(Neuf heures quarante-deux)
Mme Lessard-Therrien : Bonjour.
Bon matin. Ce matin, j'aimerais vous ramener un peu dans le temps. Le 16 décembre
dernier, François Legault annonce une conférence de presse. On sait que notre
temps des fêtes va se jouer dans les prochaines heures, il y a une éclipse
médiatique, et c'est à ce moment-là que le gouvernement, que le ministre de l'Environnement
en profite pour déposer son projet de règlement qui va rehausser de cinq fois
la norme de nickel au Québec. Pendant que tout le monde a le dos tourné, la CAQ
veut faire exploser la norme sur le nickel.
Aujourd'hui, on va dénoncer une autre
stratégie de camouflage. Pendant que la controverse commence à s'installer, que
les gens s'affichent de plus en plus inquiets contre le projet de rehaussement,
le gouvernement nous bombarde de publicités, autant à la télévision que sur nos
pages Facebook, avec une belle pub qui dit de quoi demain sera fait, avec des
enfants qui gambadent dans les champs. Et ça nous dit : Il sera fait de
nickel, de carbone, de cobalt.
Vraiment, la CAQ nous prend pour des
valises. Est-ce que l'industrie a réellement besoin que la CAQ soit son
cheerleader à ce point-là, au point où nous bombarder, de payer avec des fonds
publics, des publicités pour acheter l'acceptabilité sociale de son mauvais
projet de rehausser la norme du nickel? La qualité de l'air, là, ça provoque 4 000 morts
prématurées à chaque année au Québec. Ce n'est pas une petite affaire. Et ce
matin, on est bien contents de pouvoir interpeller le gouvernement et lui poser
les questions qui méritent des réponses.
Mme Dorion : Bonjour à ceux
qui nous écoutent. Merci beaucoup à Véronique Prince d'être là ce matin. Ça
fait du bien d'avoir quelqu'un en chair et en os pour nous écouter.
Alors, aujourd'hui, c'est simple, là, on
va poser des questions supersimples au ministre. Ces questions-là vont être
très, très ciblées, et on va le talonner là-dessus. Les questions, c'est :
Combien de rencontres est-ce que Glencore a obtenues avec le ministre avant de
faire passer ce projet de règlement là? Le cocktail de polluants qu'on respire
au Québec, avec une bonne dose de nickel à venir, si on laisse le règlement
passer, est-ce que ça respecte le principe de précaution? Est-ce qu'on connaît
les effets de l'addition de ces polluants-là, de ce cocktail-là? C'est ce qu'on
va demander au ministre. Est-ce que lui les connaît? Il a-tu une idée de c'est
quoi? Ensuite, on va lui demander : Combien d'argent ça va coûter aux
Québécois, les publicités gouvernementales qui encensent le nickel, pas n'importe
quand, mais qui encensent le nickel en pleine controverse? Ça, ça a coûté de l'argent.
Est-ce que les Québécois sont en train de payer leur propre transformation d'indignation
en acceptabilité sociale? Ça serait vraiment insultant. Donc, on veut savoir,
premièrement, combien ça a coûté, après on parlera du contenu.
Mais j'en aurais aussi une petite dernière
pour le premier ministre, juste pour lui : Pourquoi c'est au gouvernement
du Québec d'acheter l'acceptabilité sociale de projets qui pourrissent l'air
que nos enfants vont respirer? Pourquoi est-ce que c'est à nous d'acheter une
position qui n'est pas basée sur l'intelligence collective qui est là la base,
mais qui est basée sur les désirs d'une industrie, de quelques compagnies qui
ont énormément de lobbyistes, qui ont énormément d'argent pour influencer les
décideurs? Je comprends que Glencore mette de l'argent là-dedans, mais je
comprends moins que le gouvernement du Québec, qui est supposé représenter les
intérêts des Québécois et travailler pour eux, lui, il met de l'argent
là-dedans.
Là, je ne veux pas dire que le premier
ministre ou que le ministre Charette sont des vendus, mais mettons que, quand
on regarde comment ça se passe, on peut se demander c'est quoi, l'intérêt,
là, pour les citoyens du Québec de se faire servir cette publicité-là en pleine
controverse, alors que tu as des citoyens bien intentionnés qui travaillent
vraiment fort pour qu'on ait la vérité sur les polluants, la vérité sur la
santé.
La Modératrice : Merci. On va
prendre les questions.
Mme Prince (Véronique) : Bien,
une de vous deux qui veut répondre... Je voudrais savoir ce que vous pensez du
comité qui a été annoncé ce matin par le ministre.
Mme Lessard-Therrien : Bien,
c'est sûr que c'est une bonne nouvelle en soi, là, dans le sens où les
citoyens, là, de la Basse-Ville de Québec, ça fait 10 ans qu'ils se
mobilisent. Ça fait 10 ans qu'ils demandent à ce que la qualité de l'air
dans la Basse-Ville soit davantage étudiée, soit davantage prise en charge par
le gouvernement du Québec. En même temps, je trouve le timing assez curieux ce
matin que le gouvernement fasse cette annonce-là une heure avant d'être
interpellé sur son laxisme pour protéger les Québécois et les Québécoises au
niveau de la pollution de l'air. Je trouve le timing assez curieux. Puis je me
pose quand même la question, tu sais, on va mettre en place un comité d'indépendants,
mais ça, là, ça aurait dû être fait bien avant qu'on décide de rehausser la
norme du nickel de cinq fois. Vraiment, on fait les choses à l'envers. Donc,
raison de plus pour reculer sur le rehaussement de la norme du nickel.
Mme Prince (Véronique) : Mais
est-ce qu'un comité comme ça a un quelconque pouvoir? Même si, mettons, sur
papier il n'a pas de pouvoir, est-ce qu'au moins, de par son influence... peut
avoir, par exemple, du pouvoir? Est-ce que ça peut changer quelque chose, un
comité, en bout de ligne?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
ça, c'est une bonne question à poser au ministre. Est-ce que c'est juste une
mascarade, l'annonce d'aujourd'hui, ou est ce qu'il va vraiment prendre en
considération ce que ce comité-là aura à dire sur la question de la qualité de
l'air dans la Basse-Ville?
Mme Prince (Véronique) :
Puis, vous dites aussi que... Dans le fond, vous pensez que le ministre a des intérêts
économiques, et c'est pour ça qu'il ne recule pas. Dans le fond, le lobby est
tellement fort qu'il répond à ce lobby-là, c'est un peu ce que vous dites.
Mme Lessard-Therrien : C'est
clair comme de l'eau de roche. Puis même dans le rapport de la Direction de la santé
publique, on dit que cette décision-là, elle est strictement économique, elle
est strictement économique puis elle n'est pas basée sur la gestion de risque,
par exemple. Elle est strictement économique.
Mme Prince (Véronique) : Enfin,
est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas non plus d'intérêt politique, dans un
sens, pour la CAQ? Parce qu'il y a beaucoup de comtés qui sont touchés qui ne
sont pas nécessairement non plus des comtés caquistes. Est-ce que vous pensez
qu'il y a une stratégie politique aussi, derrière ça, outre économique?
Mme Lessard-Therrien : Moi,
je pense... je ne comprends pas comment une stratégie politique peut être basée
sur le fait de polluer l'air des citoyens qu'on représente. Honnêtement, je ne
comprends pas comment ça peut être une stratégie politique.
Mme Prince (Véronique) : Mais
les citoyens ne parlent pas assez fort? Est-ce qu'il faudrait en faire plus?
Est-ce que c'est le ministre qui ne les entend pas?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
les citoyens, moi, je trouve que, jusqu'à maintenant, sont extrêmement
mobilisés, puis une chance qu'ils sont là. Puis on a vu, hier, on a réussi à
faire adopter la motion sur... que le ministre rencontre les parents inquiets
de Limoilou puis de la Basse-Ville de Québec. Il y a des mémoires, il y a
énormément de mémoires qui sont déposés... jusqu'au 20 février, là, parce que c'est
la date limite pour déposer les mémoires. Moi, j'espère que ça va faire bouger
les choses. Aujourd'hui, c'est un geste supplémentaire qui est posé, avec l'interpellation,
où on ne sera pas doux, là, on ne sera pas douces, en fait, on ne sera pas
douces avec le ministre puis on va lui poser des questions solides. Puis ce
gouvernement-là est dans l'embarras, moi, je pense, à l'heure actuelle, avec le
rehaussement de la norme sur le nickel, puis il va falloir qu'il s'explique, là.
Mme Prince (Véronique) : J'aurais
peut-être juste une dernière question : Est-ce que ça se pourrait que, par
contre, le débat, étant donné qu'il est très technique, fasse en sorte que ça
ne rejoigne pas nécessairement tout le monde? Comment vous allez faire,
finalement, pour que les gens se sentent interpellés? Parce que, tu sais, en ce
moment, dans la vie des gens, en pleine pandémie, on dirait que le nickel, c'est
comme plus loin dans les priorités, là. Tu sais, comment faire pour que les
gens comprennent que ça les touche plus directement qu'ils pensent?
Mme Dorion : Bien, en fait,
pour quelqu'un qui n'a pas suivi le dossier de très près comme les citoyens qui
sont directement touchés, tu sais, ça peut avoir l'air d'un enjeu qui est
lointain, mais le nombre d'articles... puis on voit que les journalistes
commencent à s'y intéresser plus, le nombre d'articles qui est sorti... La
sortie du ministre, ce matin, c'est parce qu'il sent que la pression monte.
Puis quand on dit : Est-ce que les
citoyens vont être mobilisés?, tu sais, je pourrais vous faire la liste de tous
les groupes qui sont en ce moment très, très mobilisés sur l'enjeu, là : l'Association
québécoise des médecins pour l'environnement, l'Ordre des chimistes, le maire,
les conseillers municipaux, Conseil régional de l'environnement de la
Capitale-Nationale. Là, je ne vous la ferai pas toute parce qu'il faudrait que
je fasse fois six, huit, là, pour que vous ayez tous les groupes, qui ne sont
pas deux, trois personnes, là, c'est des groupes mobilisés qui ont une habitude
de guetter, de surveiller le pouvoir, de regarder avec des scientifiques, des
gens professionnels. Donc, en Abitibi-Témiscamingue, à Québec et à d'autres
endroits au Québec... En fait, les citoyens sont très mobilisés, sont très
organisés, puis là ce qu'on voit, c'est que ça commence à apparaître dans les
médias.
Et là je vous fais ce portrait-là et, à
côté, regardons le portrait du gouvernement. Il sort ça en douce pendant une
éclipse médiatique. Il fait de la pub pendant que la controverse est en train
de monter. Il fait tout ce qu'il peut pour ne pas que ça lève. Ça fait que,
malgré ça, on a une controverse qui est en train de monter, là. Tu sais, on en
parle quand même beaucoup, là, tu sais, puis on va en parler de plus en plus. Et
la mobilisation est tellement terrain, est tellement enracinée, ce n'est pas
une gang de monde qui ont fait deux, trois articles qui vont aller se reposer,
là. Ils sont là pour rester. Il va y avoir des manifestations, il va y avoir d'autres
types de scientifiques, de gens sérieux qui vont sortir avec des lettres dans
le journal. Ça va faire exactement comme pour le troisième lien : la
mobilisation a commencé tranquillement, puis là, tout à coup, c'était partout,
puis tout à coup, le ministre, il est pogné avec un boulet, tu sais? Ça fait
que c'est ça que ça va faire si le ministre ne recule pas.
La Modératrice : Merci. Merci
beaucoup.
(Fin à 9 h 52)