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Conférence de presse de M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice, et M. Mathieu Lévesque, adjoint parlementaire du ministre de la Justice

Réforme du droit de la famille

Version finale

Le jeudi 21 octobre 2021, 13 h 45

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures quarante-neuf minutes)

Le Modérateur : Alors, bonjour et bienvenue à cette conférence de presse du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, accompagné de son adjoint parlementaire à la justice, Mathieu Lévesque, député de Chapleau, ainsi que de la sous-ministre au ministère de la Justice, Line Drouin.

Je passe d'abord la parole à M. Mathieu Lévesque et, par la suite, M. le ministre prendra le relais pour une durée d'à peu près une dizaine de minutes. Merci. À vous la parole.

M. Lévesque (Chapleau) : Mesdames, messieurs, M. le ministre, Mme la sous-ministre, je suis vraiment très heureux de souligner aujourd'hui le dépôt du projet de loi n° 2, qui porte sur le droit de la famille notamment en matière de filiation. À titre d'adjoint parlementaire, j'ai vraiment eu le privilège de participer activement aux consultations publiques du gouvernement en 2019, sur le droit de la famille, qui ont eu lieu aux quatre coins du Québec. Ça été de très bonnes et de très utiles consultations. Cet exercice nous a permis de sonder la population et de constater à quel point les familles québécoises ont changé au cours des dernières décennies. Leur réalité, leur modèle, leur besoin ne trouvent pas toujours de réponse adaptée dans le droit de la famille tel qu'il existe aujourd'hui. Et pourtant, ce n'est pas les appels à l'action qui ont manqué dans les dernières années.

En avril 2013, le Comité consultatif sur le droit de la famille était créé. En juin 2015, son rapport mettait la table pour une réforme en profondeur du droit à la famille au Québec. Trois ans plus tard, le rapport de la Commission citoyenne sur le droit de la famille de la Chambre des notaires faisait état de la nécessité d'agir en cette matière. La population a assez attendu. Il nous fait plaisir de lui présenter aujourd'hui le premier jalon d'une importante réforme du droit de la famille. D'ailleurs, le meilleur intérêt de l'enfant est au centre de ce projet de loi.

J'en profite pour remercier Mme Sonia LeBel, l'ex-ministre de la Justice, ainsi que M. Simon Jolin-Barrette, le ministre de la Justice, de m'avoir permis de travailler avec cet important projet de société. Sans plus tarder, je cède la parole au ministre de la Justice, M. Simon Jolin-Barrette, qui vous présentera plus en détail le projet de loi. Merci.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. Lévesque. Bonjour à toutes et à tous. Je suis accompagné de Me Line Drouin, sous-ministre en titre au ministère de la Justice, ainsi que de Mathieu Lévesque, député de Chapleau, également adjoint parlementaire du ministre de la Justice dans le dossier. Et je tiens à remercier particulièrement M. Lévesque pour son implication dans le dossier et son travail soutenu au cours des dernières années sur la réforme du droit de la famille.

Donc, c'est avec plaisir que j'ai déposé le projet de loi n° 2 portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil. La dernière réforme majeure du droit de la famille remonte aux années 80. À ce sujet, vous me permettrez d'avoir une pensée pour feu Marc-André Bédard, un des grands ministres de la Justice de notre histoire. Celui-ci aura réussi à mettre de l'avant une ambitieuse réforme avant-gardiste pour l'époque, en 1980. Le Québec tout entier lui est redevable.

Or, la famille québécoise et ses besoins ont beaucoup changé au cours des dernières décennies. La société évolue et cela doit se refléter dans le droit. Dans les dernières années, il y a eu plusieurs appels à une réforme et les rapports se sont accumulés. Nous saluons d'ailleurs le travail du Comité consultatif sur le droit de la famille présidé par le Pr Alain Roy qui a grandement contribué aux avancées que nous annonçons aujourd'hui.

Ce projet de loi marque le début officiel d'une grande réforme visant à adapter et moderniser le droit pour les familles québécoises d'aujourd'hui. Au coeur de notre action et tout au long de l'élaboration du projet de loi, c'est l'intérêt de l'enfant qui est mis à l'avant, autrement dit : les enfants d'abord.

Dans un premier temps, plusieurs règles en matière de filiation, d'adoption et de tutelle supplétive doivent être mises à jour et bonifiées. En 1980, le droit québécois a mis fin à la distinction entre les enfants légitimes et ceux dits illégitimes, c'est-à-dire nés hors mariage. Mais encore aujourd'hui, des distinctions entre les deux demeurent. Par exemple, il est inacceptable qu'en 2021, un parent qui participe à une procréation assistée, puis qui change d'idée, puisse se défiler et priver l'enfant d'un parent au sens de la loi. C'est pourtant ce que permet le Code civil du Québec actuellement. Cela doit être revu.

Plus récemment, le rapport Laurent a été déposé. Il y a une phrase qui continue de résonner à la suite de ce dépôt : «Le Québec doit être digne de ses enfants.» Et cela passe notamment par la réforme que nous proposons.

Le rapport fait ressortir l'importance pour l'enfant de maintenir des relations avec des personnes significatives. C'est pourquoi nous proposons de nouvelles mesures permettant à un enfant adopté de maintenir des échanges ou des relations avec certains membres de sa famille d'origine qui peuvent lui être significatifs. Également, nous élargissons et valorisons le concept de la tutelle supplétive, encore une fois, lorsque c'est dans le meilleur intérêt de l'enfant.

Avec la réforme, nous venons aussi garantir l'admissibilité universelle à l'aide juridique pour tous les enfants qui font l'objet d'une intervention en matière de protection de la jeunesse.

La violence familiale est également un enjeu auquel nous avons accordé une attention particulière durant nos travaux. Le rapport Rebâtir la confiance recommande de tenir compte des problématiques liées à la violence sexuelle et à la violence conjugale lors de la réforme du droit de la famille. C'est ce que nous faisons.

Il sera désormais obligatoire de tenir compte de la présence de violence familiale dans toutes les décisions concernant l'enfant. Par ailleurs, en présence de violence familiale, le consentement aux soins d'un enfant sera facilité et pourra être donné par un seul des deux parents.

Un nouveau mécanisme visant à empêcher une personne qui se représente seule de contre-interroger une personne victime de violence familiale ou sexuelle sera aussi mis en place. Nous allons ainsi plus loin que ce qui est recommandé dans le rapport Rebâtir la confiance.

Le projet de loi vient également répondre à des lacunes importantes en cas du décès d'un des parents. Actuellement, si un conjoint de fait décède pendant la grossesse de sa conjointe, il ne peut être reconnu comme parent que sur jugement du tribunal, ce qui n'est pas nécessaire si le couple était marié. En 2021, ce n'est pas acceptable. Nous mettrons fin à cette injustice qui cause parfois préjudice à l'enfant.

Cette mesure, nous y tenions particulièrement. En 2017, j'avais présenté le projet de loi n° 797, Loi modifiant le Code civil afin que le lien de filiation du conjoint de fait décédé avant la naissance de son enfant soit reconnu, parce que déjà à l'époque, dans l'opposition, on nous rapportait des situations déchirantes pour ces familles endeuillées. Aujourd'hui, je suis heureux de vous annoncer que cette situation ne se reproduira plus grâce au projet de loi.

Une autre des lacunes à laquelle nous nous attaquons est la suivante. Actuellement, lorsque l'un des conjoints décède, le compte bancaire du couple, le compte conjoint est gelé, et cela ajoute une épreuve supplémentaire dans un moment déjà très éprouvant. Avec la réforme, nous nous assurons que le conjoint survivant puisse accéder au compte conjoint.

Le projet de loi vise également à encadrer les nouvelles réalités familiales, incluant les nouvelles façons de fonder une famille par le recours à la gestation pour autrui. Il s'agit d'une réalité au Québec, mais dont le Code civil actuel nie l'existence. Il y a là un vide juridique, et il est essentiel de le combler. Le Québec a un rattrapage à faire sur cette question, alors que, depuis 2007, pas moins de huit provinces et territoires canadiens ont agi en encadrant cette pratique.

Le projet de loi institue donc un processus clair, prévisible et surtout sécuritaire qui assure le meilleur intérêt de l'enfant à naître et la protection des droits de la femme qui a porté cet enfant. Par exemple, il est important, dans un processus comme celui-ci, que les parties prenantes participent à une séance d'information. Il faut que la décision se prenne en toute connaissance de cause et savoir qu'est-ce que cela implique juridiquement. Quelle est la bonne façon de faire? Qu'est-ce que ça implique au niveau émotionnel, au niveau de la santé? Est-ce que la femme qui porte l'enfant peut changer d'idée? Quels sont ses droits? Alors, ce sont des questions que les parties doivent se poser et auxquelles il est important de répondre afin de prendre une décision qui est éclairée.

Le projet de loi propose aussi de s'appuyer sur le rôle d'officier public du notaire. Une convention notariée, dont le contenu sera balisé par la loi, sera donc obligatoire. Le processus mis en place repose sur plusieurs principes fondamentaux, notamment les suivants : La femme qui porte l'enfant conserve l'entière autonomie de disposer de son corps comme elle l'entend et doit avoir 21 ans et plus; la femme qui porte l'enfant peut résilier la convention de gestation pour autrui unilatéralement, en tout temps; la rémunération est interdite, mais le remboursement de certaines dépenses est admissible; le processus assure que l'enfant aura des parents. Les parents d'intention qui changeraient d'idée en cours de route ne pourront pas laisser tomber l'enfant.

Un autre pan important de la réforme concerne la connaissance des origines. La première loi sur l'adoption, au Québec, date de 1924. Le contexte social, en 100 ans, a changé, mais la culture du secret est demeurée, ce qui n'est pas dans l'intérêt des enfants adoptés. Pour de nombreux enfants, la connaissance de leurs origines est un besoin essentiel. L'idée, ici, est donc de permettre à l'enfant qui le souhaite de pouvoir connaître ses origines, afin qu'il puisse s'approprier pleinement son identité, son histoire, à lui.

C'est dans ce contexte que le projet de loi prévoit l'élargissement des règles sur la connaissance des origines en matière d'adoption et en fait un droit fondamental en proposant une modification à la Charte des droits et libertés de la personne. Qui plus est, le besoin de connaître ses origines peut être tout aussi essentiel pour un enfant issu d'un don de gamètes. C'est pourquoi le projet de loi permet à ces enfants d'accéder, eux aussi, à la connaissance de leurs origines.

Enfin, pour répondre au Plan d'action gouvernemental de lutte contre l'homophobie et la transphobie et pour répondre à la décision de la Cour supérieure dans la cause impliquant le Centre de lutte contre l'oppression des genres, les textes de loi seront modernisés pour mieux répondre à la réalité des familles LGBTQ. Une plus grande reconnaissance sera accordée aux personnes dont l'identité de genre ne correspond pas au sexe attribué à la naissance.

Vous l'aurez constaté, il s'agit d'une réforme importante avec des sujets qui peuvent être sensibles, mais qui sont essentiels à aborder. Le droit de la famille n'a pratiquement pas évolué depuis 40 ans. Il est plus que temps de l'adapter aux nouvelles réalités des familles québécoises. Aujourd'hui, nous faisons un grand pas en avant pour assurer le meilleur intérêt de nos enfants. La valeur fondamentale qui a guidé le gouvernement est la suivante : Les enfants d'abord. Il s'agit d'un choix que nous assumons pleinement. Merci.

Le Modérateur : Nous en sommes maintenant à la période de questions. Nous allons commencer avec Caroline Plante, LaPresse canadienne.

Mme Plante (Caroline) : Bonjour.

M. Jolin-Barrette : Bonjour.

Mme Plante (Caroline) : J'aimerais faire... en savoir plus un peu sur... faire le point sur la question de la rémunération versus l'indemnisation. Est-ce que l'indemnisation... on comprend que c'est en cas de perte de revenu de travail, mais est-ce que c'est là une forme de rémunération?

M. Jolin-Barrette : Bien, la réponse, c'est non. La loi fédérale prévoit que la gestation pour autrui au Canada, elle n'est pas criminelle s'il n'y a pas de rémunération. Donc, ça, c'est le principe de base au Canada. Les différentes provinces, les différents États fédérés ont encadré, au plan civil, de quelle façon se fait la gestation pour autrui. Nous aussi, également, on vient l'encadrer.

Alors, ce n'est pas possible de rémunérer la mère porteuse, mais, par contre, ses dépenses pourront être compensées. Donc, exemple, si la mère porteuse subit une perte de salaire due à la grossesse, effectivement, elle peut être comblée, c'est un remboursement. Mais c'est également les dépenses courantes qui peuvent être remboursées sur présentation de factures. Donc, tout ce qui a trait à la grossesse ou à l'enfant peut être remboursé dans le cadre de la convention notariée qui va être établie.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce qu'il y a une somme maximale? Parce que là on parle de remboursement de frais et d'indemnisation en cas de perte de revenu de travail. Est-ce qu'il y a une somme maximale?

M. Jolin-Barrette : Non, il n'y a pas de somme maximale, c'est convenu entre les parties. Donc, ça signifie... Mais c'est les dépenses qui sont admissibles. Donc, dans la loi fédérale, c'est déjà établi qu'est-ce qui peut être une dépense admissible et sur présentation de facture actuellement. Donc, on peut penser aux vêtements de maternité, on peut penser, supposons, aux vitamines, dans le cadre de la grossesse, que la mère porteuse peut prendre, on peut penser aux dépenses associées au confort de la mère porteuse durant la grossesse. Donc, ce sont des modalités qui vont être établies entre les parties, mais il y a une série déjà de critères qui sont établis dans la loi fédérale.

Donc, ce n'est pas possible de rémunérer une mère porteuse. Et l'important, c'est de toujours préserver les droits de la mère porteuse et d'avoir un encadrement qui est strict. Et c'est ce que nous proposons avec le fait d'avoir un professionnel du droit, avec le notaire, qui va établir la convention très clairement avec les parties. Et d'ailleurs il y aura, dans la convention notariée, des règles impératives également qui vont s'appliquer.

Le Modérateur : Patrick Bellerose, Le Journal de Québec.

M. Bellerose (Patrick) : Oui, bonjour...

M. Jolin-Barrette : Bonjour.

M. Bellerose (Patrick) : Quelle est la réflexion derrière l'idée, là, que la mère porteuse peut résilier le contrat en tout temps, à tout moment jusqu'à ce qu'elle cède, justement, son lien de filiation?

M. Jolin-Barrette : Bien, je crois qu'au Québec c'est très clair que l'autonomie décisionnelle de la femme est un droit consacré, est un droit extrêmement important. Donc, dans l'éventualité où une mère porteuse souhaiterait se faire avorter en cours de route, ça lui appartient, c'est son choix. Alors, c'est ce qui nous a guidés, et je crois que...

En fait, quand j'ai construit le projet de loi, j'avais deux principes de base. Le premier, c'est la protection des enfants, l'intérêt des enfants. Parce que ces enfants... les enfants ne choisissent pas de venir au monde. Donc, c'est important, à partir du moment où il y a un projet parental, il y a un enfant qui naît, qu'à partir de sa naissance tout soit prévu et qu'il ait droit à une filiation, qu'il ait droit à des aliments et que lui, qui n'a pas demandé à venir au monde, il soit protégé juridiquement.

Le deuxième volet sur lequel j'ai insisté, lorsqu'on a préparé le projet de loi, c'est le fait que les droits de la mère porteuse, de la femme qui choisit de porter l'enfant, soient respectés et soient protégés. Alors, on a fait le choix de permettre à la mère porteuse, un, que ses choix, son corps soient respectés et surtout de lui permettre de résilier la convention. Si jamais, à la fin du processus, elle décide de conserver l'enfant, elle pourra le faire.

M. Bellerose (Patrick) : Donc, si elle conserve l'enfant, dans quelle situation on se retrouve? Est-ce que, donc, le père qui a fait son don... de gamète, je crois, garde un lien de filiation aussi? Donc, le couple qui a demandé à la mère porteuse d'avoir un enfant garde une filiation, aussi, et on se retrouve avec une coparentalité?

M. Jolin-Barrette : Bien, il y a plusieurs cas d'espèce, mais, dans le fond, le principe de base, c'est : la mère qui porte l'enfant est la mère de l'enfant et elle doit consentir après un minimum de sept jours. Donc, si elle ne consent pas à avoir la rupture de son lien de filiation avec l'enfant, elle demeure la mère de l'enfant.

Pour ce qui est de l'apport de forces génétiques, les gamètes, comme vous dites, si ça fait partie... si le matériel génétique, si le bagage génétique est un des deux conjoints, supposons, bien, effectivement, lui, cette personne-là sera le père biologique de l'enfant.

M. Bellerose (Patrick) : Merci.

Le Modérateur : François Carabin, Le Devoir.

M. Carabin (François) : Oui. Bonjour à vous trois. M. Jolin-Barrette, plus en amont du dépôt de ce projet de loi là, il y a plusieurs personnes qui vous demandaient de mieux encadrer la pluriparentalité. Sauf erreur, c'est plus ou moins abordé dans ce projet de loi. Pourquoi avoir fait ce choix-là?

M. Jolin-Barrette : Bien, nous faisons le choix de maintenir deux parents par famille. C'est un choix qui est basé sur le fait qu'il n'y a pas de démonstration que c'est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir plus de deux parents. Donc, la littérature et les études ne démontrent pas que c'est préférable pour un enfant d'avoir plus de deux parents.

Alors, ce que l'on fait par contre, en lien avec le rapport Laurent, c'est qu'on peut élargir la notion de tutelle supplétive. Vous vous rappellerez que, dans le rapport Laurent, il recommandait l'adoption sans rupture du lien de filiation. Nous, ce qu'on propose, c'est la tutelle supplétive. En cas de désintéressement d'un parent, bien, ce sera possible, pour une personne significative ou une personne dans la famille, de pouvoir avoir l'autorité parentale de l'enfant, de pouvoir être là pour l'enfant, de pouvoir décider pour lui, sans pour autant que l'enfant perde sa filiation avec sa famille d'origine, sa famille biologique. Même chose en matière d'adoption, notamment en matière de DPJ. Mais, pour nous, c'est très clair que la cellule familiale comporte deux parents seulement.

M. Carabin (François) : O.K. Merci. Je veux m'arrêter rapidement sur l'identité de genre. La Cour supérieure a rendu une décision en janvier tenant à dire qu'il était discriminatoire ou peu approprié de demander aux mineurs qui souhaitent modifier leur identité de genre d'aller chercher un contrat ou une attestation d'un médecin, d'un professionnel.

M. Jolin-Barrette : La consultation.

M. Carabin (François) : C'est ça. Dans le projet de loi, cet article-là n'est pas éliminé. Pourquoi?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, présentement, on est en appel sur cette question-là du jugement. Donc, le jugement du juge Moore de la Cour supérieure a établi plusieurs conclusions, et le projet de loi vient répondre à toutes ces conclusions-là, à l'exception d'une pour laquelle on est en appel relativement au mineur qui a entre 14 et 17 ans, au niveau de la modification de son identité de genre.

Nous maintenons qu'entre 14 et 17 ans le mineur doit consulter un professionnel, donc un médecin, un psychologue, un membre d'un ordre professionnel pour l'accompagner dans cette démarche au niveau du changement d'identité de genre. Ce n'est pas tellement différent que lorsque vous modifiez votre sexe ou vous recevez un traitement médical avec des hormones, supposons, antibloqueurs, tout ça. À cette période-là, vous allez consulter un professionnel de la santé, nécessairement vous allez voir un médecin.

Alors, c'est la distinction que nous faisons, c'est pour ça que nous avons porté cette partie du jugement là en appel, mais, pour le reste du jugement, dans le cadre du projet de loi, on vient répondre aux conclusions du jugement et on adapte le droit à la réalité des personnes membres de la communauté LGBTQ.

Le Modérateur : Hugo Pilon-Larose, LaPresse.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Juste une précision là-dessus avant de poser mes questions. Est-ce que ça veut donc dire que votre projet de loi doit absolument être adopté avant la fin de la présente session parlementaire pour répondre au jugement?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ce que la Cour supérieure nous a demandé de faire, c'est de modifier le texte avant le 31 décembre parce que, dans le fond, les articles sont suspendus, la déclaration d'invalidité est suspendue jusqu'au 31 décembre 2021, vous avez raison. Là, on dépose le projet de loi. Vous savez, on a bien construit le projet de loi, on a fait en sorte de répondre aux recommandations. Très certainement, si on n'est pas en mesure de l'adopter d'ici la fin de la session, on demandera un sursis à la Cour supérieure pour prolonger. Mais je ne peux pas présumer des travaux du Parlement à ce stade-ci.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Concernant la gestation pour autrui, là, vous avez dit que les parents d'intention qui changeraient d'idée en cours de route ne pourront pas laisser tomber l'enfant. Pouvez-vous éclaircir ce point-là? C'est-à-dire, la question que je me pose, c'est : À partir du moment où il y a une convention de signée devant le notaire, est-ce que les parents d'intention ont des responsabilités légales envers l'enfant et ne peuvent plus se retirer du projet?

M. Jolin-Barrette : La réponse claire, c'est oui. Oui. Et pourquoi nous faisons cela? C'est pour faire en sorte que, justement... Les parents d'intention, qui ont un projet, qui font affaire avec une mère porteuse, c'est une responsabilité, c'est un choix qu'ils font, ils décident de construire un projet parental, de faire en sorte qu'un enfant vienne au monde. Et donc ce choix-là, il apporte des conséquences envers l'enfant, alors la filiation devrait être établie avec les parents d'intention. Et également ils donneront des aliments à l'enfant. L'enfant, lorsqu'il naîtra, suite à un choix de projet parental, bien, les parents ont des responsabilités à l'égard de l'enfant comme si c'était une grossesse biologique qui se produirait dans n'importe quelle famille.

Et ça, c'est vraiment important parce qu'actuellement il y a des enfants qui se retrouvent sans protection juridique. Parce que supposons que vous avez un couple, des parents d'intention qui font affaire avec une mère porteuse, et que la chicane prend au huitième mois, puis finalement tout le monde se sépare puis ils ne veulent plus rien savoir de l'enfant. L'enfant, actuellement, il n'est pas protégé, il n'y a pas de garantie pour lui. Alors, cet enfant-là, c'est fondamental que, dans notre société, son lien de filiation soit établi puis les obligations alimentaires soient établies. On ne peut pas le laisser, l'abandonner, cet enfant-là. Et c'est pour ça qu'il y a nécessité d'établir un cadre, comme nous le faisons, très clair, pour protéger l'enfant et pour protéger la mère porteuse.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Concernant, justement, la femme porteuse, quelles sont les responsabilités des parents d'intention, si celle-ci, comme ça arrive encore, au Canada, dans de très rares cas, mais quand même, si celle-ci décède lors de l'accouchement et qu'elle a elle-même une famille? C'est parfois, peut-être, une mère monoparentale. Est-ce que les parents d'intention ont des responsabilités envers la famille et les enfants de la mère porteuse?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, les parents d'intention ont une responsabilité envers l'enfant à naître. Donc, la filiation posthume sera établie pour l'enfant en lien avec sa naissance avec les parents d'intention. Mais il n'y a pas de lien de droit entre la famille de la mère porteuse et les parents d'intention.

Le Modérateur : C'est un projet de loi assez complexe, donc on va faire un deuxième tour de questions si vous permettez. Caroline Plante, LaPresse canadienne.

Mme Plante (Caroline) : La mère porteuse qui changerait d'idée, est-ce qu'elle s'expose à une poursuite? C'est-à-dire on peut s'imaginer que ce serait une grande déception, pour le couple ou la personne seule qui veut prendre part au projet, s'il y a un retrait de la mère porteuse, et ça crée beaucoup de déception et de frustration. Est-ce qu'elle pourrait être poursuivie, cette mère porteuse?

M. Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, c'est non. Parce qu'on vient garantir l'autonomie du corps de la femme. Donc, la façon dont le projet de loi est construit est pour faire en sorte qu'à tout moment l'autonomie décisionnelle de la femme, il est conservé.

J'apporterais un bémol là-dessus. Les règles entourant les contrats dans le Code civil demeurent. Donc, si, manifestement, il y avait une intention mal fondée, préalablement à la conception ou au projet parental, les règles du Code civil s'appliquent.

Mme Plante (Caroline) : Puis, peut-être en deuxième question, l'atelier sur les implications psychosociales éthiques, l'obligation de suivre cet atelier-là, est-ce qu'on tient pour acquis qu'au départ la décision n'est peut-être pas prise en toute connaissance de cause?

M. Jolin-Barrette : Vous voulez dire par les parents d'intention ou...

Mme Plante (Caroline) : Oui, et la mère porteuse.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, l'idée c'est de faire en sorte que tout le monde soit conscient de l'implication associée à un projet parental qu'est la gestation pour autrui. Donc, cette séance d'information la va être séparée, donnée par un professionnel, que ça soit un psychologue ou un travailleur social, et avec les parents d'intention qui auront leur rencontre, et la mère porteuse qui aura, également, sa rencontre au niveau de la séance d'information préalable à la convention notariée parce qu'il ne pourra pas y avoir de convention notariée. Donc, le notaire va devoir vérifier que chacune des parties a suivi cette séance d'information là. Et je pense que c'est important de renseigner les parties sur quelles sont les modalités en fonction de la loi et ce à quoi les parties doivent s'attendre en lien. Et comment ça va fonctionner, également, pour la remise de l'enfant, les règles attribuables, également, à la filiation. Et également expliquer quels sont les paramètres dans lesquels le projet parental se fait.

Mme Plante (Caroline) : C'est ça. Parce que vous pensez que les gens ne s'embarquent pas là-dedans, nécessairement, en toute connaissance de cause?

M. Jolin-Barrette : Non, je ne suis pas… je ne vous dirais pas ça. Je ne suis pas prêt à dire ça. Mais je pense que dans un contexte comme la gestation pour autrui, vous savez, déjà, actuellement, en matière de procréation assistée, là, où il n'y a pas de gestation pour autrui, là, bien, les cliniques rencontrent déjà les parents en matière de procréation assistée pour expliquer le processus, si vous allez en insémination, en fécondation in vitro. Il y a déjà de l'information qui est faite, que ça soit à Sainte-Justine, que ça soit au CUSM, également, dans ces cliniques. Donc, ils rencontrent déjà les parents qui s'engagent dans un processus de procréation assistée.

Et là, on est une étape plus loin, avec une troisième personne en matière de gestation pour autrui. Donc, l'idée, c'est de donner de l'information à tout le monde sur qu'est-ce que ça implique et quelles sont les conséquences associées à ça.

Le Modérateur : M. Bellerose du Journal de Québec

M. Bellerose (Patrick) : Oui. Sur les conjoints de fait, j'aimerais vous entendre aussi. Qu'est-ce qu'on doit comprendre? Donc, qu'est-ce que ça change, par exemple, qu'on crée un lien de filiation avec un conjoint de fait? Et, dans le cas d'une séparation, par la suite, est-ce que l'enfant va pouvoir garder un lien avec l'ancien beau-parent et la famille des anciens beaux-parents?

M. Jolin-Barrette : Bon, pour les conjoints de fait, ce que ça change, c'est qu'actuellement, je vous l'ai dit, ça faisait référence au projet de loi que j'ai déposé dans l'opposition, ça arrive à chaque année qu'au Québec il y a des femmes non mariées qui sont conjointes de fait avec leurs conjoints de fait, et que monsieur décède durant la grossesse. Et là, puisqu'ils ne sont pas mariés, la présomption de paternité prévue au code ne s'applique pas. Donc, ça fait en sorte que vous vous retrouvez avec une famille qui est endeuillée, une femme qui vient de perdre son conjoint, qui vient d'accoucher également, et qui doit s'engager dans des procédures judiciaires pour faire reconnaître la filiation de l'enfant qui vient de naître avec le père qui est décédé quelques semaines ou quelques mois plus tôt.

Et ça, c'est vraiment important de régler cette question-là parce que ça a des impacts sur notamment les rentes d'orphelin, que ce soit à la RRQ ou que ça soit avec les régimes de pension privés ou publics des travailleurs, pour faire en sorte que l'enfant bénéficie, de un, du soutien financier associé et de ses droits qui sont privilégiés, notamment au niveau de la succession. Donc, ça, c'est fondamental de protéger l'enfant. Puis on ne veut pas imposer un fardeau supplémentaire au simple fait que la personne qui était en concubinage, qui était conjointe de fait, pour l'enfant, c'est discriminatoire parce qu'il n'est pas né dans une famille où les conjoints étaient mariés.

À votre deuxième question, qui était…

M. Bellerose (Patrick) : Garder un lien pour l'enfant avec l'ancien beau-parent ou sa famille.

M. Jolin-Barrette : Oui, c'est ça. Ce qu'on vient faire, c'est qu'on vient permettre de garder un lien avec l'ancien beau-parent si c'est dans l'intérêt de l'enfant, s'il représente une personne significative, parce qu'il y a plusieurs cas où est-ce que l'ancien conjoint a été une figure parentale durant plusieurs années pour l'enfant. Alors, on donne la possibilité, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, de pouvoir maintenir un lien avec l'ancien beau-parent, mais le tout doit être balisé par le tribunal.

M. Bellerose (Patrick) : …premier volet là qui porte, justement, bon, sur la filiation alors que le gros, quand même, de la réforme à laquelle on s'attendait, c'était peut-être plus la conjugalité. Pourquoi reporter ce deuxième volet là à plus tard et à quand?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais, dans un premier temps, ma collègue Sonia LeBel avait déjà annoncé qu'on allait le faire en deux phases. Depuis un an que je travaille notamment avec Mathieu, avec le ministère, les équipes du ministère de la Justice, c'est un gros morceau qu'on a déposé aujourd'hui, il y a beaucoup de travail qui est fait là-dedans. Et moi, ma priorité, dans un premier temps, c'était la protection des enfants et l'intérêt des enfants. Donc, les enfants d'abord, dans un premier temps, pour notamment les protéger, gestation, filiation. Donc, c'était vraiment prioritaire. Et là on travaille également sur la deuxième phase et donc on continue de travailler avec les équipes.

M. Bellerose (Patrick) : …deuxième mandat?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, je n'ai pas d'échéancier, je ne peux pas vous dire à quel moment, mais ce que je peux vous dire, c'est que les équipes y travaillent présentement. Puis je peux vous dire qu'au MJQ, ça ne chôme pas avec la langue, le tribunal spécialisé, la filiation, on a fait également les thérapies de conversion, le projet de loi n° 75, les cliniques juridiques aussi. Alors, on y travaille.

Le Modérateur : M. Carabin, du Devoir.

M. Carabin (François) : Oui. M. Jolin-Barrette, je voulais revenir sur l'identité de genre. Il y a un autre aspect du projet de loi qui prévoit l'élimination de la demande d'être citoyen canadien pour demander un changement sans mention d'identité de genre. Est-ce que c'est possible d'expliquer le processus de réflexion que vous avez eu?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, dans le fond, le jugement indique que les règles qui étaient prévues au Code civil, d'être citoyen canadien, ont été invalidées. Alors, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on vient indiquer que la personne doit être domiciliée au Québec depuis un an. Donc, le critère relativement à la citoyenneté n'est plus un critère qui est prévu. Donc, on vient répondre au jugement. Dans le fond, on vient répondre à l'ensemble des conclusions, à toutes les conclusions du rapport... du jugement du juge Moore, à l'exception de celles pour laquelle on est en appel.

M. Carabin (François) : Je vous amène ailleurs pour le ministre responsable de la Langue française. J'aimerais vous entendre sur la proposition du candidat à la mairie de Montréal, Balarama Holness, de tenir un référendum pour faire de la ville de Montréal une ville bilingue.

M. Jolin-Barrette : Écoutez, la ville de Montréal, c'est prévu dans la Charte de la langue française... dans la Charte de la Ville de Montréal, à l'article 1, la ville de Montréal est de langue française. Donc, la ville de Montréal est la métropole du Québec, elle est de langue française et elle demeurera de langue française. Et surtout, je crois que tous les élus montréalais et tous les candidats à un poste électif devraient avoir cette sensibilité-là et cette compréhension-là que la langue française est ce qui nous distingue et c'est ce qui doit nous rassembler. Et on doit surtout travailler à faire en sorte que la langue française soit davantage utilisée, particulièrement sur l'île de Montréal et à la ville de Montréal.

Il y a des avancées significatives qui ont été faites au cours des derniers mois par l'administration Plante relativement à la prise de conscience de l'importance du français, et vous comprendrez que je ne partage pas les propositions de ce candidat-là et, surtout, on doit envoyer un message très fort que Montréal doit être le vaisseau amiral de la langue française au Québec. La ville de Montréal doit en faire plus, mais l'ensemble des élus montréalais également ou des candidats à des postes électifs doivent prendre conscience de la fragilité du français au Québec, et particulièrement sur l'île de Montréal.

M. Carabin (François) : Est-ce que M. Holness doit retirer sa proposition, à vos yeux?

M. Jolin-Barrette : Moi, je crois que les Montréalais auront l'occasion de juger sa proposition aux élections.

Le Modérateur : M. Hugo Pilon-Larose de La Presse.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Est-ce que vous pouvez nous expliquer, en fait, qu'est-ce que ça change et pourquoi c'est important pour vous d'inscrire le droit à la connaissance des origines dans la Charte des droits et libertés de la personne, dans un premier temps? Et, ensuite, peut-être juste un peu préciser le nouveau registre, à quoi il sert, puis comment on va s'en servir?

M. Jolin-Barrette : Bien, je vais commencer par le nouveau registre. Le nouveau registre, c'est pour la gestation pour autrui, pour faire en sorte de recevoir, notamment, les conventions notariées, pour faire en sorte que la personne qui a été conçue par la gestation pour autrui puisse avoir accès à la connaissance de ses origines, notamment si les gamètes viennent de l'étranger, et donc d'avoir ces renseignements qui lui appartiennent.

C'est l'équivalent des renseignements sociobiologiques des personnes qui sont issues de l'adoption, qui ont été confiées à l'adoption. Que ce soit en matière d'adoption internationale ou que ce soit en adoption au Québec, également, il existe déjà des antécédents sociobiologiques pour les personnes adoptées. Donc, on veut permettre à la personne qui est issue de la gestation pour autrui qu'elle puisse connaître son bagage, son histoire également. Donc, c'est ça, le nouveau registre, pour faire en sorte que l'enfant qui est issu de la gestation pour autrui, de la procréation assistée puisse avoir accès à ses origines, à son bagage.

Pour ce qui est de votre question sur…

M. Pilon-Larose (Hugo) : La charte.

M. Jolin-Barrette : ...oui, la charte, bien, c'est fondamental de garantir ce droit-là à la connaissance de ses origines, à la fois pour… maintenant, on est dans une nouvelle réalité, avec la gestation pour autrui, avec les mères porteuses, donc que l'enfant puisse savoir d'où il vient.

Mais également, pour les gens qui ont été confiés à l'adoption, la littérature, les études scientifiques démontrent que la connaissance de ses origines, ça fait partie de la construction de soi. Dans le fond, les gens qui ont été confiés à l'adoption veulent savoir d'où ils viennent, veulent connaître leur histoire. Alors, c'est pour ça qu'on vient leur garantir ce droit-là de dire : Bien, je veux savoir d'où je viens.

Et surtout c'est pour eux, les personnes adoptées, de savoir d'où ils viennent, d'où ils sont issus, mais il y a également un élément qui… lorsque j'ai entendu les personnes adoptées, également, elles veulent pouvoir dire à leurs descendants d'où elles viennent puis elles veulent partager ça également avec leurs enfants ou leurs petits-enfants. Et surtout, dans certains cas, il s'agit de personnes qui ont un âge certain, présentement, parce que, vous savez, il y a eu beaucoup de gens qui ont été confiés à l'adoption dans les années 30, 40, 50, alors je pense que ces gens-là veulent pouvoir léguer à leurs enfants ces informations-là qui sont fort importantes pour elles.

Vous savez, les gens qui naissent et qui grandissent dans leurs familles biologiques, la majorité du temps, ils connaissent leur histoire, ils connaissent leur filiation, et je pense que cette culture du secret là doit cesser, et c'est réclamé depuis des années par les personnes adoptées.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Ma dernière question est peut-être plus politique. Je me suis posé la question tantôt : Pourquoi est-ce qu'une réforme aussi importante que celle-ci, avec des éléments structurants, intéressants à analyser, est déposée aujourd'hui, en même temps qu'une autre importante réforme sur les services de garde éducatifs à l'enfance, qui inclut notamment une grande conférence de presse du premier ministre et qui fait en sorte qu'en ce moment, bien, on est quatre dans la salle de conférence de presse? Est-ce que vous avez tenté de la passer sous silence, cette réforme-là du droit de la famille?

M. Jolin-Barrette : Non, pas du tout. Ça fait tellement longtemps qu'on y travaille, que j'y travaille, que Mathieu y travaille également, que le fait de la déposer aujourd'hui… Vous savez, on vient d'ouvrir a session, et c'est le projet de loi n° 2. Donc, on a voulu le déposer le plus rapidement possible pour faire en sorte qu'on puisse l'étudier également, puis je pense que c'est un message fort du gouvernement du Québec de la déposer aujourd'hui, dans la première semaine de la nouvelle session, et de faire en sorte qu'elle puisse être étudiée dans les meilleurs délais, effectivement.

Mais, vous savez, on est un gouvernement qui est actif. Mon collègue le ministre de la Famille a déposé une réforme importante aussi. Moi aussi, j'en dépose une. Mais, moi, je le vois plutôt comme un continuum à l'effet qu'on est en action et qu'on dépose plusieurs projets de loi au cours des prochaines semaines. Hier, mon collègue des Finances en a déposé un. Là, on en dépose aujourd'hui. Vous allez voir, au cours des prochaines semaines, l'activité législative sera intense.

M. Bergeron (Patrice) : M. le ministre, si vous me permettez une question, à titre de journaliste cette fois. Donc, Patrice Bergeron, LaPresse canadienne.

Vous ouvrez la porte dans le projet de loi à ce que le sexe soit changé sur l'acte de naissance. Alors là, on agit sur quelque chose qui s'est passé dans le passé et qui va à l'encontre d'une certaine réalité sexuelle de la personne à ce moment-là. Est-ce qu'on n'est pas en train de changer des faits... et on n'inscrit pas quelque chose qui serait le contraire d'une réalité qui s'est passée il y a quelques années ou 20, 30 ans, là?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ce qu'on fait dans le projet de loi, là, on vient répondre au jugement. On vient permettre d'avoir une identité de genre. Et là, le changement de sexe, lui, également, demeure. Donc, une personne qui changerait biologiquement son sexe va changer son sexe également à son acte de naissance. Également, elle pourra également changer son identité de genre ou avoir une identité de genre désormais, ce qu'il n'était pas possible de faire dans la législation actuelle, et c'est ce que le jugement nous... bien, reprochait aux règles du Code civil du Québec.

Alors, on vient permettre le changement de sexe... Bien, en fait, c'était déjà permis de changer de sexe, mais là, on vient faire en sorte que le sexe biologique est lié au sexe identifié sur l'acte de naissance. Et, parallèlement à ça, ça sera possible de s'identifier par une identité de genre. Donc, ça signifie...

Et, quand qu'on parle d'identité de genre, on parle également de M/F, mais également des personnes non binaires qui vont pouvoir s'identifier par X au niveau de l'identité de genre. Donc, l'identification par le sexe biologique demeure, mais on ajoute également, pour les gens qui le souhaitent, ça, c'est important de le dire, c'est ceux qui le souhaitent, qui pourront être identifiés par leur genre.

Le Modérateur : Très bien. Il nous reste trois petites minutes. Je voulais savoir, donc, Mme Plante, puis à la cantonade un peu, là, si vous voulez.

Mme Plante (Caroline) : Une petite dernière sur le projet de loi n° 42, pourquoi ne pas avoir invité la juge en chef?

M. Jolin-Barrette : 42?

Mme Plante (Caroline) : Oui, 42.

M. Jolin-Barrette : 92?

Mme Plante (Caroline) : C'est ça, 92, pardon, 92. Pourquoi ne pas avoir invité la juge en chef?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, vous savez, les groupes qui sont invités sont négociés entre les partis, et il y a eu une entente entre les partis qui fait en sorte que la liste de groupes, elle a été établie.

Mme Plante (Caroline) : ...pas été intéressant de l'entendre?

M. Jolin-Barrette : Comme je vous dis, il y a eu une entente entre les groupes parlementaires, puis c'est ce qui a été déposé à l'Assemblée.

M. Bellerose (Patrick) : J'ai raté la distinction, là, mais, excusez-moi, pourquoi ne pas permettre aux gens de modifier la mention de sexe sur l'acte de naissance?

M. Jolin-Barrette : En fait, c'est permis de modifier... La personne qui subit une opération, donc, qui change de sexe biologique...

M. Bellerose (Patrick) : Pour une personne qui ne change pas de sexe biologique.

M. Jolin-Barrette : Oui. Mais maintenant elle va changer son identité de genre. Donc, la personne qui maintient... qui ne subit pas d'opération et qui maintient son sexe biologique, donc son sexe biologique attribué à la naissance, c'est F ou M. Mais, par contre, si la personne, elle s'identifie à un autre genre que son sexe biologique, là, elle va pouvoir le faire, il va être identifié sur son certificat de naissance F, M ou X, si elle s'identifie comme non binaire.

Donc, c'est toujours possible de changer de sexe, mais en plus, désormais, vous allez avoir l'identité de genre. Et c'est ce qui était demandé par le jugement, le fait d'avoir une possibilité d'avoir un genre qui est distinct du sexe biologique de la personne ou même, dans certains cas, de ne pas avoir de genre, d'être non binaire.

Le Modérateur : C'est ce qui termine cette conférence de presse. Merci beaucoup à vous trois.

M. Jolin-Barrette : Merci à vous.

(Fin à 14 h 29)

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