il y a
des gens qui attendent, c'est les femmes qui sont à la maison, qui n'ont pas de
places en garderie. Hein, on l'a vu, là, avec Ma place au travail, il y a plein
de femmes qui ne peuvent pas retourner sur le marché du travail, actuellement,
parce qu'elles n'ont pas de place en garderie, donc elles ne peuvent pas
revenir au boulot, alors qu'on est en pleine pénurie de main-d'oeuvre. C'est
pour ça qu'on a présenté, de notre côté, au Parti libéral du Québec, des
propositions, notamment des places à 8,70 $ partout dans le réseau pour
permettre, justement, à ces filles-là de revenir au travail. On peut parler
aussi, bien sûr, des travailleurs expérimentés. Actuellement, là, quand je suis
sur le marché avec...
M. Laforest (Alain) : Le
gouvernement essaie de mettre en place tout ça, Mme Melançon. Moi, je vous
dis, là, il y a des entreprises, entre autres Umano Medical, là : 17
demandes de travailleurs étrangers, il en a rentré un en un an parce que c'est
trop long et c'est surtout trop long de la part d'Ottawa. C'est aussi long de
faire venir un travailleur étranger que d'attendre son passeport actuellement.
Mme Melançon : Bien, ce qui
n'est pas peu dire. Mais très honnêtement, vous avez raison, c'est sur
l'immigration économique où on peut faire mieux, où on peut faire plus, et
c'est ce sur quoi, nous, nous travaillons. Mais au lieu de diviser les gens
puis de leur dire, là : Non, non, non, il faut faire attention aux autres,
à ceux qui viennent d'ailleurs... Parce que c'est ça qu'il est en train de
faire, le premier ministre du Québec. Je vais vous dire que, très honnêtement,
avec le PEQ, avec les 18 000 dossiers,
là, qui avaient été mis, là, à la poubelle, littéralement, bien, très
honnêtement, là, la réputation du Québec a été entachée par le gouvernement de
la CAQ. Puis au lieu d'essayer de réparer les erreurs, bien, ils en remettent
une couche. Je trouve ça gênant. C'est gênant d'être Québécois, actuellement,
puis d'aller voir puis d'essayer de faire une mission pour aller recruter 3 000 travailleurs. C'est
ça, là, qu'il a fait comme proposition, le ministre Boulet, 3 000 travailleurs, alors
qu'actuellement on a besoin de 240 000 personnes.
1,4 million de travailleurs seront demandés au Québec d'ici 2030.
M. Duval (Alexandre) : Mais
si ça ne va pas assez vite, est-ce que M. Legault a raison de dire qu'il
faudrait rapatrier nos pouvoirs en immigration pour tout faire nous-mêmes?
Mme Anglade : La réponse à ça,
là, c'est qu'on est en train de faire un faux débat. Ce que François Legault,
là, veut rapatrier, là...
M. Duval (Alexandre) : Mais
si on n'a pas le contrôle de ce qui se passe à Ottawa, là, puis que les délais
s'étirent, s'étirent, s'étirent... C'est long, on a besoin de travailleurs.
Mme Anglade : Sur le volet
temporaire, on pourrait accélérer les choses. Mais le débat que fait François
Legault, là, ce n'est pas sur les temporaires, c'est sur la réunification
familiale. Ça, là, c'est du monde qui travaille au Québec aujourd'hui. C'est
une mère, là, qui travaille, puis elle n'a pas son fils, ça fait un an qu'elle
n'a pas vu son fils. Ça fait un an qu'elle n'a pas vu son fils. Puis ce que
François Legault est en train de dire, c'est qu'on va limiter la réunification
familiale puis faire en sorte que ces gens-là ne viennent pas rejoindre leurs
familles, quand on sait pertinemment que c'est ça qui fait que les gens
décident de rester quelque part. Vous irez regarder les statistiques.
L'immigration qui est la mieux réussie, c'est quand on fait la réunification
familiale parce que les gens restent ici, parce qu'ils se sentent bien, parce
qu'ils ont retrouvé leur famille.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
qu'il manque de coeur?
Mme Anglade : Oui, il manque
de coeur. Il n'y a aucun doute dans ma tête que François Legault manque de
coeur quand il parle de ça. Aucun doute dans ma tête. C'est ne pas comprendre,
encore une fois — parce qu'il en a fait la démonstration en 2018, là — c'est
ne pas comprendre ce que c'est que le processus d'immigration, puis c'est de
mettre une emphase pour nous diviser, alors qu'il n'y a aucune raison qu'on
aille là. On a de véritables enjeux, de véritables crises à régler, et lui, il
s'en invente une.
M. Robillard (Alexandre) : À
la lumière de ce qui a été annoncé par le premier ministre Trudeau, hier, sur
les armes à feu, êtes-vous d'avis qu'il est toujours opportun pour le
gouvernement du Québec de réclamer le pouvoir d'interdire les armes de poing
comme vous l'aviez déclaré dans une motion unanime en février 2021?
Mme Anglade : Tout ce qu'on
peut faire pour le contrôle des armes à feu est extrêmement pertinent puis,
moi, je salue l'initiative du gouvernement fédéral là-dessus. On avait besoin
d'action. Moi, je suis contente qu'on aille dans cette direction. On ne peut
pas continuer avec le niveau de violence qu'on a aujourd'hui dans nos rues. Ça
fait partie des options que nous avons sur la table, celle qui a été présentée
par le fédéral, mais il y a aussi toute la question de la prévention sur
laquelle je vais revenir constamment parce qu'il y a beaucoup de travail encore
à faire là-dessus.
M. Robillard (Alexandre) : Le
pouvoir d'interdire les armes de poing, est-ce que vous aimez ça?
Mme Anglade : Toutes les
options devraient être sur la table. Mais, encore une fois, je pense que le
fédéral joue son rôle aujourd'hui en proposant ce qu'il fait.
M. Laforest (Alain) : Ce
n'est pas timide comme intervention de la part d'Ottawa?
Mme Anglade : Bien, c'est un
premier pas dans la bonne direction. Je pense que déjà là, là, il fallait qu'il
y ait des gestes qui soient posés. Est-ce que j'aurais souhaité qu'ils soient
plus tôt, ces gestes-là? Oui, parce que j'en ai parlé bien avant cette semaine,
mais, au moins, on s'en va dans la bonne direction.
Mme Lévesque (Fanny) : Sur
le projet de loi n° 28, on arrive à la fin. Est-ce
que le Parti libéral va voter contre?
Mme Anglade : Oui, on va voter
contre. Certainement qu'on va voter contre. On ne va pas voter en faveur d'un
projet de loi qui va prolonger l'état d'urgence au Québec.
Le Modérateur : En anglais,
s'il vous plaît.
M. Authier (Philip) :
Mrs. Anglade, when you see these
revelations on UPAC, do you think it should just be blown up and dismantled,
and we start over with something new, or do you think it still has any
relevancy?
Mme Anglade : I don't see the relevance right now. I think they're making the
demonstration of their irrelevance. But it's more than irrelevance, it's the
fact that processes were not followed, documents were leaked. Things that were
done within UPAC, it's more than concerning, it's really... it's mind-boggling,
and that's why people are looking at this and saying like : It doesn't
make any sense right now. We can't have a full trust in this institution.
M. Authier (Philip)
: But would you go so far as to have it... say it should be taken
down?
Mme Anglade : It should be taken down unless they demonstrate their relevance.
And again, I fail to see the relevance they demonstrate.
Mme Senay (Cathy) : On immigration, the fact that Mr. Legault is basically asking for
more powers, but especially to control family reunification to make sure that
these immigrants speak French, it's a question of survival. How dangerous it is
to target immigrants like this?
Mme Anglade : It is dangerous in the sense that it's dividing Quebeckers and it's making a false claim.
It's creating a crisis where there is no crisis. The fact that people can get
reunited is a good thing because you have workers here that are waiting for
their families, that have been working here sometimes for years, that haven't
seen their families, and they need to... the fact that they're getting here is
the right thing to do. It's just the right thing to do. So, what is he telling
us? What is he going to do? Is he going to stop that? I can't believe that we
would go down this path in Québec, can't believe we would go down this path. We have major crises to
fix in health care, we have in manpower, we have a climate crisis. And instead
of that, François Legault is
creating another crisis that is not where the focus should be in Québec.
Mme Senay (Cathy) : And, Mr. Polo, how did you feel, as a
non-Francophone immigrant when you heard that?
M. Polo :
Well, clearly, François Legault is basically putting together a debate that has
no place in Québec. All the statistics demonstrate that immigrants, through the
past few decades, have adopted French in the public space way... have
surpassed. And the Bill 101, the original Bill 101, has created
elements of success. Now, what he's creating is basically creating a debate to
generate more division and also more fights with Ottawa. The only purpose of
it, for political reasons, to basically target his own base against
non-Francophones or immigrant Quebeckers, and basically putting a target on
them and a label on them that they are actually a menace to the Québec society.
Mme Senay (Cathy) : But he says that it's a question of survival and Québec can become
the Louisiana of North America.
M. Polo :
Well, I can give you my personal situation. Am I a threat to the French in
Québec? I decide to speak Spanish to my son at home. I was raised in a Spanish
environment at home. I adopted French. I went to «classe d'accueil» when I came
to Canada, I wasn't born in Canada. I adopted French, like many other
immigrants who decide to adopt French as our official language here, in Québec.
But what we do and how we behave at home, like many other immigrant families,
be it second or third generation, François Legault has no say about that
decision.
M. Grillo (Matthew) : Mrs. Anglade, I'd just like to hear you on the gun reforms
yesterday presented but the Trudeau Government. Is this enough, you think, to
sort of herd the gun violence in Montréal and Laval?
Mme Anglade :
Well, I think it's a step in the right direction, and we needed that. But I
think there's a lot more that needs to happen in terms of prevention, and I
don't think there's going to be enough that we can do right now, giving the
state of affairs. There's not a day that goes by without hearing about gun
violence in different areas in Québec, including Montréal, Laval, but other
areas as well. So, step in the right direction, but we can do certainly more
than that.
M. Grillo (Matthew) : What do you think it takes? What is needed in addition to this?
Mme Anglade :
The whole question of prevention is really essential. I don't think we're
investing near enough in order to support the organizations that are...
community organizations. In my own riding, I had a number of meetings with
organizations that don't have enough people, that cannot support the young
people in the street. So, the whole question of prevention, we should be investing
more.
Mme O'Malley (Olivia) :
I think, roughly, $20 millions was invested yesterday into programs in
Montréal-North, if I'm correct, to try and keep kids in programs and keep them
off the streets and getting into violent acts. Is that enough or would you like
to see, you know, maybe an actual center be developed rather than just putting
money into already remaining infrastructures?
Mme Anglade :
So, to your question : I don't think this is enough. I don't think this is
enough, because for every dollar that you invest in police for that situation,
you should be thinking about investing the same amount in prevention, which is
way more than the 20 million that was announced yesterday. So, I mean,
those are elements that we really need to focus on. And if you ask the people
on the ground that are working with a young generation that is really looking
for hope and is quite desperate, they will tell you, like : This is
nowhere near enough for what needs to happen.
Thank you.
(Fin à 11 h 31)