(Treize heures sept minutes)
Le Modérateur : Donc,
bienvenue à notre point de presse. Aujourd'hui, le député de Bonaventure,
Sylvain Roy, accompagné de Maurice Rancourt, président du conseil d'administration,
et de Carl Grandchamps, ancien directeur général de L'Accueil Notre-Dame. Le
point de presse débutera par une déclaration du député de Bonaventure, suivra
ensuite M. Rancourt. Nous prendrons par la suite vos questions. Donc, M. le
député, la parole est à vous.
M. Roy : Merci, Carl.Écoutez, merci beaucoup, MM. Rancourt et Grandchamps, d'être présents ici
aujourd'hui. Le philosophe Jean Baudrillard disait : Lorsque le monde
prend un tournant cynique, il faut avoir un point de vue cynique sur le monde.
Le monstre technocratique ou… un monstre technocratique peut parfois accoucher
d'horreurs organisationnelles et de l'inévitable maltraitance institutionnelle
qui en découle, et les aînés en sont les premières victimes.
À l'époque du gouvernement libéral, j'avais
demandé au chef du Parti québécois de l'époque de porter plainte à l'Organisation
mondiale de la santé pour maltraitance institutionnelle envers les aînés. Et la
réponse fut que cela aurait nui à l'image du Québec. Trop tard, c'est déjà
fait. Le reportage de ce matin sur le sort d'une citoyenne âgée décédée dans
des conditions concentrationnaires est un autre tragique exemple du caractère
irresponsable de la gestion de l'hébergement des aînés au Québec. Actuellement,
les directions de CISSS et de CIUSSS gèrent l'hébergement des aînés avec un
laxisme et une inconscience stupéfiants.
Nous sommes aujourd'hui ici pour éviter la
fermeture d'une résidence de 81 chambres qui nécessite un soutien de l'État
qui est sans commune mesure avec les coûts qui seront engendrés par le
déplacement et le déracinement qu'ils vont subir. Pourtant, l'État est prêt, d'une
main, à payer 1 million la porte pour des maisons des aînés et, de l'autre
main, fermer des résidences qui sont des milieux de vie adéquats, qui
nécessitent un support financier plus que raisonnable.
De plus, le soutien financier autorisé par
les gestionnaires aux résidences pour aînés se fait de manière opaque,
arbitraire, et selon leur bon vouloir, ce qui laisse entrevoir de potentiels
conflits d'intérêts, de chantage et surtout de l'iniquité dans les prestations
de services et les conditions d'existence des citoyens âgés.
Il est vital que l'État impose de la
rigueur, de l'imputabilité, de l'équité, de l'humanité et des normes dans le
soutien aux résidences pour les citoyens âgés au Québec, mais aussi des
sanctions contre les irresponsables qui donnent des directives qui engendrent
un recul de notre humanité envers nos parents et grands-parents. Et, fait
inquiétant, les pyromanes de la déconstruction et de l'affaiblissement de notre
réseau de la santé sont toujours en poste, d'où l'immobilisme, voire pire, la
détérioration de l'écosystème de soins de santé au Québec.
Notre demande, aujourd'hui, est de ramener
de l'humanité dans le soutien aux citoyens âgés, qui doit se matérialiser par
un financement adéquat pour éviter les fermetures de leurs milieux de vie.
En conclusion, les fermetures des
résidences provoquent une perte d'environ 1 000 places par année, qui
seront remplacées hypothétiquement par 750 places dans les maisons des
aînés, à 1 million la place, et ce, sans parler du déficit actuel de 10 000
places, qui se chiffre ainsi : 3 800 places qui manquent dans les
CHSLD, 3 200 en RI et 3 000 personnes qui vieillissent et qui
sont susceptibles d'aller occuper ces endroits-là.
Donc, je vais maintenant donner la parole
à M. Maurice Rancourt, président de L'Accueil Notre-Dame, qui va nous parler de
la situation de son établissement. M. Rancourt.
M. Rancourt (Maurice) : Merci,
M. Roy, de nous donner l'occasion de venir vous présenter L'Accueil Notre-Dame,
devenu en difficultés financières, et aussi une maison qui a de grands défis à
relever, malheureusement, avec peu de soutien du réseau ou d'autres programmes.
Actuellement, nous sommes une résidence certifiée. On a de la misère à
avoir notre certificat — apparemment que c'est bien complexe — catégorie 3.
Nous avons été, depuis environ 34 ans, catégorie 4, et nous avions un
contrat de six places de convalescence, qui n'a pas été renouvelé parce qu'on n'était
pas assez fort pour remplir les 60 pages que la proposition demandait et
on n'était pas assurés non plus qu'on nous offrirait un prix correspondant au
service.
On est à but non lucratif. On n'est pas là
pour faire de l'argent. D'une certaine façon, on est là pour préparer notre
avenir si jamais on doit aller en résidence pour personnes âgées. Actuellement,
je me dis : Il est très difficile de négocier avec le réseau de la santé
et des services sociaux dans notre région. Il y a bien des choses qui se
passent sans qu'on soit mis au courant : des contrats gré à gré, des
articles 108 qui ne paraissent pas, qui ne sont pas mis à notre disposition,
des intervenants qui s'empêchent de venir évaluer notre clientèle parce que
parfois, ils ne sont pas là, ou parfois ils ont lâché leur travail.
Tout ça produit des délais et des frais
pour L'Accueil Notre-Dame qui n'ont aucun bon sens. De notre propre poche, nous
avons donné des services pour plus de 100 000 $ et nous avons aussi
des réclamations de 5 millions de dollars de services donnés, pour
lesquels, actuellement, le réseau de l'Estrie demeure sourd et, d'une certaine
façon, indifférent. Ce n'est donc pas facile d'essayer de développer des
milieux sécuritaires.
Alors, si on nous avait offert quelque
chose, un contrat ou autre chose, on aurait été prêt à en faire l'étude. Le
danger, c'est que c'est des contrats qui nous poussent à la perte. Il faut quasiment
être expert et avoir beaucoup d'expérience pour pouvoir analyser ces types de
contrats là, parce qu'on vient souvent nous chercher le coeur ou encore les
motivations que l'on a à offrir un milieu de vie à nos personnes âgées. On doit
composer aussi avec une multitude de programmes très compartimentés. La main
gauche ne sait pas ce que la main droite a fait ou limite la main gauche sans
savoir que la main droite a besoin d'espace, comme tel. Je vous nommerais
quelques programmes, là, qui sont... tels AccèsLogis, soins à domicile,
hébergement, certification, résidences intermédiaires, CHSLD. Ça devient et c'est
très, très complexe, et même les experts s'y perdent.
Nous avons bâti une résidence qui peut
loger 81 personnes. C'est un produit de toute notre communauté, qui a,
pardonnez-moi, vidé ses poches pour pouvoir la faire et pour accueillir ces
personnes âgées. Aujourd'hui, on est obligé de leur dire : On ne peut pas vous
garder, on n'a plus d'infirmière, on n'est pas capable de la payer, on n'a pas
d'aide de l'État, on est tous mal pris. Et les gens quittent.
L'évolution de la perte d'autonomie, c'est
quelque chose d'imprévisible, mais, c'est certain, il faut pouvoir répondre à
ces besoins-là sans avoir à déplacer les personnes. Vous savez, une certification,
on est pour ça, parce qu'il y a des dimensions de qualité, mais quand ça coûte sept heures
par semaine non rémunérées, pour une petite résidence, c'est très lourd. On
devrait aussi regarder de ce côté-là. En fait, actuellement, je me dis : On
est dans un contexte extrêmement difficile, on cherche des milliers de dollars,
pour ne pas dire 500 000 $. Et je vous dis, on n'est pas un petit
canard à la patte cassée, mais il faut trouver les ressources pour pouvoir
continuer. On a du personnel de qualité, compétent, et un désir d'offrir un
milieu stable à nos anciens. Merci.
M. Roy : Bon, écoutez, en
résumé, là, le message est clair : Les résidences et les gestionnaires
suffoquent actuellement sous la lourdeur bureaucratique, sous l'insensibilité.
Puis il faut se poser de sérieuses questions : Qu'est-ce qui se passe dans
le réseau de la santé au Québec, actuellement? Pourquoi ils sont si déconnectés
de la réalité et des besoins des personnes âgées?
Donc, c'est sûr que nous allons poursuivre
le combat pour l'enjeu des résidences. Et l'enjeu, ce n'est pas compliqué, c'est
d'avoir des conditions décentes de vie lorsqu'on atteint le troisième âge,
parce que nous aussi, on y va, on va être là dans pas longtemps. Donc, merci
beaucoup, messieurs, on se souhaite bonne chance.
(Fin à 13 h 19)