(Onze heures)
M. Lanoie (Paul) : Alors,
mesdames, messieurs, donc, bonjour. J'ai le plaisir d'être avec vous
aujourd'hui pour vous présenter les résultats des travaux accomplis au cours
des derniers mois. Ces résultats sont détaillés dans le rapport qui a été
déposé un peu plus tôt à l'Assemblée nationale. Celui-ci comporte quatre
chapitres. Pour l'occasion, je suis accompagné de Mme Janique Lambert,
directrice principale d'audit.
Au chapitre 1, je montre comment la
recherche d'un développement plus durable peut agir comme levier de performance
organisationnel et sociétal. En 2018, j'ai publié une étude qui montrait que
plusieurs entités assujetties à la Loi sur le développement durable ne
s'engageaient pas de façon pleine et entière dans la démarche gouvernementale
de développement durable. Ce constat, entre autres, m'avait amené à poser cette
question : Comment est-il possible de sensibiliser les gestionnaires des
entités à la valeur ajoutée qu'une démarche de développement durable peut
apporter à leur organisation? Il est clair que tendre vers un développement
plus durable peut entraîner des conséquences positives. Il s'agit d'une saine
gestion du développement qui permet de générer des gains pour la société, gains
qui sont souvent susceptibles de se traduire sur le plan financier.
Dans ce premier chapitre, j'ai voulu
mettre de l'avant ce point de vue en montrant que l'application de chacun des
16 principes contenus dans la Loi sur le développement durable peut
s'avérer bénéfique pour les entités et pour l'ensemble de la société. À titre
d'illustration, prenons le principe de la protection de l'environnement.
Traditionnellement, les mesures de réduction de la pollution ont été associées
à des coûts additionnels pour les organisations. Toutefois, depuis une
vingtaine d'années, il est reconnu que cette contrainte peut être tournée en
avantage. Entre autres choses, réduire la pollution coïncide souvent avec une
meilleure utilisation des ressources. Par exemple, la plupart des mesures d'efficacité
énergétique permettent aux organisations de réduire à la fois leurs coûts et
leur empreinte environnementale.
Pour le chapitre 2, nous avons réalisé
un outil de performance concernant les répercussions des neiges usées sur
l'environnement. Sans surprise, le Québec méridional reçoit annuellement de 200
à 350 cm de neige et les neiges usées qui doivent être retirées des voies
de circulation contiennent plusieurs contaminants, comme des chlorures. Notre
audit vise donc à déterminer si le ministère de l'Environnement et de la Lutte
contre les changements climatiques veille à ce que les neiges usées soient
éliminées de manière à prévenir et à atténuer les répercussions des
contaminants sur l'environnement. Il en a découlé trois grands constats.
D'abord, force est de constater que le
ministère ne détient pas les connaissances nécessaires qui lui permettraient de
soutenir ses décisions et celles des intervenants qui prennent part à la
gestion des neiges usées. Par exemple, le ministère peut difficilement dresser
un portrait fidèle des lieux d'élimination de neige autorisés et en activité à
Québec. De plus, il dispose de peu de données pour évaluer l'impact des
contaminants présents dans les neiges usées sur la qualité des cours d'eau.
En second lieu, nous constatons que le
ministère ne s'assure pas de l'évolution des pratiques en vigueur de manière à
protéger efficacement les milieux sensibles des contaminants se trouvant dans
les neiges usées. Ainsi, depuis près de 25 ans, le ministère tolère le refoulement
de la neige en bordure des routes, notamment pour la sécurité routière, et ce,
malgré l'impact des contaminants sur les milieux sensibles. De même, depuis
près de 10 ans, les directions régionales du ministère n'interviennent pas
lorsque la neige est poussée ou soufflée sur la rive ou le littoral d'un cours
d'eau lors d'opérations de déneigement réalisées par les municipalités ou par
le ministère des Transports du Québec. Pourtant, le ministère de
l'Environnement lui-même affirme qu'il s'agit d'une pratique inacceptable et
constituant une infraction à l'article 20 de la Loi sur la qualité de
l'environnement.
Notre troisième constat est à l'effet que
le ministère de l'Environnement ne s'assure pas que ses activités de contrôle
des lieux d'élimination de neige permettent de prévenir et d'atténuer les
répercussions des contaminants sur l'environnement. Ainsi, depuis le
1er avril 2014, les directions régionales du ministère n'exercent qu'une
faible surveillance des lieux d'élimination de neige autorisés. De plus, au
moment de notre analyse, elles n'étaient pas en mesure de confirmer un retour à
la conformité pour la majorité des manquements qu'elles ont elles-mêmes
relevés.
Notre troisième chapitre a pour but de
déterminer si le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
du Québec, donc, le MAPAQ, met en oeuvre les mesures nécessaires pour que les
consommateurs aient accès à une information fiable sur les étiquettes leur
permettant de prendre des décisions d'achat éclairées quant à leur
alimentation.
Nous avons également évalué si Aliments du
Québec, qui a pour mission de promouvoir les produits québécois, s'assure de la
provenance des produits qui porte ses marques de certification.
Enfin, nous avons vérifié si les processus
de surveillance du CARTV, c'est-à-dire le Conseil des appellations réservées et
des termes valorisants, lui permettent d'assurer l'authenticité des produits
désignés par une appellation réservée, notamment les aliments biologiques. Nous
avons fait quatre grands constats.
Premièrement, le MAPAQ n'a pas pris les
mesures nécessaires pour que les consommateurs aient facilement accès à une information
fiable sur les allégations et la provenance des aliments. Ainsi, certaines
allégations sont soumises à des exigences réglementaires, par exemple, celles
liées à la teneur nutritive et à la santé. Toutefois, plusieurs allégations ne
sont soumises à aucune règle spécifique, outre l'obligation générale d'être
exacte, véridique, non trompeuse et non susceptible de créer chez l'acheteur
une confusion. À cet égard, le ministère diffuse peu d'information sur le type
de contrôle et la surveillance exercée concernant les allégations. Par
ailleurs, les consommateurs n'ont pas toujours accès à l'information relative à
la provenance des aliments, notamment, en ce qui concerne les viandes et les
produits transformés.
En second lieu, nous constatons que le
MAPAQ ne surveille pas adéquatement la fiabilité des indications présentes sur
les étiquettes des aliments. Ainsi, il surveille les indications nécessaires à
la consommation sécuritaire, mais ne planifie aucune surveillance de toutes les
autres indications, tels le tableau de la valeur nutritive et les allégations
promotionnelles. Les consommateurs doivent s'en remettre à l'industrie pour
assurer la fiabilité de l'information dans ces cas-là. De plus, le ministère a
peu d'information sur les activités de surveillance des étiquettes réalisées
par les inspecteurs. En effet, il ne connaît ni le nombre ni la catégorie de
produit qui ont fait l'objet d'une inspection annuelle. Enfin, d'autres lacunes
sont présentes dans le processus de surveillance du MAPAQ. Elles concernent la
formation des inspecteurs, le partage d'information avec le CARTV pour la
surveillance des aliments biologiques et le respect des délais de traitement
des plaintes.
Troisièmement, nous nous sommes penchés
sur Aliments du Québec. Cet organisme a reçu plus de 26 millions de
dollars du MAPAQ au cours des quatre dernières années afin de promouvoir
l'achat des produits alimentaires québécois. En janvier 2021,
1 453 entreprises adhéraient à cet organisme, et plus de
18 000 produits affichaient l'une de ces marques de certification.
Force est de constater qu'Aliments du Québec n'a pas mis en place les mesures
suffisantes pour garantir que les produits qui portent ces logos proviennent
vraiment du Québec ou y sont préparés. Ainsi, Aliments du Québec ne s'assure
pas que les renseignements essentiels pour confirmer la provenance des produits
ainsi que les lieux de transformation sont fournis par les entreprises. De
même, plusieurs de ses activités de vérification ne reposent pas sur des
procédés efficaces. Par exemple, pour vérifier certaines informations requises,
l'organisme se fie sur une simple confirmation verbale. Enfin, peu de produits
affichant un des logos d'Aliments du Québec font l'objet de surveillance dans
le but de déceler des cas de non-conformité ou d'utilisation illégale des
marques, et le suivi manque de rigueur.
Notre dernier constat touche le CARTV.
Nous montrons que le processus de certification qui encadre les aliments
biologiques québécois repose sur plusieurs contrôles, mais que peu de tests
sont effectués pour détecter les substances interdites ou non autorisées en
production biologique, comme les pesticides synthétiques. Par ailleurs, le
CARTV exerce une surveillance limitée et peu axée sur les risques de
l'utilisation illégale de l'appellation réservée «biologique». Enfin, il ne
dispose que de peu de moyens dissuasifs, ce qui limite l'efficacité de son
processus de surveillance.
Le chapitre 4 présente une étude
répertoriant les bonnes pratiques de cinq pays en matière de réduction des
émissions de gaz à effet de serre ou GES, considérant que, selon le ministère
de l'Environnement, le Québec n'atteindra possiblement pas la cible de
réduction des émissions de GES de 2020, ce qui ne le place pas dans une
trajectoire optimale pour atteindre son objectif de 2030, considérant que
le plan pour une économie verte prévoit une mise en oeuvre évolutive permettant
de prendre en compte l'évolution des connaissances et des technologies, et
considérant que de nouvelles mesures de réduction seront à déterminer pour la
période 2027-2030, il nous est apparu utile de mettre en lumière les
bonnes pratiques adoptées par cinq pays ayant réussi à réduire leurs émissions
de GES de façon marquée au cours des dernières années.
Notre objectif est de stimuler la
réflexion en présentant aux décideurs, aux parlementaires et à la population
des mesures qui ont fait leurs preuves ailleurs et qui pourraient inspirer le
Québec. Les pays retenus sont le Danemark, la France, le Royaume-Uni, la Suède
et la Suisse. Ils ont comme dénominateur commun, pour la période
de 1990 à 2018, un taux de réduction des émissions de GES largement
supérieur à celui du Québec ainsi qu'une croissance démographique et économique
comparable ou supérieure à celle de la province.
L'étude présente des mesures ayant
contribué à la réduction des émissions de GES dans cinq secteurs d'activité :
les transports, l'industrie, le bâtiment, l'agriculture et les déchets. Les
bonnes pratiques mises en évidence sont variées. Il y a, entre autres, diverses
mesures écofiscales visant à décourager l'achat de produits générant des GES,
le bannissement de certaines substances, l'obligation de faire des audits
énergétiques dans les grandes entreprises et des programmes d'aide financière
pour se tourner vers de meilleures technologies.
Alors, voici ce qui complète ma
présentation. Je suis maintenant disponible pour vos questions.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup, M. Lanoie. Alors, nous allons passer avec les questions en français.
Première question, M. Hugo Pilon-Larose, du quotidien La Presse.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Bonjour à vous deux. J'ai quelques questions pour vous, pour préciser un peu la
présentation que vous avez faite. Puis on est peu nombreux aujourd'hui, donc
vous aurez le temps de pouvoir étayer vos réponses.
Commençons par Aliments du Québec, si
c'est possible, parce que justement, dans la dernière année, on a souvent parlé
de consommation locale, de manger local. Il y a quelque chose d'assez
surprenant, peut-être même inquiétant pour les consommateurs, de se dire :
Hum! Il y a-tu, à ce point-là, pas de vérification qui est faite puis on peut
m'en passer une petite vite? Est-ce que c'est le constat que vous faites aussi?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
effectivement, on constate qu'il y a des lacunes dans les contrôles, que ces
contrôles-là peuvent être améliorés. Donc, il y a quatre logos Aliments du
Québec, il y a Aliments du Québec, Aliments préparés au Québec, et il y a leurs
déclinaisons bio.
Alors, prenons le plus simple, Aliments du
Québec. Donc, pour se qualifier pour être un aliment du Québec, il faut que
85 % des ingrédients, dont les quatre principaux, viennent du Québec, et
que les activités de transformation et d'emballage aient eu lieu au Québec.
Donc, si je veux me qualifier, il faut que je sois capable de montrer quels
sont mes ingrédients, où sont mes fournisseurs, où a lieu l'activité de
transformation.
Alors, on a constaté que dans des fiches
de produit, il manquait l'une ou l'autre de ces informations-là. Donc, il y a
des fiches de produit qui sont pourtant en train de porter le logo Aliments du
Québec qui n'ont pas d'ingrédients, d'autres, qui n'ont pas de fournisseur,
d'autres, où on ne connaît pas l'activité de transformation. Alors, c'est le
genre de contrôle, là, qui peut, certainement, être amélioré.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Et
Aliments du Québec, c'est un organisme qui reçoit des subventions, finalement, du
gouvernement du Québec?
M. Lanoie (Paul) : Oui. C'est
ça, exactement. Donc, ils ont reçu 26 millions de subventions, je l'ai
mentionné tantôt, dans les quatre dernières années, dont une grosse
augmentation dans la dernière année, là, je pense qu'on parle d'une vingtaine
de millions, dans la dernière année, si je ne me trompe pas.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Donc,
que doit exiger le gouvernement du Québec envers cet organisme-là pour corriger
le tir?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez, nous, on a fait des recommandations, donc, à Aliments du Québec, pour
qu'ils améliorent leurs procédés de vérification, de contrôle. Donc, vous allez
trouver ces recommandations-là à la fin de notre rapport. Et il faut savoir
qu'Aliments du Québec a adhéré à nos recommandations. Donc, là, ce qui s'en
vient, c'est qu'on va leur demander un plan d'action pour corriger les lacunes
qu'on a décelées, et on va, donc, apprécier la qualité de ce plan d'action là
et suivre sa mise en oeuvre, donc, pendant les prochaines années.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Sur
le MAPAQ, est-ce que c'est normal… Quand vous déplorez que le ministère ne
prend pas les mesures nécessaires pour assurer une information fiable sur les aliments,
leur provenance, et tout ça, est-ce que c'est surprenant que quelque chose
d'aussi simple que ça ne soit pas vérifié par le ministère?
M. Lanoie (Paul) : Bien, écoutez,
ce qu'on constate, c'est que le ministère, lorsqu'il fait des inspections, donc
le ministère est responsable d'inspecter 98 % des établissements alimentaires,
donc, au Québec et quand on voit ce qu'ils font sur le terrain, donc, on
s'aperçoit qu'ils se concentrent, là, uniquement sur les aspects liés à la
salubrité. Donc, ils vont regarder la présence des allergènes sur les
étiquettes ou ils vont regarder, par exemple, la durée de conservation, etc.
Donc, toutes les autres indications ne sont pas vérifiées par les inspecteurs.
Ces autres indications-là peuvent être vérifiées s'il y a une plainte ou si,
par hasard, un inspecteur trouve une problématique quelconque. Alors donc, ce
qu'on dit aujourd'hui, c'est : Est-ce suffisant, là, dans le monde de 2021,
où les gens veulent en savoir plus sur la qualité de ce qu'ils mangent?
M. Pilon-Larose (Hugo) :
J'aimerais vous parler du chapitre concernant la neige. L'été, il fait chaud
puis, au Québec, l'hiver, il neige. C'est comme des choses assez simples qui ne
changent pas d'année en année. Pourtant, et pourtant, donc, vous déplorez que,
depuis 25 ans, le ministère de l'Environnement tolère le refoulement de la
neige en bordure des routes malgré l'impact des contaminants présents dans les
neiges usées sur les milieux sensibles. Encore une fois, je reviens à cette
question-là, c'est que ça semble tellement simple à contrôler, puis c'est
surprenant de se rendre compte que parfois les choses les plus simples ne sont
pas faites.
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez, effectivement, c'est ce qu'on constate, c'est ce qu'on déplore, donc,
dans notre rapport. C'est-à-dire que l'information sur les impacts des
contaminants devient de plus en plus solide. On peut peut-être penser,
intuitivement, que la neige, ça n'a pas beaucoup d'impact, là, sur
l'environnement, mais finalement on se rend compte que les chlorures qui sont
présents dans les sels de voirie, ça peut amener des lacs, des cours d'eau, à
avoir un plus grand contenu en sel. Ce contenu en sel là peut favoriser la croissance
des plantes exotiques, etc. Donc, on se rend compte que les connaissances ont
évolué au fil des temps, mais les pratiques, elles, n'ont pas évolué, et c'est
ce qu'on met de l'avant.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Une
dernière question avant de passer la parole à mon collègue, M. Lecavalier.
Est-ce que, puis j'aimerais ça que vous parliez un peu, justement, des sites
d'enfouissement de neige, là, qui sont peut-être mal surveillés, est-ce que ces
lacunes-là, qu'on peut déplorer aujourd'hui, tant au MAPAQ qu'au ministère de
l'Environnement, est-ce qu'il y a quelque chose d'attribuable au fait,
peut-être, qu'il y ait eu des compressions ces dernières années qui fait en
sorte qu'il y a moins d'inspecteurs dans ces ministères-là? Pourquoi est-ce que
ces processus de vérification là, de base, ne sont pas bien faits?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez, nous, dans un audit, on fait des constats. Donc, on prend une photo
puis on en rend compte. On n'est pas toujours capable d'identifier les causes,
les sources profondes, là, de ces problématiques-là, mais, en ce qui concerne
les ressources disponibles ou non… Dans le fond, nous, ce qu'on regarde, c'est
est-ce que le Ministère détient les ressources nécessaires pour atteindre ses
objectifs. Donc, dans le cas du ministère de l'Environnement, le ministère de
l'Environnement doit protéger l'environnement, donc doit réduire la pollution,
etc. Donc, est-ce qu'il dispose des ressources nécessaires pour le faire, et
est-ce qu'il utilise bien ces ressources? Donc, nous, on est beaucoup axés sur
l'efficience, donc est-ce que chaque ressource utilisée l'est faite à bon
escient. Donc, et on a vu toutes sortes de problématiques, entre autres dans
les systèmes informatiques et ce genre de choses là qui, certainement, nous
laissaient suggérer, là, que l'efficience n'était pas nécessairement au
rendez-vous.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Et
est-ce qu'ils ont assez de monde?
M. Lanoie (Paul) : Pardon?
M. Pilon-Larose (Hugo) :
L'efficience n'est pas au rendez-vous, mais est-ce qu'ils ont assez
d'inspecteurs, assez de gens…
M. Lanoie (Paul) : Bien, on ne
sait pas, comme je vous dis, donc on ne se penche pas nécessairement sur cette
question-là, puis on n'est pas toujours capables d'identifier les causes des
lacunes qu'on détecte, donc, dans nos audits.
Le Modérateur
:
Prochaine question, Charles Lecavalier, du Journal de Montréal.
M. Lecavalier (Charles) : Oui.Bonjour. Désolé du retard, là. Je ne veux pas répéter les questions de mon
collègue Hugo Pilon-Larose, là, je sais qu'il en pose toujours des très bonnes.
Sur le Aliments du Québec, à votre sens, là, est-ce que c'est un organisme qui
est davantage un organisme de marketing pour faire la promotion des produits du
Québec ou c'est un organisme de certification qui s'assure que le logo, il est
apposé sur des produits qui le méritent vraiment?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez. C'est un… je pense que cet organisme-là doit faire les deux. Je pense
que sa vocation, c'est de promouvoir les aliments du Québec, mais il faut qu'il
le fasse de façon rigoureuse et il faut que, dans le fond, les gens qui
achètent des produits avec logo Aliments du Québec puissent avoir un niveau de
confiance important, là, dans le fait que ces produits-là proviennent vraiment
du Québec, là.
M. Lecavalier (Charles) :
Bien, justement, là, en ce moment, là, vous, vous allez faire votre épicerie,
vous achetez des produits Aliments du Québec. Quel est votre niveau, justement,
de confiance que ce produit-là est vraiment… provient du Québec ou est
transformé au Québec?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez. On a détecté, comme je le disais à votre collègue, on a détecté
plusieurs lacunes dans les activités de contrôle. Je ne veux pas nécessairement
les répéter, mais on a détecté, donc, plusieurs lacunes qui font en sorte que
non, on n'a pas l'assurance que le produit provient vraiment du Québec, là.
M. Lecavalier (Charles) :
Donc, vous n'avez pas vous-même, comme consommateur…
M. Lanoie (Paul) : On peut se
poser des questions, tout à fait, suite à cet audit-là, oui.
M. Lecavalier (Charles) :
Dans la troisième portion de votre rapport, vous faites référence à d'autres
pays qui ont réussi, eux, à diminuer leurs émissions de GES de façon plus convaincante
que celle du Québec, entre autres dans le secteur routier. J'aimerais ça vous
entendre, là, évidemment, c'est un peu le débat du jour, mais est-ce que vous
pensez qu'un projet comme le troisième lien, qui va augmenter la capacité
autoroutière dans la région, va permettre de réduire les émissions de GES ou,
au contraire, va peut-être les accroître?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez. Vous vous doutez bien, là, qu'on n'a pas travaillé là-dessus. Je ne
suis pas venu ici pour vous présenter, donc, une analyse, là, de cette
question-là. Le seul lien que je peux faire, dans le fond, avec le chapitre,
là, que vous évoquez, c'est que, dans ce chapitre-là, on met vraiment l'accent
sur le fait que le transport routier au Québec, donc, c'est un peu un de nos talons
d'Achille en matière d'émissions de gaz à effet de serre. C'est-à-dire que le
transport routier, en 2018, ça représente 36 % de nos émissions, donc plus
du tiers de nos émissions, et ces émissions-là, elles ont augmenté de 59 %
entre 1990 et 2018. Alors, c'est sûr que ma préoccupation par rapport au
troisième lien, ça serait de savoir est-ce que, oui ou non, ça va augmenter les
émissions de gaz à effet de serre. Donc, il faudrait être capable d'avoir accès
à des études qui sont plausibles, donc, là-dessus, donc qui nous donnent une
information sur ça.
M. Lecavalier (Charles) :
Encore sur ce sujet-là, bon, il y a la question du bonus, malus, là, que vous
avez étudié dans d'autres pays, là, donc c'est-à-dire faire payer plus pour les
autos qui polluent davantage. C'est un choix que le gouvernement a décidé de ne
pas prendre, là, en disant qu'il ne veut pas augmenter les taxes des Québécois.
Est-ce que c'est… est-ce que vous avez… Par rapport aux études que vous avez
faites, là, est-ce que vous croyez que c'est possible de réduire les émissions
de GES dans le secteur des transports sans faire payer davantage pour des autos
plus polluantes, par exemple?
M. Lanoie (Paul) : Bien,
écoutez, notre objectif, dans ce chapitre-là, était plus modeste que ça, là. Ce
n'est pas de véhiculer ce que moi, je crois ou je ne crois pas. Dans le fond,
notre objectif, c'était de stimuler la réflexion puis de présenter des mesures
qui ont eu des effets ailleurs, puis des effets qui ont été mesurés, donc qui
ont fait leurs preuves ailleurs, et d'offrir ça, donc, aux décideurs, d'offrir
ça aux parlementaires, à la population, pour réflexion, donc pour voir si ça
peut effectivement influencer des décisions futures.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Peut-être juste une petite question de précision, si c'est possible, sur le
même sujet. Dans ce qui est fait ailleurs, justement, est-ce que vous avez déjà
vu d'autres États qui ont des plans qui fonctionnent bien en réduction de GES
qui augmentent la capacité autoroutière de ses routes?
M. Lanoie (Paul) : D'autres
États, vous voulez dire…
M. Pilon-Larose (Hugo) : Bien,
ailleurs dans le monde, est-ce que… Ça arrive-tu qu'on est des leaders en
réduction de GES, mais qu'en même temps on augmente le nombre de routes?
M. Lanoie (Paul) : Ce n'était
pas le but de notre chapitre, donc, je n'ai pas… je ne me suis pas posé
précisément cette question-là, malheureusement, donc je ne pourrai pas y
répondre plus précisément.
M. Lecavalier (Charles) :
Dans votre nouveau mandat, qui va être de vérifier, si je ne me trompe pas,
année après année, là, la validité du plan… excusez-moi, là, le plan
d'électrification…
M. Lanoie (Paul) : En fait,
formellement, dans la loi, là, c'est de faire des constats et des recommandations
sur le Fonds d'électrification et de changements climatiques. Donc, à partir de
cette année, à chaque année, on s'attend à ce que le Commissaire au
développement durable fasse un rapport là-dessus.
M. Lecavalier (Charles) :
Et ça, votre premier rapport à ce sujet là, on devrait l'attendre pour quand?
M. Lanoie (Paul) : Donc,
on l'attend pour l'année 2021‑2022. Dans le fond, vous vous rappellerez
peut-être, là, qu'en novembre dernier on a fait un rapport sur le Fonds vert. Donc
là, ça va tomber dans… donc, présentement, on est dans l'année 2020‑2021,
donc notre prochain rapport va être en 2021‑2022.
M. Lecavalier (Charles) :
O.K. et est-ce que…
M. Authier (Philip)
:
J'ai deux autres questions ici. Avez-vous fini, M. Lecavalier?
M. Lecavalier (Charles) :
Vas-y, vas-y.
M. Authier (Philip)
:
Deux questions de LaPresse canadienne de la journaliste
Jocelyne Richer qui m'ont été envoyées par courriel. La première question :
Dans le dossier d'Aliments du Québec, peut-on parler de laxisme du ministre de
l'Agriculture quant à ses responsabilités envers le consommateur?
M. Lanoie (Paul) : On n'a pas
utilisé ces mots-là dans le rapport. Donc, dans le fond, ce qu'on constate,
c'est qu'il y a des problématiques de contrôle d'Aliments du Québec. Donc, pour
vraiment être en mesure de s'assurer que les produits qui portent les logos
«Aliments du Québec» vraiment proviennent du Québec où ils sont préparés.
Alors, donc, et Aliments du Québec reconnaît qu'il y a des difficultés de
contrôle et se sont montrés prêts à corriger ces problématiques-là.
M. Authier (Philip)
:
Et deuxième question : Pour les aliments biologiques, comment avoir la
certitude qu'ils sont vraiment biologiques? Encore là, quel est le rôle du
ministère?
M. Lanoie (Paul) : Bien, donc,
il y a un organisme qui s'appelle le CARTV qui relève directement, là, du
ministre. Alors, le CARTV, c'est le conseil pour les appellations réservées et
les termes valorisants, et ce conseil-là, donc, encadre, donc, des organismes
de certification et qui, ces organismes-là, à leur tour, vont certifier les
producteurs bio du Québec, et les exigences sont importantes. Donc, quand on
dit «produire bio», ce n'est pas juste, là, les pesticides ou les engrais
synthétiques, ça peut vouloir dire aussi pas d'OGM, ça peut vouloir dire pas
d'hormones de croissance, des animaux, donc, qui sont élevés en liberté quand
la température le permet. Donc, c'est très exigeant, et les organismes, il y a
3 100 organismes qui sont certifiés… 3 100 entreprises qui
sont certifiées bio présentement, elles sont visitées à chaque année pour
s'assurer que c'est bien contrôlé.
M. Authier (Philip)
:
Moi, j'en avais une aussi. Philip Authier de la Gazette. Au sujet
de la neige, on voit… il semble que ce problème-là est tellement bien connu, ça
existe depuis très longtemps, mais on voit quand même, par exemple, à Montréal,
sur l'autoroute 132, des énormes dépôts de neige que les villes, de plusieurs
ministères, je veux dire, c'est dompé là. Est-ce que c'est… Est-ce que, ça aussi,
parce que ce n'est pas mentionné spécifiquement, est-ce que c'est une source de
pollution aussi, les énormes dépôts qui sont accumulés pendant l'hiver?
M. Lanoie (Paul) : Bien, dans
le fond, nous, ce dont on parle dans le rapport, ce sont les lieux
d'élimination de neige qui sont autorisés par le ministère, donc, de
l'Environnement. Alors, pour que ces lieux-là soient autorisés, il y a des
conditions d'aménagement. Donc, on doit s'assurer de l'imperméabilisation des
sites. Il y a des conditions d'exploitation. On doit faire des suivis des
contaminants qui vont dans l'eau ou qui vont dans la nappe phréatique, dans les
eaux souterraines, etc. Donc, si, ce dont vous me parlez, c'est un lien
d'élimination autorisé, oui, s'il fonctionne selon les règles, selon les
modalités de son autorisation, il devrait, donc, fonctionner de façon non
polluante ou, en tout cas, en respectant les critères et les normes prévus à
cet effet-là.
M. Authier (Philip)
:
On sait aussi qu'il y a beaucoup de municipalités qui ont comme éliminé
certains produits toxiques dans le sel qu'elles vont répandre. Est-ce que c'est
ça, la solution, vraiment? Puis est-ce que les routes peuvent encore être… On
vit dans un climat nordique, est-ce que cette solution est rentable, éliminer
le sel puis les toxiques?
M. Lanoie (Paul) : Bien, c'est
une bonne question. Dans le fond, c'est une question qui est venue à notre
esprit pendant l'audit. Donc, il faudrait peut-être… Est-ce qui… On doit
remonter en amont pour aller voir l'utilisation des sels, pas uniquement le
contrôle que le ministère de l'Environnement fait sur la neige usée. Alors, on
a ça sur notre radar.
Il faut savoir, en tout cas, on a cherché
un peu l'information là-dessus, il y a une vingtaine d'écoroutes au Québec
présentement. Donc, on parle d'écoroute quand il y a un tronçon où les
municipalités impliquées, le ministère des Transports se sont entendus pour
dire : Oui, sur ce tronçon-là, on va faire attention, on va utiliser moins
d'abrasifs, moins de sels de voirie, etc. Donc, ça existe et il faudrait voir est-ce
que ça peut être généralisé ou est-ce que c'est uniquement bon sur des routes
qui ont peu de circulation. Donc, c'est le genre de question qu'on pourrait éventuellement
se poser, et ça ouvre la place, peut-être, là, pour une autre investigation de
ce côté-là.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais, pour bien comprendre… Excusez-moi, je…
M. Authier (Philip)
:
Vas-y, Charles.
M. Lecavalier (Charles) : On
y va à la bonne franquette. Et vous, j'imagine que dans votre audit, vous avez
dû parler à des spécialistes pour qu'ils… ou, tu sais, qui vous ont dit :
Bien oui, effectivement, le sel dans les eaux souterraines ou dans les lacs, ça
peut causer problème.
M. Lanoie (Paul) : Oui, oui, exactement.
On a eu accès, en fait, à beaucoup d'études là-dessus. Il y en a, des études,
donc, aux États-Unis, en Suède, au Québec, qui nous ont montré vraiment toutes
sortes de problématiques, je pense, qui ne sont pas connues par M. ,Mme-Tout-le-monde.
Donc, il y a des endroits, par exemple, en
Mauricie où des puits artésiens, des puits, donc, de citoyens, ont été
contaminés par le sel. Donc, il a fallu que l'aqueduc soit prolongé pour
desservir ces gens-là. On a vu, par exemple, le lac Clément, qui n'est pas loin
ici de Québec, là, où il y a plusieurs espèces de plantes qui sont mortes
carrément, donc, suite à l'utilisation des sels. On a vu dans les Laurentides
qu'on pouvait faire le lien entre l'utilisation de sel et la fameuse plante,
là, qui s'appelle la myriophylle à épis, là, qui est une plante exotique
envahissante, etc.
Donc, oui, on a vu beaucoup d'évidences,
là. Et donc il y a plusieurs spécialistes, plusieurs scientifiques qui se sont
penchés là-dessus. Et donc, au cours des dernières années, il y a de plus en
plus d'éléments, là, probants à ce sujet-là.
M. Authier (Philip)
:
Puis, je ne sais pas si c'est dans les documents, mais est-ce que le ministère
a répondu à vos inquiétudes, justement sur ces items-là?
M. Lanoie (Paul) : On est…
Dans le fond, on est toujours avec le même mode de fonctionnement,
c'est-à-dire, quand on produit un rapport, notre rapport identifie des lacunes,
formule des recommandations, puis, après ça, donc, on demande aux ministères,
aux organismes publics, là, qui font l'objet de notre rapport, de produire un
plan d'action. On va évaluer la qualité du plan d'action. Donc, est-ce qu'il y
a des indicateurs? Est-ce qu'il y a un échéancier réaliste? Est-ce qu'il y a un
porteur de ballon? Etc. Puis après ça on va suivre l'implantation. Donc, on va
suivre la mise en oeuvre de ce plan d'action pendant plusieurs années. Et,
comme on le mentionne dans le rapport, donc, tous les ministères, tous les
organismes concernés par nos audits aujourd'hui ont adhéré à nos
recommandations. Donc, c'est signe qu'ils prennent ça au sérieux.
Le Modérateur
: O.K.
Juste vérifier s'il y en a d'autres. Non, je n'ai pas d'autre question.
Des voix
: Merci
beaucoup.
M. Lanoie (Paul) : Merci.
(Fin à 11 h 32)