(Treize heures)
Le Modérateur
:
Bienvenue à notre point de presse. Donc, aujourd'hui, le député de Bonaventure,
Sylvain Roy, est accompagné de M. Thomas Bastien, directeur général de
l'Association pour la santé publique du Québec. Le point de presse débutera par
une déclaration du député de Bonaventure. Suivra une intervention de M.
Bastien. Nous prendrons, par la suite, vos questions.
M. Roy
: Merci
beaucoup. Salutations à M. Bastien. Écoutez, je vais commencer avec une
petite référence historique pour placer la table sur la fonction de la santé
publique au Québec.
Les Vikings ont toujours été vus comme un
peuple barbare, cruel, sanguinaire. Les Français puis les Anglais les
craignaient parce que, quand ils atterrissaient ou quand ils arrivaient dans
leurs villages, bien, ils pillaient à peu près tout le monde et puis, voilà,
ils étaient dangereux.
Les Vikings avaient une meilleure santé
physique que l'ensemble de la population en Europe dans ce temps-là. Pourquoi?
Parce qu'ils avaient appris à se laver. Ça paraît bizarre, mais ils ont
développé une hygiène corporelle qui a fait en sorte que leur santé était
meilleure que celle des Européens et qu'ils ne vivaient pas de maladies
infantiles qui venaient freiner la croissance. Donc, ils étaient capables
d'aller conquérir les autres peuples parce qu'ils avaient une meilleure santé.
Ils avaient compris la fonction d'une forme de médecine hygiéniste.
On arrive à 1880, dans ce coin-là. On a
des médecins hygiénistes qui commencent à inculquer à la population à se laver
les mains et à s'isoler en cas de pandémie ou d'épidémie. Ce sont ces gens-là,
les médecins hygiénistes, qui ont fait reculer les épidémies dans l'histoire de
notre civilisation. Et, par la suite, les vaccins et la pénicilline est venu en
rajouter une couche sur la prévention puis le recul des épidémies.
Donc, la morale de l'histoire, c'est que
la santé publique est un secteur extrêmement important pour, je dirais, le
dynamisme d'une collectivité.
Actuellement, les principaux problèmes de
santé que nous vivons sont liés à notre civilisation. Au-delà de la pandémie
que nous vivons actuellement, là, qui est un enjeu extrêmement important, il
n'en demeure pas moins que les maladies cardiovasculaires, le cancer, les
accidents de voiture, le diabète et le suicide sont des maladies de
civilisation sur lesquelles nous pouvons agir, et sur lesquelles la santé publique
peut agir, et, de par des efforts de prévention, en réduire l'efficience, donc,
par ricochet, réduire la réquisition d'arsenal thérapeutique.
Donc, aujourd'hui, nous, ce qu'on demande
au gouvernement, c'est de réinvestir massivement en santé publique pour
produire de la santé et non pas juste gérer la pathologie, parce que notre système
de santé, actuellement, c'est ça qu'il fait.
Même, c'est presque une arnaque de dire
que c'est le système de la santé. C'est un système de gestion de la pathologie.
Il ne propose pas des stratégies efficientes de protection de la santé. Et, écoutez,
on pourrait même dire que la santé publique devrait être le pivot autour duquel
la santé générale ou la santé curative se greffe, mais là c'est exactement le
contraire.
Donc, en terminant, on sait que l'OCDE
nous dit même que le Canada et le Québec sont des endroits où la gestion de la
santé est problématique. On invite presque les entreprises à ne pas investir
ici étant donné le faible investissement en prévention et les problèmes de
gestion du réseau de la santé que nous vivons.
Donc, sur ces mots, je vais laisser la
parole à M. Thomas Bastien, qui va poursuivre la conférence de
presse.
M. Bastien (Thomas) : Merci
beaucoup, M. Roy. Alors, c'est très intéressant, cette introduction.
J'aimerais parler davantage, en fait, de
qu'est ce que c'est, que la santé publique, hein, parce qu'on parle beaucoup de
pandémie, mais la santé publique, en fait, a un rôle qui est beaucoup plus
grand que celui-ci. Il y a quatre rôles pour la santé publique.
Le premier rôle, c'est la surveillance. En
fait, on est une sorte de moniteur cardiaque de la population, et, comme,
justement, le moniteur nous donne des anomalies, on investigue davantage
qu'est-ce qui en train de se passer. On a un rôle, en fait, de protection. On
veut se protéger, en fait, de menaces à la santé.
Alors, on peut parler de menaces qui sont
environnementales, on peut parler de virus. Il y a un certain nombre,
justement, en fait, de menaces à la santé qu'on peut envisager. On va parler
après de prévention. En fait, on va regarder les problèmes identifiés, puis,
qu'est-ce qu'on va faire, on va essayer de les prévenir. Et, finalement, en
fait, on va parler de promotion de la santé. En fait, on va s'assurer que les
personnes soient en santé de manière générale.
Alors, on est, aujourd'hui, avec un
système de santé qui va à la dérive, malheureusement. Et on pense… En fait, ce
n'est pas «on pense», on le sait, que le système de santé publique apporte des
solutions qui vont faire en sorte que la population soit en meilleure santé.
Alors, pour vous donner une image, hein,
c'est un peu comme si vous étiez dans une salle de bain, qu'on a un dégât d'eau
et puis que, là, on apporte des serviettes, on apporte des serviettes, on
apporte des cousins, la famille, les amis pour essayer d'éponger. La santé
publique, ce qu'elle va faire de son côté, c'est trouver la cause du dégât
d'eau et la réparer. On a besoin, en fait, de la santé publique pour réparer,
aujourd'hui, en fait, l'énorme dégât d'eau qu'on a dans le système de santé au
Québec.
Alors, à l'heure où on se parle aujourd'hui,
et puis vous l'avez très bien dit, M. Roy, la santé publique, elle est
sous-financée, et ce n'est pas l'Association pour la santé publique du Québec
qui le dit, c'est des experts de différents milieux qui le disent depuis
plusieurs mois, plusieurs années.
On a une étude de CIRANO qui a démontré
que le système de la santé publique québécoise, il est beaucoup moins financé
que les autres fonctions de la santé actuellement. On a des chercheurs qui ont
également démontré un sous-investissement par rapport à d'autres provinces
canadiennes ou par rapport à l'ensemble des provinces canadiennes, justement, et,
finalement, en fait, on se rend compte qu'on est l'enfant pauvre.
Et, justement, le rapport qui a été donné
par Mme Castonguay, il y a de cela quelques jours, démontre vraiment un
sous-financement par rapport au reste du Canada en matière de santé publique.
Actuellement, la santé publique est financée à 2,2 % au Québec. Dans les
autres provinces, on parle d'un financement de plus de 5 %. Et cette
différence-là, au Québec, sur le budget total de la santé, ça représente 1,6 milliard.
Donc, nous, de notre côté, on s'est dit :
On veut un investissement massif, urgent en matière de santé publique pour se
rapprocher de la moyenne canadienne, et notre objectif, c'est d'aller chercher
1 milliard par année pour les prochaines années, et c'est un
investissement, en fait, auquel la CAQ avait pensé de son côté. En 2018, il y
avait justement des engagements qui démontraient, en fait, que le gouvernement
actuel a la volonté de se rapprocher de la moyenne canadienne. Et c'est d'ailleurs
très intéressant, parce qu'on sait que cette problématique-là, elle a été
identifiée en 2018, donc bien avant la pandémie.
Alors, aujourd'hui, cet investissement-là,
et c'est un investissement qui est très différent, par exemple, de celui de la
pandémie de la COVID-19, c'est un investissement qu'on veut faire en matière de
prévention et de promotion de la santé plus particulièrement. Et donc c'est
celui-ci qu'on demanderait, 1 milliard de dollars, pour l'avenir de la
santé québécoise.
M. Roy
: J'aurais
deux choses à rajouter. Je pense qu'il faut rajouter aussi que 1 $ investi
en santé publique, selon les études, peut faire épargner environ 6 $ en
réquisition de soins puis en dépenses directement dans le système de soins.
Donc, la prévention, c'est payant, mais ce n'est pas payant, politiquement, à
court terme. C'est payant à long terme pour une nation puis une civilisation. Puis
la prévention, c'est un actif civilisationnel important. Si on fait de la
prévention, on se projette dans le temps et on va améliorer les conditions
économiques, les conditions du vivre-ensemble, de la santé mentale, etc.
Donc, ce n'est pas une dépense. C'est un
investissement. Et j'espère que le gouvernement va comprendre que le navire de
la santé actuellement est un paquebot qui coule, à l'intérieur duquel beaucoup
de gens veulent embarquer étant donné le vieillissement de la population, et il
faut trouver un autre navire, et c'est celui de la santé publique. Merci beaucoup.
(Fin à 13 h 9)