(Quatorze heures vingt-six minutes)
Mme Ghazal : Alors,
bonjour, tout le monde. Donc, aujourd'hui, face à l'urgence climatique, au lieu
de nous présenter un plan d'action sérieux qui va nous permettre de réduire nos
gaz à effet de serre puis d'atteindre nos objectifs, le ministre dépose un projet
de loi qui, dans le fond, fait du rebrassage de structures, et ça ne répond pas
tout à fait, peut-être, à l'urgence climatique. Donc, il y a deux éléments
importants qui sont dans le projet de loi, l'abolition de Transition
énergétique Québec et aussi l'abolition du Conseil de gestion du Fonds vert.
Pour ce qui est de Transition énergétique
Québec, TEQ, moi, au Québec, je n'ai pas entendu personne critiquer le travail
de Transition énergétique Québec. Au contraire, par exemple, à Québec solidaire,
dans notre plan de transition, on demandait de leur donner plus de pouvoirs au
lieu d'être uniquement des exécutants de ce que, par exemple, le ministère leur
disait. Là, ce qu'on est en train de faire en l'abolissant puis en mettant toute
cette expertise-là sur la transition à l'intérieur du ministère de l'Énergie et
des Ressources naturelles, c'est exactement un retour en arrière qu'on fait là
et non pas une avancée puisque la transition avant était sous le giron du
ministère de l'Environnement, et ça ne donnait pas de résultat, et c'est une
des raisons pour lesquelles on a mis en place, en 2016, Transition énergétique
Québec.
Et ce qui est important de comprendre, c'est
pourquoi est-ce qu'on l'a mis sous le ministère de l'Environnement, alors qu'on
le sait, que la transition, c'est transversal. Ça touche plusieurs ministères,
notamment les Transports, quand on sait que plus de 40 % des émissions de
gaz à effet de serre sont dues au transport. Pourquoi ce n'est pas dans le
ministère, par exemple, de l'Économie, le ministère de l'Environnement, etc.?
C'est transversal. Et franchement, moi, il y a une question aussi qui me
préoccupe. Est-ce que le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles,
Jonathan Julien, est-ce que lui, il a la crédibilité pour s'occuper de la
transition énergétique? Laissez-moi en douter.
Pour ce qui est de la réforme du Fonds
vert, oui, tout le monde s'entendait au Québec qu'il fallait faire une réforme
pour le Fonds vert. Là, maintenant, ce que le ministre fait, ce que le
gouvernement fait, c'est qu'il abolit le conseil de gestion qui s'assurait que
l'argent allait au bon endroit. Il va falloir que le ministre travaille très,
très fort pour nous convaincre que ça va être mieux géré, cet argent-là, par le
ministère. Est-ce que c'est une bonne idée? Parce que le point le plus
important pour le Fonds vert, c'est que ça soit géré de façon transparente,
qu'il y ait une gouvernance saine et qu'il n'y ait pas d'ingérence politique parce
que le Fonds vert, on se rappelle, c'est près de 2 milliards de dollars. C'est
extrêmement important. Et, si c'est le ministère de l'Environnement qui s'en
occupe, moi, ce qui m'inquiète, c'est qu'au Conseil des ministres il va y avoir
pas mal de gens qui vont vouloir aller piger dans cet argent-là et que ça soit
celui, autour du Conseil des ministres, qui crie le plus fort qui va pouvoir
aller se mettre la main dans le pot puis aller chercher l'argent.
Donc, c'est pour ça, il y a toutes ces
inquiétudes-là. Mais ce qui va être très, très important, c'est qu'on entende
extrêmement rapidement des organismes auxquels le projet de loi aussi donne
plus de pouvoirs, notamment le Commissaire au développement durable. J'aimerais
aussi entendre la direction de Transition énergétique Québec et aussi le comité
consultatif sur les changements climatiques qui a été mis sur pied. Je tiens quand
même, à la fin, à saluer la mise sur pied de ce comité consultatif où il y a
des scientifiques parce qu'il va émettre des avis publics, et donc il va pouvoir
faire peut-être des critiques, et, au moins, ça sera rendu public, et on pourra
dire notre mot là-dessus. Alors, voilà.
M. Bossé (Olivier) : Bonjour.
Olivier Bossé, journal Le Soleil.
Mme Ghazal : Oui, bonjour.
M. Bossé (Olivier) : Ce n'est
pas vous nécessairement, mais ça fait longtemps qu'on se plaint : Le
ministre de l'Environnement n'a pas de pouvoir, pas de pouvoir. Là, il en a, il
va en avoir. Ce n'est pas positif, vous pensez?
Mme Ghazal : Bien, c'est ça,
c'est que l'argent ne va pas... c'est-à-dire qu'il va être géré... Au lieu
d'être géré par un conseil de gestion indépendant, transparent, neutre, eh
bien, ça va être le politique qui va le gérer. Moi, c'est ce que j'entends. Je
n'entends pas uniquement que c'est le ministère de l'Environnement. Le ministre,
je veux dire, il a un boss, et c'est le premier ministre, et il a des
collègues, et c'est les ministres des autres ministères. Et donc qui, après
ça... Comment est-ce que le ministre va... C'est lui qui va faire l'arbitrage?
Qu'est-ce qui va faire qu'il va donner l'argent plus à un ou à l'autre?
Quand on sait que, par exemple, la
question du transport est extrêmement importante parce que c'est là qu'on a la
plus grande émission de gaz à effet de serre, eh bien, est-ce qu'il va en
donner plus pour tous les projets de transport ou, par exemple, à une énergie,
qui n'est pas une énergie de transition, qui est le gaz naturel pour des
projets, par exemple, de gaz naturel? Comment cet objectif-là de réduire les gaz
à effet de serre va être fait? Moi, ce que je vois, c'est que ça va être le politique
qui va mettre les mains dedans, et ça, c'est très, très, très inquiétant. La question
d'enlever la transparence et la neutralité, c'est extrêmement inquiétant.
M. Bossé (Olivier) : Il parlait
de mettre plus d'argent dans l'adaptation aux changements climatiques au lieu
de la réduction.
Mme Ghazal : O.K. Ça veut dire
que, là, ce que je comprends, c'est que le ministre est en train de remettre en
question les objectifs de réduction de gaz à effet de serre auxquels s'est
engagé le Québec. Moi, ce que je l'entends dire jusqu'à maintenant, c'est qu'on
maintient l'objectif qui est de réduire de 37,5 % d'ici 2030. Et donc ça,
il le maintient. Donc, est-ce qu'il est en train de reculer puis dire :
Bien, on va plus... Ce n'est pas grave si on n'atteint pas notre objectif?
C'est pour ça qu'on a lancé l'Ultimatum 2020, à Québec solidaire, pour que... D'ici
le 1er octobre 2020, on s'attend à ce que le gouvernement soumette un plan qui
va nous permettre d'atteindre les objectifs auxquels le gouvernement souscrit.
Donc, est-ce que c'est juste des paroles en l'air ou on veut vraiment les
atteindre?
Maintenant, oui, bien sûr, il faut... on
n'aura pas le choix que de s'occuper aussi puis d'investir dans l'adaptation
des changements climatiques. Ça, c'est sûr et certain, c'est clair, il y a
beaucoup d'argent qui doit être investi là-dedans. Mais il ne faut pas non plus
laisser tomber les objectifs du gouvernement auxquels le Québec s'est engagé
sur le plan international.
Mme Fletcher (Raquel) :Can I just ask you to repeat what your main concern is in English?
Mme Ghazal : Yes, OK. So today we have an emergency, a climate emergency, and
the Government, the Minister of Environment, instead of presenting us a plan, a serious
action plan to reduce our greenhouse gas emissions, he submitted a bill and, in
this bill, he just changed the structure. So he made two main changes. The
first one is to abolish Transition énergétique Québec, TEQ, and the other one
is to abolish Conseil de gestion du Fonds vert.
So, for Transition
énergétique Québec, nobody in Québec said that they are doing a bad job and
it's not sufficient. They exist since 2016. This is a step back from the Government
because, in the past, the transition was a responsibility of the Ministry of
Energy and Natural Resources and there was no result of that. So I'm not sure
it's a good idea to put that transition inside of the Ministry of Energy. Why didn't
they decide to put it inside the Ministry of Transportation
or the Economy? It was very important to have an independent agency who will be responsible of the
transition.
The second big change
that is submitted here in this bill is «le Fonds vert», so the Green Fund. Yes, everybody in Québec agrees that a reform was important on this Green Fund. But the Minister of Environment should convince
us that it's a good thing that this Green Fund will be managed by his Ministry
because it's very, very important that this fund will be managed in a transparent way and that the
«politique» will not put its hands on this fund because it's important that the money will go to the
transition, really, and to permit us to reach the goals of greenhouse emissions
reductions.
So I'm very, very... I
can't wait to hear the specialists during the consultations that will be made
on this bill, for example, Commissaire du développement
durable, also the direction of TEQ and also the
consultative committee on climate change.
Mme Fletcher (Raquel) : So, when you say that, you know, it's going to be a political
decision now because the Minister… I mean, I guess he has a committee to
consult, but he's going to be in charge. What is your concern? That he's going
to give money to his own pet projects?
Mme Ghazal : Well, because how is he going to make this decision? Because, like,
the Ministry has his boss, the Prime Minister, and he has colleagues around the table. So how is he going to do,
like, «arbitrage»? He's going to say: OK, the money should go to this project or this project? The most important thing is that this investment goes
to the transition to be sure that we are going to reach the goals. So it's important that the politicians don't put
their hands in it. The Green Fund is $2 billion. It's a lot of money. So
that's why the transparency and the way to manage that good governance, to
manage this project, should be improved, not put, as in the past, in the hands
of the Ministry. I'm not saying he's not going to do the good thing or the
right thing. It's how the decisions will be made. It's important that the politicians will not take the decisions. These decisions
should be made in an independent and transparent way, and this is... we should
be... He should convince us, you know? I just received it, so we should read
and understand what are the implications, but I am aware of that.
Mme Fletcher (Raquel) : Thank
you.
M. Bossé (Olivier) : Vous avez
l'air à remettre en doute la crédibilité de M. Julien.
Mme Ghazal : Bien, écoutez,
là, M. Julien, il est en charge du projet de loi sur les tarifs d'Hydro-Québec.
Il y a des experts aussi qui nous ont dit que ce projet de loi, le n° 34, sur les tarifs d'Hydro-Québec est en train d'aller à
l'encontre de la transition énergétique. Donc, moi, j'ai hâte... On est maintenant
à l'étape étude détaillée, et il y a beaucoup, beaucoup d'éléments que... Tout
le monde est contre ce projet de loi là, sauf le ministre de l'Énergie et des
Ressources naturelles. Donc, je suis inquiète. Comment est-ce que ça va
avancer? Il nous dit tout le temps, il nous le répète, comme son gouvernement,
que le gaz naturel est une énergie de transition, alors qu'on sait très bien
que le gaz naturel... en tout cas, tout le monde est d'accord que c'est une
énergie fossile. Et les scientifiques nous disent qu'il faut que ça reste dans le
sol, il ne faut pas l'exploiter ni le transporter. Donc, c'est pour ça que moi,
je suis inquiète.
Et, en plus, vous savez, c'est Einstein
qui disait que la folie, c'est de faire toujours la même chose en s'attendant à
des résultats différents. La transition, c'était sous le giron du ministère de
l'Énergie et des Ressources naturelles avant. Et, après ça, on a mis en place
un autre organisme, l'Office de l'efficacité énergétique, qui était sur le bord
même de soumettre un rapport, je pense, à la Régie de l'énergie. On n'a pas eu
le résultat de ça pour savoir si ça fonctionne. Et là il y a eu Transition
énergétique Québec. Et honnêtement, au Québec, là, je n'ai pas... S'il y a une
seule chose qui a été bien faite par le gouvernement précédent, ça a été la
mise en place, en 2016, de Transition énergétique Québec. Et, même au
contraire, nous, dans notre plan de transition qu'on a soumis lors de la
campagne électorale, on disait que Transition énergétique Québec, c'est par là
que la transition doit passer. Il faut leur donner plus de pouvoirs de décider
où investir et non pas : Voici les programmes puis appliquez les
programmes a, b, c. Eux, c'est des experts qui pouvaient même l'amener plus
loin. Ça, ça aurait été un changement intelligent au lieu de dire : Bien,
on va faire comme c'était dans le temps, ça va être le ministre Jonatan Julien
qui nous dit que le gaz naturel, c'est une énergie de transition et qu'il va
s'en occuper. C'est inquiétant.
M. Bossé (Olivier) : Merci.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 14 h 38)