(Neuf heures trente et une minutes)
La Modératrice
: Merci.
Nous allons commencer. Alors, merci d'être présents à ce point de presse sur
l'aide juridique. Prendrons la parole ce matin Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole
en matière de justice pour Québec solidaire, Marc Tanguay, responsable en
matière de justice pour le Parti libéral, Véronique Hivon, porte-parole en
matière de justice pour le Parti québécois, Me Mylène Lemieux, du Jeune Barreau
de Montréal, Me Lida Nouraie, avocate criminaliste, présidente de l'association
des avocats de la défense de Montréal, Longueuil et Laval, ainsi que Guy
Ouellette, député indépendant.
Sachez que les élus sont entourés aujourd'hui
de représentants de l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec,
de l'association des avocats de la défense de Montréal, Longueuil, Laval, de l'Association
des avocats de la défense de Québec, de l'association des avocats du secteur
jeunesse de Québec, de l'Association des familialistes de Québec, l'Association
professionnelle des avocates et avocats du Québec, l'Association québécoise des
avocats et avocates de la défense, Jeune Barreau de Montréal ainsi que Jeune
Barreau de Québec.
M. Nadeau-Dubois.
M. Nadeau-Dubois : Merci.
Comme vous voyez, on est très bien entourés ce matin pour une raison importante.
D'ailleurs, je suis très fier, au nom de Québec solidaire, à titre de porte-parole
en matière de justice, de faire partie de ce front commun des oppositions ici,
à l'Assemblée nationale, pour appuyer cette grande coalition d'avocats et
d'avocates qui viennent de partout au Québec et qui oeuvrent dans plusieurs
domaines du droit.
Ces avocats et ces avocates sont ici
aujourd'hui pour demander quelque chose de très simple à l'aube du budget, une
réforme et une bonification d'urgence du système québécois de l'aide juridique.
On connaît souvent bien le volet interne, le volet public de l'aide juridique,
mais un peu moins bien son volet privé ou externe. Or, ces deux volets là
doivent être bien financés pour que le système de l'aide juridique fonctionne,
c'est-à-dire que tous les Québécois, que toutes les Québécoises, peu importe
leur revenu, leur classe sociale, leur milieu, aient accès aux tribunaux, aient
accès à la justice et soient capables de défendre leurs droits fondamentaux.
Les avocats en pratique privée ont raison
de dénoncer la situation actuelle. Ils ont un rôle important dans le système
d'aide juridique au Québec. Mais actuellement les honoraires qui leur sont
versés sont tellement faibles, tellement minimes, tellement inadaptés aussi,
que de moins en moins d'entre eux, malheureusement, acceptent de prendre de
tels mandats. Le résultat, c'est les citoyens et les citoyennes les plus
vulnérables qui le vivent. Le résultat, c'est que de plus en plus de gens
peinent à trouver un avocat, doivent donc se représenter seuls. Et, dans une
société de droit, personne ne devrait se retrouver sans avocat pour des raisons
financières. Quand on n'a pas les moyens de défendre ses droits, c'est comme si
on n'avait pas de droits. Et, dans une société riche comme la nôtre, on ne
devrait pas accepter que les plus pauvres, les plus fragiles, les plus
vulnérables n'aient pas les moyens de défendre leurs droits.
Le gouvernement doit rapidement retourner
à la table des négociations, négocier avec la coalition pour entamer une
réforme de l'aide juridique qui inclurait une bonification des tarifs. Dans
l'opposition, Simon Jolin-Barrette, qui était à l'époque porte-parole en
justice pour la CAQ, demandait exactement la même chose que demandent les
avocats et les avocates aujourd'hui. Maintenant, la CAQ est au pouvoir. Elle
peut le faire. Elle doit respecter sa promesse.
Ce matin, avant la période des questions,
je vais remettre les lettres des associations qui sont représentées aujourd'hui
à la ministre Sonia LeBel pour tenter de la convaincre de travailler avec eux
pour l'accès à la justice au Québec. On aura beau voter les meilleures lois
qu'on veut ici, comme députés, à l'Assemblée nationale du Québec, si tous les
citoyens puis toutes les citoyennes au Québec n'ont pas les moyens de faire
valoir leurs droits, c'est comme s'ils n'avaient pas ces droits-là, et ça, ce
n'est pas acceptable.
La Modératrice
: M.
Tanguay.
M. Tanguay
: Oui, bien,
merci beaucoup. Alors, nous apportons, du Parti libéral du Québec, l'opposition
officielle, notre appui, bien évidemment, épaulés de nos collègues du Parti
québécois et de Québec solidaire, aux représentantes, représentants des
associations des avocates, avocats qui défendent les plus démunis de notre
société, dans un contexte où, devant la justice, si vous n'avez pas accès à une
avocate ou un avocat, vous n'aurez pas la même défense de droits.
Quand on a dit ça, très clairement, on
vient de souligner un impact important de la non-bonification des tarifs qui
sont offerts aux avocates et avocats qui acceptent des mandats d'aide
juridique. Les mandats d'aide juridique doivent permettre à une personne
d'avoir accès à une défense pleine et entière. Et aujourd'hui, en 2020, au
Québec, parce que les tarifs ne sont pas à niveau, parce que la grille de
tarification, ce qui est couvert, la négociation, la préparation à un procès,
ces éléments qui ne sont pas couverts, et les représentantes des associations
avocates et avocats pourront vous le démontrer, ça a un impact tangible sur, de
un, des dossiers qui ne sont carrément pas pris par des avocats, avocates
d'aide juridique. Et, de deux, lorsqu'il y a une tentation de court-circuiter...
Et toutes les personnes sont de bonne foi, mais les avocats et avocates d'aide
juridique, lorsqu'un tarif ne prévoit pas certains éléments, notamment de
préparation, bien, malheureusement, c'est une pression sur le système. C'est
une défense qui n'est pas, en bout de piste, pleine et entière.
Donc, accès à la justice et l'importance
aujourd'hui de rappeler... Je me rappelle, avec ma collègue Véronique, on avait
fait un débat notamment avec Simon Jolin-Barrette, avec la ministre Sonia
LeBel, et les deux, en campagne électorale, avaient confirmé et dit : Oui,
nous allons bonifier et revoir les tarifs d'aide juridique. On arrive à
mi-mandat. Ce n'est pas fait. Quand je pose des questions en Chambre à la
ministre Sonia LeBel, de me faire répondre : Bien, c'est maintenant entre
les mains du Conseil du trésor, je pense que c'est, pour elle, de mettre de
côté ses responsabilités.
Ils doivent, de la CAQ, encore une fois, à
mi-mandat, respecter leurs promesses. Il en va de l'accès à la justice, d'une
défense pleine et entière des plus démunis de notre société, et qui touche
également la classe moyenne. Merci beaucoup.
La Modératrice
: Mme
Hivon.
Mme
Hivon
: Oui.
Alors, à mon tour, je tiens à interpeler la ministre de la Justice pour qu'elle
entende, à travers nos voix et les voix de tous les avocats et avocates qui
sont avec nous, la voix des personnes les plus démunies du Québec, et qui, pour
toutes sortes de raisons, se retrouvent avec un problème juridique. Moi, je
peux vous dire qu'il ne se passe une semaine à mon bureau de circonscription
sans qu'il y ait un citoyen qui appelle pour dire qu'il devrait théoriquement
être admissible. Il est admissible à l'aide juridique, il y a eu une
bonification des seuils, mais il n'arrive pas à se trouver un avocat ou une
avocate pour le représenter. Les avocats pourront vous expliquer toutes sortes
de raisons qui font que parfois il y a des conflits d'intérêts. Si on a un
avocat permanent qui représente une des parties, le même bureau d'aide
juridique ne peut pas représenter... Ça cause énormément de problèmes, et ça,
ce n'est pas normal. Un gouvernement qui avait dit qu'il ferait de l'accès à la
justice une priorité, ça doit se traduire concrètement. Et la question d'un
soutien adéquat des avocats qui pratiquent l'aide juridique fait partie des
chantiers prioritaires pour donner un meilleur accès à la justice. Et ça, c'est
un pilier pour la justice, mais c'est un pilier aussi pour la démocratie.
La Modératrice
: Me
Lemieux.
Mme Lemieux (Mylène) : Les
jeunes barreaux de Montréal, de Québec et des régions, nous représentons
9 000 avocats ayant 10 ans et moins de pratique à travers la province de
Québec.
Vous l'avez entendu, cela fait plusieurs
années que les avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique au privé
vivent des difficultés importantes, et la situation perdure. Le système actuel
est inadéquat et désuet, et ce, depuis plusieurs années. L'accès à la justice,
pour nous, c'est d'avoir un système d'aide juridique juste, efficace et dans
lequel les jeunes avocats, la relève juridique, va vouloir s'impliquer. Les jeunes
barreaux, nous demandons depuis quelque temps un investissement majeur dans le
système d'aide juridique québécois afin de le réformer en profondeur. Cet
investissement est urgent et nécessaire afin d'assurer, d'une part, l'accès à
un avocat à tous les citoyens les plus vulnérables de notre société et qui
nécessitent l'aide juridique.
Il faut également investir pour valoriser
cette pratique parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le système d'aide
juridique est en péril présentement au Québec. On constate, premièrement, une
baisse d'un tiers des avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique depuis
les 25 dernières années. On note également un net vieillissement des
avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique, alors que, de l'autre côté,
les mandats privés constituent 54 % de l'offre de services juridiques au
Québec. On constate donc que les avocats du secteur privé sont indispensables
pour le système d'aide juridique québécois, mais leur nombre est en baisse, et
également la relève n'est pas assurée.
Les jeunes barreaux appellent donc le
gouvernement du Québec à investir pour qu'on se dote d'un système d'aide
juridique juste, efficace et qui place l'accès à la justice au centre de tout.
La Modératrice
: Merci.
Me Nouraie.
Mme Nouraie (Lida) : J'aimerais
vous donner un exemple. Comment peut-on espérer que quelqu'un qui est démuni,
sans ressources, puisse bénéficier d'un service d'un avocat minimalement
adéquat avec une enveloppe budgétaire de 330 $ à 550 $ pour
l'ensemble du dossier? Il faut savoir, quand on parle de l'ensemble d'un
dossier, ça constitue quoi. Ça constitue la première date de cour, les dates de
négociation, les rencontres avec la couronne, la rencontre avec le client, une
journée de procès, une journée complète de préparation, et ça, jusqu'au
jugement final, tout pour 330 $ à 550 $. Bref, la seule façon d'y
arriver, c'est que l'avocat doit travailler bénévolement et sans être rémunéré.
Sachez qu'en matière criminelle 75 %
des justiciables sont défendus par l'aide juridique. Quel constat on peut
faire? Notre système abuse de cette clientèle. Mais qui sont cette clientèle?
Des personnes souffrant de déficience intellectuelle, des personnes avec des
troubles mentaux, des sans-abri, des enfants, vos soeurs, vos pairs, vos
parents, vos aînés. C'est eux qui écopent. Notre système abuse de la générosité
des avocats. Notre système enfreint l'accès à la justice. Notre système
perpétue un système à deux vitesses, c'est-à-dire les plus nantis et les plus
vulnérables, tout ça contrairement à qu'est-ce que prévoient d'autres provinces
qui, elles, reconnaissent le travail de préparation.
Arrêtons ces abus. La réforme est criante,
c'est urgent. Au nom de l'accessibilité à la justice, on demande à la ministre
de revenir à la table des négociations. L'esprit des tarifs d'aide juridique
est désuet. Il n'est plus conforme à notre réalité.
La Modératrice
: Et,
pour conclure, M. Ouellette.
M. Ouellette : Juste pour
vous mentionner... Au nom de mes collègues de Joliette, de Gouin et de LaFontaine,
je vais déposer ce matin une motion, qui, j'espère, va être adoptée par
l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale, pour faire écho à ce que vous
avez entendu ce matin.
La Modératrice
: Pour
la période de questions, considérant nos nombreux invités, on va s'en tenir au
sujet du jour, au sujet du point de presse uniquement, et les élus seront
disponibles par la suite. Je vous invite à vous présenter et à adresser vos questions,
s'il vous plaît, si vous en avez.
M. Larin (Vincent) : Vincent
Larin, pour l'agence QMI. Vous avez chiffré à peu près, mademoiselle, le coût,
là, qui était donné, de l'enveloppe. Combien vous estimez que ça prendrait environ
pour pouvoir offrir ce que vous dites, une couverture complète, là, y compris
la préparation?
Mme Nouraie (Lida) : En fait,
on n'est pas des actuaires, je ne pense pas, puis je ne m'immiscerais pas
là-dedans. Mais je sais que le Barreau du Québec avait chiffré à environ 50 millions,
ce qui comprenait, en fait, les périodes de préparation et tout ça. Mais je ne m'immiscerais
pas dans des données plus concrètes que ça.
M. Nadeau-Dubois : Je vais me
permettre de faire un petit ajout là-dessus. Il faut bien comprendre quelque
chose, là. Il n'y a jamais personne qui va se mettre riche en prenant des
mandats d'aide juridique. Puis les avocats ne sont pas ici pour essayer de se
mettre riches avec des mandats d'aide juridique. Ça n'arrivera pas. Mais il y a
quand même une limite à ce qu'on peut demander, en termes de générosité de leur
temps, à des professionnels qui ont le droit d'être payés de manière
raisonnable pour faire leur travail. Et c'est pour ça qu'il y a de moins en
moins d'avocats qui prennent des mandats d'aide juridique, pas parce que c'est
du mauvais monde, c'est parce qu'à un moment donné il y a des frais de bureau,
il y a des frais de déplacement. On ne peut pas leur demander des sacrifices à
ce point-là.
Donc, personne n'est ici pour se remplir
les poches aujourd'hui. Personne. On est tous ici pour défendre les plus
vulnérables, les plus fragiles, les plus pauvres, les gens dont souvent le
système de justice, là, c'est le dernier recours pour faire respecter leurs
droits parce qu'ils se retrouvent, à cause de leur vie pas facile, dans des
situations compliquées.
La Modératrice
:
Prochaine question.
M. Bossé (Olivier) : Bonjour.
Olivier Bossé, du Soleil. C'est des tarifs qui datent de quand? C'est
depuis quand que les tarifs que vous voulez augmenter existent? Avez-vous une
idée? C'est-u cinq ans, 10 ans, 25 ans?
Mme Nouraie (Lida) : En fait,
la dernière réforme était en 1996. Il y a eu des négociations qui ont eu lieu
depuis 2016. Donc, la dernière réforme vient de 1996.
M. Bossé (Olivier) : Merci
beaucoup.
La Modératrice
: Y
a-t-il des questions en anglais?
Mme Senay (Cathy) :Good morning. I just would like to understand how it's a
disappointment to be here this morning and asking for improvements for legal
aid since it was a promise of the CAQ to improve the access to justice.
Mme Lemieux (Mylène) :Well, we're disappointed to be here because the situation hasn't
changed for many, many years, as Me Nouraie pointed out. And there's a need for
a massive investment in the legal aid system and there's a need for a major
reform, not only augmenting the tariff, a major reform of the entire system to
ensure access to justice.
Mme Senay (Cathy) : Because you have to convince lawyers to receive those mandates. And
you said that the percentage of lawyers receiving those mandates and going
through them, they are less and older. So there is a challenge to convince
young lawyers.
Mme Lemieux (Mylène) : Absolutely, that's what I pointed out. For our members, the young
lawyers, there's a challenge to convince them. They're not obligated to take
legal aid mandates. And their numbers are decreasing. We can see that. We have
a statistic, and it's one third less in the last 25 years.
Mme Senay (Cathy) : How do you understand that?
Mme Lemieux (Mylène) : Many ways. When you start a practice as a young lawyer, you want stability.
And one of the problems right now with the system is that you don't have
stability. So you start a mandate and you don't exactly know how much you will be paid at the end of the mandate. Also, a traditional mandate can
last many years, and you're only paid at the end of the mandate. So, in that
way, sometimes lawyers need to finance the legal mandate that they're taking.
So it's a financial risk. And, for our members, the young lawyers who are
starting their practice, it's an extra challenge for them.
Mme Senay (Cathy) :Thank you.
Mme Lemieux (Mylène) :Thank you.
Mme Crête (Mylène) : Can you remind me your name, please?
Mme Lemieux (Mylène) : Mylène Lemieux, Young Bar of Montréal.
Mme Gamache (Valérie) : Juste
une petite dernière en français?
La Modératrice
:
Allez-y.
Mme Gamache (Valérie) :
J'essaie de comprendre pourquoi le gouvernement hésite, en fait, justement, à
entamer cette réforme-là. Est-ce que c'est parce qu'il pourrait y avoir des
avocats, par exemple, en pratique privée qui profiteraient d'une hausse des
tarifs? Qu'est-ce qui, à votre avis, fait hésiter le gouvernement?
Mme
Hivon
:
Bien, je veux dire, c'est l'argent, dans le sens qu'ils se sont engagés pour
l'accès à la justice pour faire en sorte qu'il n'y ait plus ces problèmes-là
d'accès pour les personnes les plus démunies. Mais, quand arrive le temps de
s'asseoir puis de dire : Bien oui, c'est sûr que ça veut dire qu'on va
décaisser quelques millions pour donner accès à la justice à ces
personnes-là, on dirait que, là, ce n'est plus la même chose, ce n'est plus le
même discours. Donc, c'est pour ça que je pense qu'il y a énormément de
déception et d'incompréhension de la part des avocats de constater les belles
intentions versus la réalité. Puis c'est les gens, hein, ordinaires qui paient
le prix de ça.
M. Nadeau-Dubois : Je pense
qu'il ne faut pas voir les sommes qui sont demandées aujourd'hui comme une
hausse de la rémunération des avocats. Il faut voir ces sommes-là comme un investissement
dans l'accès à la justice pour les Québécois et les Québécoises parce que, je
le répète, il n'y a personne qui va se mettre riche avec ça nulle part. Ça va
aller au fonds, en représentations pleines et entières, comme le disait Marc,
pour les plus vulnérables de notre société.
Mme Gamache (Valérie) : Et il
faut que quelqu'un la pose, la question. Votre petit rond bleu, c'est lié à la
cause, j'imagine?
Mme Nouraie (Lida) : Oui. En
fait, c'est une union qui se veut pacifique pour démontrer qu'on demande la
réforme. Il faut comprendre, l'esprit de la loi n'a pas de sens. Ce n'est pas
d'actualité. Puis il faut vraiment une réforme du début jusqu'à la fin de cet
arrêt d'aide juridique pour donner l'accès à la justice comme il faut.
M. Tanguay
: Peut-être
un dernier point. Je pense qu'on l'a bien souligné dans les différentes
interventions, il y a l'aspect monétaire, qui était chiffré à 52 millions
durant la campagne électorale. Main sur le coeur, Simon Jolin-Barrette, Sonia
LeBel... Véronique Hivon était au débat où Sonia LeBel a pris l'engagement de
combler de façon très substantielle ce montant d'argent là pour rehausser les
tarifs.
Lorsque la ministre fait des offres, en
juillet 2019, qui sont jugées dérisoires par la partie négociante, par le
Barreau, je pense que ce n'est pas lui accorder toute l'importance... Lorsque
la ministre nous dit : Bien, c'est entre les mains du Trésor, vous
comprenez que ce n'est pas le Trésor qui va revoir la grille tarifaire. Ce n'est
pas le trésor qui va dire : Bien, savez-vous quoi, ça serait intéressant
de donner... de couvrir la préparation à un procès... qui n'est pas le cas présentement.
Alors, ça ne doit pas être uniquement une
question monétaire, oui, à l'accès à la justice, mais c'est une question que la
ministre de la Justice prenne ses responsabilités, en fasse une priorité et
revoie la grille tarifaire, qu'est-ce que qui est couvert, parce que beaucoup
ne sont pas couvertes. Et on a entendu ce matin, vous savez, des histoires où
des citoyens qui sont devant la justice ont dû appeler 10, 11, 12 avocats,
avocates et recevoir des refus, parce que les personnes, malheureusement, ont
le droit de refuser de prendre un dossier d'aide juridique, et se retrouvent
sans avocat, sans avocate. Ça, malheureusement, ce n'est pas avoir une défense
pleine et entière de ses droits.
Mme Larose (Catia) : Juste
pour répondre à votre question...
M. Nadeau-Dubois : Juste vous
nommer avant.
Mme Larose (Catia) : Oui.
Alors, Catia Larose, de l'Association professionnelle des avocates et avocats.
Merci.
Il faut se rappeler aussi que sont
couverts par les tarifs d'aide juridique tous les services de représentation
contre les entités administratives du gouvernement. C'est-à-dire que, si vous
avez une contestation, par exemple, d'une indemnité versée par la SAAQ, par
l'assurance chômage, par l'aide sociale, toutes ces indemnités-là, qui sont
judiciarisées, sont... les citoyens sont admissibles aux tarifs d'aide
juridique. La réalité, c'est que les tarifs sont tellement dérisoires, et
évidemment les dossiers sont d'envergure parce qu'il y a souvent des expertises
médicales, notamment, qu'il n'y a pratiquement plus d'avocats qui ne font ça
maintenant parce que, pour un tarif de 500 $, on ne va pas travailler avec
des experts, des contre-expertises, faire des dossiers. Ça devient extrêmement
lourd. Donc, on laisse vraiment le citoyen seul contre le gouvernement, qui,
lui, est évidemment très spécialisé dans son domaine.
Journaliste
: ...
Mme Larose (Catia) :
Exactement. Donc, il y a aussi évidemment la question du... Ce sont encore les plus
démunis, il y a ces citoyens-là qui sont laissés... Et ça, il n'y en a presque
plus, je vous dirais, des avocats qui en font, parce que c'est déraisonnable.
Mais il faut aussi ne pas oublier que le tarif d'aide juridique a des tarifs
spécifiques pour les experts qui travaillent dans les différents dossiers,
dossiers criminels notamment, dossiers, justement, médicaux, et en familial
aussi, en jeunesse, et ça devient de plus en plus difficile de trouver des
experts qui acceptent de représenter sous les mandats d'aide juridique parce
qu'encore une fois les tarifs sont déraisonnables. Alors, c'est l'ensemble du
système qui est à repenser.
M. Tanguay
: ...un
autre exemple tangible.
M. Lévesque (Bruno) :
Alors, bonjour. Bruno Lévesque, Association professionnelle des avocats et
avocates du Québec.
J'ai oeuvré dans différentes grosseurs et
styles de bureaux. J'en ai fait, de l'aide juridique, et il serait maintenant,
pour moi, hors de question d'en faire. Grosso modo, peu importe la grosseur
d'un bureau, il y a 50 % de frais. Alors, prenons l'exemple d'une
rémunération, parce qu'on parle de 330 $ à 500 $, mais ça, c'est en
matière criminelle. En matière administrative, comme ma consoeur vient de
parler, des fois, c'est 200 $, 240 $. Si on divise par deux, ça fait
120 $ pour étudier un dossier de sécurité du revenu qui peut être épais
comme ça. L'étude, la rencontre avec le client, préparer les témoins, aller à la
cour, recevoir le jugement, faire un suivi avec le client pour 120 $, ça
n'équivaut même pas au salaire minimum. C'est inacceptable et c'est les gens de
la population les plus démunis qui ne réalisent pas ça.
Comme M. Nadeau-Dubois disait tout à
l'heure, il n'y a personne ici... il n'y a pas de mes collègues qui vont se
rendre riches ici. Ces gens-là acceptent tous de travailler pour souvent en bas
du salaire minimum ou légèrement en haut du salaire minimum après un degré
universitaire. Alors, pourquoi, quand le gouvernement fait réparer sa voiture, il
paie 75 $, 80 $ le mécanicien, que les avocats n'auraient pas droit à
40 $ de l'heure? Poser la question, c'est y répondre. Moi, je suis
admiratif de mes collègues en arrière qui se démènent jour après jour pour
représenter les justiciables les moins riches, les plus démunis de la société.
Honnêtement, assez, c'est assez. Merci.
La Modératrice
: On va
prendre une dernière question en français, s'il vous plaît.
M. Bossé (Olivier) : Mme
Nouraie, vous disiez 330 $ à 550 $. J'ai compris que ça peut être
moins. C'est quoi qui est raisonnable? Qu'est-ce qui serait raisonnable pour un
mandat? Vous allez dire que ça dépend, mais qu'est-ce qui...
Mme Nouraie (Lida) :
Qu'est-ce qui serait raisonnable, c'est que la période de préparation soit
prévue, puis qu'ils soient rémunérés, puis ça donne...
M. Bossé (Olivier) : Ça
représente quoi?
Mme Nouraie (Lida) : Ça va
dépendre. L'équivalence qu'on donne, généralement, une journée de procès
équivaut à une journée de préparation. Donc, ça serait d'à tout le moins
reconnaître les périodes de préparation du dossier.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
M. Nadeau-Dubois : Merci. Merci
à vous.
(Fin à 9 h 56)