(Quinze heures trois minutes)
Mme Hivon : Bonjour, je vais
faire une courte déclaration avant de répondre à vos questions. Alors, je vis
beaucoup d'émotions, aujourd'hui, avec cette nouvelle étape pour toujours plus
de respect des personnes par rapport à leur fin de vie, par rapport à leurs
souffrances. Je dois vous dire que, pour donner beaucoup de conférences sur le
sujet de l'aide médicale à mourir, depuis quelques années, c'est le sujet qui
fait l'objet du plus de questions, la question de pouvoir demander l'aide
médicale à mourir de manière anticipée après avoir obtenu un diagnostic de
maladie d'Alzheimer, par exemple, ou de toute autre forme de maladie
neurocognitive dégénérative. C'est une question qui habite énormément les gens
qui voient des proches aux prises avec cette maladie-là, de gens qui sont aux
prises avec cette terrible maladie ou ce terrible type de maladie.
Alors, je veux leur dire, aujourd'hui, que
je me réjouis à leur côté de voir qu'il y a une nouvelle étape. Je me
réjouissais beaucoup, en décembre dernier, quand on a déposé un rapport unanime
sur la question totalement de manière transpartisane à nouveau, mais c'est sûr
que, d'avoir une base qui suit la démarche transpartisane, un projet de loi
avec des dispositions très concrètes, ça rend les choses encore plus vraies et
réelles. Donc, je suis heureuse et je porte un espoir, aujourd'hui, que l'on
avance vraiment dans ce débat-là.
Je ne sais pas, aujourd'hui, si on va
pouvoir y arriver, mais on a au moins une chance de pouvoir y arriver, parce
que ce projet de loi, qu'on attendait depuis le mois de février, il est
finalement déposé aujourd'hui, en ce 25 mai. Donc, va-t-on y arriver? C'est
clair que c'est extrêmement serré, mais on a une chance d'y arriver parce qu'au
moins on a une base de travail et que le gouvernement a finalement bougé.
Évidemment, on aurait aimé ça que ce soit dès février. Pourquoi? Tout
simplement parce que, quand on parle d'enjeux aussi sensibles, aussi
importants, qui ont pris beaucoup de place, dans les dernières années, dans le
débat public au Québec, l'enjeu est fondamental, mais le processus pour arriver
aux meilleures dispositions, aux meilleurs changements possibles, il est aussi
fondamental pour maintenir ce consensus-là qui est tellement primordial.
Alors, ça m'amène au deuxième point, qui
est la déception du jour, qui est la surprise du jour, qui est le lapin sorti
du chapeau. C'est qu'en fait, contrairement à ce qui avait été annoncé, le
projet de loi ne fait pas que reprendre le contenu du rapport unanime qu'on a
déposé, en décembre, sur la question des directives médicales anticipées, il
ouvre tout un autre chantier en indiquant, maintenant, que le handicap pourra
donner ouverture à l'aide médicale à mourir. Or, le handicap, c'est un enjeu
dont on n'a jamais débattu au Québec. Ça n'a pas fait l'objet du dernier mandat
qui était le nôtre, ce n'était pas dans ce mandat-là. Il y a un choix qui a été
fait, à l'époque, quand on a déposé la loi, en 2012, en 2013, et puis ce n'est
jamais revenu dans le débat public. Alors, c'est sûr que, si le ministre
maintient cet alignement-là — il y a aussi d'autres changements qu'il
amène dans le projet de loi qui sont de nature plus mineure, mais, quand même,
il y a d'autres changements que juste la question de la demande anticipée — c'est
certain que ça veut dire un changement de paradigme très important.
Pourquoi? Parce qu'évidemment, vous le
concevez comme moi, une personne qui a un handicap ou qui devient handicapée à
la suite, par exemple, d'un traumatisme neurocrânien, ce n'est pas une personne
qui a une maladie grave, incurable, mortelle, qui est dans une trajectoire vers
la fin de sa vie, par exemple. Donc, c'est un changement considérable. Et, au
Québec, on a cette tradition, évidemment, de faire le débat avec la société, et
ce débat-là n'a pas été fait. Ce qui voudrait dire, si le ministre décide de
conserver ça dans le projet de loi, des consultations beaucoup plus larges que
celles que j'anticipais, jusqu'à aujourd'hui, avec des experts, essentiellement,
sur la question de la demande anticipée.
Alors, ce n'est pas banal comme choix du
ministre. Et je dois vous dire que je me questionne à savoir, vraiment,
pourquoi il est arrivé avec ça. Je peux imaginer qu'il y a eu des demandes, par
exemple, du Collège des médecins. Mais, au Québec, on a une tradition qui est
de débattre de ces questions-là socialement, avec la population. Donc, je
demande qu'on maintienne cette tradition-là.
Mme Prince (Véronique) : Mais
pourquoi vous n'en aviez pas débattu, justement, au comité transpartisan,
sachant qu'au fédéral ça discutait déjà? Parce que, finalement, M. Dubé
dit : On a voulu se coller sur la loi fédérale.
Mme Hivon : Oui, bien,
en fait, sur le fond de ça, je suis surprise puis je suis déçue aussi. Si on
voulait avoir une loi parfaitement calquée sur le fédéral, ça veut dire qu'on
serait les deux pieds dans le ciment, qu'on n'aurait jamais bougé au Québec. On
a été les précurseurs, on a décidé qu'on n'était pas obligés de se cantonner au
fédéral quand le fédéral interdisait toute forme d'aide médicale à mourir — je
vous le rappelle. Même chose pour les demandes anticipées. Est-ce que ça veut
dire que, le grand chantier qu'on ouvre, avec notre rapport puis avec le projet
de loi, de la demande anticipée en prévision d'inaptitude, le gouvernement
baisse les bras parce que le fédéral n'est pas dans cette voie-là? Donc, de la
même manière, nous, on doit faire nos propres débats au Québec, on doit pouvoir
décider de ce qui est bon. Et nous, on pense que les demandes anticipées, c'est
bon.
La question du handicap, ça n'a pas été
débattu, je vous dis, tellement qu'il y avait deux enjeux qui nous étaient
soumis, dans le comité transpartisan, le dernier, c'était la demande anticipée
et les troubles mentaux. Jamais la question du handicap n'est revenue à
l'avant-plan. Donc, c'est très surprenant, aujourd'hui, d'arriver avec ça sans
avis préalable, sans débat préalable.
Mme Prince (Véronique) : Mais
est-ce que ça remet en question la possibilité que vous votiez en faveur de
l'adoption du projet de loi ou est-ce que ça remet en question le fait qu'on
puisse se rendre jusqu'à l'adoption?
Mme Hivon : Oui. C'est
plus la question de la faisabilité. Moi, je suis convaincue que ces enjeux-là
méritent d'être débattus correctement. Ça ne veut pas dire pendant quatre ans,
mais ça veut dire correctement. Et là il y a vraiment, je dirais, un décalage
entre ce à quoi on s'attendait... Je veux dire, l'essentiel du rapport est dans
le projet de loi, puis on s'en réjouit, là. Donc, sur la demande anticipée,
c'est un moment réjouissant, aujourd'hui, mais, sur la question du handicap...
Mme Prince (Véronique) : ...l'adoption,
là, juste pour être claire, ça met en péril l'adoption.
Mme Hivon : Ça
complexifie énormément parce que, toutes les associations de personnes
handicapées, toutes les personnes qui ne se sont jamais prononcées sur la
question du handicap parce qu'on ne les a pas consultées, là, dans la dernière
année, on n'a jamais fait de consultation sur cet enjeu-là, il faut les
entendre. On ne peut pas décider, comme ça, d'inclure un tout nouveau champ
dans l'aide médicale à mourir qui est un autre paradigme, là, ce n'est pas du
tout la même chose, parce que vous pouvez avoir une personne de 20 ans
mais qui n'est pas du tout, évidemment, dans une trajectoire de maladie grave
et incurable, là.
M. Bellerose (Patrick) : ...réfère
au jugement Carter puis au jugement Truchon. Ça semble évident, découlé de ces
jugements-là, qu'il faut l'ouvrir aux personnes handicapées. Parce que, là, si
tout tout ce qui reste... mais tout ce qui reste, c'est : maladie grave
incurable, déclin avancé irréversible puis souffrance physique et psychique
constante. Donc, une personne handicapée peut répondre à ces critères-là.
Mme Hivon : En fait, si
le handicap découle d'une maladie grave et incurable, ce qui est souvent le
cas, hein... C'est pour ça que l'enjeu, dans plusieurs circonstances, il ne se
pose pas, parce que, souvent, vous allez être handicapé à cause de votre
maladie. Par exemple la SLA, par exemple l'ataxie de Friedreich vont vous mener
dans un état où vous ne pouvez plus vous déplacer, vous êtes en fauteuil
roulant. Mais là c'est une autre logique qui est amenée, c'est celle du
handicap qui n'est pas lié à une maladie. Donc, quelqu'un, je ne sais pas,
qui... en fait, il va falloir que tout ça soit précisé aussi, là, mais
quelqu'un qui plonge dans sa piscine, qui a un accident, qui a un traumatisme
neurocrânien, qui devient quadriplégique, qui a 18 ans, est-ce que ce
débat-là a été fait au Québec? La réponse, c'est non, on ne l'a pas fait au
Québec. Puis je suis retournée, là, aujourd'hui, voir à l'époque, c'était
l'époque du premier rapport de la commission. Puis les taux... Évidemment, ce
n'est pas des enquêtes scientifiques, mais on avait consulté, il y avait des
milliers de personnes qui nous avaient répondu. Et les taux d'approbation ou,
je dirais, de consensus sont significativement plus bas dans le cas du handicap
que des gens qui ont une maladie grave et incurable puis qu'on sait qu'ils sont
sur une trajectoire qui va les mener à la mort.
Donc, moi, je ne dis pas que ce débat-là
ne doit pas se faire. Je pense que vous me connaissez, je pense que ces
débats-là méritent tous d'être faits. Mais, à un moment donné, à deux semaines...
le gouvernement a fait le choix de déposer ça le 25 mai, à deux semaines
de la fin de la session, je pense que ça prend une dose de réalisme, à savoir
ce qu'on est capable d'accomplir. Déjà, hier, je veux dire, tout le monde
disait : Est-ce qu'on va réussir juste sur la question de la demande
anticipée? C'est quand même un projet de loi de 50 articles, très touffu,
très costaud. Donc, je pense qu'il faut mettre les chances de notre côté pour
pouvoir avancer sur l'enjeu où il y a les plus grandes attentes de la
population. Et, oui, il y a consensus, c'est où on a un rapport qu'on a
travaillé très sérieusement pendant un an.
M. Carabin (François) : L'adoption
du projet de loi, vous dites, est mis en danger, du moins, là. À quel point ça
devient problématique si le projet de loi n'est pas adopté puis qu'on se
ramasse à devoir le redéposer dans une prochaine législature dans six mois,
huit mois?
Mme Hivon : Bien, je veux
dire, quand on travaille sur quelque chose aussi sérieusement qu'on l'a fait
dans le rapport, là... Puis je veux juste vous dire, ce n'est pas pour me
plaindre, c'était dans le grand bonheur parce que, ce dossier-là, j'y crois
profondément. Ce n'est pas un dossier, c'est un enjeu humain. On a travaillé
tout l'été là-dessus, là, on a eu des dizaines, et des dizaines, et des
dizaines de rencontres. Pourquoi? Parce qu'on voulait avoir une chance qu'il
soit adopté pour la question des demandes anticipées en prévision d'inaptitude,
qui est une demande énorme de la part des Québécois. Comme députée, je peux
vous le dire, je suis interpellée à toutes les semaines sur cette question-là.
Puis vous le savez comme moi comment c'est des enjeux qui touchent les gens et
qui les interpellent.
Le problème, c'est : Est-ce qu'à trop
embrasser on va mal étreindre, puis on va échapper la totale, puis on va tout
échapper, alors qu'on a travaillé, depuis des années, et très intensément
depuis une année, pour y arriver dans un rapport? Alors, j'entendais le
ministère dire : Il y a des gens qui souffrent. C'est évident, puis je
pense qu'il faut penser aux personnes qui vivent avec un handicap. Mais, vous
savez, les personnes qui ont un trouble mental, aussi, elles peuvent souffrir. Et
puis il y a un choix qui a été fait de ne pas inclure cet aspect-là, pour
l'instant, parce qu'on voulait se concentrer, dans le projet de loi, de ce que
je comprends aussi, puis c'était nos recommandations dans le rapport, sur la
question de la demande anticipée, qui est beaucoup plus consensuelle.
Donc, à un moment donné, il faut faire des
choix. Puis mon inconfort, il provient du fait qu'on est à deux semaines. On a
comme un lapin qui est sorti du chapeau sur cette question-là, qui ne mérite
pas que ce soit un lapin sorti d'un chapeau, qui mérite toute une attention et
tout un débat social en conformité avec la manière dont on a toujours approché
ces questions-là au Québec.
M. Carabin (François) : Vous,
a priori, votre position sur le handicap, sur l'élargissement au handicap?
Mme Hivon : Ma position, c'est
qu'il faut faire le débat. Puis c'est tout ce que je vais vous dire aujourd'hui.
Parce qu'honnêtement il faut juste comprendre...
M. Carabin (François) : ...vous
n'êtes pas encore certaine...
Mme Hivon : Bien, j'ai besoin
d'un éclairage puis j'ai besoin, vraiment, d'avoir le sentiment des
associations de personnes handicapées. Parce qu'à la première commission il y
avait eu quelques témoignages, très peu parce que les gens avaient le sentiment
qu'on n'irait jamais là, mais il y avait eu quelques témoignages, et les
opinions étaient très divergentes, par des personnes qui représentaient des
personnes handicapées. Certaines disaient oui, certaines disaient : Non,
ça n'a aucun sens. Puis c'est toute la définition : C'est quoi, un
handicap grave, handicap grave et incurable? Si c'est vos deux mains, vos deux
bras, est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'il faut que ça soit votre corps au
complet? Je veux dire, c'est...
M. Carabin (François) : Vous
parlez de membres amputés... je n'ai pas le terme exact.
Une voix : ...
Mme Hivon : Oui. Ça, la
souffrance, c'est tout un enjeu parce que c'est un des critères en soi. Mais,
pour juste ouvrir la possibilité, le critère, avant, c'était maladie grave et
incurable, puis là, ensuite, tu as déclin avancé irréversible, bon, tout ça.
Mais, je veux dire, qu'est-ce qui peut donner ouverture dans le cadre d'un
handicap neuromoteur? Est-ce que c'est d'être quadriplégique? Est-ce que c'est
d'être... Donc, vous voyez l'ampleur du défi. Moi, tout ce que je veux dire,
aujourd'hui, moi, je pense que tous ces sujets-là méritent le débat. Pourquoi
on ne les a pas tous ouverts en même temps dans le dernier mandat? C'était
justement pour focusser sur ce qui apparaissait le plus urgent à la lumière de
ce que les gens nous demandent de regarder. Alors là, on arrive avec ça, on n'a
pas débattu de ça, on est à deux semaines. C'est évident que ça prend beaucoup,
beaucoup de consultations si on veut aller là-dessus, là.
Alors, je pense, est-ce que le ministre a
bien évalué ça quand il est allé l'inclure uniquement par question
d'harmonisation, si je comprends bien? Ce que je trouve assez, assez drôle
aussi, mais d'un autre point de vue plus politique, là. Mais je ne suis pas...
je veux dire, je ne suis pas désintéressée de la question. Je pense que c'est
une question qui est vraiment sensible puis qui est vraiment importante aussi,
la question du handicap, mais il faut juste procéder correctement, là.
M. Bellerose (Patrick) : Juste
pour être clair, c'est un handicap et aussi souffrance intolérable, c'est
toujours les deux ensemble?
Mme Hivon : Oui, tout à fait.
M. Bellerose (Patrick) : Donc,
la personne répond à tous les critères, c'est juste qu'en plus elle avait un
handicap... ou, en fait, serait causée par son handicap, mais il faut quand
même qu'il y ait la souffrance intolérable, qu'il y ait le déclin irréversible,
qu'il y ait tous les autres critères qui sont toujours réunis.
Mme Hivon : Tout à fait, il
faut tous les critères. Mais, je veux dire, il y a des... La condition de base,
elle est importante aussi. C'est juste parce qu'on est partis d'une loi qui
était sur la fin de vie avec la souffrance. Donc, c'était extrêmement limité,
mais, en même temps, beaucoup de gens trouvaient que c'était une révolution. Ça
en était une, aussi. Le consensus social, plus vous êtes dans les trajectoires
où la fin de vie devient inévitable, il est très fort. Là, la question de la
fin de vie a tombé. Donc, maladie grave et incurable, plus besoin d'être en fin
de vie, mais, évidemment, il faut la souffrance.
Là, nous, on dit : On veut la même
chose... Dans le fond, la demande anticipée, essentiellement, ça va être des
gens qui sont en fin de vie, beaucoup. Donc, il y a une très grande acceptabilité
sociale parce qu'on sait que les gens sont dans un déclin vraiment avancé, sont
dans une maladie grave et incurable, il y a de la souffrance, ils sont
pratiquement en fin de vie, pour la plupart. Le consensus est très fort
là-dessus aussi.
Quand vous vous éloignez de ça, parce que,
là, fin de vie a tombé, mais là, en plus, on change de paradigme, ce n'est plus
une question de maladie grave et incurable qui va vous mener à la mort. Parce
qu'à 20 ans vous pouvez avoir un traumatisme crânien, mais votre mort,
elle va quand même avoir lieu à 80 ans. Donc, il faut débattre de ça avec
la population, du niveau de confort. Moi, je pense qu'il faut en débattre, je
pense que c'est un débat fondamental. Mais de faire ça en deux semaines, c'est
irrespectueux du débat, de l'importance de ce débat-là et des gens qui sont
concernés. Parce que parlez aux personnes handicapées, aux associations, ils
vont avoir toutes sortes d'opinions sur la question. Alors, c'est pour ça que
je suis vraiment surprise que le ministre dise que c'est une modalité ou une
modulation de ce qui existe déjà.
M. Bellerose (Patrick) : ...question
a été posée tantôt, mais... Donc, le ministre dit : C'est juste pour
harmoniser. Mais vous, vous dites : On n'est pas obligés d'harmoniser avec
le Code criminel fédéral?
Mme Hivon : C'est ce que je
dis.
M. Bellerose (Patrick) : Pourquoi?
Expliquez-moi...
Mme Hivon : Bien, on n'est
pas obligés, dans le sens où le Québec a ses propres compétences dans le
domaine, il a sa propre approche. Et puis, ce qui est assez paradoxal, c'est
que le Québec a été le précurseur. On a influencé jusqu'à la Cour suprême, qui,
dans l'affaire Carter, est venue calquer les critères sur la loi québécoise qui
existait à l'époque, le Code criminel est venu faire ça. Le Code criminel a
omis quelques éléments différents. Donc, nous, au Québec, aussi, on a déjà eu
des éléments différents du Code criminel. C'est normal, on a la compétence en
santé, on a la compétence en administration de la justice, on a la compétence
en matière d'ordres professionnels. Donc là, sans vous faire tout un gros cours
de droit constitutionnel, ça a toujours cohabité. Et notre mécanisme, notre
manière de procéder a été jugée tout à fait valide, alors qu'il y en a qui
disaient : Mon Dieu! vous ne pourrez pas, il y a comme un conflit, le Code
criminel... Non, parce qu'on était dans nos champs de compétence.
Là, c'est la même chose pour les
directives anticipées. Si on dit ça, je trouve que le ministre est en train de
s'affaiblir lui-même. Je veux dire, est-ce que le fédéral va dire : Vous
ne pouvez pas faire les demandes anticipées en prévision d'inaptitude parce
qu'au fédéral on n'a pas fait ça? Bien non, on peut, c'est du droit civil.
Compétences en droit civil, toute la question du consentement, l'inaptitude,
c'est dans notre Code civil. Je suis convaincue, moi, je n'ai aucun doute sur
nos compétences. Donc, pourquoi, à l'inverse, il faudrait absolument se
calquer? Donc, c'est sûr que je pense qu'aujourd'hui, là, il ouvre un tout autre
débat, constitutionnel si vous voulez, mais surtout sur le fond des choses.
M. Carabin (François) : Là,
je nous transporte peut-être un peu dans l'avenir, mais est-ce que vous vous
attendez à ce qu'au Québec le débat sur les troubles mentaux ait lieu un jour
ou l'autre?
Mme Hivon : Oui, je pense que
c'est un débat qui va revenir. Ce qui était très difficile, c'était que le
consensus n'était pas là, je dirais, y compris dans les experts et y compris
dans les groupes communautaires. Donc, ça a été très, très difficile, hein, de
prendre cette décision-là parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de souffrance.
Mais c'est un peu la même chose, c'est-à-dire que, pour avoir le niveau de
confort d'aller là... Puis, au moins, là, on a fait le débat, on a entendu
énormément de groupes. Le handicap, on n'a pas fait ça, là. Mais, pour les
troubles mentaux, c'est qu'au bout du compte il n'y avait pas un confort assez
grand de la part de l'ensemble des élus. On avait le sentiment qu'on n'avait
pas tout l'éclairage et que, je dirais, les scientifiques et les groupes
communautaires n'avaient pas un assez grand consensus pour que nous, on ait le
degré de certitude.
Mais c'est évident que c'est un débat qui
est extrêmement important parce qu'il y a de la souffrance très grande qui
provient de troubles mentaux incurables. Mais vous savez tous les débats :
Jusqu'où l'incurabilité? Jusqu'où le désir de mort peut faire partie de la
maladie versus être objectivable? Extrêmement complexe. On a débroussaillé
énormément, on a eu des présentations extraordinaires, mais, au bout du compte,
il n'y avait pas le niveau de confort pour y aller.
Mais, si on était juste sur le critère de
la souffrance, là, je veux juste qu'on soit clairs là-dessus, ce serait de l'aide
médicale à mourir sur demande en toutes circonstances pour toute personne, là.
Une personne qui est tannée de vivre, est-ce qu'on... Ça fait que, vous voyez,
c'est pour ça qu'il faut quand même être très prudents quand on élargit. Qu'est-ce
qu'on veut atteindre avec ça puis où est le consensus social? Hello.
Mme O'Malley
(Olivia) : Hi. So, you would like to see severely
handicaped be added to Bill 28?
Mme
Hivon
: No. What I'm saying is that this needs a debate on its own, because
it's a totally new issue. It wasn't debated in the report that we tabled back
in December. It was not in the mandate, even, that the committee had. So, we
had to focus on advanced requests in cases of inability to consent and on
health... on «troubles mentaux», mental health issues. But this wasn't an issue
that had to be debated. So, the surprise, today, is that it's included in the
bill. And what we want is this to be able to have its' own debate. And if we
have it in the course of this bill, we're really worried that we won't be able
to make it, because it needs a whole new set of debates with people, with
experts, with community groups that represent handicaped people.
Mme O'Malley
(Olivia) : Do you think it'll be a deal breaker
for you or your party to going into two weeks from now in its vote?
Mme
Hivon
: It's not a question of a deal breaker, it's a question of being
realistic and do we really want to achieve what we worked on so hard in this
report that we tabled with a lot of serious work and 11 recommendations. I
think this is the focus we have to have when there is only two weeks left.
(Fin à 15 h 23)