(Douze heures trente minutes)
Le Modérateur : Bonjour et
bienvenue à notre point de presse. Aujourd'hui, le député de Bonaventure,
Sylvain Roy, accompagné de Paul Lupien et d'Olivier Collomb d'Eyrames,
président et représentant de la Confédération des organismes des personnes
handicapées du Québec, de Ghislain Gagnon, directeur général du Regroupement
des associations des personnes handicapées de la Gaspésie et des Îles, et de
Serge Lebreux, porte-parole de l'Association des taxis des régions du Québec.
Le point de presse débutera par une déclaration du député de Bonaventure, suivra
les autres intervenants. Nous prendrons par la suite vos questions. Donc, M. le
député, la parole est à vous.
M. Roy
: Merci,
Carl. Merci aux personnes ici présentes de venir défendre les intérêts de gens
qui sont souvent oubliés par les décideurs. Quand j'ai été élu, un de mes amis
m'avait dit de saluer tout le monde en montant, parce qu'en descendant c'est le
même monde que j'aurais salués. Ce que ça voulait dire, c'est qu'il fallait se
soucier des conditions de vie de tous les individus et pas juste de certaines
catégories plus aptes à aller chercher des privilèges auprès des élus.
Nous sommes ici pour demander au
gouvernement d'être à l'écoute des milliers de Québécoises et Québécois qui
revendiquent l'accès à la mobilité via un moyen de transport qui réponde à
leurs besoins. L'enjeu, c'est qu'en 2019 70 % des déplacements des
personnes admises au transport adapté se réalisaient par taxi, et qu'aujourd'hui,
trois ans plus tard cette flotte a été rétrécie de 40 %, ce qui signifie
une atrophie importante de l'accès à du transport pour des personnes qui
désirent récupérer la dignité qu'offre une vie active.
L'accès au transport est, selon l'OMS, un
puissant déterminant de la santé, et le contexte d'immobilisme dans lequel sont
confinés de plus en plus de citoyens est le signe d'une déconnexion des
décideurs face à leur réalité. Voilà pourquoi les gens sont mobilisés ici
aujourd'hui. Ils revendiquent de la cohérence, qui donne accès à la cohésion.
On ne peut se vanter de promouvoir la mobilité avec le troisième lien ou le REM
si on ne porte pas une attention à ceux et celles qui veulent quelque chose de
plus modeste, accessible et adapté, bref, d'avoir tout simplement accès à un
premier lien.
Je donnerais maintenant la parole à M. Ghislain
Gagnon, représentant des associations de personnes handicapées de la Gaspésie
et des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Gagnon (Ghislain) : Merci,
M. le député, merci de l'invitation et à vous d'être là à l'antenne. Je
représente les personnes handicapées de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine,
et ce qui se passe en Gaspésie, comme dans beaucoup d'autres endroits au
Québec, c'est que les personnes handicapées sont isolées, confinées. Il y a un gros
manque de transport adapté, et ça se déploie sur différents niveaux, que ce
soit de l'emploi... On a des personnes en Gaspésie qui sont instruites, ils ont
un diplôme, ils ont même un travail, mais malheureusement, des fois, ils
doivent le refuser parce qu'ils n'ont pas de transport adapté récurrent. C'est
des gens qui vont se retrouver, à la limite, sur la solidarité sociale, au lieu
d'avoir un travail dans lequel ils ont étudié. Ça amène aussi des situations où
est-ce que la personne a seulement un trajet d'autobus, donc malheureusement,
ne peut pas faire d'overtime à la job, ne peut pas remplacer son collègue.
Donc, c'est très difficile pour l'inclusion des personnes handicapées sur le
marché du travail.
Ce que ça amène aussi, c'est... dans les
soins de santé, ça va amener que les personnes vont devoir rester plus
longtemps à l'hôpital pour attendre le transport adapté. Des fois, c'est trois,
quatre heures de plus qu'on laisse les gens dans les couloirs d'hôpitaux à
errer, comme ça, en attendant le transport adapté. Ça va aussi avoir des
influences, le manque de transport adapté, sur les loisirs, le répit loisir,
qu'on appelle, pour nos membres. Donc, évidemment, on va prioriser les soins de
santé, le travail, tout ça, mais des fois, on va devoir délaisser les activités
de répit loisir, qui sont annulées le jour même, et ça, pour les personnes
handicapées qui y participent, c'est énorme.
Donc, on a besoin de plus de services, et,
pour certains, c'est difficile d'aller faire l'épicerie, imaginez-vous, donc on
est pas mal dans les besoins de base. Ce que ça amène, l'isolement, ce que ça
amène, le manque de mobilité, ça amène un déconditionnement, donc des personnes
qui vont perdre des acquis, et ça, on ne veut pas ça, ce serait dramatique.
Un autre point, ce serait mon dernier
point, on sait maintenant, depuis 2014, que la proportion de femmes avec
incapacités qui vivent de la violence conjugale est plus du double qu'une femme
qui n'a pas d'incapacités. Donc, c'est pour vous dire qu'une femme en Gaspésie,
aux îles ou... pas partout, mais à beaucoup d'endroits au Québec, va devoir
rester à la maison et continuer de subir ces violences-là parce qu'elle n'a pas
de transport adapté pour s'enfuir.
Il est grand temps que le confinement des
personnes handicapées cesse. Merci.
Le Modérateur : Donc,
maintenant, M. Serge Lebreux, porte-parole de l'Association des taxis des
régions du Québec.
M. Lebreux (Serge) :Bonjour, tout le monde. Merci, M. le député, pour
l'occasion qu'il nous offre de pouvoir profiter de la tribune. La situation
actuelle est telle... On est vraiment comme en état d'urgence par rapport aux
taxis. On a perdu, depuis le début du COVID et puis depuis le début de la loi n° 17, 40 % de la flotte de taxis au Québec, ce qui
implique aussi l'offre du transport adapté. On a à peu près perdu 40 % de
notre flotte de transport adapté. Donc, on a perdu beaucoup d'élasticité pour
répondre à l'offre de ces gens-là en dehors des heures ouvrables. Ça nous porte
à couper dans nos heures d'ouverture.
Puis juste pour vous citer quelques
villes, on a Trois-Pistoles, on a L'Islet, Cap-Saint-Ignace, on a Lac-Mégantic.
On a aussi les villes de Chibougamau, les villes aussi de... pas
Notre-Dame-du-Lac, les villes de... j'en passe, là, dans la couronne de
Rivière-du-Loup. Bref, c'est toutes des villes qui n'ont plus de service de
taxi depuis quelques mois. C'est comme ça depuis un an. Les villes tombent un
après l'autre, puis il y en a d'autres qui s'en viennent aussi.
Donc, on est vraiment dans une situation
où est-ce que... on est un service de premier lien, la population a besoin de
l'industrie du taxi actuellement, et puis elle ne peut pas compter sur ces
ressources-là pour... qui est causée par ce que je disais tantôt, le COVID ou
encore la loi n° 17. L'ATRQ a soumis plusieurs
propositions à la table du transport rémunéré par personne, et puis, pour
l'instant, là, on n'a pas vraiment d'écoute de la part du ministre Bonnardel
là-dessus. Donc, ce qu'on aimerait, c'est que le ministre écoute nos
propositions et aille de l'avant dans le déploiement de ces solutions-là pour
être capable de subvenir aux personnes en perte de mobilité dans les régions
rurales, parce qu'actuellement là, ces gens-là sont confinés, puis il faut
absolument déconfiner cette partie de la population là.
C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.
Le Modérateur : Merci
beaucoup. Donc, maintenant, M. Paul Lupien, président de la Confédération des
organismes de personnes handicapées du Québec.
M. Lupien (Paul) : Merci, M.
le député. Depuis les travaux pour l'avancement des droits des personnes
handicapées, au milieu des années 70, le transport et les déplacements ont été
au coeur de la mobilisation des personnes handicapées. Il y a plus de 40 ans,
nous manifestions ici, devant l'Assemblée nationale, pour dire que la Charte
des droits et libertés est aussi pour nous, personnes handicapées, par le
transport adapté porte à porte, comme dans le réseau de transport, qui devait
devenir accessible.
Aujourd'hui, malgré les contextes et
investissements, nous sommes loin d'avoir la mobilité du reste de la
population, toujours handicapés par les moyens de transport, inaccessibles.
Sans transport adapté, pour beaucoup de personnes handicapées, pas de travail,
pas de médecin, pas de sortie, pas de formation, pas de camp d'été. Des
investissements publics, pour chacun des services, gaspillés, pour autant de bafoués.
Ce qui a changé beaucoup en 40 ans, c'est
que, désormais, notre mobilité numérique, aussi, est adaptée sur le Web, comme
nous l'avons vu avec Clic Santé. En 2019, la COPHAN appuyait la loi sur
l'industrie du transport rémunéré, permettant de faire avancer les droits des
personnes handicapées. La loi et les règlements adoptés visaient l'accès des
personnes handicapées au transport par automobile, y compris avec une
automobile adaptée. En cohérence avec la Politique de mobilité durable, la loi
garantissait le suivi de la situation par la collecte de données, incluant les
réponses aux besoins des personnes handicapées.
Selon nos besoins, nous avons besoin de
véhicules adaptés, car, comme moi, vous êtes en fauteuil roulant,
d'applications mobiles compatibles avec nos logiciels, si on est aveugle, et,
de manière générale, de personnel formé. Or, depuis octobre 2019, la situation
de l'industrie du taxi régulier comme adapté se dégrade, et celle des services
publics de transport adapté, qui en dépendent aussi. De plus, à partir
d'octobre 2020, le ministère du Transport a suspendu la subvention pour
l'adaptation des taxis jusqu'en février 2022, au moins des dizaines de
véhicules en moins pour des personnes en fauteuil roulant. La formation semble
ne pas avoir suivi l'industrie, et cela n'améliore pas le recrutement et la
rétention de personnel pour chauffer des véhicules. La gestion du COVID ayant
diminué la demande de déplacements, les effets apparaissent limités, mais nous
anticipons le manque de véhicules pour répondre aux besoins.
La solution que nous proposons vise à
déconfiner le soutien de l'industrie du taxi car un taxi en santé, c'est le
premier lien vers l'autre pour de nombreuses personnes handicapées. Le
confinement doit cesser.
Le Modérateur : Merci, M.
Lupien. Maintenant, Olivier Collomb d'Eyrames, représentant de la Confédération
des organismes de personnes handicapées du Québec.
M. Collomb d'Eyrames (Olivier) : Bien,
moi, pour ma partie, j'ai choisi de lire un communiqué qui a été envoyé à la
clientèle par une société de transport, dans un souci de transparence, la
Société de transport de Trois-Rivières, et qui illustre la situation qu'on
entend, à d'autres endroits au Québec, liée aux difficultés de l'industrie du
taxi et les effets sur le transport adapté.
Donc, communiqué du 15 décembre :
«Depuis l'assouplissement des mesures
sanitaires, notre service de transport adapté est très sollicité, et nous
constatons une augmentation importante de l'achalandage à bord de nos minibus.
Comme c'était le cas avant la pandémie, nous comptons sur la collaboration de
nos partenaires taxis pour soutenir nos opérations. Toutefois, l'industrie du
taxi rencontre actuellement des difficultés et cela a pour conséquence de
diminuer nos capacités de transport.»
Donc, pour mémoire, là, on est le 15
décembre. On n'est pas au stade de confinement où on est rendus aujourd'hui, et
c'est déjà ça que vit la Société de transport de Trois-Rivières.
«Pour pallier à la situation, nous avons
déployé plusieurs actions visant à optimiser les courses. Nous venons également
de faire l'acquisition de minibus supplémentaires afin d'améliorer le service,
certaines journées, et augmenter nos disponibilités, pour d'autres. Cependant,
nos efforts, à eux seuls, ne peuvent combler les services délaissés par nos
partenaires taxis, et nous nous voyons dans l'obligation de restreindre les
demandes de déplacement. Ainsi, nous prioriserons dès maintenant les demandes
de déplacement pour raisons médicales, de travail et d'études postsecondaires.
Conséquemment, nous ne pouvons pas garantir la disponibilité des déplacements
pour des raisons autres que celles priorisées, et ce, même si ces déplacements
étaient demandés avec plus de 48 heures à l'avance ou s'ils ont été programmés
comme étant récurrents.»
Les raisons autres, pour qu'on se
comprenne, bien, une raison autre, c'est aller aux loisirs pendant que nos
parents ont un répit. Les raisons autres, c'est aller souper chez des amis ou
dans un restaurant. Les raisons autres, c'est quitter la maison où on vit de la
violence conjugale pour rejoindre un lieu d'hébergement sécurisé, c'est aller
faire des courses. En fait, les raisons autres, c'est tout simplement pouvoir
vivre et arrêter de survivre. Le taxi, c'est le premier lien vers la proximité.
Le gouvernement doit agir pour que le confinement cesse pour les personnes
handicapées, et on espère que les solutions qu'on propose dans le communiqué,
en partenariat avec l'industrie du taxi, on va pouvoir en discuter et prendre
des décisions. Merci.
M. Roy : Écoutez, je crois
que le message est clair, le gouvernement doit comprendre qu'on ne peut pas
tolérer, je dirais, la progression d'une société duale, coupée en deux, où on a
une partie de la population qu'on laisse sur le côté, puis qu'on en a d'autres
qu'on s'occupe pour des raisons peut-être électoralistes. Donc, ces gens-là ont
droit à de la mobilité, ont droit à avoir une vie digne, et j'ose espérer que
le gouvernement va donner suite aux propositions et aux demandes des différents
acteurs ici présents. Donc, merci beaucoup à tous.
Le Modérateur : Merci, tout
le monde.
(Fin à 12 h 43)